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P artir. Partir à tout prix. Fuir cette société où tout semblait épuisé, cette ambiance « fin de siècle », afin d’inventer là-bas un art nouveau et régénéré. Quand le projet germe à Arles entre Van Gogh et Gauguin, il est encore un rêve. Un rêve sans lieu précis. Qu’importe d’ailleurs ce lieu pourvu que cette Renaissance se fasse loin de la civilisation, par un retour aux sources, une osmose avec un milieu primitif. L’idée d’un ailleurs régénérateur n’est pas nouvelle. Depuis le XVIII e siècle, l’Occident est traversé de l’idée que là-bas, au loin, les choses sont proches d’un état naissant, originel et bon. Les deux compères rêvent donc d’un atelier idéal, d’un phalanstère ouvert à tous ceux que l’aventure tente. Mais, en parcourant la bonne ville d’Arles, si les deux peintres parlent beaucoup de départ, ils ne savent pas trop où aller. Le Tonkin a leurs faveurs. La colonie est récente et le pays semble receler des richesses insoupçonnées. Gauguin pense demander un poste de « vice- président », une sinécure administrative que, à son grand désappointement, il n’obtiendra pas. Probablement aussi à cause d’Odilon Redon, originaire de la Réunion, on parle de Madagascar, dont l’annexion est récente mais le pays encore sauvage. Tous ces beaux projets s’écroulent un soir de folie. L’histoire est connue. C’est celle d’une oreille coupée. Gau- guin fuit Arles avec ses rêves et rentre à Paris. L’atelier des Tropiques ne se fera pas avec l’ami Vincent. Mais l’idée, elle, continue de faire son chemin. Elle se précise probablement lorsque Gauguin visite l’Exposition universelle de 1889. Là, il assiste au triomphe du japonisme et s’attarde dans le campement arabe, l’un des clous de la manifestation. Il a pu aussi visiter les deux petits Pavillons de Tahiti et la section de l’île dans le Pavillon des Colonies, où, a côté des produits de l’île, étaient présentés des produits manufacturés locaux, quelques objets plus tra- ditionnels et des photographies de M me Hoare et de Spitz. Enfin il a dû se rendre au Palais du Trocadéro afin d’y voir ou revoir le musée d’Ethnographie. Le grand public considère toujours ses objets comme barbares mais cer- tains spécialistes commencent à en entrevoir la beauté. Gauguin a surtout lu un roman à la mode, Le Mariage de Loti, histoire boulever- sante et fébrile des amours entre un beau capitaine de vaisseau et une non moins belle vahiné. Il est décidé : ce sera Tahiti, un paradis oublié et sauvage où il pourra vivre heureux, 56 Art Tribal 03 / ÉTÉ AUTOMNE 2003 Gauguin et Tahiti par Philippe Peltier Il y a cent ans, le 8 mai 1903, mourait Paul Gauguin, isolé du monde, dans sa Maison du Jouir, à Atuona, aux îles Marquises. Pour célébrer cet anniversaire, un demi-siècle après la commémora- tion de sa naissance, au musée de l’Orangerie de Paris, en 1949, le musée d’Orsay, la Réunion des musées nationaux et le Museum of Fine Arts de Boston — propriétaire de l’un de ses plus grands chefs-d’œuvre D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? qui, pour la première fois depuis plus de cinquante ans, revient en France — rendent hommage à celui qui, à la veille de sa mort, revendiquait “le droit de tout oser”. Focalisé sur les deux séjours consécutifs de Gauguin à Tahiti (1891-1893) puis aux îles Marquises (1895-1903), cet ensemble exceptionnel est situé dans le contexte ethnographique et artistique océanien grâce à la présentation d’objets polynésiens com- parables à ceux que Gauguin avait pu voir avant ou après son départ dans les mers du Sud.

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Partir. Partir à tout prix. Fuir cette sociétéoù tout semblait épuisé, cette ambiance« fin de siècle », afin d’inventer là-bas

un art nouveau et régénéré.Quand le projet germe à Arles entre Van Goghet Gauguin, il est encore un rêve. Un rêve sanslieu précis. Qu’importe d’ailleurs ce lieupourvu que cette Renaissance se fasse loin dela civilisation, par un retour aux sources, uneosmose avec un milieu primitif. L’idée d’unailleurs régénérateur n’est pas nouvelle.Depuis le XVIIIe siècle, l’Occident est traverséde l’idée que là-bas, au loin, les choses sontproches d’un état naissant, originel et bon. Lesdeux compères rêvent donc d’un atelier idéal,d’un phalanstère ouvert à tous ceux quel’aventure tente.Mais, en parcourant la bonne ville d’Arles, siles deux peintres parlent beaucoup de départ,ils ne savent pas trop où aller. Le Tonkin a leursfaveurs. La colonie est récente et le payssemble receler des richesses insoupçonnées.Gauguin pense demander un poste de « vice-président », une sinécure administrative que, àson grand désappointement, il n’obtiendrapas. Probablement aussi à cause d’OdilonRedon, originaire de la Réunion, on parle deMadagascar, dont l’annexion est récente mais

le pays encore sauvage. Tous ces beaux projetss’écroulent un soir de folie. L’histoire estconnue. C’est celle d’une oreille coupée. Gau-guin fuit Arles avec ses rêves et rentre à Paris.L’atelier des Tropiques ne se fera pas avec l’amiVincent. Mais l’idée, elle, continue de faire son chemin.Elle se précise probablement lorsque Gauguinvisite l’Exposition universelle de 1889. Là, ilassiste au triomphe du japonisme et s’attardedans le campement arabe, l’un des clous de lamanifestation. Il a pu aussi visiter les deuxpetits Pavillons de Tahiti et la section de l’îledans le Pavillon des Colonies, où, a côté desproduits de l’île, étaient présentés des produitsmanufacturés locaux, quelques objets plus tra-ditionnels et des photographies de Mme Hoareet de Spitz. Enfin il a dû se rendre au Palais duTrocadéro afin d’y voir ou revoir le muséed’Ethnographie. Le grand public considèretoujours ses objets comme barbares mais cer-tains spécialistes commencent à en entrevoirla beauté. Gauguin a surtout lu un roman à lamode, Le Mariage de Loti, histoire boulever-sante et fébrile des amours entre un beaucapitaine de vaisseau et une non moins bellevahiné. Il est décidé : ce sera Tahiti, un paradisoublié et sauvage où il pourra vivre heureux,

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Gauguin et Tahiti

par Philippe Peltier

Il y a cent ans, le 8 mai 1903, mourait Paul Gauguin, isolé du monde, dans sa Maison du Jouir, àAtuona, aux îles Marquises. Pour célébrer cet anniversaire, un demi-siècle après la commémora-tion de sa naissance, au musée de l’Orangerie de Paris, en 1949, le musée d’Orsay, la Réunion desmusées nationaux et le Museum of Fine Arts de Boston — propriétaire de l’un de ses plus grandschefs-d’œuvre D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? qui, pour la première foisdepuis plus de cinquante ans, revient en France — rendent hommage à celui qui, à la veille de samort, revendiquait “le droit de tout oser”. Focalisé sur les deux séjours consécutifs de Gauguin àTahiti (1891-1893) puis aux îles Marquises (1895-1903), cet ensemble exceptionnel est situé dans lecontexte ethnographique et artistique océanien grâce à la présentation d’objets polynésiens com-parables à ceux que Gauguin avait pu voir avant ou après son départ dans les mers du Sud.

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Paul Gauguin,Nave navemahana (Jourdélicieux).Huile sur toile,1896. 95 x 130 cm.Lyon, musée desBeaux-Arts.© Réunion desmusées nationaux.

Gauguin-Tahiti « L’atelier des tropiques »

loin de tout et de tous, et petit à petit se faireoublier. Devenir un sauvage parmi les sau-vages.Comme l’argent lui manque, il demande unemission gratuite au ministère de l’Instructionpublique et des Beaux-Arts. La mission estacceptée. Il s’embarque donc le 1er avril 1891à Marseille à bord de L’Océanien commepeintre officiel de la République, chargé decapter la beauté des paysages et des gens. Quand il arrive à Tahiti, le 9 juin, plusieursmauvaises surprises l’attendent. Sa rencontreavec le gouverneur de l’île, Lacascade, se

passe mal. L’administration redoute en cettefigure originale un espion de Paris. On seméfie de lui, l’accueil est des plus réservés.Quant à Papeete, on est loin de la descriptionidyllique qu’il a pu lire dans le guide de Hen-rique, ouvrage de propagande édité à l’occa-sion de l’Exposition universelle. Papeete, avecson kiosque à musique et ses bars pour colo-niaux, ressemble à une somnolente petite villede province perdue sous les Tropiques. Le seulendroit un peu animé est le marché où circu-lent tous les potins et où, le soir, s’échangenttoutes les faveurs. Enfin, depuis plusieurs

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jours, la ville est en attente d’une mauvaisenouvelle : l’annonce de la mort du dernier roide Tahiti, Pomaré V. Ses funérailles marque-ront, aux yeux de Gauguin, la fin d’unmonde : « Il y avait un roi de moins et avec luidisparaissaient les derniers vestiges d’habi-tudes maories. C’était bien fini : rien que descivilisés. J’étais triste ; venir de si loin pour…Arriverais-je à trouver une trace de ce passé siloin, si mystérieux ? Et le présent ne me disait

rien qui vaille. Retrouver l’ancien foyer, raviverle feu au milieu de toutes ces cendres. Et toutcela bien seul, sans aucun appui. »La désillusion est totale. Le Paradis qu’il espé-rait, la sauvagerie qu’il croyait trouver n’existepas. Bien au contraire, il est confronté à unecaricature de la pire société coloniale : un petitgroupe de quelque trois cents colons blancsdont les intérêts divergents engendrent sou-vent des conflits. Cette société blanche vit en

Paul Gauguin,Manao tupapao(L’Esprit des mortsveille).Huile sur toile,1892. 72,39 x 92,39 cm.Albright-Knox ArtGallery, Buffalo,New York.Coll. A. CongerGoodyear.© Réunion desmusées nationaux.

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Paul Gauguin, Tenave nave fenua(Terre délicieuse).Huile sur grossetoile, 1892. 92 x 73,5 cm.

Ohara Museum ofArt, Kurashiki,Japon.© Réunion desmusées nationaux.

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Gauguin-Tahiti « L’atelier des tropiques »

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Paul Gauguin,Idole à la perle.Statuette en boisde tamanu, perleset or, 1892.Paris, musée d’Orsay.© Réunion desmusées nationaux.Photo H. Lewan-dowski.

Paul Gauguin,Idole à la coquille.Sculpture en boisde tua, nacre, dentet os, 1892.Paris, musée d’Orsay.© Réunion desmusées nationaux.Photo G. Blot.

Paul Gauguin,Ancien cultemahorie.Manuscrit, encreet aquarelle, 1892-1893. 21,4 x 17 cm.Paris, Musée duLouvre, départe-ment des arts graphiques.© Réunion desmusées nationaux.Photo M. Bellot.

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Paul Gauguin,Saint Orang.Sculpture en boismiro, 1902-1903.Paris, musée d’Orsay.© Réunion desmusées nationaux.Photo R. G. Ojeda.

Paul Gauguin,Coupe creuse stylemaori.Sculpture en boisde tamanu, vers 1891.Paris, musée d’Orsay.© Réunion desmusées nationaux.

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Gauguin-Tahiti « L’atelier des tropiques »

Paul Gauguin,Tehura (tête detahitienne).Masque en boisde pua poly-chrome et doré,vers 1891-1893.

H. : 22,2 cm.Paris, muséed’Orsay.© Réunion desmusées nationaux.Photo G. Blot.

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Paul Gauguin,cadre contenantune photo d’unguerrier des îlesMarquises.Bois de séquioapolychrome peint,1901-1903.Paris, musée d’Orsay.© Réunion desmusées nationaux.Photo H. Lewan-dowski.

Paul Gauguin,lettre illustrée àDaniel de Mon-freid, février 1898.Encre sur papier.Musée du Louvre,département desarts graphiques.© Réunion desmusées nationaux.

Maori buvant àune chute d’eau.Photographie,tirage albuminé deGeorge Spitz,1888, tirage albu-miné. 22 x 14 cm.Coll. particulière.© Réunion desmusées nationaux.

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suivant ses propres rites, loin de la société tahi-tienne. Pour ne rien arranger, la vie est chère.Très chère. Dans ses lettres, Gauguin se plaintd’être toujours à court d’argent, de ne pasmanger à sa faim. Et pourtant, face à cetteduperie sociale, Gauguin ne partira pas versdes îles plus sauvages. Il aurait pu les trouversans difficulté, comme l’avait fait Robert LouisStevenson quelques années plus tôt. Mais trèsvite, comprenant qu’il ne peut rien attendrede ce petit milieu fermé, il fuit Papeete et s’ins-talle dans un faré, une maison traditionnelleinstallée dans une baie sous les cocotiers. Il nepart pas seul. Comme les officiers de marinelors de leurs escales prolongées dans cetteNouvelle Cythère pervertie, il vit avec unevahiné qu’il installe dans son nouveau refuge. Tahiti n’a jamais été une île à la culture maté-rielle prolifique. Les premiers marins s’étonnè-rent du peu d’objets qui se trouvaient dans lesmaisons : quelques plats aux formes trèssimples, des piles de nattes, quelques objetsusuels dont les plus élaborés indiquaient lestatut du personnage qui s’en servait. Sur lesmarae, ces grands temples dédiés auxancêtres fondateurs des clans, il n’existait pasde grandes figures sculptées comme on pou-

vait en trouver aux Marquises. C’est dans uneautre forme d’art que l’île trouvait son expres-sion la plus accomplie : les chants et lesdanses. Ces deux formes d’expression affolè-rent les missionnaires qui voyaient dans leursrythmes frénétiques et leur gestique allusiveune invitation à tous les débordements. Hau-tement réprouvées, elles furent rapidementinterdites. Depuis le début du XIXe siècle, lesindigènes sont sous le contrôle de la puissantemission protestante qui n’a eu de cesse defaire disparaître les cultes locaux et toute tracede paganisme. À l’époque de Gauguin, leséglises se remplissaient tous les soirs et réson-naient de cantiques, ces sages himéné (chants)à la gloire du Dieu unique. Installé dans son nouveau faré — au cours deson séjour tahitien, il changera plusieurs foisde lieu d’habitation — Gauguin observe, note.Il tente de comprendre les gens. Dans une deses premières lettres à sa femme, Mette, ilavouera que les Tahitiens lui apparaissentimpénétrables, « mystérieux à l’infini ». Maisn’est-ce pas ce mystère qu’il est venu cher-cher ? Pour en rendre compte, il entreprendune série de toiles dont les titres sont autantde questions : Où vas-tu ?, Eh quoi tu es

Deux jeunes tahi-tiens se tenant parl’épaule.Photographie dePaul-Émile Miot,1869, épreuvealbuminée d’aprèsun négatif au col-lodion. 23,5 x 16,3 cm.Coll. S. Kakou,Paris.

Jeunes tahitiennestressant un cha-peau.Photographie deLemasson, 1890,tirage moderne. 13 x 18 cm.Centre desarchives d’Outre-mer.Fonds Lemasson,Aix-en Provence.© Réunion desmusées nationaux.

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Gauguin-Tahiti « L’atelier des tropiques »

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jalouse ?, etc. Par ces fragments de vie quoti-dienne, par cette analyse picturale d’instants,Gauguin fait œuvre d’ethnographe. Par lesattitudes et les questions que les villageoisposent quotidiennement, par le rendu desexpressions, il tente de traduire la psychologietahitienne. Mais pour réveiller l’art et la société maorianciens, maintenant enfouis sous la cendredes temps modernes, Gauguin doit trouverd’autres sources. Les temps immémoriaux sontmorts et bien peu de gens s’en souviennent. Ilse plonge donc dans la lecture d’écrits devoyageurs. Il a deux textes à sa disposition.Celui de Moerenhout (livre qui lui fut prêté parGoupil) et l’article de Bovis, republié en 1892dans l’Annuaire de Tahiti. Mille petitesremarques sur les croyances des Tahitiens etleurs coutumes l’intéressent, mille analyses etparallèles dressés par les auteurs attirent sonattention. Mais il comprend surtout que lepanthéon est complexe — nous allons y reve-nir — et que la nature est traversée de signesqui manifestent aux yeux des Tahitiens la pré-sence de multiples esprits : « Outre les grandsdieux, qui étaient les habitants des régionssupérieures, surveillans (sic) invisibles des êtreset des productions de la terre, ils comptaientun nombre infini d’autres divinités locales,dont les unes résidaient dans les eaux, lesautres dans les bois, au sommet des mon-tagnes, au fond des précipices ou sur lesrochers escarpés […] mais renchérissant, à cetégard, sur tous les peuples de la Terre, noncontents d’attribuer à chaque objet, à chaquesubstance, à chaque lieu, une intelligence, ungardien qui s’y tenait et l’administrait, chaquesituation, chaque état, chaque travail del’homme avait sa divinité tutélaire et protec-trice. » Ce sont ces signes que Gauguin tente de tra-duire dans quelques toiles. L’une des plusconnues est probablement Manao Tupapau(Elle pense aux revenants ou l’esprit des mortsveille - 1892). Mais Gauguin se heurte ici à unproblème majeur : comment rendre manifestece qui n’est pas visible ? Quelles formesdonner aux esprits, ces tupapau que seuls lesTahitiens sont capables de percevoir ? Pourrépondre à cette question Gauguin invente.Dans le cas présent, des inflorescences parsè-ment le fond mauve de la toile, inflorescencesqui ajoutent leurs inquiétantes présences àune atmosphère étouffée et à l’expressioneffrayée du nu allongé sur le lit.

Au fil de ses toiles, Gauguin multiplie cessignes, ces apparitions. L’effet l’intéresse. Nonseulement parce qu’il croit ainsi traduire lamentalité tahitienne, mais aussi parce que,imprégné qu’il est de l’école symboliste, unchamp nouveau s’ouvre à lui. Il lui revient d’in-venter un nouveau système d’équivalences, etde rendre manifestes, par tout un vocabulairenouveau, des us et coutumes surprenants. Gauguin se rend vite compte que les moyensqu’il utilise pour exprimer un monde dont lescoutumes et les références sont aux antipodesde la société occidentale nécessitent un moded’emploi. D’où le projet de rédiger un livre. Cesera Noa Noa. Gauguin en entame la rédac-tion lors de son retour à Paris. Noa Noa n’estpas seulement un récit de voyage. C’est uneexplication de ce qu’il a voulu faire et dire. Unesorte de testament. Sa forme même l’indique :Gauguin mélange au texte dessins, gravures,photos, grattages, toutes sortes de référencesqui en font une œuvre totale, un livre monde.Gauguin inaugure ainsi une pratique qui seracourante chez les artistes dans le siècle qu’ilannonce. Un deuxième livre voit le jour. Il a pour titreAncien culte maori. Il contient de longs frag-ments de légendes que Gauguin prétendaitavoir recueillis de la bouche de sa vahiné, maisqu’en fait il a plus sûrement recopiés du livrede Moerenhout. Pour donner plus de véracitéà son texte, Gauguin retranscrit de largesextraits en tahitien — une langue qu’il possé-dait probablement mieux que ce que certainsauteurs ont bien voulu laisser croire. Contrai-rement à Noa Noa, livre épais et dont il existedeux versions, Ancien culte maori se présentesous la forme d’un modeste cahier d’écolier.Mais cette apparence modeste ne doit pascacher l’importance du texte qu’il contient. SiGauguin ne retranscrit pas tout le panthéontahitien — panthéon dont la complexité estpropre à effrayer plus d’un chercheur ! —, ilen extrait quelques mythes et plus particuliè-rement ceux qui sont en relation avec un pro-blème qui le hante : l’origine de la Terre et deshommes et leur destinée. Ainsi il privilégie lesfigures de Ta’aroa, de Oro, de Vaïraumati oude Hina et Téfatou. Ces deux derniers dieuxretiennent plus particulièrement son attention.Hina, déesse de la Lune, est associée à la fémi-nité et à la fécondité. Quant à Téfatou, il est ledieu de la terre. Autour de ces quelquesfigures, paires complémentaires et opposées, ilbrode de nombreuses variantes qui seront le

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sujet d’une série de tableaux. Ancien culte maori est illustré de multiplesdessins. Certains semblent être des allégories,difficiles à interpréter, d’autres sont plusproches des illustrations. Dans ces dessins, lesfigures des dieux oscillent entre une représen-tation naturaliste et une interprétation dessculptures polynésiennes. Car attribuer une

source précise à ces figures relève de l’impos-sible. Tahiti, nous l’avons vu, était pauvre ensculptures. Gauguin a cherché des modèlesailleurs, plus particulièrement dans l’art desîles Marquises et à l’île de Pâques. Puis il opèreun heureux mélange, empruntant un trait iciou là. Où a-t-il trouvé ces modèles ? Mystère.Il existait bien quelques collections à Tahiti,

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Gauguin-Tahiti « L’atelier des tropiques »

Tahitiennes enrobe mission(Hyménée etLane).Photographie dePaul-Émile Miot,1870, tirage albuminé.16,5 x 20,2 cm.Coll. S. Kakou,Paris.© Réunion desmusées nationaux.

Famille royale deVahitao (île Made-leine, Marquises),à bord de L’Astrée.Photographie dePaul-Émile Miot,1869, tirage albuminé. 24 x 20,2 cm.Coll. privée.© Réunion desmusées nationaux.

Album Noa Noa.Femme tahitienneet couples dans lanature.Gravure sur boisen couleurs,impression Gauguin.The Art Instituteof Chicago, Chicago.© Réunion desmusées nationaux.

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*Diadème d’écaille,pa’e he’a ou pa’e kaha,îles Marquises.Fin bandeau de fibrestressées sur lequel sontcouses de fines lamellesde nacre où sont appli-quées de mincesfeuilles d’écaille décou-pées, surmonté deplaques taillées dans dutridacne alternant avecdes plaques d’écaillegravées.Fibres végétales, nacre,

tridacne et écaille detortue.L. : 51 cm. H. : 6 cm.© Musée de l’Homme,Paris. MH.78.1.62.Photo J. Ch. Mazur.

*Plat tanoa à kava(boisson consomméepar les hommes, légère-ment narcotique, réali-sée à partir du Pipermethysticum), îles Mar-quises.Ornés de tikis, ce platse termine par le mêmetype de tête que celleornant la proue despirogues de guerre. Cesplats pouvaient servirparfois à transporterles crânes.

Bois. L. : 54 cm.l. : 20,5 cm. H. : 10 cm.© Musée de l’Homme,Paris. MH.87.31.9.Photo M. Delaplanche.

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mais limitées en nombre d’objets et de sur-croît difficiles d’accès. Les carnets de dessinsque nous possédons ne renferment que derares croquis. L’exemple le plus connu est ledessin d’une boucle d’oreille dont il réutiliserale motif pour en faire la barrière de Parahi teMarae ( Là est le temple - 1892). Il existecependant une exception remarquable dansson œuvre : le carnet dit d’Auckland. Lors deson second voyage, Gauguin doit attendrependant quinze jours à Auckland le bateau quidoit le ramener à Tahiti. Auckland est alorsune petite ville qui n’offre pas de grandes dis-tractions. C’est donc tout naturellement quele peintre se rend au musée de Prince Street.Là, il découvre les objets maori dont unegrande pirogue de guerre qui l’impressionnefortement. Dans le musée, Gauguin dessine,ou plutôt croque ce qui l’intéresse. Ces croquisindiquent ce qui le fascine dans l’art du Paci-fique. Non pas l’objet en lui-même, mais unmotif, une figure. Cette attention aux motifsse retrouve dans une page de Noa Noa où il acollé un grattage effectué sur une gourde

gravée des Marquises. Gauguin s’expliqued’ailleurs de cette approche dans un de sesécrits : « Chez le Marquisien il y a un sensinouï de la décoration […] La base en est lecorps humain ou le visage. Le visage surtout.On est étonné de trouver un visage là où l’oncroyait à une figure étrange géométrique. » Le texte est explicite : c’est la façon dont lesMaoris font émerger d’un lacis décoratif unefigure humaine qui l’étonne. C’est donc moinsl’objet qui l’intéresse qu’un certain nombre dedétails. Puis Gauguin opère par collage. Ilprend un motif ici, une forme là, les trans-forme et les intègre dans une autre structure.Il opère par déplacement.La toile du musée de Boston, D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?,toile qui sera la pièce maîtresse de l’expositiondu Grand Palais, est construite, bien qu’à uneautre échelle, sur le même procédé de collage.Comme son titre ambitieux l’indique, Gauguinconsidérait cette toile comme son testamentpictural. Il achève l’œuvre en décembre 1897.Il est alors au bout du rouleau. Il se sent isolé,

*Boîte destinée àla nourriture etplus spécialementà conserver lesmets d’un chef.Îles Marquises.Bois. L. : 46 cm.l. : 27 cm.

© Musée del’Homme, Paris.Photo J. Ch.Mazur.

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souffre le martyre à cause d’une plaie à lajambe et de crises d’eczéma. Une fois letableau terminé, Gauguin tente de mettre finà ses jours. Sa tentative cependant échoue. Ilnous reste cette toile, « peinte de chic », quirésume sa philosophie et sa vision du monde.L’œuvre est difficile à lire. Elle est obscurcie parla juxtaposition d’éléments hétérogènes : lavielle femme, à gauche, recroquevillée sous laforme d’une momie inca vue à l’Expositionuniverselle de 1889, voisine avec la figure cen-trale issue d’un dessin alors attribué à Rem-brandt mais qui fait penser aussi à une desfigures du Printemps de Botticelli, et avec dessymboles inhabituels, tel un oiseau blanc quin’appartient pas à la faune tahitienne. Dansune lettre envoyée en juillet 1901 à son amiCharles Morice, Gauguin livre la clé de cettelongue frise faite d’accumulations : l’œuvredoit être lue comme un commentaire sur lecycle de la vie. Il refuse néanmoins d’en four-nir le sens ultime. Il conclut : « Des attributsexplicatifs — symboles connus — figeraient latoile dans une triste réalité, et le problèmeannoncé ne serait plus un poème. »Pour lui, conserver le sens poétique des chosesc’est préserver leur indispensable mystère.La figure bleutée qui se trouve légèrement àl’arrière-plan, décalée sur la gauche, est unbon indice du rapport au primitivisme de Gau-guin. La figure a les bras levés. Hiératique, elleest identifiée comme une sculpture de pierre,une divinité barbare, figée là pour l’éternité.Mais les historiens de l’art chercheront en vain,dans le répertoire mondial de la sculpture, unestatue dont les traits stylistiques se rappro-chent de ceux de cette divinité. Il faut bien s’yrésoudre : cet être de pierre flotte entre plu-sieurs mondes. Gauguin a emprunté à de mul-tiples sources pour former une divinitéhybride. À son départ de Paris, il a emportéavec lui tout un petit monde d’amis, des pho-tographies d’œuvres qu’il admire ou qu’ilaime. Ce petit musée portatif (Gauguin inau-gure ainsi une pratique qui deviendra courantepour les artistes du XXe siècle) contient aussibien une fresque égyptienne de la XVIIIe dynas-tie que des sculptures du Parthénon, de lacolonne Trajan ou du temple de Borobudur. Lepeintre puise largement dans ce monded’amis. À partir de lui, il recopie, transpose,transforme. Il condense et, brouillant le fillogique de la lecture, ouvre de nouveaux sensobscurs mais poétiques.La déesse de D’où venons-nous ?… naît de ce

Paire d’échassestiki tapuvae. ÎlesMarquises.Bois et fibres.H. : 194 cm.© Musée del’Homme, Paris.Photo D. Ponsard.

*Ornement de poi-trine, îles Mar-quises.Plumes, cordeletteen fibres, dentsd’otoncèle etperles de verre. L. : 70 cm.© Musée del’Homme, Paris.MH.87.31.15.Photo J. Ch.Mazur.

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procédé de condensation. Les sources pos-sibles de la figure ne sont cependant pas inno-centes. L’analyse de la figure permet effective-ment de discerner des traits orientaux mâtinésde quelques traits polynésiens. Cette conden-sation cache toute une réflexion sur l’histoire,l’origine des peuples et un commentaire sur lanaissance du sentiment religieux, problèmequi intéresse Gauguin au plus haut point. À la fin du XIXe siècle, les milieux scientifiquesétaient en plein débat sur l’origine des popu-lations polynésiennes. La théorie le plus sou-vent admise par de nombreux savants tenaitpour à peu près certain que les Tahitiensétaient arrivés sur l’île à une date récente.Bovis parle de vingt générations. Mais cettethéorie ne coïncide pas avec l’idée que l’on sefait alors du système religieux tahitien donttous les auteurs se plaisent à souligner l’an-cienneté. Pour résoudre ce paradoxe, on com-mence alors à évoquer des migrations succes-sives en provenance du sud-est asiatique. Surun fond plus ancien, ces migrations succes-sives ont l’avantage d’expliquer l’étrangeté dusystème religieux tahitien qui ne peut être quele résultat de la dégénérescence de croyancesanciennes. Pour retrouver le système religieux en son étatpremier, il faut donc remonter à ses sources :l’Orient indo-javanais. Or c’est à ce retour auxsources, à la forme primitive du système reli-gieux que Gauguin s’attache. Sous le glacisdes cultures locales, il veut retrouver les strates

Casse-tête ‘u’u. Îles Marquises.Bois de fer.H. : 164,5 cm.© Musée del’Homme, Paris.Photo D. Ponsard.

*Bandeau frontaluhi kana, îlesMarquises.Fin bandeau defibres tressées surlequel sont cou-sues de fineslamelles de nacresur lesquelles sontappliquées deminces feuillesd’écaille décou-pées.Fibres de coco,nacre et écaille detotue. L. : 41 cm.H. : 14,5 cm.© Musée del’Homme, Paris.MH.30.51.21.Photo J. Ch.Mazur.

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Gauguin-Tahiti « L’atelier des tropiques »

Page 15: At03 Gauguin

*Haut de poteaude case représen-tant un tiki. ÎlesMarquises.Bois. H. : 76 cm.Coll. privée.© Musée del’Homme, Paris.Photo J. Guillot.

Ornementd’oreille pu taianapour homme. ÎlesMarquises.Os de cachalot.L. : . H. : .© Musée del’Homme, Paris.MH.50.30.529.Photo. D. Ponsard.

Ivipo’o. Îles Mar-quises.Os.© Musée del’Homme, Paris.Photo D. Ponsard.

Page 101 en bas.*Éventail. ÎlesMarquises.Vannerie, fibres etbois. H. : 46 cm.© Musée del’Homme, Paris.MH.87.31.23.Photo J. Ch.Mazur.

70 Art Tribal 03 / ÉTÉ AUTOMNE 2003

Philippe Peltier

Page 16: At03 Gauguin

*Conque marineputoka ou putona,îles Marquises. Les tresses de sus-pension sontornées de deuxtouffes de cheveuxmaintenues cha-cune par un tikien os sculpté. Cestrompes étaientdestinées auxannonces impor-tantes et à l’encou-ragement desguerriers.Coquillage (Cha-ronia tritonis),fibres, chevuex etos. L. : 39,5 cm.Collectée parl’amiral Dupetit-Thouars en 1836-1839.© Musée del’Homme, Paris.MH.30.44.54.Photo M. Dela-planche.

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Moai kavakava.Île de Pâques.Bois, coquillage etfibre. H. : 30 cm.© Musée del’Homme, Paris.Photo D. Ponsard.

Tiki en pierre.Îles Marquises.© Musée del’Homme, Paris.Photo D. Ponsard.

Enseigne detatoueur.Îles Marquises.Bois. H. : 88. l. : 26 cm.© Musée del’Homme, Paris.Photo D. Ponsard.

72 Art Tribal 03 / ÉTÉ AUTOMNE 2003

Philippe Peltier

Page 18: At03 Gauguin

anciennes. Reprenant l’idée d’une originejavanaise, il fait des Tahitiens contemporainsdes parents des personnages sculptés sur lesreliefs de Borobudur. Pour lui, retrouver cettefiliation, c’est aussi exprimer l’universalité del’humanité. Mieux, peindre les dieux tahitienssous des traits asiatiques, c’est régénérer desdieux et des croyances dont la mort étaitannoncée. Car tout le monde alors le croit ouplutôt le constate : les populations tahitienneet marquisienne sont vouées à une disparitionprochaine. Une disparition due à la maladie etaux abus divers (l’alcool et l’opium, qui est envente libre, font des ravages) mais aussi, pourcertains, à la faiblesse de leur croyance. Face àcette situation, Gauguin se présente commeun missionnaire des temps futurs. Il veutsauver les populations maori de l’oubli, il veutrégénérer leurs croyances en les revivifiant àleurs propres sources. Il veut inventer un nou-veau monde. Face à cette mission, on ne s’étonnera doncpas de trouver des références faites d’amal-games ou de transformations. Le primitivismede Gauguin ne saurait se limiter à la seuleadmiration de l’art marquisien ou tahitien.

L’art des îles n’est qu’une composante, un deséléments d’un vaste édifice qu’il reste àconstruire.

Les illustrations précédées d’un * ne serontpas exposées au Grand Palais.

Gauguin-Tahiti « L’atelier des tropiques »3 octobre 2003-19 janvier 2004Galeries nationales du Grand PalaisSquare Jean Perrin75008 ParisInformations : 01 44 13 17 17Cette exposition, organisée par la Réunion desmusées nationaux, le musée d’Orsay, Paris et leMuseum of Fine Arts, Boston, sera présentée àBoston du 29 février au 20 juin 2004.

*Gravure représen-tant un hommetatoué. Îles Mar-quises.Georg Heinrichvon Langsdorff,Voyages and Tra-vels in VariousParts of the Worldduring 1803-1807,Londres, 1813.© Musée del’Homme, Paris.

*Gravure représen-tant un guerriertatoué de NukuHiva, 1804.Adam Johann vonKrusenstern, Reiseun die Welt in denJahren 1803-1806,Saint-Petersbourg,1810-1812, 3 vols.© Musée del’Homme, Paris.

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Gauguin-Tahiti « L’atelier des tropiques »

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