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Florence Weber, Alexandre Lambelet Introduction : ethnographie réflexive, nouveaux enjeux Pour citer cet article : Florence Weber, Alexandre Lambelet. Introduction : ethnographie réflexive, nouveaux enjeux, ethnographiques.org, Numéro 11 - octobre 2006 [en ligne]. http://www.ethnographiques.org/2006/Lambelet,Weber.html (consulté le [date]). Qu’attendons-nous aujourd’hui, pour la connaissance des faits sociaux, de l’ethnographie réflexive [1], cette méthode d’enquête et d’analyse qui repose sur l’attention que porte l’enquêteur à sa position dans les univers indigènes et à la traduction qu’il opère lorsqu’il intervient comme chercheur dans les univers académiques ou politiques ? Qu’attendons-nous de la confrontation entre cette ethnographie réflexive, venue de l’anthropologie sociale et de la sociologie interactionniste, et les méthodes quantitatives, qu’il s’agisse de l’enquête par questionnaire ou de l’usage des statistiques ? Le dossier de sept articles qui compose la première partie de ce numéro permettra un premier état de ces nouveaux enjeux, liés au succès croissant de la méthode ethnographique, sortie du cercle restreint des anthropologues de métier pour alimenter aujourd’hui d’autres disciplines (non seulement la sociologie mais aussi la psychologie, l’ergonomie ou le management) qui produisent des connaissances parfois plus approfondies mais parfois aussi plus partiales des sociétés contemporaines. Il montrera aussi l’intérêt, pour l’anthropologie, d’utiliser à nouveau des méthodes quantitatives, qui souffrent d’un ostracisme relativement récent dans la discipline [2]. Ce dossier est né dans la foulée de la deuxième conférence internationale Ethnografeast, sous-titrée « La fabrique de l’ethnographie », qui s’est tenue à Paris du 16 au 19 novembre 2004. Cinq des sept articles publiés dans ce dossier y ont été présentés, parmi la trentaine de communications réunies lors de cette conférence organisée par Florence Weber, Loïc Wacquant et Alban Bensa, avec le soutien du Laboratoire de Sciences sociales de l’Ecole normale supérieure, de la revue Ethnography et du Laboratoire Genèses et Transformations des Mondes Sociaux, ainsi que de plusieurs partenaires français et américains (le CNRS et la Fédération Paris-Jourdan, l’INRA et l’UMR CAESAR INRA-ENESAD de Dijon, les éditions La Découverte et Sage Publications, le French Studies Program of UC-Berkeley et l’Institute of French Studies of New York University). La première conférence Ethnografeast s’était tenue à Berkeley en 2002, la troisième se tiendra à Lisbonne en 2007, sous l’énergique impulsion de Loïc Wacquant. Berkeley, Paris, Lisbonne : trois capitales de l’ethnographie sociologique [3], unies par une même intention : célébrer les vertus d’innovation et de rigueur d’une méthode qui a voyagé entre les disciplines, rendre visible et montrer l’efficacité d’une série de tâches qui sont restées longtemps invisibles dans l’anthropologie classique et suspectes aux yeux des partisans des méthodes quantitatives. L’extraordinaire vitalité des recherches ethnographiques à l’échelle internationale a de quoi surprendre si l’on se reporte une quinzaine d’années en arrière, à un moment où la tradition ethnographique souffrait d’un manque de légitimité, comparée à la lecture critique des archives, solide roc des historiens depuis la fin du 19 ème siècle, et aux méthodologies quantitatives,

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  • Florence Weber, Alexandre Lambelet

    Introduction : ethnographie rflexive, nouveaux enjeux

    Pour citer cet article :

    Florence Weber, Alexandre Lambelet. Introduction : ethnographie rflexive, nouveaux enjeux, ethnographiques.org, Numro 11 -octobre 2006 [en ligne]. http://www.ethnographiques.org/2006/Lambelet,Weber.html (consult le [date]).

    Quattendons-nous aujourdhui, pour la connaissance des faits sociaux, de lethnographie rflexive [1], cette mthode

    denqute et danalyse qui repose sur lattention que porte lenquteur sa position dans les univers indignes et la

    traduction quil opre lorsquil intervient comme chercheur dans les univers acadmiques ou politiques ? Quattendons-nous

    de la confrontation entre cette ethnographie rflexive, venue de lanthropologie sociale et de la sociologie interactionniste, et

    les mthodes quantitatives, quil sagisse de lenqute par questionnaire ou de lusage des statistiques ? Le dossier de sept

    articles qui compose la premire partie de ce numro permettra un premier tat de ces nouveaux enjeux, lis au succs

    croissant de la mthode ethnographique, sortie du cercle restreint des anthropologues de mtier pour alimenter aujourdhui

    dautres disciplines (non seulement la sociologie mais aussi la psychologie, lergonomie ou le management) qui produisent

    des connaissances parfois plus approfondies mais parfois aussi plus partiales des socits contemporaines. Il montrera aussi

    lintrt, pour lanthropologie, dutiliser nouveau des mthodes quantitatives, qui souffrent dun ostracisme relativement

    rcent dans la discipline [2].

    Ce dossier est n dans la foule de la deuxime confrence internationale Ethnografeast, sous-titre La fabrique de

    lethnographie , qui sest tenue Paris du 16 au 19 novembre 2004. Cinq des sept articles publis dans ce dossier y ont t

    prsents, parmi la trentaine de communications runies lors de cette confrence organise par Florence Weber, Loc

    Wacquant et Alban Bensa, avec le soutien du Laboratoire de Sciences sociales de lEcole normale suprieure, de la revue

    Ethnography et du Laboratoire Genses et Transformations des Mondes Sociaux, ainsi que de plusieurs partenaires franais

    et amricains (le CNRS et la Fdration Paris-Jourdan, lINRA et lUMR CAESAR INRA-ENESAD de Dijon, les ditions La

    Dcouverte et Sage Publications, le French Studies Program of UC-Berkeley et lInstitute of French Studies of New York

    University). La premire confrence Ethnografeast stait tenue Berkeley en 2002, la troisime se tiendra Lisbonne en

    2007, sous lnergique impulsion de Loc Wacquant. Berkeley, Paris, Lisbonne : trois capitales de lethnographie sociologique

    [3], unies par une mme intention : clbrer les vertus dinnovation et de rigueur dune mthode qui a voyag entre les

    disciplines, rendre visible et montrer lefficacit dune srie de tches qui sont restes longtemps invisibles dans

    lanthropologie classique et suspectes aux yeux des partisans des mthodes quantitatives.

    Lextraordinaire vitalit des recherches ethnographiques lchelle internationale a de quoi surprendre si lon se reporte une

    quinzaine dannes en arrire, un moment o la tradition ethnographique souffrait dun manque de lgitimit, compare

    la lecture critique des archives, solide roc des historiens depuis la fin du 19me

    sicle, et aux mthodologies quantitatives,

  • continent dvelopp au croisement des sciences de la nature et des sciences de lhomme tout au long du 20me

    sicle. Au

    milieu des annes 1990 en effet, on pouvait supposer que lethnographie allait se fondre dans un ensemble mou constitu

    par toutes les sciences qui se dclaraient rfractaires la quantification, de la critique littraire lanthropologie en passant

    par la tradition des essais brillants et fragiles et par les investigations journalistiques. Aujourdhui, et lchelle mondiale, la

    discipline anthropologique a dpass les impasses du rcit de soi, une nouvelle spcialit la sociologie de la quantification

    a remis en question la fausse rigueur des chiffres incontests et la mthode ethnographique a montr son pouvoir

    dcapant et critique en sattaquant aux institutions et aux lieux du pouvoir. Ce dossier tmoigne, sa mesure, de lintrt et

    des limites de la rflexivit ethnographique et ouvre plusieurs perspectives dvolution du travail empirique, au croisement

    des disciplines et des spcialits.

    Ce sont les intrts de recherche et les affinits intellectuelles qui expliquent, pour lessentiel, le regroupement de ces sept

    articles. Leurs auteurs appartiennent une gnration bien diffrente de la prcdente, pour qui, comme le rappelle

    opportunment Janet Carsten dans le premier article de ce dossier, lethnographie restait un credo dont il tait inutile de

    dvoiler les conditions pratiques et dinterroger les fondements pistmologiques. Ils appartiennent la gnration de

    lethnographie chez soi, habitue aux dlices de la distanciation plus quaux risques de la familiarisation, accoutume

    lexercice de la rflexivit. L encore, le bilan queffectue Janet Carsten de lethnographie de la parent elle qui est passe

    de la Malaisie lEcosse et lit aujourdhui avec le mme enthousiasme des ethnographies anglaises, amricaines et chinoises

    met en perspective critique le tournant qua connu lethnographie depuis deux dcennies, passant de la magie de

    limmersion en terrain exotique lanalyse textuelle en terrain occidental. la lire, on se convainc facilement que

    lopposition entre ailleurs et ici est en voie dtre dfinitivement dpasse.

    Faut-il y substituer une opposition entre lethnographie rflexive dans laquelle lenquteur sengage corps et me ,

    pour reprendre une formule de Loc Wacquant et lenqute statistique, fonde sur un questionnement pr-tabli, sur la

    dlgation du travail de terrain et sur la standardisation des donnes ? Les trois articles suivants viennent questionner cette

    nouvelle opposition, qui semble revenir en force en mme temps que saffirment les qualits propres de lethnographie

    rflexive. Pierre Fournier examine la relation denqute et ce quelle doit aux caractristiques objectives des enquteurs

    pour en contrler plus efficacement les effets. Sibylle Gollac revient sur deux recherches partageant un mme objet, le

    rapport des particuliers au patrimoine hrit, o sarticulent les questions de lconomiste et celles du sociologue mais aussi

    des donnes qualitatives et quantitatives. Elle montre avec finesse le lien entre mthode dinvestigation, questions

    thoriques et coopration interdisciplinaire. Agns Gramain, Emmanuel Soutrenon et Florence Weber prsentent une

    enqute exprimentale au cours de laquelle ont pu tre standardises et multiplies des monographies de familles pourtant

    fondes sur un cheminement ethnographique au sein dun univers dinterconnaissance. Quels sont les cots et les gains

    spcifiques dune telle enqute, sorte de monstre contre nature o sont combines deux mthodes dont les principes

    semblent sopposer ? Au-del dindniables gains de connaissance, ce qui est ici en question, ce sont les conditions de travail

    des enquteurs ethnographes artisans ou enquteurs rmunrs et ce quils engagent dans lenqute.

    Les trois derniers articles du dossier reviennent sur la ncessit, qui semble aujourdhui considre comme acquise,

    dobserver lethnographe observant. Quels sont les cots de la conversion dun conomiste appoint par la Caisse pour

    raliser des tudes , en ethnographe soucieux de matriser les tenants et les aboutissants de sa propre recherche ? Cest

    la question laquelle rpond Paul Vingr, partir de sa trajectoire personnelle et de ses hsitations entre deux disciplines et

    deux postures de recherche, lune considrant le monde, et les outils de sa connaissance, comme donns, lautre sinquitant

    radicalement de tout ce qui lui semblait auparavant vident. Son rcit dbouche sur la question de lintrt et de la

    possibilit dune sociologie des sciences sociales qui restitue la fois leur contexte de production et de rception. Dun point

    de vue plus objectif, puisquil passe par les objets pour poser cette mme question, Thierry Bonnot examine les effets de la

    connaissance ethnographique sur le monde des collectionneurs, des dtenteurs, des spectateurs des objets de muse. Il y a

  • bien un cot payer aprs le passage de lethnographe mais cette fois, ce nest pas lethnographe qui le paie, mais les

    acheteurs (privs ou institutionnels) des objets valoriss par la simple existence dune enqute leur sujet. On voit ainsi que

    lethnographie, ds lors quelle met en branle des objets et des muses, nchappe pas aux modalits de fonctionnement des

    marchs de lart. Enfin, Nicolas Renahy met en vidence les liens entre lenqute ethnographique et les reprsentations,

    lgitimes ou non, prfabriques ou non, des groupes observs : sagit-il, dans le cas du village de Foulange o il a effectu

    son terrain, du groupe ouvrier en voie de dstructuration ? dun groupe rsidentiel en train de se reconstituer sur des bases

    moins locales et moins ouvrires ? dune gnration perdue, celle des enfants de la dlocalisation, dont les derniers

    reprsentants locaux vivent mal la fois leur effondrement dmographique et leur marginalisation sociale ?

    Ces trois articles ont le mrite de poser la question des liens entre lethnographie et les institutions. Ses suprieurs

    hirarchiques, bientt ses collgues, dnient Paul Vingr toute lgitimit parler au nom de linstitution (la Caisse) o il

    travaille et dont il tudie les membres et le fonctionnement. Cest quil ne porte pas la parole de linstitution, mais quil

    observe ses interstices, quil sintresse des anecdotes insignifiantes, quil ne joue pas le jeu. Mais il ne peut pas non plus

    parler au nom du personnel les syndicats sils existent ne sintressent pas son travail. Parlera-t-il au nom de ceux qui,

    comme lui, se sentent en dcalage avec le travail demand ? Ils existent, ils lui ressemblent, ils ont compris la difficult

    propre dune institution linterface entre science et politique ; mais ils ne forment pas un groupe sur lequel sappuyer,

    seulement un ensemble dindividus aux caractristiques analogues qui pourraient saccorder dans la critique ou dans laction

    mais qui partent chacun de leur ct. Thierry Bonnot, lui, travaille dans et pour linstitution quest lcomuse. Il est cens

    observer le reste du monde peu de choses nous est livr du fonctionnement mme de linstitution mais il y dcouvre,

    bon gr mal gr, la trace de linstitution pour laquelle il travaille. Plus sensible que la Caisse la rflexivit ethnographique,

    le Muse peine pourtant comprendre exactement quel est son rle dans lunivers quil est cens reprsenter, et comment

    ce rle a pu changer depuis sa naissance. Comment une institution survit-elle la disparition des conditions historiques qui

    lui ont permis dexister ? En dautres termes, quest-ce qui explique que certaines institutions soient plus ou moins

    cristallises que dautres, quelles soient plus ou moins capables de se maintenir en sadaptant un environnement mouvant

    ? Lexemple des institutions particulirement fragiles dune classe ouvrire en dclin, Foulange, donne une ide du

    continuum quvoquait Durkheim entre les libres courants de la vie sociale [4] et la stabilit des monuments au sens

    large du terme. Lethnographe est, dhabitude, plus laise avec les vrits non officielles, avec les groupes de pairs et avec

    les pratiques apparemment spontanes, quavec les reprsentations monumentales et les porte-parole lgitimes. Lorsquil est

    confront aux institutions et aux hommes qui les soutiennent et quelles soutiennent, il lui faut des ressources sociales et

    une confiance en lui que sa profession seule peine lui offrir, tant elle est peu assure de ses propres cadres institutionnels.

    Il est dautant plus important que les ethnographes, loin de senfermer dans un mode de connaissance irrductible tout

    autre, se confrontent et se familiarisent avec le raisonnement statistique et avec lanalyse textuelle. Quoi de plus convaincant

    pour les autres scientifiques, et pour le public lui-mme, quun rsultat vers lequel convergent plusieurs mthodes denqute

    et danalyse ? Comment lethnographe peut-il sassurer, sans le secours du raisonnement statistique, de la place quoccupent

    dans le monde social ses observations forcment localises mme si elles peuvent tre multilocalises ? Comment, en un

    mot, savoir de quoi exactement lethnographe a t le tmoin et lacteur, sil ne peut pas prendre sur ses objets danalyse un

    point de vue plus loign ? Rien de rvolutionnaire dans ces considrations de mthode, et cest heureux, mais la

    raffirmation que la connaissance progresse par tous moyens, condition dtre capable, chaque instant, dexpliciter quels

    sont ces moyens de connaissance et les voies propres de leur rigueur : lengagement de soi, autoris par linvestissement de

    lethnographe dans ce qui peut apparatre comme une vocation ; la discussion avec lenqut sur les fins de la recherche et

    le partage dun intrt pour lenqute, ft-ce sur le mode du malentendu ; la sparation entre ce que dit lenqut et ce quil

    fait, sans disqualifier pour autant lune ou lautre de ces modalits dtre au monde social ; lattention prcise au

    cheminement de lenqute, quil sagisse dune enqute artisanale ou industrielle. Loin de toute mystique de lenqute, loin

    de toute hrosation de lenquteur ces tentations rcurrentes de lethnographe , la combinaison des savoirs issus de

  • mthodes absolument distinctes mais rsolument complmentaires constitue lavenir des sciences sociales : cest cette

    conviction que nous souhaitons faire partager aux lecteurs de ce dossier.

    Pour autant, ces questionnements, sils constituent largument premier des articles de ce dossier, pour ainsi dire leur raison

    dtre, participent plus largement de toute ethnographie. Les trois derniers articles qui compltent ce numro, tous leur

    manire et derrire leur relle diversit, rpondent ou font cho ces proccupations : que ce soit par une attention

    particulire aux conditions de fabrication de lethnographie, ou par lutilisation de savoirs dautres disciplines pour clairer

    leur propre terrain.

    Anne-Christine Trmon, dans son analyse des combats de coq Raiatea, renouvelle la question de lappartenance un

    collectif (les Chinois de Tahiti ou les Tahitiens de Raiatea) pour mettre au jour les rationalits multiples et contradictoires

    dans lesquelles sont pris les individus, selon leur appartenance, lorsquils jouent ensemble sans pour autant jouer le mme

    jeu. Le dtour par la thorie des jeux, lclairage particulier que propose ce paradigme issu de disciplines surs, enrichit ici

    cette apprhension des collectifs et des logiques luvre. Cette mme question du collectif se retrouve dans larticle

    dAntoine Bourgeau, travers ltude des performances des musiciens de tabl et leur audience dans le nord de lInde. Cest

    par lanalyse des diffrents contextes de ces productions musicales (de nature dvotionnelle ou de divertissement), par

    lanalyse des postures, des comportements et plus largement des publics, ou encore par lmergence du rle de critique

    musical que sexplique la participation diverse des diffrents publics et les diffrentes pratiques investies dans ces

    performances.

    Bruno Proth, enfin, sintressant aux pratiques des coutants dans un service de tlphonie sociale, va, travers la

    description minutieuse de ces interactions distance et des pratiques langagires qui leur sont lies, analyser le rle (ou la

    diversit des rles et donc lambigut) de telles structures ; dispositif sanitaire et social, ligne dcoute dexpression de la

    souffrance ou encadrement politique des pauvres. Bruno Proth dcrit les positionnements varis des coutants et des

    couts, lambigut ressentie par les coutants sur leur rle tenir, etc. On ne peut sempcher de retrouver l, en creux et

    transposes sur un autre terrain o lethnographe nest plus directement acteur, la question des malentendus ou celle du

    contrat incomplet poses par Pierre Fournier propos de la relation entre enquteurs et enquts dans le cadre dune

    relation denqute. Si lanalyse de la relation denqute consolide la connaissance ethnographique, elle contribue aussi

    lanalyse dinteractions spcifiques, la fois intimes et temporaires, qui semblent se multiplier aujourdhui.

  • Notes

    [1] Lexpression est dusage courant dans lanthropologie et la sociologie de langue anglaise. Voir par exemple : Charlotte A.Davies, Reflexive Ethnography : A Guide to Researching Selves and Others (ASA Research Methods in SocialAnthropology), London, Routledge, 1999, ou encore : Michael Burawoy, Revisits : An Outline of a Theory of ReflexiveEthnography, American Sociological Review, 2003, Vol. 68 (October), pp. 645-679. Elle semble pour linstant moinshabituelle en franais. Elle dsigne lindispensable rflexivit de la mthode ethnographique, ds lors que les relations entreenquteur et enquts nen sont pas systmatiquement vacues sous prtexte de leur caractre intime ou indicible.

    [2] Les anthropologues ont bien vite oubli que lusage des statistiques faisait jusquaux annes 1970 partie intgrante dumtier dethnographe. Lorsque les donnes statistiques nexistaient pas, les ethnographes effectuaient eux-mmesrecensements et cartographies. Voir Christian Bromberger, Du grand au petit. Variations des chelles et des objetsdanalyse dans lhistoire rcente de lethnologie de la France , in Isac Chiva, Utz Jeggle, d. Ethnologies en miroir, Paris,Maison des Sciences de lHomme, 1987 [red. 1992], pp. 67-94. Voir aussi Robert Cresswell, Maurice Godelier, Outilsdenqute et danalyse anthropologiques, Paris, Maspero, 1976.

    [3] Pour reprendre le titre de la premire Postface ( Pour une ethnographie sociologique ) in Stphane Beaud, FlorenceWeber, Guide de lenqute de terrain, La Dcouverte, 1997 [rd. 2003], pp. 291-314.

    [4] La clbre formule de Durkheim intervient dans son argumentaire sur lunit de la sociologie, malgr les distinctions quelon peut faire entre les faits sociaux selon leur degr de cristallisation. Aprs avoir indiqu que ces manires dtre [quirelvent de la morphologie sociale] ne sont que des manires de faire [qui relvent de la physiologie sociale] consolides ,il poursuit : Il y a ainsi toute une gamme de nuances qui, sans solution de continuit, rattache les faits de structure lesplus caractriss ces libres courants de la vie sociale qui ne sont encore pris dans aucun moule dfini. Cest donc quil ny aentre eux que des diffrences dans le degr de consolidation quils prsentent. Les uns et les autres ne sont que de la vieplus ou moins cristallise. Sans doute, il peut y avoir intrt rserver le nom de morphologiques aux faits sociaux quiconcernent le substrat social, mais condition de ne pas perdre de vue quils sont de mme nature que les autres. Notredfinition comprendra donc tout le dfini si nous disons : Est fait social toute manire de faire, fixe ou non, susceptibledexercer sur lindividu une contrainte extrieure ; ou bien encore, qui est gnrale dans ltendue dune socit donne touten ayant une existence propre, indpendante de ses manifestations individuelles . Emile Durkheim, Les rgles de lamthode sociologique, Paris, Alcan, 1895, p. 19.

    Florence Weber, Alexandre LambeletIntroduction : ethnographie rflexive, nouveaux enjeux,Numro 11 -octobre 2006.