Artikel 'Le service et sa servuction' von Pierre Eiglier

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Institut d’Administration des Entreprises, Clos Guiot, 13540 Puyricard, France Tel. : 04 42 28 08 08.- Fax : 04 42 28 08 00. UNIVERSITE DE DROIT, D'ECONOMIE ET DES SCIENCES D'AIX MARSEILLE INSTITUT D'ADMINISTRATION DES ENTREPRISES CENTRE D’ETUDES ET DE RECHERCHE SUR LES ORGANISATIONS ET LA GESTION LE SERVICE ET SA SERVUCTION Pierre EIGLIER* W.P. n° 627 Janvier 2002 * Professeur à l’IAE d’Aix-en-Provence , Université Aix-Marseille III, Clos Guiot, Boulevard des Camus, 13540 Puyricard Toute reproduction interdite L'institut n'entend donner aucune approbation, ni improbation aux opinions émises dans ces publications : ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

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In diesem Artikel arbeitet Pierre Eiglier die Besonderheiten der Service-Erbringung (= Servuktion) prägnant heraus, vor allem in klarer Abgrenzung zur Sachgutfertigung (= Produktion). Damit greift er den Leitsatz auf, den er und Eric Langeard bereits in den 1980er-Jahren geprägt haben: "Production, c'est faire des choses. Servuction, c'est rendre des services." "Production is making goods. Servuction is rendering services." "Produktion ist Fertigen von Sachgütern. Servuktion ist Erbringen von Services." s. Buch 'Servuction - le marketing des services' http://www.decitre.fr/livres/servuction-9782840740339.html Die schlüssige Prägung 'Servuction - Servuktion' in wörtlicher Analogie zum Begriff 'Production - Produktion' bei gleichzeitig klarer inhaltlicher Abgrenzung eröffnet einen schlüssigen & ergiebigen Begriffsraum für die Beschreibung der Servuktion: - Servuktionsumgebung - Servuktionsautomaten - Servuktionsfaktoren - Servuktionsprozess - Servuktivität - Servuktionsangebot - Servuktionskunde - Servuktionsvertrag - Servuktionspreis - Servuktionskosten

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Institut d’Administration des Entreprises, Clos Guiot, 13540 Puyricard, France Tel. : 04 42 28 08 08.- Fax : 04 42 28 08 00.

UNIVERSITE DE DROIT, D'ECONOMIE ET DES SCIENCES D'AIX MARSEILLE INSTITUT D'ADMINISTRATION DES ENTREPRISES

CENTRE D’ETUDES ET DE RECHERCHE SUR LES ORGANISATIONS ET LA GESTION

LE SERVICE ET SA SERVUCTION

Pierre EIGLIER*

W.P. n° 627 Janvier 2002

* Professeur à l’IAE d’Aix-en-Provence , Université Aix-Marseille III, Clos Guiot, Boulevard des Camus, 13540 Puyricard Toute reproduction interdite L'institut n'entend donner aucune approbation, ni improbation aux opinions émises dans ces publications : ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

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LE SERVICE ET SA SERVUCTION

Pierre Eiglier Professeur, IAE aix, Université Aix Marseille 3. Décembre 2001

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Résumé Cet article explore les problèmes liés à la fabrication des services au travers de la description de deux modèles, le système de servuction et le « blueprint » ou logigramme; la grande particularité des services apparaît ainsi comme étant le fait que le client est impliqué dans le processus de fabrication. Les conséquences managériales de ces approches sont ensuite répertoriées, qu’elles soient d’ordre stratégiques ou opérationnelles; parmi les plus importantes : capacité, réseau, organisation du marketing, gestion de la relation client. Mots clés : Servuction. Blueprint. Système. Capacité. Reseau. Abstract This paper explore the problems related to the delivery systems of services, with the help of two models: the servuction system and the blueprint approach. The most important specificity of services appears to be the fact that the customer is involved in the production of services. Strategic and operational consequences are then examined; among the most important, capacity planning, network management, marketing organisation and the management of customer relationship. Keywords: Service delivery system. Servuction. Blueprint. Capacity. Network.

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Pour les non initiés, les services restent encore marqués sinon de mystère, à tout le moins de flou; si l’on en prend un en particulier, par exemple un voyage en chemin de fer, tout le monde sait ce que c’est, tout le monde l’a expérimenté, en a bénéficié, et à la limite sait le définir. Mais le passage à l’abstrait, au cas général de la notion de service est beaucoup plus difficile; on ne trouve pas dans la littérature de définition satisfaisante de cette notion. D’ailleurs rares sont les professionnels d’une branche d’activité de services donnée qui ont conscience et parlent couramment de leur entreprise comme une entreprise de service; les banquiers se jugent dans la banque, les hôteliers dans l’hôtellerie, les assureurs dans l’assurance, les médecins dans un hôpital, etc. Aucun ne parle de service. Est-ce parce que la racine du mot, qui est à connotation péjorative, rejaillit quelque peu sur le mot lui-même : service, du latin « servitium », qui signifie esclavage… et beaucoup d’acceptions du mot service renvoient encore aujourd’hui à une relation de dépendance à l’égard d’une autre personne. Devant cette difficulté, il est nécessaire d’éclairer le débat, en précisant autant que faire se peut ce qu’est un service; la meilleure manière est de comprendre comment un service est créé ou fabriqué, avec quels ingrédients, quel processus. Même si cela ne permet pas d’aboutir à une définition qui soit définitive, cela permettra de comprendre intimement ce qu’est un service. Cette approche est celle de la servuction, qui va d’abord être examinée; puis deux autres points seront exposés, l’opérationnalisation du concept, et celui de ses implications managériales. Cet ensemble constitue l’architecture de base de ce l’on appelle du terme le plus générique possible une unité, c’est à dire un endroit, un lieu où se fabriquent les services.

1. Le concept de servuction.i Faute de reconnaissance de leurs spécificités, le monde des entreprises de service n’a pratiquement pas développé de vocabulaire particulier et a emprunté celui des entreprises industrielles; c’est ainsi que des confusions sémantiques se sont installées: pour désigner le service offert, beaucoup de professionnels utilisent le mot “ produit ”; on entend couramment parler de produit hôtelier, de produit touristique et autres produits bancaires comme les produits d’épargne, etc.. Or, si l’on veut garder une vision simple et cependant juste de la réalité, il est impératif de distinguer nettement les acceptions des mots “ produit ” et “ service ”.

Le mot produit est en général employé dans le monde de l’entreprise classique, c’est à dire industrielle, comme étant l’objet fabriqué par l’entreprise qui est présenté, offert et mis en avant sur le marché pour qu’un consommateur le choisisse et l’achète; le produit est évidemment tangible car un objet est tangible, alors que le service, lui, ne l’est pas.

La tangibilité constitue le critère le plus communément accepté de différence entre produits et

services : est considéré comme produit tout bien tangible, que l’on appellera « produit-objet », et comme service tout bien intangible. Autant la définition d’un produit-objet est simple, c’est un objet plus ou moins sophistiqué qui a des fonctions et une valeur exprimée par un prix qui se fixe lors de la transaction, autant celle d’un service ne l’est pas: c’est quelque chose qui, comme pour le produit-objet, a une valeur et un prix, mais ce quelque chose est d’une nature pour le moins énigmatique. Cependant un fait est certain: comme les produits-objets, les services ont une valeur, un prix : ils sont vendus et achetés sur un marché; des consommateurs les achètent car ils perçoivent les bénéfices qu’ils vont en tirer, et ainsi satisfaire leurs besoins. Le service constitue donc le support d’une valeur, et ce support est, d’une manière ou d’une autre, créé, fabriqué. Comprendre ce processus de fabrication devrait permettre de mieux comprendre la nature de ce support c’est à dire mieux comprendre la nature du service.

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1.1. Fabrication d’un produit-objet. S’il est malaisé de définir la nature d’un service, il n’est a priori pas plus aisé d’en saisir le processus de création ou de fabrication. On peut cependant prendre pour hypothèse que ce processus n’est pas très éloigné de celui des produits-objets, et qu’il peut servir en quelque sorte de modèle pour approcher celui des services. Pour fabriquer, de façon industrielle, un produit-objet, au moins deux étapes sont nécessaires : la conception et la réalisation. 1.1.1. La conception. Elle consiste à définir très précisément ce que sera le futur produit-objet, ses fonctions, sa forme, ses dimensions, les matériaux utilisés, ses couleurs etc... ; C’est le travail de l’ingénieur par excellence. Il faut noter que pour concevoir ou développer correctement un produit-objet, le souci du client doit être omniprésent; il doit permettre au produit d’être adapté et attractif. En outre cette phase de conception ne serait pas complète, si elle omettait de concevoir aussi l’outil de fabrication, c’est à dire l’usine elle-même, ses éléments, son agencement, leurs relations, etc.. . 1.1.2. La réalisation. La fabrication ensuite se fait normalement dans cette usine; ici, trois éléments de base sont nécessaires, matières premières, main d’œuvre et machines, qui incluent, pour raison de simplification, l’énergie et les bâtiments à l’intérieur desquels tout ceci prend place. Ce modèle de fabrication de produit est montré dans la figure 1. Figure 1. Fabrication d’un produit.

Figure 1. Fabrication d'un produit.

MACHINES MATIERESPREMIERES

PRODUITMAIN D'OEUVRE

ENTREPRISE INDUSTRIELLE

DETAILLANT

CLIENT

CONCEPTION

ET

REALISATION

DISTRIBUTION

ET

COMMERCIALISATION

Pour aboutir au produit-objet, les trois éléments de base ne suffisent pas; encore faut-il que les interactions entre eux soient correctement définies et réalisées; chaque élément doit interagir avec chacun des autres, par exemple la main d’œuvre, c’est à dire les ouvriers, doit conduire et utiliser les machines, tout en surveillant ou en faisant en sorte que les matières premières arrivent de façon normale. C’est l’organisation, le savoir-faire de l’entreprise productrice. Il faut remarquer en outre que ce processus de fabrication d’un produit-objet constitue un système, avec toutes les caractéristiques des systèmes et leurs règles de fonctionnement. Les deux étapes qui viennent d’être décrites sont bien sûr précédées ou accompagnées par une autre qui est celle du financement; conception et fabrication mettent en jeu des sommes qui peuvent être

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considérables et dont le montage participe de la réussite de l’ensemble. L’aspect financier n’en reste pas moins complètement séparé des deux premières étapes. Une fois le produit-objet fabriqué, il sort de l’usine, il faut alors le stocker, puis le distribuer, c’est à dire le transporter chez un détaillant qui pourra le mettre à la disposition du client, et le vendre. On voit bien sur la figure 1 que le consommateur n’intervient pas dans le processus de fabrication: il est pris en compte à travers la recherche marketing lors de la conception, et ensuite au moment de l’achat. On voit bien par ailleurs la dissociation entre la fabrication et la commercialisation; ces deux opérations sont complètement indépendantes pour les biens tangibles, ce qui fait que l’on développe des systèmes de production à fonctionnement linéaire, bien que les demandes soient cycliques; entre les deux, un tampon, les stocks. 1.2. Fabrication d’un service: la servuction. Les étapes et le contenu du processus de fabrication d’un produit, fournissent une trame pour la compréhension et l’analyse de la création et de la fabrication du service. Pour fabriquer un service de façon industrielle, c’est à dire en grand nombre, mêmes étapes que pour un produit-objet, conception d’abord, puis réalisation. Un exemple simple servira d’illustration, le transport collectif urbain par autobus. 1.2.1. Conception du service. Comme pour les produits-objets, avant de fabriquer un service, il faut le concevoir, c’est à dire le calibrer, en définir les caractéristiques, ainsi que les moyens de l’obtenir. Pour le transport collectif, il faut définir le tracé de la ligne, les arrêts, les horaires de passages des autobus, et la vitesse; ces différents éléments permettent de définir avec précision le service, que l’on peut décrire ainsi: transporter une personne d’un arrêt A un arrêt B, dans certaines conditions d’attente, de confort et de vitesse. A l’instar de la conception d’un produit-objet, il est de plus nécessaire dans cette phase, de concevoir aussi le mode de réalisation du service, en d’autres termes de concevoir la fabrique et ses modalités de fonctionnement. 1.2.2. Fabrication du service. La fabrication ou la réalisation du service se fait de la manière toute simple que tout le monde connaît: le passager/client, attend l’autobus à un arrêt; il y monte lorsqu’il arrive, et s’installe à bord; le conducteur démarre, conduit sa machine, et s’arrête à l’arrêt de destination, où le passager descend. On identifie aisément les trois éléments nécessaires à la fabrication du service: la main d’œuvre, c’est le conducteur, et la machine, l’autobus; de façon générique, on appellera ces deux éléments le personnel en contact et le support physique. Si ces deux premiers éléments sont strictement de même nature que ceux de la fabrication du produit, le troisième, par contre, est absolument différent: au lieu des matières premières, on trouve le client-passager. Les figures 2 et 3, illustrent ce propos. On appelle ce processus de fabrication du service, servuction, néologisme qui est au service ce que la production est au produit-objet. Figure 2. Fabrication du service de Transport Urbain.

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Figure 2. Fabrication du service de Transport Urbain.

AUTOBUS

CONDUCTEUR

PASSAGER

SERVICE:TRANSPORTDUPASSAGER

Entreprise de Transport Urbain

Figure 3. Fabrication du service : la servuction.

Figure 3. Fabrication du Service: la servuction.

SUPPORTPHYSIQUE

PERSONNEL ENCONTACT

CLIENT

SERVICE

Entreprise de service

Outre les éléments constitutifs de la servuction, ces figures montrent aussi les interactions entre ces éléments, dont la nature et le contenu sont cruciaux pour que le service soit correct. Ces interactions sont d’abord celles du conducteur et de sa machine, il la conduit et de façon correcte; il y a ensuite son interaction avec le client qui monte dans le bus, il le salue et dans certains cas composte son titre de transport; il y a enfin les interactions du client passager avec l’autobus, il trouve une place, il s’assied et attend. Il faut noter de plus que ce même client passager a en fait plus un comportement de production que de consommation : il respecte un horaire de passage, comme un employé, il se met dans la file d’attente, il poinçonne ou montre son billet, il avertit le conducteur de devoir s’arrêter à l’arrêt de sa destination. 1.3. Une différence fondamentale: la place du client. Si les modèles de fabrication de produit et de service, montrés dans les figures 1 et 3, ont des trames similaires, ils présentent cependant une différence fondamentale, le rôle joué par le client; il est totalement absent de la fabrication des produits, les usines ne sont pas ouvertes au public, et lorsque le consommateur achète un produit, il ne sait en général même pas où il a été fabriqué. A l’inverse, le client est présent dans la servuction, il est partie prenante du processus, il participe à la fabrication du service.

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Cela va même plus loin: le client est non seulement présent et actif dans la servuction, mais sa présence est une des conditions de l’existence du service; en d’autres termes, s’il n’y a pas de client dans le système, il ne peut y avoir de service. Si aucun passager ne se trouve dans l’autobus, il n’y a pas de service de transport de passager; il y a un autobus roulant à vide, c’est à dire une capacité de production de service inutilisée, mais parfois nécessaire pour développer la demande. La présence et le rôle du client dans la servuction constitue la singularité fondamentale du système, par les conséquences multiples que cela implique en marketing : le client est à la fois producteur et consommateur; ceci veut dire que le directeur de l’unité de service, doit considérer le client sous ce double aspect, et se trouve responsable du comportement adéquat du client; ce dernier doit être en mesure de tenir efficacement ce double rôle. 1.4. Modélisation de l’entreprise de service. La servuction telle qu’elle vient d’être analysée reste trop simple, voire simpliste par rapport à la réalité. L’entreprise de service ou l’unité de service, comme la ligne d’autobus, l’hôtel, le restaurant, l’école ou l’hôpital, constituent des servuctions plus complexes; il faut en effet ajouter deux phénomènes : le fait que l’on trouve dans ces servuctions en général plusieurs clients à la fois, et que, dans les entreprises de service, il y a toujours une partie non visible par le client, ce que l’on appelle couramment le “ back office ”. La figure 4 illustre ces points; chaque client est impliqué dans sa propre servuction, et obtient son propre service; pour la clarté du graphique, seules les relations primaires, du client 1, celles de sa servuction ont été représentées ii. Figure 4. Le modèle de l’entreprise de service.

Figure 4. Le modèle de l'entreprise de service.

SUPPORTPHYSIQUE

PERSONNEL EN CONTACT

CLIENT 1

CLIENT 2

SERVICE 1

SERVICE 2

Système d'

Organisation

Interne

Entreprise de service

Partie visible

Partie nonvisible

Le fait qu’il y ait plusieurs clients à la fois dans le même système signifie que des relations vont se développer entre eux, et donc, chacun des services va être influencé par la présence des autres clients; c’est de la responsabilité du concepteur, du gestionnaire, c’est à dire du directeur de l’unité, d’organiser ces relations pour faire en sorte qu’elles aient des conséquences positives ou neutres sur le service de chacun des clients, mais évidemment pas négatives. 1.5. Propriétés de la servuction. 1.5.1. Dualité du système.

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La présence du client dans le système de servuction modifie profondément le style de fabrication du service comparé à celui des produits-objets; l’unité de servuction, par exemple une agence de banque, est une petite usine qui sert à fabriquer des services bancaires. Outre sa petite taille, et que, comme toutes les usines, elle doit être bien organisée, efficace et productive, cette usine a ceci de particulier, qu’elle doit accueillir des clients, et donc être attractive, agréablement décorée, propre, etc... . Bref, au caractère usine, s’ajoute une dimension en quelque sorte vitrine; sur le côté efficace doit se greffer le côté chaleureux. Cette ambivalence, extrêmement difficile à réussir, est vraie pour la globalité du système, mais aussi pour chacun des éléments qui le composent. Le personnel en contact a lui aussi à gérer cette dualité : il doit assumer simultanément l’aspect opérationnel de son travail, comme tout ouvrier, et l’aspect relationnel, car ce travail s’effectue en présence, avec et pour le client, c’est à dire en développant une relation personnelle avec lui. Dualité enfin du support physique dont l’agencement et les fonctions doivent être rationnels et efficaces, tout en étant décoré de façon agréable pour le client. L’équilibre dans cette dualité constitue une des difficultés majeures de la conception et de la gestion de l’unité de service. Les bureaux de Poste, ne sont que fonctionnels, et à un moindre degré, les agences de banques; on trouve à l’inverse des concepts de restaurants à la modernité criante, en avance d’une mode et à la durée de vie courte, où le décor prime totalement la fonction. 1.5.2. Fonctionnement du système. La servuction est un système, et à ce titre possède les propriétés et obéit aux règles de fonctionnement de tout système; celles-ci sont bien connuesiii, et ont un impact tout à fait important sur la gestion de l’unité. Comme dans tout système, dans le système de servuction on trouve les éléments, le support physique, le personnel en contact et le client, chacun d’entre eux est relié à tous les autres et de façon réciproque. Ce système fonctionne vers un résultat qui est le service, et qui devient à son tour un élément du système. Enfin ce système obéit à la règle dite d’équilibre : si aucun élément ne varie, le résultat est toujours le même; si l’on modifie l’un des éléments, par le jeu des interactions le système va se trouver en déséquilibre, avec un résultat qu’il est difficile de prévoir exactement, puis petit à petit, le système va retrouver son équilibre , avec un résultat différent de ce qu’il était avant la modification de l’élément. Dans le système de servuction cette propriété doit être très sérieusement prise en compte par le directeur de l’unité; on peut l’exprimer ainsi: tout changement ou modification d’un des éléments du système de servuction, entraîne un changement non direct du résultat. Un exemple illustrera ce point: au milieu des années 80, une des plus grandes banques françaises, développant de nouvelles agences, décida de faire asseoir ses clients devant un bureau les séparant du personnel, lui-même assis, au lieu de les servir debout devant un guichet; cette innovation avait pour but d’améliorer le confort des clients et du personnel, de rendre la relation plus conviviale, et bien sûr, de permettre ainsi une meilleure vente de “ produits ” bancaires. Le résultat fut inverse, les transactions durèrent plus longtemps, et la qualité du service, notamment pour les transactions de routine et les clients pressés s’abaissa, sans parler des files d’attente qui s’allongèrent; assez rapidement la plupart des clients refusèrent de s’asseoir, le siège signifiant pour eux durée, les relations avec le personnel s’en trouvèrent détériorées, et on aboutit à l’inverse du résultat attendu. La banque dut revenir rapidement à un type d’agence plus traditionnel. On voit bien dans cet exemple comment une modification de l’agencement du support physique et des instruments mis à la disposition des clients et du personnel, modifications qui poursuivent un objectif tout à fait justifiable, par le jeu des relations réciproques, aboutissent à des comportements et des perceptions qui entraînent un résultat en termes de niveau de service opposé à celui recherché. Le fonctionnement de la servuction doit donc s’appréhender de façon globale, en tenant compte des effets de chaque élément dans ses relations avec les autres; c’est la grande difficulté, mais aussi la grande force de l’approche système. Cette approche système requiert ainsi chaque fois que l’on modifie un élément de simuler le fonctionnement pour en voir le résultat probable; ceci est d’autant plus important que par rapport à l’évolution de l’environnement, l’entreprise de service va rechercher l’amélioration du système par une succession de micro décisions opérationnelles. Le contraste est saisissant avec la méthode analytique dont on

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voit bien les limites et les dangers, et qui reste pourtant la plus utilisée, et où toute amélioration d’un élément entraîne directement et automatiquement une amélioration du résultat. 1.5.3. Servuction alternative et/ou automatisée. Sur les trois éléments de base du système de servuction, deux sont absolument nécessaires, et le dernier peut être présent ou pas: les deux premiers sont le support physique et le client, ce qui est normal, car le service ne peut exister sans client, et que de toutes manières le processus se passe dans un environnement matériel. Le troisième est le personnel en contact : dans certaines servuction, il est présent, dans d’autres il n’y a pas de personnel. D’une façon générale, toutes les servuctions en libre service se passent de personnel en contact. Une des conséquences de ce phénomène est que l’on peut fabriquer un service non pas identique, mais de même nature, par deux servuctions radicalement différentes. Par exemple, on peut obtenir des espèces de sa banque de deux manières différentes: en utilisant un automate bancaire ou bien en utilisant un guichet dans son agence bancaire; dans les deux cas c’est le même service, mais ce qui diffère c’est le support physique, et surtout le rôle joué par le client bien plus actif dans le cas de l’automate, l’usage de la carte et du clavier étant nettement plus complexe que celui du chèque; le process diffère aussi par le temps nécessaire pour obtenir les espèces, ainsi que par son accessibilité, l’automate, contrairement à l’agence étant disponible 24 heures sur 24; certaines caractéristiques du service sont aussi différentes, le montant maximum de retrait par exemple. On pourrait multiplier les exemples de ce type, tous les services en libre-service sont dans ce cas, et notamment tout le e-commerce et Internet; le service est l’envoi d’informations, par le truchement d’un ordinateur relié par voie téléphonique ou autre à un serveur; le client est la personne qui se sert de l’ordinateur, et sa participation à la servuction est de toute évidence forte et fondamentale. Il est tout à fait important de garder à l’esprit ce concept de servuction alternative pour le même service, car bien souvent il est le siège de la créativité et de l’innovation en matière de services. 1.5.4. Distinctions de fond. Dans toute analyse rigoureuse du fonctionnement de la servuction trois ensembles doivent être distingués : les éléments de la servuction, le processus d’interaction de ces éléments, et enfin le résultat de cette interaction, c’est à dire le service lui même. Ces distinctions sont fondamentales dans toute réflexion pour améliorer le service. Si nous revenons à l’exemple du transport urbain, on peut améliorer les éléments: changer l’autobus pour mettre un modèle plus moderne, comportant plus de places assises, le conducteur en lui faisant porter un uniforme plus élégant, etc. On peut aussi travailler sur les processus, façon de conduire du conducteur, facilitation du paiement des clients, système de repérage simple de l’endroit où ils se trouvent, vitesse de déplacement du véhicule, etc. On peut enfin travailler sur le résultat, le service lui-même et ses caractéristiques, comme les fréquences de passage des autobus, l’amplitude horaire, la durée du déplacement, le confort du voyage, etc. 1.5.5. Distinction entre entreprise industrielle et entreprise de service. C’est au travers de la servuction que l’on peut dresser une ligne de séparation stricte entre entreprise industrielle et entreprise de service; pour ce faire , il faut répondre à la question: que vend l’entreprise? Quel est l’objet de la transaction? Est-ce le produit-objet lui-même ou bien est-ce l’utilisation de ce produit-objet? C’est très exactement la différence qui existe entre un constructeur automobile comme Renault, et un loueur de voitures comme Europcar: le premier vend l’automobile elle même, le second vend uniquement l’usage de cette même automobile, pour un temps limité, mais pas l’automobile elle même.

2. La servuction outil opérationnel. Le concept de servuction, si intéressant et puissant soit-il, ne constitue pas une aide déterminante au directeur de l’unité : il est trop général. Pour devenir une aide efficace à ses problèmes concrets, le directeur de

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l’unité doit d’abord pouvoir se représenter avec précision la situation de service dans laquelle il se trouve, c’est la typologie des services et de leurs servuctions; il doit ensuite pouvoir surmonter la principale limite du système de servuction, la non intégration de la variable temps dans le système, c’est l’approche par diagramme développée aux États Unis sous le nom de “ service delivery system ”. 2.1. Les différents types de servuction. A la typologie des services répond une typologie des servuctions; de même que l’on a identifié des services à la personne, aux objets, et aux entreprises, on trouve, correspondant à ces services, trois grands types de servuctions. 2.1.1. Servuction d’un service à la personne Il s’agit ici d’un système de servuction fabricant un service qui va bénéficier ou transformer l’état d’une personne; ce sont les services qui viennent le plus immédiatement à l’esprit, comme la santé, l’éducation, l’hôtellerie ou le transport urbain ou aérien. La servuction de ce type de service est en fait celle qui a été analysée dans le cas général au paragraphe précédent; elle est schématisée dans la figure 5. Elle n’appelle pas de commentaires particuliers, elle possède les mêmes propriétés et obéit aux mêmes règles de fonctionnement; elle peut être traditionnelle ou moderne, c’est à dire avec ou sans personnel en contact . Figure 5. Servuction d’un service à la personne

SUPPORTPHYSIQUE

PERSONNEL EN CONTACT

Système d'

Organisation

Interne

Entreprise de service

Partie visible

Partie nonvisible

CLIENT

SERVICE

Figure 5. Servuction pour un service à la personne.

2.1.2. Servuction d’un service à un objet. C’est le système de servuction qui correspond au deuxième type de services, ceux qui vont en quelque sorte transformer l’état d’un objet appartenant à une personne. C’est le cas de la réparation automobile ou de sa maintenance, de l’installation et de l’entretien d’appareils électroménagers. La servuction d’un service à un objet apparaît à la figure 6. Ce système de servuction possède les mêmes propriétés et fonctionne de la même manière que le cas général, mais en outre il présente deux caractères qui méritent un peu d’attention : la complexité du système, et les relations qui peuvent exister entre le client et l’objet qu’il possède. On voit bien sur la figure 6 la position centrale de l’objet auquel est destiné le service; le système est beaucoup plus complexe, le nombre des éléments est de cinq, y compris le service, et le nombre des relations passe à dix.. Il faut dire que la complexité d’un système, mesurée par le nombre de relations, croît très vite avec le nombre d’éléments ; la formule est la suivante: Nr = n(n - 1)

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2 Par rapport à la servuction d’un service à la personne, on passe ainsi de six à dix relations simplement en ajoutant un élément de plus. Figure 6. Servuction d’un service à un objet.

SUPPORTPHYSIQUE

PERSONNEL EN CONTACT

Système d'

Organisation

Interne

Entreprise de service

Partie visible

Partie nonvisible

CLIENT

OBJET

SERVICE

Figure 6. Servuction d'un service à un objet

Cette complexité du système est celle de la gestion, et de la prévisibilité et de la standardisation du résultat; plus les relations sont nombreuses, plus les étapes pour parvenir au service sont diverses et sujettes à des intervenants différents. Par ailleurs, l’objet auquel est destiné le service est la propriété du client et à ce titre mérite des égards et des précautions de la part de l’entreprise de service; en effet, le client peut s’être investi affectivement de façon élevée vis à vis de son objet, ce qui est souvent le cas de l’automobile par exemple, ou bien tout simplement il faut tenir compte de la valeur marchande de l’objet et ne pas la diminuer par des dommages intempestifs. C’est ce dernier point qui est pris en compte lorsque l’on assure un objet que l’on fait transporter. 2.1.3. Servuction d’un service à une entreprise. Les services aux entreprises sont extrêmement divers et sont ceux qui ont affiché les taux de croissance les plus élevés au cours des dernières années; ce sont par exemple, la formation, le transport, la restauration collective, la gestion de flottes de véhicules, le développement de systèmes informatiques, la publicité, le conseil ou les services professionnels, etc. On le voit la liste est longue, et bien sûr très loin d’être exhaustive. La servuction qui correspond à ce cas de figure se caractérise par le fait que le client est toujours l’entreprise, c’est à dire une personne morale, ce qui rend la servuction conceptuellement plus difficile à représenter. En fait, ainsi que le montre le tableau 1, trois types de services et donc de servuctions peuvent se présenter : des services aux employés de l’entreprise, des services destinés aux objets, machines et autres biens de l’entreprise, et enfin des services destinés uniquement à l’entreprise comme la certification des comptes, ou le conseil.

Tableau 1. Typologie des servuctions pour des services à l'entreprise

Bénéficiaire du service

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Employés Objets Entreprise

Réalisation dans l'entreprise de service

Réalisation chez l'entreprise cliente

Dans les trois cas, l’entreprise cliente sera présente et active dans la servuction par le truchement d’un ou plusieurs de ses membres ou employés, comme sur la figure 7; on aura ainsi toujours un service et une servuction à deux niveaux, celui de l’individu représentant l’entreprise cliente, et celui de l’entreprise cliente elle-même. La figure 7 représente la servuction d’un service rendu à un employé de l’entreprise cliente, une formation extérieure, par exemple. C’est bien sûr le salarié qui a un rôle majeur dans la servuction, mais des relations se sont développées à cette occasion entre l’entreprise cliente et l’entreprise de service, symbolisées par les flèches à double trait, et qui fait que le service du salarié est aussi celui de l’entreprise cliente, qui va pouvoir utiliser différemment son salarié formé. Les problèmes marketing posés par ce cas de figure sont nombreux et complexes: de l’entreprise cliente ou du salarié, qui décide, qui évalue, qui est satisfait ou non, etc. ?. Toutes questions critiques, sur lesquelles dans la réalité il faut se pencher, sans aucun a priori. La figure 7 peut représenter aussi la servuction d’un service à l’entreprise cliente, ce sont les mêmes éléments et les mêmes relations, sauf que le service à l’employé, s’il existe, n’est vraiment qu’accessoire. Quant au cas du service à un objet de l’entreprise cliente, il suffit de rajouter cet élément, à côté de l’employé, dans la figure 7. Figure 7. Servuction pour un service à une entreprise.

SUPPORTPHYSIQUE

PERSONNEL EN CONTACT

Système d'

Organisation

Interne

Entreprise de service

Partie visible

Partie nonvisible

EMPLOYE

SERVICE

Entreprise Cliente

V N V

Figure 7. Servuction pour un service à une entreprise .

La figure 8 illustre le cas où le service et la servuction se tiennent chez le client. Le service sera rendu par le personnel en contact, avec ses outils, mais dans un environnement physique qui appartient à l’entreprise cliente; ceci complique pour le prestataire les phénomènes de perception de la servuction et du service, ainsi que la maîtrise du bon déroulement du process. Ce cas est très courant pour le conseil et la formation intra entreprise, de même que pour la restauration collective, ou la maintenance. On se trouve alors devant les

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mêmes difficultés que précédemment, puisque dans cette situation on doit faire face à une dualité dans le service, à la fois aux personnes ou aux objets, mais aussi à l’entreprise elle-même. Figure 8. Servuction pour un service à une entreprise réalisé chez l’entreprise cliente.

SUPPORTPHYSIQUE

PERSONNEL EN CONTACT

Partie visible

Partie nonvisible

EMPLOYE

SERVICE

Système

d'Organisation

Interne

Entreprise de Service

Entreprise Cliente

Figure 8. Servuction d'un service à une entreprise réalisé chez l'entreprise cliente

V N V

2.2. La servuction et son développement en flow chart. Face au problème des services, et en quelque sorte de leur mystère, les toujours pragmatiques chercheurs américains ont développé le concept de “ service delivery system ”. Très naturellement, comme ces chercheurs travaillaient dans le domaine du management de la production, “ operations management ”, ils ont traité la fabrication du service comme celle d’un produit. Ils ont ainsi considéré que la fabrication d’un service était le résultat d’un ensemble d’opérations réalisées selon une certaine séquence. Ces opérations sont représentées sur un diagramme, appelé “ flow chart ”, qui constitue un des outils de base du management de la production, et permet de visualiser les différentes phases et activités nécessaires à la production, et les relations entre elles; il permet en outre d’évaluer les capacités nécessaires à chaque phase. Dans ce domaine le pionnier est W.E. Sasseriv, qui le premier a élaboré des flow chart pour expliquer le fonctionnement d’une activité de service. La figure 10 donne un exemple de flow chart pour le retour d’une voiture de location; l’auteur identifie clairement les étapes où le client interagit avec l’entreprise, et fait remarquer que c’est une des caractéristiques majeures des services; sans cette interaction, ce pourrait être un flow chart ordinaire. Figure 10. Flow chart du processus de retour d’une voiture de location.

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Figure 10. Flow chart du processus de retour d'une voiture de location (1)

Arrivée voiture

Parking retour

Check in

Recevoir les informationsclient

Mise à jour du statut de la voiture dans le SI

Inspection préliminaire

Inspection secondaire

Enregistrementmaintenance périodique

Correction Réalisation maintenance périodique

Préparation et présentationfacture

Préparation de la voiture

Voiture dans le parkingprête à être relouée

*

*

*

*

(1) D''après W.E. Sasser, op. cit.

* Indique une interaction avec le client.

2.2.1. Le “ blueprint ” G.L.Shostackv, à partir des flow chart classiques, a développé et mis en pratique une méthode originale, qu’elle appelle le “ blueprinting ”, et qui a ses racines dans l’ingénierie industrielle, la théorie de la décision, et l’analyse de systèmes informatiques. Cette méthode permet de décrire, et ainsi de comprendre, le “ service delivery system ”, ou système de fabrication du service, en évitant quatre travers de toute description: être incomplète, être simplificatrice, être biaisée, et enfin être sujette à interprétation. La figure 11 décrit une vue générale du blueprint d’un service de distribution, celui d’un détaillant de produits de bureau; elle appelle plusieurs commentaires:

- L’interaction avec le client y est mise en valeur, par “ la ligne de visibilité des évidences du service ”; en fait l’ensemble du système aboutit à ces interactions, qui sont représentées par leur support matériel.

- L’ensemble des opérations nécessaires à la commande et à livraison de produits de bureau y est répertorié, avec la totalité des relations entre ces opérations. Pour être plus précis, ces opérations forment des systèmes intégrés qui sont organisés en processus, moyens d’exécuter les tâches, et évidences présentées au consommateur.

- De plus le graphique met en lumière les point d’échec, qui sont les tâches à fort taux d’erreurs, les points à problème représentent les situations qui requièrent du jugement , et les points de dialogue avec le client.

- Enfin, comme tout flow chart, la colonne vertébrale de la construction est le temps. Figure 11. “ Summary Blueprint-office Products Dealer ”, G.L.Shostackvi.

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On le voit, l’approche du blueprint constitue une excellente adaptation de la méthode du flow chart à la situation particulière de la fabrication de service. Son apport est important puisqu’elle permet de mettre en

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lumière les processus, ceux du front office, mais aussi et peut-être surtout ceux du back office, leur interpénétration et leur séquence. En outre la conception même de l’ensemble ressort du domaine managérial, et se focalise sur les problèmes potentiels et les moyens de les résoudre. 2.2.2. Essai d’une synthèse blueprint/servuction L’approche blueprint constitue à l’évidence un complément fondamental au système de servuction; ce dernier reste global, n’intègre pas le temps, et n’identifie pas les opérations; par contre il se focalise plus sur le rôle du client et son interaction avec l’entreprise de service. Si on prend les avantages de chacun et que l’on essaye de les intégrer, il est possible de développer un blueprint qui intègre les éléments de la servuction; la figure 12 est une tentative d’application de cette idée à un service banal, l’arrivée et l’enregistrement d’un client dans un hôtel. Le schéma est structuré sur trois colonnes, chacune correspondant à un élément de la servuction: le client, le personnel en contact, les instruments à la disposition du personnel ou des clients; il a été nécessaire d’ajouter une quatrième colonne, celle du back office, qui ne constitue pas à proprement parler un élément, mais plutôt un ensemble d’éléments. Figure 12. Blueprint d’une arrivée de client à un hôtel.

S I OBACKOFFICE

INSTRUMENTS PERSONNEL CLIENT

Système de réservation

Mise en place dupersonnel

Système de gestion comptable

Terminal

Tableau de clés

Prise de réservation

Téléphone

Personnel disponible

ArrivéeAcceuil

Vérification réservation

OuiNonOuverture decompte

Chambredisponible?

Affectationchambre

Remise des clés

Refus

DépartHotel

DépartChambre

Informations surle séjour

P

P

P

E

E

Oui

Non

ATTENTE

ATTENTE

Figure 12. Blueprint d ’une arrivée de client à l ’hôtel.

E: Risque d ’erreurP: Problème potentiel

Comme pour la figure précédente, il s’agit d’une vision générale du processus; elle constitue une description objective et permet une compréhension immédiate de l’ensemble du système dans ses différentes étapes. Pour devenir un outil d’amélioration du service, elle doit être complétée par des blueprints particuliers et beaucoup plus détaillés sur les opérations principales comme le couple accueil/arrivée ou l’ouverture de compte/informations sur le séjour. Apparaissent tout de suite sur le graphique, les points où les risques d’erreurs sont les plus importantsainsi que les zones à problèmes; ces dernières sont le plus souvent situées lors des échanges d’information avec le client. On voit par ailleurs immédiatement les fortes interactions avec le client, ainsi que les moments où il risque d’être inactif, simplement à attendre.

3. Implications managériales de la servuction. En matière de gestion de l’unité de service et de l’entreprise de service en général, les conséquences de la servuction sont nombreuses et fondamentales. La première et certainement celle qui transcende toutes les autres est la coexistence au sein de la servuction de domaines du management traditionnellement séparés, la production et le marketing; deux séries de conséquences seront ensuite analysées, les implications d’ordre stratégiques puis opérationnelles. 3.1. Interrelations production, personnel et marketing.

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La première des propriétés de la servuction qui ait été mise en valeur lors de leur examen est celle de la dualité du système, soulignant par là le fait qu’une unité de servuction présente à la fois un caractère productif, comparable à celui d’une usine, et un caractère de relationnel, de convivialité, d’agrément du fait de la présence du client, et qu’il faut lui plaire. C’est l’extension de cette propriété à l’ensemble des décisions à prendre dans l’unité de service qui caractérise le plus profondément les implications managériales de la servuction. En effet, toute décision prise dans le cadre de la gestion de la servuction participe en même temps de trois domaines différents, la production, le marketing et le personnel; la production parce qu’il s’agit de fabrication, le marketing, du fait de la présence du client, et le personnel car toute modification du système a des implications immédiates sur lui. La difficulté provient du fait que la même décision doit tenir compte des trois logiques différentes qui, de plus, sont dans certains cas contradictoires. La divergence de logique production/personnel est bien connue, puisque c’est celle qui prévaut dans la gestion de la production classique, celle des usines; par contre les divergences production/ marketing et personnel/marketing sont plus difficiles à réconcilier car moins bien connues et analysées. La figure 13 illustre ce phénomène en positionnant les décisions sur la servuction au centre d’un triangle dont les sommets sont constitués par les trois domaines, soulignant ainsi la difficulté de réconcilier ces trois aspectsvii. Figure 13. Interrelations Production, personnel, marketing.

PRODUCTION

PERSONNEL MARKETING

DECISIONSUR LA

SERVUCTION

Figure 13. Interrelations production, personnel et marketing.

Un exemple permettra de mieux comprendre cette difficulté. Dans certains aéroports, les grandes compagnies aériennes internationales mettent en place des automates qui permettent aux passagers d’effectuer eux-mêmes les opérations d’enregistrement, ceci grâce aux nouveaux titres de transport, rigides et pourvus d’une bande magnétique. On voit bien les enjeux pour les compagnies: à la clé, des gains de productivité considérables dans les opérations d’enregistrement, qui occupent deux à trois personnes en moyenne pendant une heure pour chaque vol. Mis en place depuis plusieurs mois, ces automates semblent relativement peu utilisés.

L’analyse de cette décision, création et mise en place de ces automates, est simple; automatiser un

processus de production est une décision des plus classiques en management des opérations : rationaliser la production et améliorer la productivité. Dans notre cas, comme dans l’industrie elle pose des problèmes au personnel qui voit son travail menacé, d’où beaucoup de réticences de sa part. Mais en plus, dans notre situation de service, cette décision pose aussi des problèmes au client qui va se demander à quoi cela sert, va essayer de s’en servir avec plus ou moins de succès, va avoir des appréhensions etc. Quand on prend une telle décision, on se trouve bien au centre de notre triangle, devant une impossibilité, pour la même décision de séparer les logiques opérations, personnel et marketing. Si l’on reprend les logiques personnel et marketing, il n’est pas sûr que les compagnies aériennes aient bien estimé les difficultés soulevées par cette décision dans ces deux aspects: logique marketing d’abord,

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résistance des clients pour changer leurs habitudes, crainte de l’inconnu, crainte de se tromper au risque de ne pouvoir embarquer, et peu d’avantages ou presque lié à cette participation supplémentaire, si ce n’est de na pas attendre; logique ressources humaines ensuite, résistance du personnel bien compréhensible aussi qui voit dans l’automate une menace directe de son emploi, et une perte de pouvoir sur l’ensemble de la servuction si les passagers ne sont plus obligés de passer par lui. On voit bien ici l’antinomie qui peut exister entre les logiques production/personnel, et celle des logiques production/marketing; apparaît clairement aussi celle entre personnel et marketing. La complexité des décisions que doit prendre le responsable de l’unité est bien réelle, et la difficulté de réconcilier ces logiques différentes est d’autant plus grande que les responsables d’unités, véritables gestionnaires des servuctions ne possèdent pas forcément une bonne formation marketing, leur formation principale étant les opérations ou ce que l’on appelle aussi exploitation et gestion de personnel; ils ont par ailleurs de fortes difficultés à allouer correctement et équitablement leur temps entre ces trois domaines, et à approfondir chacun d’entre eux. On peut même considérer que du point de vue du management la spécificité majeure de l’entreprise de service par rapport à l’entreprise industrielle consiste en cette impossibilité de séparer marketing et production ou opérations qui induit un grand nombre de conséquences organisationnelles. 3.2. Implications stratégiques. Les implications stratégiques de la servuction sont nombreuses et de diverses natures; les plus importantes concernent les décisions liées à la capacité du système de servuction, les problèmes du réseau, les opérations de concentration et l’organisation du marketing. 3.2.1. Capacité. La première décision stratégique est certainement constituée par la taille de l’unité de service, sa capacité, c’est à dire le nombre maximal de services que l’on peut fabriquer ou de personnes que l’on peut servir dans une unité de temps donné. Une fois cette décision prise, elle s’impose comme une contrainte au responsable de l’unité, avec mission de l’utiliser au maximum.

La difficulté de fixer la taille de l’unité de service provient ici encore du fait que, contrairement à l’industrie, la servuction interdit de séparer la production du marketing; dans l’industrie la capacité de production doit être fixée en fonction du volume total du marché potentiel annuel, national, voire international, et de la part de marché escompté pour l’entreprise; l’adéquation avec le rythme de la demande s’opère par l’intermédiaire du tampon que sont les stocks. La problématique du choix de la capacité dans les services est différente; cette différence réside dans le fait que le client doit être présent ou avoir une relation directe et personnelle avec l’entreprise de service pour que le service soit fabriqué. Ce phénomène entraîne deux conséquences importantes: d’abord la capacité dont il s’agit, est celle d’une unité, en général petite, et le marché qui va guider la décision n’est que local ou régional; sauf à de très rares exceptions, on ne peut raisonner au niveau national, à moins de considérer la capacité future de l’ensemble d’un réseau, ce qui reste quand même très théorique. Ensuite, ainsi que le montre la figure 14, le rythme sur lequel le client manifeste sa demande n’est pas linéaire; la courbe présente des périodes de fortes demande et des périodes de faible demande, soit des creux et des pointes. Les services ne pouvant se stocker, on est condamné à décider de la capacité en fonction de ces rythmes. Quel est le niveau le plus souhaitable, un, deux ou trois? Difficile de répondre définitivement à cette question; du point de vue du responsable de l’unité, le niveau deux est confortable, le niveau trois aura probablement la préférence du directeur du réseau, qui est en fait le décideur, car les volumes sont plus importants, et il amène le responsable d’unité à se dépasser en matière marketing pour créer son marchéviii. Figure 14. Niveaux de capacité de l’unité et rythme de la demande.

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TEMPS

CAPACITE

Capacité 1.

Capacité 2.

Capacité 3.

Figure 14. Niveaux de capacité de l'unité et rythme de la demande.

DEMANDE

Le responsable de l’unité doit ensuite gérer la capacité au mieux, tâchant d’attirer le plus de clients possible dans l’unité, et surtout de tenter de modifier la forme de la demande en remplissant les creux et en écrêtant les pointes. A la capacité, il faut ajouter une décision tout aussi stratégique, et qui découle aussi de la présence du client dans la servuction: la localisation de l’unité, son emplacement. Si l’unité ne se trouve pas dans un endroit commode pour le client, c’est à dire facile d’accès et sur un passage à fort trafic, les efforts pour remplir l’unité seront décuplés, et sans aucune garantie de réussite. 3.2.2. Développement du réseau. Si le client est dans la servuction et participe à la fabrication du service, il est nécessaire pour l’entreprise de service qui veut se développer et s’attaquer à un marché régional ou national, de disposer d’unités de servuction à l’endroit où se trouve le client, où il vit, où il travaille; c’est le développement d’un réseau. Un réseau est constitué d’un ensemble d’unités ou de points de servuction, répartis spatialement sur un territoire, appartenant à la même entreprise, gérés selon des règles comparables, et où le client peut trouver les mêmes services. Le réseau constitue une des particularités les plus importantes des entreprises de service, présentant deux ensembles de problèmes très spécifiques, celui de son développement et de sa croissance, et celui de sa gestion. 3.2.3. Concentration. Une conséquence incidente de la servuction et de la nécessaire organisation en réseau de l’entreprise de service est constituée par les effets des stratégies de concentration. Traditionnellement les industries manufacturières ont concentré leurs moyens de production de manière à rationaliser cette production et bénéficier d’économies d’échelle; elles ont ainsi pu abaisser les coûts, augmenter leur productivité et par là même, en abaissant les prix, rendre leurs produits accessibles au plus grand nombre. Le contraste est saisissant dans les services: si deux entreprises de service concentrent leurs moyens de production, que vont-elles concentrer? Elles vont en fait concentrer leurs réseaux, ce qui ne veut pas dire grand chose s’ils sont concurrents, sauf à en détruire un; si les deux réseaux sont complémentaires, c’est une opération de croissance externe, sans amélioration notoire de productivité. Les seuls gains de productivité qui pourront être trouvés le seront au niveau des sièges, dont les fonctions font double emploi pour gérer un réseau unique; en tout état de cause, le niveau de ces gains ne peut que rester faible par rapport à ceux dégagés dans l’industrie. 3.2.4 Organisation du marketing. Dans une entreprise de service, les relations que l’entreprise développe avec le client, ne sont pas l’apanage du département marketing : elles sont principalement le fait de celles qui se développent au niveau de

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l’unité de servuction. L’unité est en charge de la relation au jour le jour avec le client, de sa satisfaction avec le service, des liens qui peuvent se tisser avec le personnel, des messages qui lui sont passés; elle a ainsi un rôle éminent dans le marketing, c’est elle qui est en charge du marketing opérationnel, le marketing stratégique restant la première responsabilité du siège. La responsabilité marketing se trouve ainsi partagée, entre le siège et les unités du réseau; de là l’impossibilité d’organiser le marketing comme dans une entreprise industrielle classique, et l’obligation de définir avec précision les responsabilités des uns et des autres. 3.3. Implications opérationnelles. Les implications opérationnelles sont celles qui ont trait à la gestion au jour le jour de l’unité de servuction; elles concernent la fabrication de chaque service, jour après jour, heure après heure. Dans le langage managérial, il semble que l’opérationnel soit moins noble, que le stratégique; c’est une culture inverse qu’il faut développer dans les services: la noblesse du métier, la qualité de la relation avec le client, la qualité du service, la satisfaction et le contentement du client, tout ceci appartient pour la majeure partie à l’opérationnel. Outre les grandes décisions stratégiques, ce qui compte vraiment dans les services, c’est l’opérationnel, c’est à dire le domaine de prédilection du responsable de l’unité de servuction. 3.3.1. Gestion de la relation client. D’un point de vue managérial, la caractéristique la plus originale de la servuction est la présence du client et sa participation au système; la conséquence opérationnelle très immédiate est la nécessaire gestion de la relation avec le client.

Dans une servuction ou dans les processus développés dans les blueprints, la relation de l’entreprise, c’est à dire du personnel en contact, avec ses clients est toujours duale: il y a d’abord l’aspect fonctionnel, le contenu de la relation ou de la transaction, directement lié aux tâches à accomplir pour que le service existe. Si l’on reprend la figure 12, le blueprint d’une arrivée de client à un hôtel, cet aspect fonctionnel de la relation se concrétise par les questions que va poser le personnel au client, et les informations qu’il va lui donner en retour sur la localisation de sa chambre, les différents services de l’hôtel, etc. . Au-delà de cet aspect fonctionnel de la relation, il faut bien sûr tenir compte de l’évidence la plus triviale: le client est aussi une personne humaine, et qui requiert qu’on le traite comme tel. Il est donc nécessaire d’enrober le fonctionnel de la relation d’un ensemble de phrases, de mots, de gestes, qui expriment au client les sentiments de reconnaissance et de respect qu’inspire toute personne humaine et particulièrement sa propre personne. En un mot, il faut donner de l’épaisseur à cette relation, cette épaisseur étant faite de chaleur humaine, adaptée à la situation. Les figures 15 et16 schématisent cette épaisseur, ce qui est autour du nécessaire fonctionnel; c’est ce que l’on appelle l’accueil, le sourire, les gestes de prévenance, les formules de politesse employées, la politesse elle-même, le ton du dialogue, etc.. De la réussite de cette partie de la relation, va dépendre le niveau de satisfaction du client, à condition bien sûr que la partie fonctionnelle de la relation soit correctement réalisée. Ce moment où personnel en contact et client se trouvent face à face a été analysé dans la littérature; J. Czepielix a développé le concept d’ “ encounter ”, de rencontre, l’école scandinave le “ moment of truth ”x, concepts proches, et qui insistent sur la même idée: il faut que la relation humaine qui survient dans la servuction se passe bien, que de l’empathie entre les deux personnes se développe. Sans être au niveau des recommandations pour que cette épaisseur de la relation ait de la consistance, il faut bien comprendre que la responsabilité en échoit au responsable de la servuction, le directeur de l’unité, et lui seul; le personnel en contact ne fera que le suivre. Figure 15. Épaisseur de la relation personnel-client.

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PERSONNELEN CONTACT CLIENT

Figure 15. "Épaisseur" de la relation personnel/client.

Figure 16. Nécessaire dualité des rôles de chaque acteur.

ROLE DUPERSONNEL

ROLE DU CLIENT

Opérationnel OpérationnelRELATIONNEL

Figure 16. Nécessaire dualité des rôles de chaque acteur.

3.3.2.Gestion de la qualité du service. La dernière conséquence de la servuction est double; c’est d’abord le fait que le corollaire du management de la relation client, et notamment de son épaisseur, est la responsabilité de la qualité du service; le responsable de cette qualité, et de la satisfaction client est bien le gestionnaire de l’unité de servuction. C’est lui et son personnel en contact qui fabriquent, avec le client, jour après jour, client après client, le service, et c’est donc en majeure partie entre leurs mains que réside le fait que ce service soit bien ou mal réalisé. Le second élément est que la problématique de la qualité du service diffère sensiblement de celle des produits tangibles. En effet, les produits, une fois fabriqués, sont contrôlés de manière à ce que la totalité de ceux qui seront mis sur le marché soient parfaitement identiques et conformes aux spécifications; ainsi les clients sont sûrs de ce qu’ils achètent. Pour les services au contraire, du fait de la participation du client à la servuction, le client doit décider, acheter et même payer avant de bénéficier du service; ceci signifie que, par nature, l’on ne peut contrôler le service, et notamment sa qualité et sa conformité aux spécifications avant ce l’avoir vendu. D’où un ensemble de pratiques en matière de qualité de service tout à fait spécifiques, qui seront développées dans le chapitre 3 de cet ouvrage.

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Le concept de servuction et son prolongement dans le blueprint apparaissent donc comme une aide importante à la compréhension de ce qu’est un service, de la façon dont on le crée, ainsi que des particularités dont on doit tenir compte lorsque l’on raisonne sur le management d’une entreprise de service; au premier rang de ces particularités se trouve le fait que le client est impliqué d’une manière ou d’une autre dans la fabrication du service se trouvant confronté ainsi à un double rôle, producteur et consommateur. On verra plus loin les fortes implications de ce phénomène, pour l’entreprise de service et pour lui-même. Références.

i Les développements qui suivent sont une synthèse du premier chapitre de P. Eiglier et E. Langeard, “ SERVUCTION, Le marketing des services ”, McGRAW HILL,1987. iiPour une analyse détaillée des éléments et de ces relations, voir P. Eiglier et E. Langeard op. cit. p. 19. iii Ludwig Von Bertalanfy : “ General system theory ”, ed Georges Braziller, New York, 1980. ivW.E. Sasser, R.P. Olsen, D.D. Wyckof,: “ Management of Service Operations ”, Allyn and Bacon, Inc., 1978. vG. Lynn Shostack : “ Understanding services through blueprinting ”, in “ Advances in services marketing and management ”, edited by T.A. Swartz, D.E. Bowen, S.W. Brown, JAI Press Inc. 1992. viG. Lynn Shostack : “ Understanding services through blueprinting ”, in “ Advances in services marketing and management ”, edited by T.A. Swartz, D.E. Bowen, S.W. Brown, JAI Press Inc. 1992. vii Voir à ce sujet : E. Langeard, J. Bateson, C. Lovelock et P. Eiglier : “ Services marketing : new insights from consumers and managers. ” Marketing Science Institute, Cambridge, Mass. 1981. viii Pour une approche quantitative de ce problème voir : J.A. Fitzsimmons and M.J Fitzsimmons « Service Management, Opérations, Trategyand information technology », McGraw Hill, 2001. ixJ. A. Czepiel, M.R. Solomon and C.F. Surprenant : « The Service Encounter », Lexington books, 1985. x R. Normann : « Service Management », John Wiley and Sons, 1984.