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Alberto Bernabé La toile de Pénélope : a-t-il existé un mythe orphique sur Dionysos et les Titans ? In: Revue de l'histoire des religions, tome 219 n°4, 2002. L'orphisme et ses écritures. Nouvelles recherches. pp. 401-433. Résumé Luc Brisson et Radcliffe Edmonds ont récemment douté de l'existence du mythe orphique de Dionysos et les Titans dans l'Antiquité. Un nouvel examen des textes pertinents (présentés dans un dossier joint) porte à la conclusion que ce mythe n'est pas une construction du XIXe siècle, mais qu'il provient de la Grèce ancienne. Les différents auteurs qui parlent du mythe puisent à tour de rôle dans les différents éléments de son paradigme, mais ils n'ajoutent jamais des éléments incompatibles avec le schéma retracé, qui a gardé sa cohésion en tout temps. Il doit donc répondre à un mouvement religieux d'une longue durée lui aussi. Quel autre candidat d'une aussi longue durée pourrions-nous trouver en dehors de l'orphisme ? Abstract Penelope's cloth. Was there an Orphic myth of Dionysos and the Titans ? Brisson and Edmonds have recently questioned the existence of the Orphic myth of Dionysus and the Titans in antiquity. A new examination of relevant texts (presented at the end of the paper) establishes that this myth is not a 19th century construction, but it comes from Ancient Greece. Each of the authors dealing with this myth presents a different aspect of the paradigm, but none of them adds elements incompatible with the reconstructed paradigm which has remained coherent through time. It must therefore reflect a religious movement covering many centuries. Besides Orphism, which other equally long-lasting candidates are there ? Citer ce document / Cite this document : Bernabé Alberto. La toile de Pénélope : a-t-il existé un mythe orphique sur Dionysos et les Titans ?. In: Revue de l'histoire des religions, tome 219 n°4, 2002. L'orphisme et ses écritures. Nouvelles recherches. pp. 401-433. doi : 10.3406/rhr.2002.952 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_2002_num_219_4_952

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  • Alberto Bernab

    La toile de Pnlope : a-t-il exist un mythe orphique surDionysos et les Titans ?In: Revue de l'histoire des religions, tome 219 n4, 2002. L'orphisme et ses critures. Nouvelles recherches. pp.401-433.

    RsumLuc Brisson et Radcliffe Edmonds ont rcemment dout de l'existence du mythe orphique de Dionysos et les Titans dansl'Antiquit. Un nouvel examen des textes pertinents (prsents dans un dossier joint) porte la conclusion que ce mythe n'estpas une construction du XIXe sicle, mais qu'il provient de la Grce ancienne. Les diffrents auteurs qui parlent du mythe puisent tour de rle dans les diffrents lments de son paradigme, mais ils n'ajoutent jamais des lments incompatibles avec leschma retrac, qui a gard sa cohsion en tout temps. Il doit donc rpondre un mouvement religieux d'une longue dure luiaussi. Quel autre candidat d'une aussi longue dure pourrions-nous trouver en dehors de l'orphisme ?

    AbstractPenelope's cloth. Was there an Orphic myth of Dionysos and the Titans ?

    Brisson and Edmonds have recently questioned the existence of the Orphic myth of Dionysus and the Titans in antiquity. A newexamination of relevant texts (presented at the end of the paper) establishes that this myth is not a 19th century construction, butit comes from Ancient Greece. Each of the authors dealing with this myth presents a different aspect of the paradigm, but none ofthem adds elements incompatible with the reconstructed paradigm which has remained coherent through time. It must thereforereflect a religious movement covering many centuries. Besides Orphism, which other equally long-lasting candidates are there ?

    Citer ce document / Cite this document :

    Bernab Alberto. La toile de Pnlope : a-t-il exist un mythe orphique sur Dionysos et les Titans ?. In: Revue de l'histoire desreligions, tome 219 n4, 2002. L'orphisme et ses critures. Nouvelles recherches. pp. 401-433.

    doi : 10.3406/rhr.2002.952

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_2002_num_219_4_952

  • ALBERTO BERNAB Universidad Complutense, Madrid ,

    La toile de Pnlope :

    a-t- exist un mythe orphique

    sur Dionysos et les Titans ?

    Luc Brisson et Radcliffe. Edmonds ont rcemment dout de l'existence du mythe orphique de Dionysos et les Titans dans d'Antiquit.. Un nouvel examen des textes pertinents .( prsents dans, un dossier joint) porte la s conclusion que ce mythe n'est pas une construction du XIXe sicle, mais qu'il provient de la Grce ancienne: Les diffrents auteurs qui parlent du mythe1 puisent tour de rle dans les diffrents lments de son paradigme, mais ils n'ajoutent jamais des lments incompatibles avec le schma retrac, qui a gard sa cohsion en tout temps. Il doit donc rpondre un mouvement religieux d'une longue dure lui aussi:. Quel autre candidat d'une aussi longue dure pourrions-nous trouver en dehors de l'orphisme ?

    Penelope's cloth. Was there an Orphic myth of Dionysos and the Titans?1

    Brisson and i Edmonds have recently questioned the existence of the Orphic myth of Dionysus and the Titans in antiquity. A new examination of relevant texts (presented at the end of the paper) establishes that this myth is not a 19th century construction, but it comes from Ancient Greece. Each of the authors dealing with this myth presents a different aspect of the paradigm, but none of them adds elements incompatible with the reconstructed paradigm - which has remained coherent through time. It s must therefore reflect a religious movement covering many centuries: Besides Orphism, which other equally long-lasting, candidates are there ?

    Revue de l'histoire des religions, 219 - 4/2002. p. 401 433

  • /. Un ! mythe : tiss: et dfait plusieurs reprises

    Le titre que j'ai : donn cette analyse du mythe orphique de Dionysos et des Titans, La toile de Pnlope , vise 1 tre, une espce de mtaphore des phases de reconstitution et de dconstruction * que les spcialistes ont fait subir , ce : mythe, tout* au long de son histoire. Depuis sa construction partir des textes, effectue par les philologues . et. les historiens de la religion du XIXe sicle ou des dbuts du dernier sicle, qui commencrent/ . s'intresser l'orphisme1, nous avons assist sa remise en question, comme consquence de la ngation de l'existence de l'orphisme lui-mme, par une srie de chercheurs qui va de Wilamowitz Linforth, Moulinier ou Dodds2, puis sa reconstitution, . entrane ; par la reconnaissance, * nouveau, de l'existence : de l'orphisme que partagent la plupart des; tudes les plus rcentes3. Cependant, en< 1992,- Luc. Brisson4 branlait 'une des- bases, de la reconstruction du mythe dans son analyse,- ingnieuse mais discutable;, d'un texte fondamental (Olympiodor. , in Plat: Phaed.l V, 3-6).. Et en; 1999 Radcliffe Edmonds5 dfaisait nouveau, cette fois-ci ; entirement, la toile de Pnlope; en faveur d'une proposition beaucoup plus radicale (p. 36) : the myth of Zagreus... is unfortunately a modern creation... shall demonstrate that this Zagreus myth is... a modern fabrication dependent upon Christian models that reconstruct the fragmentary evidence in -terms of a unified Orphic church, an almost Christian religion with dogma based on a central myth - specifically, . salvation from original sin through the death and resurrection of the suffering god.

    Il- y donnait mme au mythe une date de naissance (p. 66) : a single myth of anthropogony and original sin, a myth not told until 1879.

    Comme, on peut le constater, Edmonds -s'exprime dans son tude en des termes tranchants, comme s'il s'agissait d'une vidence que des gnrations de - spcialistes; l'exception de quelques esprits : clairvoyants, n'avaient pas t capables de percevoir. Voil donc pourquoi

    1. Aprs le rassemblement de textes de Lobeck (1829), 615 s., on doit ajuste titre souligner les: apports de Comparetti, (1879) (1910), 26 s. ; Rohde (1925 [1894]); II, 119 s. et Harrison (1922 [1903]).

    2. Wilamowitz-Moellendorff (1931) ; Linforth (1941); Dodds (1951). 3. Pour n'en donner que deux exemples; cf. Burkert (1985), 297 s. et Sorel

    (1995), 64 s. 4. Brisson (1992). 5. Edmonds (1999).

  • LA TOILE DE PNLOPE 403

    il m'a sembl important de soumettre les textes une nouvelle analyse, et galement ' d'en apporter, d'autres, . afin i d'essayer ; de dterminer s'il : convient i de garder . le cadre dcrit par la . plupart des spcialistes : ou, . par, contre, de le rejeter:

    21 pisodes du < mythe

    Voici les donnes pertinentes pour reconstitution de ce mythe : Zeus - et sa' fille Persephone ont un enfant, Dionysos; appel ' aussi ; Zagreus i par quelques sources. Les Titans, jaloux- e incits par Hra, . trompent Dionysos avec des objets divers, le tuent, le dmembrent et mangent ; ses \ chairs. Zeus foudroie alors les Titans. Et c'est ; de la , cendre des Titans et des dpouilles du mme Dionysos que naissent les hommes; Aussi leur nature sera-t-elle double. Tandis que Dionysos est rintgr dans sa condition premire, les hommes hritent le pch de leurs* anctres les Titans- et doivent l'expier. Une telle expiation s'effectue au long de plusieurs vies et1 exige l'accomplissement de toute une srie de conditions, rituelles, morales et en rapport avec certains tabous, qui mneront la * dlivrance de cette ; tache : originelle. Ces conditions accomplies, l'me, divine; s'intgre dans la communaut des dieux. Sinon, elle devra poursuivre son pnible cycle * de ' maux et de rincarnations6. On . nous dit que ce sujet tait trait dans un hier os logos, ou dans i plusieurs, et qu'il faisait l'objet de rituels, notamment ceux= qu'on ' a appels teletai. On attribue frquemment - Orphe la composition -du rcit * sacr et .l'institution du rituel.

    3. Propositions > de la prsente tude

    Avant de procder . une nouvelle analyse, je; vais. prciser, ce que j'essaierai d'apporter : a /Un nouvel examen des. textes pertinents (quelques-uns d'entre eux

    n'ont pas t considrs par Edmonds); prenant en considration, aussi les contextes o ils se trouvent.

    b I L'utilisation, dans l'tude du mythe; de ses anciennes analyses et interprtations. Bien qu'il soit vident qu'il faille diffrencier nettement le mythe de ses anciennes exgses, il n'en reste pas moins cer-

    6. Mon travail dans une nouvelle dition des fragments orphiques m'a amen . tudier soigneusement . la question afin d'arriver y prsenter, dans une suite vnementielle cohrente, toute une srie de rfrences directes ou indirectes la . mort de Dionysos, au chtiment subi par les Titans et la naissance de l'homme. .

  • 404 ALBERTO BERNAB

    tain que toute interprtation doit partir de la prsence pralable, l'intrieur du mythe, de quelque trait lui servant d'appui. Ce qui fait que,, quoique nous n'acceptions pas l'interprtation qu'on nous ; en* offre, nous pouvons toujours l'utiliser pour reconstruire, en partant de celle-ci, le trait du mythe qui la conditionne.

    I L'acceptation d'un point de dpart incontournable : le fait que dans les textes de l'Antiquit il n'y a que de simples allusions aux mythes, . car l'auteur qui puise dans les mythes compte sur la connaissance, chez le lecteur, ou chez l'auditeur, du paradigme dans lequel s'intgrent* ses allusions. Et c'est' justement de ce caractre allusif que dcoule la' ncessaire existence d'un, schma gnral (permettant l'auteur de ne pas tre exhaustif dans son rcit. Ce schma gnral ne doit pas forcment tre monolithique. Bien au contraire, il est normal; que la reconstitution du mythe prsente des aspects diffrencis qui varient d'une poque l'autre, ou d'un auteur l'autre, et mme dans * l'uvre d'un seul auteur. Le travail du spcialiste consiste reconstituer le paradigme du mythe . (aussi, bien entendu, en ce qu'il . a de , changeant) < en , partant des diffrentes allusions. . Autrement, nous devrions nous rsigner considrer qu'il n'existe pas de mythe, et en* effet, en appliquant les mthodes d'Edmonds, on parviendrait conclure par exemple que le mythe d'dipe . n'a pas exist avant . le xixe sicle.-

    d I Une analyse * soigneuse . de la manire dont ; certains lments .- du mythe ou du rituel en impliquent ncessairement d'autres, tout tenant compte du fait que, parfois, . au contraire,, certains ; traits sont incompatibles avec d'autres, et ne peuvent donc faire partie, ensemble,* du mme paradigme.

    J'ai r trait ailleurs7 quelques '. questions philologiques ? concernant * quelques passages significatifs, ce qui me permet ici de renvoyer la, discussion et d'offrir seulement les conclusions.

    4." Rfrences noplatoniciennes au mythe de Dionysos et des Titans

    Je vais commencer par l'examen des tmoignages des noplatoniciens; qui nous permettront de retracer le schma que vraisemblablement prsentait la narration du mythe de Dionysos dans les Rhapsodies (leur principale source d'information). Nous essaierons plus tard de'

    7.' Bernab,* sous presse..

  • LA TOILE DE PNLOPE 405

    remonter en arrire. Le premier des textes analyser doit tre, naturellement, celui qui constitue le noyau de la discorde, qui a t l'objet de la' critique de Brisson et de la plus furieuse attaque d'Edmonds : Olympio- dor. inPlat. Phaedon: .1; 3 (4 LWesterink) (T l)8. J'en prsente le passage le plus pertinent dans la traduction de L. Brisson? :.

    L'argument mythique est le suivant. Chez Orphe, on enseigne qu'il y a quatre rgnes. Le premier rgne est celui d'Ouranos, auquel succda Kronos aprs avoir coup les parties sexuelles de son pre ; Zeus succda Kronos et rgna, une fois qu'il eut prcipit son pre dans le Tartare. Puis Zeus succda Dionysos ; et on raconte que, par suite d'une machination ourdie par Hra, les Titans, ses gardiens, mirent en pices Dionysos et mangrent ses chairs. En colre contre eux, Zeus les frappa alors de sa foudre et le sublim des vapeurs qui s'levaient d'eux constitua une matire dont vinrent les hommes..

    Il est donc interdit de se suicider, non parce que, comme semble le dire le texte,. nous sommes dans notre corps comme dans une prison, car cela est vident, et Socrate ne dirait pas qu'il s'agit l de quelque chose qui ressortit aux Mystres, mais parce que notre : corps est dionysiaque . En - effet, . nous sommes une partie de Dionysos, s'il est vrai que nous tirons notre origine du sublim des Titans qui ont mang ses chairs;

    Dans son commentaire du passage, Brisson conclut (p. 494-495) : Ds lors, . il faut, . semble-t-iV considrer cette remarque d'Olympiodore

    non comme un tmoignage sur la teneur d'un pisode support par la thogonie orphique, mais : comme : l'interprtation mystique d'une opration alchimique,1 rapproche ' d'un pisode de ? la * thogonie orphique, sur lequel nous ne savons . pratiquement rien, sauf qu'il dcrivait l'origine de l'tre humain partir des Titans qui avaient tu Dionysos et mang ses chairs. (...) le troisime lment (se. l'hritage par l'homme de la bont et de la divinit que confre Dionysos incorpor par les Titans) ne se trouve que chez Olym- piodore... l'ide suivant laquelle l'homme descendrait des Titans remonte trs haut et n'a rien de typiquement orphique.

    Edmonds adhre l'interprtation alchimique et il souligne (p. 40) que :

    No other ancient author connects the murder of Dionysos and the creation of mankind.

    J'ai plusieurs arguments a opposer, ces conclusions : 17 Toute l'argumentation, qui : sert su appuyer la thse de l'origine

    alchimique du passage d'Olympiodore estbase sur la traduction le sublim du gr. aithale. Or, j'ai dmontr ailleurs10 que cette traduction, est,. pour; le moins,, discutable. Rien. n'empche. de croire que aithale prend dans le texte d'Olympiodore le sens vulgaire de suie, cendre ou;

    8. La rfrence T. suivie d'un numro renvoie au dossier de textes ci-joint. 9. Brisson (1992), 484.

    10. Bernab sous presse.

  • 406 i ALBERTO BERNAB

    rsidu , et non un sens alchimique. Si aithale n'a pas une valeur alchimique, rien, dans le reste du fragment, ne rsulte tre alchimique. ,

    2/11 existe une diffrence bien nette entre la. prsentation en prose dm tmoignage d'Orphe* (trs- vraisemblablement: un, passage; des Rhapsodies) ; et. l'interprtation i d'Olympiodore.'- La citation ; indirecte commence par, Chez Orphe , et finit par dont vinrent : les hommes . La i particule oun donc marque : clairement ; la frontire qui ; existe entre le rsum de l'pisode des Rhapsodies et l'interprtation \ d'Olympiodore. Il n'existe . donc pas une . raison fonde pour, douter que .la dernire > affirmation . ( et la suie des vapeurs . qui s'levaient d'eux constitua une matire dont ; vinrent les hommes ) ne soit" pas : aussi fidle la source que les' autres, d'autant, plus; qu'elle' n'appartient pas encore l'interprtation du > philosophe, . mais qu'elle , fait, toujours partie du rcit mythique des Rhapsodies qu'Olympiodore : a rsum;

    37 Le rcit d'Olympiodore n'est pas, isol. Il y a* v cet gard*

    d'autres passages significatifs : Le premier est celui de Damascius {in Plat. Phaed. 1, 4 s.) (T 2) o cet

    auteur discute l'interprtation dephroura. Comme il s'agit d'un long passage, je n'en retiendrai ici que les rfrences qui semblent tre directement issues des Rhapsodies et qui feront postrieurement l'objet d'une interprtation allgorique/ Je considre par consquent comme authentique- ment originaires des Rhapsodies les parties prsentes dans les questions: auxquelles l'auteur lui-mme fournit une rponse, ainsi que les rfrences dont l'origine orphique est- garantie par. la citation littrale de vers..

    a) Dionysos s'assied sur le thrne de Zeus (1,4,. citation t littrale du fr. 208 K.). .

    b) Les Titans conspirent contre Dionysos (1, 5). c) Ils sont punis (1, 6). d) Trois types de chtiment sont tablis : foudroiement, mise aux fers et

    emprisonnement (1, 7). e) Les hommes sont crs des morceaux des Titans (1, 8); concrtement de .

    leurs corps morts:. f) II existe dans l'homme une partie titanique et une autre dionysiaque

    (1, 9). Bien qu'il ne s'agisse que d'une interprtation de Damascius, celle-ci ne serait pas possible si la source orphique n'avait pas en quelque sorte postul la : prsence de Dionysos chez nous...

    g) Nous - sommes - par- consquent ' dans une prison > (qu'on attribue Dionysos lui-mme, 1, 10), dont seulement ce dieu pourra nous dlivrer (on cite; un fragment littral, le /r. 232 K.)11

    11. Cf. aussi Olympiodor. in Plat. Phaedon: 8,7 (123 Westerink), Procl. in, Plat. Alcib. .-. 1, 104, 23, Damasc. Vita Isidor, fr. 32 Zintzen)..

  • LA TOILE DE PNLOPE 407

    La squence mort de Dionysos, chtiment des Titans, cration des. hommes et dualit de leur me, prison et mtempsycose que nous prsente. Damascius,. est la. mme que. nous offrait* Olympiodore. Il' convient par contre de s'arrter, un instant sur la rfrence que Damascius fait aux trois types de chtiments infligs aux Titans. L'analyse de textes que j'ai effectue pour l'dition montre que la mise aux fers et '. l'emprisonnement12 correspondent; . deux moments; antrieurs des Rhapsodies, le premier li la dcouverte du caractre indomptable des Ouranides13, le second conscutif* la Titanomachie14. Par contre, le foudroiement ne se produit qu'aprs l'pisode de la mort de Dionysos.

    Le rapport qui existe entrera mort des Titans et la. cration des hommes se trouve galement prsent dans deux textes de Proclus que je cite : ici dans la traduction de Festugire15 :

    Procl: in Plat. Remp. II, 338, Ils. Kroll (T 3). Ou il . n'est pas vrai . qu'Orphe livre clairement ses doctrines quand, aprs le chtiment mythique des Titans, il expose la manire dont les vivants d'ici-bas sont issus des Titans ? Il dit tout d'abord que les mes passent d'une vie en l'autre selon certaines rvolutions et que souvent elles entrent dans des corps humains, qui dans tel corps qui dans tel autre16.

    Procl. in Plat. Remp. 11,74, 26 Kroll (T 4). Le thologien Orphe a transmis , la doctrine de trois races d'hommes. En tout premier la race d'or, dont il dit que Phans l'a cre : deuximement la race d'argent, dont il dit qu'a rgn sur elle le trs grand Kronos : troisimement la race titanique, dont il dit que Zeus l'a fait natre partir des membres des Titans.

    Dans les deux textes il est affirm premptoirement que les hommes proviennent des Titans. Dans le premier rapparat la squence mort des Titans, naissance des hommes de leurs dpouilles (et non aprs la Titano- machie, par suite de laquelle les Titans sont, prcipits dans le.Tartare; mais aprs l'pisode de la mort de Dionysos) et la mtempsycose:

    La- prsence chez l'homme d'une partie titanique et d'une autre dionysiaque est galement exprime dans d'autres textes des noplatoniciens. J'en cite deux, titre d'exemple :

    Damasc. in Plat. Phaed. 1, 165 (99 Westerink) (T. 5). Ceci imite Je cycle mystique et cosmique des mes. Car celles-ci, aprs avoir fui la vie indivise,.

    12. Cf. Westerink, ad /oc. Cet auteur interprte koilos comme as low in the. existential or moral scale .

    13. Cf. fr. 121 . rfr aux Ouranides : Lorsque le Ciel eut compris quils avaient un cur inexorable et une nature sans lois, il les prcipita dans le profond Tartare de la terre.

    14. Cf. les passages rassembls dans le/r. 122 K. 15. Proclus, Commentaire sur la Rpublique, traduction et notes par A. Festug

    ire, Paris, 1970." 16. Les /rr. 224 a et 223 Kern constituent la suite de ce passage, contenant des

    rfrences la mtempsycose et aux prix et chtiments de l'au-del..

  • 408 ALBERTO BERNAB

    propre Dionysos, et avoir ramen leur existence actuelle au rang des Titans, se trouvent confines, surveilles . et1 dans les . fers, . mais lorsqu'elles se seront soumises au chtiment et se seront proccupes d'elles-mmes, une fois purifies des taches titaniques et ayant > retrouv leur unit, elles redeviendront des Bacchus, c'est--dire,' rejoindront la totalit en communion avec le Dionysos qui demeure au-dessus..

    Procl. in Plat: Cratyl. 77, 24 Pasquali (T 6). Notre intellect est dionysiaque et un vritable ornement de Dionysos ; celui qui l'offense dtruit; par l mme,, sa nature indivisible de manire titanique.

    5. Le: tmoignage: de Plutarque

    Dans son dveloppement argumentatif au; sujet de la consommation de viande {De esu cam. I, 7, p. 996 b) (T 7), Plutarque fait rfrence des antcdents anciens17 :

    II n'est peut-tre: pas mauvais- que l'on: fasse mention des vers d'Empdocle et qu'on les rcite. Il y affirme allgoriquement que les mes, afin de racheter leur peine - inflige cause de l'effusion du sang, de l'action . de manger de la viande et parce qu'ils s'taient dvors les uns les autres - sont enchanes des corps mortels. En vrit cette doctrine semble tre plus* ancienne,- car, en effet, les souffrances de dmembrement que le mythe associe Dionysos et les insolentes actions entreprises contre lui par les Titans qui gotrent de son sang, puis les chtiments et le foudroiement de ces derniers, l'ensemble de tout ceci constitue un mythe qui renferme un sens cach sur la suite des renaissances. Est c'est que tout ce qui existe chez nous d'irrationnel/ de drgl ou de violent, de non divin, voire de dmoniaque, a t appel Titans pour les anciens, c'est--dire ceux qui sont chtis et qui expient* leur fautes .

    Edmonds commence son argumentation en soulignant que (p. 45) : Plutarch's telling links the murder of Dionysus with the chastisement of

    the Titans, but it does not include the element of anthropogony which could then be used to * create a causal link between % the Titans' murder and the ' punishment . of mankind18. (...)The story reveals enigmatically rather than citing ? the mythi as an aition, the cause of human, reincarnation? and punishment.

    J'ai discut ailleurs cette interprtation19. Qu'est-ce qui entrane . Plutarque postuler que le : rcit d'Empdocle possde une valeur allgorique ? Ce serait le fait qu'il < croit . trouver, , dans ce rcit, une allusion - au mythe des Titans. Aussi parle- t-il d'eux sans transition. . Puis il donne la. signification des Titans : Ceux qui sont chtis et qui expient leurs fautes , videmment : parce que : d'un point de vue

    17. J'accepte le texte de U. Inglese (Napoli 1999). Cf. les notes de G. Santese,

    ad loc. 18.' Cf.Brisson (p. 496) : Aucune allusion n'est faite notamment la naissance de l'homme partir des Titans.

    19. Bernab sous presse.

  • LA TOILE DE PNLOPE 409

    tymologique, il rapproche : Titans du verbe tinein. Ce ; que ; le : mythe exprime de manire nigmatique, c'est que le mot' Titans signifie proprement la partie de l'me qui doit subir le chtiment. Ou, autrement; dit, ce.que.Plutarque a dcouvert de cach dans le texte, c'est le rapport linguistique qui : existe ; entre i le ; mot Titans et la ; transmigration . des mes. Le Chronem ne : nous ; dit pas que le mythe : est symbolique,, mais que c'est lui qui en donne une interprtation symbolique; Dans le : mythe, .. par, contre; la squence complte : des ; vnements serait explicite : les Titans dmembrent Dionysos, ils le dvorent et ils sont foudroys, leur faute est hrite par les mes, lesquelles, afin de l'expier, se trouvent ' confines dans des corps > humains tout le long d'un processus qui va se prolonger dans des corps diffrents. Il ' est galement explicite dans le mythe qu'il y a une partie mchante face . une autre positive dans les mes.. Et ce qui n'y est pas titanique ne- peut tre, videmment, que dionysiaque, comme on peut le lire maintes fois chez les . noplatoniciens.

    6. La rfrence des Argonautiques orphiques ce motif

    Nous trouvons un autre tmoignage trs important dans les' Argonautiques orphiques. Son auteur, prtend que l'uvre a t crite par Orphe et il y prsente par consquent, au commencement, une enumeration des sujets traits auparavant par le pote mythique. Dans un contexte qui fait sans doute rfrence aux Rhapsodies, nous lisons (vers 17-20, T 8)20 :

    Et la descendance de la puissante Brim et les uvres funestes des Gants, que jadis distillrent du haut de Ciel la triste semence de la race d'o vient l'espce des mortels qui se succdent sur la terre infinie.

    Selon Vian21, le fils de Brim est videmment Bacchos , les uvres destructrices des Gants sont le dmembrement de Bacchos et l'on fait ensuite mention de la cration de l'humanit , des affirmations qui me paraissent, toutes, videntes; Mais il est difficile que la naissance des Gants ait pu tre place ce moment-l, entre la naissance de Dionysos et celle des hommes. On ne parle pas d'ailleurs

    20.' Avec les corrections au texte de Vian que j'ai faites ailleurs (Bernab sous presse). Cf. l'allusion au mme sujet mythique dans les vers 429-30 (T 9), o une squence plus simple est prsente : Brim (Persephone), Bacchus (cit par . son nom cette fois-ci), les uvres funestes des Gants et la naissance des hommes.

    21. Vian, p. 9.

  • 410* ALBERTO BERNAB:

    de la naissance des Gants22. Tout ceci est racont aprs avoir fait rf: rence la naissance de Dionysos et aux actions desTitans et avant la rfrence qu'on fera l'origine de l'homme;

    La destruction des Titans donne lieu un dgoulinement de gouttes produites par eux-mmes et qui tombent du ciel parce que c'est l- haut que Zeus tue les Titans. Mais des gouttes de quoi? Pour, moi il ! est vident* qu'on parle de gouttes du sang23. Nous essaierons de. vrifier cette hypothse ; au moyen du . tmoignage d'autres . textes. .

    7. Les rfrences au sang des Titans chez Julien, Dion Chrysostome, Oppien et' dans: une inscription de Perinthos

    Le premier texte est celui de 'Julien (Iulian. Epist. . 89 b 292 [159; 19 Bidez]) (T 11), que je prsente dans la traduction de Bidez ::

    La rvlation des dieux, qui nous fut transmise par les anciens thurges,- et d'aprs laquelle, lorsque Zeus ordonnait l'univers, des gouttes d'un sang sacr tombrent du ciel et donnrent naissance au genre humain.

    Bidez signalait24 : qu' il se peut que ces "anciens" thurges soient . des Orphiques . Une impression taye par le fait que l'auteur. utilise le verbe transmise , caracteristique.de la transmission (par ado- sis) orphique25. On parle de la naissance des hommes d'un sang sacr tomb du ciel, mais il n'y est pas indiqu qui ce sang appartenait. La . cl de vote nous permettant de reconstruire le paradigme du mythe: apparat dans Dion Chrys..O. 30, 10 (T 12) :

    Nous sommes tous du sang des -Titans ; aussi, comme ceux-l sont les '.- ennemis des dieux et qu'ils ont lutt contre eux, ne sommes-nous pas non plus leurs amis ; bien au contraire, nous sommes mortifis par eux et naissons pour tre chtis,' devant rester enferms tout au long de nos vies aussi longtemps que l'on vivra et, pour ceux- d'entre nous qui meurent aprs avoir t assez punis, nous nous retrouvons libres et nous nous en chappons. L'endroit que nous appelons le monde est une pnible et suffoquante prison prpare par les \ dieux:.

    C'est un fragment d'autant plus intressant qu'il nous montre non seulement le rapport- de la > thorie de l'origine titanique de ; l'tre humain avec la prison (phroura, mais encore avec l'ide orphique du

    22: L'origine titanique des tres humains est galement mentionne, dans un: contexte nettement ; orphique, dans l'Hymne orphique 37 (0). On les y mentionne comme les anctres de nos anctres .

    23. Cf. Hes. 772.183, Apollodor. Bibl.A, 1, 4, Orph./r. 63 K. 24.. Bidez, ad loc. 25: Cf. Casadio (1990):

  • LA TOILE DE PNLOPE 411

    monde-prison exprime * par. Plat: Cratyl. 400 ( 37)26. Brisson27 se: rfre ce texte en disant : suivant Dion Chrysostome, les hommes seraient ns du sang rpandu par les. Titans lors de la guerre qu'ils soutinrent contre les dieux, une opinion^ que. partage aussi Edmonds28 :-

    Dio Chrysostom's story of the creation of mankind from the blood of Titans shed in their war against the gods links the creation of man to the story of Titanomachy and thus the idea of punishment:

    Les deux auteurs en dduisent que la cration de l'humanit'

    aurait t eu lieu pendant la Titanomachie: Mais ce que Dion nous dit; c'est que nous sommes , du sang des Titans, sans prciser quand ' celui-ci a t - vers. Et ce n'est qu'aprs, lorsqu'il indique la raison pour laquelle les- hommes sont punis," qu'il explique que les Titans ont lutt contre les dieux.

    Il est peu probable que dans la source o puise Dion, les hommes apparaissent un moment aussi recul dans la cosmogonie que celui de la Titanomachie. Qu'on se souvienne, de plus, que la Titanomachie a comme suite, aussi bien dans Hsiode que dans les notices sur les Rhapsodies, l'emprisonnement des Titans dans le Tartare: Par contre, le : foudroiement serait le : seul ' rsultat: des > actions : titaniques contre Dionysos.

    Linforth29 commente le passage et il l'cart parce que : there is no hint of the myth of the dismemberment.

    Mais ce n'est pas un argument valable. Ce qui intresse Dion,- c'est : bien l'origine des tres humains. Aussi se rfre- t-il dans son passage leur origine titanique et la ncessit du chtiment. Il n'a, en l'occurrence, choisi du mythe que les lments qui servent son propos ; il ne juge donc important, ni n'a besoin,- de raconter le mythe en entier. .

    Par ailleurs, toute la phrasologie du fragment est trs caractristique de l'orphisme. . Outre la ; phrase fondamentale ; nous : naissons pour expier une peine , indiquant que r toute l'espce humaine doit subir un chtiment pour quelque chose d'antrieur elle-mme, il y est fait mention de la phroura, de la prison et de l'ide de la libration par la mort. Il nous faudra donc bien considrer que Dion y fait allusion- au mythe orphique lui-mme. Ou alors, cette ; possibilit nie - sous l'influence de l'ide prconue, qu'il m'y a, pas eu. un mythe orphique,

    26. Cf. Bernab (1995). 27. Brisson (1992), 495. 28. Edmonds (1999), 56, n. 65. 29. Linforth (1941), 333 s..

  • 412 ALBERTO BERNAB:

    sur l'origine des hommes; partir des Titans, nous devrions crer un autre mythe parallle sur la naissance des hommes du sang des Titans, qui serait pareil l'orphique en < ce ; qui concerne aussi les notions de l'hritage du mal et du besoin de l'expier, pendant toute la vie; mais qui ne serait pas l'orphique. D'o: aurait-il bien; pu. sortir,- ce mythe?

    Ajoutons encore deux autres tmoignages. Le premier est Oppian. Hal. 5s (T 13):

    ... mais que quelqu'un cra vritablement les hommes comme une race semblable aux* heureux; mais infrieurs ceux-ci en force, soit la race de Japet, Promthee le sage..., soit que nous sommes ns du divin sang caill qui s'tait coul des Titans.

    Il y. a dans le. texte, d'Oppien deux versions traditionnelles de la naissance des tres , humains qui : circulaient sans doute l'poque. Nous reconnaissons dans la premire le mythe narr dans le Protagoras* platonicien. Et, dans la deuxime, nous retrouvons la . rfrence l'origine des hommes issus du sang des Titans. Il n'existe pas de raison pour nier qu'il s'agisse de la mme tradition orphique connue de Dion, de Julien et des Argonautiques orphiques.

    Le deuxime de ces . tmoignages est une inscription de Perinthos, Kaibel, Epigr. Gr. Suppl. 1036 a (T 14) (omise par Edmonds),. o il est fait mention d'un archiboukolosi0 et ; d'un - archimystountos, qui nous indique le contexte clairement dionysiaque dont elle est issue, et qui commence par un oracle de la Sybille exprim dans les termes suivants ::.

    Lorsque Bacchus, aprs avoir cri euai, sera battu, alors le sang, le feu et la cendre se mleront.

    Dieterich, suivi par Casadio31, , ont interprt ; que l'oracle faisait rfrence la . cration -, de l'homme dans le , mythe , orphique, c'est-- dire, au moment o se mlent le feu de la foudre de Zeus, le sang de Dionysos et la partie titanique. Cependant, la lumire des tmoignages analyss, le sang peut tre celui des Titans eux-mmes.

    Rappelons-nous d'ailleurs qu'il i existe un antcdent oriental ; trs intressant ce mythe. Les hommes naissent de la boue mlange avec du sang des dieux rebelles dans quelques mythes msopotamiens32.

    30. Le mot se trouve aussi dans l'Inscription de Torre Nova (cf. Vogliano- Cumont, AJA 37, 1933, ; 215 s.)-

    31. Cf. Dieterich (191 1), 72 s. ; Casadio (1990), 200 s. Cf. aussi Festugire (1935) 211 = (1972), 32 ; Pleket (1958), 91.

    32. Cf. Atrahasis I, 212-217, dans Lambert et Miliard, p. 59, et YEnuma lis VI, l s. Cf. aussi Burkert (1982), 8 et 186 (n. 39).

  • LA TOILE DE PNLOPE 413'

    Nous voyons donc comment un groupe de textes concident dans la rfrence un mythe o l'on parlait du dmembrement de Dionysos par les Titans, du foudroiement de ceux-ci, de la cration des hommes : partir des * cendres . et . du sang des * Titans tombs par terre et de l'expiation- du crime; Nous ; pouvons attribuer cette squence aux Rhapsodies : orphiques. . C'est le pome comment par/ les noplatoni- - ciens, l'argument duquel se ". rfre l'auteur des Argonautiques et auquel renvoie l'auteur des Hymnes orphiques et ce serait vraisemblablement aussi - le pome lu par Plutarque et les ; autres auteurs < dont ; nous avons fait mention. Julien l'attribue aux anciens thurges, Dion le prsente comme . quelque chose de . bien : connu et Oppien l'inclut ' dans les , versions traditionnelles, . tandis que l'inscription du T 1 4 le prsente dans un contexte sans aucun doute dionysiaque. Dans les*T>8* et 9 s'tablissent les rapports entre Persephone et la naissance de Dionysos, et entre la mort de celui-ci et la cration des hommes. Dans le T 12, le sang des Titans est mis en rapport avec le genre humain, le. chtiment, la phroura; la prison et, la libration et l en va de mme, finalement; dans le T. 1 4,\ pour? la > mort de Bacchus et le mlange de, sang, de feu et de poussire.. Toutes ces concidences prennent un sens quand, on- les ; considre comme provenant* d'un mme paradigme mythique..

    Mais il nous reste encore dvelopper un argument notre avis fondamental : le rapport qui' existe entre le mythe de Dionysos et des Titans et les teletai, un lien sur lequel Edmonds n'a point insist, car il a toujours envisag le mythe sous son aspect exclusivement littraire, sans s'tre occup de son emploi rituel ou religieux.

    8. Le ' mythe de Dionysos ; et " des Titans et les teletai. . Pausanias et Diodore

    II y a plusieurs textes qui mettent en rapport le mythe, dont nous nous occupons avec la ralisation de certains rites, habituellement dnomms: teletai,\ dont l'tablissement est frquemment attribu - Orphe33.

    Commenons par un texte de Pausanias (8, 37, 5) (T 15) o cet auteur attribue Onomacrite la fondation des rites de Dionysos et une version du mythe.de Dionysos et des Titans. Naturellement, on peut discuter l'infini de l'historicit d'Onomacrite. Mais ce qui est vident,

    33. Sur les teletai, cf. Jimenez San Cristobal (2002).

  • 414' ALBERTO BERNAB

    c'est que Pausanias ne peut attribuer la fondation des teletai dionysiaques une poque tardive. Son tmoignage fait rfrence l'origine de certains rites traditionnels o l'on rcite un texte sacr. Il est bien clair qu'on garde le souvenir qu' une date ancienne (pourquoi nier la date traditionnelle du VIe sicle avant'- J.-C. ?) furent fonds certains ' rites ; dionysiaques faisant ? rfrence aux souffrances ; de Dionysos , infliges ; par les^Titans.

    Trois passages d'Hrodote (2, 61 ; 132 ; 170) (T< 16), o l'historien se rfre des rites d'Osiris dont il ne juge pas licite de dire davantage, concident { avec cette : apprciation. . Plusieurs auteurs34 s'accordent < insister sur. le silence frappant1 d'Hrodote au sujet du mythe d'Osiris, qui : n'tait * pas secret en i Egypte ni ne faisait partie ' de ses mystres sacrs, et ils croient < pouvoir expliquer ce silence si, l'poque de l'historien, on racontait en Grce une histoire trs similaire (le dmembrement de Dionysos), qu'il n'tait pas licite de raconter parce qu'elle faisait partie des mystres bachiques.

    D'autre part, Hrodote 4, 79 nous parle de l'initiation dionysiaque* du roi Scyls Olbia; et prcisment les lamelles en os d'Olbia (T- 17) nous indiquent que le culte de Dionysos tait pratiqu dans cette ville par des f individus qui ; s'autodnommaient orphiques et qui ; croyaient ; en une - sparation du corps et de l'me et en un cycle vie-mort-vie, dans lequel ils impliquaient le dieu lui-mme.

    De leur ct, Diod. 5, 75, 4 (T 18) et* Schol: Lucian. 52; 8 (2 1 2, 22 Rabe) (T 19) font rfrence concrtement l'existence des v. teletai o on parle de Dionysos n * de Zeus > et de Persephone et dmembr par les ? Titans; Et dans * une lex sacra de , Smyrn (T 20), . dans . un contexte bachique on ne peut plus clair, , on dfend* de consommer des ufs, et des: fves (nous savons que* cela- tait galement dfendu dans- les rites orphiques)35.. Ensuite,, dans, un* contexte obscur malheureusement pour nous, on parle des Titans et des mystes36;

    34. G. Murray in Harrison (1927), 342 s. ; Burkert (1983), 225, n. 43 ; (1985), 298 ; Kahn (1997), 57.

    35. Cf. Plut. Quaest. conv.-ll 3, 1, p. 635 e, Bernab (1996), 66 s. avec bibliographie.

    36. Something is to be expounded to the mystae about the Titans. This cannot be anything but their crime against the child Dionysos (Nilsson, 1957," 138) ; the Leyden inscription... shows that in the second century ad in Smyrna also the ' myth of Dionysus killed by the Titans played a part... in the actual celebration of the mysteries (Pleketr 1958, 92).

  • LA TOILE DE PNLOPE : 415

    Par-contre, nous avons 'la chance que. Clment (Pro tr. 2,. 17, 2 = T 21) nous prsente la description d'une telete dionysiaque, dont le - texte est l'uvre d'Orphe (trad, de Mondsert) :

    Les mystres ; de Dionysos sont absolument * inhumains : il : tait ' encore enfant et les Courtes ; l'entouraient en une ; danse arme, quand les Titans s'insinurent l par. ruse, et, . l'ayant tromp > l'aide de jouets : d'enfants, le : dpecrent, tout bambin qu'il tait encore, comme le raconte le pote de cette initiation, Orphe le Thrace :

    Une pomme de pin, une toupie, des poupes articules; De belles pommes d'or, apportes du jardin des Hesprides la voix claire. .

    De cette initiation aussi n'est-t-il pas vain de vous prsenter, pour leur condamnation, les -vains symboles : un , osselet, une balle, une toupie, des pommes, une roue, un miroir, . un flocon de laine. L-dessus, Athna, pour: avoir drob le cur de Dionysos, fut surnomme Pallas cause des - battements de ce cur ; les .Titans, qui l'avaient ! dpec, plaant ; une : marmite sur ; un trpied, y jetrent ses membres ; aprs , les avoir bien r fait bouillir, ils les transpercrent avec de petites broches, et les tinrent au-dessus d'Hephaistos. .

    Mais peu aprs Zeus apparat... il frappe les Titans de son foudre et confie les membres de Dionysos son fils Apollon ;pour les ensevelir. Celui-ci, se gardant bien de dsobir Zeus,- les porte sur le Parnasse, o il' enterre ce cadavre dchiquet. .

    Dans ces mystres seraient reprsents le moment de la naissance: de Dionysos et la surveillance des Curets, la manire dont les Titans, ont tromp Dionysos, (les, objets i qui ont servi le ravir, y sont aussi prciss) et puis l'ont dmembr, cuisin et : dvor et ; comment Pallas Athne; a.' russi ; sauver son, cur: et les Titans, ont t finalement foudroys. Clment y cite mme quelques : vers des textes orphiques.

    Quel est le sens d'un rituel comme celui-ci? Un texte du IIIe sicle avant J.-C. le Papyrus de Gurotf1 (T 22), nous aide notablement sa comprhension parce qu'il concide , absolument avec le texte de Clment dans -toute une srie de dtails et en ajoute d'autres trs significatifs. Dans ce papyrus est contenu le texte d'une telete (cf. 1. 3). On y fait mention de : Brim (Persephone), , Dmter-Rhea * (sa mre, un personnage du : mme drame sacr); d'Euboule-ricpee (Dionysos), Pallas- (salvatrice; dut cur du dieu)1 et des Curets quh gardent l'enfant Dionysos. La; mention? de Pallas et, surtout,, des objets employs par les Titans pour tromper Dionysos indiquent que dans la telete devait tre reprsent le dmembrement de Dionysos par les

    37. Rcemment rdit par Hordern (2000).

  • 416 ALBERTO BERNAB:

    Titans3.8. L'implication des tres humains dans ce drame sacr est vidente, . non seulement * parce - qu'il : est reprsent ' dans la telete,, mais encore parce que le texte dit explicitement que ce: dont.il s'agit, c'est' d'expier crime des anctres, et de demander Brim le salut.

    Le tableau rituel que nous ; essayons de reconstruire est * complt par un passage des Rhapsodies (/h 232 K.) que Damascius (T 2) place au moment - du * chtiment' des : Titans et de la cration de : l'homme. Nous n'avons pas de raison de douter de cet emplacement car. Damascius avait le pome sous les yeux. Il est expliqu ici pourquoi Dionysos est appel Lyseus , (le dlivreur) (trad, dans L. Brisson, Orphe. Pomes magiques et cosmologiques) :

    Et les hommes t'apporteront de riches hcatombes - chaque anne, et ils clbreront tes rites, cherchant dlivrance des fautes de leurs anctres, et toi,- leur Seigneur, tu dlivreras qui tu voudras i des pnibles souffrances et d'un infini dsir.

    Dans ce contexte, la dlivrance des fautes de leurs anctres doit faire rfrence ~< la > mme ralit nomme : dans s le Papyrus de < Gurob (T 22) 4; dans la lamelle de Thurii (T 28) 4'et dans le fragment de Pin- dare (T-27). N'oublions pas que dans l'Hymne orphique 37, 2 (T 10) les Titans taient appels anctres de nos pres .

    Tout- indique, nouveau, un paradigme oui tous les i faits, s'enchanent: les Titans sont les anctres des hommes et leurs fautes doivent tre rachetes par ceux-ci. L'expiation du chtiment produit la- libration du cycle des , naissances. Le drame sacr , devient ' alors l'expression de ce que l'on doit connatre pour, atteindre le salut. Quel serait, donc, le sens de cet , ensemble de : mentions dans un - rituel orphique sur le salut, si le mythe n'avait rien avoir avec les hommes ? S'il n'y avait pas d'implication de la destine de l'me dans ces rituels ?

    9. L 'antiquit du mythe titanique : Callimaque, Euphorion et: Pindar e

    Je pense qu'il est bien clair maintenant que le mythe de Dionysos et les Titans en relation avec l'origine des tres humains, avec le pch antcdent, le cycle des renaissances et la libration, se trouve pleinement configur l'poque des Rhapsodies et des premires annes du

    38. Il est mme possible que l'obscure rfrence apauanas (20) doive tre interprte dans ce contexte, comme le veut Tierney : I should give apauanas its ordinary meaning "blight" and refer it to the punishment of the Titans of uninitiated sinners (Tierney, 1922, 86).

  • LA TOILE DE PNLOPE 417

    christianisme. Or ' le - tmoignage du > Papyrus de Gurob > rapporterait cette vidence en arrire dans le temps; jusqu' l'poque hellnistique. C'est aussi cette poque que se situent quelques tmoignages intressants, dont celui de l'existence d'un Dionysos Zagreus fils de Persephone mentionn par Callimaque ifr;.. 43,117 Pf.) - (T 23), du vers d'Euphorion faisant rfrence au moment o les Titans se peignent en blanc pour tromper Dionysos (Euphor. /r. 86 de Cuenca = 92 Van Groningen) (T 24) ou celui de la prparation etde la1 cuisson de Dionysos par les Titans chez Callimaque et Euphorion (T- 25).

    J'ajoute encore un ; texte marginal mais non dpourvu d'intrt : il s'agit d'une tabella defixionis du IIIe. sicle avant J.-C. trouve Lilybe (T. 26) o l'on fait mention ensemble de Persephone; des Titans et des morts maudits:

    Bien plus important est un passage de Platon Men. 81 Z? (T27), qui' fait rfrence une histoire relative l'me immortelle et sa transmigration, la mtempsycose; raconte par des prtres et des prtresses qui il importe de rendre compte de leur travail . En prolongement, Platon cite Pindare :

    Les mes de ceux dont elle accepte la compensation pour, son ancienne souffrance, Persephone les rend au soleil' d'en haut dans la neuvime anne ; de celles-ci repoussent de nobles rois; des hommes imptueux dans leur force et minents dans leur sagesse. Et jusqu' la fin des temps ils sont appels par les hommes hros immaculs39.

    Il existe donc des mes qui se librent de la transmigration (nous parlons de * transmigration parce que * Platon cite * le texte ; dans ; ce contexte) parce que Persephone a accept d'eux un paiement (poina est un mot qui fait presque toujours rfrence au paiement pour le sang vers). Le paiement tant la compensation pour cette ancienne souffrance . videmment ce ; sont les hommes qui paient, et Persephone qui peroit * le paiement, elle , qui a , endur : ancienne . souffrance . Toute autre interprtation du- passage : supposerait un attentat la* syntaxe et au bons sens. Iln'est pas possible que ce soient les hommes qui aient produit cette ancienne souffrance de ; Persephone, car il est impensable que Pindare ait parl d'une desse afflige cause des mauvaises actions des hommes..

    Nous avons ainsi une thorie de la mtempsycose, cite par Platon' dans : un contexte orphique, . se ' rapportant une faute ancienne ' qui concerne Persephone (la mre de Dionysos). Cela entrane le besoin de

    39. Cf. Bernab (1999 a).

  • 418 ? ALBERTO BERNAB

    montrer durant la vie une attitude dtermine pour se dgager de cette faute, , le rachat de quelques . mes au .; bout d'un certain dlai, et 5 la renaissance de toutes les autres. Un schma pleinement en cohrence avec le schma orphique que nous examinons ici. Un autre tmoignage, vient l'appui \ de : notre ide, c'est i une : lamelle : trouve -( Pelinna (T 30), o nous ! lisons (v. 2) Bacchios lui-mme a : libr . au sujet d'un initi qui vient de mourir et vient de natre, trois fois heureux, dans la journe . Nous retrouvons la mme libration au dernier vers du X 2 et dansvT.3340;.

    C'est d'ailleurs dans le contexte orphique que se produit la concidence de Dionysos et Persephone; cf. Procl. in (Plat: Tim.. Ill, 297, 8 Diehl ; (T 33 II) cette : vie que souhaitent obtenir ceux >. qui chez Orphe sont initis t Dionysos et Kor . Un - schma * que nous . montre aussi l'iconographie des pinakes locriens, particulirement l'un d'eux 'o Persephone et Dionysos apparaissent ensemble41.

    10. Rfrences au ' mythe titanique dans : Platon

    Abordons - maintenant ; l'analyse d'un tmoignage trs important: Platon traite dans : les i Lois (PI.5. Leg:, 701 b) (T. 3 1) du problme de l'excs de libert42. Aussi tout au long de son raisonnement; expos en climax, fait-il rfrence la question de la libert mal employe43 (trad; de E. Des Places) :

    la suite de cette libert vient celle qui refuse de se soumettre aux autorits... presque au terme de la course, on cherche ne pas obir aux lois, et au, terme mme, on perd le souci des serments, des engagements et en gnral des dieux ; on manifeste ainsi et l'on reproduit la nature primitive des lgendaires Titans, et l'on revient comme eux cette condition ancienne o la vie pnible que l'on mne comporte des maux incessants.

    40.. Cf.. Bernab- Jimnez San Cristobal (2001),.II. 41 .. Museo Archeologico Nazionale de Reggio Calabria n. . 58729, cf. . Lan-

    glotz-Hirmer (1965), lms.\ 71-75. Cf.' une tude religieuse de cette iconographie ; dans Giangiulio (1994)..

    42." Cf. Bernab (1998) et une analyse plus dtaille du passage dans Bernab (sous presse).

    43; Cf. Rohde (1925), II, 119, n. 4 ; Rathmann (1933), 68, 76 ; Nilsson (1935), 202; Guthrie (1935); 156 ; Ziegler (1942),. 1354 ;Dodds< (1951), 156 etn.132 p. 176 s. ; 177 ; Burkert (1985), 298 ; Bernab (1998), 75, lesquels croient que Platon y fait allusion une source orphique,- Festugire (1936), .308 s. ; Linforth (1941), 339 s. ; Moulinier (1955), 50 s. ;.West (1983), 165, n/ 88, qui croient que l'auteur parle ici d'un retour la nature des Titans, et non d'une faute originelle. . Mais cf. aussi Sfameni (1984); 149 ; . Schpsdau; ad l loc; 514 s. ; Baumgarten (1998), 107.

  • LA TOILE DE PNLOPE 419

    Edmondsi4 s'appuie ici sur l'analyse de Linforthi5, d'aprs qui il n'y aurait pas dans ce passage d'identification de l'humanit avec son hritage titanique, mais une simple comparaison de sa conduite avec celle des Titans. Il en conclut que Platon fait ici rfrence la rbellion des Titans contre Zeus; raconte . par beaucoup de sources dont Hsiode (p. 342), et que :

    Plato says nothing of the Titanic nature in man, but does explicitly that men in their defiance of the gods imitate the Titanic nature (p. 343).

    Nous devons faire quelques remarques. La premire est que Platon ne se rfre pas dans ce passage -une conduite, mais . une nature (physin). C'est le mot mimoumenois qui pourrait poser problme ici. Mais il' devient clair, si nous comprenons que la nature humaine n'est pas seulement titanique, mais double, ne de la combinaison d'un lment titanique et d'un autre dionysiaque. Les hommes qui se soumettent la loi sont ceux qui font accrotre leur ct dionysiaque46,' tandis que les tres qui se dgradent se rapprochent- de plus en plus d'une nature titanique l'tat pur, rendant ainsi manifeste une nature titanique prsente chez eux depuis toujours, mais- avec une intensit qui fait qu'ils ressemblent aux Titans eux-mmes, origine de cette nature.. Dans s cette interprtation du texte, on i peut citer comme parallle autre texte appartenant au mme ouvrage (Plat. Leg. 854 b) (T 32)4 Les deux renvoient un seul paradigme, que nous pouvons reconstruire ' ainsi : Platon - connat une histoire ; ancienne; que lui-mme n'accepte pas en i entier mais qui a des partisans l'poque, d'aprs laquelle l'tre humain ; possderait une nature en partie , titanique renfermant comme: une: pulsion vers la violence, la rbellion et le dsordre. En tant que nature; elle est antrieure ; la naissance : de l'homme, et, en effet, \ elle provient d'anciens forfaits commis par les Titans. , Une telle nature . fait sombrer l'homme dans une quantit de maux dont il faut se tirer. Ceci implique qu'il existe, dans sa nature lui, une autre partie lui permettant de lutter contre la premire et le: rendant capable de se dgager, de tous ces maux. Ce paradigme concide avec les croyances orphiques, , telles que nous , les avons vues ; et

    44. Edmonds (1999); 43 s. 45. Linforth (1941), 339 s. 46. Rappelons-nous le chtiment du crible dans Plat. Resp. 363 c, Gorg. 493 b.

    Cf. Bernab (1998), 76 : Lo strumento del castigo, il setaccio, ricorda evidente- mente la causa dlia sofferenza : l'incapacit di separare daU'anima ci che vi era di cattivo.

    47. Cf. l'interprtation donne dans Bernab (sous presse).

  • 420' ALBERTO BERNAB"

    avec d'autres textes platoniques : Plat. Phaedo 62 b (T 34), o le philosophe ( attribue la- formule qu'on prononce dans ; les mystres 4-8 l'ide que : nous : sommes dans un lieu oui l'on nous garde (en phroura) .

    Xnocrate avait comment ce passage. Nous conservons une mention indirecte de son interprtation du sens de la phroura comme quelque chose de titanique, qui touche son comble en rapport avec Dionysos (Xenocr./r. 219 Isnardr Parente) (T? 36). Dans l'Acadmie, donc,- le mythe titanique tait connu et discut.

    Dans un troisime passage (Plat. Cratyl. 400 c) (T 37), Platon nous; prsente une doctrine orphique d'aprs laquelle l'me se trouve emprisonne ou comme ensevelie dans le corps. Telle situation s'est produite parce , qu'elle doit - expier une peine. . videmment, came peut tre . un , chtiment pour quelque chose que l'on a fait durant la vie, mais pour une faute commise avant que l'me ne soit enferme dans le corps. La phrasologie de ce passage est t : nouveau orphique (l'me expie les fautes, la prison, etc.)49.

    Bref, nous possdons les pices d'un puzzle. Elles s'assemblent, ne serait-ce que de manire incomplte. Certains philologues cherchent . montrer qu'elles n'appartiennent pas un puzzle, mais que ce sont des ralits indpendantes. Seul * un . parti . pris pralable peut conduire - nier ce qui est vident : il s'agit ici d'une attitude qui se manifeste particulirement en relation avec l'orphisme, tout comme s'il existait, une volont dtermine d'en donner l'ide de quelque chose d'insignifiant,, d'inconsistant, de tardif ou, . qui pis est, . d'invent. .

    11. Conclusions:

    II est temps de faire un court rsum des argumentations signales le long de notre tude/

    Les tmoignages d'une srie de passages littraux des Rhapsodies et des : rfrences ' des noplatoniciens et* d'autres auteurs s'accordent nous montrer que- dans ce1 pome -, orphique, dat- dur Ier sicle avant J.-C. environ, tait \ narre une suite d'vnements : Dionysos dvor par, les Titans, le foudroiement des , rebelles, la' naissance des , tres : humains de leurs dpouilles, la situation de l'me, , prisonnire

    48. Une manire de faire rfrence la littrature qui accompagne les initiations aux mystres, in primis l'orphique, comme il est indiqu dans le Schol:, ad: loc, 10 Greene (T 35).

    49. Nous ne pouvons entrer dans le dtail, cf. Bernab (1995).

  • LA TOILE DE PNLOPE 421

    dans le corps, et sa > transmigration * dans des corps diffrents jusqu' parvenir. sa libration finale par l'action d'un Dionysos rtabli dans, sa condition premire. Le tmoignage d'Olympiodore, enfin- libr du soupon d'avoir voulu faire une interprtation alchimique du pome,- s'appuie ' sur d'autres textes des i noplatoniciens -; qui - le - rendent plus fiable.*

    Concide ' pleinement avec : cette squence la rfrence de * l'auteur des- Argonautiques orphiques, qui veut se faire passer pour Orphe lui- mme et qui dit avoir trait dans un ouvrage antrieur, qui ne peut tre que les Rhapsodies, du sujet del naissance de Dionysos, de sa' destruction aux mains des Titans et la naissance de l'tre humain. Un lmentaire principe d'implication nous amne considrer que si le pote des Rhapsodies retrace une histoire sacre depuis la configuration du monde jusqu'au sort des mes, en passant par le moment o.-. Dionysos est dvor ' par les Titans, c'est4 qu'il' veut nous dire qu'il existe un fil qui relie toute l'histoire,- que; dans une certaine mesure,- la mort de Dionysos , produite par les Titans ; et la ; transmigration ' des i mes sont en rapport de cause effet. Si nous tenons compte du fait; d'une part, que les Titans : sont appels : maintes fois ; les anctres ; des hommes et, de l'autre, que les hommes rachtent une faute dont ils ne ! sont par les responsables, et s'il apparat en outre explicitement signal, dans le texte : qu'il s'agit d'un crime commis par les anctres - de ces . hommes, comment pourrions-nous douter que ces anctres sont v les Titans et que ce sont eux qui ont commis le crime ? Plutarque connat ce schma, il le compare avec celui d'Empdocle et en donne une interprtation symbolique, partir d'une analyse tymologique du nom des Titans. D'autres auteurs concident dans leurs rfrences un mythe o ils parlent de la naissance des tres humains des cendres des Titans. tant donn que dans l'pisode de la Titanomachie chez. Hsiode et dans la version orphique, les Titans sont confins dans le.Tartare et non foudroys, nous devons >, faire driver, ces rfrences de la seule source dont nous sachions que l'on y parlait du i foudroiement des Titans et de l'origine des tres humains partir du sang des Titans foudroys, c'est--dire du mythe orphique.

    Cette impression devient d'autant plus nette que . les tmoignages convergents de Clment d'Alexandrie (T 21) et du Payrus de Gurob- (T ' 22) nous montrent que le . sujet des Titans et de Dionysos tait reprsent dans les drames sacrs faisant partie des teletai orphiques, qui sont en troit rapport avec le salut de l'homme. La prsence de ce mythe dans les teletai n'a de sens que si ceux qui participent au rite

  • 422 ALBERTO , BERNAB :

    comprennent que la connaissance de cette vrit contribue leur salut. C'est une grave erreur que de travailler avec ce type de textes comme s'il ne s'agissait que d'un , phnomne littraire. Le mythe a quelque chose de commun avec les hommes : il est le paradigme d'une, situation donne sur la vie des tres humains qui participent au rite. Pourquoi aurait-on rcit un mythe si la destine des mes humaines n'tait pas implique dans ce qui est dit? Dans ce rituel on parle de la faute des anctres, . de la libration et mme de la ; conversion en < dieu du , dfunt.. Cela ne s'explique que dans la mesure drame sacr du meurtre de Dionysos et du foudroiement des Titans constitue Yaition du chtiment, de la mtempsycose et du salut, ce dernier consistant se librer du cycle. L'inscription de Perinthos (T? 14), dans un contexte rituel* dionysiaque bien, clair, fait mention du* mythe comme d'une croyance de base.

    Il est dit constamment dans les sources, partir dj de Platon, que l'me est enferme dans le corps parce qu'elle doit expier une faute, et videmment, cette faute a t contracte avant la naissance des hommes, car c'est prcisment pour expier cette faute, et en raison de leur origine, qu'il choit aux humains de natre. Il s'agit donc bien d'une consquence vidente et non d'un prjug christianisant ou d'une illusion. .

    Nous trouvons galement des tmoignages du mythe antrieurs aux Rhapsodies dans Pindare, Hrodote, Platon, Callimaque et Euphorion, nous . indiquant dans leur ensemble . que la composition du ' mythe (peut-tre pas dans tous ses dtails, mais au moins dans ses lments fondamentaux) a eu lieu un moment antrieur celui de sa formulation dans le pome orphique tardif. Et le schma des lamelles d'or ne saurait avoir pour nous un sens cohrent qu' la lumire de ce mme paradigme50. -

    II existe en outre, dans tous ces textes analyss, une rcurrence de symboles et mme de vocabulaire vraiment remarquable, comme je l'ai dj signal l'occasion, en diffrents endroits de mon travail, et que je ; considre pour autant inutile de rpter ici. Une telle persistance s'explique seulement si tous les passages i renvoient un schma commun:.

    Tout ceci nous amne conclure que le mythe orphique de Dionysos et des Titans n'est pas une construction du XIXe sicle, mais qu'il provient : de la Grce ancienne, de secteurs religieux relativement margi-

    50. On peut trouver de nouvelles informations et argumentations sur le caractre orphique des lamelles d'or in Bernab y Jimnez San Cristobal, 2001..

  • LA TOILE DE PNLOPE 423

    naux ; c'est donc pour cela qu'il ne trouve pas dans les sources la large diffusion qu'ont connue d'autres mythes. Comme il arrive avec la plupart ; des mythes en gnral, les diffrents auteurs qui rapportent ce mythe puisent chacun son gr dans diffrents lments du paradigme, mais ils n'ajoutent jamais des lments incompatibles avec le schma ; retrac l'intrieur, de la structure narrative (ils peuvent le faire, par contre; dans l'interprtation, ce qui est tout autre chose). Le schma dm mythe est si cohrent que nous pouvons le reconstruire de manire trs vraisemblable. Il s'agit aussi d'un schma qui a gard sa cohsion toutes les poques. Il doit donc rpondre un mouvement religieux de longue dure lui aussi, d'une longue prsence. Quel autre candidat une aussi longue dure pourrions-nous , trouver en . dehors de : l'orphisme ?

    Vouloir remplacer cette cohrence du mythe . par. une tentative : d'expliquer des = faits qui sont videmment . de : mme nature . comme tant des faits isols, rsultant de causes diffrentes, indtermines elles aussi et non explicites, et qui proviendraient de paradigmes religieux dont on n'a jamais, entendu parler, cela reviendrait essayer d'expliquer obscura per obscuriora51.

    Facultad de Filologia, Universidad ! Complutense : E- 28040 Madrid e-mail : albernab@;filol.ucm.es ;

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    51. Ce travail a t rendu possible grce l'aide de l'tat espagnol (Proyecto . de Investigacin del Programa Sectorial de Promotion del Conocimiento, PB98- 0763). Je dsire remercier Mme Maria Esclavitud Rey Pereira pour sa traduction en franais et aussi les Pn Ch. Amiel et Ph. Borgeaud pour leurs corrections et suggestions. .

  • 424 ALBERTO BERNAB

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  • 426 ALBERTO BERNAB

    TEXTES

    T 1 Olympiodor. in Plat. Phaed: 1 , 3 - (41 Westerink) xal an : [j.u6ixv 71^{7][ xotouxov ' fioLGikzixi rapaSSov- .) jxv iq tou Opavou, '.tjv Kpvoc StES^aTO xTu.>v aSoTa > * |. Se tov Kpvov Zs pacriXeuasv tv 7*. Tov AaStsS;aTo .Atvuaoc, ^

  • LA TOILE DE PNLOPE 427

    xueifiovaiv cd ^1 8?) Tiva ^spioSou xal sicSovTat, XXai zle, XXa rcoXXaxic avOpcTccov

    o 8' aToi 7 xal oiss v |i.Eypoicriv uxo(7tj,o ' Xo^oi xal [7] ^S yivovr' XX^Xwv txETaut,(3ou.V7]icn, yz

    T4 Procl. P/a. Remp. II 74, 26 Kroll '? Tpa yvT] TrapaSScoxsv av6p)7Xov rpcoxicrTov ^puaoijv, 07]1 tv OvTQT )

  • 428 ALBERTO BERNAB

    T 10 Orph. Hymn. 37 Tittjve, Vx7] te xai Opavou yXa Txva, ]y.z~p(x>4 Trpyovot, rcaTpcov, ya7) 'j~svEp0sv olxoi TapTapotat. [AO/gh ^Oovo vvaiovTE, p^ai xal Trryai TcvTov 0vy}tgv ttoauuci^Qouv, EivaXcov '/jviv xai o ^6va vaiSToucriv txscov yp tcsXei ysvsa xaaov.

    ' tl ^6ovcov TCpoyvwv ol'xot I

    T 11 Iulian. Epist. 89 Z? 292 (159, 19 Bidez) et - Osuv ^^, ) Si Ttov p^aicov ^[xTv Osoupyuv, a>, Zs xocrasi TrvTa,

    ataaTo ispo 7raouac5v opavo twv v0pa>7Ta>v $.\. yvo.

    T 12 DO Chrys. Or. 30, 10 tov TiTvcov ^ au.v r^xz, a7rav- ts o[ v6pw7TOi. d) ouv xivcov ^ptov ovtcov to xa 7roXU7]avTCov oS ^[iz ^1 afxsv, XX xoXa^asG ' aTiv xai 7rl Tiacopai yzyvv tc5v TtTavcov vofza (5 279) Atovawt te auvGjxEV opyta xai slvai tou TiTva Toit Atovcrwi Tiv 7ra0'/][xTCov etcotjctev .

    T 16 (I) Herodt. 2, 61 v Se Bouaipi ttXl w vayouci ttJi "Icri t^v E'p7]Tai TrpTspv [1 (2, 40). TUTCTOVTa yp [izz tt^v 0uctt]v 7:avT

  • LA -TOILE DE PNLOPE . 429

    i, fxupiaSe TioXXal v0pc07iwv tov Se TTTTOVTai, ou [xo taxi Xysiv || (II) * Herodt. 2, 132 . TTsv T'JTTTCovTat AcyjTTTioi rov ox vo[xa^u.svov 0v ici' I|i.eu tti toloutoh TTpiQYfxaTi || (III) Herodt. 2, 170 zlal Se xal . ai 1 . ox . octlov tzoizvuixi ztzi toioutcoi ^[1 ^ayopsusiv Touvoua v Sa. .

    T 17 Lamella s ossea. saec. . V a;.. Chr/. Olbiae reperta (Dubois, Inscriptions grecques dialectales d'Olbia du Pont, Genve, 1996, n. 94 a, p.' 154) pio, Oavaxo, pio | ^ | Al(vuao{;).'Op^xo. .

    X 18 Diod. 5, 75, 4 totov Se tov 0s6v (se. Aivuaov) YT0V^vat (^ >t' Aio xal ]!; t'/jv KpiQr/]v, v ' TiapScoxs StaaTrcoixsvov tov Tttvcov.

    T.19''Schol. '.Lucian. 52, 9 (212, 22 Rabe) xal aXXo (se. Aivuaoc) toc XsyaEvoi;.... sx Aio xal /)" ouxal ti^v yvtaiv xal xal Ti[x vuxTpiv xal ^; ziaiyouai. .

    T 20 Inscr. Smyrn. saec. IL: p.. Ch. (Petzl, Die Inschriften von Smyrna, Bonn, 1987, .728, p. 227)

    6 T1XVO BpOlJLLOU VaoU T 7ZpCT,

    V BaX^tOl )LOV 7ZOtI SaTa T[0G0ai?]. 12 xal xpaSijv xapTrov tepou;

    7T^CT0ai, V p^av xuacov Ix

  • 430 ALBERTO BERNAB

    Tiva TptTToSi 7u0VT xal tou Aiovaou IfzPaXovTE jjiXt]

    [i.7rtpavTE

  • LA TOILE DE PNLOPE 43 1 \

    T '23 i Et. gen. = Et. Sym. cod; V- = Et. M. 406, 46 s. v. ZaypU- Aiovuao .rcap 7^7)* Sox yp Ze [xty^vat r^t. Ilepa 'pyco

  • 432 ALBERTO BERNAB

    e e) {x?)} xpauvkv>. 5 vv SE x ]xco {uxo} 7:' 0, CO {X} US 7[[] {u} ISpa Y.

    T 29 Lamella aurea saec. IV a. Ch. Thuriis inventa (II 1 Pugliese Carratelli)

    "Ep^ouat, ex xo6api , ^0ovi paaXEia, ExXYJ E(3oXeU te xal avaxoi 0ol aXXor xal yp ywv utxiv yvo oX^cov u^ou.ao eIuev. Xa U '{} ^ {xal Oavaroi OeoI aXXoi} xat

    xxXo %' ^srcTav Papu7rv6o

  • LA TOILE DE PNLOPE 433

    xal yzvazc , Svaxov ^ tov ' y.i] to eo xevou Xecoctoizevov 'ol TTETa^sv ' Ze

    xxXou te Xyjat, xa ). vGpcoTuva TayaGv kari r\ , co

    ... XX' coq, HsvoxpaTTj (fr. 219 Isnardi Parente) TiTavix^ scmv xal s Awvucrov 71.

    T 37 Plat. Cratyl. 400 xal yp cr^ Tiv ^ aTO evat t^ '-'^^ (se. acofza), a> T6a[X[xsvy] Iv viv TrapovTi' xal Sioti au totcoi C77][j.aivi a v