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Ming Wong Les champignons dans la médecine traditionnelle chinoise In: Journal d'agriculture tropicale et de botanique appliquée. Vol. 15, N°9-11, Septembre-octobre-novembre 1968. pp. 499-503. Citer ce document / Cite this document : Wong Ming. Les champignons dans la médecine traditionnelle chinoise. In: Journal d'agriculture tropicale et de botanique appliquée. Vol. 15, N°9-11, Septembre-octobre-novembre 1968. pp. 499-503. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jatba_0021-7662_1968_num_15_9_3002

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Ming Wong

Les champignons dans la médecine traditionnelle chinoiseIn: Journal d'agriculture tropicale et de botanique appliquée. Vol. 15, N°9-11, Septembre-octobre-novembre 1968.pp. 499-503.

Citer ce document / Cite this document :

Wong Ming. Les champignons dans la médecine traditionnelle chinoise. In: Journal d'agriculture tropicale et de botaniqueappliquée. Vol. 15, N°9-11, Septembre-octobre-novembre 1968. pp. 499-503.

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NOTES ET ACTUALITES

Les champignons dans la médecine traditionnelle chinoise

Par M. WONG.

Les problèmes nutritionnels et leurs applications à l'alimentation humaine sont l'objet de l'intérêt croissant des chercheurs (1). Tous les peuples de l'Extrême-Orient dont la nourriture est essentiellement végétarienne font une grande consommation de champignons (2). Ils sont étudiés dans les fameux herbiers « Pen-ts'ao » ou Traités de matière médicale. Les flores chinoises offrent également un intérêt tout particulier (3). Les champignons ont un rôle très important dans l'histoire de la médecine chinoise. Ils étaient, pour les anciens taoïstes, des drogues d'immortalité. Les adeptes du Tao pratiquaient la gymnastique respiratoire et l'ascèse spirituelle. Ils étaient capables de s'isoler dans les montagnes, entre le ciel et la terre, pour y rechercher « l'essence » des végétaux. Ils adoptèrent une diététique appropriée qui préconisa l'abstinence des céréales. Elle leur permettait de devenir des hommes réels (Tchen-jen) prêts à affronter l'immortalité.

Chaque arbre, chaque plante a ses mousses et ses champignons particuliers. Nous décrirons ceux sur lesquels nos recherches nous ont procuré quelques renseignements.

Les lichens et les mousses forment un groupe distinct des algues et des champignons. La classification botanique repose sur l'aspect extérieur et la philologie est souvent le seul recours pour déterminer une espèce. Les lichens et les mousses sont des médications émollientes et adoucissantes. Les muscinées sont les plus petits des végétaux herbacés et des substances médicamenteuses qui absorbent les excès d'eau. Les champignons sont des végétaux bienfaisants et des symboles de longévité. Ils pullulent sous la forme de moisissures (Kiuri) et résistent à l'atteinte du temps. Les propriétés curatives indiquées ne sont pas toujours effectives. Mais les anciens chinois témoignèrent d'un véritable sens pratique et même de tendances scientifiques dont il faut les louer. Dans le langage populaire on ne donne guère le nom de champignons qu'à des végétaux formés d'un pied et d'un chapeau. Les végétaux cryptogames sont représentés par des genres très divers (agarics,

(1) Heim Roger. — Les champignons toxiques et hallucinogènes. Paris, 1963, 292 p. avec index bibliographique.

(2) M. le Professeur R. Heim a bien voulu attirer notre attention (Note de Hong-Kong, 1961) sur les pays mycophagiques d'Extrême-Orient et nous avons pu achever notre enquête nutritionnelle (Shikoku, 1967).

(3) Wou K'i-tsiun. — Tche-wou ming-che t'ou-Jc'ao (Flore descriptive illustrée). Préface datée de la 28e année de l'ère Tao-kouang (1848). Changhaï, 1957, 892 p. avec index. JOURNAL D'AGRIC. TROPIC. ET DE BOTAN. APPLIQUÉE, T. XV, N» 9-10-11, SEPT.-OCT.-NOV. 1968

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truffes,_moisissures, etc.). La famille la plus riche est celle des basi- diomycètes. Elle est caractérisée par la naissance des spores sur des basides. Un autre groupe réputé est celui des ascomycètes (les spores naissent sur des asques) auquel on rattache les morilles et les helvelles. On connaît un grand nombre de champignons parasites. Ils sont étudiés avec de faux parasites ou végétaux qui vivent fixés sur un autre végétal. Les aroïdées exotiques sont des plantes epiphytes. Les Champignons (Tche) sont étudiés dans le Compendium général de la matière médicale (Pen-ts'ao kang-mou) de Li Che-tchen (1518- 1593) (4) (5). Le caractère Tche évoque la forme d'une plante herbacée, l'herbe divine (Chen-tche) qui varie suivant la couleur.

Le premier livre de botanique chinoise introduit en Europe est la Flora Sinensis du R. P. Michel Boym (1612-1659), Jésuite polonais envoyé en Chine (1643) et ambassadeur de Yong-li à Venise et Rome (1652-1656). Cet ouvrage, dont l'original a toujours été si rare qu'en 1730 l'orientaliste Bayer le croyait en manuscrit, a été traduit en français, et imprimé dans la collection Thévenot (6).

Ses travaux furent repris par le R. P. Martial Cibot (1727-1784) (7) qui s'inspira du Pen-ts'ao kang-mou. Il donna une Notice du Mo-kou-sin et du Lin-tchi : « Les Chinois nomment Lin-tchi, non pas l'espèce de champignon que nous appelons Li-chen, mais celle que nous connoissons sous le nom d'Agaric; & ils en comptent un grand nombre d'espèces. Le Lin-tchi a un pédicule comme les champignons ordinaires; & ce qui lui est particulier, ce pédicule se ramifie en deux, trois, quatre & même cinq branches, qui se couvrent chacune de leur chapiteau, d'une figure irrégulière, mais toujours concave en dessus & convexe en dessous. Il y en a de couleur de canelle foncé, rouge, d'agate, noir de vernis, jaune d'or, blanc de l'ail, vert foncé. Le Lin-tchi est indiqué dans le droguier de Louis, comme un cordial, un stomachique excellent. Les Chinois le réduisent en cendre et se servent de ces cendres pour arrêter le sang des veines et des artères coupées » (7) .

Les champignons sont avant tout des symboles d'immortalité (8). Toutes les plantes ne peuvent conférer l'immortalité mais peuvent

augmenter les forces. Nous limiterons notre exemple à l'iconographie du Pen-ts'ao kang-mou qui a été souvent copiée. Ses critiques omettent

(4) Pen-ts'ao kang-mou, chapitre 28, section des légumes, classe 5. Pékin, 1957, vol. II, pp. 1240-1247.

(5) Tchang Houei-kien. — Li Che-tchen. Changhaï, 1954, 52 p. (6) Nous avons consulté l'exemplaire manuscrit de la Bibliothèque de Caen

(Manuscrit 82) (392 in-fol. 86). (7) Le P. Martial Cibot séjourna plus de vingt ans en Chine. Originaire de

Limoges, il partit de Lorient à bord de l'Argenson (1758) et arriva à Pékin (1760). Membre correspondant de l'Académie des Sciences de Pétersbourg, il rédigea le Fungus Sinensium Mo-ku-sin descriptus a Rev. P. Cibot apud Sinas Missionar. Academ. Socio. (Novi commentarii Academiae Scientiarum Impe- rialis Petropolitanae t. XIX, pro Anno MDCCLXXIV Petropoli) . Le manuscrit de l'original français faisait partie du vol. 28 des Mss de la Bibliothèque Sainte- Geneviève. Gf. Mémoires concernant l'histoire, les sciences, les arts, les mœurs, les usages des Chinois. Paris, MDCCLXXIX, Tome IV, pp. 500-503.

(8) Les Tche sont aujourd'hui assimilés au Fomes Japonicus. Cf. Roi Jacques et Ou Yun-joe. Le taoïsme et les plantes d'immortalité. Bulletin de l'Université l'Aurore, 1941, III, t. 2, n° 4.

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également le texte auquel on se rapporte (9). Nous distinguerons : 1) les champignons {Tchou-tche) . D'après M. le Professeur Heim, cette figure s'appliquerait au Ganoderma lucidum (Leys.) Karst. Le Gano- derma polymorphe est un champignon dur qui se conserve indéfiniment. Il est ainsi sensé conférer l'immortalité. Les déterminations classiques sont Ganoderma australe Fries et Polyporus ganoderma Leys. (10).

2) Les « oreilles de bois » (Mou-eul) ou Auriculaires (Tchou-eul) sont appréciés des gastronomes. Les espèces séchées sont consommées dans tout l'Extrême-Orient. La nomenclature botanique (11) les désigne par Auricularia Auricula-judae Schr.; Hirneola Poly tricha Fr. et Peziza auricula « bénéfiques pour le souffle elles permettaient de lutter contre la faim, d'alléger le corps et de renforcer la volonté ».

3) Les agaricacées (Hiang-sin) (Agaricus Bretschneideri Kalich et Thtim, A. cortinellus Shiitake). On peut les définir comme des Agarics charnus à chapeau orbiculaire régulier qui porte des lamelles. L'araa- nitine ou agaricine est le principe toxique de divers champignons vénéneux. M. Heim assure que l'Amanite phalloïde existe en Chine principalement dans la province du Yunnan. Les symptômes provoqués par l'ingestion de l'amanitine sont : la torpeur, l'affaiblissement de l'ouïe, le resserrement de la pupille puis la paralysie avec ralentissement graduel de la respiration avant la mort.

4) Mo-kou-sin (Clavaria pistillarius L.) est le champignon en forme de pilon. Il viendrait du Chantong. Les clavaires sont des champignons des bois généralement comestibles. Li Che-tchen nous précise qu'elles sont de saveur douce, de nature froide et non toxique.

5) Tchou-jou (Puccinia corticioides Berkl. et Br.) ou Tchou-kou (champignon du bambou) est bien connu en Extrême-Orient. Katayama Naoto lui consacra le Nihon Chikufu (bambous du Japon) édité par Ono Shokui et illustré par Naikajima Geisan (1886). Il ne faut pas le confondre avec le Sasako, champignon qui croît au pied des bambous après la pluie. On en tire une substance appelée susumenotamago (œufs des bambous) que les enfants goûtent grillés.

M. Heim précise que le K'ou-tchou-jao est une espèce très vénéneuse de champignon du bambou.

6) Che-eul (oreille de pierre) ou Ti-eul (oreille de la terre) doit probablement être apparenté à Che-eul, l'épiphyte du Cudrania triloba Hce (13).

(9) d'Incarville Pierre (c. 1706-1757), Animaux et plantes de Chine. Manuscrit (Aquarelles) du Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris.

(10) Sallet Albert. — Les champignons en pays annamite. Saigon, 1939, 66 p.

(11) Tche-wou ta-ts'eu -tien (Nomenclature botanique chinoise). Université de Soochow, 1917, Préface de Nathaniel Gist Gee.

(12) Letellier. — Annales d'hygiène, 1867, p. 71. (13) Henry Fletcher Hance (1827-1886) décéda à Amoy (Chine). Il offrit

son herbarium au British Museum qui comptait 22 437 espèces botaniques.

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La médecine populaire chinoise n'adopte pour sa nourriture que des espèces dont elle est absolument sûre. Elle est riche d'indices à condition de les passer au tamis de la critique scientifique. Un travail de détermination systématique pour tout ce que présente si généreusement la mycologie (14) et la pents'aologie (15) chinoise est indispensable. Pour mener à bien ces recherches il serait opportun d'envisager en France la création d'un Centre d'Ethnobotanique Asienne.

Section des légumes

Section des Légumes, classe des Champignons d'après le Pen-ts'ao kang-mou.

Hiang-sin (Agaricus Brestschneideri Ka-

lich et Thûm.) (Agaricus cortinellus Shiitake) L'Agaric comestible était

sidéré comme une drogue de longue vie.

Mo-kou-sin est un autre nom général correspondant à des champignons des bois vaires) Clavaria pistillarius L.

Tchou-tche est un terme générique

gnant les champignons. Le dessin en noir d'une

relle attribuée au P. d'Incar- ville (c. 1740-1750) est une copie du Pen-ts'ao kang-mou (c. 1590-1593).

Ces Tche s'appliquent au Ga- noderma

Mou-eul (les oreilles de bois) sont les auriculaires

Auricularia Auricula-judae Schr.

Hirneola polytricha Fr. Peziza auricula

(14) Li Che-tchen nous rappelle que le premier catalogue des champignons, le Kiun-p'ou fut composé, sous les Song par Tch'en Jen-yu (Pen-ts'ao kang-mou, op. cit. vol. II, p. 1244.

(15) Heou K'ouan-tchao. — Dictionnaire des espèces botaniques chinoises. Pékin, Les Presses Scientifiques, 472 p. avec appendices et index.

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