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    Rmi Mathieu

    Chamanes et chamanisme en Chine ancienneIn: L'Homme, 1987, tome 27 n101. Du bon usage des dieux en Chine. pp. 10-34.

    Citer ce document / Cite this document :

    Mathieu Rmi. Chamanes et chamanisme en Chine ancienne. In: L'Homme, 1987, tome 27 n101. Du bon usage des dieux en

    Chine. pp. 10-34.

    doi : 10.3406/hom.1987.368764

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1987_num_27_101_368764

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_hom_7367http://dx.doi.org/10.3406/hom.1987.368764http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1987_num_27_101_368764http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1987_num_27_101_368764http://dx.doi.org/10.3406/hom.1987.368764http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_hom_7367
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    4o

    Rmi Mathieu

    Chamanes

    et

    chamani sme en

    Chine

    ancienne

    Rmi

    Mathieu, Chamanes et chamanisme en Chine ancienne. Qu'il soit proprement

    chinois ou

    d'origine

    nord-asiatique, le chamanisme de la Chine antique s'intgre

    parfaitement

    dans le

    contexte des

    pratiques

    religieuses qui furent

    celles

    des

    cultures

    voisines.

    Il

    en

    partage

    en

    effet

    les

    caractristiques essentielles. Il s'en distingue toutefois

    en

    ce que sa

    pratique s'inscrit dans le cadre d'une organisation tatique et

    ce

    jusqu'au dbut

    de

    l'empire

    des Han. Le chamane de l'antiquit interprtait

    les

    rves,

    invoquait les esprits,

    faisait tomber

    la

    pluie, gurissait et expulsait les

    pestilences.

    Il tait

    la

    voix des hommes et celle des

    esprits,

    car

    il

    avait

    l'oreille

    de

    tous.

    Sa

    disparition

    provisoire

    vers

    le

    dbut de

    notre re

    tient

    sans

    doute autant ses insuccs

    thrapeutiques

    qu' l'incompatibilit des manifestations

    paroxystiques

    de la transe avec l'tiquette de la cour impriale. Sous d'autres

    formes,

    il

    poursuivit son existence

    en milieu

    paysan

    jusqu'

    nos

    jours.

    Cette enqute sur le rle des chamanes dans l'ancienne Chine se veut une

    modeste

    contribution l'analyse

    du

    phnomne

    chamanique en

    Orient.

    Dans

    la

    mesure

    o

    la Chine antique

    a

    connu

    un

    type

    de pratiques religieuses dont

    les

    traits principaux sont ceux que la communaut

    scientifique

    s'accorde r

    econn tre

    comme

    spcifiques du

    chamanisme,

    il

    parat

    tout

    le

    moins

    lgitime

    de qualifier

    de

    chamaniques

    les

    rites,

    les

    prtres

    et

    certains

    mythes de cette

    poque.

    C'est

    au

    centre

    d un procs de communication

    que

    se situe le chamane.

    Il

    y

    a dj

    longtemps,

    l'ensemble unitaire que

    constituaient

    hommes et

    esprits

    se

    disloqua ; le ciel pos sur la terre s'en loigna et il fallut,

    pour

    que les

    humains

    restent

    au contact

    du

    divin,

    que

    certains d'entre eux

    se

    chargent de

    porter

    la

    parole d'un monde l'autre.

    Ces

    fonctions messagres supposent un

    systme

    idologique dont

    on

    peut

    reprer les

    premires

    manifestations dans les

    gra

    phismes animaliers de la culture de Yangshao. Il se peut

    que le chamanisme

    chinois

    ait

    pris

    racine

    cette

    poque-l (Chang

    Kwang-chih 1983

    :

    114) dans

    un

    contexte culturel dont nous ignorons presque tout. Le

    chamanisme extrme-

    oriental

    s'est sans doute

    constitu

    ds avant

    cette

    priode

    sous diverses formes

    L'Homme 101,

    janv.-mars 1987,

    XXVII (1), pp. 10-34.

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    Chamanes et chamanisme en Chine ancienne

    1 1

    et nous ne savons

    pas

    s'il prsentait alors

    l'aspect

    classique dcrit par

    Eliade,

    pour

    l'essentiel partir d'exemples

    sibriens. Il

    est probable cependant que la

    communaut

    de

    techniques constate

    entre

    la

    Chine

    et

    l Asie

    septentrionale

    tra

    duit ou

    bien l'existence

    d'une

    source

    commune ou

    bien un

    processus de conta

    mination.

    Les chamanes formaient-ils un corps

    sacerdotal

    ?

    Il

    serait dlicat de

    pr

    tendre

    en

    reconstituer

    l'organisation,

    car l'entreprise

    se heurterait

    au

    silence

    des textes, d la

    sourde

    hostilit des confucianistes et la difficile

    interprta

    tiones

    fresques

    antiques. Nous en savons toutefois assez

    pour

    affirmer que le

    chamanisme

    chinois

    fut

    un

    des

    seuls crotre

    puis

    dprir

    dans

    le cadre d'une

    institution tatique.

    Sans tre

    dogmatique, le chamanisme suppose

    un

    systme

    plus ou

    moins

    cohrent

    d'explication du monde et des rapports des hommes avec

    les

    esprits,

    ainsi

    qu un

    ensemble de prescriptions l'usage des officiants.

    On

    repre dans

    la pratique religieuse

    chinoise

    des

    premires

    dynasties

    un certain

    nombre de

    comportements qui sont tous sinon

    purement

    chamaniques,

    du

    moins gnrale

    mentis

    ce systme

    de

    pense.

    C'est ainsi qu on reconnat certaines per

    sonnes le pouvoir d'voquer les esprits, de partir leur recherche dans les cieux

    en utilisant des procds inconnus des autres hommes, de gurir les malades ou

    de

    rappeler les

    mes des

    mourants. En

    Chine,

    on

    note que la

    danse (surtout

    celle

    des

    plumes)

    et

    l'invocation

    paraissent,

    sans doute

    plus

    qu'ailleurs,

    valori

    ses.Le tambour des

    esprits

    favorisait la transe de

    ces

    tres aux longs che

    veux pars tombant jusqu aux paules qui semblaient comme

    fous

    aux

    yeux

    des

    spectateurs (qui

    voulait

    simuler

    la

    folie

    laissait

    flotter

    ses cheveux),

    trs semblables en leur apparence aux chamanes contemporains des Yakoutes,

    Oughours,

    Tlingit et Na-khi du Yunnan. Certains

    d'entre

    eux

    portaient

    des

    masques et officiaient revtus de peaux d'ours, ainsi associs, semble-t-il, des

    animaux auxquels

    ils taient

    lis

    par

    des

    rapports

    de protection, peut-tre orig

    inellement totmiques.

    Enfin, la littrature

    de cette

    poque dcrit,

    en des pages

    parfois

    saisissantes,

    un

    monde tage

    o

    l me de certains hommes pouvait se

    dplacer

    jusque

    dans

    les

    cieux

    multiples

    en

    grimpant

    sur

    des monts

    qui

    unis

    saient

    la

    terre

    l'empyre.

    Celui-ci

    reposait

    sur

    ces montagnes qui faisaient

    office

    de

    colonnes,

    dont

    l'ascension,

    relle

    ou imagine, permettait l'accs au

    domaine

    divin.

    L'arbre dress (jian

    mu

    } S-

    )

    servait d'chelle aux

    esprits

    et

    l'Empereur cleste

    pour descendre

    parmi

    les

    mortels.

    Qu en

    est-il

    du sexe

    des

    chamanes, de leur situation gographique, de leurs

    tches et de leurs moyens d'action

    ?

    I. LE

    CHAMANE,

    UNE VOIX DES ESPRITS

    II

    est

    trs

    probable

    qu

    l'origine

    la

    fonction

    chamanique

    tait

    assume

    en

    Chine tant

    par

    des hommes que

    par

    des femmes. De nombreux textes,

    parmi

    les

    plus

    anciens,

    distinguent en effet

    les

    chamanes (xi)

    des

    chamanesses (wu)

    ; le

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    12

    RMI

    MATHIEU

    CHRONOLOGIE

    Palolithique infrieur (

    600000

    50000) : sites

    de Zhoukou

    dian,

    Lantian

    Palolithique

    moyen

    ( -

    50000

    -

    25000)

    Palolithique

    suprieur (-25000

    - 10000)

    Nolithique

    antrieur

    (-10000 -6000)

    Nolithique

    moyen

    (-6000

    -3000);

    culture de Yangshao (Henan), Banpo

    (Shaanxi)

    Nolithique

    postrieur

    (

    3000

    1850)

    ;

    cultures

    de

    Longshan

    Shang

    (1850

    1122)

    ; site de Xiaotun ; inscriptions sur os

    Zhou (-1121 -221) :

    Zhou occidentaux (-1121-771)

    Zhou orientaux

    (-771

    -256)

    Chunqiu

    (-722

    -481), Zhanguo (-403 -221)

    Fondation

    de

    l'empire par les Qin en

    221

    Qin(-221 -206)

    Han (-205

    220)

    : Han antrieurs (-205 8), Wang

    Mang

    (9 25), Han post

    rieurs (25

    220)

    Trois

    royaumes

    :

    Wei,

    Shu,

    Wu (220

    265)

    Jin

    (265 420) :

    Jin occid.

    (265 316),

    Jin

    orient.

    (317 420)

    Dynasties

    du Nord et du Sud

    (420

    589)

    Sui

    (589

    618)

    Tang (618

    907)

    Cinq

    dynasties (907

    960)

    Song

    (960

    1127), Song

    du

    Sud

    (1127

    1279)

    Yuan

    (Mongols) (1279 1367)

    Ming (1368 1644)

    Qing

    (Mandchous)

    (1644

    1911)

    Proclamation de la Rpublique

    en 1911

    Fondation de la Rpublique populaire de Chine en 1949

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    Chamanes et

    chamanisme

    en Chine

    ancienne

    13

    philosophe

    Xunzi

    au

    -

    11e

    sicle

    emploie clairement

    les

    deux

    termes

    et

    avec lui

    le

    Guoyu ou

    Propos

    sur

    les principauts datant

    des Royaumes combatt

    ants,

    uis

    sous

    les

    Han

    le

    pote

    Zhang Heng (78-139)

    et

    l'historien

    Ban

    Gu

    (32-92) ;

    enfin,

    l poque Jin, les

    crivains Chen

    Shou

    (233-297),

    Ge

    Hong

    (283-343) et

    Fan Ye

    (398-446) l. D'autres sources par contre n'utilisent

    que le

    seul

    vocable dsignant d'ordinaire

    une femme :

    c'est le

    cas

    de l'antique

    Yijing,

    de Han Feizi (-280 -233)

    et,

    ultrieurement, de

    Xu

    Shen

    (30-124)

    dans son

    dictionnaire Shuowen

    jiezi2.

    Mais, comme le remarque opportunment un

    commentateur de ce dernier ouvrage, le nom du plus ancien

    chamane

    connu

    tant

    Xian, lequel se trouvait tre un nom d'homme, il se peut qu aux temps

    anciens

    la charge de

    wu

    ait t attribue pour l'essentiel des

    individus mles.

    Rien, objectera-t-on,

    ne

    prouve

    que

    ce

    Xian,

    qui

    vcut

    sous

    l'antique

    dynastie

    des Yin, ait effectivement t de sexe masculin. Nous nous en tiendrons aux

    textes qui voquent la possible bisexualit de cette charge. Sur la

    frontire

    nord-orientale de Core, les mudang, qui sont les hritires des

    wu

    chinoises,

    officient

    encore selon des rituels qui

    rappellent ceux de

    leurs antiques

    consurs3 ;

    car les

    pratiques des unes ont trs vraisemblablement influenc

    celles des autres. Si

    elle

    n'est pas

    souligne

    en Chine, o l on reconnat pour

    tant

    aux hommes et

    aux

    femmes

    le

    mme pouvoir, l'ambivalence

    sexuelle du

    chamane

    est

    par contre proclame

    en Asie septentrionale,

    chez

    bon nombre de

    peuples de

    l'actuelle

    Sibrie4.

    La

    rpartition des

    cultes

    dans

    la

    Chine ancienne

    laisse

    imaginer

    que

    le

    cha

    manisme n'tait

    nullement

    limit une aire

    gographique

    prcise. Tout donne

    en effet supposer

    qu'en

    dpit des variantes locales,

    lies

    la faune et la

    flore, mais

    aussi aux particularismes tribaux, cette pratique

    couvrait l'ensemble

    du territoire chinois de

    l'antiquit.

    Si l on trouve

    mention

    de nombreux cha

    manes dans les tats

    mridionaux

    de Chu et de Yue5,

    on

    aurait tort de

    penser

    que, comme l'ont

    affirm

    pendant des

    sicles

    les confucianistes, le rgne de

    l'obscurantisme

    commenait

    au sud

    du

    fleuve Bleu.

    Car

    c'est

    pour l'essentiel

    au nord

    du

    fleuve Jaune qu on

    voque les

    chants et

    les danses

    de ces

    person

    nages

    tranges,

    dans les principauts civilises de Zhou, de Zheng, de Wei

    au

    Henan6,

    tout

    comme

    dans

    celles

    plus

    barbares

    du

    Shanxi

    et

    du

    Shaanxi7.

    Sur la classe sociale

    des

    chamanes nous n'avons gure

    d info

    rmations ; mais

    on

    sait que la situation de leurs confrres tait particulirement

    modeste

    au

    xixe sicle (De Groot 1892,

    II

    : 1188, 1270). Nous

    pouvons

    seul

    ement supposer qu

    l'instar

    des

    devins, mdecins et

    invocateurs, aux

    cts des

    quels

    ils

    sont souvent cits,

    ils

    taient intgrs la cour des seigneurs ou du

    roi.

    En

    quoi

    consistait

    le

    rle

    du

    chamane

    dans

    les

    cours

    chinoises de

    l'antiquit

    ?

    Sans aucun

    doute, avant

    tout,

    communiquer aux hommes la

    volont

    et parfois

    la puissance des esprits. On

    faisait appel

    ses aptitudes en

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    14 RMI

    MATHIEU

    cas de bouleversement de l'Ordre pour en rtablir la continuit. La cassure

    dans

    la

    marche du

    monde peut

    parfois sembler

    bien

    tnue,

    s

    'agissant

    d'un

    cau

    chemar

    rveillant

    le

    prince,

    d'une douleur persistante

    au flanc

    d'un dignitaire

    ou d'une pluie se

    refusant

    tomber.

    Elle

    est

    pourtant

    perue comme une di

    scontinuit

    dommageable

    qu il

    convient de rparer

    par

    une intervention de

    nature spirituelle.

    Imaginer l'avenir d'aprs les

    rves

    parat

    tre

    sa seconde mission. Le

    rve

    est une

    envole

    de

    l'me

    hors

    du corps

    sensible,

    il constitue une

    occasion

    de

    rencontre avec

    les

    esprits clestes8. Encore faut-il comprendre

    ce que

    ceux-ci

    dsirent

    et, comme chacun

    sait,

    rien

    n'est

    moins clair.

    Il n'existait d'ailleurs

    pas

    un

    corps de spcialistes de l'interprtation. Les ouvrages historiques montrent

    bien

    que

    devins

    et

    annalistes avaient

    pour

    mission, tout

    autant

    que

    les

    cha

    manes, de rechercher

    le

    sens

    des songes. Au

    seigneur de Jin

    qui voit

    un spectre

    bondir

    pendant

    son sommeil et lui

    reprocher

    la mort de ses descendants, le cha-

    mane prdit

    :

    Ce que vous avez rv

    se

    ralisera

    [...] vous ne mangerez pas le

    bl nouveau [vous

    mourrez

    avant].

    Peu

    aprs,

    le

    prince

    voulut

    manger

    du

    bl

    frachement coup. Il

    le

    fit

    prparer

    par

    son cuisinier, eut

    soin

    de faire

    excuter

    son chamane pour

    sa funeste

    interprtation et

    se mit

    table. Mais,

    pris

    d'un

    besoin urgent, il

    se

    rendit aux latrines

    du

    palais o il mourut9.

    Vingt-six ans

    plus tard,

    un

    autre

    seigneur

    de

    Jin rva

    qu un prince qu il

    avait

    fait assassiner

    le

    frappait

    de sa hallebarde et lui tranchait la tte. Rencontrant le chamane

    Gao

    qui

    avait

    eu

    le

    mme songe,

    il

    lui

    en

    demanda

    la

    signification

    :

    C'est

    l assu

    rance de

    votre mort prochaine , lui rpondit celui-ci.

    Ce savant

    homme

    voyait

    loin, car ce n'est

    qu au

    printemps

    suivant

    que Sun Yan rendit l'me10.

    Ces

    exemples

    montrent

    bien que

    l'interprtation

    du rve

    s'apparente

    fort

    une divination. Cette

    dernire

    est une sorte de

    science

    historique du futur et

    c'est sans

    doute pourquoi

    les

    annalistes

    taient

    avec

    les chamanes les seuls, ou

    presque,

    tirer prsage des songes. Les

    oniromanciens proprement dits

    ne

    furent

    sans doute que des

    historiens

    ou des chamanes spcialiss .

    Les

    images

    apparues au dormeur seraient en effet plus un avant-got de son exis

    tence

    venir

    qu une trace

    de ses

    proccupations de la veille.

    Les conjectures

    ou

    les certitudes

    que

    les

    chamanes

    formulent

    sont

    d'ailleurs

    frquemment

    lies

    la

    vie

    ou la mort, soit du

    prince,

    soit de l'tat11. A tel point que pour Xunzi leur

    tche consiste avant tout

    observer

    le

    yin et

    le

    yang,

    interprter les prsages,

    pratiquer la divination

    12. C'est dire que,

    dans

    l'esprit de

    leurs contemporains,

    leur

    fonction

    se diffrencie fort peu de celle des devins shi et autres

    tireurs

    de

    sort.

    C'est

    ce

    qui

    ressort

    de

    textes

    aussi divers que

    le

    Yijing,

    le

    Mozi ou

    le Hou

    Hanshu

    de Fan Ye. D aucuns

    attribuent mme

    au

    plus

    eminent des

    premiers

    chamanes, Xian, l'invention de la divination

    par

    Pachille, que

    ses

    confrres

    continurent utiliser, tout comme les mdecins, pour tenter de

    dissiper

    les

    incertitudes

    du

    sort13.

    Le

    paralllisme des

    moyens

    d'action

    mdicaux

    et

    chamaniques

    n'est

    pas

    d

    au

    hasard de quelques textes.

    Il

    est

    ais de constater

    que

    les

    deux catgories de

    praticiens sont

    frquemment

    mentionnes de

    conserve

    ; tel point

    qu un

    cha-

  • 7/24/2019 article_hom_0439-4216_1987_num_27_101_368764

    7/26

    Chamanes

    et chamanisme en Chine ancienne

    15

    mane,

    Peng, pourrait

    bien avoir

    t l'inventeur de la

    science

    mdicale14. Sur

    quelles maladies agissait

    la science du

    chamane et pour

    quels

    maux cdait-il

    la

    place au

    mdecin

    ?

    C'est

    ce

    qu aucun

    livre

    de

    l'antiquit

    ne

    prcise.

    On

    peut

    supposer

    que, son domaine tant d'ordre spirituel,

    il se rservait les

    troubles o

    son esprit pouvait agir sur l'me du

    malade pour enclencher le

    processus de

    gurison15.

    L opposition entre

    chamane et

    mdecin,

    due une complmentarit

    mal

    comprise

    ou mal accepte),

    tait

    peut-tre

    sensible

    chez

    les petites

    gens

    qui

    faisaient

    appel l'un plutt

    qu l'autre.

    Le premier tait

    plus accessible

    que le

    second dans les milieux

    dfavoriss.

    Dans les couches sociales aises, certains

    croyaient aux

    praticiens

    de l'me,

    d'autres

    la mdecine physique.

    Leur

    cote

    mutuelle tendait

    monter en cas d'pidmie16. Comme l a

    not

    C.

    Lvi-

    Strauss17,

    le

    chamane fournit au malade un langage dont

    l'efficacit

    vient de

    ce

    qu il

    permet

    au

    patient de

    donner

    un sens

    ses tats,

    ce

    qui

    se

    passe

    en

    lui,

    alors que le mdecin n'agit

    que

    physiquement, le

    plus

    souvent sans

    intgrer

    le

    patient

    dans

    son

    propre

    cadre

    mental.

    Le

    type

    de gurison

    qu'implique l'action du

    chamane

    est

    de

    ceux

    qui nces

    sitent la

    communion

    des mes : celle

    du

    malade qu on

    rappelle,

    celle de l offi

    ciant

    qui

    voyage dans

    l'ther,

    celle des

    esprits qu on

    invite

    descendre. Dans

    certains cas mentionns

    par

    les chroniques, c'est l'me du

    patient

    qui se dplace

    vers les

    hauteurs

    divines et

    entre

    en

    contact

    direct avec elles, comme dans l his

    toire

    maintes fois conte de Zhao Jianzi.

    Les

    moyens utiliss ressortissent

    essentiellement

    ce

    domaine

    spirituel

    :

    pour

    gurir

    le

    patient,

    il

    faut

    solliciter

    les divinits

    responsables, leur

    faire des offrandes

    et leur adresser des

    prires18.

    Une

    autre

    mthode

    consiste

    rappeler l'me

    gare

    du

    malade ou

    du mort.

    Notons au passage

    que

    pas un seul

    texte

    de l'antiquit ne rapporte une

    rsurrec

    tionue l'action d'un de ces

    hommes

    de l'art. Ceci tend prouver, alors

    que

    la

    rsurrection

    est

    par

    ailleurs reconnue, que

    le pouvoir

    du

    chamane

    n a jamais

    t peru (du moins dans

    l'antiquit

    classique) comme permettant

    effectiv

    emente

    ramener

    sur terre

    une me

    chappe d'un corps mort. Si avant

    l'Empire

    on se

    posait

    la question de

    savoir

    si

    ces thrapeutes pouvaient ou

    non

    ramener un

    mort

    la vie, sous

    les

    Han postrieurs Wang Chong

    le

    sceptique

    affirmait

    sans

    ambigut

    que c'tait l

    chose

    impossible19.

    On

    sait

    que

    ce

    rappel

    de l'me, qui est une constante du chamanisme oriental, n a

    rien

    de spcifique

    ment chinois20.

    On

    doit

    ce

    thme une des plus mouvantes

    pices littraires

    de

    l'antiquit

    intitule prcisment

    Zhaohun Rappels de

    l'me 21.

    L'invocation des esprits clestes n a pas

    pour

    seule fin de protger la sant

    d'illustres

    malades. Elle tend aussi

    prserver

    la paix du royaume,

    assurer

    l abondance des rcoltes... Aussi les

    chamanes

    sont-ils le rceptacle des puis

    sances spirituelles : leur bouche est celle de la divinit, leurs membres en sont

    les

    agents. C'est

    ce

    qui

    explique la trs

    frquente association de ces

    hommes

    et

    de

    ces

    femmes avec les invocateurs, adressant ensemble

    leurs

    suppliques aux

    esprits

    et

    aux

    dmons22.

    Ils

    recommandent

    aux

    uns

    la

    bienveillance,

    aux autres

    de

    modrer leurs

    actions

    pernicieuses.

    On dit

    alors

    que l'officiant

    accueille

    les

    gnies

    descendus de l'empyre. Le verbe

    jiang

    descendre qui caractrise

  • 7/24/2019 article_hom_0439-4216_1987_num_27_101_368764

    8/26

    16 RMI

    MATHIEU

    toute manifestation cleste, traduit la descente

    sur

    terre des divinits, mais

    aussi des phnomnes

    qu elles

    ont

    pour

    habitude

    de

    provoquer (maladies,

    bonheur, malheur, calamits...)- La prsence des

    esprits

    parmi les hommes

    passe

    donc par

    Y

    incorporation de leur

    tre

    dans celui

    du

    chamane ;

    tout

    comme l'tre des mnes

    des

    dfunts

    passe

    par

    sa

    manifestation

    dans le

    corps

    du

    reprsentant du mort (shi) lors des crmonies

    d'offrandes

    aux anctres23. A

    l poque contemporaine, les minorits golde et corenne du nord-est chinois

    utilisent

    d'ailleurs

    le

    mme

    terme

    pour dsigner l'apparition de leurs esprits24.

    Le

    chamanisme des

    uns et

    des

    autres a

    trs vraisemblablement

    subi

    ds

    l anti

    quit

    l'influence des conceptions et des pratiques chinoises en la

    matire.

    S il

    est des gnies qu on souhaite recevoir, il

    y

    a des dmons qu on cherche

    repousser,

    si

    tant est

    qu on

    puisse

    toujours

    distinguer les

    uns

    des

    autres

    (De

    Groot

    1892,

    II : 1114). Les

    gui sont

    des tres mauvais qu on apparente

    dans

    certains cas des

    revenants

    et

    dont

    il

    convient

    de se prmunir

    soit

    directement,

    soit

    par l'intermdiaire d un chamane.

    On

    ne s'attardera pas ici

    sur les

    mthodes d'exorcisme

    individuel

    (sang de chien,

    images

    de

    tigres ou

    peintures

    des

    gnies

    Tuyu et de Yul sur les portes...), mais

    plutt

    sur celles qui

    ncessi

    tenta prsence de

    ce

    spcialiste des apotropes qu'est

    le

    chamane.

    En rgle gnrale,

    le

    chamane

    est charg

    de repousser, d'expulser

    ce

    qu on

    nomme

    parfois

    les pestilences (gu), les miasmes, mais aussi les mauvais gnies

    porteurs de mort (yao) ou de maladie (xie). C'est une autre de ses tches que de

    savoir

    reprer

    dans

    l'ensemble

    des

    phnomnes

    naturels

    ce

    qui

    relve

    du

    nfaste

    et requiert son

    intervention

    salvatrice25. Une chose frappe la lecture des

    textes : c'est toujours de la

    mort

    dont

    on

    le charge de protger les princes qu'il

    sert. Comme

    si ce

    nouveau rle

    n'tait

    en

    fait

    que la prolongation logique

    du

    prcdent qui

    consistait loigner

    les

    maladies

    du

    patient et rappeler

    l'me

    chappe dans l'azur.

    On

    le voit chasser les miasmes mortifres autour des

    cadavres lors de l'arrive d un seigneur26.

    Pour

    cela, il

    s'arme

    de branches de

    pcher et

    de la

    plante lie \

    21. Si l'identification du tao

    comme pcher (Prunus

    prsica)

    ne fait pas de doute, il

    n'en

    est pas de

    mme

    pour la

    plante lie

    en

    laquelle certains ont cru

    voir une

    tige de

    millet28.

    D aprs D. Knechtges

    {cf.

    n.

    1),

    il

    pourrait

    s'agir

    du

    Miscanthus

    sacchariflorus

    ;

    mais

    selon

    le diction

    naire

    moderne

    Cihai, nous

    aurions l

    un synonyme

    de tiao qui

    dsigne

    le

    Tecoma grandiflorum. Dans le premier cas, il faudrait y voir une sorte

    d'eulalie, dans l'autre une Bignoniace (tcome, dit

    le Littr), qui est

    une Scro-

    fulariace. Quand on

    admet l'importance des identifications botaniques dans

    l'tude d un systme de pense29,

    on

    conoit que cette question n a

    rien

    de

    byzantin. Quant au

    pcher, il a servi ds la

    plus

    haute antiquit protger les

    Chinois des mauvaises influences.

    On accrochait

    il y a encore quelques dcen

    nieset de

    telles pratiques sont toujours

    vivaces

    Taiwan)

    un arc et des flches

    en bois de pcher auprs du

    berceau

    de l'enfant

    nouveau-n.

    On traait des

    traits

    en

    toutes directions

    (en

    fait

    vers les

    cinq

    orients)

    pour

    effrayer

    les gnies

    malfaisants30.

    Dans les crmonies

    funbres,

    le

    chamane prcdait

    le roi

    ou

    le

    seigneur,

    faisant

    cran

    ou paratonnerre

    devant

    le

    personnage

    protger.

  • 7/24/2019 article_hom_0439-4216_1987_num_27_101_368764

    9/26

    Chamanes

    et chamanisme en Chine ancienne

    17

    C'est

    le

    sens

    que

    parat avoir

    sa

    prsence

    en tte

    des cortges et

    des

    visites fu

    nbres

    auprs des cadavres exposs31.

    Trait

    d'union

    entre

    la

    vie

    et

    la

    mort

    des

    hommes,

    entre

    les esprits

    et

    les

    humains, il l'est aussi quand il s'agit de conjoindre

    ciel

    et terre par l interm

    diairees prcipitations. Prtant attention

    au dcs

    des tres, il doit

    logique

    mente sentir concern par la mort des

    vgtaux

    et des animaux32.

    En tte

    des

    calamits contre lesquelles

    on lutte avec

    son appui, vient la

    scheresse.

    Le cha-

    mane a donc tout naturellement

    pour

    mission de faire tomber la pluie.

    Il

    dirige

    les

    danses et

    les offrandes qui feront

    tomber l eau

    du

    ciel33. Il invoque

    les

    esprits concerns et, si tout se passe

    bien,

    les

    cieux

    ne tardent pas

    se

    montrer

    clments

    et dverser leur trop-plein d'humidit. Mais les dieux peuvent n'tre

    pas

    disposs

    obtemprer

    immdiatement

    et

    les

    choses

    prennent

    alors

    une

    tournure

    fcheuse

    pour

    le ou la responsable d'une

    telle

    situation. Dans ce

    cas,

    l'officiant, surtout

    s il

    s'agit

    d'une

    femme, est accus d'incapacit et

    c'est sa

    personne physique qui sert

    directement

    d'offrande

    au

    dieu

    de

    la

    pluie.

    On le

    sacrifie par

    le feu, moins qu on ne lui substitue

    un personnage

    dcharn34.

    Pourquoi exposer ainsi au

    soleil

    ou aux flammes le corps

    d'une

    sorcire

    ou

    d'un tre

    amaigri35 ?

    Si les

    textes

    n'en

    soufflent

    mot,

    les

    commentateurs

    se

    contredisent : les

    uns prtendent

    que

    ces

    personnes avaient

    un

    visage

    au

    milieu

    duquel le nez,

    par

    sa maigreur extrme, incitait le ciel

    retenir

    la pluie pour

    ne pas

    les

    blesser ;

    les

    autres

    affirment

    au contraire

    que

    leurs traits amaigris

    tourns

    vers les

    cieux apitoyaient

    ceux-ci

    qui

    dversaient alors

    l eau

    bienfait

    rice36. Ces deux

    explications

    n'emportent gure la

    conviction

    ; pas

    plus

    la

    ntre

    que celle des glossateurs qui d'un

    mme

    fait tirent des

    conclusions

    oppos

    es. Si l'analyse indigne d'une

    pratique culturelle

    est du

    plus haut

    intrt, car

    elle parle

    le

    seul langage qui puisse tre admis dans la socit o elle s'nonce,

    elle

    ne clt pas

    loin de

    l

    notre interrogation

    sur le sens de

    cette

    pratique.

    Il

    semble

    clair

    qu'en

    asschant

    ce

    qui est sec,

    on

    annule ces deux pouvoirs (feu

    + scheresse)

    afin

    d en engendrer

    un

    autre, son

    contraire. L quation

    :

    deux

    plus

    = moins

    peut aussi s'crire :

    soleil

    +

    personne dcharne

    ou ou = pluie

    feu

    +

    chamanesse

    L'hsitation, marque dans les deux

    textes

    cits plus haut {cf. n. 34), entre

    la sorcire et

    le

    personnage

    dessch,

    parat signifier

    que

    l'officiante est

    consi

    dre elle

    aussi, d'une

    certaine

    faon, comme

    sche

    . Qui sait

    si,

    comme

    pour nos sorcires d'Europe,

    l ge

    de leur

    activit

    ne

    correspondait

    pas celui

    de la mnopause, lorsque

    le cycle

    des flux s'teignait en

    elles37. L'habitude

    d'exposer

    au

    feu du soleil les responsables des scheresses s'est

    d'ailleurs

    perp

    tue

    usqu

    nos jours

    en

    Chine

    :

    on

    tirait

    les

    poussahs

    dehors

    ou

    bien on brl

    ait

    l'effigie

    du Roi-dragon, matres,

    un

    titre ou

    un autre,

    des prcipitations.

    De la sorte,

    ces praticiennes

    rejoignaient

    promptement, par

    le mme chemin

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    10/26

    18 RMI

    MATHIEU

    que les

    offrandes ordinaires,

    le domaine des esprits avec

    lesquels elles avaient

    de

    si

    grandes

    affinits38.

    L tat

    de chamane

    n'tait

    donc

    pas de tout

    repos. Mais

    celui-ci ne se trou

    vait pas

    sans ressources

    face

    aux dieux ; il

    disposait

    d'un certain nombre de

    techniques transmises par ses initiateurs. Il savait ces moyens efficaces, non

    seulement par

    exprience, mais

    aussi parce

    qu aux

    Origines

    le

    peuple des

    hommes et

    celui

    des esprits n'taient point

    spars.

    Les uns

    pouvaient donc,

    en

    ces

    temps heureux,

    s'instruire

    du savoir des

    autres39.

    Les chamanes sont en

    apparence

    les seuls

    avoir

    su garder cette

    remarquable

    intimit avec

    les

    puis

    sances

    spirituelles. Il leur

    est attribu

    une

    connaissance des

    dieux

    que nul ne

    saurait

    galer.

    Sachant trouver les mots ou les offrandes qui conviennent,

    ils

    intercdent

    auprs

    des

    gnies40

    ;

    invisibles au

    commun

    des mortels, ceux-ci

    apparaissent aux yeux

    des

    chamanes41. Ils

    sont, en quelque sorte, de

    mme

    espce ;

    un

    texte parle en

    effet

    de shenren ou d

    homme-esprit

    : qui peut

    dire s'il s'agit d un chamane divinis ou d un dieu

    qui

    s'est fait homme

    ?

    Croire aux esprits, c'est

    croire

    aux

    chamanes ; aimer

    les histoires

    d'esprits,

    c'est se complaire couter les

    paroles

    de

    leurs

    reprsentants42.

    Car

    les propos

    qu'ils tiennent ne sont

    pas

    tant les leurs

    que

    ceux

    que

    les

    divinits,

    descendues

    en eux, expriment

    par leur

    bouche. Leur voix est possde

    par

    l'esprit

    et,

    tels la

    Pythie,

    ils

    peuvent s'interroger :

    Qui

    me

    parle,

    ma

    place

    mme...

    Et qui

    de

    ces

    mots cumants,

    Dont

    les

    clats hachent ma langue,

    La fait brandir

    une

    harangue...

    D'une bouche qui

    veut

    se mordre

    ?

    C'est assurment le

    dieu dans la

    chair gare 43 qui fait de cette

    langue

    son

    interprte auprs

    des hommes. Sima Qian

    au

    dbut de

    l'empire et Wang Chong

    par la

    suite s'expriment clairement sur ce sujet44. Et c'est

    un

    peu ce qui

    s'nonce dans les paragraphes 67 et 400

    du

    livre de Gan Bao (rve sicle),

    Soushen ji A la recherche des

    esprits

    45,

    o

    l on constate qu'esprits et

    dmons

    ont

    la

    fcheuse habitude

    de

    possder

    des femmes.

    Le

    savoir du

    cha

    mane et

    de la chamanesse

    consiste

    prcisment

    utiliser

    cette possession afin

    de la mettre au

    service

    des consultants. On peut

    dire

    que l'esprit est,

    pour

    le

    chamane, non

    tant

    un but

    qu un

    moyen ; la

    rciproque

    semblant galement

    vraie. Ils sont

    l un

    pour l'autre moyen d'action. On ne s'adresse pas aux

    gnies

    chinois

    comme

    le

    prtre

    chrtien

    se

    confie

    son

    Dieu.

    Il

    y faut des bruits et de

    la fureur. L'officiant chinois, comme ses homologues contemporains d'Asie

    orientale,

    chante

    et danse. Ses paroles sont

    autant

    d'invitations

    descendre

    parmi

    les humains. Les

    chamanesses de Chu semblent

    avoir t

    clbres pour

    leurs

    mlopes46. Lors des grandes

    scheresses,

    ce sont

    elles

    qui

    dirigent

    les

    danses de

    sacrifice

    pour demander

    la

    pluie

    ;

    d'aucuns

    prtendent

    mme

    qu'elles

    s'agitent

    plus

    qu'elles ne dansent47. On

    peut

    voir

    dans la

    danse chamanique,

    comme

    dans

    toute danse, une invitation lance un(e) partenaire sur un mode

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    11/26

    Chamanes et chamanisme en

    Chine

    ancienne 19

    prrotique. Le terme

    possession

    traduit bien la communion sensuelle qui

    s'instaure alors.

    Les mouvements,

    rythms

    par

    le

    tambour,

    aboutissent

    une

    clipse partielle

    de

    la

    conscience

    noye

    dans

    les

    automatismes

    gesticulaires.

    A

    bon

    droit, les spectateurs peuvent imaginer que

    la

    divinit a occup la

    place

    laisse vacante dans

    l'me

    de l'officiant.

    En

    Chine, la

    danse

    permet la

    recration magique d un monde qui n'est

    plus : celui de

    l ge

    d'or o hommes et dieux

    vivaient

    cte cte, o la paix

    rgnait avec les

    Barbares, o

    les choses

    et

    les tres

    vivants taient leur juste

    place48. Tout comme il

    canalise

    en lui la

    violence

    de ses affects en les exprimant

    par autant

    de mouvements

    que

    son corps lui en

    donne

    la

    force,

    le chamane

    entend matriser la

    puissance

    mise son service par l'esprit. Brandir l'pe,

    c'est

    tuer

    en

    lui

    la

    volont

    de

    tuer

    autrui,

    en en

    transperant

    les

    dmons

    pertur

    bateurs49. De

    ces

    danses, nous avons encore quelques reprsentations sur des

    fresques

    tombales d poque

    Han ou mme

    sur

    certains bronzes de la dynastie

    Zhou50. Quant

    aux

    chants,

    il en reste quelques exemples dans le

    chapitre

    Jiu

    ge ( Ls Neuf chants

    ) du

    recueil

    de

    pomes intitul Chuci ( lgies

    de

    Chu

    )51.

    Il

    est trs probable qu il s'agit l en fait

    de versions savantes

    de

    chants

    chamaniques, mais il semble

    que

    le

    ton,

    dfaut du

    vocabulaire,

    est trs

    reprsentatif de celui

    qu'employaient

    alors ces

    invocateurs. En voici

    un

    exemple, tir du Chant

    5

    :

    Au

    Grand Matre

    des

    destines

    :

    Grande

    ouverte

    la

    porte

    du

    Ciel

    Dans

    les

    tnbres, je chevauche d'obscures

    nues.

    J'ordonne

    aux vents

    dchans d'tre mon

    avant-garde,

    Aux

    pluies torrentielles

    qu'elles

    inondent

    les

    poussires

    Seigneur, Vous virevoltez dans votre descente ;

    Vous franchissez

    Kongsang

    et je Vous

    suis...

    Haut notre

    vol,

    paisible notre

    errance ;

    Chevauchant

    le pur ther,

    matrisant

    les

    forces cosmiques.

    Vous et moi, Seigneur, tout puret, tout promptitude,

    Nous

    ouvrons une voie vers le Souverain cleste... 52

    II

    est

    d'autres

    moyens

    de rencontrer

    les

    esprits

    qu il

    convient d'utiliser

    lorsque chants et

    danses

    n'ont pas eu l'effet

    escompt. On sait que les

    tres spi

    rituels

    rsident dans

    les

    cieux

    ; il est

    donc

    tentant

    de

    les

    y

    retrouver, soit

    par

    l'ascension d un

    lieu

    lev,

    soit

    par l'entremise

    du

    rve.

    Certains

    monts, tel

    le

    Wushan

    Montagne

    aux Chamanes du Sichuan,

    taient

    escalads ds l anti

    quit.

    D'autres,

    comme le Tianzhu ou

    Pilier

    du Ciel , le

    furent

    sans doute

    aussi trs tt53. Comme l'indique

    le

    nom de cette dernire hauteur, il

    est

    vident

    que ces

    escalades

    s'inscrivaient dans

    le cadre d'une

    conception

    des

    monts

    qui en

    faisait

    des colonnes du Ciel. Le mont Buzhou, qui fut l'une d'elles, s'est

    croul au temps

    du

    sclrat Gonggong, lorsque

    celui-ci,

    luttant pour arracher

    le

    titre

    de

    souverain,

    le

    brisa

    d un

    coup

    de

    corne54.

    Les

    Chinois,

    contrairement

    aux Sibriens, ne parlent pas

    tant d axe du

    monde

    que de

    piliers du ciel

    ; il y a

    donc plusieurs lieux d'ascension

    possibles. On trouve

    d'ailleurs

    dans le Shanhai

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    12/26

    20

    RMI

    MATHIEU

    jing ou Livre des Monts et des Mers une srie de montagnes qu on nous dit

    impossibles

    escalader,

    pour des

    raisons vraisemblablement

    religieuses55.

    Le songe, lui, n'est pas

    rserv

    une caste d'initis : il n'est

    besoin

    que

    d'une

    me

    porte

    aux

    voyages

    clestes pour

    tenter l'aventure

    nocturne.

    Des

    rves que nous rapportent les textes anciens,

    bon

    nombre ont trait ces exp

    riences au cours desquelles

    l'me du

    dormeur rencontre des cratures divines.

    Fait troublant,

    sur lequel il nous faudra revenir : ce

    sont

    les

    souverains dont

    le

    sommeil est le plus souvent peupl de

    ces tranges

    cratures56. Le chamane, qui

    rve mieux

    que

    tout

    autre,

    part la recherche des mes

    perdues

    ou retenues

    par

    quelque gnie mal

    intentionn. Il

    est

    certain

    que les esprits

    choisissent plus

    volontiers ces

    hommes

    inspirs pour

    communiquer leurs souhaits,

    d o

    la

    quence

    de

    leurs

    apparitions

    dans

    les

    visions

    nocturnes

    de

    ces

    derniers57.

    A V ascension physique

    ou

    mentale de

    l'officiant

    correspond la

    descente

    de

    l'esprit

    interpell. La puissance

    de l'invocateur

    ne se mesure-t-elle pas

    son

    aptitude dclencher

    cette

    sorte d piphanie intrieure o la technique

    l'emporte assurment sur la

    foi.

    A

    Chu, grand tat

    mridional, on

    disait

    que

    les divinits convoques

    par Forante

    descendaient dans une

    femme

    et

    qu'elles

    parlaient alors par ses

    lvres58.

    Certains chamanes

    du

    temps

    jadis se

    rendirent

    si

    frquemment

    auprs de

    ces

    puissances

    clestes qu'ils en oublirent de

    revenir

    sur

    terre.

    Par la suite, ils furent

    plus

    ou moins confondus avec les autres

    occupants des Neuf cieux, tel point que l on finit

    par

    parler de descente des

    chamanes

    ,

    en utilisant

    le

    mme

    terme

    que

    pour

    les

    esprits59.

    A

    ces

    techniques acquises

    auprs

    des matres

    s'ajoutent

    des aptitudes phy

    siques

    dont

    on

    peut dire, la suite de

    G. Dumzil, qu'elles

    sont des infirmits

    paradoxalement qualifiantes.

    On

    a

    vu

    que

    les

    chamanes

    les

    plus apprcis pour

    faire tomber la pluie

    taient

    des tres

    dcharns

    ou bossus (cf.

    supra, n.

    35),

    ceux chez qui

    les os

    la scheresse

    du

    corps

    sont les plus

    apparents. Cette

    discontinuit somatique n'est pas sans rappeler celle

    du

    temps, qu on

    tente,

    par

    leur intermdiaire, de

    rtablir dans

    son cours

    normal.

    Il

    est

    enfin plausible,

    ainsi qu on en a mis plus haut l'hypothse, que ces danseurs

    chamaniques

    aient t choisis en

    fonction

    de leur aptitude (acquise ou

    inne)

    boiter.

    On

    raconte

    que

    Yu le

    Grand,

    aprs avoir

    accompli

    d'herculens

    travaux

    de

    remise

    en

    ordre

    du monde, fut moiti dessch et qu il

    tranait

    la jambe de

    telle

    sorte

    que

    l un de ses pieds ne dpassait pas l'autre quand il marchait 60.

    Sans

    doute le

    pas

    de

    Yu servait-il, depuis la

    plus haute antiquit,

    rtablir

    la marche normale du monde.

    Il

    parat avoir t dans

    par

    ceux qui

    avaient

    vou leur corps aux esprits,

    au

    point de leur en avoir

    sacrifi

    une part. En

    Chine, comme en Amrique

    du

    Nord,

    le

    boitement est implicitement associ

    un cycle

    temporellement

    perturb, un dsordre

    priodique auquel on

    essaie de

    remdier61.

  • 7/24/2019 article_hom_0439-4216_1987_num_27_101_368764

    13/26

    Chamanes

    et chamanisme en Chine ancienne

    21

    II. LE CHAMANISME, UNE VOIE DU DIVIN :

    EXTASES,

    TECHNIQUES EXTATIQUES

    ET

    ESPRITS-ASSISTANTS

    La retenue dont

    font

    preuve

    les textes

    philosophiques ou historiques

    de

    l'antiquit

    chinoise lorsqu'ils

    parlent

    des

    chamanes

    s'accorde mal avec ce

    qu Eliade

    considre

    comme le cur de leur

    pratique

    :

    l'extase.

    Rien ne

    permet

    d'affirmer

    que

    l'extase fut au

    centre de la

    technique

    chamanique chinoise

    et

    en

    tous lieux

    la

    condition

    d'un

    dialogue

    entre

    chamanes et

    esprits

    (Hamayon

    1982 : 18,

    21).

    Il est donc

    hasardeux

    de la ranger

    parmi les caractristiques

    essentielles de la pratique

    chamanique de

    la Chine,

    comme ont

    pu

    l'tre

    le

    pilier

    central de tente l poque Yangshao ou le

    miroir

    sous les Zhou ou les Han.

    Il

    est

    ds

    lors

    difficile

    de

    savoir

    si

    les

    anciens

    Chinois

    reconnaissaient

    la

    transe

    provoque comme une manifestation normale

    de l'activit

    chamanique.

    On

    peut certes l'avancer

    titre

    d'hypothse, car la Chine antique serait alors la

    seule aire culturelle et la seule

    priode

    o ce comportement paroxystique

    n'aurait

    pas

    t

    couramment associ

    la pratique

    du

    chamanisme.

    On

    peut

    aussi l'infrer du silence des livres qui,

    s'ils

    taisent toute extase (celle du cha-

    mane

    ou

    d'autres),

    n'en voquent

    pas moins le

    voyage de

    l me du mdium

    vers les tnbres de la nuit qui mne aux dieux62. On peut de

    mme

    difficil

    ementarler

    d'une

    chamanesse possde

    par

    un esprit sans voquer implicit

    ement

    e

    dlire

    qui

    la

    saisit,

    les

    soubresauts

    du corps,

    la bouche

    profrant

    d'tranges

    vrits.

    Mais si ni les annalistes ni les matres

    penser

    ne

    nous ren

    seignent sur l'art de quitter ce monde pour y

    revenir

    charg des enseignements

    des

    gnies

    (d aucuns se contentent d'voquer l'attitude htrodoxe

    de ces

    invo

    cateurs63), des

    esprits

    plus

    clairs, tel Wang Chong, appellent

    un chat

    un

    chat

    et une transe une transe. La

    parole

    de ces tres inspirs

    est

    alors considre

    comme aussi

    prophtique

    que

    celle des enfants64.

    Aucun texte ne

    permet d'affirmer

    que le souffle des esprits

    passait par leurs

    porte-parole

    grce

    des hallucinognes ; seul l alcool parat leur

    avoir

    t de

    quelque

    profit. Nous

    ne

    pouvons donc gure

    que formuler

    une

    conjecture

    selon

    laquelle

    seuls

    des

    vins

    et

    le

    son

    des

    tambours

    auraient

    encourag,

    au

    moins

    dans

    un

    premier

    temps,

    la

    danse puis

    la

    transe. Ni

    le chanvre ni

    l'agaric ne sont

    mentionns cette poque comme plantes auxiliaires du

    chamane. En

    dehors

    de son

    utilisation

    classique dans le filage de certains

    lments vestimentaires,

    le

    Cannabis sativa65 tait

    par

    excellence

    la

    plante du

    deuil,

    cause

    de

    sa blan

    cheur.

    La

    question

    sans

    doute insoluble

    est videmment de savoir

    si le

    blanc

    tait la couleur

    funbre

    parce que la fleur du

    chanvre

    tait (et

    demeure)

    albe,

    ou

    bien

    si

    cette

    espce vgtale a t utilise cet effet en raison de sa

    cou

    leur candide.

    Quoi qu il

    en soit aucun lment d'information ne confirme

    qu'elle

    tait

    employe

    par

    les mdiums

    pour assurer une meilleure

    envole de

    leur

    me

    vers

    celle

    de

    leurs

    patients.

    Il en

    est

    de

    mme

    de

    l'agaric,

    pourtant

    si

    frquemment

    consomm dans des territoires plus septentrionaux66,

    puis

    plus

    tard

    en Chine, par

    les

    taostes. Il est vrai

    que

    la possession hallucinatoire

  • 7/24/2019 article_hom_0439-4216_1987_num_27_101_368764

    14/26

    22

    RMI

    MATHIEU

    s'accommodait

    mal de la rserve, pour ne pas dire de la rigidit

    comportement

    le

    ui

    devait

    tre

    celle

    des hommes

    du

    palais

    l poque

    des

    Zhou

    et

    des

    Han.

    Ceci

    explique

    sans doute cela, du moins

    pour

    ce qui est des

    pratiques

    de la

    cour. Quant aux campagnes, nous

    restons

    comme toujours

    dans

    une obscurit

    peu prs

    totale,

    dont mme l'archologie pourra difficilement nous sortir.

    De mme,

    il est

    pour

    le moins

    dlicat de savoir

    si

    les chamanes taient ou

    non

    assists par des

    esprits-animaux dans

    leurs tches diverses,

    plus particuli

    rementorsqu'ils se trouvaient

    dans

    l'autre monde. On a cependant mis

    l'hypothse (Chang Kwang-chih 1983)

    plausible

    mais

    invrifiable que

    les

    oiseaux, quadrupdes et monstres reprsents sur

    les

    vases rituels des dynasties

    Shang

    et Zhou, assistaient

    les

    officiants au cours

    de

    leur voyage

    intrieur. Cer

    tains

    animaux,

    tels

    l'ours,

    le

    corbeau

    ou

    le renard67

    eurent

    sans doute

    en

    Chine

    une

    fonction

    d'assistants

    chamaniques

    en raison de leur importance

    mytholo

    gique

    t de leur

    rle psychopompe.

    Cette fonction,

    ils

    l'assument en

    tout cas

    dans nombre de

    cultures

    voisines,

    dont

    celles du Japon et de la Sibrie mridion

    ale

    l

    est certain

    que

    l'arrire-plan emblmatique, sinon totmique,

    suppos

    par cette relation

    entre

    l'homme et

    l'animal

    n a

    pu

    que tendre disparatre

    avec la fodalit de l poque royale et au dbut des Han, l'empire tant,

    par

    essence,

    antitotmique

    (Roux

    1984

    : 210).

    Ce manque

    d'informations sur les

    techniques chamaniques

    traduit,

    dans

    la

    classe lettre,

    une dconsidration certaine de

    ces

    pratiques

    htrodoxes.

    Nombre d'auteurs

    insistent

    en

    effet

    sur

    les

    mensonges,

    les

    tromperies

    qu'auraient

    profrs

    les

    chamanes. C'est

    ce

    que

    font

    Wang

    Fu, Sima Qian, Fan

    Ye et

    Chen

    Shou qui voquent, avec condescendance ou

    piti,

    ces pauvres gens

    qui croient tout ce que

    disent

    les chamanes,

    surtout

    quand sonne l'heure

    du

    trpas68.

    On peut dans

    certains

    cas parler

    de

    mpris,

    car le fait que transes

    et

    manipulations n'entranaient

    le

    plus souvent aucune gurison a

    certainement

    contribu

    amorcer

    un mouvement de condamnation sociale, qui s'est officie

    llement

    concrtis par

    l'interdiction du

    chamanisme de cour

    en l an -

    32, la

    fin

    des Han antrieurs69. Dans la mentalit chinoise,

    V

    efficacit d'un homme

    ou

    d'une

    technique est

    en

    effet aussi

    valorise que sa vertu, c'est--dire

    son

    accord avec

    les

    principes

    ternels

    rgissant l'univers.

    Ce

    scepticisme ou

    cette

    agressivit

    sont la fois

    invitables

    et

    surprenants.

    Invitables,

    car la dmesure

    des chamanes heurtait de plus en plus l'tiquette rigide

    du

    confucianisme

    triomphant

    ; ils prtendaient

    conserver leur suprmatie thrapeutique

    face

    une

    mdecine naissante qui

    rclamait

    droit

    de

    cit

    en raison des

    rsultats qu'elle

    obtenait. Surprenants,

    car

    le chamanisme

    chinois

    plonge

    ses

    racines

    dans les

    premiers temps

    de

    cette civilisation.

    Le mot wu est depuis

    l'antiquit un nom de

    famille70, ce qui

    tendrait

    prouver que la

    fonction

    tait hrditaire et

    qu'elle

    jouissait donc

    d'une

    stabilit remarquable. Quelques exemples, rares

    il est vrai,

    prouvent

    que certains chamanes

    furent

    sacraliss,

    tel le

    plus

    eminent de tous,

    Xian,

    qui

    avait

    offici

    sous

    les

    Shang71.

    D'autres

    faits,

    tnus

    il

    est vrai, suggrent que

    dans la haute antiquit

    rois

    et chamanes

    possdaient

    des

    pouvoirs

    fort semblables. Les

    plus

    vnrables

  • 7/24/2019 article_hom_0439-4216_1987_num_27_101_368764

    15/26

    Chamanes et

    chamanisme

    en Chine

    ancienne 23

    ouvrages d'histoire ne nous disent-ils pas que les

    uns et

    les

    autres

    priaient

    pour

    obtenir la pluie et qu'ils savaient interprter les rves ?72. L'exemple le plus

    clbre

    est

    celui du

    roi

    Tang

    des

    Shang

    qui,

    implorant

    que

    l eau

    descende

    du

    ciel, s'offrit en victime, se coupant ongles et cheveux (pars pro toto), en atten

    dant la fin d'une scheresse catastrophique73. Par ailleurs, l'empereur Shun, en

    un temps dj

    lointain,

    apprit voler comme peuvent encore le faire les cha

    manes

    au

    cours de

    leurs

    rves74. Certes, ces quelques cas sont

    tirs

    de rcits

    mythiques, mais ils appartiennent cependant la

    tradition

    historique

    officielle,

    laquelle ne

    faisait

    sans doute que conserver une

    mmoire

    collective

    trs

    archaque.

    En ce sens, si

    les

    rois de la haute antiquit n 'taient pas

    rellement

    des chamanes,

    du moins

    furent-ils reprsents comme

    tels dans l'inconscient

    collectif

    des

    temps

    historiques.

    On

    notera

    ce

    propos

    que

    les

    empereurs

    de

    l'Age d'Or, comme les premiers rois historiques, accdrent

    au

    trne non seul

    ement parce

    qu'ils

    se

    montrrent vertueux,

    mais

    surtout en raison de leur apti

    tude

    interprter les

    signes envoys par

    le

    Ciel

    ou les esprits.

    Le chamanisme ne mourut pas la

    cour

    de Chine en

    l an

    - 32,

    par dcret

    imprial de Chengdi. Il refleurit nouveau sous d'autres empereurs plus prag

    matiques et surtout lorsque

    les

    dynasties

    des

    Barbares

    du Nord vinrent

    occuper

    le

    trne, apportant avec eux leurs propres chamanismes, mongol ou toungouse.

    Mais ds les

    Han,

    le taosme

    sotrique

    s'tait depuis longtemps

    assimil

    nombre de techniques que nous jugeons

    aujourd'hui

    spcifiquement

    chamaniques

    :

    voyages

    de

    l'me,

    escalades

    de

    montagne,

    activits

    mdium-

    niques,

    transes,

    gurisons

    magiques , miroirs-talismans...

    Lui seul fut alors

    en mesure de

    perptuer, sous

    sa

    bannire, un

    ensemble de pratiques qui

    n'taient

    plus

    de mise

    chez les lettrs ni auprs du

    souverain75. Cependant,

    le

    chamanisme

    poursuivit une existence autonome

    dans les campagnes jusqu

    l poque

    contemporaine,

    comme en ont tmoign les enqutes de De

    Groot

    et

    de Dor76.

    On

    ignore encore partiellement

    ce qu il

    en

    est aujourd'hui chez les

    paysans

    chinois, mais

    les

    dnonciations

    dont

    certaines

    pratiques

    font

    encore

    l'objet dans la presse

    donnent

    penser

    qu'en

    quelques

    rgions

    le recours aux

    services

    du

    chamane garde encore bien des adeptes. En revanche, la

    tendance

    actuelle

    de

    l'ethnologie

    chinoise consiste

    privilgier

    l'tude

    des minorits

    nationales auxquelles est

    reconnu

    un droit

    la

    superstition . D aprs les

    tudes

    les plus rcentes77, le chamanisme

    constitue, au moins chez

    les Toun-

    gouses du nord-est, une

    activit

    religieuse dans une certaine mesure tolre.

    L'ethnologie

    chinoise contemporaine

    distingue

    dans ce

    domaine

    les

    croyances,

    les superstitions et les illusions78. Faut-il esprer

    que

    ce qui reste

    de religion

    populaire

    chinoise

    passe

    un

    jour du statut d'illusion celui de croyance

    ?

    D ici

    l, quelle

    image

    de

    son monde le miroir du

    chamane refltera-t-il

    ?

    CNRS, Paris

  • 7/24/2019 article_hom_0439-4216_1987_num_27_101_368764

    16/26

    24

    REMI MATHIEU

    Brique d'poque Han (province du

    Sichuan)

    :

    Xiwangmu, la

    desse de l'immortalit, est

    entoure

    du cor

    beau trois pattes, du crapaud de la

    lune,

    du livre portant la drogue de l'immortalit, du renard

    neuf

    queues...

    (D'aprs

    M.

    Loewe,

    Ways

    to Paradise.

    The

    Chinese

    Quest for Immortality,

    London,

    G. Allen

    Unwin,

    1979

    : 16,

    pi.

    I ; avec l'aimable autorisation de l'auteur.)

  • 7/24/2019 article_hom_0439-4216_1987_num_27_101_368764

    17/26

    Chamanes

    et chamanisme en Chine

    ancienne 25

    NOTES

    Abrviations du nom

    des

    traducteurs : AF : Alfred Forke ; BW : Burton Watson ; DH :

    David

    Hawkes ; RM :

    Rmi Mathieu

    ; SC : Sraphin

    Couvreur

    1. Xunzi, d. du Xunzi jijie de Wang Xianqian, Pkin, 1891,

    chap.

    9 : 29, 1. 90 (trad.

    BW,

    Basic

    Writing of Mo Tzu, Hsn Tzu and Han Fei Tzu, New York London, Columbia University Press,

    1967 :

    49)

    et

    chap.

    18 : 67, 1. 66. Xunzi

    vcut

    au -me sicle.

    Guoyu

    (

    rve

    s.),

    Shanghai,

    Guji chuban

    she,

    1978

    ;

    Chuyu ,

    2,

    1

    : 559 et n. 7 : pour

    les

    hommes,

    on dit

    xi

    ; pour les femmes, wu .

    Baopu zi (rve s.),

    Taibei,

    Shijie shuju, 1979, chap. 2:7,1. 1 (trad. J. Ware,

    Alchemy,

    Medicine

    Religion in the

    China

    of A.D.

    320. The

    Nei P'ien

    of

    Ko Hung, New York, Dover Publications,

    1966

    :

    49)

    :

    pour

    les

    femmes,

    on

    dit

    wu

    .

    Dongjing fu de Zhang Heng, in Wenxuan de Xiao Tong (501-531) ; cf. Liu chen

    zhu

    Wen-

    xuan,

    d. du

    Siku shanben congshu, chap.

    3

    : 30a (trad. D. Knechtges, Wen xuan or Selections of

    Refined Literature. I : Rhapsodies

    on

    Metropolies and

    Capitals,

    Princeton, Princeton

    University

    Press,

    1982

    : 290, n. 554).

    Sanguo zhi, Pkin, Zhonghua

    shuju, 1973,

    chap. 50 : 1202 (pas de

    commentaire).

    Honshu,

    Pkin,

    Zhonghua

    shuju,

    1975, chap. 25a : 1189 :

    pour

    les

    hommes,

    on dit xi ;

    pour

    les femmes, wu

    . Voir aussi

    chap. 25a

    :

    1211

    o l'on

    signale

    une

    chamanesse

    dans

    la

    capitale.

    Hou Hanshu,

    Pkin,

    Zhonghua shuju, 1965, chap. 59 :

    1911

    et n. 2, mme dfinition dans la

    glose.

    2.

    Yijing, d. du Zhouyi, Shanghai,

    Jinzhang shuju,

    1926 (coll. Shisan

    jing

    zhushu ) ;

    Shuogua ,

    17 : 52.

    Han

    Feizi,

    d. du

    Han

    Feizi jishi,

    Shanghai,

    Renmin

    chuban she, 1974,

    chap.

    13,

    34

    : 745

    (trad. W.

    K. Liao,

    The Complete Works of Han Fei Tzu, 2, London, A. Prosbthain,

    1959

    : 110).

    Shuowen

    jiezi,

    d.

    du

    Shuowen

    jiezi

    gulin,

    V,

    Taibei,

    Shangwu

    yinshu

    guan, 1976

    :

    2024

    (

    la

    wu est une invocatrice

    ).

    3.

    GunxEMOZ 1982 : 176. Elles correspondent aux miko

    du

    Japon

    (Fairchild

    1962 :

    57).

    4. Tchouktchi

    (Chukchee)

    : Bogoras

    1901

    : 99 ; Dumzil 1978 : 214 ;

    Frazer

    [1890] 1983a : 531 ;

    Mercier 1977 : 36. Yakoutes : Roux

    1966

    : 239 (un chamane accouche

    d'un corbeau)

    ; Sieros-

    zewski

    1902

    : 319.

    Koriaks

    : Jochelson

    1905

    : 53 (les

    chamanes

    travestis sont considrs comme

    trs

    puissants)

    ;

    Id.

    1904 : 421. On

    sait

    que

    le

    mme phnomne existe en Amrique

    du Nord, chez

    les Indiens des Plaines en gnral, les

    Cheyennes

    en

    particulier.

    5. Pour Chu,

    voir

    Zuozhuan, Wengong 10 (trad. SC, I : 497) et

    Xianggong

    29 (trad. SC, II : 520) ;

    Wang Chong, Lunheng, Shanghai, Renmin

    chuban

    she, 1974, chap. 22 : 346 (trad.

    AF,

    I : 247) ;

    Confucius (Kongzi), Lunyu,

    chap. 13,

    22

    (trad.

    SC,

    Paris,

    Cathasia, 1951 :

    218)

    ; Sima Qian,

    Shiji, Pkin, Zhonghua shuju,

    1972,

    chap. 28 :

    1379

    (trad. . Chavannes, Les

    Mmoires histo

    riques

    de

    Se-ma

    Ts'ien,

    III,

    Paris,

    A.

    Maisonneuve

    [1895]

    1967

    :

    451)

    ;

    Ban

    Gu,

    Hanshu,

    chap.

    63

    :

    2760.

    Pour

    Yue,

    voir

    Xiao

    Tong,

    Wenxuan,

    chap.

    2

    :

    lib

    et

    chap.

    60

    :

    4b,

    ainsi

    que Ying

    Shao

    (actif vers 178), Fengsu tongyi, Pkin,

    Centre

    franco-chinois

    d'tudes

    sinologiques,

    1943,

    chap. 9 :

    69.

    La principaut de Chu

    se

    situait dans les actuelles provinces du Hubei, Hunan, Anhui et, pour

    partie, au Jiangsu et au Zhejiang ; celle de

    Yue s'tendait sur

    la partie orientale

    du

    Jiangsu-Zhe-

    jiang.

    6. Voir Zuozhuan, Xigong 10

    (trad.

    SC,

    I

    :

    280)

    et Chenggong 10

    (trad.

    SC, II :

    84)

    ;

    Guoyu,

    Zhouyu

    1,

    3 : 9

    (trad.

    A. D'Hormon, Guoyu Propos sur

    les

    principauts

    , Paris,

    Mmoires

    de

    l'Institut des hautes tudes chinoises, 1985, I : 89) ; Zhuangzi (

    rve

    s.),

    d. du

    Zhuangzi

    yinde,

    Taibei,

    Hongdao wenhua..., [1947]

    1974,

    chap. 7 :

    20,

    1.

    15 (trad.

    Liou

    Kia-hway,

    in Philosophes taostes,

    Paris,

    Gallimard, 1980, La Pliade : 140 ; BW, The Complete Works

    of Chuang Tzu,

    New

    York, Columbia

    University

    Press, 1968 : 94 ;

    L.

    Wieger,

    Les Pres du

    sy s

    tme

    taoste,

    Paris, Cathasia,

    1950

    : 265) ; Huainan Zi, Huainan zi

    (

    ne s.), Taibei, Sibu beiyao,

    1974,

    chap.

    4

    :

    9b

    ;

    Shiji,

    chap.

    28

    :

    1378-1379

    (y figurent

    de nombreux toponymes septentrionaux

    o voluaient

    des chamanesses).

    7.

    Pour

    le

    Shanxi, voir Shiji, chap. 28 : 1379 et

    Zuozhuan,

    Xianggong

    18

    (trad. SC, II : 333).

    Sur

    l'tat de Qin

    au Shaanxi,

    voir Shiji,

    chap.

    28 :

    1378

    et Hanshu,

    chap.

    25a : 1211. On

    ne peut

    vi-

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    18/26

    26

    RMI

    MATHIEU

    demment tenir

    compte des officiants mentionns

    dans telle ou

    telle chronique dont on ignore l'ori

    gine

    gographique.

    8. Mathieu 1983a : 123, o l'on

    cite

    un certain nombre de textes de rfrence. Nous

    ne

    distinguerons

    pas ici

    entre

    les

    dieux,

    les esprits, les

    gnies (shen).

    9. Zuozhuan, Chenggong 10

    (trad. SC, II :

    84-85)

    ;

    anne

    -581.

    10. Zuozhuan,

    Xianggong

    18

    (trad.

    SC,

    II

    : 333) ; anne -555, et

    Xianggong

    19

    (trad.

    SC, II : 346) ;

    anne -554. Voir un

    cas

    semblable dans le Wenxuan, chap.

    15

    : 18b et glose correspondante.

    11. Par

    ex. Zuozhuan,

    Wengong

    10

    (trad. SC, I : 497) : mort d'un prince ; Zhuangzi, chap.

    7

    : 20,

    1.

    15

    (trad.

    Liou

    Kia-hway : 140) : II

    prvoit

    la vie et

    la

    mort des

    gens

    ;

    etc.

    12.

    Xunzi, chap.

    9

    : 29, 1. 90 (trad. BW :

    49).

    Le Guoyu (

    Chuyu

    1,

    2

    : 559) affirme

    qu'ils peuvent

    connatre

    le dbut de chacune

    des quatre

    saisons.

    13. Yijing,

    chap.

    57 :

    35,

    2 ; Mozi (-rve

    s.),

    K. Enoki, d.

    A

    Concordance to Mo Tzu, San Franc

    isco, Harvard-Yenching Institute,

    Chinese

    Materials Center, 1974 ( Sinological

    Index

    Series ,

    Suppl.

    21),

    chap.

    68

    :

    105,

    1.

    8, 9

    ;

    Hou

    Honshu,

    chap.

    59

    :

    1911,

    n.

    2

    glose.

    Voir

    Liishi

    chunqiu de

    L

    Buwei

    (-me

    s.), Taibei, Sibu beiyao, 1979, chap. 17 : 9a, et Guanzi

    (-rve

    s.

    ?) attribu

    Guanzi

    (-vne

    s.), Taibei, Sibu

    beiyao,

    1966, chap. 1,

    3

    :

    10b.

    14. Quelques exemples dans le Mozi, chap. 68 : 105, 1.

    8,

    le Guanzi (Joe. cit., ri. 13), le

    Shiji, chap.

    28 :

    1388,

    le Hou Honshu, chap.

    82a

    :

    2710,

    le Liishi chunqiu, chap. 17 : 9a.

    15.

    Hamayon 1982 : 28. Ce

    procs

    n'est pas sans

    rappeler

    celui

    du

    chamanisme mo o l'officiant quitte

    son corps pour ramener

    l'me

    du malade,

    voir Morchand 1955 :

    510, 515.

    M. Godelier(1982 :

    179) remarque que les

    chamanes

    baruya ne

    combattent que

    les maladies

    internes,

    invisibles. Mais il

    est trs probable

    qu'il

    existait une interprtation spiritualiste des

    maux

    physiques.

    16. Shiji,

    chap. 105

    :

    2794 ainsi que Baopu

    zi,

    neipian,

    chap. 10 :

    42, 1. 13 (trad.

    J.

    Ware

    : 169) et

    Baopuzi,

    waipian, chap.

    37 : 165, 1. 10 (trad. J. Sailey,

    The Master

    Who embraces

    Simplicity.

    A

    Study of

    the

    Philosopher

    Ko Hung AD

    283-343,

    San

    Francisco,

    Harvard-Yenching Institute, Chi

    nese

    Materials

    Center,

    1978

    : 207).

    17.

    Lvi-Strauss

    1949

    :

    19.

    18. Liishi chunqiu,

    chap.

    3 : 5a, Huainan zi,

    chap.

    16 :

    14b, Mengzi

    (Mencius,

    -rve s.), chap.

    2a, 7

    (trad. SC, Paris, Cathasia, 1949 : 377), Han Feizi,

    chap.

    19,

    50

    : 1102 (trad. Liao,

    2

    : 308),

    Sanguo

    zhi,

    chap. 48 : 1158. Ces

    trois derniers

    textes

    insistent

    sur

    les

    prires. Le premier et le

    qua

    trime indiquent que, devant

    le

    peu de succs de ces pratiques, on en vint mpriser la

    corporation

    tout

    entire. On parle rarement d'chec

    de mdecins

    ; on voit par l de quel

    ct

    se rangent les histo

    riens

    et

    les philosophes orthodoxes.

    19. Voir successivement le chapitre Tianwen du Chuci (Qu Yuan,

    -rve

    sicle), 166 du Chuci

    buzhu de Hong Xingzu dans l'dition de

    l'Index

    de Takeji Sadao,

    Taibei,

    Zhonghua

    shuju,

    1972

    :

    42 ; Wang

    Chong, Lunheng, chap.

    20 : 318 et

    chap.

    23 : 354 (trad.

    AF,

    I : 196 et 3). Ce

    dernier

    avance, sans illusion aucune, que les

    chamanes

    peuvent

    rendre

    les gens malades (chap.

    23

    : 349,

    trad.

    AF, I

    :

    298)

    20.

    On la trouve aussi

    bien dans

    la

    Chine du Sud, chez

    les

    Lolos,

    qu'en Chine

    occidentale au

    Gansu ;

    tant

    en Inde,

    chez

    les

    Gonds,

    qu'au

    Laos

    o elle

    s'applique aussi l'me

    du

    riz

    ;

    chez les Sibriens

    (Tchouktchi et autres),

    les

    Toungouses,

    les

    Bouriates,

    les Goldes, les

    Corens,

    tout

    comme en Amr

    ique du Nord (par

    ex.

    chez les Micmac).

    21.

    Le

    chapitre Zhaohun constitue une

    partie

    du Chuci.

    Il

    est

    possible

    que

    Song Yu (

    rve

    s.) en

    soit l'auteur.

    Mais

    la

    critique moderne

    y a plutt

    vu

    la main

    du

    roi Kaolie de

    Chu

    (qui rgna

    de

    -262 -238).

    Voir trad. DH 1959 : 102. On reviendra sur

    ce pome.

    22. Voir Lunheng, chap.

    25

    : 386

    (trad. AF

    : 535),

    Qianfu

    lun de Wang

    Fu

    (84-163), Shanghai, Guji

    chuban she, 1978, chap.

    6 :

    355

    ; Han

    Feizi, chap. 8,

    23 : 467

    (trad.

    Liao,

    1

    :

    252)

    propos de

    Xian ; Fengsu

    tongyi,

    chap. 9 : 69 ;

    Honshu, chap.

    45 :

    2187

    et

    chap.

    66 : 2878,

    2883

    ;

    Hou

    Honshu, chap.

    41

    : 1397 ;

    Sanguo

    zhi, chap.

    2

    :

    84 et chap.

    48 : 1178 ; Schtpper 1982 : 77-78.

    23. Voir Guoyu,

    Chuyu

    2,

    1

    : 563, n. 3, glose

    de

    Wei Zhao (204-273) ;

    Honshu, chap. 25a

    :

    1189

    et

    63

    : 2760-2761 ;

    Shuowen

    jiezi de Xu Shen, 5 : 2024 ; Shiji,

    chap.

    12

    : 464 ; les chamanesses

    taient

    charges de lustrer

    les victimes

    sacrificielles pour

    en chasser les

    pestilences

    ; voir Zhouli,

    d.

    Sibu

    beiyao,

    chap.

    6

    :

    41a,

    glose.

    24. Lattimore 1933 :

    63

    et Lee

    1981

    : 83.

    25. Voir Xunzi, chap.

    9

    : 29,

    1.

    90 (trad. BW :

    49)

    :

    le chamane

    pratique les exor cismes ; Liji (trad. SC,

    Mmoires

    sur

    les biensances et les crmonies, I, Paris, Cathasia, 1950 : 526) : dans le temple

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    19/26

    Chamanes

    et chamanisme en Chine ancienne 27

    ancestral,

    il

    est

    devant

    le

    roi (sans doute

    pour le

    protger) ; Lunheng, chap. 22 : 346 (trad. AF, I :

    247) :

    le

    bon chamane

    sait

    distinguer

    le

    bnfique

    du malfique ; Zhouli (d. Sibu congkan,

    chap.

    6

    :

    39b)

    :

    lors

    des grandes

    calamits,

    on

    lui

    ordonne d'accomplir

    les

    crmonies

    propitiatoires

    appropries.

    26. Zuozhuan, Xianggong 29, trad. SC, II : 520 ; Liji, trad. SC, I : 207 et 236 ; Fengsu tongyi (loc. cit.,

    n.

    22).

    27. Zuozhuan, Xianggong 29,

    cit

    supra, n. 26, Liji (trad. SC, I : 207), Wenxuan, chap.

    3

    : 30a

    et

    Fengsu

    tongyi (ibid).

    28. Commentaire de Li

    Shan

    du Wenxuan (ibid.) qui reprend

    une

    glose

    d'un

    passage du Zuozhan dj

    mentionn.

    De Groot (1892, II : 971) parle

    de

    balai

    ou de

    baguettes (?)

    29.

    Lvi-Strauss

    1967 : 68 ; 1983 :

    145

    ; 1984 : 45.

    30.

    Dor

    [1926] 1970 : 18.

    Au dbut

    de

    ce

    sicle au Gansu,

    on

    pensait

    toujours que

    le

    pcher effrayait

    les

    dmons

    (Dols

    1917-1918 : 980). A la fin du xixe sicle,

    on

    battait encore le matelas

    d'un

    malade

    avec ces branches

    (Matignon 1898

    :

    409).

    Les mmes croyances existent d'ailleurs au Japon

    (Ber-

    thier

    1981

    :

    333,

    426

    et

    Oto

    Tokihiko

    1963

    :

    51).

    Ceci s'explique

    aisment par les influences

    cultu

    relles

    chinoises. Curieusement, le

    pcher est

    dot

    en

    Sicile

    de vertus assez semblables,

    puisqu'on

    affirme

    que

    mordre l'corce

    de cet arbre gurit les

    goitres

    (Frazer [1890] 1983b : 454) ; mais c'est

    peut-tre

    pour une cause sans rapport avec celle qui est agissante en

    Asie.

    31. Zhouli, chap.

    6

    : 38a ; Liji (trad. SC, II :

    234-244).

    32.

    Nous

    n'avons pas de preuves permettant d'affirmer que les chamanes ont t requis dans l'antiquit

    pour soigner

    des

    btes

    malades. Sans

    doute ces

    services taient-ils

    difficilement monnayables par les

    paysans ;

    mais

    peut-tre

    les

    annalistes

    de cour et les philosophes, auxquels nous

    devons

    l'essentiel

    de

    notre documentation,

    ne se passionnaient-ils pas

    pour

    ce genre de

    problmes. On dit d'une

    plante qui meurt qu'elle est ku dessche .

    33. Zhouli, chap. 6:

    39b,

    Dong

    Zhongshu

    (-179

    -104), Chunqiu

    fanlu,

    d. Gaiben suanji,

    chap.

    16

    :

    3a,

    4b : ils vont pour cela prs

    du march,

    peut-tre parce

    qu'ils

    prient

    pour

    la

    croissance

    des

    vgtaux alimentaires,

    afin aussi sans doute

    d'y

    recueillir quelque rtribution.

    34.

    Voir

    Zuozhuan,

    Xigong

    21

    (trad.

    SC,

    I

    :

    327)

    et

    commentaire

    de

    Yang

    Bojun

    (1981

    :

    390)

    qui

    note

    avec

    raison

    que si dans ce texte on sacrifie une chamanesse ou une

    personne

    dcharne, c'est peut-

    tre non

    pas

    que l'on identifie

    l'une

    l'autre, mais bien

    qu'on se

    sert

    de l'une

    plutt que de l'autre,

    contrairement ce

    qu'affirme Guo Moruo

    (1972 : 7).

    Voir

    encore Liji (trad. SC, I : 261), Lunheng,

    chap.

    22

    : 346

    (trad.

    AF, I : 246, o elles sont simplement

    exposes

    au soleil) et

    Chunqiu

    fanlu,

    chap.

    16

    : 5a, qui rapporte ce

    type

    de festivit en automne.

    Cette pratique remonte

    au moins aux

    Shang, c'est--dire vers le -xve sicle (voir la revue Early

    China,

    1982-1983, 8 : 170, sur

    des

    ins

    criptions

    oraculaires de cette poque).

    35. Le mot wang, traduit ici

    par

    dcharn , n'est pas des

    plus

    clairs, puisqu'il peut tre

    compris

    au

    sens de

    boiteux

    (litt. :

    jambes

    torses

    ),

    bossu ,

    au

    visage

    maci

    ,

    de petite

    taille

    ,

    maladivement amaigri ... L'ide dominante parat tre celle de maigreur, de

    dcharnement,

    de

    desschement

    qui

    serait en rapport

    avec

    la scheresse vgtale.

    36. Voir la glose du Zuozhuan et

    celle

    du

    Liji (loc. cit.,

    n. 26). Granet

    ([1926]

    1959 : 316, n. et 431, n.)

    ne

    retient

    que la

    premire interprtation.

    37. J. Delumeau (1978 : 361) a not que les

    sorcires

    europennes taient surtout des femmes vieilles et

    veuves,

    c'est--dire sorties des

    priodes

    de la conception

    et

    de la sexualit. Cependant,

    bien

    des

    rcits

    populaires (il est vrai plus rcents) tendent dmontrer que les jeunes filles

    avaient

    elles aussi

    une

    fonction de rceptacle du dieu.

    38.

    Dor

    [1926]

    1970 : 116

    et de Vleeschouwer

    1943 :

    42. Voir aussi,

    pour l'antiquit,

    Glum

    1982 :

    243.

    39. Guoyu, Chuyu 2,

    1

    :

    559.

    Ce texte est important, car c'est le seul de l'antiquit expliquer

    pourquoi hommes et

    dieux se comprennent

    et comment

    ces derniers

    peuvent descendre

    dans

    ces

    femmes

    qu'on appelle chamanesses, wu (ibid. : 563, n.

    3,

    glose).

    Sur

    cette priode,

    voir

    Levi 1977.

    .40. Quant au savoir thologique des chamanes, voir Zhuangzi, chap.

    4

    :

    12,

    1. 82 (trad. Liou :

    117,

    BW :

    66,

    L. Wieger : 241) ou Hou Honshu,

    chap.

    47 : 1573.

    Sur

    les prires et les invocations adres

    ses, voir Han Feizi, chap.

    19,

    50 : 1102 (trad. Liao,

    2

    : 308) ; Mozi,

    chap. 68

    :

    105,

    1.

    9 et

    chap.

    70

    :

    111,

    1.

    99

    ;

    Huainan

    zi,

    chap.

    9

    :

    21a.

    Pour

    ce qui

    est

    des offrandes, voir

    Huainan

    zi,

    chap.

    16

    : 14b ; Shiji, chap.

    28

    : 1368 ; Honshu, chap. 25a :

    1203...

    41. Shiji,

    chap.

    107 : 2854.

    42. Hou Honshu, chap. 30b : 1085, n.

    2

    et chap. 46 :

    1546.

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    28

    RMI

    MATHIEU

    43.

    Valry [1919] 1965 :

    131,

    136. Pour la Chine de cette poque, il

    semble

    possible de parler la fois

    de

    possession

    (le

    dieu

    entre

    en

    son messager)

    et

    de

    transe (le

    chamane

    inspir, cheveux

    flottants,

    tam

    bourinant,

    est

    la

    voix qui

    prie les

    deux).

    44. Lunheng, chap. 20 : 318 (trad. AF, I : 196) et chap.

    26

    : 402 (trad. AF,

    II

    :

    126),

    ainsi que Shiji,

    chap. 28 :

    1388.

    Quand

    elle tait malade, les esprits descendaient en elle. Une divinit parlait

    par

    sa

    bouche.

    On dit

    souvent

    des chamanes

    qu'ils

    savent

    parler le langage

    des

    esprits

    .

    45. Ouvrage partiellement interpol, attribu toutefois Gan

    Bao, auteur

    taoste du dbut du rve sicle

    (une traduction franaise est en cours de parution). Nous

    renvoyons

    la collection Gu

    xiaoshuo

    congkan ,

    Pkin, Zhonghua

    shuju,

    1979 :

    40,

    207.

    46.

    Liishi

    chunqiu, chap. 5 : 5a et glose,

    47.

    Zhouli, chap.

    6

    : 39b

    et

    Shuowen

    5

    : 2024. Sur

    1'

    agitation des chamanes, voir Hanshu,

    chap.

    45

    : 2165. On a vu que les branches de certaines plantes jouaient un grand rle dans ces

    sortes

    de transes danses

    (cf.

    supra, n.

    27).

    48 .

    Granet

    ([1926] 1959

    :

    432)

    mentionne une tymologie du caractre

    wu

    chamanesse

    selon

    laquelle la

    graphie originelle reprsenterait

    deux personnes

    dansant ensemble. Qui

    sait

    si

    un

    cha

    mane

    et une

    chamanesse n'excutaient pas de conserve les

    mouvements

    destins charmer, qui les

    desses,

    qui les dieux ? La danse,

    dans

    la

    Chine ancienne, aidait

    la remise en

    ordre du

    monde.

    Ainsi, Shun, un sage empereur du temps jadis,

    dansa-t-il

    un pas guerrier pour soumettre les Miao

    rvolts

    (Han Feizi,

    chap. 19,

    49 : 1042 ; trad. BW 1967 : 100).

    Le

    son

    du tambour

    voquait

    le

    bruit du tonnerre (Huainan zi, chap. 8 : 4a et 21 : 5a).

    49. Afin de chasser les dmons, les

    chamanes

    chinois et corens portent une pe au

    cours

    de

    leur

    exhibi

    tion. n en trouve tmoignage dans les tombes du dbut de

    l'Empire.

    50. Un

    chamane est reprsent avec

    des ailes

    et une queue

    d'oiseau

    sur

    un bronze de cette dynastie

    (Elisseeff

    1932

    :

    240,

    et revue Wenwu,

    1974, 1

    : 52-53). Sur

    la

    danse

    des

    plumes,

    voir

    Huainan

    zi,

    chap.

    8

    : 4a, glose, et Shujing, chap.

    3

    (trad. SC : 43), ainsi que

    le

    dictionnaire Shuowen jiezi

    du

    Ier

    sicle

    (cit par Zhu Tianshun 1982 : 41).

    De nos jours,

    les chamanesses

    corennes

    officient toujours

    un

    sabre

    la

    main

    (Haguenauer

    1930

    :

    325,

    n.).

    Jusqu'

    une

    poque

    rcente, les

    chamanes

    dahours

    de

    Chine

    septentrionale

    excu

    taient

    leur

    danse

    en

    sautant

    et

    en

    chantant

    (communication

    personnelle,

    nov. 1982).

    C'est

    ce

    que

    font

    encore

    les chamanes

    toungouses du

    nord-est

    chinois (Qru Pu

    1984

    : 117).

    51

    Ce texte trs composite est principalement attribu aux deux grands potes Qu Yuan et

    Song

    Yu. Il

    date

    du

    -rve

    sicle

    et, partiellement, du nie

    sicle

    ;

    outre

    la traduction de D. Hawkes (1959), on

    consultera avec intrt celle de

    A.

    Waley (1955). D. Hawkes qualifie le chapitre Jiu

    ge

    ( Les

    Neuf chants ) de liturgie chamanique (ibid. : 9).

    52. Traduction

    tablie d'aprs le

    texte de l'dition

    du Chuci

    tongshi de Wang Fuzhi, Hong Kong,

    Zhonghua shuju, 1960 :

    34.

    Kongsang

    est littralement le

    Mrier

    creux

    , haut lieu mytholo

    giquee

    naissances

    miraculeuses. Forces cosmiques (litt.

    le

    yin et

    le

    yang ) qui engendrent

    toute vie

    par

    leurs actions conjointes. Les lecteurs sinologues

    peuvent

    encore consulter la

    traduction

    commente en

    chinois moderne de Wen

    Xiao

    (1979

    : 20

    sq.),

    dont toutes les

    hypothses

    ne

    me

    paraissent pas recevables (par

    ex.,

    p. 21, n. 2).

    53.

    Le

    Wushan

    est

    mentionn

    dans

    le

    Zuozhuan,

    Xianggong

    18

    (trad.

    SC,

    II

    :

    335).

    Sur

    le

    Tianzhu,

    voir

    Waley

    1955

    :

    55.

    54. Voir

    Liezi, chap. 5,

    1 (trad.

    L. Wieger

    : 131)

    et Huainan zi, chap.

    1 :

    7a.

    C'est depuis ce

    temps-l

    que

    la terre est incline vers le sud-est (la glose prcise

    que

    le

    ciel,

    lui, penche vers le nord-ouest). Cf.

    encore Huainan zi,

    chap.

    3

    : Ib

    et gl