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Caractérisation de lexposition aux champs magnétiques basses fréquences dans la commune de Champlan Résumé. Dans le cadre du programme détudes dexpositions environnementales à Cham- plan (Essonne) coordonné par lAgence de lenvironnement et de la maîtrise de lénergie (Ademe) en 2006-2008, lAgence française de sécurité sanitaire de lenvironnement et du tra- vail (Afsset) a réalisé une étude de lexposition aux champs magnétiques basses fréquences (BF). Cette commune située au sud de Paris est surplombée sur son flanc ouest par des lignes de transport délectricité à très haute tension (THT), sources chez certains riverains dinquié- tudes quant à leurs éventuels impacts sanitaires. Ce projet, qui a nécessité la mise en place dun laboratoire de mesure des champs magnétiques BF par lÉcole supérieure délectricité, avait notamment pour but de montrer la faisabilité des mesures dexpositions individuelles aux champs. Dix-sept habitants volontaires de Champlan ont ainsi porté, pendant 24 heures, un appareil de mesure des champs magnétiques capable de discerner les sources dexposi- tion : lignes THT, appareils électroménagers, outils de bricolage, ou encore portiques de détection antivolLanalyse des différents enregistrements recueillis fait ressortir une grande disparité dexposition spatiale et temporelle. Les expositions moyennes pendant 24 heures des personnes résidant à moins de 100 m des lignes THT se situent dans une fourchette de 0,06 à 2 μT, en fonction des distances aux lignes et des habitudes de vie. Pour les personnes situées en dehors de la zone dinfluence des lignes, leur exposition moyenne varie entre 0,01 et 0,2 μT. Cette étude montre quil est tout à fait réalisable de mesurer lexposition indivi- duelle de manière très précise au cours du temps, et de tracer ainsi des expositions relative- ment intenses mais brèves provenant par exemple dappareils électroménagers, mais aussi des expositions issues des lignes THT, avec leurs variations quotidiennes liées au transport du courant. Ces outils méthodologiques sont extrêmement importants pour la définition de protocoles détudes épidémiologiques rigoureux. Mots clés : alimentation électrique ; cartographie ; champ électromagnétique ; exposition environnementale ; méthode. Abstract Assessment of exposure to low frequency magnetic fields in the village of Champlan As part of the program of environmental exposure studies in Champlan (Essonne) coordinated by Ademe (2006-2008), Afsset measured residentsexposure to low-frequency magnetic fields. High voltage power lines overhang the west flank of this town south of Paris, and some residents are concerned about their possible health effects. The École Supérieure dÉlec- tricité (advanced engineering school) installed a laboratory to measure the fields for this pro- ject, which aimed to show in particular the feasibility of individual exposure measurements for magnetic fields. Seventeen volunteer residents thus wore a magnetic field measurement ins- trument for a 24-hour period. This device was able to determine the source of exposures, including high voltage power lines, household appliances, electric drills and other tools, and anti-theft devices. Analysis of the recordings collected showed great spatial and temporal dis- parities in exposure. The mean exposure for 24 hours of people living less than 100 m from the high voltage power lines ranged from 0.06 to 2 μT, according to their distance from the lines and their lifestyle. The mean exposure for people living outside the area affected by the lines ranged from 0.01 to 0.2 μT. This study shows that it is entirely feasible to measure individual exposure very precisely over time and thus to trace exposures that are relatively intense but brief, coming for example from household appliances, but also exposure from high voltage doi: 10.1684/ers.2009.0254 OLIVIER MERCKEL 1 ALAIN AZOULAY 2 THIERRY LETERTRE 2 1 Afsset 253, avenue du Général Leclerc 94701 Maisons-Alfort France <[email protected]> 2 Supélec 3, rue Joliot-Curie 91192 Gif-sur-Yvette France <[email protected]> <[email protected]> Tirés à part : O. Merckel Article reçu le 19 décembre 2008, accepté le 30 janvier 2009 Article original Environnement, Risques & Santé Vol. 8, n° 3, mai-juin 2009 237

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Caractérisation de l’expositionaux champs magnétiquesbasses fréquencesdans la commune de ChamplanRésumé. Dans le cadre du programme d’études d’expositions environnementales à Cham-plan (Essonne) coordonné par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie(Ademe) en 2006-2008, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du tra-vail (Afsset) a réalisé une étude de l’exposition aux champs magnétiques basses fréquences(BF). Cette commune située au sud de Paris est surplombée sur son flanc ouest par des lignesde transport d’électricité à très haute tension (THT), sources chez certains riverains d’inquié-tudes quant à leurs éventuels impacts sanitaires. Ce projet, qui a nécessité la mise en placed’un laboratoire de mesure des champs magnétiques BF par l’École supérieure d’électricité,avait notamment pour but de montrer la faisabilité des mesures d’expositions individuellesaux champs. Dix-sept habitants volontaires de Champlan ont ainsi porté, pendant 24 heures,un appareil de mesure des champs magnétiques capable de discerner les sources d’exposi-tion : lignes THT, appareils électroménagers, outils de bricolage, ou encore portiques dedétection antivol… L’analyse des différents enregistrements recueillis fait ressortir une grandedisparité d’exposition spatiale et temporelle. Les expositions moyennes pendant 24 heuresdes personnes résidant à moins de 100 m des lignes THT se situent dans une fourchette de0,06 à 2 μT, en fonction des distances aux lignes et des habitudes de vie. Pour les personnessituées en dehors de la zone d’influence des lignes, leur exposition moyenne varie entre 0,01et 0,2 μT. Cette étude montre qu’il est tout à fait réalisable de mesurer l’exposition indivi-duelle de manière très précise au cours du temps, et de tracer ainsi des expositions relative-ment intenses mais brèves provenant par exemple d’appareils électroménagers, mais aussides expositions issues des lignes THT, avec leurs variations quotidiennes liées au transportdu courant. Ces outils méthodologiques sont extrêmement importants pour la définition deprotocoles d’études épidémiologiques rigoureux.

Mots clés : alimentation électrique ; cartographie ; champ électromagnétique ; expositionenvironnementale ; méthode.

AbstractAssessment of exposure to low frequency magnetic fields in the village of ChamplanAs part of the program of environmental exposure studies in Champlan (Essonne) coordinatedby Ademe (2006-2008), Afsset measured residents’ exposure to low-frequency magneticfields. High voltage power lines overhang the west flank of this town south of Paris, andsome residents are concerned about their possible health effects. The École Supérieure d’Élec-tricité (advanced engineering school) installed a laboratory to measure the fields for this pro-ject, which aimed to show in particular the feasibility of individual exposure measurements formagnetic fields. Seventeen volunteer residents thus wore a magnetic field measurement ins-trument for a 24-hour period. This device was able to determine the source of exposures,including high voltage power lines, household appliances, electric drills and other tools, andanti-theft devices. Analysis of the recordings collected showed great spatial and temporal dis-parities in exposure. The mean exposure for 24 hours of people living less than 100 m from thehigh voltage power lines ranged from 0.06 to 2 μT, according to their distance from the linesand their lifestyle. The mean exposure for people living outside the area affected by the linesranged from 0.01 to 0.2 μT. This study shows that it is entirely feasible to measure individualexposure very precisely over time and thus to trace exposures that are relatively intense butbrief, coming for example from household appliances, but also exposure from high voltage

doi:10

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4/ers.20

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OLIVIER MERCKEL1

ALAIN AZOULAY2

THIERRY LETERTRE2

1 Afsset253, avenue du Général

Leclerc94701 Maisons-Alfort

France<[email protected]>

2 Supélec3, rue Joliot-Curie

91192 Gif-sur-YvetteFrance

<[email protected]><[email protected]>

Tirés à part :O. Merckel

Article reçu le 19 décembre2008,accepté le 30 janvier 2009

Article original

Environnement, Risques & Santé – Vol. 8, n° 3, mai-juin 2009 237

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power lines, with their daily variations according to current traffic. These methodological toolsare extremely important for creating rigorous epidemiologic study protocols.

Key words: cartography; electric power supplies; electromagnetic fields; environmentalexposure; methods.

L’ Agence française de sécurité sanitaire de l’environne-ment et du travail (Afsset) a réalisé, dans le cadre du

programme d’études d’expositions environnementales à Cham-plan coordonné par l’Agence de l’environnement et de la maî-trise de l’énergie (Ademe), une étude de caractérisation del’exposition aux champs magnétiques basses fréquences danscette commune de l’Essonne située à environ 25 km au sud deParis (figure 1). L’objectif principal consistait à évaluer l’exposi-tion individuelle, pendant 24 heures, de quelques Champlanaisaux champs magnétiques issus de sources domestiques et deslignes de transport d’électricité. En particulier, l’étude devait per-mettre de distinguer les expositions liées aux appareils électro-ménagers domestiques de celles dues aux moyens de transportsou aux lignes de transport d’énergie électrique à haute et trèshaute tension (THT), présentes sur le territoire de la commune.Cette étude de caractérisation de l’exposition se plaçait doncdans un contexte de validation d’outils pouvant être utiles, dansun second temps, aux études épidémiologiques. Cette étude n’apas abordé la question de l’impact sanitaire éventuel des champsmagnétiques sur la population.

Dans le spectre des rayonnements électromagnétiques nonionisants, on distingue principalement les basses et hautes fré-quences (BF et HF). Seule l’exposition aux champs magnétiquesbasses fréquences (entre 50 et 800 Hz) a été étudiée ici. L’environ-nement électromagnétique de Champlan n’est en effet pas spéci-fique dans la gamme des hautes fréquences, utilisées pour les télé-communications hertziennes par exemple. La répartition desémetteurs de téléphonie mobile, de radiodiffusion FM ou de télé-diffusion sur le territoire français est telle que l’exposition des habi-tants de Champlan à ce type de rayonnements électromagnétiquesne présente pas de particularité singulière. En revanche, les lignesde transport d’énergie électrique à haute (une ligne 90 kV) et trèshaute tension (deux lignes 225 kV) qui surplombent la partie ouestde la commune représentent une situation moins répandue(figure 2). La proximité des lignes THT avec les habitations, dontcertaines sont parfois situées juste en dessous des câbles électri-ques, explique également une partie des inquiétudes expriméespar certains riverains concernant un possible impact sur leursanté, à plus ou moins long terme. La topographie des lieux esttelle que deux rues de la commune sont surplombées par ces

Figure 1. Situation de la commune de Champlan dans la région parisienne (source : www.viamichelin.fr).

Figure 1. The village of Champlan within the Paris metropolitan region (source : www.viamichelin.fr).

O. Merckel, et al.

Environnement, Risques & Santé – Vol. 8, n° 3, mai-juin 2009238

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lignes, leur distance aux toits des maisons étant réduite, au som-met de la colline concernée, à moins d’une dizaine de mètres(figure 3). La recommandation européenne 1999/519/EC [1] de1999 relative aux valeurs limites d’exposition du public auxchamps électromagnétiques, qui s’inspire des travaux de la Com-

mission internationale de protection contre les rayonnements nonionisants (ICNIRP) [2], spécifie une valeur limite d’exposition ins-tantanée du public à 100 μT pour le champ magnétique 50 Hz.Cette valeur tient compte des effets biologiques et sanitairesconnus et avérés des champs magnétiques sur l’homme.

Figure 2. Implantation des lignes de transport électrique très haute tension (THT) à Champlan.

Figure 2. Location of VHV electricity transmission lines in Champlan.

Figure 3. Lignes de transport électrique très haute tension (THT) au nord-ouest de Champlan (source : Google Earth).

Figure 3. VHV electricity transmission lines in northwest Champlan (source : Google Earth).

Caractérisation de l’exposition aux champs magnétiques basses fréquences dans la commune de Champlan

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Méthodologie de l’étude

L’Afsset a passé une convention de recherche avec l’Ecolesupérieure d’électricité (Supélec) afin de créer un laboratoire deréférence pour la mesure des champs magnétiques basses fré-quences (caractérisation d’appareils de mesure, étalonnage…),et déterminer l’exposition aux champs magnétiques d’un échan-tillon de la population de Champlan. Pour évaluer l’exposition,trois outils méthodologiques ont été mis en place :

– une mesure de l’exposition personnelle de volontaireschamplanais pendant 24 heures ;

– la mesure en deux points fixes, pendant 24 heures, deschamps magnétiques chez deux des volontaires les plus exposés ;

– une cartographie des champs magnétiques sur les voiespubliques de la commune.

Sélection de l’appareil de mesureLa sélection de l’appareil de mesure des champs magnéti-

ques basses fréquences a répondu à un cahier des charges exi-geant. En effet, il était nécessaire de disposer d’un appareil pos-sédant les caractéristiques suivantes :

– mesure de la densité de flux magnétique (dénommée ici« champ magnétique ») suivant trois axes, avec une bonne pré-cision et une bonne dynamique (typiquement de 0,01 à 200 μT) ;

– enregistrement de la composante fondamentale (50 Hz) etdes harmoniques des champs magnétiques émis par des sourcesdiverses [3] ;

– une fréquence d’échantillonnage la plus grande possible,avec une capacité d’enregistrement pendant au minimum24 heures ;

– une légèreté suffisante pour permettre à des volontaires dele porter sans gêne excessive.

Supélec a ainsi sélectionné, après de nombreux tests, unmesureur de champs magnétiques fiable et reconnu [4] :l’EMDEX II (Enertech Consultants [5]). La capacité de l’appareilà distinguer la composante fondamentale à 50 Hz du champmagnétique des harmoniques de fréquences plus élevées(jusqu’à 800 Hz – 1 000 Hz) est très utile afin de repérer les sour-ces d’exposition comme les lignes de transport d’électricité oules transformateurs (harmoniques très faibles) des appareils élec-triques (électroménagers, par exemple) qui produisent générale-ment des niveaux d’harmoniques plus élevés (jusqu’à 30 % del’intensité de la composante fondamentale). Le poids total del’appareil de mesure et de sa pochette de protection est d’environ300 grammes. Un logiciel permettant d’exploiter les données estfourni avec l’appareil, donnant la possibilité de séparer les com-posantes fondamentales et harmoniques, et de réaliser des cal-culs statistiques simples (moyennes, écarts types, etc.). La chargede la batterie est suffisante pour enregistrer les données dedensité du flux magnétique pendant 24 heures, toutes les troissecondes.

Le laboratoire mis en place par Supélec a permis d’étalonnerles appareils disponibles à l’aide de bobines de Helmholtz quiproduisent un champ magnétique connu, et d’en contrôler lefonctionnement pendant la campagne de mesures. Une valisede transport, incluant un moyen de contrôle du bon fonctionne-

ment de l’appareil, a été utilisée systématiquement pendant lacampagne de mesures. Ces phases d’étalonnage et de vérifica-tions antérieures et postérieures aux mesures ont permis d’obte-nir des données fiables et rigoureuses.

Sélection des volontairespour l’exposition personnelle

Un appel à volontaires pour l’étude d’exposition individuellea été diffusé à travers des réunions publiques organisées par lecomité de pilotage de l’étude globale sur l’exposition environne-mentale à Champlan, et par des informations données en mairie.Sur les 30 candidats déclarés, 17 personnes ont été sélection-nées, dont 15 habitant Champlan et 2 y travaillant. L’objectifn’était pas de sélectionner un échantillon représentatif de lapopulation de Champlan, mais plutôt d’obtenir des situationsd’exposition aux champs magnétiques a priori diverses. Ainsi,6 personnes ont été sélectionnées pour la proximité (jusqu’àenviron 100 m) de leur lieu de résidence avec les lignes de trans-port d’électricité qui surplombent la limite ouest de la commune.Neuf personnes habitant à l’écart de ces lignes ont été recrutéeset réparties de manière quasi aléatoire dans le village. Enfin,2 personnes travaillant à Champlan mais résidant en dehors dela ville ont été incluses dans l’étude. Les réunions publiquesorganisées à Champlan pour présenter les autres aspects du pro-gramme d’études environnementales, avant le début de l’étudesur les champs magnétiques, ont permis de sensibiliser les futursvolontaires à l’intérêt, au déroulement et aux contraintes des tra-vaux. En particulier, la nécessité de remplir un questionnaired’activités (budget espace-temps) identifiant les sources poten-tielles de champs magnétiques avait été abordée.

Les volontaires sélectionnés ont ainsi porté l’appareil demesure pendant 24 heures, après avoir reçu des instructions deprécaution d’emploi de la part de l’enquêteur. Le niveau duchamp magnétique ambiant a été enregistré, pendant leurs acti-vités quotidiennes, toutes les trois secondes. Cet échantillonnagetemporel précis a permis de mettre en évidence des variationsrapides du champ magnétique.

Outils d’évaluation complémentaires

Parallèlement à l’évaluation de l’exposition individuelle, desappareils de mesure ont été placés en poste fixe dans deux habi-tations parmi les plus exposées au champ magnétique, afin dedétecter des différences d’expositions liées aux variations journa-lières des transports de courant dans les lignes THT.

Enfin, une cartographie « instantanée » (dans un intervalled’une heure) des champs magnétiques mesurés à l’extérieur, surle réseau routier, a été réalisée afin notamment de mettre en évi-dence l’influence des lignes électriques aériennes ou souterrai-nes. Pour cela, un enregistrement des données issues del’EMDEX synchronisé avec les données provenant d’un récep-teur GPS (Global positioning system) a été effectué, permettantl’affichage sur un fond cartographique des champs magnétiquesmesurés.

O. Merckel, et al.

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Principaux résultatsde l’étude d’exposition

Les mesures d’exposition individuelle mettent en évidenceune importante variabilité de l’exposition aux champs magnéti-ques basses fréquences : à la fois au cours de la journée, selonles activités des volontaires, en fonction des sources des champset de l’emplacement géographique des habitations par rapport auxlignes. Les personnes habitant à l’écart des lignes THT sont expo-sées à des niveaux moyens de champs magnétiques (moyennesgéométriques) de 0,01 μT à 0,2 μT. La figure 4 présente l’enregis-trement pendant 24 heures des champs magnétiques dans l’envi-ronnement d’un volontaire de cette catégorie. L’enregistrementcommence vers 16 h, à un niveau d’exposition très faible. Les pre-miers pics de champs correspondent à des trajets en voiture (envi-ron 2 μT), puis le pic principal au passage dans un portique antivolen sortie des caisses d’un supermarché. Vers 22 h, un pic à 1,8 μTcorrespond à la mise en route d’un lave-vaisselle. Les niveauxenregistrés ensuite, pendant la nuit, par l’appareil, sont inférieursà sa sensibilité de détection. Les pics du début de journée corres-pondent principalement à des trajets en voiture, avec notammentdes passages sous les lignes THT. La détection entre 13 h et14 h 30 d’un niveau faible, mais non nul, de champs magnétiquescorrespond à un déjeuner à l’extérieur de Champlan.

Les personnes habitant au voisinage des lignes THT, entrequelques mètres et une centaine de mètres de distance, ont étéexposées en moyenne, en fonction notamment de la distanceprécise aux lignes et des habitudes de vie (déplacements horsdu domicile), à des niveaux faibles compris entre 0,06 et 2 μT.Ces niveaux moyens sont très inférieurs à ceux enregistrés demanière ponctuelle, qui sont principalement dus au passagedans des portiques antivol de grande surface, à l’utilisation dufour à micro-ondes, ou à celle d’appareils électriques de brico-

lage. Cependant, l’exposition à ces niveaux faibles peut être pra-tiquement permanente pour les personnes qui n’ont pas d’acti-vité extérieure. La figure 5 présente ainsi l’exemple d’unepersonne habitant à proximité d’une ligne THT. L’enregistrementdébute à 9 h, sur le lieu de travail, avec une exposition faible.Le volontaire est ensuite rentré chez lui pour déjeuner et a utiliséson four à micro-ondes (pic d’intensité de champ magnétique à6,6 μT). Il est ensuite resté dans une pièce (niveau moyen d’expo-sition à 2,2 μT), puis est monté dans une autre pièce à l’étage,plus proche des lignes (niveau d’exposition moyen à 2,8 μT),avant de retourner travailler (faible exposition). Le volontaire estensuite retourné chez lui le soir, et l’on peut distinguer, pendantla nuit, l’effet de la variation du champ magnétique lié à la varia-tion du courant circulant dans la ligne de transport électrique. Eneffet, la demande en énergie diminue le soir, le courant qui cir-cule dans les lignes est donc moindre. La tendance s’inverse enfin de nuit, vers 4-5 heures du matin, ce qui correspond à unereprise d’activité progressive. L’enregistrement a été terminé à9 h 30 le lendemain.

Le tableau 1 présente les résultats globaux des différentsenregistrements effectués pendant 24 heures (moyenne géomé-trique et valeur crête).

La vérification immédiate de l’enregistrement par l’enquê-teur, en présence du volontaire lors de la restitution de l’appareil,a permis de compléter efficacement les données renseignéesdans le budget espace-temps. Il a ainsi été possible d’identifiersûrement des sources de champs magnétiques non mentionnéesou ignorées par le volontaire, comme par exemple l’utilisationd’appareils de bricolage électriques, ou le passage dans les por-tiques de détection antivol en sortie des caisses de supermarché.

Le contact avec les volontaires a ainsi été riche, aussi bienpour les enquêteurs que pour les volontaires, associés de façontrès proche à la réalisation de l’étude.

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10

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Champ magnétique (mT)

Mercredi 12:00 Mercredi 24.00

Temps19/02/2008 20/02/2008

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0

Figure 4. Enregistrement pendant 24 heures des champs magnétiques dans l’environnement d’une personne habitant à l’écart deslignes à très haute tension (THT).

Figure 4. 24-h recording of magnetic fields in the environment of a person living some distance from the VHV lines.

Caractérisation de l’exposition aux champs magnétiques basses fréquences dans la commune de Champlan

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Les enregistrements en poste fixe (figure 6)montrent très pré-cisément les variations de champs magnétiques liées aux varia-tions du courant transitant dans les lignes, dépendant de lacharge du réseau de transport électrique. La capacité des appa-reils de mesure à discriminer la fréquence fondamentale des har-moniques permet d’attribuer précisément les niveaux de champsenregistrés au réseau de transport et de distribution électrique

(composante fondamentale du champ magnétique à 50 Hz) ouaux appareils électroménagers (présence d’harmoniques de fré-quences supérieures). Cet outil montre la possibilité de simulerfinement les niveaux de champs en milieu résidentiel dus à laprésence de lignes THT.

Après des essais réalisés à bicyclette en synchronisant lesenregistrements d’un récepteur GPS et de l’appareil de mesure

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6

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3

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1

Champ magnétique (mT)

24:00Temps

18:00 12:00 06:0023/01/2008

09:05:3124/01/200809:27:04

0

Figure 5. Enregistrement pendant 24 heures des champs magnétiques dans l’environnement d’une personne habitant à proximité deslignes à très haute tension (THT).

Figure 5. 24-h recording of magnetic fields in the environment of a person living near the high voltage power lines.

Tableau 1. Résultats globaux de l’étude d’exposition individuelle.

Table 1. Global results of the individual exposure study.

Volontaire Exposition moyenne(géométrique, 24 heures,

en μT))

Valeur crête(μT)

Commentaires

1 0,67 6,7 Maximum lors de l’utilisation d’un four à micro-ondes2 0,08 6,8 Maximum lors de l’utilisation d’une bouilloire électrique3 0,70 12 Maximum lors du passage d’un portique antivol dans une grande surface4 2,00 4,2 Maximum trouvé sous les lignes haute tension dans le jardin5 0,14 2,6 Maximum lié au passage en voiture sous les lignes haute tension6 0,01 5,5 Maximum lors de l’utilisation d’un outil électrique7 0,06 19,5 Maximum lors de l’utilisation d’un four à micro-ondes8 0,02 1,8 Maximum lors de l’utilisation d’un appareil électrodomestique9 0,08 3,4 Maximum lors de l’utilisation d’un appareil électrodomestique10 0,02 5,0 Maximum lors de l’utilisation d’un appareil électrodomestique11 0,05 1,7 Maximum lors de l’utilisation d’un appareil électrodomestique12 0,07 29,4 Maximum lors de l’utilisation d’un four à micro-ondes13 0,21 10,6 Maximum lors de l’utilisation d’un four électrique14 0,07 2,6 Maximum lors de l’utilisation d’un appareil électrodomestique15 0,21 16,2 Maximum lors de l’utilisation d’un four à micro-ondes16 0,03 14,2 Maximum lors de l’utilisation d’un appareil électrodomestique17 0,06 2,2 Maximum lors de l’utilisation d’un appareil électrodomestique

O. Merckel, et al.

Environnement, Risques & Santé – Vol. 8, n° 3, mai-juin 2009242

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de champ magnétique, il a été vérifié que la cartographie del’exposition au champ sur les voies de circulation de lacommune pouvait être réalisée en voiture. L’absence de pertur-bations de l’EMDEX par le moteur, émetteur de champs magné-tiques, a été ainsi contrôlée. Le report sur un fond cartographiqueet d’image satellite des données de champs, a ensuite permis devisualiser l’intensité des champs magnétiques mesurés dans lacommune (figure 7). Ces observations montrent que les champsmagnétiques émis par les lignes THT à Champlan étaient, pen-dant la période de mesure, quantifiables jusqu’à une centaine demètres de part et d’autre des lignes. Cette distance est évidem-ment dépendante de l’intensité du courant qui transite dans leslignes, et donc des champs magnétiques émis. Les lignes sontcependant calibrées pour une plage de variation de courant limi-tée. Par ailleurs, les niveaux enregistrés ici lors d’un passage dansl’après-midi d’une journée d’hiver, sont a priori représentatifsd’une exposition ordinaire. Il conviendrait d’obtenir les donnéesde courant électrique au moment des mesures de champsmagnétiques, afin d’extrapoler éventuellement des niveauxd’exposition maximums, qui n’interviennent toutefois qu’extrê-mement rarement. Le passage à proximité de transformateursélectriques situés en bordure de la voie publique n’a pas permisde détecter de champs magnétiques élevés.

Conclusion

Cette étude montre clairement que les niveaux d’expositionaux champs magnétiques attendus directement sous les lignes de

transport électrique haute tension à Champlan n’excèdent pas4 à 5 μT, dans les conditions présentes de mesure, et pour dessituations très particulières (très grande proximité avec les lignesTHT). Au fur et à mesure que la distance augmente, les valeursdes champs magnétiques décroissent rapidement, pour devenirinférieures à 0,2 μT après 100 à 150 mètres. De nombreux appa-reils électrodomestiques, mais aussi les portiques de détectionantivol de certaines grandes surfaces induisent une expositionbeaucoup plus importante (jusqu’à 30 à 50 μT pour certainsfours), à des distances très courtes des sources (10 à 20 cm).Cependant, ces expositions sont généralement de courte durée,et liées à l’utilisation de ces appareils.

Bien que limitée en nombre de participants, cette étude decaractérisation de l’exposition humaine aux champs magnéti-ques basses fréquences montre qu’il est techniquement possibled’identifier les principales sources d’exposition et de quantifierleur impact dans le cadre d’activités quotidiennes. Elle ouvre lavoie à une meilleure prise en compte de l’exposition dans lecadre des études épidémiologiques qui cherchent à corrélerl’existence d’effets sanitaires supposés des champs magnétiquesbasses fréquences avec l’exposition des personnes. Elle souligneégalement l’intérêt d’études de caractérisation de l’exposition depopulations plus importantes, aux habitudes de vie différentes,pour affiner notamment les modèles d’exposition en fonctiondes différentes sources. Le très bon accueil des enquêteurs parles volontaires durant l’étude met par ailleurs en évidencel’importance du dialogue mis en place entre les participants del’étude et les scientifiques, en amont et pendant la phase deréalisation. ■

2,4

2,2

2,0

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Champ magnétique (mT)

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0,8

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0,4

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Temps13/03/2008 14/03/2008

18:00 12:00 06:00

Figure 6. Enregistrement pendant 24 heures des champs magnétiques, en poste fixe, dans une habitation située à proximité des lignesà très haute tension (THT) - composante fondamentale à 50 Hz (courbe supérieure) et harmoniques (courbe inférieure).

Figure 6. 24-h recording of magnetic fields by a fixed sensor in a home near the high voltage power lines.

Caractérisation de l’exposition aux champs magnétiques basses fréquences dans la commune de Champlan

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Remerciements et autres mentions

Nous souhaitons remercier Monsieur le maire de Champlanainsi que les services municipaux pour leur soutien logistiquedans la réalisation de cette étude. Nous remercions vivementtous les volontaires qui ont participé à l’étude. Enfin, nous sou-

haitons également remercier Adam Schneider,webmaster du sitehttp://www.gpsvisualizer.com pour son aide dans la transcrip-tion gratuite des fichiers de données au standard Google Earth,à travers son site Internet. Conflit d’intérêt : aucun ; finance-ment : Agence française de sécurité sanitaire de l’environnementet du travail (Afsset).

Références

1. Recommandation 1999/519/CE du Conseil de l’Union euro-péenne, du 12 juillet 1999, relative à la limitation de l’expositiondu public aux champs électromagnétiques (de 0 Hz à 300 GHz).Journal officiel 1999 ; 199 : 59-70.

2. Guidelines for limiting exposure to time varying electric, magne-tic, and electromagnetic fields (up to 300 GHz). International Com-mission on Non-Ionizing Radiation Protection. Health Phys 1998 ;74 : 494-522.

3. Maslanyj MP, Mee TJ, Renew DC, et al. Investigation of the sour-ces of residential power frequency magnetic field exposure in theUK Childhood Cancer Study. J Radiol Prot 2007 ; 27 : 41-58.4. Magne I, Azoulay A, Lambrozo J, Souques M. Comparison ofmagnetic field meters used for ELF exposure measurement. 28thbioelectromagnetics Society Annual Meeting (BEMS), Cancun(Mexique), 2006 (Actes sur cédérom).5. Electric power research institute (EPRI) Technical Report. Electric -and Magnetic - field Guideline Evaluation. Interim Report. Palo Alto(Californie, États-Unis) EPRI, 2001. http://my.epri.com.

Figure 7. Exemple de cartographie des champs magnétiques dans la commune. Le diamètre des points de mesure augmente avecl’intensité des champs (ici de 0,2 à 4 μT).

Figure 7. Example of magnetic field mapping in the village. The thickness of the points measured increases with field intensity (here0.2-4 μT).

O. Merckel, et al.

Environnement, Risques & Santé – Vol. 8, n° 3, mai-juin 2009244