Article de magazine-racines.fr sur la permaculture

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| LOISIRS | JARDINAGE | 36 | RACINES | Octobre 2014 | La “permaculture” qu’est-ce que c’est ? Ce mot ne vous dit rien ? Pourtant il pourrait devenir un concept pionnier pour nourrir la terre demain, à l’échelle du monde ou de votre potager. Rencontre avec Charles Hervé-Gruyer, créateur de la ferme permacole du Bec Hellouin, en Haute-Normandie. Faire comme la nature “Permaculture ou culture permanente, le mot ne dit pas grand-chose aux gens… Et puis, souvent, on réduit la permacul- ture à une super méthode de jardinage naturel. Or les enjeux vont bien au-delà. Il s’agit vraiment d’inventer le monde de demain. Bien évidemment à partir du moment où l’on décide d’imiter la nature, il y a plein d’applications possibles au jar- din. Mais quelque part, c’est aussi une remise en question de pratiques ancrées en nous depuis des siècles. Je pense au besoin de décompacter la terre et de la retourner (bêchage, labour) et de la “net- toyer”. La permaculture étant avant tout un système d’organisation des espaces (que l’on appelle Design), sa première application au jardin est d’en repenser l’organisation générale. Favoriser la diver- sité, reconnecter des éléments de l’éco- système entre eux pour qu’ils interagissent (arbres, mare, animaux, insectes, légumes, fleurs, fruitiers, haies, plantes sauvages...). Du coup, le jardin est conçu comme un tout. Les arbres, par exemple donneront une récolte, favoriseront un micro-climat, contribueront à abriter des auxiliaires utiles, fertiliseront le sol en remontant des minéraux…” Culture sur buttes “L’un des grands mérites de la perma- culture a été de reprendre une technique millénaire qui est la culture sur butte per- manentes. On réalise des buttes de terre arable (1,20 m de large sur 60 à 80 cm de haut est un bon compromis), tout sim- plement en pelletant la terre des allées, et éventuellement en y ajoutant du com- post. Ensuite on ne va plus labourer ou retourner ces buttes (sauf éventuellement un décompactage à la grelinette). On y trouvera plein de bénéfices : la vie du sol (vers de terre, bactéries, champignons) qui est un précieux capital, ne sera plus détruite par le passage du labour ou du motoculteur. Donc tout naturellement le sol va s’améliorer d’année en année. Tout cela, et le fait que l’on laisse en terre cer- taines racines des légumes cultivés qui vont continuer à aérer, à apporter de l’azote ou à transporter les minéraux dans le sol.” Paillage organique “Comme dans la nature où le sol n’est jamais à nu, on préconise aussi de le cou- vrir d’un paillage organique à chaque fois que c’est possible (fumier de cheval bien La ferme du Bec, 2 000 m 2 au naturel Créée en 2004, cette ferme maraîchère qui allie beauté du paysage comes- tible et productivité, fait aujourd’hui référence en matière d’agriculture naturelle. 800 variétés de fruits et légumes, petits fruits, médicinales et aromatiques sur les 2 000 m 2 cultivés (sur les 1,8 ha du site), sur les buttes des deux îles-jardins entourées de l’eau dérivée du canal du Bec, le jardin mandala, la forêt-nourricière (fruits-lianes et arbres à coques, haie fruitière), forment un agro-écosystème hautement productif et durable. Étudiée tout à fait sérieusement par l’Inra et Agro Paris Tech, elle démontre la pertinence sociale, économique et écologique de cette nouvelle manière d’être paysan au XXI e siècle (pratiquement sans mécanisation). La ferme du Bec Hellouin a reçu en 2013 la mention spéciale, Espoir de l'Agriculture durable du ministère de l'Agriculture. Visites : 1, sente du Moulin au Cat, 27800 Le Bec Hellouin : les groupes à partir de 15 per- sonnes sont accueillis sur rendez-vous, toute l’année ; Tarifs : 8 , comprenant une visite guidée d’1 h 30 à 2 heures. Stages week-end et formation à l’éco-centre, se renseigner au 02 32 44 50 57 sur [email protected] et sur www.fermedubec.com.

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| LOISIRS | JARDINAGE

| 36 | RACINES | Octobre 2014 |

La “permaculture”qu’est-ce que c’est ?

Ce mot ne vous dit rien ? Pourtant il pourrait devenir un conceptpionnier pour nourrir la terre demain, à l’échelle du monde ou devotre potager. Rencontre avec Charles Hervé-Gruyer, créateur de

la ferme permacole du Bec Hellouin, en Haute-Normandie.

Faire comme la nature “Permaculture ou culture permanente,

le mot ne dit pas grand-chose aux gens…

Et puis, souvent, on réduit la permacul-

ture à une super méthode de jardinage

naturel. Or les enjeux vont bien au-delà.

Il s’agit vraiment d’inventer le monde de

demain. Bien évidemment à partir du

moment où l’on décide d’imiter la nature,

il y a plein d’applications possibles au jar-

din. Mais quelque part, c’est aussi une

remise en question de pratiques ancrées

en nous depuis des siècles. Je pense au

besoin de décompacter la terre et de la

retourner (bêchage, labour) et de la “net-

toyer”. La permaculture étant avant tout

un système d’organisation des espaces

(que l’on appelle Design), sa première

application au jardin est d’en repenser

l’organisation générale. Favoriser la diver-

sité, reconnecter des éléments de l’éco-

système entre eux pour qu’ils interagissent

(arbres, mare, animaux, insectes, légumes,

fleurs, fruitiers, haies, plantes sauvages...).

Du coup, le jardin est conçu comme un

tout. Les arbres, par exemple donneront

une récolte, favoriseront un micro-climat,

contribueront à abriter des auxiliaires

utiles, fertiliseront le sol en remontant

des minéraux…”

Culture sur buttes“L’un des grands mérites de la perma-

culture a été de reprendre une technique

millénaire qui est la culture sur butte per-

manentes. On réalise des buttes de terre

arable (1,20 m de large sur 60 à 80 cm

de haut est un bon compromis), tout sim-

plement en pelletant la terre des allées,

et éventuellement en y ajoutant du com-

post. Ensuite on ne va plus labourer ou

retourner ces buttes (sauf éventuellement

un décompactage à la grelinette). On y

trouvera plein de bénéfices : la vie du sol

(vers de terre, bactéries, champignons)

qui est un précieux capital, ne sera plus

détruite par le passage du labour ou du

motoculteur. Donc tout naturellement le

sol va s’améliorer d’année en année. Tout

cela, et le fait que l’on laisse en terre cer-

taines racines des légumes cultivés qui

vont continuer à aérer, à apporter de

l’azote ou à transporter les minéraux dans

le sol.”

Paillage organique“Comme dans la nature où le sol n’est

jamais à nu, on préconise aussi de le cou-

vrir d’un paillage organique à chaque fois

que c’est possible (fumier de cheval bien

La ferme du Bec, 2000 m2 au naturelCréée en 2004, cette ferme maraîchère qui allie beauté du paysage comes-tible et productivité, fait aujourd’hui référence en matière d’agriculturenaturelle. 800 variétés de fruits et légumes, petits fruits, médicinales etaromatiques sur les 2 000 m2 cultivés (sur les 1,8 ha du site), sur les buttesdes deux îles-jardins entourées de l’eau dérivée du canal du Bec, le jardinmandala, la forêt-nourricière (fruits-lianes et arbres à coques, haie fruitière),forment un agro-écosystème hautement productif et durable. Étudiée tout à fait sérieusement par l’Inra et Agro Paris Tech, elle démontrela pertinence sociale, économique et écologique de cette nouvelle manièred’être paysan au XXIe siècle (pratiquement sans mécanisation). La fermedu Bec Hellouin a reçu en 2013 la mention spéciale, Espoir de l'Agriculturedurable du ministère de l'Agriculture.

Visites : 1, sente du Moulin au Cat, 27800 Le Bec Hellouin : les groupes à partir de 15 per-sonnes sont accueillis sur rendez-vous, toute l’année ; Tarifs : 8 € , comprenant une visiteguidée d’1 h 30 à 2 heures. Stages week-end et formation à l’éco-centre, se renseigner au02 32 44 50 57 sur [email protected] et sur www.fermedubec.com.

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décomposé, tontes, orties ou végétaux

broyés de taille, paille ou tapis de fougères

dans les allées…) qui, lui aussi, aura plu-

sieurs fonctions : nourrir le sol, parce que

c’est une forme de compostage en place,

protéger de l’érosion et du lessivage, limi-

ter la croissance des adventices (mauvaises

herbes), garder l’eau dans le sol…Fina-

lement tous ces éléments contribuent à

faire de la culture sur butte une technique

à la fois simple, facile à mettre en œuvre,

pas fatigante, ce qui peut devenir inté-

ressant quand on prend de l’âge. Elle est

surtout extrêmement productive, car on

peut y planter les légumes beaucoup plus

serrés (en quinconce tous les 15 ou

20 cm, avec une ligne centrale pour les

cultures sur rames, par exemple). À pro-

duction égale, la butte de culture sera tou-

jours plus petite qu’un espace bêché avec

des rangs en ligne.”

Jardins d’Eden“Avec la permaculture, on agit plutôt

en confiance avec les forces de vie à

l’œuvre dans les jardins. Une sorte de

nouvelle alliance, créée en conscience

par une humanité qui se rend compte

de l’impasse dans laquelle l’a menée une

modernité débridée et qui aspire à recréer

un état d’harmonie avec la Création. Bill

Mollison et David Holmgren, les fon-

dateurs de la permaculture, disent en

exergue de leur premier ouvrage (Per-

maculture 1) : “peut-être allez-vous penser

que l’on cherche à recréer le jardin d’Eden ?”

Et pourquoi pas ? De tout temps les jar-

dins ont été des lieux heureux. Et pour-

quoi pas imaginer des jardins qui seraient

à la fois extrêmement naturels et extrê-

mement productifs ? C’est ce qu’on expé-

rimente ici, à la ferme maraîchère du Bec

Hellouin.”Christine Grandin

• Retrouvez les compléments de cette interview surwww.magazine-racines.fr. Pour suivre, dans notreédition de novembre : Je débute mon jardin perma-culturel.

Pour aller plus loin : Perma-culture, guérir la terre, nourrirles hommes (2014), Perrineet Charles Hervé-Gruyer,Actes sud, collection Do-maine du possible, 367pages, 22,80 €. L’aventuremaraichère et humaine de laferme du Bec Hellouin ra-contée par leurs créateurs.

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Le jardin permaculturel redessine complètement la production potagère sur des buttes de culture qui font partie de l’écosystème qui les entoure (fruitiers, arbres, petites mares, cultures étagées, animaux etc…)

Charles Hervé-Gruyer.La butte autofertile est alimentée en permanenceen matière organique décomposée ou non.

Reportage photos surwww.magazine-racines.fr

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