Arthur Rimbaud Et La Modernitй Poйtique

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Arthur Rimbaud Et La Modernitй Poйtique

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Arthur Rimbaud et la modernit potique

Arthur Rimbaud et la modernit potique

Quelle voie a emprunt Rimbaud pour atteindre son idal potique ?

Au XIXme sicle, les potes parnassiens sinsurgrent contre les excs du lyrisme et le relchement de la forme de la posie romantique. Si Rimbaud dans ses dbuts tente de sapparenter ce mouvement potique il sen dtache cependant rapidement et part la qute dun nouveau langage.

La conception moderne de la posie fut inaugure la moiti du sicle par Baudelaire avec la publication des Fleurs du Mal en 1857, texte fondateur dune nouvelle esthtique. Ainsi, des potes limage de Rimbaud prirent conscience de leur pouvoir de transformer la ralit par les mots et virent dans la posie le moyen daccder une vrit cache au fond de linconscient. Nous nous demanderons alors quelle voie a emprunt Rimbaud pour atteindre cet idal potique.

Pour cela, nous analyserons comment la posie exprime la libration du pote, ce qui nous permettra par la suite de comprendre son voyage vers linconnu. En dernire partie, nous tenterons danalyser son alchimie du verbe.

I) LA LIBERATION DU POETE

Rimbaud se situe dabord comme un hritier du romantisme et du parnasse. Cependant, sa posie deviendra celle du refus des conventions. Il saffranchit des rgles dcriture qui lui ont t imposes et anantissant alors les idoles, il dnonce la posie subjective. Exprimant dabord sa rvolte, il parvient par la suite une vritable libration esthtique

1. Dnonciation de la posie subjective

En premier lieu, Arthur Rimbaud dnonce la posie subjective et se rvolte contre les carcans esthtiques et moraux des mouvements dont il est hritier. Il marque dfinitivement son mancipation en saffranchissant des rgles dcriture qui lui ont t imposes. Il ne veut plus se conformer aux valeurs parnassiennes et romantiques qui le cantonnent lcume superficielle de son inconscient. Ainsi, il crit le pome Vnus anadyomne, dgradant les idoles et finissant de dmontrer le manque de profondeur de la posie subjective.

2. La rvolte rimbaldienne

Par ailleurs, la rvolte rimbaldienne se traduit ds ses premiers vers o le pote cherche affranchir sa posie par le biais dune rvolte multiforme qui affecte aussi la religion, lAmour (on retiendra les Rparties de Nina ) ou lordre social. La rvolte de Rimbaud nest pas uniquement thmatique : elle affecte le langage lui-mme par une provocante scatologie (ceci peut tre remarqu dans lOde du Trou du Cul).

3. Libration esthtique

Enfin, on peut tmoigner de la libration esthtique de Rimbaud dans les lettres dites du Voyant quenvoie le pote Georges Izambard et Paul Demeny, rciproquement le 13 et 15 mai 1871. Certaines formules de ces lettres peuvent dailleurs servir demblme toute la posie moderne. Rimbaud annonce que les potes doivent faire preuve desprit critique et savoir se remettre en question sur leur propre cration. La forme du pome ne doit plus tre matrise. Le pote linstar de Baudelaire, prcurseur de la modernit potique, doit faire surgir la beaut dans la laideur, rfrence la dclaration de Baudelaire : Tu m'as donn ta boue et j'en ai fait de l'or

Cette libration du couac de lintime amne les potes modernes atteindre une nouvelle ralit, voyager dans les profondeurs inconnues de lme.

II) LE VOYAGE DE LINCONNU

Le pote entreprend ainsi un voyage dans linconscient. Par un drglement de tous les sens, Rimbaud cre un univers abstrait et libre. Enfin, il apprend connatre et exploiter la partie maudite de son tre.

1. Drglement de tous les sens

Dans un premier temps, la posie moderne est marque par un drglement de tous les sens, cest--dire se dgager de toute matrise absolue de la raison. Rimbaud se confond avec la partie intime de son tre. En effet, il nest plus lexpression de sa seule subjectivit : il sait exploiter lautre et arracher lintime. Il perd toute rigueur potique pour ntre que linterprte des dsirs de son subconscient. Ainsi il crit le Bateau Ivre, bel exercice de style o il libre sa sensibilit et le trfonds de son inconscient.

2. Un univers abstrait

Par la suite, chacun des potes modernes est persuad quil existe un monde abstrait qui dpasse la ralit des choses. Cest lunivers abstrait des ides et des concepts, un au-del uniquement accessible au pote voyant . On parle alors aussi du drglement mme des significations : la posie peut ne plus correspondre une ralit tangible et conceptuelle. Les lecteurs doivent comprendre et analyser la posie sous toutes ses formes. Le pote est libre dans ses interprtations.

3. Exploitation du mal

Enfin, son voyage de linconnu mne Rimbaud connatre et exploiter la noirceur de son me. En 1873, il publie le recueil Une saison en enfer qui marque une vritable rvolte personnelle et identitaire. Rimbaud marque une vritable rupture avec un avant harmonieux marqu par linnocence, la beaut et un certain conformisme potique. Il y renie le paradis pour rclamer la damnation et se complait dans un monde de chaos. On sloigne alors du concept mme de la posie selon lequel celle-ci serait une reprsentation agrable de la Nature.

Rimbaud annonce quil faut oprer un changement dans la langue potique capable de rendre compte de lexprience du voyant . Il cre ce quon appelle lAlchimie du Verbe.

III) ALCHIMIE DU VERBE

Le pote-Promthe exige une langue susceptible de transcrire au mieux cette nouvelle ralit potique. Il se libre des contraintes du genre et des formes conventionnelles de la posie et se dirige vers une posie non versifie.

1. Un monde nouveau

En premier lieu, Rimbaud pense que lexploration des possibilits inpuisables du langage ouvre la porte sur un monde nouveau. Ainsi, linstar de Dieu, le pote par le Verbe peut transformer la ralit et en crer une toute autre. Cest un changement de regard que le pote porte sur lunivers et qui engendre chez Rimbaud une vritable recherche dune nouvelle langue potique. On retient le pome Voyelles crit en 1871 qui amorce dj lide dune renaissance potique par le langage A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles

2. Libration des formes conventionnelles

Par la suite, Rimbaud opre un bouleversement des formes conventionnelles potiques. Dans ses pomes de 1872, lorsque le pote versifie, il se dispense demployer des formes conceptuelles. Ncrivant plus en alexandrin, il instaure un rythme impair. Il se dbarrasse alors de la rime, de la csure, des comptes des syllabes. On retiendra des pomes tels que Larme, La Rivire de Cassis, Comdie de la soif ou des chansons comme Ftes de la patience ou Ftes de la Faim extrait de Pomes de printemps et de lt 1872.

3. Vers une posie non versifie

Cependant, Rimbaud soriente vite vers un pome en prose quil pense le plus mme exprimer le voyage du pote-voyant. Les lans de Rimbaud saccommodent mal en effet une structure interne harmonieuse. De cette manire-ci, il compose son dernier grand recueil Illuminations de 1874, entirement fait de pomes en proses ou de vers libres, vritable initiation un langage insolite. Transformer un discours versifi en un langage spcifique devient une des caractristiques de la modernit potique.

En conclusion, Rimbaud est pass par nombres dtapes au cours de sa production potique pour atteindre son idal potique. Par la mthode choisie le long, immense et raisonn drglement de tous les sens , il devient lune des figures de la posie moderne. Au XXme sicle, les Surralistes le reconnatront comme lun de ceux qui ont su librer limagination et lcriture potique de la raison : Andr Breton dans le Premier manifeste du Surralisme publi en 1924 revendiquera explicitement Rimbaud comme lun de ses prdcesseurs.

Le Recueil Poesies

Le recueil intitul Posies regroupe les pomes composs par Rimbaud de 1869 1872: il s'ouvre sur le texte Les trennes des Orphelins , se poursuit avec vingt-deux pomes recopis par Rimbaud pour son ami Demeny en 1870, puis avec vingt et un textes inspirs par la guerre ou l'univers dtest de Charleville, rebaptise en Charlestown par Rimbaud; vient ensuite le clbre Bateau ivre que Rimbaud conut pour blouir Verlaine, et qui le consacra comme un artiste gnial dans le milieu littraire qu'il frquenta Paris et l'occasion de son voyage en Belgique.

Thmes potiques

Trois grands thmes se reprent l'intrieur du recueil:

-une posie de bonheur , fonde sur l'vocation heureuse du voyage et du vagabondage. alliant bonheur d'crire bonheur de vivre.

-une posie de la colre , fonde sur la dnonciation virulente et provocante des petitesses, des impostures ou des ignominies de la socit environnante et de l'histoire contemporaine.

-une posie de la voyance , fonde sur la volont de fixer travers un langage nouveau des images nouvelles, induisant la conscience que posie et absolu doivent devenir synonymes; cette posie nat moins de l'exprience personnelle du pote et de la spontanit de son criture que de ses rflexions actives de crateur soucieux de concevoir une oeuvre nouvelle, rvolutionnaire. travers ces trois grands thmes s'est constitue une criture qui volue avec une trs grande rapidit: l'criture, vecteur des motions de l'adolescent devant le monde, cesse d'noncer celui-ci pour mieux se constituer en aventure du langage.

Organisation du recueil

Les textes qui expriment le bonheur

-Dans la nature, jouissant de la plnitude du monde grce aux plnitudes des sensations, le pote parvient dfinir son bonheur Sensation, Ma bohme, Au cabaret-Vert

-La jeunesse est l'occasion de dcouvrir un rotisme ludique et tendre Premire soire, Roman , Rv pour l'hiver

Les textes qui expriment la dcouverte du monde

-La misre induit une compassion qui s'exprime dans une reprsentation pathtique de l'enfance meurtrie Les Effars, Les trennes des Orphelins

-Le spectacle de la socit bourgeoise nourrit des sarcasmes et des dnonciations virulents la musique , Les Assis , Les Douaniers

-La religion, en particulier, et le spectacle de la guerre confortent le pote dans son attitude de rvolte Le Mal , Accroupissements , Premires Communions

-La vie politique, la rpression de la Commune, sont perus comme des scandales intolrables L'Orgie parisienne , Les Mains de Jeanne-Marie , Chant de guerre parisien

Les textes qui expriment le renouveau potique

-Contre la strilit des thories littraires, pour la promotion de l'absolu, Rimbaud organise la posie nouvelle de la voyance Ce qu'on dit au Pote propos de fleurs : Le Bateau ivre , Voyelles.

Posie de bonheur

Elle est fonde sur l'vocation heureuse du voyage et du vagabondage. alliant bonheur d'crire bonheur de vivre

Ma Bohme

Je m'en allais, les poings dans mes poches creves;

Mon paletot soudain devenait idal;

J'allais sous le ciel, Muse, et j'tais ton fal;

Oh! l l! que d'amours splendides j'ai rves!

Mon unique culotte avait un large trou.

Petit-Poucet rveur, j'grenais dans ma course

Des rimes. Mon auberge tait la Grande-Ourse.

Mes toiles au ciel avaient un doux frou-frou

Et je les coutais, assis au bord des routes,

Ces bons soirs de septembre o je sentais des gouttes

De rose mon front, comme un vin de vigueur;

O, rimant au milieu des ombres fantastiques,

Comme des lyres, je tirais les lastiques

De mes souliers blesss, un pied prs de mon cur!

En Septembre et Octobre 1870, Arthur Rimbaud trouve refuge Douai chez son professeur de lettres Georges Izambard, l'issue d'une fugue. L, sur des cahiers d'colier, il recopie avec application ses pomes rcents, dans l'espoir de les faire publier. Le pome d'Arthur Rimbaud intitul Ma Bohme clt le second des cahiers de Douai .

C'est un sonnet, qui voque les fugues du pote. Rimbaud y peint son autoportrait en coureur de chemins, ivre d'espace et de libert. La nature, image fminine et fantastique, l'accueille et le protge comme une mre. Son bonheur, c'est la posie. Et nous verrons qu'on peut aussi lire ce sonnet comme un petit manifeste thorique de Rimbaud sur sa conception de la posie, une sorte d'art potique.

I - Autoportrait de l'artiste en coureur de chemins

Un autoportrait : Si l'on compare ce pome d'autres textes du deuxime cahier de Douai qui relatent les fugues de l't 70, on remarque une diffrence : ici, pas de choses vues , pas de rencontre comme dans Le cabaret vert ou dans La Maline . Rimbaud est lui-mme au centre du pome. La premire personne est omniprsente (8 fois je ; 8 fois l'adjectif possessif mon, ma ou mes). Il se dcrit : ses sensations, ses vtements, l'une de ses attitudes la fin du pome (quand il se dcrit "assis au bord des routes", affair autour de ses souliers blesss2).

Un vagabond : Rimbaud se plat se dcrire en vagabond. Ses vtements sont lims (son "paletot" tait si us qu'il n'tait plus qu'une "ide" de paletot (vers 2)). Ses poches sont "creves" (v.1). Son pantalon est trou (v.5). Ses souliers sont abms par la marche (v.14). La comparaison avec le petit Poucet (vers 6) suggre l'errance. Le vers 7 indique qu'il dort la belle toile. On peut se demander dans quelle mesure cet autoportrait est raliste; dans quelle mesure nous n'assistons pas la construction d'un mythe, o Rimbaud le fils de famille se mtamorphose en un pauvre orphelin semblable aux personnages du pome "Les effars".

Un adolescent rvolt, ivre d'espace et de libert : le pome est plac sous le signe de l'nergie libratrice : les poches ne sont pas troues mais "creves"; non par les mains mais par les "poings" de l'adolescent. La rvolte jette le jeune homme sur les routes : rptition de termes de mouvement : "Je m'en allais" (v.1), "j'allais" (v.3); "j'grenais dans ma course" (v.6). L'espace semble s'ouvrir devant le marcheur : "le ciel, la grande ourse, les toiles, les routes". La destination du voyage n'est pas prcise. On marche dans le seul but de marcher. Ceci nous renvoie au sens du titre : le mot "Bohme" doit tre pris dans un double sens, il dsigne la vie d'artiste, insouciante et libre; mais Rimbaud se souvient que le premier sens du mot dsigne la vie nomade, la vie errante des "bohmiens"(cf. aussi. "Sensation" : "Et j'irai loin, trs loin, comme un bohmien"), des "gens du voyage". Sa bohme lui, vagabonde, ivre d'espace et de libert (il faut donner un sens plein, au possessif "Ma") le distingue de la bohme sdentaire des artistes parisiens, dont le romantisme a fait une mode et un clich (cf. "Scnes de la vie de Bohme" de Murger 1848).

Un orphelin cherchant protection et amour auprs de la nature : L'adolescent en fugue se retrouve seul sur les routes et il parle de la nature comme si elle tait pour lui tout seul, comme si elle lui appartenait. Noter l'usage des adjectifs possessifs : "Mes toiles"; "Mon auberge tait la grande ourse". La nature le protge, elle lui fournit son coucher (son "auberge"), la nourriture spirituelle o il puise sa force, o il se rgnre ("des gouttes / de rose mon front, comme un vin de vigueur"). Elle est bienveillante : noter l'usage de l'adjectif "bon" dans "ces bons soirs de septembre". Elle est femme : le jeune pote visionnaire peroit la "musique des sphres" (image traditionnelle depuis la Renaissance pour exprimer l'impeccable fonctionnement de l'ordre cosmique) et il la dcrit comme un froissement de robes dans le ciel ("Mes toiles au ciel faisaient un doux frou-frou"). On peut y voir enfin une image maternelle : se comparant un "Petit Poucet rveur", Rimbaud suggre l'ide de l'enfant abandonn la recherche d'une mre de substitution qu'il trouve dans la nature.

Mais ce sont ses "rimes", quivalent rimbaldien des petits cailloux blancs du conte, qui lui ouvrent la voie du salut (vers 6-7). C'est avant tout dans la Posie, par la posie, que Rimbaud pense trouver le chemin du bonheur et de la libert. L'analyse du texte ne serait pas complte si nous ngligions cet aspect de son message. Arthur Rimbaud, vagabond et pote : voil l'image que l'auteur s'attache peindre de lui-mme.

II Un art potique :

L'idal potique : Le vers 3 compare l'adolescent en fugue un chevalier servant ("fal", qui rime avec "idal") courant l'aventure au service de sa "Muse". La muse est le symbole de la posie. Les rves d'amour du vers suivant : "Oh! L l! Que d'amours splendides j'ai rves!" peuvent donc tre interprte comme des rves d'ambition littraire. Rimbaud court les chemins pour y chercher l'inspiration potique. Lorsqu'il s'arrte au bord de la route, c'est pour crire : "j'grenais dans ma course / des rimes" (v.6-7). L'errance, la pauvret, apparaissent ds lors dans le second tercet comme une preuve initiatique ouvrant au jeune pote la possibilit d'une idylle avec la muse : dans un paysage rendu "fantastique" par la tombe de la nuit ("au milieu des ombres"), Rimbaud se dcrit nouveau "rimant". Les lacets de ses souliers (les "lastiques") se transforment magiquement en cordes de la lyre, autre symbole traditionnel de la posie, de la mme faon que les citrouilles se transforment en carrosses dans les contes de fes.

Une "fantaisie" : Rimbaud a donn comme sous-titre son pome le nom "fantaisie". Ce mot dsigne traditionnellement dans le vocabulaire de l'art une uvre suivant "plutt les caprices de l'imagination que les rgles de l'art" (dictionnaire de l'Acadmie, 1879). Rimbaud nous donne avec ce mot une indication de registre, facile justifier. "Ma bohme" est bien une fantaisie, d'abord par son thme : l'errance insouciante et inspire d'un jeune pote, la mtamorphose "fantastique" (v.12) (les deux mots sont de la mme famille) que l'imagination du pote impose au paysage ("ombres fantastiques"; "doux frou-frou" des toiles). C'est aussi une fantaisie sur le plan de l'criture potique : par sa faon trs libre de respecter les rgles du sonnet, par le rythme capricieux qui chahute l'alexandrin, par son vocabulaire familier, ses images insolites, ses rimes cocasses.

Un sonnet dsinvolte : Rimbaud a choisi pour son pome la forme du sonnet, l'une des plus contraignantes de la posie franaise. Mais il n'en respecte pas toutes les rgles. La composition strophique est rgulire (deux quatrains suivis de deux tercets), mais la tradition veut que les quatrains et les tercets constituent deux blocs en opposition sur le plan du sens. Ici, au contraire, la dernire phrase du second quatrain enjambe sur le premier tercet : une seule phrase du vers 7 au vers 14 (le manuscrit de Rimbaud reproduit dans les Classiques Hachette n100 ne porte pas de point la fin du vers 8; du point de vue du sens, le premier tercet prolonge bien l'ide du second quatrain : le pote coute le bruit soyeux des toiles). De mme, pour les rimes des quatrains, Rimbaud respecte bien l'organisation en rimes embrasses mais il n'observe pas la rgle de versification qui impose un seul jeu de rimes pour les deux quatrains : ici, il y en a deux ([v/al]; [ou/ours]). Enfin, tout sonnet est tendu vers son dernier vers qui, ici, est des plus loufoques.

Rimes insolites et jeux phontiques : Rimbaud donne aussi l'impression de s'amuser beaucoup avec les mots. Par exemple dans la rime "fantastique/ lastique" ou dans la multiplication des rimes en [ou] : trou / frou-frou; course / ourse: gouttes /routes. Le froissement soyeux des toiles est rendu par le triple [ou] de "doux frou-frou". On ne jurerait pas que le bizarre pluriel "des lyres" ne soit pas l pour qu'on comprenne "dlires". Quant au mot "pied" dans "Un pied prs de mon cur", comment faut-il l'interprter. Comme l'organe de la marche ou comme l'unit de mesure du vers ? Et le hiatus de "paletot aussi" Il et t si facile de le supprimer qu'on doit le considrer comme une laideur volontaire.

Le mlange du noble et du familier : Une autre caractristique "fantaisiste" est le mlange de motifs potiques traditionnels, mieux : de vritables clichs romantiques ("Muse, lyre, ciel, toiles, fal, amours splendides") avec un vocabulaire franchement prosaque : culotte, large trou, poches creves, paletot, lastiques, Oh ! L l!". Ce mlange rpond un but parodique. Il s'agit pour Rimbaud d'affirmer son refus de la "vieillerie potique" (comme il dit dans Une saison en enfer), d'ironiser sur lui-mme, d'viter un trop facile pathos. Ce mlange du noble et du familier culmine avec le dernier vers du pome : "de mes souliers blesss, un pied contre mon cur".

Images insolites : Notons pour terminer le got pour les images hardies, celles qui associent des registres diffrents : comparaison des "lastiques" avec des "lyres"; celles qui associent le concret l'abstrait : "grener des rimes"; "paletot idal".

"Ma Bohme" occupe une place part dans les premires posies de Rimbaud. Plac en conclusion du second "Cahier de Douai", il semble destin par l'auteur construire son propre mythe et illustrer son programme potique. L'auteur s'y peint comme un troubadour en guenilles, un pote-vagabond, un "clochard cleste". Il bauche en peu de mots toute une thmatique que l'on retrouve dans l'uvre entire : l'attrait du voyage, la pauvret, la rvolte, l'enfance, le conte, la mre-nature, l'amour, la posie. Il expose une volont de tordre un peu le cou aux vieilles rgles de la posie : il brise le rythme de l'alexandrin (bientt, il n'en voudra plus du tout); il pousse la posie aux limites de la prose (bientt, il ne voudra plus crire que de la prose); il refuse de se prendre trop au srieux, joue avec les mots, parodie, casse les lans lyriques par une pirouette d'autodrision, un trait de langage oral ou un terme familier qui fait couac. C'est un manifeste pour une posie nouvelle et iconoclaste.

La libert du pote se manifeste aussi par le fait quil semble se dissoudre pour ne plus tre quune instance rceptrice, et ne devient plus que le lieu dune sensation : je les coutais , je sentais .

Le cabaret vert

cinq heures du soir

Depuis huit jours, j'avais dchir mes bottines

Aux cailloux des chemins. J'entrais Charleroi.

Au Cabaret-Vert : je demandai des tartines

De beurre et du jambon qui ft moiti froid.

Bienheureux, j'allongeai les jambes sous la table

Verte : je contemplai les sujets trs nafs

De la tapisserie. Et ce fut adorable,

Quand la fille aux ttons normes, aux yeux vifs,

Celle-l, ce n'est pas un baiser qui l'peure !

Rieuse, m'apporta des tartines de beurre,

Du jambon tide, dans un plat colori,

Du jambon rose et blanc parfum d'une gousse

D'ail, et m'emplit la chope immense, avec sa mousse

Que dorait un rayon de soleil arrir.

Ce sonnet dat doctobre 1870 trouve sans doute son inspiration dans un pisode vcu : la fugue qui, lautomne de cette anne-l, conduit le jeune Arthur Rimbaud de Charleville Douai en passant par la Belgique. On pourrait le dfinir comme un pome de route , qui conserve le souvenir dune halte dans une auberge. Il voque un moment de bien-tre o quelques plaisirs simples suffisent donner le sentiment du bonheur.

Un pome de route: On remarque demble la prolifration des indices spatio-temporels : Le pome est dat : octobre 70 . Le texte prcise que lanecdote sest droule huit jours aprs le dpart du voyageur (v1 : Depuis huit jours, javais dchir mes bottines / Aux cailloux des chemins ). Et nous savons que cela se situe en Belgique, plus prcisment lentre de Charleroi (v.2). Rimbaud prcise ds le titre le nom du lieu ( Au Cabaret-Vert ) quil rptera dans le pome au v.3 ; il laccompagne de la mention : cinq heures du soir qui peut dsigner la fois le moment de lvnement et le moment de lcriture. Si lon retient cette deuxime interprtation, le pome apparat ds le titre comme une note de voyage, prise sur le vif, une page dun journal de bord o le voyageur note ses impressions en consignant avec soin le lieu et lheure.

La multiplication de ces rfrences cherche produire sur le lecteur un effet de rel. La posie de Rimbaud se prsente ouvertement ici comme un reflet de sa vie. Le pome est le souvenir dun voyage pied, rellement effectu, dont on nous prcise de faon raliste le moment et le lieu. La prsence de la premire personne renforce encore cet aspect autobiographique. Par ailleurs, le rcit qui nous est fait concorde avec ce que nous savons des fugues effectues par Rimbaud pendant lt et lautomne 1870.

Le style dcriture du pome renforce galement cet effet de ralisme par une recherche vidente de prosasme. Comme pour mieux donner au sonnet une allure de note de voyage griffonne la hte sur un coin de carnet, la versification se prsente passablement dcousue : six enjambements (v.1,3,5,6,12,13) ; trois rejets (v.4,6,13) ; un contre-rejet (v.13) ; alexandrins rendus systmatiquement dissymtriques par des csures lhmistiche peu marques en comparaison avec des coupes secondaires fortes (on peut mme noter un alexandrin boiteux, v.11, dont la rgularit est conditionne par une improbable dirse). Ajoutons cela un trait de syntaxe proche de la langue orale (phrase entre parenthse du vers 9), un vocabulaire courant, voire familier ( ce fut adorable ; celle-l ; ttons normes ). Enfin, le sonnet ne respecte pas la plupart des rgles du genre : les rimes des quatrains sont croises au lieu dtre embrasses, diffrentes dune strophe lautre au lieu dtre semblables, la phrase du deuxime quatrain enjambe sur le premier tercet alors que le point est traditionnel en fin de quatrains.

Rimbaud a donc soulign linspiration autobiographique du texte en utilisant un mode de communication naturel et direct. Ce prosasme dlibr se retrouve dans limage qui nous est donne du bonheur.

Un moment de bien-tre : Tout participe au bien-tre du narrateur : le dcor de l'auberge, la nourriture apptissante, la serveuse aguichante.

La couleur verte fait de ce petit restaurant de Charleroi un cadre reposant. Pour caractriser l'auberge, Rimbaud rpte trois fois l'adjectif de couleur : dans le titre indiquant l'enseigne de l'tablissement "Au cabaret-vert", au vers 3 o ce nom est rpt, au vers 6 o il est mis en valeur par le rejet : Bienheureux, jallongeai les jambes sous la table verte . Car l'aubergiste a eu sans doute le bon got de peindre toutes ses tables dans la couleur verte afin de crer une unit d'atmosphre. Le narrateur apprcie aussi "les sujets trs nafs / de la tapisserie" et le "plat colori" o sa nourriture est servie. On devine qu'il se laisse entraner au plaisir enfantin de prolonger par l'imagination les scnes dessines sur le papier peint et sur la vaisselle de cramique, o ces illustrations taient courantes. Des termes comme "nafs" ou "coloris" voquent les livres d'images de l'enfance. Ce cadre apaisant et distrayant est le premier ingrdient du sentiment de bien-tre dcrit par le pome.

La description de la nourriture exploite les mmes procds d'criture que celle de l'auberge : rptitions, adjectifs (sensations visuelles, olfactives ou tactiles), vocabulaire simple connotation populaire. Le menu est rpt avec gourmandise : les "tartines de beurre" deux fois (v.2-3 et 10), le "jambon" trois fois (v.4, 11 et 12). Il y a dans ce ressassement une sorte de maladresse volontaire, qui donne l'impression que le pote radote de contentement. La description est en outre agrmente de toutes sortes de qualificatifs apptissants : on apporte au jeune homme un jambon "rose et blanc" (v.11), "parfum d'une gousse d'ail" (v.12) et "tide" (v.10) comme il la demand ("qui ft cest un subjonctif de souhait moiti froid"(v.4)). Les rejets mettent parfois ces mets exquis en valeur : "De beurre" au vers 4, "d'ail" au vers 13. Par ailleurs, rien de plus simple, de plus familial, que cette cuisine. Mais pour le jeune homme affam par "huit jours" de marche, ce repas d'auberge est un menu de roi : c'est ce que vient souligner le finale du pome, o un rayon de soleil crpusculaire, pntrant latralement dans l'auberge assombrie, vient transformer en or ("dorait" v.14) la "chope immense" (v.13) remplie de bire et de mousse. Le verbe "dorait" embellit; l'adjectif "immense" agrandit, l'allusion au soleil introduit une sorte d'largissement spatial, que renforce l'enjambement des vers 13-14. Cette fin lyrique transforme la sensualit toute matrialiste du casse-crote en un bonheur presque spirituel. Le vers 5, dj, associait ironiquement l'attitude relche du jeune homme (les jambes allonges sous la table) la batitude des "bienheureux" (v.5), terme d'origine religieuse habituellement rserv aux saints du paradis.

La serveuse enfin, excite la curiosit du narrateur et provoque sa gratitude. Elle entre en scne au second hmistiche du vers 8. La prsence d'un point la csure de ce vers fait de ce second hmistiche une sorte de contre-rejet et met en valeur son contenu. L'adjectif "adorable" annonce avec emphase le plaisir provoqu par l'irruption de la jeune fille, accompagne d'un bouquet de sollicitations sensuelles : ses appts naturels (comme on disait sous Louis XIV), sa joie communicative ("yeux vifs", "rieuse"), son attitude provocante ("Celle-l, ce n'est pas un baiser qui l'peure"), et le plateau bien rempli. Toute la fin du pome n'est qu'une longue phrase mlant attraction sexuelle et dsirs gourmands, sans qu'on puisse dcider ce qu'incarne exactement pour Rimbaud cette bonne fe : la mre tendre et nourricire, interprtation que l'atmosphre enfantine du pome renforcerait plutt, ou la compagne ardemment dsire qui hante tant de pomes du Recueil de Douai.

Le pome propose donc une image toute sensuelle et prosaque du bonheur, mais comme il arrive trs souvent chez Rimbaud, partant des dsirs du corps on accde finalement au rve et l'Idal. Un idal qui se confond avec la nature (le "rayon de soleil"), une image fminine maternelle (les "ttons normes"), la nostalgie d'une enfance heureuse.

Ce pome crit seize ans est dj significatif d'un programme potique qui sera celui d'Arthur Rimbaud. D'abord, ne pas sparer la posie et la vie, faire de sa vie l'objet et l'enjeu de la posie. C'est pourquoi le pome revendique clairement son caractre autobiographique. Et puis rompre avec une posie trop solennelle tout en se moulant dans la forme classique du sonnet. C'est presque de la prose, mais en ralit c'est une faon de faire chanter les mots de tous les jours, les plus crus, les plus nafs. On y voit aussi Rimbaud construire sa propre image. L'image hroco-comique de l'aventurier courant les chemins ("J'entrais Charleroi"), et demandant comme un enfant des "tartines de beurre". Enfin, on y retrouve l'un de ses thmes de prdilection : la qute du bonheur. Une qute d'absolu qui n'est rien d'autre, peut-tre, que la revendication nostalgique d'une enfance qu'il n'a pas eue.

Deux ans plus tard, en mai 1872, dsesprant dj de la posie et du rve, Arthur Rimbaud se souviendra avec nostalgie de l' "auberge verte" :

Ah, songer est indigne

Puisque c'est pure perte!

Et si je redeviens

Le voyageur ancien,

Jamais l'auberge verte

Ne peut bien m'tre ouverte

(In : Comdie de la Soif Le pauvre songe)

Et par contrecoup, en 1873, dans Une saison en enfer, il en viendra condamner cette posie de ses dbuts, la clbration du vagabondage et des petits bonheurs de la route, comme tant mensongre et charge d'illusions : Ah ! cette vie de mon enfance, la grande route par tous les temps, sobre surnaturellement, plus dsintress que le meilleur des mendiants, fier de n'avoir ni pays, ni amis, quelle sottise c'tait. Et je m'en aperois seulement!

Rv pour l'hiver

Lhiver, nous irons dans un petit wagon rose

Avec des coussins bleus.

Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose

Dans chaque coin moelleux.

Tu fermeras l'il, pour ne point voir, par la glace,

Grimacer les ombres des soirs,

Ces monstruosits hargneuses, populace

De dmons noirs et de loups noirs.

Puis tu te sentiras la joue gratigne...

Un petit baiser, comme une folle araigne,

Te courra par le cou...

Et tu me diras: "Cherche!" en inclinant la tte,

Et nous prendrons du temps trouver cette bte

Qui voyage beaucoup...

Rv pour l'hiver est le premier sonnet crit par Rimbaud durant sa fugue en Belgique. On y observe ce qui est rare dans les sonnets, une alternance d'alexandrins et d'hexasyllabes. L'inspiration se rattache, par le futur des verbes, aux rparties de Nina. Ce pome est inspir par une curiosit et un dsir naissant pour les femmes, on y dcouvre une vision des rapports amoureux qui prend l'allure d'un jeu de Colin Maillard, d'une fte teinte d'rotisme. Le minaudage de la jeune fille ne rsiste pas l'enthousiasme, l'audace de notre adolescent.

1. Un rve sentimental :Rimbaud poursuit avec ce pome ce que l'on peut appeler un cycle sentimental commenc avec "Premire soire" et poursuivi par "Roman". Ces rves s'appuient sur des expriences probables avec des serveuses de restaurant que l'on retrouve dans "au cabaret vert" ou dans "La Maline". Avec "Premire soire" la jeune fille est "fort dshabille", avec "Roman" c'est une "demoiselle aux petits airs charmants", ce sont deux personnages idaliss qui font frissonner le cur de notre adolescent comme jadis Timothina Labinette dans "Un cur sous la soutane". Le titre "Rv pour l'hiver" comporte un verbe au pass, "Rv" et une saison, l'hiver qui approche et qui en soit constitue une nigme supplmentaire dans le pome. Le pome est dat et plus encore localis "en wagon du 7 octobre 1870". La date correspond sa seconde fugue aprs la premire du 29 aot Paris qui se termina en prison pour avoir voyag en train sans billet. Rimbaud quitte la maison des tantes d'Izambard qui l'avaient recueilli et ou pendant le mois de septembre il recopiait ses pomes. Il s'ennuie, la rentre scolaire n'a pas lieu en raison de la guerre aux portes de Charleville. Il s'agit bien d'un rve sentimental car la seconde fuite vers la Belgique se fait sans train cette fois, travers champs. Le pome a une ddicace A***Elle , avec des toiles pour masquer le nom, toiles apparues dans "Un cur sous la soutane". Les baisers et la couleur rose font leur retour. trange dbut pour un rve que de commencer par un verbe au futur, "L'hiver nous irons". Tout diffre de la ralit qui est ici embellie, le wagon est de couleur rose et les sige en bois d'ordinaire sont ici recouverts de coussins bleus, ajoutant une note de confort au plaisir de se retrouver seuls, "nous serons bien". Ce wagon semble tre un lieu d'aventures amoureuses passes, chaque coin on en retrouve la trace sous la forme de nids de baisers. On remarquera la similitude entre baiser et becque et entre le coin du wagon et le nid des oiseaux, lieux des amours. Rimbaud semble ressentir un bien tre indniable, un rel bonheur en compagnie de cette demoiselle.

II-La comdie de l'amour : Le jeu de l'amour et du dsir commence par une mise en scne. Dans "Premire soire" ou "Roman", les rapports amoureux se limitaient un change de regards troubls de cur polissons. Ici "Tu fermeras l'il" qui commence le second quatrain est une invitation ne pas en rester l, mais reconstruire les corps, les deviner, les imaginer au lieu de les observer, les magnifier pour en retirer le plus de plaisir. Le rapport amoureux est bas sur la confiance, il faut chasser toute peur. Regarder le paysage nocturne, c'est courir le risque de faire revenir dans son imaginaire les vieilles lgendes populaires de monstres. On a peur de la nuit car on ne discerne pas les choses qui nous environnent et tout devient suspect. Notre jeune pote s'est affranchi de cette peur depuis longtemps, en bohmien, il aime dormir la belle toile. En gardant les yeux ouverts, la demoiselle risque d'apercevoir par la vitre des monstres noirs, ou des animaux effrayants de la mme couleur qui se confondent avec le paysage nocturne. Cette comdie de l'amour impose la plus grande srnit.

III L'loge de la sensualit et de l'rotisme : "Sensation", "Roman", "La maline" et ce pome font tous l'loge d'une sensation ou d'une situation, ce sont des pomes euphoriques dcrivant un bonheur joyeux, l'union de deux mes ou de deux corps. L'isolement d'un wagon dans la nuit est parfois le prtexte des rapprochements heureux, l'veil de la sensualit. Tout le monde connat le jeu "Colin Maillard" consistant pour un joueur les yeux bands rechercher les autres et le reconnatre, ttons, le dbut du jeu commence aussi par "cherche". Il s'agit dans l'isolement de ce wagon de retrouver une araigne imaginaire qui courait sur le cou de la demoiselle et qui a du se dissimuler sous les vtements. L'inclinaison de la tte est un geste d'appel bien connu que l'on fait pour inviter quelqu'un se rapprocher. On s'imagine que ce jeu polisson devra tre effectu en ttonnant ou en dshabillant la partenaire. On fera durer le jeu le plus longtemps possible car cette araigne imaginaire voyage beaucoup. C'est un pome plein de vigueur, d'audace, de libert juvnile que rien ne doit troubler.

Pour les habitus de Rimbaud, la lecture de ce pome plein d'enthousiasme pour l'veil sentimental d'un adolescent peut surprendre. Mais c'est un rve pour l'hiver, la saison froide et rien ne saurait refroidir les ardeurs des partenaires. Ce sont les premiers pomes de Rimbaud qui ont t crits avant sa troisime fugue pour Paris, partir de laquelle, il connatra des mutations profondes. N'a-t-il pas demand Demeny le 10 juin 1871, de brler tous ces vers qu'il fut assez sot d'crire. Demeny a bien fait de ne pas les brler, ce qui nous permet aujourd'hui d'apprcier son incroyable prcocit potique.

Posie de la colre et de dcouverte du monde.

Elle fonde sur la dnonciation virulente et provocante des petitesses, des impostures ou des ignominies de la socit environnante et de l'histoire contemporaine.

la musique

Place de la Gare, Charleville.

Sur la place taille en mesquines pelouses,

Square o tout est correct, les arbres et les fleurs,

Tous les bourgeois poussifs qu'tranglent les chaleurs

Portent, les jeudis soirs, leurs btises jalouses.

L'orchestre militaire, au milieu du jardin,

Balance ses schakos dans la Valse des fifres :

Autour, aux premiers rangs, parade le gandin ;

Le notaire pend ses breloques chiffres.

Des rentiers lorgnons soulignent tous les couacs :

Les gros bureaux bouffis tranent leurs grosses dames

Auprs desquelles vont, officieux cornacs,

Celles dont les volants ont des airs de rclames ;

Sur les bancs verts, des clubs d'piciers retraits

Qui tisonnent le sable avec leur canne pomme,

Fort srieusement discutent les traits,

Puis prisent en argent, et reprennent : "En somme !..."

patant sur son banc les rondeurs de ses reins,

Un bourgeois boutons clairs, bedaine flamande,

Savoure son onnaing d'o le tabac par brins

Dborde vous savez, c'est de la contrebande ;

Le long des gazons verts ricanent les voyous ;

Et, rendus amoureux par le chant des trombones,

Trs nafs, et fumant des roses, les pioupious

Caressent les bbs pour enjler les bonnes...

Moi, je suis, dbraill comme un tudiant,

Sous les marronniers verts les alertes fillettes :

Elles le savent bien ; et tournent en riant,

Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrtes.

Je ne dis pas un mot : je regarde toujours

La chair de leurs cous blancs brods de mches folles :

Je suis, sous le corsage et les frles atours,

Le dos divin aprs la courbe des paules.

J'ai bientt dnich la bottine, le bas...

Je reconstruis les corps, brl de belles fivres.

Elles me trouvent drle et se parlent tout bas...

Et je sens les baisers qui me viennent aux lvres...

En 1870, alors que le mouvement potique parnassien est son apoge, Arthur Rimbaud, jeune pote de seize ans, imprgn dauteurs anciens et aimant la posie contemporaine, crit dans son recueil de Douai, la musique . Dans ce pome, compos la veille de la guerre franco-prussienne, lauteur sinspire dun concert militaire donn la place de la gare Charleville, sa ville natale, pour dcrire la bourgeoisie de son poque.

Rimbaud dcrit un monde triqu, frocement caricatur et de sa description satirique, merge sa personnalit avec une sensualit rebelle et salvatrice. Il serait ainsi intressant de dgager les principales caractristiques mises en avant par le narrateur, et les procds stylistiques quil utilise pour donner la caricature originalit et mordant.

Le pome oppose deux groupes humains : les bourgeois de Charleville et les jeunes. Rimbaud fait une caricature satirique du conformisme bourgeois.

Les strophes 1 5 mettent en scne des notables : des bourgeois poussifs. Le prsent est utilis et concide avec lnonciation : Rimbaud ralise ainsi une srie de croquis, rapides, prcis et pris sur le vif. Il dcrit lembonpoint des bourgeois : leur corpulence traduit ici leur position dominante dans la socit. Ils sont ainsi poussifs , gros , grosses , bouffis . Leur description anatomique exprime la grosseur : bedaines , rondeurs des reins . Les allitrations en B (vers 18), en R (vers 17) donnent une ide de lourdeur galement. Les deux sries de consonnes donnent un aspect ludique et relvent de la caricature amuse ; mme le tabac de la pipe, trop abondant, dborde (vers 20 avec rejet). Les bourgeois sont lourds et tranent (vers 10), sont sur des bancs (vers13 et 17) : ce sont des assis. De plus, ils sont prisonniers des conventions : la conversation est celle du caf du commerce (v.15 et 16).

Le mal

Tandis que les crachats rouges de la mitraille

Sifflent tout le jour par l'infini du ciel bleu ;

Qu'carlates ou verts, prs du Roi qui les raille,

Croulent les bataillons en masse dans le feu ;

Tandis qu'une folie pouvantable broie

Et fait de cent milliers d'hommes un tas fumant ;

- Pauvres morts ! dans l't, dans l'herbe, dans ta joie,

Nature ! toi qui fis ces hommes saintement !

Il est un Dieu qui rit aux nappes damasses

Des autels, l'encens, aux grands calices d'or ;

Qui dans le bercement des hosannah s'endort,

Et se rveille, quand des mres, ramasses

Dans l'angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir,

Lui donnent un gros sou li dans leur mouchoir

Ce pome de l'uvre Posie crit en 1870, la fin du second empire pendant la bataille de Sedum. Le titre de l'uvre voque l'appartenance au genre littraire de la posie et c'est galement un titre subjectif avec une connotation ngative et une connotation religieuse qui peut amener une dmarche philosophique. C'est un sonnet compos de 2 quatrains et de 2 tercets, ce pome est donc construit en 2 tapes : la guerre puis ensuite la religion, Rimbaud fait une remise en cause de ces 2 lments.

On peut se demander comment Rimbaud exprime sont engagement dans ce pome?

I. 2 peintures contrastes

A. Les points communs

Prsence d'tres puissants : un roi et un dieu

Prsence galement du rire raille et rit

Et aussi prsence de victimes : le bataillon et les mres ramasses : Il y a une opposition entre les tres puissants et les victimes : les tres puissant se moquent des victimes

Prsence des sens : la vue : champ lexical des couleurs, l'oue : allitration siffle tout le jour par l'infini , prs du roi qui les raille, croulent les bataillons , bercement des hosannah s'endort , l'odorat : l'encens , tas fumants .

Le lecteur vit donc les scnes, ce sont 2 scnes en opposition

B. Une peinture violente

Proche de l'criture de Victor Hugo : pope avec le champ lexical de la guerre avec une amplification qui fait comme un arrt sur image.

Allitration : prs du roi qui les raille, croulent les bataillons accentue la violence dans l'criture

Image de l'enfer, de fin du monde

C. Une peinture douce et intimiste

Champ lexical de l'glise

Prsence de la douceur dans les actions : s'endort , bercement

Allitration : bercement des hosannah s'endort fait entendre les prires = la douceur.

nappes damasses , calices d'or s'oppose un sous , un mouchoir

Grce cette peinture en opposition, Rimbaud arrive dfendre ses ides.

II La dnonciation

A. L'motion implicite

Tout au long du pome, on sent que Rimbaud est mu, il pleure avec les mres: prsence du registre pathtique et de l'angoisse : pleurantes souligne l'motion.

B. La colre de Rimbaud

Rimbaud prouve de la colre envers le roi : on peut envisager une remise en cause de Napolon III suite la guerre franco prussienne, il condamne donc l'autorit politique

Rimbaud fait galement une dnonciation de Dieu, le dieu et rabaisser: personnification.

Rimbaud condamne l'autorit politique et religieuse.

C. L'loge de la nature

La nature est voqu sous forme de prire = lyrisme.

Rimbaud s'inscrit donc dans l'criture engage, il se sert de l'criture comme une arme de dnonciation mais on reste dans une criture potique donc il y a une recherche esthtique dans l'criture. Rimbaud dnonce donc l'autorit politique et religieuse et valorise la nature, comme il l'a fait pour le dormeur du val o il valorise la nature et dnonce la guerre.

Posie de la voyance et de l'exprience du renouveau potique

Elle est fonde sur la volont de fixer travers un langage nouveau des images nouvelles, induisant la conscience que posie et absolu doivent devenir synonymes; cette posie nat moins de l'exprience personnelle du pote et de la spontanit de son criture que de ses rflexions actives de crateur soucieux de concevoir une uvre nouvelle, rvolutionnaire.

Le bateau ivre

Comme je descendais des Fleuves impassibles,

Je ne me sentis plus guid par les haleurs :

Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,

Les ayant clous nus aux poteaux de couleurs.

J'tais insoucieux de tous les quipages,

Porteur de bls flamands ou de cotons anglais.

Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,

Les Fleuves m'ont laiss descendre o je voulais.

Dans les clapotements furieux des mares,

Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,

Je courus ! Et les Pninsules dmarres

N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempte a bni mes veils maritimes.

Plus lger qu'un bouchon j'ai dans sur les flots

Qu'on appelle rouleurs ternels de victimes,

Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !

Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sres,

L'eau verte pntra ma coque de sapin

Et des taches de vins bleus et des vomissures

Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et ds lors, je me suis baign dans le Pome

De la Mer, infus d'astres, et lactescent,

Dvorant les azurs verts ; o, flottaison blme

Et ravie, un noy pensif parfois descend ;

O, teignant tout coup les bleuits, dlires

Et rhythmes lents sous les rutilements du jour,

Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,

Fermentent les rousseurs amres de l'amour !

Je sais les cieux crevant en clairs, et les trombes

Et les ressacs et les courants : je sais le soir,

L'Aube exalte ainsi qu'un peuple de colombes,

Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !

J'ai vu le soleil bas, tach d'horreurs mystiques,

Illuminant de longs figements violets,

Pareils des acteurs de drames trs antiques

Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J'ai rv la nuit verte aux neiges blouies,

Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,

La circulation des sves inoues,

Et l'veil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries

Hystriques, la houle l'assaut des rcifs,

Sans songer que les pieds lumineux des Maries

Pussent forcer le mufle aux Ocans poussifs !

J'ai heurt, savez-vous, d'incroyables Florides

Mlant aux fleurs des yeux de panthres peaux

D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides

Sous l'horizon des mers, de glauques troupeaux !

J'ai vu fermenter les marais normes, nasses

O pourrit dans les joncs tout un Lviathan !

Des croulements d'eaux au milieu des bonaces,

Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !

chouages hideux au fond des golfes bruns

O les serpents gants dvors des punaises

Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades

Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.

- Des cumes de fleurs ont berc mes drades

Et d'ineffables vents m'ont ail par instants.

Parfois, martyr lass des ples et des zones,

La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux

Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes

Et je restais, ainsi qu'une femme genoux...

Presque le, ballottant sur mes bords les querelles

Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.

Et je voguais, lorsqu' travers mes liens frles

Des noys descendaient dormir, reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,

Jet par l'ouragan dans l'ther sans oiseau,

Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses

N'auraient pas repch la carcasse ivre d'eau ;

Libre, fumant, mont de brumes violettes,

Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur

Qui porte, confiture exquise aux bons potes,

Des lichens de soleil et des morves d'azur ;

Qui courais, tach de lunules lectriques,

Planche folle, escort des hippocampes noirs,

Quand les juillets faisaient crouler coups de triques

Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre cinquante lieues

Le rut des Bhmots et les Maelstroms pais,

Fileur ternel des immobilits bleues,

Je regrette l'Europe aux anciens parapets !

J'ai vu des archipels sidraux ! et des les

Dont les cieux dlirants sont ouverts au vogueur :

- Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,

Million d'oiseaux d'or, future Vigueur ?

Mais, vrai, j'ai trop pleur ! Les Aubes sont navrantes.

Toute lune est atroce et tout soleil amer :

L'cre amour m'a gonfl de torpeurs enivrantes.

que ma quille clate ! que j'aille la mer !

Si je dsire une eau d'Europe, c'est la flache

Noire et froide o vers le crpuscule embaum

Un enfant accroupi plein de tristesse, lche

Un bateau frle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baign de vos langueurs, lames,

Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,

Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,

Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

Rimbaud rejoint en septembre 1871, Verlaine Paris avec ce long pome, le "Bateau ivre", qu'il va rciter au cnacle parnassien. L'accueil est enthousiaste! Pourtant, crira Louis Aragon, admirer le Bateau ivre est un signe de vulgarit de l'esprit... . Sans partager ce propos, on peut admettre que le succs mme de Rimbaud auprs des Parnassiens rend le pome souponnable de n'tre encore qu'un texte d'apprentissage, le dernier et le plus magistral, plus qu'un texte vraiment rvolutionnaire.

Le dpart du navire (quatrains 1 et 2)

L'obscurit du pome, s'claire si l'on mne de front deux lectures, le rcit d'un voyage maritime, d'une odysse, que raconte, le bateau lui-mme, et celui d'une exprience, d'une qute potique. Le "je" dsignant tant le bateau que Rimbaud. Le voyage est une longue mtaphore, en 25 quatrains d'alexandrins rimes croises, de l'entreprise rimbaldienne. "Bateau ivre" est la fois l'odysse d'un bateau et d'un pote adolescent la drive! On y trouve des superpositions, des surimpressions, entre une dramatique "maritime" et les exploits, les preuves, les checs de l'adolescent entr en posie ! Toutes les expriences du bateau ivre sont celles de Rimbaud. Par un jeu constant de mtaphores entre pote et bateau, on assiste la premire sparation, pour le navire l'loignement des "haleurs" qui reprsentent les liens, les guides et pour le pote les traditions, les entraves, les conventions. Les "Fleuves impassibles" reprsentent cette socit immobile, trangre ses lans potiques. La violence de la sparation rendue par l'image du massacre des haleurs est ici renforce par les "i" rouges que le sonnet des "Voyelles" associait de brutales ivresses.

Les alexandrins amples, sans pauses fortes rendent compte de l'impatience du pote pour sa nouvelle aventure loin de la socit commerciale, source de toutes les alinations de l'individu. "Les fleuves m'ont laiss descendre o je voulais" traduit sa rbellion d'adolescent, son dsir dautonomie, mais l'ambigut du verbe "descendre" que l'on pourrait croire au fil de l'eau deviendra une descente en enfer.

Le contact avec la mer (quatrains 3 et 4)

Le "Moi" qui clate l'attaque du vers affirme le dynamisme et l'nergie du pote dans son projet. Au givre immobile de lhiver qui engourdit et traduit l'enfance idiote qui s'isole dans son propre monde, succde les hardiesses et les temptes de l'adolescence. Le pote-navire quitte le monde, les "pninsules dmarres". Au fleuve paisible succde un univers marin agit, chaotique que rsume le terme "tohu-bohu". Le contact avec l'ocan est une danse mtaphorise, une euphorie, de libert retrouve, une dlivrance que l'on retrouvera dans le pome "Phrases", "J'ai tendu des cordes de clocher clocher... et je danse". Cette euphorie devient indiffrence, insouciance du bateau fugueur face aux gouffres marins, "rouleurs ternels de victimes", mpris des dangers, des signaux d'alarme "l'il niais des falots".

L'euphorie marine (quatrains 5 et 6)

Mer et ciel se confondent dans une constellation de mots, de nologismes et une galaxie de strophes. La phase d'initiation est termine et lui succde une grande jouissance, un apptit longtemps contenu. Comme "Ophlie", il s'abandonne "ravi" aux courants marins et tourn vers le ciel dvore les "azurs verts. Totalement immerg dans la mer, possd par elle au point de ne plus tre qu'une "flottaison blme", il s'abandonne l'immensit qu'il souhaite parcourir, oublie son corps pour devenir pense et ne faire qu'un avec l'objet de son dsir.

L'exprience du voyant (quatrains 7 et 8)

"J'ai vu quelques fois ce que l'homme a cru voir" rsume lui seul le but de son entreprise, il a dsormais une vision de son projet que lui procure cet tat extatique, dans ce "rutilements" de couleurs, ces "bleuits", nologisme des "Premires communions", musical en soit. Ici l'univers est somptueux et harmonique cres par le jeu d'assonances en "ou", "an/en", "i". La majest du rythme, ample et lent, est port par le flux des allitrations en "r", "l", "m". Plus besoin dsormais d'artifices, ces "paradis artificiels "de l'alcool pour communier avec le monde, et clbrer la grande "fermentation" de "l'amour", avec les "rousseurs" de la mer, illumine par le soleil. Errance spatiale, vagabondage potique, identification du monde la posie, langage au gr du mouvement, des remous. Dbute ensuite une srie de plusieurs quatrains qui constituent le rcit proprement dit de l'exprience du" Bateau ivre". Tous sont introduits par des attaques trs fortes, "Je sais", "J'ai vu", "J'ai rv", et confirme la prise de possession sensorielle ou mentale par le moi du pote, tout au long de cette odysse prilleuse mais blouissante. Les effets de vagues sont amplifis par la syntaxe et la mtrique : "les cieux, et les trombes/Et les ressacs et les courants" sont autant d'lments surdimensionns et angoissants. Un moment de grce avec "'Aube" ce premier moment de la journe empreinte de virginit, de puret qui est Rimbaud ce que le crpuscule est Baudelaire. "J'ai vu", rpt au vers suivant affirme la certitude de ses visions. "Je sais" lui aussi redoubl, lgitime son voyage. La vraie vie n'est pas ici comme le prtend Verlaine mais bien "ailleurs", dans la vrit absolue des dlires de l'imaginaire, dans cet autre monde recr par alchimie verbale, fait de "neiges blouies", de "sves inoues".

Visions et hallucinations (quatrains 9 17)

Le pome se met charrier des visions indites, les unes belles et exaltantes, les autres dangereuses et terrifiantes, le feu, la glace, le mtal, la pierre, les animaux et vgtaux, une multiplicit d'objets, de nuances et de sensations, objets de la qute infinie du vogueur . Ces images, ces visions numres sans transition provoquent des sensations par la sonorit des mots qui les expriment. Florilge htroclite connotation dramatiques, nature grandiose, forces paniques, adjectifs hyperboliques "blouies", "inoues" traduisent ici le dlire et l'effarement du "voyant". Paysages exotiques, d'un surralisme onirique, mlant les rgnes, les hommes et les btes, en d'audacieux raccourcis syntaxiques, magie des mots invents, crant une nouvelle langue potique, comme ces "drades", sortie de rade. Mais la qute ne va pas sans risques et prils, l'extase n'est acquise qu'au prix du martyre, et la mer semble se faire tantt sirne tantt pieuvre. La mtamorphose est saisissante, de l'errance jubilatoire du pote-bateau l'tre ballott, assourdi par les oiseaux "criards" et dsormais prt sombrer dans la mort.

Le doute et le regret (quatrains 18 21)

Le dsenchantement emporte dsormais, en vagues successives, le pote-navire, jusqu'au reniement de sa rvolte, jusqu'au retour souhait, et dsabus, dans l'univers familier, la "flache" des Ardennes de son enfance. Le prsent amer "je regrette" se substitue aux imparfaits frntiques de l'pope passe. Le "Moi" en anaphore aggrave un bilan dsespr de l'aventure qui oscille entre les images somptueuses et visions sinistres. Le pote se retrouve aussi seul qu'au dpart, au ban de la socit que matrialisent les "Monitors" (garde-ctes) et des "voiliers des Hanses" (ligues commerciales riches). Il a peur, croit entendre le "rut des Bhmots" (monstres marins), et voir des "Maelstroms pais" (tourbillons). Il est temps de revenir l'abri derrire les "anciens parapets".

Un voyage dprimant (quatrains 22 et 23)

La libert laquelle aspire Rimbaud semble se heurter des obstacles paralysants. Malgr sa jubilation de voyant, ses visions d'archipels sidraux ou mer et ciel se confondent, le monde qu'il a entrevu et qu'il a cru pouvoir conqurir, ne lui laisse que de l'amertume. Si la folie guette le voyant, comme les visions "effaraient" nagure "l'il bleu" d'Ophlie, c'est que la voyance n'est rien d'autre qu'un excs, une normit du Moi, transgression, subversion, fuite et fugue encore. Beaucoup de pomes de Rimbaud sont autant de rcits d'checs malgr l'tonnante nergie du crateur. La "nuit sans fond" finira bien un jour par "s'illuminer" et le navire rentrera humili, mais enrichi nanmoins de certitudes dans son naufrage. Le dsir de la "future Vigueur" n'en est pas moins suivi d'un dsir de nant, d'anantissement, de suicide. L'humiliation et l'amertume emportent dans la drision ce qui a t vu et chant : l'aube, la lune et le soleil. Le constat est sans appel, martel par l'allitration, en t, martle la triple affirmation. Dbord par ses passions "l'cre amour", dsenchant par les "rousseurs amres", dpass par son ivresse, le pote aspirer au suicide. Ce vu, redoubl, avec en exergue "o" maintient l'assimilation du pote au navire, suicide qui ferait peut-tre de lui un de ces "noys pensifs" nagure rencontrs.

Une leon positive (quatrains 24 et 25)

Une rduction s'opre dans ses dsirs et ses aspirations, feu des mers lointaines, exotiques prfres par une petite mare, la "flache" dans laquelle des enfants jouent avec un peu d'imagination. La maturit et la plnitude rves s'effacent devant le retour des images pleines de la nostalgie de l'enfance qu'on avait cru pouvoir quitter par la seule magie des mots. Le contre-rejet "lche", double sens, rsume lui tout seul la profondeur de la dception. Les mots ont "lch" Rimbaud, son alchimie n'a pas donn l'or espr, le monde qu'il voulait construire est encore illusion. L'entreprise, aussi phmre qu'un papillon de mai condamne-t-elle le "bateau ivre" un retour au port, au quotidien dtest ? "Je ne puis plus" apporte la rponse ngative. Malgr l'chec du voyage, il ne veut plus tre rcupr par ses anciennes habitudes, par la socit mercantile des "porteurs de coton".

Tout le dernier quatrain scande une srie de refus, celle des traditions, le " sillage", celle des honneurs "drapeaux et flammes", glorioles drisoires, celle des contraintes, les "horribles pontons". Il y a une leon positive cette exprience, mme si les mots ne suffisent pas changer le monde et la vie, mme si l'on peut se perdre dans les mots comme on se noie dans l'ocan, ce contact avec "l'envers" du monde est une exprience enrichissante. Toute soumission un endroit ne peut se comprendre et s'admettre qu'en connaissant l'envers. C'est avec cette connaissance que se prendra un nouveau dpart vers le ncessaire "ailleurs" toujours conqurir.

Avec sa structure narrative conventionnelle, son symbolisme sommaire, sa mtrique sage, son mlange de facilits et d'audaces tapageuses, le "Bateau ivre" est sans doute l'ultime exercice de style de celui qui nat la voyance mais ne peut rsister la tentation d'essayer, une dernire fois, les vertus miraculeuses du langage. Labourant avec une ardeur sans pareille les champs linguistiques et smantiques, le pote y prend le risque de maquiller ses tourments et esprances dans une fort de mots et d'images o il finit par se perdre aprs avoir cru s'y purifier.

L'importance du "Bateau ivre" dans la carrire de Rimbaud tient prcisment la prise de conscience et la formulation de cet chec. chec prouv, racont et d'une certaine manire surmont par le pome lui-mme. Rimbaud sait bien qu'on ne change pas sa vie avec des mots mais il sait aussi que ses checs lui donnent la "Vigueur" dont il a besoin pour un nouveau dpart. Le "Voyage" tait pour Baudelaire un testament, le "Bateau ivre" est pour Rimbaud un passeport vers la voyance.

travers ces trois grands thmes s'est constitue une criture qui volue avec une trs grande rapidit: l'criture, vecteur des motions de l'adolescent devant le monde, cesse d'noncer celui-ci pour mieux se constituer en aventure du langage.

Voyelles

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,

Je dirai quelque jour vos naissances latentes :

A, noir corset velu des mouches clatantes

Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombre ; E, candeur des vapeurs et des tentes,

Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;

I, pourpres, sang crach, rire des lvres belles

Dans la colre ou les ivresses pnitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,

Paix des ptis sems d'animaux, paix des rides

Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprme Clairon plein des strideurs tranges,

Silence traverss des Mondes et des Anges :

- O l'Omga, rayon violet de Ses Yeux !

Ce pome est une de ses premires expriences potiques. Dans ce pome, il fait une analogie entre les voyelles et les couleurs. Dans ce texte, il semble vouloir ordonner le monde autour de lui. Il utilise donc deux systmes : les voyelles (ou plus largement les lettres) et les couleurs.

Dans cette optique dordre, Rimbaud utilise les lettres car celles-ci peuvent dfinir toute chose. De plus, lalphabet constitue une srie finie : il contient un dbut et une fin. La plus clbre spculation sur la perfection de lalphabet est elle de Saint-Jean Dieu : Je suis lAlpha et lOmga, le Principe et la Fin . Rimbaud, qui passe de lalphabet grec lalphabet latin a du se souvenir de cette citation. En plus de la finitude de lalphabet, on observe un autre lment mettant en valeur lordre : on va obligatoirement de lalpha lomga. Celui qui dit le monde laide du systme des cinq voyelles, organise donc le chaos des choses, en les enfermant dans un enclos bien limit et en les distribuant dans une succession srielle.

Cette organisation est cependant assez faible ; aussi le pote a-t-il hte de doubler le systme dun autre principe structurant, celui des couleurs. Ici, Rimbaud ne cherche pas la complication : les couleurs ne servent pas diviser en sous-catgories les cinq classes obtenues partir des voyelles : il introduit dans le premier systme, assez simpliste, une structure dun ordre plus lev. En effet, en commenant son numration de couleurs par une opposition entre le noir et le blanc, il cre une dialectique comme le montre lopposition entre le rouge et le vert, dont le caractre antinomique se reflte dans les choses quelles reprsentent : dun cot la violence du sang crach, du rire, de la colre et de livresse, de lautre la paix active des cycles, des mers, des ptis et des fronts studieux.

Nous avons donc vu que Rimbaud se sert de deux systmes pour dire et structurer le monde. Les deux systmes sont parallles en ce sens que A est la premire lettre de lalphabet, tandis que le noir est facilement conu comme une origine.

Voyelles est de loin le plus clbre des pomes de Rimbaud. Il est vrai que ce pome de Rimbaud partage avec les "Correspondances" de Baudelaire le privilge d'tre l'un des textes le plus souvent soumis la rflexion. Tous deux ont cherch dcouvrir au-del des apparences le sens profond du mystre universel. Rdig dans les semaines qui suivent les "Lettres du voyant", recopi par Verlaine et reproduit dans ses Potes maudits, le fameux sonnet se prte videment de nombreuses interrogations.

L'alpha et l'omga

Le premier vers fixe les perceptions chromatiques des 5 voyelles de l'alphabet franais, A,E,I,O,U, numres ici dans le dsordre avec inversion entre le U et le O. Le O final de la srie lui fait voquer l'omga, la lettre ultime de l'alphabet grec. De la premire lettre A (alpha), la dernire O (Omga) le systme est complet, parfait.

Les voyelles sont en majuscules, la construction parataxique (sans lien) avec le mot "voyelles", dtach comme une sorte d'incantation. La syntaxe du pome se compose de quatre distiques (groupe de vers, de mme sens) dans l'ordre des voyelles ralise par l'artifice de l'enjambement des golfes d'ombre. La dernire apostrophe, comme solennelle "- O l'Omga rayon violet de Ses Yeux , isole par le tiret, est le point d'orgue confirmant la vision du voyant . Les tournures principales, qui contiennent les images associes aux lettres, sont nominales, en substantifs comprhensifs corset , golfes . On va toujours, d'un mouvement ascensionnel rgulier, de la lettre au mot, puis du mot la phrase qu'est le vers, puis au tissu de mots qu'est le pome. Ainsi est suggr le pouvoir du Verbe potique. Que le A soit noir ou bleu importe peu finalement; on joue avec les lettres pour figurer les diversits. Le texte offre une lecture plurielle, les mots veillent des images bien plus encore qu'ils n'en voquent et c'est un monde nouveau que l'on veut mettre en mouvement. Les naissances latentes sont celles des pomes venir, en devenir dans les mots, images fulgurantes, illuminations verbales se succdent dans un mouvement continu comme un prlude. Le pome constitu d'une seule phrase rebondit sur les lettres, sur les mots et contribue peu peu donner l'impression d'assister sa gense travers les images qu'il veille plus qu'il n'voque.

Correspondances

Le premier systme de structuration du monde, pour le pote est celui des mots, dont un des lments, les voyelles en sont les quintessences. Mais un second systme vient doubler le premier, celui des couleurs. Aux cinq voyelles Rimbaud fait correspondre cinq couleurs, selon un choix qu'il indiquera plus tard gratuit ou arbitraire. Il invente la couleur des voyelles sans logique. Certains ont soulign un ordre : d'abord le contraste noir/blanc puis les trois couleurs du spectre, rouge/vert/bleu . Le dernier vers indique aussi le violet situ l'extrmit du spectre. Le noir, qui commence la srie se conoit comme une origine, symbolise du nant, des tnbres d'o va surgir la lumire, le blanc qui les contient toutes. Mais tout le problme de Voyelles n'est pas de savoir pourquoi A est noir plutt que bleu, il est d'admettre que A est un objet avec lequel on peut jouer, un signe auquel on peut donner diverses interprtations dans une sorte d'alchimie du langage. tonnante modernit que l'entreprise rimbaldienne qui tient la volont de considrer les lettres, les mots, comme de simples objets graphiques ou sonores qui ont un sens en soi mais qui peuvent en veiller une multitude d'autres. Rimbaud cherche crer avec son alphabet color, un verbe potique accessible, une fconde polysmie (un mot qui veille plusieurs sens).

Les tapes de l'alchimie rimbaldienne.

Pour Rimbaud la posie n'est pas une simple dmarche intellectuelle, mais elle est lie la vie. Elle n'en est pas le reflet mais la force, le principe mme. Le rle du Voyant est donc d'impliquer son existence dans cette recherche, de s'infliger les souffrances ncessaires pour arriver l'inconnu. Son entreprise commence avec le A des ralits obscures puis l'avance vers l'innocence, la puret incarne par la lettre E, comme avance le golfe sur la terre ou sur le vers suivant. C'est l'tape de l'abri sous les tentes. Puis c'est le I de l'closion finale, clos des lvres . Une pause avec le U lui dvoile des paysages ou paissent des cratures hallucinatoires. Enfin pour achever le cycle, la dlivrance du clairon qui dcharge ses visions, ses blouissements. Le pote a ainsi effleur les Anges symbole de perfection, et sa posie devient le rayon de Ses Yeux . Alliant sonorits et couleurs, Voyelles incarne le vu du dgagement rv des sens dans la recration d'un monde. Ainsi rinvente-t-il un alphabet conjuguant les sens et qui poussera en avant la posie.

Associations et synesthsies

Voyelles est le premier pome rimbaldien mettre en avant l'association comme principe d'criture. Chaque lettre veille de multiples images, d'impressions visuelles, sonores, olfactives. Chaque voyelle est illustre d'un ou plusieurs tableaux qui sont autant d'hallucinations, d'illuminations. Il y en a treize (comme les aptres) dans une sorte de kalidoscope mettant contribution tous les sens. Il y a fusion des vocations de couleurs, d'odeurs, de sons, de mouvements, avec une prfrence des formes et des sons. A prononc est un cri d'horreur qui renvoie aux noirceurs, aux puanteurs mais la forme de la voyelle rappelle l'abdomen d'une mouche. Ces associations rimbaldiennes rappellent les fameuses synesthsies baudelairiennes, comparaisons de la fracheur des parfums celle des chairs d'enfants, de la douceur des hautbois celle du vert des prairies. Beaucoup ont cherch un sens, ces tranges associations. E blanc, le fminin, l'innocence, la puret est associe vapeur , glacier , ombelles , I rouge, de l'ivresse, de la folie, du sang rouge qui monte la tte est associ sang , rire , ivresse , U , vert des valles par la forme est associ cycle , paix , animaux , rides , et O bleu par analogie de son avec l'eau est associ clairon , silence , anges . Si on examine la forme de la voyelle, et si on peut trouver dans la majuscule A le dessin de la mouche, triangle form par l'insecte, ailes replies, il est bien difficile de dcouvrir une correspondance sonore entre la prononciation du "a" et la perception de la couleur noir . Rien de trs probant dans la dmonstration. Par association d'ides on pourra trouver des analogies avec les grands fronts studieux et la forme en U des rides, creuses par la rflexion. On retrouve le mme procd de sorcellerie vocatoire chez Baudelaire dans la recherche de la vrit par le dchiffrement du mystre, la sublimation du plomb en or. Le dernier tercet est sur ce point rvlateur. La forme du O peut symboliser le pavillon du Clairon , qui doit annoncer le silence de la fin des temps, l'apocalypse, en strideurs tranges . Les silences que Rimbaud prtendait crire sont ceux du tiret, de l'indicible, de l'ineffable. L'extase de l'apostrophe O, peut symboliser la russite de l'alchimie du violet fusion des ivresses du I rouge et des strideurs du O bleu. Il reste s'interroger sur l'appartenance des yeux, magnifis par les deux majuscules, sont-ils ceux de Rimbaud?

On pourrait voir dans ce sonnet un simple exercice d'audition colore, un truquage potique sur des voyelles, ou mme un canular. Le pome n'a pas fini de faire couler l'encre et c'tait certainement le but. Voyelles est avant tout un pome d'veil qui cherche parler et faire parler. L'exercice de style pourrait paratre ludique mais n'en est pas moins fcond car il tmoigne de l'arbitraire de tout jeu associatif. Voyelles restera le texte le plus reprsentatif de ce dpassement rimbaldien, la recherche de ses visions, de son voyage, de sa voyance. La touche finale de Ses Yeux qui s'arrte sur le violet, ultime couleur du spectre solaire fait de Voyelles le texte le plus moderne crit par Rimbaud.

travers ces trois grands thmes s'est constitue une criture qui volue avec une trs grande rapidit: l'criture, vecteur des motions de l'adolescent devant le monde, cesse d'noncer celui-ci pour mieux se constituer en aventure du langage.

Rimbaud est-il donc le premier pote moderne ?

Comme on a vu avant Rimbaud se dfinit comme le voleur du feu , le multiplicateur de progrs et il situe sa posie en avant dune marche au progrs, lorsquil se confie ainsi un rle social et humanitaire, il se retrouve videmment dans le prolongement de toute une tradition littraire franaise dj marqu par les philosophes du XVIIIe sicle et dvelopp et transform par les romantiques aprs 1830 ; le rapprochement avec certains vers de Victor Hugo simpose alors :

Le pote en des jours impies

Vient prparer des jours meilleurs

Il est lhomme des utopies,

Les pieds ici, les yeux ailleurs (...)

Il voit, quand les peuples vgtent

La mthode choisie par Rimbaud long, immense et raisonn drglement de tous les sens , le distingue toutefois de cette tradition. Pour sa volont de faire clater lapparence des choses, dexplorer systmatiquement toutes ses facults, les Surralistes le reconnatront comme lun de ceux qui ont su librer limagination et lcriture potique de lemprise de la raison : Andr Breton dans le Premier manifeste du Surralisme revendiquera explicitement Rimbaud comme lun de ses prdcesseurs, en limitant cependant son apport par lantriorit accord aux romantiques allemands pour la dfinition de voyance. Mais cest certainement par sa conception du langage que Rimbaud est considr comme un pote moderne.PAGE 1