Arrêt rendu par la Cour d'appel le 9 mars 2011

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    Arrt N 126/11 Xdu 9 mars 2011not 5978110/CD

    La Cour d'appel du Grand-Duch de Luxembourg, dixime chambre, sigeant enmatire correctionnelle, a rendu en son audience publique du neuf mars deuxmille onze l'arrt qui suit dans la cause

    ent re :

    le ministre public, exerant l'action publique pour la rpression des crimes etdlits, appelant

    et:

    BIERMANN Marguerite, ne le 27 dcembre 1930 Diekirch, demeurant L-8051 Bertrange, 16, rue Atert,prvenue et dfenderesse au civil, appelante

    en prsence de:

    Le Consistoire Isralite de Luxembourg, tabli L-2163 Luxembourg, 45,avenue Monterey,demandeur au civil, intim

    FAITS:

    Les faits et rtroactes de l'affaire rsultent suffisance de droit :1.

    d'un jugement rendu par dfaut l'gard de la prvenue BIERMANNMarguerite par une chambre correctionnelle du tribunal d'arrondissementde et Luxembourg le 26 mars 2010 sous le numro 1271/2010,

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    De ce dernier jugement appel au pnal et au civil fut relev au greffe du tribunald'arrondissement de Luxembourg en date du 13 juillet 2010 par Matre BenotENTRINGER, en remplacement de Matre Fernand ENTRINGER, avocats laCour, les deux demeurant Luxembourg, pour et au nom de la prvenue etdfenderesse au civil Marguerite BIERMANN.Le mme jour appel fut relev au greffe du tribunal d'arrondissement deLuxembourg par le Procureur d'Etat.En vertu de ces appels et par citation du 22 septembre 2010, les parties furentrequises de comparatre l'audience publique du 29 novembre 2010 devant laCour d'appel de Luxembourg, dixime chambre, sigeant en matirecorrectionnelle, pour y entendre statuer sur le mrite des appels interjets.Par lettre du 20 octobre 2010 l'affaire fut dcommande.Par nouvelle citation du 30 novembre 2010 les parties furent requises decomparatre l'audience publique du 31 janvier 2011 devant la Cour d'appel deLuxembourg, dixime chambre, sigeant en matire correctionnelle, pour yentendre statuer sur le mrite des appels interjets.A cette audience Marguerite BIERMANN fut entendue en ses dclarationspersonnelles.Matre Sbastien COURTOY, avocat au barreau de Bruxelles, demeurant Bruxelles, dveloppa plus amplement les moyens d'appel et de dfense de laprvenue et dfenderesse au civil Marguerite BIERMANN.Martre Gaston STEIN, avocat la Cour, demeurant Luxembourg, comparantpour le demandeur au civil, le Consistoire Isralite de Luxembourg, fut entenduen ses conclusions.Monsieur le procureur gnral d'Etat Robert BIEVER, assumant les fonctionsde ministre public, fut entendu en son rquisitoire.

    LA C 0 URprit l'affaire en dlibr et rendit l'audience publique du 9 mars 2011, laquelle le prononc avait t fix, l'arrt qui suit:par dclaration du 13 juillet 2010 au greffe du tribunal d'arrondissement deLuxembourg, Marguerite BIERMANN a rgulirement fait relever appel aupnal et au civil d'un jugement correctionnel rendu le 17 juin 2010, dont lamotivation et le dispositif sont reproduits aux qualits du prsent arrt.Par dclaration du mme jour, le procureur d'Etat, son tour, a rgulirementrelev appel du mme jugement.

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    Les faits et rtroactesLa station de radiodiffusion RTL a diffus, en date du 14 dcembre 2009, dansle cadre de son mission priodique intitule Carte blanche , des rflexionsde la prvenue Marguerite BIERMANN, dont les passages pertinents pour leprsent litige se lisent comme suit : Spitstens e/o misst et jidderengem kloer sinn, datt d'israelesch Sionistenvun Utank un welles haten, d'Palestinenser komplett aus Pa/estina zeverdreiwen oder, wann nideg, auszerotten, tir da ganz Palestina tir sech zehue/en.

    60 Joer /aang huet d'Welt nogekuckt, ageschchtert duerch d'immensinternational Muecht vun de jddesche Lobbyen a paralysiert duerchd'Matleed- a Scholdgetiller vis--vis vun deene Millioune Judden, di vun denNazien mbruecht gouten.Mee d'Weltopinioun ass am Gaang ze changieren. D'israeleschAschchterungspolitik duerch d'Shoa verliert hireri lmpakt

    An d'Leif dobaussen troe sech, op et wierklech duergeet, d'Kanner vun denNazi-Affer ze sinn, tir onbehellegt Verbrieche gint d'Mnschheet begoen zekennen. A sou ass et och net verwonnerlech datt hei bei ons vil/ Leit sechtroen, wi ons jddesch Matbierger zu aff deem stinn.D'Judde gehieren bei ons zur wue/situierter Bourgeoisie a sinn ais Nokommevun de Shoa-Affer respektiert Bierger.Och nach elo ? Net esou secher.Doduerch, datt se sech net vun der sionistesch-israelescher Po/itikdistanzieren a souguer verschiddener vun hinnen aktiv mat Israelkollaboriereen, musse se sech getallen loossen, ais Komp/ize vun denisraeleschen Verbriechen betruecht ze ginn an de Respekt deen se bis elogenoss hunn, grndlech anzebissen.Wir et do net wierklech hchst Zeit, datt souwuel onsen israelitescheConsistoire wi och d'Ltzebuerger Judden individuel/, an zemolPersinlechkeeten - wi zum Beispi/1 di Haren Alain Meyer, Edmond Israel,Laurent a Franois Moyse, an nach viii anerer - Israel ffentlech erklarengiten, datt se seng mnscherechtswidrech Politik dsavouieren. Se gingenesou net nemmen sech mee och dem Juddentum e groussen Dngschtleeschten. Si gingen namlech domat verhnneren helleten, datt d'Juddentuman d'krimine/1 israe/esch Politik an een Dppe geheit ginn, wat onweiger/echden Antisemitismus vun deene provoziert, di op de getierlechen Ama/gam, Judd = srae/eschen Sionist eratalen.Si gingen och op di Manier d'Taktik vun de Sioniste konteren, di versichenden Antisemitismus ze schiiren, tir ais Opter dovun hir krimine/1 Aktivititenweiderfieren ze knnen an net agesin, dass se leschten Enns Affer vun dsemgetierlechen Spi/1 gin.

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    D'Antisionisten sin keng Antisemiten, am Gigendeel. Vil/ dichtegantisionistesch Judden kampfen gint d'kriminell israelesch Expansiounspolitik.Hinnen sol/en eis letzebuerger Judden sech uschlissen wann se Israelhellefen wellen an ais respektiert Bierger vun eisem Land konsidriertewellen gin Comme RTL retira la carte blanche de Marguerite BIERMANN de son sited'archives, celle-ci la fit publier, en date du 7 janvier 2010, au quotidienTageblatt, dans une tribune libre intitule Zur Konfrontation derLuxemburger Juden mit der illegalen zionistischen Expansionspolitik lsraels en y ajoutant la remarque suivante : Darauf hat Herr Alain MEYER in der Nachrichtensendung von RTL extremheftig reagiert und auf Intervention der jdischen Lobby hin hat RTL meinenText mitsamt den eingegangenen Kommentaren aus dem Audio-Archivgeloscht. Meines Erachtens stellt dies nicht nur einen Beweis des Einflussesder Macht der Zionisten dar, sondern auch einen von RTL-Verantwortlichenausgebten Verstoss gegen die Meinungsfreiheit >>.Le Consistoire isralite de Luxembourg (ci-aprs le Consistoire , se disantindign suite la publication, sans rserves, de ce texte qualifi d' articleimmonde, adressa une lettre ouverte , sous la signature de son prsidentMichel BULZ, aux membres du Gouvernement, aux membres de la Chambredes Dputs et toute la Communaut juive, ainsi qu'au quotidien Tageblatt,qui la publia, dont les passages les plus marquants se lisent comme suit : Vous y reproduisez un article nausabond de Madame Marguerite81ERMANN, qualifie par votre rdaction de engagierte lntellektuelle avecune prface de celle-ci qui s'tend notamment au pouvoir de censure dontdisposerait le lobby juif sur les mdias, suite sa carte blanche que lardaction de RTL a laiss diffuser en date du 14 dcembre 2009.Dans la mesure o le Consistoire isralite est cit et qu'il est l'organe officiel dereprsentation du culte isralite au Luxembourg, il souhaite rappeler qu'il n'apas vocation intervenir dans le conflit au Moyen-Orient. Il a toujours tenu nepas s'exprimer publiquement sur un sujet politique et maintiendra cette ligne deconduite.Le Consistoire isralite est parfaitement outr des amalgames intolrables faitspar Madame 81ERMANN, en confondant- sciemment ou non - les Juifs et lesIsraliens. Cette intervention charrie les clichs les plus insupportables l'gard des Juifs. Madame BIERMANN a russi faire le plein de tous les typesd'antismitisme en un seul article. Elle confond Juifs et sionistes et fait desJuifs des complices pour leur soutien ces criminels. Elle est ainsil'hritire de Johannes von Leers, un collaborateur du nazi Alfred Rosenberg,qui affirmait ainsi que si la nature hrditairement criminelle du judasme peuttre dmontre, alors (. . ) chaque peuple est justifi d'exterminer ces criminelshrditaires.L'affiliation idologique d'extrme droite ne s'arrte pas l. Dj avant guerreau Luxembourg, la Ltzebuerger Nationalunio'n exigeait que les habitants duLuxembourg prennent clairement position envers les buts politiques dessionistes, cela dans le but d'empcher la naissance d'un sentiment de mfiancequi pourrait conduire un conflit grave.

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    Les autres clichs antismites ne sont pas la trane :- ainsi le thme du lobby juif, thme cher tous les adeptes des Protocolesdes Sages du Sion, ce clbre faux tsariste charriant les images du complot juifvisant la domiciliation du monde- celui de l'argent des Juifs : cette fois-ci ils font partie de la bourgeoisie. Onretrouve J'antismitisme conomique de certains milieux d'avant-guerre, pourqui le juif est le principal agent du libralisme tant sur le plan politiquequ'conomique (Lucien BLAU, Histoire de l'extrme droite au Grand-Duchde Luxembourg au XXe sicle, Ed. Le Phare, 1984, p.138).- Enfin la culpabilisation des nations par les Juifs en tant que victimes de laShoah. Plus affligeant encore: les Juifs (ne) sont respects (que) commedescendants des victimes (ais Nokomme vun de Shoa-Affer respektiertBierger ) !Cette carte dite blanche est en ralit colorie de la stigmatisation de l'toilejaune, du ct pile et du brun nausabond de la boue idologique dverse parson auteur, du ct face. Le T ageblatt, se disant un intrpide combattant contre le racisme et lestotalitarismes, exprima, sous la plume de son rdacteur en chef Alvin SOLO,sa dception face la dmarche du prsident du Consistoire et rsuma de lafaon suivante les propos de Marguerite BIERMANN : Mme BIERMANN, en dplorant l'injustice faite au peuple palestinien,demandait notamment s'il n'tait pas grand temps que le Consistoire isralite etles personnalits juives (elle en nommait quelques-uns) dclarent publiquement Isral qu'ils dsavouent sa politique contraire aux droits de l'Homme.En date du 8 janvier 2010, le dput Ben FAYOT, dans le mme quotidienTageblatt, a publi un Point de vue intitul A propos d'une sinistre carteblanche, dans lequel il a reproch Marguerite BIERMANN de s'en prendreaux Juifs luxembourgeois en les traitant de collabos du gouvernementisralien et de complices des crimes israliens, en faisant dpendre leurrespectabilit de la Shoah, en mettant au pilori nommment despersonnalits juives et en se servant de mythes qui de tout temps ont nourril'antismitisme.A ce Point de vue, Marguerite BIERMANN rpliqua dans une lettre ouverteintitule Qu'ils le disent, publie le 20 janvier 2010 au Tageblatt, se disanttaxe, de faon absolument gratuite et injuste, de judophobe.En indiquant qu'avant et pendant la Seconde guerre mondiale, ses parentsn'ont cess de lutter contre l'antismitisme et se donnaient corps et me pourvenir en aide aux fugitifs au Luxembourg en 1940, elle soutient qu'imbue de cetesprit et mue par ce mme sens de la justice, elle mne le dbat en question,sa carte blanche n'tant rien d'autre qu'un appel la responsabilit desJuifs luxembourgeois.Les passages suivants de cette lettre ouverte mritent d'tre cits : Et voil le propos de ma carte blanche : mettre en garde nos Juifsluxembourgeois contre ce stratagme savamment cr et orchestr par les

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    sionistes. S'ils veulent chapper et empcher d'en devenir les victimes, qu'ilsclarifient leurs positions ....Je me vois encore oblige de vous contredire quand vous affirmez en dfensedes Juifs luxembourgeois qu'ils sont des citoyens luxembourgeois comme toutun chacun ... qu'ils sont des femmes et des hommes comme nous tous Je ne crois pas que les Juifs vous permettent de les amputer si allgrement deleur judit. Rares sont ceux qui ne revendiquent pas leur origine et leurappartenance la culture juive. Ils se considrent comme Juifs de la diaspora,citoyens du pays dans lequel ils vivent, mais membres de la communaut juivemondiale. Cette double appartenance leur confre un statut spcial, enl'occurrence celui de citoyen luxembourgeois, mais d'origine et de culture juives.Cette solidarit qu'ils revendiquent et qu'on ne saurait leur dnier a cependantcomme contrepartie d'engager leur coresponsabilit avec leurs frres israliens propos des activits de ceux-ci. Ce n'est donc pas du simple fait d'tre juif>>qu'ils sont complices des sionistes israliens, comme vous voulez me le fairedire, mais du fait de leur solidarit avec Isral, cette solidarit qu'il y a lieu deprsumer faute par eux de la contester ...C'est leur silence que je critique. Jadis ils n'ont pas lev leurs voix contre lenazisme qui pourtant les menaait .... Marguerite BIERMANN a ajout que le dbat n'est pas nouveau et cite un certainnombre de personnalits qui auraient dnonc le silence assourdissant en prsence des crimes commis par Isral.En date du 25 fvrier 2010, le Consistoire a form plainte auprs du Procureurd'Etat contre les propos qualifis d' inepties de Marguerite BIERMANN.D'aprs le Consistoire, la carte blanche de Marguerite BIERMANN, ainsi quela version crite de celle-ci publie au Tageblatt, contiennent des clichsinsupportables l'gard des Juifs en utilisant un style digne du nationalsocialisme allemand, en confondant Juifs et sionistes et en faisant les Juifscomplices pour leur soutien ces criminels, en reprenant l'image du complotjuif visant la domination du monde (lobby juif), des arguments del'antismitisme conomique de certains milieux d'avant-guerre (le termebourgeoisie faisant natre l'ide de l'argent des Juifs) et celui de la culpabilisationdes nations par les Juifs en tant que victimes de la Shoah, les Juifs n'tantrespects que comme descendants de ces victimes.En ce qui concerne la prise de position du 20 janvier 2010 de la prvenue, leConsistoire soutient que Marguerite BIERMANN ose s'approprier les Juifs duLuxembourg ( nos Juifs ) et tente maladroitement de couvrir ses proposantismites, qu'elle pointe du doigt les Juifs du Luxembourg en leur attribuantune position particulire par laquelle il serait interdit de ne pas prendre positionpubliquement - individuellement et collectivement - vis--vis du conflit auMoyen-Orient. Marguerite BIERMANN se permettrait d'crire une nouvelle foisque les Juifs sont complices des sionistes, du fait de leur solidarit prsumeavec Isral, sionistes qu'elle qualifie de criminels. Par consquent, les Juifs duLuxembourg seraient des complices de crimes commis par les sionistes unautre endroit de la terre.

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    Ces faits rpts recouvriraient, pour le moins, la qualification pnale d'incitation la haine raciale ou religieuse l'gard des Juifs en gnral au vu de l'article457-1 du code pnal ; ils seraient encore qualifier de diffamation au sens desarticles 443 et 444 dudit code, dans la mesure o il s'agit d'une atteintemanifeste la considration des personnes dnommes, sinon encore d'injureau sens de l'article 448 dudit code.Conformment une note au dossier du 10 mars 2010, laquelle le procureurgnral d'Etat a renvoy l'audience de la Cour, le procureur d'Etat avaitdemand, lors du dpt de la plainte par le mandataire du Consistoire, s'ilestimait qu'au cas o Marguerite BIERMANN prsentait des excuses auConsistoire respectivement la communaut juive, on pourrait mettre fin l'affaire. Le mandataire n'avait pas d'opposition de principe cette proposition, condition que Marguerite BIERMANN prsente des excuses crites et nonambigus qui devraient tre portes la connaissance du public.Marguerite BIERMANN refusa, au motif qu'elle ne voyait pas en quoi desexcuses venant de sa part pourraient consister puisque dans sa carteblanche et les articles subsquents, elle avait simplement expos ses ides entoute libert et qu'il n'y avait ds lors pas matire excuse.Dans la citation prvenu, le Ministre Public reproche Marguerite BIERMANNles infractions d'incitation la haine l'gard du Consistoire, sinon de lacommunaut juive et ou des membres de celle-ci, sinon d'avoir injuri leConsistoire, la communaut juive et/ou ses membres par les propos tenus,respectivement crits.Le tribunal, dans son jugement du 17 juin 2010, a cart le moyen de nullit dela citation prsent par le mandataire de Marguerite BIERMANN, cette dernire yayant renonc expressment l'audience, s'est dclar comptent et a constatque l'action publique n'tait pas prescrite.* Quant l'infraction d'incitation la haine contre le Consistoire et contre lacommunaut juiveLe tribunal, aprs avoir expos les principes en la matire, tirs de l'article 457-1du code pnal, a estim que les diffrents textes rdigs par MargueriteBIERMANN et les propos tenus par elle font, certes, natre un sentiment ngatif l'encontre de la communaut juive, mais ne remplissent pas, dans leur degrd'aversion, la profondeur requise pour tre qualifis de haineux.Par consquent, Marguerite BIERMANN a t acquitte de cette prvention.En instance d'appel, le procureur gnral d'Etat conclut la rformation de cetacquittement et estime que Marguerite BIERMANN s'est manifestement renduecoupable de l'infraction d'incitation la haine contre la communaut juive. Sespropos et ses discours seraient inadmissibles, en ce qu'ils interpelleraientcertaines personnes nommment en leur reprochant de ne pas tre desLuxembourgeois part entire. Il serait insinu que ces personnes - ou leursaeuls - auraient manqu de courage au courant de la Seconde guerremondiale. Certains passages de son discours susciteraient une aversion forte,un opprobre fort contre la communaut juive. Ainsi, les lments constitutifs del'infraction prvue l'article 457-1 du code pnal seraient donns.

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    Le mandataire de la partie civile expose que Marguerite BIERMANN a excdles limites de la libert d'expression. Elle aurait invectiv le Consistoire et viscertaines personnes, en les stigmatisant, en les mettant au pilori, en lesexposant l'opprobre public, tout en oubliant le conflit isralo-palestinien. Cefaisant, elle aurait repris les clichs antismites classiques et elle aurait incit lapopulation luxembourgeoise ne plus respecter ces personnes.Marguerite BIERMANN conclut son acquittement pour absence d'lmentsmatriel et moral de l'infraction.Elle reproche au Consistoire d'avoir tronqu et dform tant la lettre que l'espritde ses propos. Elle aurait lanc un cri de dtresse au profit des Palestinienstus, dont des enfants, par l'arme isralienne. Elle aurait lanc un appel auxJuifs de Luxembourg, et en particulier des personnalits telles celles par ellenommment cites, qu'elle a qualifies d' intellectuels de gauche en leurdemandant de suivre l'exemple des Juifs antisionistes clbres qui condamnentla politique de l'Etat d'Isral et, partant, de se distancier publiquement de lapolitique d'Isral. Cela permettrait d'viter le risque que certains puissentconsidrer les Juifs luxembourgeois d'tre, de par leur silence, moralementcomplices des crimes de l'Etat d'Isral et cessent de les respecter et d'empcherque ne se fasse la dangereuse confusion entre Juifs et criminels sionistes, quiprovoque inluctablement l'antismitisme de ceux qui se laissent leurrer parl'amalgame pernicieux: juif=sioniste isralien.En ralit, ses objectifs auraient t doubles : 1. rveiller l'opinion publique cette horrible injustice inflige par Isral aux Palestiniens de Gaza, avec l'espoirde susciter un dbat ce sujet afin d'encourager nos hommes politiques fairepression sur les instances europennes pour qu'elles obligent les Israliens lever le blocus de Gaza et arrter leurs colonisations. 2. faire appel notrecommunaut juive, d'abord, pour qu' son tour elle use de tous ses moyens etnotamment de ses relations privilgies avec les Israliens afin qu'ils changentde politique et, ensuite et surtout, pour la mettre en garde contre unerecrudescence de l'antismitisme nourrie par les exactions commises par leshommes politiques au pouvoir en Isral. Par consquent, ses propos ne seraient pas de nature inciter la haine et ilsn'auraient pas eu pour objet l'incitation la haine, dfaut de volont dlibrede provoquer dans l'esprit du public une raction de haine.D'emble, la Cour d'appel, se rfrant la jurisprudence de la Coureuropenne des Droits de l'Homme trs extensive ce sujet et fortcomprhensive pour la presse quand elle traite des questions politiques oud'intrt public, en privilgiant l'intrt gnral du dbat public aux autres intrtsprivs en cause, jurisprudence tire des dispositions de l'article 10 de laConvention europenne des droits de l'homme, met en exergue que la libertd'exprimer des opinions constitue la pierre angulaire des principes de ladmocratie et des droits de l'homme. Elle reprsente, dans une socitdmocratique, l'une des conditions primordiales de son progrs et del'panouissement de chacun. Comme le veulent le pluralisme, la tolrance etl'esprit d'ouverture, inhrents un tel rgime politique, elle vaut non seulementpour les informations ou ides accueillies avec faveur ou considrescomme inoffensives ou indiffrentes, mais aussi pour celles qui heurtent,choquent ou inquitent l'Etat ou une fraction de la population. (cf. les Grandsarrts de la Cour europenne des Droits de l'Homme, dition 2003, p.452 et ss,et les arrts y cits ; cf. notamment arrts du 7 dcembre 1976, Handyside c.

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    Royaume-Uni et du 22 aot 1994, Jersild c. Danemark, cf galement les arrtsdu 8 juillet 2008, Backes c. Luxembourg et du 16 juillet 2009, Fret c. Belgique).Aucune des parties au litige ne conteste d'ailleurs cette jurisprudence.Les parties ne contestent pas non plus que la libert d'expression comporte desrestrictions ou des ingrences qui, selon la jurisprudence de la Coureuropenne, doivent se fonder sur des motifs suffisants qui la rendent ncessaire dans une socit dmocratique . La libert d'expression ne doitpas franchir les bornes fixes en vue, notamment, de la protection de larputation et des droits d'autrui. Mais ces exceptions au principe de la libertd'expression doivent tre interprtes troitement et doivent tre considresdans le contexte de chaque affaire. Les moyens employs ne doivent pas tredisproportionns au but vis, savoir la protection de la rputation ou des droitsd'autrui.Tout comme la Cour europenne (cf. arrts Jersild et Fret prcits), la Couractuellement saisie se rend pleinement compte qu'il importe au plus haut pointde lutter, entre autre, contre la discrimination raciale et qu'il s'agit l d'uneentrave autorise la libert d'expression, tant entendu qu'il faut viter que lesmdias deviennent un support de diffusion de discours de haine et d'incitation la violence (cf. CEDH 8 juillet 1999, Srek c. Turquie). C'est d'ailleurs l undes buts poursuivis par le lgislateur luxembourgeois qui, par la loi du 19 juillet1997, a introduit un nouvel article 457-1 au code pnal en reprenant, pour partie,le texte de l'ancien article 455 du mme code, tout en tenant compte de laformulation des faits telle que retenue dans l'article 23 de la loi franaisemodifie du 29 juillet 1881 sur la libert de la presse.Il s'agit, partant, de concilier le droit la libert d'expression avec le droit de nepas tre victime de discrimination.La Cour entend relever encore que les nombreuses dcisions, cites par leprocureur gnral d'Etat et verses au dossier l'appui de son rquisitoire, onttrait - et cela vaut non seulement pour celles o les juridictions ont retenul'infraction d'incitation la haine mais galement pour celles o cette infractionn'a pas t retenue - des situations o les propos tenus taient empreintsd'une grande virulence et dnus de toute nuance quant la haine exprime l'gard de personnes ou de communauts y vises.Ces principes et constats exposs, il convient de les appliquer au cas del'espce.Tout d'abord, la Cour rejoint la partie poursuivante et la partie poursuivie quandelles exposent que, pour apprcier tant le caractre incitatif la haine qued'ailleurs galement le caractre injurieux des propos tenus par MargueriteBIERMANN et de ses crits, il faut considrer l'ensemble de ses dclarations,ainsi que le contexte dans lequel elles ont t faites et - la Cour d'ajouter -galement la raction du Consistoire et les articles de presse auxquelsMarguerite BIERMANN a rpliqu.Par ailleurs, tout comme il n'appartient pas la Cour de se prononcer sur leconflit isralo-palestinien - elle n'entend pas le faire et elle n'a pas besoin de lefaire pour juger le prsent litige - il ne lui appartient de se prononcer ni sur lefond du discours tenu par Marguerite BIERMANN ni sur la ncessit, pour elle,de prendre publiquement position au sujet de ce conflit et cela en optant

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    clairement pour une des parties au conflit. Il s'agit l, semble-t-il, du propre d'unemission comme ladite carte blanche de permettre ses orateurs des'exprimer sur des sujets librement choisis et de la faon dont ils J'entendent etcela dans le but de susciter un dbat public.Or, tel qu'il a t dit ci-dessus, cette libert souffre, bien entendu, les mmesrestrictions que celles de toute manifestation de libert d'expression ou d'opinion.Quant l'infraction dont s'agit, la Cour rejoint Je tribunal qui a expos que, d'unct, - lment matriel - les lments constitutifs de l'infraction d'incitation la haine ou la violence contre une personne, un groupe ou une communautsont le fait de tenir des propos susceptibles d'inciter la haine ou la violence,et que, d'un autre ct, - lment moral - l'incitation la haine est exclusive debonne foi (cf. Cass. fr. Ch. crim 17 fvrier 1998, no 96-85.567}, l'lment moralde l'infraction n'tant pas tabli par J'ventuelle mauvaise foi de l'auteur despropos incitant la haine ou la violence, mais par le fait de tenir des proposayant cet effet, alors que cet effet aurait d tre entrevu par l'auteur.En l'espce, la Cour considre que, pris dans leur ensemble et dans leurcontexte, les propos de Marguerite BIERMANN ne sont pas de nature crerdans l'esprit de celui qui les peroit un choc incitatif la discrimination, la haineou la violence (cf. Juriscl. Pnal, T5 vo Presse, Provocation aux crimes et auxdlits, fasc. 70, n73), ou, pour reprendre les termes utiliss par le tribunal, entraner un sentiment de haine, savoir un sentiment violent qui pousse vouloir du mal, ou une aversion profonde envers le Consistoire, envers lacommunaut juive ou envers les membres de celle-ci.La Cour ajoute, en ce qui concerne l'lment moral de cette infraction, qu'enl'espce, il n'est pas non plus tabli que Marguerite BIERMANN ait eu la volontdlibre de provoquer dans l'esprit du public une raction de haine l'gard dela communaut juive, respectivement qu'elle aurait d entrevoir que ses proposauraient un tel effet.Si l'on peut comprendre que le sujet choisi ou certains des termes employs ontpu susciter une sorte de malaise chez certaines personnes, notamment parl'interpellation des Juifs luxembourgeois et en ce qu'il n'tait pas indispensablede pointer du doigt certaines personnes nommment cites, toujours est-il queles propos considrs dans leur intgralit ne permettent pas de dire, au vu del'objectif que la prvenue soutient, dans sa publication, avoir suivi, savoir,notamment, d'empcher que ne se fasse la dangereuse confusion entre Juifs etcriminels sionistes, qu'elle aurait d se douter que ces propos puissent treinterprts justement dans le sens contraire, savoir comme provoquantl'auditeur et le lecteur faire l'amalgame entre les citoyens juifs luxembourgeoiset les sionistes israliens qualifis de criminels.Il en est d'autant plus ainsi qu'avant elle, l'tranger, des auteurs et philosophesJuifs et non-Juifs, ont dans leurs publications fait la mme chose en exhortantles Juifs travers le monde de se distancier de la politique d'Isral,respectivement en reprochant certains Juifs de ne pas s'tre soulevs aumoment des atrocits commises pendant la Seconde guerre mondiale contre lepeuple juif.En tout cas, cet objectif, tel qu'expos ci-dessus, a t expnme avecsuffisamment de clart qu'on ne saurait insinuer que Marguerite BIERMANN aitvoulu dire juste le contraire de ce qu'elle a dit ou mme que l'auditeur ou le

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    lecteur normalement averti, puisse en conclure juste le contraire. La Cour nesaurait, ce sujet, suivre ceux qui sous-entendent que grce une acrobatieintellectuelle elle aurait suivi un but contraire celui qu'elle a expressmentindiqu.La Cour en dduit que la prvenue n'a pas abus de sa libert d'expression etd'opinion et, mme si elle a pu heurter ou choquer certaines personnes, elle n'apas outrepass les limites de ce droit fondamental qu'est la libert d'expression.Partant, le jugement entrepris est confirmer en ce qu'il a acquitt MargueriteBIERMANN de la prvention d'infraction l'article 457-1 du code pnal.

    * Quant l'infraction d'injureLe tribunal, aprs avoir expos les principes en la matire, tirs de l'article 448du code pnal, a estim que les lments matriels constitutifs de l'infraction, savoir, un crit, la publicit des propos, les expressions outrageantes et le faitqu'un corps constitu soit vis, taient remplis.Quant l'lment moral, le tribunal a constat que s'il n'est pas tabli suffisance de droit que Marguerite BIERMANN avait l'intention de nuire auConsistoire, les termes et expressions utiliss font cependant natre dans l'espritdu lecteur ou de l'auditeur radio un sentiment ngatif l'encontre de lacommunaut juive au Luxembourg et partant galement l'encontre duConsistoire. De par ses connaissances et ses comptences, MargueriteBIERMANN aurait t apte connatre l'impact des termes choisis et lardaction du texte crit lu en tant que carte blanche et les crits ultrieurs seseraient bass sur un acte rflchi et dlibr. Selon le tribunal, l'utilisation, dansce contexte, des expressions outrageantes par la prvenue tait qualifierd'intentionnelle.Le procureur gnral d'Etat et la partie civile concluent la confirmation de cevolet du jugement entrepris. Plus prcisment, quant l'lment constitutifd'expression outrageante, la partie plaignante expose qu'en employantnotamment des expressions comme celles de collaborateurs ou encorecomplices du crime isralien , en qualifiant les Juifs de respectablesuniquement parce qu'ils sont des descendants de victimes de la Shoah, enreprenant le mythe tenace des Juifs riches quand elle parle de bourgeoisiebien situe , ou encore le mythe du puissant lobby juif international , laprvenue porte atteinte l'honneur non seulement des Juifs luxembourgeoisindividuellement, mais galement du Consistoire et des personnalitsnommment cites et les exposent ainsi au mpris public.Le mandataire de Marguerite BIERMANN conclut, d'abord, l'irrecevabilit despoursuites pour dfaut de plainte pralable de la personne injurie. Il exposeque, d'une part, l'assemble du Consistoire du 11 fvrier 2010 a mandat MatreGaston STEIN de dposer plainte auprs du procureur d'Etat, alors qu'en ralitMatre Franois MOYSE a dpos, le 25 fvrier 2010, la plainte du Consistoire.D'autre part, il estime que la dlibration de cette assemble n'a pas t prise le11 fvrier 2010, mais seulement le 18 mai 2010, la date de l'examen del'affaire devant le tribunal.

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    La partie demanderesse au civil conclut l'irrecevabilit de ce moyen, quin'aurait pas t soulev in limine litis. Elle ajoute que la dlibration litigieuse abien eu lieu le 11 fvrier 201 O.La Cour d'appel donne considrer que l'article 448 du code pnal incrimine lesinjures diriges, d'un ct, contre une personne et, d'un autre ct, contre un corps constitu .Alors que, conformment l'article 450 du mme code, certains dlits- dont lesinjures - commis envers des particuliers ne pourront tre poursuivis que sur laplainte de la personne qui se prtendra offense, l'article 448, prcit, disposedans son deuxime alina que les dlits contre les corps constitus serontpoursuivis d'office.Or, la Cour considre que le Consistoire, communaut religieuse, qui d'aprsl'article 2 de la loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31octobre 1997 entre le Gouvernement, d'une part, et les communauts isralitesdu Luxembourg, d'autre part, constitue une personne juridique de droit public,doit tre compris dans l'expression corps constitu (cf. J.S.G. Nypels, Codepnal interprt, Tome Il, sub art 446, no2 et 4, p 583 ss).Une plainte pralable n'est partant pas requise, de sorte que le moyend'irrecevabilit y relatif est carter.Marguerite BIERMANN conclut, ensuite, son acquittement pour dfaut d'injuresadresses directement au Consistoire. Elle critique, dans ce contexte, la dcisiondu tribunal qui a retenu que le Consistoire est directement concern par lesattaques diriges contre la communaut juive qu'il reprsente.La demanderesse au civil n'a pas autrement rencontr ce moyen. Elle se limite,dans sa note de plaidoiries, exposer qu' en l'espce, les victimes sontdtermines. Madame BIERMANN cite directement les Juifs luxembourgeois, leConsistoire isralite de Luxembourg et mme nommment MM. Alain MEYER,Edmond ISRAEL, Laurent et Franois MOYSE.La Cour constate, d'un ct, que Marguerite BIERMANN a expressmentdsign le Consistoire dans ses propos. Il importe, ds lors, d'examiner si lespropos dsigns contre ce corps ont un caractre injurieux.D'un autre ct, la Cour constate galement que Marguerite BIERMANN a vis les Juifs luxembourgeois et, nommment, les quatre personnes cites cidessus.Or, aucun particulier juif, et notamment aucune des quatre personnes visesdans la carte blanche n'ont port plainte, comme ils auraient pu le faire.Il se pose donc la question de savoir si effectivement, comme il l'indique dans saplainte, le Consistoire reprsente les intrts de la communaut juive duLuxembourg et est, partant, habilit agir au nom des citoyens juifsluxembourgeois dans le cadre de la prsente plainte pour injure.L'examen tant de la loi prcite du 10 juillet 1998 que de la Convention prcitedu 31 octobre 1997 fait apparatre que l'Etat luxembourgeois se limite attribuer,dans ces deux textes, au Consistoire comme seule mission d'organiser le culteisralite au Luxembourg. Il en est d'ailleurs de mme des autres lois du 10 juillet

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    1998 qui approuvent les Conventions conclues entre le gouvernement et lescommunauts religieuses respectives catholique, protestante et orthodoxehellnique.Par ailleurs, d'aprs la loi, l'expression Consistoire isralite dsigne leconsistoire du Culte Isralite du Luxembourg. Pour le reste, les textes se limitent rgler le rgime de service des ministres du culte et l'organisation dessynagogues.Aucune disposition de ces textes - et la demanderesse reste en dfaut de verserun quelconque autre texte en faveur de sa thse - ne donne au Consistoire pourmission de reprsenter la communaut juive de Luxembourg dans une action enjustice telle la prsente. Il n'est, par ailleurs, pas tabli que tous les citoyens juifsluxembourgeois approuvent la dmarche du Consistoire.Il s'ensuit que si la Cour d'appel doit examiner si des injures ont t adressesau Consistoire, elle doit se limiter aux seuls passages des propos qui visentdirectement le Consistoire.Pour ce faire, elle entend s'inspirer des mmes principes que ceux exposs ciavant, savoir primaut de la libert d'expression, entendue d'une faon large,avec des restrictions appelant une interprtation troite, consistant protger larputation d'autrui (cf. les Grands arrts de la Convention europenne des droitsde l'Homme, prcit, p.462 et les dcisions y cites).En l'espce, la Cour constate que le seul passage de la carte blanche quivise plus particulirement le Consistoire se lit comme suit : Wir et do net wierklech hchst Zait, datt souwuel onsen israelitescheConsistoire Israel ffentlech erklaren gifen, datt se sengmnscherechtswidrech Politik dsavouieren. Se gingen esou net nemmensech mee och dem Juddentum e groussen Dngscht leeschten. Si gingennamlech domat verhnneren hellefen, datt d'Juddentum an d'krimine/1 israeleschPolitik an een Dppe geheit ginn, wat onweiger/ech den Antisemitismus vundeene provoziert, di op de gefierlechen Amalgam, Judd = israelescheSionist erafalen.Si gingen och op di Manier d'Taktik vun de Sioniste konteren, di versichenden Antisemitismus ze schiiren, f ir ais Opter dovun hir krimine/1 Aktivititenweiderfieren ze knnen an net agesinn, datt se leschten Enn Affer vun dsemgefierlechen Spi// gin .La Cour considre que ce passage de la carte blanche ne contient aucuneexpression outrageante ni aucun terme de mpris l'gard du Consistoire.Marguerite BIERMANN, dans cette invitation adresse e. a. au Consistoire, dedsavouer la politique d'Isral et, par l, d'viter l'amalgame entre les Juifs et lapolitique qualifie de criminelle de l'Etat d'Isral, ne dpasse aucunement leslimites de ce qui est tolrable.Par consquent, cet lment constitutif essentiel de l'infraction d'injure faisantdfaut, il y a lieu, par rformation de la dcision entreprise, d'acquitter MargueriteBIERMANN galement de l'infraction d'injure lui reproche par le ministrepublic.

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    Au civilLa demanderesse au civil conclut la confirmation de la dcision entreprise.La dfenderesse au civil conclut l'incomptence de la Cour d'appel pourconnatre de la demande civile.Au regard de la dcision d'acquittement intervenir, la Cour d'appel estincomptente pour connatre de la demande civile.

    PAR CES MOTIFS

    la Cour d'appel, dixime chambre, sigeant en matire correctionnelle, statuantcontradictoirement, la prvenue entendue en ses explications, les partiesdemanderesse et dfenderesse au civil en leurs conclusions, sur le rquisitoiredu ministre public,reoit les appels ;au pnal,confirme le jugement entrepris pour autant que Marguerite BIERMANN a tacquitte de la prvention d'incitation la haine ;rformant,acquitte Marguerite BIERMANN de la prvention d'injure adresse auConsistoire Isralite de Luxembourg, non tablie sa charge;renvoie Marguerite BIERMANN des fins de la poursuite sans frais ni dpens;laisse les frais de la poursuite pnale charge de l'Etat ;au civil,se dclare incomptente pour connatre de la demande civile ;condamne la partie demanderesse au civil aux frais de la demande civile pourles deux instances.Par application des articles 202, 203, 211 et 212 du code d'instruction criminelle.

    Ainsi fait et jug par la Cour d'appel du Grand-Duch de Luxembourg, diximechambre, sigeant en matire correctionnelle, compose de Monsieur JeanClaude WIWINIUS, prsident de chambre, Madame Marie-Anne STEFFEN,premier conseiller et Madame Lotty PRUSSEN, conseiller, qui ont sign leprsent arrt avec le greffier assum Madame Vronique JANIN.