ARISTOTE, De l'Âme, Soeur Pascale Nau

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    Traité de l’âme 

     Peri Psyche

    ARISTOTE

     Nouvelle traduction pour Internet par sœur Pascale Nau op

    Sur la base de la version grecque, de la traduction Vrin et de la traduction de R. Bodéüs (GF Flammarion).Edition http ://docteurangelique.free.fr  

    Les œuvres complètes de saint Thomas d’Aquin

     INTRODUCTION ’étude de l’âme et !uel!ues théories""""""""""""""""""""""""""#

    Chapitre 1____________________________________________________________________2

     PR$%I$R$ P&RTI$ ’âme et ses principes""""""""""""""""""""""""""""""""""""' 

    Chapitre 1____________________________________________________________________6

    Chapitre 2___________________________________________________________________10

    Chapitre 3___________________________________________________________________14

     D$U(I$%$ P&RTI$ ’âme et ses )acultés""""""""""""""""""""""""""""""""""""#*

    Chapitre 1___________________________________________________________________23

    Chapitre 2___________________________________________________________________25

    Chapitre 3___________________________________________________________________27

    Chapitre 4___________________________________________________________________29

    Chapitre 5___________________________________________________________________33

    Chapitre 6___________________________________________________________________35

    Chapitre 7___________________________________________________________________36

    Chapitre 8___________________________________________________________________38

    Chapitre 9___________________________________________________________________42

    Chapitre 8___________________________________________________________________43

    Chapitre 11__________________________________________________________________45

    Chapitre 12__________________________________________________________________48

    TROI+I$%$ P&RTI$ +ens, Perception et co-nition""""""""""""""""""""""""""""./

    Chapitre 1___________________________________________________________________49

    Chapitre 2___________________________________________________________________51

    Chapitre 3___________________________________________________________________55

    Chapitre 4___________________________________________________________________58

    Chapitre 5___________________________________________________________________61

    Chapitre 6___________________________________________________________________61

    Chapitre 7___________________________________________________________________63

    Chapitre 8___________________________________________________________________64

    Chapitre 9___________________________________________________________________65

    http://docteurangelique.free.fr/http://docteurangelique.free.fr/http://docteurangelique.free.fr/http://docteurangelique.free.fr/

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    Chapitre 10__________________________________________________________________67

    Chapitre 11__________________________________________________________________69

    Chapitre 12__________________________________________________________________70

    Chapitre 13__________________________________________________________________72

    INTRODUCTION

    L!t"#e #e $%&e et '"e$'"e( th!)rie(

    Ca!itre "

    Tout savoir est, nos !eu", une chose #elle et honora#le. $%&'a( Toutefois, nous pr)f)ronsune forme de savoir une, autre, soit en raison de sa pr)cision, soit parce qu’elle regarde deso#*ets d’une plus grande valeur et plus dignes d’admiration. Et pour ces deu" causes, il est

    raisonna#le de placer l’)tude de l’+me au premier rang. e plus, il sem#le #ien que laconnaissance de l’+me apporte #eaucoup l’)tude de la v)rit) tout entière et surtout lascience de la nature, car l’+me est comme le principe des animau". -ous voulons donc )tudier et connatre tout d’a#ord sa nature ou sa su#stance, puis les propri)t)s qui s’! rattachent :d’une part, sem#letil, les passions qui lui sont propres et, d’autre part, les caract)ristiquesqui appartiennent aussi au" animau".

    0ais, quelque soit l’approche, il est dans tous les cas e"tr1mement difficile d’acqu)rir uneconnaissance claire au su*et de l’+me. En effet, comme cette )tude est commune #eaucoupd’autres o#*ets 2 *e veu" dire l’)tude de la su#stance et de l’essence 2, on pensera peut1trequ’il n’! a qu’une seule m)thode applica#le tous les o#*ets dont nous voulons connatre la

    su#stance 2 comme c’est le cas de la d)monstration, pour les propri)t)s d)riv)es. Ainsi, ilfaudrait commencer par rechercher cette m)thode. En revanche, s’il n’! a pas de m)thodeunique et commune pour d)terminer l’essence d’une chose, notre t+che devient encore plusdifficile, car il faudra trouver, pour chaque cas, le proc)d) emplo!er. 0ais m1me s’il )tait)vident que cette m)thode consiste en une certaine d)monstration ou division, ou m1me en unautre proc)d), il resterait encore difficile de d)terminer le point de d)part de notreinvestigation, car les principes sont diff)rents dans chaque cas, comme, par e"emple, dansceu" des nom#res et des surfaces.

    3eut1tre fautil d’a#ord d)terminer quel genre l’+me appartient et ce qu’elle est : *e veu"dire, si elle est une chose individuelle et une su#stance, ou une qualit), une quantit), ou

    encore quelque autre des imputations que nous avons distingu)es.En outre, il faut d)terminer si elle est au nom#re des 1tres en puissance ou si elle n’est pas

     plut4t une r)alisation, car la diff)rence est importante.$%&'#( e plus, il faut e"aminer si l’+me est partagea#le ou sans parties 5 et si toutes les

    +mes sont de la m1me sorte ou non, et, dans ce cas, si elles diffèrent entre elles par l’espèce ou par le genre. Les discussions et les )tudes actuelles sur l’+me sem#lent porter seulement sur l’+me humaine. -ous devons #ien nous garder de laisser de c4t) la question de savoir si lad)finition de l’+me est une, comme celle de l’animal, ou si elle est diff)rente pour chaqueespèce d’+me, comme pour le cheval, le chien, l’homme, le dieu 5 et, dans ce cas, l’animal eng)n)ral ou #ien n’est rien, ou #ien est secondaire. La m1me question se pose d’ailleurs pour tout autre pr)dicat commun que l’on affirmerait.

    e plus, si on n’a pas affaire une pluralit) d’+mes, mais seulement une pluralit) de parties, fautil e"aminer d’a#ord l’+me entière ou ses parties 6

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    7l est d’ailleurs difficile de pr)ciser lesquelles de ces parties sont naturellement distinctesles unes des autres.

    8autil commencer notre recherche par les parties ou par leurs fonctions 6 3ar e"emple, par l’acte de l’intellect ou l’intellect 6 3ar l’acte de sentir ou la facult) sensitive 6 Et ainsi de suite.

    Et si les fonctions doivent d’em#l)e nous retenir, on pourrait se demander si l’)tude de

    leurs oppos)s ne devrait pas encore les pr)c)der, par e"emple le sensi#le avant la facult)sensitive, et l’intelligi#le avant l’intellect.

    7l sem#le #ien que, non seulement la connaissance de ce qu’est une chose soit utile pour voir les causes qui affecte les su#stances 9comme, dans la connaissance des math)matiques,ce qu’est la droite et la cour#e, ou de ce qu’est la ligne et la surface, pour voir com#iend’angles droits du triangle sont )gau", mais encore, inversement, que la connaissance desaccidents contri#ue, pour une grande part, la connaissance de ce qu’est une chose. En effet,c’est quand nous pourrons rendre compte, en accord avec l’e"p)rience, de tous les accidentsd’une su#stance, ou de la plupart, que nous serons en mesure de formuler une d)finition decette su#stance. ;ar le principe de toute d)monstration, c’est son o#*et, si #ien que les $%&ues suffisent provoquer des mouvements, quand le corps estd)* sure"cit) et se trouve dans un )tat compara#le la colère. 0ais voici une preuve plusclaire encore en l’a#sence de toute cause de crainte on peut )prouver les )motions de la peur.

    ?’il en est ainsi, il est )vident que les passions sont des r)alit)s de nature formelle li)es lamatière. 3ar cons)quent, en les d)finissant, on doit tenir compte de cet )tat de choses : one"pliquera, par e"emple, la colère un mouvement de tel corps, ou de telle partie, ou de tellefacult), produit par telle cause, pour telle fin. ;’est pr)cis)ment pour cette raison que l’)tudede l’+me relève du naturaliste 2 qu’il s’agisse de l’+me tout entière ou de l’+me telle que nousvenons de d)crire.

    Ainsi, le naturaliste et le dialecticien d)finiraient diff)remment chacune de ces passions,

     par e"emple, ce qu’est la colère : pour le dernier, c’est le d)sir de rendre l’offense, ou quelquechose de ce genre 5 pour le premier, c’est l’)#ullition du sang qui entoure le coeur, $%&

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     #ien l’)#ullition du chaud. L’un rend compte de la matière, et l’autre, de la forme ou de laraison, car la notion est la forme de la chose, mais elle se r)alise n)cessairement dans unematière pr)cise, si on veut qu’elle e"iste. ;’est ainsi que la raison d’une maison est lasuivante : elle est un a#ri contre la destruction caus)e par les vents, les chaleurs et les pluies.0ais un tel la d)crira comme des pierres, des #riques et des poutres, alors que tel autre dira

    qu’elle est la forme r)alis)e dans ces mat)riau" en vue de telle fin.@ui donc de ceu"ci est le naturaliste 6 Estce celui qui s’int)resse la matière et quiignore la forme, ou celui qui s’int)resse la forme seule 6 -’estce pas plut4t celui qui tientcompte de l’une et de l’autre 6

    0ais que dire de chacun des deu" autres 6 -e seraitce pas qu’il n’! a personne pour envisager comme s)para#les les d)terminations de la matière qui en sont ins)para#les. Aucontraire, c’est le naturaliste qui considère toutes les op)rations et passions appartenant uncorps de telle nature d)termin)e et une matière de telle sorte. @uant au" accidents des corpsqui ne sont pas consid)r)s comme leur appartenant de cette fa>on, c’est un autre que lenaturaliste qui les )tudiera 5 c’estdire pour certaines, ce sera l’artisan, ou le charpentier, ouencore le m)decin, par e"emple 5 pour d’autres, qui, sans 1tre s)para#les, ne sont pas

    consid)r)es comme des passions d’un corps d’une nature d)termin)e, mais proviennent d’unea#straction, ce sera le math)maticien. Enfin, celles qui sont consid)r)es comme a!ant unee"istence entièrement s)par)e, sont l’affaire du philosophe.

    0ais revenons notre point de d)part. ;omme nous le disions, les passions de l’+me sontins)para#les de la matière ph!sique des vivants 5 ainsi donc, c’est en tant que telles qu’ellesleur appartiennent des attri#uts tels que le courage et la crainte, par e"emple, et non pascomme la ligne et de la surface.

    *RE+IERE *ARTIE

    L%&e et (e( pri,-ipe(Ca!itre "

    3uisque nous )tudions l’+me, il est n)cessaire, en m1me temps que de poser des pro#lèmesque nous aurons r)soudre par la suite, de recueillir les opinions de nos devanciers qui ont

     profess) quelque doctrine son su*et, afin de tirer profit de ce qu’elles auront de *uste, etd’)viter ce qui ne l’est pas. Le point de d)part de notre investigation, c’est d’e"poser lescaractères qui, de l’avis g)n)ral, appartiennent )minemment l’+me en vertu de sa nature.

    =r l’anim) diffère de l’inanim), sem#letil, par deu" caractères principau" : le mouvementet la sensation. Et ce sont aussi, appro"imativement, ces deu" conceptions que nous ont

    transmises nos pr)d)cesseurs au su*et de l’+me.;ertains d’entre eu", en effet, disent que l’+me est par e"cellence et primordialement le

    moteur. Et, dans la pens)e que ce qui n’est pas m soim1me est incapa#le de mouvoir uneautre chose, ils ont cru que l’+me appartient la classe des choses en mouvement.

    e l vient que )mocrite assure $%&%a( que l’+me est une sorte de feu et de chaleur. ?esfigures ou atomes sont, en effet, infinis, et ceu" qui ont la forme sph)rique, il les appelle feuet +me 5 ils peuvent 1tre compar)s ce qu’on nomme les poussières de l’air, qui apparaissentdans les ra!ons solaires travers les fen1tres. e ces figures l’universelle r)serve s)minaleconstitue, selon lui, les )l)ments de la nature entière. =n trouve la m1me th)orie cheBLeucippe. Et ceu" d’entre ces atomes qui rev1tent la forme sph)rique sont identifi)s avecl’+me, parce que les figures de ce genre sont les plus aptes . p)n)trer travers toutes choseset mouvoir le reste, attendu qu’elles sont ellesm1mes en mouvement 5 et ces philosophessont d’avis que l’+me est ce qui imprime le mouvement au" animau".

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    ;’est aussi pourquoi la respiration est pour eu" le caractère essentiel de la vie. En effet,quand le milieu am#iant comprime les corps organiques et en fait sortir celles des figures quicommuniquent le mouvement au" animau" parce qu’elles ne sont ellesm1mes *amais enrepos, un renfort est apport) du dehors ces atomes par l’introduction d’autres figures dem1me nature, dans l’acte respiratoire : car ces figures emp1chent encore celles qui se trouvent

    d)* l’int)rieur des animau" de s’)chapper, en repoussant ce qui comprime et condense. Etselon ces philosophes les animau" vivent aussi longtemps qu’ils sont capa#les d’e"ercer cetter)sistance.

    7l sem#le aussi que la doctrine des 3!thagoriciens ait la m1me signification. ;ertainsd’entre eu", en effet, ont d)clar) que l’+me, ce sont les poussières de l’air, d’autres, que c’estce qui les meut 5 et au su*et de ces poussières, on fait remarquer qu’elles nous paraissentcontinuellement en mouvement, m1me quand le calme est complet.

    La m1me tendance est celle de ceu" qui d)finissent l’+me ce qui se meut soim1me 5 ilssem#lent tous penser, en effet, que le mouvement est le caractère le plus propre de l’+me, etque toute chose est mue par l’+me, mais que celleci se meut par ellem1me 5 la raison en estqu’on ne voit aucun moteur qui ne soit luim1me m.

    e m1me, Ana"agore aussi assure que l’+me est la cause motrice, et c’est aussi l’opinionde tout autre philosophe s’il en fut, qui a admis que l’intelligence a imprim) le mouvement l’Cnivers. La position d’Ana"agore n’est cependant pas tout fait celle de )mocrite. ;eluici, en effet, identifie a#solument +me et intelligence, puisque, selon lui, le vrai c’est ce quiapparat aussi approuvetil Domère de dire dans un vers que Dector )tait )tendu, la raison)gar)e F 5 il ne traite donc pas l’intelligence comme une facult) de con natre la v)rit), mais ilidentifie +me et intelligence. $%&%#( Ana"agore, lui, s’e"prime moins clairement leur su*et : maintes reprises, il assure que la cause du #eau et de l’ordre, c’est l’intelligence, maisailleurs il identifie l’intelligence avec l’+me, puisqu’il l’attri#ue tous les animau", grands et

     petits, sup)rieurs et inf)rieurs. =r il n’apparat pourtant pas que l’intelligence entendue ausens de prudence appartienne )galement tous les animau", ni m1me tous les hommes.

    Ainsi, tous les philosophes qui ont port) leur attention sur le fait que l’anim) se meut, ontconsid)r) l’+me comme le moteur par e"cellence.

    Au contraire ceu" qui se sont attach)s surtout au fait que l’anim) connat et sent les 1tres,ceu"l disent que l’+me consiste dans les principes : pour ceu" qui admettent plusieurs

     principes, l’+me est identique ces principes, et pour ceu" qui n’en admettent qu’un, l’+meest ce principe m1me. ;’est ainsi qu’Emp)docle d)clare qu’elle est compos)e de tous les)l)ments, chacun de ces )l)ments )tant aussi une +me. Goici, du reste, ses propres paroles :

    C#est !ar la terre que nous vo$ons la terre, !ar l#eau, l#eau,

     %ar l#éter, le divin éter, le &eu !ar le &eu,

     %ar l#amour, l#amour, et la aine !ar la triste aine.

    e l m1me manière, 3laton, dans le 'imée, fa>onne l’+me partir des )l)ments, car pour lui le sem#la#le est connu par le sem#la#le, et les choses sont constitu)es par les principes.

    e m1me aussi, dans ses le>ons sur la philosophie, on trouve )ta#li que l’animal en soi provient de l’7d)e m1me de l’Cn, et de la longueur, de la largeur et de la profondeur  premières, et que les autres 1tres sont aussi compos)s d’une manière sem#la#le. 3latons’e"prime encore autrement : l’intelligence est l’Cn, et la science, le deu", car elle s’avance,d’une direction unique vers un seul point 5 le nom#re de la surface est l’opinion, et celui duvolume, la sensation. Les nom#res, en effet, )taient e"press)ment identifi)s avec les 7d)esm1mes et les principes, et ils sont constitu)s partir des )l)ments 5 d’autre part, les chosessont saisies, les unes par l’intelligence, d’autres par la science, d’autres encore par l’opinion,d’autres enfin par la sensation, et ces nom#res sont en m1me temps les 7d)es des choses.

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    0ais, comme il leur sem#lait que l’+me est aussi #ien motrice que cognitive de cettemanière, certains philosophes l’ont fa>onn)e partir de ces deu" principes, en d)clarant quel’+me est un nom#re qui se meut luim1me.

    Toutefois les opinions diffèrent au su*et de la nature et du nom#re des principes 5 ladiff)rence e"iste surtout entre ceu" qui les font corporels et ceu" qui les fonts incorporels,

    $%&Ha( et de tous ceu"l diffèrent )galement ceu" qui opèrent un m)lange et a qui tirent desdeu" sources la d)finition de leurs principes. Les divergences s’appliquent aussi au nom#redes principes : lesI uns disent qu’il n’! en a qu’un, les autres, plusieurs. Et c’est en demeurantcons)quents avec leurs doctrines qu’ils ont rendu compte de la nature de l’+me.

    7ls ont cru, non sans raison, que ce qui est naturellement moteur fait partie des principes.’oJ l’opinion est venue certains philosophes que l’+me est feu, car le feu est le plus su#tilet le plus incorporel des )l)ments et, en outre, c’est lui qui, primitivement, est m et meut lesautres choses. )mocrite s’est e"prim) d’une fa>on plus ing)nieuse et a montr) la raison pour laquelle chacun de ces deu" caractères appartient l’+me : l’+me et l’intelligence sont, ditil,une seule r)alit), cette r)alit) est l’un des corps premiers et indivisi#les, et elle est motrice enraison de la su#tilit) et de la figure de ses atomes 5 d’autre part, il assure que, de toutes les

    formes, la forme sph)rique est la plus ais)e mouvoir, et que telle est pr)cis)ment la forme del’intelligence et du feu.

    Ana"agore sem#le soutenir que l’+me est une chose distincte de l’intelligence, ainsi quenous l’avons indiqu) plus haut. 0ais en r)alit) il traite l’une et l’autre comme une natureunique, e"cept) toutefois que c’est de pr)f)rence l’intelligence qu’il pose comme principe detous les 1tres. En tout cas, il assure que, seule de tous les 1tres, elle est simple, sans m)langeet pure, et il assigne au m1me principe les deu" puissances, savoir la connaissance et lamotricit), quand il dit que c’est l’intelligence qui a mis en mouvement l’Cnivers. 7l sem#leaussi que Thalès, d’après ce qu’on rapporte, ait pens) que l’+me est une force motrice, s’il estvrai qu’il a pr)tendu que la pierre d’aimant possède une +me parce qu’elle attire le fer.

    3our iogène 9comme aussi pour certains autres, l’+me, c’est l’air, car il pensait que l’air est le plus su#til de tous les corps et le principe m1me 5 et telle est la raison pour laquellel’+me connat et meut : en tant que l’air est premier et que le reste en d)rive, il connat, et entant qu’il est le plus su#til, des corps, il est moteur.

    D)raclite prend aussi l’+me pour principe, puisqu’elle est, selon lui, l’e"halaison dont lesautres choses sont constitu)es. 7l a*oute que ce principe est ce qu’il ! a de plus incorporel, etqu’il est en un flu" perp)tuel 5 que, d’autre part, le m est connu par le m, car, pour lui,comme pour la plupart des philosophes, tous les 1tres sont en mouvement. ?ensi#lement lam1me parat avoir )t) l’opinion d’Alcm)on sur l’+me. 7l pr)tend, en effet, qu’elle estimmortelle par sa ressem#lance avec les 1tres immortels, et que cette ressem#lance luiappartient en vertu de son )ternel mouvement, car toutes les choses divines se meuvent

    tou*ours d’une fa>on $%&H#( continue, la lune, le soleil, les astres et ciel tout entier.3armi les philosophes d’une pens)e plus superficielle, certains ont profess) m1me quel’+me est eau, par e"emple Dippon 5 leur conviction sem#le provenir du fait que la semence,cheB tous les animau", est humide car Dippon r)fute ceu" qui pr)tendent que l’+me est lesang, en disant que la semence n’est pas du sang et que c’est elle qui est l’+me primitive.’autres, comme ;ritias, ont soutenu que l’+me est le sang, dans la pens)e que la sensationest l’attri#ut le plus propre de l’+me, et que cet attri#ut est d la nature du sang.

    En effet, tous les )l)ments ont trouv) leur d)fenseur, l’e"ception de la terre : celleci, personne ne l’a adopt)e, sauf celuil, s’il en fut, qui a d)clar) que l’+me provient de tous les)l)ments, ou qu’elle est tous les )l)ments.

    Ainsi, tous ces philosophes d)finissent l’+me par trois caractères, peuton dire : lemouvement, la sensation, l’incorpor)it), et chacun de ces caractères est rapport) au" principes

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     pos)s. ;’est pourquoi ceu" qui d)finissent l’+me par la connaissance font d’elle soit un)l)ment, soit un compos) l’)l)ments professant ainsi, l’e"ception d’un seul, des opinionsvoisines les unes des autres. 7ls disent, en effet, que le sem#la#le est connu par le sem#la#le,et, comme l’+me connat toutes choses, ils la constituent partir de tous les principes.

    Ainsi, les philosophes qui n’admettent qu’une seule cause et qu’un seul )l)ment, par 

    e"emple le feu ou l’air, posent l’+me comme form)e aussi d’un seul )l)ment, tandis que ceu"qui reconnaissent une pluralit) de principes introduisent aussi la pluralit) dans sa composition.Ana"agore est sou tenir que l’intelligence est impassi#le et qu’elle n’a rien de commun avecaucune autre chose. 0ais si telle est sa nature, comment connatratelle et par quelle cause 6Ana"agore ne l’a pas e"pliqu), et on ne peut pas non plus l’inf)rer clairement de ses paroles.

    Tous ceu" qui introduisent des contrari)t)s dans leurs principes constituent aussi l’+me  partir des contraires 5 par contre, ceu" qui n’ad mettent comme principes que l’un ou l’autredes deu" contraires, par e"emple le chaud ou le froid, ou quelque autre qualit) de ce genre,r)duisent pareillement l’+me l’un ou l’autre de ces contraires. ;’est aussi pourquoi ils selaissent guider par les d)nominations : ceu" qui identifient l’+me avec le chaud assurent quec’est pour cela que le mot vivre F 9ζην a )t) cr)) 5 ceu" qui, au contraire, l’identifient avec

    le froid 9ψυχρον, affirment que c’est cause de la respiration et du refroidissement qu’elleest appel)e me 9ψυχη.

    Goil donc les opinions traditionnelles sur l’+me et les raisons pour lesquelles on s’est prononc) de cette fa>on.

    Ca!itre

    7l faut e"aminer d’a#ord ce qui concerne le mouvement. ?ans doute, en effet, nonseulement il est fau" de se repr)senter la su#stance de l’+me comme ceu" qui d)finissent

    l’+me $%&Ka( ce qui se meut soim1me ou est capa#le de se mouvoir soim1me, mais encore ilest complètement impossi#le que le mouvement appartienne l’+me.

    @ue le moteur ne soit pas n)cessairement m luim1me, c’est ce que nous avons )ta#liant)rieurement. Toute chose peut se mouvoir de deu" fa>ons : ou #ien par autre chose, ou #ien

     par ellem1me. ?e meut par autre chose, disonsnous tout ce qui est m par le fait d’1trecontenu dans une chose mue, par e"emple les matelots, lesquels ne se meuvent pas de lam1me fa>on que le navire. ;eluici se meut par luim1me, et les matelots parce qu’ils setrouvent dans le navire en mouvement. ;ela est )vident si on considère leurs mem#res : eneffet, le mouvement propre des pieds est la marche, qui est aussi le mouvement propre del’homme 5 or la marche n’est pas alors attri#u)e au" matelots. Le terme 1tre m F pouvants’entendre de ces deu" fa>ons, nous avons maintenant e"aminer au su*et de l’+me, si elle semeut par ellem1me et si elle a le mouvement en partage.

    Les mouvements )tant de quatre espèces, translation, alt)ration, diminution etaccroissement, c’est soit de l’un d’eu" que l’+me pourra se mouvoir, soit de plusieurs, soit detous. =r si elle n’est pas mue par accident, c’est naturellement qu’elle possèdera lemouvement. 0ais s’il en est ainsi, elle sera aussi dans un lieu, car tous les mouvements dontnous venons de parler sont dans le lieu. e plus, si l’essence de l’+me est de se mouvoir soim1me, ce n’est pas par accident que le mouvement lui appartiendra, comme c’est le cas pour le #lanc ou ce qui mesure trois coud)es : ces d)terminations se meuvent #ien aussi, maisseulement par accident, car c’est le su*et auquel elles appartiennent qui se meut en r)alit),c’estdire le corps 5 et telle est la raison pour laquelle il n’! a pas de lieu naturel pour elles.

    0ais l’+me en aura un, s’il est vrai qu’elle a naturellement le mouvement en partage.

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    e plus, si l’+me se meut naturellement, elle pourra aussi 1tre mue d’un mouvement forc) 5et si elle est mue d’un mouvement forc), elle pourra aussi se mouvoir naturellement. Et il enest de m1me en ce qui concerne le repos, car le terminus ad quem du mouvement natureld’une chose est aussi le lieu de son repos naturel, et, pareillement, le terminus ad quem de sonmouvement forc) est le lieu de son repos forc). 0ais quels pourront #ien 1tre les mouvements

    ou les repos forc)s de l’+me 6 01me en voulant l’imaginer il n’est pas facile d’en rendrecompte.e plus, si elle se meut vers le haut, l’+me sera feu, et si c’est vers le #as, elle sera terre car 

    tels sont les mouvements de ces corps. Et le m1me raisonnement s’appliquera aussi au"mouvements interm)diaires.

    En outre, puisqu’il apparat en fait que l’+me meut le corps, on peut raisonna#lementsupposer qu’elle lui imprime les mouvements par lesquels elle est ellem1me mue 5 mais s’ilen est ainsi, il est vrai de dire, inversement, que le mouvement par lequel le $%&K#( corps semeut est aussi celui qui meut l’+me. =r, le corps se mouvant par translation, l’+me devraitaussi changer de la m1me fa>on que lui, se d)pla>ant soit dans sa totalit), soit dans ses parties.0ais si cela )tait possi#le, il serait possi#le )galement qu’elle s’)loign+t du corps et qu’elle !

    rentr+t, et il en r)sulterait que les animau" morts pourraient ressusciter.0ais diraton un mouvement par accident peut aussi 1tre imprim) l’+me par autre chose

    qu’ellem1me, puisque l’animal peut 1tre pouss) par un mouvement forc). ;ertes, mais alorsil ne faut pas admettre qu’une chose essentiellement mo#ile par soi puisse 1tre mue par uneautre chose, sinon par accident, pas plus que ce qui est #on par soi ou pour soi ne peut l’1tre

     par autre chose ou en vue d’autre chose. Et, en supposant que l’+me soit mue, c’est par leschoses sensi#les qu’on pourra soutenir, avec le plus de vraisem#lance, qu’elle est mue.

    0ais, en outre, dire que l’+me se meut ellem1me, c’est dire que c’est ellem1me qui seramue 5 de sorte que, tout mouvement )tant un d)placement du m en tant qu’il est m, l’+mesera d)pouill)e de sa su#stance, si du moins ce n’est pas par accident qu’elle se meut ellem1me, mais si le mouvement appartient sa su#stance m1me, par soi.

    ;ertains philosophes soutiennent m1me que l’+me meut le corps dans lequel elle r)side, dela fa>on dont elle se meut ellem1me. Telle est, par e"emple, l’opinion de )mocrite, lequels’e"prime peu près comme 3hilippe, l’auteur comique. ;e dernier dit, en effet, que )dalerendit mo#ile son Aphrodite de #ois en ! versant du vifargent. =r c’est de la m1me fa>on ques’e"prime )mocrite : il dit, en effet, que les sphères indivisi#les, qui sont en mouvement

     parce qu’il est de leur nature de ne *amais demeurer en repos, entranent et meuvent le corpsentier. 0ais nous demanderons, notre tour, si ce sont ces m1mes atomes qui produisent aussile repos. ;omment ils le produiraient, voil qui est difficile, ou m1me impossi#le, e"pliquer.Et, en g)n)ral, il n’apparat pas que ce soit de cette fa>on que l’+me meut l’animal 5 c’est enr)alit) par un certain choi" et une certaine pens)e.

    ;’est de la m1me manière )galement que le personnage du 'imée donne une e"plication ph!sique de l’action motrice de l’+me sur le corps. L’+me, en effet, se mouvant ellem1me,meut aussi le corps, en raison de ce qu’elle est entrelac)e avec lui. ;ar, après l’avoir constitu)e partir des )l)ments et l’avoir partag)e selon les nom#res harmoniques, afinqu’elle et en elle un sentiment inn) de l’harmonie et que l’Cnivers accomplt desmouvements harmonieu", le d)miurge a cour#) en cercle la dimension rectiligne, et, a!antdivis) l’unit) en deu" cercles rattach)s en deu" points, il a divis) l’un de ces cercles, puis,$%&a( de nouveau, en sept cercles, )tant donn) que dans ce s!stème les r)volutions du ;ielsont les mouvements m1mes de l’+me.

    0ais en premier lieu, il est fau" de soutenir que l’+me soit une grandeur. 7l est )vident en

    effet, que, dans l’intention du 'imée, l’+me du 0onde est de la nature de ce qui est nomm)l’intellect, car elle ne peut assur)ment 1tre compar)e l’+me sensitive ou l’+me app)titive,

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    dont le mouvement n’est pas une translation circulaire. =r l’intellect est un et continu . lafa>on de l’intelligence, et l’intelligence est identique ses concepts. ’autre part, ceu"ci ontune unit) de cons)cution comme le nom#re, mais non comme la grandeur. ;’est pourquoil’intellect, non plus, n’est pas continu en ce dernier sens, mais ou #ien il est impartagea#le, ou

     #ien il est continu, mais non comme une grandeur.

    ;omment, en effet, penseratil, )tant une grandeur 6 ?erace par sa totalit) ou par l’unequelconque de ses parties 6 3ar une partie, c’estdire soit selon une grandeur, soit selon un point 9si l’on doit, du moins, appeler ce dernier une partie. ?i donc c’est selon un point, les points )tant infinis en nom#re, il est clair que *amais l’intellect ne pourra les parcourir. ?i c’estselon une grandeur, il pensera plusieurs fois, ou m1me un nom#re infini de fois, le m1meo#*et. =r, manifestement, il ne le peut faire qu’une fois. Et s’il suffit pour lui d’entrer encontact par l’une quelconque de ses parties, pourquoi e"iger qu’il se meuve circulairement oum1me, a#solument, qu’il ait une grandeur 6 0ais s’il est n)cessaire, pour qu’il pense, qu’il !ait contact par le cercle entier, que devient le contact par les parties 6

    Et, de plus, comment penseratil le partagea#le par l’impartagea#le, ou l’impartagea#le par le partagea#le 6 Et il est n)cessaire que l’intellect soit ce cerclel, car, pour l’esprit, son

    mouvement est l’intelligence, et, pour le cercle, la translation circulaire. ?i donc l’intelligenceest la translation circulaire, l’intellect sera le cercle dou) d’une telle translation circulaire,savoir l’intelligence.

    0ais quel o#*et penseratil donc )ternellement 6 7l faut #ien qu’il ! en ait un, si latranslation circulaire est )ternelle. 3our les pens)es pratiques, en effet, il e"iste des limites9car toutes ont en vue une autre chose, et les pens)es th)or)tiques sont limit)es de la m1memanière que leurs e"pressions logiques. =r toute e"pression logique est d)finition oud)monstration. La d)monstration part d’un principe, et a en quelque sorte pour fin les!llogisme ou la conclusion 5 et m1me si les d)monstrations ne sont pas limit)es, du moins nereviennentelles pas sur ellesm1mes dans la direction du principe, mais, par l’ad*onctionsuccessive d’un mo!en et d’un e"tr1me, elles s’avancent en ligne droite. Les d)finitions sont)galement toutes limit)es.

    e plus puisque la m1me translation circulaire s’accomplit plusieurs fois, il faudra quel’intellect pense plusieurs fois le m1me o#*et.

    e plus, l’intellect ressem#le davantage un repos ou un arr1t qu’ un mouvement, et ilen est de m1me du s!llogisme.

    ’autre part, l’1tre qui est mal $%&#(  l’aise et forc) n’est pas souverainement heureu".=r si le mouvement de l’+me est la n)gation de son essence, c’est contrairement sa naturequ’elle sera mue. 7l est p)ni#le aussi d’1tre m1l) au corps sans pouvoir s’en d)lier, et, de plus,c’est )viter, s’il est vrai qu’il est meilleur pour l’intellect de ne pas 1tre uni un corps,comme on a coutume de le dire et comme #eaucoup en conviennent.

    e plus, la cause de la translation circulaire du ciel demeure o#scure : ce n’est pas lasu#stance de l’+me qui est la cause de ce mouvement circulaire, mais c’est par accident quel’+me se meut ainsi 5 ce n’est pas non plus le corps qui est cette cause ce serait plut4t encorel’+me que le corps. =n ne dit m1me pas que ce soit meilleur ainsi. Et pourtant il faudrait quela raison pour laquelle ieu fait l’+me se mouvoir en cercle ft qu’il est meilleur pour elle dese mouvoir que de rester en repos, et de se mouvoir ainsi plut4t qu’autrement. 0ais puisqu’une"amen de cette sorte est plus appropri) d’autres )tudes, laissonsle de c4t) pour le moment.

    Goici encore une a#surdit) en tran)e par cette doctrine et par la plupart de celles quitraitent de l’+me c’est qu’elles unissent et placent l’+me dans un corps, sans pr)ciser en rien laraison de cette union, ni comment le corps se comporte. 3ourtant il peut sem#ler qu’une tellee"plication soit indispensa#le : car c’est en vertu de leur communaut) que l’une agit et l’autre

    su#it, que l’un est m et l’autre meut 5 et aucun de ces rapports r)ciproques n’appartient deschoses prises au hasard. =r ces philosophes s’efforcent seulement d’e"pliquer la nature de

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    @u’ainsi l’+me ne puisse ni 1tre une harmonie, ni se mouvoir circulairement, cela est)vident d’après ce que nous avons dit. 0ais, par accident, elle peut 1tre mue, ainsi que nousl’avons indiqu) et elle peut aussi se mouvoir ellem1me : *e veu", dire que le su*et dans lequelelle r)side peut 1tre m et qu’il peut 1tre m par l’+me 5 d’aucune autre fa>on, elle ne peut se

    mouvoir dans le lieu. =n pourrait plus l)gitimement demeurer dans le doute au su*et du$%&N#( mouvement de l’+me, si on consid)rait des faits tels que ceu" que nous allons citer. -ous disons, en effet, de l’+me qu’elle est triste ou *o!euse, audacieuse ou craintive, et aussiirasci#le, sensitive, pensante 5 et toutes ces d)terminations nous sem#lent 1tre desmouvements. =n en pourrait inf)rer que l’+me est mue. ;ette cons)quence n’est cependant

     pas n)cessaire.@u’on suppose, en effet, tant que l’on voudra, que la tristesse, la *oie ou la pens)e soient

    des mouvements, que chacun de ces )tats consiste dans un mouvement su#i et que cemouvement soit caus) par l’+me 5 que, par e"emple, la colère ou la crainte, c’est telmouvement d)termin) du cœur, et la pens)e discursive, un mouvement, soit du m1me organesans doute, soit de quelque autre, ces )tats )tant ainsi, les uns des mouvements de translation

    de certaines parties du corps, les autres des mouvements d’alt)ration 9quant pr)ciser quellessortes de mouvement et comment ils ont lieu, c’est une autre question 5 dire alors que l’+meest en colère, c’est comme si l’on pr)tendait que c’est l’+me qui tisse ou qui construit. 7l estsans doute pr)f)ra#le, en effet de ne pas dire que l’+me )prouve de la piti), apprend ou pense,et de dire que c’est l’homme, par son +me. -on pas que nous entendions par l que lemouvement soit dans l’+me, mais que tant4t il a#outit l’+me et que tant4t il )mane d’elle : lasensation, par e"emple, prenant son point de d)part dans les o#*ets d)termin)s et larem)moration, par contre, partant de l’+me vers les mouvements ou leurs r)sidus que lasensation a laiss)s dans les organes sensoriels.

    @uant l’intellect, il sem#le #ien survenir en nous comme poss)dant une e"istencesu#stantielle, et n’1tre pas su*et la corruption. ;ar il pourrait tout au plus p)rir sous l’actionde l’affai#lissement d la vieillesse. 0ais, en r)alit), il en est, sans doute, en ce cas, comme

     pour les organes des sens : si le vieillard recouvrait un oeil de #onne qualit) il verrait aussiclair que le *eune homme. ;’est donc que la vieillesse est due, non pas une passionquelconque de l’+me, mais une passion du su*et oJ elle r)side, comme il arrive dansl’ivresse et les maladies. L’e"ercice de la pens)e et de la connaissance d)clinent donc quandun autre organe int)rieur est d)truit mais, en luim1me, l’intellect est impassi#le. Et la pens)e,ainsi que l’amour ou la haine, sont des passions, non pas de l’intellect, mais du su*et qui le

     possède, en tant qu’il le possède. ;’est pourquoi aussi, ce su*et une fois d)truit, il n’! a plus nisouvenirs, ni amiti)s : ce ne sont pas, en effet, disionsnous les passions de l’intellect, mais ducompos) qui a p)ri, et l’intellect est sans doute quelque chose de plus divin et d’impassi#le.

    @u’ainsi il ne soit pas possi#le que l’+me soit mue, cela r)sulte clairement de ce que nousvenons de dire, et si elle n’est a#solument pas mue, il est )vident qu’elle ne peut non plusl’1tre par ellem1me.

    0ais des opinions que nous avons )num)r)es, la plus d)raisonna#le de #eaucoup, c’est desoutenir que l’+me est un nom#re qui se meut soim1me 5 car ses partisans s’engagent d’a#orddans les impossi#ilit)s r)sultant de l’opinion que l’+me se meut, et aussi dans celles qui sontsp)ciales au" philosophes $%&Oa( pour qui l’+me est un nom#re.

    ;omment, en effet, fautil concevoir une unit) en mouvement 6 3ar quoi seratelle mue, etcomment puisqu’elle est sans partie et indiff)renci)e 6 ;ar si elle est la fois motrice etmo#ile, il faut #ien qu’il e"iste en elle une diff)renciation.

    e plus, puis que les partisans de cette th)orie disent que la ligne en mouvement engendrela surface, et le point la ligne, les mouvements des unit)s de l’+me seront aussi des lignes,

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     puisque le point, c’est une unit) occupant une position 5 et le nom#re de l’+me doit dès lors1tre quelque part et occuper une position.

    e plus, si d’un nom#re on retranche un nom#re ou m1me une unit), le reste est un autrenom#re. Au contraire, les plantes et un grand nom#re d’animau" continuent de vivre une foisdivis)s, et ils paraissent #ien poss)der sp)cifiquement la m1me +me dans chaque segment.

    7l peut sem#ler d’ailleurs qu’il importe peu de parler d’unit)s ou de petits corpuscules 5 car si les atomes sph)riques de )mocrite devenaient des points et que seule leur quantit)num)rique rest+t invaria#le, il devrait ! avoir dans cette quantit) une partie des points qui ftmotrice et une autre partie qui ft mo#ile, comme cela arrive dans le continu. En effet, ce quenous venons de dire des atomes ne d)pend pas d’une diff)rence dans leur grandeur ou leur 

     petitesse, mais seulement de ce qu’ils sont une quantit) num)rique. Aussi estil n)cessairequ’il ! ait quelque chose pour mouvoir les unit)s de l’+me. 0ais si, dans l’animal, le moteur,c’est l’+me, il doit en 1tre de m1me dans le nom#re, de sorte que ce n’est pas le moteur et l mqui seront l’+me, mais le moteur seulement. Et comment alors estil possi#le que cette causesoit une unit) 6 7l faudrait, en effet, qu’il ! et quelque diff)rence entre cette unit) et lesautres. =r le point arithm)tique, quelle diff)rence peutil avoir autre que la position 6

    ?i, alors, d’autre part les unit)s du corps et les points sont diff)rents des unit)s de l’+me,ces unit)s de l’+me seront dans le m1me lieu que les points du corps chaque unit) occupera,en effet, la place d’un point. =r qui emp1che que si, dans le m1me lieu, il ! a deu" points, iln’! en ait un nom#re infini 6 ;ar les choses dont le lieu est indivisi#le le sont aussi ellesm1mes.

    ?i, au contraire, les points du corps sont le nom#re m1me de l’+me, autrement dit si lenom#re des points du corps est l’+me, pourquoi tous les corps n’ontils pas une +me 6 Tous lescorps, en effet, sem#lent #ien contenir des points, et m1me en nom#re infini.

    e plus, comment estil possi#le que ces points soient s)par)s et d)li)s des corps, si dumoins on admet que les lignes ne se r)solvent pas en points 6

    P)nocrate en arrive ainsi, comme nous l’avons dit d’une part, professer la m1me doctrineque les philosophes qui font de l’+me un corps su#til, et, d’autre part, )tant donn) qu’l’e"emple de )mocrite il soutient que le mouvement de l’animal vient de l’+me, s’em#arrasser dans des difficult)s qui lui sont propres.

    ?’il est vrai, en effet que l’+me soit r)partie dans tout le corps sentant, deu" corpsoccuperont n)cessairement le m1me lieu, du moment que l’+me est un corps 5 et ceu" quisoutiennent que l’+me est un nom#re, doivent admettre que dans un point unique il ! aura

     plusieurs points, ou #ien que tout corps aura une +me, moins que le nom#re qui est l’+me nesoit un nom#re diff)rent qui sur vienne en nous, un nom#re autre que celui des points e"istantdans le corps.

    Autre cons)quence : l’animal est m par le nom#re, de la fa>on dont nous avons dit que

    )mocrite le faisait mouvoir. @uelle diff)rence, en effet, ! atil entre parler de petites sphèresou de grandes unit)s, ou, simplement, d’unit)s en mouvement 6 ’une fa>on comme del’autre, les mouvements de l’animal sont n)cessairement dus leurs propres mouvements.

    Aussi ceu" qui com#inent dans la m1me d)finition le mouvement et le nom#re en arriventils , ces difficult)s et #ien d’autres de m1me genre. ;ar l’aide de ces caractères, il estimpossi#le non seulement de former la d)finition de l’+me, mais m1me de constituer ses

     propri)t)s d)riv)es. ;ela devient )vident dès que l’on essaie de partir de cette d)finition pour rendre compte des passions et des actions de l’+me, telles que le raisonnement, la sensation, le

     plaisir, la douleur, et ainsi de suite. Ainsi que nous l’avons d)* dit plus haut il n’est m1me pasfacile de con*ecturer ces )tats en partant de ces caractères.

    Tels sont les trois modes traditionnels d’après lesquels on a d)fini l’+me : les uns l’ont pr)sent)e comme le moteur par e"cellence, par le fait qu’elle est quelque chose qui se meut

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    soim1me, d’autres, comme le corps le plus su#til et le plus incorporel de tous. 0ais quellesdifficult)s et quelles contra dictions ces doctrines a#outissent, nous l’avons suffisammente"pos). 7l nous reste e"aminer de quel droit on pr)tend que l’+me est compos)e d’)l)ments.La raison qu’on donne, c’est qu’on permet ainsi l’+me de sentir les 1tres et de connatrechacun d’eu" 5 mais cette opinion entrane in)lucta#lement de multiples impossi#ilit)s.

    =n pose, en effet, que le sem#la#le est connu par le sem#la#le, comme si l’on supposaitque l’+me consiste dans ses o#*ets m1mes. =r les )l)ments ne sont pas les seuls o#*ets del’+me : l’+me connat #eaucoup d’autres choses, ou plut4t, dironsnous, un nom#re infinid’autres choses, et ce sont toutes celles qui sont compos)es des )l)ments. Admettons alors quel’+me soit capa#le de connatre et de sentir les )l)ments constitutifs de tous ces compos)s 5mais le compos) m1me, par quoi le connatratelle ou le perce par e"emple, ce qu’est ieu,ou l’homme, ou la chair, ou l’os, et pareillement $%Q&a( n’importe quel autre compos) 6;hacun d’eu", en effet, ne consiste pas dans les )l)ments assem#l)s d’une fa>on quelconque,mais assem#l)s suivant une certaine proportion et composition, comme le dit de l’osEmp)docle luim1me :

     +t la terre bienveillante, dans ses am!les creusets,

     Reut deu-, sur uit !arties, de l#éclatante estis,

     +t quatre d#/é!a0stos. +t les os blancs naquirent 

    =n ne retir) donc aucun #)n)fice de la pr)sence des )l)ments dan l’+me si on n’! faitentrer aussi les proportions et la composition. En effet, chaque )l)ment connatra sonsem#la#le, mais l’os ou l’homme, il n’! aura rien pour le connatre, moins qu’ils ne soient,eu" aussi, pr)sents dans l’+me. =r que ce ne soit l une impossi#ilit), il n’est pas #esoin de ledire 5 car qui oserait se demander si, dans l’+me, r)sident la pierre ou l’homme 6 3areillement

     pour ce qui est #ien et ce qui ne l’est pas, et de m1me aussi pour le reste.e plus, l’Rtre se prenant en de multiples acceptions 9car il signifie la su#stance, ou la

    quantit), ou la qualit), ou quelque autre des cat)gories que nous avons distingu)es, estce, ou

    non, partir de toutes ces cat)gories que l’+me sera constitu)e 6 7l ne sem#le pas qu’il ! aitdes )l)ments communs toutes. Estce donc que l’+me est form)e seulement de ces )l)mentsqui entrent dans la composition des su#stances 6 ;omment alors connatratelle aussichacune des autres cat)gories 6 iraton, au contraire, que, pour chaque genre, il ! a des)l)ments et des principes sp)ciau" dont l’+me est constitu)e 6 Elle sera alors, la fois,quantit), qu et su#stance. =r il est impossi#le que, des )l)ments de la quantit), r)sulte unesu#stance qui ne soit pas une quantit). 3our ceu" qui pr)tendent que l’+me est compos)e detous les )l)ments, telles sont donc les difficult)s, et d’autres de m1me nature, oJ ilsa#outissent.

    0ais il est, en outre, a#surde de soutenir que le sem#la#le ne peut 1tre affect) par lesem#la#le, alors que, d’autre part, ils pr)tendent que le sem#la#le est per>u par le sem#la#le,

    et le sem#la#le connu par le sem#la#le, car sentir, comme d’ailleurs penser et con natre,c’est, selon leurs propres principes, su#ir une passion et un mouvement.

    7l ! a #eaucoup de difficult)s et d’em#arras soutenir, comme le fait Emp)docle quechaque )l)ment est connu par ses )l)ments corporels et par relation avec son sem#la#le. ;eque nous allons dire va le confirmer. ;ar toutes les parties du corps des animau" uniquementform)es de terre, par e"emple les $%Q( os, les tendons, les poils, ne per>oivent, sem#letil,rien du tout, et par suite, ne per>oivent m1me pas les )l)ments qui leur sont sem#la#les. Etc’est pourtant ce qu’il faudrait.

    e plus, chaque principe possèdera plus d’ignorance que de science, car chacun d’eu"connatra une chose, mais il en ignorera #eaucoup : en fait, ce sera tout le reste. 7l en r)sultem1me, dans le s!stème d’Emp)docle du moins, que le plus ignorant des 1tres, c’est ieu car ilest le seul ne pas connatre l’un des )l)ments, la Daine, tandis que les 1tres mortels, qui sontcompos)s de tous les )l)ments, les connatront tous.

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    ’une manière g)n)rale, pour quelle raison, demanderonsnous, tous les 1tres n’ontils pasune +me, puisque toute chose ou #ien est un )l)ment, ou #ien est constitu)e partir d’un)l)ment, ou de plusieurs, ou de tous 6 7l est, par suite, n)cessaire que chaque chose connaissesoit un )l)ment, soit certains )l)ments, soit tous.

    =n pourrait encore se demander qu’estce enfin qui est le principe unificateur des )l)ments

    dans l’+me. Les )l)ments, en effet, *ouent, de toute fa>on, plut4t le r4le de matière alors que lefacteur pr)pond)rant, c’est la cause, quelle qu’elle soit, qui les assem#le. =r de sup)rieur l’+me et qui la domine, c’est l une impossi#ilit) 5 et c’est encore plus impossi#le quand ils’agit de l’intellect. 7l est raisonna#le, en effet, d’admettre que l’intellect est naturellement

     primordial et dominateur, tandis que, dans cette th)orie, ce sont les )l)ments qui sont les premiers des 1tres.

    Tous ces philosophes d’ailleurs, soit qu’en raison de sa connaissance et de sa perceptiondes 1tres ils constituent l’+me partir des )l)ments, soit qu’ils la d)finissent comme le moteur 

     par e"cellence, ni les uns ni les autres ne parlent de toute espèce d’+me.En effet, tous les 1tres qui sentent ne se meuvent pas, car, en fait, il apparat que certains

    animau" sont immo#iles dans le lieu 5 et pourtant il sem#le #ien que ce mouvement soit leseul que l’+me puisse imprimer l’animal.

    01me remarque, pour les philosophes qui constituent l’intellect et la facult) sensi#le  partir des )l)ments, car il apparat, l encore, que les plantes vivent sans avoir en partage nitranslation, ni sensation, et qu’un grand nom#re d’animau" ne possèdent pas la pens)ediscursive. 01me si on accordait ces points, et qu’on pos+t l’intellect, en m1me temps que lafacult) sensitive, comme une partie de l’+me, m1me s’il en )tait ainsi, la th)orie nes’appliquerait pas toute +me en g)n)ral, ni m1me une seule +me entière.

    La doctrine contenue dans les vers dits d’=rph)e, ainsi appel)s, souffre aussi la m1meo#*ection. =n ! dit, en effet, que l’+me s’introduit de l’Cnivers e"t)rieur dans les 1tres en trainde respirer port)e sur l’aile des vents. =r il n’est pas possi#le que cela se produise pour les

     plantes, pas plus que pour $%QQa( certains animau", puisqu’ils ne respirent pas tous, ce point a)chapp) ceu" qui ont partag) cette cro!ance.

    01me s’il faut constituer l’+me partir des )l)ments, rien n’o#lige qu’il le faille partir detous, l’un des deu" termes d’une contrari)t) )tant suffisant pour *uger de luim1me et de sonoppos) : c’est, en effet, par la droite que nous connaissons et la droite ellem1me et la cour#e,car la règle est *uge de l’un comme de l’autre 5 au contraire, la cour#e n’est *uge ni d’ellem1me, ni de la droite.

    7l ! a aussi certains philosophes pour qui l’+me est m)lang)e l’Cnivers entier et de lvient peut1tre que Thalès a pens) que tout )tait plein de dieu". 0ais cette opinion soulèvecertaines difficult)s : pour quelle raison, en effet, l’+me, quand elle est pr)sente dans l’air ou

    dans le feu, ne formetelle pas un animal, comme elle le fait quand elle r)side dans lesmi"tes, et cela, #ien qu’elle soit, sem#letil, meilleure, quand elle se trouve dans les premiers 6 2 =n pourrait rechercher en outre, ce propos, pour quelle cause l’+me qui r)sidedans l’air est meilleure et plus immortelle que celle qui r)side dans les animau". 2 @ue l’onr)ponde d’une manière ou de l’autre, on a#outit une a#surdit) et un paralogisme. ;ar soutenir que le feu ou l’air est un animal, c’est l une opinion des plus parado"ales et refuser,

     par contre, le nom d’animal ce qui contient une +me est une a#surdit).La cro!ance de ces philosophes l’e"istence d’une +me dans les )l)ments vient, sem#let

    il, de ce que le tout est sp)cifiquement identique au" parties 5 de sorte qu’ils sont dans lan)cessit) d’admettre que l’+me universelle est aussi sp)cifiquement identique ses parties,

     puisque c’est gr+ce une portion d)tach)e du milieu am#iant et re>ue en eu" que les animau"

    sont anim)s. 0ais si l’air aspir) est sp)cifiquement identique tandis que l’+me est h)t)rogèneil est )vident qu’une portion seulement de l’+me se trouvera dans cet air, et qu’une autre

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     portion ne s’! trouvera pas. -)cessairement, donc, ou #ien l’+me est sp)cifiquementidentique, ou #ien elle n’est pas contenue dans toute partie quelconque du tout.

    7l est donc )vident, d’après ce que nous venons de dire, que la connaissance n’appartient pas l’+me du fait qu’elle est compos)e des )l)ments, et qu’il n’est, non plus, ni *uste, ni vraide soutenir que l’+me est mue. 0ais puisque la connaissance est un attri#ut de l’+me ainsi que

    la sensation, l’opinion, et aussi l’app)tit, le d)sir rationnel, et, g)n)ralement, les d)sirs 5 que lemouvement local se produit aussi dans les animau" sous l’influence de l’+me, ainsi que lacroissance, la maturit) et la d)cr)pitude, $%QQ#( estce l’+me entière que chacun de ces )tatsdoit 1tre attri#u) 6 Estce par elle tout entière que nous pensons, que nous sentons, que nousnous mouvons et que nous accomplissons ou su#issons chacun des autres )tats, ou #ien lesdiff)rentes op)rations doiventelles 1tre assign)es des parties diff)rentes 6 Et, par suite, lavie ellem1me r)sidetelle dans une seule partie d)termin)e, ou dans plusieurs, ou danstoutes 6 ou #ien estelle due quelque autre cause 6

    ;ertains philosophes soutiennent que l’+me est partagea#le, et qu’une partie pense tandisqu’une autre d)sire. @u’estce donc qui assure alors la continuit) de l’+me si elle estnaturellement partagea#le 6 ;e n’est certainement pas le corps il sem#le #ien qu’au contraire,

    ce soit plut4t l’+me qui rende le corps continu, puisque, si elle vient, se retirer, il se dissipeet se putr)fie. ?i donc c’est un autre principe qui assure l’unit) de l’+me, c’est cet autre

     principe qui sera de pr)f)rence l’+me ellem1me. 0ais il faudra rechercher si, son tour, ce principe est un ou multipartite. ?’il est un, pourquoi ne pas attri#uer l’unit) imm)diatement l’+me ellem1me 6 ?’il est partagea#le, alors le raisonnement devra rechercher ce qui en fait lacontinuit), et l’on ira ainsi l’infini.

    =n pourrait se demander aussi, en ce qui concerne les parties de l’+me, quel pouvoir chacune d’elles e"erce dans le corps. ;ar si c’est l’+me entière qui maintient la continuit) ducorps entier, il est logique que chacune de ses parties assure la continuit) de quelque partie ducorps. =r cela sem#le impossi#le de quelle partie, en effet, l’intellect maintiendratil lacontinuit), ou comment la main tiendratil 6 7l est difficile m1me de l’imaginer. L’o#servationmontr) aussi que les plantes continuent de vivre une fois divis)es, ainsi d’ailleurs que certainsinsectes, tout se passant comme si les segments avaient une +me sp)cifiquement et nonnum)riquement identique, puisque chacun d’eu" conserve la sensation et le mouvement local

     pendant un certain temps. @u’au surplus, ils ne persistent pas dans cet )tat, ce n’est nullementsurprenant, car ils ne possèdent pas les organes n)cessaires leur conservation naturelle. 0aisil n’en est pas moins vrai que, dans chacune des parties segment)es, toutes les parties del’+me sont int)gralement contenues, et que les +mes des segments sont sp)cifiquementidentiques entre elles et l’+me entière, ce qui implique que les diff)rentes parties de l’+me nesont pas s)para#les les unes des autres, tandis que l’+me entière est, au contraire, divisi#le. 7lsem#le que le principe se trouvant dans les plantes soit aussi une sorte d’+me. ;ar ce principe

    est le seul qui soit commun au" animau" et au" plantes 5 et il peut 1tre s)par) du principesensitif, tandis qu’aucun 1tre ne peut, sans lui, poss)der la sensation. -ous avons suffisamment parl) des doctrines traditionnelles de nos pr)d)cesseurs au su*et

    de l’+me. Seprenons de nouveau la question comme son point de d)part et effor>onsnousde d)terminer ce qu’est l’+me et quelle peut 1tre sa d)finition la plus g)n)rale.

    DEU.IE+E *ARTIE

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    Ca!itre "

    L’un des genres de l’Rtre est, disonsnous, la su#stance. 0ais la su#stance, c’est, en un premier sens, la matière 9ce qui, par soi, n’est pas une chose d)termin)e 5 en un second sens,c’est la figure et la forme 9en vertu de quoi l’on peut parler d’une r)alit) unique 5 et, en un

    troisième sens, c’est le compos) de la matière et de la forme. =r la matière est puissance, et laforme, r)alisation, et ce dernier terme se dit en deu" sens : la r)alisation est soit comme lascience, soit comme l’e"ercice de la science.

    ;e que l’opinion commune reconnat, par dessus tout, comme des su#stances, ce sont lescorps, et, parmi eu", les corps naturels, car ces derniers sont principes des autres. es corpsnaturels, les uns ont la vie et les autres ne l’ont pas : et par vie F nous entendons le fait de senourrir, de grandir et de d)p)rir par soim1me. 7l en r)sulte que tout corps naturel a!ant la vieen partage sera une su#stance, et su#stance au sens de su#stance compos)e. Et puis qu’ils’agit l, en outr), d’un corps d’une certaine qualit), c’estdire d’un corps poss)dant la vie,le corps ne sera pas identique l’+me, car le corps anim) n’est pas un attri#ut d’un su*et, maisil est plut4t luim1me su#strat et matière.

    3ar suite, l’+me est n)cessairement su#stance, en ce sens qu’elle est la forme d’un corpsnaturel a!ant la vie en puissance. 0ais la su#stance formelle est r)alisation 5 l’+me est donc lar)alisation d’un corps de cette nature.

    0ais la r)alisation se prend en un dou#le sens 5 elle est tant4t comme la science, tant4tcomme l’e"ercice de la science, 7l est ainsi manifeste que l’+me est une r)alisation comme lascience, car le sommeil aussi #ien que la veille impliquent la pr)sence de l’+me, la veille )tantune chose analogue l’e"ercice de la science, et le sommeil, la possession de la science,sans l’e"ercice. =r l’ant)riorit) dans l’ordre de la g)n)ration appartient, dans le m1meindividu, la science. ;’est pourquoi l’+me est, en d)finitive, une r)alisation première d’uncorps naturel a!ant potentiellement la vie, c’estdire d’un corps organis).

    $%Q'#( u reste, les parties de la plante sont aussi des organes, mais e"tr1mement simples : par e"emple, la feuille est l’a#ri du p)ricarpe, et le p)ri carpe, du fruit 5 les racines sontl’analogue de la #ouche, car toutes deu" a#sor#ent la nourriture. ?i donc c’est une d)finitiong)n)rale, applica#le toute espèce d’+me, que nous avons formuler, nous dirons que l’+meest la r)alisation première d’un corps naturel organis).

    ;’est aussi pourquoi il n’! a pas rechercher si l’+me et le corps sont une seule chose, pas plus qu’on ne le fait pour la cire et l’empreinte, ni d’une manière g)n)rale, pour la matièred’une chose quelconque et dont elle est la matière. ;ar l’un et l’1tre se prennent en plusieursacceptions, mais leur sens fondamental c’est la r)alisation.

     -ous avons donc d)fini, en termes g)n)rau", ce qu’est l’+me : elle est une su#stance au

    sens de forme, c’estdire l’essentiel de ce qui fait qu’un corps est ce qu’il est. ?upposons, par e"emple, qu’un instrument comme la hache ft un corps naturel : l’essentiel de la hacheserait sa su#stance, et ce serait son +me 5 car si la su#stance )tait s)par)e de la hache, il n’!aurait plus de hache, sinon par homon!mie. 0ais, en r)alit), ce n’est qu’une hache. En effet,ce n’est pas d’un corps de cette sorte que l’+me est la d)termination essentielle et la forme,mais d’un corps naturel de telle qualit) c’estdire a!ant un principe de mouvement et derepos en luim1me.

    Appliquons maintenant ce que nous venons de dire au" parties du corps vivant. ?i l’œil, eneffet, )tait un animal, la vue serait son +me : car c’est l la su#stance formelle de l’œil. =r l’œil est la matière de la vue, et la vue venant faire d)faut, il n’! a plus d’œil, sinon par homon!mie, comme un oeil de pierre ou un œil dessin). 7l faut ainsi )tendre ce qui est vrai

    des parties, l’ensem#le du corps vivant. En effet, ce que la partie de l’+me est la partie ducorps, la sensi#ilit) tout entière l’est l’ensem#le du corps sentant, en tant que tel.

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    manifestement tous, le sens du toucher. 0ais pour quelle raison en estil ainsi dans chacun deces cas, nous en parlerons plus tard. 3our l’instant, contentonsnous de dire que l’+me est le

     principe des fonctions que nous avons indiqu)es et qu’elle est d)finie par elles, savoir par lesfacult)s motrice, sensitive, diano)tique, et par le mouvement.

    0ais chacune de ces facult)s estelle une +me ou seulement une partie de l’+me, et, si elleen est une partie, l’estelle de fa>on n’1tre s)para#le que logiquement ou l’1tre aussi dansle lieu 6 3our certaines d’entre elles, la solution n’est pas difficile sentir, mais, pour d’autres,il ! a difficult).

    ;e qui se passe dans le cas des plantes, dont certaines, une fois divis)es, continuentmanifestement vivre, #ien que leurs parties soient s)par)es les unes des autres 9ce quiimplique que l’+me qui r)side en elles est, dans chaque plante, une en r)alisation, maismultiple en puissance, nous le vo!ons se produire aussi, pour d’autres diff)rences de l’+me,cheB les insectes qui ont )t) segment)s. Et, en effet, chacun des segments possède la sensationet le mouvement local 5 et, s’il possède la sensation, il possède aussi la repr)sentation et led)sir, car l oJ il ! a sensation il ! a aussi douleur et plaisir, et l oJ il ! a douleur et plaisir, il

    ! a aussi n)cessairement app)tit. 0ais en ce qui touche l’intellect et la facult) th)or)tique,rien n’est encore )vident pourtant il sem#le #ien que ce soit l un genre de l’+me toutdiff)rent, et que seul il puisse 1tre s)par) du corps, comme l’)ternel, du corrupti#le. @uant au"autres parties de l’+me, il est clair, d’après ce qui pr)cède, qu’elles ne sont pas s)par)es de lafa>on dont certains philosophes le pr)tendent que pourtant elles soient logiquement distinctes,c’est ce qui est )vident. En effet, la facult) sensitive est d’une autre essence que la facult)opinante puisque l’acte de sentir n’est pas se faire une opinion. Et il en est de m1me pour chacune des autres facult)s cidessus )num)r)es. e plus, certains animau" possèdent toutesces facult)s, certains autres quelquesunes seulement, d’autres enfin une seule, et c’est ce quidiff)renciera $%Q%a( les animau" entre eu". 0ais pour quelle raison en estil ainsi, nousl’e"aminerons plus tard. ;’est peu près le cas aussi pour les sensations certains animau" lesont toutes, d’autres quelquesunes seulement, d’autres enfin une seule, la plus indispensa#le,le toucher.

    L’e"pression ce par quoi nous vivons et percevons F se prend en un dou#le sens, comme ce par quoi nous connaissons F, autre e"pression qui d)signe tant4t la science et tant4t l’+me9car c’est par l’un ou par l’autre de ces deu" termes que nous disons, suivant le cas,connatre 5 c’est ainsi encore que ce par quoi nous sommes en #onne sant) F signifie soit lasant), soit une certaine partie du corps, soit m1me le corps tout entier. =r, dans tous cese"emples, la science et la sant) sont la figure, la forme en quelque sorte, la notion, et, pour ainsi dire, l’acte du su*et capa#le de recevoir, dans un cas, la science, et dans l’autre, la sant)

    9car il sem#le #ien que ce soit dans le patient, dans ce qui su#it la disposition, que se r)alisel’acte de l’agent 5d’autre part, l’+me est, au sens primordial, ce par quoi nous vivons, percevons et pensons : il en r)sulte qu’elle sera notion et forme, et non pas matière et su#strat.En effet, la su#stance se prend, comme nous l’avons dit en trois sens : l’un d)signe la forme,un autre la matière, un autre enfin le compos) des deu", la matière )tant puissance et la forme,r)alisation. ’autre part, puisque c’est l’1tre anim) qui est ici le compos) de la matière et de laforme, le corps ne peut pas 1tre la r)alisation de l’+me. ;’est l’+me qui est la r)alisation d’uncorps d’une certaine nature.

    3ar cons)quent, c’est #on droit que des penseurs ont estim) que l’+me ne peut 1tre ni sansun corps, ni un corps : car elle n’est pas un corps, mais quelque chose du corps. Et c’est

     pourquoi elle est dans un corps, et dans un corps d’une nature d)termin)e et nullement la

    fa>on dont nos pr)d)cesseurs l’adaptaient au corps, sans a*outer aucune d)termination sur lanature et la qualit) de ce corps, #ien qu’il soit manifeste que n’importe quoi ne soit pas

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    suscepti#le de recevoir n’importe quoi. ;’est un m1me r)sultat qu’a#outit d’ailleurs leraisonnement : la r)alisation de chaque chose survient naturellement dans ce qui est en

     puissance cette chose, autrement dit 5 dans la matière appropri)e.

    Ca!itre *

    @ue l’+me soit donc une certaine r)alisation et la forme de ce qui possède la puissanced’avoir une nature d)termin)e, cela est )vident d’après ce que nous venons de voir. Lesfacult)s de l’+me dont nous venons de parler appartiennent toutes certains 1tres vivantscomme nous l’avons dit. Elles sont les facult)s ce qui permettent la nourriture, l’app)tit, lasensation, le mouvement local, la r)fle"ion.

    Les plantes ne possèdent que la facult) nutritive. ’autres vivants possèdent celleci $%Q%#(et de plus, la facult) sensitive 5 et, s’ils possèdent la facult) sensitive, ils possèdent aussi lafacult) d)sirante, car sont du d)sir l’app)tit, le courage et la volont) 5 or les animau"

     possèdent, tous, au moins l’un des sens, savoir le toucher, et l oJ il ! a sensation, il ! a aussi

     plaisir et douleur, et ce qui cause le plaisir et la douleur et les 1tres qui possèdent ces )tats ontaussi l’app)tit, car l’app)tit est le d)sir de l’agr)a#le. e plus, tous les animau" ont lasensation de la nourriture, car le toucher est le sens de la nourriture. En effet, des chosessèches, humides, chaudes et froides constituent e"clusivement la nourriture de tous lesanimau" 9et ces qualit)s sont per>ues par le toucher, tandis que les autres sensi#les ne le sont

     pas, sauf par accident, car le son, la couleur, ni l’odeur ne contri#uent en rien la nourriture 5quant la saveur, elle est l’une des qualit)s tangi#les. =r la faim et la soif sont app)tit, lafaim, du sec et du chaud, la soif, du froid et de l’humide 5 et la saveur est en quelque sorte unassaisonnement de ces qualit)s. -ous aurons )claircir ces points dans la suite. 3our l’instant,qu’il nous suffise de dire qu’ ceu" des animau" qui possèdent le toucher, le d)sir appartient)galement.

    @uant savoir s’ils possèdent la repr)sentation, la question est douteuse et elle sera e"aminer plus tard. A certains animau" appartient en outre la facult) de locomotion, d’autresont encore la facult) no)tique et l’intellect par e"emple l’homme et tout autre 1tre vivant, s’ilen e"iste, qui soit d’une nature sem#la#le ou sup)rieure.

    7l est donc )vident que s’il ! a une notion commune de l’+me, ce ne peut 1tre que de lam1me fa>on qu’il ! en a une de la figure 5 car, dans ce dernier cas, il n’! a pas de figure endehors du triangle et des figures qui lui sont cons)cutives, et, dans le cas qui nous occupe, iln’! a pas d’+me non plus en dehors des +mes que nous avons )num)r)es. ;ependant lesfigures ellesm1mes pourraient 1tre domin)es par une notion commune qui s’applique rait toutes 5 mais, par contre, elle ne conviendrait proprement aucune. e m1me pour les +mes

    que nous avons )num)r)es. Aussi estil ridicule de rechercher, pardessus ces choses et pardessus d’autres, une d)finition commune, qui ne sera la d)finition propre d’aucune r)alit), etde ne pas, laissant de c4t) une telle d)finition, s’attacher au propre et l’espèce indivisi#le. Etle cas de l’+me est tout fait sem#la#le celui des figures : tou*ours, en effet, l’ant)rieur estcontenu en puissance dans ce qui lui est cons)cutif, aussi #ien pour les figures que pour les1tres anim)s : par e"emple, dans le quadrilatère est contenu le triangle, et dans l’+mesensitive, la nutritive. 3ar cons)quent, pour chaque classe d’1tres, il faut rechercher quelleespèce d’+me lui appartient, quelle est, par e"emple, l’+me de la plante, et celle de l’hommeou celle de l’animal. 0ais par quelle raison e"pliquer une cons)cution de ce genre dans les+mes : c’est ce qu’il faudra e"aminer. $%QHa( ?ans l’+me nutritive, en effet, il n’! a pas d’+mesensitive, tandis que, cheB les plantes, l’+me nutritive e"iste s)par)ment de l’+me sensitive. e

    m1me encore, sans le toucher, aucun autre sens n’e"iste, tandis que le toucher e"iste sans lesautres sens, car #eaucoup d’animau" ne possèdent ni la vue, ni l’oue, ni la sensation de

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    l’odeur. e plus, parmi les 1tres sentants, les uns possèdent la facult) de locomotion, et lesautres ne l’ont pas. En dernier lieu, certains animau", et c’est le petit nom#re, possèdent leraisonnement et la pens)e, car ceu" des 1tres corrupti#les qui sont dou)s du raisonnement ontaussi les autres facult)s, tandis que ceu" qui possèdent l’une quelconque de ces dernières ne

     possèdent pas tous le raisonnement : au contraire, certains n’ont m1me pas la repr)sentation,

    d’autres vivent seulement par elle. @uant ce qui concerne l’intelligence sp)culative, c’estune autre question.

    Ca!itre 1

    Ainsi donc, parler de chacune de ces espèces d’+mes en particulier est )videmment aussi lafa>on la mieu" appropri)e de parler de l’+me. @uand on se propose de faire porter son e"amensur les diff)rentes facult)s, il est indispensa#le de saisir d’a#ord l’essence de chacune d’elles,

    et de ne rechercher qu’ensuite, de cette fa>on, les propri)t)s d)riv)es et les autres. 0ais s’ilfaut d)finir ce qu’est chacune de ces facult)s, par e"emple ce qu’est la facult) intellectuelle,ou la facult) sensitive, ou la facult) nutritive, auparavant encore il faut )ta#lir ce qu’est l’actede penser et ce qu’est l’acte de sentir, puisque les actes et les op)rations sont logiquementant)rieurs au" puissances. Et, s’il en est ainsi, comme il faut encore, avant ces actes, avoir )tudi) leurs oppos)s, c’est de ces derniers que, tou*ours pour la m1me raison, nous devronsd’a#ord traiter : et par oppos)s, *’entends la nourriture, le sensi#le et l’intelligi#le.

    ;’est donc de la nourriture et de la g)n)ration que nous devons d’a#ord parler. En effet,l’+me nutritive appartient aussi au" 1tres anim)s autres que l’homme, elle est la première et la

     plus commune des facult)s de l’+me, et c’est par elle que la vie appartient tous les 1tres.

    ?es fonctions sont la g)n)ration et l’usage de la nourriture. ;ar la plus naturelle desfonctions pour tout 1tre vivant qui est achev) et qui n’est pas incomplet ou dont la g)n)rationn’est pas spontan)e, c’est de cr)er un autre 1tre sem#la#le lui, l’animal un animal, et la

     plante une plante, de fa>on participer l’)ternel et au divin, dans la mesure du possi#le. ;ar tel est l’o#*et du d)sir de tous les 1tres, la fin de leur naturelle activit). =r le terme fin F est

     pris en un dou#le sens : c’est, d’une part, le #ut luim1me, et, d’autre part, l’1tre pour qui ce #ut est une fin. 3uis donc qu’il est impossi#le pour l’individu de participer l’)ternel et audivin d’une fa>on continue, par le fait qu’aucun 1tre corrupti#le ne peut demeurer le m1me etnum)riquement un, c’est seulement dans la mesure oJ il peut ! avoir part que chaque 1tre !

     participe, l’un plus, l’autre moins 5 et il demeure ainsi non pas luim1me, mais sem#la#le

    luim1me, non pas num)riquement un, mais sp)cifiquement un.

    L’+me est cause et principe du corps vivant. ;es termes, cause F et principe F, se prennent en plusieurs acceptions, mais l’+me est pareillement cause selon les trois modes quenous avons d)termin)s 5 elle est, en effet, l’origine du mouvement elle est la fin, et c’est aussicomme la su#stance formelle des corps anim)s que l’+me est cause.

    @u’elle soit cause comme su#stance formelle, c’est )vident, car la cause de l’1tre est, pour toutes choses, la su#stance formelle : or c’est la vie qui, cheB tous les 1tres vivants, constitue1tre, et la cause et le principe de leur vie, c’est l’+me. e plus, la forme de l’1tre en puissance,c’est la r)alisation. 7l est manifeste que, comme fin aussi, l’+me est cause.

    e m1me, en effet, que l’intellect agit en vue d’une chose, c’est ainsi qu’agit la nature, et

    cette chose est sa fin. =r une fin de ce genre cheB les animau", c’est l’+me, et cela estconforme la nature, car tous les corps naturels vivants sont de simples instruments de l’+me,

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    aussi #ien ceu" des plantes que ceu" des animau" : c’est donc que l’+me est #ien leur fin. =nsait que le terme fin F est pris en un dou#le sens d’une part, le #ut luim1me, et, d’autre part,l’1tre pour qui ce #ut est une fin.

    0ais, en outre, le principe premier du mouvement local, c’est aussi l’+me 5 seulement, tousles 1tres vivants ne possèdent par cette facult). L’alt)ration et l’accroissement sont encore dus

    l’+me : en effet, la sensation sem#le #ien 1tre une c alt)ration, et nul 1tre n’est capa#le desentir s’il n’a l’+me en partage. 7l en est de m1me en ce qui concerne l’accroissement et led)croissement, car rien ne d)crot, ni ne crot naturellement qui ne soit nourri, et rien n’estnourri qui n’ait la vie en partage.

    7l ! a un su*et dans lequel Emp)docle ne s’est pas e"prim) comme il convient : c’est quandil a a*out) que l’accroissement se produit, cheB les plantes, vers le #as par le d)veloppementde la racine, $%QKa( parce que la terre se porte naturellement dans cette direction, et vers lehaut, parce que le feu se porte de m1me dans cette direction oppos)e. En effet, Emp)doclen’entend pas avec e"actitude le haut et le #as : en fait, le haut et le #as ne sont pas les m1mes

     pour chaque 1tre que pour l’Cnivers mais ce qu’est la t1te au" animau", les racines le sont au" plantes, s’il est vrai qu’il faille *uger de la diff)rence et de l’identit) des organes par leurs

    fonctions. e plus dans ce s!stème qu’estce qui assure l’union du feu et de la terre se portantdans des directions contraires 6 7ls se s)pareront, en effet, s’il n’e"iste pas quelque principe

     pour les en emp1cher. 0ais si ce principe e"iste, c’est lui qui est l’+me et la cause del’accroissement et de la nourriture. ;ertains philosophes pensent, de leur c4t), que la naturedu feu est, au sens a#solu, la cause de la nourriture et de l’accroissement 5 car il apparat, enfait, que c’est le seul des corps ou des )l)ments qui se nourrisse et s’accroisse, et, dès lors,l’on serait tent) de supposer que, tant cheB les plantes que cheB les animau", le feu est lacause op)rative. 0ais s’il est, en un sens, une cause ad*uvante il n’est pourtant pas une cause

     proprement dite : c’est plut4t l’+me qui *oue ce r4le. En effet, l’accroissement du feu se fait l’infini, aussi longtemps qu’il ! a du com#usti#le 5 par contre, pour tous les 1tres dont laconstitution est naturelle, il e"iste une limite et une proportion de la grandeur comme del’accroissement : or ces d)terminations relèvent de l’+me mais non du feu, et de la forme

     plut4t que de la matière.

    La m1me facult) de l’+me )tant la fois nutritive et g)n)ratrice, c’est de la nourriture qu’ilest n)cessaire de traiter d’a#ord, car la facult) en question se d)finit par rapport au" autres aumo!en de cette fonction.

    =n pense d’ordinaire que le contraire est la nourriture du contraire 5 non pas que toutcontraire soit la nourriture de tout contraire : il faut pour cela des contraires qui ont nonseulement une g)n)ration r)ciproque, mais encore un accroissement r)ciproque. 9;ar 

     #eaucoup de choses s’engendrent r)ciproquement, mais toutes ne sont pas des quantit)s : c’est

    ainsi que le sain provient du malade. 7l apparat aussi que m1me ces derniers contraires nesont pas r)ciproquement aliment de la m1me fa>on : l’eau, par e"emple, est aliment du feu,tandis que le feu n’alimente pas l’eau.

    ;’est donc surtout des corps simples, sem#letil, qu’on peut dire que l’un des deu"contraires est aliment, et l’autre aliment). 0ais cette th)orie soulève une difficult). ;ertains

     philosophes soutiennent, en effet, que le sem#la#le est nourri, aussi #ien qu’accru, par lesem#la#le 5 les autres, ainsi que nous l’avons dit admettent universellement que le contraireest aliment) par le contraire, attendu, selon eu", que le sem#la#le ne peut su#ir sous l’actiondu sem#la#le, tandis que la nourriture est chang)e et dig)r)e, et que le changement a lieu,dans tous les cas, vers l’oppos) ou l’interm)diaire. e plus, l’aliment est en quelque sorteaffect) par celui qui s’en nourrit, $%QK#( de m1me que ce n’est pas le charpentier qui su#it

    sous l’action de la matière, mais #ien cette dernière sous l’action du charpentier, lecharpentier, lui, passant seulement l’activit), en partant de l’inaction.

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    0ais qu’entendon par aliment 6 Estce ce qui s’a*oute l’1tre nourri, en dernier lieu, ou en premier lieu 6 ;ela fait une diff)rence. ?i les deu" sont des aliments, mais l’un non dig)r), etl’autre dig)r), dans l’un et l’autre sens on pourra parler d’aliment : car, en tant que lanourriture est non dig)r), le contraire est nourri par le contraire, mais, en tant que la nourritureest dig)r), le sem#la#le est nourri par le sem#la#le. 3ar cons)quent, il est clair qu’en un

    certain sens, ces philosophes ont, les uns et les autres, la fois, tort et raison.0ais puisque nul 1tre ne se nourrit s’il n’a la vie en partage, ce qui est nourri ce sera lecorps anim), en tant qu’anim), de sorte que la nourriture aussi est relative l’1tre anim), etcela non par accident. 0ais l’essence de la nourriture est autre que celle de l’accroissant. Eneffet, en tant que l’anim) est une quantit), la nourriture est un accroissant, mais en tant quel’anim) est individu et su#stance, la nourriture est une nourriture. ;ar la nourriture conservela su#stance de l’anim), qui continue d’e"ister aussi long temps qu’il se nourrit. e plus, lanourriture est l’agent de la g)n)ration : g)n)ration non pas de l’1tre nourri luim1me, maisd’un 1tre sem#la#le l’1tre nourri : d)*, en effet, la su#stance de l’1tre nourri e"iste, etd’ailleurs aucun 1tre ne s’engendre luim1me, mais il assure seulement sa conservation. 7l enr)sulte qu’un tel principe de l’+me est une facult) capa#le de conserver l’1tre, en tant que tel,

    qui la possède, et la nourriture ne fait que procurer cette facult) son activit). Aussi l’1tre priv) de nourriture n’estil plus capa#le de vivre.

    ;omme il ! a donc trois facteurs pour la nourriture, savoir l’1tre qui est nourri, ce par quoiil se nourrit et ce qui le nourrit : d’une part, ce qui le nourrit, c’est l’+me première d’autre partl’1tre nourri, c’est le corps qui possède cette +me, enfin ce par quoi il est nourri, c’est lanourriture. Et puisqu’il est *uste de d)nommer toute chose d’après sa fin, et que la fin est icid’engendrer un 1tre sem#la#le soi, l’+me première sera l’+me g)n)ratrice d’un 1tresem#la#le celui qui la possède.

    L’e"pression ce par quoi l’1tre se nourrit F est prise en un dou#le sens, qui est aussi celuide ce par quoi l’on gouverne F, autre e"pression qui signifie la fois la main et legouvernail, l’une )tant motrice et mue, et l’autre, m seulement. -ous pouvons ici appliquer cette analogie en nous rappelant que tout aliment doit pouvoir 1tre dig)r), et que c’est lechaud qui opère la digestion : c’est pourquoi tout anim) possède de la chaleur.

    Tel est donc, sch)matiquement, ce que nous avions dire de la nourriture. -ous aurons des)claircissements donner plus tard son su*et, dans les ouvrages qui lui seront consacr)s.

    Ca!itre 2

    ;es points une fois d)finis, parlons, en g)n)ral, de toute sensation. La sensation r)sulted’un mouvement su#i et d’une passion, ainsi que nous l’avons remarqu) car, dans l’opinion

    courante, elle est une sorte d’alt)ration. ;ertains philosophes disent aussi que le sem#la#lesu#it sous l’action du sem#la#le 5 en quel sens cela est possi#le ou impossi#le, c’est ce quenous avons $%Qa( e"pliqu) dans notre discussion g)n)rale de l’action et de la passion. 0aisvoici une difficult) : pourquoi, des organes sensoriels eu"m1mes n’! atil pas sensation, et

     pourquoi, sans les sensi#les e"t)rieurs, les sens ne produisentils pas de sensation, alors qu’ilscontiennent pourtant le feu, la terre et les autres )l)ments, lesquels sont o#*ets de sensationsoit en eu"m1mes, soit dans leurs accidents 6 ;’est donc )videmment que la facult) sensitiven’e"iste pas en acte, mais en puissance seulement. Aussi en estil comme du com#usti#le, quine #rle pas de luim1me sans le com#urant : car il se #rlerait luim1me, et le feu enr)alisation n’aurait nullement #esoin d’e"ister. Et puisque nous prenons le terme sentir F enun dou#le sens 9car nous disons que l’1tre qui a la puissance d’entendre et de voir, entend et

    voit, m1me s’il lui arrive d’1tre endormi, et nous le disons )galement de l’1tre qui entend etvoit d)* en acte, c’est en un dou#le sens qu’on doit aussi parler de la sensation : il ! a la

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    sensation en puissance et la sensation en acte. e m1me encore pour le sensi#le, il ! a ce quiest en puissance et ce qui est en acte.

    E"primonsnous donc d’a#ord comme s’il ! avait identit) entre su#ir et 1tre m, d’une part, et agir, d’autre part, car le mouvement est un certain acte, quoique imparfait, ainsi quenous l’avons e"pliqu) ailleurs. =r toutes choses su#issent et sont mues sous l’action d’un

    agent, et d’un agent en acte. ’oJ, en un sens, le sem#la#le su#it sous l’action du sem#la#le,mais, en un autre sens, c’est sous l’action du dissem#la#le, comme nous l’avons e"pliqu). ;ar ce qui su#it, c’est le dissem#la#le, mais une fois qu’il a su#i, il est sem#la#le.

    0ais il faut encore poser des distinctions en ce qui concerne puissance et r)alisation, car,dans la pr)sente discussion, c’est sans pr)ciser que nous venons d’en parler. En un sens, eneffet, un 1tre est savant la fa>on dont nous dirions qu’un homme est savant, parce quel’homme rentre dans la classe des 1tres qui sont savants et possèdent la science 5 mais, en unautre sens, nous appelons savant celui qui a d)* la science de la grammaire. =r chacun d’eu"n’est pas en puissance de la m1me manière, mais le premier est en puissance parce que songenre et sa matière sont d’une nature de telle sorte, et l’autre, parce que, volont), il est

    capa#le d’e"ercer sa science, si aucun o#stacle e"t)rieur ne l’en emp1che. Enfin celui quie"erce d)* sa science est un savant en r)alisation, et il sait, au sens propre, que cette choseciest la lettre A.

    Les deu" premiers sont donc, l’un et l’autre, savants en puissance 5 seulement l’unactualise sa puissance après avoir su#i une alt)ration caus)e par l’)tude, et avoir pass),

     plusieurs reprises, d’un )tat contraire, son oppos) tandis que l’autre actualise sa puissance,en passant, d’une manière diff)rente, de la simple possession du sens $%Q#(  ou de lagrammaire, sans l’e"ercice, leur e"ercice m1me : Le terme su#ir F n’est pas davantage unterme simple : en un sens, c’est une certaine corruption sous l’action du contraire, tandis que,en un autre sens, c’est plut4t la conservation de l’1tre en puissance par l’1tre en r)alisationdont la ressem#lance avec lui est du m1me ordre que la relation de la puissance la r)alisation

    En effet, c’est par l’e"ercice de la science que devient savant en acte l’1tre qui possède lascience et ce passage ou #ien n’est pas du tout une alt)ration 9car c’est un progrès en luim1me et vers son r)alisation, ou #ien est un autre genre d’alt)ration. Aussi n’estil pas e"actde dire que le pensant, quand il pense, su#it une alt)ration, pas plus que l’architecte quand ilconstruit. onc, l’agent qui fait passer la r)alisation ce qui est en puissance, dans le cas del’1tre intelligent et pensant, m)rite de recevoir non pas le nom d’enseignement, mais un autrenom. @uant l’1tre qui, partant de la pure puissance, apprend et re>oit la science de la part del’1tre en r)alisation et capa#le d’enseigner, il faut dire ou #ien qu’il n’en su#it pas plus que le

     pr)c)dent, comme on vient de le dire de celuici, ou #ien qu’il e"iste deu" sortes d’alt)ration :l’une est un changement vers les dispositions privatives, et l’autre vers les )tats positifs et la

    nature m1me du su*et. 3our l’1tre sensitif, le premier changement se produit sous l’action dug)n)rateur : une fois engendr), il possède dès lors la sensation, la fa>on d’une science. Lasensation en acte, elle, correspond l’e"ercice de la science, avec cette diff)rence toutefoisque, pour la première, les agents producteurs de l’acte sont e"t)rieurs : ce sont, par e"emple,le visi#le et le sonore, aussi #ien que les sensi#les restants. La raison de cette diff)rence estque ce sont des choses individuelles dont il ! a sensation en acte, tandis que la science portesur les universau" 5 et ces derniers sont, en un sens dans l’+me ellem1me. ;’est pourquoi

     penser d)pend du su*et luim1me, sa volont), tandis que sentir ne d)pend pas de lui : la pr)sence du sensi#le est alors n)cessaire. 7l en est de m1me en ce qui concerne les disciplinesqui ont les sensi#les pour o#*et, et ce, pour la m1me raison, savoir que les sensi#les font partiedes choses individuelles et de choses e"t)rieures.

    0ais l’occasion d’)claircir ces points s’offrira encore plus tard. 3our l’instant, qu’il noussuffise d’avoir )ta#li la distinction suivante : que l’e"pression 1tre en puissance F n’est pas

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    simple 5 mais, tant4t, c’est au sens oJ nous dirions que l’enfant est, en puissance, chef d’arm)e, et, tant4t, au sens oJ nous le dirions de l’adulte : or c’est en ce dernier sens qu’il fautl’entendre de la facult) sensitive. 0ais puis que ces puissances diff)rentes n’ont pas re>u dequalifications $%QNa( distinctes, et que, d’ailleurs, nous a avons d)termin), leur su*et,qu’elles sont autres et la fa>on dont elles sont autres, nous sommes #ien o#lig) de nous servir 

    de Usu#irU et de 1tre alt)r) F comme de termes propres. =r la facult) sensitive est, en puissance, telle que le sensi#le est d)* en r)alisation, ainsi que nous l’avons dit elle su#itdonc en tant qu n’est pas sem#la#le, mais, quand elle a su#i, elle est devenue sem#la#le ausensi#le et elle est telle que lui.

    Ca!itre 3 

    ans l’)tude de chaque sens, il faut traiter d’a#ord des sensi#les. Le sensi#le F d)signetrois espèces d’o#*ets : deu" de ces espèces sont, disonsnous, percepti#les par soi, tandis quela troisième l’est par accident. es deu" premières espèces, l’une est le sensi#le propre