Argal mag - édition zéro

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En ROUTE ! Nouvelle-Caledonie - Juin 2016 N ° 0

description

Argal mag, en route ! Argal mag, kezako ? Un magazine communautaire sur notre trip à bord d'Argal en attendant de rejoindre notre 1ère étape : le Vanuatu. Au sommaire, 3 chapitres : > Livre de bord : des articles sur le bateau et l'équipage > En escale en Nouvelle-Calédonie > La tribu : tv, zic, écriture, critiques livres, ...

Transcript of Argal mag - édition zéro

Page 1: Argal mag - édition zéro

En ROUTE !

Nouvelle-Caledonie - Juin 2016 N°0

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C’EST COMME ÇA QUE TOUT A COMMENCÉ. UNE CARTE AFFICHÉE AU MUR, UNE BIÈRE À LA MAIN ET LES IDÉES À LA DÉRIVE... - BON LES GARS, ON VA OÙ ?

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Un remerciement particulier pour Sigrid qui a réalisé les photos d’Argal tribu !

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1. Voir rubrique« La tribu »

FAIS PARTIEDE L’ÉQUIPE RÉDACTIONNELLE

DE CE MAGAZINE1

ALORS ENVOIES NOUSTES ARTICLESà [email protected]

TU© D.R.

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- « Hé les gars, j'ai une idée. On va écrire un magazine pour le voyage !- … ?1 »

C'est vrai qu'à première vue, l'idée parait saugrenue. À quoi ça sert d'écrire un mag alors qu'on pourra même pas le publier, qu'on a pas vraiment des talents d'écrivain, et puis surtout, qu'est-ce qu'on va bien pouvoir mettre dedans ?Je sais, je sais, et c'est là tout le plaisir. Se découvrir journaliste, spécialiste, relecteur2 ou graphiste. Pouvoir te tutoyer, disserter en largo, écrire n’importe comment sur n’importe quoi… trop shok3 !Mais l'idée de départ, c'est avant tout de partager ce trip avec toi, lecteur. Te parler de nos frayeurs en bateau et de nos découvertes en escale, puisqu'on a eu du mal à t'installer dans les fonds de cale4. Et comme dans un couple c'est une histoire à deux, il fallait que toi aussi tu nous renvoie l'ascenseur, dans cette 3e partie appelée "La tribu". Un espace d'expression pour les potes et les proches avec qui on aimerait partager un peu plus.Alors, en combinant les qualités des uns et des autres, le voici ce mag expérimental. Une édition zéro en attendant de futurs numéros5 ? Mais, j'entends de l'agitation sur le quai ; les amarres qui défilent. Ca y est, c'est l'heure du départ... Hé mais attendez-moi ! Et quant à nous, on se retrouve sur la route6 ?

Par Marie Sans Toilette

1. Réponse mitigée de la part de mes interlocuteurs2. Le comble ! 3. Expression locale4. Et vu leurs états, valait mieux pour toi5. Un par pays peut-être ?6. Prenez vos billets d'avion !

EditoDe l’édition zéro

© D.R.

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eau Seau mer

§ LIVRE DE BORD .............. P.04ARGAL TRIBU, Toute une philosophieEN ROUTE ! ... Euh ok, mais on va où ?ARGAL, Fiche techniqueLOVE STORY, La teamGRANDS TRAVAUXLE BUDGET, On en parle ?HUMAN VS WILDLILI’ADE, Quelle Odyssée !

EN ESCALE ........................ P.18LA NOUVELLE-CALÉDONIENAVIGUER EN NC, Le pied !LA TRIBU EN NC, Une communauté à grande échelleLES 5 SENS DE LA CALÉDONIEHISTOIRES DE PORTS

LA TRIBU ........................ P.26HOMO_ROBOTLES PIMENTS DU QUOTIDIENCRITIQUES LIVRESPETITES RÉFLEXIONS DE VOYAGEURS AMOUREUXRÉZÉ

Au sommaire, des articles passionnants écrits par nos reporters un peu spéciaux

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> Un chapitre sur Argal et ses péripéties

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> Focus sur le pays en visite

> Et là, c’est à vous de jouer

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§ LIVRE DE BORDARGAL TRIBU, Toute une philosophie ...................... p.05

EN ROUTE ! ... Euh ok, mais on va où ? .................. p.06

ARGAL, Fiche technique ..................................................................... p.07

LOVE STORY, La team .............................................................................. p.08

GRANDS TRAVAUX .......................................................................................... p.10LE BUDGET, On en parle ? ................................................................ p.13HUMAN VS WILD ................................................................................................... p.14LILI’ADE, Quelle odyssée ! ................................................................. P.16

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On y est ! C’est avec un brin d’émotion que j’écris ces quelques lignes, car le grand départ est

imminent. Ce départ là est clairement un aboutissement. Cependant, cette aventure a commencé il y a déjà bien longtemps. C’est la concrétisation d’un projet de longue haleine. Oscar Wilde disait « il faut avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue » : pas besoin d’en dire plus.

LA GENESEArgal, c’est d’abord un rêve. Un rêve un peu fou, de ceux qui naissent d’une conversation après un bon repas bien arrosé. Comme celle tenue dans le jardin un dimanche de printemps à l’heure du café. Emportés alors par l’euphorie de l’instant (favorisée par l’arrosoir) nous nous retrouvons à nous confier avec une profonde sincérité les uns les autres, des rêves que l’on osait à peine s’avouer jusqu’alors.

jusqu’à ce qu’une vision claire et logique se matérialise en chacun de nous, et s’il suffisait simplement d’y croire ? On pourrait dire qu’Argal est né ce jour là. Même si une fois l’atmosphère de ce moment si particulier ne se soit dissipée et que la raison (ou la déraison ?) tentait de reprendre le dessus, l’idée avait bien germée en chacun de nous. Et comme une graine d’arbre semée dans un terreau fertile, sa croissance n’aurait de cesse jusqu’à la récolte des fruits des années plus tard…

L’ENGAGEMENTIl a lieu au moment où chacun se plonge à sa façon dans cette aventure. Il appartient donc à chacun de donner son vécu sur son propre engagement. Pour ma part, cela a coïncidé avec ma prise de décision de me libérer du carcan professionnel dans lequel j’étais, il faut le dire, bien enlisé. Puis, d’arrêter le boat-porn (ponçage obsessionnel de site internet et autres forums de bateaux) et de laisser tomber le fantasme de changement de vie pour passer à la phase pratique ! Après tout, il fallait simplement que nous démissionnions, que nous partions au bout du monde, que nous trouvions un bateau, que nous apprenions à nous en servir, sans oublier de mettre pas mal de sous de côté entre temps… pour enfin hisser les voiles vers de nouveaux horizons. Le genre de projet qui ne demande qu’à fédérer mais qui nécessite un peu plus qu’un schéma sur un bout de papier pour convaincre !

LES RAISONSA partir de là, on se lance. On se demande quelle force peut nous pousser à quitter soudainement une voie qui semblait toute tracée et une situation en de nombreux points confortable pour un avenir incertain en ces temps troublés… peut-être est-ce la peur des regrets ? Une fuite d’un modèle dans lequel on ne se reconnaît plus ? Ou plutôt le désir de vivre sa vie pleinement ? Ce désir qui rime aussi avec folie. Laisser un peu plus de place à l’émotionnel dans des décisions faisant appel trop souvent à la seule logique, en d’autres termes, se laisser le droit de choisir avec le cœur plutôt qu’avec le cerveau.

LA DUALITÉ LIBERTÉ - SÉCURITÉArgal Tribu c’est aussi sortir d’une certaine vision sociétale qui voudrait qu’on ne peut avancer qu’en regardant vers l’avenir… au risque de rater le présent. La recherche permanente de l’équilibre entre construire et profiter, savoir galérer pour pouvoir apprécier. En somme, les membres de la tribu d’Argal sont des sortes d’hybrides entre fourmis et cigales.

C’EST QUOI ARGAL ?C’est le nom de notre voilier, il paraitrait que ca voudrait dire vaillant en breton. C’est pas prouvé mais ça nous plaît bien. Mais Argal, c’est bien plus encore. On pourrait le définir comme un voyage, un apprentissage de la vie, un moment de partage au sein de la Nature avec un grand N. Un retour à l’essentiel bercés par la houle du large, guidés par les astres à la rencontre de nouvelles contrées. Animés par ce désir de connaître ce qui se cache de l’autre côté de cette ligne courbe bleue qui ondule au bout de notre champ de vision. Bref, c’est un tout.

POURQUOI PARLER DE TRIBU ?Parce que ce projet n’a de sens que partagé. Parce qu’il puise directement son énergie dans le collectif sans pour autant renier les envies de chacun mais en remettant à sa juste place les ambitions et autres égos. De plus, ce projet doit énormément à la Nouvelle-Calédonie. Cette dénomination est donc une sorte d’hommage au modèle communautaire kanak, en ce sens où la tribu, synonyme de famille élargie où chacun à une place et un rôle à jouer, prend le pas sur l’individu.

Par Capitaine Couche’tôt

Argal TribuTOUTE UNE PHILOSOPHIE

Des images de partir loin, de voguer sur les mers du sud, de vivre simplement

ensemble…

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Notre modeste expérience de la voile dans le lagon calédonien nous a tous très vite fait rêver

à l’entreprise d’un grand voyage en bateau. Rapidement les idées fusent. Gonflés par nos lectures respectives de Moitessier et des Damiens, on sirote une bière en pensant aux canaux patagoniens, aux Quarantièmes Rugissants, à l’Alaska ou encore à la Polynésie et ses atolls paradisiaques.

Mais la réalité nous rattrape. Au fil de nos rencontres avec les voyageurs et loups de mer du port, à force de se pencher de plus près sur les routes maritimes, on comprend que la Nouvelle-Calédonie signe la fin du voyage pour la plupart des voiliers qui traversent le Pacifique. Et

pour cause les vents dominants, dit « alizés » soufflent d’Est en Ouest sous cette latitude. Se taper le Pacifique au près ? Hors de question ! Traverser des océans ok, mais avec le vent dans le cul.Et comme si ça ne suffisait pas, s’ajoute le problème de la saison cyclonique qui s’étend de décembre à mai dans l’hémisphère Sud. Nous ne pouvons donc larguer les amarres que début juin et sommes dans l’obligation de mettre le bateau en sécurité avant début décembre.

C’est donc « tout naturellement » que la route à emprunter se dessine. Les seules îles pas trop loin (4 jours de nav’) se situent au Vanuatu. Une traversée suffisamment longue en direction du Nord-Est pour pouvoir

se tester sans pour autant être trop engagée. S’en suivra quelques mois de cabotage dans l’archipel au grès du temps et des envies.

Commence alors la première navigation conséquente : Nord Vanuatu - Cairns (Australie). 10-12 jours de mer, selon le vent et la houle. Si on tient le coup jusque là, il faudra alors remonter la grande barrière australienne jusqu’au Détroit de Torres. Point de passage entre l’océan Pacifique et l’océan Indien, ce goulot est redouté par les marins pour ses courants et ses innombrables récifs jonchés d’épaves. Une étape obligatoire avant de caper sur Darwin, puis Bali en bout de course.

Par Nietz’ie Lematin

'... euh ok, mais on va ou ?

En quelques dates ça donne :1er juin : Départ de Nouvelle-Calédonie

Juin - juillet : Vanuatu

Août - septembre : Australie

Octobre - novembre : Indonésie

Et on verra bien pour la suite !

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ARCHITECTE : André MauricCHANTIER : JeanneauANNÉE DE CONSTRUCTION : 1976CATÉGORIE DE NAVIGATION : 1ere

LONGUEUR : 34 pieds, soit 10,30mLARGEUR : 3,38mMÂT : 14mTIRANT D’EAU : 1,90mHAUTEUR SOUS BARROTS : 1,90mPOIDS : 6 tonnesMOTEUR : Yanmar 2QM20GÉNOIS : 42m2 GV : 27m2

TRINQUETTE : 17,5m2

TOURMENTIN : 9m2

AMÉNAGEMENT : 7 couchettes dont 2 cabines doublesCAPACITÉ EN EAU : 170 litres + jerricanesCAPACITÉ EN CARBURANT : 90 litres + jerricanesELECTRICITÉ : 5 panneaux de 20w + 1 éolienne

ARGALFICHE TECHNIQUE

AMÉNAGEMENT

1. Puits à mouillage2. Équipets3. Cabine avant4. Penderie5. W.C.6. Bibliothèque7. Couchettes8. Table à cartes9. Cuisine10. Cabine arrière11. Coffres extérieurs

Construit entre 1976 et 1982, le melody est l’un des premier bateau de croisière de série - reproduit en 607 unités - relativement abordable. Considéré comme le grand frère du Sangria (big up à Aldébaran), ce monocoque en fibre a la réputation d’être robuste pour une navigation hauturière. C’est notre monture et on en est fier, on vous livre son pédigrée :

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PAP’SRécemment père d’une petite fille, il est aussi le pater familias d’Argal tribu : une force fédératrice à toute épreuve, qui ne jure que par le collectif. Capitaine de l’expédition, il poursuit son rêve de fratrie jusqu’au bout du monde. Un parcours jusque-là sans fautes.Une tendance à manger tout ce qui traîne jusque dans votre assiette et une fâcheuse manie à se branler l'oreille avec l'auriculaire… paraît que ça réveille Carine pendant la nuit.Signature - Capitaine Couche’tôt

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CHAPêcheuse hors norme, elle est le sniper du crew. Langoustes, loches, seiches, dawa… quand elle s’y met, le sang coule sur le pont et les entrailles flottent pas loin. Son goût pour les jeux débiles et ses danses désarticulées en font, le soir venu, un joyeux compagnon de quart.Un la pas toujours juste à l’heure de la chansonnette. Evitons donc les berceuses…Signature - La Moule Zola

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LILIPetite dernière de la team, elle sait s’attirer les faveurs de l’équipage en faisant preuve d’une bravoure sans faille. Avec les fesses en feu, les dents en éruption et des gastros chroniques, elle garde le sourire et n’oublie jamais de vous saluer en virevoltant du poignet.Ce ne sont pas tout à fait des oeufs d’or que nous pond notre poule, bien que ces fameux trésors sont récoltés avec soin plusieurs fois par jour. Ajoutez à cela une superbe voix qui porte… boules quies obligatoires.Signature - Baby Belle

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Dans moins de 15m2, il est important de connaître ses coéquipiers pour ne pas se surprendre à vouloir en balancer un par dessus bord. Pour la sécurité de tous, il est donc primordial de bien cerner les qualités et les défauts de chacun avant d’embarquer... En exclusivité, voici la révélation sur les équipiers de notre love story. Attention, affaire sensible.

Par Marie Sans Toilette

* Dommage qu’il n’y ait pas de piscine à bord... A moins que l’océan soit considéré comme une grande piscine ?

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N.B. : Selon une remarque d’un corédacteur, il est clair que l’article tiend de la langue de bois ; une précaution toutefois nécessaire pour la bonne cohabitation des résidents avant leur immersion en lieu clos.

CHOUAffutée du PC, elle est la geek du trip. La meuf connectée qui vous fait écrire ce genre d’article… Mais à l’heure des matines, elle troque les binocles pour la soutane et prêche alors un sermon de bonne augure... Aleluya.Bigleuse, elle n’est d’aucune utilité pour l’orientation en mer. Et sa pilosité prononcée, allant parfois jusqu’au franc laisser aller, peut être la cause de situations gênantes...Embarquer une esthéticienne serait un plus.Signature - Marie Sans Toilette

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MAM’SMaman zen, Kak’s aborde la houle et le vent avec un pouls constant, le bib serein et la berceuse heureuse. Des hormones positives et contagieuses, qu’elle garnie parfois de gâteaux au chocolat et de vêtements en violet-vert. Bref, avec elle le bonheur quitte le près pour prendre la mère.Un tri difficile sur les 14 paires de chaussures planquées sous le lit (oui Carine, on est au courant…)Signature - Oh’mère

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TIRJ’Bénéficiant d’une excellente condition physique, il est le coéquipier rêvé pour relever l’ancre, monter au mât, dégager le bateau et nous sortir des galères. Son joli minois tant vanté par la gente féminine et masculine de tout âge peut aussi s’avérer utile dans certains cas.Le gaz facile et un transit douteux, impose le port du masque à gaz dès le réveil. Ajoutez aussi une addiction au surf pouvant causer une crise d‘endorphine aigüe.Signature - Michel Del Peche

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TOMMYUn Pit bull, en Füreur, ça donne… un Tabarly en couche-culotte ? Qui aurait cru que ce vomito des mers troque le pétard contre une amarre ? Toqué des réglages, passionné du gréement, le petit nouveau a du mordant. Et avec trois anneaux à l’oreille, il lance le défi, alors… cap ou pas cap ? Son expertise en déficience intellectuelle ou autres cas difficiles n’est pas à négliger en cas de conflit.Une légère impatience et une tendance au naturisme auxquels il faut rajouter la rigueur du timing… pour le bien être de chacun, cachez les réveils.Signature - Nietz’ie Lematin

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L’équipage d’Argal tribu appelle au renouvellement. On vous attend pour découvrir vos qualités et vos défauts !

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LA CRISE DE LA QUARANTAINE

Vendredi 15 avril 2016 c’est l’effervescence à quai et sur le pont. Argal sort de l’eau et se paye un long séjour au port à sec. Séjour en all inclusive. Eh oui, c’est que jeunesse passe et à 40 ans Argal semble faire sa crise de la moitié de vie. Il y a des signes qui ne trompent pas : une cadène qui s’effrite, un moteur qui fuit, des haubans qui dé-toronnent et des voiles qui faiblissent. Ola honnête lecteur ! Ne pensez pas que notre vaillant navire est mal en point. Il n’est pas osmosé et flotte tout comme au premier jour. Au programme et pour un mois, de grands travaux sont entrepris. Trois contremaîtres œuvrent à temps plein et ponctuellement de l’amicale main d’œuvre vient suer sur le chantier. Ils ne sont pas de trop pour lui redonner son éclat perdu. Respectant le repos dominical, le 7ème jour est chômé également le 6ème. Rappelons que nous sommes sous les tropiques et nous n’avons pas prévu de nous tuer à la tâche.

ANATOMIE D’UN NAVIRE À LA FORCE DE L’ÂGE

Nous opérons sur les 5 organes vitaux : Pont – Coque – Mât – Moteur – Habitacle. PONT : cadènes, étanchéité pont, soudure bôme, baille à mouillage, guindeau, filières, filets enfant, chandelier, table extérieure.COQUE : passe-coque, safran, presse-étoupe, anode hélice, préparation coque pour carénage, antifooling.MÂT : démâtage, haubans, barres de flèche, étai largable, drisses, enrouleur, enlever polystyrène dans le mât, antenne VHF, détecteur radar, girouette. MOTEUR : anode, vanne, ligne d’échappement, impeler, collecteur et démarreur, circuit de refroidissement, fuites d’huiles, câblage électrique, durites, réglage soupapes et injecteurs, capitonnage, vidange et filtres.HABITACLE : boulons de quille, électricité générale, nettoyage fonds de cale, pompe à eau de mer, pompe de cale, vannes, changer WC, étanchéité frigo, convertisseur, nettoyage cuve, table intérieur.

HERCULE, PETIT JOUEURSuivant un planning bien organisé, chaque tâche est soigneusement planifiée, priorisée et notée sur le Grand Guide sus nommé le tableur excel « Tchek List Argal Tribu ». Du lever au coucher du soleil, ça fourmille sur le chantier. Chacun sa mission, chacun sa tâche.ÇA COURT après les professionnels, experts, fournisseurs, spécialistes de la durite, shiplanders, Marine Canaille et autre Maison du boulon.ÇA RÉCURE, fixe, visse, sikate, taille, découpe, redécoupe, monte, démonte, ne colle pas et on recommence encore.ÇA SOUFFLE, souffle un peu plus fort, peste, râle, râle un peu plus fort et finit par hurler. Contre cette visse qui ne se dévisse pas. Ce sika qui ne s’étale pas. Cette découpe qui ne rentre pas. Cette pièce qui s’est fendue. Ce polystyrène qui ne s’enlève pas. Ces fonds de cale qui ne se nettoient pas si vite. Ces coquillages sur la coque qui ne se décollent pas entièrement. Cette anode qui ne se démonte pas. On apprend tous les jours. Puis on comprend assez tôt que le mieux est l’ennemi du bien. On pèse le pour et le contre, ce qui fonctionnait bien, une

8h comme chaque jour, Argal perché sur ses échasses attend notre venue. Il a tout de même fière allure notre navire. Même dégarni sans mât ni haubans il n’a rien à envier à ses voisins de carénage. Alors un sourire, un caf’ et

chacun s’affaire à ses missions pour sa grande réfection.

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fois démonté ne pourrait plus aussi bien marcher. Le sens du juste, de la mesure et surtout des priorités.

ÇA SE CREUSE les méninges : • Quel système pour la table

d’intérieur afin de pouvoir manger à 6, circuler autour, être démontable et installer le lit 2 places ?

• Comment enlever 15 mètres de polystyrène à l’intérieur du mât dont les deux seuls accès sont les extrémités, pour ensuite y faire passer une gaine, et cela sans endommager les drisses qui se trouvent aussi à l’intérieur ?

• Comment réparer la bague du safran pour rattraper le jeu qu’il y a dans la barre ?

• Comment refaire l’étanchéité du collecteur de l’échappement du moteur alors que cette pièce en fonte est sérieusement endommagée ?

• Comment réparer le tube en laiton de refoulement de la pompe de cale sans percer la coque ?

• …. Et bien d’autres questions épineuses ...

ÇA TROUVE des solutions :• Un modèle de table avec un axe

d’effort pivotant autour du mât, un super ébéniste et des amicales mains d’œuvres.

• Un hauban dé-toronné en chou-fleur, ramoné très patiemment par nos compères, de la bonne huile de coude et de l’eau à foison pour évacuer le polystyrène vers l’extérieur.

• Un tourneur-fraiseur à la note bien salée pour usiner la nouvelle bague, de la fibre, de la résine et un frangin acharné à la patience mise à rude épreuve.

• Un soudeur relevant le défi, beaucoup de recherche dans les magasins et une sacrée bonne étoile.

• Une course effrénée au bon fournisseur, le tuyau en caoutchouc qui va bien, raboté au millimètre près pour être manchonné dans le passe coque et assurer l’étanchéité.

• …. Et bien d‘autres solutions radieuses…

ÇA RIT, siffle, fredonne, chantonne, rêve au départ, au voyage, à l’aventure. Les semaines s’écoulent dans l’attente du weekend salvateur. Le même rituel se rôde au fil des semaines. À L’heure du point hebdomadaire et de l’apéro, la joyeuse bande s’attable.

ÇA COCHE, verre de vin à la main, TUC* dans l’autre, To Do List affichée sur l’ordinateur, le curseur est prêt à verdir les cases « tâches effectuées ». ATTENTION... CHRONO… GO… GO… GO… :

• « Les cadènes ? – Alors oui, la dernière vient d’être changée. – Yes ça c’est coché ! » Case verte.

• « Le collecteur du moteur ça dit quoi ? – Euh… ça avance il est démonté et confié à un soudeur. Il tente de mettre une tige filetée pour boulonner de façon inverse – Vous voyez ? – On te fait confiance ». Case jaune.

• « Electricité à bord ? – L’électricien doit passer mardi. – On jaunît la case ? – Ben non, on a rien fait !

– Ben si on a appelé l’électricien. » Case jaune.

• « Moteur : réglage soupapes et injecteurs ? – Pas commencé. Pas coché. » Case blanche

Toutes les cases du tableur balayées, le bilan est dressé.Enthousiaste, déprimé, mitigé…L’humeur est intimement liée à l’avancement des travaux. Un jour ça n’avance guère, un autre ça

tâtonne et le suivant un bond de géant.11

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NOUS Y SOMMES !Les 62 travaux d’Argal, Hercule à côté c’est de la nioniotte.

Check ! All Green ! Des cases vertes à l’enfilade ! Il en aura fallu de l’organisation, de la patience, de l’huile

de coude, de l’obstination pour ne pas perdre le cap, accomplir toutes les missions.

Et à cette grande question qui revenait souvent : « Vous partez quand, serez-vous prêt à temps ?» Un sourire en coin, nous répondions sagement :

« Nous ne sommes pas à un jour près avec deux ans de voyage devant nous. »

Argal est désormais vaillant, sa crise passée. Prêt à affronter houle endiablée et pétole lancinante.

Manger miles après miles, arpentant pays et contrées lointaines. Comme il l’a toujours fait au cours de son existence.

Embarquant à son bord équipage bienheureux.

Tout l’équipage remercie profondément tous nos potes bizus…Euh bisous…merci à vous.Enfin tous ces joyeux lurons qui ont œuvré d’arrache

pied sur le chantier et aux 106 fans de ce projet (waouuu autant !) qui ont suivi de très près l’avancée des travaux

pharaoniques… On est presque des Egyptiens, non ?

Argalement votre,Par Oh’mère

EXTRAIT - LA CHECK LIST :

- SYLVAIN : Hé on peut faire un diagramme de gantt pour bien voir l’avancement !

- CHOU : Laroun Laroun laroun, on coche ça ira bien !

- TOM : Ne nous perdons pas, faut qu’on finisse la liste. Et puis le mieux et l’ennemi du bien, Allez !

- CARINE : Oh mais y’a plus de tuc, faut bien dimensionner pour le ravitaillement, on va manquer de Tuc c’est sûr!

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THESAURUS CORSAIRE

CARÉNAGE : Révision périodique de la coque d'un navire en vue de lui redonner ses qualités nautiques (pour pas ramer et se délester de tout éventuel écosystème qui s’inviterait sur notre coque)

CARÈNE : Partie immergée de la coque d'un bateau

ETAIS : Câbles servant à maintenir le mât longitudinalement vers l'avant.

OSMOSE : Processus chimique consistant en la réaction de composants du polyester (la coque) avec l’eau (de mer) produisant un acide qui détériore la coque par délaminage (formation de cloques)

GUINDEAU : Treuil manuel (ou électrique pour les plus fortunés) utilisé pour relever l'ancre (par chance nous avons Cyril à bord, préposé au relevage de l’ancre - Des candidatures pour prendre sa suite à partir du 15 juillet ?)

PASSE-COQUE : Tube traversant la coque sous la ligne de flottaison servant à l’admission ou au refoulement de l’eau

TUC : Biscuit apéritif qui éponge subtilement l’alcool ingéré

PRESSE-ÉTOUPE : Pièce métallique cylindrique destinée à assurer l’étanchéité du passage des arbres de transmission (hélice, safran,…)

ANODE : Pièce sacrificielle (en partie corrodée) destinée à protéger certaines parties métalliques immergées de la corrosion (par l’eau de mer)

ANTIFOULING : Peinture de la coque (partie immergée) protégeant contre la fixation des algues et autres faunes aquatiques (éponges, bernacles, vers…) ralentissant allégrement le bateau naviguant (deux couches sinon rien !)

HAUBANS : Câbles assurant le soutien latéral du mât

DRISSE : Cordage servant à hisser une voile (ne choquez pas l’équipage, on ne dit pas corde à bord ! C’est comme Lapin, INTERDIT !!!)

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GLPP ... ET LE BUDGET, ON EN PARLE ?

« Tu vas voir, faire de la voile, c’est comme déchirer des billets de banque sous une douche glacée » me disait Joe. Et ben... on est tout propre dis-donc !

Partir au bout du monde, manger des cocos, dormir sur les plages, nus... oui, c’est vrai... mais en réalité - pour

ceux qui veulent partir préparés - tout ça a un coût, et un sacré coût ! Voici quelques indications pour vous faire une idée. Attention au choc. Notons, qu’il sagit là des dépenses qui ne concernent que la préparation du bateau pour le trip. Il ne compte pas l’achat du voiiler ni même les courses de nourriture ou encore l’assurance médicale, soit tout ce qui sera dépensé pendant le voyage.Autant dire qu’il vaut mieux être plusieurs pour assumer tout ça. N’oublions pas aussi qu’on est en Calédo où tout ce qui se rapporte à l’univers marin coûte une olive.N.B. : Il s’agit là d’un budget grossi dans lequel nous avons arrondi les sommes et détaillé les postes de dépenses essentiels. C’est pourquoi le cumul du détail ne colle pas exactement aux totaux. Mais en même temps, j’ai fait L et c’est pas pour rien....

Par Marie Sans Toilette

Francs Pacifique Euros

GENERAL 420 000 XPF 3 500 €Electricité int, ext, nav 144 000 XPF 1 200 €Capote 74 400 XPF 620 €Hublots 39 600 XPF 330 €Taud 24 000 XPF 200 €Table int 20 400 XPF 170 €Gazinière 14 400 XPF 120 €Etc. 103 200 XPF 860 €

CARRÉNAGE 576 000 XPF 4 800 €Sortie bateau + emplace-ment

132 000 XPF 1 100 €

Produits carrénage 132 000 XPF 1 100 €Bricolage divers 120 000 XPF 1 000 €Safran 69 600 XPF 580 €Soudure 72 000 XPF 600 €Tuyauterie, vannes 50 400 XPF 420 €

GRÉÉMENT 612 000 XPF 5 100 €Matage - dématage 516 000 XPF 4 300 €Drisses, écoutes, accastil-lage

96 000 XPF 800 €

NAVIGATION 529 200 XPF 4 410 €Mouillage 43 200 XPF 360 €Trinquette 156 000 XPF 1 300 €Annexe fond rigide 120 000 XPF 1 000 €Moteur 72 000 XPF 600 €GPS (PC + cartes) 57 600 XPF 480 €Détecteur radar 38 400 XPF 320 €Tourmentin 42 000 XPF 350 €

SECURITE 600 000 XPF 5 000 €Tel satelite + abonnement 192 000 XPF 1 600 €Survie 180 000 XPF 1 500 €Balise de détresse 60 000 XPF 500 €Gilets 60 000 XPF 500 €Fumigènes, fusées, etc 60 000 XPF 500 €Pharmacie 36 000 XPF 300 €Filet pour Lili 12 000 XPF 100 €

LE JOUET (Paddle) 26 400 XPF 220 €

TOTAL 2 763 600 XPF 23 030 €

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ETRE UNE FEMME LIBÉRÉE TU SAIS C’EST PAS SI FACILE ; SUR UN BATEAU C’EST CARRÉMENT MISSION IMPOSSIBLE. ALORS TOI MADAME, QUI VA

BIENTÔT REJOINDRE LA TRIBU POUR UN TRIP VOILIER, VOILÀ CE QUE TU DOIS SAVOIR AVANT D’EMBARQUER :

Par La Moule Zola

1. AUX POILS TU T’HABITUERASAh le monde des hippies, des pattes d’eph, de la babacool attitude et... des poils !C’est donc bien une histoire de génération, il n’y a pas si longtemps c’était tendance d’être bien velue… Nous, on est juste nostalgiques d’une époque que l’on aurait bien aimé connaître ! Mais la mode des aisselles bien garnies ne plait pas à tout le monde on dirait.Astuce bell’s : achète une djellaba.

4. À MIMI CRACRA TU RESSEMBLERAS

Alors si évidemment tu peux laver ton linge toi même avec de l’eau de pluie que tu auras récupéré, frotter avec le savon au patchouli fait maison pendant tes vacances dans une communauté ardéchoise. Mais nous non, on est des flemmardes et notre crasse on l’aime !Astuce bell’s : n’oublie jamais que tout vêtement est réversible (surtout les culottes).

8. UNE PEAU BOUTONNEUSE TU AURAS

Cette humidité chronique qui plane dans le bateau va favoriser un excès de sébum et venir délicatement obstruer tes magnifiques pores. D’après une étude scientifique on nomme ce phénomène : « adolescence ». Mais ne complexe pas, ce fléau touchera tous les équipiers... (bon sauf si cette équipière n’a pas encore connu l’adolescence).Astuce bell’s : ne JAMAIS te regarder dans un miroir… JAMAIS.

5. SUR TA TÊTE, DE LA PAILLE TU AURAS

Alors oui bien sûr on a pensé à se raser la tête sauf que bon... enfin... bon ok, on est des tapettes ! Du coup tes cheveux seront salés et secs avec la mer, mais gras avec l’humidité (et la crasse). Tu verras c’est plutôt sympa ! Mais bonne nouvelle les poux n’aiment que les têtes propres tu peux donc partir sereine.Astuces bell’s : fais-toi des dreadlocks.

10 . DES MALADIES BIZARRES TU DÉCOUVRIRAS

Élevage de champignons en milieu naturel ! Ton corps se soumettra à des expériences inédites de prolifération de bactéries, parasites, fongus et autres mignardises sympathiques. Si tu n’a pas encore connu mycoses ou furoncles purulents, un trip sur Argal est fortement conseillé (sensations fortes assurées).Astuce bell’s : une mycose sur les pieds, un furoncle sur la fesse ? Voit toujours le bon côté des choses ! Ca pourrait tellement être pire... tape mycose sur google pour t’aider à relativiser.

3. DES MOMENTS GÊNANTS TU CONNAITRAS

Ragnagna, les communistes, appât à requin, tampons sanglants… Du Cap Horn à Bonne Espérance le temps devient vite abstrait sur un bateau. Mais pas pour toi petite chanceuse ! Ton cycle utérin te rappellera que 28 jours viennent de s’écouler. Tu partageras cet instant magique avec les autres moussaillons. Sois prudente, le mâle est très sensible à la vue du sang (surtout provenant de cet endroit là).Asuce bell’s : tombe enceinte avant le départ .

2. LES ODEURS TU TOLÉRERAS

… et surtout celle des autres ! Tu seras surprise de tes propres effluves corporelles. Ne les sous-estimes pas avant le départ. Même les plus innocentes aisselles sont capables du pire.Astuce bell’s : ben non... on a toujours pas trouvé. Envoie aisselle au 8.12.12 si tu as trouvé la solution.

7. TES SELLES TU CONTIENDRAS

Après de nombreux essais réalisés au cours de l’année 2015 dans le lagon calédonien, il en ressort que 9,999 femmes sur 10 seront atteintes de constipation en bateau. Il faut le temps que le tube digestif s’amarine ou se décomplexe plutôt... Cette constipation peut aller de 3 jours à 1 semaine pour les plus tenaces, selon le temps d’adaptation de chacune.Astuce bell’s : avec forlax, c’est relax.

6. TES DÉFAUTS TU DÉVOILERAS

Mais qu’elle est gentille, souriante, patiente, douce, sportive, calme, intelligente… au repas de Noël oui ! Mais cette illusion de belle fille idéale va s’envoler en quelques jours (voire heures) en communauté sur Argal. Ta face cachée va se dévoiler et peut être nous surprendre ?Astuce bell’s : tes chakras tu ouvriras.

WOMAN VS

WILD

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ALLEZ ÇA VA BIEN SE PASSER ON VOUS ATTEND !

ATTENDS, NE RÂLE PAS. BIEN SÛR QUE L’ON A PENSÉ À TE DONNER DES PETITS CONSEILS ! APRÈS TOUT, L’HOMME EST UNE FEMME COMME LES

AUTRES, ALORS TOI AUSSI MONSIEUR IL Y A CERTAINES CHOSES QUE TU DOIS SAVOIR AVANT DE REJOINDRE LA TRIBU.

1. SUR UN SCEAU TU DÉFÈQUERAS

Là tu vas vraiment t’amuser ! Retour au stade anal et comparaison d’étrons. Contrairement aux moussaillonnes, le tube digestif masculin est très décomplexé. On est toujours surprises de voir que certains membres de l’équipage expulsent leurs selles 3 fois par jour (et en sont si fiers).

2. EN FORME TU TE MAINTIENDRAS

Relever l’ancre, hisser les voiles, gonfler l’annexe... La voile c’est vraiment pas un sport de tapette ! L’avantage c’est que tu seras gaulé comme un dieu. Ben quoi, Bouddha c’est un Dieu non ?

6. TON CALEÇON COCOTERA

Non cette odeur de roquefort périmé ne vient pas du frigo… Mais tiens donc, d’où peut elle venir ?

5. TA CULTURE TU ENRICHIRAS Aaah l’océan, cet horizon infini, cette mer éternelle... quoi de mieux pour méditer, se recentrer sur soi et… se faire chier ! Et oui sur un bateau tu vas aussi t’ennuyer. Des heures voire des journées entières à attendre que le vent se lève, qu’il tourne, ou tout simplement attendre d’arriver à bon port ! Tu apprendras à t’occuper en lisant, dessinant, chantant et toutes autres activités que tu as abandonné depuis des années (ou peut-être même jamais découvert ?) et crois moi ça va te faire le plus grand bien.

10 .TON VISAGE DISPARAITRAAlors si bien sûr tu peux essayer de te raser mais en navigation à la gite, avec une belle houle et 30 nœuds de vent, un coup de lame dans la carotide est si vite arrivé ! Donc tu vas opter pour le look Cap’tain Haddock... ou Barberousse si tu as moins de chance. Ce paragraphe ne te concerne pas si tu es poilu comme un dauphin.

3. TON ESTOMAC GARGOUILLERA

Et non, sur le voilier c’est pas buffet à volonté tous les jours. Alors toi, gros morfale, va falloir que tu apprennes à rationner. Finis la côte de bœuf, c’est régime DUKAN de concentration à bord !

4. SUPERSTITIEUX TU DEVIENDRAS (OU PAS …)

L’univers marin est chargé en superstitions et on espère que tu ne les respecteras pas. Si les femmes sont maintenant tolérées à bord (non mais sans déconner !) il y a des superstitions encore bien ancrées dans les esprits. Le capitaine te fera vite sentir si tu ne les respectes pas. Lapin lapin lapin lapin… (on est des rebelles !)

7. DES BOURSES PLEINES TU BALADERAS

Certains besoins primaires auront du mal à être assouvis à bord. La promiscuité ne jouant pas en ta faveur ton centre de gravité risque de s’affaisser légèrement. Le tantrisme peut être une bonne alternative. Titanic-ra pas !

8. TES BOBOS TU SURVEILLERASHumidité + plaie = infection. Le moindre petit bobo peu dégénérer en septicémie en quelques heures... Bon ok on exagère mais si peu. Sur un bateau un bobo arrive très vite, une flèche de harpon dans l’œil, une brûlure, un hameçon coincé dans la clavicule... (tout est inspiré de faits réels). Tu apprendras à stéristriper, bétadiner, panser, avant d’embarquer. Et surtout tu ne vas pas commencer à t’inquiéter à la moindre piqûre de moustique (inspiré aussi de faits réels ...) !

MAN VS

WILD

N.B L’auteure a voulu ici tromper son lecteur en proposant non pas 10, mais 9 commandements de façon habile car tu ne l’as sûrement pas remarqué. TROIS explications à cela :

1. Tu lis à la va-vite… c’est pas bien et il va falloir te reconcentrer.

2. Tu lui fais confiance, et nous ne te le déconseillons.... grandement.

3. Ou alors c’est comme les fautes d’orthographes, tu as accepté l’erreur en fermant les yeux et nous t’en sommes reconnaissant.

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Moi c’est Lili, j’ai 5 dents et 6657 sourires.Eux, ceux sont Paps et Mams, je les aime fort. Ils me trimbalent partout, tout le temps. Eux ceux sont mes Tontons et Tatas d’ici, je les aime bien aussi. Ils sont tous un peu gaga je crois.

4LA POULE OU L’AVENTURE,

QUE SAIS-JE ?Lorsque mes adultes me parlent et s’agitent devant moi, je ne saisis pas tout. Bien souvent ce n’est guère intéressant. Je leur souris, ils me sourient, je leur souris et je tourne la tête. Cependant j’ai bien compris que « Blalalabla blablablabla Aventure blablablabla c’est la Grande Aventure » est important

pour eux et inéluctablement pour moi aussi. Je ressens alors cette montée d’enthousiasme et de bonheur les envahir lorsqu’ils répètent ces mots. Ca me rend heureuse de les voir ainsi alors je rigole « tatatatatata » et je rigole encore « tatatatatata ». Ils me regardent, rigolent à leur tour et poussent des petits cris de gagatisme. Alors je préfère arrêter cette euphorie naissante, je leur tourne la tête. Mon premier mot sera certainement Aventure. J’aime beaucoup. J’hésite encore avec poule.

J’aime beaucoup aussi. Je verrai en temps voulu.

SAFE QUI PEUT !Pour l’Aventure, Mams et Paps se creusent la tête pour que tout se passe bien. Comme on met les voiles et que je suis à bord avec eux pour la Grande Aventure ils cogitent pour tout bien prévoir.

© Sigrid Pélisset

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Ils veulent aménager un « bateau secur » ils disent. Le bateau c’est ma maison mobile, très mobile même. Elle n’est pas très stable, elle bouge beaucoup. Heureusement, je suis une grande équilibriste. Ma maison mobile est très agréable à vivre, ma cabine l’est particulièrement. J’aime y jouer, dormir et regarder par le hublot la voile bouger et les vagues s’y abattrent. Ça me berce, impossible de lutter, je m’endors aussitôt. Les cloisons de ma cabine sont en tissus. C’est Mams qui l’a inventé. Ils amortissent très bien les virements de bord intempestifs. Mes peluches sont cachées dans les cloisons en tissus. J’aime farfouiller dedans. Il y a aussi un haut tissu suspendu. Mams en est très fière, elle dit : « C’est ma création, ça remplace les barreaux ». Sa création m’embête particulièrement, ça m’empêche de sortir toute seule de ma cabine. C’est très haut pour moi, et je reste coincée là. Ils disent : « c’est pour pas que tu tombes ma chérie ». J’ai beau essayer de me hisser pour aller de l’autre côté, rien à faire. Mes jambes ne me portent pas encore suffisamment. Bientôt, bientôt. Quand ça ne me va plus de rester là, je leur fais vite savoir « Oiiiinnnnnnnn euh Oiiinnnnn » et en principe ils accourent aussitôt. Ils sont rusés, ils ont installé la création ailleurs dans le bateau. Je ne peux pas me déplacer tranquillement sans leur surveillance. Mais je finirai bien par trouver comment déjouer leur système.

RECYCLE, RE-USE, ESSORE ET ESSOREPaps et Mams se sont mis en tête de « m’équiper de couches lavables » pour diminuer nos déchets à bord. Comment ca, je produis des déchets ? Ils disent : « c’est écologique, joli et indispensable pour les traversées ». Ils en parlent à tout va et à qui aborde le sujet. J’avoue que c’est tout de même agréable à porter même si cela me fait, je trouve un gros popotin. Paps est heureux chaque matin de les laver. Il répète en frottant énergiquement « un geste pour la planète ». Mams le regarde les yeux au ciel et lui rabâche à chaque lessive : « tu n’aurais pas à les nettoyer tous les jours si on en avait pris plus ». Paps alors ne lui répond pas et continue à frotter. Ils ont aussi pensé à me protéger du soleil. Je suis équipée de jolies lunettes roses très saillantes et d’une casquette bleue qui l’est un peu moins. C’est Mams qui choisit mes tenues et je n’ai pas mon mot à dire. Pour un bon moment je pense. Pour me baigner j’ai aussi une belle combinaison anti UV. Elle me tient bien chaud et je peux rester longtemps dans l’eau. J’aime bien être dans l’eau, installée dans ma bouée. Je peux aller là où je n’ai pas pied. Je n’ai pas pied bien loin. Le temps nous dira s’ils ont vraiment pensé à tout…

Par Oh’mère

• 17 couches lavables + 35 inserts + 5 boosters + savon + percarbonate de soude

• 60 petits pots légumes + 45 petits pots fruits + 8 boites de lait (900g)

• 3 bibs bec verseur• 2 paires de lunettes de soleil + 1 pareo + 2 combi anti UV +

3 casquettes• 1 paire de chaussure T18 + 1 paire de crocs (classe)• 8 body T12 mois + 10 body T18 mois + 12 body T24 mois• 1 turbulette + 2 couvertures• 2 sweat/pull + 1 veste de pluie• 1 transat babybjorn (anti glisse pour la nav’ très très

pratique)• 1 tapis violet (pour que bébé rampe dans le carré

sans s’écorcher)• 1 porte bébé Ergobaby (physiologique

et portage agréable)• 1 porte bébé de randonnée Lafuma

(pour escale itinérante et marches à la journée )

= 12,3 kg

CHECK LIST LILI

CARNET DE BORD ARGAL

4 juin 2016 - 2ème jour de traversée

Noumea-Tanna // Vent ESE 18nd.

On file bon train 4 nd de moyenne.

Euphorie à bord, équipage au top.

Bon roulement des quarts. 6 dauphins

nous accompagnent pendant 3 bonnes

heures.

Tout roule… enfin.

OUPS Lili a explosé ses couches.

Grosse chiasse, c’est la cata on en a pas

pris assez. Odeur persistante.

Carine bouillonne… mais mère excédée

maîtrisée… au moins pour la journée

(Ceci est une fiction mais pourrait bien

rattraper la réalité – à suivre au prochain

numéro)

CARNET DE BORD ARGAL

6 juin 2016 - 2ème jour de traversée

Noumea-Tanna // Vent ESE 18nd

Les vents bon train 4 nd de moyenne.

Tom a vo au top.

Commulement des quarts. 6 dauphins les

compagnent pendant 3 bonnes heures.

Plus que

7 juin OUPS Lili a explosé ses couches.

Les terres se rapproc enfin Des dauphn

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EN ESCALE$

IKEuJHRTP

LA NOUVELLE-CALÉDONIE ..................................................................... p.19NAVIGUER EN NC, Le pied ! ............................................................ p.21

LA TRIBU EN NC, Une communauté à grande échelle ................................................................................. ............................................ p.22LES CINQ SENS DE LA CALÉDONIE ......................................... p.24

HISTOIRES DE PORTS ................................................................................. p.25

© S

igri

d Pé

lisse

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Cette terre du pacifique, située à mi-chemin entre l’Australie à l’Ouest et la Nouvelle-Zélande au Sud représente

la première étape du Voyage. Sous quel angle décrire ce pays ? Géographique, culturel, politique, touristique ou encore sociétal ? Il y aurait tant à dire... En voici donc deux afin de nuancer ce qui pourrait être dit !

1. LA NOUVELLE CAL EN MODE VACANCES DECOUVERTEVisite guidée pour le métropolitain souhaitant rendre visite à ses zoreilles1 de proches en kanaky ! Et oui, comme le veut la coutume, chaque personne venue nous rendre visite ici n’a pas échappé à la série des étapes suivantes (amis ou famille, certains reconnaitront forcément une partie de leur séjour!).

L'arrivéeA 22 000 km du départ, tu ne peux pas vraiment aller plus loin sans te rapprocher de ton point de départ et ça tombe plutôt bien car tu n’en peux juste plus ! Tu as récupéré à peu près tout tes bagages malgré la petite angoisse en lorgnant le tapis (pourquoi sortent t’elles toujours en dernier ?!) et es passé à travers les mailles du contrôle douanier avec succès… C’était sans compter le bonus du check sanitaire ! Et oui tous les bons saucissons et autres fromages que tu avais prévu pour ta coutume d’arrivée se font sucrer par les autorités, malgré que tu avais bien coché n’avoir rien d’alimentaire dans tes bagages…! Après une demi-heure de fouille de sac et une leçon

de morale plus tard, c’est délesté de tes victuailles que tu retrouves enfin tes proches (nous) venus en masse célébrer ton arrivée ! Enfin, en masse, faut pas déconner non plus, l’aéroport et à près à une heure de Nouméa et les vols ont la fâcheuse tendance à arriver à minuit… estimes toi heureux si une bonne âme s’est dévouée pour t’éviter la navette ! Une fois sorti de la clim de l’aéroport, tu t’empresses d’enlever ton pull, et tu regrettes d’avoir zappé tes tongs, tu transpires déjà alors qu’il est minuit ! Tu te fais immédiatement rabrouer : on ne dit pas « tongs » mais « claquettes » ici, rappelles toi-en.

Le premier jourAprès une courte nuit sur le canap’ de la coloc orange ou dans une couchette cercueil d’Aldébaran, tes hôtes t’ont préparé un petit dèj exotique du tonnerre avec les fruits du marché de Moselle réputé pour ses prix exorbitants (non non ce ne sont pas des francs CFA mais bien des CFP). Ensuite, c’est le bain d’eau salée au kuendu-beach, lieu de villégiature bien connu des nouméens et étape obligée pour vendre du rêve en mode carte postale aux fraîchement débarqués (surtout la semaine car le week-end c’est damé2) et t’aider à digérer tranquillement ton jet-lag.

L’île des pinsA peine atterri qu’ils t’ont déjà remis dans un avion direction l’île des pins afin de t’en mettre là encore, plein la vue. Effectivement ça envoie le bois. Tu es juste époustouflé mais tu dois te ressaisir rapidement pour suivre méthodiquement tout le petit programme concocté avec soin par

tes hôtes ! Le camping qui va bien, le PMT3 à la baie de kanuméra, la pirogue sur la baie d’upi, la promenade au pic Nga, la visite des grottes et la piscine naturelle. Tu te souviens de la beauté des paysages, de la chaleur de l’accueil et de la tranquillité des lieux tant vanté par tes hôtes. Bon on repassera pour la tranquillité on avait oublié de te prévenir pour les ferrys de poken4 présents 6 jours sur 7 sur l’île !

Le zonage à NouméaDe retour à Nouméa, tu es initié. Ça y est, tu peux mourir demain, tu as eu une vision du paradis. Le problème c’est qu’après ca, Nouméa te semble assez fadasse et tes hôtes ont la désagréable habitude d’être occupé la semaine par un travail alors que toi tu es en vacances ! S’ensuit donc un ponçage en règle des spots proches de la ville, aquarium, musée de la mer, rivière de dumbéa, ilôt canard, pic malaoui… les plus chanceux auront même droit à une visite participative au chantier naval de Nouville ! Le soir c’est passage obligé par le bar Le Bout du Monde, grands choix de bières locales, Havannah, Manta, Number one… au bout de la deuxième tu regrettes déjà ta bonne vieille kro. Puis c’est l’initiation au kava5 dans un Nakamal6. Es-tu le seul à trouver cette boisson laiteuse et verdâtre qu’il faut boire cul sec dans une noix de coco évidée, juste immonde ? Non, apparemment c’est pour tout le monde le cas. Il te faudra encore un peu de temps pour saisir le concept. Tu te dis que tu as quand même de la chance de ne pas être au Vanuatu, il paraît que là-bas, le mélange est « mâché maison » avant d’être servi.

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igri

d Pé

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Par Capitaine Couche’tôt

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La sortie en voilierS’en suit le week-end tant attendu : la sortie en voilier sur le lagon. Tout ce petit monde embarque joyeusement sur le bateau, en emportant fusils, PMT, riz et packs de One. Goéland, Signal, Larégnère ou encore Mbé-kouen, la liste des destinations potentielles importe peu, tant qu’on peut pêcher pas trop loin. Le voilier file sur l’eau turquoise et tu n’as même pas eu besoin des cachets de mercalm que tu avais discrètement glissé dans ton sac ! Ça y est, on arrive au mouillage, tout le monde se jette à l’eau et non sans appréhension tu t’y mets aussi en essayant de ne pas penser au grand débat de la veille sur les requins bouledogues et autres squales de calédo… jusqu’à apercevoir un petit pointe noire qui te fait relativiser. C’est coché, tu vas pouvoir vendre du rêve à ton retour en métro.

Le tour de la grande terre et l’accueil en tribuC’est parti pour le road trip, Poé, Hienghène, Poindimié… Si tu es venu jusqu’ici, c’est quand même aussi pour découvrir le monde kanak. Mi-intrigué, mi-dubitatif, tu te retrouves envoyé sur les recommandations de tes proches pour un séjour en tribu. On t’as briefé sur le grand chef, la coutume, le manou7 mais tout ça ca reste quand même obscur pour toi. Une fois passée la solennité des présentations, tu prends conscience que tu es ici chez toi, tu partages un coup de chasse et une visite au champ d’ignames. Tu reviens encore tout emboucané8 avec ta chemise à fleur ou ta robe popinée et ton nouveau nom en langue.

Le départCa y est ta période de CP est écoulé ainsi que ta rallonge budget vacances sur ton CCP. Le calendrier qui semble s’être emballé ces derniers jours te rappelle à l’ordre, c’est déjà l’heure du départ. La perspective de quitter ces lieux et tous tes nouveaux amis ne t’emballe pas outre mesure, (à moins que ce soit les 30 heures de vol et les 10h de décalage horaire qui t’attendent)… Au fait où as-tu fourré tes bas de contention et ton pull : ils annoncent 8° à Roissy !Spéciale dédicace à tous ceux qui sont venus nous rendre visite, en espérant que ca donnera envie à tous de venir nous voir sur le trajet !

1. Zoreilles : métropolitains s’étant installés dans les Dom-Tom2. Damé : se dit d’un lieu lorsqu’il est plein de gens, ex : « l’enculé, il est damé s’parking »3. PMT : Palme Masque Tuba4. Poken : croisiériste australien avec coups de soleil et casquette coca5. Kava : boisson anéstésiante des îles du pacifique à base de racine de poivrier broyé6. Nakamal : bar à kava7. Manou : morceau de tissu servant d’offrande pour les coutumes8. Emboucané : se faire emboucaner, se faire envoûter

2. UN POINT DE VUE SOUS LA SURFACE DE LA NOUVELLE CALEDONIE

Un monde de contrastesLa Nouvelle Calédonie a, comme la plupart des îles, toujours été un lieu de passages et d’échanges mais aussi de conquêtes et de chocs des cultures. C’est un monde de contrastes où, comme trop souvent dans ces cas là, la frontière entre paradis et enfer semble si fine. Aux blessures encore douloureuses de la colonisation s’ajoutent aujourd’hui celles de la mondialisation.

Une terre insulaire bordée d’un lagon d’une richesse écologique exceptionnelle qui côtoie des installations industrielles démentielles, alimentant l’économie du pays tout en hypothéquant sur les générations futures. Des peuples du pacifique d’une culture millénaire vivant en harmonie avec les éléments tentée à se perdre, noyée dans l’alcool, laissée pour compte d’une globalisation inéluctable. De part et d’autre, un accueil chaleureux de gens avides de partage, confronté à la méfiance et aux préjugés, n’épargnant aucune des communautés. Un lieu où le bien commun est trop souvent bafoué par les ravages de l’égoïsme et de la propriété privée. À son échelle, cette terre concentre tous les défis auxquels est aujourd’hui confrontée la planète. Mais malgré ses difficultés, le modèle calédonien se veut une opportunité de changer les choses. Il mérite à être regardé de plus près, car ici, les notions de patrimoine commun et de vivre ensemble prennent tout leur sens.

Les ZoreillesLes raisons pour lesquelles plusieurs milliers de métros tentent leur chance chaque année sur cette terre d’exception sont diverses. Certains pour découvrir d’autres façons de vivre, d’autres simplement pour profiter de la bulle économique, participent également au clivage calédonien. Qu’on le veuille ou non, à partir du moment où l’on pose le pied en Nouvelle-Calédonie, on doit se sentir concerné par l’histoire et par les nombreux enjeux actuels de ce pays. Et, sans tomber dans une culpabilité déplacée, tout aussi néfaste que ne peut l’être la peur, l’indifférence ou le mépris, il faut toujours avoir conscience de l’impact de notre présence ici et garder la seule attitude qui aie du sens aux yeux du monde : le respect et l’humilité.

Ce qu’on lui doitPour les zoreilles que nous sommes, la Nouvelle-Calédonie représente une terre d’espoir, d’aventures et de magnifiques rencontres. Une terre où tout semble possible, découvrir et apprendre une autre culture, vivre sur un bateau et naviguer dans des endroits idylliques mais également trouver du travail dans des domaines variés pour pouvoir financer la suite. Sans avoir la prétention de parler au nom du groupe, je pense pouvoir dire que la Nouvelle-Calédonie nous a tous beaucoup appris et nous a prouvé que construire à l’autre bout du monde reste possible. J’espère qu’à notre humble échelle, par nos paroles et nos actions, nous aurons contribué positivement aux défis qui se jouent ici. Merci la Calédo !

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Mis à part un peu d'optimiste et d'hobie cat 16 en colonie de vacance, une session au goût de vomi avec les Glénans ou en cabotage en méditerranée, nos

premières expériences sérieuses de voile ont eu lieu dans le lagon calédonien.

Imaginez un endroit où on peu profiter de la mer toute l'année : un alizé qui souffle au Sud Est presque chaque jour, peu de courants et une eau entre 21 et 29 degrés dépendamment de la saison. Ici pas d'hivernage, on laisse jamais nos bateaux en paix, ça c’est pour les bretons. Et puis, c'est facile d'habiter dessus, puisqu'il ne fait pas froid !

L'éloignement réguliers des ilots un peu partout dans le lagon, nous a permis de prendre confiance progressivement. Et pour peu que tu te motives a faire quelques miles de plus, tu te retrouves pénard et y a qu'à se baisser pour attraper du poisson.

Bon…allez, on quitte la carte postale 5 minutes, j'ai oublié de préciser quelques petits détails. Les bateaux coutent un bras (car pas de chantier de construction ici) et les ships sont hors de prix.

L'alizé, généralement bien renforcé par le thermique, monte l'après-midi à 25-30-35 nœuds en saison chaude. Ce qui est assez

chiant pour le voilier mais qui fait la joie de ces maudits kiteux.

Autre détail : le lagon est foutrement mal pavé avec des récifs partout, pas toujours affleurant selon la marée, et peu balisés en dehors de Nouméa. On a donc toujours l'œil vissé sur le GPS. Faut quand même pas oublier que pas mal de mecs se posent sur ces bouts de récif et que le lagon est un cimetière d'épaves !Il y a aussi le clapot haché du lagon, si violent pour l'étrave au près, et les passes avec leurs courants surprenants.

Et pour finir, la saison cyclonique. Tu sers le cul pendant 6 mois en espérant que ces monstres te passent à coté. En cas d'alerte, il s'agit de remonter une embouchure sans s'échouer, pour finir par se faire bouffer par les moustiques dans une mangrove avec tous ces roots de voileux qui puent l'iode et l'alcool…

Mais quand même, au bout du compte, on lui doit beaucoup à ce lagon. Un apprentissage béton (cf. le démâtage sur Aldébaran avec ma mère à bord) et des beaux moments partagés. Mais aujourd'hui, il est temps pour nous de le quitter, de franchir enfin cette passe et d'aller vers d'autres horizons. Alors, en route !

Par Nietz’ie Lematin

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À l’heure où l’on entend de plus en plus parler du phénomène de décroissance dans les pays développés, la mondialisation poursuit son chemin et les pays longtemps épargnés voient leur culture et leurs traditions disparaître.

La Nouvelle-Calédonie est un exemple de pays en plein changement. Entre la vie tribale en brousse et le mode de vie à « l’occidentale » à Nouméa, le peuple est tiraillé.

L’image d’une petite fille qui joue sur une tablette numérique en attendant sa mère qui travaille au champs est éloquente.

La question que je me suis posé en arrivant est : pourquoi tant de mélanésiens quittent leur vie paisible en tribu pour partir vivre en ville, travailler 60 heures par semaine et se payer un appart tout pourri ?

LES + DE LA VIE EN COMMUNAUTÉ :

• Le climat tropical de NC, chaud et humide presque toute l’année, permet facilement de cultiver la terre et les produits de la mer. On trouve egalement du gibier en abondance. Ce qui facilite une vie saine et riche.

• Vivre en communauté, c’est vivre ensemble, partager et échanger avec l’autre.

• L’égalité entre les membres de la tribu, la mise en commun des biens et de la nourriture permet de réduire le nombre de personne dans le besoin.

• Une voiture, un bateau, un vélo... tout est commun même si cela appartient à un membre de la tribu.

• Chaque adulte est responsable des plus jeunes et l’éducation est collective.

• Le respect et la parole sont les moyens de communiquer au quotidien.

LA TRIBU EN NCUne communauté à grande échelle !

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LES - :

• Les « lois coutumières » sont un ensemble de lois qui régissent le fonctionnement au sein de la tribu ainsi qu’entre les tribus. La chefferie ainsi que le conseil des anciens sont là pour faire respecter les lois ; ils se réunissent sous forme de conseil pour prendre les grandes décisions concernant a communauté. Il arrive que cette hiérarchie soit étouffante voir abusive pour certains.

• Cette hiérarchie est également présente au sein d’un clan (famille) et l’homme a un pouvoir de décision supérieur à celui de la femme. Par exemple, le conseil des anciens ainsi que la chefferie sont composés uniquement d’hommes.

• L’âge est aussi un critère hiérarchique. L’ainé d’une famille a plus d ‘importance que les autres et aura plus de pouvoir de parole au sein de sa famille ainsi qu’au sein de la tribu.

• Vivre ensemble n’est pas toujours facile ; certains se reposent sur d’autres. Par exemple, il est fréquent qu’un membre de la famille travaille en dehors de la tribu pour gagner de l’argent et en reverse une partie à sa famille. Ceci peut être abusif et créer parfois des endettements importants.

• La gestion des personnes handicapées, âgées ou plus faibles est un problème lourd à porter pour certains qui y consacre tout leur temps.

• L’agriculture et l’ensemble des tâches à effectuer sont un travail souvent très dur physiquement et les soins sont moins accessibles qu’en ville.

EN CONCLUSION ?

Vivre à cheval entre le monde moderne et la vie tribale c’estle paradoxe entre la vie coutumière et le travail en ville.La culture mélanésienne a tenu bon malgré son histoire particulièrement difficile ici. Cependant les moeurs changent, l’équilibre est fragile et les tentations sont nombreuses...La société de consommation est partout et elle boulverse les codes. Il est par exemple tentant d’acheter des légumes au lieu de les cultiver pour se simplifier la vie.Aussi, certains envies sont devenues des besoins, apportés par la société de consommation : l’alcool qui crée vite une dépendance , les drogues (quoique certaines soient cultivables) ou même une addiciton au sucre (notamment dans les boissons industrielles disponibles partout) ; autant de raisons qui poussent les gens à partir de chez eux pour gagner leur vie hors de la tribu.Mais beaucoup de mélanésiens sont amenés à partir de chez eux au moment de leurs études. C’est une vraie chance de voyager, découvrir d’autres cultures, faire des rencontres. Partir pour mieux revenir en somme... tout comme pour nous !

Par Michel Del’Peche

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LES 5 SENS DE LA CALÉDONIE

Nouvelle destination, nouveau pays, le bout du monde, la tête en bas ;

une culture à découvrir, à comprendre, des paysages à explorer, à contempler.Les premiers pas, assaillis de milles odeurs, de milles couleurs et par la chaleur ambiante, brulante, humide.Les cinq sens en éveil, les yeux grands ouverts, se nourrir de la beauté environnante, de la nouveauté, de la chaude lumière de la fin du jour avant la douceur de la nuit étoilée ; inspirer profondément, fermer les yeux, écouter la nature, la ville et sourire à cette nouvelle vie…

Par Sigrid PélissetRetrouvez son travail sur :• picselle.fr • parentheses.wordpress.com

LES ODEURSOdeur poivrée

enivrantedans la lumière du soir

LE GOUTBois exotique rougeoyant

grillentles poissons multicolores

LA VUESoleil du soir au matin

en bleu et vertet la mer à l’infini

LES SONSVol de grillons

dans le crépusculeécho au chant des vagues

LE TOUCHERInfiniment doux

le sable blancentre les orteils

Le haïku est un poème japonais qui cherche à retranscire une situation présente en l’épurant de l’inutile pour ne garder que l’essence du moment vécu.

Les odeurs, la vue, le toucher... une autre façon de voyager. Sig présente ici une Nouvelle-Calédonie bien à elle, en photographies et en poèmes (Haïkus). Deux passions qu’elle maîtrise particulièrement et qu’elle aime partager. Elle est

aussi l’auteure des photos d’Argal tribu : couverture & articles. Alors encore une fois Sig, MERCI !

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Chaque bateau a son histoire et certaines valent le coup d’être racontées. En voici quelques unes entendues et vécues sur les pontons de Moselle… en attendant de vous écrire les nôtres.

Par Nietz’ie Lematin et Marie Sans Toilette

SONGES POLYNÉSIENSUn matin, je vais voir Gégé (le vieux d’en face qui bourlingue pas mal avec sa Régine sur leur coque en alu) pour lui montrer l’état de mes amarres et voir ce qu’il en pense. Et en parlant d’amarres, il m’en raconte une bonne. Durant leur passage en Polynésie, ils s’étaient amarrés à un quai, à côté de tahitiens visiblement bien bourrés. Le soir venu, fatigués de leur journée, le couple va se pioter dans la cabine avant. Mais pendant la nuit, Régine se réveille en sursauts suite à un mouvement bizare. En deux pas, elle se rue sur le pont et se rend compte que les voisins ont largué les aussières… avec le courant, le bateau est en train de se barrer vite fait. In extrémis, elle saute sur le quai pour rattraper l’embarcation. Comprenant alors l’hostilité de leur voisins noctambules, ils passeront la nuit amarrés avec des chaines cadenassées… De quoi dormir comme un bébé.

LA MAIN INVISIBLEEn allant boire un coup la dernière fois au Fronton Basque, je rencontre par hasard le fameux propriétaire du bateau fantôme ! je vous explique. Il y a quelques mois, les secours appelle ce gars pour lui signaler que son bateau a été aperçu au large. Or, celui-ci a vendu son bien il y a 2-3 jours à peine. Il appelle alors son acheteur qui part vite récupérer le monocoque avec l’aide du SNSM et le retrouve en pleine mer, les voiles docilement pliées, sans personne à bord et sans aucune égratinure ! Que s’était-il passé ? La manille du mouillage s’étant desserrée pendant la nuit, le voilier s’est tranquillement laissé porté par les courants, évitant tous les obstacles sur sa route, pendant près de 10 miles : bateaux, rade, récif, ilots… il a négocié une trajectoire parfaite jusqu’à franchir la passe, cette brèche de 300 mètres dans la barrière de corail qui ceinture la Nouvelle-Calédonie. Une sacré bonne étoile… mais une question persiste : que faisait sa femme ce soir là ?

Histoires de ports

BOAT JACKINGDébut d’aprem, je pars bosser au Vallon-Dore quand je croise Loïc l’électricien visiblement paniqué. Il vient de voir le bateau de son pote en train de sortir du port. S’étonnant de cette sortie en pleine journée, il l’appelle :

- « Alors mon salaud, t’as pris un jour de congé ? »- « Heuh… Comment ça ? »- « Bah je viens de voir ton bateau partir du port à l’instant »

- « Hein ? C’est quoi ce bordel ? J’suis au boulot ! »Comprenant le vol, Loïc court à la capitainerie pour prévenir l’infraction et rattraper les larrons. De mon côté il est l’heure d’y aller et c’est le soir, en rentrant, que j’entend le fin mot de l’histoire.Les propriétaires m’apprennent que 3 mecs bourrés sont montés à bord en pleine journée. N’ayant pas réussi à démarrer le moteur, ils quittent la place à la voile. Jusque-là pas d’encombres. Mais il faut négocier un virage à 90° pour passer la digue… or, le bateau n’est pas manœuvrant : c’est un dériveur et la dérive est remontée ! Sur l’inertie, le voilier s’échoue sur les rochers. C’est fini, les flics n’ont plus qu’à les cueillir. Couché sur le flanc, les voiles qui claquent au vent, le bateau a pris un sacré coup. Et pas dit que les gars soient solvables pour faire jouer l’assurance. C’est vraiment pas de chance pour ce couple qui a subit un mois auparavant une manœuvre désastreuse d’un marin ayant joué à l’auto tamponneuse dans le quai… Mais on vous avait prévenu, fallait pas dire « lapin » !QWERTZUIOSDFGHJKLVB

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LA TRIBUÈ

q^ÉjbYÈXVe

TV - HOMO ROBOT ........................................................................................ p.27

ÉCRTURE - LES PIMENTS DU QUOTIDIEN .................. p.28

CRITIQUES LIVRES ........................................................................................ p.30VOYAGE - PETITES RÉFLEXIONS DE VOYAGEURS AMOUREUX ................................................................................................................ p.31ZIC - RÉZÉ ................................................................................................................. p.32

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q^ÉjbYÈXVe 27

TV

PITCH, Ô MON PITCHLibérer l’homme du travail qui l’abruti en délégant ses tâches aux robots ? C’est possible, à condition que cette main d’œuvre soit tout à fait autonome. Voilà le projet du chercheur Mathieu Kovalinsky, un idéaliste qui souhaite révolutionner le monde du travail en créant une nouvelle intelligence artificielle. Celle-ci permettrait aux robots d’accéder au cerveau humain et de jouir de ses spécificités telles que l’éthique, la créativité ou l’improvisation.Malgré l’opposition du gouvernement, Mathieu s’allie à un hypnotiseur pour mener des expériences sur des SDF. Très vite le concept fait ses preuves. Il n’y a plus besoin d’être conscient pour travailler !

UN REAL À 2 BALLES ?Après un début prometteur avec Grelou en 2013 suivi d’un « petit flop » intitulé Une poignée de moins en 20151 le couz’ Ariel Waserhole ne déconne plus et revient cette fois avec une production semi-pro de 30 minutes : Homo Robot.Loin du Sappey familial, ce Woody Allen chartrousin rejoint la capitale en 2014, où il exerce en tant que chercheur en mathématiques appliquées aux énergies renouvelables. Et c’est dans cette atmosphère parisienne que s’est peu à peu construit le scénario : une écriture à deux mains avec son comparse Nicolas Hell.

GROSSE PROD !A la fois producteur, réalisateur et comédien de sa fiction, Vich s’entoure de professionnels en embauchant un ingé son, un preneur son, un chef opérateur (lumière et cadre) et un assistant chef opérateur. Quelques bénévoles complètent aussi la team avec l’assistant réalisateur, le script, le clapiste, le régisseur et les comédiens.Au total, c’est cinq jours intensifs de tournage pour un budget global de plus de 3000 euros. Vous l’aurez compris, le jeune Waserhole n’est plus dans la demi-mesure et souhaite cette fois se donner les moyens d’une production sérieuse (…et humoristique au passage !)À découvrir prochainement dans les festivals de courts-métrages et en avant-première. Pour cela, suivez sa page facebook Homo_Robot.

1. Ou plutôt « une production qui n’a pas trouvé son public », selon les mots du réalisateur

Par Marie Sans Toilette

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CHAPITRE PREMIER

L’ENFANCE DES ADULTES

Il est quinze heures. Nous sortons tout juste de table, ça a trainé aujourd’hui. Les belles conversations. Celles

que l’on refuse de terminer, pas tant pour approfondir le sujet, plutôt pour le plaisir de discuter sans trop savoir où cela va nous mener. C’est jour de ménage chez les mouettes. Philippe doit vider le bassin des poissons, Sylvie tondre la pelouse, quant à moi, il me reste une heure de libre avant de partir prendre mon train. Le problème du jour est logistique : dans quel ordre faire les opérations. Vider le bassin sur la pelouse ou tondre la pelouse et remplir le bassin de mauvaises herbes ? Accord tangible réalisé entre les deux parties, que je ne peux re-transcrire ici, moi-même n’ayant pas bien compris l’issue du négoce. Pendant que les bonnes choses ont une fin, Philippe enfile vieux short troué, t-shirt peinture, et descend dans le jardin. Il engage rapidement les hostilités. Un seau dans les mains, voûté à s’en défaire la colonne, il enchaîne

remplissage et éjection de

la flotte où c e l l e - c i

voudra

bien se donner la peine d’aller. Au départ au fond du jardin, mais, l’effort se faisant, il bazarde les seaux de moins en moins loin de son lieu de puise. L’eau croupit ici depuis six mois, l’odeur en est épouvantable, c’est à se demander comment les poissons ont pu se développer dans cet univers. Je m’installe sur le balcon, café proposé par Sylvie, cigarette pour l’accompagner, et j’admire la scène. Philippe s’en donne à cœur joie. Il souffle beaucoup, suffoque parfois, mais son esprit d’enfant semble prendre un malin plaisir à vider le bassin et voir apparaître peu à peu les poissons, au milieu de toutes ces algues, de toute cette puanteur. Moi je ris. Philippe, en fait de vider le bassin, est en train - sans s’en rendre compte, enfin je crois, à vrai dire je ne sais pas, c’est pour cela que je ris - en train donc d’en créer un autre juste derrière lui, sur la belle pelouse qui n’attendait plus que la tondeuse de Sylvie pour lui tailler un coup de frais. Et je me demande. Comment cette scène absurde va-t-elle se terminer ? Excitation, mais un peu de stress aussi j’en conviens.

Philippe et Sylvie, je les connais peu. Parents de mon copain Léo, ils m’offrent le pain et le lit depuis une semaine pendant que je bricole mes nouvelles péripéties à Marseille. Des caractères tous deux bien trempés, bons vivants, fortes voix, rires puissants, mais la sagesse en plus. Le côté amour de la musique, lectures et mots croisés sûrement. Il est des gens comme ça

qui vous touchent au premier coup d’œil. Philippe, Sylvie et leur accent marseillais bien appuyé m’ont troublé dès les premiers instants de notre rencontre. Comme une admiration, un plaisir des yeux, qui à l’heure où je vous raconte la scène, s’accentue à chaque volée de cette flotte croupie qui s’écrase brutalement, claquement régulier sur la pelouse de Sylvie. Mon bon Philippe, j’ai hâte de voir comment tu vas te sortir de ce pétrin.

Dix minutes passent, la nouvelle mare bat son plein, Philippe se lance dans la cueillette des poissons, et ça me prend l’envie de descendre lui donner la main. Des poissons, il y en a une chiée, comme ils disent les copains du Jura. Et de toutes les tailles, plutôt des rouges, avec de longues nageoires, certains couverts de pustules sur tout le corps, preuve visuelle de l’état d’insalubrité de leur bassin de vie. Je suis plutôt mauvais pour attraper les poissons, j’ai peur lorsqu’ils se débattent alors je les lâche et ils tombent dans l’herbe mouillée. Ça fait marrer Philippe qui se fout bien de ma gueule. On rigole bien avec Philippe, l’ambiance est détendue. Mais voilà que sonnent les prémices de la dispute. Et ils arrivent tout droit des vocalises de Sylvie qui vient de sortir de la maison.

« Mon Jardin ! Qu’est-ce que tu as fait à mon jardin ? Mais qu’il est con, mais c’est pas vrai, je n’y crois pas. Mon jardin ! Il est complètement trempé ! Et comment je vais passer la tondeuse

ÉCRITURE

À chaque mail de notre Juanito, c’est l’exitation. Le temps s’arrête et l’on prend un moment pour déguster une à une les lignes qui défilent sur l’écran. Sans prévenir, il nous embarque dans une sorte de réalité virtuelle. Des bouts entiers de vie, retranscrits tels quels, qu’il partage sans romance mais avec style… et quel style ! Sur notre demande, il a accepté de se prêter au jeu de l’écriture à partir de scènes qu’il pioche dans son quotidien. Alors vous aussi, laissez-vous prendre en otage. Vous verrez, c’est contagieux.

LES PIMENTS DU QUOTIDIENPAR JUANITO BANANA

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moi, maintenant ? ». D’un sourire gêné, j’acquiesce discrètement, à l’abri de la vue de Philippe. En même temps elle n’a pas tort, non mais sérieux, Philippe, je t’aime bien, mais là. Faut pas être con. Sans prévenir, mon Philippe entre à son tour en scène. Buste bombé, poings serrés, chaud comme la braise, prêt à en découdre coûte que coûte, même pas peur de Sylvie, surtout du ridicule. Il nous retourne la situation en deux temps trois mouvements. Quitte à se lancer, autant le faire bien, et si mes souvenirs sont bons, ça donne quelque chose dans le : « Mais Sylvie, mais tu te moques de moi ? Ça fait une heure que tu me vois faire tout mon bazar, et c’est maintenant que le drame est fait que tu viens m’engueuler ? Alors ça c’est la meilleure, je te jure, elle est pas folle celle là tiens ? ».

Et le voilà ni une ni deux qui se courbe, remplit un grand seau d’eau, et continue sa purge, enfin son remplissage, enfin je n’en sais plus trop rien. Et j’en reste sur le cul. Je n’y crois même pas tellement c’est gros. Sylvie s’en va en criant. Philippe, téméraire, avance dans son activité en rouspétant que c’est pas croyable. Quoi ? Prendre parti ? Se taire bien comme il faut ? S’en aller discrètement sans se retourner ? Je reste planté là comme un con, à ne plus savoir où me mettre. Silence de mort sur le jardin, pourtant si joyeux il y a de ça quelques minutes. Patience. Philippe et Sylvie sont de ces gens planant loin au dessus du commun des mortels. Patience. Ça ne peut pas en rester là, ils vont nous offrir encore un peu de spectacle, c’est évident. Patience.

La voilà, Sylvie qui revient en tenue de jardinage. Les bottes, le chapeau, la tondeuse. Comme une sorte de longue tige au bout de laquelle un cercle semble découper les brins d’herbe et les envoyer dans une direction bien précise. Une arme de choix. Je me demande lequel des deux sera le plus idiot. Pour l’instant, Philippe a pris un paquet d’avance, mais voilà Sylvie qui se rapproche tout doucement de la bêtise. Comme si de rien n’était, elle déambule dans le jardin, tondeuse en main, découpe ce qui est sec, remplit sa besogne. Je crois presque la voir sourire sous son grand chapeau.

Elle s’attarde sur un bosquet, prend son temps, reste précise dans le geste, n’en manque pas un brin, fait monter tout doucement la tension. Je réalise que je suis figé sur sa venue depuis 5 minutes, comme suspendu à ses moindre faits et gestes. Prenant conscience de mon indiscrétion, je fais mine de m’étirer, mauvaise imitation, et je reprends ma pause, regard en coin, ça sent le roussi. Sylvie bifurque, plaçant Philippe dans sa ligne de mire. Alors éloignée de quelques mètres, les brins d’herbe s’échouent lamentablement aux pieds du pépère qui n’a pas prêté attention à l’assaut qui se prépare dans son dos. Et la voilà qui avance. Doucement, tout doucement, sans bruit, observant ses pieds, comme si de rien n’était. Qui avance, avance. Et les premiers brins d’herbe viennent effleurer Philippe. Celui-ci esquisse un mouvement d’agacement. Je vois son regard changer, il sait, il a compris. Mais il choisit de rester de marbre, et continue de s’occuper de ses affaires en attendant que son adversaire se lasse.

Une minute passe. Une très longue minute durant laquelle Sylvie est toute braquée sur Philippe, continuant sa lente avancée, progressivement, une minute interminable, une minute qui nit par devenir de trop. Ne tenant plus, Philippe se retourne, il abandonne la sagesse et se met à proférer des cochonneries de grossièretés, le tout accompagné d’une gestuelle complètement informe. En vain. La madone ne bronche pas d’un kopeck. Et c’est là que la scène vire au surréalisme. Sylvie continue son avancée, regard toujours baissé, le sourire maintenant clairement dessiné. Philippe hurle. Sylvie continue. Plus rien n’a de sens. Je n’y tiens plus, j’explose. Et je commence à rire, à rire à ne plus en pouvoir, ne plus rien contrôler. Le bruit du moteur couvre la scène, cela m’aide à essayer de pousser le rire aux éclats pour évacuer cette folie le plus rapidement possible et retrouver la possession de mon corps. Mais rien n’y fait. Je n’arrive pas à m’arrêter. Philippe est comme prisonnier. Derrière lui le bassin, devant lui la faucheuse, qui avance, avance. Personne ne maîtrise plus rien de ce qui se passe, pas même Sylvie qui semble prise au piège de son propre

pouvoir. Moteur toujours grondant, elle est maintenant à moins de cinquante centimètres de Philippe qui s’en prend littéralement de partout. Et je continue de me plier, j’en ai mal tellement je ne maîtrise plus la torsion dans laquelle je me trouve. Le temps s’est arrêté, la scène n’en finit plus, Philippe disparaît petit à petit derrière un nuage de brins verts. Même ses cris sont devenus inaudibles. C’est à se demander si Sylvie va réussir à s’arrêter dans son élan de folie, si la scène ne va pas virer au gros titre dans les journaux marseillais.

Quand soudain. Enfin ! Le ronronnement du moteur s’apaise. Le silence revient. C’est le soulagement général. Le nuage retombe petit à petit. Sylvie soulève légèrement son chapeau. Elle semble satisfaite, presque repue, comme à la fin d’un bon repas. C’est définitivement elle la patronne aujourd’hui. Philippe revient lui aussi à la vie. Se redessinent ses yeux, complètement abasourdis, son visage, son corps. Je prends conscience que je me suis petit à petit retrouvé à genoux, les mains serrées sur le ventre. Je lève les yeux vers Sylvie, puis je regarde Philippe. Alors, nos regards se croisent à tous les trois, successivement. Tout peut encore arriver. Mais contre toute attente, nous nous mettons tout simplement à rire, à rire ensemble, d’un rire chaud et léger. Tous nos muscles se détendent, tout se relâche, c’est comme si nous étions à bout de force, épuisés par ce qui vient de se produire sous nos yeux. Et nous rions de bon cœur. Dans le regard de Sylvie - « Alors, tu ne t’y attendais pas, hein ? ». Dans celui de Philippe - « On est d’accord, elle est complétement fada celle là. » Dans le mien « Vous êtes sacrement timbrés tous les deux, oui. ».

Nous nous relevons doucement, soufflant un bon coup. L’expiration qui annonce la fin de l’effort, de la tension qui nous tenait en vie. Celle-ci peut maintenant reprendre son cours normal. Il le faut bien. En cinq minutes, je monte préparer mon sac, descends donner une chaleureuse embrassade, et quitte les lieux comme si de rien n’était. Sur la route tout soleil, le songe, le sourire, les rêveries, est-ce que cela vient réellement de se passer ?

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CRITIQUES LIVRES

À passer sa vie dans une coque en fibre - surtout quand la pétole s’en vient - on peut trouver le temps long... voire très long. L’occasion rêvée pour rattraper toutes ces années perdues à glandouiller et se refaire une Culture G vite fait.Alors comme vous m’avez l’air un peu plus calés que nous, on attend vos références et conseils pour nous aider dans cette tâche ardue (surtout que Tommy nous a fait jeter tous les bouquins par dessus bord... « Mais c’est à cause du poids, il faut voyager léger ! », « Mais oui Tommy, on sait ! ».Pour cette édition zéro, c’est Marie qui s’y colle. Lectrice addict, elle a accepté de nous donner 2-3 titres qu’on a pu installer dans nos liseuses (et oui, l’ère du numérique mes amis). Les voici :

Course poursuite a travers les AlpesBon ok , c’est mon frère… mais quand même !Au lycée, sa prof lui disait en lui rendant sa copie : « c’est pas encore du Victor Hugo, mais faut s’accrocher, on va y arriver ». Et bien chère Madame, c’est chose faite, Gaspard gagne désormais des droits d’auteur avec Course poursuite à travers les Alpes, ce bouquin qui retrace le parcours des 3 pilotes français lors de la course mythique de parapente organisée par Redbull : la X-Alpes 2015. Un récit passionnant, où chacun explique en détails les dessous de la course. Comment Gas a fait pour avancer avec un genou en vrac, comment il a tiré son épingle du jeu, jusqu’à ce dénouement sublime. Le combat final pour la 3e place entre Gas, Aaron (Italie), Antoine (France) et Paul (Autriche), quand au tout dernier moment… ah mais non, je ne peux pas continuer, il le raconte mieux que moi !

7 À retrouver aux Édition Chemin des Crêtes

7 Pour suivre les prochaines courses c’est sur Facebook que ça se passe : Lesfrères Petiot

Par Marie Sans Toilette

Dalva,

De Jim Harrison Pas vraiment une nouveauté puisque ce livre est sorti en 1988. Mais 3 bonnes raisons pour ce choix : un c’est mon livre fétiche, deux Dalva est un magnifique portrait de femme libre et trois Jim Harrison est mort fin mars 2016. Un hommage à ce grand écrivain américain, amoureux de nature et de bonne chère et ami de Jack Nicholson. Un roman

foisonnant, empli des grands espaces américains (ce « grand cercle de la nature où toute chose est liée »), et hanté par la faute d’une civilisation née de l’assassinat d’une autre.

Par Marie Massoni

L’ile des chasseurs d’oiseaux,

de Peter May(Premier tome de la trilogie écossaise de cet auteur mais les autres sont très bien aussi « L’homme de Lewis », puis « Le braconnier du lac perdu»).

Plus récent mais pas une nouveauté non plus (2009). C’est un polar et ça se passe sur une ile au nord de l’Ecosse. L’intrigue est bien ficelée mais elle n’est finalement qu’un prétexte : les personnages ont vraiment de l’épaisseur mais

là encore c’est la nature qui est souveraine. Fait peu banal : Peter May, écossais de naissance, a choisi la nationalité française et a été naturalisé fin avril 2016.

Par Marie Massoni

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VOYAGE - ET VOUS, VOUS ÊTES OÙ ?

La famille Pecout-Perron s’exporte un peu partout ces temps-ci. Après la calédo, l’immersion de Rem & Cécé à Salvador de Bahia (Brésil) l’année dernière, c’est au tour de Mathieu et Audrey de visiter du pays. Et malgré les 14 heures de décalage horaire, ils ont trouvé le temps de partager avec nous leur expérience. Uau, isso é demais ! (Désolé, t’avais qu’à être bilingue).

UNE ANNÉE SABBATIQUE À DEUX, C'EST :> AVOIR LE TEMPS... de lire, rêver, échanger, parler de soi, de son enfance, se comprendre, faire des projets, s'écouter, traîner au soleil, penser, se sentir libre et léger, donner des nouvelles et être heureux d'en recevoir, penser à tout ceux qui comptent et qui manquent, avoir des coups de blues (mais ça, c'est finalement pas très différent du quotidien !)

> C'EST AUSSI VOYAGER... aller à la rencontre de la différence, s'étonner des leçons de vie que l'on prend, s'essayer à une autre langue, découvrir de nouvelles saveurs, faire tomber les barrières sociales et les préjugés, rencontrer d'autres voyageurs, être secoué par la misère, profiter de la spontanéité de l'enfance et simplement jouer pour se comprendre, se sentir riche de toutes ces rencontres, se libérer du matériel, se recréer un quotidien.

> MAIS AUSSI S'INTERROGER... sur son travail, son rythme au quotidien, ses relations, sa vie et ce que l'on a envie d'en faire.Enfin, c'est surtout souhaiter aux autres de le vivre et avoir envie de recommencer dès que possible !

Par Mat et Audrey

PETIT BONUSParce qu'on est un peu chauvins, que certaines choses sont irremplaçables et que le pain de mie a ses limites, voici une recette simple et efficace (échangée avec d'autres voyageurs) pour faire son pain en itinérance.

• Prenez 500 gr de farine, 1 grosse cuillère à soupe de sel, 1 cuillère à café de sucre, 1 cuillère à soupe de levure boulangère (préalablement diluée dans un peu d'eau), 1 petit verre d'eau et mélangez jusqu'à ce que la pâte devienne très souple (mais pas collante).

• Faites une belle miche et laissez reposer 2h (1h30 s'il fait chaud).

• Malaxer à nouveau en repliant la pâte sur elle-même plusieurs fois pour chasser l'air.

• Faites à nouveau une belle miche, striez-là puis laissez à nouveau reposer 30 min.

• Faites cuire au four à 230° pendant 15 min puis à 190° pendant 45 min. L'idéal est de mettre un récipient avec de l'eau dans le four pour que ça croûte.

Les premiers essais sont souvent foireux, mais ne lâchez rien, ça va venir !

PETITES REFLEXIONSDE VOYAGEURS AMOUREUX...

LIVE TRACKING

• Sept, oct, nov - Brazil• Dec, janv, fev - Colombia• Mars, avril, mai - Mexico• Juin, juillet - Québec• Retour en France le 15 juillet.

© D

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Page 34: Argal mag - édition zéro

GUITARISTE FORCENÉAvec 10 guitares à la maison, voilà quelques années que Rem a troqué la calculette contre le métronome. De retour au bercail, on en profite pour faire le point sur son parcours. One, two, three, ohhhh....come on baby !

VAGABOND DU SONSeul sur scène, chemise ouverte, perché sur son tabouret... Rézé a pris du gallon récement, nous qui ne l’avions pas vu depuis deux ans. Et quelle prestation pour ce concert donné lors de la 3e édition « Dans mon salon » ! Serein, le frangin nous livre intimement son répertoire, témoin de son parcours métissé. Et c’est vrai qu’il en a fait du chemin.Après ses débuts prometteurs aux soirées champs de Biviers à brailler les classiques de nos années lycée, le voilà rapidement sur le tarmac à la recherche des mélodies d’ailleurs. L’Afrique, Cuba, et plus récemment le Brésil…des airs, des atmosphères qu’il ramène dans ses valises et qu’il nous livre tels quels, en concentré. Alors, le spectateur voyage, bredouille du portugais, clappe des mains, reprend le refrain en enlevant son pull parce qu’il commence à faire chaud non ?Chaud au cœur en tout cas de voir cette envolée. En parallèle d’une formation jazz à l’ENM de Villeurbanne, il fait cette année le pari de l’intermittence du spectacle, soit un peu plus de 40 dates à donner en 10 mois et demi – une par semaine environ – de quoi présager une belle actu pour 2016 que ce soit en solo ou en groupe avec la formation Ashé.

SON ACTUSa chaîne Youtube Rézé musique avec notamment :• La video de VichnU Production1 pour la 3e

édition « Dans mon salon »• Son groupe Ashé• Des concerts toute l’année à suivre sur son

facebook « Rézé »

• Et une tournée à venir sur Argal tribu ?

Par Marie Sans Toilette

© Emdé

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ZIC

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concours

Bouffer des embruns, de la houle, se faire surprendre par la fameuse pétole… Pour peu que le GPS foire, qu’on se perde dans le brouillard (on sait jamais !), qu’on en jette un par dessus bord (plus probable) et qu’on le rattrape (faut pas exagérer)… et surtout le temps de trouver une connexion internet… c’est pas demain qu’on vous donnera des news fraiches.

Alors pendant qu’on affronte tout ça, on vous propose de faire UN JEU ! Envoyez-nous une photo de dédicace à Argal Tribu : c’est-à-dire n’importe quoi qui vous passe par la tête ayant un lien direct ou indirect à la voile, la mer ou les îles, et surtout qui vous fasse rire un bon moment.

On fera une publication Facebook de toutes les photos reçues et celui qui nous aura fait le cliché du siècle se verra envoyer un petit colis rempli de souvenirs du Vanuatu, notre première escale + un exemplaire imprimé du magazine ! OUAHOU, INCROYABLE, TOP DÉLIRE, ÇA VAUT LE COUP NON ?

On était sur que vous seriez motivés, alors envoies ta photo à [email protected] en précisant bien ton adresse postale, on sait jamais, sur un malentendu... :) Allez, bonne chance !

Argal Tribu d

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Page 36: Argal mag - édition zéro

Il était temps de partir ....