Architecture, histoire et civilisation

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Architecture, histoire et civilisation hta 3 2012 INTRODUCTION

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Architecture, histoire et civilisation hta 3 2012

INTRODUCTION

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Il s’agit de saisir les approches pour la conception de l'espace architectural selon la vision de ceux qui ont laissé des témoignages de l'architecture, à travers l'histoire de l'humanité. Ceci, selon deux conceptions : la conception traditionnelle et celle moderne.

Une fois l'architecture comprise, il faudrait remonter l'histoire pour explorer ses origines et déceler ses traces. Là aussi, nous allons constater que l'approche traditionnelle, pour comprendre l'histoire, est différente de celle moderne.

Pour l'approche moderne, la période proprement historique remonte au 6e siècle avant l'ère chrétienne. Bien au-delà de cette "barrière historique", pour l'aube de l'humanité, IBN KHALDOUN propose le nomadisme et la sédentarité. Pour lui, la sédentarité qui est à l'origine de l'urbanisation.

Les monuments et sites architecturaux et urbanistiques ne sont pas toujours à la gloire de l'humanité, ils sont souvent l'œuvre de rois et systèmes "divinisés" aux tyrannies sacrées, opposées en général aux prophètes et aux penseurs de l'époque.

C’est une réalité historique constatée dans la plupart des périodes de la préhistoire à la Renaissance. Dans de nombreuses civilisations, tout monument religieux est en même temps un édifice utilitaire où se confondent le relatif et l'absolu.

L'architecture est un des reflets de la civilisation, ce qui nous amène à déterminer la notion de civilisation.

I - COMPRENDRE L'ARCHITECTURE

Il est évident d'affirmer qu'il n'existe pas une seule définition de l'architecture. Toutefois, l'approche traditionnelle en présente une collective et communautaire. Alors que l'approche moderne en présente une multitude proposée par des architectes.

1 – Quelques définitions de l'architecture

Il n'existe pas de vision objective des choses en art où chaque artiste saisit la forme et la couleur suivant son tempérament. Pour l'architecture, cette constatation illustre bien le côté subjectif de l’œuvre. L'architecte, de par son activité, touche différents champs.

La conception "moderne" permet une multitude de définitions mais spécifiques à chaque architecte.

Bruno TAUT, lors de l'exposition pour architectes inconnus à Berlin 1919 affirme : "Architecture signifie pour nous : invention de formes agréables pour des constructions utiles..."

Pour Le Corbusier : "L'architecture, c'est, avec des matériaux bruts, établir des rapports émouvants ... La passion fait des choses inertes un drame".

Ricardo PORRO : "L'architecture est la création d'un cadre poétique à l'action de l'homme".

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GROPIUS écrit en 1919 : "Qu'est ce que l'architecture ? C'est l'expression cristalline des pensées les plus nobles de l'homme, de ses aspirations intimes, de son humanité, de sa foi, de sa religion ..."

Hölderlin affirme que "la poésie c'est transmuter le monde en paroles". En architecture, il s'agit de transmuter le monde où l'on vit en espace architectural.

Pour ce qui est du monde musulman, l'architecture musulmane – Al Bouniane – est la conception d'un cadre respectant rigoureusement les directives doctrinales pour l'action de l'homme et de sa communauté. Seulement, il est nécessaire d’aborder la notion d’Al Omrane qui détermine le cadre global de la conception d’Al Bouniane qui est l’une de ses principales composantes.

Al Bouniane peut être définie comme étant : "l’action de produire un espace susceptible de faciliter et de permettre la pratique sociale selon des orientations morales et cultuelles. Il s’agit d’une jurisprudence dont le sens est conforme aux aspirations des hommes et à leurs besoins spatiaux dans le cadre d’une vision doctrinale".

2 - L'espace en architecture, la forme et le contenu

L'interprète fondamental de l'architecture c'est l'espace. L'espace change lorsque les éléments qui le composent changent. La forme en architecture c'est l'espace.

La forme et le contenu sont indissociables. La forme, c'est la partie de l'œuvre d'art sensible et le contenu, c'est ce que la conception exprime par la forme. C'est dans la forme qu'on réalise le contenu. Ils forment une totalité.

3 - Cinq aspects du contenu

a. Le contenu immédiat

Le contenu immédiat existe dans un bâtiment où son programme, sa fonctionnalité s'expriment dans la forme ; il est "immédiat" parce qu'il est le plus proche des contenus, le plus facile à capter.

b. La tradition

Certaines déviations du langage traduisent une sorte de dégénérescence des idées correspondantes. Le nom "tradition" ne correspond pas à ce qui est d'ordre purement humain. Pour revivifier véritablement la Tradition il faut le contact de l'esprit traditionnel "vivant" qui reste toujours dynamique.

La tradition est l'âme des civilisations. C'est le leitmotiv par excellence qui permet la connaissance universelle comme celle des principes eux-mêmes.

Lorsqu'on parle en architecture de tradition, on ne parle pas de folklore : il s’agit de l'un des plus importants ses contenus. La tradition s'en va quand la culture locale s'affaiblit et cesse de s'y référer.

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Elle ne reste pas forcément statique : elle assure, comme elle l'a toujours fait, la sauvegarde d'éléments qui devraient devenir les germes du monde futur. C'est l'authenticité dynamique qui se profile à l'horizon de notre proche avenir.

c. La persuasion

La "persuasion" existe quand l'architecture essaie de convaincre le spectateur-témoin d'une action quelconque.

Une autre forme de persuasion existe quand l'architecture tente, en employant tous les moyens expressifs, de convaincre le témoin d'une idée quelconque.

d. L'image superposée

L'architecture peut jouer avec des figurations abstraites ou concrètes. Il y a deux formes d'images superposées possibles en architecture : le symbole et l'image figurative.

Le symbole

Le symbole en art c'est l'effort de l'artiste pour trouver une représentation de quelque chose qui est abstrait. Par exemple, le chiffre 4 rattaché au carré et au cube, suggère l'idée de l'universalité.

Pour qu'il soit vrai, le symbole doit être d'une logique absolue. Un symbole peut signifier plusieurs choses à la fois et permettre plusieurs niveaux de lecture : par leur structure même, les symboles sont polyvalents. C'est l'éventail de ses significations qui forme le message du symbole.

Ayant une grande importance dans toutes les civilisations antiques, le point-centre est à la base de tout l'art musulman et Al Bouniane.

L'image figurative

La figuration rappelle directement dans sa forme quelque chose de concret. L'image figurative a pour but final de renforcer le contenu médiat.

e. Le contenu médiat

Le contenu médiat serait, dans l'œuvre architecturale, l'expression du moment historique où elle se réalise. Aucun des trois aspects du contenu dans l'architecture n'est une condition pour son existence, les seuls qui en seraient une condition sine qua non sont la tradition et le contenu médiat.

Une œuvre d'architecture cherche à devenir une image puissante d'un vécu collectif, une expression sensible de cette idée. Elle devient ainsi une véritable œuvre d'art témoin de la "situation limite" de ceux qui l'ont conçue : la contemporanéité.

Le dynamisme, l'expression de la technologie et le vitalisme, en tant que thèmes de ce contenu, marquent une continuité.

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Depuis la révolution industrielle une ligne générale apparaît : la disparition de toute finalité principielle et le développement de quantité de moyens.

Le dynamisme

C'est le triomphe de la sédentarité où le temps, transformé en matière, se quantifie et se met au service de l'industrie. C'est une conception accentuée et exclusive de la sédentarité.

Deux aspects du dynamisme s'expriment depuis le 19e siècle en Occident : le cadre exact pour le mouvement du témoin/spectateur et l'expression du mouvement mais libéré du spectateur. Ce cadre où est utilisé le temps est l'adaptation de l'homme aux machines et son adhésion à l'industrie.

L'expression de la technologie

Etant l'expression de la machine ou de la technologie, ce thème est en évolution lui aussi, il peut être mêlé au dynamisme ou au 3ème thème ci-dessous.

Le vitalisme

Ce thème représente la tendance de l'homme à s'affirmer en tant qu'être vivant.

Des mouvements artistiques se développent en réaction contre la machine, accompagnés de courants "scientifiques" qui s'intéresse à la vie et des efforts déployés en psychologie: peut-on matérialiser l'immatériel (âme) par la psychanalyse?

Les lignes expressives du contenu médiat s'entremêlent souvent et qu'il est parfois difficile de préciser les limites de chacune d'entre elles.

(A suivre)

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De la Renaissance à l'ère industrielle

INTRODUCTION

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Dès 1750, la révolution industrielle est présente en Angleterre et dans les esprits en France où la pensée rationaliste

du siècle des lumières prépare le terrain à l'avènement de la machine.

On a coutume d'appeler la scission entre le Moyen-âge et l'époque moderne Renaissance et Réforme. La Renaissance et la Réforme sont surtout des résultantes des fractures antécédentes de l'histoire de l'Occident (époques de Constantin et rôle de l'Eglise au Moyen-âge).

Le monde occidental est l'héritier des civilisations précédentes. Précurseur de la situation du monde actuel, il va doter l'humanité de ses facteurs de civilisation modernes et le reflet qui en découle dans l'espace architectural et urbain.

Certaines raisons enracinées en Occident ont conduit l'homme d’aujourd'hui à percevoir la science comme étant opposée à la religion. J. Hexclay dans son livre "L'homme dans le monde contemporain" en exprime cette concurrence et inimitié.

Ce genre de civilisation a séparé deux tendances naturelles enracinées, complémentaires et se prêtant mutuellement secours l'une à l'autre : la tendance de la dévotion et celle de la connaissance. L'homme se trouve déchiré entre ces deux tendances naturelles et innées et les besoins qui leur incombent, le privant ainsi de l'une s'il aspire à l'autre.

I - LA RENAISSANCE

1 - La rupture avec la tradition du Moyen-Age

Le véritable point de départ du modernisme c'est le commencement de la désagrégation de la "chrétienté" et de la féodalité. C'est le début de la constitution des nationalités et du colonialisme.

La Renaissance est une résultante rendue possible par la décadence préalable qui consomma la rupture définitive avec l'esprit traditionnel dans le domaine des sciences et des arts et aussi dans celui religieux.

Les caractéristiques de la philosophie et de la nouvelle science sont :

la négation de la révélation ; le divorce de la science et de la foi ;

l'étude empirique et analytique de faits ;

la dispersion dans une multitude indéfinie de détails ;

l'accumulation d'hypothèses sans fondement ;

les vues fragmentaires conduisant à des applications pratiques.

2 - Rectification de l'histoire

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Les aspects de la contribution des autres civilisations au développement des sciences et de la culture en général montrent la nécessité de changer une perspective historique profondément déformée et qui a fait du Moyen-Age une parenthèse entre la culture gréco-romaine et celle de la Renaissance.

L'influence de la civilisation musulmane s'exerça sur l'Occident par les traductions en latin des œuvres musulmanes, organisées à Tolède et en Sicile, pour les faire parvenir aux universités d'Occident.

3 - La vulgarisation de la connaissance

L'enseignement de la foi et de l'unité de la nature n’est plus le fondement du savoir. Les universités européennes sont toutes créées avec deux ou trois siècles de décalage.

L'inspiration fondamentale de la science traditionnelle est une conception du savoir qui n'est nullement l'archéologie de la science dite "moderne".

4 - L'humanisme

L'HUMANISME de la Renaissance réduisait toute connaissance à des proportions purement humaines, et faisait abstraction de tout principe d'ordre supérieur. L'humanisme est une première forme de ce qui va devenir le laïcisme contemporain.

L'œuvre de Descartes dépouille la nature de sa vie propre. Les animaux ne sont pour DESCARTES que des machines. Pour son héritier LA METTRIE, l'homme à son tour n'est qu'une machine. DARWIN, dans sa "Descendance de l'homme", intégrera l'homme au système de la nature, produit, comme toutes les autres espèces animales, de la sélection naturelle.

Dans la perspective de la "modernité" occidentale, les moyens sont devenus une fin. Une "science", c'est-à-dire une organisation des moyens, séparée d'une méditation sur les fins, devient elle même une finalité.

II - L'ARCHITECTURE DE LA RENAISSANCE

L'opposition qui existe aujourd'hui entre les métiers anciens et l'industrie moderne est une application des deux points de vue qualitatif et quantitatif respectivement prédominants dans les uns et dans l'autre.

1 - La mutation des métiers

Les métiers comprenaient au Moyen-âge en Occident les arts et étaient de nature véritablement qualitative. Les modernes, dans la conception qu'ils se font de l'art, le qualifient, ainsi dépouillé de toute portée pratique, d'activité de luxe.

Dans toute civilisation traditionnelle les sciences, les arts et les métiers revêtent un caractère proprement rituel. Depuis la Renaissance, l'architecture fut coupée des problèmes importants de son temps.

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Lors de la situation préindustrielle l'architecte réunissait à lui seul toutes les compétences, mais devra tenir compte désormais de la division des tâches et des spécialisations techniques établies dans le monde moderne.

2 - Rôle de l'architecte

C'est la naissance de la profession libérale, l'architecte de la Renaissance fait partie de l'élite intellectuelle. L'aspect le plus important du changement du rôle de l'architecte est l'apparition de cette division de travail matériel et intellectuel qui est un des signes des temps modernes.

L'architecte de la Renaissance était chargé de concrétiser le pouvoir dans la ville par la conception d'un modèle spatial nouveau. C'est l'idéologue du pouvoir. Il est avant tout un théoricien.

3 - Les architectes théoriciens et l'espace architectural

Pour les hommes de la première Renaissance, l'espace existe comme une réalité objective en dehors de l'activité humaine.

La construction de l'espace géométrique à l'aide d'architecture s'est faite en trois phases :

d'abord, par la conception de bâtiments aux géométries abstraites ; puis, par la mise en relation des bâtiments entre eux suivant des règles

géométriques ;

enfin, par la prise en charge de l'espace urbain.

Dans ce contexte d'enthousiasme à propos des nouvelles découvertes scientifiques, on refuse tout ce qui est irrationnel, "ce qui pourrait être laissé à l'arbitraire". Les architectes conçoivent des villes entières, expressions pures de leur espace de représentation.

4 - L'architecture du 17e et 18e siècle

Dans les différentes nations en formation, le rôle de l'architecte dépendait des différents pouvoirs religieux, féodal ou princier/royal et de leurs relations. Les modèles traditionnels sont en train de se transformer en modèles nationaux. L'architecture du 17e et 18e siècle en Europe, c'est l'architecture baroque.

L'architecture baroque, est un phénomène pluriel dont les limites sont, d'un côté la Renaissance, de l'autre le néo-classicisme qui commence à se manifester dans la seconde moitié du 18e siècle.

5 - Le baroque en Italie

En Italie, l'espace baroque ne peut se comprendre que dans la référence permanente de la codification des théoriciens de la Renaissance du vocabulaire architectural.

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Etant né en Italie, l'espace baroque a son origine dans les œuvres des maîtres de la Renaissance.

Il y a eu transformation de la commande strictement religieuse à une commande politique ou politico-religieuse. Les architectes prennent l'espace urbain lui-même comme matière première de travail.

Les architectes baroques ont supprimé petit à petit tous les éléments du code architectural existant.

Utilisées pour elles-mêmes, les formes sont devenues isolées et utilisables à merci suivant la fantaisie formelle de l'architecte. C'est le début du formalisme en architecture, la notion d'esthétique date de cette époque. Les architectes baroques ont détruit la structure spatiale en général.

Dans la période Rococo, l'espace n'est plus qu'un fond amorphe sur lequel on expose un fouillis d'objets. L'accent étant mis sur la forme d'objets sculpturaux ou picturaux. Le néo-classicisme n'est pas loin.

6 - De la Renaissance à 1750 en France

La cohérence spatiale et géométrique de la Renaissance italienne n'a franchi les Alpes que deux siècles après.

L'espace n'a vraiment changé que sous l'impulsion du pouvoir politique.

La nouvelle puissance du roi se traduit au niveau de la ville par l'apparition d'un nouveau type :

la Place Royale, au niveau du pays par le développement de villes nouvelles ;

et par l'architecture coloniale, au niveau des continents.

CONCLUSION

Depuis ce qu'on appelle la Renaissance, l'histoire humaine ne se fait plus qu'avec une partie d'elle-même, l'Occident, en négligeant et en uniformisant toute composante non occidentale.

Trois conceptions se dégagent :

une conception de la nature, considérée comme notre "propriété" dont nous aurions le droit "d'user et d'abuser" ;

une conception des rapports humains, fondée sur l’individualisme ;

une conception de l'avenir, qui ne serait que le prolongement et la croissance quantitative du présent.

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L'architecture qui est un phénomène fait à la fois de coordination et de synthèse, se trouve dissociée en ses éléments en conséquence des bouleversements intervenus dans la deuxième moitié du 18e siècle.

Dés 1750 on peut voir se constituer chez certains architectes, d'abord l'idée, puis certaines opérations et enfin

certaines caractéristiques de l'espace architectural moderne. Publié par Larbi BOUAYAD à l'adresse 10:08 0 commentaires Libellés : HTA 3 HTA 3 - 2012

lundi 13 décembre 2010

L'architecture du début de l'ére industrielle

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INTRODUCTION

Les transformations survenues au cours de l'avènement industriel vont contribuer à changer les attitudes mentales. La sensibilité néo-classique et les méthodes de calcul découlent toutes de la mentalité analytique de cette époque.

L'architecture de l'ère industrielle et l'influence des mutations survenues dans les modes de construction vont contribuer à la naissance de l'espace architectural "moderne", en tant que "manifestation de la quantité" dans le domaine de la construction.

I - L'ERE INDUSTRIELLE

Les premiers bâtiments qui se servent réellement du potentiel de l'industrie ne sont construits qu'après 1850 à l'époque des ingénieurs

1 - Avènement industriel et contexte général

Cet avènement provoque des mutations caractérisées par :

- une augmentation de la population

- une augmentation de la production industrielle

- la mécanisation des systèmes de production

L'augmentation de population n'est pas due à un accroissement du taux de natalité ni à un excédent des immigrations par rapport aux émigrations, elle est due à une réduction décisive du taux de mortalité. Les causes de cette réduction sont surtout d'ordre hygiénique caractérisées par :

- une amélioration de l'alimentation et de l'hygiène

- le progrès de la médecine

- l'organisation des hôpitaux

L'augmentation de la population s'accompagne d'un développement inhabituel de la production. Cette augmentation de la production est à la fois quantitative et diversifiée.

Ces transformations sont surtout sensibles en Angleterre vers le milieu du 18e siècle et en France vers 1800 alors qu'elle y était le point de mire sur le plan culturel et politique entre 1750 et 1800.

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Les textes de cette époque sont marqués par une certaine forme de négativité, de refus, de critique. On revendique une liberté abstraite de tout contexte social réel, on combat pour la Raison en oubliant l'Histoire".

2 - Conception architecturale

En 1750 apparut le premier bâtiment en reprise de style gothique (le classicisme) et Baumgarten introduit en Allemagne le mot esthétique correspondant à un concept nouveau.

Le contexte architectural de cette époque se caractérise surtout par la négative. Le doute s'introduit dans l'esprit des architectes.

La présence "immédiate de l'architecture classique donne un coup mortel au "mythe classique" dans la mesure où elle pose une alternative :

- soit copier les modèles de l'architecture classique

- soit chercher ailleurs une architecture "moderne"

a - Le néo-classicisme

Les règles classiques sont devenues des méthodes conventionnelles pour les artistes de l'époque. Il s'est effectué un réel renversement culturel.

Le classicisme, au moment où il est précisé expérimentalement, devient une convention arbitraire et se transforme en néo-classicisme. Le même traitement va être appliqué à tous les types de forme du passé.

b - L'historicisme

Il se présente comme une ouverture vers l'avenir. Il va permettre les nouvelles expériences qui conduiront au mouvement moderne. Une conséquence immédiate de ce mouvement est la division de la tâche de l'architecte en différentes compétences.

Les styles sont devenus innombrables. Les exécutants devront se limiter au travail mécanique de réaliser des dessins déterminés sans participation personnelle au travail. Le moyen d'exécution adapté à une telle situation est justement la machine qui porte aux solutions les moins coûteuses. L'architecte se réserve le côté artistique, et laisse à l'ingénieur la partie constructive et technique.

Il y'a eu un flottement de toutes les valeurs de la société "pensante". L'esthétique est née de cette relativisation culturelle, condamnée à n'être qu'un système d'analyse, impuissant à produire.

c - L'éclectisme et l'académisme

Ce flottement de valeurs s'est maintenu en architecture jusqu'en 1850 et il dure encore aujourd'hui. Il a été caractérisé par une accélération de la fréquence des emprunts historiques qui se succèdent jusqu'à se chevaucher dans l'architecture éclectique.

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L'éclectisme, c'est le mélange dans un même bâtiment de plusieurs "styles" afin de retrouver par la recherche archéologique, les fondements d'une vérité universelle, d'une architecture universelle.

II - MUTATIONS DES TECHNIQUES DE CONSTRUCTION

Le mot "construction", à la fin du 17e siècle, englobait toutes les réalisations de grandes dimensions dans lesquelles l'aspect mécanique n'est pas prépondérant.

Ce mot sans adjectif, désigne les activités encore liées aux systèmes "traditionnels" et associées habituellement aux concepts d'"architecture". Dès que l'une de ces activités se développe pour son compte de manière considérable, elle se détache des autres et devient une spécialité indépendante.

1 - Les systèmes de construction

Au 18e siècle, le soucis principal est de construire de nouvelles voies de communication efficaces : des routes et des canaux.

En France, la monarchie accorde une grande attention à la viabilité (règlement de Colbert), beaucoup plus pour des raisons visuelles que pour répondre à des exigences de trafic. De très fréquentes réparations étaient à la charge de la population des territoires traversés. Il s'agissait de 30 à 50 journées de travail par an.

En Angleterre, le réseau routier s'améliore à partir de 1745 par les "Turnpike acts". A la fin du siècle, les ingénieurs établissent le Macadam qui réduisit le coût des routes. Ce procédé est encore utilisé de nos jours.

Entre temps, la géométrie descriptive permet de donner une formalisation aux projets définis sur place au moment de l'exécution. On commence à représenter le terrain par des courbes de niveau et en 1791 est proposée une méthode pour calculer le mouvement de terre.

La construction des routes et des canaux s'intensifie durant les premières années du 19e siècle pour des raisons commerciales et stratégiques.

2 - Transformation des systèmes de construction

Entre la fin du 18e et le début du 19e siècle, les nouvelles constructions routières requièrent de nouveaux ponts utilisant l'emploi de nouveaux matériaux : le fer et la fonte.

Les arts ou les métiers qui impliquent une activité s'exerçant sur le règne minéral appartiennent aux peuples sédentaires. Ces arts tendent directement à la "solidification" qui atteint son degré le plus accentué dans le minéral lui-même.

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Une ville apparaît comme une agglomération artificielle de minéraux. Aujourd'hui, ce phénomène de "condensation" poussé à l'extrême, aboutit à celui de la "cristallisation" des villes dans leur forme et leur contenu. La vie dans la ville correspond à un sédentarisme encore plus complet que la vie agricole, de même que le minéral est plus fixe et plus "solide" que le végétal.

A notre époque, le métal tend de plus en plus à se substituer à la pierre dans la construction, comme la pierre s'était autrefois substituée au bois. C'est une phase plus "avancée" dans la marche du monde "industrialisé" et "mécanisé".

a - le bois

Au 16e siècle, la théorie des poutres triangulées n'a que de rares applications. Ce concept est alors repris par les constructeurs suisses tels le pont sur le Rhin à Schaffhouse et le pont sur la Limmat à Wattingen (1777-78).

En 1804, aux Etats-Unis, près de Philadelphie, on jette un pont sur le Schuylkill. La même année est construit le pont de Trenton sur le Daleware. En 1809 est édifié un pont sur le Regnitz à Bamberg.

Ce sont des ponts de grande portée dont certains ont pu franchir les 100 m.

b - la pierre

La construction en pierre de taille, concentrée en France, sert d'exemple à l'Europe. C'est l'oeuvre des ingénieurs formés à l'Ecole des Ponts et Chaussées.

On construit en 1768 le pont de Neuilly, le pont de la Concorde étant terminé peu avant la Révolution, et plusieurs autres ponts sont jetés dans différentes villes de France. Des innovations sont introduites.

Cette "légèreté" des ponts est obtenue par une maîtrise des assemblages en pierre de taille, des coffrages et des fondations. A cette époque, "l'art de tailler les pierres selon une forme donnée" (stéréotomie) se fonde sur les principes de la géométrie descriptive.

c - le fer

L'industrie en permet des applications plus larges en introduisant de nouveaux concepts dans les techniques de construction.

Le fer n'est d'abord utilisé que pour des prestations complémentaires, c'est vers la fin du 18e siècle, qu'il est utilisé pour certaines couvertures légères comme celle du théâtre français de Bordeaux (1786). Mais le développement limité de l'industrie sidérurgique fixe une limite insurmontable à la diffusion de ces systèmes.

En Angleterre, la production de fer augmente, à la fin du 18e siècle, à la mesure des nouvelles demandes. Dès la première moitié du 18e siècle, le charbon de bois est remplacé par du coke. On réussit en 1740 à obtenir un matériau bien meilleur que ceux connus jusqu'alors.

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Ce n'est qu'après le milieu du siècle que ces procédés sont diffusés dans le domaine public. Le perfectionnement de la machine à vapeur fut obtenu en appliquant au cylindre de la nouvelle machine un procédé connu pour le forage des canons.

Le premier pont de fer est construit de 1777 à 1779 sur la Severn près de Coalbrookdale. En 1786, les éléments d'un pont destiné à l'Amérique sont rachetés en Angleterre et jetés en tant que pont sur le fleuve Wear au Sunderland, d'une portée de 236 pieds.

Pendant la même année, un autre pont (2ème) est construit sur la Severn, long de 130 pieds et d'un poids de 173 tonnes au lieu de 378 tonnes de celui de Coalbrookdale.

En 1801, on propose de remplacer le pont de Londres par une seule arche en fonte, d'une longueur de 600 pieds. L'entreprise est abandonnée pour des raisons de spéculation foncière.

L'utilisation de la fonte dans la construction s'élargit, des colonnes et des poutres en fonte forment l'ossature de plusieurs édifices industriels et permettent de couvrir de larges espaces avec des structures relativement légères et ininflammables (ex. de la filature de coton construite à Manchester en 1801).

La structure du pavillon royal de Brighton (1818) est en fonte. Les décorations en fonte de cette première période -fin du 18e/début 19e siècle- sont souvent exécutées de façon convenable supérieure aux exécutions commercialisées de la période suivante. Sur le continent, cette industrie était encore à ses débuts (Pont de Laasan de 19 m en 1796, certains ponts de jardins français).

Le régime napoléonien encourage l'industrie sidérurgique française, et il devient possible de construire d'importants ouvrages en fer comme le pont des Arts exécuté entre 1801 et 1803, et la coupole édifiée en 1811 de la salle circulaire de la Halle au Blé à Paris. Après la Restauration, l'emploi du fer s'étend en France à de nombreuses réalisations.

A la fin du 18e siècle, l'idée prend consistance des ponts suspendus à des chaînes de fer, mieux adaptées aux grandes portées que les ponts en fonte et offrant une moindre inertie aux sollicitations dynamiques. Le premier exemple connu est une passerelle pour piétons sur le fleuve Tees, longue de 70 pieds (1741). Au cours de la dernière décennie du 18e siècle, les Etats-Unis en fournissent plusieurs exemples.

En 1813, un officier de la marine anglaise construit un pont sur la Tweed, long de 110 m et considéré comme le prototype des ponts suspendus européens. Entre 1818 et 1826, un pont long de 176 m est élevé sur le Menai et un autre d'une moindre portée sur le Conway.

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En France, le pont des Invalides est construit en 1823 au prix de grandes difficultés. En 1825, une entreprise qui exécutera en France plus de 80 ponts suspendus, construit son premier pont à Tournon sur le Rhône. En 1834, se termine le pont sur la Sarine à Fribourg en Allemagne, détenant le record du plus long pont suspendu d'Europe avec une portée de 273 m. En 1836, est construit le pont sur l'Avon à Bristol, long de 214 m et considéré comme l'un des chefs-d'oeuvre de l'ingénierie du 19e siècle.

d - le verre

L'industrie du verre est également sujette à des transformations technique au cours de la deuxième moitié du 18e siècle.

De grandes verrières en fer et verre sont utilisées dans de nombreux édifices publics comme dans l'église de la Madeleine. En 1829, on couvre de verre la Galerie d'Orléans du Palais Royal, qui sera le prototype des passages publics du 19e siècle. Le verre est utilisé dans la construction de certaines grandes serres au jardin des Plantes à Paris en 1833, à Chatsworth en 1837, aux Kew Gardens en 1844.

Les premières gares ferroviaires et les nouveaux magasins habituent les architectes à projeter des parois entièrement vitrées. Le Palais Cristal construit en 1851, résume toutes ces expériences.

3 - Technique de la construction courante

Les hygiénistes et les réformateurs sociaux de la première moitié du 19e siècle constatent que la qualité des habitations a empiré, tant sont grandes la hâte et la pression de la spéculation.

L'esprit illuministe du 18e s'intéresse avec curiosité à toutes les applications techniques. L'utilisation des matériaux conventionnels de cette époque se modifie.

Au cours de cette période, on assiste au remplacement du papier huilé par le verre pour les fenêtres, ainsi que celui de la paille par l'ardoise ou la terre cuite pour les couvertures. On utilise le fer et la fonte partout où cela est possible.

Un traité en 1802 compare le fer doux au bois et affirme que le premier peut remplacer le second. En 1789, on expérimente ce système, mais la crise qui suit la révolution française interrompt ces expériences. Les métaux sont introuvables et en 1793, un mémoire de la Convention recommande l'interdiction de l'emploi du fer.

Les expériences reprennent en 1800, mais la solution est trouvée en 1836 par la production industrielle des poutrelles en fer à double T, qui remplacent peu à peu les vieilles structures en bois.

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On construit quand même des taudis inhabitables décrits par des enquêtes anglaises et françaises entre 1830 et 1850. On se plaint très fréquemment de l'habitat insalubre malgré les progrès de l'hygiène qui a profité même après la révolution à une infime partie de la population. Ce qui fait la force des enquêtes réside dans leur conviction que les misères constatées ne sont pas un destin inévitable, mais qu'elles peuvent être éliminées par les moyens disponibles.

III - L'ARCHITECTURE DE L'AVENEMENT INDUSTRIEL

De cette époque, vont se constituer les fondements d'un nouvel espace architectural où l'espace, comme matière de travail, est absent. Ces fondements vont se constituer par des architectes qui n'auront pas beaucoup construit.

De là, date le fonctionnalisme (Laugier) où la forme, originale, est un résultat, l'expressionnisme (Ledoux) où la forme parle et où le volume sont des signes autonomes, et la trame (Durand) qui va engendrer le plateau Beaubourg.

Nous allons voir trois exemples d'architectes illustrant l'époque productive de 1745-56, ainsi que les oeuvres des théoriciens utopistes et rationalistes. Concepts effectués sous le signe du rationalisme digne du "Siècle de Lumière", le premier produit du rationalisme fut le mécanisme cartésien. Le matérialisme ne devait venir que plus tard, puisque ce mot et sa chose ne datent proprement que du 18e siècle.

1 - Le postulat du rationalisme

Lié à la conception même d'une science quantitative, le rationalisme remonte à Descartes. Il se trouve ainsi dès son origine associé directement à l'idée d'une physique "mécaniste".

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Le rationalisme se définit essentiellement par la croyance à la suprématie de la raison, proclamée comme un véritable "dogme", et impliquant la négation de tout ce qui est d'ordre supra-individuel, notamment la révélation pure.

Rationalisme et individualisme sont étroitement solidaires.

Le rationalisme de l'espace de représentation est pour le modernisme un maillon essentiel du passage d'une architecture "humaniste" -de la Renaissance- à celle de la société industrielle. Il y a eu là préparation des bases d'un nouveau départ, celui d'une architecture "raisonnée".

2 - L'époque productive, exemple de Laugier

Contemporain de Diderot et de Voltaire, Laugier est un ecclésiastique. Théoricien pur, il n'a jamais construit. Il s'explique lui-même : "La théorie des arts est le propre des philosophes, l'exécution celui des artistes".

Le premier souci de Laugier c'est de trouver aux formes architecturales un système d'explication, une raison d'être distincte de la tradition. Il puise dans les deux domaines de la nature et de la théorie pure.

Les axiomes peuvent être classés en trois chapitres :

a - ceux concernant la structure

b - ceux concernant la fonction

c - ceux concernant la forme :

- nécessité d'une typologie

- l'originalité formelle

- combat contre l'ornement

Cette classification est implicite chez lui mais va être explicite chez d'autres qui combattent la tradition en défendant une logique constructive avec une approche esthétique. Laugier n'a pas produit et défend une production en apparence néo-classique.

3 - Les utopistes, exemple de Ledoux

Ces architectes "illuministes" ont peu construit et beaucoup dessiné des projets que personne ne leur demandait et qui correspondaient à des institutions qui n'existaient pas. Ce sont ces monuments abstraits dont la première et unique fonction est d'exprimer.

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Conceptions purement abstraites qui cherchent à faire de l'architecture une véritable fonction sociale dans une société idéale universellement "humaine". Aucun d'eux n'a traduit en architecture cette forme symbolique, et ceux qui ont construit ont conçu des abstractions.

Ledoux en est un cas, il s'est posé le problème de l'espace industriel au sens de l'espace de l'usine à Chaux. Mais il y a absence totale des espaces constitués et des espaces signifiants.

4 - L'invention de la trame (1800), Durand (1760-1834)

Il fallait que les ingénieurs formés dans les nouvelles écoles puissent rapidement s'initier aux principes de l'architecture pour être capables de projeter les bâtiments utilitaires de la nouvelle société.

Ce dont ces futurs ingénieurs avaient besoin, c'était d'une systématisation parce qu'il fallait des recettes qu'on ne remette pas en question à chaque projet. C'était surtout une demande de rationalisation constructive et économique. Durand a répondu à cette demande en fournissant à ses étudiants des modèles de bâtiments et des modèles de méthode du projet. Sa démarche est linéaire suivant trois étapes :

a - La connaissance des éléments constructifs :

- Soit par leur traitement géométrique

- Soit par leur traitement sémiologique ne qualifiant aucun des éléments en gardant les signes dans un code graphique épuré et abstrait.

b - La combinaison des éléments de base :

Où intervient la méthode du papier quadrillé pour faciliter le dessin des plans et rendre plus rapide les exposés. Cette méthode s'est avérée rapide et rentable pour combiner les éléments de base et éviter de se poser des problèmes métaphysiques.

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c - L'assemblage des parties :

C'est la géométrie euclidienne pure qui fournit le moyen "objectif" de cette totalité. Seule étape où intervient un choix "qualitatif" pour rejoindre l'architecture parlante des illuministes. Durand se sert de la trame comme d'une grille figée à laquelle doivent se plier les éléments de base, eux-mêmes figés depuis le départ sans objectif architectural".

5 - Le rationalisme et l'architecture

Les utopistes, précurseurs de toutes les tendances actuelles qui considèrent l'architecture comme acte de communication ont eu l'influence la plus désastreuse" sur les générations qui ont suivi :

- en renforçant l'attitude typologique

- en illustrant la disparition de l'espace comme matière de travail de l'architecte

- en croyant qu'ils pouvaient inventer un langage architectural et l'imposer

Durand a voulu faire rentrer l'architecture dans "le rond utilitaire" mais elle n'en est pas sortie vivante.

Elle augure l'architecture moderne qui va se présenter comme un moyen d'agencer des moyens et qui va se consumer dans l'agencement de ces moyens avec l'incapacité de se poser la question de sa raison d'être, de son origine et de sa finalité.

Les utopistes essayaient de se faire comprendre de l'homme universel par l'emploi du vocabulaire universel de la géométrie rationalisée et dénudée de ses symboles traditionnels. Ils ont échoué parce que tout simplement cet homme universel n'existe pas.

Dans les traités traditionnels, l'Islam commence par critiquer le scepticisme (rejet de la révélation), l'agnosticisme (diminution de l'importance de la raison et de la connaissance), le nihilisme (libertinage délaissant toute valeur éthique)... Les traités traditionnels de l'Islam indiquent explicitement que la RAISON est le pouvoir humain de connaître.

De ce fait, l'"objectivité" n'a rien à faire avec le rationalisme. D'ailleurs qu'est ce que le rationalisme sinon la limitation de l'intelligence à la seule mesure de l'homme ? Dans cette conception, l'essence logique reste toujours impersonnelle et qualitative.

Dire que cette conception découle de la science ou de la raison ne signifie nullement qu'elle soit rationaliste. Bien au contraire, car ici la raison ne paralyse pas l'inspiration, elle s'ouvre sur une beauté non individuelle. La raison n'est pas seulement formelle, l'homme peut connaître la vérité.

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CONCLUSION

Au cours de cette période commencent à se distinguer des problèmes de pratique constructive qui sont pris en main par des ingénieurs alors que les architectes perdent le contact avec les exigences concrètes de la nouvelle société.

Le mot "classicisme" recouvre une série de courants qui entretiennent des rapports différents avec le développement des techniques de construction :

- ou bien on recourt aux lois de la beauté, supposées éternelles, qui fonctionnent comme une sorte de principe de légitimité

- ou bien on invoque des raisons de contenu nostalgique en exaltant des vertus civiques

- ou bien simplement on reconnaît au répertoire classique une existence de fait, dictée par la mode et l'habitude

La première position est défendue par des théoriciens et des académiciens étroitement liés à l'imitation des anciens, tel Baltard.

Les partisans de la deuxième position ont recours à l'art comme profession de foi politique.

La troisième position est théorisée par les nouvelles écoles d'ingénieurs et mise en oeuvre par les projeteurs de la Restauration et par la foule des ingénieurs qui ne nourrissent aucune ambition artistique.

Les architectes tenants des première et deuxième positions forment une minorité cultivée. C'est le néo-classicisme idéologique.

Pour les tenants de la troisième position, la majorité des constructeurs, le néo-classicisme est une simple convention permettant de développer l'approche analytique des problèmes pratiques de distribution et de construction. C'est le néo-classicisme empirique.

Alors que les premiers attribuent aux formes antiques des significations symboliques et engagent une bataille idéologique planant au-dessus des réalités concrètes, les empiriques eux utilisent les mêmes formes en explorant les nouvelles contraintes de la ville industrielle.

Durand, élève de Boullée utilise son héritage complexe et théorique pour transmettre à la génération suivante des règles pratiques adaptées aux tâches proposées. Il critique la notion traditionnelle des ordres et réfute la théorie de Laugier et des théoriciens qui voudraient donner aux ordres une prétendue universalité.

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Les figures du traité Durand annoncent toute la production des ingénieurs du 19e siècle :

- la manière de composer par rapprochement mécanique

- l'indépendance du dispositif structurel par rapport à la finition des éléments

- la réduction du choix du projeteur par la préférence pour les côtes en chiffres ronds et pour les formes élémentaires

- l'absence de principes "irrationnels" et traditionnels ou même de l'espace signifiant

Ainsi, les ingénieurs vont préparer ainsi les moyens dont se servira le mouvement moderne. Ils font peser en même temps, sur ces moyens, une lourde hypothèque culturelle.

Le mouvement moderne va accorder une importance particulière à la recherche formelle pure au nom de la "créativité".

D'où cette différence qui sépare l'art abstrait de l'Islam de l'"art abstrait" moderne :

dans l'"abstraction", les modernes aboutissent à la dispersion dans la multiplicité ;

pour l'artiste musulman, l'art abstrait manifeste le plus directement l'Unité dans la diversité.

A partir de 1800, l'architecte n'est plus tout seul. Il faudra qu'il compte désormais avec la présence de deux rivaux qui vont intervenir dans la production de l'espace : l'ingénieur et l'administrateur devenus les nouveaux idéologues de l'espace.

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Bibliographie : Ouvrages

1. BENEVOLO Bernardo, "Histoire de l’architecture moderne", éditions Dunod, Paris 1988, 4 tomes

2. Collection "Architecture universelle", éd. Office du Livre, Fribourg : « Baroque » et « Baroque ibérique »

3. GUENON René, "Le règne de la quantité et les signes des temps", édition Gallimard 1945

4. LEBLOIS Olivier, "L'espace architectural moderne", notes de cours, Ecole Spéciale d'Architecture de Paris 1980

5. PEVSNER Nikolaus, « Génie de l’architecture européenne », éd. Librairie Générale Française, Paris 1970, 2 tomes

6. RAGON Michel, "Histoire de l’architecture et de l’urbanisme modernes", éditions Casterman, Paris 1986

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7. RICHARDS J-M, « L’architecture moderne », éditions Librairie Générale Française, Paris 1968

8. RUSSELL Bertrand, « Histoire de la philosophie occidentale », éditions Gallimard, Paris 1952

Mémoires ENA 1. ASRAOUI Abdelilah, BELEHCEN Mohammed & JADID Khalid, “Vers un espace communautaire”,

juin 19942. HASSOUNI Omar, "Objets, concepts, méthodes, essai de synthèse, exemple de Salé", juin 1993

3. LIMANE Saïd & REDA Mohammed, "Espace musulman : réalités et modèle", juin 1994

4. YOUNSI Habiba, "L’architecture occidentale au Maroc", juin 1998