Architecture Cinetique

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1. Définitions de l’architecture cinétique

1.1. Les origines du mot cinétique

CINÉTIQUE :[sinetik] n.f. et adj. – 1877 ; gr. Kinêtikos “qui se meut ; qui se met en mouvement”.I♦ N.f. 1♦PHYS. Branche de la mécanique qui étudie la relation entre les forces appliquées et la cinématique des corps et des systèmes. 2♦ CHIM. Étude de la vitesse des réactions chimiques ou enzymatiques.II♦ Adj. 1♦PHYS. Qui a le mouvement pour principe. Énergie cinétique : moitié de la force vive d’un point mobile de masse m et de vitesse v (1/2 mv²). Énergie cinétique relativiste, en fonction de c, vitesse de la lumière. –Théorie cinétique des gaz. 2♦ (1920). Art cinétique : forme d’art plastique fondé sur le caractère changeant d’une œuvre par effet optique (mouvement réel ou virtuel).

Cette définition résume bien les différents sens du mot cinétique dont l’usage est né avec le développement des sciences au XIX siècle. Ce terme est alors utilisé pour décrire des phénomènes concernant le mouvement en physique et en chimie mais il a surtout été attaché à la description de la “cinétique des gaz”.

A la fin du XIX siècle et au début du XX siècle la vitesse est l’objet de nombreuses recherches. Les chronophotographies de cette époque, de l’anglais Eadweard Muybridge puis de Etienne-Jules Marey illustrent cette fascination naissante pour le mouvement et la vitesse.

En 1909, Marinetti dans les 4 ème et 8 ème articles du Manifeste du futurisme fait l’éloge de la vitesse qui serait selon lui une nouvelle forme de beauté. Dans ce contexte où le mouvement et la vitesse ont pris une importance nouvelle, les frères Naum Gabo et Anton Pevsner emploient l’expression “rythmes cinétiques” dans le 5ème article de leur Manifeste réaliste en 1920.

C’est à cette date que Franck Popper dans L’art Cinétique1 situe la première utilisation du terme “cinétique” dans les arts plastiques. Mais il considère que Naum Gabo en utilisant une tige en acier mise en mouvement par un moteur

1. Etienne-Jules MAREY, Etude chronophotographique de la locomotion humaine, 1886.2. Naum GABO, Sculpture cinétique, 1920.

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dans sa sculpture de 1920 intitulée “Sculpture cinétique”, contribua à donner une connotation scientifique à cette nouvelle expression plastique. En 1922, Làszló Moholy-Nagy et Kemeny n’utiliseront pas le terme “cinétique” dans leur manifeste intitulé Système des forces dynamiques constructives et lui préféreront le terme “dynamique” pour la plupart des phénomènes concernant le mouvement.

En 1932, les mobiles de l’américain Calder utilisent les courants aléatoires de l’air. Il ne s’agit plus de donner l’illusion du mouvement. Les structures se déploient, se modifient avec leurs branches graciles toujours dans un équilibre précaire, elles créent dans l’espace des structures animées vivantes et poétiques.

Durant les années qui suivront, de nombreux artistes développeront un art ayant trait au mouvement, à la dynamique et aux notions liées à l’optique que l’on regroupera plus tard sous le nom d’art cinétique. Ils essaient de suggérer visuellement le mouvement. Le spectateur doit se déplacer, tourner parfois autour de l’œuvre pour que celle-ci engendre et révèle son dynamisme.

Ainsi en 1955, trente cinq années après les premières sculptures de Marcel Duchamp et de Naum Gabo, une exposition à la galerie Denise René consacra huit artistes sous le nom “le mouvement”. Si Agam, Bury, Calder, Duchamp, Jacobsen, Soto, Tinguely, et Vasarely ont des d’expressions artistiques différentes , l’introduction du mouvement dans leur travail pictural ou sculptural les réunit. Dans sa présentation de l’exposition, Pontus Hulten écrit : “Une œuvre douée d’un rythme cinétique qui ne se répète jamais est un des êtres

les plus libres que l’on puisse imaginer, une création qui, échappant à tous les

systèmes, vit de beauté.”

Il faut donc attendre les années cinquante et soixante pour que réellement la sculpture s’anime et se modifie grâce à des moteurs électriques. Les recherches de Pol Bury commencées en 1953 le conduisent à la création d’œuvres composées d’éléments géométriques simples animés par l’électricité ou la force électromagnétique. A la même période, Nicolas Schoffer met au point ses premières sculptures mobiles. Grâce à une source lumineuse elles projettent les ombres et les lumières chromatiques de leurs formes en mouvement. Ses recherches vont le conduire peu à peu à de véritables sculptures appelées “tours cybernétiques” qui utilisent savamment les ombres

3. Làszló MOHOLY-NAGY, Light prop for an electrical stage, 1922-1930.4. Jean TINGUELY, Sculpture mécanique automobile, 1954.5. Victor VASARELY, Gixeh, 1955.6. Nicolas SCHOFFER, Tour lumière cibernétique, projet pour la Défense, Paris, 1975.

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projetées avec un fond musical. La “tour cybernétique” est une œuvre totale, à la fois sculpture mobile génératrice d’images virtuelles et sonores. Comment ne pas voir dans ces structures la potentialité d’une architecture nouvelle. Elle étonne le publique par l’utilisation systématique de matériaux comme l’aluminium, le plexiglas, l’acier nickelé ou chromé. Deux grandes tendances de l’art cinétique sont alors perceptibles. L’une, issue des premiers travaux de Duchamp et de Gabo, fait directement référence au mouvement réel de l’œuvre, l’autre, issue du travail pictural de l’abstraction géométrique fait référence à un mouvement subjectif où l’œuvre change en fonction du point de vue du spectateur.A une autre échelle avec ses règles propres et une finalité différente, l’architecture saura puiser dans les recherches de l’art cinétique.C’est dans ce contexte que va apparaître l’architecture cinétique.

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1.2. L’architecture cinétique

Les premières aspirations à une architecture cinétique appelée à l’époque “utopique” sont attribuables à Paul Sheebart qui préfigure 60 ans plus tôt l’architecture d’Archigram en publiant en 1904 le roman L’Empereur d’Utopie à Berlin. Dans ce roman2 il imagine des ballons captifs volumineux

“ soulevant des restaurants dans les airs, montant et descendant d’une manière chaque fois

nouvelle.” Il décrit également des maisons et des villes transportables.En 1926, K. Selinsli, dans Style et acier 2, écrivait : “Aujourd’hui, ce sont encore les voitures qui transportent les hommes dans les rues

de la ville. Demain les trottoirs eux-mêmes se mettront en mouvement, comme

les enseignes lumineuses, les portillons automatiques, le sont déjà… Pourquoi

ne pas bâtir une maison gigantesque avec des murs de verre et d’aluminium,

transformable et qui, placée sur le fondement d’acier, tournerait autour de son

propre axe ? Un tel palais serait en mesure de conduire les masses d’hommes

d’une salle à l’autre et de leur offrir des salles grandioses où les masses de

spectateurs pourraient s’approcher de l’orateur sur des plates-formes de divers

niveaux. A la place des ascenseurs, il y aurait des spirales tournantes capables de

transporter les hommes jusqu’aux combles. Pourquoi ne pourrait-on pas installer,

par exemple, quelques pièces, classes, laboratoires et salles d’opérations qui

pourraient être tournées au fur et à mesure vers le soleil et qui projetteraient

le soir leur lumière sur la rue ?”

Comme Paul Sheebart, K. Selinsli est en avance sur son temps ; ils préfigurent l’architecture cinétique.Elle apparaît sous cette appellation au milieu des années 60, presque un siècle après l’utilisation scientifique du terme cinétique et quelques années après la publication d’ouvrages sur l’art cinétique.En 1970, Kinetic Architecture, le livre de William Zuk et Roger H. Clark est le premier à associer les termes d’architecture et de cinétique. Il est précédé par des ouvrages de référence sur les structures tendues, et les structures gonflables, et d’autres traitant de la nécessité d’une architecture capable de mutation à l’instar de la société, comme le propose Yona Friedman dans des articles sur l’architecture mobile en 1958, et en 1970 dans L’architecture mobile où sont regroupés l’ensemble de ses articles et écrits. Depuis l’association des termes architecture et cinétique a souvent été utilisée, parfois pour décrire des phénomènes liés à un mouvement réel de l’architecture, souvent pour décrire une impression, un sentiment, tout ce qu’il peut y avoir de subjectif dans un jugement lié à l’architecture.Comme l’art cinétique, l’architecture cinétique peut être divisée en deux

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grandes tendances. Le mouvement, principale caractéristique de la cinétique, est là encore utilisé de manière virtuelle ou réelle ou bien encore de manière subjective ou objective. L’architecture cinétique n’est pas une catégorie d’architecture comme les autres. Elle emprunte à différents mouvements architecturaux des œuvres faisant référence au mouvement.Dans l’architecture cinétique objective, il est possible d’y classifier différentes tendances architecturales faisant appel à un mouvement réel. Quant à l’architecture cinétique subjective, le fait même qu’elle soit subjective permet d’y classer un peu tout et n’importe quoi dès l’instant que le mouvement est suggéré.

Architecture Cinétique Subjective :-De par l’usage des matériaux : caillebotis, panneau avec reliefs, tôle ondulée (usine d’incinération de Ivry), -Signification du mouvement par la composition architecturale. On parle souvent d’espace dynamique ou de l’architecture du mouvement. (façade de verre d’Euralille)

Architecture Cinétique Objective :-Architecture dynamique-Architecture renouvelable-Architecture mobile

Ces différents types d’architectures utilisent souvent la même cinématique mais à mon sens il ne s’agit pas systématiquement d’architecture cinétique objective.

1.2.1. Architecture Cinétique Subjective

L’art cinétique est divisible en deux grandes catégories, l’une faisant appel à un mouvement réel l’autre à un mouvement suggéré. Il en est de même pour l’architecture cinétique où le mouvement peut être subjectif, ce qui revient à dire que les éléments qui composent cette architecture sont fixes et que le mouvement est suggéré.La suggestion du mouvement peut se faire de deux manières : l’usage de matériaux et la composition architecturale. Le mouvement de l’homme a un rôle fondamental dans la perception de toute architecture cinétique subjective, sans quoi l’architecture, n’est qu’une image fixe.

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L’usage des matériaux

A l’instar de l’art cinétique il est possible de considérer la façade ou les autres éléments architecturaux comme un tableau. Cette surface peut être apparentée à l’art cinétique subjectif. Les moyens pour rendre cet effet peuvent être une répétition d’éléments jouant sur la perspective, les points de vues, les profondeurs, et les couches superposées. L’essentiel est de suggérer le mouvement.Bien entendu cette cinétique n’est rien sans le mouvement de l’usager face à cette architecture, car les différents points de vues donnent à voir des reflets, des profondeurs différentes. Les matériaux les plus susceptibles de rendre cette cinétique sont les caillebotis, les surfaces ondulées, les panneaux avec reliefs comme ceux de l’usine d’incinération d’Ivry-sur Seine.

Composition architecturale

Il est aussi possible de suggérer le mouvement par la composition architecturale. On parle souvent d’espaces dynamiques dans lesquels la composition des espaces et des volumes suggèrent le mouvement. Ce dernier s’accentue avec le mouvement de l’usager dans l’espace, car à chaque position les profondeurs, les perspectives peuvent être très différentes. Le mouvement architectural où cette dynamique est la plus présente est le déconstructiviste. Toutefois, de nouvelles tendances

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7. Jean-Robert MAZAUD, Jean-Paul TRUMEL, Façade de l’usine d’incinération d’Ivry-sur-Seine,8. Rem KOOLHASS, Façade du palais de congès de Lilles.9. Greg LYNN Form, Port Authority Gateway,competition, New York, USA, 1995.10. NOX Architekten, New Palace Hotel and Boulevard, Noorwijk, Hollande, 1997.

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architecturales apparaissent, où les espaces dynamiques y sont très présents, ainsi que des espaces que l’on pourraient qualifier de fluides. La fluidité faisant elle-même référence au mouvement.Il est aussi possible de rechercher une représentation du mouvement. C’est alors l’architecture du mouvement qui diffère de l’architecture en mouvement qui à mon sens est une architecture cinétique objective. L’installation de dECOI à Marseille “ether/i” est un exemple de l’architecture du mouvement. Cette œuvre a été conçue suivant le mouvement de danseurs contemporains.De même Greg Lynn dans un projet pour la toiture et l’éclairage des rampes d’accès à Port Autority, le terminal de bus de New York, a modelé le site à partir de forces simulant le mouvement et le flot des piétons, voitures et autobus.

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1.2.2. Architecture Cinétique Objective

Architecture dynamique

Dynamique s’oppose à statique, qui par définition est immobile. De plus le terme statique désigne en général une science relative aux structures “immobiles”, et dynamique une science relative au mouvement. L’architecture dynamique est donc une architecture où le mouvement est présent de manière réelle. Toutefois, par analogie on associe souvent à architecture dynamique une architecture où les espaces suggèrent, incitent le mouvement. Il ne s’agit pas ici de ce point de vue, réservé à l’architecture cinétique subjective.Dans l’architecture dynamique les structures vont pouvoir bouger et se déformer. Bien sûr le simple fait que la structure bouge va avoir des répercussions sur les espaces et sur l’enveloppe. On peut alors parler d’architecture déformable pour laquelle les déformations sont désirées. L’architecture gonflable fait partie intégrante de l’architecture dynamique. Jean Aubert3 en explique très bien les raisons techniques dans la définition qu’il donne des structures pneumatiques dans la préface du catalogue de l’exposition Structures gonflables présentée en 1968 au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris :“Une structure gonflable n’est qu’une enveloppe tendue sous la pression qu’un

fluide exerce sur elle... Cette structure présente pourtant une originalité, elle

est dynamique et non pas statique, elle peut se gonfler et se dégonfler. Elle est

constituée de deux éléments : une enceinte inerte et un fluide mobile et capable

sous certaines conditions de faire varier la forme et les dimensions de l’enceinte...

Les enceintes, pour remplir leur rôle, doivent être faites en matériaux présentant

les qualités demandées de résistance aux sollicitations et agents mécaniques

(traction, déchirure, écrasement, abrasion), aux agents physiques (diffusion,

action thermique) et chimiques (corrosion)... Les fluides employés dans les

structures peuvent être soit compressibles, soit incompressibles. Les fluides

compressibles sont tous les corps gazeux... Les fluides incompressibles (ou très

peu compressibles) sont tous les autres fluides (masses pulvérulentes, eau et

autres liquides...) D’une façon générale, le processus mécanique assurant la

stabilité de la structure est le suivant : un fluide exerce une pression sur une

enceinte, qui la transforme en efforts de tension dans sa surface ; ces efforts de

tension participent à l’équilibre de chaque point de la surface.”

L’architecture pliable fait partie de l’architecture dynamique, puisque les

12. Jean Paul JUNGMANN, “Dyodon”, Projet d’habitat collectif, 1967. 13. Fei OTTO14. Mario BOTTA, tente mobile pour l’aniversaire de la Confédération Helvétique.

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structures sont capables de modifications. Toutefois cette architecture n’est pas une architecture cinétique objective, puisque le principe dynamique de la structure de montage et de démontage n’est utilisé que pour des besoins de la transportabilité. On peut éventuellement parler de cinétique du montage.

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Architecture renouvelable

Cette architecture cinétique objective se caractérise par l’emploi de matière renouvelable. Il s’agit de créer de l’architecture à partir de ces matières, de pouvoir en supprimer pour dégager de nouvelles vues ou de nouveaux espaces. Bien sûr cette matière doit être capable de se renouveler de manière naturelle, avec pour contrainte le temps, ou bien de manière accélérée mais moins naturelle grâce à l’intervention de systèmes auxiliaires pour combler ces vides. Il s’agit pour 90% de matières naturelles (glace, …), dans lesquelles on vit d’une manière très lointaine des préoccupations de notre civilisation. Les 10% restant peuvent être construits à partir de mousses artificielles renouvelables mais devront pouvoir se régénérer lorsqu’elles auront été “gommées” pour créer une architecture plus vaste ou de nouveaux percements.

Architecture mobile

La principale caractéristique de l’architecture mobile est l’absence de fondation ou une dissociation complète entre fondation et espace habitable, ce qui permet à ce dernier d’être mobile.Yona Friedman4 donne la définition suivante de l’architecture mobile :Systèmes de constructions permettant à l’habitant de déterminer lui-même la

forme, l’orientation, le style, etc., de son appartement et de pouvoir changer cette

forme, chaque fois qu’il le décide.

L’intention semble en tout point répondre aux caractéristiques de l’architecture cinétique telle que je la définis dans le chapitre 2, Toutefois la mobilité chez Yona Friedman5 n’est pas une mobilité de tous les jours, car elle implique des manutentions qui ne peuvent être “qu’occasionnelles”. Sa définition de mobilité vient renforcer ce propos :“…Les bâtiments et les villes nouvelles doivent être facilement ajustables suivant

la volonté de la société à venir qui les utilisera : ils doivent permettre toute

transformation, sans impliquer la démolition totale.”

Chez Friedman l’architecture mobile est synonyme d’architecture transportable, associée à un urbanisme flexible.

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L’architecture mobile nécessite dans sa grande majorité une rupture de charge lors de son déplacement, Ce qui est contraire à mon sens à une architecture cinétique objective pour laquelle les changements de lieux se font dans un usage normal de l’architecture, sans rupture d’utilisation des espaces, ce qui exclut une grande partie de l’architecture mobile. Toutefois il existe une architecture mobile qui répond aux caractéristiques de l’architecture cinétique objective. L’exemple le plus courant est le camping-car qui garde toutes ses capacités d’habitabilité et d’usage lors d’un déplacement. Il n’en est pas de même avec la caravane qui nécessite d’être immobilisée pour être utilisable. Il existe aussi l’architecture utopique de Guy Rottier qui propose un hélicoptère caravane dont l’espace de vie et de pilotage est le même. Si cet hélicoptère caravane est resté un projet non réalisé, il existe aujourd’hui des avions convertis en logement. Ils répondent au double usage habitat et moyen de transport, et constituent donc une architecture cinétique objective, répondant à une notion que je définis sous le nom de proximité. L’architecte CJ Lim dans un projet de “guest house” (maison pour invité) fait une synthèse de tous les aspects de l’architecture mobile, tout en étant une architecture cinétique. Cette maison a la propriété grâce à la mutation de son enveloppe et des espaces internes de naviguer, de voler, de choisir un point désiré pour atterrir.

15. CJ LIM, Studio 8 Architects, The guest house, Japan,1995

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Architecture modulaire

J’appelle architecture modulaire, l’architecture composée d’une série de modules généralement industrialisés. Ce mouvement à connu un essor très important dans les années cinquante avec la reconstruction d’après guerre. Le but alors recherché était de préfabriquer des cellules, dont la structure était en béton de forme rectangulaire, de manière à être transportée sur le chantier pour y être assemblée et ainsi constituer un habitat rapidement réalisé et bon marché. Dans les années soixante l’architecture modulaire est réalisée avec des matériaux légers. On parle alors d’architecture en coque ou bulle.Le fait de pouvoir transporter l’architecture modulaire n’en fait pas une architecture cinétique objective, puisque qu’il y a rupture d’utilisation lors du transport des modules. Toutefois il est possible d’imaginer des modules animés par une cinématique. Cette dernière doit être créée par un dispositif propre au module, et non extérieur et donc rapporté. Il est alors possible de modifier la position d’un module par rapport à un autre à souhait et immédiatement. L’architecture modulaire de Chanéac n’est pas cinétique puisque aucun mouvement hormis la transportabilité n’est intégré, mais on peut imaginer de poser les modules sur rails, permettant de les positionner selon des ordonnancements variables ou de placer ses cellules sur des systèmes ascensionnels qui permettraient de décaler les cellules les unes en face des autres.

16. CHAENAC, Prototype de la structure de base d’une céllule polyvalente, 1960.

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L’architecture entrant dans l’une de ces catégories n’est pas forcément une architecture cinétique dans sa totalité.Nous verrons qu’il est possible de classer ces différentes catégories selon d’autres critères ou notions.L’architecture cinétique subjective représente à elle seule un mémoire, étant donné l’étendue des domaines qu’elle recouvre, et du fait que les “limites” en sont difficilement identifiables et sujettes à l’appréciation de chacun. Je ne la développerai donc pas davantage. Par contre l’architecture cinétique objective est plus facilement identifiable, car elle fait appel à une véritable transformation physique. Nous verrons que ces transformations peuvent se faire sur l’infiniment petit de la matière ou sur des structures aux propriétés mécaniques.

1 Franck POPPER , l’art Cinétique, Gauthier-Villars, Paris 1970 (2e édition revue et augmentée)2 Extrait du livre de Michel RAGON, Histoire mondiale de l’architecture et de l’hurbanisme modernes, Tome 3, Prospective et futurologie, Casterman, 1978, p. 235.3 Jean AUBERT est l’un des membres du groupe Aerolande constitué de Jean-Paul JUNGMAN et Antoine STINCO4 Yona FRIEDMAN, L’architecture Mobile, collection “M.O.” (Mutations, Orientations), Edition CASTERMAN / Poche 1970.5 Cofondateur en 1957 du G.E.A.M. (Groupe d’Etude d‘Architecture Mobile) avec David Georges EMMERICH, Jean PECQUET, Jerzy SOLTAN, Jean TRAPMANN.