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Approvisionnement des Etats membres de la CDAA en médicaments brevetés Rapport de synthèse pour les Etats membres de la CDAA et le futur système d’approvisionnement pharmaceutique (SPPS), à partir des leçons tirées du Projet Commerce, ADPIC et Accès aux Médicaments (SARPAM) 2012-2014 Auteurs : Pascale Boulet1 et Ellen 't Hoen2. 3 1 Pascale Boulet est juriste de droit international public avec plus de 15 ans d'expérience dans le domaine des politiques pharmaceutiques de santé publique et de la propriété intellectuelle. Elle a travaillé avec divers organismes de santé publique en tant que conseiller juridique et politique, notamment l’initiative Médicaments pour les maladies négligées (DNDi), la Campagne pour l'accès aux médicaments essentiels de Médecins Sans Frontières (MSF) et le Département des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la Santé. Elle travaille maintenant comme consultante indépendante en droit et politique de médicaments. 2 Ellen 't Hoen est juriste avec plus de 30 années d'expérience dans le domaine de la santé publique, des politiques pharmaceutiques et de la propriété intellectuelle. Elle a été conseiller en propriété intellectuelle pour UNITAID où elle a créé le Medicines Patent Pool (communauté de brevets) dont elle est devenue le premier directeur exécutif en 2010. Auparavant, elle était directrice politique de la campagne pour l'accès aux médicaments essentiels de Médecins sans Frontières. Elle est membre du Groupe consultatif d'experts de l’OMS sur les politiques et la gestion des médicaments, et conseiller auprès de plusieurs organisations internationales. Elle est l'auteur du livre " Les enjeux politiques du pouvoir de monopole pharmaceutiques : brevets de médicaments, accès, innovation et mise en œuvre de la Déclaration de Doha de l'OMC sur les ADPIC et la santé publique", publié en 2009. Elle travaille en tant que consultante indépendante en droit et politique de médicaments. 3 Les auteurs souhaitent remercier les personnes suivantes pour leurs précieux commentaires et suggestions: le Prof. Frederick Abbott, le Prof. Brook Baker, Chikosa Banda, le Dr Peter Beyer , le Prof. Carlos Correa et le Dr Lonias Ndlovu. Craig Rietveldt est responsable de la mise en page et Wilbert Bannenberg a coordonné la production du rapport. Le document a été contracté par HERA, au nom de SARPAM, qui est financé par le Département du Royaume-Uni pour le développement international (DFID).

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Historique Le projet Commerce, ADPIC et Accès aux médicaments (SARPAM) a été mandaté en septembre 2012 par les Etats membres de la CDAA pour appuyer leurs effort en vue optimiser leurs lois nationales sur la propriété intellectuelle (en particulier les brevets) en vue d’optimiser l’accès aux médicaments. Des ateliers ont eu lieu dans les 7 pays suivants: Botswana, Malawi, Zambie, Zimbabwe, Lesotho, Seychelles et Swaziland. Les principales questions soulevées concernaient ce que les Etats membres pourraient faire pour diminuer les coûts d’approvisionnement en médicaments brevetés en l’absence de prix abordables par le fabricant original. Les réunions des juristes de la CDAA en septembre 2013 et 2014 ont élaboré des solutions pour l’achat de médicaments à prix abordables par les Etats membres confrontés à des obstacles de brevets. Ce rapport essaie de résumer les enseignements tirés et les solutions proposées si les Etats membres désirent acheter des médicaments brevetés. Les voies juridiques décrites dans ce document se conforment aux droits et obligations internationaux des Etats membres de la CDAA suivant les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). D’autres ont également décrit les options exposées dans ce document, y compris l’OMC, l’Organisation mondiale de la Santé, et l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). De plus amples informations sont disponibles sur les sites Internet de ces organisations. 4,5 Les pays d’Afrique subsaharienne ont une vaste expérience des moyens juridiques tels que les flexibilités des lois de brevets pour garantir l’accès aux médicaments, notamment dans le domaine du VIH/SIDA.6 Afin de prévenir toute polémique concernant l’utilisation de flexibilités telle que les licences obligatoires, il est important d’intégrer l’utilisation de tels mécanismes dans les pratiques d’approvisionnement et les procédures du système d’approvisionnement pharmaceutique (SPPS) de la CDAA, conformément aux articles 4 et 5 de la Charte du SPPS. Approvisionnement en médicaments brevetés Prenons le cas d’un ou plusieurs Etats membres ayant besoin d’accéder à un médicament A, qui s’avère trop cher ou indisponible dans un pays ou dans la région. Ces pays ont le droit, en vertu de l'Accord de l'OMC sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC), et tel que confirmé par la Déclaration de Doha sur les ADPIC et la santé publique, de « prendre les mesures »

4 Voir par exemple sur le site Internet de l’OMC, qui dispose également de modèles utiles pour la notification: http://wto.org/english/tratop_e/trips_e/public_health_e.htm 5,3 Voir par exemple: http://www.who.int/phi/promoting_access_medical_innovation/en/

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nécessaires « pour protéger la santé publique ». En fonction du statut du brevet du médicament A dans chaque pays, du classement des Etats membres dans la catégorie des pays les moins avancés (PMA) et/ou de la capacité de production7 qui existe dans la CDAA pour le médicament A, diverses options sont mises à la disposition des Etats membres de la CDAA pour garantir l’accès aux médicaments nécessaires. Nous avons envisagé 3 types de situations dans lesquelles les Etats membres de la CDAA peuvent se servir des flexibilités de l’Accord sur les ADPIC pour répondre à leurs besoins de santé publique:

1. Le générique A peut être produit dans la CDAA. L’utilisation d’une licence obligatoire, ou d’office, de portée régionale, fondée sur l’exception régionale du Système du Paragraphe 6 de l’OMC, peut permettre l’approvisionnement de tous les Etats membres de la CDAA.

2. Le générique A ne peut pas être produit dans la CDAA, mais il est disponible auprès d’une ou plusieurs source(s) abordable(s) à l’extérieur de la CDAA. L’importation dans la CDAA et la réexportation vers d’autres Etats membres de la CDAA est possible. Une licence obligatoire (ou d’office) classique peut être nécessaire.

3. Le générique A ne peut pas être produit dans la CDAA, et aucune source abordable n’a été identifiée. L’utilisation d’une licence obligatoire ou d’office fondée sur le « Système du Paragraphe 6 » peut être nécessaire pour importer et réexporter le générique A au sein de la CDAA.

1. Production et exportation de versions génériques de

médicaments brevetés au sein de la CDAA

Supposons qu’un pays X de la CDAA (n’ayant pas le statut de PMA) dispose de la capacité de production du médicament A mais le médicament A est protégé par un brevet national ou ARIPO. Le pays X peut délivrer une licence obligatoire, ou d’office, conformément à sa législation sur les brevets pour permettre la production d’une version générique du médicament A sur son territoire. De plus, pour exploiter les économies d’échelle parmi les signataires d’un accord commercial régional, le pays X peut également utiliser la licence pour exporter le générique A pour répondre aux besoins d’autres Etats membres de la CDAA. La dérogation du « Système du Paragraphe 6 » de l’OMC (voir explication dans l’encadré de la page suivante) permet notamment l’exportation sous licence obligatoire aux pays qui sont signataires d’un accord commercial régional, dont au moins la moitié des Etats membres sont des PMA.8. Il y a 8 PMA dans la CDAA: 7 Toute mention de ‘capacité de production’ ou de ‘capacité de production locale’ dans ce rapport suppose qu’une telle production puisse être effectuée de manière rentable. 8 La dérogation régionale de l’ADPIC déclare que « dans les cas où un pays en développement ou pays moins avancé Membre de l'OMC est partie à un accord commercial régional au sens de l'article XXIV du GATT de 1994 et de la Décision du 28 novembre 1979 sur le traitement différencié et plus favorable, la réciprocité et la participation plus complète des pays en voie de développement (L/4903),

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l’Angola, la République Démocratique du Congo, le Lesotho, Madagascar, le Malawi, le Mozambique, la Tanzanie et la Zambie. Par conséquent, le pays X, en tant que membre de la CDAA, peut exporter toute quantité du médicament générique A, fabriqué sous licence obligatoire, vers tout autre membre de la CDAA. Cela suppose que le pays X ait incorporé cette flexibilité de l’OMC dans son droit national, c’est-à-dire que les licences obligatoires ne doivent pas être limitées « principalement pour l’approvisionnement du marché intérieur», si la licence est utilisée pour approvisionner les autres membres de la CDAA qui partagent le(s) même(s) problème(s) de santé publique.9 Avec la création du système d’approvisionnement pharmaceutique de la CDAA (SPPS), les prévisions régionales devrait permettre des commandes groupées auprès du pays X via le SPPS. Pour importer du pays X, les Etats membres de la CDAA sans brevet en vigueur sur le médicament A, peuvent suivre les procédures d’importation habituelles. Les PMA de la CDAA peuvent simplement indiquer leur intention d'utiliser la période de transition prolongée de l' Accord sur les ADPIC, selon laquelle ils n’ont pas à respecter les brevets sur les produits pharmaceutiques (voir la section sur les PMA ci-après) .Les Etats membres de la CDAA, n’ayant pas le statut de PMA, avec un brevet ARIPO ou national en vigueur sur le médicament A, doivent délivrer une licence obligatoire ou d’office (en conformité avec leur loi sur les brevets) pour importer le générique A du pays X. Il faut noter qu’aucune rémunération ne pourrait être versée pour cette licence obligatoire d’importation si le propriétaire du brevet a déjà reçu une rémunération dans le pays X (grâce à la licence obligatoire de production). 2. Importation dans la CDAA de versions génériques de

médicaments brevetés S’il n’y a pas de capacité ou une capacité insuffisante pour produire localement une version générique de A, les Etats membres de la CDAA peuvent en importer d’un autre pays où il est déjà disponible. Les brevets sont octroyés à titre territorial, national ou parfois régional, tels que les brevets octroyés par l'Organisation régionale africaine de la propriété intellectuelle (ARIPO). Par conséquent, des médicaments brevetés dans certains pays ou régions peuvent être disponibles en tant que génériques dans d’autres pays ou régions s’il n’y a pas d’obstacle relevant de la

dont la moitié au moins des membres actuels sont des pays figurant actuellement sur la liste des pays les moins avancés des Nations Unies, il sera dérogé à l'obligation de ce Membre au titre de l'article 31 f) de l'Accord sur les ADPIC dans la mesure nécessaire pour permettre à un produit pharmaceutique produit ou importé sous licence obligatoire dans ce Membre d'être exporté vers les marchés des autres pays en développement ou pays moins avancés parties à l'accord commercial régional qui partagent le problème de santé en question. Il est entendu que cela sera sans préjudice du caractère territorial des droits de brevet en question;» 9 Voir par exemple, la Loi sur la propriété industrielle du Botswana No. 8 de 2010.

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propriété intellectuelle, sous forme de brevet ou d’un autre type de protection. Par exemple, plusieurs médicaments sont disponibles sous forme générique en Inde parce que l’Inde n’a pas octroyé de brevets pharmaceutiques jusqu’en 2005. Avec la création du SPPS, les Etats membres de la CDAA effectueront vraisemblablement des commandes collectives et importeront conjointement. Le SPPS pourra ensuite réexporter vers chaque Etat membre de la CDAA, grâce à la dérogation régionale de l’Accord sur les ADPIC évoquée dans la section précédente. L’importation dans chacun des Etats membres de la CDAA dépendra toujours du statut du brevet et du pays importateur:

- Les Etats membres de la CDAA dans lesquels le médicament A n’est pas couvert par un brevet ARIPO ou national en vigueur peuvent importer le médicament A conformément aux procédures courantes d’importation.

- Les PMA peuvent tout simplement indiquer leur intention d’utiliser la période de transition prolongée de l’Accord sur les ADPIC selon lequel ils ne sont pas obligés de faire respecter les brevets pharmaceutiques (voir section ci-après sur les PMA).

- Si le médicament A est couvert par un brevet ARIPO ou national en vigueur, les pays en développement de la CDAA doivent délivrer une licence obligatoire ou d’office conformément à leur loi sur les brevets pour importer le générique A.

Si les pays de la CDAA n’ont pas connaissance d’une source générique abordable pour importer le médicament A, le Système du Paragraphe 6 de l’OMC pourrait présenter la solution optimale.

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3. Importation dans le CDAA de versions génériques de

médicaments brevetés, grâce aux Système du Paragraphe 6 de l’OMC.

Le Système du Paragraphe 6 peut être utile pour remédier aux circonstances suivantes:

- un ou plusieurs pays de la CDAA ont besoin d’accéder à certains médicaments qui sont soit trop chers, soit indisponibles dans le pays ou la région;

- les pays concernés ont constaté qu’ils n’ont pas de capacité de production suffisante ou qu’ils n’ont aucune capacité de production dans le secteur pharmaceutique pour le médicament concerné; et

- aucun générique de qualité n’est disponible pour être importé dans les pays concernés, par exemple, les médicaments contre le cancer.

Comme le système paragraphe du 6 a créé une dérogation à la restriction habituelle des licences obligatoires, il exige une série de notifications adressées à l’OMC de la part des Etats membres qui souhaitent utiliser le système. Il est important de signaler

The Système du Paragraphe 6 de l’OMC

« La décision du 30 août 2003 » de l’OMC, également appelée “Système du Paragraphe 6 ” fut adoptée par tous les membres de l’OMC, dans le cadre juridique du système de l’OMC et est donc applicable à tous les membres de l’OMC. Elle a créé une dérogation permanente à l’Article 31(f) de l’Accord sur les ADPIC qui prévoit que les licences obligatoires délivrées par les membres de l’OMC pour surmonter les droits de brevet doivent approvisionner « principalement » le marché intérieur. Le système du paragraphe 6 a donc créé une licence spéciale pour l’exportation selon laquelle les membres de l’OMC peuvent également délivrer des licences obligatoires spécifiquement pour l’exportation afin répondre aux besoins signalés par d’autres pays selon le système mis en place. Le 6 décembre 2005, les membres de l’OMC ont adopté un protocole d’amendement à l’Accord sur les ADPIC, intégrant ainsi la décision du 30 août 2003 dans l’Accord. Ceci entrera en vigueur lorsque deux tiers des membres de l’OMC auront accepté la modification. Jusque-là, au sein de la CDAA, seuls Maurice, la Zambie et le Botswana ont accepté le protocole modifiant l’Accord sur les ADPIC. Ceci n’empêche pas les autres membres de la CDAA d’intégrer le « Système du Paragraphe 6 » dans leur propre loi sur les brevets (tel que l’a fait le Botswana) ou de l’utiliser le cas échéant. Comme l’indique l’étude OMS-OMPI-OMC sur la Promotion de l’accès aux technologies médicales et à l’innovation1, « la licence d’exportation spéciale constitue une voie juridique que l’on peut suivre lorsque celle-ci représente la voie optimale pour un approvisionnement efficace […] Les approches régionales d’approvisionnement et les notifications conjointes des pays ayant des besoins similaires en matière de médicaments, peuvent proposer une voie conjointe de demande sous le Système, favorisant ainsi des solutions efficaces aux besoins identifiés. »

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que ces notifications sont exigées uniquement dans un souci de transparence, l’OMC n’est pas obligée de les approuver et les membres n’ont pas l’obligation d’aller jusqu’au bout. Les Etats membres de la CDAA devraient procéder à deux types de notifications:

- Une notification ponctuelle est requise uniquement pour les pays en développement10 de la CDAA (le Botswana, Maurice, la Namibie, les Seychelles, l’Afrique du Sud, le Swaziland et le Zimbabwe) pour confirmer leur intention générale d’utiliser le Système du Paragraphe 6 en tant qu’importateur. Celle-ci peut être effectuée à tout moment et n’engage pas les pays à utiliser le Système. Ils se réservent plutôt le droit de le faire au cas où ils en auraient besoin.

- Une notification plus précise est ensuite requise pour indiquer les

médicaments dont la CDAA a besoin. Cette notification doit inclure les noms des produits pharmaceutiques en question et les quantités attendues, par exemple, « 3 millions de doses du médicament A ». Les Etats membres de la CDAA peuvent notifier l’OMC à tout moment de leurs besoins en médicaments. Comme le Système du Paragraphe 6 reconnaît la nécessité d’économies d’échelle dans les contextes régionaux, il est conseillé aux Etats membres de la CDAA de procéder à des notifications conjointes à travers le SPPS une fois créé pour établir des niveaux commercialement viables de demande pour la production et l’expédition.

Comme précisé dans l’étude OMS-OMPI-OMC, « cette notification de [produit] peut être soumise dès le début du processus d’approvisionnement, avant toute décision ultime, à l’égard des sources privilégiées. Ceci n’implique aucune obligation d’utiliser le Système au cas où une meilleure alternative apparaitrait. Un pays est donc libre de notifier ses besoins en matière de médicaments comme une étape normale dans le processus de planification d’approvisionnement, facilitant ainsi l’évaluation des options d’accès, signalant la demande aux fournisseurs éventuels, et dégageant la voie pour l’utilisation réelle du Système au cas où il offrirait l’option commerciale la plus viable. » La notification du produit devrait également inclure une déclaration de la part des pays en développement membres de la CDAA, qu’ils ont une capacité insuffisante de production ou aucune capacité de production dans le secteur pharmaceutique pour les produits concernés, et qu’ils ont délivré, ou ont l’intention de délivrer, une licence obligatoire, ou d’office, si les produits concernés sont brevetés dans leur territoire. Comme le précise l’étude trilatérale OMS-OMPI-OMC, « les PMA peuvent tout simplement indiquer leur intention d’utiliser la période de transition prolongée de

10 Les PMA bénéficient d’un droit automatique à utiliser le Système du Paragraphe 6 en tant que membres importateurs et n’ont pas besoin de procéder à une notification générale de leur intention d’en servir.

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l’Accord sur les ADPIC »11. Ceci est basé sur le fait que le Système du Paragraphe 6 « est sans préjudice des droits, obligations et flexibilités qu’ont les membres en vertu des dispositions de l’Accord sur les ADPIC […], y compris ceux qui sont réaffirmés par la Déclaration [de Doha], et selon leur interprétation ». Ces notifications adressées à l’OMC ont pour but de signaler le besoin en médicaments spécifiques aux fabricants éventuels de génériques dans les pays exportateurs qui peuvent par la suite faire une demande de licence obligatoire pour l’export, en vue de répondre aux besoins notifiés par les Etats membres de la CDAA. Par exemple, la Section 92A de la Loi indienne sur les brevets prévoit la délivrance automatique de licences obligatoires pour l’export, afin de répondre aux problèmes de santé publique d’autres pays, comme en témoigne l’utilisation du mot « sera » dans la section ci-dessous.

Loi indienne sur les brevets, Section 92A (1) Une licence obligatoire sera accordée en vue de la fabrication et l’exportation des produits pharmaceutique brevetés à destination de tout pays qui dispose d’une capacité insuffisante ou d’aucune capacité de fabrication dans le secteur pharmaceutique concernant un produit particulier pour répondre à des problèmes de santé publique, à condition qu’une licence obligatoire ait été délivrée par un tel pays ou qu’un tel pays ait permis, par une notification ou autrement, l’importation des produits pharmaceutiques brevetés d’Inde.

Avant de passer la commande, par exemple auprès d’un fabricant indien de génériques, les pays en développement membres de la CDAA dans lesquels les médicaments sont brevetés, devront délivrer une licence obligatoire. Il est conseillé de délivrer une licence obligatoire pour usage public non commercial, autrement dit une licence d’office, qui ne requiert aucune négociation préalable avec le titulaire du brevet. Afin d’éviter un double paiement de redevances au titulaire du brevet, le Système du Paragraphe 6 prévoit que le pays importateur dispense le titulaire de la licence de payer toute rémunération au cas où le paiement serait déjà effectué dans le pays exportateur. Les PMA et/ou les pays de la CDAA dans lesquels les médicaments concernés ne sont pas brevetés, peuvent tout simplement commander et importer le produit nécessaire conformément aux processus d’approvisionnement habituels. Si les produits sont importés conjointement pour la région, par exemple à travers le SPPS, les Etats membres de la CDAA peuvent exporter librement ces produits vers d’autres Etats membres de la CDAA sans notification particulière, tel qu’autorisé par le Système dans le contexte d’accords commerciaux régionaux, à condition a) qu’il n’y ait pas de brevet en vigueur dans le pays importateur, b) que le pays importateur

11 Promouvoir l’Accès aux technologies médicales et à l’innovation, OMS-OMPI-OMC, Genève 2012, pp. 225-226.

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soit un PMA qui ne fait pas respecter les brevets pharmaceutiques ou c) qu’une licence obligatoire ait été délivrée dans le pays importateur. En dernier lieu, le Système du Paragraphe 6 impose aux membres importateurs de l’OMC de prendre des mesures raisonnables dans la mesure du possible pour empêcher la réexportation des médicaments génériques importés. Il précise que de telles mesures devraient être proportionnées à la capacité administrative de ses membres et aux risques de détournement des échanges commerciaux.

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Les scénarios décrits ci-dessus sont résumés dans le tableau ci-dessous, en fonction du statut de brevet et de l’existence d’une capacité de production dans les pays de la CDAA. Capacité de production pour le

générique A Aucune capacité de production pour le générique A

Médicament A breveté dans un Etat membre de la CDAA (non PMA)

Licence obligatoire pour la production et l’exportation au sein de la CDAA (dérogation régionale du Système du Paragraphe 6)

- Licence obligatoire pour l’importation d’un générique disponible, ou

- Notifications OMC + licence obligatoire pour l’importation (Système du Paragraphe 6)

Médicament A sans brevet dans un Etat membre de la CDAA ou PMA

Pas d’obstacle de brevet pour produire et exporter

- Pas d’obstacle de brevet pour importer le générique disponible

- Notifications OMC au cas où il n’y aurait pas de générique disponible

Production ou importation de génériques dans les pays les moins avancés (PMA) membres de la CDAA. Les pays les moins avancés bénéficient de dispositions transitoires importantes relatives à l’Accord les ADPIC, en vertu de deux décisions du Conseil des ADPIC:

- Une décision de 2002 dispense les PMA membres de l’OMC de l’obligation d’octroyer ou de faire respecter les brevets de produits pharmaceutiques, ou de protéger les données des essais pharmaceutiques, jusqu’au premier janvier 2016.

- Une décision de 2013 dispense les PMA de mettre en œuvre l’ensemble de l’Accord sur les ADPIC jusqu’en juillet 2021 (à l’exception des articles 3, 4 et 5 liés au traitement national et au traitement de la nation la plus favorisée), ou jusqu’à la date où ils cessent d’être un pays moins avancé, la date la plus proche étant retenue.

Comme la décision de 2013 porte sur l’ensemble de l’Accord sur les ADPIC, elle dispense également de facto les PMA de leurs obligations en ce qui concerne la délivrance de brevets pharmaceutiques et la protection des données au moins jusqu’en juillet 2021. Cependant, la décision de 2013 dispense en outre les PMA de faire respecter les brevets déjà octroyés. Dans la pratique, cela veut dire qu’aujourd’hui, un PMA de la CDAA peut importer et/ou produire des versions génériques de tout médicament breveté sur son territoire,

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pour ses propres besoins ainsi que pour l’exportation ou la réexportation à l’intérieur et à l’extérieur du territoire de la CDAA, sans restriction de propriété intellectuelle, comme s’il n’y avait pas de brevet dans le pays. Comment mettre en œuvre les périodes de transition des PMA Les PMA de la CDAA devraient signaler publiquement s’ils ont l’intention d’utiliser les périodes de transition et, si nécessaire, adopter les règlementations appropriées. Cela est important notamment pour dissiper les doutes des producteurs et fournisseurs de médicaments vis-à-vis d’actions possibles en contrefaçon12. Ceci peut s’effectuer de plusieurs façons: (1) L’option la plus simple est la suivante: l’autorité gouvernementale compétente en matière de propriété intellectuelle déclare, par décret ou tout autre outil juridique approprié, que le pays ne fait pas respecter les brevets nationaux ou ARIPO revendiquant un produit pharmaceutique, et ne protège pas non plus les données d’essais pharmaceutiques soumises au cours de l’enregistrement normal des médicaments, jusqu’à la fin de la période de transition conformément à la Décision du Conseil des ADPIC du 27 juin 2002 (IP/C/25). Bien qu’une telle déclaration dispense l’obligation du pays de faire respecter tout brevet ayant été octroyé par l’office national de brevets ou par l’ARIPO, ses effets juridiques sont supposés expirer le 1er janvier 2016 à moins que les PMA membres de l’OMC ne demandent une prorogation supplémentaire de cette dérogation. (2) Une option plus durable pour les PMA de la CDAA est d’apporter un simple amendement à leur loi sur les brevets qui exclura spécifiquement les produits pharmaceutiques de la brevetabilité, suivant l’exemple du Rwanda, de l’Ouganda ou du Cambodge, conformément aux Décisions du Conseil des ADPIC des 27 juin 2002 (IP/C/25) et 11 juin 2013 (IP/C/64). L’un des avantages de cette option est qu’elle restera valable au moins jusqu’en juillet 2021, et peut-être plus longtemps, conformément aux droits des pays les moins avancés de demander des prolongations supplémentaires à la période de transition prévue au paragraphe 1 de l’Article 66 de l’Accord sur les ADPIC.

12 Pour une explication plus détaillée des enjeux de la mise en œuvre de l’extension des PMA, voir: http://www.ictsd.org/bridges-news/bridges-africa/news/the-ldc-medicines-extension-question-contemplating-next-steps

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Utilisation de l’exemption pharmaceutique des ADPIC par les PMA membres de l’ARIPO Plusieurs PMA membres de la CDAA, sont également des Parties contractantes du Protocole de Harare sur les brevets et les dessins industriels dans le cadre de l’Organisation africaine régionale de la propriété intellectuelle (le Lesotho, le Malawi, le Mozambique, la Tanzanie, la Zambie). Pourtant, le Protocole de Harare, qui précède les décisions plus récentes de l’OMC, ne dispense pas ces Parties du traitement des demandes de brevet pharmaceutiques. Tout comme les autres demandes, le Bureau d’ARIPO notifiera les bureaux désignés de son intention d’octroyer des brevets à la demande de brevet pharmaceutique reçue. Par la suite, il est de la responsabilité de chaque Partie contractante de communiquer son objection par écrit concernant l’octroi du brevet, au cas où la loi du pays sur les brevets exclurait les brevets pharmaceutiques. Le fait de ne pas adresser une objection par écrit au Bureau d’ARIPO aura comme conséquence l’octroi d’un brevet pharmaceutique qui s’appliquera à toutes les Parties contractantes n’ayant pas émis d’objection.13 Pour créer la sécurité juridique nécessaire en vue de la production locale ou l’importation de médicaments génériques, il est recommandé que les PMA de la CDAA qui ont exclu les procédés et produits pharmaceutiques de la brevetabilité dans leur loi sur les brevets, informent l’ARIPO que les brevets revendiquant les produits et procédés pharmaceutiques ne sont pas applicables en vertu de la loi du pays. D’après la section 3, sous-section 6 du Protocole de Harare, chaque Etat membre de l’ARIPO peut notifier l’ARIPO par écrit qu’« un brevet n’aura pas d’effet juridique sur son territoire aux motifs que […] en raison de la nature de l’invention, un brevet ne peut pas être enregistré ou octroyé et n’aura pas d’effet en vertu de la loi nationale de cet Etat ». » Le Protocole de Harare évoque ces communications sur les brevets au cas par cas. Cependant, afin d’éviter d’adresser à l’ARIPO une objection écrite pour chaque demande de brevet revendiquant un produit ou un procédé pharmaceutique, il est recommandé aux PMA qui ont exclu les produits pharmaceutiques de la brevetabilité dans leur loi sur les brevets, d’envoyer une communication générale à l’ARIPO leur indiquant que tout brevet revendiquant un procédé ou un produit pharmaceutique n’aura pas d’effet dans le territoire du PMA, aux motifs que de tels brevets sont sans effet d’après la loi nationale en vigueur, du fait de la nature de l’invention. Pour faciliter plus encore la mise en œuvre au niveau régional, les spécialistes du droit ont recommandé que le Protocole de Harare soit révisé pour « exempter le territoire des PMA de l’octroi de tout brevet pharmaceutique. Cela impliquerait que si l’ARIPO octroie des brevets pharmaceutiques, de tels brevets ne s’appliqueront pas dans les PMA. Les PMA qui souhaitent appliquer un brevet ARIPO dans leurs pays 13 Shashikant S. Organisation régionale africaine de la propriété intellectuelle (ARIPO) Protocole sur les brevets: Implications pour l’Accès aux médicaments: Document de recherche 56. South Centre, novembre 2014.

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devrait en informer l’ARIPO dans un délai prévu à partir de la date de réception de la notification de la part d’ARIPO de son intention d’octroyer le brevet ».14

14 Ibid. 9.

SADC DC Member States notify WTO of their intention to use the “Paragraph 6” system as importers (no notification required for SADC LDC Member States)

Insufficient or no manufacturing capacity for Medicine A in SADC

SADC Member States, individually, or jointly through SPPS, notify to WTO the names and expected quantities of Medicine A needed + lack or insufficient capacity to produce Medicine A + intention to grant CL if patent in force.

Notifications of Medicine A needs trigger grant of CL in exporting country (e.g. India) specifically for production and export to address SADC needs of Medicine A

SADC Member State, where Medicine A not patented, produces and exports Generic A

SADC LDC Member State, not granting and/or enforcing patents (TRIPS LDC transition periods) produces and exports Generic A

SADC Member State, where Medicine A patented, issues CL/GU to produce and export Generic A to SADC countries (regional waiver Para 6)

OR OR

OR

OR

SPPS imports from generic manufacturer in e.g. India and re-exports to SADC countriesSADC DC, where Medicine

A patented, issues CL/GU to import Generic A (no remuneration required if paid in country of production)

SADC LDC Member State “may simply indicate an intent to use the extended transition period under the TRIPS Agreement” to import Generic A

SADC Member State, where Medicine A not patented, imports Generic A

Production capacity for Medicine A available in SADC

Generic A readily available outside SADC

Medicine A is not available or too expensive from Originator Company in

one or several SADC Member State