Approche de Rimbaud

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jacques chocheyras

approche de

rimbaud

ellug 1984

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PUBLICATIONS DE L'UNIVERSITÉ DES LANGUES ET LETTRES DE GRENOBLE

L'Université des Langues et Lettres de Grenoble publie annuellement quatre volumes réalisés par le Centre de Recherche sur l'Edition et l'Atelier de Polycopie de l'Université. Ces ouvrages sont tirés à 400 exemplaires et diffusés par le C.I.D. (131, bd St Michel, 75005 Paris).

Parus :

La «Lutetiae Descriptio» de Knobelsdorf (1543), éd. critique d'O. Sauvage (1978). Le Surréalisme dans le Texte, ouv. coll. sous la dir. de D. Bougnoux et J.C. Gateau

(1978). Childhood and Adolescence in the Novels of L.P. Hartley, par M. Curcuru (1978). <rLa Nef des Folles» de Josse Bade, éd. critique de Ch. Béné, trad. d'O. Sauvage (1979). Une lecture de la deuxième version de «La Jeune Fille Violaine», par J. Le Hir (1979). John Galt, romancier écossais, par H. Gibault (1979). Benjamin Constant : L'Affaire Regnault, par R. Bourgeois (1979). Recherches sur la prosodie du français, ouv. coll. présenté par V. Lucci (1979). Unités et Catégories grammaticales, par D. Creissels (1979). Labialité et Phonétique, ouv. coll. présenté par Ch. Abry (1980). L'Information culturelle, par B. Guyot (1980). Stendhal : Chroniques pour l'Angleterre, introduction et commentaires: :K.G. McWatters,

traduction et annotations : R. Dénier, Tome I, année 1822 (1980). Tome II, 1823- 1824 (1982). Tome III, 1825-26 (1983).

Êcosse : Littérature et Civilisation, ouv. coll. présenté par H. Gibault (1980). Essais sur le Dialogue, ouv. coll. présenté par J. Lavédrine (1980). Esthétique de l'Animation culturelle, par J. Caune (1981). Recherches en Didactique du Français, ouv. coll. du Centre de Didactique du Français,

présenté par M. Dabène (1981). € The Minstrel» de James Beat tie, éd. critique par P. Morère (1981). Langues et Migrations, ouv. coll. présenté par L. Dabène (1981). Le désir et ses masques, par J. Chocheyras (1982). Aspects de la culture italienne sous le fascisme, ouv. coll. présenté par M. David (1982). Ondes de choc, par C. Collin, en co-édition avec les éd. L'Harmattan (1982). Éléments de grammaire de la langue mandinka, par D. Creissels (1983). Étude phonétique du français contemporain à travers la variation situationnelle, par

V. Lucci (1983). « The Wits » de Sir William D'Avenant, éd. critique de R. Blattès (1983). Regards sur le Ille Reich, par U. Bernard (1983). Le voyage austral, Équipe de recherche sur le voyage, présenté par J. Chocheyras (1983). Alvaro Florez Estrada, par Charles Lancha (1984). Novecento : le renouveau culturel italien, ouv. coll. (1984). Interactions, ouv. coll. du Centre de Didactifififl̂ KFrançais (1984). Approche de Rimbaud, par J. Chocheyras (t9j4)V \̂ - A paraître en 1985 :

Chroniques pour l'Angleterre, t. IV.

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AVANT-PROPOS

L'ouvrage que l'on va lire ne se veut en aucune façon un discours supplé- mentaire sur Rimbaud, mais bien plutôt un parcours qui tente de suivre l'itinéraire intérieur de Rimbaud, en se laissant guider par sa propre voix. Celle du présentateur a été réduite au strict minimum ; il ne s'agit donc pas d'un commentaire comme celui, d'ailleurs inspiré, d'Yves Bonnefoy dans Rimbaud par lui-même.

Notre hypothèse de travail est celle de l'unité profonde de la personnalité de Rimbaud, comme être humain, de son enfance à sa mort, unité qui pour- rait être parfaitement caractérisée par le vers fameux de Baudelaire : « Au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau ». Comme les explorateurs de ses livres d'enfant. De ce point de vue, la poésie de Rimbaud, ou plus exactement son œuvre dite littéraire, ne nous paraît qu'un accident, miraculeux pour nous. Exactement comme le sera son grand rêve africain, elle n'est pour lui qu'une entreprise, abandonnée au moment où elle aurait pu porter ses fruits, tentative de conquête de l'or et de la gloire beaucoup plus que quête de l'absolu. Dans cette tentative constamment malheureuse pour conquérir l'une ou l'autre, un Mallarmé ou un Henry de Monfreid, chacun dans leur domaine, réussiront beaucoup mieux que lui, parce qu'ils choisiront résolu- ment l'un le conformisme, l'autre l'anticonformisme social tandis que Rim- baud, lui, se trompera à chaque fois de démarche — pour notre bonheur et pour son malheur. Conrad, dans le même temps, gagnera successivement sur les deux tableaux, celui de l'aventure et celui de la littérature.

Sur tentative mercantile — ou, si l'on veut coloniale et bourgeoise — Rimbaud révèle à peu près tout en clair dans sa correspondance (que nous considérons comme une partie intégrante de son œuvre) sauf peut-être qu'en croyant rechercher la fortune, en fait, c'était toujours, à son insu, l'Eden qu'il recherchait et, pour pouvoir y entrer, l'expiration dans les flammes de cette fournaise des fautes que son éducation chrétienne indélébile lui faisaient considérer comme des vices rédhibitoires.

Sur sa tentative poétique, en revanche, nous ne sommes pas d'accord avec ceux qui voudraient prendre littéralement les termes de la lettre du

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Voyant. Beaucoup plus que de sensations nouvelles, il s'agit - déjà — de forger une langue poétique nouvelle. Seulement Rimbaud, malgré son génie, était prisonnier de son temps. Il n'avait pas lu Jakobson et traduisait spon- tanément en termes de sensations ce qu'il concevait parfaitement en termes de langage.

Ces réflexions liminaires n'ont d'autre but que d'éclairer le parti que nous avons pris, qui ne se pique pas d'objectivité et dont la subjectivité fait peut- être au contraire le seul intérêt. Dans une première partie, nous avons fait alterner librement trois types de textes, à savoir des extraits de lettres de Rimbaud (exceptionnellement d'autres correspondants), des lignes extraites de l'ouvrage sur la guerre de 1870 de Paul et Victor Margueritte, et des poèmes choisis librement pour pouvoir jouer avec les textes précédents. Nous avons intitulé pour cette raison cette partie : Contrepoint. Une deuxième partie est consacrée à une étude du cheminement de Rimbaud dans sa tentative pour aller aussi loin que possible dans l'élaboration d'un nouveau langage poétique. Chaque poème étudié l'est donc non pour lui-même, mais comme un jalon dans cet itinéraire qui va pour nous de « Sensation » à « Aube », qui traitent des mêmes thèmes avec des moyens entièrement différents. La troisième partie, enfin, sous le titre du fameux « 0 saisons, o châteaux », regroupe des extraits de lettres écrites de 1877 à sa mort, avec, en contrepoint, les jalons de la carrière parallèle de ses œuvres, quelques faits marquants, et quelques voix étrangères.

A chacun ensuite de rêver sur cette destinée, et sur cette voix qui n'a pas fini de nous parler.

Jacques Chocheyras

N.B. Les citations renvoient aux Oeuvres Complètes éditées par Antoine Adam, la Pléiade, Gallimard, 1972 (noté o.c. dans les références), ou à : Paul et Victor Margue- ritte, Histoire de la guerre de 1870-71, 2ème éd., Paris, Hachette, 1917 (noté Margueritte dans les références). Les poèmes de Rimbaud sont la reproduction en fac simile de l'édition du Club Français du Livre : Arthur Rimbaud 1854-1891, de 1949.

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PREMIERE PARTIE CONTREPOINT

Car on ne découvre que ce qui existe, ce qui est là. Mais qu 'on ne voyait pas.

Christian Zimmer

Le mystère, le rêve, viennent de la précision du regard. Le rêve doit sortir d'une réalité précise.

André Dhotel

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17 novembre 1869 : Inauguration du canal de Suez.

Charleville, Ardennes, le 24 mai 1870

A Monsieur Théodore de Banville

Cher Maître,

Nous sommes aux mois d'amour, j'ai presque dix-sept ans. L'âge des espérances et des chimères, comme on dit - et voici que je me suis mis, enfant touché par le doigt de la Muse -, pardon si c'est banal, - à dire mes bonnes croyances, mes espérances, mes sensations, toutes ces choses des poètes - moi j'appelle cela du printemps. (...)

Dans deux ans, dans un an peut-être, je serai à Paris. (...)

Arthur Rimbaud (o.c. p. 236)

SENSATION Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers, Picoté par les blés, fouler l'herbe menue : Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds. Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien : Mais l'amour infini me montera dans 1 âme, Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien, Par la Nature, — heureux comme avec une femme.

20 avril 1870.

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« La France, à cette époque, commençait à se réveiller à peine d'une longue torpeur. Depuis dix-huit ans elle s'etait laissée vivre, elle somnolait, confiante, aux mains qui l'avaient prise (...)• Elle savourait encore le tri- omphe qu avait été l'Exposition de 1867 (1) (...). Enrichie et ne rêvant que richesses, la grande majorité de la population des villes et des campagnes s en remettait, satisfaite, à la déclaration du maître : « L'Empire, c est la paix » (...). Le 30 juin, Emile Ollivier déclare à la tribune : « A aucune epoque, le maintien de la paix en Europe n'a paru plus assuré ». Silence tragique avant l'orage.

Pourtant sa menace couvrait l'horizon, on la voyait, on la signalait de toutes parts (...). C'est que Bismarck pense le moment venu de couronner son édifice (...). L'Espagne est à la recherche d'un prince à qui offrir sa couronne ; elle déniche un Hohenzollern, qui accepte Et dès le 6 juillet, coupant toute retraite, la voix de Gramont lance bien aut, à la tribune, les mots voulus par l'Empereur (...) : « Forts de votre appui, messieurs, et de celui de la nation, nous saurions remplir notre devoir, sans hésitation ni faiblesse... » » (Margueritte, pp. 1, 2, 9, 10 et 11).

A LA MUSIQUE Place de la Gare, (1 Charlcville.

Sur la place taillée en mesquines pelouses, Square où tout est correct, les arbres et les fleurs, Tous les bourgeois poussifs qu'étranglent les chaleurs Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.

— L'orchestre militaire, au milieu du jardin, Balance ses schakos dans la Valse des fifres : — Autour, aux premiers rangs, parade le gandin ; Le notaire pend à ses breloques à chiffres.

Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs : Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames Auprès desquelles vont, officieux cornacs, Celles dont les volants ont des airs de réclames ;

(1) Ajoutons-y l'inauguration en 1869 du canal de Suez, qui ouvrait au commerce la route des Indes et allait donner un essor considérable au port de Marseille. (J.C.)

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Sur les bancs verts, des clubs d'épiciers retraités Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme, Fort sérieusement discutent les traités, Puis prisent en argent, et reprennent : « En somme!... »

Epatant sur son banc les rondeurs de ses reins Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande, Savoure son onnaing d'où le tabac par brins Déborde — vous savez, c'est de la contrebande ; —

Le long des gazons verts ricanent les voyous ; Et, rendus amoureux par le chant des trombones, Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious Caressent les bébés pour enjôler les bonnes...

— Moi, je suis, débraillé comme un étudiant, Sous les marronniers verts les alertes fillettes : Elles le savent bien ; et tournent en riant, Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.

Je ne dis pas un mot : je regarde toujours La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles : Je suis, sous le corsage et les frêles atours, Le dos divin après la courbe des épaules.

J'ai bientôt déniché la bottine, le bas... — Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres. Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas... — Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres...

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« Le 18 juillet, à Berlin, notre ambassade dénonce officiellement l'état de guerre » (Margueritte, p. 15).

« Je vois encore son haussement d'épaules devant le grand mouvement chauvin qui accueillit la déclaration de guerre » (Delahaye, in o.c., p. 857, note 1).

A Paris, « aux gares de départ, une foule enivrée se mêlait, braillarde, aux soldats ivres (...). Les voies ferrées, encombrées des transports tumultueux de l'active, étaient sillonnées, en tous sens de (...) détachements de réserve, lâchés à eux-mêmes, avinés souvent (.A Trop de remplaçants, de déshérités, de la fortune et de l'esprit (...). Déjà l'indiscipline. Une masse flottante d'isolés encombre les gares, on voit à Châlons des zouaves danser, ivres, sur les toits des wagons (...) ».

« Wissembourg (4 août) : Par ce bleu matin d'août, (les) troupes en pleine sécurité se réveillent, vaquent aux corvées, font la soupe (...) ».

« Woerth (6 août) ... ) : Sur la barre d'eau du Sauerbach, le gros bourg de Woerth, dont on n a pas même fait sauter le pont. Son clocher reluit au soleil, avec ses faïences vertes. »

« Forbach (6 août) (...) : Forbach est tourné sur la gauche, le flot ennemi monte toujours, bat sauvagement ces falaises escarpées et ces bois, où nos soldats se font tuer » (Margueritte, pp. 15, 19, 24, 28, 31, 33, 36, 43 et 45- 46).

6 août : date fixée pour la distribution des prix au collège de Charleville (Adam, o.c., p. 1068).

Rezonville (16 août) - Saint-Privas (18 août) (...) : « Ces deux grandes journées (...) sont les deux plus meurtrières de la guerre (.A 12.000 Français et 20.000 Allemands jonchaient le sol » (Margueritte, pp. 53 et 64).

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LE MAL

Tandis que les crachats rouges de la mitraille Sifflent tout le jour par l'infini du ciel bleu; Qu'écarlates ou verts, près du Roi qui les raille, Croulent les bataillons en masse dans le feu ;

Tandis qu'une folie épouvantable, broie Et fait de cent milliers d'hommes un tas fumant; — Pauvres morts! dans l'été, dans l'herbe, dans ta joie, Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement!... —

— Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées Des autels, à l'encens, aux grands calices d'or; Qui dans le bercement des hosannah s'endort,

Et se réveille, quand des mères, ramassées Dans l'angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir, Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir!

? Le 7 août, « le maréchal (Bazaine), la route de Verdun coupée, compte s'élever par le Nord, demande des approvisionnements sur la ligne des Ar- dennes Le sort en était jeté. L armée de Châlons, le 23 août, sous la pluie, commençait cette lente et douloureuse marche, qui allait aboutir au gouffre fatal, à l'entonnoir de Sedan » (Margueritte, pp. 66-68).

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Monsieur Georges Izambard Charleville, 25 août 70 29, rue de l'Abbaye-des-Prés Douai (Nord)

Très pressé.

Monsieur,

Vous êtes heureux, vous, de ne plus habiter Charleville 1 - Ma ville natale est supérieurement idiote entre les petites villes de province. Sur cela, voyez- vous, je n'ai plus d'illusions. Parce qu'elle est à côté de Mézières, - une ville qu'on ne trouve pas, - parce qu'elle voit pérégriner dans ses rues deux ou trois cents de pioupious, cette benoîte population gesticule, prudhommesque- ment spadassine bien autrement que les assiégés de Metz et de Strasbourg ! C'est effrayant, les épiciers retraités qui prennent l'uniforme ! C'est épatant, comme ça a du chien, les notaires, les vitriers, les percepteurs, les menuisiers, et tous les ventres qui, chassepot au cœur, font du patrouillotisme aux portes de Mézières ; ma patrie se lève !... Moi, j'aime mieux la voir assise ; ne remuez pas les bottes ! c'est mon principe.

Je suis dépaysé, malade, furieux, bête, renversé ; j'espérais des bains de soleil, des promenades infinies, du repos, des voyages, des aventures, des bohémienneries enfin ; j'espérais surtout des journaux, des livres... Rien ! Rien ! Le courrier n'envoie plus rien aux libraires ; Paris se moque de nous joliment : pas un seul livre nouveau ! C'est la mort ! Me voilà réduit, en fait de journaux, à l'honorable Courrier des Ardennes (...) ! Ce journal résume les aspirations, les vœux et les opinions de la population : ainsi jugez ! c 'est du propre !... On est exilé dans sa patrie !!!

(...) Je vous envoie des vers : lisez cela un matin, au soleil, comme je les ai faits : vous n'êtes plus professeur, maintenant, j'espère !...

J'ai les Fêtes galantes de Paul Verlaine, un joli in-12 écu. C'est fort bizarre, très drôle, mais vraiment, c'est adorable (...). Achetez, je vous le conseille, La Bonne Chanson, un petit volume de vers du même poète : ça vient de paraître chez Lemerre, je ne l'ai pas lu : rien n'arrive ici ; mais plusieurs journaux en disent beaucoup de bien (...).

A. Rimbaud

P.S. A bientôt, des révélations sur la vie que je vais mener après... les va- cances...

(o.c. pp. 238-240)

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« Bazeilles (31 août) — Sedan (1er septembre) — La capitulation (2 sep- tembre (...)

Moltke voit la première armée de la France rejetée en désordre contre une faible place, acculée à la frontière belge. Il (...) hâte alors en liberté (...) le mouvement tournant du Prince Royal, qui déjà, de l'autre côté de Sedan, atteint la Meuse, va pouvoir couper (...), entre rivière et frontière, le seul chemin de retraite qui reste encore, l'étroite route de Mézières... (...).

Il faut dépeindre ce décor ensoleillé du drame, ce coin verdoyant et paisible : Sedan, ses maisons jaunes, ses remparts vieillots (...) » (Margueritte, pp. 71 et 76).

5 septembre 1870 : Hugo rentre en France après dix-neuf ans d'exil. La première édition française des Châtiments est mise en vente. On en donne lecture publique au théâtre de la Porte-Saint-Martin.

Monsieur Georges Izambard, Paris, 5 septembre 1870 A Douai

Cher Monsieur,

Ce que vous me conseilliez de ne pas faire, je l'ai fait : je suis allé à Paris, quittant la maison maternelle ! J'ai fait ce tour le 29 août.

Arrêté en descendant de wagon (2) pour n'avoir pas un sou et devoir treize francs de chemin de fer, je fus conduit à la préfecture (3), et, aujour- d'hui, j'attends mon jugement à Mazas (4). Oh ! - J'espère en vous comme en ma mère ; vous m'avez toujours été comme un frère (...).

Je vous aime comme un frère, je vous aimerai comme un père. Je vous serre la main.

Votre pauvre Arthur Rimbaud.

à Mazas

(et si vous parvenez à me libérer, vous m'emmènerez à Douai avec).

(o.c. p. 240) (2) Le 31 août. (J.C.) (3) De police. (J.C.) (4) « Prison cellulaire construite à Paris de 1845 à 1850, sur le boulevard Mazas (ainsi nommé en souvenir du colonel Mazas, dit le Brave), aujourd'hui boulevard Diderot. Elle fut démolie en 1898 et ses services ont été transférés à Fresnes (Seine) » (Larousse universel, tome second, 1949, p. 173). (J.C.)

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APPROCHE DE RIMBAUD

Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées...

Laissons-nous guider par la voix de Rimbaud lui- même — à travers ses poèmes comme à travers sa cor- respondance — pour suivre son itinéraire intérieur.

Ainsi se dégagera l'unité profonde de sa personna- lité.

C'est ce que nous propose l'auteur, Jacques Chocheyras, Professeur de français à l'Université des Langues et Lettres de Grenoble.

I.S.B.N. 2 902709 36 6

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