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Océanis • vol. 24 no 2 • 1998 • p. 81-150
Apports de la télédétection spatiale
de la « couleur de l’océan »
à l’océanographie
David Antoine
Laboratoire de physique et chimie marines (LPCM)Université Pierre et Marie Curie, Paris 6, et CNRS/INSU
quai de la Darse, BP 806238 Villefranche-sur-Mer cedex
Mots clés : couleur de l’océan, luminance, réflectance, absorption, dif-fusion, bio-optique, phytoplancton, chlorophylle, pigments, productionprimaire, aérosols, biogéochimie, cycle du carbone, télédétection, satel-lites, radiométrie
RésuméLes utilisations scientifiques des données d’observation de la terre depuisl’espace sont en plein essor, comme le montre le très vaste champ d’ap-plications que ces techniques ont ouvert ou ont contribué à développer,en permettant l’accès aux mesures de nombreux « paramètres géophy-siques » (vent, température de l’océan, hauteur dynamique, houles, ma-rées, paramètres atmosphériques, bilans radiatifs, concentration en chlo-rophylle de l’océan). La fréquence élevée et le caractère synoptique desobservations spatiales en font un élément indispensable aujourd’hui pourune appréhension globale du fonctionnement de l’océan et plus géné-ralement de la planète terre. Ici, nous parlerons de l’observation de lacouleur de l’océan, qui est la technique permettant de quantifier l’abon-dance du phytoplancton. Nous verrons en premier lieu quel est l’inté-rêt de la télédétection de la couleur de l’océan pour les océanographes,puis nous examinerons les causes de variation de cette couleur. Ensuitele principe de l’observation satellitaire de la couleur de l’océan, qui né-cessite la mise en œuvre d’une algorithmique complexe, dont le rôle estde passer d’une mesure de rayonnement (dans certaines régions choi-sies du spectre électromagnétique) au paramètre géophysique recher-ché, sera abordé. Enfin, l’importance de la télédétection de la couleur de
Océanis ISSN 0182-0745 © Institut océanographique 2000
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l’océan pour l’océanographie sera illustrée par des exemples d’applica-tion.
Contributions to oceanography of ocean colourremote-sensing from space
Keywords : ocean colour, radiance, reflectance, absorption, scattering,bio-optics, phytoplankton, chlorophyll, pigments, primary production,aerosols, biogeochemistry, carbon cycle, remote-sensing, satellites, ra-diometry
AbstractScientific uses of data relating to the observation of the Earth from spaceare in full stride as shown by the broad spectrum of applications thatthese techniques have initiated or contributed to. They have made pos-sible the measurement of numerous "geophysical parameters" (wind,ocean temperature, dynamic height, swells, tides, atmospheric parame-ters, radiation balances,ocean chlorophyll concentration). The high fre-quency and synoptic nature of the observations from space today makethem an essential element for the global understanding of ocean be-haviour, and more generally of the planet Earth. We discuss here the ob-servation of ocean colour, a technique which allows the quantificationof phytoplankton abundance.
After considering why remote-sensing of ocean colour is of interestto oceanographers, we examine the causes of colour variation.Thenwe investigate the principle behind the observation of ocean colour bysatellites, a process requiring the development of a complex algorithmwhich serves to move from a radiation measurement (in selected regionsof the electromagnetic spectrum) to the desired geophysical parameter.Finally, the importance of ocean colour remote-sensing to oceanographywill be illustrated by examples of some applications.
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Table des symboles
(voir aussi Morel & Smith, 1982)
Indices utilisés pour les coefficients :
w eau de mer pure
� phytoplancton
p particules (totales)
nap particules non algales
ds substances dissoutes
Symbole Définition Unité
a Coefficient total d’absorption : absorptance d’une couche
infinitésimale du milieu considéré, perpendiculaire au
rayon incident, et divisée par l’épaisseur de la couche (ab-
sorptance : rapport du flux radiatif perdu par absorption
au flux incident)
m−1
a* Coefficient spécifique d’absorption : coefficient d’absorp-
tion par unité de concentration
m2·mg−1
�(�) Coefficient angulaire de diffusion m−1·sr−1
�̄(�) Coefficient angulaire de diffusion normalisé �(�)/b :
(« fonction de phase », également notée �̃(�))
sr−1
b coefficient total de diffusion, avec
b = 2�∫ �0 �(�) sin(�) d� : « scatterance » d’une couche in-
finitésimale du milieu considéré, perpendiculaire au rayon
incident, et divisée par l’épaisseur de la couche (scatte-
rance : rapport du flux radiatif perdu par diffusion au flux
incident)
m−1
c Coefficient d’atténuation (c = a + b) m−1
b* Coefficient de diffusion spécifique : coefficient de diffusion
par unité de concentration
m2·mg−1
bb Coefficient de rétrodiffusion :∫ �
�/2 �(�) m−1
b̃b Probabilité de rétrodiffusion, c’est-à-dire bb/b
Chl Concentration en pigments chlorophylliens (chlorophylle) mg·m−3
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Symbole Définition Unité
Ed, Eu Éclairements descendant et ascendant : intégrale
des luminances (tenant compte de leurs angles
zénithaux) sur l’hémisphère inférieur (supérieur)
Ed = ∫ 2�0
∫ �/20
L(�, �) sin(�) cos(�) d�d�,
Eu = ∫ 2�0
∫ ��/2 L(�, �) sin(�) cos(�) d�d�.
W·m−2
Ed(0+) Éclairement solaire descendant juste au-dessus de la surface
océanique, Ed(0+) = �cF0�0T, où �c est fonction de
l’excentricité de l’orbite terrestre, �0 est le cosinus de
l’angle solaire, et T la transmission atmosphérique.
W·m−2
Ed(0−) Éclairement solaire descendant juste au-dessous de la sur-
face océanique Ed(0−) = Ed(0+)1−�̄
1−r̄R
W·m−2
FL,� et f Facteur reliant la réflectance R aux propriétés optiques
inhérentes (voir Eq. (2)).
F0 Éclairement solaire incident, hors de l’atmosphère W·m−2
F′0
F0 après deux traversées de l’atmosphère W·m−2
� Rapport de la diffusion moléculaire à la diffusion totale
bw/b
Kd Coefficient d’atténuation diffuse pour Ed :
Kd = −d[ln(Ed(z))]/dzm−1
L Luminance : flux radiatif dans une certaine direction, par
unité d’angle solide et par unité de surface projetée. In-
dices utilisés : T : luminance totale, u : luminance ascen-
dante juste sous la surface de l’océan, w : luminance émer-
geant de l’océan, avec Lw = Lu1−�F
n2 , R : luminance due
à la diffusion Rayleigh, A : luminance due à la diffusion
par les aérosols, RA : luminance due aux diffusions cou-
plées molécules-aérosols, G : luminance due à la réflexion
spéculaire, F : luminance due à l’écume et aux moutons
W·m−2·sr−1
[L]N Luminance normalisée (luminance telle qu’elle serait obser-
vée au nadir, sans atmosphère, et quand le soleil est au zé-
nith et à sa distance moyenne de la terre)
W·m−2·sr−1
Longueur d’onde nm
n Indice de réfraction : n sin(�) = n′ sin(�′) ou � et �′ sont les
directions de propagation dans chacun des 2 milieux, et net n′ leurs indices de réfraction respectifs
P(±,) Fonction de phase (notation utilisée pour l’atmosphère,
indices R ou A, respectivement pour les molécules ou les
aérosols)
Q Rapport Eu/Lu sr
R Réflectance (Eu/Ed)
R(�) Facteur rendant compte des effets de réflexion et de réfrac-
tion à la surface océanique R(�) =[
(1−�̄)(1−r̄R)
(1−�F(�))
n2
]
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Symbole Définition Unité
�F(�,) Coefficient de réflexion interne (Fresnel) de la surface océa-
nique, pour la longueur d’onde , et l’incidence �
�̄ Moyenne du coefficient de réflexion pour la surface océa-
nique, pour tous les angles (environ 0,06)
r̄ Réflexion moyenne à l’interface air-mer pour l’éclairement
ascendant
t(�) Transmitance diffuse de l’atmosphère (rapport entre la lu-
minance mesurée dans une certaine direction � au sommet
de l’atmosphère et la luminance dans cette même direction
mais juste au-dessus de la surface océanique).
� épaisseur optique (� = c l, où l est la longueur géométrique)
� Exposant de la loi de Jünge
�0 ou �s Angle zénithal du soleil (�0 ou �s pour les cosinus)
� ou �v Angle zénithal de visée du satellite (� ou �v pour les
cosinus)
� Différence azimutale entre le plan vertical contenant le
soleil et le point observé et le plan contenant ce point et
le satellite
± cos ± = ± cos �0 cos � − sin �0 sin � cos �
�() Albédo en simple diffusion (indices R et A, pour les molé-
cules et les aérosols, respectivement), appelé aussi probabi-
lité de survie du photon, �̄ = b/c
Z90 Profondeur de pénétration (Z90 ≈ 1/Kd) m
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1. Introduction
Le but de cet article est de sensibiliser les étudiants de DEA d’océanogra-
phie à un domaine particulier de la télédétection spatiale, à savoir la télédé-
tection de la « couleur de l’océan », et à ses apports à l’océanographie. Aussi
ne s’attendra-t-on pas à trouver ici une dissertation détaillée ou exhaustive sur
la « couleur de l’océan », sa mesure, et tous les aspects possibles de ses appli-
cations, mais plutôt un panorama rapide de ces sujets, destiné à guider une
lecture plus approfondie. En particulier, la plupart des aspects liés aux instru-
ments de mesure eux-mêmes (type de plate-forme satellitaire, orbitographie,
type d’instrument, nombre, position et largeur des bandes spectrales, calibra-
tions radiométriques, positionnement des pixels, etc.) ont été écartés. Lorsque
des équations sont données, elles le sont à titre d’exemple, étant entendu qu’en
général, il en existe d’autres pour décrire le processus en question.
L’observation de la terre depuis l’espace, principalement dans l’espoir d’amé-
liorer la prévision météorologique, a débuté il y a environ 30 ans. Son introduc-
tion en océanographie est un peu plus récente (environ 20 ans), et, dans le do-
maine qui nous intéresse plus particulièrement, la télédétection de la « couleur
de l’océan », elle a débuté avec le lancement en 1978 du capteur expérimental
Coastal Zone Color Scanner (CZCS) sur le satellite américain Nimbus 7. Cet
instrument, dont le rôle était de quantifier la concentration en chlorophylle
dans l’océan, a fonctionné pendant 8 ans, au lieu d’une seule année comme
prévu initialement, et a donc fourni une image totalement nouvelle de la ré-
partition dans l’océan des concentrations en phytoplancton. Ce capteur, avec
d’autres, contribua à démontrer l’intérêt des techniques spatiales pour l’océa-
nographie. On ne peut maintenant que constater le très vaste champ d’appli-
cations que ces techniques ont ouvert ou ont contribué à développer, en per-
mettant l’accès aux mesures de nombreux « paramètres géophysiques » (vent,
température de l’océan, hauteur dynamique, houles, marées, paramètres atmo-
sphériques, bilans radiatifs, concentration en chlorophylle de l’océan). La fré-
quence élevée et le caractère synoptique des observations spatiales en font un
élément indispensable aujourd’hui pour une compréhension globale du fonc-
tionnement de l’océan et plus généralement de la planète. Dans les sections
suivantes, nous verrons en premier lieu quel est l’intérêt de la télédétection
de la couleur de l’océan pour les océanographes, puis nous examinerons les
causes de la variation de cette couleur. Nous aborderons ensuite le principe
de l’observation satellitaire de la couleur de l’océan, qui nécessite la mise en
œuvre d’un algorithme complexe, dont le rôle est de passer d’une mesure de
rayonnement (dans certaines régions choisies du spectre électromagnétique) au
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paramètre géophysique recherché. Puis l’importance de la télédétection de la
couleur de l’océan pour l’océanographie sera illustrée par des exemples d’ap-
plication. Nous finirons par une vue rapide des instruments utilisés dans ce
domaine.
2. Pourquoi les océanographes s’intéressent-ils à la « couleur del’océan » ?
Avant même de définir la « couleur de l’océan » et comment le phytoplancton et
ses éléments associés la modifient, nous allons brièvement examiner pourquoi
la connaissance de ce phénomène, son observation à grande échelle à partir de
l’espace et la quantification de la biomasse phytoplanctonique qu’elle permet
ont beaucoup apporté à l’océanographie.
D’une part, le phytoplancton (figure 1) est le premier maillon de la chaîne
alimentaire marine, et de son abondance dépend le développement des éche-
lons supérieurs (figure 2). La compréhension du fonctionnement des écosys-
tèmes marins et la quantification des échanges et flux entre leurs différents
compartiments (phytoplancton, zooplancton, détritus, etc.) requiert au moins
une bonne quantification du compartiment phytoplanctonique. En outre, les
principales zones de pêche mondiale se situent dans des régions de forte pro-
duction phytoplanctonique, qu’il convient donc de connaître au mieux.
D’autre part, ces algues photosynthétiques créent de la matière organique
grâce à l’énergie radiative du soleil, en fixant du CO2 dissous et des éléments
nutritifs présents dans l’eau de mer ; ce processus s’accompagne d’une produc-
tion d’oxygène (figure 2). Cette matière est en partie exportée vers les couches
profondes et vers les sédiments du plancher océanique. Dans un laps de temps
suffisamment long, on peut considérer qu’il en résulte un flux de CO2 de l’at-
mosphère vers le fond des océans. C’est ce que l’on appelle la « pompe biolo-
gique », dont l’effet s’ajoute à celui, en général plus important, de la « pompe
de solubilité » qui décrit les transferts de CO2 dus aux changements de sa solu-
bilité dans des eaux de températures différentes. D’autres éléments chimiques
que le CO2 sont associés aux processus de la pompe biologique. On com-
prend alors l’importance du phytoplancton dans la régulation des gaz atmo-
sphériques et des espèces chimiques présentes dans l’océan. La connaissance
de la répartition mondiale et des variations temporelles des concentrations en
phytoplancton est un passage obligatoire pour une étude approfondie du cycle
océanique du carbone et des éléments associés.
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Enfin, c’est bien sûr l’aspect synoptique des observations satellitaires et leur
haute fréquence d’acquisition qui rendent la télédétection de la « couleur de
l’océan » si attrayante pour l’étude des phénomènes océaniques, la plupart
étant très variables tant dans leur distribution spatiale que dans leur évolution
temporelle. Le phytoplancton, détecté à partir de l’espace, est un excellent
« traceur » de ces mouvements, sauf dans le cas d’un développement très rapide
de la population algale.
3. Qu’est-ce que la « couleur de l’océan » ?
3.1. La réflectance
Chacun a pu observer des variations de la couleur de la mer, allant du bleu
par beau temps au gris sous un épais couvert nuageux. Cet aspect rend surtout
compte de la réflexion de l’éclairement solaire et de la voûte céleste sur la
surface de la mer. La « couleur de l’océan » qui nous intéresse ici sera mieux
observée si l’on s’affranchit de ces effets (en se mettant sous la surface de
l’eau, par exemple), et changera alors du bleu indigo au vert foncé voire
brunâtre. L’œil humain a cependant une réponse spectrale bien particulière
et une sensibilité chromatique extrême, et le paramètre océanographique
« couleur de l’eau » sera plus précisément défini comme les variations spectrales
(variations avec la longueur d’onde considérée, notée ) de la réflectance diffuse
des couches océaniques supérieures, notée R() (cf. table des symboles). La
réflectance R() est elle-même le rapport entre l’éclairement ascendant qui
émerge juste sous la surface de l’eau, Eu(), à l’éclairement descendant y
pénétrant, Ed().
R() = Eu()
Ed()(1)
Il suffit de savoir que les variations de R() sont dues aux diverses substances
dissoutes ou particules en suspension dans l’eau, et également à l’eau de mer
elle-même, pour comprendre alors que par des méthodes d’inversion on pourra
obtenir des informations sur les propriétés ou les concentrations de ces divers
« additifs » à l’eau de mer à partir des mesures de R (mesures à des longueurs
d’onde discrètes ou bien sur tout le spectre visible, de 400 nm à 700 nm
environ). C’est bien sûr cette possibilité qui a conduit les océanographes à
s’intéresser à la couleur de l’océan.
Avant de poursuivre sur les causes de variations de la couleur de l’océan,
précisons tout d’abord que nous ne nous intéresserons dans cet article qu’aux
eaux dites du Cas 1 (Morel & Prieur, 1977), à savoir les eaux généralement
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Figure 1 — Cellules phytoplanctoniques de diverses espèces. En haut : images par mi-croscopie électronique à balayage (grossissement 3 500 environ) de cellules de l’ordre desCoccolithophorales, qui ont pour caractéristique principale de générer un squelette externeformé de plaques calcaires, les coccolithes. Deux genres sont montrés ici : Pontosphaera (àgauche, numéro 457), et Discolithina (à droite, numéro 458). En bas : colonie de Chae-toceros diadema, de l’ordre des Diatomées qui, elles, sécrètent des parties dures siliceuses.Ces deux genres sont à l’origine d’une très grande partie des sédiments marins (les falaisesde craie des côtes nord-est de la Manche sont des accumulations de coccolithes du Secon-daire). Source : Atlas du phytoplancton marin (En haut : Chrétiennot-Dinet , 1990. Enbas, Ricard, 1987).
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CYCLE DE LA MATIÈRE VIVANTE
PRODUCTION I
PRODUCTION IIRÉGÉNÉRATION
phytoplancton
CO2 O2
sels nutritifs
décomposeurs
détritusmatière organiquedissoute carnivores 2
carnivores 1
omnivores
herbivores
détrivivores
consommateursde bactéries
Figure 2 — Représentation schématique du cycle de la matière dans l’océan, dans laquelleon voit le double rôle du phytoplancton : base de la chaîne alimentaire et régulateur desflux de gaz carbonique et d’oxygène.
« du large », non affectées par les apports fluviaux et plus généralement par
toute influence de la côte ou du fond. Dans ces eaux du Cas 1 (figure 3),
qui représentent environ 95 % de l’océan mondial, les propriétés optiques
sont déterminées d’une part par les propriétés optiques de l’eau de mer
elle-même, et d’autre part par celles du phytoplancton et de l’ensemble de
ses produits associés (détritus organiques sous formes de particules ou de
substances dissoutes et organismes hétérotrophes). Les propriétés optiques des
eaux du Cas 1 sont en général « indexées » sur la concentration en chlorophylle
(c’est-à-dire que l’on exprime l’évolution des propriétés optiques en fonction
des changements de la concentration en chlorophylle), qui est le pigment
commun à tous les organismes photosynthétiques marins, et qui est également
le pigment le plus fréquemment mesuré.
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En opposition aux eaux du Cas 1 se trouvent les eaux du Cas 2, où les
propriétés optiques dépendent d’une part des mêmes composantes que dans
les eaux du Cas 1, mais aussi, d’autre part, d’autres substances actives d’un
point de vue optique, comme des sédiments en suspension ou des « substances
jaunes » provenant du lessivage des terres. Les multiples combinaisons pos-
sibles entre phytoplancton et particules et substances dissoutes exogènes (c’est-
à-dire non produites par l’activité phytoplanctonique) génèrent une multitude
de possibilités pour le spectre de la réflectance. L’inversion de ce signal pour
estimer les concentrations des diverses composantes de ces eaux devient alors
très difficile. L’exploration des propriétés optiques des eaux du Cas 2 et la
recherche d’algorithmes permettant d’inverser le spectre de réflectance de ces
eaux sont en fort développement actuellement, dans la mesure où l’intérêt pour
ces eaux côtières dont l’importance économique est de plus en plus ressentie ne
cesse de croître.
La réflectance peut être exprimée en fonction du coefficient de rétrodiffusion,
bb, et du coefficient d’absorption, a (Morel & Prieur, 1977) :
R() = FL,�bb()
a()(2)
où FL,� est un coefficient de proportionnalité, qui exprime le fait que R dépend
de la distribution des luminances sous-marines, L(�, �) (F est donc variable
avec la hauteur du soleil dans la mesure où le champ radiatif sous la surface
océanique change quand le champ radiatif change au-dessus de la surface), et
également de la forme de l’indicatrice totale de diffusion, �. Cette forme change
avec le rapport � entre diffusion moléculaire et diffusion due aux particules
(Morel & Gentili, 1991).
Les propriétés optiques inhérentes a et bb peuvent également être décompo-
sées en la somme des coefficients correspondant aux différentes composantes
(les propriétés optiques inhérentes étant additives). Pour les eaux du Cas 1,
ces N composantes sont l’eau de mer pure (indice w), l’ensemble des particules
(indice p), dont le phytoplancton (indice �), et les autres particules, non al-
gales (indice nap, en général obtenu par différence entre p et �), et enfin les
substances dissoutes colorées (indice ds).
R() = FL,�
bb,w() + bb,p()
aw() + ap() + ads()(3)
avec
ap() = a�() + anap()
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Cas 1
Cas 2
Y Y + S
Chl+
Y + SY
+ Ch
l Chl + S
S
Chl
Figure 3 — Diagramme montrant la logique de la classification entre les eaux océaniquesdu Cas 1 et du Cas 2. Dans les eaux du Cas 1 (pointe supérieure du triangle), lespropriétés optiques sont entièrement déterminées par le phytoplancton et ses « éléments »associés (particules et substances dissoutes), simplement indexés sur la concentration enchlorophylle (Chl). Dans les eaux du Cas 2, on retrouve bien sûr les mêmes composantesque dans les eaux du Cas 1, mais auxquelles s’ajoutent des substances dissoutes exogènes(Y), et des particules d’origine sédimentaire ou éolienne (S). Diverses combinaisons sontpossibles, représentées par les différentes régions du triangle : par exemple, les eaux de lamer Baltique sont très pauvres en sédiments mais riches en substances dissoutes « jaunes »dues au lessivage terrestre, à l’inverse des côtes allemandes de la mer du Nord qui sontextrêmement chargées en sédiments. Les conséquences en termes de « couleur » sontbien sûr totalement différentes.
Enfin, cette équation peut être exprimée en utilisant les coefficients spéci-
fiques correspondants, qui sont les coefficients normalisés par unité de concen-
tration de la substance concernée (notés par une étoile) :
R() = FL,�
∑i=1,N
b∗b()i[i]
a∗()i[i](4)
où [i] est la concentration de l’i-ème composante et a∗i () et b∗
b,i() ses coeffi-
cients spécifiques d’absorption et de rétrodiffusion à la longueur d’onde .
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La figure 4 montre comment les spectres de Ed() et R() varient en fonction
de la concentration en chlorophylle dans les eaux du Cas 1. Nous allons
maintenant voir quelles sont les caractéristiques optiques de l’eau de mer, du
phytoplancton et des détritus et substances dissoutes qui y sont associés, et
qui conduisent aux changements de R() comme le montre la figure 4, par
exemple (le rôle des diffusions inélastiques et des bulles d’air sera également
brièvement évoqué). Ces propriétés optiques seront examinées soit en fonction
de la longueur d’onde (spectres d’absorption et de diffusion), soit à une
longueur d’onde donnée et en fonction de la concentration en chlorophylle
qui sert d’index pour décrire l’évolution entre différents régimes trophiques.
Nous omettrons les aspects liés à la polarisation de la lumière diffusée.
3.2. Absorption, diffusion, et rétrodiffusion par l’eau de mer pure
L’eau de mer intervient par absorption (figure 5) et par diffusion (figures 5
et 6). La diffusion moléculaire dans l’eau de mer est décrite par la théorie
d’Einstein-Schmoluchowski, selon laquelle la diffusion est possible grâce aux
fluctuations de densité du milieu. Sans ces fluctuations, il y aurait annihilation
par interférence des rayonnements émis par les molécules (qui agissent comme
dipôles rayonnants, suivant la théorie de Rayleigh). Le phénomène est en outre
accentué dans l’eau de mer, par rapport à l’eau pure, par les fluctuations
de concentration des différents ions. Les quelques mesures de l’indicatrice
de diffusion (mesure délicate à mener), et les mesures plus nombreuses du
coefficient de diffusion et de sa dépendance spectrale sont en bon accord avec
cette théorie (Morel, 1966, 1974 ; Buiteveld et al., 1994). L’indicatrice de
diffusion de l’eau de mer pure (Morel, 1974) peut être décrite par :
�̄w(�) = 3
4�(3 + p)(1 + p cos2 �) (5)
où le facteur de polarisation, p, vaut 0,84 (à cause de l’anisotropie de la
molécule). L’intégration de cette indicatrice sur tout l’angle solide donne le
coefficient total de diffusion, dont la dépendance spectrale se fait selon une loi
puissance, approximativement en −4,3 (Morel, 1974). La diffusion augmente
donc très rapidement quand la longueur d’onde diminue.
Cette indicatrice étant symétrique par rapport à la direction incidente, le
rapport entre diffusion arrière et diffusion totale vaut 0,5 et le coefficient de
rétrodiffusion, bbw, est exactement la moitié du coefficient de diffusion bw,
avec la même dépendance spectrale. Celle-ci explique d’ailleurs pourquoi les
eaux de mer les plus pures (la mer des Sargasses par exemple) ont une couleur
bleu indigo tirant sur le violet.
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1,0
400 450 500 550 600 650 700
Z = (2/3)Z0
Longueur d'onde (nm)
0,8
0,6
0,4
0,2
0,0
Écla
irem
ent
norm
alis
é
Chl = 0,1 mg m–3
Chl = 1 mg m–3
Chl = 4 mg.m–3
10–1
10–2 10–2
10–3 10–3
10–4 10–4
10–1
300 350 400 450 500 550 600 650 700 750nm
R(λ)
C = 20 mg·m–3
C = 0,02 mg·m–3
C = 20
C = 0,02
1e-05
0,0001
0,001
0,01
0,1
1
10
400 500 600 700λ [nm]
Ed (0 )+
Ed (20 m)
Eu (20 m)
E
A
B
C
Figure 4 — A : spectres (modélisés) de l’éclairement descendant aux deux tiers de la zoneeuphotique (la profondeur où l’éclairement vaut 1 % de sa valeur en surface), normaliséspar leur maximum, et pour trois concentrations en chlorophylle. Cette figure illustre ledéplacement du maximum de l’éclairement du bleu vers le vert quand la concentration enchlorophylle augmente, ce qui est à la base de la télédétection de la « couleur de l’océan ».B : spectres de l’éclairement descendant mesurés en mer, juste au-dessus de la surface et à20 mètres, et spectre de l’éclairement ascendant à 20 mètres, dans lequel on distingue trèsbien le pic dû à la fluorescence naturelle de la chlorophylle a vers 680 nm. C : Évolution(modélisée) du spectre de réflectance en fonction de la concentration en chlorophylle, de0,02 à 20 mg·m−3 (dans Morel & Antoine , 1994) montrant là aussi la diminution dansle domaine « bleu » (absorption), et l’augmentation dans le domaine « vert » (surtout dueà la diffusion par les particules).
10 -310 -3
10 -2
10 -1
10 0
m-1
400 450 500 550 600 650 700λ (nm)
10-310-3
10-2
10-1
100
m-1
aw(λ)
bw(λ)
Figure 5 — Spectres d’absorption et de diffusion de l’eau de mer pure, d’après, respective-ment, Pope & Fry (1997) et Morel (1974).
102
101
100
10–1
0 30 60 90 120 150 180
λ = 550 nm
λ = 450 nm
λ = 350 nm
�
�w(�
,)·
104 [
m–1·s
r–1]
Figure 6 — Indicatrice de diffusion de l’eau de mer pure pour différentes longueurs d’onde(dans Loisel, 1999).
96 D. Antoine
Le spectre d’absorption est lui aussi difficile à obtenir expérimentalement,
aussi les valeurs publiées ont-elles été plusieurs fois révisées. Les dernières
valeurs en date ont été obtenues par Pope & Fry (1997) et par Sogandares &Fry (1997). Elles remplacent celles de Smith & Baker (1981) et sont données
en figure 5. Il faut retenir la très faible absorption dans le bleu et sa très
forte augmentation lorsque l’on arrive dans le domaine des longueurs d’onde
« rouges », qui se combine à l’effet de la diffusion dans l’établissement de la
couleur indigo des eaux de mer « pures ». Il faut également noter les « épaules »
du spectre qui sont la signature des harmoniques liées aux vibrations propres
de la liaison OH. Soulignons enfin que l’absorption augmente faiblement avec
la température, et seulement dans les domaines du rouge et de l’infrarouge
( > 600 nm) (Pegau & Zaneveld, 1993).
400 500 600 700(nm)
0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
A*(
λ)
Diatomées(moyenne de 3 espèces)
Prochlorococcus
Synechococcus
Spectre moyen(14 espèces)
Figure 7 — Spectres d’absorption de différentes espèces phytoplanctoniques, normaliséspar leur maximum (voir texte). D’après Bricaud et al. (1988) pour le spectre moyen desdiatomées, Morel et al. (1993) pour les spectres de Prochlorococcus et Synechococcus.Pour le spectre moyen des 14 espèces, 3 spectres ont été pris de Bricaud et al. (1983), 3de Bricaud & Morel (1986), et 8 de Bricaud et al. (1988).
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
Apports de la télédétection spatiale de la « couleur de l’océan » à l’océanographie 97
3.3. Absorption par le phytoplancton et les particules et substances dissoutesassociées
Le spectre d’absorption du phytoplancton (figure 7) résulte de la superposition
des spectres d’absorption des différents pigments présents dans les cellules, as-
semblages d’ailleurs extrêmement variables dans la nature, en fonction des es-
pèces considérées ou de la profondeur dans la colonne d’eau. Les principaux
pigments sont les chlorophylles, et en particulier la chlorophylle a, présente
dans tous les organismes photosynthétiques, et les caroténoïdes, chacun ayant
des bandes d’absorption bien précises et définies par leur structure moléculaire.
La chlorophylle a présente deux principales régions d’absorption, dans le bleu
autour de 440 nm (Soret bands ou B bands) et dans le rouge vers 675 nm
(Q bands). Les caroténoïdes, dont la famille comprend de très nombreux pig-
ments, absorbent en général dans les domaines bleu et bleu-vert (l’effet com-
biné des chlorophylles et des caroténoïdes est principalement responsable de la
transition du bleu vers le vert de la couleur des eaux quand la concentration
de ces pigments augmente). Enfin, des pigments plus rares et spécifiques de cer-
taines espèces peuvent venir compléter des régions du spectre quand l’espèce en
question vit dans un milieu où l’éclairement est important dans la dite région
spectrale. C’est par exemple le cas des phycobilines présentes chez les cyano-
bactéries, qui absorbent plutôt dans la région « vert-jaune », autour de 550 nm
(figure 7). Les changements du spectre de a� sont donc dus principalement aux
variations des assemblages d’espèces, mais également à « l’effet de discrétisa-
tion » qui rend compte des changements de l’efficacité d’absorption, pour une
quantité donnée de pigments, en fonction de la plus ou moins grande discré-
tisation de ces pigments dans le milieu (qui va changer avec la concentration
intracellulaire en pigments et la taille des cellules).
On peut également regarder d’une manière plus globale comment a� varie
à une longueur d’onde donnée avec la concentration en chlorophylle, Chl, en
utilisant des jeux de données globaux générés à partir de mesures simultanées
de a� et Chl (figure 8). On s’aperçoit alors que a� varie en fonction de Chl
selon une loi puissance (Bricaud et al., 1995, 1998, par exemple) :
a� = A[Chl]B (6)
où le coefficient A et l’exposant B varient avec la longueur d’onde. L’exposant
B varie entre 0,6 et 1 sur le spectre visible. La non-linéarité de l’équation
(6) exprime les changements, sur l’échelle de variation de [Chl], dans la
composition pigmentaire et l’effet de discrétisation (à noter que ces différences
peuvent résulter des variations interspécifiques ou de la photoacclimatation
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
98 D. Antoine
dans une population donnée). On peut établir le même type de relation pour le
coefficient d’absorption spécifique (a�/[Chl]) :
a∗� = A[Chl]B−1 (7)
en remarquant cependant qu’un coefficient spécifique est en général une pro-
priété unique pour un type donné de particule. Le fait qu’il soit fonction de la
concentration en chlorophylle dans l’équation (7) vient de ce que l’on considère
ici le domaine naturel de variation des populations de particules marines.
Au phytoplancton vient s’associer un cortège de particules, qualifiées de
« non algales », qui comprend non seulement les détritus directement produits
par les algues et les autres organismes, mais aussi les bactéries et les autres
organismes hétérotrophes. Ces derniers étant plus ou moins transparents,
ils n’ont en fait que peu d’importance dans les processus d’absorption. Le
coefficient d’absorption des particules non algales (figure 8) peut être, de la
même manière que a�, exprimé à une certaine longueur d’onde par une relation
non linéaire avec [Chl], puis son spectre est décrit de façon satisfaisante par une
loi exponentielle de la forme :
anap() = anap(0) exp( − S( − 0)
)(8)
où 0 est une longueur d’onde de référence (440 nm en général) et S la pente
de la relation, en moyenne égale à 0,011 (Bricaud et al., 1998).
Enfin, les substances dissoutes colorées, appelées communément « sub-
stances jaunes » (CDOM en anglais pour coloured dissolved organic matter)ajoutent une contribution supplémentaire à l’absorption. De par leur struc-
ture et leur poids moléculaire, généralement élevé, ces substances présentent
une absorption qui augmente de façon exponentielle vers les courtes longueurs
d’onde, et qui peut être décrite par l’équation donnée ci-dessus pour les par-
ticules non algales, à ceci près que la pente S′ vaut alors 0,014 en moyenne
(Bricaud et al., 1981).
ads() = ads(0) exp( − S′( − 0)
)(9)
Par ailleurs, la valeur de ads à la longueur d’onde de référence (440 nm
également), est parfois exprimée comme une fraction de la somme (aw+ap) à la
même longueur d’onde, pour représenter l’augmentation de la concentration en
substances dissoutes avec la concentration en particules, mais aussi la présence
d’un fond minimum de substance jaune même dans les eaux les plus claires
(Prieur & Sathyendranath, 1981).
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
Apports de la télédétection spatiale de la « couleur de l’océan » à l’océanographie 99
0,12
0,10
0,08
0,06
0,04
0,02
0,00
400
450
500
550
600
650
700
a(λ) [m–1]
a p(λ)
a ph(λ
)
a d(λ)
λ [n
m]
A
1
0,1
0,01
0,00
1
ap(440) (m–1)
+ x
Paci
prod
Eum
eli 4
Flup
acO
lipac
Min
os N =
116
6
101
0,1
<ch
l> (
mg
m–3)
0,01
r2 = 0
,91
Chl
omax
Lida
r 89
Lida
r 90
Tom
ofro
ntM
edip
rod
6Eu
mel
i 3
B
Figu
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—A
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pda
nsle
text
e;
avec
p=
ph+
d);
d’ap
rèsLoisel
(199
9).
B:
coef
ficie
ntd’
abso
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nde
spa
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ules
à44
0nm
enfo
nctio
nde
laco
ncen
trat
ion
ench
loro
phyl
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our
une
série
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nnée
sac
quis
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sont
ceux
des
cam
pagn
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rres
pond
ante
s);r
epro
duit
deBricaud
etal
.(19
98).
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
100 D. Antoine
104
103
102
1
0 30° 60° 90° 120° 150°
O D J H
10
O
D
JH
Sθ
β (θ)/ β (90°)
K T1 T2
S
K
T1
T2
Figure 9 — Indicatrices de diffusion d’eaux de mer, mesurées par divers auteurs etnormalisées à 90◦. H : Hulburt (1945), Chesapeake Bay. K : Kozlianinov (1957), merde Chine. S : Sasaki et al. (1960), fosse du Japon. J : Jerlov (1961), Atlantique (Madère).T1/T2 : Tyler (1961), Pacifique (San Diego). D : Duntley (1963), lac Winnipesakee. O :Otchakovski (1965), Méditerranée. Figure extraite de Morel (1973). Il faut remarquerla très forte dissymétrie, la faible variabilité pour les angles de diffusion inférieurs à 90°,le minimum de diffusion vers 100°-130°, et la variabilité nettement plus forte pour ladiffusion arrière. Cette forte variabilité de la diffusion arrière, ajoutée au fait qu’il esttrès difficile de mesurer l’indicatrice à ces angles, est à l’origine de l’incertitude encoreimportante sur le coefficient de rétrodiffusion des eaux de mer.
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
Apports de la télédétection spatiale de la « couleur de l’océan » à l’océanographie 101
3.4. Diffusion et rétrodiffusion par le phytoplancton et les particules associées
La diffusion par les particules marines, dont la taille peut être de légèrement
inférieure à très supérieure aux longueurs d’onde du visible et du proche infra-
rouge (0,4 à 1 �m), résulte de l’action combinée des processus de diffraction
(théorème des écrans complémentaires de Babinet), de réflexion et de réfraction
(lorsque l’indice de réfraction est différent de celui du milieu environnant). La
théorie de Mie permet de décrire cette diffusion en faisant l’hypothèse de par-
ticules sphériques et homogènes vis-à-vis de leur indice de réfraction, ce qui
constitue généralement une bonne approximation pour les populations de par-
ticules marines (les formes s’inscrivent en général dans une sphère de diamètre
comparable à la taille moyenne des particules, et, de plus, leur orientation
aléatoire rend l’hypothèse acceptable). Quand l’indice de réfraction des par-
ticules est peu différent de celui du milieu environnant, une simplification de
cette théorie permet d’en rendre l’application plus aisée ; c’est l’anomalous dif-fraction approximation développée par Van De Hulst (1957), qui ne permet
cependant que de calculer les facteurs d’efficacité de diffusion et d’absorption,
mais pas l’indicatrice de diffusion. Une description détaillée de ces théories et
de leur application aux particules marines peut être trouvée dans, par exemple,
Morel & Bricaud (1986), Bricaud & Morel (1986), Morel (1991b).
Pour des populations typiques de particules marines, fortement polydisper-
sées1 en taille et en indice de réfraction, l’indicatrice de diffusion résultante est
fortement dissymétrique, avec une forte diffusion aux petits angles (diffusion
« avant » plutôt due aux grosses particules), des valeurs relativement peu va-
riables pour la diffusion perpendiculaire à la direction incidente, et une grande
variabilité de la diffusion « arrière » (surtout due aux petites particules, et dont
les variations proviennent principalement des changements d’indice de réfrac-
tion). Des exemples d’indicatrices mesurées sont donnés en figure 9.
Le coefficient total de diffusion par les particules, bp, peut être exprimé
à 550 nm en fonction de la concentration en chlorophylle par une relation
non linéaire, avec un exposant pouvant varier de 0,6 à 0,8 (Morel, 1980 ;
Gordon & Morel, 1983 ; Loisel & Morel, 1998). Cet exposant différent
de 1 traduit d’une part la variabilité du coefficient spécifique de diffusion
du phytoplancton et d’autre part l’importance croissante des particules non
algales par rapport aux particules phytoplanctoniques lorsque la concentration
en chlorophylle diminue (figure 10).
1. Cela signifie que le paramètre en question (indice ou taille) varie sur une gamme étendue, et
selon une certaine loi de distribution (normale, lognormale, suivant un exposant de Jünge, etc.).
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
102 D. Antoine
bp(550) = 0,30(±0,15)[Chl]0,7(±0,1) (10)
La dépendance spectrale de bp peut être décrite par une loi puissance dont
l’exposant (exposant d’Ångstrøm) varie principalement avec la distribution de
taille des particules (d’environ 0 quand les grosses particules dominent à des
valeurs de plus en plus élevées quand la contribution des petites particules
augmente). Une valeur moyenne couramment utilisée est n = −1 (il est à noter
que si la distribution suit une loi de Jünge avec un exposant �, alors n = 3−�).
Ndl = 1937
hl
all
dl
c p(6
60)
{m–1}
101
100
10–1
10–2
10–3
10–3 10–2 10–1
{Chl} {mg·m–3}100 101
Nhl = 850
Nsat = 435
Nall = 2787
Figure 10 — Coefficient d’atténuation des particules à 660 nm (qui peut être assimiléau coefficient de diffusion car l’absorption est très faible à 660 nm) en fonction de laconcentration en chlorophylle, pour une série de données acquises dans diverses régionsde l’océan ; reproduit de Loisel & Morel (1998).
bp() = bp(550)(
550
)n(11)
Dans l’étude de la réflectance, c’est la rétrodiffusion qui est à considérer.
Dans le cas des particules marines, le rapport entre diffusion arrière et diffusion
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
Apports de la télédétection spatiale de la « couleur de l’océan » à l’océanographie 103
totale, b̃b = bb/b, est très variable et encore mal connu. Plusieurs paramétri-
sations ont été proposées (Morel, 1988 ; Gordon et al., 1988). Mieux com-
prendre les causes de variabilité de b̃b est l’un des enjeux majeurs de l’optique
marine.
3.5. Les diffusions inélastiques (Raman et fluorescence)
Les diffusions inélastiques sont celles où la réémission d’énergie radiative se
produit avec perte d’énergie. On regroupe sous cette appellation la diffusion
Raman et l’émission de fluorescence, même si les processus mis en jeu sont
différents.
Dans le cas de la diffusion Raman, des réémissions ont lieu à des fréquences
symétriques par rapport à une certaine fréquence excitatrice (dont les positions
sont déterminées par les caractéristiques des liaisons atomiques). Il existe donc
un spectre d’excitation et un spectre d’émission de la diffusion Raman. La
réémission à de plus grandes longueurs d’onde a une intensité significative, avec
une indicatrice de diffusion symétrique (comme celle de la diffusion Rayleigh)
et une dépendance spectrale en −5 environ. La répercussion de ce phénomène
sur R() est d’autant plus significative que l’on considère des longueurs d’onde
élevées (> 550 nm) et des concentrations en chlorophylle faibles. Elle peut
atteindre environ 10 % de la valeur que prendrait R() sans diffusion Raman.
La fluorescence du phytoplancton est due à la molécule de chlorophylle a.
L’énergie radiative collectée par l’ensemble des pigments photosynthétiques
sur tout le spectre visible peut suivre deux voies, si l’on omet les pertes sous
forme de chaleur. Ou bien cette énergie est transmise à la molécule de chlo-
rophylle a puis transférée séquentiellement au sein de l’appareil photosynthé-
tique (production primaire), ou bien elle est réémise dans une très petite plage
de longueurs d’onde centrée sur 683 nm. Cette seconde voie est empruntée
quand l’appareil photosynthétique est saturé et ne peut donc plus transférer
l’énergie vers les photosystèmes. La fluorescence est donc fonction à la fois de
la concentration en chlorophylle a et de l’état physiologique du phytoplancton
(état de l’appareil photosynthétique). On observe très bien un pic centré à
683 nm dans les spectres d’éclairement remontant mesurés en mer (Morel &Prieur, 1977 ; Gordon, 1979 ; voir figure 4). L’utilisation de cette fluores-
cence naturelle est d’ailleurs envisagée pour quantifier la chlorophylle à partir
de l’espace, comme méthode alternative aux méthodes plus classiques basées
sur l’absorption différentielle du phytoplancton (avec cette limitation qu’il
faudrait très bien connaître l’état physiologique du phytoplancton pour bien
interpréter le signal).
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
104 D. Antoine
3.6. La diffusion par les bulles d’air
Le rôle des bulles d’air dans la couche de surface a été régulièrement évoqué
pour expliquer une partie de la rétrodiffusion des eaux de mer (Stramski,1994, par exemple), mais ce n’est que récemment (Zhang et al., 1998) que
leur effet significatif a été démontré. Ces bulles, créées par l’agitation des eaux
de surface (vent, vagues, déferlements), peuvent persister longtemps après que
les causes de leur génération ont disparu, et ont des tailles variant de 0,1 �m
à 10 �m environ. Elles contribuent à la rétrodiffusion, en particulier dans les
eaux pauvres en chlorophylle. La présence d’un film organique à leur surface
en augmente également le pouvoir de rétrodiffusion.
3.7. En résumé
On voit donc que s’il existe des causes biophysiques responsables de relations
entre les propriétés optiques et un indice qui est la concentration en chlo-
rophylle, les mêmes causes génèrent un bruit naturel autour de ces relations
(puisque la chlorophylle n’est pas seule à intervenir). Une solution à cette forte
variabilité peut être d’établir des relations sur des domaines géographiques ou
paramétriques restreints (« régionalisation » des relations). Une autre solution
est de tenter de mieux comprendre les causes de la variabilité pour essayer de
l’exprimer en fonction de paramètres globaux aisément accessibles à la mesure,
comme la température, l’intensité lumineuse ou la concentration en éléments
nutritifs. De nombreux travaux sont actuellement en cours pour avancer dans
ces deux voies complémentaires.
4. Place de la télédétection de la « couleur de l’océan » dans la panopliedes techniques spatiales utilisées en océanographie
Toute technique de télédétection, donc de détection à distance, consiste en
l’enregistrement d’un rayonnement électromagnétique, qu’il soit naturel, c’est-
à-dire émis par le soleil, par la terre ou tout autre corps céleste, ou provoqué,
c’est-à-dire généré par un instrument, tel un radar. C’est le domaine de la
radiométrie. Dans le premier cas on parlera de télédétection passive, puisque
l’on mesure un rayonnement sans en émettre — c’est le cas de la télédétection
de la « couleur de l’océan » qui mesure le rayonnement solaire réfléchi par
le système océan-atmosphère — par opposition à une télédétection active,
reposant, elle, sur l’envoi d’un signal et l’analyse de la vitesse et de l’intensité
à laquelle il est renvoyé (radar par exemple), ou même de caractéristiques plus
subtiles comme le déphasage (diffusiométrie, par exemple).
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
Apports de la télédétection spatiale de la « couleur de l’océan » à l’océanographie 105
10 -7
10 -6
10 -5
10 -4
10 -3
10 -2
10 -1
10 0
10 1
10 2
Émis
sion
rel
ativ
e au
max
imum
(%
)
10-1 010 101 102
Longueur d’onde (µm)
UV visible infrarouge
terre
soleil
Figure 11 — Spectres d’émission du soleil (calculé pour une température de 6 000 K) et dela terre (300 K). Le spectre solaire est normalisé par son maximum, et le spectre terrestrepar le maximum du spectre solaire.
Partie du spectre
électromagnétique
concernée
Type d’instruments et application Type de
télédétection
Visible
(de 0,4 �m à 0,7 �m)
Radiomètres visibles (couleur de l’océan) Passive
Infrarouge
(à partir de 1 �m)
Radiomètres infrarouge (température) Passive
Micro-ondes Radiomètres (température, vent) Passive
Ondes radar Altimètres (géoïde, hauteur dynamique) Active
Diffusiomètres (vagues, vent)
Radars (images)
Tableau 1 — « Partage » du spectre électromagnétique par les différents types de télédé-tection, active ou passive.
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
106 D. Antoine
La figure 11 montre par exemple les spectres d’émission de rayonnement du
soleil et de la terre, calculés selon la loi de Planck qui exprime l’augmentation
de l’intensité du rayonnement émis avec la température du corps émetteur, et sa
loi dérivée (loi du déplacement de Wien), qui exprime la diminution, lorsque
la température croît, de la longueur d’onde du maximum d’émission. C’est
pour cette raison que le maximum d’émission du soleil est dans le visible
(longueurs d’onde auxquelles nous sommes sensibles), alors qu’il se trouve
dans l’infrarouge pour la terre. La télédétection de la couleur de l’océan se situe
dans le domaine du visible (400 nm < < 700 nm) et du proche infrarouge
(700 nm < < 1�m). Ces dernières servent à corriger le signal des effets
atmosphériques (voir section suivante), alors que ce sont les longueurs d’onde
du visible qui contiennent l’information sur le contenu des eaux de mer en
particules, en particulier en phytoplancton.
Pour information, le tableau 1 montre comment les différents types de
télédétection se partagent le spectre électromagnétique, et les applications
qui peuvent en découler. Plusieurs de ces techniques sont souvent utilisées
conjointement, ce qui est essentiel pour une science aussi pluridisciplinaire que
l’océanographie.
5. Principes de la télédétection spatiale de la « couleur de l’océan »
Il faut comprendre en premier lieu qu’en utilisant la télédétection de la
« couleur de l’océan » on cherche à quantifier une variable géophysique, à
savoir la concentration en chlorophylle. On peut imaginer la difficulté de cette
opération qui commence avec une mesure de luminance hors de l’atmosphère,
et qui est bien plus délicate à réussir que celle nécessaire à l’utilisation
qualitative des mesures satellitaires (en général la seule connue du grand public
via les images Spot ou l’observation militaire), et qui se borne en général
à un traitement simple du signal pour la reconnaissance de formes ou la
classification de différents objets. Dans cette partie, l’ensemble du processus
est décrit selon trois étapes qui présentent chacune leurs difficultés, à savoir
la mesure de luminance hors atmosphère, la correction de cette luminance
des effets de l’atmosphère, puis le calcul de la concentration en chlorophylle
à partir de ce signal corrigé.
5.1. La mesure de luminance hors de l’atmosphère
Un instrument dédié à la télédétection de la couleur de l’océan doit enregis-
trer une certaine quantité d’énergie radiative en la convertissant en un cou-
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
Apports de la télédétection spatiale de la « couleur de l’océan » à l’océanographie 107
rant électrique dont l’intensité sera fonction de l’énergie reçue. Le signal ainsi
créé peut ensuite être digitalisé, traité (corrections radiométriques élémen-
taires : première calibration, application des gains, etc.), stocké pour les trai-
tements suivants et envoyé vers des stations de réception situées au sol. La
quantité d’énergie enregistrée dépend de la portion du spectre électromagné-
tique concernée et également du champ de vue instantané (Ifov en anglais
pour instantaneous field of view), qui correspond à l’élément de base obser-
vable (pixel). De l’ouverture angulaire de ce champ dépend la taille du pixel
à la surface océanique. L’une des difficultés rencontrées lors de la construc-
tion de ces instruments réside d’ailleurs dans l’établissement de rapports si-
gnal/bruit suffisamment élevés malgré la faiblesse du signal observé. Le rayon-
nement électromagnétique étant enregistré dans de petits angles solides pointés
sur des directions données, il s’agit d’une mesure de luminance, qualifiée de lu-
minance totale, dans la mesure où son intensité dans une direction donnée est
déterminée aussi bien par les propriétés optiques de l’océan que par celles de
l’interface air-mer et surtout celles de l’atmosphère (y compris les nuages s’ils
sont présents). Cette luminance contient donc des informations sur la totalité
du système océan-atmosphère. Comme c’est l’océan qui nous intéresse, il faut
en premier lieu corriger ce signal des effets de l’atmosphère.
5.2. La correction atmosphérique
Afin d’analyser la lumière rétrodiffusée par l’océan, il faut extraire des lu-
minances totales (LT) la partie qui provient de l’océan, qualifiée de « lumi-
nances marines » (Lw). L’ensemble des opérations nécessaires, regroupé sous le
terme de « corrections atmosphériques », consiste en effet à éliminer la partie
du rayonnement qui a été rétrodiffusée par les molécules (LR) et les aérosols
de l’atmosphère (LA et LRA), éventuellement aussi réfléchies par la surface de
l’océan (LG et LF), mais qui n’a jamais pénétré l’océan. Un traité complet pour-
rait être écrit sur ce sujet, et nous ne donnerons ici qu’un aperçu rapide des
techniques existantes. Elles sont en général basées sur une décomposition du
signal en différentes contributions, comme ci-dessous (voir l’annexe pour une
description un peu plus détaillée des différents termes intervenant ici).
LT = LR + LA + LRA + LG + LF + tLW (12)
Les deux contributions majeures au signal mesuré proviennent de la diffu-
sion par les molécules de l’air et de la diffusion par les aérosols (LR + LA +LRA = Lpath). Nous omettons ici volontairement les phénomènes d’absorption
pour deux raisons. Tout d’abord, on peut considérer que l’instrument utilisé
observe la terre hors des principales bandes d’absorption atmosphériques ; en-
suite, les absorptions, si elles sont significatives dans les régions du spectre qui
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
108 D. Antoine
sont observées, ne vont pas à proprement parler « générer » du signal mais
au contraire éliminer un certain nombre de photons d’énergies bien précises.
La difficulté, en cas d’absorption, consiste alors à corriger les signaux mesurés
pour déduire leur valeur en l’absence de telles absorptions. Cette vision un peu
simplificatrice néglige les couplages qui existent en fait entre les phénomènes
d’absorption et de diffusion, cette dernière, si elle est importante (diffusions
multiples), accroissant de manière apparente l’absorption par augmentation
des trajets des photons.
Pour un angle de diffusion donné, la luminance mesurée est fonction de la
quantité de « matériel diffusant » et de l’indicatrice de diffusion de ce matériel.
L’estimation de la part du signal due à la diffusion par les molécules ne pose
donc pas de problèmes dans la mesure où la pression atmosphérique (donc
la quantité de molécules dans la « colonne » atmosphérique) est connue, ainsi
que l’indicatrice de diffusion des molécules ; on peut calculer sans difficulté la
contribution de la diffusion moléculaire, en prenant éventuellement en compte
l’effet de la polarisation et en considérant également l’état de l’interface air-
mer, dont l’état d’agitation modifie la manière dont est réfléchi l’éclairement
(Gordon et al., 1988 ; Gordon & Wang, 1992a,b).
L’estimation de la part du signal dû à la diffusion par les aérosols est, en re-
vanche, la difficulté majeure de la correction atmosphérique, puisqu’aucun des
deux paramètres évoqués ci-dessus – concentration et indicatrice de diffusion
– n’est connu a priori, c’est-à-dire avant de réaliser la correction du signal (les
répartitions horizontales et verticales des aérosols et leur type étant des para-
mètres éminemment variables). Pour déterminer ces deux inconnues, au moins
deux équations doivent être posées, ce qui signifie dans la pratique que des
informations doivent être obtenues à au moins deux longueurs d’onde.
La plupart des techniques actuellement utilisées reposent sur l’observation
du système océan + atmosphère dans au moins deux canaux du proche in-
frarouge, pour lesquels le signal océanique est nul (en tout cas dans les eaux
du Cas 1). Cela est dû à la très forte absorption de l’eau elle-même et aux
faibles capacités de diffusion des différents matériels en présence (exception
faite, peut-être, des bulles d’air ; c’est une difficulté récemment évoquée). Une
fois corrigé de l’effet de la diffusion moléculaire, le signal restant est entiè-
rement dû aux aérosols. À partir de l’intensité de ce signal et de sa dépen-
dance spectrale entre les deux longueurs d’onde considérées, on obtient suffi-
samment d’information sur l’aérosol en présence pour pouvoir en extrapoler la
contribution vers les longueurs d’onde du domaine visible, et ainsi corriger les
luminances mesurées des effets atmosphériques (voir, par exemple : Gordon,
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
Apports de la télédétection spatiale de la « couleur de l’océan » à l’océanographie 109
1978 ; Bricaud & Morel, 1987 ; André & Morel, 1991 ; Gordon & Wang,
1994 ; Fraser et al., 1997 ; Gordon, 1997 ; Antoine & Morel, 1998, 1999).
5.3. L’inversion du spectre des luminances marines
Les luminances marines obtenues après correction atmosphérique peuvent
s’exprimer par l’équation (voir la table des symboles) :
Lw(, �s, �′, �) = Ed(0+)R(�′) f (, �s)
Q(, �s, �′, �)
[bb()
a()
](13)
qui s’obtient par combinaison des définitions suivantes (en omettant les dépen-
dances spectrales et angulaires, et en remplaçant le FL,� de l’équation (2) par
f , plus couramment utilisé) :
R = Eu
Ed
= fbb
a; Q = Eu
Ld
Lw = Lu1 − �F
n2; Ed(0
−) = Ed(0+)
1 − �̄
1 − r̄R
Ce qui peut être noté avant tout est l’anisotropie des luminances marines,
à savoir le fait que Lu, et a fortiori Lw, n’ont pas les mêmes valeurs pour
différents angles de vue. Cette anisotropie dépend de la forme de l’indicatrice
de diffusion des particules marines, et également des rapports � et �, respecti-
vement égaux à b/c et à bw/b. L’anisotropie est décrite par le facteur Q, dont
les valeurs ont été tout d’abord déduites théoriquement (Morel & Gentili,1993, 1996), puis vérifiées expérimentalement (Morel et al., 1995).
Plusieurs solutions existent pour déduire la concentration en chlorophylle de
Lw(), dont l’influence dans l’équation (13) se fait au travers des coefficients
bb et a, et au travers du rapport des facteurs f et Q. Il est d’abord possible
de combiner les valeurs de Lw à différentes longueurs d’onde sous la forme
de rapports (ou rapports de différences), et de relier cette combinaison à la
valeur de la concentration en chlorophylle par des relations purement empi-
riques, établies à partir de mesures in situ et simultanées de luminances et de
concentration en chlorophylle. C’est ce que l’on appelle les algorithmes empi-
riques ; le plus fréquent utilise le rapport « bleu/vert », à savoir le rapport des
luminances aux longueurs d’onde d’environ 440 et 550 nm. L’utilisation de ce
rapport est bien sûr motivée par le fait que ces deux longueurs d’onde repré-
sentent le minimum et le maximum d’absorption du phytoplancton (figure 7).
L’algorithme deviendrait semi-empirique si les relations utilisées étaient basées
non plus sur des mesures mais sur les résultats d’un modèle des propriétés op-
tiques (figure 12).
Plutôt que d’utiliser les luminances telles quelles, c’est-à-dire influencées
par la géométrie de l’observation, on peut utiliser les réflectances R, égales
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
10 1
10 0
10 –110 –110 –1
10 010 1
10 2
C (m
g·m–3)
L(440)/L(5
50)
dro
ite de rég
ression
de M
OR
EL
a.Rapport
deslum
inances,Lu(440)/Lu
(560),tracéen
fonctionde
lateneuren
pigment(d’après
lesdonnées
deC
lark,1981),etdroite
derégression
(ligneen
tiret).Ladroite
derégression
deM
orelvient
dela
figure3b.
10 2
10 1
10 0
10 –110 –210 –1
10 010 1
10 2
droite de régression de CLA
RK
R(440)/R
(560)
C (m
g·m–3)
b.Rapportdes
réflectances,R(440)/R
(560),tracéen
fonctionde
la
teneuren
pigment.
Vingt-sept
donnéesont
étéajoutées
parrap-
portà
lafigure
deMorel
(1980).C
esdonnées
supplémentaires
ontété
recueilliesautour
del’île
Vancouver(expérience
C-Fox),
quelques-unesd’entre
ellesdans
deseaux
eutrophes.En
utilisant
untest
d’exclusion(�
>0,9
1C −
0,575
)pour
sélectionnerunique-
ment
deseaux
duC
as1,et
améliorer
ainsilarégression,la
relation
C=
1,71
� −1,8
2(r 2
=0,9
54
etN
=92)
estobtenue
(ligneen
tiret).Ladroite
dela
régressionde
Clark
provientde
lafigure
3a.
eau pure
droite de régression (cas 1)
R(440)/R
(560)
C (m
g·m–3)
10 –210 –1
10 010 1
10 2
10 –1
10 0
10 1
10 2
2 1
c.La
ligneen
tiretreprésente
larégression
�=
1,437C −
0,556
.
Lescourbes
supérieureet
inférieurereprésentent
lesvariations
de
�selon
laprédiction
desm
odèlesam
éliorés(voir
texte)par
rapport
auxm
odèlesprécédem
ment
utilisésdans
lafigure
4.La
flèche
indiquela
valeurlim
ite�
=11,9,
quicorrespond
àl’eau
pure
(quandC
tendvers
zéro).
Figure12
—D
ifférentsdiagram
mes
reliantdes
rapportsde
luminances
oude
réflectancesà
laconcentration
enchlorophylle,
etsur
lesquelsest
baséle
calculde
cettedernière
àpartir
desrapports
calculéssur
lessignaux
satellitairescorrigés.
D’après
Gordon&
Morel
(1983).
Apports de la télédétection spatiale de la « couleur de l’océan » à l’océanographie 111
à (équations (2) et (13)) :
R() = Lw(, �s, �′, �) Q(, �s, �′, �)
Ed(0+) R(�′)
(14)
ou même les luminances normalisées, [Lw]N (Gordon & Clark, 1981),
c’est-à-dire les luminances telles qu’elles seraient observées au nadir, sans
atmosphère, et quand le soleil est au zénith et à sa distance moyenne de la
terre (indices 0 pour indiquer une visée nadir ou un soleil au zénith) :
[Lw]N() = F0() R0f0()
Q0()
[bb()
a()
](15)
La seule difficulté pour utiliser des luminances normalisées réside dans le
calcul des facteurs f et Q (ou directement de leur rapport), puisque ceux-ci
dépendent non seulement de la géométrie de l’observation (Morel & Gentili,1993), mais aussi de la concentration en chlorophylle, qui est précisément le
paramètre que l’on cherche à calculer. Des procédures itératives permettent de
résoudre ce problème (Morel & Gentili, 1996) et d’obtenir simultanément
la concentration en chlorophylle et les grandeurs radiométriques normalisées,
qui sont les seules que l’on peut comparer entre différentes missions et mesures,
puisque les effets angulaires ont été éliminés.
Enfin, plutôt que d’utiliser diverses combinaisons ou rapports de luminances,
on peut choisir d’utiliser toutes les valeurs disponibles (ce qui va dépendre
du nombre de canaux de l’instrument ; parfois tout le spectre est enregistré)
grâce à des procédures de reconnaissance spectrale (spectral matching en
anglais), de modélisation inverse (voir par exemple Doerffer & Fisher,
1994), ou encore de réseaux de neurones (procédures de régressions multiples
non linéaires ; Schiller & Doerffer, 1999 ; Keiner & Brown, 1999). Ces
techniques, sans entrer dans le détail des procédures mathématiques qu’elles
utilisent, permettent en quelque sorte de déterminer quels sont le paramètre
ou la combinaison de paramètres qui reproduit au mieux le spectre observé,
moyennant l’utilisation d’un modèle reliant les propriétés optiques et les
paramètres en question.
6. Difficultés de la télédétection de la « couleur de l’océan »
Une des difficultés majeures de la télédétection spatiale de la couleur de
l’océan provient de la faiblesse du signal que l’on cherche à identifier en
comparaison du signal que l’on cherche au contraire à éliminer. Le premier,
qui ne représente au maximum que 10 % du signal total mesuré au niveau
du capteur, contient les informations sur la composition des eaux océaniques ;
c’est la luminance marine. Le second, à éliminer comme on vient de le voir au
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
112 D. Antoine
chapitre précédent, est exclusivement dû à l’atmosphère et à l’interface océan-
air. On peut simplement rappeler que la non-connaissance a priori des aérosols
en représente la difficulté centrale. C’est sur ce dernier point que le plus grand
nombre de progrès ont été récemment réalisés, même si les aérosols et leur
climatologie restent encore largement méconnus. Une excellente correction
atmosphérique ne peut cependant produire de bons résultats que si le signal
mesuré est parfaitement calibré. Les dispositifs et opérations de calibration ne
seront pas décrits ici ; il faut seulement se souvenir de leur rôle crucial pour la
qualité finale des données (Leur déficience posa des problèmes pour l’utilisation
des données du Coastal Zone Color Scanner, Evans & Gordon, 1994).
La faiblesse du signal qui nous intéresse ne suffit cependant pas à expliquer
la difficulté de la télédétection spatiale de la couleur de l’océan. Il faut ajouter
qu’en outre ce signal doit être extrait avec une très grande précision, sans
quoi nous ne serions pas en mesure de dire mieux que « il y a un peu,
moyennement, beaucoup, de chlorophylle ». Le but fixé est en effet de pouvoir
détecter trente classes de concentration en chlorophylle entre les valeurs 0,03
et 30 mg·m−3, qui couvrent la quasi-totalité de l’océan mondial. L’intervalle est
divisé en classes logarithmiquement égales (la distribution des concentrations
en chlorophylle dans l’océan est quasi log-normale). Pour atteindre ce but, on
ne peut tolérer des erreurs de correction atmosphérique supérieures en valeur
absolue à 0,002 à 440 nm environ (en réflectance), à savoir une erreur relative
d’environ 5 % sur la réflectance à cette longueur d’onde (Gordon, 1997 ;
Antoine & Morel, 1999).
Nous avons vu que toutes les espèces phytoplanctoniques contiennent de
la chlorophylle a, accompagnée d’un cortège de pigments accessoires. Cette
chlorophylle, qui absorbe préférentiellement dans le bleu, provoque le chan-
gement de couleur qui permet de la quantifier, et elle est utilisée comme indice
des propriétés optiques des eaux du Cas 1. Le corollaire est un bruit important
autour des lois simples (en général des lois puissances) qui lient les propriétés
optiques à la concentration en chlorophylle. Ce bruit a précisément pour ori-
gine la variabilité des assemblages de pigments, de particules et de substances
dissoutes qui accompagnent le phytoplancton. Les propriétés optiques, et donc
Lw, varient en conséquence d’un facteur 2 ou 3 environ pour une concen-
tration en chlorophylle donnée. De nombreux efforts sont faits pour essayer
de mieux décrire, comprendre et quantifier cette variabilité naturelle qui, à
l’heure actuelle, limite les capacités de la télédétection de la couleur de l’océan.
Il va sans dire que le problème des eaux du Cas 2, non traité ici, est encore
plus complexe dans la mesure où la présence de sédiments et de substances
dissoutes exogènes en proportion variables peut amener malgré tout à des
spectres de réflectance très semblables.
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
Apports de la télédétection spatiale de la « couleur de l’océan » à l’océanographie 113
7. Imagerie couleur et océanographie « descriptive »
Des phénomènes océaniques vont être abordés ici de manière totalement
descriptive, en se fondant sur le fait que le phytoplancton se comporte comme
un traceur passif, au moins sur des échelles de temps suffisamment courtes. Au-
delà, le développement propre de la population phytoplanctonique ne permet
plus de faire cette hypothèse. Le phytoplancton donne donc une excellente
image de tout phénomène qui affecte la dynamique des couches superficielles de
l’océan. Cette observation, qui concerne une couche d’eau d’épaisseur variable
(d’environ 20 mètres pour des eaux très claires, à seulement 2 ou 3 mètres
dans les eaux riches des upwellings, par exemple), peut d’ailleurs compléter
de manière utile celle de la température de surface, qui ne concerne que les
premiers microns de la surface océanique.
Les exemples donnés ci-après sont pour partie basés sur l’observation et
l’analyse d’images satellitaires individuelles (planches 1, 2A, 5 et 9). Celles-
ci sont appelées « données de niveau 2 » ; elles correspondent aux données de
l’enregistrement par le capteur pendant une portion de son orbite, puis traitées
ensuite par les corrections atmosphériques et les algorithmes marins. Chaque
pixel représente une information instantanée, telle qu’elle est au moment du
passage du satellite (le pixel est l’élément de base de l’image et sa taille dépend
du champ de vue de l’instrument et de son altitude). La présence de nuages dans
la fauchée du satellite ou des difficultés lors des corrections atmosphériques
créent par conséquent des zones sans observation le long de la trace satellitaire,
ce qui peut être gênant pour des études à l’échelle d’un bassin ou pour le suivi
d’une zone sur de longues périodes. Afin d’obtenir une vue synoptique d’une
région – ou même de l’océan mondial – sur une période de temps assez longue,
il faut alors combiner plusieurs images individuelles afin d’obtenir une image
« composite », représentant une situation moyenne, d’autant plus complète
que la composition est effectuée sur une longue période (données de « niveau
3 » ; planches 2B,3,4,6, 7 et 8). C’est par cette stratification d’images (le terme
stratification illustrant en quelque sorte l’empilement des images pour générer
une moyenne) qu’on peut obtenir, par exemple, des cartes mondiales de la
biomasse phytoplanctonique, à l’échelle mensuelle et annuelle.
7.1. Cycle annuel de la biomasse phytoplanctonique en Méditerranée nord-occidentale
Le bassin nord-occidental de la Méditerranée (bassin liguro-provençal) est
caractérisé par un cycle annuel de la biomasse phytoplanctonique très marqué.
En hiver, le refroidissement des eaux salées de surface, dû à l’évolution du bilan
thermique de la colonne d’eau, en accroît la densité jusqu’à des valeurs égales à
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
114 D. Antoine
celles des eaux plus profondes, ce qui crée des cellules de convection détruisant
totalement la structure stratifiée de la colonne d’eau. Des mélanges verticaux
intenses ont alors lieu (Medoc Group, 1970), qui sont à l’origine de la
formation de l’eau profonde de la Méditerranée, dont les caractéristiques sont
une température potentielle de 12,7 °C, une salinité de 38,4 psu, et une densité
de 29,11. Cette eau se trouve entre 1 200 et 2 800 mètres en Méditerranée
occidentale, qu’elle quitte par le détroit de Gibraltar pour aller s’épancher en
Atlantique nord où elle crée un maximum de salinité caractéristique vers 1 200
à 1 500 mètres.
L’effet de ces mélanges verticaux est quelque peu paradoxal : des éléments
nutritifs sont amenés en surface, ce qui pourrait favoriser une forte produc-
tion de biomasse si les mouvements verticaux, entraînant les cellules phyto-
planctoniques vers des eaux profondes non éclairées, ne venaient inhiber forte-
ment la photosynthèse. Le résultat est une très faible productivité (Nival et al.,1972) et des concentrations faibles en chlorophylle, de l’ordre de 0,04 mg·m−3
(planche 1). Au printemps, l’augmentation de l’irradiation solaire réchauffe
progressivement les eaux de surface, ce qui crée une stratification, à savoir l’éta-
blissement de la thermocline saisonnière. Les cellules algales subissent alors
moins de mouvements de déplacements dans la colonne d’eau et une photo-
synthèse efficace peut s’établir ; le résultat est une forte production de bio-
masse. C’est ce que l’on appelle la floraison printanière (spring bloom, en an-
glais), que l’on remarque très clairement sur la planche 1, sous la forme d’une
grande tache verte où les concentrations peuvent atteindre 1 à 2 mg·m−3. Deux
images de la même période, acquises à une année d’intervalle, sont montrées
afin de donner une idée de la forte variabilité interannuelle de la plupart des
phénomènes océaniques (aussi le moment de la conjonction de différents fac-
teurs déclenchant la floraison est-il difficile à prévoir). Une fois les sels nutritifs
consommés (la barrière physique de la thermocline empêche tout flux signifi-
catif d’éléments nutritifs des couches plus profondes vers la surface), le bloom
s’éteint petit à petit, pour laisser place à une situation totalement oligotrophe
qui va se prolonger tout l’été. Les concentrations sont alors de nouveau in-
férieures à 0,1 mg·m−3, mais pour une raison différente de celle qui prévaut
pour la période hivernale, à savoir la carence en sels nutritifs. En automne, la
lente évolution des conditions météorologiques se traduit par une érosion de
la thermocline ; des mouvements verticaux réapparaissent, avec une intensité
toutefois moindre qu’en hiver. Des éléments nutritifs sont néanmoins apportés
aux couches supérieures éclairées ; une floraison se produit alors, de la même
manière qu’au printemps, mais avec moins d’intensité, dans la mesure où la
quantité d’énergie radiative disponible à la surface de l’océan est plus faible.
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
Apports de la télédétection spatiale de la « couleur de l’océan » à l’océanographie 115
Cette production sera bientôt diluée dans la colonne d’eau en hiver lors des
intenses mélanges verticaux évoqués ci-dessus. Une nuance est toutefois à ap-
porter à ce schéma, dans la mesure où des floraisons peuvent avoir lieu en hi-
ver, lorsqu’un ensoleillement suffisant permet une légère stratification des eaux
de surface. Ces événements sont toutefois limités dans le temps et relativement
peu importants quand on considère le bilan annuel de la production phyto-
planctonique dans cette région de la Méditerranée.
Le cycle qui vient d’être décrit a été récemment documenté grâce à la télédé-
tection « couleur de l’océan » (Morel & André, 1991 ; Antoine et al., 1995).
7.2. El Niño/La Niña : exemple des îles Galapagos
Les îles Galapagos se situent dans le Pacifique est et constituent un obstacle
dans le passage du courant sud-équatorial qui circule juste au sud de l’équateur.
La présence de cet archipel volcanique engendre un « effet d’île » par pompage
d’Ekman (probablement aussi par interaction entre le courant et la topographie
sous-marine de l’île), et la remontée de sels nutritifs qui en découle permet
au phytoplancton de se développer. La production ainsi créée est ensuite
transportée vers l’ouest, toujours par le même courant sud-équatorial, ce qui
crée une plume caractéristique très bien observée dans les images de la couleur
de l’océan (planche 2A). Le courant sud-équatorial est l’une des composantes
de la circulation océanique générale dans le Pacifique ; il transporte des eaux
de plus en plus chaudes vers l’ouest du bassin, pour alimenter la « piscine
chaude » (warm pool en anglais), qui est une énorme réserve d’eaux chaudes,
confinée dans l’ouest du bassin par le régime régulier des alizés. Cette situation
peut être qualifiée de nominale et régulière (planche 2A, où la situation est
même particulièrement intense). En certaines périodes, en revanche, le régime
des alizés s’affaiblit et les eaux chaudes de l’ouest se déplacent lentement
vers l’est sous l’effet de coups de vent d’ouest, qui sont la source d’ondes
de Kelvin (bien observées par les techniques d’altimétrie). Ces phénomènes
modifient profondément la circulation dans cette région ainsi que les régimes
des pluies et la position des masses d’eaux chaudes. Le courant sud-équatorial
est très diminué voire anéanti, et par conséquent l’upwelling disparaît autour
des îles Galapagos (planche 2A). L’upwelling qui existe habituellement le long
des côtes du Pérou (planche 3A) est également stoppé, avec des conséquences
dramatiques sur la pêche dans cette région. Les causes de cet événement
intensivement étudié et bien connu sous le nom de « El Niño » – car il survient
en général aux alentours de Noël – sont encore mal élucidées. La télédétection
de la couleur de l’océan, utilisée conjointement à d’autres techniques comme
l’altimétrie, a permis d’observer ce phénomène, donc de mieux le comprendre
et de contribuer aux études dont le but est de pouvoir prédire la survenue de
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
116 D. Antoine
tels événements, dont les conséquences climatiques, et donc économiques, sont
gigantesques et n’affectent d’ailleurs pas que la région pacifique qui les où ils
prennent naissance.
7.3. La mousson de l’océan Indien
Le phénomène bien connu de la mousson de l’océan Indien est illustré sur la
planche 2B. En été boréal, la répartition des pressions atmosphériques entre le
sud de l’océan Indien et l’Inde crée un flux orienté vers le nord-est, qui produit
un fort upwelling le long des côtes de la Somalie et de l’Arabie. Des pêches
importantes sont pratiquées dans ces régions (la côte des Ichtyophages). En
hiver boréal, le régime s’inverse, car les très hautes pressions sur le continent
asiatique se combinent cette fois aux basses pressions du continent africain
pour générer un flux orienté vers le sud-ouest, qui ne peut plus donner lieu à un
upwelling. Ce phénomène et son observation détaillée par la télédétection de la
couleur de l’océan sont une parfaite illustration des relations étroites existant
entre les régimes météorologiques et hydrologiques, et la réponse biologique.
7.4. La dynamique des upwellings
Les upwellings côtiers sont sans doute un des plus importants phénomènes
dynamiques dans l’océan. Il s’agit de remontées d’eaux profondes provoquées
par le transport des eaux de surface de la côte vers le large. Ce transport
d’Ekman est engendré par la tension du vent en surface, qui se traduit par
un courant décalé vers la droite de la direction du vent dans l’hémisphère
nord. Des vents plus ou moins parallèles à une côte orientée dans une direction
proche de l’axe nord-sud sont donc les conditions nécessaires à l’établissement
d’un upwelling. La planche 3A montre très bien l’enrichissement intense le long
des côtes du Pérou et de la Mauritanie, bien connues pour être des régions
de très forte pêche, ainsi que le transport progressif de ces eaux riches en
phytoplancton vers le large.
7.5. Les océans polaires
La planche 3B est ici simplement montrée pour illustrer l’opposition qui
existe entre les deux océans polaires de la planète, l’océan Arctique, plus
ou moins circulaire, entouré de terres et donc très influencé par les régimes
météorologiques continentaux, et l’océan Antarctique (ou océan Austral),
immense anneau circulant d’ouest en est autour du continent antarctique. Si ces
deux océans sont totalement différents sur de nombreux aspects (circulation,
hydrologie…), ils sont tous les deux caractérisés par de très fortes variations
saisonnières, en particulier de la production primaire, principalement dues aux
très grandes variations de l’irradiation solaire dans ces régions (avec des nuits
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
Apports de la télédétection spatiale de la « couleur de l’océan » à l’océanographie 117
polaires de plusieurs mois). De très fortes productions sont observées dans les
parties sud de l’océan Arctique, alors qu’elles sont en général un peu moindres
pour l’océan Austral. Cela est plutôt paradoxal dans la mesure où de très
fortes concentrations en éléments nutritifs sont mesurées dans cet océan. Divers
facteurs limitants ont été évoqués pour expliquer ce régime à « haute teneur en
éléments nutritifs et faible productivité » (carence en fer, mélanges verticaux
intenses…), sans que l’on soit encore sûr d’avoir identifié la (les) principale(s)
cause(s) de ce paradoxe.
7.6. Les méandres du Gulf Stream
Le Gulf Stream, qui ferme la circulation anticyclonique de l’Atlantique nord est
un courant de bord ouest, et, en tant que tel, il est intense et confiné dans une
bande relativement étroite. Il constitue la limite entre les eaux oligotrophes au
sud et les eaux plus froides et plus productives de l’Atlantique nord. Cette
frontière nette est parcourue d’instabilités qui produisent des méandres et
des tourbillons (planche 4A), dissipant l’énergie initiale du courant pour le
transformer petit à petit en un flux plus diffus nommé dérive nord-atlantique,
qui parvient jusqu’aux côtes européennes (ce qui fait, par exemple, que la
Bretagne n’est jamais sous les glaces, au contraire de Terre-Neuve, qui se trouve
à la même latitude mais de l’autre côté de l’océan Atlantique).
La télédétection de la couleur de l’océan, conjuguée à la télédétection
de la température de surface et à l’altimétrie, permet de caractériser et de
suivre l’évolution de ces tourbillons chauds (anticycloniques, warm rings) ou
froids (cycloniques, cold rings) et, par exemple, d’apprécier leur importance
dans les bilans de production primaire. Le type de tourbillon est déterminé
par le sens de fermeture des méandres, vers le nord ou vers le sud, qui
donne respectivement des tourbillons d’eaux chaudes se déplaçant au sein des
eaux froides du nord, et des tourbillons d’eaux froides au sein d’eaux plus
chaudes. La signature « couleur » d’un tourbillon peut par exemple suffire
pour indiquer s’il s’agit d’un tourbillon chaud ou froid, ces derniers étant le
siège d’une productivité accrue, et donc de concentrations en chlorophylle
élevées par rapport aux eaux environnantes pauvres de la mer des Sargasses
et réciproquement (planche 4A).
7.7. La rétroflexion du courant des Aiguilles
Le courant des Aiguilles (courant de bord ouest de l’océan Indien sud) descend
le long des côtes est de l’Afrique du sud. À l’extrémité du continent, une partie
de ce courant remonte vers le nord pour alimenter le courant du Benguela alors
qu’une autre partie change radicalement d’orientation pour se diriger vers l’est
en rejoignant la grande dérive circumpolaire ; la confrontation de ces eaux aux
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
118 D. Antoine
caractéristiques différentes forme la convergence subtropicale. Ce virage en U
est une rétroflexion, due aux changements de vorticité potentielle et du para-
mètre de Coriolis quand la latitude augmente. Cette confluence de courants
et les forts changements de direction forment une zone de grande instabilité
qui se traduit par l’apparition de nombreux méandres et tourbillons, comme le
montre parfaitement la planche 4B. Ce type d’observation satellitaire peut par
exemple servir à vérifier les prévisions de modèles couplés physique-biologie,
qui cherchent à représenter la structure dynamique et ses répercussions sur
l’écosystème.
7.8. Les coccolithophorides
Si le phytoplancton est en général présenté comme l’élément central de la
pompe biologique dans l’océan, c’est à cause de son rôle de médiateur dans
le transfert de CO2 atmosphérique vers les sédiments marins. Il existe cepen-
dant une exception à ce schéma, quand la population phytoplanctonique est
dominée par l’ordre des Coccolithophorales. Ces algues ont en effet la parti-
cularité de fabriquer un squelette externe composé de plaquettes calcaires (les
coccolithes, figure 1), de formes extrêmement variées. Lors de la génération de
ces plaques, l’équilibre des carbonates est fortement modifié, et il en résulte
une production de CO2 sous forme gazeuse, dont la tendance naturelle est de
regagner l’atmosphère. Ces algues ont donc un rôle ambigu puisqu’elles contri-
buent au flux vertical vers les sédiments, quand les coccolithes sédimentent à
la mort des cellules, mais cela au prix d’un rejet de CO2 vers l’atmosphère.
La planche 5 montre deux exemples de floraisons de telles algues, dans la mer
de Bering et au sud de l’Islande. La couleur bleu turquoise un peu laiteuse est
due au très fort pouvoir diffusant des coccolithes, conséquence d’un indice de
réfraction élevé (l’indice de réfraction de la calcite est 1,58, soit 1,18 par rap-
port à l’eau). Une floraison aussi intense que celle que l’on voit pour la mer
de Bering peut générer une luminescence détectable à l’œil nu sur l’horizon.
L’importance d’un point de vue planétaire de ces floraisons, est encore sujette
à controverse (Brown & Yoder, 1994).
8. Autres utilisations de la « couleur de l’océan » : différents aspects dela modélisation du cycle océanique du carbone
8.1. Distribution mondiale de la biomasse phytoplanctonique
Les premières cartes mondiales de la biomasse phytoplanctonique ont été
dessinées à partir des données enregistrées par le coastal zone color scanneracquises de novembre 1978 à juin 1986 (Feldman et al., 1989). Ce capteur
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
Apports de la télédétection spatiale de la « couleur de l’océan » à l’océanographie 119
ne fonctionnait pas en continu, aussi de nombreuses zones étaient-elles peu
couvertes et la compilation de toutes les données acquises pendant les huit
années de vie du capteur a été nécessaire pour obtenir douze cartes mensuelles
« climatologiques » à peu près complètes. Les moyennes saisonnières et la
moyenne annuelle sont montrées respectivement en planches 6 et 7. On y
retrouve la plupart des phénomènes décrits dans les paragraphes précédents.
8.2. Photosynthèse et production primaire
L’estimation de la production primaire océanique est un des champs d’appli-
cation principaux de la télédétection de la couleur de l’océan. Par production
primaire, on entend le flux de carbone qui passe de la forme inorganique (le gaz
carbonique dissous dans l’eau de mer et les ions carbonate et bicarbonate asso-
ciés) à la forme organique (matière vivante sous forme d’hydrates de carbone
et autres molécules) par les processus de photosynthèse. La première étape de
cette fixation de carbone consiste en l’absorption d’énergie lumineuse par les
pigments photosynthétiques, dont la chlorophylle. C’est donc au niveau de la
quantification des concentrations en chlorophylle que se situe l’apport de la
télédétection de la couleur de l’océan à la modélisation de la photosynthèse et
de son résultat en terme de carbone, la production primaire. Nous n’entrerons
pas ici dans le détail des différents types de modèles de photosynthèse qui per-
mettent d’étudier et de quantifier la production primaire (voir Behrenfeld &Falkowski, 1997), ni de la manière de les appliquer aux données « couleur de
l’océan ». Nous montrerons seulement un exemple récent de leur application à
l’océan mondial (planche 8).
Cette figure montre la production primaire dans l’océan mondial, estimée à
partir des données « couleur de l’océan » récemment recueillies par le capteur
SeaWiFS de la Nasa, et en utilisant un modèle développé au laboratoire de
physique et chimie marines à Villefranche-sur-Mer (Morel, 1991a ; Antoine& Morel, 1996 ; Antoine et al., 1996). La production totale annuelle est
de 51 Gt de carbone, soit 51 Pg (1Pg = 1015 grammes) ou, autrement dit,
51 milliards de tonnes de carbone. Il faut aussi noter que cette valeur est
sensiblement égale à la production primaire réalisée sur les terres émergées
(Field et al., 1998), bien que la biomasse primaire océanique soit environ
500 fois moins importante que la biomasse terrestre (ce qui traduit la très
grande efficacité du phytoplancton pour la production de matière organique).
Des données concernant la température de l’océan et l’éclairement solaire
disponible à sa surface sont également utilisées. Pour établir cette carte, les
données de « niveau 3 » ont été utilisées, à savoir des moyennes mensuelles
et à échelle planétaire, elles-mêmes calculées à partir de centaines d’orbites du
capteur (ceci représente des centaines de millions de pixels).
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
120 D. Antoine
Ce genre de modélisation peut ensuite être inséré dans des modèles aux
visées plus larges, c’est-à-dire des modèles d’écosystème cherchant à représenter
les flux de carbone entre le compartiment phytoplanctonique et les maillons
supérieurs de la chaîne alimentaire marine (zooplancton par exemple), et la
répercussion à l’échelle planétaire d’une part sur le flux de carbone quittant les
couches superficielles vers l’océan profond, et, d’autre part, sur le flux de CO2
entre la surface et l’atmosphère.
8.3. Le taux de chauffage des eaux de surface de l’océan
Lors de la présentation du cycle de la biomasse phytoplanctonique en Méditer-
ranée nord-occidentale, il a été dit que les mélanges verticaux intenses de l’hi-
ver étaient déclenchés par l’évolution du bilan thermique de la colonne d’eau.
Un des termes de ce bilan thermique est la quantité d’éclairement solaire ab-
sorbé, et en particulier le profil vertical selon lequel la chaleur est « déposée »,
qui dépend bien sûr du profil vertical du phytoplancton. On voit donc poindre
ici une application supplémentaire de la télédétection « couleur de l’océan »,
puisque la connaissance de la concentration en chlorophylle (le phytoplanc-
ton) va permettre d’en estimer l’impact sur la déposition de chaleur dans la co-
lonne d’eau (Lewis et al., 1983, 1990 ; Kirk, 1988 ; Morel & Antoine, 1994,
par exemple dans les modèles de couche mélangée océanique).
8.4. Les aérosols atmosphériques
Lors de l’exposé des techniques de correction atmosphérique, il a été indiqué
que les plus récentes de ces techniques permettent d’accéder à l’épaisseur
optique des aérosols ainsi qu’à leur type. La première information est liée
à la concentration des particules dans l’atmosphère ; de plus, pour un type
donné et unique de particules, l’épaisseur optique augmente linéairement avec
la concentration. La deuxième information (sur le type) nous informe sur les
caractéristiques physiques de ces particules, que sont leur taille et leur indice de
réfraction (lié à la composition chimique). Notons cependant que la détection
de ces caractéristiques ne se fait pas directement par inversion du signal,
mais indirectement par l’utilisation de modèles d’aérosols. Si tel ou tel modèle
d’aérosol est sélectionné parce qu’il permet de simuler au mieux les luminances
atmosphériques détectées, alors on considère que ses propriétés (taille et indice
de réfraction) sont représentatives de l’aérosol en présence (ou de l’assemblage
de différents aérosols présents à différentes altitudes).
L’intérêt pour les aérosols atmosphériques est multiple. Ceux-ci ont tout
d’abord un effet significatif sur le bilan radiatif de la planète, soit parce qu’ils
réfléchissent une partie du rayonnement solaire vers l’espace, soit parce qu’ils
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
Apports de la télédétection spatiale de la « couleur de l’océan » à l’océanographie 121
en absorbent une partie et contribuent à l’augmentation de température de
l’atmosphère (ils absorbent également une partie du rayonnement thermique
de la terre). Ces deux effets sont déterminés en partie par le type de l’aérosol
(plutôt absorbant ou plutôt diffusant). La balance entre ces deux effets est très
difficile à établir, aussi est-on encore incapable de trancher entre un effet net de
refroidissement ou de réchauffement de l’atmosphère. L’incertitude vient aussi
de ce que l’impact de l’aérosol va également dépendre de l’altitude à laquelle
il se trouve et de l’épaisseur de la couche qu’il forme (l’exemple extrême étant
celui des aérosols volcaniques injectés dans la stratosphère lors des éruptions
majeures). Une partie des informations nécessaires à la quantification des effets
mentionnés ici est accessible par la télédétection de la couleur de l’océan,
comme l’épaisseur optique des aérosols et leur type. La structure verticale de la
population de particules n’est en revanche pas accessible, et requiert d’autres
techniques, comme les Lidar (Light detection and ranging).Les aérosols, en particulier ceux d’origine désertique (planche 9), ont égale-
ment une importance dans la biogéochimie des océans. Là encore, des doutes
persistent sur leur rôle exact, puisqu’ils pourraient ou bien ensemencer l’océan
en y apportant des éléments nutritifs (Donaghay et al., 1991 ; Duce et al.,1991), ou au contraire l’appauvrir en emportant les éléments nutritifs présents
dans l’eau lors de leur sédimentation (Krom et al., 1991).
9. Historique, présent et futur de la télédétectionde la « couleur de l’océan »
Les premières observations humaines de la terre depuis l’espace remontent au
début des années soixante, lors des missions Mercury de la Nasa. Ensuite, des
photographies furent prises lors des expériences Gemini, puis lors des célèbres
missions Apollo, où, cette fois, des observations spectrales furent aussi réa-
lisées. Ces expériences révélèrent toute la potentialité des observations de la
terre depuis l’espace et lancèrent l’idée de les réaliser à partir de satellites artifi-
ciels. Une des premières séries de satellites à avoir alors été lancée dans un but
d’observation de la terre fut celle des Tiros (Nasa), à vocation météorologique.
Ces observations ont commencé à se systématiser dans les années soixante-
dix, avec, par exemple, la mission Skylab (1973), le début des satellites de la
Noaa à vocation météorologique, puis la série des satellites Landsat, encore en
fonctionnement. Enfin, en 1978, deux instruments expérimentaux à vocation
purement scientifique furent embarqués sur le satellite Nimbus 7 de la Nasa,
Geosat (observation du géoïde), et CZCS, pour Coastal Zone Color Scanner(Gordon et al., 1980 ; Hovis et al., 1980). Le CZCS fut le premier instrument
dédié à la « couleur de l’océan », avec une mission nominale d’un an (il dura
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
122 D. Antoine
huit ans, finalement) et pour but d’observer les zones côtières (il observa en fait
l’océan mondial). La construction et le lancement de cet instrument succédèrent
aux essais réalisés par Clarke et al. (1970) à partir d’instruments embarqués
sur des avions. Ces expériences révélèrent la faisabilité d’une détection à
distance du spectre de réflectance de l’océan ainsi que son inversion pour
calculer la concentration en chlorophylle.
Après que le CZCS eut fonctionné pendant huit ans, dix années sans
observation se sont écoulées, de 1986, année de fin de la mission CZCS, à
1996, année de lancement de la plate-forme Adeos par la Nasda, avec à
son bord les instruments Polder (Cnes ; Deschamps et al., 1994) et OCTS
(Japon ; Saitoh, 1995). Ce satellite a malheureusement cessé de fonctionner en
juin 1997, et les deux instruments n’ont pu fournir que huit mois de données.
Ensuite, le satellite SeaStar, portant le capteur SeaWiFS (Hooker et al., 1992),
fut lancé par la Nasa en août 1997. Il fonctionne encore au jour où cet article
est écrit. À peu près simultanément à Polder, le capteur Mos était lancé sur
le satellite IRS-P3 (Indien) et une copie installée sur la station spatiale russe
Priroda. Enfin, le capteur Rocsat a été mis en orbite à la fin de 1998 par
Taiwan, mais il n’avait pas encore fourni de données quand ce bref historique
fut rédigé.
Nous vivons actuellement (1997-2002) en quelque sorte une « période d’es-
sai », au cours de laquelle de nombreux instruments ont été ou vont être lancés,
presque tous basés sur des principes différents, et avec des caractéristiques tout
à fait variables. Ces instruments sont construits afin de démontrer une certaine
capacité technologique, de tester des techniques et de nouveaux algorithmes,
et de préparer le terrain pour le développement d’une prochaine génération
d’instruments, probablement moins sophistiqués et moins coûteux, et destinés
à une surveillance opérationnelle et permanente de l’océan.
La situation actuelle (fin des années quatre-vingt-dix et début du troisième
millénaire), qui, en même temps qu’elle était inespérée après dix années sans
observations, pose certains problèmes car il est difficile de « mélanger » les
données de différents capteurs, calibrés de manière différente et utilisant
des algorithmes différents pour le traitement des données. De gros efforts
d’intercalibration et d’intercomparaison des données seront donc nécessaires.
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
Apports de la télédétection spatiale de la « couleur de l’océan » à l’océanographie 123
10. Annexes : Les différents signaux reçus par un capteur placé hors del’atmosphère
10.1. La luminance totale, LT
La luminance totale reçue par le capteur hors de l’atmosphère, LT, peut se
décomposer2 comme suit (en omettant les dépendances spectrale et angulaire) :
LT = LR + LA + LRA + LG + LF + t LW
Chacun des termes de cette décomposition est présenté ci-dessous (voir
également la liste des symboles), et est illustré de manière schématique par
la figure A1. La figure A2 montre la géométrie du problème.
10.2. La luminance marine, Lw
La contribution, au niveau du capteur, des photons ayant pénétré dans l’océan
s’exprime par le produit de la luminance à la sortie de l’océan, Lw, par la
transmission diffuse de l’atmosphère, t(, �), dont une expression approchée,
et établie empiriquement, est donnée ci-dessous :
t(, �) LW(, �0, �v, �)
où
t(, �) = exp
−
(12�R() + 1
6�A() + �ag
)
cos(�)
Les � sont les épaisseurs optiques de l’atmosphère (molécules, �R), des
aérosols (�A), et des gaz absorbants (�ag), principalement l’ozone. Le facteur 1/2
rend compte de la symétrie de l’indicatrice de diffusion des molécules de l’air, le
facteur 1/6 (sans doute un maximum, Viollier, 1980) indique au contraire sa
forte dissymétrie pour les aérosols. Cela rend leur impact négligeable tant que
leur épaisseur optique est faible (Gordon, 1984). La contribution océanique
à LT est typiquement inférieure à 10 %. Pour des concentrations élevées
en chlorophylle, Lw peut devenir quasi inexistante à 445 nm. Les causes de
variations de Lw ont été examinées en section 3. La profondeur de pénétration
est un paramètre important pour la compréhension des luminances marines.
2. Une telle décomposition est toujours une approximation, dans la mesure où les luminances
ne sont pas strictement additives.
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
124 D. Antoine
i
k
h
d
e
ja
c
f
b
g
Lw
LP
Lr
Champ de vue
instantané
Figure A1 — D’après Robinson (1983) : représentation schématique des différents si-gnaux (luminances) reçus par un capteur de la « couleur de l’océan » (voir texte de l’an-nexe ; Lp symbolise ici la somme LR +LA +LRA). Les flèches symbolisent le trajet des pho-tons entre leur entrée dans l’atmosphère et leur retour vers le capteur (les rayons devraienten principe être représentés parallèles ; plusieurs directions sont dessinées ici par souci declarté de la figure). Sont ici représentés ; (a) : la luminance émergeant de l’océan, Lw ; (b) :l’atténuation de Lw pendant son trajet vers le capteur (absorption) ; (c) : l’atténuation deLw pendant son trajet vers le capteur (diffusion hors du champ de vue) ; (d) : la réflexionspéculaire ; (e) : réflexion de l’éclairement de la voûte céleste (éclairement diffus du ciel) ;(f) : une partie de (e) diffusée hors du champ de vue ; (g) : l’atténuation (ici absorption) dela réflexion spéculaire ; (h) : diffusion simple dans l’atmosphère (molécules ou aérosols) ;(i) : diffusions multiples dans l’atmosphère (molécules et/ou aérosols) ; (j) : diffusion dansle champ de vue d’une luminance marine due au pixel avoisinant (effet d’environnement ;en général non pris en compte dans l’océan ouvert, suffisamment homogène horizontale-ment) ; (k) : éclairement direct qui est ensuite diffusé dans la direction du capteur.
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Apports de la télédétection spatiale de la « couleur de l’océan » à l’océanographie 125
∆φ
θ0
θ
θ′
γ
zénith
nadir
Lu
Lw
Figure A2 — D’après Morel & Gentili (1996). Représentation schématique de la géomé-trie d’une observation satellitaire. Les symboles sont définis dans la Table des symboles. Lerond noir est le soleil et le losange noir le capteur. l’angle est l’angle de diffusion.
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
126 D. Antoine
Elle peut être définie, dans le cas d’un océan homogène sur la verticale,
comme la profondeur où l’éclairement est réduit à 1/e de sa valeur en surface.∫ Z90()
0
Kd(, z) dz = 1
Kd est le coefficient d’atténuation diffuse, et Z90() la profondeur de la couche
océanique qui contribue à 90 % de la luminance qui ressort de l’océan,
Lw. Gordon & McCluney (1975) ont montré qu’une bonne approximation
de Z90() était donnée par l’inverse du coefficient d’atténuation diffuse. La
conséquence pratique de ces définitions est qu’un capteur situé au-dessus de
la surface ne pourra « voir » en dessous de la profondeur de pénétration. En
outre, plus la concentration en pigments est élevée, plus l’atténuation sera forte
et plus la couche contribuant à la luminance de l’océan sera mince.Cette couche
est donc également d’épaisseur différente selon les longueurs d’onde. Il a
également été montré que l’influence de la stratification verticale des propriétés
optiques sur cette profondeur de pénétration est négligeable (André, 1992).
10.3. La diffusion par les molécules de l’air (diffusion « Rayleigh »), LR
Dans ce terme, on inclut les photons ayant diffusé un certain nombre de fois
sur les molécules de l’air et ayant éventuellement été réfléchis à la surface de la
mer. Une expression possible de LR est donnée ci-dessous, dans l’hypothèse où
les diffusions sont uniquement simples (les dépendances spectrales et angulaires
sont omises ou simplifiées dans les crochets ci-dessous) :
LR(, �0, �v, �) =[
F0 �0 �R
�v + �0pR(−)
(1 − e
−�R ( 1�v
+ 1�0
))]
+[
F0 �0 �R
�s − �′ pR(+) �F(�v) e− �R�v
(e
−�R�0 − e
−�R�′
)]
+[
F0 �′ �R
�′ − �vpR(+) �F(�s) e
− �R�0
(e
−�R�′ − e
−�R�v
)]
Les trois termes de cette équation rendent compte, respectivement (fi-
gure A3) :
1. des photons ayant subi une diffusion dans l’atmosphère sans interaction
avec la surface (�0 =�v) ;
2. des photons diffusés une fois, réfléchis à la surface, puis renvoyés directe-
ment vers le capteur (�′ est l’angle entre le zénith et la direction d’incidence du
photon à la surface) ;
3. des photons solaires réfléchis à la surface, puis diffusés une fois vers le
capteur (�′ est l’angle entre le zénith et la direction dans laquelle le photon est
réfléchi).
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
Apports de la télédétection spatiale de la « couleur de l’océan » à l’océanographie 127
� �
�′�′
�� ��
00 0
� 1
A B C
Figure A3 — Dans Wang (1994) : Les trois chemins possibles pour un photon subissantune simple diffusion dans l’atmosphère (A), et, éventuellement, une réflexion à la surfaceaprès (B) ou avant (C) cette diffusion.
Si l’épaisseur optique est suffisamment faible (1 – e−x ~ x quand x est petit),
et si l’interface océan-atmosphère est parfaitement plane (les angles � et �′ sont
alors égaux dans le 2e terme, et les angles �′ et �0 sont égaux dans le 3e terme),
cette expression se simplifie comme suit :
LR(, �0, �v, �) = F′0() �R() �̄R() pR(, ±)
4� cos(�v)
où
F′0() = F0() exp
[−�O3()
( 1
cos(�v)+ 1
cos(�0)
)]
et
pR(, ±) = pR(±, ) + [�F(�v + �F(�0)] pR(±, )
La fonction de phase PR(±, ), symétrique, est dérivée de la théorie de
Rayleigh. � est le coefficient de Fresnel pour la direction �. ± est l’angle de
diffusion (cf. table des symboles).
Si l’hypothèse des diffusions simples est abandonnée (les diffusions peuvent
être alors de tous les ordres), le calcul de LR passe par la résolution de
l’équation du transfert radiatif (par exemple Gordon et al., 1988 ; Gordon& Wang, 1992a,b), et ne sera pas détaillé ici (il n’existe plus d’expression
analytique simple).
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
128 D. Antoine
Les variations de LR sont principalement dues aux changements de la
pression atmosphérique, qui détermine la quantité de molécules contenues
dans l’atmosphère. En diffusion simple, LR est directement proportionnelle à
la pression, par l’intermédiaire de l’épaisseur optique des molécules, �R. Dans
le cas des diffusions multiples, la relation n’est plus linéaire (Gordon et al.,1988). L’influence sur LR de l’état de la surface de la mer plus ou moins agitée
par le vent étant connue (Plass et al., 1975), son effet a été estimé pour le CZCS
(Gordon & Wang, 1992a,b). Il est du même ordre de grandeur que l’impact
d’une variation de ± 15 mb de la pression, ou de ± 50 Dobson Units de l’ozone
(André & Morel, 1989) (LR étant également modifiée par la concentration
en ozone, au travers du terme F′0()).
10.4. La diffusion par les aérosols, LA
Dans ce terme, on inclut les photons ayant été diffusés un certain nombre de
fois par les aérosols. Comme pour LR, il existe une expression de LA sous
l’hypothèse que les diffusions sont uniquement simples (une seule collision
avec les aérosols). L’expression est identique à celle de la diffusion Rayleigh,
avec une fonction de phase PA(±, ), qui peut être dérivée de la théorie de
Mie, si les caractéristiques des aérosols sont connues (indice de réfraction et
distribution de taille, les deux étant modifiés par l’humidité).
LA(, �0, �v, �) = F′0() �A() �̄A() pA(, ±)
4� cos(�v)
Quand l’hypothèse des diffusions simples est abandonnée, le calcul de LA se
fait également par la résolution de l’équation du transfert radiatif et ne sera
pas détaillé ici (il n’existe plus d’expression analytique simple).
La variabilité de LA est plus importante que celle de LR, car les facteurs inter-
venant sont plus nombreux. L’épaisseur optique des aérosols est la première
source de variations. La fonction de phase est par ailleurs dépendante de l’in-
dice de réfraction, de la distribution de taille et de l’humidification des aéro-
sols. La grande variabilité spatiale et temporelle des particules atmosphériques
fait que le terme LA ne peut en général pas être calculé directement pour une
prise de vue satellitaire. Seules des méthodes indirectes permettent de l’estimer.
10.5. Les diffusions couplées molécules-aérosols, LRA
On conçoit que les photons pénétrant dans l’atmosphère puissent être succes-
sivement diffusés par des molécules et par des aérosols, et que les deux termes
précédemment décrits (LR +LA) ne suffisent pas à caractériser le régime ra-
diatif complet (Deschamps et al., 1983). Un terme de couplage, LRA, ajoute
sa contribution à LT. Il peut être du même ordre de grandeur que LA, et va
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
Apports de la télédétection spatiale de la « couleur de l’océan » à l’océanographie 129
en augmentant avec l’accroissement du trajet des photons. En réalité, il existe
deux manières d’aborder ce problème.
En premier lieu, on peut considérer la valeur de LR telle qu’elle serait pour
une atmosphère sans aérosols (purement moléculaire), et la valeur de LA pour
une atmosphère hypothétique sans molécules (uniquement constituée d’aéro-
sols). Dans les deux cas, on peut considérer les diffusions multiples. Quand on
ajoute ces deux termes pour calculer leur contribution globale à LT, le terme
LRA devient alors un terme purement correctif, la plupart du temps négatif, et
qui traduit le fait que les deux luminances LR et LA calculées séparément sures-
timent leur valeur réelle dans une atmosphère réaliste avec des molécules et des
aérosols. C’est l’approche utilisée par Deschamps et al. (1983) ou Gordon &Wang (1994).
En second lieu, on peut considérer que ce terme correctif négatif n’a pas
beaucoup de signification physique, et, par conséquent, calculer l’ensemble des
termes LR, LA, et LRA pour des atmosphères réalistes (molécules + aérosols),
par la méthode de simulation du transfert radiatif Monte-Carlo, qui permet de
suivre individuellement le trajet de tout photon injecté dans le système océan-
atmosphère préalablement défini par ses propriétés optiques et des conditions
aux limites appropriées. Dans ce cas, on peut calculer la valeur exacte du terme
de couplage LRA (Antoine & Morel, 1998), et même analyser quel est le
type d’événement de diffusion qui domine dans sa génération (une diffusion
moléculaire + une diffusion par les aérosols, ou bien toute autre combinaison
possible).
10.6. La réflexion spéculaire à la surface de l’océan, LG
Ce terme concerne des photons n’ayant subi aucune diffusion dans l’atmo-
sphère, et seulement réfléchis à la surface de la mer. Les satellites ont en gé-
néral la possibilité de basculer leur prise de vue (tilt en anglais) pour éviter
la direction qui correspond à cette réflexion spéculaire du soleil (provoquant
la saturation des instruments), et qui est unique si la surface est parfaitement
plate. Si la surface de l’océan n’est pas parfaitement plate (ce qui est d’autant
plus vrai que le vent est fort), d’autres directions visées peuvent être « contami-
nées » par la réflexion spéculaire ; c’est la tache de réflexion spéculaire, où l’in-
tensité de la réflexion reste significative. Il peut être intéressant de savoir calcu-
ler la réflexion dans ce cas, pour permettre une observation plus systématique
de l’océan. LG est fonction de la géométrie de l’observation (l’ensemble soleil-
surface-satellite), et de l’état de surface de l’océan. Une expression possible est
(Vermote et al., 1994) :
LG(, �0, �v, �) = F0() cos(�0) P(�0, �v, �) R(n, �0, �v, �)
4� cos(�v) cos4(�n)
Océanis • vol. 24 no 2 • 1998
130 D. Antoine
où P(�, �0, �) est une fonction décrivant la distribution gaussienne
isotropique des facettes (Cox et al., 1954), R(n, �, �0, �) est le coefficient
de réflexion de Fresnel, et �n l’angle zénithal de la facette par rapport au soleil.
10.7. L’influence de l’écume de mer, LF
D’après Koepke (1984), la réflectance de l’écume de mer (les « moutons ») est
spectralement neutre, et proportionnelle à la fraction de la surface couverte
d’écume, W, (W�e f , avec �e f ≈ 22 %). W peut s’exprimer en fonction de la
vitesse du vent, U (Monahan & O’Muircheartaigh, 1980) :
W = 2,95 · 10−6 U3,52
Une expression possible de LF est alors (Vermote et al., 1994) :
LF(, �0, �v, �) = F0() cos(�0) W �e f
�
Ce terme peut être important dans la mesure où la vitesse du vent est forte
(jusqu’à 5 % de réflectance en plus par grand vent), et peut donc contribuer de
manière significative à LT (Gordon & Jacobs, 1977).
Il a été récemment montré que le spectre de réflectance de l’écume de mer
n’est pas neutre, et présente une diminution notable pour des longueurs d’onde
supérieures à 800 nm environ (Frouin et al., 1996). Cela pourrait avoir des
conséquences sur le calcul de la dépendance spectrale de la diffusion par les
aérosols, basé sur les signaux dans ce domaine de longueurs d’onde.
Remerciements
Je tiens à remercier Gilles Reverdin pour son invitation à donner cette confé-
rence, Annick Bricaud et André Morel pour la relecture du manuscrit, ainsi
que Bernard Gentili pour l’aide apportée à la réalisation des figures.
Source des illustrations
Les images CZCS utilisées pour illustrer cet article, quand elles sont identi-
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the University of Rhode Island.
— CZCS Images : Gene Carl Feldman, Space Data and Computing Division,
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Blanchard.
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Apports de la télédétection spatiale de la « couleur de l’océan » à l’océanographie 141
Échelle de couleur utilisée pour les planches 2,3,4,6 et 7. Les différentes couleurs utiliséescorrespondent à des concentrations en chlorophylle de plus en plus élevées en allant dubleu-violet au rouge, en passant par le vert et le jaune. Cette échelle est logarithmique,dans la mesure où la répartition des concentrations en chlorophylle dans l’océan mondialtend à suivre une loi lognormale. Les eaux où la concentration en chlorophylle est inférieureà 0,1 mg (Chl) par mètre cube couvrent environ 60 % de la surface de l’océan mondial.
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Planche 1 — Cycle annuel de la biomasse phytoplanctonique en Méditerranée nord-occidentale (dates sur les images). Les concentrations sont codées du bleu sombre (environ0,04 mg·m−3), au bleu clair (de 0,1 à 0,2 mg·m−3), au vert clair et foncé (de 0,5 à1,0 mg·m−3), puis au jaune et rouge (concentrations supérieures à 1 ou 2 mg·m−3 ;seulement sur les figures suivantes). Images CZCS.
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« La niña » (31 octobre 1983) « El niño » (31 octobre 1997)
CZCS-derived Phytoplancton Pigment Concentration SeaWiFS-derived Phytoplancton Chlorophyll-a Concentration
Planche 2A — Zone de l’upwelling des Galapagos, en période « normale » (à gauche), etsous l’influence du phénomène El Niño (à droite). Images CZCS.
mai-juin septembre-octobre
© NASA/GSFC © NASA/GSFC
Planche 2B — Ouest de l’océan Indien, avant la mousson (à gauche, mai-juin) et quandl’upwelling associé à la mousson est maximum (à droite, septembre-octobre). ImagesCZCS.
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Côtes du Pérou (16-26 janvier 1980) Mauritanie (16-22 décembre 1979)
© NASA/GSFC © NASA/GSFC
Planche 3A — Upwellings du Pérou et de la Mauritanie (périodes indiquées sur la figure).Images CZCS.
Été boréal Été austral
© NASA/GSFC © NASA/GSFC
Planche 3B — Vues polaires de la planète, montrant les concentrations en chlorophylle del’océan Arctique et de l’océan Austral, pour leurs étés respectifs. Images CZCS.
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© NASA/GSFC
Planche 4A — Image de l’Atlantique nord-ouest montrant les méandres du Gulf Stream.Images CZCS.
© NASA/GSFC
Planche 4B — Zone sud-ouest de l’océan Indien (convergence subtropicale), et méandresintenses dus à la rétroflexion du courant des Aiguilles. Images CZCS.
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© NASA/GSFC
© NASA/GSFC
Planche 5 — Deux images « fausse couleur » (voir planche 9) acquises par le capteurSeaWiFS en 1998, et montrant d’importantes floraisons de coccolithophoridés (voir aussifigure 1). En haut : la mer de Bering (25 avril 1998). En bas : le sud de l’Islande (15 juin1998).
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1er novembre 1998 14 décembre 1998 (îles Canaries)
© NASA/GSFC © NASA/GSFC
5 janvier 1999 (Mauritanie) 17 avril 1998 (Namibie)
© NASA/GSFC © NASA/GSFC
Planche 9 — Images du capteur SeaWiFS, montrant des vents de poussières désertiquess’étendant au-dessus de l’océan (dates et régions indiquées au dessus des images). Cesimages sont en « fausse couleur », ce qui signifie que les luminances de 3 canaux centrésapproximativement sur le rouge, le vert, et le bleu, ont été combinées afin de donner unereprésentation proche de celle qu’aurait un observateur humain.
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