Apollo - Bruno Meyssat

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APOLLO CONCEPTION ET MISE EN SCÈNE BRUNO MEYSSAT PREMIÈRE À LA MC2: LE 14 NOVEMBRE 2014 RÉALISATION DU DOSSIER JULIE VALERO MC2: Grenoble 4 rue Paul Claudel, CS 92448 38034 Grenoble Cedex 2 www.mc2grenoble.fr

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Dossier pédagogique

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APOLLOCONCEPTION ET MISE EN SCÈNE

BRUNO MEYSSAT

PREMIÈRE À LA MC2: LE 14 NOVEMBRE 2014

RÉALISATION DU DOSSIERJULIE VALERO

MC2: Grenoble 4 rue Paul Claudel, CS 92448 38034 Grenoble Cedex 2

www.mc2grenoble.fr

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MC2: Grenoble — Dossier pédagogique — Apollo 1

SOMMAIREDISTRIBUTION 2INTRODUCTION 3BRUNO MEYSSAT : PARCOURS SCÉNIQUE 4DRAMATURGIE ET SCÈNE 8APOLLO : QUELQUES REPÈRES 12L’ÉQUIPE ARTISTIQUE 14

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Conception et réalisation Bruno Meyssat

Avec Gaël Baron, Charles Chemin, Elisabeth Doll, Frédéric Leidgens, Jean-Christophe Vermot-Gauchy, Marie-Laure Vrancken

Scénographie Bruno Meyssat, Pierre-Yves Boutrand ∙ Lumière Franck Besson ∙ Préparation des objets et construction Pierre-Yves Boutrand,

Arnaud Chevalier ∙ Univers sonore Patrick Portella, David Moccelin ∙Costumes Robin Chemin ∙ Assistants Véronique Mailliard, Charles Chemin

Production Théâtres du Shaman ∙ Coproduction MC2: Grenoble, Les Subsistances - Lyon, La Comédie de Saint-Étienne

Première à la MC2: Grenoble le 14 novembre 2014Représentations du 14 au 21 novembre

APOLLODISTRIBUTION

Contact Anne Meric 04 76 00 79 65 – [email protected]

Bill Anders étreint un technicien avant d'entrer dans la capsulle Apollo 8 – 21 décembre 1968

La compagnie Théâtres du Shaman est conventionnée par la DRAC Rhône-Alpes et la région Rhône-Alpes. Elle est subventionnée par la ville de Lyon

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Ce dossier pédagogique a pour vocation de familiariser le lecteur avec une démarche théâtrale singulière, celle de Bruno Meyssat, concepteur et réalisateur du spectacle Apollo. Si la tentation est grande de faire de ce spectacle un exemple parmi d’autres de « théâtre documentaire », relatant l’aventure spatiale extraordinaire que fut le pro-gramme Apollo entre 1967 et 1972, il ne faut point négli-ger de le replacer dans une pratique théâtrale originale qui trace son chemin, à l’écart des effets de mode, depuis le début des années 80.Revendiquant un « théâtre d’avant le texte » et une expé-rience sensible de « lente imprégnation », Bruno Meyssat signe ses spectacles « Conception et réalisation » et non « Texte et mise en scène » ; quelque chose de la représen-tation théâtrale est bel et bien mis en jeu par cet artiste à part dans le paysage théâtral contemporain et ce dossier pédagogique a pour ambition d’en proposer des clés de lecture.

Trois parties constituent ce dossier. La première, intitulée « Bruno Meyssat : parcours scénique », replace Apollo dans le contexte élargi d’une œuvre scénique, en proposant d’aborder des moments essentiels du parcours de l’artiste ainsi que des notions opérantes dans le champ du théâtre contemporain. Un second temps s’intéresse au travail dra-maturgique et de plateau : « Dramaturgie et scène » ; des clés de lecture du travail théâtral seront alors proposées, de la notion d’écriture de plateau à la place des objets en scène. Enfin, une dernière partie, titrée « Apollo : quelques repères », évoque de manière non exhaustive références cinématographiques et bibliographiques.

INTRODUCTION La nouvelle création de Bruno Meyssat réactive le souvenir d'une épopée qui a marqué la jeunesse du metteur en scène.1967-1972, cinq ans d'une aventure sans précédent et inégalée à ce jour : le programme Apollo.

« Le théâtre est-il encore nécessaire à nos sociétés sur-médiatisées ? Il l'est, absolument et radicalement, lorsqu'il se donne pour mission d'inventer un lieu à part, lieu pour mettre en mouvement l'imaginaire et la pensée des hommes. »Julie Valero

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Bruno Meyssat est de ces artistes qui, année après année, inlassablement, poursuivent une route singulière, construisent une œuvre qui va bien souvent à l’encontre des effets de mode. Parce que le théâtre est un art éphé-mère et que l’étude des spectacles est une pratique qui pose des problèmes méthodologiques importants – sur quelles traces travailler ? Que dit une captation vidéo d’un spectacle ? Que faire de ma mémoire de spectateur ? – on considère rarement un spectacle dans le contexte général d’un parcours artistique. Bruno Meyssat – né en 1959 – a fondé sa compagnie, Théâtres du Shaman, en 1981 et a conçu et réalisé depuis une trentaine de spectacles. C’est donc bel et bien à une œuvre théâtrale que l’on a affaire et non à une succession d’objets spectaculaires indépendants les uns des autres ; un parcours riche et foisonnant qui a connu des périodes, des étapes, des tours et des détours et dans lequel il semble nécessaire de replacer Apollo.

THÉÂTRES DU SHAMAN : LE CHOIX D’UN NOM

Bruno Meyssat fonde sa compagnie en 1981 avec un ami comédien, Philippe Cousin, qui sort alors d’un stage en Pologne avec le metteur en scène Jerzy Grotowski1. Ils nomment la compagnie Théâtres du Shaman. Ce nom n’est sans doute pas tout à fait anodin. D’autant que, contrairement à de nombreux artistes, Bruno Meyssat n’a pas créé plusieurs compagnies durant sa carrière, changeant ainsi le nom de la structure qui porte ses créations. Il semble donc que ce nom ait un sens fort et qu’il commande d’une certaine manière une « ligne artistique ».Le Petit Robert indique que le shaman (ou chaman) est « un prêtre-sorcier, à la fois devin et thérapeute, dans les civili-sations d’Asie centrale et septentrionale ». Le chaman est en effet celui qui intercède entre les hommes et les esprits de la nature ; endossant des fonctions diverses au sein de la communauté à laquelle il appartient, il a la réputation d’être doué d’une vision différente du monde qui l’entoure, 1 Metteur en scène polonais (1933-1999), il fonde le Théâtre laboratoire de Wroclaw et travaille à retrouver l'essence même du théâtre, en focalisant son attention sur le corps de l'acteur. Il est à l'origine de la notion de "théâtre pauvre" (J. Grotowski, Vers un théâtre pauvre, Lausanne, L'Age d'homme, 1971).

une vision holistique, qui prône l’approche de l’homme et du monde dans leur globalité.Le chaman c’est aussi celui qui fait spectacle au cours de cérémonies rituelles et religieuses visant à entrer en contact avec l’invisible ; à travers ses danses et ses chants, il est ainsi le dépositaire d’un savoir archaïque, d’une mémoire collective. Ces « performances » ritualisées sont des formes de spectacles souvent prises en compte par les anthropologues du spectacle vivant pour décrypter cer-tains des aspects fondamentaux de la représentation occi-dentale contemporaine. C’est le cas du critique et metteur en scène américain Richard Schechner qui relève la singula-rité de ces rituels performatifs :

« Depuis la Grèce antique, un "lieu à part" à l’intérieur du théâtre, la scène, a été réservé à la performance. Même dans le théâtre médiéval, où l’on voyageait de place en place sur des chars, les interprètes restaient généralement sur les chars et les spectateurs dans la rue. […]Pour trouver des exemples d’échanges d’espace systéma-tiques et continus entre des interprètes et des spectateurs, il faut consulter les comptes rendus ethnographiques de rituels. Deux circonstances retiennent l’attention : d’abord, le groupe des interprètes est parfois constitué de la popu-lation entière du village ou alors d’une classe particulière de la population, par exemple des hommes adultes et déjà initiés. […] Deuxièmement, ces performances ne sont pas des « spectacles » isolés mais font partie de cycles en cours qui durent des mois, voire plus longtemps. Ces rituels sont avant tout divertissants et sont perçus comme tels par ceux qui y participent, même s’ils ont aussi une autre dimension. Les performances rituelles font partie intégrante de la vie en communauté, et trouvent leur place dans l’écologie de la société […].Pendant ce type de performance, le village et ses abords sont investis par le spectacle. La performance ne reste pas en un lieu fixe, mais elle reste dans les limites d’un territoire défini. Si des spectateurs sont présents, ils voient arriver la performance, se déplacent pour la laisser passer, la suivent. […] La performance se déplace à l’intérieur et à l’extérieur du temple et tout autour des aires ouvertes au centre du village. L’espace de la performance est défini de manière organique, par l’action. Le point de vue des spectateurs sur la performance varie beaucoup : certains sont très atten-tifs, tandis que d’autres n’y prêtent pas attention. […]Dès que le placement fixe et la bifurcation automatique de l’espace ne sont plus les données immédiates, des relations complètement nouvelles deviennent possibles. Il peut y avoir contact corporel entre interprètes et spectateurs, modulation importante des niveaux vocaux et de l’inten-sité du jeu, et naissance d’une conscience liée au partage d’une expérience. »2

Ce que dit Richard Schechner c’est que celui qui se donne en spectacle au cours de ces « performances rituelles » a le pouvoir de créer des espaces de représentation singuliers au sein de la communauté. Ces espaces, néces-saires au fonctionnement de celle-ci, sont à mettre en rap-port avec nos théâtres actuels ; le théâtre est-il encore nécessaire à nos sociétés sur-médiatisées ? Il l’est, 2 R. Schechner, « Six axiomes pour le théâtre environnemental » in Performance, Expérimentation et théorie du théâtre aux USA, Montreuil, Éditions Théâtrales, 2008, p. 129 à 131.

BRUNO MEYSSAT : PARCOURS SCÉNIQUE (1/4)

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BRUNO MEYSSAT :PARCOURS SCÉNIQUE (2/4)

absolument et radicalement, lorsqu’il se donne pour mis-sion d’inventer un lieu à part, lieu pour mettre en mouve-ment l’imaginaire et la pensée des hommes :

Le théâtre « est l’un des derniers endroits », dit Bruno Meyssat, « où, pour une durée limitée, on fait le pacte de tous regarder en même temps, d’être attentifs à la même chose, sans que personne ne dise "plus vite" ou "moins vite". Il y a très peu de lieux comme ça où il n’y a plus qu’une activité à faire, certes exigeante. […] Donc le théâtre […] est vraiment un endroit unique où l’on se fait du bien car, pour une durée déterminée et d’un commun accord, on ne fera qu’une seule chose à la fois. »3

Selon Schechner, ces espaces de représentation sont comme détachés du temps commun et répondent à une temporalité tout à fait particulière ; durant des heures, voire des jours entiers, ils instaurent un autre rapport au temps. Cette conception différente de la « durée » est un élément fort de la pratique théâtrale contemporaine sur lequel nous reviendrons.

Enfin, dernier élément notable de ce texte, après la ques-tion de l’espace et du temps, celle des relations qui s’ins-taurent entre acteurs et spectateurs : d’abord, retenons que ce sont les acteurs, par leurs mouvements et leurs actions, qui inventent concrètement le lieu de la représen-tation – « l’espace de la performance est défini de manière organique, par l’action » nous dit Schechner – c’est donc l’invention d’une relation de l’acteur avec son environne-ment (objets, matières, sons, images qui l’entourent) qui définit l’espace de la représentation. Ensuite, Richard Schechner estime que ces performances sont propres à créer des relations d’une grande variété entre regardants et regardés, toutes fondées sur un sentiment commun ; celui d’une expérience partagée, expérience singulière s’il en est.

À de nombreux égards, le travail scénique de la compagnie des Théâtres du Shaman semble revendiquer l’héritage de la filiation dans laquelle l’inscrit son nom : création d’un espace organique, travail sur le temps comme durée, pro-position du partage d’une expérience qui soit avant tout sensible. Bruno Meyssat ne cache d’ailleurs pas son intérêt pour ces formes archaïques de spectacles :

« À vingt ans, j’aurais préféré faire des films mais je n’en avais pas les moyens. Je lisais des ouvrages sur le chama-nisme. C’était pour moi la forme de théâtre la plus aboutie, la plus vertigineuse. Je n’ai assisté à aucune séance chama-nique (ou kamlenie), mais par leurs relations au son, à l’invi-sible et aux assistants qui y participent, ces séances représentent comme un paradis perdu du théâtre. Elles convoquent tout ce qu’on ne voit pas, tout ce qui n’est pas là au départ, et qui est catalysé, mis en jeu par le corps, celui du shaman. Je ne fais pas pour autant quoi que ce soit d’assimilable à du chamanisme, je n’en parle jamais. Toutefois, le théâtre narratif ou profane ne m’intéresse pas, je ne saurai même pas monter du théâtre de texte, je préfè-rerais plutôt faire de la peinture. »4

3 B. Meyssat, in O. Neveux et C. Triau, « L’endroit où l’image existe c’est dans le cerveau », Entretien, Théâtre / Public, « États de la scène actuelle : 2012-2013 », n° 212, avril-juin 2014, Gennevilliers, p. 5.4 B. Meyssat, « Un théâtre d’avant la parole », in O. Aslan dir., Le Corps en

Cette fascination pour des formes de théâtre extra-occi-dentales et ce rejet du « théâtre narratif, profane » inscrit également Bruno Meyssat dans une autre filiation, celle d’Antonin Artaud (1896-1946). Cet artiste protéiforme – auteur, poète, dramaturge, comédien, théoricien – a fon-damentalement marqué l’histoire du théâtre du XXe siècle en revendiquant une autre voie pour la pratique théâtrale, celle d’un théâtre sans narration, sans personnages, sans texte, un théâtre de la sensation qui s’adresserait non plus à l’intellect du spectateur mais à son système nerveux :

« La révélation du Théâtre Balinais a été de nous fournir du théâtre une idée physique et non verbale, où le théâtre est contenu dans les limites de tout ce qui peut se passer sur une scène, indépendamment du texte écrit, au lieu que le théâtre tel que nous le concevons en Occident a partie liée avec le texte et se trouve limité par lui. Pour nous, au théâtre, la parole est tout et il n’y a pas de possibilité en dehors d’elle […].Cette idée de la suprématie de la parole au théâtre est si enracinée en nous et le théâtre nous apparaît tellement comme le simple reflet matériel du texte que tout ce qui au théâtre dépasse le texte, n’est pas contenu dans ses limites et strictement conditionné par lui, nous paraît faire partie du domaine de la mise en scène considérée comme quelque chose d’inférieur par rapport au texte. »5

Ici Antonin Artaud prend acte d’une tradition occidentale fortement enracinée : le théâtre est un « art à deux temps » (Henri Gouhier). Il est d’abord constitué d’une œuvre écrite – la pièce de théâtre – puis de sa projection dans un espace déterminé, celui du plateau, par des êtres en action, les comédiens, sous la direction d’un artiste, le metteur en scène, qui « signe » ce second temps de la vie de l’œuvre. Longtemps, la mise en scène a été considérée comme infé-rieure à l’œuvre originale, l’œuvre première qu’était le livre – et donc le metteur en scène comme un artiste moins accompli que l’auteur dramatique.

« On comprend donc que le théâtre, dans la mesure même où il demeure enfermé dans son langage, où il reste en cor-rélation avec lui, doit rompre avec l’actualité, que son objet n’est pas de résoudre des conflits sociaux ou psycholo-giques, de servir de champ de bataille à des passions morales, mais d’exprimer objectivement des vérités secrètes, de faire venir au jour par des gestes actifs cette part de vérité enfouie sous les formes dans leurs rencontres avec le devenir.Faire cela, lier le théâtre aux possibilités de l’expression par les formes, et par tout ce qui est gestes, bruits, couleurs, plastiques, etc., c’est le rendre à sa destination primitive, c’est le replacer dans son aspect religieux et métaphysique, c’est le réconcilier avec l’univers. »6

« Je propose donc un théâtre où des images physiques vio-lentes broient et hypnotisent la sensibilité du spectateur

jeu, Paris, CNRS Éditions, 1994, 2000, p. 374. Également disponible sur le site de la compagnie : http://www.theatresdushaman.com/Le-Corps-en-jeu.html5 A. Artaud, « Théâtre oriental et théâtre occidental », in Le Théâtre et son double, Paris, Gallimard, 1964, p. 105.6 A. Artaud, « Théâtre oriental et théâtre occidental », in Le Théâtre et son double, op. cit., p. 107-108.

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pris dans le théâtre comme dans un tourbillon de forces supérieures.Un théâtre qui abandonnant la psychologie raconte l’ex-traordinaire, mette en scène des conflits naturels, des forces naturelles et subtiles, et qui se présente d’abord comme une force exceptionnelle de dérivation. Un théâtre qui produise des transes, comme les danses de derviches et d’aïssaouas produisent des transes, et qui s’adresse à l’organisme avec des moyens précis, et avec les mêmes moyens que les musiques de guérison de certaines peu-plades que nous admirons dans les disques mais que nous sommes incapables de faire naître parmi nous. »7

À partir de sa découverte du théâtre balinais, Antonin Artaud rêve donc d’un théâtre non psychologique convo-quant les ressources physiques du corps de l’acteur, jouant avec les éléments plastiques de la cage de scène (formes, couleurs, lumières, sons) et propre à provoquer chez le spectateur des réactions organiques et sensibles. Si ce théâtre est resté à l’état d’utopie – Artaud lui-même n’est pas parvenu à « réaliser » ce théâtre de la Cruauté, comme il le nommait – il trace une voie nouvelle dans laquelle vont s’engouffrer de nombreux artistes dès les années 60, en rompant avec une tradition narrative et psychologique de l’acte théâtral pour proposer un théâtre de la sensation et de la performance qui se vit dans l’immédiateté et se veut être avant tout une expérience sensible.

LES DÉBUTS DES THÉÂTRES DU SHAMAN :UN THÉÂTRE « HORS TEXTE »

Bruno Meyssat réalise son premier spectacle en 1981 ; il est intitulé Détention et s’intéresse à la quête d’absolu que fut celle de Jim Morrison. Deux ans plus tard, la compagnie livre un nouveau spec-tacle, intitulé Fracture, qui présente un univers débarrassé de toute fiction linéaire, cherchant bien plutôt l’essence même de l’expérience théâtrale :

« Bruno Meyssat poursuit son travail de recherche sur la forme et le fond d’un théâtre dit "hors texte". Durant un cycle de répétitions de quatre mois, les acteurs ont affronté les limites de l’expression dramatique ainsi que celles de leurs propres capacités physiques de production sur un périmètre de jeu déterminé par un environnement plastique singulier : sable, foin, drap, terre…, éclairage à l’ampoule ou à la bougie, univers musical permanent.

D’une durée de deux heures, ce spectacle propose une suite de séquences rythmées invitant le spectateur à une "dérive émotionnelle" active. »8

7 A. Artaud, « En finir avec les chefs-d’œuvre », in Le Théâtre et son double, op. cit., p. 128. 8 Présentation du spectacle Fracture, site de la compagnie, consulté le 23/10/14 : http://www.theatresdushaman.com/Fractures.html/

La présentation du spectacle (voir aussi les photographies de celui-ci sur le site de la compagnie) met en avant un processus de travail long et singulier : quatre mois de répé-titions, c’est-à-dire le double de la durée conventionnelle (8 semaines environ), durant lesquels les acteurs se sont confrontés à eux-mêmes au sein d’un espace donné, celui du plateau. Théâtre visuel dans lequel les corps « à demi nus ou vêtus de haillons » deviennent sculptures, Fracture propose également un travail très abouti sur la lumière et le son, qui deviendront caractéristiques de l’univers de Bruno Meyssat :

« Je fais un théâtre sans texte depuis neuf ans. J’ai com-mencé en 1981 en éliminant tout d’abord et rapidement ce que je ne voulais pas faire sur un plateau. Avec Philippe Cousin, nous avons travaillé neuf mois durant, et nous avons suivi un chemin où tout naturellement le texte n’a pas trouvé place. Ce que je veux montrer est plutôt relatif au temps et à l’espace, et s’intéresse moins au récit où à une dramaturgie préalable. Je suis impliqué dans la pein-ture, la photographie, la musique, mais je fais du théâtre. Avec un plateau, des acteurs, des lumières, du son, mon utopie consiste à perturber les sensations d’espace et de temps chez le spectateur. »9

LES ANNÉES 90 : LE TOURNANT DU « DOCUMENTAIRE »En 1993 avec Les Disparus, les Théâtres du Shaman s’en-gagent dans une nouvelle voie, celle d’un théâtre « docu-mentaire ». Le spectacle est ainsi présenté comme le premier de la compagnie à trouver son origine dans « un fait historique, daté »10. Pour autant, la démarche docu-mentaire de Bruno Meyssat se fait là aussi singulière, s’éloi-gnant des formes en vigueur dans ce secteur du théâtre contemporain, qu’il s’agisse d’un théâtre du « réel » qui donne à voir et à entendre la multitudes des voix et des regards sur un sujet donné ou encore d’un théâtre documentaire dit « historique » qui se veut 9 B. Meyssat, « Un théâtre d’avant la parole », loc. cit., p. 373.10 Présentation du spectacle Les Disparus, Site de la compagnie, consulté le 24/10/14 : http://www.theatresdushaman.com/Les-Disparus.html

BRUNO MEYSSAT :PARCOURS SCÉNIQUE (3/4)

Carte postale envoyée par Bruno Meyssat et son équipe à Jean-Paul Angot, directeur de la MC2 et Christine Fernet, directrice de production, pendant leur voyage à Cap Canaveral (verso).

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contre-pouvoir11 . Mais c’est véritablement dans les années 2000 que cet infléchissement du travail s’affirme ; lors d’un voyage au Japon, Bruno Meyssat découvre avec émotion le site d’Hiroshima et décide d’entreprendre une création autour de cet événement tragique de l’histoire contempo-raine : « c’est comme cela qu’est née l’idée de travailler sur une séquence historique », raconte-t-il dans un entretien récent12.

Pour les Théâtres du Shaman, le « documentaire », plus qu’une forme, devient alors une méthode de travail ; du Japon aux États-Unis, de la bombe atomique à la conquête spatiale, il s’agit à chaque fois de « se mettre en contact avec le réel », notamment en arpentant physiquement les lieux qui inspirent le spectacle en y recueillant un certain nombre d’impressions, de témoignages, de photographies mentales propres à nourrir le travail de plateau. C’est ainsi que, comme pour 15%, l’équipe d’Apollo est partie décou-vrir Cap Canaveral, s’imprégner de l’ambiance de ce lieu mythique, en ramener des objets, rencontrer des acteurs essentiels de ce programme, etc.13

Les méthodes d’investigation mettent en mouvement l’en-semble du collectif – tout le monde participe à l’enquête initiale, comme l’explique le metteur en scène :

« J’ai senti alors qu’on allait vraiment travailler de manière collective. C’était très nouveau pour moi. […] On travaille mieux ensemble, avec les acteurs, en objectivant très tôt un sujet à l’extérieur de nous. Avant, le sujet comme don-née intérieure affleurait peu à peu, parfois pendant les répétitions. Le partage avec l’équipe était souvent flou, l’aire commune de notre intérêt difficile à circonscrire. Je me retrouvais parfois isolé d’eux. Tandis que là, j’énonce vraiment le matériel initial. Bien sûr je passe encore devant, je lis avant eux, mais j’ai hâte qu’ils me rattrapent et je suis enchanté de partager l’instruction de l’affaire comme le ferait un documentariste, très tôt, en amont et en conju-guant les aptitudes de chacun des acteurs. […] Comme je travaille sur des couches subconscientes, c’est important que le sujet appartienne aux acteurs, il faut qu’ils aient des contenus personnels, qu’ils aient plaisir à explorer. C’est ça la nouveauté : ils sont prêts à faire une enquête person-nelle à l’occasion d’un sujet qui a été déclaré à l’origine. »14

Plus qu’un théâtre documentaire – c’est-à-dire qui expli-querait quelque chose d’un fait historique, ici la conquête de l’espace – il s’agit d’un théâtre « documenté » – c’est-à-dire construit à partir de nombreux documents : lectures, rencontres avec des professionnels, voyages, etc. À partir du recueil, de la « collection »15 de ces documents, 11 Sur la distinction entre ces deux formes du théâtre documentaire et le positionnement de Bruno Meyssat dans ce paysage, cf. B. Hamidi-Kim, « 15 % de Bruno Meyssat : Vertiges et vestiges de la spéculation finan-cière... et herméneutique », in Frictions, n° 22, hiver 2013.

12 B. Meyssat, in O. Neveux et C. Triau, « L’endroit où l’image existe c’est dans le cerveau », loc. cit., p. 6.13 « Apollo : voyage préparatoire », site de la compagnie, consulté le 25/10/14 : http://www.theatresdushaman.com/Apollo-Voyage-preparatoire.html14 B. Meyssat, in O. Neveux et C. Triau, « L’endroit où l’image existe c’est dans le cerveau », loc. cit., p. 6.15 Travailler sur ce mot avec les élèves : qu'est-ce qu'une collection ? À quels domaines cela renvoie-t-il ? Quelles pratiques artistiques s'y rattachent ?

BRUNO MEYSSAT : PARCOURS SCÉNIQUE (4/4)

impressions, témoignages, souvenirs, l’équipe engage un travail théâtral qui consiste avant tout à « la transposition de tout ce matériel rencontré et à sa transformation en actions scéniques »16

Ce que la scène de Bruno Meyssat nous donne ainsi à voir ce n’est pas tant une fiction documentaire, ou le récit d’événements historiques, mais bien plutôt la façon dont le plongeon dans cet événement a affecté les corps de ses acteurs, et plus largement leur mémoire commune. Ainsi au fil des répétitions – et des improvisations (cf. plus bas les méthodes de travail) – se créent des « images » à partir d’actions scéniques proposées par les acteurs, sortes de vignettes visuelles et sonores qui, agencées, montées les unes avec les autres construisent un spectacle à l’intersec-tion de l’histoire et des mémoires individuelles.

16 B. Meyssat, « Moyens et méthodes d’un théâtre documenté », site de la compagnie, consulté le 24/10/14 : http://www.theatresdushaman.com/article89.html

Carte postale envoyée par Bruno Meyssat et son équipe à Jean-Paul Angot, directeur de la MC2 et Christine Fernet, directrice de production, pendant leur voyage à Cap Canaveral (recto).

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ÉCRITURE DE PLATEAULe travail dramaturgique de Bruno Meyssat s’apparente à une « écriture de plateau ». Cette écriture, qui n’est pas faite seulement de texte, est une écriture qui trouve son origine dans le travail scénique et non plus dans le travail solitaire de l’auteur dramatique. Le metteur en scène « écrit  » une partition1 d’après les propositions formulées au plateau par les acteurs en improvisation, mais aussi par les créateurs lumière et son, par exemple. Le critique Bruno Tackels a consacré une série d’ouvrages aux écrivains de plateau, dont François Tanguy, les Castellucci ou encore Pippo Delbono2. Il définit l’écriture de plateau de la façon suivante :

« Les écrivains de plateau produisent un texte non drama-tique (et en réalité non exclusivement textuel, selon les cas), construit pour la scène, et à partir de la scène –Carmelo Bene, Jan Lauwers et Rodrigo Garcia apparaissent comme des figures emblématiques de cette posture, décli-née d’après trois générations d’artistes. Il apparaît que nombre de textes contemporains, posés comme textes à part entière, proviennent en réalité de l’expérience réelle de la scène, et sont comme performés par elle. On peut même dire que les écritures les plus inventives du moment en passent par ce qui se forme, performe et se transforme à partir du geste initial des acteurs. »3

Véronique Mailliard, assistante à la mise en scène de Bruno Meyssat, explique que le travail scénique se décline en plu-sieurs phases. L’une des premières phases consiste à construire des improvisations à partir de propositions du metteur en scène – une expression, une phrase – et parfois selon quelques contraintes données par lui (un seul objet ou aucun objet, un nombre d’interprètes). Chacune de ces improvisations est consciencieusement notée dans un grand cahier, éventuellement illustrée par un croquis, et numérotée. Pour Apollo, Bruno Meyssat a donné en tout 84 sujets d’improvisation à ses interprètes. Chacun imaginait une action scénique à partir de ce sujet, seul ou à plusieurs.

La seconde phase du travail est nommée « Inventaire » et consiste, pour Bruno Meyssat, à sélectionner un certain nombre d'improvisations réalisées. Des quelques 400 réali-sées durant la première phase du travail, environ 90 ont été retenues. Ici, il est important de préciser que le metteur en scène refuse tout enregistrement vidéo ou sonore de ces improvisations ; il tient à travailler à partir de sa propre mémoire, de son « œil », comme il le dit lui-même. De la même manière, il demande à ses interprètes de noter cha-cune de leurs improvisations dans un cahier personnel. Cet inventaire a donc aussi pour but de revenir sur les traces d’improvisations passées, de les revivre, de les retrouver et, dans une certaine mesure donc, de les réinventer. Ces « images » sont à nouveau numérotées et titrées.

1 Partition : terme emprunté au vocabulaire musical et qui désigne, dans de nombreuses pratiques théâtrales contemporaines, le support textuel per-mettant de suivre l'évolution du spectacle, au fur et à mesure de sa réalisation.2 La série consacrée aux écrivains de plateau est publiée aux éditions des Solitaires Intempestifs (Besançon) depuis 2005 ; il en existe six volumes à ce jour : 1. Les Castellucci, 2. F. Tanguy, 3. A. Vassiliev, 4. R. Garcia, 5. P. Delbono, 6. A. Mnouchkine.3 B. Tackels, François Tanguy et le théâtre du radeau, Écrivains de plateau II, Besançon, Les Solitaires Intempestifs, 2005, p. 18.

La troisième phase du travail consiste à imaginer un par-cours fait de l’enchaînement de quelques-unes de ces images. Ainsi Apollo est pour l’instant – c’est-à-dire à vingt jours de la première – construit à partir de 35 images envi-ron, émanant toutes des improvisations de la première phase de travail. Bruno Meyssat agence ces fragments numérotés sur de grandes feuilles qui lui servent à visuali-ser l’ensemble du parcours, comme on peut le voir ci-dessous.

DRAMATURGIE ET SCÈNE (1/4)

Feuille du 24 octobre 2014.

Feuille du 23 octobre 2014.

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Au fil des jours et des répétitions, il ajuste cet enchaîne-ment, supprime des images, en ajoute, etc. Il y a là quelque chose de l’écriture cinématographique dans la façon dont il « coupe », « monte » ces images entre elles ; l’écriture à ce stade s’apparente à un véritable travail de montage des différentes scènes entre elles. Ce vocabulaire cinématogra-phique est d’ailleurs très tôt présent dans la pratique théâ-trale de Meyssat. En 1993, il explique en effet :

« Pour notre dernier spectacle, Ajax, j’avais construit deux cents « moments », j’en ai sélectionné soixante-dix, puis nous les avons réduits à quarante, qui eux-mêmes furent réaménagés, car la « bande-image », comme une plante, croît et se ramifie, et l’on sait qu’en mettant bout à bout deux images on en obtient une troisième. Puis l’étalonnage couleur intervient vers la fin […].Il m’est difficile de définir ce que je fais. Ce n’est ni mime, ni pantomime, ni « B.D sans bulles », ni cinéma muet, ni marionnettes. »4

UNE APPROCHE PLASTIQUE DE L’ACTE THÉÂTRALOn a pu lire, dans la première partie de ce dossier, que Bruno Meyssat se revendiquait plus volontiers des arts de l’image – cinéma, photographie, peinture – que des arts du mouvement. Il signe par ailleurs ses spectacles « Conception et réalisation »5, et non « Texte et mise en scène  », comme il est plutôt de rigueur dans l’art théâtral. Ce déplacement des attributions professionnelles tradi-tionnelles tient pour grande partie à l’approche plastique que Bruno Meyssat a de l’acte théâtral :

4 B. Meyssat, « Un théâtre d’avant la parole », loc. cit., p. 374.5 Exercice à réaliser avec les élèves : lire le générique : quels corps de métier sont mentionnés ? À quoi peut-on ainsi s'attendre sur le plateau ?

« J’assume l’éclairage de mes spectacles ; le travail sur l’éclairage et le son commence avant les répétitions, et le rôle des objets est déterminant – les matières inanimées deviennent des organismes quasiment vivants. Si l’on agit sur l’une des composantes (lumière, son, objets) cela aura des incidences sur les trois autres ; je les considère toutes comme des acteurs. Plutôt qu’une scénographie, je fais une « installation6 » avec des objets posés à terre ou sus-pendus. Je choisis des angles, des couleurs ».7

Quelques semaines avant la première, Bruno Meyssat parle encore de « crayonnage » pour décrire les bout à bout8 effectués pendant les répétitions. Par là, il affirme aussi le caractère visuel et plastique de ce qui s’invente ; le metteur en scène travaille ainsi à fixer les images, en modelant la lumière et le son qui viennent enrichir l’action scénique.

Étudier la lumièreLa création lumière fait partie des éléments essentiels d’une représentation théâtrale. Il faut par exemple savoir que l’émergence de la mise en scène, en tant qu’art auto-nome, à la fin du XIXe siècle, a coïncidé avec les débuts de l’utilisation de l’éclairage électrique. Celui-ci permettait en effet d’enrichir les décors en créant des ambiances inima-ginables jusqu’alors.

6 Installation : terme emprunté au vocabulaire des arts plastiques, l'instal-lation est une œuvre d'art contemporain dont les éléments, de caractère plastique ou conceptuel, sont organisés dans un espace donné à la manière d'un environnement.7 B. Meyssat, « Un théâtre d’avant la parole », loc. cit., p. 373.8 Bout à bout : dans le jargon théâtral, exercice qui consiste à prendre d'un bout à l'autre l'ensemble des scènes. Plus approximatif qu'un "filage", le "bout à bout" permet surtout de se rendre compte de l'effet d'ensemble.

DRAMATURGIE ET SCÈNE (2/4)

Feuille du dimanche 26 octobre 2014.

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La lumière au théâtre peut recouvrir plusieurs fonctions :  ∙ Elle peut créer une ambiance particulière ; un soir d’été par exemple ou un petit matin d’hiver au contraire – ici la création lumière peut signifier l’écoulement du temps durant une représentation théâtrale, du matin au soir, de l’été à l’hiver, etc. ∙ Les lumières peuvent aussi être des décors à elles seules ; c’était le cas, par exemple, pour la mise en scène du Prince de Hombourg par Jean Vilar (1951) : les lumières figuraient alors les barreaux d’une prison. ∙ La lumière peut être employée pour agir directement sur la sensibilité du public – on repense aux considérations d’Antonin Artaud sur le fait d’atteindre directement l’orga-nisme des spectateurs – c’est par exemple le cas des lumières stroboscopiques. ∙ Enfin, dans les théâtres occidentaux au XXe siècle, la lumière a fini par remplacer les trois coups qui signifiaient le début de la représentation ; ainsi lorsque la lumière dans la salle baisse et que le plateau s’éclaire petit à petit, la représentation peut commencer9.

Afin d’étudier la création lumière au sein du spectacle Apollo, on pourra se poser les questions suivantes : — Par qui la création lumière est-elle assurée ? Le metteur en scène ? Le scénographe ? Un créateur lumière attitré ?— Quels effets produisent les lumières ?— Comment la création lumière est-elle mise en rapport avec le contenu du spectacle ?

On apportera une attention particulière à ces deux der-nières questions. Les images rapportées par les astronautes d’Apollo, les récits qu’ils firent de leurs expériences s’ac-cordent tous sur l’intensité et la spécificité des rapports ombre-lumière. Norman Mailer, dans un roman où il entre-prend de relater l’aventure d’Apollo 11, revient sur cette particularité des lumières lunaires :

« Ils regardaient un terrain qui leur apparaissait avec une netteté comme ils n’en avaient jamais vu sur Terre. Il n’y avait pas d’air bien sûr, et donc pas de vent, pas de nuages, pas de poussière, pas même le plus petit éparpillement de lumière à partir de la plus infime des particules microsco-piques qu’on peut trouver par un jour clair sur Terre, non, rien de visible ou d’invisible ne se déplaçait dans le vide devant eux. Toute la lumière était pure. Pas la moindre brume, pas même la brume invisible du jour le plus beau : les objets étaient donc toujours nets à mesure qu’ils s’éloi-gnaient. Si l’on avait d’assez bons yeux, à cent mètres un objet était aussi distinct qu’un rocher à quelques mètres. […] Une fois de plus, ils avaient dû avoir l’impression d’être sur une scène ou sur le parquet éclairé d’une salle si vaste qu’on ne pouvait pas distinguer où commençait le plafond sombre, car rien n’annonçait la moindre évanescence de crête en crête ; au contraire chaque contour était aussi sévère que celui qui les devançait, et comme le sol était cri-blé de petits cratères de toutes tailles et que l’horizon était proche, quatre fois plus proche que sur Terre et aussi net qu’une ligne tracée par un crayon, le sol lunaire semblait être en pente dans tous les sens. »10

9 Si tel n'était pas le cas, cela a nécessairement une signification ; englober le spectateur dans la représentation par exemple, ou tout simplement, interroger les codes de la représentation théâtrale.10 N. Mailer, Bivouac sur la lune, Paris, Laffont, 1971, p. 541-542.

On peut sans aucun doute imaginer qu’un tel bouleverse-ment de l’environnement physique aura intrigué l’équipe de Bruno Meyssat, tant au niveau des lumières que du jeu de l’acteur.

Un théâtre des objetsLe théâtre de Bruno Meyssat s’est toujours singularisé par l’usage qu’il fait des objets et des matières. Pierre-Yves Boutrand, préparateur et constructeur d’objets, participe à toutes les répétitions et est très souvent sollicité durant celles-ci. Le rôle, la place, la fonction des objets dans la pratique théâtrale de Bruno Meyssat est en effet essentielle et s’inscrit dès les premières répétitions dans le travail des acteurs.

Qu’est-ce qu’un objet sur scène ? À l’origine désigné comme « accessoire », l’objet a émergé sur les scènes avec l’invention de la mise en scène pour renforcer l’évocation du réel à laquelle s’efforçaient les mises en scène natura-listes d’André Antoine notamment : la cruche d’eau, le peigne de jeune femme avait pour vocation d’inscrire l’ac-teur dans un environnement matériel qui fasse signe vers une réalité sociale, professionnelle, géographique connue du spectateur.

Aujourd’hui l’objet en scène ne se cantonne plus à cette simple évocation du réel, il est un acteur à part entière de la représentation, susceptible de renvoyer à une multipli-cité de sens en fonction de ses origines par exemple, d’évoluer pendant la représentation, d’inventer une drama-turgie, de « contraindre » l’acteur dans ses mouvements, etc.

DRAMATURGIE ET SCÈNE (3/4)

Quelques objets du spectacle Apollo. © MC2

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DRAMATURGIE ET SCÈNE (4/4)

L’objet en scène c’est tout ce qui peut être appréhendé, pris en main, manipulé par l’acteur ; l’objet est à la fois matériel et maniable. Au-delà des sens auquel il renvoie, de son usage réel, l’objet en scène peut être considéré pour l’effet qu’il produit sur les spectateurs – on peut être terri-fié de voir apparaître sur une scène une arme –, de son effet tactile, de sa sonorité ; on peut ainsi craindre l’appari-tion d’une craie à proximité d’un tableau noir… L’objet peut avoir plusieurs vies durant un même spectacle et devenir par exemple élément de décor.

Pour étudier l’objet en scène, on se posera les questions suivantes :— D’où vient l’objet ? (du monde réel ? Et si oui, à quel(s) univers renvoie-t-il ? Professionnel, privé, monde de l’en-fance, etc. ?)— La fonction de l’objet est-elle plutôt utilitaire ou symbo-lique ? Combine-t-elle les deux ?— Quels sens l’objet suscite-t-il ? La vue, l’odorat, l’ouïe, le toucher ?

Pour Bruno Meyssat, l’objet est un partenaire indispensable de l’acteur. Pour chaque improvisation proposée, une table à objets est mise à la disposition des acteurs dans laquelle ils peuvent aller puiser pour nourrir l’action scénique en cours. On peut voir que ces tables (voir photo page précé-dente) regorgent littéralement d’objets achetés, trouvés, fabriqués, aux provenances diverses et variées. Le metteur en scène aime à agencer régulièrement ces objets, en enle-ver quelques-uns, en ajouter, en mettre certains en évi-dence, etc.

Étude de trois objets de la création de Bruno MeyssatPour travailler en amont de la représentation avec les élèves sur ces objets, on cherchera à les définir, à com-prendre les usages auxquels ils renvoient, mais aussi les sens symboliques qu’ils sont susceptibles d’évoquer en fonction de la thématique du spectacle :

Objet n° 1 : la barre à niveau

Objet n° 2 : le pèse personne

Objet n° 3 : la couverture de survie

Pendant le spectacle : suivre l’évolution de ces objets, leurs différents usages, la fréquence de leur utilisation par les acteurs.

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Il ne s’agit pas ici de recenser toutes les références à partir desquelles a pu travailler l’équipe de Bruno Meyssat ; on pourra pour cela consulter directement le site de la compa-gnie qui relate, par exemple, de manière détaillée le voyage à Houston en vue de la préparation du spectacle :http://www.theatresdushaman.com/Apollo-Voyage-preparatoire.html

De nombreux films se sont intéressés à la conquête de l’es-pace – on peut citer L’Étoffe des héros, film de Philip Kaufmann datant de 1983 ou encore, bien sûr 2001, L’Odyssée de l’espace, film mythique de Stanley Kubrick, sorti en 1968, et donc tout à fait contemporain du pro-gramme Apollo.

La littérature n’est pas en reste et deux livres ont été parti-culièrement importants pour le travail dramaturgique : ∙ J. Lovell et J. Kluger, Apollo 13 : perdus dans l’espace, Trad. B. Arman, Paris, R. Laffont, 1995. ∙ N. Mailer, Bivouac sur la lune, Trad. J. Rosenthal, Paris, R. Laffont, 2009

APOLLO 13 : PERDUS DANS L'ESPACE

Apollo 13 de J. Lovell et J. Kluger a inspiré le film du même nom, avec les acteurs Tom Hanks, Kevin Bacon et Bill Paxton dans les rôles principaux (film de R. Howard, 1993). Le livre est construit selon une double temporalité qui mêle, heure par heure, le déroulement de la mission Apollo 13 – qui a connu une grave avarie de matériel et s’est rapidement transformée en mission de sauvetage – et des épisodes de la vie de Jim Lovell, son commandant de bord. L’édition est augmentée de schémas du vaisseau et d’appendices informatifs concernant la mission elle-même ainsi que l’ensemble des vols habités. Retenons-en deux extraits…

EXTRAIT 1 LA FASCINATION DE JIM LOVELL POUR LES FUSÉES DEPUIS L’ENFANCE :

« Sur les conseils du professeur, Lovell, Siddens et Sinclair construisirent donc leur roquette – poids plume, un mètre de long –, bourrèrent sa partie inférieure avec ce qu’ils

espéraient être le mélange idoine de poudre, et l’équi-pèrent d’un détonateur. Le samedi suivant, ils achemi-nèrent leur missile dans un vaste champ, l’adossèrent à un rocher, le nez pointé vers le ciel. Lovell, à l’abri sous un casque de soudeur, s’était autoproclamé « directeur de lan-cement ». Siddens et Sinclair prirent position à une dis-tance respectable, du moins l’espéraient-ils, et Lovell alluma le détonateur bricolé à l’aide d’une paille remplie de poudre. Puis, comme des générations de « directeurs de lancement » avant lui, il détala comme un dératé. Lovell avait accompli l’opération anxieusement, mais impeccablement. Collé au sol avec ses amis, il observa bouche béé la fusée qu’il venait de mettre à feu : elle resta tapie un instant, puis émit un sifflement prometteur et, à l’ébahissement des trois garçons, décolla du sol. Suivie d’un sillage de fumée, elle zigzagua dans les airs, grimpa à environ 25 mètres avant de se mettre à vibrer de façon inquiétante, de virer sans crier gare et d’exploser en un splendide suicide dans un craquement tonitruant. » [p. 79-80]

EXTRAIT 2 VOIR LA FACE CACHÉE DE LA LUNE : L’ITINÉRAIRE D’APOLLO 13 PERMET AUX ASTRONAUTES D’ADMIRER LA FACE CACHÉE DE LA LUNE, MÊME S’IL N’EST PLUS QUES-TION DE S’Y POSER APRÈS L’EXPLOSION SURVENUE À LA 56E HEURE DE VOL :

« Une fois sorti de la zone baignée par le clair de Terre et passé derrière la Lune, l’équipage fut envoûté par le noir et le silence absolu. Sur la face visible de la Terre, le croissant du rebord ouest était dans l’ombre. C’était donc le crois-sant du bord opposé qui était éclairé du côté de la face cachée. La plus grande partie du passage d’Apollo 13 der-rière la lune se déroulerait dans les ténèbres. Le seul indice révélant la présence d’une masse au-dessous du vaisseau était l’absence totale d’étoiles sur toute une zone, celle qui s’étendait du sol à l’horizon lunaire. Les astronautes navi-guèrent dans ce néant nocturne pendant près de vingt minutes. Cinq minutes avant le rétablissement de la liaison [avec Houston] une faucille grisâtre de terrain tacheté apparut au loin. […] Les astronautes virent glisser sous leur vaisseau, comme sous celui d’Apollo 8 seize mois plus tôt, cette même étendue désolée qu’aucun œil humain n’avait violée jusqu’en 1968 et qui s’était dévoilée depuis à plus d’une douzaine d’hommes. »

BIVOUAC SUR LA LUNE

Chef-d’œuvre de la littérature américaine contemporaine, Bivouac sur la lune retrace le vol d’Apollo XI – le premier à tenter et réussir un alunissage – et de ses trois astronautes devenus célèbres, Neil Armstrong, Michael Collins et Buzz Aldrin, à partir de l’œil d’un journaliste, « Verseau », émanation de l’écrivain lui-même, qui suit, avec des centaines

APOLLO : QUELQUES REPÈRES (1/2)

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d’autres, le voyage depuis Houston. Si le livre retrace avec force détails les étapes essentielles de ce vol mythique, il délivre également des réflexions époustouflantes sur le siècle des machines qui est le nôtre et les conséquences du progrès technique pour l’homme. EXTRAIT 1 L’ALUNISSAGE

« Houston. Ici base de la Tranquillité. Aigle s’est posé. » C’était la voix d’Armstrong, la voix paisible du plus brave gars du bourg, celui qui vous sauve de la noyade et qui s’en va sans vous laisser le temps de lui offrir une récompense. Aigle a atterri : la nouvelle parvint à la presse. Des applau-dissements éclatèrent. […] Ce fut le début d’un petit tour-billon d’agitation, certains journalistes sortirent en courant – pouvaient-ils faire semblant que c’était nécessaire d’ap-peler la salle de rédaction ? – d’autres échangeaient des propos confus, d’autres encore continuaient à écouter les haut-parleurs tandis que la technologie reprenait ses droits. […]Verseau découvrit qu’il était heureux. Il y avait un homme sur la Lune. Il y avait deux hommes sur la Lune. C’était un sentiment nouveau, qui pour lui ne se comparait à rien. […] « Ça alors », dit-il. Quel fait nouveau ! Aussi réel que la pré-sence de l’immanence et pourtant sans place précise encore, pas dans le coin confortable réservé dans le cer-veau, aux faits vrais et réels de la vie. », p. 163-164.

EXTRAIT 2 LES ASTRONAUTES, DES HOMMES DU XXIE SIÈCLE…

« C’étaient des hommes virils qu’on examinait, sondait, pal-pait, tâtait, ployait, que l’on soumettait à des tests et à toute une pharmacopée de stimulants, de calmants, de diurétiques, de laxatifs, de tranquillisants, de pilules anti-mal de l’air, d’antibiotiques, de vitamines et d’aliments conçus pour contrôler le caractère de leurs défécations. Ils étaient virils, mais on leur faisait des trucs comme on n’en faisait à aucun homme en vie et en bonne santé. Là encore leur activité était risquée, vaste, exigeait une force phy-sique considérable, et cependant le travail et la condition physique demandaient la possibilité de vivre dans un espace restreint, avec le corps passif, la patience suffisante pour rester mentalement en alerte et physiquement inactifs des jours durant. Ils vivaient, c’était évident, en abritant dans leur esprit, dans leur cerveau, des contradictions peu ordinaires. D’un côté se trouver au centre même de la réa-lité technique (c’est-à-dire ce monde où toute question doit avoir sa réponse et sa procédure, faute de quoi la technique ne peut pas progresser) et pourtant habiter – ne serait-ce que dans leurs rêves – cet autre monde où doivent demeurer la mort, la métaphysique et les questions sans réponse de l’éternité, c’était révéler des natures si divisées qu’ils auraient pu être les plus malheureux et les plus déséquilibrés des hommes, s’ils n’avaient pas enfermé dans ces énormes contradictions quelques-unes des plus profondes et des plus mouvantes du siècle lui-même. Le

siècle cherchait à dominer la nature comme jamais encore on ne l’avait fait, le siècle s’attaquait comme jamais encore on ne l’avait vu à la notion de guerre, de pauvreté, de catastrophe naturelle. Le siècle créait comme jamais encore la mort, la dévastation et la pollution. Il s’attachait pour-tant maintenant à l’idée que c’était aux étoiles que l’homme devait emprunter sa conception de la vie. C’était le plus destructeur d’âmes, le plus apocalyptique des siècles. Aussi les astronautes à leur tour avaient-ils des per-sonnalités d’une banalité sans égale et d’une dignité apo-calyptique. Leurs contradictions même soulignaient la faculté qu’avait le siècle de vivre avec ses propres contra-dictions pour incroyables qu’elles fussent et pourtant de libérer un peu de l’indicible énergie de la Terre. Un siècle voué au rationalisme de la technique était aussi un siècle assez irrationnel pour éveiller dans chaque esprit la possi-bilité tangible d’une destruction planétaire. C’était le pre-mier siècle de l’histoire à offrir à des esprits sains et sérieux l’éventualité nullement improbable qu’il n’atteindrait pas son terme. (Et, de fait, sur le plan spirituel il était déjà ter-miné : le XXIe siècle avait commencé en 1969.) C’était donc un siècle qui se déroulait avec le plus magnifique déploie-ment de pouvoir dans des directions qu’il était incapable de comprendre. Tout comme il suffisait d’écouter parler quelques minutes un astronaute pour savoir que sa com-préhension des mobiles inconscients était d’ordre tech-nique et non pas charnel, de même le siècle donnait-il à penser qu’il n’avait pas lui-même conscience de ses propres tendances. On avait envie d’accélérer… mais on ignorait tout de la direction métaphysique. », p. 73-75.

Enfin, notons que la NASA a récemment ouvert un compte Sound cloud à partir duquel on peut écouter toutes sortes d’enregistrement se rapportant aux vols spatiaux :

https://soundcloud.com/nasa

Ce type de sons a été également exploré par l’équipe de Bruno Meyssat pour la création sonore et musicale du spectacle.

APOLLO : QUELQUES REPÈRES (2/2)

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L’ÉQUIPE ARTISTIQUE (1/3)

Bruno MeyssatMetteur en scène

Bruno Meyssat est né en juillet 1959. Il fonde sa compagnie Théâtres du Shaman en 1981. Jusqu’en 1990, il crée une vingtaine de spectacles dont Fractures (1983), Insomnie (1985), La Séparation (1986), Refrain (1987), La Visite (1988) et Ajax, fils de Télamnon (1990) d’après Sophocle au Festival d’Avignon, à la maison de la culture de Grenoble et au festival du Caire. Il est ensuite metteur en scène asso-cié au centre dramatique national Grenoble de 1991 à 1994, où il crée Passacaille (1992), Mille cloisons pour une chambre (1993) d’après Mohamed Al Maghout et en arabe, Les Disparus (1993). Puis il crée Sonatine (1995), Les Mille et une propositions (1995) d’après Copi, Orage d’August Strindberg (1996).Il voyage beaucoup, s’investit dans la formation d’acteurs. Viennent ensuite : Short Plays de Samuel Beckett (1997) en anglais et en swahili au centre culturel français de Nairobi / Kenya, Imentet, un passage par l’Egypte (1997/1998) en coproduction avec l’Odéon-Théâtre de l’Europe, Pièces courtes et Catastophe et Quoi Où de Samuel Beckett (1998) en coproduction avec le TGP/Saint-Denis (Théâtre Garonne/Toulouse) ; Rondes de nuits (2001) scènes nationales Annecy et Chambéry / MC93 Bobigny autour de Rameau d’or de Frazer ; Impression d’Œdipe (1999-2001) au TGP/Saint-Denis. Un compagnonnage entre la compagnie et Les Subsistances à Lyon aboutit à Est-il vrai que je m’en vais ? Carnet de route franco-malien (2002). De la part du ciel, d’après un essai scientifique de Camille Flammarion (2003) et Une aire ordinaire essai autour des textes de Donald Winnicott (2004).

Entre 2002 et 2004, Bruno Meyssat s’attèle également à une nouvelle version pour cinq voix d’Exécuteur 14 de Adel Hakim au Pérou et en Argentine. En 2005-2006, création de De la part du ciel (version finale) et de 1707, il primo omicidio d’après l’oratorio Caïn de Alessandro Scarlatti avec l’Opéra national de Lyon. À l’automne 2006, il recrée Catastrophe et Quoi Où de Beckett au Théâtre Sétagaya de Tokyo. En 2008, il crée Forces 1915-2008, diptyque à par-tir de la pièce d’August Stramm (création française). Au Japon un séjour à Hiroshima en 2009 est à l’origine d’Ob-server au Théâtre de Gennevilliers. En 2011, il crée Le Monde Extérieur en lien avec l’actualité au Théâtre des quartiers d’Ivry et 15% en 2012 au Festival d’AvignonEn outre, il enseigne dans les écoles d’acteurs du TNB (Rennes) du TNS (Strasbourg) de la Comédie de Saint-Étienne, à l’ENSATT (Lyon) et à l’étranger. Il est intervenu au centre chorégraphique national de Montpellier (dirigé par Mathilde Monnier) et au centre cho-régraphique national de Lyon (dirigé par Maguy Marin).

Gaël BaronComédien

Après des études au conservatoire de région d’Angers puis au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris (classes de Madeleine Marion, Pierre Vial et Stuart Seide), Gaël Baron est acteur résident de la compagnie Nordey au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis dès 1992 (Pasolini, Koltès, Wyspianski, Lagarce, Schwab).Il joue également pour Stéphanie Loïk, Christian Rist, Claude Régy, Eric Didry, Jean-Pierre Vincent, Gildas Milin, Antoine Caubet, Jean-Baptiste Sastre, Gérard Watkins, Gislaine Drahy, Françoise Coupat, Gilles Bouillon, Jean-Michel Rivinoff, Jean-François Sivadier, Frédéric Fisbach, Daniel Jeanneteau.Pour le Festival d’Avignon 2008, , il co-met en scène et joue Partage de midi de Paul Claudel avec Valérie Dréville, Charlotte Clamens, Nicolas Bouchaud, Jean-François Sivadier.Depuis 1999, il travaille avec Bruno Meyssat (Grupetto, Ronde de nuit, Impressions d’Œdipe, Forces).Il met également en scène Adieu, Institut Benjamenta d’après le roman de Robert Walser et co-écrit avec Josée Schuller Abou et Maïmouna à l’école pour le jeune public.

Elisabeth DollComédienne

Formée à l’école du Théâtre des 2 rives à Rouen avec Michel Bézu et Catherine Delattres, puis au Théâtre Gérard Philippe avec Philippe Duclos, elle rencontre Didier Georges Gabily dans son atelier/laboratoire et participe pendant quatre années aux spectacles du Groupe T’Chang ; Des cercueils de zinc, Enfonçure et la trilogie Gibiers du temps.Ces dernières années, elle a travaillé pour Arnaud Meunier, Serge Tranvouez, Jean-Michel Rivinoff et Philippe Labaune.

© Théâtres du Shaman © Théâtres du Shaman

© Théâtres du Shaman

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L’ÉQUIPE ARTISTIQUE (2/3)

Depuis 15 ans, elle prend part aux créations et aux ateliers de Bruno Meyssat, en France comme à l’étranger, soit en tant qu’actrice, soit en tant qu’assistante : De la part du ciel, Est-il vrai que je m'en vais ?, Rondes de nuit, Beckett pièces courtes, Imentet, Forces, Observer,15 %.

Charles Chemin Comédien

Il est formé par Meg Harper (Merce Cunningham Co.), Robert Wilson et son père Philippe Chemin.

Son étroite collaboration avec Robert Wilson depuis 1993 le mène dans de nombreux pays. À ses côtés, il joue comme acteur, notamment dans Fables à la Comédie-Française ou Une femme douce à Bobigny. Il est maintenant son colla-borateur artistique pour les créations théâtrales telles Les Nègres de Genet à l’Odéon en 2014, Rhinoceros de Ionesco au Théâtre national de Craiova, La dernière bande de Beckett où il dirige Wilson seul en scène, GARRINCHA à São Paulo, DomP à la Chapelle royale de Versailles, ou l'ex-position Living rooms au Louvre, et participe à l’orientation artistique du Watermill Center, laboratoire de recherche fondé par Wilson à New York.

Parallèlement, il joue au théâtre avec Bruno Meyssat (15 %), Philippe Chemin (Heiner Müller, Genet, Adonis, Claudel, Giacometti), Mike Sens, Andrew Ondrejcak, Christine Fersen (Rimbaud), Stéphanie Auberville, Perle Palombe & Malika Djardi, Joachim Serreau (Rebotier, Chaurette), Mark Blezinger (Proust), Claude-Alice Peyrottes (Horváth, Benyoucef, Alloula) et au cinéma avec Jean-Claude Biette et Guy Gilles.

Il travaille aussi pour d'autres media, danse, performance, installations, et multiplie les collaborations internationales, avec le chorégraphe canadien André Gingras, l'artiste vidéo Alexandra Lerman à New York, Lynsey Peisinger & Clo’e Floirat, le collectif taïwanais de performance Shakespeare’s Wild Sisters, l’emblématique performer russe Andrey Bartenev, et l’artiste contemporain Fedor Pavlov-Andreevitch.

Depuis 2008, il met en scène des spectacles entre théâtre, danse et arts visuels, GIRLMACHINE à la Biennale Performa09 à New York, PigPigPig à la Biennale d’art contemporain de Moscou, Have mercy on me en collabora-tion avec le plasticien Carlos Soto, ainsi que des installa-tions à New York et Hambourg. En 2011, il met en jeu les musiciens de l’Ensemble Ictus dans Home Work du compo-siteur François Sarhan au Festival international de Bregenz.

Frédéric LeidgensComédien

Après des études de philologie germanique (Heidelberg, Saarbrücken), il entre à l’école du TNS.Depuis, il ne cesse de travailler avec nombre de metteurs en scène : Alain Françon, André Engel, Bernard Sobel, Robert Girones, Jacques Nichet, Michel Deutsch, Christian Colin, Marcel Bozonnet, Jacques Falguières, Arnaud Meunier, Françoise Lepoix et Claudia Bosse.Il collabore également avec plusieurs chorégraphes : Sumako Kosseki, François Verret, Mark Tompkins, Charles Cré-Ange, Wanda Golonka. Avec son ami Daniel Emilfork, il

écrit, met en scène et joue Archéologie/Domus, La Journée des chaussures et Comment te dire.Il crée également plusieurs spectacles autour des poètes avec l’Atelier Volant (TNT Toulouse) : Charles Baudelaire 211 avenue Jean Jaurès, Je reconnais tout sauf moi-même, Lenz, Des voix qui s’embrassent, Nuits.Ces dernières années, il participe à la plupart des spec-tacles de Stanislas Nordey.C’est sa troisième collaboration avec Bruno Meyssat .

Jean-Christophe Vermot-GauchyComédien

Formations : écoles hôtelières de Besançon et Poligny : diplômes de cuisinier, pâtissier. (CAP, BEP, BP.) Entre dans les compagnons du Tour de France en 1984 et commence un parcours professionnel de cuisinier en sillonnant la France. C’est à Lyon en 1987 qu’il quitte le compagnon-nage gastronomique pour devenir comédien. Formation continue au Théâtre des Marronniers sous la direction de Daniel-Claude Poyet ( Lyon ) et au Théâtre de l’Iris sous la direction de Philippe Clément, Béatrice Avoine, Caroline Boisson (Villeurbanne).

Il crée La Compagnie du Scarabée en collaboration avec Dolorès Ruiz et se lance dans un travail de recherche autour de la lecture publique. Passionné de littérature et de poé-sie il va créer son propre Théâtre de Lectures. Pendant des années il organise des cycles de lectures intitulés "Lectures en Scène" à L’Embarcadère (Lyon) : Paul Celan, Marguerite Duras, Maurice Blanchot, Serge Pey, C. Meunier, Tadeusz Kantor, Pierre Guyotat, Samuel Beckett, Edmond Jabès, Franz Kafka, Friedrich Nietzsche, Pascal Quignard, P. Dubost. Il travaille avec Gaby Monnet-Férréol, Philippe Labaune, David Moccelin, Bruno Meyssat, Gilles Chavassieux, Mirella Giardelli, Pascale Nandillon, Guillaume

© Théâtres du Shaman

© Théâtres du Shaman

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MC2: Grenoble — Dossier pédagogique — Apollo 16

Bailliart, Antoine Wellens, Antonella Mirante…

Autodidacte, il participe à de nombreux stages profession-nels (théâtre, danse) considérant la formation comme source indissociable de sa pratique de la scène. Repenser le jeu (sous toutes ses formes) et ses enjeux est pour lui la meilleure manière de se maintenir debout.Intervenant professionnel auprès des classes de secondes, premières et terminales dans plusieurs lycées à Lyon et sa région.En parallèle à son travail d’acteur, il écrit pour le théâtre :Dépaysage, Le Malade d’imaginaire, Pardonne-moi ! J’ai horreur des lits d’hôpital, Agoraphobie, Marque dépeausée et One Man Crowed (deux textes de commande), Ma ma, théâtre d’intérieur, Obscène, Creux-deux (en cours d’écriture).

Marie-Laure VranckenComédienne

Formée au conservatoire royal de musique de Liège, en art dramatique et déclamation, elle travaille quelques années en Belgique comme comédienne et assistante à la mise en scène, notamment avec Philippe Sireuil, Jean-Michel Frère, M. Delaunoy et Daniel Simon.

Elle rencontre Bruno Meyssat en 1998 au Théâtre Gérard Philippe à Saint-Denis, lors d’un stage. Suivront alors avec la compagnie des Théâtres du Shaman : en 1999 Impressions d’Œdipe, en 2002 Est-il vrai que je m’en vais ?, en 2004 Une aire ordinaire, en 2008 Séance et Le monde extérieur.

Parallèlement, elle poursuit son chemin d’artiste en Belgique et en France et explore d’autres territoires et dis-ciplines : l’écriture, la création radiophonique, la perfor-mance avec des artistes plasticiens, la pratique du bodyweather avec le chorégraphe Frank Van de Ven et la transmission par le biais d’ateliers dans de multiples struc-tures (écoles, académies, asbl, intitutions de santé men-tale). Elle fait également partie de la Compagnie Bouche-à-Bouche, Marie-Do Fréval théâtre et interventions urbaines - à Paris.

L’ÉQUIPE ARTISTIQUE (3/3)