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Août 1942 2 – La guerre en Asie-Pacifique Iles Salomon : batailles « décisives »… ou guerre d’usure ? 1 er août Campagne du Pacifique Sud-Ouest Brisbane – Dans la nuit, quatre G4M1 de Tenaru attaquent la ville. Les dommages sont minimes, mais la défense commence enfin à s’organiser efficacement : un Defiant de la RAAF abat un des bombardiers, qui s’écrase en mer avec tout son équipage. ……… Guadalcanal – Tenaru est attaqué par deux B-17 et trois Manchester. Un dépôt d’essence est incendié. Campagne de Nouvelle-Guinée Piste de Bulldog – Des éléments de la Force Horito explorent les premiers kilomètres de la piste de Bulldog, le long de la rivière Bulolo. Ils tombent dans une embuscade de la Force Kanga, tendue à trois heures de marche vers le nord-est en direction de Kaisenik, et perdent huit hommes. Horito ordonne alors à 200 hommes de faire mouvement dans la nuit et d’attaquer dès l’aube les positions de la Force Kanga. ……… Piste de Kokoda – Après presque trois semaines de préparation et de patrouilles, Wootten commence à avancer sa 18 e Brigade sur la Piste de Kokoda le long d’Eora Creek. Les Japonais, qui se sont eux aussi renforcés, les attendent au village d’Eora. De Templeton’s Crossing au village, il n’y a que six km, mais le terrain est accidenté – deux heures et demie de marche difficile pour un homme en forme et ne portant aucune charge. Sur les deux premiers km, les Japonais n’opposent aucune résistance. Ils ne vont commencer à se raidir qu’à 3 km du village. Il faut rappeler que la piste qui va de Templeton’s Crossing à Eora suit la rive droite du canyon d’Eora Creek. Avant d’atteindre le village, la piste grimpe à flanc de montagne au milieu d’une forêt vierge saturée d’humidité jusqu’à ce que le grondement du torrent glacé qu’est Eora Creek ne soit plus perceptible. De la piste, dans la jungle, la visibilité est nulle – dix mètres, peut-être. La piste traverse à angle droit quatre crêtes en lame de couteau avant de plonger dans la pente jusqu’à la saillie où s’accroche le village d’Eora, puis va retraverser le torrent. Wootten fait progresser quatre compagnies de front. Les hommes cheminent au milieu d’une jungle épaisse où l’eau dégouline de toute part, sur d’épaisses couches de mousses et de champignons et des amas de feuilles pourries. A chaque pas, les soldats de l’AIF découvrent des preuves de la résistance acharnée opposée par l’AMF durant leur retraite après la bataille d’Eora Creek – et notamment les restes de beaucoup de ceux que plus personne n’appelle “Chocolate soldiers”, qui dorment de leur dernier sommeil. Il faut ramasser les plaques d’identité et marquer les endroits où reposent les corps. La première crête est atteinte sans incident avant la tombée de la nuit. Au sommet se trouve un arbre, un parmi des milliers d’autres, mais à son pied est allongé le cadavre pourrissant d’un homme qui fut de haute taille. Tout autour de lui gisent les restes de onze Japonais. C’est Sam Templeton. La crête est immédiatement baptisée Templeton’s Stand. ……… Milne Bay – « A la pointe est de la Nouvelle-Guinée, Milne Bay est en forme de rectangle allongé d’ouest en est sur une trentaine de km et large d’une douzaine. Elle est ouverte à son extrémité est, entre le détroit de Chine, au sud-est, et la péninsule du Cap Est, au nord-est. La

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Août 19422 – La guerre en Asie-PacifiqueIles Salomon : batailles « décisives »… ou guerre d’usure ?

1 er aoûtCampagne du Pacifique Sud-OuestBrisbane – Dans la nuit, quatre G4M1 de Tenaru attaquent la ville. Les dommages sontminimes, mais la défense commence enfin à s’organiser efficacement : un Defiant de laRAAF abat un des bombardiers, qui s’écrase en mer avec tout son équipage.………Guadalcanal – Tenaru est attaqué par deux B-17 et trois Manchester. Un dépôt d’essence estincendié.

Campagne de Nouvelle-GuinéePiste de Bulldog – Des éléments de la Force Horito explorent les premiers kilomètres de lapiste de Bulldog, le long de la rivière Bulolo. Ils tombent dans une embuscade de la ForceKanga, tendue à trois heures de marche vers le nord-est en direction de Kaisenik, et perdenthuit hommes. Horito ordonne alors à 200 hommes de faire mouvement dans la nuit etd’attaquer dès l’aube les positions de la Force Kanga.………Piste de Kokoda – Après presque trois semaines de préparation et de patrouilles, Woottencommence à avancer sa 18e Brigade sur la Piste de Kokoda le long d’Eora Creek. LesJaponais, qui se sont eux aussi renforcés, les attendent au village d’Eora. De Templeton’sCrossing au village, il n’y a que six km, mais le terrain est accidenté – deux heures et demiede marche difficile pour un homme en forme et ne portant aucune charge. Sur les deuxpremiers km, les Japonais n’opposent aucune résistance. Ils ne vont commencer à se raidirqu’à 3 km du village.Il faut rappeler que la piste qui va de Templeton’s Crossing à Eora suit la rive droite ducanyon d’Eora Creek. Avant d’atteindre le village, la piste grimpe à flanc de montagne aumilieu d’une forêt vierge saturée d’humidité jusqu’à ce que le grondement du torrent glacéqu’est Eora Creek ne soit plus perceptible. De la piste, dans la jungle, la visibilité est nulle –dix mètres, peut-être. La piste traverse à angle droit quatre crêtes en lame de couteau avant deplonger dans la pente jusqu’à la saillie où s’accroche le village d’Eora, puis va retraverser letorrent.Wootten fait progresser quatre compagnies de front. Les hommes cheminent au milieu d’unejungle épaisse où l’eau dégouline de toute part, sur d’épaisses couches de mousses et dechampignons et des amas de feuilles pourries. A chaque pas, les soldats de l’AIF découvrentdes preuves de la résistance acharnée opposée par l’AMF durant leur retraite après la batailled’Eora Creek – et notamment les restes de beaucoup de ceux que plus personne n’appelle“Chocolate soldiers”, qui dorment de leur dernier sommeil. Il faut ramasser les plaquesd’identité et marquer les endroits où reposent les corps.La première crête est atteinte sans incident avant la tombée de la nuit. Au sommet se trouveun arbre, un parmi des milliers d’autres, mais à son pied est allongé le cadavre pourrissantd’un homme qui fut de haute taille. Tout autour de lui gisent les restes de onze Japonais. C’estSam Templeton. La crête est immédiatement baptisée Templeton’s Stand.………Milne Bay – « A la pointe est de la Nouvelle-Guinée, Milne Bay est en forme de rectangleallongé d’ouest en est sur une trentaine de km et large d’une douzaine. Elle est ouverte à sonextrémité est, entre le détroit de Chine, au sud-est, et la péninsule du Cap Est, au nord-est. La

baie est donc très abritée, entourée de trois côtés par de pentes raides et boisées, ne donnantsur la mer que par des mangroves ou par d’étroites bandes de terre marécageuse entrecoupéesde zones plus sèches, sablonneuses et semées d’innombrables palmiers et cocotiers. Quoiquela baie soit assez profonde, les seuls points de la côte où il soit impossible de débarquer sontles mangroves. Si, le long des bords nord et sud de la baie, la bande côtière ne fait jamais plusde 1 500 mètres de large, et souvent deux ou trois fois moins, elle s’élargit à l’extrémité ouesten une plaine côtière de 6 à 8 km de large, avant de rencontrer les collines.Milne Bay est en général très humide, et plus humide encore pendant la saison des pluies, quicommence en juillet. Elle est également réputée comme l’une des capitales mondiales dupaludisme, tant par le nombre et la férocité de ses moustiques que par la virulence de sesparasites sanguins – des Plasmodium falciparum, le membre le plus redoutable de la famillePlasmodium.C’est dans cette villégiature enchanteresse que l’armée australienne avait envoyé la 7 e Brigadede la 1ère Division de l’AMF, venant du Queensland (Brisbane) et commandée par le BrigadierField. La 7e comprenait les 8e, 25e et 61e bataillons d’infanterie, le 5e Royal AustralianArtillery et le 7e Royal Australian Engineers. La 18e Brigade commençant à arriver à PortMoresby, l’état-major avait décidé de renforcer la 7e Brigade avec le 53e Bataillon de la 30e

Brigade, stationnée à Port Moresby et censée être acclimatée, puis avec la 15 e Brigade. Maisles quatre bataillons de cette brigade (57e, 58e, 59e et 60e) arrivaient de l’Etat de Victoria et leshommes n’étaient nullement acclimatés, ce qui réduisait sévèrement leur capacité de travail.Le pire était qu’ils persistaient, malgré les conseils, à porter des shorts et à relever leursmanches, voire à ne pas mettre de chemise chaque fois qu’ils le pouvaient… ce qui les rendaittrès vulnérables aux piqûres de moustiques, donc au paludisme.Le major-général Clowes commandait l’ensemble de la région. Sa tâche principale était deconstruire des infrastructures. Il disposait pour cela du 7e Bataillon des RAE et de quelquescompagnies du génie de l’US Army. Ces troupes installèrent assez rapidement deux pistesaériennes à l’angle nord-ouest de la baie, près du village de Gili-Gili (Turnbull, sur SwingerBay, au nord-est du village, et Gurney, 3 km à l’ouest du village). On construisit aussi desappontements près de la Mission Ladava et un réseau routier décent. Les conditions de travaildes hommes du génie étaient atroces. Choisir les endroits où installer les terrains avait étéfacile, mais élargir trente km de pistes, les renforcer de plaques métalliques, creuser tout lelong des fossés de drainage et remplacer les dix-sept ponts de bois légers par des structurescapables de supporter le passage d’un camion de 10 tonnes à pleine charge avait été une tâcheherculéenne. Et tout cela avait dû être fait avant que les pluies ne transforment les routes enquestion en bourbiers infranchissables. A l’ouest de Waigani (à 8 km environ de Gili-Gili), iln’y avait plus que des pistes.Au début d’août, il y avait là trois squadrons de la RAAF : le Sqn 75, sur Hurricane, leSqn 76, sur Boomerang et Wirraway, pour l’appui au sol, et le Sqn 100, sur Beaufort, dont onespérait beaucoup. La base n’avait pourtant pas été prévue pour recevoir autre chose qu’unsquadron de chasse, et l’état des deux pistes posait d’énormes problèmes, en dépit desrevêtements en plaques Marsden. Les pistes étaient souvent recouvertes par 5 à 10 cm d’eauet il était fréquent que les avions aquaplanent et aillent s’enliser au bord de la piste dans le solmou et spongieux. Ces difficultés épargnaient heureusement les hydravions Saro Lerwick duSqn 11, installés au creux de la baie. En revanche, l’humidité omniprésente affectaitgravement les appareils de l’unité de radar N° 37, qui étaient souvent en panne.Pour améliorer les chances de repérer une attaque aérienne ou navale japonaise venant de Laeou de Rabaul, les Alliés avaient envoyé fin juillet sur l’île Goodenough (la plus septentrionaledes Îles d’Entrecasteaux) des coastwatchers australiens, accompagnés par une équipe deguetteurs américains chargés de repérer et d’identifier tout avion passant par là. Goodenough

est en effet idéalement placée le long de la côte est de Nouvelle-Guinée et son pointculminant, le Mont Vineuo, dépasse 2500 mètres.Clowes avait aussi fait construire une solide ligne défensive le long de la mer, de la MissionLadava au sud-ouest jusqu’à l’embouchure de Point Creek, au nord-est, près du point où lapiste de Turnbull touchait presque la mer. La partie est de cette ligne était défendue par le 53 e

Bataillon. Le QG de la 15e Brigade avait été établi à Gili-Gili et ses unités couvraient la côte àl’est du 53e Bataillon, jusqu’à la Mission K.B. Le QG de la 7e Brigade était à Hagita House,au sud de la piste de Gurney, et ses unités couvraient la côte au sud-ouest.Toute cette installation n’avait pu se faire que grâce à des transports par mer et notamment àdeux petits cargos, les AK Anshun (3 188 GRT) et Anking (3 472 GRT), tous deux de la ChinaNavigation Co et filant à la vitesse raisonnable de 12 nœuds. Sept bâtiments de guerredevaient les couvrir : le DD neuf Warramunga (classe Tribal, mis en service à la hâte), les DDanciens Thracian, Vampire, Vendetta et Voyager et les avisos Swan et Yarra (tous de la RAN,sauf le Thracian, de la Royal Navy).………Le commandement allié avait bien pressenti que la stratégie japonaise ne s’en tiendrait pas àl’attaque de Lae/Wau (en mars) et de Buna-Kokoda (en mai). Milne Bay était en effet entroisième position sur la liste des cibles de la Marine Impériale en Nouvelle-Guinée. Sonattaque devait utiliser les mêmes transports et les mêmes navires de guerre que celle des deuxpremiers objectifs. La flotte d’invasion de Milne Bay était ainsi composée :– Force principale : CLTT Ôi (amiral), CL Tama, DD Asagao, Fuyo, Minekaze, Okikaze etSawakaze, AC Yakumo, Izumo et Iwate 1, ML Okinoshima, ravitailleur d’hydravions auxiliaire(AV) Kunikawa Maru (avec 8 x A6M2-N et 4 x E13A1), transports AK Bangkok Maru (5 350GRT), AK Nankai Maru et Nana Maru (3 500 GRT), AK Ka Maru n°4 et Ka Maru n°33, LSIShinshu Maru et Mayasan Maru, LSV(A) Koryu Maru n°1 et Koryu Maru n°2.– Force d’appui : 2 x dragueurs de mines auxiliaires (AMS) type 1 2 et 4 x chasseurs de sous-marins auxiliaires (ASC) type Cha-1 3, 8 x péniches de débarquement de 17 m (39 t,10 nœuds, chargées de ravitaillement). »(D’après B. Marcus – Les Forces Armées Australiennes dans la Seconde Guerre Mondiale)

Campagne de l’Océan IndienTrincomalee, 22h30 – Commandée par le vice-amiral Somerville, la flotte britannique del’Océan Indien, autour des cuirassés Nelson et Rodney et des porte-avions Illustrious etIndomitable, lève l’ancre et met le cap sur les îles Nicobar.

2 aoûtCampagne du Pacifique Sud-OuestNouvelle-Calédonie – Le nouveau complexe d’aérodromes de la plaine des Gaiacs (au centrede la côte ouest) est déclaré opérationnel. Il possède une piste de 2 300 m, une de 1 700 m ethuit petits terrains d’urgence. Le terrain de La Tontouta, un peu plus au sud sur la plaine desGaiacs, à 90 km de Nouméa, doit être fermé pendant deux mois pour remise en état : il fautachever de réparer les dégâts du raid japonais et l’usure liée à une utilisation intensive depuisplusieurs mois.

Campagne de Nouvelle-Guinée

1 Ces “croiseurs cuirassés” étaient des antiquités qui plafonnaient à 14 nœuds et portaient 4 x 8 pouces/40, 4 x6 pouces/40, 7 x 75 mm AA, 12 x 25 mm AA.2 222 GRT, 9,5 nœuds, 1 x 75 mm AA et 3 x 25 mm AA.3 135 GRT, 11 nœuds, 2 x 25 mm AA.

Piste de Bulldog – Les 80 soldats de la Force Kanga qui barrent la route à la Force Horitorepoussent la première attaque, tuant une vingtaine d’assaillants, mais perdant douze hommes.Les survivants se replient lorsque leurs éclaireurs leur apprennent que les Japonais ont entaméun mouvement tournant. Ils vont rejoindre le “gros” de la Force Kanga trois heures de marcheplus loin, à une heure de marche au sud-ouest de Winima. Harcelés par quelques tireurs isolés(des Papous engagés dans les New Guinea Volunteers Rifles), les Japonais vont mettre plus dedeux jours pour regrouper leurs forces et rejoindre leurs adversaires.………Piste de Kokoda – Avant l’aube, les hommes de la 18e Brigade se remettent en marche.A la deuxième crête, ils rencontrent leurs premiers Japonais et une série de brèves actionscommence, opposant des petits groupes, sections ou escouades. Les Japonais ont construit denombreuses petites positions très bien camouflées. Chacune oppose une résistance brèvequoique mortellement dangereuse, mais les défenseurs se replient quand les Australienscommencent à les envelopper.La troisième crête est plus sérieusement défendue, autour de quatre petites saillies. Chacunede ces positions comprend quinze ou vingt trous d’hommes autour d’un nid de mitrailleuselégère. Le tout est si bien caché que les hommes de l’AIF ne découvrent la présence del’ennemi que lorsque des tirs venant de positions impossibles à voir à plus de quelques mètreséclatent au milieu d’eux, provoquant de lourdes pertes.Petit à petit, les Australiens avancent et entourent les positions japonaises, mais il faut alorsles prendre d’assaut et aller chercher chaque Japonais de son trou en lançant une micro-attaque féroce. Les Japonais – une compagnie environ – combattent cette fois jusqu’à la mort.Peu avant le crépuscule, la dernière des quatre positions est nettoyée. Les Australiens passentla troisième crête et se dirigent vers la quatrième.C’est là la principale ligne de défense japonaise, devant le village d’Eora. Un orage de tirsvenus de mitrailleuses légères et de lance-grenades repousse alors les attaquants jusqu’à l’abride la troisième crête. Dans la nuit, les deux compagnies les plus touchées sont relevées. Leursremplaçantes sont immédiatement engagées dans une série de petites attaques dereconnaissance. Peu après minuit, les combats s’apaisent. Trois compagnies accrochentl’ennemi de face et la quatrième commence à contourner son flanc, mais elle aura besoin detoute la nuit pour y arriver.………Milne Bay – Milne est attaqué pour la première fois, par quatre A6M2 et quatre G3M venusde Lae. Trois Hurricane sont détruits au sol et un Lerwick est coulé au mouillage. Le radar esten panne, mais six Hurricane en patrouille, prévenus par les guetteurs postés sur l’îleGoodenough, interceptent les Japonais sur le chemin du retour et abattent deux desbombardiers avant de perdre l’un des leurs sous les coups des Zéro (le pilote se parachutedans la baie). Quatre Hurricane de renfort arriveront le lendemain de Port Moresby.

Opération Oni, ou le “siège” de l’AustralieAu large de la côte est de l’Australie, 04h50 (opération Oni, Phase 3c) – Le Ro-67 torpillele caboteur Melida B (250 GRT, allant de Taree à Sydney avec un chargement de beurre), quinavigue sans escorte au nord de Port Stephens. Le sous-marin a en effet pris le petit navire(qui, selon les consignes de la Marine Impériale, aurait dû être canonné) pour un vaisseau de1 500 GRT. Sur cette modeste victoire, le sous-marin rentre à Kwajalein.D’après Research for Australian Official Histories, 1949, notes de Mr Norman.

3 aoûtCampagne du Pacifique Sud-Ouest

Nouvelles-Hébrides – Dix-huit PBY-5 (15 de l’US Navy, 3 de la Marine Nationale) arrivent àEspiritu Santo, qui doit jouer le rôle de base avancée pour Watchtower. Ils vont être équipésde détecteurs de radar, ainsi que deux Hudson de la RAAF basés à Port-Vila (Efaté).

Campagne de Nouvelle-GuinéePiste de Kokoda – Juste avant l’aube, mitrailleuses et mortiers australiens ouvrent le feu,visant ce qu’ils peuvent voir des positions ennemies, et l’assaut commence. Le combat sedéroule sous une pluie battante et froide, qui tombe sans discontinuer tandis que de sauvagesorages électriques fouettent les sommets. Les nuages bas qui écrasent le champ de bataillesous un couvercle gris acier donnent à la scène un aspect presque mystique, mais la brumemolle est pleine de métal hurlant. C’est un rêve (ou un cauchemar) pour un cinéaste – et defait, la bataille est filmée ! En effet, la brigade est accompagnée de deux opérateurs decinéma, dont le film deviendra le documentaire emblématique de cette campagne dans la“jungle d’altitude”, sans cesse repris au cinéma ou à la télévision chaque fois que l’onévoquera la guerre en Nouvelle-Guinée : Le Septième Cercle de l’Enfer : la seconde batailled’Eora.Le combat pour la quatrième crête est furieux, mais les hommes de l’AIF ont déjà beaucoupappris sous l’effet d’un brutal mécanisme darwinien – évolue ou meurs – et, moins rudement,grâce aux conseils des survivants de l’AMF. De front, de petits groupes d’hommes lancentune série d’attaques, mitraillant généreusement le pied des arbres et autres positions probablesdes Japonais. Les tirs des défenseurs infligent des pertes sévères à ces téméraires, mais leurscoups d’épingle couvrent le déclenchement d’une violente attaque de flanc lancée parl’ensemble de la compagnie qui a pu se placer en position de débordement. Les hommesdoivent commencer par escalader une pente à 40°, mais ils n’en bousculent pas moins lesJaponais, avant d’être contre-attaqués par une charge sauvage à la baïonnette, menée par desofficiers brandissant leurs sabres. Le choc à l’arme blanche dure vingt terribles minutes. Dansla brume qui gêne toute tentative de les ajuster au fusil avant qu’il soit trop tard, deux desofficiers sabreurs font un massacre dans l’infanterie australienne, avant d’être abattus à labaïonnette. Parmi les Australiens, deux ne sont armés que d’une caméra, mais ils réussissent àfilmer les cinq minutes les plus sanglantes, et à survivre. L’un des opérateurs fixe ainsi sur lapellicule la mort de l’un des officiers japonais, tué par le sergent McKibbon (compagnie B,2/9e Bat.), après deux interminables minutes de combat entre sabre et baïonnette.A midi, les dernières poches où des Japonais résistent farouchement sur la crête sontexterminées. A ce moment, le 2/12e, formant une réserve raisonnablement fraîche, s’élancevers le village d’Eora. Les troupes percent les dernières résistances japonaises sur 800 mètresavant de déboucher des broussailles sur la zone découverte qui s’étend devant le village.Celui-ci n’est normalement qu’un misérable hameau de huttes moisies, mais les Japonais l’ontconsidérablement transformé. Les Australiens sont accueillis par des tirs extrêmementviolents, pendant que la tempête se déchaîne – tonnerre, éclairs et pluie aveuglante pousséepar un vent si violent qu’elle tombe presque à l’horizontale. Bloqués, les hommes cèdent àregret un peu de terrain et se retranchent à la lisière de la brousse. Il va falloir se battre pourEora.Visiblement, la lutte ne fait que commencer. Il n’y a nulle part, de Port Moresby à Kokoda,une meilleure position défensive où arrêter une force venant du sud. Venant de Templeton’sCrossing, le torrent dévale au fond d’une gorge humide, lugubre et toujours plus profondejusqu’à ce qu’il reçoive un affluent arrivant du sud-est. Les remous créés par la rencontre deces torrents ont creusé autour du point de confluence une sorte de vaste fosse. Là, les eauxfroides bouillonnent et rugissent autour de blocs géants de roche dure. Juste au dessus et justeau dessous du confluent se trouvent deux ponts, tous deux reconstruits par les Japonais.Comme la piste, après avoir escaladé puis dévalé les crêtes, approche du premier pont, elle

traverse une zone dénudée qui forme un parfait champ de tir, puis plonge jusqu’à une sorte decorniche où se trouve le hameau, avant de descendre encore plus bas, jusqu’au confluent. Lapiste est dominée sur trois côtés par des crêtes couvertes de jungle.Les Japonais ont fortifié tout cela en y semant bunkers, tranchées et trous d’homme. Là, prèsde 2 000 soldats, avec deux batteries de canons de montagne de 70 mm, attendent les hommesfatigués du Brigadier Wootten. Leur principal handicap (que les Australiens ne peuventévidemment qu’espérer) : ils manquent de ravitaillement.

Opération Oni, ou le “siège” de l’AustralieAu large de la côte est de l’Australie, 01h30 (opération Oni, Phase 3c) – Le Ro-64 repèreun nouveau convoi côtier et accélère à 16 nœuds pour se placer sur son avant. Mais au bout de45 minutes, il subit un grave incident mécanique, qui réduit sa vitesse à 5 nœuds. Lemécanicien indique que l’un des moteurs est complètement hors service et qu’en tombant enpanne, il a endommagé l’autre.Le sous-marin se dirige alors vers Rabaul pour réparer. Le temps étant très mauvais etl’intervention d’avions étant peu probable, le commandant décide de prendre le risque designaler ses ennuis par radio. L’I-6, en train de rentrer vers Kwajalein, capte le message etrejoint le Ro-64, qu’il accompagne jusqu’à Rabaul.La phase 3c de l’opération Oni 1 est terminée. Elle s’est traduite par la destruction d’environ35 500 GRT de tonnage marchand et d’une corvette. Mais l’âge et le manque de fiabilitécroissant des Type Ro sont de plus en plus gênants.D’après Research for Australian Official Histories, 1949, notes de Mr Norman.

4 aoûtCampagne du Pacifique Sud-OuestNouvelles-Hébrides – Dix P-40E de l’AC20 se posent à Port-Vila (Efaté) afin d’assurer lacouverture d’Espiritu Santo.Plus au nord, le destroyer américain USS Tucker, qui assure l’escorte des convois entre Fiji,l’Australie et la Nouvelle-Zélande, coule en tout début de matinée, après avoir sauté sur unemine. Dans la nuit, le navire s’était fourvoyé dans un des champs de mines posés moins de 24heures auparavant par l’US Navy dans le Segond Channel, pour protéger le port principald’Espiritu Santo.

Campagne de Nouvelle-GuinéePiste de Kokoda – Wootten demande l’aide de la RAAF et Boomerang, Wirraway et Battlefont de leur mieux pour bombarder les positions japonaises. Les Hurricane de couverture sontattaqués à deux reprises par des Zéro venus de Lae. Trois Hurricane et deux Zéro sont abattus,mais les chasseurs japonais ne parviennent à passer qu’une fois l’écran australien – malgréune résistance acharnée, un Boomerang est abattu. Le pilote saute, son parachute s’ouvre justeau dessus du sol et le 2/9e Bataillon envoie aussitôt une escouade le récupérer. Elle y parvientmalgré une patrouille japonaise, mais le pilote, blessé, refuse d’être évacué et demande àparler au Brigadier Wootten lui-même ! « Maintenant que j’ai vu la situation d’en haut etd’en bas, Sir, explique-t-il, je peux vous dire qu’on n’y arrivera jamais s’il n’y a pas avecvous un type de chez nous pour parler en direct aux pilotes qui essayent de vous aider. Je suislà, j’y reste. »

Opération Oni, ou le “siège” de l’AustralieAu large de Sydney (opération Oni, Phase 3d) – La 13e Division de Sous-Marins (trois TypeKRS, les I-121, I-122 et I-123, dûment remis en état), a reçu pour mission de créer un grand

champ de mines au large de Sydney, avec un mélange de mines de contact classiques et demines acoustiques allemandes, destinées à rendre le dragage plus difficile. Cette idée vient dela Kriegsmarine. La Marine Impériale possède quelques centaines de ces mines allemandes,mais elle n’a guère de chances d’en obtenir davantage et la production de mines acoustiquesjaponaises ne commencera pas avant le courant de 1943, d’où l’idée d’utiliser un petit nombrede mines allemandes pour “densifier” un champ de mines marines classique.La 13e Division a quitté Kwajalein le 21 juillet, avec 42 mines de contact et 8 acoustiques(toutes posées par les tubes lance-torpilles) dans chaque submersible. Les 150 mines sontmises en place dans la nuit du 3 au 4 et les trois sous-marins repartent immédiatement pourKwajalein. Ils ont l’ordre de ne tenter d’attaque à la torpille que si une très bonne occasion seprésente. Seul l’I-122 pourra tenter sa chance, le 6 août, contre un gros cargo isolé, mais sesdeux torpilles rateront leur but. Les sous-marins arriveront le 18 août à Kwajalein sans autreincident.D’après Research for Australian Official Histories, 1949, notes de Mr Norman.

Campagne de l’Océan IndienSumatra, 04h35 – D’une position au sud de la Grande Nicobar, les porte-avions de l’AmiralSomerville lancent une formation de 10 Albacore et 8 Martlet II armés de bombes, escortéspar 8 F4F-3A (de la Flottille AC-2). A l’aube, ces avions attaquent les casernements et lesentrepôts japonais à Banda Aceh, surprenant les défenseurs, dont la DCA ne peutqu’endommager légèrement un Martlet.10h30 – Le commandement japonais est informé de cette attaque menée par des avionsvisiblement venus de porte-avions. Le général Yamashita ordonne l’alerte générale dans toutle détroit de Malacca, craignant que ce raid n’annonce un nouveau convoi vers Singapour. Enfait, ce n’est qu’une diversion destinée à détourner l’attention japonaise des Salomon.

5 aoûtCampagne de Nouvelle-GuinéePiste de Bulldog – La plupart des hommes en état de combattre de la Force Kanga – environ280 ! – barrent la piste de Bulldog sur une position dominant un gué du cours supérieur de laBulolo. Les Japonais s’approchent avec précautions et passent la journée à reconnaître lazone. Ils découvrent que la position n’est pas facile à flanquer, et une attaque frontale par legué de la Bulolo est hors de question.………Piste de Kokoda – Les combattants au sol récupèrent. A l’aube, un Lodestar hollandaisdépose à Myola une radio de la RAAF et son opérateur pour contacter directement les avions.Tous deux sont expédiés en première ligne. Tard dans la soirée, ils rejoignent le pilote blessé.………Milne Bay – Ce jour-là, le radar de Milne fonctionne bien ! Treize Hurricane et neufBoomerang se heurtent à douze A6M2 de Lae en patrouille offensive. Pour une fois, le cielau-dessus de la baie est clair, les nuages habituels étant restés accrochés aux collines. Unefurieuse bataille voit les pilotes australiens payer chèrement leur manque d’expérience. TroisHurricane et deux Boomerang sont abattus, pour seulement deux A6M2. Cependant, lesAustraliens constatent que le Boomerang résiste honorablement en combat tournoyant contrele Zéro, bien qu’il soit plus lent – en revanche, comme on le savait déjà, le Hurricane, s’il estplus rapide, ne peut affronter l’A6M2 en duel tournoyant. Pendant ce temps, un J1N1-Cphotographie la zone à haute altitude. Obstinés, les Australiens envoient de nouveaux avionsde Port Moresby.

Campagne du Pacifique Sud-Ouest – Opération WatchtowerAlors que, de l’autre côté de la planète, va démarrer une énorme opération, commence aucœur du Pacifique une bataille qui, bien qu’elle implique des effectifs infiniment moinsnombreux, sera bien plus longue et aura sur la suite de la guerre mondiale un effet au moinsaussi important.En fin de matinée, un G4M1 de Tenaru en patrouille de routine aperçoit, environ 350nautiques au sud de Guadalcanal, un convoi d’environ 25 transports, escorté de nombreuxnavires de guerre, cap au nord. Le G4M1 tente de suivre cette force et alerte sa base. Peuaprès, il signale qu’il est attaqué par des chasseurs basés sur porte-avions, puis disparaît desondes.Malgré le temps très médiocre pour la reconnaissance aérienne, deux hydravions E13A1 sontimmédiatement envoyés et un raid de douze G4M1 armés de torpilles est préparé. Les huitautres G4M1 disponibles sont laissés de côté, car Tenaru ne possède plus d’autres torpilles.A 14h00, l’un des E13A1 signale le convoi, qui n’a pas changé de cap. L’autre, envoyé plus àl’est, découvre « un porte-avions » 300 nautiques au sud-est de Guadalcanal, avant de cessertoute transmission.Les douze G4M1 décollent, escortés par seize A6M2. Le temps est toujours très nuageux, etles G4M1 ne réussissent pas à trouver le convoi, mais au crépuscule, ils croient apercevoir lesporte-avions. En fait, il s’agit des pétroliers Cimarron, Kanewha, Kaskaskia, Neosho, Platte etSabine, escortés par deux croiseurs lourds et six destroyers. Ils sont aussi couverts par uneCAP de neuf F4F Wildcat, qui voient arriver les Zéro à moyenne altitude, mais ne distinguentpas, dans le crépuscule, les bombardiers torpilleurs volant au ras de l’eau. Ils surprennent leschasseurs japonais et en abattent quatre, puis s’enfuient en piqué. Seuls deux, oubliant lesconsignes des vétérans de la Mer de Corail, se laissent entraîner en combat tournoyant et sontdétruits.Cependant, les G4M1 attaquent les pétroliers, mais l’intensité et l’efficacité de la DCAaméricaine les surprend. Quatre sont abattus, deux gravement endommagés, mais aucun nerenonce et deux d’entre eux parviennent à toucher le Neosho. La chambre des machines estdétruite et le navire prend feu ; il est rapidement abandonné et sabordé.A l’atterrissage à Tenaru, les deux G4M1 endommagés s’écrasent. La base japonaise nepossède plus que quatorze G4M1 opérationnels, et plus une seule torpille. Devant l’arrivée dela flotte alliée, l’état-major de la 25e Flottille Aérienne ordonne de replier les bombardiers surRabaul, ainsi que deux A6M2 en état de voler mais non de combattre. Quant aux autreschasseurs, plutôt que de les replier aussi, l’état-major décide de les conserver à Tenaru pourinfliger un maximum de pertes aux avions ennemis dont l’attaque est prévisible.Les hydravions de chasse et les hydravions légers de reconnaissance doivent eux aussi resterle plus longtemps possible à Tulagi. Cependant, la plus grande partie du personnel techniquede l’hydrobase est évacuée par des hydravions H6K.Vers 23h00, 4 B-17 de l’USAAF, 4 Hudson de la RNZAF, 9 Whitley, 3 Wellington et 12Manchester de la RAAF attaquent Tenaru. Un coup heureux de la DCA abat un Whitley.

Opération Oni, ou le “siège” de l’AustralieCôte Orientale de l’Australie (opération Oni, Phase 3e) – La 19e Division de Sous-Marins(Kure) est composée de trois vieux bâtiments de type KD3A et B, les I-156, I-157 et I-158. LaSixième Flotte a décidé de prolonger la phase 3 de l’opération Oni en les envoyant sur la côteest de l’Australie. Venant de Kwajalein après une escale à Rabaul, les sous-marins sont arrivésentre le 27 et le 30 juillet dans leurs zones de patrouille : l’I-156 (KD3A) entre Brisbane et lafrontière des Nouvelles-Galles du Sud, l’I-157 (KD3B) entre cette frontière et Wollongong,l’I-158 (KD3A) entre Wollongong et le détroit de Bass.12h30 – L’I-156 aperçoit un convoi au large de Tweed Heads. Il effectue une attaque de jour

très bien calculée et deux torpilles frappent le pétrolier américain Gulfbird (Gulf OilCorporation, 10 208 GRT, en route pour Sydney avec de l’essence d’aviation), qui explose etcoule à 13h00. L’escorte pourchasse l’I-156 quatre heures durant avec l’aide de deux Anson etun Botha venus de Caloundra. Une tache d’huile est repérée, pouvant indiquer que le sous-marin a été endommagé.D’après Research for Australian Official Histories, 1949, notes de Mr Norman.

6 aoûtCampagne de l’Océan IndienSœrabaya – Les sous-marins I-162, I-164, I-165 et I-166 sont des vétérans des opérationsdans le nord de l’Océan Indien, qu’ils ont écumé depuis le début du conflit avec un réelsuccès. Après un aller-retour au Japon pour une remise en état, les quatre submersibles sont ànouveau prêts à s’en prendre au trafic naval allié dans la Baie du Bengale ou la Mer d’Arabie.Toutefois, leur efficacité sera réduite, les premiers mois, du fait des distances à parcourir, carSingapour et Penang, que les Japonais pensaient contrôler rapidement, sont toujours auxmains des Britanniques.

Campagne du Pacifique Sud-Ouest – Opération WatchtowerLes 14 Betty partent pour Rabaul, avec les deux Zéro endommagés.Le déploiement d’une partie de la 25e Flottille Aérienne japonaise à Tenaru a donné desrésultats dépassant les espérances. Plusieurs navires de fort tonnage ont été coulés, dont unpétrolier, deux cités australiennes ont été touchées par des bombardements et surtout par lamenace de nouvelles attaques, l’activité de Nouméa a été très perturbée et bon nombred’avions alliés ont été détruits. L’importance stratégique de Guadalcanal est confirmée.En fin de matinée, six J1N bimoteurs se posent sur la piste de Tenaru, ravitaillent rapidementpuis repartent à la recherche des porte-avions. L’un d’entre eux trouve le convoi, toujours capau nord, 50 nautiques à l’ouest de Rennell. Deux autres sont repoussés par des Wildcat enpatrouille, qui ne peuvent cependant les rattraper. Si les porte-avions ne sont pas repérés, leurprésence est une certitude ! Les bimoteurs rentrent à Rabaul dans l’après-midi.Un peu avant 16h00, les cuirassés North Carolina et Washington, escortés par les destroyersAaron Ward, Farenholt et Grayson, se détachent de l’écran des porte-avions et filent à 25nœuds vers Guadalcanal. Jusqu’à la tombée de la nuit, des patrouilles de Wildcat assurent leurcouverture aérienne.A Tenaru, le soir tombe sans que les Japonais aient vu venir les bombardiers américainsattendus. Près de Tassafaronga, le lieutenant Iishi, qui a calculé assez justement l’heured’arrivée des transports américains, a ordonné une révision complète de ses trois vedettes. Ilcompte sortir à partir de minuit.« Ces vedettes sont arrivées deux semaines plus tôt et ont vite exploré leur zone d’opérations.Le lieutenant Iishi a rapidement abandonné les tactiques habituelles en eau froide, car lesvedettes rapides laissent dans la région des traces (sillage et lame d’étrave) beaucoup plusvisibles en raison de la phosphorescence des eaux. Ses petits bateaux de faible tirant d’eausont parfaitement adaptés à ces conditions. Patrouillant à faible vitesse, entre 4 et 8 nœuds,sur leur moteur de croisière (un moteur de camion de 60 CV), ils sont pratiquement invisiblesde nuit au-delà de quelques centaines de mètres. Ils passent totalement inaperçus sur unarrière-plan de terre, surtout si des vaguelettes font varier l’aspect du rivage, formant unmotif irrégulier noir et blanc sur lequel les petites vedettes peuvent littéralement disparaître.Les tactiques favorites d’Iishi sont proches de celles indiquées aux Japonais par lesAllemands et les Italiens : embuscade furtive et fuite rapide. Il a été informé sur lespossibilités des radars et sait que l’ennemi en est équipé. Enfin, il a étudié avec attention le

secteur, notamment les récifs, où le tirant d’eau de deux pieds de ses vedettes lui permet depasser là où personne d’autre ne le pourrait. » (Jack Bailey, Un Océan de Flammes– Laguerre aéronavale dans le Pacifique)22h20 – L’escadre de bombardement américaine a pénétré dans la baie. S’orientant sur lesreliefs des côtes que laisse entrevoir un mince croissant de lune, les deux cuirassés ne tardentpas à commencer leur bombardement. Les dix-huit canons de 16 pouces martèlent la zone deTenaru pendant une heure, faisant de nombreux dégâts, semant plusieurs énormes cratères surla piste et détruisant une demi-douzaine de Zéros dans leurs alvéoles.23h30 – Les navires américains cessent le feu et se dirigent aussitôt vers la sortie de la Baie.23h45 – Au large de sa base de l’embouchure de la Mbonehe, le lieutenant Iishi est furieux.Quand les obus américains ont commencé à tomber, il a voulu hâter la mise en route de sesvedettes, mais dans la précipitation du départ, les G-2 et G-3 se sont heurtées. La G-2,légèrement endommagée, a dû retourner auprès du bateau-atelier Kaiyo Maru n°1 pourréparer – pire : quand enfin les deux autres vedettes ont pu appareiller, c’est pour voir lescuirassés américains passer hors de portée et s’éloigner, sortant de la baie au sud de Savo.L’opération Watchtower va vraiment commencer.………Malaita – L’état-major allié a décidé de dépêcher dans cette petite île le ravitailleurd’hydravions Mackinac ainsi que neuf PBY de l’escadrille VP-23. Dans la journée, desAvenger du Saratoga, croisant au sud de Guadalcanal, survolent Malaita et signalent auMackinac, toujours en route, que les principales baies sont désertes.………Îles Santa Cruz – Le ravitailleur McFarland (AVD-14, ex DD-237) installe à Ndeni une based’hydravions avec 5 PBY.

Campagne de Nouvelle-GuinéePiste de Bulldog – Les Japonais transportent à grand-peine deux mortiers en première ligne etcommencent à bombarder les positions australiennes – une tâche des plus aléatoires dans lajungle. Cependant, leurs éclaireurs découvrent un autre gué, trois km en amont des positionsadverses.………Piste de Kokoda – La précision des Wirraway s’accroît nettement, mais Wootten comprendque ses hommes vont malgré tout subir de lourdes pertes en tentant de traverser la zonedénudée qui précède le village, couverte par les feux croisés d’une véritable fortification. Ilsait qu’il a besoin d’artillerie lourde, et il sait aussi qu’il lui est parfaitement impossible d’enobtenir – même s’il y en avait à Port Moresby, la transporter jusqu’à Eora poserait desproblèmes insolubles. « N’hésitez pas à m’envoyer de l’artillerie lourde, demande-t-il à l’état-major, mais au cas où cela vous semblerait se heurter à quelques difficultés [remarquablelitote !], il me faut des bombardiers en piqué. » Hélas, quels avions utiliser ? Les Wirraway etles Battle, incapables d’un piqué accentué, sont obligés d’adopter un profil de vol presquesuicidaire pour bombarder les très petites cibles proches des lignes australiennes que sont lesbunkers japonais. Quant aux Boomerang, ils ne peuvent pas emporter les bombes nécessaires(du moins, pas à cette époque).Bien conscient du problème, l’état-major de Port Moresby envoie un message urgent àCanberra, réclamant de vrais bombardiers en piqué. Il n’en attend pas grand-chose, mais unesolution inattendue (sinon immédiate) apparaît alors.Le 27 juillet, la mission militaire française à Canberra avait fait savoir au gouvernementaustralien que l’Armée de l’Air allait envoyer en Nouvelle-Calédonie la 52 e Escadre d’ACCS(Aviation de Coopération, de Combat et Soutien), composée des Groupes I/52 et II/52, avecau total 45 Vultee V-72 Vengeance I, reçus deux mois plus tôt. L’avion a montré de belles

qualités de bombardier en piqué, mais il est très vulnérable aux chasseurs adverses rencontréssur le théâtre européen. L’escadre doit opérer avec les unités de la RAAF et de l’USAAFdéployées dans la région. Ses avions arriveront fin août.Canberra transmet donc la supplique du Brigadier Wootten à Londres et Alger, recommandantde lui affecter les Vengeance français. Les Alliés acceptent avec promptitude, car le front deKokoda est soudainement devenu important – c’est à ce moment le seul du Pacifique surlequel les forces alliées avancent contre les Japonais. La 52e EACCS reçoit immédiatementl’ordre de se rendre à Port Moresby et non à Nouméa, mais elle en est encore bien loin.

7 aoûtLa campagne du Pacifique Sud – Opération Watchtower Au large de la Pointe Lasa (Guadalcanal)01h33 (H - 6:27) – La côte de Guadalcanal est en vue du convoi allié. Une demi-heure plustôt environ, celui-ci a croisé les deux cuirassés en train de rejoindre les porte-avions.03h00 (H – 5:00) – Alors que les forces d’invasion de Guadalcanal et du secteur de Tulagi seséparent, les vedettes rapides G-1 et G-3 patrouillent lentement le long de la côte nord deGuadalcanal. Pour Iishi, qui s’est promis de venger l’humiliation du début de la nuit, lesmeilleurs espoirs de succès vont se présenter lorsque le convoi approchera des côtes deGuadalcanal. Il sait que les transports vont être escortés par de nombreux navires de guerre etqu’ils vont rester relativement loin de la terre jusqu’à ce que le débarquement commence, aulever du soleil ; il a donc décidé d’attaquer l’écran.03h10 – Les deux vedettes japonaises croisent à 1 500 mètres de la Pointe Lasa (ou PointeKoli), 6 km à l’est de Red Beach, quand elles aperçoivent deux navires évoluant à 12 nœuds,rendus bien visibles par la phosphorescence de leur lame d’étrave sur une mer d’huile. Sur laG-3, Iishi fait signe à la G-1, s’en approche bord à bord et donne ses instructions oralement,puis les deux engins ralentissent encore jusqu’à 2,5 nœuds (vitesse minimale pour pouvoirmanœuvrer) et se mettent en position de tir.03h20 – Les deux navires aperçus sont identifiés comme des destroyers. Ils manœuvrent versle large jusqu’à 03h35, puis se rapprochent de la côte.03h44 – Le destroyer le plus proche n’est qu’à 600 mètres, présentant son flanc tribord,lorsque la G-1 puis la G-3 lâchent leurs torpilles. Les vedettes attendent dix secondes, puistournent vers bâbord, toujours à 2,5 nœuds.Leur cible est l’USS Mugford. La vigie tribord du destroyer aperçoit le sillage de bulles d’unetorpille à 150 mètres et hurle un avertissement ; la barre est immédiatement mise à bâbordtoute, mais la proue commence seulement à dévier lorsque la première torpille frappe, juste enarrière de la passerelle. Quelques secondes plus tard, une autre torpille touche, vers l’arrière.Le navire stoppe rapidement et s’incline brutalement sur tribord. Trois minutes plus tard, il estsur le flanc et coule peu après, emportant une grande partie de son équipage.Iishi a fait lancer les moteurs dès l’explosion de la première torpille. Illuminé par l’éclair, lenavire touché est correctement identifié à sa grosse cheminée comme un destroyer de classeGridley. L’autre destroyer, le Jarvis, tire quelques obus dans la direction des vedettes, mais aubout de quatre minutes de course, elles ralentissent à 6 nœuds et le destroyer perd la cible quereprésente la “queue de coq” du sillage. Iishi décroche alors vers Tassafaronga et ses bateauxrejoignent leur base bien avant le lever du soleil. Grâce à sa furtivité (dirait-on aujourd’hui), ila remporté une victoire qui restera rare dans les annales de la guerre des vedettes rapides.Reste qu’il a utilisé quatre de ses précieuses torpilles pour couler un destroyer – lequel a ainsiaccompli sa mission de protéger les transports, cibles bien plus cruciales… mais moinshonorables (et moins prioritaires selon les instructions du commandement japonais).

Averti par le Jarvis, l’état-major américain ordonne de se méfier d’éventuelles MTB, sansexclure qu’il s’agisse en réalité d’un sous-marin.………Pointe Cruz (Guadalcanal)05h30 (H - 2:30) – Le 1er Bataillon de Raiders de l’USMC (colonel Merritt A. Edson),transporté par quatre destroyers convertis (les APD Colhoun, Gregory, Little, McKean), apour mission de débarquer à Pointe Cruz et de s’emparer du petit port avant d’être renforcépar le Bataillon Parachutiste. Le site choisi pour le débarquement se trouve à peu de distance àl’est de la Pointe Cruz, de chaque côté des installations portuaires. Deux compagnies doiventdébarquer dans la première vague, sur dix “Higgins boats” de 36 pieds. Elles doivents’infiltrer à la faveur de la nuit et encercler les défenseurs, avant que des renforts ne viennentles conduire à la reddition – espèrent encore les Américains.06h00 (H - 2:00) – Les Raiders ont commencé par progresser sans mal sur le sable, mais lesJaponais font bonne garde et l’alerte est donnée. De chaque côté du petit port, tirs d’armeslégères et explosions de grenades donnent le signal de plusieurs mois de lutte. Les Japonaissont un peu surpris par le fait d’être attaqués de nuit (les Occidentaux sont censés en êtreincapables), mais, conformément à leur manuel, ils contre-attaquent. La plus grande confusionrègne vite et les deux compagnies de Marines décident de cesser d’avancer pour ne pas êtretrop désorganisées. Chacune contrôle une tête de pont de 100 mètres sur 100 environ.………Red Beach (Guadalcanal)Turner a décidé que l’heure H pour l’ensemble de l’opération serait 08h00, mais sur RedBeach, le débarquement doit avoir lieu à H+1:10, soit 09h10.06h33 (H - 1:27) – Le soleil se lève, révélant les dix-neuf transports en deux rangéesparallèles au rivage, la plus proche (à 8 000 mètres de la plage) comptant neuf navires, la pluséloignée (1 000 mètres plus loin) dix navires. Les navires de chaque rangée sont espacés de750 mètres. Les DD Dewey et Jarvis, marquant la ligne de départ des bateaux Higgins, sont à3 000 mètres de la terre. La voie d’approche fait 1 000 mètres de large, plus 300 mètres dechaque côté pour faciliter les manœuvres. Le vice-amiral Crutchley a positionné les croiseursQuincy et Vincennes à 6 000 mètres de la plage, à l’ouest et à l’est, prêts à contrer tout tiréventuel.06h40 (H - 1:20) – Les croiseurs lourds Astoria et Wichita s’en prennent à l’aérodrome. Dèsle début du bombardement, les Zéro encore opérationnels, qui se préparaient à décoller,s’envolent en hâte pour éviter d’être détruits au sol, malgré les cratères laissés par lebombardement de la nuit. Quinze d’entre eux y parviennent, sous le commandement de l’asSaburo Sakaï. Après avoir tournoyé au dessus de la baie sans apercevoir les bombardiersaméricains qu’ils espéraient, ils s’éloignent vers Rabaul, suivis par les dix hydravions dechasse A6M2-N de Tulagi.06h50 (H - 1:10) – Le signal « Mise à terre de la force de débarquement » est donné au largede Red Beach (« Commencez le débarquement » a été ordonné 13 minutes plus tôt devantTulagi).………Pointe Cruz (Guadalcanal)07h00 (H - 1:00) – La seconde vague de Raiders approche de la plage, leurs Higgins boatsaccompagnés par deux LCM(2) de 45 pieds, portant chacun un char Stuart. Le croiseur SanJuan et les DD Buchanan et Monssen les appuient de quelques salves.Ce n’est qu’à moins de mille mètres de la plage que les douze embarcations deviennent lacible de tirs violents et soutenus, venant des bâtiments du port ainsi que d’une solide position(un bunker et un réseau de tranchées) où sont embusqués les deux canons de 37 mm de la 3e

compagnie de la 5e SNLF. L’un des LCM est touché par un obus qui tue le barreur ; le bateau

dévie, heurte la plage de flanc, est à nouveau touché par deux fois et s’incline de 25 degrés lelong du rivage, envahi par l’eau. Le char qu’il contient est noyé et son équipage l’évacue pourse joindre à l’infanterie. Le second LCM est lui aussi touché, mais réussit à faire débarquerson char.L’infanterie, ballottée dans les Higgins non blindés, subit de lourdes pertes avant d’atteindrela plage. L’un des Higgins reçoit un obus à vingt mètres du rivage ; il coule immédiatement,entraînant tous ses passagers. Au moment du débarquement, la plage est prise sous le feu dequatre canons de 25 mm, mais heureusement pour les Américains la majeure partie de ces tirspassent d’abord au dessus de leur tête : ces canons anti-aériens ne sont pas destinés àrepousser un débarquement. Néanmoins, si leurs servants sont peu habitués au tir terrestre, ilscorrigent petit à petit le tir. Les Japonais commencent au même moment à ouvrir le feu avecleurs “mini-mortiers” (knee mortars ou, plus officiellement, grenade dischargers) et lasituation des assaillants devient difficile.Les Marines déjà débarqués se lancent à l’attaque sur les deux ailes pour soulager leurscamarades. Pendant ce temps, le DD Buchanan s’est approché à 400 mètres de la Pointe Cruz, engageantle bunker central en tir direct. Cette action sauve certainement la vie de nombreux Raiders, carles canons et les mitrailleuses de la position ripostent au destroyer, délaissant les fantassins.Dans le sillage du Stuart survivant, ceux-ci chargent le bunker, bien protégé des tirs par un toiten troncs de cocotier. Le char parvient à masquer les ouvertures et les Marines prennentd’assaut le fortin, tuant tous les occupants.07h50 (H–0:10) – Alors que le Buchanan pense pouvoir souffler, il est pris pour cible par lesdeux canons de 75 mm AA installés sur la cote 78, une crête derrière la Pointe Cruz, dont lesservants ont dû frénétiquement enlever les troncs de cocotier protégeant leur position contre lesouffle des bombes pour pouvoir viser le destroyer. Arrosé par ces canons à tir rapide, leBuchanan est rapidement touché. En deux minutes, il reçoit six obus qui endommagent sapasserelle, tuent son commandant (le capitaine R.E. Wilson) et mettent sa tourelle B hors decombat. Dans les quatre minutes qui suivent, le destroyer encaisse huit obus supplémentaires :le directeur de tir est détruit et un incendie se déclenche dans le compartiment du générateurélectrique. Le feu s’étend à la ventilation de la chaufferie arrière, qui doit être évacuée. Lestorpilles menaçant d’être touchées, il faut les jeter à l’eau. Le navire bat en retraite, mais nonsans recevoir onze obus de 75 supplémentaires. Quand le Buchanan est enfin hors de portée, ilcompte 16 morts et 65 blessés. La plupart des dégâts sont la conséquence des shrapnels desobus de 75 mm, qui parsèment littéralement les œuvres vives. Le navire n’est pas en dangerde couler, mais les appareils vulnérables comme les radars sont gravement endommagés.Le Buchanan va vite être vengé. Le San Juan, appelé à l’aide, arrive à 29 nœuds et engage labatterie de DCA, noyant le sommet de la cote 78 sous les obus de 5 pouces, détruisant lescanons et tuant les servants ou les obligeant à s’abriter. Ce faisant, le croiseur reçoit cinq obus,mais qui ne font que l’égratigner.Un nouvel adversaire se démasque alors. Deux batteries côtières de deux canons de5,5 pouces ont été installées sur les rives est et ouest de la pointe Lunga – les canons dechaque batterie ont été positionnés à 100 mètres l’un de l’autre, bien protégés et camouflés.La batterie ouest prend pour cible le San Juan, qui se dérobe immédiatement, mais le tir de labatterie se rapproche dangereusement, quand intervient l’Astoria. Inquiet du déroulement desopérations, Crutchley a ordonné au croiseur lourd de se rapprocher de la côte et il est auxpremières loges pour réagir quand la batterie japonaise ouvre le feu. Le tir du croiseur lourdest précis et après quelques salves, la batterie est mise hors de combat. Même si les canonsn’ont pas été détruits, les servants et le camouflage ont été soufflés par les lourds obus et lesdélicats instruments de réglage du tir ont volé aux quatre vents.………

Secteur de TulagiLe secteur dit de Tulagi se compose en fait d’une petite île, Tulagi, et de deux îlots reliés parune jetée, Gavutu et Tanambogo, tous trois à peu de distance de la côte sud de l’île de Florida,elle-même située à une trentaine de km de la côte nord de Guadalcanal.La 28e Brigade australienne a pour tâche de s’emparer des trois îles et d’un point d’appui surla côte de Florida, autour des villages de Haleta et Halavo, libérant ainsi la totalité des forcesde l’USMC disponibles (une division renforcée) pour l’attaque de Guadalcanal même.– TulagiLa conquête de l’île est confiée au 18 e Bataillon, appuyé par trois chars Matilda I et deuxCovenanter. En face, 300 hommes de la 3e SNLF de Kure, dotés de mortiers légers, demitrailleuses et de deux canons de 37 mm, et appuyés par 200 travailleurs, qui ont passé lesdernières semaines à creuser des retranchements.Heure H (08h00) – Avec l’appui rapproché du Manoora, le 18e bataillon débarque sur BlueBeach. On s’aperçoit aussitôt que cette plage ne convient pas à un débarquement : leshommes doivent marcher sur un récif parsemé de trous profonds. Mais ce mauvais choix al’avantage de prendre la garnison par surprise. Il y a peu d’opposition (quatre blessés). Leterrain est rapidement balisé et deux des vieux Matilda I, lamentablement dépassés, mal arméset d’allure plutôt comique, rampent jusqu’au rivage. Mais ces vieux engins vont se montrersans prix, car ils sont invulnérables aux armes japonaises.La première compagnie traverse l’île et s’empare du village de Sasapi. La suivante progressevers le sud-est et la zone administrative. L’avance est freinée par des tranchées et des grottesfortifiées sur la cote 330, mais l’un des Matilda s’avance et engage les fortins à lamitrailleuse, permettant à l’infanterie de s’approcher suffisamment pour lancer des chargesd’explosifs qui font s’effondrer les parois des abris japonais. L’avance reprend, appuyée par le2 livres d’un Covenanter, mais aussi par l’artillerie de l’Australia, dont les canons facilitent laprise de la cote 208, au centre de la côte sud-ouest. A la tombée de la nuit, le 18 e n’est plusqu’à mille mètres de l’extrémité de l’île, mais il est arrêté par un ensemble de bunkers, defortins, de tunnels, de grottes et de tranchées. Les Japonais se défendent avec rage ;cependant, dépourvus de toute expérience du combat, les soldats de la “Milice” australienneestiment que ce comportement doit être habituel dans toute bataille.Toute la nuit, les Japonais harcèlent les positions australiennes au mortier léger, mais aucunecharge massive n’est lancée.– Gavutu-TanambogoLe 13e Bataillon doit s’emparer des deux îlots, avec le soutien de deux chars Valentine, duCovenanter poseur de pont et de deux Sentinel. Les îlots sont défendus par 800 hommes de la3e SNLF de Kure, aidés par 400 ouvriers (les techniciens de l’hydrobase ont été évacués laveille). Ils sont armés de nombreuses mitrailleuses, de mortiers légers et de deux canons de37 mm, et bénéficient de l’appui de quatre canons Vickers de 40 mm et d’un canon de 75 mmAA, installés sur l’îlot pour protéger l’hydrobase.Selon les plans australiens, les deux îlots doivent être attaqués en même temps par deuxcompagnies chacun.Sur Gavutu, la première compagnie débarque sans difficulté et avance rapidement. La secondearrive une heure plus tard. A H+6, en dépit d’une furieuse résistance (il y a là environ 150combattants japonais, appartenant à la 3e SNLF ou à l’unité de construction), l’îlot est auxmains des Australiens pour une quinzaine de morts et une trentaine de blessés. Il semble queseuls des travailleurs coréens (40) aient été faits prisonniers.Sur Tanambogo, c’est un désastre. Ce minuscule bout de terre est tenu par 700 combattantsexpérimentés, aidés par 300 ouvriers (dont 50 Japonais, qui se battront aux côtés des soldats).Tanambogo a été très soigneusement fortifié, plus parce que le commandant local voulaitentraîner ses hommes que parce qu’il craignait une invasion.

Très disciplinés, les hommes de la SNLF ne tirent pas un coup de feu avant que les douzeLCVP de la première compagnie n’aient touché le sable, mais une vraie tempête de feu s’abatalors. Les embarcations sont détruites ou avariées une à une, obligeant les Australiens à restersur place, s’abritant comme ils peuvent. Nous ignorerons toujours ce qui s’est exactementpassé, mais à H+2, quand le feu cesse, il n’y a plus le moindre survivant de la compagnie. Parla suite, selon la position des corps retrouvés, on déduira qu’un petit groupe a réussi às’emparer d’un fortin japonais et a combattu là jusqu’au dernier homme.– Haleta et Halavo (côte sud de Florida)Cette mission de couverture revient au 17e Bataillon, soutenu par deux chars Valentine et deuxMk VI. Les deux débarquements se déroulent sans incident, avec l’appui des 6 pouces duKanimbla. Il n’y a pratiquement aucun défenseur. Les rares Japonais présents s’enfuient dansl’intérieur de Florida.………Pointe Cruz (Guadalcanal)8h00 (H+02:00) – La plage est enfin renforcée, mais tout ce qui reste de Japonais se lancedans des contre-attaques désespérées, au cri de Banzai ! que les Marines entendent pour lapremière fois – ce ne sera pas la dernière. Les Marines fléchissent sous le coup mais lesJaponais ont attaqué de façon désorganisée du fait de la destruction de leur réseau decommunication. Quand la poussière retombe après un sauvage corps à corps, le colonel Edsonréalise que les tirs ennemis ont faibli. Il demande à la Navy de soutenir ses hommes au plusprès, comme avait su le faire le Buchanan – les destroyers Bagley et Helm s’en chargent, etles feux ennemis diminuent encore d’intensité. Edson lance alors tout son monde à l’assaut etaprès un brutal nettoyage des tranchées japonaises, Pointe Cruz est pris. Les Rangers ontcependant subi des pertes sévères : 130 morts et blessés sur 600 hommes. Quant à la 3e

compagnie de la 5e SNLF, elle a été anéantie jusqu’au dernier soldat.La 13e unité de Construction Navale, qui travaillait sur les installations du port, s’est abritéedès les premiers tirs. Quand les combats ont cessé, constatant que les Américains étaientvainqueurs, son chef a décidé de replier tout son monde (surtout des Coréens) du côté deTassafaronga, à l’ouest. Les parachutistes qui viennent prendre le relais des Rangerscomprennent, avec l’aide de quelques indigènes terrorisés, qu’un groupe important deJaponais s’est éloigné vers l’ouest. Ils décident donc de mettre le secteur en état de défense enattendant d’en savoir plus.………Red Beach (Guadalcanal)09h00 à 09h10 (H+1:00 à H+1:10) – Les quatre croiseurs lourds américains effectuent unbref mais intense bombardement de Red Beach.09h13 (H+1:13) – Les premiers US Marines débarquent sur Red Beach.« Les renseignements rassemblés sur Guadalcanal par les planificateurs alliés étaientextrêmement inégaux. Il avait été possible de se faire une bonne idée de la nature du terrainproche de la côte, et surtout des zones parcourues par des routes et des pistes, mais onn’avait pu obtenir la moindre précision sur l’intérieur des terres, loin des zones cultivées.En ce qui concernait les forces japonaises, les Coastwatchers les avaient très correctementestimées à cinq mille hommes, mais ce chiffre incluait les unités de travailleurs. Le périmètreoccupé par ces troupes avait pu être reconnu avec une certaine exactitude grâce à la policelocale, dont le sergent Vouza, et aux éclaireurs indigènes du capitaine Clemens, qui tousétaient restés de loyaux sujets de Sa Majesté le roi George VI.A Guadalcanal, les Japonais étaient surtout déployés autour de l’aérodrome (leredéploiement d’une compagnie de la 5e SNLF à Pointe Cruz fut une surprise désagréablepour les Rangers). Pour ne pas prendre de risques, les Américains décidèrent de débarquer9 000 mètres plus à l’est. » (Robert Leckie, Duel dans le Pacifique).

Trois hydravions de l’Astoria marquent les extrémités de la plage avec des fumigènes àl’intention des barreurs des bateaux Higgins (trois autres seront mis par le Quincy à ladisposition de l’artillerie de la division).Le commandant de la batterie est de la pointe Lunga est le seul à pouvoir s’opposer audébarquement. Il est conscient qu’il n’aura que quelques salves avant de subir la colère descroiseurs qu’il aperçoit au large, mais il décide de tenter sa chance. Les transports sont troploin (le plus proche est à 6 500 mètres) pour espérer leur faire grand mal dès les premièressalves, mais il peut faire très vite des victimes chez les Marines en train de débarquer. Dès queles premiers obus tombent sur la plage, le Quincy se précipite, mais avant qu’il puisse fairetaire la batterie, les deux 5,5-pouces ont le temps de faire une vingtaine de morts et de blessésgraves chez les Marines, tandis qu’un Higgins malchanceux a été détruit par un coup direct.Le reste du débarquement se déroule sans incident.Premier débarqué, le I/5e Marines se déploie du côté ouest de la tête de pont. A 09h38, le QGrégimentaire du 5e Marines implante son premier poste de commandement, une centaine demètres à l’intérieur des terres. Une patrouille japonaise se trouve non loin de là, mais elle secontente d’observer et de signaler.10h00 (H+2:00) – Le QG japonais a été très vite averti du lieu du débarquement. Le Lt-colonel Naga informe tout de suite Rabaul, mais sans réclamer le moindre renfort – le faireserait une grave perte de face pour tout officier japonais ; de plus, il pense sans doute n’avoiraffaire qu’à un raid, certes de grande ampleur, mais contre lequel ses forces seront suffisantesen attendant l’aide de la flotte. Il agit d’ailleurs raisonnablement, compte tenu du fait qu’il nedispose que d’informations parcellaires sur un débarquement localisé et que, d’après lesrapports des services de renseignements, les Américains seront incapables de lancer desopérations d’envergure stratégique avant plusieurs mois.11h00 (H+3:00) – Le 5e Marines a achevé de débarquer et progresse vers l’ouest. Le 1er

Marines a commencé à débarquer et ses premiers éléments se dirigent déjà vers le MontAusten. Néanmoins, les hommes réalisent très vite que cet objectif est presque inaccessible.Le massif de collines désigné sous ce nom et que l’on voyait des navires est invisible de laplage. Le terrain est extrêmement difficile et le cours du Tenaru, à distance de la mer, serpenteentre des berges très abruptes, couvertes d’une épaisse végétation où il est difficile de sefrayer un chemin, tandis que la rivière elle-même n’est pas guéable.12h00 (H+4:00) –Le I/5e Marines commence à avancer vers l’ouest pour sécuriser la ligne duTenaru, où il doit passer la nuit près de l’estuaire. Le II/5e reste en couverture un peu plus ausud. Certaines unités du I/5e se heurtent à des patrouilles japonaises. Aux yeux des Marines,dont la plupart n’ont jamais vu le feu et dont les unités sont désorganisées par ledébarquement, ces escarmouches semblent être des engagements acharnés.13h30 (H+5:30) – Une escouade tente de traverser le Tenaru à proximité de la mer, mais sefait repousser par des tirs d’armes légères. Dans ce secteur, le cours de la rivière est tenu parquelques sections, et l’inexpérience des Marines leur fait voir deux ou trois fois plusd’hommes en face d’eux. 15h00 (H+7:00) – Une compagnie se lance à l’attaque sur un banc de sable de l’estuaire duTenaru. Un char Stuart mène l’attaque, mais il s’enfonce dans le sable. L’infanterie doit sedébrouiller seule – mais les quelques Japonais de garde se replient.15h20 (H+7:20) – Le général Vandegrift signale à l’amiral Turner que son poste decommandement est déployé sur Guadalcanal. 16h00 (H+8:00) – Le général lui-même est sur la plage.Les Japonais ont évacué toute la ligne du Tenaru, qui est enlevée sans résistance en fin dejournée. Les Marines s’apprêtent à passer la nuit sur place.18h00 (H+10:00) – Deux régiments renforcés et toutes les troupes divisionnaires ontdébarqué.

Les positions du 5e Marines sont les suivantes :– compagnies A, B, C, D (I/5e) : à l’ouest de Red Beach, le long de la côte, jusqu’au Tenaru ;– compagnies E, F, G, H (II/5e) : un peu plus au sud ;– compagnies I, J, K, L (III/5e) : utilisées pour transporter le ravitaillement et le matérieldébarqué, au grand déplaisir des hommes, elles sont maintenant un peu à l’intérieur des terres.Le 1er Marines est plus loin au sud, sur le chemin du Mont Austen.………Secteur de TulagiDans l’après-midi, l’Australia et le Leander viennent matraquer Tanambogo, un peu àl’aveuglette (les trois AMC continueront toute la nuit pour tenir les défenseurs en haleine).Pendant ce temps, les unités d’artillerie et du génie de la Brigade débarquent sur Gavutu et lescanons sont mis en batterie. Le dernier Matilda I, trois Valentine et les deux Sentinel sontégalement débarqués sur Gavutu, ainsi que la seconde compagnie du 13e Bataillon qui devaitdébarquer sur Tanambogo le matin, et le 17e Bataillon reçoit l’ordre de se tenir prêt à soutenirl’attaque le lendemain.………La réaction japonaise (Guadalcanal)Il faut maintenant revenir vers midi, à l’état-major japonais. Alors qu’il observe ledébarquement américain, Naga reçoit un message de Pointe Cruz, apparemment envoyé dansla nuit et annonçant que les Marines ont tenté de débarquer mais qu’ils ont été repoussés. Ilconclut aussitôt que les forces américaines sont d’aussi mauvaise qualité qu’il le préjugeait etque la force morale de ses soldats prévaudra sur la supériorité numérique de l’ennemi. Selon ses premières estimations, les Américains n’ont débarqué que trois bataillons surGuadalcanal (et probablement deux du côté de Tulagi). C’est quand même trop pour espérerles rejeter à la mer avec deux compagnies, mais sa mission est la protection de l’aérodrome, ilne saurait battre en retraite.Il ordonne donc à sa 2e compagnie de s’installer le long de l’Ilu, immédiatement au sud del’embouchure, pour retarder l’ennemi. Pendant ce temps, la 1 ère compagnie, aidée par la 11e

unité de construction (dont les 200 membres japonais devront combattre avec les hommes dela SNLF), met l’aérodrome en état de défense. Après les premières opérations et lesbombardements navals, il lui reste douze canons de 75 mm AA, seize 25 mm et deux 37 mmantichars. Il confie à la 2e compagnie six 25 mm et les deux 37 mm, conservant le reste pourdéfendre l’aérodrome. Il a cependant conscience qu’il est en sévère infériorité numérique et qu’il ne peut queretarder l’échéance. Il envoie donc à Rabaul un rapport de situation objectif, quoique inexactdans son évaluation des troupes alliées.………La réaction japonaise (Tokyo-Rabaul)A Tokyo, le chef d’état-major de la Marine Impériale, l’amiral Osami Nagano, sait qu’il doitabsolument réagir à l’attaque alliée. Mais Nagano ne dispose pas de la moindre troupeterrestre dans les Salomon, en dehors de celles qui sont en train d’encaisser l’attaqueaméricaine ! Il est obligé de faire appel au chef d’état-major de l’Armée, le général GenSugiyama. Ce dernier est stupéfait : l’existence même de l’aérodrome de Tenaru étaitinconnue de l’Armée. Guadalcanal et l’ensemble des Salomon Orientales faisaient en effetpartie d’une zone dont le contrôle exclusif était dévolu à la Marine, à la suite d’un accordconclu entre les deux états-majors (voir appendice 1).A Rabaul, le général Hyakutake, contacté par Sugiyama, commence par pester contrel’inconséquence de la Marine, incapable de défendre ses bases. Puis, il cherche quels renfortsenvoyer à Guadalcanal. Dans l’immédiat, il n’a à sa disposition que le 28 e Régiment

d’Infanterie, commandé par le colonel Ichiki, et il n’a pas sous la main assez de transportspour embarquer même un millier d’hommes. Tant pis, on fera le maximum !Alors que l’on prépare fébrilement un petit convoi, Nagano réunit l’état-major de la Marinepour envisager une action navale. A Rabaul se trouve le 2e Escadron de Destroyers du contre-amiral Raizo Tanaka : CL Jintsu et destroyers Amatsukaze, Hatsukaze, Hayashio, Kuroshio etOyashio (classe Kagerô), auxquels s’est joint le croiseur lance-torpilles Kitakami, en staged’entraînement après son récent rééquipement. La 18e Division de Croiseurs : CL Tatsuta etYûbari (contre-amiral Mitsuharu Matsuyama) se trouve elle aussi à Rabaul. Enfin, la 6 e

Division de Croiseurs : CA Aoba, Furutaka, Kako et Kinugasa, commandée par le contre-amiral Aritomo Goto, est basée non loin de là, à Kavieng.Tanaka commande non seulement le 2e Escadron de Destroyers, mais aussi les bases de laMarine dans le secteur des Salomon, détaché de la 4 e Flotte commandée par le vice-amiralShigeyoshi Inoue, à Truk. Il n’a reçu son commandement que huit semaines plus tôt. A sonarrivée à Rabaul, il a constaté une paresse et un relâchement inadmissibles. Sa gloire touteneuve acquise à Balikpapan et la présence de ses navires lui ont permis de faire prévaloir sonpoint de vue – des vétérans bien entraînés et endurcis par les combats ont souvent un tel effet.Son escadron n’est qu’une force réduite dans une immense étendue d’océan, mais c’est unearme de première classe. Tanaka est secondé par des subordonnés efficaces : le commodoreOhmae est son officier d’opérations et le CF Shigenori Kami commande le Jintsu. Tous sesnavires ont des équipages très expérimentés et leurs commandants sont de bons officiers.Quant au Kitakami, si son équipage est relativement novice, il s’exerce assidûment et obtientd’excellents résultats 4. Le groupe de Tanaka porte le nom poétique (sinon tout à fait officiel)d’Escadre des Mers du Sud.Grâce à l’action de Tanaka, la construction de la base des Shortland a beaucoup progressé, leterrain de Buin a été achevé, et l’aérodrome de Rabaul même est en cours d’agrandissement.Dès l’annonce du débarquement allié, Tanaka contacte directement l’état-major, à Tokyo. Sonidée est d’attaquer au plus vite, de nuit, les forces alliées dans les eaux de Guadalcanal. ATokyo, l’amiral Nagano manque en avoir une attaque : « Je m’y oppose formellement, ce n’estpas audacieux, c’est inconsidéré ! On ne lance pas à grande vitesse dans des eaux malconnues une petite escadre, dont les navires n’ont jamais opéré ensemble, face à une trèspuissante force ennemie appuyée par des cuirassés et des porte-avions ! » Son état-major luiexpose alors plus en détails le plan de Tanaka et il s’adoucit. Le jeune contre-amiral a unebrillante réputation en combat de nuit, sa flottille de destroyers est composée de vétérans, il aremporté avec eux une éclatante victoire à Balikpapan, l’attaque est l’essence même de laMarine Impériale… Enfin, il n’y a pas d’alternative, sauf à ne rien faire. Le dernier messagede la garnison de Tulagi emporte la décision : « Les forces ennemies sont écrasantes, nousnous battrons jusqu’à la mort, en priant pour la victoire. » Nagano reprend le plan de Tanakaet frappe sur la table : « Exécution ! »Cependant, il reste encore des détails à régler – des détails capitaux dans la très formalisteMarine Impériale. Si Matsuyama, nommé contre-amiral à peu près en même temps queTanaka, accepte d’être en pratique son subordonné pour cette opération, obtenant encompensation que le Kitakami (qu’il a jadis commandé) soit ajouté à ses deux croiseurslégers, il n’est pas question de demander pareil sacrifice à Goto, nettement plus ancien queson brillant collègue dans le grade ! Après des négociations feutrées, il est convenu que Gotone sera pas subordonné à Tanaka, ni l’inverse. Chacun appliquera le plan… de Tanaka, certes,mais que Nagano a fait sien, et Goto aura l’honneur d’être le premier à monter à l’assaut.

4 Le Kitakami et son sister-ship le Ôi viennent de subir une transformation notable. Seize de leurs tubes lance-torpilles ont été débarqués pour laisser place à deux engins de débarquement Daihatsu (14 mètres, 10 tonnes decharge utile) et à un supplément de DCA légère. Cette modification leur laisse une force de frappe respectableavec 24 Longues Lances (sans recharges).

Ensuite, les croiseurs légers et les destroyers s’élanceront à l’attaque des cuirassés qui ontmatraqué l’aérodrome la nuit précédente et que l’état-major croit encore dans la Baie.Dans le même temps, pour ne rien négliger, l’amiral Inoue ordonne aux sous-marins Ro-33 etRo-34, qui tentent à ce moment de perturber le trafic allié entre l’Australie et la Nouvelle-Guinée, de rejoindre la zone de Guadalcanal. Ils doivent préciser les points où l’ennemi adébarqué.………Le premier convoi japonais (au sud-est de Rabaul)Le gros du 1er bataillon du 28e Rgt, soit 600 hommes et les armes lourdes du bataillon (2 x70 mm notamment), embarque sur le croiseur auxiliaire Saigon Maru (5 350 GRT, 18 nœuds),équipé de petits bateaux de débarquement à la place de ses canots de sauvetage et de deuxembarcations plus grosses sur sa plage arrière. Le Meiyo Maru, seul autre transport disponiblequi soit convenable pour des troupes, embarque 300 hommes. Le petit caboteur Ka Maruemporte du ravitaillement. Trois cents hommes sont restés à terre. Les trois transports sontaccompagnés par le DD Yunagi et les vieux DD Kuri et Tsuga (classe Momi), qui ont tous vurécemment leur DCA améliorée.Le petit convoi lève l’ancre à midi et marche à 15 nœuds, cap au sud-est, survolé par troishydravions armés de grenades ASM. A 17h00, les six bateaux sont repérés par le sous-marinaméricain S-38, au cours d’une des dangereuses et épuisantes patrouilles que cet ancien sous-marin côtier effectue à partir de Brisbane. Sans chercher à s’infiltrer entre les escorteurs, il tirequatre torpilles à 3 000 mètres de distance, mais l’hydravion E13A1 qui orbite au-dessus duconvoi (l’un des hydravions mobilisés pour la surveillance ASM) aperçoit le sillage que laissele périscope sur une mer d’huile et lâche deux grenades sur cette cible. Le convoi entame unemanœuvre d’évitement et les escorteurs Yunagi et Tsuga se précipitent.Malgré tout, l’une des torpilles du S-38 touche le Meiyo Maru, qui coule à 17h13 avec laplupart des 300 soldats transportés. Pour les Japonais, le pire a été évité : le S-38 avaitévidemment visé le Saigon Maru, et l’aurait sans doute coulé sans l’intervention del’hydravion.Endommagé par les grenades de l’hydravion, le S-38 est rapidement détecté par l’asdic duYunagi. Il est grenadé d’abord par le Tsuga, puis par le Yunagi. Le vieux submersible est trèsgravement endommagé. Avec une forte voie d’eau à l’arrière et des gaz toxiques envahissantle bâtiment à partir des batteries abîmées, le Lt-Cdr Munson n’a pas le choix : il fait chasserpartout et ordonne d’abandonner le navire. Par chance, tout l’équipage a le temps d’évacueravant le naufrage. Le Tsuga recueille les survivants avant de revenir à toute vitesse prendre saplace dans l’escorte.………La contre-attaque de Tanaka (au sud-est de Rabaul)18h00 – Les quatre croiseurs lourds de Goto, venus de Kavieng, rejoignent Tanaka, qui aquitté Simpsonhafen à 16h30. Le groupe d’attaque est accompagné du ravitailleurd’hydravions Akitsushima, escorté de quatre chasseurs de sous-marins auxiliaires (classeCha). Ces bateaux doivent se détacher de l’escadre quelques heures avant l’attaque pour allerinstaller une hydrobase dans la baie de Rekata, sur la côte nord de Santa Isabel.20h30 – L’Escadre des Mers du Sud, qui n’a toujours pas été repérée, passe au nord de Buka.Tanaka projette de passer au nord de Bougainville durant la nuit, puis d’entrer dans le “Slot”par le Détroit de Bougainville. Elle ne marche pas très vite, l’ Akitsushima ne pouvant fairemieux que 19 nœuds.

Campagne de Nouvelle-GuinéePiste de Bulldog – Une soixantaine de Japonais traversent la rivière en amont de la positionaustralienne et tentent de la prendre de flanc. Douze hommes des NGVR (New Guinea

Volunteer Rifles) s’y opposent, bientôt renforcés par trente autres. Les deux groupess’affrontent alors dans une série de combats au corps à corps au cœur d’une jungle « dequatre à dix pieds » (l’expression n’indique pas la hauteur de la végétation, mais la visibilité :de 1,20 à 3 mètres…). En fin de journée, les deux camps ont perdu une vingtaine d’hommes.Le commandement de la Force Kanga décide d’évacuer la position dans la nuit.

La guerre sino-japonaise L’USAAF en ChineChine du Nord – Après un peu plus d’un mois d’une activité frénétique (et la mort d’uncertain nombre de paysans contraints de travailler à la construction des aérodromes), assez decarburant et de munitions ont été accumulés dans la région de Yan’an pour y déployer environsoixante-dix avions de l’USAAF et commencer une campagne de harcèlement contre lestroupes japonaises occupant la Chine du Nord.Le premier coup est porté par onze B-25 Mitchell qui, escortés par six P-38 Lightning,attaquent le port de Tientsin. L’aviation de l’Armée Impériale est totalement surprise. Les P-38 mitraillent l’aérodrome, détruisant seize appareils. Les bombes des B-25 coulent six petitsbateaux et trois péniches dans le port fluvial et touchent durement les casernes, où 450hommes sont tués ou gravement blessés. Un P-38 est abattu par la DCA.

8 aoûtLa campagne du Pacifique Sud – Opération Watchtower Secteur de Tulagi– TulagiL’avance reprend à 07h00, les trois chars australiens perçant peu à peu les défensesjaponaises. A 09h30, le Covenanter est immobilisé par un coup heureux de 37 mm et détruitpar une charge explosive d’une équipe-suicide antichar. Les petits Matilda, en dépitd’innombrables impacts de 37 mm, restent en pointe. A midi, l’un d’eux perd sa chenilledroite lors de l’explosion d’une charge placée par une nouvelle équipe-suicide, mais il terminela bataille comme nid de mitrailleuses blindé.A 14h30, toute résistance organisée a cessé. Les Australiens ont fait six prisonniers japonais(plus la plupart des travailleurs coréens). Les pertes de l’AMF se montent à 98 morts et 200blessés. Le nettoyage de l’île va continuer, mais à J+4, il n’y aura officiellement plus un seulJaponais sur l’île.– TanambogoLa journée se passe en préparation d’artillerie. Les tirs continuent toute la nuit, pour couvrirles patrouilles de reconnaissance envoyées examiner la jetée reliant les deux îlots.………Red Beach (Guadalcanal)Les Marines reprennent vers 07h00 une avance précautionneuse le long de la côte, à partir del’embouchure du Tenaru. Ils ne rencontrent d’abord aucune résistance, en dehors du feu detireurs isolés qui les ralentit. Les Stuart mènent la progression sur un front d’environ600 mètres, à travers la cocoteraie de Tenaru. Moins d’un km à l’ouest du Tenaru, un ruisseausans nom se jette dans la mer. Là, les Japonais ont installé deux petits retranchements, l’unavec une mitrailleuse lourde, l’autre avec une mitrailleuse légère. Les Stuart réduisent laposition en miettes. Les Japonais laissent douze hommes dans cette escarmouche, qui neretarde les Américains que de 40 minutes. Les Marines s’enhardissent et progressent un peuplus vite.Environ 500 m plus loin, la cocoteraie fait place à une jungle épaisse, le long d’un nouveauruisseau que les Américains surnomment “Black Creek” pour sa couleur. La 5 e SNLF a

installé à cet endroit un point de résistance plus sérieux : une cinquantaine d’hommes, avecune mitrailleuse lourde et un canon de 25 mm, soigneusement nichés dans des abris en troncsde cocotier. Quand les chars s’avancent sur la plage, les Japonais, soigneusement camouflés,les laissent traverser avant de s’en prendre à l’infanterie qui suit. Avant que les blindéscomprennent ce qui se passent, reviennent en arrière, localisent les nids de résistance japonaiset les éliminent, les Marines ont subi des pertes sensibles.Les Japonais ont installé leur principale ligne de défense à l’embouchure de l’Ilu. LesMarines, qui s’emparent sans mal du petit village de Tenaru, se doutent qu’il y aura là unnouvel obstacle, mais estiment qu’ils commencent à connaître les tactiques adverses. Il estdonc prévu pour le jour suivant de lancer le III/5 e à l’attaque sur cette bande de sable avec lesoutien de plusieurs chars, de s’emparer de la position qui la couvre, puis de nettoyer la riveouest de l’Ilu avant d’avancer vers l’aérodrome, 1 700 m plus loin.Plus au sud, dans l’intérieur de l’île, le 1er Marines progresse en lançant en avant denombreuses patrouilles. Celles-ci ne trouvent rien. Personne à l’intérieur des terres. Unesuperbe occasion d’éliminer les Japonais est perdue, un peu parce que les Américains nepeuvent pas imaginer que leurs ennemis ne soient pas plus nombreux (ils ont desrenseignements précis sur le nombre d’hommes sur place, mais prennent les 1 800 Coréenspour des combattants), beaucoup à cause de la jungle, qui se retourne contre les Marinescomme elle l’avait fait contre les Japonais. La progression est ralentie non tant par lavégétation que par un terrain boueux, parsemé de marigots et de ruisseaux fangeux. Il estpresque impossible de déplacer des armes plus lourdes que les mortiers de 60 mm et lesinfirmiers font état des premiers cas de coups de chaleur (dans cette atmosphère saturéed’humidité, la sueur ne s’évapore pas et rafraîchit donc peu l’organisme). Les 1er et 3e

bataillons avancent lentement, pendant que le 2e reste en arrière pour élargir les pistes.………Devant GuadalcanalLes Japonais ont encore à Rabaul 14 G4M1 (Betty) et 17 A6M2 (Zéro) opérationnels, plus 9D3A1 (Val). Ces derniers pourraient attaquer le secteur de Guadalcanal à condition de seposer ensuite à Tenaru pour y ravitailler. Sans aucune garantie que la piste sera praticable, lecommandement japonais décide de prendre le risque 5. Vers midi, les 40 appareils japonais attaquent les cargos en plein déchargement, mais lesradars américains les détectent et dirigent vers eux les patrouilles de Wildcat mises en placepar les porte-avions, qui continuent de couvrir efficacement le convoi tout en restant eux-mêmes hors de portée. Les bombardiers qui leur échappent se heurtent ensuite à une DCA trèsdense et efficace. Les combats aériens et la DCA font neuf victimes chez les Betty et cinqchez les Zéro, qui abattent huit Wildcat. Ces derniers ont payé le prix, mais le bombardementest un échec complet !Après avoir abattu un Wildcat, Saburo Sakaï, qui commande les chasseurs japonais, seretrouve isolé, mais décide quand même d’attaquer ce qu’il croit être trois Wildcat sansméfiance. Il se place dans leur queue et les rattrape rapidement, quand il découvre que,trompé par leurs ailes anguleuses, il a pris pour des Wildcat trois Avenger (un type d’avionqu’il n’a jamais rencontré), en mission d’appui au sol et dont les mitrailleuses lourdes arrièrel’ajustent avec ensemble. Grièvement blessé, le pilote japonais parvient malgré tout à poserson avion criblé de balles sur ce qui reste du terrain de Tenaru. Il sera évacué dans la nuit parun H6K demandé spécialement pour lui.

5 A Rabaul se trouvent aussi six J1N1 (Irving), ainsi que des hydravions : huit H6K4 (Mavis), trois gros H8K1(Emily), dix E13A1 (Jake) et deux F1M2 (Pete). La plupart des hydravions se redéploieront par la suite auxShortland. Les dix hydravions de chasse A6M2-N (Rufe) venus de Tulagi vont aller se redéployer le 9 août àRekata Bay, au nord de Santa Isabel, avec six E13A1 (Jake) et quatre F1M2 (Pete) à l’hydrobase créée parl’Akitsushima.

C’est alors que surgissent les Val, surprenant la chasse américaine. Les bombardiers en piquétouchent gravement le grand transport George F. Elliot. En perdition, celui-ci doit être échouésur la plage. Deux D3A1 sont abattus par la DCA ; les sept autres ont la désagréable surprisede constater que le terrain de Tenaru est loin d’être opérationnel. Trois sont détruits àl’atterrissage sur une piste semée de trous d’obus, les autres ne pourront être ravitaillés avantd’être détruits par un bombardement effectué sans opposition par des Avenger dans l’après-midi.Malgré les médiocres résultats de l’attaque et les lourdes pertes subies par les Japonais, lerythme des déchargements a été notablement ralenti. Ses navires ayant besoin de ravitailler encarburant, Fletcher décide de se retirer la nuit suivante avec ses porte-avions aux alentours deRennell. Il compte revenir le lendemain à portée de patrouille de chasse.Par ailleurs, les avions qui rentrent à Rabaul (5 Betty et 12 Zéro) décrivent la flotte alliée. Ladescription est assez correcte, sauf sur un point : dans la chaleur du combat, plusieurséquipages, avertis que des cuirassés ont bombardé Tenaru la nuit précédente, ont en toutebonne foi cru les apercevoir dans la Baie – il s’agissait sans doute de certains des croiseurslourds américains. Ce renseignement erroné est transmis à Tanaka, ce qui aura quelquesheures plus tard des conséquences importantes.Par ailleurs, arrive dans l’après-midi à Rabaul le vice-amiral Nishizo Tsukuhara, chef de la 11 e

Flotte Aérienne, venant de Truk. Il est désireux de se rapprocher du nouveau front qui vient des’ouvrir. Quelques jours après, Tsukuhara sera nommé par Tokyo commandant de l’ensembledes forces de la Marine dans les Salomon.………L’Escadre des Mers du Sud (au milieu des Salomon)La journée s’annonce belle et claire. Des hydravions sont lancés à la recherche d’éventuelsnavires alliés dans le Slot et les trois fractions de l’Escadre (2 e Escadron de Destroyers, 6e et18e Divisions de Croiseurs) sont séparées pour moins donner l’éveil en cas de repérage pardes avions alliés.De fait, à 10h26, l’un des trois Hudson de la RAAF lancés de Milne Bay à la recherche denavires japonais aperçoit des navires. Le rapport du sergent Bill Stutt est capté et retransmispar Milne Bay. Stutt suit l’escadre japonaise pendant vingt minutes, puis s’éloigne. Tanakadécide alors de rebrousser chemin pendant une heure, pour échapper à une éventuelle attaque.Peu après, à 11h00, un autre Hudson repère les Japonais. Le F.O. Wilman signale sonobservation à Port Moresby et lâche deux bombes sur le Furutaka, sans l’atteindre. Sonrapport indiquant que l’escadre japonaise a fait demi-tour ne fait que confirmer les préjugésde Turner, qui n’imagine pas qu’une simple force de croiseurs et destroyers s’aventure aussiloin que Guadalcanal.A midi, l’escadre remet le cap au sud-est et l’Akitsushima s’éloigne vers Rekata Bay avec sesescorteurs.A 13h00, Tanaka ordonne de monter à 24 nœuds et entre dans le Slot. Dans l’après-midi, le temps se gâte un peu – nuages bas, brume, quelques grains. Leshydravions de reconnaissance alliés vont le signaler, mais ces conditions météo vont leurmasquer l’approche de l’escadre de Tanaka.Vers 17h30, celui-ci donne ses derniers ordres d’attaque (qui, pour les deux autres contre-amiraux, sont présentés comme des « propositions »). Les croiseurs lourds de Goto doivent seplacer en avant-garde et jouer le rôle du bélier, en éliminant l’écran ennemi probablementpositionné au sud de Savo pour permettre aux deux groupes de navires torpilleurs d’atteindreles cuirassés (dont les renseignements reçus de Rabaul font croire à Tanaka qu’ils guettent aularge de Red Beach). Le 2e Escadron, mené par le Jintsu, et le groupe du Kitakami attaquerontalors les navires de ligne à la torpille, par une manœuvre en tenaille classique. Il sera temps

ensuite de s’occuper des croiseurs patrouillant au nord de Savo puis, éventuellement, destransports.La formation entrera dans la baie par le passage sud, entre Guadalcanal et Savo. Les vedettesrapides japonaises basées à Guadalcanal ont reçu l’ordre de surveiller ce secteur. Pour évitertoute méprise, les navires japonais devront porter un panneau blanc d’un mètre sur sept dechaque côté de la passerelle comme marque de reconnaissance. Mais pour plus deprécautions, Tanaka décide que ses navires ressortiront par le passage nord, entre Savo etFlorida.Quand le soleil se couche, à 18h16, tous les navires sont prêts à l’action.Vers 23h15, trois E13A1 sont lancés. Ces hydravions doivent lancer des fusées éclairantespour marquer les passages et illuminer ou silhouetter les navires ennemis.………Sur les navires alliés (entre Guadalcanal et Florida)Quelques jours plus tôt, prenant le commandement d’une escadre de croiseurs et de destroyerstous américains, en dehors de son propre navire, le vice-amiral Crutchley a voulu donner à sesofficiers une sorte d’avertissement. Rappelant les combats de Mer de Chine, il s’est exclamé :« Nous savons maintenant que le Jap aime le combat de nuit et qu’il dispose de navires etd’armes efficaces, servis par des marins bien entraînés. L’enseignement principal descombats de décembre dernier est qu’il ne faut pas perdre un instant pour le frapper. Uneaction rapide et décidée est essentielle pour espérer triompher. Cognez vite et fort sanstergiverser. » Les Américains l’ont écouté poliment. Certains ont-ils pensé : « Pusillanimitéd’un amiral du Vieux Continent ne disposant que de navires médiocres ! » ?Quoi qu’il en soit, comme la veille, Crutchley a affecté ses navires à leurs zones de patrouille.Les CA Astoria, Quincy et Vincennes, avec les DD Henley et Monssen, croisent dans lepassage nord derrière le DD Ralph Talbot en “piquet radar”. Avec son CA Australia, le CAWichita, le CLAA San Juan et les DD Bagley et Patterson, Crutchley lui-même surveille lepassage sud, et c’est le DD Blue qui joue le “piquet radar”. De son côté, le CL Leander, aularge de la Pointe Lunga, envoie à intervalles irréguliers quelques obus sur l’aérodrome« pour empêcher les Japs de dormir ».Enfin, les DMS, les autres DD et le CL Jeanne d’Arc (amiral Turner) gardent les transports.De l’autre côté de la baie, les deux ravitailleurs d’hydravions australiens sont ancrés près deTulagi, avec les trois croiseurs auxiliaires.Vers 19h30, l’Australia quitte sa place pour conduire Crutchley sur la Jeanne d’Arc, où Turnerl’a convoqué pour 20h30, avec Hill et Vandegrift. Ce dernier, épuisé, arrive à 22h00 pourentendre Turner expliquer qu’il a reçu un message de Fletcher. Celui-ci indique qu’il doitéloigner ses porte-avions, pour éviter d’être mis en mauvaise posture par l’arrivée probable dela Flotte Combinée (il semble que des problèmes de transmission aient quelque peu brouillé lemessage, donnant l’impression que Fletcher s’enfuyait plus qu’il ne s’éloignait). « Ce salaud-là nous laisse le cul à l’air ! » s’exclame Crutchley – qui, comme tout le monde, craintdavantage, à ce stade, de nouvelles attaques aériennes qu’une attaque navale. Les Américainsse taisent, mais leur silence vaut approbation. Tout ce que peut faire Turner, outre pesterintérieurement, c’est promettre à Vandegrift davantage d’hommes pour débarquer lesapprovisionnements afin de permettre aux transports de quitter au plus vite – dès la fin de lajournée du 9, autant que possible – ces parages malsains. La discussion se prolonge jusqu’àminuit, puis Crutchley retourne vers l’Australia, qui s’apprête à rejoindre la force sud.Le temps se gâte un peu – nuages bas, brume, quelques grains.

Malaita – Après avoir traversé le Passage de Maramasike qui sépare l’île principale de laPetite Malaita (ce qui constitue en exploit, car ces eaux n’ont jamais été cartographiées), leravitailleur Mackinac jete l’ancre sur la côte nord de l’île, dans la baie de Takataka. Il est

bientôt rejoint par un détachement de l’escadrille VP-23 – neuf hydravions PBY qui ont passéla journée à patrouiller au nord des Salomon.

Campagne de Nouvelle-GuinéePiste de Bulldog – La Force Kanga compte maintenant plus de 30 blessés. Les blessés légersont besoin de deux personnes, les “Fuzzy-Wuzzy Angels” pour les aider à marcher, et dans le“pays de Baum”, il faut jusqu’à douze brancardiers qui se relaient pour porter les blessés surcivière. Les hommes de la Force Kanga doivent pourtant continuer à couvrir les civils, lesmalades et les blessés qui battent en retraite à une vitesse d’escargot dans une contréesauvage, par une piste à peine marquée.L’officier valide le plus gradé, le capitaine Minchin (2/5 e Compagnie Indépendante),rassemble alors ses hommes les plus en forme – environ 150 – et leur explique la situation :« La Force Kanga doit se replier en combattant pour couvrir les civils, les malades et lesblessés, mais les hommes qui seront chargés de ralentir les Japonais doivent savoir qu’ils nepourront compter que sur eux-mêmes s’ils sont blessés. Chacun de vous a donc le choix :rester en arrière-garde ou escorter le gros de la troupe. » Jusqu’au dernier, les cent cinquantehommes décident de rester en arrière-garde. Un coureur est envoyé avertir la tête de lacolonne principale de leur décision, et lui demander de déposer des réserves de munitions etde nourriture à différents endroits convenus.A l’aube, la position sur le gué de la Bulolo est abandonnée et les hommes se replient le longde la piste de Bulldog jusqu’à une autre position devant Kudjeru, près de la piste d’aviation.………Piste de Kokoda – La perspective de voir arriver de vrais bombardiers en piqué est unechose, mais en attendant, les hommes de Wootten doivent faire avec ce qu’ils ont. LeBrigadier demande à la RAAF un effort maximum au crépuscule, pour favoriser une attaqueterrestre dans la nuit. Ce bombardement est programmé pour le 10.………Milne Bay – Huit A6M2 de Lae, volant à basse altitude le long de la côte sous un plafondnuageux très bas, débouchent à ras du sol par surprise et mitraillent la piste de Turnbull. Troisprécieux C-47 et quatre Beaufort de la RAAF sont détruits. Les Japonais s’échappent sanspeine.

Opération Oni, ou le “siège” de l’AustralieAu large de Sydney (opération Oni, phase 3d) – Le caboteur hollandais Boorden (750 GRT,réfugié des Indes Orientales Néerlandaises) saute sur une mine (sans doute du I-121) et coule.On croit à ce moment qu’il a été torpillé. De la même façon, on croira à un torpillage le 14août, quand le caboteur Shadrack (300 GRT, en route de Wollongong à Sydney avec ducharbon), sera coulé par une mine (probablement posée par l’I-123).D’après Research for Australian Official Histories, 1949, notes de Mr Norman

9 aoûtCampagne du Pacifique Sud-Ouest – Opération WatchtowerBataille de Savo (ou “Savo-1”)00h10 – Un hydravion, tous feux de position allumés, est aperçu par des marins américainsau-dessus de Savo. D’autres hydravions seront signalés par intermittence jusqu’à 00h55. Ilsseront tous considérés comme amis, notamment en raison de leurs feux allumés.00h35 – La flotte de Tanaka est en vue de l’île de Savo.00h40 – Les vigies japonaises aperçoivent à tribord un destroyer isolé. C’est le Buchanan, quirejoint Nouméa après quelques réparations provisoires. Ignorant que ses radios sont détruites

et pensant que l’Américain peut avoir vu ses navires, Goto ordonne au Furutaka de lancerquatre torpilles, qui manquent toutes leur cible ! En réalité, personne à bord du navireaméricain ne semble avoir remarqué la menace et il s’en tire sans une égratignure.00h50 – Le Kitakami (ainsi que les deux croiseurs légers qui l’accompagnent) ralentitquelques minutes, le temps de mettre à l’eau ses deux bateaux de débarquement Daihatsu.Ceux-ci vont débarquer à Cap Espérance plus de quinze tonnes de ravitaillement en tout ; ilsse mettront ensuite à la disposition du commandement des troupes de la Marine surGuadalcanal.00h58 – L’Aoba, en tête des navires japonais, aperçoit à 11 000 mètres le DD Blue,patrouillant à l’ouest du passage entre Savo et Guadalcanal. Avant que les croiseurs japonaisn’ouvrent le feu, ils le voient virer de bord et s’éloigner. A bord du Blue, le radar ne signalerien d’anormal. La relative nouveauté du système explique cette absence de réaction : lesopérateurs, encore peu expérimentés, ont le plus grand mal à distinguer les échos noyés dansles parasites générés par l’ile de Savo et les grains de pluie. De plus, ils sont, comme le restede l’équipage, épuisés par deux jours d’activité intense et d’attaques aériennes. Devant l’étatde grande fatigue de ses hommes, Crutchley a d’ailleurs été obligé d’accepter de mettre lesnavires en condition II pour la nuit – la moitié de l’équipage est au repos.01h00 – Goto ordonne de venir au 150 et d’accélérer à 26, puis à 30 nœuds, alors qu’il serapproche du groupe de « deux croiseurs lourds et deux légers » signalé par ses hydravions.D’autres rapports ont indiqué aux amiraux japonais qu’un navire hôpital brillamment éclairéest ancré à l’est de la baie. Un autre point de repère leur est fourni par un feu allumé à lademande de Tanaka en haut du Mont Austen.01h25 – Les navires du groupe sud (Wichita, San Juan, Bagley, Patterson, dans cet ordre)sont aperçus par les vigies japonaises, puis silhouettés par une fusée lancée par un hydravion.01h30 – Les quatre croiseurs lourds japonais lancent chacun quatre torpilles de 24 pouces à7 000 mètres, de leurs tubes bâbord. Elles doivent courir pendant 4 minutes. Selon les ordreset la doctrine d’emploi, les canons visent l’ennemi, mais restent silencieux en attendant queles torpilles touchent, pendant que les navires continuent à se rapprocher de leurs adversairesjusqu’à 3 500 mètres.01h32 – Le Patterson aperçoit les Japonais et accélère à 20 nœuds en mettant le cap surl’ennemi pour une attaque à la torpille, émettant un avertissement pendant que les hommessont appelés aux postes de combat.01h34 – Le Bagley est touché par une Longue Lance et se brise en deux, coulantimmédiatement. Le Wichita et le San Juan, alertés, ont vite leurs propres ennuis. Le croiseurlourd est frappé deux fois de suite – la première torpille expose au niveau des cheminées,noyant la salle des machines avant ; la seconde frappe un peu en arrière. Tout de suite après,les quatre croiseurs japonais ouvrent le feu, ensevelissant le malheureux navire sous les obus– les officiers survivants rapporteront que 40 à 50 impacts ont été dénombrés en deuxminutes. Incapable de riposter, le Wichita est vite stoppé, en flammes et prenant l’eau. Unincendie a éclaté sous le pont-hangar arrière. Pourtant, le navire montre la qualité de saconstruction : malgré les dégâts, il ne se brise pas en deux et reste à flot.Derrière le Wichita, le San Juan change de cap et engage l’ennemi, mais très vite, lescroiseurs lourds reportent leur tir sur lui. Touché à de nombreuses reprises, le croiseur estsecoué par plusieurs détonations, puis une grande boule de feu s’élève dans le ciel. La tourelleA vient de disparaître dans les flammes et le navire s’enfonce fortement par l’avant. Malgréles dommages, il répond aux croiseurs japonais de tous ses canons de 5 pouces (une dizainesur seize sont encore opérationnels), sans pouvoir entamer le blindage de ses adversaires maislaissant perplexes les Japonais, étonnés par le nombre de départs de tir et qui croient mêmeavoir affaire à deux navires. Attirant le feu des quatre croiseurs japonais, il s’embrase sous lesobus qui pleuvent sur lui. En quelques minutes, le petit croiseur devient un bûcher dont la

lueur aveugle les vigies japonaises en les privant de leur vision nocturne pendant quelquesminutes cruciales.Le Patterson se prépare à lancer ses torpilles, mais il est pris pour cible par le Jintsu et sescinq destroyers. Dix-sept obus le laissent en flammes, tournant lentement en rond sur bâbord,hors de combat mais toujours à flot. Il réussit à lancer quatre torpilles, sans résultat apparent.01h45 – A ce moment, l’Australia n’est qu’à 12 000 mètres. Ses vigies découvrent, silhouettéspar l’incendie du San Juan, les croiseurs de Goto qui, leurs premiers adversaires anéantis,foncent droit vers l’est et ont pris une certaine avance sur le reste de l’escadre japonaise. Lecroiseur australien met aux postes de combat et Crutchley signale « Ennemi en vue –Engageons le combat », persuadé que le groupe nord est déjà en train de se précipiter. Lecroiseur abat brutalement sur tribord pour ouvrir ses arcs de tir et barrer le T des Japonais, quine l’ont pas repéré – effet rémanent, sans doute, de la flamboyante disparition du San Juan.01h48 – L’Australia, juste en face du premier navire de la ligne japonaise, ouvre le feu à6 000 mètres. Sa cible est l’Aoba et celui-ci est vite sévèrement touché, la tourelle B hors decombat et la passerelle endommagée. Le croiseur japonais vire brutalement sur bâbord pourdémasquer ses canons arrière et ses tubes tribord. Au même instant, l’Australia lance sestorpilles bâbord avant d’effectuer un demi-tour sur tribord pour démasquer ses tubes tribord.Le Kinugasa, qui suit l’Aoba, abat sur bâbord et commence à engager l’Australia au canontout en lançant lui aussi ses torpilles tribord. L’Australia dirige alors son tir sur lui, tout eneffectuant un nouveau demi-tour, cette fois sur bâbord, qui lui permet d’éviter les LonguesLances.Tanaka, avec son Jintsu et ses cinq destroyers, suivis par les Kitakami, Tatsuta et Yûbari,quitte sa place dans la ligne japonaise, espérant contourner l’action devant lui par tribord. Laformation japonaise est donc divisée en deux.Pendant ce temps, le Kinugasa donne, mais aussi reçoit des coups sévères. Les obusaustraliens touchent le hangar à hydravions et allument un violent incendie. Pire, une torpille(probablement de celles destinées à l’Aoba) le frappe au niveau de la tourelle Y et sa vitessetombe à 22 nœuds ; il quitte alors la ligne de combat, se repliant vers le sud-ouest. Le Kako etle Furutaka, qui continuent un instant de le suivre, perdent contact avec le croiseur australien.01h56 – L’Australia a été durement touché par les obus de l’Aoba et du Kinugasa. Les deuxtourelles avant sont hors de combat, la cheminée avant est détruite et la passerelle est ravagée.Crutchley est tué et le commandant du croiseur, le Captain Farncomb, est gravement blessé (ilfaudra l’amputer du bras gauche). Néanmoins, il ne perd pas tout de suite connaissance etordonne de décrocher vers le nord-est en faisant de la fumée pour éloigner l’ennemi destransports.02h00 – Au bout de douze minutes d’empoignade, la fumée interrompt le combat. L’ Australiablessé se replie vers le nord-est, cependant que le Kinugasa décroche vers le sud-ouest.L’Aoba endommagé, qui a ralenti, est rattrapé par les deux autres croiseurs lourds japonais.………Cependant, le groupe du Jintsu et du Kitakami a filé droit vers l’est et les supposés cuirassésennemis… Or, Tanaka, s’aidant du point de repère représenté par le feu allumé sur le montAusten, constate qu’il n’a plus devant lui que le Sealark Channel, entouré de récifs d’autantplus traîtres que l’obscurité les dissimule. Les cuirassés ont disparu ! Les aurait-il croisés dansl’obscurité ? Il ordonne alors de faire demi-tour et de marcher vers le sud-ouest : il est sûr, dumoins, de trouver les transports.………Le groupe nord, dirigé par le commandant du Vincennes, le Captain Fred Riefkohl, a perçu lebruit du massacre du groupe sud, puis reçu le message de Crutchley « Ennemi en vue –Engageons le combat ». Cela voulait-il dire qu’il fallait abandonner la position et marcher aucanon ? Après de longues minutes de tergiversation inquiète, Riefkohl décide de mettre le cap

au sud-est, à 18 nœuds, après avoir transmis au Ralph Talbot, laissé en arrière en piquet radar,de redoubler de vigilance. Les destroyers Monssen et Henley sont en tête, suivis par lescroiseurs lourds Astoria, Quincy et Vincennes. ………02h15 – Les croiseurs lourds japonais (Aoba, Kako et Furutaka) aperçoivent les cinq naviresde Riefkohl qui s’approchent par le nord-ouest, sur une route parallèle. Goto donne l’ordred’attaquer à la torpille, mais seul le Kako a encore des Longues Lances.A cet instant, le DD Monssen signale des navires ennemis par tribord avant. Pourtant, dessecondes vitales sont perdues lors d’un échange confus en phonie jusqu’à ce que lecommandant du Monssen, le Commander Roland Smoot, accède à l’immortalité d’un surnomcélèbre en hurlant : « Smoot says f*ck everybody – Attack ! » 6 Il abat brutalement sur tribordet ouvre le feu sur les navires ennemis maintenant bien visibles. L e Monssen lance ses torpilles vers la ligne japonaise, qu’il contourne dans son élan parl’arrière. Au même moment, deux des torpilles du Kako trouvent leur cible : l’Astoria est frappé deuxfois juste en avant de la tourelle Y, pratiquement au même endroit. Le quart arrière du navirese détache et coule instantanément, mais la partie avant reste à flot ! La chaufferie centrale neprésente en effet que de légères voies d’eau. A bord du Quincy et du Vincennes, lescommandants hésitaient à ordonner le tir de crainte de toucher des alliés, mais les hautescolonnes d’eau jaillissant sur le flanc de l’Astoria lèvent leurs doutes.Zigzaguant pour dépasser de qui reste de l’Astoria, les croiseurs américains rendent obus pourobus aux Japonais – même si les tirs de leurs adversaires sont plus précis. Le Vincennesaffronte l’Aoba, le Quincy fait face au Kako… mais le petit Henley se fait matraquer par leFurutaka, qui l’a pris pour un croiseur léger. C’est alors au tour du Kako d’être torpillé : undes engins du Monssen a fait mouche ! Mais le grand croiseur supporte bien l’impact et ilpoursuit le combat.Au moment ou les deux lignes adverses achèvent de se croiser, un obus (peut-être venu del’Astoria, dont les tourelles avant tirent toujours) frappe la passerelle de l’Aoba. L’amiralGoto est touché. Sérieusement blessé (un bras cassé, plusieurs plaies profondes), sachant quele Kako a reçu une torpille, que le Kinugasa a disparu et qu’il n’a plus de Longues Lances, ilordonne, comme prévu au départ, de se replier par le nord de Savo.………Le Kinugasa, sévèrement atteint par l’Australia un peu plus tôt, est tombé de Charybde enScylla en se repliant.En effet, le Leander, qui s’est rendu compte qu’il se passait quelque chose du côté de Savo, aentrepris prudemment d’aller voir ce qu’il en était et n’a trouvé que des épaves. Repartant ensens inverse, il aperçoit un croiseur en flammes au large de la Pointe Cruz. C’est le Kinugasa,qui se replie en luttant contre les incendies allumés par l’Australia. Le Leander confirme qu’ils’agit d’un navire ennemi puis ouvre le feu à 4 000 mètres, et met très vite de nombreux coupsau but. Le Japonais se défend cependant et parvient à placer trois obus sur le Néo-Zélandais :l’un perce la ceinture et démolit une chaudière, un autre met hors service la tourelle X, ledernier explose dans l’infirmerie, tuant plusieurs membres de l’équipe médicale et provoquantun incendie. Mais le Leander lance ses torpilles, dont deux frappent son adversaire : l’une luiarrache la poupe, l’autre touche sous la passerelle, provoquant des dommages catastrophiques.Le Leander s’approche et achève le Kinugasa de plusieurs salves à courte distance.………De son côté, Tanaka a fait route vers les transports, mais l’escorte de celui-ci lui a réservé unemauvaise surprise : il y a encore là le croiseur léger Jeanne d’Arc, cinq destroyers (Dewey,

6 Ce que le traducteur ne peut rendre en respectant la décence que par : « Ici Smoot, allez tous vous faire f… –Attaquez ! »

Helm, Hull, Jarvis, Wilson), cinq dragueurs (Hopkins, Hovey, Southard, Trever, Zane) etquatre APD (Colhoun, Gregory, Little, McKean), et ils sont tout sauf surpris. Les neuf DMS etAPD tendent un épais rideau de fumée d’où les destroyers émergent par intermittence pourlâcher une bordée. Turner ordonne à la Jeanne d’Arc de soutenir ses destroyers et vas’installer sur la passerelle, où il déclare au commandant du croiseur : « Captain, this ship isyours, please fight as you see fit. » (Commandant, ce navire est le vôtre, veuillez combattrecomme vous l’entendez). Puis il se place en retrait et ne dit plus un mot. Le croiseur va semontrer à deux reprises à la pointe du combat.La première fois, la Jeanne surgit de l’obscurité fuligineuse à quelques centaines de mètres del’Hayashio. Les vigies de ce dernier, sidérées, ne reconnaissent pas le bâtiment français et,dans la crainte d’une erreur, le Japonais n’ouvre pas le feu ! Les autres bâtiments de la lignede Tanaka, passablement dispersés par leur jeu de cache-cache avec les escorteurs américainset ignorant où se trouvent au juste leurs propres croiseurs légers, imitent leur équipier, et laJeanne replonge majestueusement dans le brouillard artificiel après une seule bordée, quifrôle l’Hayashio et le secoue sévèrement.La seconde fois, c’est le Jintsu qui est le navire ennemi le plus proche et cette fois, plusieurssalves sont échangées. La confusion japonaise est portée à son comble par un immensedrapeau orné de fleurs de lys et de saintes effigies, à l’image de l’étendard de la Pucelle. C’estle lieutenant de vaisseau “shipard” 7 de la Jeanne d’Arc, monarchiste convaincu et catholiquepratiquant, qui a fait déployer cet attribut folklorique d’habitude réservé à la fête de la saintecélébrée par les élèves officiers : il est persuadé que se placer sous ce patronage est la seulechance de salut du croiseur. On découvrira après guerre que la Jeanne d’Arc, en tant quenavire-école, avait été classée par la Marine Impériale parmi les bâtiments qu’il étaithautement improbable de rencontrer au combat, d’où la perplexité “miraculeuse” des vigiesjaponaises…L’épisode sera quelques mois plus tard immortalisé au mess des officiers de la Jeanne par untableau allégorique dans le style pompier flamboyant, Sainte Jeanne d’Arc préservant leConvoi de la Fureur des Nippons. Le tableau (aujourd’hui exposé dans un coin discret duMusée de la Marine à Paris) montre la sainte toute armée, coiffée d’une auréole éblouissante.Accrochée d’une main au mât du croiseur où flotte son étendard, elle repousse de son épéedes hordes de navires ornés du Soleil Levant dans un geste plein d’autorité (mais qui n’endévoile pas moins un sein généreux, surgi d’une improbable échancrure de l’armure).Quoi qu’il en soit, les équipements de conduite de tir très perfectionnés de la Jeanne luipermettent de placer deux obus sur le Jintsu tout en lançant son unique torpille tribord, avantde replonger dans l’obscurité. Frayeur japonaise : la torpille frôle le croiseur amiral – alorsqu’il est bien connu que les croiseurs américains n’ont pas de torpilles.Dans la confusion et la fumée, le combat se prolonge de longues minutes sans coups au butnotables – à plusieurs reprises cependant, un Japonais, croyant avoir une bonne solution de tir,lance une demi-salve de Longues Lances. Aucune de ces torpilles ne trouve la cible prévue,mais deux vont va frapper des transports, loin derrière : le Neville doit être échoué (il seraperdu après avoir été vidé de ce qu’il contenait encore) et le Crescent City est gravementtouché à la poupe (il ne sombre pas mais est incapable de se mouvoir).Enfin, Tanaka, désespérant de trouver la faille, voyant l’heure passer, l’aube se rapprocher etavec elle, de prévisibles attaques aériennes américaines, envisageant aussi un possible retourde cuirassés américains qui, cette fois, ne seraient pas pris par surprise, ordonne le repli.Sur la Jeanne d’Arc, le calme revient. Le convoi est sauvé. Turner sort alors de son silence :« Well done, gentlemen. »02h40 – Alors que les navires de Tanaka, encore plus ou moins en ligne (témoignage de laqualité de l’entraînement de leurs équipages), filent vers le nord-ouest, un destroyer isolé

7 Officier de manœuvre, instructeur en navigation… et terreur des midships (élèves officiers).

surgit de l’obscurité et se dirige à toute vitesse vers la ligne japonaise. C’est le Monssen !Craignant une salve de torpilles, l’Amatsukaze abat brutalement sur tribord. Son adversaire,toujours plein d’ardeur combative, tente de l’éperonner. Il échoue, mais passe si près queSmoot lui-même sort son pistolet pour tirer sur la passerelle du destroyer japonais, dont lecapitaine riposte de la même manière ! Pour couronner le tout, le pistolet Taisho de l’officierjaponais s’enraye et, furieux, il jette en direction du destroyer américain ce qu’il a sous lamain – sa casquette. Celle-ci atteint son but – la distance entre les deux navires ne dépassantguère trois mètres à ce moment – et deviendra la coiffure de Smoot jusqu’à la fin de la guerre.L e Monssen endommage au canon son adversaire, mais souffre terriblement en retour(exclamations farouches mises à part, Smoot recevra la Médaille du Congrès pour ses actionsde cette nuit-là) 8.02h50 – Peu après cette péripétie, Tanaka aperçoit devant ses bâtiments deux grands croiseurssilhouettés par un incendie. Ce sont les Quincy et Vincennes, éclairés par les flammes quidévorent le pauvre Henley. Ils vont payer pour les frustrations endurées par les Japonais faceau convoi. Le Kitakami lance une salve tribord et les navires du 2e Escadron une demi-salvechacun, soit 32 Longues Lances en tout. Frappés par deux à quatre torpilles chacun, les troisAméricains sont balayés de la surface de l’eau. Tanaka peut rentrer à Rabaul triomphant !Il s’en va, comme prévu, par le nord de Savo, tirant au passage quelques obus sur le RalphTalbot, qui a la sagesse de s’esquiver.………Le dernier mot de la nuit restera à l’inimitable lieutenant Iishi. Il a croisé pendant des heuresle long de la côte nord, à l’affût. Quand il reçoit un message en clair indiquant que Tanakas’est éloigné, il intervient. Avec les G-1 et G-2 (la G-3 a un problème de moteur), il file vers lemalheureux Wichita. La G-2 lance et une de ses torpilles frappe le croiseur, qui sombreimmédiatement. Iishi, très satisfait de son ouvrage, rentre dans sa tanière fluviale – mais aprèsavoir réarmé ses trois vedettes, il ne lui restera plus aucune torpille de réserve.………Quand le jour se lève, Turner, assommé par l’importance des pertes, fait le compte de la faibleescorte qui lui reste : un croiseur léger, sept destroyers et divers petits bâtiments, ainsi qu’uncroiseur lourd (l’Australia), un léger (le Leander) et un destroyer (le Monssen) endommagésmais encore capables de naviguer. Pourtant, il n’est pas question d’évacuer la zoneimmédiatement, il y a encore trop d’hommes à la mer et trop de matériel attendant d’êtredébarqué. Il faut rester, mais jusqu’à quand ?L’Astoria est remorqué jusqu’à la Baie de Tulagi et amarré, ainsi que le Crescent City. Aucund’eux ne peut être évacué, mais ils restent utiles, le transport comme entrepôt et le morceau decroiseur lourd comme batterie côtière (il lui reste six canons de 8 pouces) et comme batteriede DCA couvrant les ravitailleurs d’hydravions Zealandia et Nairana. La présence del’Astoria (vite rebaptisé Asto, au motif qu’il lui manque visiblement quelque chose) aide àcontrôler chez les Australiens la colère soulevée par la mort du contre-amiral V.A. CrutchleyVC, Royal Navy.« Aux yeux des Australiens, les Américains étaient presque aussi coupables que les Japonaisde la mort du contre-amiral et des graves dégâts infligés à leur dernier croiseur lourd : ceuxdu groupe sud s’étaient fait tirer comme des canards posés malgré les avertissements deCrutchley ; ceux du groupe nord avaient lamentablement tardé à intervenir avant de se fairedétruire. Et bien sûr, les cuirassés avaient déserté le champ de bataille avant le combat ! Le

8 La tradition des forces légères de l’US Navy maintient que la passerelle du Monssen fut en réalité carboniséepar l’intensité de la furie guerrière du commandant, “F*ck Everybody’ Smoot”. Pour parler poliment, ce dernierétait désigné sous le nom de “FE Smoot”, ou simplement “FE”. Interrogé par la suite sur la bonne distance pourengager un destroyer japonais, Smoot répondit : « A peu près à une portée de casquette ! », propos qui entraaussitôt lui aussi dans la légende.

commandant de l’Australia, le Captain Farncomb, avait survécu. Son récit, plus tard,décrivant un navire australien se battant seul contre toute la flotte japonaise, ne ferait rienpour calmer l’amertume de ses compatriotes. » (B. Marcus, op. cit.)« La bataille de Savo fut un désastre pour les Alliés. Ils avaient perdu quatre croiseurs lourds(car il était peu probable de pouvoir réparer un jour l’Astoria amputé de sa poupe), uncroiseur anti-aérien, trois destroyers et deux transports, sans parler du destroyer et dutransport perdus auparavant, plus un croiseur lourd, un léger et deux destroyers plus oumoins sévèrement touchés. En face, les Japonais s’en tiraient avec un croiseur lourd coulé, unsérieusement endommagé et d’autres bâtiments plus ou moins touchés. Le déroulement de labataille confirmait que les marines alliées avaient beaucoup à apprendre en ce qui concernaitle combat de nuit. C’était la deuxième fois que l’US Navy rencontrait Tanaka de nuit, et pourla deuxième fois, elle avait subi une lourde défaite, en dépit de la grande bravoure de sesmarins. Les unités de l’Empire britannique avaient fait un peu mieux, et la pertinence duconcept européen d’armer les croiseurs de torpilles avait été démontrée, mais il s’agissaitsans doute de la plus modeste des leçons de Savo. L’assimilation de ces leçons commençaimmédiatement. » (Jack Bailey, Un Océan de Flammes – La Guerre Aéronavale dans lePacifique)………Au sud de Guadalcanal et dans le SlotLes porte-avions du vice-amiral Fletcher ont commencé à se retirer vers le sud-est dès 16h40le 8 août. Ce mouvement sera très critiqué, à la lumière du raid de Tanaka contre les forces deCrutchley et Turner. De fait, Fletcher n’a pas reçu d’ordre en ce sens de Ghormley. Ilaffirmera plus tard avoir estimé que rester à portée de raid de Rabaul rendait sa positionrisquée et que ses destroyers devaient ravitailler. Le second point n’est pas confirmé par lesjournaux de bord des navires, mais il est certain que Fletcher était douloureusement conscientque sa force était la seule dans la région capable d’affronter le Kido Butai, et qu’il n’avait pasle droit de l’exposer sans nécessité. Ses hésitations se lisent sur la carte des mouvements deses navires. Peu avant minuit, il fait mettre le cap au sud-ouest, puis à 01h00 le 9, il ordonnede prendre un cap nord-nord-ouest.03h00 – Fletcher reçoit un bref rapport signalant « Violente action de surface dans la zoneTulagi-Guadalcanal. » Et à 03h30, un message de Ghormley, à Nouméa (message sans lienavec ce qui se passe devant Guadalcanal) lui demande de « Suspendre tout mouvement derepli. »Or, le groupe aérien du Wasp a reçu un entraînement pour des actions de nuit. Entre 03h00 et04h30, le commandant du Wasp, le Captain Forrest P. Sherman, qui a lu le rapport de 03h00,demande par trois fois au contre-amiral Noyes l’autorisation de foncer vers Guadalcanal pourfournir à Crutchley et Turner tout l’appui possible. Noyes transmet cette proposition àFletcher, mais n’obtient aucune réponse et refuse par trois fois.04h30 – La flotte se trouve entre San Cristobal et Rennell, par 161°10’ E et 11°10’ S. Enl’absence de toute précision, Fletcher décide alors de retourner vers le sud.Mais à 04h51, il reçoit un message confus du contre-amiral Turner, indiquant « Presque tousles vaisseaux de l’écran gravement endommagés ou coulés. » Ce message emporte ladécision. 05h05 – La proposition de Sherman est acceptée et le Wasp repart vers le nord à 30 nœuds,seulement escorté par quatre destroyers (Aaron Ward, Laffey, Lang, Sterett). Le reste de laflotte suit à plus faible vitesse, afin de pouvoir défendre le Wasp tout en restant hors de portéedes bombardiers-torpilleurs basés à terre.

07h20 – Le Wasp est au sud-ouest de Guadalcanal et commence à lancer ses avions. D’abord,ce sont 12 SBD-3 de la VS-71. Les “Speedy-three” 9 se déploient à la recherche de Tanaka,suivis à 08h05 par 12 SBD-3 de la VS-72, sept TBF-1 de la VT-7 et une escorte de vingt F4F-4 de la VF-71.09h35 – La flotte japonaise est découverte, remontant le “Slot” à grande vitesse. Tanaka ademandé une couverture de chasse à Rabaul, mais les quelques A6M2 disponibles ne pourrontle rejoindre avant 11h00. Les bombardiers en piqué de la VS-72 se concentrent sur lescroiseurs lourds, qu’ils prennent pour des croiseurs de bataille. Le Furutaka et le Kakoreçoivent chacun une bombe, et la vitesse du second tombe à 20 nœuds. Les TBF-1 de la VT-7lancent leurs torpilles d’assez près, mais leurs cibles, rapides et manœuvrantes, esquivent.L’un des Dauntless de la VS-71 réussit à toucher le DD Oyashio, mais sans faire de grosdégâts. La DCA japonaise est peu efficace, d’autant plus que les hommes sont épuisés et queles navires effectuent des manœuvres serrées, et aucun avion n’est abattu.10h17 – Le dernier avion américain quitte la scène.11h50 – Tous les avions sont récupérés par le Wasp et Noyes remet cap au sud.13h45 – Noyes retrouve Fletcher et la flotte réunie se dirige alors vers Port-Vila (Nouvelles-Hébrides) pour ravitailler et renforcer les groupes aériens. Tous les officiers sont convaincusque le raid de Tanaka n’est que le prélude à de plus grandes batailles.En fin de journée, n’ayant pas rencontré d’autres difficultés, Tanaka décide de rejoindreRabaul. Goto le suit, car plusieurs de ses croiseurs sont chargés de blessés (dont lui-même) etil n’y a pas d’hôpital à leur base de Kavieng.Cependant, Tanaka ordonne au petit convoi transportant le 128e RI de se réfugier auxShortland le temps que la situation s’éclaircisse.………Secteur de Tulagi– TanambogoDans la nuit, ignorant tout de ce qui se passe sur mer, de petits groupes d’Australiens montésdans des embarcations se sont engagés dans le chenal de chaque côté de la jetée, s’assurantqu’aucun Japonais ne l’occupe ou ne la surveille.A l’aube, les chars foncent le long de la jetée et sur l’extrémité plate de Tanambogo.L’infanterie suit, par la jetée et par la mer. Une pluie d’obus de 37 mm est sans effet, mais un75 mm AA, jusque là camouflé, se démasque et détruit deux Valentine avant qu’un Sentinelne lui règle son compte. Les deux Sentinel s’installent alors sur la partie plate de l’île, dont ilsprennent le contrôle. Travaillant en collaboration pendant que l’infanterie protège leurs flancscontre d’éventuelles équipes-suicides, ils commencent à démolir systématiquement lesbunkers et autres fortifications en tirant au 25 livres, à bout portant ou presque. Les 37 mmsont rapidement détruits, ainsi que les principaux bunkers. Le Matilda I et le dernier Valentineachèvent le travail à la mitrailleuse derrière les Sentinel (le Valentine n’utilisant jamais sonpetit 2 livres inutile), fauchant l’infanterie japonaise obligée de se risquer à découvert. Enmoins d’une heure, la moitié de l’île est conquise, au prix de légères pertes australiennes.A 10h15, cependant, l’un des Sentinel reste coincé sur une souche de cocotier. QuatreJaponais se ruent vers lui, trois sont abattus, mais le dernier parvient à accrocher un bidon de20 litres d’essence sur l’arrière du char avant d’être tué. Le chef de char tente d’aller ledécrocher, mais il est lui-même abattu en passant l’écoutille du véhicule. Les balles japonaisespercent le bidon, l’essence s’écoule dans le compartiment moteur, s’enflammeimmédiatement, et le char prend feu. Seul le pilote, gravement brûlé, peut s’en tirer. Cetépisode interrompt temporairement l’offensive australienne. Un périmètre de sécurité estétabli sur la partie de l’île occupée.

9 Jeu de mots entre la prononciation du sigle SBD-3 et de l’expression “Speedy-3”, “Rapide-3” – le SBD-3Dauntless était rien moins que rapide.

………GuadalcanalLa nuit du 8 au 9 a été calme… à terre.Au matin, l’amiral Turner décide de rester encore deux jours pour finir au plus vite dedécharger ses transports, mais il avertit Vandegrift qu’il devra partir le lendemain soir. Parbonheur, le mauvais temps devrait un peu préserver la flotte des attaques aériennes, mais onne peut espérer qu’il se maintiendra longtemps.Comment accélérer le déchargement des navires ? Vandegrift fait reconnaître la baie deTetere, 12 km à l’est de Red Beach. La région est plate, sablonneuse, et le seul établissementhumain dans le secteur semble être une léproserie tenue par un vieux prêtre britannique.Comme on n’y trouve aucun Japonais, Vandegrift et Turner décident de débarquer sur cetteplage l’essentiel du 2e Régiment de Marines et une grande partie du matériel restant dans lestransports.Sur le front, la progression se poursuit, mais avec de grandes précautions – prudenceexcessive, mais il est difficile aux Américains de le savoir.La rivière Ilu débouche sur une lagune à marée de moins de 70 mètres de large, fermée parune bande de sable de 50 à 80 mètres de profondeur, dominant la rivière de trois mètres.Depuis deux jours, les Japonais s’y retranchent fiévreusement. Deux canons de 37 mmantichars, trois 25 mm et trois mitrailleuses lourdes ont été positionnés dans des mini-fortinspour couvrir la bande de sable.Le III/5e, chargé de s’emparer de cette position, est soutenu par six chars légers Stuart. Leplan américain est tout simplement une attaque frontale. Plus au sud, le II/5e progresseprudemment et le I/5e se tient en réserve.09h30 –La compagnie la plus en pointe du III/5e s’engage sur la barre de sable, escortée parles six chars. Quelques minutes plus tard, l’infanterie est prise sous un intense tir d’armesautomatiques, tandis que les 37 mm entament avec les Stuart un duel incertain, car si lescanons sont très bien protégés, leur efficacité est limitée. Un seul canon est détruit par uncoup heureux dans l’embrasure du bunker en sable et troncs de cocotier qui le protège, maisdeux blindés brûlent sur le sable et les quatre autres se replient, croyant que les Japonais ontencore plusieurs canons. L’infanterie est clouée au sol et quand une autre compagnie avancepour la dégager, elle est la cible de tirs des canons de 25 mm, subissant elle aussi des pertessévères.10h30 – Le 11e Rgt d’Artillerie des Marines entame un bombardement de couverture, sansgrand effet sur les Japonais bien retranchés.12h00 – A 2 800 mètres au sud-ouest, les premiers éléments du II/5e approchent de l’Ilu. LesJaponais comprennent que leur position va être tournée et, sous le couvert de la jungle, lamajeure partie de la 2e compagnie décroche.14h00 – Les Américains repartent à l’attaque. Cette fois, les petits bunkers abritant les 37 mmet les 25 mm sont bien repérés et éliminés l’un après l’autre, ainsi que la centaine d’hommeslaissée en arrière.16h00 – L’action est terminée. Le cours de l’Ilu est nettoyé. La jungle s’éclaircit aux abordsde l’aérodrome et Vendegrift prévoit de s’emparer de celui-ci le lendemain.A l’intérieur des terres, le 1er Régiment a continué d’avancer vers l’ouest, malgré la jungle etdes tireurs isolés. En fin de journée, il borde le cours supérieur du Tenaru (la rivière coule dusud-ouest au nord-est).………“Ironbottom Sound”Toute la journée, les restes de l’escorte alliée s’activent à détruire les épaves et à récupérer lessurvivants, guidés par les hydravions Swordfish et les Walrus. A Tulagi, les ravitailleursd’hydravions australiens ont en effet achevé d’établir une hydrobase. Les 16 Spitfire V gréés

en hydravions (“Floatfire”) vont être les jours suivants la seule couverture aérienne desMarines.Apprenant la destruction de l’escorte, les 25e et 26e Koku Sentai, à Rabaul, décident de lancerun raid contre les transports avec les avions survivants. Néanmoins, le mauvais tempsempêche les G4M1 de trouver leurs cibles.Ce mauvais temps coûte aussi au Nairana un de ses Floatfire, dont le pilote évalue mal sahauteur au moment d’arrondir et brise son flotteur gauche. Le Floatfire coule par petit fond,mais il est repêché vers 16h00.Dans la soirée, le lieutenant Iishi fait une nouvelle sortie, cette fois avec ses trois vedettes. Letemps est médiocre, mais les grains de pluie réduisent la phosphorescence des eaux,permettant aux petits navires d’accélérer à 6 nœuds. Après la Pointe Lunga, il se rapproche dela côte, confortablement blotti dans l’ombre.A cette date, il bénéficie encore d’un avantage inestimable : les Alliés ne redoutent pas laprésence de vedettes rapides japonaises. Ils supposent que toute petite embarcation aperçuedans le secteur appartient à la flotte d’invasion, et de fait, c’est le plus souvent exact. Mêmeles marins des petits bateaux raisonnent de cette façon – aussi, quand Iishi se jette dans ungroupe de bateaux Higgins au large de Red Beach, personne ne lui tire dessus. Le Japonais segarde bien de déclencher les hostilités.………Etats-majors alliés (Pearl Harbor et Nouméa)Averti cinq heures après la fin de la bataille par un rapport incomplet mais non moins sombre,le COMCINPAC – l’amiral Chester Nimitz – ordonne à la TF-17, autour du CV Hornet, dequitter immédiatement Pearl Harbor pour aller aider Fletcher.A Nouméa, Ghormley est informé en début d’après-midi que la TF-17 10 a quitté Pearl etqu’elle atteindra les îles Santa Cruz le 15 dans la soirée. Peu après, il apprend que le CVELong Island, chargé d’avions de renfort, atteindra Port-Vila avec son escorte dans la matinéedu 20 11.A 16h00, un peu réconforté par la perspective de l’arrivée de deux porte-avions, un cuirassé,sept croiseurs et huit destroyers, Ghormley rencontre le contre-amiral Pierre Rouyer. Les deuxhommes décident de concentrer des forces à Efate et d’y envoyer rapidement davantage decarburant, grâce à un petit pétrolier français qui doit faire chaque semaine la navette avecEspiritu Santo. Deux squadrons des Marines basés à Efate (VMF-223, Captain John L. Smith,avec 18 F4F-4, et VMSB-232, Major Richard C. Mangrum, avec 17 SBD-3) remettront leursavions et une partie de leurs pilotes (dont le Major Lofton Henderson) aux groupes aériens deFletcher pour compenser les pertes subies jusqu’alors (une quinzaine d’appareils en tout).Les deux unités de l’Aéronavale (l’AC-20, avec 19 Hawk-87 [P-40E] et l’AB-8, avec 15 DB-73M [7 x M1 et 8 x M2]) iront renforcer la défense d’Efate, où une partie de l’AC-20 est déjàdéployée. Le L.V. Yvon Lagadec est de la partie : « Les ordres sont arrivés dans la soirée du9, en même temps que des rumeurs sur une épouvantable défaite subie par les Américains.J’avais cru que Nouméa était le bout du monde, j’allais changer d’avis en arrivant à Port-Vila. Mais Efate, cette île perdue, était en quelque sorte sur le front, ou tout près, et toute laflottille frémissait à l’idée de faire quelque chose, alors que certains avaient craint qu’onnous fasse patrouiller autour du Caillou jusqu’à la fin des temps. » La décision d’envoyerl’AC-20 à Port-Vila laisse la Nouvelle-Calédonie sous la seule garde des P-400 de l’USAAF,mais avec la mise hors d’état de nuire de l’aérodrome de Tenaru, la menace d’une attaque deBetty s’est dissipée.

10 La TF 17 comprend le CV Hornet, protégé par le BB South Dakota, les CA Pensacola et Salt-Lake City, le CLHonolulu, les CLAA Juneau et San Diego et le ComDesRon 2 (DD Anderson, Hughes, Mustin, Russel).11 Le CVE Long Island est escorté par le CA Louisville, le CL Nashville et la Desdiv 11 (Cdr FrederickMoosbrugger – DD Gilmer, Gridley, Humphreys, McCall).

Il faut aussi rassembler des avions d’attaque aux Nouvelles-Hébrides, pour soutenir les porte-avions de Fletcher si les Japonais arrivent par les Salomon Orientales – s’ils passent par lesSalomon Occidentales, Fletcher pourra compter sur les avions de Port Moresby et d’Australie.Le 11e Heavy Bombardment Group de l’USAAF (colonel La Verne Saunders) doit êtreredéployé à Efate avec tous les B-17 disponibles aux Fidji, soit neuf B-17E/F seulement, maisquinze autres sont attendus des Etats-Unis vers le 15. Le 69e Bombardment Squadron (colonelClyde Rich) suit le même chemin, avec six bombardiers-torpilleurs B-26 seulement, maisdouze autres doivent rapidement le renforcer, venant des Fidji.Les PBY basés à Espiritu Santo et Ndeni tendent un vaste filet de reconnaissance jusqu’aunord-ouest de Bougainville. En revanche, la base de Malaita est considérée comme tropexposée après la bataille de Savo. Le ravitailleur Mackinac reçoit l’ordre de se retirer versEspiritu Santo, abandonnant l’épave d’un PBY éventré sur un récif. Enfin, six Hudson de la RNZAF doivent se déployer à partir du 11 à Efate pour renforcer lespossibilités de reconnaissance et le potentiel ASM de la région.Mais d’autres forces encore sont disponibles.Avant même le début de Watchtower, le vice-amiral Ghormley avait demandé d’établir undouble écran de sous-marins. Les petits Type-S de l’US Navy doivent se concentrer autour deRabaul et de Kavieng, tandis que Truk doit être couvert par les USS Greenling et Drum(venant de Pearl Harbor) ainsi que par les MN Pascal et Le Tonnant. Les patrouilles dans larégion de Rabaul et Kavieng sont épuisantes pour les équipages des Type-S, mais les sous-marins de plus grande taille sont seuls à pouvoir opérer dans le secteur de Truk. A la suite duraid de Tanaka, Ghormley ordonne au Bévéziers et au Sfax de quitter immédiatementBrisbane. Ils appareillent à 18h00 et se dirigent d’abord vers le nord-est, à 12 nœuds, avant deprendre la direction de Truk. Si la flotte japonaise quitte Truk vers le sud-est, ils devraient êtrebien placés pour l’intercepter dans les eaux des Salomon Orientales.………Etat-major japonais (Truk)A Truk, où se trouve l’amiral Isoroku Yamamoto, les rapports de Tanaka et Goto ont d’abordété lus avec un peu d’incrédulité. A 07h45, un J1N1-C est envoyé en reconnaissance. Commeil signale de nombreux navires en feu près de Tulagi, un second appareil est envoyé à midirecueillir davantage d’informations. Cependant, le mauvais temps empêche de prendre debonnes photos en restant à haute altitude. Le pilote ose descendre à 3 000 pieds, persuadéqu’il ne risque rien, mais il est surpris lors de son second passage par deux Floatfire duNairana et abattu au large de la pointe Lunga.Néanmoins, les renseignements déjà recueillis et les détails fournis dans la journée par Tanakasont plus que suffisants pour décider Yamamoto à déclencher immédiatement l’opération KA,prévue à l’origine pour les derniers jours du mois d’août. Il s’agit de détruire les basesd’Efate, d’Espiritu Santo et de Nouméa et de couvrir un débarquement à Efate (Port-Vila). Onpourra ainsi mettre fin plus facilement à la tentative américaine de reprendre Guadalcanal,gêner gravement les échanges entre les Etats-Unis et l’Australie et – du moins, c’est l’espoirde l’état-major de la Marine Impériale – imposer aux Américains une “bataille décisive” oùleur flotte affaiblie sera éliminée par la Flotte Combinée.Le plan prévoit qu’une force commandée par le vice-amiral Takeo Takagi et construite autourdu porte-avions léger Hiyo et des cuirassés Mutsu et Nagato, frappera les installations alliées àTulagi et Guadalcanal le 13 en début de journée, couverte par les quatre grands porte-avionsde l’amiral Nagumo.Les renforts terrestres prévus seront débarqués par la suite. Le premier convoi en route pourGuadalcanal a en effet été détourné dans la matinée en apprenant l’attaque des avions duWasp contre la flotte de Tanaka ; ces navires (dont celui qui porte le colonel Ichiki, furieux de

ce retard) doivent aller se réfugier aux Shortland, dont le mouillage est déjà en état dedéfense.Cette opération ne peut que provoquer une forte réaction alliée. Les porte-avions américainss’attaqueront à l’escadre de Takagi, servant d’appât, et seront détruits par les avions de laFlotte Combinée. Au cas où la flotte alliée n’aurait pas encore été détectée le 14, Nagumo etTakagi exécuteront une variante de l’opération KA : les avions de Nagumo iront écraserEspiritu Santo et Efate pendant que Takagi ira bombarder Nouméa, pour couper de leurs basesles forces alliées débarquées à Guadalcanal et Tulagi. Ils attendront ensuite la réaction alliéependant deux ou trois jours.Yamamoto ordonne à Nagumo et Takagi d’appareiller de Truk à midi le lendemain 10 août.Cependant, cette décision inquiète le précautionneux Nagumo : « N’est-ce pas agir avec tropde précipitation ? En dehors des deux unités qui patrouillent actuellement dans cette zone (etqui ne vont pas tarder à devoir rejoindre leur base), les sous-marins de la 6 e Flotte n’aurontpas le temps d’aller prendre position entre les Nouvelles-Hébrides et les Santa-Cruz pournous avertir de l’arrivée des forces adverses. » Mais Yamamoto réfute l’argument : « Cessous-marins de reconnaissance n’ont pas jusqu’alors montré une bien grande efficacité !Pour déséquilibrer l’ennemi, il nous faut agir avec promptitude. Prenez exemple surTanaka ! » Nagumo n’est pas convaincu : « Tanaka avait avec lui la fleur de la Marine, deshommes d’une grande expérience. Hélas, si les pilotes et les équipages de nos avions sonttoujours aussi courageux, leur qualité moyenne a baissé depuis le début des opérations. Nosgroupes aériens ont subi de lourdes pertes, et le nouveau programme d’entraînement accélérénous envoie des jeunes gens pleins de fougue, mais d’un niveau technique moindrequ’auparavant… »– Justement, tranche Yamamoto. Il faut donc frapper sans attendre. C’est maintenant oujamais !

Campagne de Nouvelle-GuinéeMilne Bay – En réponse au raid de la veille, six Beaufort du Sqn 100 bombardent Lae. Lesnuages empêchent d’observer les résultats, mais si trois A6M2 accrochent les bombardiers auretour, aucun n’est abattu.

Opération Oni, ou le “siège” de l’AustralieCôte Orientale de l’Australie, 20h30 (opération Oni, Phase 3e) – L’I-157 repère le convoiOC-23 (huit cargos et quatre escorteurs) au large de Newcastle. Le convoi ne marchant qu’à11 nœuds et les escorteurs n’étant pas équipés de radar, le sous-marin parvient à le dépasser età se mettre dans une position de tir idéale. Il tire une salve complète, huit torpilles type 95.Cette salve est très efficace. Le Hollandais Palembang (Rotterdamsche Lloyd NV, 7 070 GRT,13,5 nœuds, allant de Liverpool à Melbourne et Newcastle avec un chargement partiel detissus, de whisky et de matériel minier) est foudroyé par deux torpilles et coule en quelquesminutes. L’American Builder (American Pioneer Line, 6 834 GRT, 14 nœuds, allant dePanama à Melbourne et Brisbane avec du matériel militaire et de construction) est touché aumilieu par une torpille. Il coule lentement mais inexorablement. La salve fait une troisièmevictime, le Norvégien Santos (A/S Ivarans Rederi, 4 639GRT, allant de Whyalla à Newcastleavec du minerai de fer). Sans doute touché par deux torpilles, le bateau disparaît en quelquessecondes sans laisser de survivants.Quoique pourchassé et légèrement endommagé, l’I-157 peut s’échapper. Cette salve detorpilles restera la plus destructrice de la campagne Oni, avec trois navires coulés totalisant18 543 GRT.D’après Research for Australian Official Histories, 1949, notes de Mr Norman.

La guerre sino-japonaise L’USAAF en ChinePort-Arthur (Chine du Nord) – Sept B-25 venus de la région de Yan’an approchent du portà très basse altitude et pilonnent les quais et les entrepôts voisins. Les dommages sont assezconsidérables, l’entrepôt de peinture et de bois d’œuvre est incendié, il brûlera jusqu’aulendemain.

10 aoûtCampagne du Pacifique Sud – Opération WatchtowerIronbottom Sound, 00h25 – Au centre de la baie, le lieutenant Iishi aperçoit une formeblanche en V devant lui – il lui faut quelques instants pour comprendre qu’il s’agit de la lamed’étrave d’un navire rapide, vue de face. Les deux vedettes lancent leur moteur principal ets’écartent rapidement, évitant de justesse le navire de tête d’une colonne de trois DMS, lesHopkins, Hovey et Southard. Ceux-ci aperçoivent les bateaux japonais, mais les prennent pourdes chaloupes rapides de l’US Navy, qui leur ressemblent un peu (les MTB américaines sonttrès différentes).Iishi s’arrête quelques minutes plus tard pour réfléchir. Il est à présent 2 000 mètres derrièreles DMS, qui filent 12 à 15 nœuds. Pour les attaquer, il lui faut les suivre et les dépasser enallant, peu discrètement, à 25 nœuds environ. Iishi n’hésite pas, d’abord sur une routedivergente, puis sur un cap parallèle, puis en revenant vers leur position supposée. Mais lesDMS ont changé de cap et ralenti. Ne les voyant pas apparaître, Iishi va les chercher. Au boutd’une heure et demie, il détecte deux bâtiments du même type – non pas les trois DMS qu’il adéjà aperçus, mais deux autres, les Trever et Zane.01h20 – Après une lente approche, Iishi ordonne de lâcher les torpilles, avant de se détournerdix secondes plus tard. Inconscients du danger, les deux DMS patrouillent lentement. Lessillages des six torpilles ne sont pas détectés, car les engins arrivent de l’est, où les marinsaméricains pensent qu’il n’y a que des bateaux alliés. A 01h22, les hommes de quart sur leTrever voient une torpille passer juste devant la proue, puis une autre frappe leur navire auniveau de la passerelle, et dix secondes plus tard, une troisième touche la poupe. Le Trevercoule rapidement, pendant que tous les navires alliés dans le secteur mitraillent nerveusementdans toutes les directions, croyant le plus souvent tirer sur des périscopes fantomatiques.Indemne, Iishi remet le cap sur sa base, satisfait de sa nuit… mais il n’a plus une seuletorpille.

Secteur de Tulagi– TanambogoDans la nuit, les Japonais lancent plusieurs petites attaques, et peu avant l’aube, ilsdéclenchent une attaque en vague humaine, débordant une partie du périmètre. L’AMF ripostepar deux charges à la baïonnette et, après de féroces combats au corps à corps, les Japonaissont rejetés. Les pertes sont lourdes dans les deux camps, mais du côté japonais, on ne compteque des morts.L’avance australienne reprend le jour venu. La combinaison Matilda I, Sentinel et infanteriese montre extrêmement efficace. Les deux types de chars se complètent parfaitement dans cesconditions, et les Japonais n’ont aucune réponse à leur opposer. Deux Valentine s’efforcentd’en faire autant en travaillant avec les deux Mk VI pour nettoyer le terrain, mais les 37 mmjaponais détruisent rapidement les deux petits engins. De leur côté, les Valentine se révèlentmoins utiles que le Matilda Mk I, car ils n’ont qu’une mitrailleuse légère, bien moins efficaceque la Vickers de .50 du Matilda, et les obus pleins de leurs 2 livres sont inefficaces contre lesbunkers. Cependant, toute résistance organisée cesse dans la soirée. Il n’y a que deux

prisonniers japonais, tous deux blessés. En tout, la 28e Brigade a perdu plus de 500 hommes(200 morts et 300 blessés).« L’étude du réseau défensif montra une redoutable fortification, avec de nombreux fortinsreliés par des tunnels. Selon les vétérans de la Première Guerre, l’îlot aurait été pratiquementimpossible à prendre d’assaut sans les chars Sentinel, Matilda et Valentine et sans l’artillerielourde (25 livres).L’aptitude du Sentinel à encaisser les tirs antichars japonais et à détruire d’un seul coup lesbunkers fut chaudement applaudie. Le Sentinel survivant portait les traces de plus de 150impacts.Les Matilda Mk I étaient devenus fort rares. La 28e Brigade n’en avait reçu que par hasard.Les Matilda II étaient eux-mêmes assez rares, et très appréciés.En revanche, les Valentine étaient disponibles en nombre. L’étude de l’utilisation des blindésdans cette bataille ayant montré que le Sentinel avait besoin d’un engin complémentaire pourprotéger ses flancs, c’est sur cette base que fut développé le “Valentine Echidna”, unValentine doté d’une mitrailleuse lourde Vickers à la place de son canon de 2 livres, et pourvud’une épaisseur de cuirasse supplémentaire. Les Echidna étaient lents, mais complétaientparfaitement les Sentinel pour ce genre de combat. » (B. Marcus, Les Forces arméesaustraliennes dans la Seconde Guerre Mondiale)………Guadalcanal – Au matin, les Marines sont prêts à enlever l’aérodrome. Précédés par unedouzaine de Stuart, les II et III/5e doivent attaquer respectivement du nord-est et de l’est,tandis que le I/5e restera en réserve. Au sud, le 1er Rgt doit couronner la crête de Tenaru. Ducôté de Tetere, le 2e Rgt doit explorer la partie est de l’île – il constatera finalement l’absencetotale de Japonais dans cette région.Pendant que le 1er Rgt lutte contre les pièges de la nature et du relief local sur les pentes de lacrête de Tenaru, le 5e donne l’assaut, précédé par le premier vrai barrage d’artillerie de lacampagne. Les artilleurs, trop heureux de viser des cibles clairement identifiées, matraquentlittéralement la défense. Les cibles les plus visibles, comme les pentes des collines et lestranchées repérées, sont couvertes d’obus de 75 mm et de 155 mm. Pourtant, malgré l’effet dechoc, les pertes réelles sont faibles, car les Japonais se sont bien enterrés. Néanmoins, leurartillerie souffre, surtout les redoutables mais encombrantes pièces de 75 mm de DCA (bienprotégées contre les avions, mais non contre l’artillerie). Pendant ce temps, les Marinesprofitent des conduites de drainage et des trous d’obus pour s’infiltrer à travers la piste.Malheureusement, dès le barrage levé, c’est la catastrophe. Trois des douze Stuart sontfoudroyés par les 75 mm AA qui ont survécu et de plus fortes pertes ne sont évitées que grâceà l’étroitesse de l’angle de tir des pièces installées dans des bunkers improvisés. Quant àl’infanterie d’accompagnement, elle est visée par les tirs des mortiers de 50 mm et des canonsde 25 mm survivants. Les hommes qui parviennent aux positions japonaises tombent sur unmillier de combattants bien retranchés. Heureusement pour les Américains, les défenseurssont loin d’être parfaitement entraînés, puisque composés d’un mélange d’hommes de la 5 e

SNLF, d’artilleurs de la Marine et d’ouvriers de la 11e unité de construction. Les pertes duII/5e sont cependant sensibles.D’abord sidéré par la solidité des défenses japonaises, Vandegrift se ressaisit. Il commencepar remettre en jeu son artillerie, dont le tir est réglé par les hommes du 1 er Rgt, qui sontparvenus à atteindre le sommet de la crête et dominent l’aérodrome. En fin de matinée, troishydravions Swordfish du Nairana accomplissent des vols d’observation des positionsjaponaises, lâchant de petites bombes anti-personnel et réglant le tir de l’artillerie de laJeanne d’Arc, dont les obus de 56,5 kg, qui peuvent porter à 21 600 m, sont très efficaces.

De plus, Vandegrift fait avancer son bataillon parachutiste, qui, débarqué à Pointe Cruz le 7 enfin de journée, a prudemment progressé vers Tenaru les deux jours suivants sans rencontrerd’opposition. Il doit prendre à revers les défenses du terrain.A 15h30, nouvel assaut. Le I/5e remplace le II/5e et cette fois, les chars sont en seconde ligne,intervenant spécifiquement contre les 25 mm et les mitrailleuses, tandis qu’on fait appel àl’artillerie chaque fois qu’un 75 mm est repéré. L’avance est lente et difficile, avant-goût de ceque seront les assauts des trois années suivantes, mais l’arrivée des parachutistes d’unedirection que les Japonais n’attendaient pas emporte la décision.Au soir, les défenseurs survivants sont fragmentés en petits noyaux de résistance, mais aucunne songe à se rendre. Le Lt-colonel Naga est mort.………Ironbottom Sound, 10h35 – Les cinq derniers G4M1 de Rabaul tentent d’attaquer lestransports à basse altitude, escortés par huit Zéro. Leur arrivée est annoncée par lescoastwatchers et ils sont interceptés par des Floatfire, qui surprennent les Zéro et abattentdeux Betty, avant de perdre deux d’entre eux sous les coups des escorteurs japonais. Lebombardement est inefficace.17h30 – Deux E13A1 basés à Rekata attaquent le mouillage de Tulagi, endommageant unSwordfish. En revanche, les Floatfire ne ratent pas un autre petit hydravion, qui tombe aularge de Red Beach.Dans la journée, le contre-amiral Turner est parvenu à débarquer l’essentiel du matériel quirestait sur ses navires. La 1ère Division des US Marines est à pied d’œuvre avec 55 à 60 joursde ravitaillement. Mais Turner est convaincu qu’il serait imprudent de rester un jour de plus.23h50 – Toute la flotte lève l’ancre et reprend la route de Nouméa. Les seize transports encoreen état de naviguer n’ont plus pour escorte que la Jeanne d’Arc, sept destroyers intacts (Blue,Dewey, Helm, Hull, Jarvis, Ralph Talbot, Wilson), 4 DMS et 4 APD. Le destroyer Monssen, lecroiseur lourd Australia et le croiseur léger Leander sont tous plus ou moins endommagés (leDD Buchanan est reparti seul deux jours plus tôt). Les trois AMC et le transport australiens sejoignent à l’exode.Restent sur place le “morceau de croiseur lourd” Astoria et le cargo Crescent City, non coulésmais incapables de naviguer, les ravitailleurs d’hydravions Nairana et Zealandia, camouflésavec soin à Tulagi, et le navire-hôpital Wanganella. “L’Asto” est condamné, et Turner s’estassuré qu’il n’est plus servi que par des volontaires. Mais en jouant le rôle de “chèvre”, lecroiseur amputé attirera de nombreuses bombes japonaises qui pourraient, sinon, viser lesravitailleurs d’hydravions australiens ou des dépôts de matériel vitaux. Sa DCA pourrait bienêtre aussi très utile – et il est de toute façon impossible de le remorquer…………Etat-major allié (Nouméa) – Le vice-amiral Ghormley s’attendait au départ de Turner – sansescorte ni appui aéronaval, il ne pouvait rester longtemps sur place. C’est pourquoi il revoit lecontre-amiral Rouyer pour lui demander s’il lui paraît possible d’utiliser les croiseurs Emile-Bertin et Lamotte-Picquet pour ravitailler Guadalcanal. L’idée paraît bonne : les deux navirespeuvent facilement joindre Port-Vila à Tulagi ou Guadalcanal en 24 heures, débarquer leurchargement de nuit et repartir assez vite pour être hors de la zone dangereuse à l’aube. A euxdeux, ils peuvent transporter 650 tonnes, et un aller-retour tous les trois jours semble possible.Les deux croiseurs représenteront un appoint considérable pour les “destroyers de transport”américains déjà sur place, les APD Colhoun, Gregory, Little et McKean.Contactée, la marine australienne propose la participation d’un destroyer ancien, le HMASStuart, utilisé pour l’entraînement et l’escorte locale ASM depuis que son équipage devétérans a été envoyé servir sur un navire moderne. Il est décidé de lui enlever deux canons etses tubes lance-torpilles avant de l’envoyer se joindre aux croiseurs français et à la force detransport rapide de l’US Navy ; son arrivée est prévue dans une semaine.

22h15 – La flotte de Fletcher arrive à Port-Vila et commence à se ravitailler en carburant etmunitions.23h30 – Fletcher signale à Ghormley qu’il prévoit de quitter Port-Vila le jour suivant à midi,après avoir reconstitué ses groupes aériens avec des avions des Marines – il a perdu huitWildcat en combat aérien et quatre Avenger et deux Dauntless abattus par la DCA.………Etat-major japonais (Rabaul), 07h40 – L’escadre de Tanaka arrive à Rabaul, où l’attend unmessage de Yamamoto : « J’apprécie la lutte ferme et courageuse de chacun des hommessous votre commandement. Je sais que vous accomplirez de nouveaux exploits et que vousn’épargnerez aucun effort pour soutenir les forces de l’Armée Impériale, qui sont aujourd’huiengagées dans une lutte désespérée. » Comme le notera plus tard l’historien américain S.E.Morison, il s’agissait d’une figure de style : ni Tanaka ni Yamamoto ne savaient à ce momentcombien la lutte serait effectivement désespérée – encore que, si l’on en croit ses fameuxMémoires, Yamamoto l’ait soupçonné dès cette époque.Cependant, le raid a coûté à Tanaka tous ses croiseurs lourds : un seul a été coulé, mais lestrois autres ont besoin de réparations plus ou moins longues, au Japon. Le Jintsu (avarié parles obus de la Jeanne d’Arc) est hors de combat pour quelque temps, mais sera réparé àRabaul. L’Amatsukaze, qui a reçu une rafale d’obus de 5 pouces du Monssen, a lui aussibesoin de réparations. Enfin, l’Hayashio (ébranlé par les obus de la Jeanne d’Arc) etl’Oyashio (qui a reçu une bombe américaine) ne sont pas dans leur meilleure forme, mais ilsvont quand même devoir retourner très vite au combat.Par ailleurs, les officiers du service du ravitaillement en munitions sont consternés : en unenuit, l’Escadre des Mers du Sud a consommé 136 exemplaires (tirés ou détruits) de l’efficacemais coûteuse torpille de 24 pouces Type-93. Et il va falloir maintenant réarmer d’urgence leKitakami et les quatre destroyers intacts ou peu gravement atteints, ce qui représente 88torpilles !………Truk, midi – Takagi et Nagumo commencent à appareiller. Cette énorme concentration de navires ne peut passer inaperçue. L’USS Greenling et le MN Pascal s’efforcent tous deux de se mettre en position de tir, mais doivent plonger profondément pour éviter les nombreuses patrouilles aériennes.20h08 – Le Pascal peut signaler à Nouméa : « Grand nombre de navires ennemis quittantTruk, cap au sud-est. » Ghormley et Rouyer n’ont aucun doute sur les intentions ennemies etpréviennent immédiatement Turner et Fletcher. Les systèmes d’écoute radio du Yamato ontdétecté le message du Pascal et l’amiral Yamamoto sait que la sortie de ses flottes a étésignalée, mais d’une certaine manière, cela favorise son plan : provoquer la bataille décisive !Néanmoins, l’amiral est préoccupé par les pertes subies par les flottilles aériennes maintenantbasées à Rabaul et ordonne de leur envoyer des renforts. Ce sont 22 A6M3 mod. 32 tout neufset dix G4M1-Kai 12.………Washington – L’amiral King rencontre le Président F.D. Roosevelt pour l’informer des pertessubies lors de la bataille de Savo. Les deux hommes tombent d’accord pour étoufferl’information concernant cette sévère défaite jusqu’à ce que l’US Navy puisse revendiquer unnombre raisonnable de succès.

Campagne de Nouvelle-Guinée

12 Le G4M1-Kai est une variante du Betty équipée d’un modèle primitif de réservoir auto-obturant, réduisant sonautonomie de 6 000 à 5 400 km.

Piste de Bulldog – Trois cents Japonais environ rejoignent près de Kudjeru les 150 hommesde l’arrière-garde de la Force Kanga. Leur premier assaut est repoussé, et le commandementjaponais ordonne de faire venir en première ligne un canon de 70 mm et trois mortiers.…Piste de Kokoda – Peu avant le coucher du soleil, 16 Wirraway, accompagnés de cinqBoomerang chargés de mitrailler la DCA japonaise et couverts par quatre Hurricane, arriventau dessus de Myola. Les Wirraway doivent plonger par dessus les positions australiennes,suivre la ligne de crête, lâcher leurs bombes sur les bunkers de la zone découverte devant levillage, puis tenter de sortir de leur piqué dans la vallée tout en virant à droite pour suivre lecours de la rivière et éviter de percuter l’une des montagnes voisines. Réussir la manœuvre estun véritable exploit, et il faut l’accomplir dans un avion lent et vulnérable, sous le nez de laDCA japonaise. Une DCA d’autant plus à craindre que chaque avion à son tour doit suivreexactement le même chemin, à quelques mètres du sol, au dessus des troupes ennemies. Lespilotes des Wirraway sont tous volontaires, et ils ont jusqu’au dernier interdit à leursmitrailleurs de participer à la mission.Les Boomerang “travaillent” les positions japonaises au canon et à la mitrailleuse, pendantque le premier Wirraway commence son approche. Le largage des bombes est quasi parfait etl’avion s’enfuit en rasant le village, dépasse l’éperon opposé, redresse juste au dessus de l’eauet s’échappe en suivant le torrent – mais il a réveillé les défenses. Le deuxième des seizeavions dépose ses bombes droit sur sa cible, dépasse le village, bascule sur une aile et percutede plein fouet la paroi montagneuse. Le troisième réussit à traverser le rideau de feu quis’élève, mais il est endommagé et doit aller se poser sur le ventre à Myola. Le quatrièmeexplose au dessus du pont, le cinquième prend feu en survolant le village et s’écrase au milieudes positions japonaises, près du torrent. La confusion qui s’ensuit permet au sixième desurvivre, mais dans un tel état que lui aussi doit se poser à Myola, réduit à l’état d’épave. Leseptième réussit à passer. En revanche, les quatre suivants sont tous abattus par des tirs deplus en plus précis, mais non sans avoir lâché leurs bombes selon le protocole. L’impact deces bombes crée une telle fumée que les servants de la DCA sont aveuglés et que les cinqderniers Wirraway vont passer – mais l’un va s’écraser sur la montagne et un autre va enrichirla collection d’épaves posées à Myola. Au total, sur les 16 Wirraway, cinq seulement, dontquatre criblés de balles, rentrent à Jackson’s Field. Huit pilotes sont morts.Les hommes de l’AIF ont d’abord observé avec joie le premier Wirraway s’aligner pour sapasse, sachant que cette artillerie volante pouvait leur épargner de nombreuses pertes. Puis,voyant chaque appareil suivre exactement le chemin du précédent en dépit du destin de laplupart, la joie a fait place à un éloge amer du courage des pilotes. Dès que le dernier avion aparcouru son chemin de croix, tous les mortiers disponibles bombardent le village et sesalentours durant trente minutes, pendant que le bref crépuscule tropical fait place à la nuit.Alors les hommes s’élancent.Les Japonais luttent énergiquement, mais leurs positions ont été très entamées par les bombeset les trois compagnies chargées de l’attaque les submergent. La plupart des défenseurs desbunkers se font tuer sur place. Au contraire, ceux du village sont mis en déroute par unevéritable grêle de grenades à main. Ils s’enfuient vers le torrent, où la moitié se noient. Aminuit, la saillie rocheuse où ne se trouvent plus que les restes du misérable hameau d’Eoraest à nouveau aux mains des Australiens.