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Alain BIHR sociologue français se revendiquant du communisme libertaire professeur des universités à l'université de Franche-Comté. (1994) “La démocratie à l’épreuve de la crise de l’État- nation.” LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES CHICOUTIMI, QUÉBEC http ://classiques.uqac.ca/

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Alain BIHRsociologue français se revendiquant du communisme libertaire

professeur des universités à l'université de Franche-Comté.

(1994)

“La démocratie à l’épreuvede la crise de l’État-nation.”

LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALESCHICOUTIMI, QUÉBEChttp   ://classiques.uqac.ca/

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Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur associé, Université du Québec à ChicoutimiCourriel : [email protected] Site web pédagogique : http   ://jmt-sociologue.uqac.ca/ à partir du texte de :

Alain BIHR

“La démocratie à l’épreuve de la crise de l’État-nation.”

Un article publié dans Le Monde diplomatique, Paris, no 478, jan-vier 1994, p. 31.

L’auteur nous a accordé le 28 novembre 2018 son autorisation de diffuser en accès libre à tous ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.

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Alain BIHRsociologue français se revendiquant du communisme libertaire

professeur des universités à l'université de Franche-Comté.

“La démocratie à l’épreuvede la crise de l’État-nation.”

Un article publié dans Le Monde diplomatique, Paris, no 478, jan-vier 1994, p. 31.

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Alain BIHRsociologue français se revendiquant du communisme libertaire

professeur des universités à l'université de Franche-Comté.

“La démocratie à l’épreuvede la crise de l’État-nation.”

Un article publié dans Le Monde diplomatique, Paris, no 478, jan-vier 1994, p. 31.

Mots-clés : ▪ Nationalismes ▪ Politique

La crise de l’État-nation comme formation sociale et politique est manifeste. Son moteur premier est à chercher dans une transnationali-sation qui, en deux décennies, a conduit à un divorce grandissant entre espace économique et espace politico-culturel, provoquant un vide que, un peu partout, des mouvements nationalistes et des replis identi-taires à base ethnique ou religieuse cherchent à combler de manière à la fois illusoire et criminelle.

Cette crise conduit à s’interroger à nouveau sur les conditions his-toriques de formation de l’État-nation. Tant il est vrai que le moment de dissolution d’une réalité est particulièrement propice à en saisir l’essence. C’est à un exercice de ce genre que se sont livrés les partici-pants au symposium international organisé par l’université de Rouen en novembre 1992, dont les actes viennent de paraître 1. Tous les as-pects et conditions, économiques, politiques, religieux et culturels de la formation des États-nations en Europe, de la Renaissance au XIXe

siècle, y sont passés en revue, la richesse de l’information historique le disputant à une grande rigueur théorique. Ce qui aura permis aux débats d’être particulièrement denses et animés, en faisant ressortir la diversité des approches possibles de ce processus historique. Le col-

1 Université de Rouen-IRED, Nations, nationalismes, transitions, XVIe-XXe

siècles, Editions sociales, coll. "Terrains", Paris, 1993, 352 pages, 200 F.

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loque s’est achevé par une trop rapide évocation du retour des natio-nalismes en Europe centrale et orientale, sur toile de fond de l’échec des internationalismes.

C’est précisément sur ce retour que se sont penchés les participants à un autre colloque, organisé en décembre 1992 par l’association Les carrefours de la pensée, le Monde diplomatique et l’université du Maine, dont les actes viennent également de paraître 2. L’ouvrage se présente comme un panorama de la situation dans chacun des États ou anciens États de l’Europe centrale, orientale et balkanique. Au fil des pages, certaines constantes s’imposent cependant : la faiblesse, voire l’inexistence, des traditions démocratiques et de la société civile dans un grand nombre de ces pays ; l’héritage de l’ancien régime soi-disant "communiste", qui n’aura pas seulement contenu mais aussi alimenté et exacerbé les affirmations nationalistes, comme le rappelle Jean-Yves Potel ; et bien évidemment les difficultés de la transition écono-mique au capitalisme, aggravées par les désastreux choix néolibéraux des gouvernants. Car, quand son retour coïncide avec un véritable ca-taclysme social, la démocratie ne peut que donner l’image de l’im-puissance et du mensonge. Elle n’offre alors guère de résistance à l’"hystérie politique", pour reprendre l’expression suggestive par la-quelle Istvan Bibo qualifiait déjà les nationalismes d’Europe centrale de l’entre-deux-guerres 3.

C’est ce même déficit démocratique qui est au centre de la ré-flexion de Michel Wieviorka dans son dernier ouvrage 4. Réflexion fondée sur un pari hardi : explorer, selon ses propres termes, la "face de lumière" des "formes les plus sombres de l’évolution contempo-raine" que sont le nationalisme, le populisme et les revendications d’identité ethnique. Et montrer qu’elles ne constituent pas seulement une menace pour la démocratie mais aussi une chance pour elle de se renouveler, à condition qu’elle sache s’emparer de certains des élé-ments exprimés par ces mouvements, fût-ce sous une forme pervertie.

2 Alain Gresh (sous la direction de), À l’Est, les nationalismes contre la démo-cratie ?, Editions Complexe, coll. "Interventions", Bruxelles, 1993, 192 pages, 120 F.

3 Istvan Bibo, Misère des petits États d’Europe de l’Est, traduction française, Albin Michel, Paris, 1993, 426 pages, 140 F.

4 Michel Wieviorka, la Démocratie à l’épreuve. Nationalisme, populisme, eth-nicité, La Découverte, coll. "Essais", Paris, 1993, 174 pages, 90 F.

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Sa démonstration n’emporte cependant pas tout à fait la conviction. Sans doute n’a-t-il pas tort de rappeler la dette de la modernisation économique et de la démocratie elle-même à l’égard de l’affirmation de la conscience nationale. Néanmoins, à l’heure de la transnationali-sation, l’État-nation ne constitue manifestement plus le cadre adapté à la régulation des échanges économiques et des conflits politiques, dont le défaut est précisément au coeur de l’aggravation actuelle de la crise mondiale. De même, la voie paraît étroite et incertaine qui pro-pose de "concilier les particularismes de la culture et les valeurs de la raison et de la démocratie" . Ne faudrait-il pas plutôt imaginer des so-lutions de rechange à l’affirmation identitaire sur des bases ethniques   Et s’il est vrai, comme le pense Michel Wieviorka, que cette affirma-tion n’est qu’une manière de revendiquer l’accès de plein droit à la modernité, pourquoi ne pas chercher du côté de la reconstitution de solidarités socio-professionnelles et de classe, par définition transna-tionales et transethniques ?

Bref, si les mouvements identitaires actuels mettent incontestable-ment la démocratie à l’épreuve, c’est aussi et surtout en ce qu’ils la confrontent aux limites que lui a imposées jusqu’à présent le cadre de l’État-nation. Avec la crise de ce dernier, c’est désormais au-delà du principe de nationalité et au-delà de l’État (et de la sphère strictement politique) qu’il s’agit de réinventer la démocratie.

Alain Bihr