Anticiper et prévenir l’impact humain d’un projet de ... · mise en place d’indicateurs RPS,...

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La lettre d’information de CAPITAL SANTE n°12 - Mars 2013 Romain Cristofini Fondateur et directeur général de CAPITAL SANTE – Julhiet Group Vice-Président de la FIRPS* Éditorial Anticiper et prévenir l’impact humain d’un projet de changement… pour mieux le réussir Le rythme effréné des changements organisationnels ne peut plus faire l’économie de la prise en compte de leur impact psychosocial sur les collaborateurs. Il s’agit d’intégrer la « variable santé » dans la conception puis la mise en œuvre du changement. Ne pas le faire est désormais risqué : pour la réussite du projet comme sur le plan juridique. Le constat est là : rares sont les projets de réorganisation qui intègrent dans leur conception la notion d’impact psychosocial. Est-ce dû aux cabinets de conseil en stratégie qui méconnaissent (ou négligent) cette dimension humaine du changement ? A des préjugés bien ancrés sur la résistance au changement (les individus y résisteraient par principe) qui évitent de regarder en face l’effort d’adaptation considérable qui est parfois demandé aux personnes ? On pourrait arguer du fait que les changements d’organisation ne datent pas d’hier, et qu’on ne s’embarrassait pas jusqu’ici du stress et du mal-être des collaborateurs pour les mener à bien. Certes. Mais les changements ne s’enchaînaient pas à la même cadence, la survie de l’entreprise n’y était pas directement liée à court ou moyen terme, et l’environnement socio-économique (crise, possibilité de retrouver un emploi, compétition mondialisée) étaient probablement moins anxiogènes. De récentes décisions de justice viennent de rappeler que la prise en compte de la santé des collaborateurs impactés par un changement organisationnel n’est pas un luxe mais bien une obligation pour l’em- ployeur : un projet de réorganisation peut être purement et simplement suspendu (voir Interview - Page 4). Ce qui se traduit concrètement par plusieurs mois de retard dans sa mise en œuvre et un coût potentiel- lement très élevé pour l’entreprise. Dès lors, comment anticiper puis minimiser l’impact psy- chosocial d’une transformation ? Force est de constater que les outils « réglementaires » de prévention des risques professionnels prévus par le Code du Travail – Document Unique et plans de préventions annuels– semblent quelque peu déconnectés de la réalité vécue au quotidien par les salariés : ils peuvent s’avérer inaptes pour répondre aux exigences temporelles et opérationnelles qu’exige la conduite du changement. Les expériences menées depuis deux ou trois ans ont permis de valider de nouvelles approches décrites dans le dossier central de ce numéro : étude d’impact psychosocial du projet, mise en place d’indicateurs RPS, expertise CHSCT, baromètre social du changement, sont autant d’outils pouvant s’insérer efficacement dans un processus de conduite du changement et contribuer efficacement à atteindre les objectifs recherchés. Les responsables RH impliqués dans la mise en œuvre du changement l’ont déjà compris : prendre en compte la santé et le bien-être des colla- borateurs ne constitue pas un frein supplémentaire au changement mais au contraire une opportunité d’échange avec les collaborateurs positive et très propice à leur réengagement. Bonne lecture ! Sommaire Pages 2 et 3 - Dossier central Accompagnement humain du changement : les outils pour préserver la santé des collaborateurs *FIRPS = Fédération des Intervenants en Risques Psychosociaux Une société de Page 4 L’interview de Nicolas de SEVIN, Avocat Associé et Emilie BOURGUIGNON, Avocat – CMS Bureau Francis Lefebvre

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La lettre d’information de CAPITAL SANTE

n°12 - Mars 2013

Romain Cristofi niFondateur et directeur généralde CAPITAL SANTE – Julhiet GroupVice-Président de la FIRPS* É d i t o r i a l

Anticiper et prévenir l’impact humain d’un projet de changement… pour mieux le réussirLe rythme effréné des changements organisationnels ne peut plus faire l’économie de la prise en compte de leur impact psychosocial sur les collaborateurs. Il s’agit d’intégrer la « variable santé » dans la conception puis la mise en œuvre du changement. Ne pas le faire est désormais risqué : pour la réussite du projet comme sur le plan juridique.

Le constat est là : rares sont les projets de réorganisation qui intègrent dans leur conception la notion d’impact psychosocial. Est-ce dû aux cabinets de conseil en stratégie qui méconnaissent (ou négligent) cette dimension humaine du changement ? A des préjugés bien ancrés sur la résistance au changement (les individus y résisteraient par principe) qui évitent de regarder en face l’effort d’adaptation considérable qui est parfois demandé aux personnes ? On pourrait arguer du fait que les changements d’organisation ne datent pas d’hier, et qu’on ne s’embarrassait pas jusqu’ici du stress et du mal-être des collaborateurs pour les mener à bien. Certes. Mais les changements ne s’enchaînaient pas à la même cadence, la survie de l’entreprise n’y était pas directement liée à court ou moyen terme, et l’environnement socio-économique (crise, possibilité de retrouver un emploi, compétition mondialisée) étaient probablement moins anxiogènes.

De récentes décisions de justice viennent de rappeler que la prise en compte de la santé des collaborateurs impactés par un changement organisationnel n’est pas un luxe mais bien une obligation pour l’em-ployeur : un projet de réorganisation peut être purement et simplement suspendu (voir Interview - Page 4). Ce qui se traduit concrètement par plusieurs mois de retard dans sa mise en œuvre et un coût potentiel-lement très élevé pour l’entreprise.

Dès lors, comment anticiper puis minimiser l’impact psy-chosocial d’une transformation ?

Force est de constater que les outils « réglementaires » de prévention des risques professionnels prévus par le Code du Travail – Document Unique et plans de préventions annuels– semblent quelque peu déconnectés de la réalité vécue au quotidien par les salariés : ils peuvent s’avérer inaptes pour répondre aux exigences temporelles et opérationnelles qu’exige la conduite du changement. Les expériences menées depuis deux ou trois ans ont permis de valider de nouvelles approches décrites dans le dossier central de ce numéro : étude d’impact psychosocial du projet, mise en place d’indicateurs RPS, expertise CHSCT, baromètre social du changement, sont autant d’outils pouvant s’insérer effi cacement dans un processus de conduite du changement et contribuer effi cacement à atteindre les objectifs recherchés.Les responsables RH impliqués dans la mise en œuvre du changement l’ont déjà compris : prendre en compte la santé et le bien-être des colla-borateurs ne constitue pas un frein supplémentaire au changement mais au contraire une opportunité d’échange avec les collaborateurs positive et très propice à leur réengagement.

Bonne lecture !

Sommaire

Pages 2 et 3 - Dossier central• Accompagnement humain du changement : 

les outils pour préserver la santé des collaborateurs

*FIRPS = Fédération des Intervenants en Risques Psychosociaux

Une société de

Page 4• L’interview de Nicolas de SEVIN, Avocat Associé et

Emilie BOURGUIGNON, Avocat – CMS Bureau Francis Lefebvre

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Bien-être et performance

L’étude d’impact psychosocial consiste à cartographier - en amont et avant que l’organisation cible ne soit totalement entérinée - les risques humains associés à un changement organisation-nel lourd et stratégique (réorga-nisation, restructuration, PSE). Cette démarche – nécessaire-ment confi ée au regard critique d’un cabinet externe - consiste à questionner méthodiquement les conséquences possibles du projet à l’aide d’une grille d’iden-tifi cation de facteurs reconnus comme potentiellement néfastes sur la santé et les conditions de

travail (voir ci-contre). L’analyse doit être réalisée sans conces-sion et ses conclusions ne sont remises qu’à la direction. Rapide à réaliser, l’étude d’impact psy-chosocial constitue un réflexe stratégique clé pour les Comités de direction et les concepteurs du projet.

Mode opératoire : analyse documentaire approfondie du projet et des données sociales existantes, entretiens avec la direction générale et les porteurs du projet. Utilisation d’une grille d’analyse spécifi que « Change-ment et RPS ».

Le recours à l’expertise par le CHSCT est devenu aujourd’hui quasi-systématique lors d’une procédure d’information-consul-tation. Souvent vécue comme une contrainte par la direction (notamment parce qu’elle ralentit la procédure), l’expertise – si elle est menée avec objectivité et rigueur – présente toutefois l’intérêt de mesurer la perception qu’ont les collaborateurs du changement annoncé, et ce, avant sa mise en œuvre effective. Parce qu’elle se place du point de vue des salariés et s’attache à mesurer les impacts possibles du changement sur leur santé et leurs conditions de travail, l’expertise amène nécessairement

des informations utiles à prendre en compte par les responsables

en charge du projet de changement. L’expertise peut aussi faire

apparaître des craintes infondées, des rumeurs ou des croyances

erronées auxquelles il conviendra de répondre car elles peuvent

elles-aussi alimenter le stress et l’anxiété suscités par le projet.

Mode opératoire le plus fréquent de l’expert : étude auprès

d’un échantillon de salariés concernés, interrogés au cours

d’entretiens individuels. Synthèse des risques potentiels sur la

santé et les conditions de travail et pistes d’actions prioritaires.

Quand le changement est stratégique ou particulièrement lourd, investir des moyens pour préserver la santé des personnes devient non seulement une nécessité sur le plan humain mais aussi un facteur de réussite du projet et de réengagement des équipes. Tour d’horizon des approches opérationnelles possibles.

Accompagnement humain du changement Les outils pour préserver la santé des collaborateurs

CAS 1. 

LES BÉNÉFICES D’UNE ÉTUDE D’IMPACT PSYCHOSOCIALLE PROJET EST ENCORE EN PHASE DE CONCEPTION

CAS 2. 

Impact psychosocial d’un changement organisationnel lourd : les questions à se poser

Quel est l’impact du projet de changement sur…

• La charge de travail de chacun au sein de l’organisa-tion cible ?

• Les compétences nécessaires à avoir/développer ?• Les procédures de travail ?• Les outils et systèmes (notamment métiers) ?• Les postes et emplois ?• L’organisation du travail ?• Le mode de management ?• La culture de l’entreprise ?• Les comportements/relations interpersonnelles ?• Le pouvoir/les centres décisionnels ?

Source : Méthode de Conduite du Changement D.Autissier, J-M. Moutot - 2010

LES APPORTS DE L’EXPERTISE CHSCT LE PROJET NECESSITE UNE INFORMATION-CONSULTATION

La vocation d’un baromètre « Santé et Changement » est triple : il vise à mesurer le niveau d’avancée des collaborateurs dans le changement (leur niveau d’information, de compréhension, d’adhésion et de par-ticipation au projet) tout en identifi ant les diffi cultés concrètes qu’ils rencontrent (dont certaines peuvent constituer des facteurs de stress) et le niveau de stress que cela peut engendrer chez eux. Le baromètre produit un jeu d’indicateurs, détecte si certaines équipes sont particulièrement fragilisées sur le plan psychologique et per-met de déclencher des actions correctrices adaptées. Plus globalement, le baromètre représente un outil d’écoute très apprécié des collaborateurs comme des porteurs du projet : il permet de remonter des sug-gestions d’ajustements organisationnels en plaçant le « terrain » au centre de toutes les attentions.

Mode opératoire : administration d’un questionnaire scientifique standardisé (mesure des facteurs et des niveaux de stress, avancé du changement) tous les 3 ou 4 mois. L’analyse des résultats peut nécessiter la mise en place de groupes de travail pour comprendre/ ajuster les diffi cultés rencontrées.

Outiller les managers dansune période de turbulenceLe management intermédiaire et de proxi-mité est le réel artisan du changement : il doit l’annoncer, l’expliquer aux équipes puis le mettre en œuvre tout en assurant la continuité de l’activité. Les managers sont donc les premiers confrontés au stress de leurs collaborateurs. Les traditionnelles for-mations autour de la « courbe de deuil ou du changement » ne peuvent pas suffi re à préparer le manager aux situations très

délicates qui peuvent survenir : comment réagir face aux émotions exacerbées que peut générer le projet (colère, tristesse, peur) ? Comment gérer les comportements inhabituels qu’il peut engendrer (agressivité, démotivation, absentéisme) ? Surtout, com-ment détecter les signaux d’une personne réellement fragilisée sur le plan psycholo-gique et comment agir effi cacement ?

Modalités pratiques des formations : session de 1 à 2 jours orientée vers la pra-tique (étude de cas et mises en situation).

Exemple de thématiques : apprendre à lire les signaux envoyés par une équipe ou une personne, à gérer une annonce diffi cile, à mener un entretien de soutien avec un collaborateur.

En savoir plus : http://www.capital-sante.fr/category/domaines-d-expertises/accompagne ment-humain-du-changement/

CAS 3. 

LE BAROMÈTRE « SANTÉ ET CHANGEMENT »LE PROJET EST EN PHASE DE DEPLOIEMENT

La lettre d’information La lettre d’information

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Bien-être et performance

Ils ont faitrécemment confi ance àCAPITAL SANTE :BAYER CNP ASSURANCESESSILORGROUPAMAGROUPE DOUXLABORATOIRES PIERRE FABRELA COMPAGNIE DES ENFANTSMINISTERE DE L’INTERIEURORPEA CLINEARB PHARMACEUTICALSRECKITT BENCKISERSAGESCHNEIDER ELECTRICTEVA SANTEUPSURSSAF NORD ARCAD

AGENCES : AIX-EN-PROVENCE / PARIS / LYON• Tour Hémilythe - 150, avenue Georges Pompidou13100 Aix-en-Provence

• 54, rue du faubourg Montmartre 75009 Paris• 40, quai Fulchiron 69005 Lyon

Standard : 04 42 12 55 62 Directeur de la publication : R. Cristofi ni Coordination : A. Gauton Conception, réalisation : MAYA press - www.mayapress.net - Tél. 0811 651 605

L’interview de…

> Nicolas de SEVINAvocat Associé CMS Bureau Francis Lefebvre

Emilie BOURGUIGNONAvocat CMS Bureau Francis Lefebvre

Que nous enseigne la jurisprudence récente en matière de RPS et de restructuration ?Les décisions rendues ces derniers mois, principalement par les juridictions du fond, démontrent qu’il n’est plus possible de rechercher un équilibre entre les impératifs économiques et/ou la liberté d’entreprendre de l’em-ployeur et le droit à la santé des salariés : la préservation de la santé des salariés prime sur tout.L’employeur étant tenu à une obligation de sécurité de résultat, les juges n’hésitent plus à suspendre les projets de réorganisation qui seraient attentatoires à la santé physique mais aussi mentale des salariés (TGI Paris 5 juillet 2011 AREVA ; CA Paris 13 décembre 2012 FNAC). Ces décisions interviennent dans la droite ligne de l’arrêt SNECMA rendu par la Cour de Cassation le 5 mars 2008 qui avait rejeté le pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt d’une Cour d’appel ayant suspendu la mise en œuvre d’une réorganisation au motif qu’elle était « de nature à compromettre la santé et la sécurité des travailleurs concernés ».Les représentants du personnel,  principalement le CHSCT, sont très sensibles à ces problématiques. Ils ont davantage recours aux expertises et n’hésitent plus à saisir les juridictions dès que, selon eux et au vu du

rapport de l’expert, la santé des salariés n’a pas été suffi samment prise en compte dans le cadre du projet.

Quelles sont les conséquences pour les entreprises projetant une réorganisation ?Il n’est plus suffisant, lorsqu’une restructuration est envisagée, d’exposer aux représentants du personnel la justifi cation du projet et ses effets sur l’emploi. Un troisième volet essentiel doit aujourd’hui être abordé, celui de la santé des salariés impactés. Les décisions récentes, et plus particulièrement l’arrêt FNAC de la Cour d’appel de Paris, démontrent qu’il est indispensable de mener, en amont, une réfl exion appro-fondie afi n d’identifi er les potentiels risques, notamment psychosociaux, engendrés par le projet. Cette analyse doit comporter des éléments qualitatifs mais également quantitatifs, notamment s’agissant de l’impact de la réor-ganisation sur la charge de travail des salariés restants.Cette première étape accomplie, l’employeur doit déter-miner les moyens de prévention et d’accompagnement qu’il entend mettre en œuvre.Ces éléments doivent être présentés aux représentants du personnel, et principalement au CHSCT, sous peine de voir le projet suspendu.

A PROPOS DE CAPITAL SANTE Depuis 2002, CAPITAL SANTE (Groupe JULHIET) propose une gamme d’interventions permettant d’accompagner l’entreprise dans trois domaines : • Prévenir et gérer les RPS• Favoriser la santé psychologique dans les projets de changements• Promouvoir la Qualité de vie au travailCAPITAL SANTE est expert CHSCT agréé par le Ministère du travail, habilité IPRP et membre fondateur de la FIRPS (Fédération des Intervenants en Risques Psychosociaux)Pour en savoir plus : www.capital-sante.fr.

RPS et restructurations La jurisprudence s’est récemment renforcée et impose une réelle prise en compte des RPS en cas de projet de réorganisation. Sous peine de suspendre ce dernier….

CAPITAL SANTE classé 1er et « incontournable » dans le premier classement offi ciel des cabinets spécialisés dans la prévention des RPS établi par le magazine Décideurs.

Retrouvez le classement sur www.capital-sante.fr