ANTHOLOGIE POETIQUE - Français Première · compare les femmes à des fleurs, auxquelles on...

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ANTHOLOGIE POETIQUE Thème : LA FEMME LABEAU Meyghane JAMETAL Maelly , 1ère S2

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ANTHOLOGIE

POETIQUE

Thème : LA FEMME

LABEAU Meyghane

JAMETAL Maelly , 1ère S2

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Pour nous la poésie est un moyen de s'échapper, de faire découvrir aux autres

un monde que nous avons choisi de construire à notre manière, une façon de

s'exprimer, de pouvoir dire ce que nous pensons. Nous n'accordons pas beaucoup de place à la poésie car cela ne nous intéresse

pas forcement, mais c'est une chose que nous affectionnons particulièrement.

La femme est au centre du monde mais aussi au cœur des hommes. Depuis

toujours, à chaque époque (antiquité, moyen âge, temps moderne), la femme a

été l'inspiratrice de plusieurs poètes. Jusqu'à aujourd'hui il est resté le plus beau

des sujets. La femme de part sa beauté incontestable, sa grâce, sa douceur, son

élégance, sa sensualité, ses charmes, sa beauté a été comparée à tous les plus

beaux trésors du monde. Évocatrice d'admiration, de fougue, d'amour

passionnel, de désir ardent, elle a été mise en avant par le talent des plus grands

poètes.

Le premier poème est écrit par Esther GRANECK (1927) lors du 20ème siècle

en 1981, et issu du recueil Je cours après mon ombre. Dans son poème

« Enceinte », il est question de plusieurs grossesses qui cohabitent en même

temps. « Chaque voyage est le rêve d'une nouvelle naissance », elle a voulu le

dire comme une métaphore. Elle n'est pas réellement enceinte, tout se bouscule

dans sa tête, des mirages, des chimères, des regrets, tout cohabite dans sa tête,

dans tout son être et est sans limite. Ces sentiments qui l'envahissent de partout,

qui sont pesants, et qui durent assez longtemps, font référence à une grossesse.

Esther Graneck est une poétesse Belge de langue française qui a publié

plusieurs recueils. Certains de ses poèmes ont été dits à la radio en 1988. Elle

n'accorde aucune confiance à l'arbitraire des mots mis en chaos, ses recueils

antérieurs en témoignent.

Un peu plus tôt, au 19ème siècle, Gérard De NERVAL (1808-1855) écrit « Une

femme est l'amour » issu du recueil Poésies diverses. Ce poème reflète

l'importance de la femme et ses multiples capacités. Une femme n'est pas

seulement une femme. Dans ce poème, Gérard De NERVAL explique qu'une

femme est aussi une mère aux enfants qu’elle met au monde et qu’elle éduque

jusqu’à leur envol. La femme est un tout comme « le pilier », tout repose sur

elle ; fatiguée à tout le temps travailler elle a besoin d'aide : « l'homme à sa voix

s'élève et son front s'éclaircit ». Quand la femme a besoin d'aide l'homme est là

aussi pour la soutenir et l'aider dans ses rôles difficiles. Gérard De NERVAL est

connu comme précurseur de toutes formes de surnaturalisme moderne ; c'était

un poète et écrivain. En 1841, il eu pour la première fois une crise

d'hallucination ; il parle de cet évènement comme une expérience d'ordre

poétique. Il fut interné à plusieurs reprises à cause de ses hallucinations qui

influencèrent ses œuvres entières marquées d’un sentiment profond de la dualité

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de l'âme humaine, jouant sur des antithèses entre la réalité et le songe, le présent

et le passé, la vie et la mort, la lumière et l 'obscurité, ou la femme joue un rôle

essentiel.

Toujours au 19ème siècle, un poète nommé Charles CROS (1842-1888), a écrit

« Il y a des moments où les femmes sont fleurs » issu du recueil Le collier de

griffes. Ce poème passe un message délicat et à la fois dur. Charles CROS

compare les femmes à des fleurs, auxquelles on n’accorde aucun respect, le

respect qu’elles méritent, nous parlons d’elles et nous les salissons. Il démontre

parfaitement que la femme n'est pas un ustensile dont on se sert, qu'il n'y a aura

rien en retour ne serait-ce que son amour et son dévouement. Une femme se

mérite, elle a de la valeur et il ne faut point s'en plaindre. Charles CROS est un

poète et inventeur français, il a fait ses débuts dans « L'artiste » en 1869. Il

publie ses premières œuvres dans « Le parnasse contemporain », ainsi que dans

le salon de « Nina de villard », mais il est davantage connu pour ses

monologues.

« A une passante » est un poème écrit parles Charles BAUDELAIRE (1821-

1867) au 19ème siècle, publié dans la revue « L'artiste » en 1855. Il a été

recueilli deux années plus tard dans la deuxième édition des « Fleurs du mal ».

Empruntant la forme du sonnet, le poème l’a modifiée néanmoins : les rimes des

deux quatrains sont différentes et le thème qu'il explore déborde sur le premier

hémistiche du premier tercet au lieu de s'interposer à la rupture conventionnelle

entre quatrains et tercets. Charles BAUDELAIRE parle d'une rencontre qui se

réalise dans un contexte sonore. Il croise le regard d’une femme qui passe et il

est ébloui par sa beauté et sa noblesse. Quand elle disparaît tout à coup dans la

foule, il devient découragé. Mais malgré la brièveté de l’instant, il découvre

qu’il se sent profondément touché par l’expérience. Charles BAUDELAIRE est

un poète français. Nourri de romantisme tourné vers le classicisme, il est à la

croisée entre le Parnasse et le symbolisme. Il chante la modernité.

BAUDELAIRE occupe une place importante parmi les poètes français. Comme

le suggère le titre de son recueil, il a tenté de tisser des liens entre le mal et la

beauté, le bonheur fugitif, l'idéal inaccessible et la femme.

Toujours lors du 19ème siècle, en 1879 Victor HUGO (1802-1885) écrit

« O femmes ! chastetés augustes » issu du recueil Toute la lyre. Le poète

met en avant la puissance des femmes. Il les contemple, les vénère de là où

il se trouve. Il en parle comme si c'était le diamant le plus précieux, auquel

il procure bien plus que du respect. Victor HUGO est un poète, dramaturge

et prosateur romantique considéré comme l'un des plus important écrivains

de la langue française.

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« Amitié de femme » est un poème issu du recueil recueillements poétiques paru en 1839 et écrit par Alphonse de Lamartine. Ce poème est une déclaration d’amour à une certaine madame L. Alphonse de Lamartine est né en 1790 et est mort en 1869. Il pratique le romantisme et chante l’amour. Lamartine marque une étape dans l’histoire de la poésie française avec sa musique propre. Il est aussi le fondateur de la redéfinition lente de la poésie.

« A une femme » est un poème issu du recueil cendres et poussière écrit en 1902 par Renée Vivien. Renée Vivien est une poétesse du XX siècle. Dans les années 1900 elle a été surnommée « Sapho 1900 » par André Billy. C’est la première poétesse francophone qui exprime ouvertement son attirance physique pour les femmes. Ces vers rappellent ceux de Baudelaire et Verlaine chantant les amours lesbiennes. Elle a incité d’autres poétesses à afficher leur homosexualité. Dans ce poème, Renée Vivien décrit la femme dans différentes situations d’amour.

« Baise m’encor, rebaise-moi et baise » est un poème issu du recueil 24 sonnets écrit en 1555 par Louise Labé. Louise Labé est née en 1524 et est morte en 1566. C’est une poétesse de la renaissance très audacieuse et osée pour son temps que l’on surnommait « la belle cordière ». Dans sa poésie elle revendique la femme, la liberté de parole amoureuse, l’indépendance de pensée et le droit à l’éducation. A l’époque, le mot baiser signifiait embrasser. Dans ce poème elle exprime la passion amoureuse et beaucoup de sincérité. Dans beaucoup de ses poèmes et en particulier dans celui-ci elle considère l’homme comme un objet.

« La courbe de tes yeux » est un poème issu du recueil « Capital de la

douleur » écrit en 1926 par Paul Eluard. Paul Eluard est un poète

surréaliste et dadaïste.

Ce poème chante les yeux d'une femme mais qui ne se limite pas qu'au

sens physique. La description de a femme aimée dépasse donc celle de sa

simple beauté. La femme donne sens à tout. L'homme dépend trop de la

femme « Le monde entier dépend de tes yeux purs ».

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Le poème est marqué par l’influence du surréalisme. La femme aimée

devient celle qui permet la renaissance du poète et la création poétique.

Aussi, elle est essentiellement décrite à travers ses yeux. Elle est tout pour

le poète elle est divinisé par le poète. Elle apparait comme une déesse toute

puissante.

« Femme noire » est un poème de Léopold Sédar Senghor (1906-1981) issu d’un recueil intitulé chant d’ombres (1945). Ce poème appartient aux œuvres dites de la négritude, mouvement littéraire créé par des écrivains noirs francophones. Le poète met en avant la beauté féminine mais aussi la terre d’origine (l’Afrique). Le poème se présente comme une ode où la femme est comparée à toute sorte d’image. Dans la dernière strophe du poème, Senghor chante la beauté de la femme noire pour la rendre éternelle.

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ENCEINTE

Je suis enceinte de prés verts…

Je porte en moi des pâturages…

Que mon humeur soit drôle ou sage,

je suis enceinte de prés verts…

Belle est l’image !

Doux le langage…

“Je porte en moi des pâturages…”

Et tout à la fois, mais qu’y faire ?

je suis enceinte de déserts.

Et de mirages.

Et de chimères

De grands orages.

De regrets à tort à travers.

De rires à ne savoir qu’en faire.

Et mes grossesses cohabitent.

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ESTHER GRANECK

Une femme est l'amour

Une femme est l'amour, la gloire et l'espérance ;

Aux enfants qu'elle guide, à l'homme consolé,

Elle élève le cœur et calme la souffrance,

Comme un esprit des cieux sur la terre exilé.

Courbé par le travail ou par la destinée,

L'homme à sa voix s'élève et son front s'éclaircit ;

Toujours impatient dans sa course bornée,

Un sourire le dompte et son cœur s'adoucit.

Dans ce siècle de fer la gloire est incertaine :

Bien longtemps à l'attendre il faut se résigner.

Mais qui n'aimerait pas, dans sa grâce sereine,

La beauté qui la donne ou qui la fait gagner ?

GERARD DE NERVAL

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Il y a des moments où les femmes sont fleurs

Il y a des moments où les femmes sont fleurs ;

On n'a pas de respect pour ces fraîches corolles...

Je suis un papillon qui fuit des choses folles,

Et c'est dans un baiser suprême que je meurs.

Mais il y a parfois de mauvaises rumeurs ;

Je t'ai baisé le bec, oiseau bleu qui t'envoles,

J'ai bouché mon oreille aux funèbres paroles ;

Mais, Muse, j'ai fléchi sous tes regards charmeurs.

Je paie avec mon sang véritable, je paie

Et ne recevrai pas, je le sais, de monnaie,

Et l'on me laissera mourir au pied du mur.

Ayant traversé tout, inondation, flamme,

Je ne me plaindrai pas, délicieuse femme,

Ni du passé, ni du présent, ni du futur !

CHARLES CROS

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A UNE PASSANTE

La rue assourdissante autour de moi hurlait.

Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,

Une femme passa, d’une main fastueuse

Soulevant, balançant le feston et l’ourlet;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.

Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,

Dans son oeil, ciel livide où germe l’ouragan,

La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair… puis la nuit! - Fugitive beauté

Dont le regard m’a fait soudainement renaître,

Ne te verrai-je plus que dans l’éternité?

Ailleurs, bien loin d’ici! trop tard! jamais peut-être!

Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,

O toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais!

CHARLES BAUDELAIRE

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Ô femmes ! Chastetés augustes

Ô femmes ! chastetés augustes ! fiertés saintes !

Pudeur, crainte sacrée entre toutes les craintes !

Farouche austérité du front pensif et doux !

Ô vous à qui je veux ne parler qu'à genoux,

Dont la forme est si noble en notre chaos sombre,

Qu'on ne se souvient plus, en la voyant dans l'ombre,

De rien que de divin et de mystérieux,

Sorte d'oubli tombé sur la terre des cieux,

Etres charmants créés pour la plus haute sphère ;

Ô femmes, parmi nous que venez-vous donc faire ?

Alors questionnant l'inconnu, l'inouï,

Aux voix qui disent non tâchant d'arracher oui

J'écoute, et je regarde, et, plein de rêveries,

Je vais au Luxembourg, je vais aux Tuileries,

Parlant à tout ce qui va, vient, passe, et cherchant

La réponse à ce cri vague et pur comme un chant ;

Et toujours, et partout, et de toutes les femmes,

De celles-ci, les cœurs, de celles-là, les âmes,

Du brun regard, de l'œil voilé de blonds cheveux,

Sort un sourire immense aux enfants, ces aveux.

VICTOR HUGO

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Amitié de femme

À Madame L. sur son album. Amitié, doux repos de l'âme, Crépuscule charmant des cœurs, Pourquoi dans les yeux d'une femme As-tu de plus tendres langueurs ? Ta nature est pourtant la même ! Dans le cœur dont elle a fait don Ce n'est plus la femme qu'on aime, Et l'amour a perdu son nom. Mais comme en une pure glace Le crayon se colore mieux, Le sentiment qui le remplace Est plus visible en deux beaux yeux. Dans un timbre argentin de femme Il a de plus tendres accents : La chaste volupté de l'âme Devient presque un plaisir des sens. De l'homme la mâle tendresse Est le soutien d'un bras nerveux, Mais la vôtre est une caresse Qui frissonne dans les cheveux. Oh ! laissez-moi, vous que j'adore Des noms les plus doux tour à tour, O femmes, me tromper encore Aux ressemblances de l'amour ! Douce ou grave, tendre ou sévère, L'amitié fut mon premier bien : Quelque soit la main qui me serre, C'est un cœur qui répond au mien. Non, jamais ma main ne repousse Ce symbole d'un sentiment ; Mais lorsque la main est plus douce, Je la serre plus tendrement.

Alphonse de LAMARTINE

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À une Femme

Tendre à qui te lapide et mortelle à qui t’aime, Faisant de l’attitude un frisson de poème, O Femme dont la grâce enfantine et suprême Triomphe dans la fange et les pleurs et le sang,

Tu n’aimes que la main qui meurtrit ta faiblesse, La parole qui trompe et le baiser qui blesse, L’antique préjugé qui meurt avec noblesse Et le désir d’un jour qui sourit en passant.

Férocité passive, âme légère et douce, Pour t’attirer, il faut que le geste repousse : Ta chair inerte appelle, en râlant, la secousse Et l’effort sans beauté du mâle triomphant.

Esclave du hasard, des choses et de l’heure, Être ondoyant, en qui rien de vrai ne demeure, Tu n’accueilles jamais la passion qui pleure Ni l’amour qui languit sous ton regard d’enfant.

Le baume du banal et le fard du factice, L’absurdité des lois, la vanité du vice Et l’amant dont l’orgueil contente ton caprice, Suffisent à ton cœur sans rêve et sans espoir.

Jamais tu ne t’éprends de la grâce d’un songe, D’un reflet dont le charme expirant se prolonge, D’un écho dans lequel le souvenir se plonge, Jamais tu ne pâlis à l’approche du soir.

Renée Vivien, Cendres et Poussières, 1902

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Baise m'encor, rebaise-moi et baise

Baise m'encor, rebaise-moi et baise ; Donne m'en un de tes plus savoureux, Donne m'en un de tes plus amoureux : Je t'en rendrai quatre plus chauds que braise. Las ! te plains-tu ? Çà, que ce mal j'apaise, En t'en donnant dix autres doucereux. Ainsi, mêlant nos baisers tant heureux, Jouissons-nous l'un de l'autre à notre aise. Lors double vie à chacun en suivra. Chacun en soi et son ami vivra. Permets m'Amour penser quelque folie : Toujours suis mal, vivant discrètement, Et ne me puis donner contentement Si hors de moi ne fais quelque saillie.

Louise Labé, 24 sonnets, 1555

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La courbe de tes yeux

La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur, Un rond de danse et de douceur, Auréole du temps, berceau nocturne et sûr, Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu C’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée, Roseaux du vent, sourires parfumés, Ailes couvrant le monde de lumière, Bateaux chargés du ciel et de la mer, Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

Parfums éclos d’une couvée d’aurores Qui gît toujours sur la paille des astres, Comme le jour dépend de l’innocence Le monde entier dépend de tes yeux purs Et tout mon sang coule dans leurs regards.

Paul Eluard, Capitale de la douleur, 1926

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Femme nue, femme noire

Femme nue, femme noire

Vétue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté

J'ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeux

Et voilà qu'au coeur de l'Eté et de Midi,

Je te découvre, Terre promise, du haut d'un haut col calciné

Et ta beauté me foudroie en plein coeur, comme l'éclair d'un aigle

Femme nue, femme obscure Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma bouche Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d'Est Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l'Aimée

Femme noire, femme obscure Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l'athlète, aux flancs des princes du Mali Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.

Délices des jeux de l'Esprit, les reflets de l'or ronge ta peau qui se moire

A l'ombre de ta chevelure, s'éclaire mon angoisse aux soleils prochains

de tes yeux.

Femme nue, femme noire

Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l'Eternel

Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les

racines de la vie.

Léopold Sédar Senghor

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