Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 - OpenEdition

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Annuaire suisse de politique de développement 14 | 1995 Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/aspd/1436 DOI : 10.4000/aspd.1436 ISSN : 1663-9669 Éditeur Institut de hautes études internationales et du développement Édition imprimée Date de publication : 1 février 1995 ISSN : 1660-5934 Référence électronique Annuaire suisse de politique de développement, 14 | 1995, « Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 » [En ligne], mis en ligne le 03 mai 2013, consulté le 02 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ aspd/1436 ; DOI : https://doi.org/10.4000/aspd.1436 Ce document a été généré automatiquement le 2 octobre 2020. © The Graduate Institute | Geneva

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Annuaire suisse de politique dedéveloppement 

14 | 1995Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995

Édition électroniqueURL : http://journals.openedition.org/aspd/1436DOI : 10.4000/aspd.1436ISSN : 1663-9669

ÉditeurInstitut de hautes études internationales et du développement

Édition impriméeDate de publication : 1 février 1995ISSN : 1660-5934

Référence électroniqueAnnuaire suisse de politique de développement, 14 | 1995, « Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 » [Enligne], mis en ligne le 03 mai 2013, consulté le 02 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/aspd/1436 ; DOI : https://doi.org/10.4000/aspd.1436

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SOMMAIRE

Préliminaires

IntroductionJacques Forster

Revue

I. Situation économique

II. Négociations internationales

III. Politique intérieure et extérieure

IV. Culture et science

V. Politique économique extérieure

VI. Coopération au développement et aide humanitaire

VII. Coopération de la Confédération avec l’Europe de l’Est

Analyses et positionsLes lignes directrices Nord-Sud de la Suisse – La cohérence des politiques dans les relations entre l'Indonésie et laSuisse

Introduction

La Suisse et les relations Nord-Sud dans les années 1990Adrian Hadorn

Réflexions sur le thème de la cohérencePeter Maurer

Pour une politique suisse plus cohérente envers les pays du SudQuelques réflexion critiques à partir du cas de l’IndonésieJean-Luc Maurer

Cohérence et cohésion dans la coopération au développementGünther Baechler

Image directrice Nord-Sud : la cohérence à l’exemple de l’IndonésieViolette Ruppanner et Matthias Meyer

Cohérence des relations entre la Suisse et l’IndonésieKonrad Specker et Hans Peter Maag

Évaluation économique et réflexions sur la cohérence des relations helvético-indonésiennes :point de vue d’une banqueMax Schieler

Problèmes de cohérence dans les relations Suisse – IndonésieAndreas Zürcher

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La cohérence dans la politique extérieure suisse : l’exemple indonésienMargrit Meier

Sur la voie d’une politique de développement cohérente ?Le cas de l’IndonésieRichard Gerster

Les relations Suisse-Indonésie à la lumière des nouvelles directives relatives aux relationsNord-SudMarkus Kupper et Robert Jenny

Questions politiques et développement durable au centre des problèmes de cohérenceRapport de synthèseMonika Egger et Jacques Forster

Annexes

Annexe 1 – Rapport du Conseil fédéral sur les relations Nord-Sud de la Suisse dans lesannées 90 (Lignes directrices Nord-Sud)

Annexe 2 – L’IndonésieThomas Greminger

Analyses et positions

La coopération suisse au développement dans le contexte internationalL’aide publique suisse au développement vue par l’OCDE et l’évolution de la notion d’« aide publique audéveloppement » au sein de l’OCDEThomas Greminger

Mécanismes du consensus : le corporatisme pluraliste dans la politique suisse dudéveloppementPeter Hug et Beatrix Mesmer

La Suisse et les nouveaux efforts internationaux pour juguler la corruption dans le mondeMark Pieth

Bibliographie

BibliographieRené Barbey et Viviane Maislisch

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Statistiques

1. Commerce

2. Flux financiers

3. Aide publique au développement

4. Appendice

Principales abréviations

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Préliminaires

A la mémoire de Piergiorgio Cancellieri

1 Au début du mois de juillet 1994, Piergiorgio Cancellieri, collaborateur de l’Annuaire

Suisse – Tiers Monde, mourait à Genève à l’âge de trente neuf ans. Après un diplôme ensciences politiques à l’Université de Genève et un diplôme en études du développementà l’IUED, Piergiorgio Cancellieri, très concerné par les problèmes de développement, atravaillé à l’UNICEF. Simultanément, il a enseigné aux Universités de Lyon et de Padoue.

2 Dans le cadre de l’Annuaire Suisse – Tiers Monde, il a régulièrement réuni, analysé et

commenté les statistiques des relations commerciales entre la Confédération et les paysdu Sud. Citoyen du monde, ouvert, généreux, modeste… les qualificatifs ne manquentpas pour décrire cet homme hors du commun, qui se consacrait plus aux autres qu’àlui-même, gardant toujours son sourire et son humour. En hommage à son engagementet à son courage, nous lui dédions cet Annuaire Suisse – Tiers Monde 1995.

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IntroductionJacques Forster

1 En avril 1994, le Conseil fédéral a publié un important rapport sur les relations Nord-

Sud de la Suisse dans les années 90. Ces « Lignes directrices Nord-Sud » doiventpermettre aux autorités fédérales de conduire « une politique cohérente enversle Sud » en prenant en compte non seulement la coopération au développement, maisl’ensemble des relations de la Suisse avec les pays en développement. La Suisse est ainsil’un des premiers pays à répondre à l’appel que le Comité d’aide au développement del’OCDE (CAD) a lancé à ses membres les invitant à avoir une vue d’ensemble des diversesdimensions de leurs relations avec les pays en développement et à rendre pluscohérentes les politiques correspondantes.

2 Cette recherche de cohérence n’est certes pas nouvelle. Dans les années 1960 déjà,

lorsque les pays en développement demandaient aux pays industrialisés d’ouvrir leursmarchés, la formule d’alors « trade not aid » ne traduisait-elle pas une demande pourplus de cohérence ? Dans le contexte actuel des relations Nord-Sud, cet appel revêtcependant un caractère nouveau, plus ample et plus pressant.

3 Plus ample, parce que les enjeux des relations Nord-Sud vont aujourd’hui bien au-delà

des aspects économiques. Si importants que demeurent les problèmes liés auxcommerce, au financement international du développement, au transfert detechnologie, ils ne constituent qu’une dimension de ces relations aux côtés desquestions globales – environnement, migrations, trafic de drogue, etc. – qui affectenttoute la communauté mondiale et qui ne peuvent être gérées que par la coopérationinternationale. En outre, les questions économiques ne sauraient être isolées des autresproblèmes globaux. Les récentes grandes conférences internationales surl’environnement, sur la population ont abondamment mis en évidence les rapports quilient entre elles ces problématiques majeures de la fin du XXe siècle.

4 Cet appel à davantage de cohérence est aussi plus pressant parce que l’évolution des

dernières années a montré les limites d’une coopération au développement dont leprincipal instrument serait le transfert de ressources à des conditions de faveur. Lechamp de la coopération internationale au développement devient en effet de plus enplus large. Sur le plan géographique d’abord, la liste des pays en développement inclutdorénavant certains pays de l’ancien monde communiste. En second lieu, la gamme des

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activités faisant partie de l’aide publique au développement (APD) s’est élargie pourinclure par exemple la lutte contre la drogue ou l’appui aux processus dedémocratisation. En dépit de ces nouvelles tâches, les ressources mises à disposition dela coopération au développement se font cependant plus rares du fait de la crise quitouche les finances publiques de beaucoup de pays fournisseurs, y compris la Suisse. Onne peut plus de façon crédible prétendre couvrir un champ plus large avec des moyensréduits sans modifier profondément l’approche. La volonté déclarée de chercher àréduire les contradictions entre les divers aspects de la politique vis-à-vis des pays endéveloppement est la réponse que l’OCDE propose à ses membres et à leurs partenairesdans le Sud.

5 Une plus grande cohérence permettrait d’accroître l’efficacité de la coopération au

développement en réduisant le risque de voir par exemple la politique commercialeprotectionniste d’un pays du Nord ruiner les efforts de diversification des exportationsencouragés par la coopération au développement de ce même pays. En outre, lacohérence des politiques est un élément essentiel de la crédibilité des pays qui, par lebiais de la coopération au développement, interviennent, au moins par leurs conseils,dans la formulation des politiques et émettent force recommandations sur la bonnegestion des affaires publiques (« good governance ») de nombreux pays endéveloppement. Trop souvent, des politiques incohérentes, des écarts entre les discourset les actes mettent à mal le crédit des donneurs de conseils.

6 L’approche de la cohérence des politiques paraît donc prometteuse ; mais comment

faut-il la mettre en œuvre ? Quel champ couvre-t-elle ? Quels sont les acteursconcernés ? C’est dans cette perspective que nous avons voulu marquer la publicationdu rapport du Conseil fédéral en y consacrant le dossier de l’Annuaire 1995. Notrepropos est d’apporter des éléments de réponses à ces questions à l’aide d’une étude decas – l’Indonésie – et avec la participation de personnalités issues des milieuxconcernés : Administration fédérale bien sûr, mais aussi économie privée, ONG,syndicats et chercheurs.

7 A côté de ce dossier, la partie « Analyses et positions » comprend cette année trois

contributions :

un regard historique sur la formulation de la politique suisse de coopération au

développement ;

les instruments suisses de lutte contre la corruption ;

la coopération suisse vue à travers les examens du Comité d’aide au développement de

l’OCDE.

8 L’Annuaire Suisse – Tiers monde 1995 comprend également :

une revue des événements, survenus jusqu’en octobre 1994 et ayant trait aux relations de

la Suisse avec les pays en développement. Cette revue traite non seulement de nombreux

domaines des relations bilatérales (y compris la coopération publique de la Suisse avec les

pays d’Europe centrale et de l’ex-URSS), mais elle rend aussi compte des activités des

organisations internationales touchant aux questions de développement et du rôle qu’y joue

la Suisse ;

une bibliographie des ouvrages, articles et documents parus depuis l’achèvement de

l’Annuaire 1994 sur les relations Suisse – Tiers monde ;

un recueil des statistiques portant sur le commerce, les flux financiers et l’aide publique au

développement ;

un index analytique se référant à la partie revue.

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9 Ce nouveau volume marque une étape importante dans l’histoire de l’Annuaire Suisse –

Tiers monde. En effet, pour la première fois, nous publions deux éditions monolinguesde l’Annuaire : l’une entièrement en allemand, l’autre entièrement en français. Noslecteurs germanophones et francophones auront ainsi accès dans leur languematernelle à l’ensemble des textes que nous publions, ce qui n’était le cas jusqu’ici quepour la partie « Revue » de la publication.

10 Avec cette innovation, notre ambition est bien sûr d’améliorer la diffusion de

l’Annuaire en Suisse et de faciliter les échanges d’idées de part et d’autre de la Sarine.Nous voulons aussi faciliter l’accès à notre publication à ceux qui, en Europe et dans lemonde francophone, s’intéressent aux relations Nord-Sud d’un petit pays qui, grâce àson adhésion récente aux institutions de Bretton Woods, joue désormais dans lacoopération au développement un rôle qui correspond mieux à sa place dansl’économie mondiale.

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11 La nouvelle formule de l’Annuaire exige encore plus de tous ceux qui participent à sa

réalisation : l’effort à fournir est plus grand et les délais plus serrés. La collecte desdonnées, leur présentation synthétique et claire, la vérification de leur exactitude sontle fruit du travail collectif des responsables des différentes parties de l’Annuaire encollaboration avec les experts de l’Administration fédérale, d’associations faîtières etdes œuvres d’entraide qui les conseillent avec autant de compétence que d’amabilité. Jetiens à les remercier chaleureusement ici ainsi que les auteurs des articles que nouspublions dans la partie « Analyses et positions ». Enfin, ma gratitude va à mes collèguesqui ont assuré la traduction et l’édition de cet ouvrage.

AUTEUR

JACQUES FORSTER

Professeur à l’IUED Responsable du Comité de rédaction

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Monika Egger et Gérard Perroulaz (dir.)

Revue

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I. Situation économique

1.1. Situation économique en 1993 par régions

1 En cette époque de bouleversements structurels où quantité d’Etats passent d’une

économie dirigée à l’économie de marché, leur classification dans les différentescatégories évolue rapidement. Les organisations et institutions internationales – OCDE,Banque mondiale, Fonds monétaire international et ONU – tiennent chacune leurpropre liste de pays. Les auteurs du présent Annuaire basent leurs analyses sur lesdifférentes sources statistiques dont ils disposent, lesquelles ne sont pas directementcomparables entre elles. Par exemple les chiffres de l’endettement extérieur ou des fluxde capitaux varient selon qu’ils émanent de la Banque mondiale ou de l’OCDE. Lalectrice ou le lecteur trouvera dans le texte ou les tableaux le nom de l’organisation quia servi de source aux chiffres indiqués. Notre revue de la situation économique en 1993repose pour l’essentiel sur les données du rapport annuel de la Banque des règlementsinternationaux (BRI), qui utilise les statistiques du FMI et de l’OCDE à côté de sespropres calculs basés sur les indications des pays concernés.

2 La relance de l’économie mondiale, que l’on attendait pour 1993, s’est manifestée dans

moins de pays que prévu. Le produit intérieur brut (PIB) a progressé d’à peine un pourcent sur l’ensemble de la planète, ce qui traduit une conjoncture mondiale languissantepour la troisième année consécutive. Les différences régionales sont cependant trèsmarquées, ainsi que l’illustre le tableau No 1 sur l’évolution de la production mondiale.

3 Nous limiterons notre analyse de la situation économique mondiale en 1993 à un tour

d’horizon global, sans entrer dans le détail des différents pays. Notre propos est dedéfinir à grands traits le contexte dans lequel se sont déroulées les relationsmultilatérales et bilatérales de la Suisse en 1993.

Pays industrialisés

4 La conjoncture s’est améliorée aux Etats-Unis, au Canada, en Australie, en Nouvelle-

Zélande et en Grande-Bretagne. Ainsi, les pays entrés les premiers dans la phase derécession ont formé en 1993 le peloton de tête du redressement conjoncturel. Le Japonet les pays du continent européen ont vécu une nouvelle année de récession marquée

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par un recul de la production (–0,3 % en tout). Près d’un pays sur deux a connu des tauxde croissance négatifs. C’est la Finlande qui a subi la plus forte récession en 1993,

comme d’ailleurs en 1992. Le produit intérieur brut de la Suisse a marqué quant à luiun recul de 0,9 pour cent. En Europe, un chômage considérable, et l’attitude réservéedes consommateurs privés confrontés à la stagnation des revenus réels, sont allés depair avec un recul des investissements des entreprises. L’Allemagne, en particulier, avécu une nouvelle et forte récession en 1993. Le chômage a touché en 1993 un total de35 millions de personnes dans les pays de l’OCDE, ce qui représente un taux de 8,5pour cent. Les plus atteints ont été les pays de l’Union européenne, avec un taux dechômage dépassant 11 pour cent. En Suisse, ce taux est monté à 4,8 pour cent. Un totalde 160’000 emplois – soit 4,5 pour cent de l’ensemble – ont été supprimés en l’espace dedeux ans dans notre pays. Outre le recul de la production intérieure, cette récession aété caractérisée par un alourdissement de la dette publique. Le seul point réjouissant aété le niveau très généralement faible de l’inflation. Les premiers signes d’un lentrétablissement de l’économie européenne se sont manifestés au cours du premiersemestre 1994, surtout grâce à une relance des exportations. Mais cette reprise de laproduction n’est pas accompagnée d’un mouvement analogue du côté de l’emploi, cequi tempère les espoirs de voir le chômage diminuer.

Tableau No 1. Croissance de la production mondiale1

1) Les taux de croissance moyens pour les pays industriels sont calculés sur la base despondérations du PIB et des cours de change de 1991 et, pour l’Europe orientale (Allemagne de l’Estcomprise jusqu’en 1991), du PIB et des cours de change de 1991. Les autres moyennes sontobtenues à partir des pondérations du PIB et des cours de change de 1984-86 et incluent tous lespays à PIB égal ou supérieur à $EU 100 millions en 1985.2) Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, Australie et Nouvelle-Zélande.3) Y compris Israël, Turquie et Malte.

Sources : FMI, Perspectives de l’économie mondiale ; OCDE, Comptes nationaux ; ONU, Annuairestatistique ; Banque mondiale, World Tables ; données nationales, Banque des règlementsinternationaux, 64e Rapport annuel, juin 1994.

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Tableau No 2. Asie du Sud-Est : indicateurs de l’évolution économique

1) Salaires horaires dans le secteur manufacturier, corrigés des prix à la consommation.2) Moyenne pondérée, établie sur la base des PPA de 1990.

Sources : Banque mondiale, World Tables, FMI, Statistiques financières internationales ; Banque asiatiquede développement, Asian Development Outlook ; données nationales. Banque des règlementsinternationaux, 64e Rapport annuel, juin 1994.

Pays en développement

5 Les pays en développement ont réalisé en 1993 une croissance économique de 4,3

pour cent (4,6 % en 1992), la palme du dynamisme allant une nouvelle fois aux paysnouvellement industrialisés d’Asie. Les moteurs de la croissance ont été Hongkong, laCorée, la Malaisie, Singapour, Taïwan et la Thaïlande ainsi que la Chine et l’Inde, maisaussi l’Argentine et le Chili. L’activité économique des pays en développement dépenddu succès des réformes appliquées à leur économie intérieure, et semble depuisquelques années moins tributaire des aléas conjoncturels de l’économie mondiale. Laprogression économique de certains pays en développement réfute ainsi les théorieséconomiques selon lesquelles toute croissance est impossible dans ces pays lorsque lesnations industrialisées se trouvent dans une phase de récession. Il semble au contraire– comme le prouvent les pays d’Asie de l’Est et du Sud-Est depuis quelques années – queles éléments déterminants d’une industrialisation réussie sont l’ouverture des marchéset un régime politique libéral, associés à des réformes économiques à l’intérieur dupays en question. A ces pays se sont ajoutés plus récemment la Chine, l’Inde, lePakistan, le Mexique, l’Argentine, le Chili, la Pologne, dont certains ont donné, en 1993déjà, des signes de surchauffe économique.

6 Asie : en 1993, comme les années précédentes, ce sont donc les pays   en   voied’industrialisation   et   nouvellement   industrialisés   d’Asie   du Sud-Est qui ontenregistré les plus forts taux d’expansion économique. Hongkong, Singapour, la Coréedu Sud et Taïwan réalisent de 1991 à 1993 une croissance réelle de leur PIB qui sechiffre à 6,2 pour cent en moyenne. Le recul enregistré par rapport aux taux encoreplus élevés des années quatre-vingt (8,3 pour cent en moyenne) signifie que leurrythme de croissance devient comparable à celui des pays industrialisés durant les

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périodes d’euphorie économique. Le PIB de l’Indonésie, de la Malaisie et de la Thaïlandea marqué de 1991 à 1993 une progression moyenne de 7,2 pour cent.

7 Parmi les économies asiatiques en transition (Tableau No 4), ce sont celles de Chine et

du Viêtnam qui marquent les plus fortes augmentations relatives de PIB. Letableau No 4 révèle un contraste énorme entre les économies en transition de payscomme la Chine et le Viêtnam et même l’Inde, par rapport aux difficultés économiquesque connaissent les pays d’Europe orientale et ceux de l’ex-Union soviétique. Cela tientsans doute au contexte spécifique de chaque économie. Ainsi, la libéralisation dusecteur agricole en Chine – qui avait commencé en 1978 déjà – a immédiatementdéclenché une forte poussée de la production qui a elle-même amélioré les revenus ;tandis que les réformes appliquées plus récemment en Europe de l’Est ont entraînél’effondrement de la production et une détérioration des revenus. Cet exemple montreles limites des analyses globales et des comparaisons entre pays, basées sur une ouquelques années et sur des valeurs moyennes.

8 Amérique latine (Tableau No 3) : Les pays d’Amérique latine (à part le Chili) ont connu

de mauvais résultats économiques durant les années quatre-vingt ; le revenu réel parhabitant, en particulier, a diminué de 9 pour cent en moyenne. Cette « décennieperdue » avait débuté par une crise de l’endettement et s’était accompagnée ensuited’une dégradation considérable des termes réels de l’échange. Bien que ces termes sesoient encore détériorés dans les années 90, le PIB s’est remis à croître à partir de 1990,jugulant ainsi la diminution du revenu par tête d’habitant. Un phénomèneremarquable, en ce qui concerne l’Amérique latine, est la diminution générale del’inflation galopante qui sévit traditionnellement dans ces pays (à part le Brésil, dont letaux d’inflation comportait encore quatre chiffres en 1993).

9 Leur redressement économique est le résultat d’efforts considérables en matière de

stabilisation économique et d’ajustement structurel. Les entreprises recommencentainsi à investir dans leurs équipements et les capitaux affluent dans la région. Il sembleque l’essor économique dépende étroitement du moment où les premières mesures deréforme ont été prises : le Chili s’y est mis dans le courant des années septante, leMexique en 1987, l’Argentine et le Pérou en 1991/92, tandis que le Brésil, en 1993,n’avait pas encore amorcé les réformes susceptibles de convaincre les investisseurs.Quatre Etats d’Amérique latine – Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay – ont forméensemble le MERCOSUR qui doit déboucher en janvier 1995 sur une union douanièredestinée à intensifier les échanges économiques à l’échelon régional.

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Tableau No 3. Amérique latine : production et inflation

1) Indice, 1980 = 100.2) Moyenne pondérée pour l’Amérique latine et les Caraïbes, établie sur la base des PPA de 1990.

Sources : FMI, Statistiques financières internationales ; CEALC, Overview of the Economy of Latin Americaand the Caribbean ; données nationales. Banque des Règlements Internationaux, 64e Rapport annuel.Juin 1994.

10 La progression globale d’une économie ne signifie pas, à elle seule, que la répartition

des revenus s’est améliorée. Et l’agitation intérieure de certains pays montre que lesconflits socio-économiques sont loin d’être réglés (Mexique).

11 En Afrique, la croissance du PIB atteint à peine le taux médiocre de 0,6 pour cent. La

dégradation persistante des termes de l’échange, les troubles politiques et les guerresciviles qui ravagent certains pays (Angola, Soudan, Rwanda, Burundi, Liberia, Somalie)ainsi que d’autres éléments négatifs et un taux de croissance démographique oscillanttoujours autour de 3 pour cent, sont autant de facteurs qui ont contribué à réduireencore le revenu moyen par tête d’habitant.

12 Les pays du Proche-Orient et d’Afrique du Nord forment un tableau très hétérogène.

La croissance a été faible ou négative pour les pays exportateurs de pétrole, en raisond’une faible demande et de prix à la baisse. Tandis que la Jordanie et la Syrie ontmarqué des points économiques sous la forme d’une expansion de 5 à 6 pour cent, à lasuite des réformes que ces pays avaient entreprises. La Jordanie a profité en outre del’aide financière internationale suscitée par la crise du Golfe.

13 Les pays d’Afrique noire ne revêtent pas une grande importance économique pour « le

reste du monde ». Cette indifférence envers l’Afrique se traduit entre autres par unmanque d’études consacrées à ce continent ; c’est ainsi que le rapport annuel de laBanque des règlements internationaux exclut les pays africains de son analyse des paysen développement, pour se concentrer exclusivement sur l’Asie, l’Europe orientale etl’Amérique latine. La littérature économique qualifie souvent l’Afrique de « continentperdu », sans rendre justice à sa diversité. L’Afrique compte 53 pays et 686 millionsd’habitants. C’est l’Afrique du Sud qui apporte la plus forte contribution au PIB africain,soit 26 pour cent. Ce pays possède un potentiel de croissance élevé depuis qu’il s’estouvert à la démocratie. L’intégration économique régionale des pays africains est lamoins avancée du monde. Ces pays s’accrochent pourtant à l’idée d’une « communautééconomique africaine ». En 1991, 51 pays de l’OUA (Organisation de l’unité africaine)ont signé un traité allant dans ce sens.

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14 La comptabilité nationale ne prend pas en considération les activités de l’économie

parallèle (« secteur informel »). On estime qu’il faudrait ajouter environ 30 pour cent auPIB officiel pour tenir compte ainsi des structures économiques propres à la réalitéafricaine.

Europe de l’Est et CEI

15 Les disparités sont très grandes entre les pays d’Europe orientale et de l’ex-URSS. Alors

que des nations telles que la Pologne, la République tchèque, la Hongrie et la Slovénieprennent lentement le chemin de la croissance, les pays issus de l’Union soviétiquedoivent faire face à d’énormes problèmes macro- et microéconomiques ; leurproduction a encore chuté en 1993. Six pays de cette région – les Etats d’Asie centrale,le Kazakhstan, le Kirghizstan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Turkménistan, ainsi quel’Albanie – sont considérés comme des pays en développement (critères de l’OCDE).

16 Une étude, effectuée par l’UNICEF en 1994 sur les coûts sociaux des réformes appliquées

dans les pays d’Europe de l’Est et de la Communauté des Etats indépendants, sembledémontrer que leurs répercussions immédiates sur les populations sont plusdramatiques que celles vécues par les pays d’Amérique latine et d’Afrique durant la« décennie perdue » des années quatre-vingt1. La crise est plus sévère que prévu et setraduit par une aggravation massive de la pauvreté, une régression de la natalité, unemortalité fortement accrue, un recul du taux de scolarisation et une proliférationrapide de la criminalité. Les Etats de l’Europe orientale et de la CEI déplorent laréticence des pays développés en matière d’investissements et d’aide aux pays de l’Est.Les nations européennes et les Etats-Unis ont fondé la BERD (Banque européenne pourla reconstruction et le développement) afin de relancer l’économie de ces pays. Aprèsun démarrage difficile, cette banque a résolu de donner la priorité à la promotion dusecteur privé. La BERD devrait jouer sur le plan régional un rôle analogue à celui desbanques de développement régionales d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine.

Tableau No 4. Economies en transition : indicateurs de l’évolution économique

1) 1986-89.

Sources : Banque asiatique de développement, Asian Development Outlook et Key Economic Indicators,FMI, Occasional Papers ; données nationales. Banque des règlements intérieurs, 64e Rapport annuel,juin 1994.

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Mise à jour de la classification des pays

17 Vu leur état de développement économique, Singapour, les Bahamas, le Qatar, le

Koweït, les Emirats arabes unis et Brunei ont été rayés de la liste des pays endéveloppement de l’OCDE, avec une période de transition de trois ans à dater du 1er

janvier 1993. Le Mexique a été le premier pays d’Amérique latine à adhérer, enmars 1994, à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Traité du GATT ratifié

18 Il convient de relever ici l’événement important pour le succès du multilatéralisme

économique que représente la conclusion du cycle d’Uruguay du GATT. La décision aété prise de fonder un instrument d’intensification des échanges planétaires, sous laforme de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui aura son siège à Genève (cf.chapitre 1.2.1).

Rapport du PNUD

19 Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) publie depuis 1990 un

rapport annuel sur le développement humain. Son analyse économique des différentspays s’intéresse, outre l’aspect production, à des indicateurs tels que la répartition desrevenus, la sécurité sociale, le taux de scolarisation, la situation alimentaire, lesdépenses militaires, etc. L’image du niveau de prospérité d’un pays s’en trouve mieuxnuancée en relation avec la personne humaine. A part les analyses statistiques, cerapport approfondit chaque année un thème particulier. Il traite en 1994 celui de lasécurité, le besoin éprouvé par les individus de vivre en paix et en sûreté. Le rapportpropose l’élaboration d’un concept de coopération visant à aborder les problèmes dansune perspective globale, de manière à mieux structurer la coopération internationaleen y associant tous les pays du monde2.

BIBLIOGRAPHIE

Rapport sur la politique économique extérieure 93/1 + 2, 19.1.1994 (94.007).

Banque des règlements internationaux, 64ème rapport annuel, Bâle, juin 1994.

Rapport annuel du FMI 1993, Washington, août 1994.

Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde 1994, Washington, mai 1994.

PNUD, Rapport sur le développement humain 1994, New York, juin 1994.

Communauté de travail Swissaid/ Action de carême/ Pain pour le prochain/ Helvetas/ Caritas,

50 Jahre Bretton Woods 1944-1994, Berne, 1994 (supplément à « aktuell »).

Société de Banque Suisse, Le Mois, juillet-août 1994 (L’Afrique n’est pas un « continent perdu »).

Tages-Anzeiger, 18.4. et 20.4.1994 et NZZ, 19.4.1994 (session annuelle de la BERD).

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OCDE, communiqué de presse du 17.3.1994 (participation du Brésil au CAD).

NZZ, 4.8.1994 (Mercosur).

NOTES

1. Le projet MONEE (Monitoring the Transition in Central and Eastem Europe) de l’UNICEF

examine régulièrement les conséquences sociales des réformes inhérentes au processus de

transformation engagé en Europe de l’Est depuis 1989. Cette analyse se fait en collaboration avec

les services statistiques des pays considérés. Ce projet s’inscrit dans le programme de recherche

UNICEF sur la politique économique et sociale, dont l’étude « Ajustement à visage humain » avait

alimenté dès 1987 le débat international sur la politique d’ajustement structurel pratiquée par le

FMI et la Banque mondiale. Centre UNICEF, Central and Eastern Europe in Transition : Public Policy

and Social Conditions, Regional Monitoring Report Nr. 1, Florence, novembre 1993.

2. Selon le PNUD, il faudrait à l’avenir que les politiques de coopération recherchent un meilleur

équilibre de l’ordre mondial. Des esprits critiques reprochent au PNUD de persister dans l’idée

que l’on peut gérer le monde après l’effondrement économique des pays communistes. Même si

le rapport du PNUD sur le développement humain a eu d’abord peu d’échos dans le monde

économique, et s’il comporte des faiblesses (pondération des différents facteurs), il a montré les

limites des calculs économiques habituellement basés exclusivement sur des revenus et des

chiffres de production PNUD, Rapport sur le développement humain 1994, New York, juin 1994.

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II. Négociations internationales

2.1. Relations financières internationales

2.1.1. Endettement extérieur

Accroissement des dettes extérieures

1 Selon les indications fournies par la Banque mondiale, l’endettement extérieur des pays

en développement, de l’Europe de l’Est et de la CEI a augmenté de 114 milliardsde dollars en 1993 pour atteindre 1’812 milliards de dollars1 (voir Tableau n o 5, pagesuivante). Parmi les plus lourdement endettés à l’extérieur on trouve le Brésil(121 milliards de dollars), le Mexique (101 milliards), la Chine (84 milliards), la Russie etl’Indonésie (90 milliards), et l’Argentine (65 milliards).

2 Cette croissance de la dette extérieure est due à l’augmentation des crédits bancaires

d’une part ; elle résulte par ailleurs d’un relâchement des mesures prises pour réduirela dette, lesquelles se sont chiffrées en 1993 à 9 milliards de dollars seulement, contre28 milliards de dollars en 1990 par exemple. Un autre facteur d’aggravation de la detteest la conversion d’intérêts échus en capital ou en titres de créance à long terme, qui afait croître l’endettement de 25 milliards de dollars.

Boom des afflux de capitaux privés

3 Eu égard au volume impressionnant de la dette extérieure, on peut s’étonner

d’entendre certains milieux déclarer, depuis 1992, que la crise de l’endettementappartient au passé. Il est vrai que de nombreux pays lourdement endettés tels que leMexique, l’Argentine ou le Brésil retrouvent une solvabilité liée à l’évolution positivede leur économie. La confiance accordée à leurs moyens et leur volonté d’honorer ladette se traduisent par un impressionnant afflux de capitaux, surtout sous la forme decrédits de banques privées et d’investissements directs. Ceux-ci se concentrent sur lespays dynamiques d’Amérique latine ainsi que sur la Chine et le Sud-Est asiatique. LaChine a attiré à elle seule un quart des afflux de capitaux étrangers privés. Le Mexiqueaussi a enregistré un montant record d’investissements étrangers. Selon les chiffresindiqués par ce pays lui-même, l’afflux d’investissements y a totalisé 15,6 milliards

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de dollars en 1993, contre 8,3 milliards l’année précédente. Ainsi, le Mexique, qui avaitdéclenché en 1982 la crise de l’endettement par sa déclaration d’insolvabilité, s’estretrouvé à nouveau solvable dix ans plus tard. Le monde de la finance observecependant avec inquiétude la recrudescence d’un endettement latino-américain quireste lourd ; même si l’évolution économique de ces pays est positive, les importationsmassives de capitaux et de biens de consommation peuvent entraîner des difficultés detrésorerie.

Tableau No 5. L’endettement extérieur1 (en milliards de $)

1 La Banque indique dans les World Debt Tables l’endettement des pays sur la base de leurs rapportsà la Banque. Dans les World Debt Tables 1994-95 ce sont 137 pays.2 Données provisoires.

Source : Banque mondiale, Debt Reporting SystemEndettement à court terme.

4 Ces afflux croissants de capitaux s’expliquent par le regain de confiance en certains

pays – surtout asiatiques mais aussi latino-américains –, par des taux d’intérêts plusélevés dans les pays en développement que dans les pays industrialisés, mais aussi parla difficulté d’investir dans les pays industrialisés frappés par la récession. Une raisonimportante est donc l’ajustement structurel bien mené par nombre de pays débiteurs,qui attirent à nouveau les capitaux privés. Il faut cependant souligner une fois encoreque cette dynamique se limite à quelques pays triés sur le volet, et que plus de 60 paysen développement souffrent toujours d’un endettement dramatique. Les investisseursprivés évitent systématiquement les pays lourdement endettés à bas revenus, qui setrouvent en Afrique pour la plupart. Il en est résulté un solde négatif de 6 milliardsde dollars pour les flux de capitaux entre ce continent et l’extérieur.

Recul de l’aide au développement

5 Contrastant avec l’afflux de capitaux privés, l’aide publique au développement fournie

par les pays industrialisés, après deux ans de stagnation, a rétréci d’environ 10pour cent et tombe à 55,6 milliards de dollars, comme l’indique le tableau No 6 (OCDE).De ce fait, la part de PIB consacrée au développement par les pays du CAD estdescendue à 0,29 pour cent (0,30 % l’année précédente), ce qui représente le plus basniveau des 20 dernières années.

6 Les éléments à relever dans ces mouvements de capitaux sont la part des emprunts

internationaux, qui a triplé par rapport à 1992 pour atteindre 36,6 milliards de dollars,et celle des investissements directs qui constitue un record avec ses 35 milliardsde dollars. Plus de la moitié des investissements directs sont le fait de l’économie desEtats-Unis (environ 20 milliards de dollars). La chute marquée des crédits bancairesinternationaux, qui passent de 31 milliards de dollars en 1992 à tout juste 3 milliards

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en 1993, montre que les établissements financiers internationaux se concentrent sur lesrégions à faibles risques.

Tableau No 6. Flux de capitaux nets à destination des pays en développement (en milliards de $ auxprix courants)

1 Estimations de l’OCDE.

Source :OCDE, in NZZ 24.6.94.

Demandes d’annulation de dettes

7 Les pays endettés évoluent de façon très variable. Parallèlement à certaines économies

dynamiques, il y a toujours un nombre considérable de pays pauvres et perclus dedettes. Divers milieux demandent que l’on annule une partie des dettes publiquesbilatérales de ces pays, mais aussi leurs dettes envers le FMI et la Banque mondiale. EnSuisse, des organisations privées ont envoyé une lettre au Conseil fédéral pour l’inviterà requérir auprès du FMI et de la Banque mondiale l’annulation de dettes pour unmontant de quelque 20 milliards de dollars (7,3 milliards de créances FMI et12,4 milliards de créances Banque mondiale). Ces deux institutions devraient remettreentièrement leurs créances envers les pays les plus pauvres (revenu par habitantinférieur à 675 dollars), et la moitié de celles envers les pays dont le revenu parhabitant ne dépasse pas 2’695 dollars. Pour financer ces remises, le FMI vendrait de l’oret émettrait de nouveaux DTS, et la Banque mondiale dissoudrait des réserves.

Autres initiatives concernant la crise de l’endettement

8 A l’occasion du sommet économique du Groupe des Sept à Tokyo en 1993, l’UNICEF

avait exhorté les pays riches à prendre des mesures d’urgence pour alléger les dettes ducontinent africain. Selon l’UNICEF, les pays d’Afrique dépensent quatre fois plusd’argent pour honorer leurs dettes que pour la santé de leurs populations. Il suffirait,toujours selon l’UNICEF, de diviser par deux le service de la dette de l’Afriquesubsaharienne (10 milliards de dollars par année) pour financer les objectifs dedéveloppement social que tous les gouvernements avaient adoptés lors du Sommetmondial de l’Enfance en 1990. L’UNICEF propose de financer l’opération en alimentantla facilité de désendettement de l’AID (pour le rachat de dettes auprès des banques). Les

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dettes publiques bilatérales devraient être entièrement remises. Le FMI devrait àl’avenir faire bénéficier ces pays des conditions AID pour l’ensemble de ses crédits, etconvertir les créances échues aux mêmes conditions.

9 Le mouvement des pays non-alignés a également demandé, lors d’une rencontre tenue

à Jakarta en août 1994, un « règlement définitif » des dettes arriérées de ses membres.Les ministres des 29 pays les plus pauvres du mouvement (qui compte 109 Etats) ontdéclaré qu’ils n’avaient pas l’espoir de rembourser ces dettes et que lerééchelonnement de celles-ci ne soulagerait pas le lourd passif des plus pauvres parmiles pays en développement. Ces dettes entravent les chances de développementéconomique et devraient donc être sensiblement réduites dans l’intérêt de tous les paysdu monde.

2.1.2. Mesures de désendettement prises par la Suisse

10 La Suisse a ouvert en 1991 – à l’occasion du 700ème anniversaire de la Confédération – un

crédit de 700 millions de francs, dont 400 millions destinés à financer ledésendettement des pays pauvres et 300 millions pour des programmes de protectionde l’environnement. Les œuvres privées d’entraide avaient invité la Confédération àprendre des mesures concrètes de désendettement en lançant une pétition intitulée Le

désendettement : une question de survie, qui avait remporté un grand succès. Encollaboration avec les œuvres d’entraide (Service de désendettement), l’Office fédéraldes affaires économiques extérieures (OFAEE/DFEP) a mis sur pied, d’entente avec laDirection de la coopération au développement et de l’aide humanitaire (DDA/DFAE), laréalisation de mesures bilatérales de désendettement. Le premier accord dedésendettement a été conclu en 1993, avec la Bolivie. La Confédération a racheté descréances d’exportateurs privés suisses envers 28 pays en développement pauvres,à 22 pour cent en moyenne de leur valeur nominale. Dans la plupart des cas, l’accord dedésendettement implique la création d’un fonds de contrepartie en monnaie locale quisert à financer des projets de développement2. La gestion du fonds est assuréeconjointement par le gouvernement et par des organisations de développement localeset privées.

11 La Suisse joue un rôle de précurseur avec sa politique de désendettement créatif (sa

principale innovation étant les fonds de contrepartie en monnaies locales, utiles auxpauvres), aucun autre pays dans le monde ne pratiquant des mesures bilatérales de cegenre. Il est vrai que d’autres pays se sont mis à convertir leurs créances (surtout cellesrelevant de la coopération au développement) en monnaie locale, dans la proportionde 80 à 10 pour cent. La Suisse, quant à elle, rachète aux créanciers privés – notre paysa précédemment abandonné toutes ses créances liées à la coopération audéveloppement – leurs titres commerciaux garantis à la valeur marchande, qui se situeà 20 ou 25 pour cent en moyenne. Puis la dette est normalement remise dans sonentier ; le pays débiteur en fournit la contrepartie en monnaie locale, par la créationd’un fonds destiné à financer des projets de développement (fonds de contrepartie).Comme les expériences sont concluantes, la Suisse propose maintenant son modèle dedésendettement bilatéral aux autres pays créanciers.

12 Entre temps, la Suisse a passé des accords avec plusieurs Etats et effectué les opérations

de désendettement qui s’y rapportent. En 1994, des accords de désendettementbilatéraux avaient été conclus avec douze pays : Bolivie, Nicaragua, Honduras, Jordanie,

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Tanzanie, Pérou, Mozambique, Zambie, Equateur, Mali, Sénégal et Côte-d’Ivoire. Letableau No 7 en indique les différentes modalités. En Amérique latine, l’action dedésendettement est terminée. Les accords spécifient les affectations à prévoir pour lesfonds de contrepartie. Ce sont en règle générale l’aide aux petites entreprises,l’amélioration de l’infrastructure sociale et la conservation de l’environnement. Il n’y apas eu création de fonds de contrepartie au Nicaragua et au Mozambique. Des accordsde désendettement bilatéraux sont en voie de négociation avec les Philippines etl’Egypte. D’autres se préparent avec la Sierra Leone, la Guyane, la Guinée-Bissau, leCongo et Madagascar.

Tableau No 7. Mesures de désendettement : négociations bilatérales de désendettement (Situationjuillet 1994)

* Taux de conversion (FCV) = part de la dette nominale en monnaie locale lors de la création de fondsde contre-valeurs.

Source :Entschuldung und Gegenwertfonds, Seminarbericht der Entschuldungsstelle, Bern,März 1994 ; OFAEE.

13 C’est avec la Côte-d’Ivoire que la Suisse a conclu, en juin 1994, son accord le plus

important jusqu’ici, en rachetant des dettes pour une somme de 362 millions de francs.Les créanciers privés ont obtenu 15 pour cent du montant de leurs titres. Le fonds decontrepartie local a reçu 50 millions de francs destinés à financer des projets dedéveloppement.

14 Au moment où la facilité de désendettement a été instituée en 1991, on prévoyait que sa

mise en œuvre prendrait cinq ans. Ces mesures s’étaleront sur une plus longue périodeen raison des restrictions budgétaires de la Confédération qui freinent la libération descrédits. Un autre facteur de ralentissement est que la préparation de l’accord et la miseen place d’un fonds de contrepartie constituent des opérations longues et laborieuses. Ilfaut trouver des partenaires locaux, c’est-à-dire des organisations privées et desinstances publiques à la fois d’accord et capables de gérer le fonds de contrepartie avecla Suisse. L’enquête effectuée par la DDA et par le Service de désendettementspécialement créé à cet effet par les œuvres d’entraide, profite de l’expérience localedes organisations non gouvernementales.

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Nouvelle action de désendettement réclamée

15 Les remboursements des pays en développement les plus pauvres qui afflueront en

Suisse d’ici 1998 via le FMI se chiffrent à quelque 400 millions de francs. Les œuvresd’entraide proposent que ces capitaux provenant de crédits de la Facilité d’ajustement

structurel renforcée (FASR) soient consacrés à de nouvelles actions de désendettement,surtout en Afrique. Ces remboursements devraient entièrement servir à éponger lesdettes des pays en développement pauvres vis-à-vis d’organismes internationaux telsque le FMI.

2.1.3. Rééchelonnements de la dette extérieure

16 Les dettes publiques ou garanties par l’Etat contractées bilatéralement par un pays – donc les

créances des gouvernements respectifs – sont réaménagées dans le cadre du Club de Paris. Les

pays créanciers y définissent avec le pays débiteur les conditions de rééchelonnement de sa dette,

et les inscrivent dans un accord multilatéral d’aménagement de la dette. Cette convention sert de

base aux accords de rééchelonnement bilatéraux qui lui font suite. Les négociations

multilatérales du Club de Paris réunissent non seulement les représentants des pays concernés,

mais aussi des observateurs et des conseillers délégués par le FMI et la Banque mondiale ;

l’accord multilatéral requiert en effet un programme d’ajustement structurel du pays débiteur,

élaboré d’entente avec le FMI.

17 Lorsque de nombreux pays en développement sont devenus partiellement ou

totalement impuissants à honorer le service de leur dette dans le courant desannées quatre-vingt, les plans de rééchelonnement se sont multipliés sans que la detteextérieure ne diminue pour autant. A l’époque, les conditions de ces aménagements àcourt terme (à chaque fois pour une année) de la dette publique extérieure s’inspiraientde celles du marché. Devant les problèmes posés par cet endettement croissant, lespays industrialisés ont élaboré diverses manières d’aménager la dette avec desconcessions sous forme de taux d’intérêt réduits, d’allongement des phases deremboursement ou de réductions de dettes. Le Club de Paris sert de cadre auxconditions générales faites à un pays débiteur, qui négocie ensuite sur cette base lesaccords de rééchelonnement bilatéraux de sa dette publique. Pour bénéficier d’unrééchelonnement, le pays débiteur est tenu d’appliquer un programme d’ajustementstructurel élaboré d’entente avec le FMI. Il n’est pas prévu d’aménagement pour lesdettes publiques multilatérales envers le FMI et la Banque mondiale, ou envers lesbanques de développement régionales. La coordination des dettes extérieures àcaractère privé incombe au Club de Londres.

18 Actuellement (sept. 1994), le « menu » du Club de Paris prévoit diverses modalités

d’aménagement selon l’état de développement du pays débiteur :

Low income Countries (LIC, revenu par habitant inférieur à 675 dollars en 1993) :

les LIC lourdement endettés bénéficient des conditions de Toronto élargies,

également connues sous le nom de conditions de Trinidad. Le rééchelonnementpeut comporter ici une phase de remboursement atteignant 30 ans, dont 12 ans decarence (donc sans amortissement). L’accord précise en général les détailsd’application pour 1 à 3 ans. Les options à choix pour un rééchelonnementbilatéral sont :

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– Suppression de 50 pour cent du capital échu durant la période derééchelonnement. Les taux d’intérêt du montant restant sont ceux du marché. Ladette doit être amortie en l’espace de 23 années, dont les six premières sont des« années de carence » ;– Remboursement en 23 ans sans délai de carence, mais avec un taux d’intérêtfortement réduit. La Suisse accorde en général cette option ;– Remboursement en 25 ans dont 16 de carence, aux taux d’intérêt du marché.C’est l’option favorite des Etats-Unis en particulier.

19 Les concessions accrues qu’impliquent les conditions de Toronto élargies (ou de Trinidad)

sont un moyen de diminuer l’endettement et le service de la dette. Les premiersrééchelonnements sans concessions entraînaient en partie une capitalisation desintérêts échus, donc un alourdissement de la dette pour les pays qui étaient dansl’incapacité de l’honorer. Le gouvernement britannique voudrait étendre les conditionsde Trinidad – en particulier l’allégement du service de la dette – aux pays trèsfortement endettés auprès d’organisations multilatérales ; il a fait des propositions dansce sens lors d’une conférence du Commonwealth à Malte en automne 1994. De leur côté,les œuvres d’entraide privées sont nombreuses à réclamer la remise et lerééchelonnement de crédits multilatéraux. Mais les institutions concernées et lamajorité des pays industrialisés ne se sont pas montrés enclins jusqu’ici à discutersérieusement cette question.

Lower middle income Countries (LMIC, revenu par habitant entre 676 et2’695 dollars en 1993) : les pays lourdement endettés qui appartiennent à cettecatégorie de revenus bénéficient aussi de concessions, moins larges cependant que

pour les LIC. Ces conditions d’aménagement intitulées conditions de Houston

prévoient des délais de remboursement pouvant atteindre 20 ans avec 10 ans decarence pour les dettes provenant de crédits de développement, et desrééchelonnements sur 15 ans dont 8 ans de carence pour les autres dettespubliques. Les conditions initiales de faveur sont maintenues pour les dettesconsolidées issues de crédits de développement, les autres dettes consolidéesrestant soumises aux taux pratiqués sur le marché monétaire. Les sept plusgrandes puissances industrielles ont adopté ces concessions applicables auxrééchelonnements multilatéraux lors du sommet économique de 1990 à Houston.Leur élément principal est la prolongation de la période de consolidation, portée à20 ans au maximum. Les accords multilatéraux conclus dans le cadre du Clubde Paris règlent normalement les échéances pour 1 à 3 ans. Pour bénéficier desconditions de Houston, un pays doit satisfaire aux critères suivants :– quotient de dettes bilatérales publiques/privées supérieur à 1/5 ;– rapport dette/PIB supérieur à 50 pour cent ;– rapport dette/recettes des exportations supérieur à 275 pour cent, ou rapportservice de la dette/recettes des exportations supérieur à 30 pour cent.

20 Cependant, les sept grandes puissances industrielles du monde ont abordé, lors de leur

sommet de 1994 à Naples, la question de savoir s’il conviendrait de porter de 50 à 80pour cent la remise des sommes échues au titre du service de la dette, afin de réduiresensiblement l’endettement du pays considéré. Cette discussion a été reprise au Clubde Paris, sans aboutir à un consensus. Après la dévaluation du franc CFA au début

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de 1994, les pays africains immédiatement concernés attendent leurs créanciers duClub de Paris qu’ils se montrent accommodants. Cette dévaluation a en effet confrontédes pays parmi les plus pauvres à une brutale augmentation du service de leur dette enmonnaie locale. Lors de la session annuelle du FMI et de la Banque mondiale enoctobre 1994, le ministre allemand des finances a proposé, au nom de l’Unioneuropéenne, de réduire sensiblement le volume global de la dette extérieure des paysen développement les plus pauvres. Les pays créanciers ont été invités à élaborer desmodalités dans ce sens au sein du Club de Paris.

21 Le régime applicable à tous les autres pays est celui des conditions conventionnelles

de   Toronto, avec consolidation des dettes sur dix ans, dont cinq de carence.L’Argentine et le Brésil ont bénéficié de légères dérogations à ces conditions« classiques » : leurs dettes ont été rééchelonnées sur quinze ans, dont deux sansremboursement et les dix suivantes avec un amortissement progressif. Les tauxd’intérêt sont ceux du marché.

Rééchelonnements multilatéraux

22 Les gouvernements concernés par un rééchelonnement multilatéral envoient des

représentants aux négociations d’aménagement de la dette menées avec le paysdébiteur, pour autant que le service de la dette dépasse un certain seuil (de minimis) ; cemontant est fixé pour chaque pays. Les dettes de minimis bilatérales qui échappent aurééchelonnement doivent continuer d’être honorées.

23 En 1993,des accords de rééchelonnement multilatéraux concernant un total

de 19 milliards de dollars ont été passés avec 11 pays dans le cadre du Club de Paris. Leplus gros paquet ainsi négocié a porté sur des dettes russes chiffrées à 15 milliardsde dollars, dont le rééchelonnement s’est fait à des conditions conventionnelles. Lesrééchelonnements bilatéraux des dettes de LIC – Mauritanie, Mozambique, Guyane,Burkina Faso, Bénin et Viêtnam – s’effectuent selon les diverses modalités offertes parles conditions de Trinidad. Les créances suisses ne dépassaient le seuil de minimis quepour la Russie (250 millions de francs à rééchelonner) et le Pérou, avec lequel notrepays a passé un accord de désendettement.

24 Des rééchelonnements ont déjà eu lieu avec 13 pays au cours du premier semestre

1994. Les modalités de ces aménagements sont indiquées dans le tableau No 8. La Suissene procédera pas à un rééchelonnement bilatéral avec le Niger (de minimis). LeCameroun sera exonéré d’une partie de ses dettes envers dans le cadre d’une action dedésendettement.

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Tableau No 8. Rééchelonnements multilatéraux des dettes

Source : Office fédéral des affaires économiques extérieures.

Rééchelonnements bilatéraux de la Suisse

25 La Suisse a conclu en 1993 des accords d’aménagement de la dette avec sept pays, pour

un total de 664 millions de francs. Les plus grosses sommes à rééchelonnerconcernaient l’Argentine et le Brésil, pays auxquels s’appliquent les conditions« conventionnelles » du Club de Paris. Vis-à-vis du Honduras, la Suisse a choisi dans lesconditions de Trinidad la remise de 50 pour cent du service de la dette.

26 Six accords bilatéraux de rééchelonnement ont été conclus durant le premier semestre

1994. La plus grosse opération concernait la Russie, dont le montant négocié se chiffraità 250 millions de francs. La Suisse serait favorable à davantage de concessions lors desrééchelonnements de dettes multilatéraux et bilatéraux : « Appliquant unerecommandation faite au sommet économique mondial de Tokyo, les pays créanciersétudient la possibilité de faire bénéficier les pays les plus pauvres et les plus endettésde nouveaux allégements du service de leur dette, ainsi que la forme que ceux-cipourraient prendre. La Suisse défend d’autant plus activement cette initiative qu’elle adéjà fait œuvre de pionnier avec son programme autonome de désendettement. »(Rapport sur la politique économique extérieure 1993, p. 139. Cf. chapitre précédentpour les actions de désendettement).

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Tableau No 9. Accords bilatéraux de rééchelonnement des dettes

Source : Office fédéral des affaires économiques extérieures.

2.1.4. Les institutions de Bretton Woods fêtent leur demi-siècle

27 Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont été créés en

juillet 1944 à Bretton Woods (USA) par 44 pays, dans le but de financer le relèvementéconomique de l’Europe ravagée par la guerre. Le FMI avait pour tâche de contrôler lapolitique monétaire des pays membres et, au besoin, d’accorder des crédits à courtterme aux Etats qui se trouvaient momentanément confrontés à des difficultés detrésorerie en relation avec leur balance des paiements. La Banque mondiale, quant àelle, était chargée de financer la reconstruction et le développement des pays membres.A la naissance des institutions de Bretton Woods, l’Europe et le Japon étaientéconomiquement ruinés et ont absorbé l’essentiel des capitaux de la Banque mondiale.Les activités de ces deux institutions se sont ensuite déplacées vers les pays décolonisésdu Sud. Jusqu’à présent, le président de la Banque mondiale a toujours été unAméricain, et le président du FMI, un Européen.

28 En août 1994, FMI et Banque mondiale comptaient 179 pays membres, dont 23 pays

industrialisés occidentaux, 17 pays de l’Est et 139 pays en développement. Le nombre devoix des membres est pondéré en fonction de leur apport en capital. Les nationsindustrialisées de l’Occident possèdent environ 60 pour cent des voix, et les 139 pays endéveloppement, 30 pour cent. Aujourd’hui, le FMI et la Banque mondiale sontindiscutablement les institutions qui ont le plus d’influence politique et économiquesur les pays en développement. Ces organisations sont devenues aussi universelles quel’ONU elle-même depuis les transformations survenues dans les pays d’Europe centraleet orientale, et l’adhésion de ces pays. La Banque mondiale emploie un total de11’000 personnes en 1994, le FMI, 2’600 personnes.

29 Une des plus récentes adhésions à la Banque mondiale et au FMI a été celle de la Suisse,

en mai 1992 ; il est représenté dans les organes exécutifs de ces deux institutions. Un

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référendum avait été lancé contre cette adhésion, mais la votation populaire organiséeen mai 1992 a clairement avalisé l’adhésion de la Suisse.

Fonds monétaire international

30 La conférence de Bretton Woods a institué en 1944 un système monétaire basé sur le

dollar, avec des parités de change fixes. Ce système a été abandonné en 1973 au profitde taux flottants, et le Fonds monétaire a perdu alors de son importance. De même, onavait moins besoin du FMI pour financer les déficits de balance des paiements du faitque les banques privées disposaient dans les années septante de liquiditésconsidérables, et qu’elles octroyaient facilement des crédits. La crise de l’endettementsurvenue en 1982 a brusquement interrompu l’afflux de capitaux dans les pays endéveloppement, et redonné du poids au FMI. Celui-ci a contribué à prévenir uneffondrement du système financier international et s’est chargé de gérer la crise del’endettement. Aujourd’hui, un grand nombre de pays en développement se soumettentaux programmes d’ajustement structurel préconisés par le FMI et la Banque mondiale.Une politique d’ajustement économique bien menée redonne aujourd’hui leursolvabilité à la plupart des pays, d’Amérique latine notamment.

Critiques

31 La critique le plus souvent émise à l’égard du FMI est que sa politique d’ajustement

structurel axée exclusivement sur des critères économiques impose des sacrificesparfois inhumains à la population des pays concernés. Il s’est mis depuis lors à intégrerdes éléments sociaux à ses programmes d’ajustement. Une autre critique stigmatise lesrapports de force entre les pays. Tous les membres du FMI ont le même nombre de voixde base, mais celles-ci ont moins d’importance que les droits conférés à un pays par saquote-part du capital. Majoritaires en nombre mais avec une faible part de capital, lespays en développement sont minoritaires sur le plan des décisions. Ces pays sont « à lamerci » du FMI et doivent se plier à ses diktats. Le FMI n’accorde des crédits qu’auxpays acceptant d’appliquer un programme d’ajustement structurel conforme à sesdirectives et remplissant toute une série de conditions.

Facilités

32 Outre ses diverses formes de crédits accordés aux conditions du marché, le FMI a créé

des facilités de crédit à des conditions de faveur. Ces aides à la balance des paiementssont assorties d’un taux d’intérêt de 0,5 % seulement. Les instruments en question sontla Facilité d’ajustement structurel (FAS) créée en 1986, et la Facilité d’ajustementstructurel renforcée (FASR) de 1987, dont le capital a été augmenté en février 1994. Lespays bénéficiaires doivent normalement réaliser, d’entente avec le FMI et la Banquemondiale, un programme d’ajustement structurel de trois ans, dont l’évolution estcontrôlée et corrigée à plusieurs reprises. Le financement de ces deux facilités provientd’un fonds alimenté par les membres. La Suisse a déjà pris part à la FASR initiale. LeConseil fédéral a proposé en 1994 que notre pays participe à la FASR II par un prêt auxconditions du marché de 335 millions de francs octroyé par la Banque nationale suisse,et par un apport de la Confédération à la réduction des taux d’intérêt, fixé à100 millions de francs.

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33 Les pays d’Europe centrale et orientale ainsi que la CEI confrontent le FMI à des besoins

financiers qui représentent de nouveaux défis. Pour répondre à ces besoins, le Fondsmonétaire a créé au printemps 1993 une facilité spéciale d’aide à la transitionsystémique (STF, Systemic transformation Facility).

Exercice 1993/94

34 L’exercice 1993/94 du FMI s’est clôturé le 30 avril 1994. Les crédits versés au cours de

cet exercice ont totalisé 5,9 milliards de DTS, comme les deux années précédentes.Cependant, la répartition a été bouleversée en ce sens que les versements à l’Amériquelatine sont tombés de 2,3 à 0,8 milliards de DTS, alors que les tonds consacrés à lareconstruction des pays de l’Est passaient de 1,3 à 3,3 milliards de DTS. Ce dernierchiffre englobe les crédits à la Russie (2,2 milliards de DTS) dont l’ampleur n’a pas étéapprouvée par tous les pays et suscite des contestations au sein du FMI lui-même,comme le laisse entendre son rapport annuel. Près de la moitié des crédits du FMIalloués au cours de son exercice 1993/94 l’ont été dans le cadre de sa facilité d’aide à latransition systémique (2,7 milliards de DTS). Les crédits de soutien classiques ontrégressé à 1,1 milliard de DTS (2,9 milliards de DTS l’année précédente).

Position de la Suisse au sein du FMI

35 La Suisse est entrée en novembre 1992 dans l’organe exécutif du FMI. Elle y représente

un groupe de pays comprenant la Pologne, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, l’Azerbaïdjan,le Turkménistan et, depuis l’automne 1994, le Tadjikistan. Le Conseil fédéral décrit ainsises motifs d’agir au sein du FMI : « Les interventions de la Suisse au FMI et à la Banquemondiale ont porté essentiellement sur les pays, domaines et thèmes particuliersauxquels la Suisse accorde une importance particulière dans le cadre de sa politique dedéveloppement, de ses activités financières et monétaires ou de sa politiquecommerciale. »3. Il consulte à cet effet les ambassadeurs et les bureaux de coordinationdes pays dits « de concentration » et écoute les commentaires de la sous-commissionconsultative pour les institutions de Bretton Woods (appartenant à la commissionNebiker). Greenpeace Suisse et la Déclaration de Berne – opposées au départ àl’adhésion de la Suisse au FMI – observent étroitement le rôle qu’elle y joue etcritiquent son attitude de membre intransigeant du FMI, qui, pour les programmesd’ajustement, ferait passer les intérêts de son économie d’exportation et de ses banquesavant les critères d’une véritable politique de développement. Cela ferait contraste avecla conduite de la Suisse au sein de la Banque mondiale, que ces organisations estimentconforme aux objectifs helvétiques en matière de développement.

Groupe de la Banque mondiale

36 Le groupe de la Banque mondiale comprend les institutions suivantes :

1) La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) estactuellement la plus importante source de financement des pays en développement.Elle accorde des prêts aux conditions du marché à des gouvernements ou à desinstitutions privées jouissant d’une garantie de l’Etat. Le refinancement de la BIRD sefait sous forme d’emprunts sur le marché des capitaux.

2) L’Association   internationale   de   développement   (AID), fondée en 1960. L’AIDoctroie ses crédits à des conditions très avantageuses, aux pays en développement

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pauvres qui n’ont pas la solvabilité nécessaire pour obtenir des crédits de la Banquemondiale aux taux pratiqués sur le marché. Le capital de l’AID provient de laparticipation des pays donateurs à la réalimentation périodique de son fonds.

37 BIRD et AID forment ensemble la Banque mondiale.

3) la Société  financière  internationale  (SFI) a été fondée en 1956 pour soutenir lesecteur privé des pays en développement, qui ne reçoit pas de crédits de la Banquemondiale. La SFI a surtout une fonction de catalyseur des investissements privés,indigènes et étrangers.

4) L’Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI), fondée en 1988,assure les risques non commerciaux que comportent les investissements dans des paysen développement. Elle offre également ses conseils et fournit des renseignements surles possibilités d’investissement.5) Une autre institution appartenant au groupe de la Banque mondiale est l

’International Centre for Settlement of Investment Disputes (ICSID) fondé en 1966,qui sert d’organe d’arbitrage entre investisseurs étrangers et instancesgouvernementales lors de différends liés à des investissements directs.

38 Ces cinq organismes forment ensemble le groupe de la Banque mondiale. La Banque

mondiale a pour vocation de lutter contre la pauvreté et de soutenir les populationsdémunies des pays en développement. Depuis quelques années, elle appuie égalementle processus de réformes dans les pays d’Europe orientale et la CEI. Elle octroie descrédits de développement à long terme et réalise elle-même un certain nombre deprojets et de programmes.

Exercice 1993/94

39 L’exercice clos au 30 juin 1994 s’est soldé par un bénéfice de 1 milliard de dollars, un

peu inférieur à celui de l’année précédente (1,1 milliard) et de 1992 (1,6 milliard). LaBanque mondiale a également versé nettement moins de crédits, soit 10 milliardsde dollars contre 13 milliards en 1993. Les promesses de crédit ont aussi diminuéquelque peu, passant de 17 milliards de dollars en 1993 (24 avec l’AID) à 14 milliards (21avec l’AID). La Banque mondiale a vu dans cette évolution le signe heureux que nombredes pays concernés ont maintenant la possibilité de s’approvisionner sur le marché descapitaux privés. En particulier l’Asie méridionale, où les promesses de crédit ont rétrécià 2,4 milliards de dollars (3,4 milliards l’année précédente), profite largement del’afflux de capitaux privés. Le volume des promesses de crédit a également diminuépour l’Amérique latine et les Antilles (de 6,1 à 4,7 milliards de dollars), région où laBanque a financé plus massivement les domaines de l’éducation, de la santé et del’alimentation, et nettement moins les activités commerciales et financières. Lespromesses de crédit de la Banque mondiale pour l’Afrique en sont restées à2,8 milliards de dollars.

40 Seuls sept pays étaient en demeure dans le service de leur dette envers la Banque

mondiale. Le volume des créances arriérées de la Banque mondiale se monte à109 milliards de dollars au total. La Banque mondiale finance ses crédits surtout par desemprunts de capitaux sur le marché international, où elle jouit d’une excellenteréputation de solvabilité. Les dettes contractées envers la Banque mondiale et le FMIsont remboursables et ne font pas l’objet de rééchelonnements.

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41 La Chine absorbe environ 15 pour cent des prêts alloués par la Banque mondiale, ce qui

en fait son plus gros « client ». Ce pays a en effet obtenu de la Banque mondiale descrédits pour quelque 3 milliards de dollars en 1993, et autant en 1994. (La Chine a vu sadette extérieure augmenter de plus de 14 milliards de dollars en 1993 pour atteindre83,5 milliards, ce qui rend son endettement bientôt comparable à celui des grosdébiteurs latino-américains.)

42 Lors du cinquantenaire de la Banque mondiale, son président Lewis Preston a annoncé

des « grands changements ». La Banque prêtera à l’avenir moins d’argent et appliquerades critères d’octroi plus rigoureux. De plus, il y aura un changement de priorités enfaveur des programmes touchant à l’environnement, à la santé et au social. Mais laBanque mondiale continuera de se consacrer à la lutte contre la pauvreté, « de seconcentrer sur le milliard d’êtres humains qui ont moins d’un dollar par jour »4. Selonla Banque mondiale, le nouvel afflux de capitaux privés dans les pays endéveloppement ne profite en fait qu’à une petite vingtaine de pays nouvellementindustrialisés, « tandis que plus de 120 pays considèrent toujours la Banque comme unesource sûre de capitaux »5.

43 La Banque mondiale s’est fixé pour la décennie à venir les cinq objectifs prioritaires

suivants :1. Encourager les réformes économiques2. Promouvoir le capital humain3. Favoriser la protection de l’environnement et le développement durable4. Aider le secteur privé5. Créer un secteur public efficace.

Position de la Suisse en tant que membre de la Banque mondiale

44 « Dans ses prises de position à la Banque mondiale, la Suisse s’inspire des principes de

sa politique de développement. »6. Au cours de l’exercice sous revue, la Suisse aparticipé activement à la discussion sur les réformes de la Banque mondiale quepropose le rapport Wapenhans. Elle a aussi contribué à la création d’une unitéd’inspection indépendante au sein de la Banque, chargée d’examiner les plaintesémanant de groupes directement concernés par des projets de la Banque mondiale. LaSuisse s’engage d’autre part pour que la Banque mondiale pratique une politiqued’information ouverte. Le gouverneur suisse auprès de la Banque mondiale,Daniel Gerber, répond à cet égard aux attentes des œuvres d’entraide suisses, lesquellesse montrent satisfaites du travail effectué par notre pays durant sa première annéed’affiliation à cette institution.

2.1.5. Session annuelle 1994 du FMI et de la Banque mondiale

45 Les institutions de Bretton Woods, fondées en 1944, ont tenu leur quarante-neuvième session

annuelle du 4 au 6 octobre 1994 à Madrid. Les pays membres du FMI ont décidé à cette occasion

de faire passer le plafond des crédits auxquels ils ont droit de 68 à 100 pour cent de leur quote-

part. La création de nouveaux droits de tirage spéciaux (DTS), demandée par la direction du FMI

avec le soutien des pays en développement, n’a pas obtenu l’approbation de la majorité. Comme

les pays industrialisés refusaient dans leur majorité d’accroître les DTS, les pays en

développement ont bloqué de leur côté toute extension de l’aide à la transition systémique (STF,

Systemic Transformation Facility). L’une et l’autre de ces résolutions auraient nécessité une

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majorité de 85 pour cent des voix. Cette session annuelle a été précédée, à Madrid également,

d’un congrès spécial tenu les 29 et 30 septembre pour fêter le cinquantième anniversaire du FMI

et de la Banque mondiale. La rencontre a été consacrée à une réflexion sur les rôles joués par ces

deux institutions et sur la répartition de leurs tâches entre elles. Ce congrès madrilène a été

accompagné de manifestations critiques à l’égard de la politique menée par le FMI et la Banque

mondiale.

46 La session annuelle de 1994 s’est tenue dans un réjouissant climat d’essor économique.

La plupart des pays participants ont partagé l’opinion selon laquelle cette reprisedevrait être stabilisée au service d’une croissance qualitative de longue durée, laquelleimplique la maîtrise de l’inflation et une diminution du chômage.

47 La question controversée de cette Assemblée 1994 était de savoir si un besoin de

liquidités accrues se faisait sentir à l’échelle planétaire, et, dans l’affirmative, si le FMIdevrait couvrir ce besoin en allouant 36 milliards de nouveaux DTS (environ70 milliards de francs) et en donnant une ampleur accrue à sa facilité de transitionsystémique. La décision a finalement été reportée, après de vifs débats entre nationsindustrialisées et pays en développement. Les 179 pays membres n’ont pu s’entendreque pour accroître le volume relatif des crédits classiques du FMI cités plus haut.

Pas de nouveaux droits de tirage spéciaux (DTS)

48 Le FMI a créé les droits de tirage spéciaux en 1969, afin de mettre à la disposition des

pays membres un moyen de paiement complémentaire reconnu sur le planinternational. Les DTS sont portés au crédit des pays membres, en proportion de leurquote-part. Ces DTS sont très appréciés du fait que leur conversion en devises n’estsoumise à aucune condition. Mais leur utilisation donne lieu à des intérêts. La créationde nouveaux DTS requiert une majorité de 85 pour cent des voix au Conseil desgouverneurs. Elle nécessite la preuve convaincante d’un besoin global (mondial) etdurable d’augmenter les réserves monétaires, donc de disposer de liquidités accrues.Environ 40 membres du FMI – dont la Suisse, adhérent de fraîche date – n’ont pasencore bénéficié d’une allocation de DTS. La dernière distribution a eu lieu dans lapériode de 1979 à 1981.

49 La lutte pour l’allocation de nouveaux DTS se poursuit depuis bientôt deux ans, et le

refus exprimé à Madrid a sans doute bloqué provisoirement le débat. Le G-7 (45 % ducapital du FMI) a rejeté l’augmentation de 36 milliards de DTS qui était demandée, maisen proposant le compromis que constituerait une allocation spéciale de 16 milliardsde DTS. Celle-ci serait destinée avant tout aux nouveaux membres. Les pays endéveloppement (G-24) ont considéré qu’ils étaient une fois de plus relégués au secondplan, et ont refusé ce compromis. Celui-ci aurait nécessité un changement de statutsratifié par 85 pour cent des membres. Cette procédure aurait pris un certain temps, etretardé ainsi l’allocation immédiate de DTS. Les pays en développement n’y étant pasdisposés, ils ont maintenu la proposition initiale d’augmenter les DTS d’environ70 milliards de francs qui avait été faite par M. Camdessus, directeur du FMI.

50 La Suisse a soutenu la création de nouveaux DTS en arguant non pas d’une pénurie

mondiale de liquidités, mais des réserves monétaires extrêmement maigres de certainspays – en particulier les Etats africains et ceux de l’ancien bloc soviétique qui ont unurgent besoin d’améliorer leur situation monétaire pour stabiliser et restructurer leuréconomie. Le Conseil fédéral estime par ailleurs qu’il convient de créer et distribuer de

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nouveaux DTS pour lever l’actuelle discrimination des pays membres qui ont adhéré auFMI après la dernière allocation.

51 Enfin, la Suisse a défendu le point de vue des pays de son groupe, qui approuvaient tous

la création de nouveaux DTS. La Communauté de travail des œuvres d’entraide asoutenu cette position, adoptée malgré quelques réticences de la part de la Banquenationale. Celle-ci émettait des objections de principe – absence de preuve quel’augmentation des liquidités est une nécessité globale, risque d’inflation. Mais elle atout de même soutenu la proposition d’une nouvelle distribution de DTS par égard pourle groupe de pays que préside la Suisse (Pologne, Azerbaïdjan, Kirghizistan,Turkménistan, Ouzbékistan et Tadjikistan), ces nouveaux membres n’ayant pas encorereçu de DTS.

Pas d’augmentation de la facilité d’aide à la transition systémique

52 Les délégations au FMI et la presse internationale ont observé que les pays en

développement font preuve d’une assurance accrue dans les organes du FMI et de laBanque mondiale (Comité intérimaire et Comité de développement). Le président de laBanque nationale Markus Lusser, représentant de la Suisse au Comité intérimaire, adonné de cette nouvelle confiance en soi des pays en développement l’explicationsuivante : « On constate maintenant au FMI qu’un certain nombre d’Etats endéveloppement deviennent politiquement et économiquement plus forts. Je pense quel’on assiste ici au début d’une nouvelle tendance » (cité par le Tages-Anzeiger,8.10.1994).

Politique de développement

53 C’est le Comité de développement, organe mixte, qui conseille la Banque mondiale et le

FMI en matière de développement. Pour la Suisse, le secrétaire d’Etat Franz Blankart areprésenté le conseiller fédéral Delamuraz à la réunion de ce comité. Deux thèmesprincipaux ont été discutés, à savoir la recherche d’un développement plus efficace, etl’effet de développement sur les pays exercé par le commerce mondial après le cycled’Uruguay. Une efficacité accrue s’obtiendra désormais par un travail plus concentré etplus sélectif, mieux adapté aux besoins spécifiques d’un pays et de sa population.« Trade is better than aid » (mieux vaut commercer qu’aider), telle était l’opiniondominante à propos du rôle – essentiel – que joue le commerce mondial dans leprocessus de développement.

Tâches futures du FMI et de la Banque mondiale

54 Le séminaire de deux jours organisé à l’occasion du cinquantième anniversaire des

institutions de Bretton Woods a été consacré aux changements survenus dans la raisond’être du FMI et de la Banque mondiale, ainsi que dans la répartition des tâches entreces deux institutions. Une commission dirigée par Paul Volcker (ancien président de laBanque centrale américaine) avait élaboré des postulats pour l’avenir du FMI ; elleproposait notamment que le FMI abandonne son rôle de conseiller en matière depolitique économique (programmes d’ajustement structurel) pour revenir à sa vocationpremière qui était de s’occuper de problèmes monétaires (politique financière, balancedes paiements). Mais, contrairement à la commission Volcker, le directeur du FMI,Michel Camdessus, entend accroître encore ses responsabilités dans le domaine de la

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politique économique, et imposer davantage de discipline économique et monétaireaux pays industrialisés eux-mêmes.

55 La Banque mondiale devrait s’en tenir à sa vocation essentielle, qui est de lutter contre

la pauvreté des populations les plus défavorisées. Elle devrait ainsi s’abstenir de poserdes conditions politiques – ce qui est une manière de remettre indirectement enquestion sa collaboration avec le FMI pour les programmes d’ajustement structurel. Lesparticipants au séminaire ont généralement plaidé en faveur du retour à unerépartition des tâches plus claire entre la Banque mondiale et le FMI, ce qui atténueraitles conflits de compétence. Une meilleure délimitation des rôles amélioreraitégalement les chances de collaboration efficace dans la pratique.

Contre-sommet critique

56 La conférence d’anniversaire et la session annuelle ont donné lieu à des manifestations

critiques sous le slogan « Cinquante ans suffisent ». Lors d’un « contre-sommet »également tenu à Madrid, il a été reproché au FMI et à la Banque mondiale de dicteraux pays en développement, en échange de leur soutien, une politique d’ajustementstructurel qui n’a pas apporté un développement durable à ces pays. De plus, FMI etBanque mondiale imposent le principe de l’ajustement structurel exclusivement auxpays du Sud et à ceux de l’Est en transition, en ménageant à tort les pays industrialisés.Il est pourtant urgent que ces derniers changent par exemple leurs habitudes deproduction et de consommation, car ce modèle dilapidateur d’énergie et de ressourcesfait du tort aux pays pauvres et aux générations futures, favorise les pays déjà riches etdégrade l’environnement de tous.

2.2. Commerce international

2.2.1. GATT/OMC : Conclusion des accords du Cycle d’Uruguay

57 L’Accord du Cycle d’Uruguay est le résultat du 8e cycle de négociations qui avait débuté en 1986,

Il permet d’une part la poursuite de l’abaissement des droits de douanes dans les domaines

traditionnellement traités par le GATT. Il englobe d’autre part de nouveaux domaines : le

commerce des services et la propriété intellectuelle. Le secteur de l’agriculture sera aussi plus

fortement intégré aux règles du GATT. Les modifications législatives en Suisse pour se conformer

au GATT restent assez mineures (sauf pour l’agriculture). Les réactions de la procédure de

consultation pour la ratification de l’Accord par la Suisse ont été nombreuses, notamment par les

milieux de l’économie privée suisse, favorables aux accords. Des réserves et inquiétudes ont été

exprimées notamment par les milieux de la paysannerie suisse, par les organisations de défense

de l’environnement et certaines organisations d’entraide. Seuls les accords principaux et les

modifications législatives qui concernent plus spécifiquement les relations entre la Suisse et les

pays en développement seront examinés dans cet Annuaire. Plusieurs thèmes de négociations ont

été développés dans les Annuaires précédents7.

58 L’Accord commercial multilatéral du Cycle d’Uruguay (Uruguay Round) a été signé par

111 pays à l’issue de la Conférence ministérielle de Marrakech, le 15 avril 1994. L’Actefinal de 500 pages comprend une trentaine d’accords. 26 d’entre eux sont multilatérauxet constituent un tout contraignant pour l’ensemble des Etats membres : accords sur lecommerce des marchandises, Accord général sur le commerce des services, Accord

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relatif aux aspects des droits de propriété intellectuelle, règles et procédures régissantle règlement des différends. Quatre accords sont plurilatéraux et engagent donc que lespays souhaitant les ratifier : aéronefs civils, marchés publics, secteur laitier, viandebovine. Les pays doivent accepter l’ensemble des 26 à 30 accords pour pouvoir ratifierl’Acte final et pouvoir adhérer à la nouvelle organisation mondiale du commerce(OMC).

Procédure de ratification en Suisse

59 La ratification de ces résultats implique pour la Suisse la création d’une nouvelle loi sur

les achats publics et la modification de 16 lois fédérales (surtout dans les domaines del’agriculture et de la propriété intellectuelle). La procédure de consultation s’estdéroulée jusqu’à fin août 1994, pour permettre aux milieux intéressés d’exprimer leuravis sur la ratification des accords par la Suisse. Tous les partis, à l’exception desDémocrates suisses (ex Action nationale), se sont prononcés en faveur de la ratificationdes accords. Plusieurs partis, dont l’UDC, ont exprimé des craintes concernant lesconséquences des accords du GATT sur l’agriculture suisse. Certaines organisations dedéveloppement ou d’environnement ont exprimé leur opinion à cette occasion (dont laCommunauté de travail des œuvres d’entraide, la Déclaration de Berne et le WWF). Lesdeux chambres du parlement ont accepté la ratification des accords du Cycle d’Uruguaylors de la session de décembre 1994. Un référendum a été lancé contre cette décisionpar une plate-forme hors parti dénommée « GATT devant les urnes ». La ratificationpourra avoir lieu en avril 1995 si le référendum n’a pas un nombre suffisant designatures, ou en été 1995 si l’objet est accepté lors du vote populaire.

Intérêt pour l’économie suisse

60 Le Conseil fédéral relève dans son message l’importance du cadre multilatéral offert

par le Cycle d’Uruguay pour l’économie suisse, fortement dépendante des échangesextérieurs. L’amélioration de l’accès aux marchés, le renforcement de la protection dela propriété intellectuelle et l’accord sur les services sont les accords du GATT quiintéressent plus particulièrement l’économie privée suisse. Voici la part du chiffred’affaires réalisé grâce aux exportations pour quelques secteurs8 :

horlogerie (part des exportations dans le chiffre d’affaires de 93 % en 1991),

chimie et produits pharmaceutiques (85 %),

textiles et habillement (73.2 %), machines/industrie des métaux (70 %), industrie agro-

alimentaire (64.7 %),

assurances (63 %),

banques (33 %), et plus spécifiquement

machines textiles (95 %) et machines-outils (86 %).

Nouvelle Organisation mondiale du commerce (OMC)

61 L’Acte final qui est entré en vigueur le 1er janvier 1995 prévoit la transformation du

GATT (accord provisoire) en une Organisation mondiale du commerce (OMC), avec siègeà Genève (voir le schéma sur la structure de la nouvelle OMC). L’Organisation serachargée de la gestion de l’Accord sur les tarifs douaniers et le commerce, l’Accord surles services et celui sur la propriété intellectuelle. L’OMC servira de cadre pour lesnégociations futures de libéralisation du commerce. Elle devra coopérer avec la Banque

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Mondiale et le FMI pour chercher une meilleure cohérence dans l’élaboration despolitiques économiques, financières et commerciales.

Accès au marché

62 Tous les précédents cycles de négociations du GATT ont abouti à des réductions de

droits de douane. Il faut noter que les tarifs douaniers moyens sont relativementfaibles, soit 2,2 % sur les produits industriels en Suisse, 5 % dans l’Union européenne.Les problèmes se situent plutôt au niveau des crêtes tarifaires (tarifs particulièrementélevés, pouvant dépasser 40 %, sur certains produits) et dans la progressivité des droitsde douane en fonction du degré de transformation des produits. Les obstacles nontarifaires se sont multipliés (restrictions quantitatives, normes et contrôles sanitairessévères, auto-limitation des exportations, ententes de prix etc.). Ces restrictions ne fontl’objet de négociations que depuis le Tokyo Round (1973-79). Dans le cycle denégociation d’Uruguay, la baisse des droits de douanes résulte des engagements dechaque pays, des engagements supplémentaires pour certains secteurs, ainsi que desconcessions mutuelles entre certains partenaires commerciaux.

Organes de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC)

Source : Message relatif à l’approbation des accords du cycle d’Uruguay, Berne, p. 119.

Engagements nationaux

63 Chaque pays devait proposer des engagements nationaux pour baisser les obstacles

tarifaires et non tarifaires, sur la base des objectifs suivants : réduction moyenne desdroits de douanes de 33 % au moins, réduction si possible des mesures non tarifaires,harmonisation des tarifs (réduction plus forte des tarifs relativement élevés, crêtestarifaires). Les concessions tarifaires de la Suisse représentent une réduction moyennepondérée des droits de douane de 32 % (sur les produits industriels et les poissons). LaSuisse a offert une réduction des droits de douane supérieure à 70 % sur les produitstropicaux industriels et de 55 % sur les produits tropicaux agricoles.

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Engagements sectoriels

64 Une partie des négociations a été sectorielle, sur un mode plurilatéral, entre principaux

pays exportateurs et importateurs dans des secteurs choisis. L’ensemble des droits dedouane et des mesures non tarifaires devraient ainsi être éliminés par les principauxpays exportateurs et pays importateurs dans les secteurs tels que les produitspharmaceutiques, les équipements médicaux, les machines agricoles, les meubles. LaSuisse a participé aux initiatives ci-dessus. Elle ne participe en revanche pas àl’élimination des tarifs dans les secteurs de la bière, des jouets, de l’acier ou du papier(secteurs dans lesquels la Suisse est importatrice nette). Le secteur chimique connaîtraune harmonisation des tarifs à des taux maximaux de 6,5 % (avec participation de laSuisse). Les pratiques commerciales restrictives ou ententes de fixation de prix desentreprises privées ne sont pas touchées par le GATT.

Concessions mutuelles entre partenaires commerciaux

65 Une autre partie des négociations s’est déroulée bilatéralement, par un échange mutuel

de concessions entre 2 pays, sur les principaux produits d’exportation. La Suisse a menédes négociations bilatérales avec ses 25 principaux partenaires commerciaux extraeuropéens. Elle juge le résultat satisfaisant pour son accès aux principaux marchésd’exportation des pays en développement. La Corée du Sud baissera ses tarifs de 40 %,Singapour atteindra des tarifs consolidés de 10 %, 35 % des tarifs de Hong Kong serontnuls. Les pays d’Amérique latine, l’Afrique du Sud, l’Inde, l’Indonésie, les Philippines etla Thaïlande offrent des réductions substantielles des droits de douane. La part desdroits de douane consolidés (voir définition dans l’encadré) augmente fortement,notamment dans les pays en développement d’Asie et d’Amérique latine, où les tarifsconsolidés étaient encore rares. A l’échelle mondiale, le cycle de l’Uruguay permet deconsolider les tarifs pour 95 % des flux commerciaux.

Quelques principes du GATT et termes utilisés

Droits de douane consolidés : Lorsqu’un pays s’engage à ne pas relever le tauxd’un droit de douane au dessus d’un niveau convenu. Si le taux est relevé au dessusde ce niveau, le pays doit le notifier auprès du GATT et donner une compensationaux pays affectés, par l’abaissement d’un tarif sur un autre produit importé.

Clause de la nation la plus favorisée : Tout avantage commercial octroyé par unpays membre à un autre doit automatiquement être accordé à toutes les autresparties contractantes. Des exceptions existent pour les pays en développement(traitement spécial et différencié) et pour les zones de libre-échange.

Clause de sauvegarde : Un pays peut, sous certaines conditions, limitertemporairement ses importations d’un produit (par des droits de douane ou desrestrictions quantitatives), pour préserver un secteur économique national face àune hausse inattendue des importations.

Principe du traitement national : Les pays ne doivent pas accorder auxfournisseurs étrangers un traitement moins favorable qu’aux fournisseursnationaux de produits ou services similaires.

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Améliorations pour la Suisse

66 Les conditions d’accès de la Suisse sur les marchés sont donc sensiblement améliorées

pour les principaux produits d’exportations, notamment pour les produits chimiques etpharmaceutiques, les fromages, le chocolat, les textiles et l’habillement, les machines etéquipements, les produits horlogers.

67 L’industrie des machines mécaniques ou électriques et la métallurgique représente

45 % des exportations de marchandises suisses, dont 13 % en Amérique du Nord et 13 %dans les marchés asiatiques. L’industrie de ce secteur bénéficiera plus particulièrementdes réductions tarifaires et de l’harmonisation des tarifs, du renforcement de laprotection de la propriété intellectuelle, des clauses de sauvegardes, des accords sur lesinvestissements, sur les obstacles techniques au commerce, mais aussi de l’accord surles services (montage, entretien, formation liés à la vente des produits), ainsi que del’ouverture des marchés publics. Les services publics sont d’importants clients dusecteur, notamment pour les équipements d’approvisionnement en énergie et en eau.

68 L’industrie horlogère est le secteur qui dépend le plus des marchés d’outre-mer (60 %

des recettes d’exportation). Cette branche bénéficiera des réductions et de laconsolidation des droits de douane, ainsi que de l’accord sur la propriété intellectuelle,(source : Société de développement de l’économie suisse et Message du Conseil fédéral)

69 Les organisations de développement regrettent que l’accès au marché soit amélioré

surtout pour les pays du Nord et moins pour les produits intéressant les économies duSud. Les offres de la Suisse sont jugées insuffisantes. La Suisse appliquera encore destarifs douaniers progressifs selon le degré de transformation des produits (café, cacao,huile, poissons, textiles et vêtements, produits agricoles non tropicaux) et les crêtestarifaires subsistent (textiles, chaussures, articles de cuir).

Clauses sociales : nouvelle forme de protectionnisme ?

70 Les baisses des droits de douane depuis la création du GATT ont souvent été

accompagnées par l’établissement d’autres types de protection de l’industrie nationale,tels que les mesures non tarifaires ou les contingents à l’importation sur les textiles.Certains pays en développement craignent l’apparition de nouvelles formes deprotectionnisme. A titre d’exemple, les États-Unis et la France ont proposé sans succèslors de la Conférence ministérielle de Marrakech la création d’un groupe de travail surles normes de travail. L’instauration d’une clause sociale pourrait permettre de luttercontre la concurrence jugée déloyale des pays où la main-d’œuvre est exploitée(dumping social). Une protection à l’importation pourrait être établie à l’importationde marchandises qui auraient été produites dans des conditions de travail déplorables.En Suisse, la question est aussi examinée depuis 1994 à l’OFAEE, ainsi que dans lesmilieux syndicaux et les organisations d’entraide (Syndicats et la Déclaration de Berne,avec la campagne de cette dernière sur le thème « made in dignity »).

71 L’Organisation internationale du travail et des syndicats internationaux étudient

notamment la question d’une définition des normes de travail qui devraient êtrereconnues internationalement (sur la base de conventions de l’O.I.T. : interdiction dutravail forcé ou du travail des enfants, droits syndicaux et droit de grève respectés,etc.). Les pays en développement craignent l’instauration de nouvelles barrièrescommerciales faisant obstacle à leur exportations.

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Agriculture

Suppression des barrières non tarifaires

72 L’Accord prescrit la tarification de toutes les mesures non tarifaires à l’importation. En

Suisse, les nombreuses restrictions quantitatives à l’importation de produits agricolesdevront être transformées en droits de douane. L’Accord n’entraînera donc pas uneaugmentation soudaine des produits importés, car la Suisse peut par exempleremplacer le système saisonnier des trois phases9 par des droits de douane plus oumoins élevés sur les importations de certains fruits et légumes, en fonction de laproduction indigène (différenciation selon les saisons). Ces tarifs devront ensuitebaisser de 36 % en moyenne en 6 ans (24 % en 10 ans pour les pays en développement,les PMA ne doivent pas abaisser leurs droits de douane). Certaines lignes tarifairespeuvent n’être réduite que de 15 %. La Communauté de travail des œuvres d’entraideregrette que la Suisse ait saisi cette occasion pour limiter les réductions de certainsproduits qui intéressent plus particulièrement les pays en développement (sucre,safran, viande, produits laitiers, plantes et fleurs, etc.).

73 Les produits tropicaux et certains produits ne concurrençant pas l’agriculture suisse

connaîtront une réduction tarifaire pouvant aller jusqu’à 100 % (fruits tropicaux,boissons sans sucre, jus de citron par exemple). Les possibilités d’importer certainsproduits doivent augmenter dans certains cas, mais avec des répercussions mineuressur l’agriculture suisse. L’ensemble des importation de viande de porc et de la volailledevra par exemple passer de 41’000 tonnes en 1993 à 54’000, mais il n’y a aucuneobligation d’augmenter l’accès des autres sortes de viandes.

74 La Suisse a œuvré pour la reconnaissance d’une clause de sauvegarde agricole,

permettant d’imposer des droits de douane additionnels temporaires en cas de forteaugmentation de l’importation de certains produits ou en cas de forte baisse des prix àl’importation.

Soutien interne pour les paysans

75 Les soutiens internes à l’agriculture qui ont des effets de distorsion sur les échanges

doivent être réduits de 20 % en moyenne en 6 ans (en 10 ans pour les pays endéveloppement) (soutiens dits de la catégorie orange). Les soutiens internes qui n’ontpas d’effets sur le commerce international restent autorisés (« catégorie verte ») :recherche, lutte contre les maladies, aide à l’infrastructure, sécurité alimentaire,paiements directs aux paysans, mesures en faveur des régions de montagne. Al’initiative de la Suisse, toute libéralisation future devra aussi tenir compte du rôlemultifonctionnel de l’agriculture. Les pays en développement ne devront pas diminuerles subventions aux intrants agricoles, les aides à l’investissement, ni les subventionsdestinées au remplacement des cultures de plantes narcotiques illicites.

Subventions à l’exportation

76 Les subventions à l’exportation pour les produits agricoles bruts ou transformés

doivent être réduites de 36 % et les quantités exportées subventionnées réduitesde 21 % pour les produits agricoles bruts (sur la base de la moyenne desannées 1986/90). Les réductions demandées sont nulles pour les PMA et respectivement

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de 24 % et 14 % pour les autres pays en développement. La Suisse aurait souhaité ne pasavoir à réduire les quantités subventionnées. La mesure concerne surtout le fromage, lebétail d’élevage et les fruits.

77 Une décision adoptée reconnaît que les PMA et les autres pays en développement

importateurs nets de produits alimentaires risquent de subir les effets négatifs desréductions des subventions à l’exportation, par une augmentation des prix mondiauxde certains produits. La décision évoque la possibilité d’une aide transitoire du FMI etde la Banque mondiale pour le financement à court terme des importations de produitsalimentaires. Les organisations de développement demandent des mesurescompensatoires transitoires.

Ajustement sectoriel nécessaire de l’agriculture suisse

78 L’Accord du GATT sur l’agriculture est l’accord qui demande le plus grand effort

d’adaptation à la Suisse. Les réformes ont déjà été entamées en Suisse dans le 7e rapportsur l’agriculture de janvier 1992 et dans la modification de la loi sur l’agriculture dejanvier 1993, en développant notamment les possibilités de paiements directs non liés àla production, ainsi que les mesures d’orientation de la production végétale (voirAnnuaire 1992). Les paiements directs sont des contributions versées directement auxagriculteurs par l’Etat à titre de revenu et non en tant que prix d’un produit.

79 Les instruments de protection tels que les contingents à l’importation, le système des

trois phases ou les suppléments de prix doivent être remplacés par des droits dedouane ou un système de prix minimaux à l’importation. La Confédération pouvaitobliger les importateurs de certains produits à prendre en charge aussi une certainequantité de produits indigènes de même genre. C’était le cas par exemple pour les œufs,et le beurre pour les importateurs d’huiles et graisses. Cette prise en charge obligatoirene sera plus possible.

80 L’Accord du GATT aura aussi une répercussion sur l’Industrie alimentaire suisse, tenue

de s’approvisionner en matières premières agricoles sur le marché suisse aux prixinternes relativement élevés (cas du lait, du sucre, de la farine, des œufs, etc.). Lesversements actuels de la Confédération à l’industrie alimentaire d’exportation,versements destinés à compenser le handicap des matières premières plus coûteuses,devront diminuer de moitié lors de l’entrée en vigueur de l’Accord, puis encore de 36 %en 6 ans. L’industrie alimentaire d’exportation demandait au Conseil fédéral de trouverune solution à ce problème, pour éviter les risques de délocalisations d’entreprisessuisses.

81 C’est le volet agricole qui a suscité le plus de réactions lors de la procédure de

consultation et lors des débats parlementaires, avec une grande inquiétude sur l’avenirde la paysannerie en Suisse. Les milieux agricoles revendiquent une compensationintégrale des pertes de revenus imputables à la mise en œuvre des accords du cycled’Uruguay. L’USP (Union suisse des paysans) n’est pas opposée au principe despaiements directs mais craint que les promesses de paiements aux paysans ne soientcompromises par les problèmes financiers de la Confédération.

Textiles et vêtements

82 L’Arrangement multifibres (AMF) existant depuis 1974 autorisait les pays à limiter

l’importation de textiles et vêtements en provenance de certains pays, ceci en

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dérogation de la clause de la nation la plus favorisée. Les pays en développementdemandaient depuis de nombreuses années l’abolition de cette protection desentreprises des pays industrialisés. L’Accord trouvé lors du cycle d’Uruguay prévoit lalevée progressive de ces restrictions, avec une période transitoire de dix ans. Uneclause de sauvegarde pour des mesures de protection limitées dans le temps est encoreprévue si l’importation d’un produit particulier venait à menacer la branche deprotection nationale. La libéralisation ne doit pas se faire uniquement du côté des paysindustrialisés et des pays comme l’Inde devront aussi éliminer leurs restrictions àl’importation des textiles.

83 Les importations de textiles et vêtements de la Suisse se sont élevées à 7,1 milliards

de francs en 1993 (8 % du total des importations) et les exportations à 3,9 milliardsde francs (4,2 % des exportations) (source : Message du Conseil fédéral, p. 181). Laproduction suisse très spécifique et de haute qualité n’a pas beaucoup souffert desimportations de produits de masse bon marché en provenance des pays endéveloppement. L’industrie suisse des textiles et des vêtements exporte surtout dansles pays de l’Union Européenne et de l’AELE (85 % des exportations à destination de cespays). Ce secteur économique bénéficiera plus particulièrement d’une diminution desdroits de douanes dans certains pays partenaires (États-Unis, Canada, Thaïlande etIndonésie par exemple), de même que de la meilleure protection de la propriétéintellectuelle (protection des modèles et indications de provenance).

84 La Suisse applique des droits de douane sur les importations de textiles, mais n’avait

pas appliqué les restrictions quantitatives prévues dans l’Arrangement multifibres(AMF). L’Accord du cycle d’Uruguay n’implique donc aucune modification du droit,mais la Suisse se réserve toutefois le droit de recourir à la clause de sauvegarde si labranche est menacée. La Suisse et l’industrie du secteur regrette que le nouvel Accordne supprime pas le problème du trafic de perfectionnement passif des textiles. Lesproduits textiles bruts suisses travaillés dans des pays qui ne font pas partie de l’Espaceéconomique européen (pays de l’Europe centrale et orientale par exemple)continueront donc à être frappés de taxes douanières relativement élevées.

Investissements directs étrangers et commerce

85 L’Accord relatif aux mesures concernant les investissements prévoit une élimination

progressive des mesures qui font obstacle au commerce. Selon les dispositions del’Accord, les Etats s’engagent à éliminer les mesures qui violent le principe dutraitement national ou qui impliquent des restrictions quantitatives aux échanges. Lesmesures devenant interdites sont les suivantes : conditions relatives à l’utilisation deproduits locaux (obliger l’investisseur étranger à acheter sur le marché local unecertaine part des produits intermédiaires), restrictions à l’importation (ou àl’exportation) de produits.

86 L’Accord ne prévoit que des règles à respecter par les Etats accueillant des investisseurs

étrangers, mais aucune obligation pour les firmes transnationales. La Déclarationde Berne et la Communauté de travail demandent à la Suisse d’inciter l’OMC à traiteraussi des pratiques commerciales restrictives des entreprises privées.

87 La Confédération suisse regrette pour sa part le champ d’application trop limité de

l’Accord. Les mesures suivantes prises par le pays d’accueil des investissementsresteront autorisées : obligation d’exporter une partie des marchandises produites dans

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le pays d’accueil, restrictions aux transferts de bénéfices, obligations relatives à uneparticipation indigène minimale au capital propre. L’Inde exige par exemple uneparticipation locale de 51 % au minimum. L’Accord entraînera pourtant une meilleuresécurité juridique pour les investisseurs suisses, ce qui est important pour ce pays quise situe au 6e rang parmi les pays du monde qui investissent à l’étranger.

Accord général sur le commerce des services (GATS)

88 Les échanges de services ont augmenté fortement pendant les deux dernières

décennies, beaucoup plus que les échanges de marchandises. Les échanges de servicess’élevaient selon la Banque mondiale à 1’000 milliards de dollars en 1992, (échanges demarchandises : 3730 milliards de dollars la même année)10. La Suisse est le 5e paysexportateur de services du monde et le secteur tertiaire représente plus de 60 % duPNB. L’effectif du personnel employé par des entreprises suisses des services dans lespays en développement s’élevait à plus de 38’000 personnes en 1991. Les compagniesd’assurance privées emploient 48’000 personnes en Suisse et 88’000 à l’étranger. Lesassurances suisses réalisent à l’étranger les deux tiers du volume de leurs primes.

89 Les pays en développement (et surtout le Brésil et l’Inde) s’opposaient à une

libéralisation dans ce secteur dominé par les pays industrialisés car cela pourraitmenacer le développement d’un secteur national des services. Les antagonismes entrel’Union européenne et les États-Unis ont aussi été très importants. Les profondesdivergences se traduisent dans l’Accord par un résultat assez modeste et par denombreuses exceptions aux règles.

90 Le nouvel Accord général sur les services (GATS) repose sur 3 piliers : l’Accord-cadre

permettant de lancer pour la première fois une libéralisation progressive du secteur(obligations générales), des annexes sectorielles, ainsi que les listes d’engagementsinitiaux et d’exemptions établies par les Etats contractants. D’autres négociationsseront ouvertes dans l’avenir pour améliorer progressivement l’accès au marché.L’Accord-cadre porte sur toutes les formes de commerce international de services, ycompris les professions libérales, les conseils, l’audiovisuel, la construction, les servicesfinanciers, la santé, le tourisme et les transports.

91 De nombreuses exceptions sont prévues à la clause de la nation la plus favorisée. Un

traitement préférentiel de certains partenaires commerciaux reste possible, dans lecadre de zones de libre-échange et d’unions douanières par exemple.

Services financiers (banques assurances, gestion de fortune)

92 L’Accord du GATS ne s’applique pas aux banques centrales, ni aux institutions de

sécurité sociale. Les pays peuvent s’ils le désirent, dans un délai de 6 mois suivantl’entrée en vigueur de l’Accord, retirer leurs engagements de libéralisation sans devoiroffrir de compensation. C’est le seul domaine des services qui nécessite unemodification de la loi suisse. La loi fédérale sur les banques stipulait qu’unétablissement financier étranger ne peut s’établir en Suisse que si son pays d’origineoffrait la réciprocité (droit pour un institut bancaire suisse d’établir une filiale dans cepays). La loi doit être modifiée pour autoriser la création d’une filiale en Suisse sansdevoir de réciprocité. La Suisse pourrait cependant rétablir cette exigence deréciprocité dans un délai de 6 mois.

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Service de base des télécommunications

93 Les divergences ont été importantes entre les pays où l’Etat détient le monopole des

PTT (plupart des pays européens, dont la Suisse) et les pays dans lesquels lestélécommunications sont privatisées (États-Unis). Des négociations supplémentairesseront nécessaires d’ici début 1996.

Transports maritimes et aériens

94 Des négociations supplémentaires seront nécessaires dans le domaine de la navigation

maritime d’ici juin 1996, avec la participation de la Suisse. Les droits de trafic etd’atterrissage des avions connaissent un vaste et complexe réseau d’accords bilatérauxdifficiles à transformer en cadre multilatéral. Ils restent encore temporairement exclusdu champ d’application du GATS.

Services audio-visuels

95 Ce domaine a soulevé de grandes controverses entre les États-Unis et certains pays de

l’Union européenne (France surtout). Ces derniers soulignaient, comme la Suisse et lesautres pays de l’AELE, la spécificité culturelle des services audio-visuels. Plus de 80 %des copies de films importées en Suisse proviennent des États-Unis (59 % en France etplus de 90 % au Royaume-Uni). Les États-Unis n’étant pas prêts à reconnaîtreexpressément le principe de la spécificité culturelle dans l’Accord-cadre, d’autres pays,dont la Suisse, ont fait valoir des dérogations au principe de la nation la plus favorisée.

96 Les services audio-visuels sont donc bien intégrés dans l’Accord sur les services, avec

les principes de base de transparence et de la libéralisation progressive. Mais l’Accordne prescrit pas l’obligation d’appliquer l’égalité de traitement entre fournisseursnationaux et étrangers. La Suisse peut donc continuer à verser des subventions poursoutenir la production audiovisuelle nationale et elle se réserve la possibilité depoursuivre sa politique de coproduction (avec l’Europe surtout, dont les fondsEurimages).

Mouvements des personnes

97 L’Annexe relative au mouvement des personnes physiques fournissant des services ne

va pas à l’encontre des mesures habituellement prises pour restreindre la venued’étrangers. La Suisse, comme beaucoup d’autres Etats, a fait des réserves spécifiquespour limiter le mouvement des personnes et n’a contracté des engagements d’accès aumarché suisse pour les dirigeants et les spécialistes dans le cadre de transferts internesaux entreprises. La Suisse se réserve aussi le traitement préférentiel de ressortissantsdes Etats de l’Union européenne ou de l’AELE (conformément au système des troiscercles).

Protection de la propriété intellectuelle (TRIPS)

98 L’Accord du Cycle d’Uruguay (Accord TRIPS) vise un renforcement de la protection de

la propriété intellectuelle, pour mieux pouvoir lutter contre la piraterie des créationslittéraires et artistiques, ainsi que les contrefaçons des inventions et innovations.L’Accord impose aux Etats membres certaines obligations de légiférer ou certaines

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normes minimales à appliquer, ceci dans les domaines suivants : droits d’auteur (avecles programmes d’ordinateurs assimilés à des œuvres littéraires), marques de fabriqueou de commerce, protection des indications géographiques (pour le vin par exemple),dessins et modèles industriels, brevets. L’Accord améliore l’efficacité de ses mesurespar la procédure de règlement des différends.

99 L’économie privée suisse est dans l’ensemble satisfaite de cet Accord qui permettra de

mieux lutter contre les contrefaçons (du « Swiss made », des montres, des médicamentsou des dessins sur textiles par exemple). Le mécanisme de règlement des différends del’OMC permettra aussi de mieux lutter contre les violations des nombreusesconventions internationales dans le domaine de la propriété intellectuelle (dont laConvention de Paris pour la protection intellectuelle, que l’Inde n’avait pas encoreratifiée, la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires etartistiques).

Protection par les brevets

100 Dans le domaine des brevets, une protection d’une durée de 20 ans devra être accordée

pour toutes les inventions de produits ou de procédés, exceptées les catégories ci-dessous. Ne sont pas brevetables les inventions contraires à l’ordre public ou lamoralité, les méthodes diagnostiques, thérapeutiques et chirurgicales pour letraitement des personnes ou des animaux. Les pays peuvent aussi déclarer nonbrevetables les végétaux et animaux (autres que les micro-organismes), ainsi que lesprocédés essentiellement biologiques d’obtention de végétaux ou d’animaux.

101 Les pays ont toutefois l’obligation de protéger les variétés végétales par des brevets ou

par un système « sui generis » (système semblable à la Convention internationale pourla protection des obtentions végétales, qui s’appliquait jusqu’ici surtout dans des paysindustrialisés).

Adaptations de la législation suisse

102 La Suisse a déjà largement renforcé ses dernières années la protection par les brevets,

de sorte que le droit suisse répond déjà dans une large mesure aux exigences del’Accord TRIPS. La Suisse doit apporter des modifications peu importantes de la loifédérale sur le droit d’auteur, la loi sur les marques, la loi sur les brevets d’invention,ainsi que la loi sur les dessins et modèles industriels (renforcement des sanctions pourles responsables de contrefaçon). La loi sur les brevets interdisait de breveter desinventions dont la publication et la mise en œuvre seraient contraire à l’ordre public ouaux bonnes mœurs. La modification de loi propose de ne plus interdire de breveter lesinventions dont la seule publication serait contraire aux bonnes mœurs.

103 Les organisations de protection de l’environnement, des œuvres d’entraide, le Parti

socialiste suisse et le Parti écologique ont critiqué la modification de la loi sur lesbrevets. Ces milieux s’opposent à la brevetabilité des plantes, des animaux ou desmicro-organismes modifiés génétiquement. L’Accord du Cycle d’Uruguay constitue,selon les organisations d’entraide, un handicap pour l’industrialisation de pays endéveloppement, souvent basé sur l’imitation et l’adaptation de procédés inventé dansles pays du Nord. Beaucoup de pays du Sud s’étaient aussi opposés au renforcement dela protection par les brevets, renforcement profitable surtout aux pays producteurs detechnologies, donc aux pays les plus industrialisés.

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Accord sur les marchés publics

104 Cet Accord plurilatéral ne concerne que les pays qui le ratifient, surtout des pays

industrialisés. Les pays signataires sont ceux de l’Union européenne, de l’AELE, dont laSuisse, les États-Unis, le Canada, le Japon, Israël et la Corée du Sud. Hong-Kong etSingapour ont participé aux négociations mais n’ont pas signé le document final. Lemarché de la construction reste en général local ou régional, sauf pour les grandstravaux d’infrastructure (rail, route, énergie…) ou les grands travaux de constructiondans les pays en développement.

105 L’Accord fixe les règles pour les constructions et les achats de biens et services, au

niveau du gouvernement central et régional. En Suisse sont concernés la Confédération(administration fédérale, Écoles polytechniques, PTT) et les cantons, mais pas lescommunes. Les achats publics suisses (y compris les communes) représentent26 milliards de francs par an (10 % du PIB). L’Accord ne concerne, au niveau de laConfédération, que les achats supérieurs à 260’000 francs pour les achats publics debiens et services et 10 millions de francs pour la construction (seuils respectivement de400’000 et 10 millions pour les cantons).

106 Les principes de traitement national et de non discrimination doivent être respectés. Il

faut donc accorder un traitement identique aux fournisseurs nationaux et étrangers,ainsi qu’un traitement identique entre fournisseurs étrangers. Les procédures d’appeld’offres sont réglées (transparence) et des mécanismes de recours doivent exister. Uneclause sociale est introduite dans la loi suisse pour les constructions, pour éviter ledumping social. Des salariés régis par un contrat collectif de travail pourraient êtredéfavorisés sur le plan de la concurrence par rapport à des salariés libres de cesobligations contractuelles. Un marché ne sera ainsi adjugé « qu’à un soumissionnaireobservant à l’égard de ses salariés les dispositions en matière de sécurité du travail etles conditions de travail pour les prestations fournies en Suisse » (Article 8 du projet deloi fédérale sur les marchés publics).

Pays en développement et GATT

107 L’analyse et les négociations du commerce international pour les pays en

développement s’effectuaient jusqu’au début des années 80 plutôt dans la CNUCED. Lecycle d’Uruguay a tenté d’associer beaucoup plus les pays en développement auprocessus de négociation. De plus en plus de pays en développement reconnaissentl’importance d’un système multilatéral d’échanges libéralisé, réglementé et plusprévisible (préférable aux pressions unilatérales des plus grandes puissances). Lesnouveaux pays industrialisés du Sud sont devenus des acteurs importants du commerceinternational et ils recherchent un meilleur accès aux marchés du Nord, pour leurstextiles par exemple. Le GATT implique cependant plus d’obligations pour lesgouvernements, sans toucher aux pratiques commerciales restrictives des firmestransnationales qui contrôlent pourtant une part importante du commerceinternational. Les inventions du Nord seront mieux protégées, sans reconnaître letravail réalisé par les communautés paysannes du Sud dans la préservation de ladiversité biologique. Le système de négociation est jugé par beaucoup comme étant peudémocratique, car l’influence des grandes puissances commerciales reste très grande.La Communauté de travail et la Déclaration de Berne pensent que la politique

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commerciale doit mieux prendre en compte les principes et les objectifs de lacoopération au développement. L’arrêté fédéral approuvant les accords du GATT auraitdû ainsi mentionner explicitement ces principes, comme cela avait été la cas lors del’adhésion de la Suisse aux institutions de Bretton Woods. Ces organisations demandentaussi au Conseil fédéral de créer un mécanisme de consultation extra-parlementaireavec les milieux intéressés pour améliorer la transparence des discussions au sein del’OMC (commission consultative existante ou en nommer une nouvelle).

Conséquences du Cycle d’Uruguay sur les pays les plus pauvres

108 Les conséquences des accords du Cycle d’Uruguay sur les économies des pays en

développement sont difficiles à évaluer. Diverses études semblent pourtant montrerque si les pays les plus avancés bénéficieront de meilleurs débouchés pour leursexportations, les principaux perdants sont les PMA et les autres pays en développementimportateurs nets de produits agricoles. Selon les études de la CNUCED et selon lesinquiétudes exprimées par des pays en développement, le Cycle d’Uruguay pourraitavoir les conséquences suivantes sur les pays les moins avancés (PMA) :

érosion des marges tarifaires préférentielles accordées par le Système généralisé des

préférences ;

préjudice lié à l’augmentation des prix agricoles mondiaux et au renchérissement du prix de

denrées alimentaires importées (par la diminution des subventions à l’exportation dans le

pays d’origine des produits) ;

renchérissement du prix des technologies nouvelles ;

difficultés administratives. L’effort d’adaptation requiert une capacité en ressources

humaines et une information adéquate ;

renforcement des disciplines multilatérales. Le choix des politiques de développement est

plus restreint dans les pays en développement.

109 La Communauté de travail, la Déclaration de Berne, le Parti socialiste suisse et les

écologistes ont demandé, lors de la procédure de consultation, une augmentation de100 millions de francs au minimum de l’enveloppe financière destinée aux mesures depolitique économique et commerciale (coopération au développement). Ces fondspermettraient d’offrir une petite compensation transitoire aux pays les plus pauvres etde financer quelques mesures positives, en développant leurs capacités commercialeset institutionnelles. Cette dépense serait modeste face aux gains que l’économie suissepeut escompter de la libéralisation. Les analyses détaillées concernant les conséquencesdu cycle d’Uruguay sur les pays défavorisés devraient être entreprises.

110 Le Conseil fédéral a mandaté en été 1994 des instituts de recherche (dont l’IUED) pour

mieux cerner les conséquences du cycle d’Uruguay sur les pays en développement, avecdes études de cas plus détaillées sur six pays (Bangladesh, Bolivie, Chili, Burkina Faso,Inde et Maroc).

Commerce et environnement

111 Si les pays Industrialisés se déclarent depuis quelques années généralement en faveur

de l’intégration des aspects environnementaux dans le système commercialmultilatéral, les pays en développement craignent que les initiatives prises dans cedomaine ne servent à justifier de nouvelles formes de protectionnisme.

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112 De nombreuses réactions sont apparues dans ce domaine lors de la procédure de

consultation. Les organisations de protection de l’environnement regrettent que leGATT ne tienne pas suffisamment compte des problèmes de protection del’environnement et des résultats de la Conférence de Rio sur l’environnement et ledéveloppement. L’Accord sur les obstacles techniques au commerce stipule que lesnormes doivent faire le moins possible obstacle au commerce et que les pays s’engagentà tenir compte des règles harmonisées internationalement. Le WWF craint unnivellement par le bas de certaines prescriptions. Un pays pourra dans l’avenir, selon leWWF, plus difficilement être à l’avant-garde dans la lutte contre la pollution. Pour leWWF, les pays devraient être autorisés à prendre des mesures unilatérales pourprotéger l’environnement. Le WWF demandait aussi au Conseil fédéral de soumettrel’adhésion aux Accords du GATT au référendum obligatoire.

113 D’autres propositions ont été faites par des organisations de protection de

l’environnement11 :

L’accroissement du commerce international entraîne une intensification des transports et

donc une aggravation de la pollution. Des mesures devraient donc être prises pour intégrer

le coût des dommages à l’environnement dans le coût de transport ;

Les aides à l’agriculture suisse devraient favoriser uniquement l’agriculture plus écologique ;

Le processus de négociation dans la future OMC devrait être plus démocratique et plus

transparent, avec une participation possible des ONG de développement et

d’environnement, en particulier dans le nouveau comité du commerce et de

l’environnement. Les ONG n’ont actuellement pas de statut d’observateur dans ce nouveau

comité de l’OMC.

Comité du commerce et de l’environnement de l’OMC

114 La Décision ministérielle adoptée à Marrakech fixe un cadre pour les discussions

futures sur l’environnement au sein de l’Organisation mondiale du commerce,notamment par l’instauration d’un comité permanent du commerce et del’environnement (comité qui remplace l’ancien groupe de travail du GATT). Ce comitécontinuera d’analyser les relations entre mesures environnementales et commerceinternational. Il pourra s’il y a lieu faire des recommandations pour modifier certainesdispositions du système commercial multilatéral en vue de la promotion dudéveloppement durable. Il examinera par exemple l’effet des mesuresenvironnementales sur l’accès aux marchés pour les pays en développement, ainsi queles rapports entre le mécanisme de l’OMC pour le règlement des différends et lesmécanismes prévus dans les accords environnementaux multilatéraux. La Suissesouhaite que les adaptations des règles de l’OMC permettent d’améliorer la protectionde l’environnement. La délégation suisse auprès de ce comité est menée conjointementpar l’OFAEE et l’Office fédéral de l’environnement (OFEFP). Le Conseil fédéral relèvedans son message que les pays peuvent continuer à recourir à des instruments pourprotéger leur environnement. Ils doivent cependant respecter les principesfondamentaux du GATT (non-discrimination, traitement national, proportionnalité ettransparence).

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2.2.2. CNUCED

115 Le Conseil de la CNUCED a entrepris en 1994 l’examen à mi-parcours de la mise en œuvre des

nouvelles orientations qui avaient été données aux travaux de la CNUCED lors de la CNUCED VIII.

Trois nouveaux groupes de travail ont été créés pour approfondir les thèmes de l’environnement,

le rôle du secteur privé et trouver de nouvelles possibilités de commerce pour les pays en

développement. Les débats du Conseil se sont déroulés sous le signe de la conclusion de

l’Uruguay Round. Le symposium international pour l’efficacité commerciale a permis d’adopter

des recommandations pour rationaliser les opérations du commerce extérieur, en vue d’une

meilleure participation des PME et des pays en développement au commerce international. Les

activités de la CNUCED dans le domaine des investissements directs et des firmes transnationales

se sont intensifiées en 1994 avec le transfert de New York à Genève de la Commission sur les

firmes transnationales. Trois nouveaux accords internationaux sur les produits de base ont été

adoptés en 1993 et 1994 (Accords sur le cacao, le café et les bois tropicaux).

Conseil de la CNUCED et commissions

116 Organe exécutif de la CNUCED, le Conseil s’est réuni à Genève au printemps (avril-mai)

et à l’automne 1994 (septembre).

Orientations de travail pour les années 1994-96

117 L’Organisation avait adopté de nouvelles orientations de travail lors de la 8ème

Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement qui s’étaitdéroulée en 1992 à Carthagène (voir Annuaires 1993 et 1994). Les réformes avaientpour objet de redéfinir le rôle de la CNUCED face à la nouvelle situation mondiale issuede la fin du conflit Est-Ouest et de la prédominance du libéralisme économique. LaCNUCED devait, selon les engagements pris à Carthagène, devenir un forum dediscussion intergouvernementale pouvant aboutir à l’élaboration de recommandationssur les problèmes du commerce international, et ne pas chercher à tout prix à vouloirentreprendre des négociations de traités internationaux contraignants. La CNUCED segardait la possibilité de négocier des accords dans les domaines des matières premièresou des transports maritimes, mais devait sur les autres thèmes se concentrer sur lesdébats d’idées, l’analyse des politiques et l’assistance technique.

118 Le Conseil a examiné en mai 1994 la mise en œuvre à mi-parcours de l’Engagement de

Carthagène. Le bilan des activités a été jugé globalement positif, surtout par les paysindustrialisés, car la CNUCED a démontré le rôle qu’elle pouvait avoir comme forum dediscussions. Le haut niveau technique des études et des analyses est reconnu. Plusieurspays industrialisés, dont la Suisse, apprécient notamment les débats moins conflictuelset les discussions moins formelles, les échanges d’expériences, l’intégration d’expertsde l’économie privée dans les réunions, ainsi que les activités d’assistance technique.

119 Plusieurs pays se désintéressent pourtant de plus en plus des activités de l’organisation.

L’attention des médias, des délégations et des observateurs extérieurs (ONGpar exemple) a été portée ces dernières années surtout sur les négociations du GATT, laCNUCED perdant de son influence dans le débat international sur le commerce et ledéveloppement. Les pays les plus pauvres ont de plus en plus de difficultés, pour desraisons financières, à suivre efficacement les nombreuses réunions internationales(CNUCED, négociations du GATT, suivi de la Conférence de Rio, etc.). Les pays en

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développement souhaiteraient des délibérations plus orientées sur l’action, l’adoptionde politiques concertées plus contraignantes, ou au moins l’adoption de « conclusionsconcertées » à l’issue des débats de la CNUCED.

120 Le Rapport adopté à l’issue de l’examen à mi-parcours permet d’apporter certaines

corrections dans la méthode de travail jusqu’à la CNUCED IX qui devrait se tenir auprintemps 1996 dans un pays africain (la Conférence se tenant à tour de rôle sur unautre continent). Certains pays industrialisés, dont la Suisse, souhaitent unerationalisation du travail du Conseil de la CNUCED : séances moins longues et moinsfréquentes (2 fois deux semaines par année actuellement). Cette question seraréexaminée lors de la CNUCED IX. Les organes Intergouvernementaux (commissionspermanentes et groupes de travail) devraient être moins nombreux et avoir un mandatplus restreint (et par cette occasion plus réalisable). Les réunions des commissions etgroupes devraient être moins nombreuses, plus courtes et le travail devrait seconcentrer sur moins de points de substance à chaque réunion.

Nouveaux groupes de travail : environnement, secteur privé

121 Les cinq anciens groupes de travail qui avaient un mandat de deux ans ont été dissous

et trois nouveaux groupes ont été créés, en délimitant plus précisément leurs mandatsdès le départ. Un des groupes est chargé d’étudier les liens entre commerce,environnement et développement. Il devra examiner les incidences des normes etréglementations en matière d’environnement sur l’accès aux marchés et lacompétitivité, en particulier pour les PMA et les pays en transition (pays de l’Europecentrale et orientale). Il pourra aussi explorer les débouchés que peut offrir la demandede « produits écologiques », étudier la question de l’éco-étiquetage, et analyser lesnouveaux instruments écologiques qui peuvent avoir des incidences commerciales.Notons que le mandat de ce groupe est proche de celui institué dans l’OrganisationMondiale du Commerce et que ce thème est aussi étudié dans le cadre du suivi de laConférence de Rio sur l’environnement et le développement (voir aussi les textes« commerce et environnement » aux points 2.1.10., GATT, et 3.6, suivi de Rio).

122 Un deuxième groupe examinera le rôle des entreprises et de l’esprit d’entreprise dans

le processus du développement. La création de ce groupe avait été proposée par lespays latino-américains et quelques pays industrialisés, dont la Suisse. A la demande dela Suisse, le groupe étudiera la question de l’intégration du secteur informel dansl’économie formelle.

123 Le troisième groupe proposé par des pays asiatiques examinera les nouvelles

opportunités commerciales offertes aux pays en développement par le nouveaucontexte international issu de l’application des accords de l’Uruguay Round.

Autres points à l’ordre du jour du Conseil de la CNUCED

Uruguay Round

124 Le Conseil a largement débattu de l’évaluation des résultats de l’Uruguay Round pour

les pays en développement, sur la base notamment du Rapport 1994 du commerce et dudéveloppement. Certains pays s’inquiètent des effets négatifs que pourraient avoir lesAccords, en particulier pour les PMA. Certains pays industrialisés (dont les États-Unis)soutiennent que les effets seront positifs pour tous les pays. La Suisse partage l’opinion

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de beaucoup de pays selon laquelle l’Uruguay Round pourrait avoir des conséquencesnégatives à court terme pour les PMA, ce qui justifierait une intensification del’assistance technique pour ces pays.

125 La CNUCED peut avoir un rôle dans l’assistance des pays en développement (et surtout

les PMA) pour que ces pays puissent identifier et mieux tirer parti des avantagesdécoulant de l’Uruguay Round, ainsi que pour mieux leur permettre de s’adapter auxnouvelles règles multilatérales. La CNUCED peut aussi poursuivre ses analyses et débatssur les effets de l’Uruguay Round et sur les nouveaux thèmes des relationscommerciales internationales.

126 Craignant de nouvelles formes de protectionnisme à rencontre du Sud, les pays en

développement se sont déclarés préoccupés de la manière dont vont être traitées lesquestions de l’environnement et de la clause sociale au sein de l’Organisation mondialedu commerce. Certains pays en développement souhaitent que la question des clausessociales soit examinée à l’Organisation internationale du travail ou à la CNUCED plutôtqu’à l’OMC. Les USA et la France avaient demandé, lors de la Conférence ministériellede Marrakech, que cette question soit traitée par l’OMC. Certains pays s’interrogent surles motivations réelles de certains pays industrialisés qui poussent l’OMC à se penchersur ces thèmes (lutte pour des conditions de travail plus décentes ou protection desmarchés contre les importations en provenance des pays à bas salaires ?).

Pays les moins avancés

127 Le Conseil a examiné les progrès accomplis dans la mise en œuvre du Programme

d’action pour les années 90 en faveur des PMA, sur la base du Rapport sur lesPMA 1993-94. L’examen à mi-parcours aura lieu du 26 septembre au 6 octobre 1995. Lacroissance économique des PMA a été globalement la plus élevée depuis le début de ladécennie. La situation reste pourtant précaire dans la plupart des PMA : enseignementet soins de santé souvent hors de portée des populations les plus pauvres, fardeau de ladette extérieure (avec une part croissante des dettes multilatérales), stagnation del’aide publique au développement (autour de 16 milliards de dollars par an), diminutionde la part des PMA dans les exportations mondiales (de 0,6 % en 1980 à 0,3 % en 1992).

Développement du continent africain

128 Le Conseil a examiné la mise en œuvre du Programme d’action des Nations Unies pour

le développement de l’Afrique dans les années 90. Les discussions se basaient sur unrapport du secrétariat sur la promotion des investissements et le transfert detechnologies. Les pays en développement insistent sur la nécessité d’une aide de lacommunauté internationale et d’un allégement de la dette. Si tous les paysreconnaissent l’importance de l’aide internationale, certains pays industrialisés, dontla Suisse, relèvent l’importance de la stabilité macro-économique et des réformesstructurelles dans les pays africains eux-mêmes. Pour ces pays industrialisés, unemeilleure stabilité politique, les réformes des systèmes fiscaux et bancaires, lamobilisation de l’épargne intérieure, l’appui aux PME et l’accroissement du rôle dusecteur privé sont autant de facteurs qui devraient contribuer à attirer davantage lesinvestissements étrangers et développer l’esprit d’entreprise.

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Coopération technique de la CNUCED

129 Les activités techniques de la CNUCED visent un renforcement des capacités et

institutions nationales des pays en développement et des pays en transition dans lesdomaines d’activités de la CNUCED. Cette assistance technique est devenue l’une desprincipales fonctions de la CNUCED. Elle est financée par le budget ordinaire de laCNUCED (pour 10 millions de dollars par année environ) et des contributionsextrabudgétaires, s’élevant à 23 millions de dollars en 1994.

130 Le Conseil a émis des recommandations, notamment pour que cette coopération

s’oriente plus vers les besoins des pays bénéficiaires (plutôt que vers les priorités despays donateurs). Les activités devraient se concentrer davantage sur les PMA et lesobjectifs prioritaires devraient comprendre le renforcement des capacités denégociations des pays en développement et l’identification de nouvelles possibilités decommerce. La Suisse accorde une grande importance aux activités d’assistancetechnique de la CNUCED. Elle était en 1993 le principal pays contributeur duprogramme.

Efficacité commerciale

131 L’Initiative pour l’efficacité commerciale cherche à favoriser une participation plus

intense des pays en développement, et plus particulièrement des PME, au commercemondial. Le programme a pour but d’améliorer le déroulement des opérationscommerciales, par l’utilisation des techniques d’information modernes et par lacréation de réseaux entre les acteurs qui interviennent dans les transactions ducommerce international (le concept avait été présenté au point 2.1.2. del’Annuaire 1994). Une cinquantaine de « pôles commerciaux » (trade points) ont étécréés en 1993 et 1994 (dont 16 en Amérique latine, 10 en Afrique noire, 7 en Asie, 4en Afrique du Nord et 8 dans des pays de l’OCDE, dont un pôle commercial à Lausanne).Ces pôles réunissent sous le même toit ou mettent en réseau des bureaux des différentsservices qui jouent un rôle dans les transactions commerciales (services douaniers,services de certification, banques, assurances, entreprises de transports,télécommunications, etc.).

132 Le Symposium mondial des Nations Unies sur l’efficacité commerciale a eu lieu du 17 au

21 octobre 1994 à Columbus (Ohio, États-Unis). La délégation suisse était menée par leSecrétaire d’Etat Franz Blankart. Cette rencontre avait été préparée dans le cadre dugroupe de travail sur l’efficacité commerciale (1992-94). La déclaration ministérielleadoptée à l’issue du Symposium donne une impulsion au Programme pour l’efficacitécommerciale, ainsi qu’au développement du réseau mondial des pôles commerciaux(trade points). Plus d’une centaine de recommandations ont été adoptées pour faciliterles opérations commerciales internationales dans les secteurs suivants : douanes,transports, services bancaires et assurances, informations pour les opérationscommerciales, pratiques commerciales, télécommunications. Une assistance techniqueet financière est fournie par la CNUCED pour développer les pôles commerciaux dansles pays en développement et les pays en transition.

133 La Suisse a soutenu activement l’initiative pour l’efficacité commerciale et la

préparation du Symposium. Si la Suisse accorde une grande importance au cadremacro-économique de l’Uruguay Round, la rationalisation au niveau micro-économiqueet la baisse des coûts des opérations pratiques d’exportation et de commercialisation

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est aussi un élément essentiel pour favoriser la participation des entreprises aucommerce international. La Suisse a versé déjà plus d’un million de dollars en faveur duProgramme.

Investissements directs étrangers et firmes transnationales

134 Le Programme des Nations Unies sur les sociétés transnationales, qui se trouvait

à New York depuis sa création en 1974 sous la responsabilité de l’ECOSOC, a ététransféré à Genève, pour être intégré dans la CNUCED. La 20ème session de laCommission des sociétés transnationales a ainsi eu lieu pour la première fois à Genève,du 2 au 11 mai 1994, sous la présidence du Suisse Marino Baldi. Plus d’une quarantainede pays sont membres de la Commission, dont la Suisse. L’ancienne commission devientla commission de l’investissement international et des sociétés transnationales, organesubsidiaire de la CNUCED. La Commission permet de compléter les activitéstraditionnelles de la CNUCED dans les domaines des investissements, des services et dutransfert de technologies.

135 Le Programme avait été créé en 1974 pour analyser l’impact des firmes transnationales

sur le développement et les relations internationales. Les négociations d’un code deconduite pour les firmes transnationales avaient été abandonnées suite auxdivergences entre pays en développement et pays industrialisés. Les nouvelles activitésde la Commission reflètent aussi l’évolution de la scène économique internationale etles changements d’attitude de la plupart des pays en développement face à cesentreprises. Les travaux s’orientent aujourd’hui davantage sur la contribution de cesfirmes à la croissance économique et sur la promotion d’un climat favorable auxinvestissements étrangers. La Commission favorise les échanges de vues etd’expériences entre différents acteurs : gouvernements, hommes d’affaires,organisations intergouvernementales et non gouvernementales. Elle poursuit desétudes analytiques sur les activités des firmes transnationales et fournit une assistancetechnique pour renforcer les capacités de négociations des pays en développement etpays en transition. Une simple révision des lois régissant l’investissement directétranger n’est souvent pas suffisante pour attirer les firmes transnationales. D’autresadaptations sont nécessaires, comme par exemple la protection de la propriétéintellectuelle, les politiques fiscales et financières.

136 La part des pays en développement dans les flux mondiaux d’investissements directs

étrangers est en augmentation ces dernières années (41 % en 1993). Selon les donnéesde la CNUCED, les investissements directs à destination des pays en développement ontatteint les niveaux records de 51 milliards de dollars en 1992 et de 80 milliardsde dollars en 1993, après avoir oscillé entre 25 et 31 milliards de dollars par an de 1986à 199012.

Matières premières

137 Les travaux de l’automne 1994 de la commission pour les produits de base ont porté sur

les moyens d’améliorer les débouchés commerciaux des produits de base. Les liensentre produits de base et l’environnement ont aussi été examinés (atteintes àl’environnement lors de la production et la transformation de ces produits).

138 La plupart des pays consommateurs, dont la Suisse, sont de plus en plus sceptiques

quant à la possibilité d’atténuer les variations de prix des matières premières par le

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biais d’accords internationaux sur ces produits. La volonté politique d’aboutir à desaccords internationaux contenant des clauses économiques manque dans beaucoup depays importateurs de matières premières et les compromis pour la rédaction de textesd’accords sont assez difficiles à trouver pour le cacao, le café, les bois tropicaux et lecaoutchouc naturel.

Accord international sur le cacao

139 Un nouvel Accord international sur le cacao a été adopté en juillet 1993. Il est entré en

vigueur le 22 février 1994, pour une durée de 5 ans (avec prolongation possible pourdeux périodes de deux ans). La Suisse, membre des accords précédents (1972, 75, 80 et86), a signé l’Accord fin novembre 1993. Le Parlement a approuvé la ratification del’Accord lors de la session de printemps 1994 et la Suisse a ratifié officiellementl’Accord le 17 juin 1994. Les États-Unis (1er importateur mondial de cacao, 23,7 % desimportations), La Russie et l’Indonésie ne sont pas membres de l’Accord. Ils n’étaientdéjà pas membres de l’Accord précédent.

140 Les milieux économiques du commerce et de la transformation du cacao, ainsi que les

organisations d’aide au développement étaient favorables à l’adhésion de la Suisse aunouvel Accord. La Suisse a importé pour 44,9 millions de francs de fèves de cacaoen 1993 (46,9 en 1992), en provenance surtout du Ghana (41 % des importationsen 1993), de la Côte-d’Ivoire (26 % des importations) et de l’Equateur (16,7 %)13.

141 Le nouvel Accord ne contient plus de mécanisme de régulation économique pour

stabiliser les cours du cacao. Le système de stock régulateur géré et financé parl’ensemble des pays membres ne fonctionnait plus depuis 1988. L’Accord de 1993 necomprend plus d’objectif de prix à défendre. Il institue en revanche une politique degestion de la production qui n’engage pour son organisation et son financement plusque les pays producteurs. Le Comité des pays producteurs peut fixer un cadre indicatifconcernant les niveaux de production globale nécessaires pour maintenir « l’équilibrede l’offre et de la demande ». Les pays membres exportateurs peuvent sur cette basemettre en œuvre un plan de gestion de la production permettant d’atteindre cetteproduction globale. Chaque pays devrait ensuite réduire ses exportations enconséquence et financer lui-même son stock. Cette politique de gestion de laproduction n’était cependant pas encore opérationnelle en automne 1994. Les paysconsommateurs devraient pour leur part s’efforcer d’éliminer ou de réduire tous lesobstacles internes à l’accroissement de la consommation de cacao et de trouver denouvelles utilisations du cacao. Ils peuvent aussi participer au comité de gestion de laproduction, mais sans droit de vote. Le solde de 250’000 tonnes hérité de l’Accordprécédent est progressivement vendu sur le marché, dans un délai de 4 ans et demi.

142 Une nouvelle clause de l’Accord concerne l’environnement et stipule la nécessité de

respecter une gestion durable des ressources en cacao. Une autre disposition demandeaux pays de s’efforcer de maintenir pour la main d’œuvre agricole et industrielle desbranches de production de cacao des normes et conditions de travail équitables.

143 Les pays producteurs de cacao (africains surtout) sont préoccupés par le projet de

l’Union européenne visant à autoriser dans la fabrication de produits chocolatésl’utilisation d’une part plus grande part d’autres graisses végétales que le beurre decacao (utilisation limitée à 5 % jusqu’à maintenant). Une telle autorisation pourrait

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entraîner une baisse importante de la consommation mondiale de cacao (surtout sid’autres pays comme les États-Unis emboîtaient le pas).

Accord international sur le café

144 Les dispositions économiques d’intervention sur le marché de l’Accord de 1983 étaient

suspendues depuis juillet 1989 (voir les Annuaires précédents).

145 Les négociations d’un nouvel Accord ont été difficiles et aucun consensus n’a été trouvé

entre pays producteurs et pays consommateurs sur un système de quotas àl’exportation. Suite à cet échec, des pays producteurs, représentant le 90 % de laproduction mondiale, ont mis en vigueur dès octobre 1993, en dehors du cadre del’Accord sur le café, un système concerté de rétention des exportations de café. Cespays ont créé l’Association des pays producteurs de café, avec pour objectif lacoordination des politiques caféières des pays membres et la régulation de l’offre, touten restant favorables à la négociation d’un Accord plus global. Les pays membres del’Association s’engagent à retenir une part de leurs exportations (20 % en octobre 1993,ramené à 10 % en avril 1994) et se chargent de leur stockage. L’annonce de la mise enplace de ce système et sa réalisation, la diminution des stocks dans les paysconsommateurs, la baisse de la production mondiale, les dégâts dûs au gel dans lesplantations brésiliennes en juin 1994, des plantations de café moins bien soignées, sontautant de facteurs qui ont provoqué une hausse des prix du café en 1994, après la trèsforte baisse de 1989 à 1993.

146 Un cinquième Accord international sur le café a été adopté le 30 mars 1994 (pour une

durée de 5 ans). Il représente surtout un moyen d’échanger des informations ou desanalyses et de publier des statistiques sur le marché du café. Il ne contient aucunedisposition économique, mais pourra servir éventuellement de cadre de négociationpour un accord pouvant « contenir des mesures destinées à équilibrer l’offre et lademande mondiale » (le terme de clause économique n’est plus explicitementmentionné). L’Accord est entré provisoirement en vigueur le 1er octobre 1994 (enattendant un nombre suffisant de pays ratifiant l’Accord). La Suisse a signé l’Accordle 26.9.1994, avec une déclaration d’application provisoire. La Suisse a importé pour154,4 millions de francs de café non torréfié en 1993 (167,4 en 1992), en provenancesurtout du Brésil (13,6 % des importations totales en 1993), de la Colombie (12,9 %), duGuatemala (10,6 %), du Honduras (9,3 %)14.

Accord international sur les bois tropicaux

147 Un nouvel Accord sur les bois tropicaux a été adopté de 26 janvier 1994, à l’issue de la 4ème session de négociation menée sous les auspices de la CNUCED. La négociation a étédifficile, car des divergences fondamentales séparaient les pays producteurs et les paysconsommateurs (voir aussi l’Annuaire 1994). Les pays producteurs souhaitaient étendrele champ d’application de l’accord à tous les types de bois (le WWF International étaitaussi de cet avis). Ils refusaient que le bois tropical soit l’objet de mesuresdiscriminatoires par rapport aux types de bois des régions tempérées ou boréales. Lespays importateurs jugeaient en revanche que la Conférence n’était pas mandatée pourtraiter de l’ensemble des bois. L’aspect financier constituait aussi une autre pierred’achoppement, car les pays producteurs réclamaient des ressources financières et uneaide technologique pour être en mesure d’assurer une exploitation rationnelle et

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durable de leurs forêts. Le Plan d’action de l’Organisation internationale des boistropicaux (OIBT) prévoit que d’ici l’an 2000, toutes les exportations de bois tropicauxdevraient provenir de forêts exploitées selon le principe du développement durable.Vingt-six pays consommateurs (dont la Suisse) se sont engagés à appliquer desprincipes comparables à ceux de l’OIBT pour tous les types de bois produits dans leurspays.

148 Le champ d’application du nouvel Accord reste finalement centré sur les consultations

et la coopération internationale concernant les bois tropicaux. Il interdit toutesmesures discriminatoires sur le marché international des bois tropicaux. Un nouveauFonds pour la gestion durable des forêts tropicales sera créé en dehors du financementvolontaire de projets qui existe déjà. L’Accord poursuit les objectifs d’amélioration del’information sur le marché et de promotion de la recherche-développement. L’Accordpeut entrer en vigueur dès le 1er février 1995 pour une durée de 4 ans (avecprolongation possible pour deux périodes de trois années). L’entrée en vigueur estrendue difficile car plusieurs pays ont exprimé des réserves (dont la Chine, l’Autriche etl’Union Européenne) et en décembre 1994 quelques pays seulement avaient signél’Accord (dont les États-Unis).

149 La Suisse, qui envisage de ratifier l’Accord, considère qu’il est important de maintenir

ce forum pour le dialogue et la coopération entre pays producteurs et paysconsommateurs. La Suisse s’est aussi déclarée prête à encourager financièrement lespays qui agiront en faveur d’une gestion durable des forêts tropicales. Plusieurs projetsde l’OIBT actuellement cofinancés par l’OFAEE concernent ce domaine : gestion durabledes forêts avec le concours des populations indigènes et des entreprises d’exploitationen Bolivie ; réseau informatisé de communication pour le secteur forestier au Ghana,couvrant les activités de la production jusqu’à la commercialisation, pour une meilleurepolitique forestière et une meilleure planification économique des revenus forestiers ;étude de faisabilité de l’établissement d’une organisation de commercialisation desproduits forestiers en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Les contributions volontaires de laSuisse pour cofinancer des projets de l’OIBT se sont élevées à 600’000 dollars en 1994, laSuisse étant le troisième contributeur le plus important (derrière le Japon et les États-Unis). L’OFAEE a aussi mandaté Intercoopération pour l’appui technique de ladélégation suisse à l’OIBT.

Accord international sur le caoutchouc naturel

150 L’Accord de 1987 arrivant à échéance fin 1995 est le seul Accord international sur les

matières premières contenant encore un mécanisme d’intervention sur les marchés(stock régulateur). Des achats de caoutchouc pouvaient intervenir grâce à cemécanisme lorsque le prix indicateur était de 15 % inférieur au prix de référence et lesventes permettaient de freiner les hausses de prix. En automne 1994, les prix ducaoutchouc étaient relativement élevés et l’organisation chargée de l’application del’Accord avait vendu la presque totalité du stock régulateur.

151 Des négociations en vue d’un nouvel Accord ont été menées en avril et octobre 1994,

sans aboutir au résultat souhaité. Des divergences sur des points importantssubsistent : niveau du prix de référence, fréquence de sa révision automatique (6, 12 ou18 mois), ampleur des ajustements à réaliser (3 ou 5 % du prix de référence), durée dufutur accord (3 ou 5 ans). Les pays producteurs souhaitaient une augmentation du prixde référence afin d’assurer un meilleur revenu aux planteurs, ainsi qu’une réduction

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des fourchettes entre les prix d’intervention à l’achat et à la vente, alors que les paysconsommateurs voulaient un élargissement des fourchettes de prix d’intervention,avec un prix de référence fixé selon le prix du marché (prix de référence basé sur unemoyenne composite pondérée de trois jours de prix du marché, représentatrice desprix de trois qualités de caoutchouc naturel). Un troisième cycle de négociation auralieu en février 1995.

2.3. Environnement et développement

152 La Conférence de Rio sur l’environnement et le développement de 1992 avait donné une nouvelle

impulsion à la coopération multilatérale dans le domaine de l’environnement. La Commission

pour le développement durable est la principale instance de suivi de la Conférence, en vue de la

mise en œuvre du Programme d’action pour un développement durable (Agenda 21). Les

conférences des Parties contractantes aux conventions sur la biodiversité et sur le climat suivent

l’application de ces conventions. La Convention de lutte contre la désertification adoptée en

juin 1994 complète l’ensemble des Instruments internationaux dans le domaine de

l’environnement. Le Fonds pour l’environnement mondial constitue le principal moyen de

financer des projets dans les pays en développement, à côté de l’aide publique bilatérale. La

Suisse participe activement aux conférences internationales dans ce domaine. Elle a ratifié la

Convention sur le climat en 1993 et celle sur la biodiversité en 1994. Le suivi de la Conférence

de Rio en Suisse est assuré et coordonné par le Comité interdépartemental Rio (Cl-Rio),

regroupant différents offices de l’administration fédérale (dont la DDA, l’OFAEE et l’OFEFP), ainsi

que des représentants de milieux scientifiques, de l’économie privée et des organisations non

gouvernementales. Les mesures à prendre en Suisse pour appliquer l’Agenda 21 concernent non

seulement la politique de l’environnement, mais aussi des aspects de politique économique

globale et la politique de développement.

2.3.1. Commission du développement durable (CDD)

153 Cette commission rattachée au Conseil économique et social des Nations Unies

(ECOSOC) est chargée du suivi de la Conférence de Rio. Elle doit promouvoir etsurveiller la mise en œuvre de l’Agenda 21 (voir le point 3.3 de l’Annuaire 1994). LeProgramme d’action pour un développement durable (Agenda 21) est le principaldocument adopté à Rio en 1992. Il passe en revue en 40 chapitres les mesures que lesEtats devraient adopter pour assurer un développement durable. Chaque session de laCDD permet d’examiner des thèmes globaux (ressources financières…) et des thèmessectoriels (selon les chapitres de l’Agenda 21). La CDD n’a pas de pouvoir de décision,elle ne peut que formuler des recommandations aux Etats ou à des organes desNations Unies

154 La deuxième session de la Commission s’est déroulée du 16 au 27 mai 1994 à New York,

avec la participation de 120 pays environ et de plus de 30 institutions des Nations Unieset de nombreuses ONG. De nombreux thèmes étaient à l’ordre du jour : commerce etenvironnement, changements dans les modes de production et de consommation,transferts de technologies, ressources financières ; et, pour les thèmes par secteurs,santé, établissements humains, utilisation et protection des eaux douces, produitschimiques toxiques, déchets dangereux.

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155 La Suisse n’étant pas membre des Nations Unies, elle ne dispose que d’un statut

d’observateur auprès de la CDD. La délégation suisse était menée par le Directeur del’OFEFP (Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage), Philippe Roch. LaCDD a pour la Suisse un rôle important à jouer comme Forum de discussion etd’échange d’expériences dans le domaine du développement durable.

156 Des ONG ont regretté le rôle limité de la CDD, qui se traduit par l’adoption d’un nombre

important de recommandations non contraignantes. Elles regrettent le peud’engagement concret pour l’avenir, par exemple le manque de volonté des paysindustrialisés à entamer un processus de changement des modes de consommation quientraînent une utilisation excessive des ressources naturelles ou trop de pollution(impossibilité d’établir à ce jour une taxe sur le CO2 par exemple).

157 Les thèmes à l’ordre du jour de la prochaine session annuelle d’avril 1995

comprendront les thèmes sectoriels suivants : forêts, biodiversité, utilisation des sols etdésertification.

2.3.2. Fonds pour l’environnement mondial

158 Le coût de la mise en œuvre de l’Agenda 21 avait été évalué à 600 milliards de dollars

par an, dont 125 milliards de dollars par l’aide publique au développement (soit plus dudouble de l’aide publique au développement actuelle, ou 0,7 % du PNB des paysdonneurs). Le Conseil fédéral avait exprimé en 1992 sa volonté de porterprogressivement l’APD de la Suisse à 0,4 % du PNB. Compte-tenu des restrictionsbudgétaires de la Confédération, ce but ne sera pas atteint avant de nombreusesannées, et l’APD totale des pays industrialisés a plutôt tendance à baisser. Le manque deressources financières complémentaires pour aider les pays en développement risquede représenter un facteur important de non application de certaines recommandationscontenues dans l’Agenda 21.

159 Le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) a la fonction de mécanisme de

coopération internationale afin de fournir de nouvelles subventions et de nouveauxmoyens de financement pour couvrir les coûts marginaux convenus de mesuresdestinées à améliorer la protection de l’environnement mondial dans les domainesessentiels du changement climatique, de la diversité biologique, des eauxinternationales et de l’appauvrissement de la couche d’ozone. La Suisse a déjà fourni80 millions de francs au FEM durant sa phase pilote, se situant ainsi au sixième rang despays donateurs les plus importants. Pour le FEM-2 (réapprovisionné à hauteur dedeux milliards de dollars), soit pour la période 1994-1997, la Suisse s’est engagée pourun montant de 64 millions de francs et devient le dixième pays donateur. Lacontribution suisse provient du crédit-cadre pour le financement de programmes enfaveur de l’environnement et de projets environnementaux d’importance globale dansles pays en développement.

160 Des négociations ont eu lieu fin 1993 et début 1994 pour mettre en place la structure du

Fonds et établir un processus décisionnel. La Suisse avait demandé une évaluationindépendante de la phase pilote (avec un expert suisse, Rudolf Högger). Cetteévaluation de novembre 1993 avait mis en évidence plusieurs disfonctionnements :compétences mal définies des organes de décisions et manque de transparence dans lesdécisions, manque de participation et de concertation avec les pays et les populationsbénéficiaires des projets, rivalités entre les trois organisations qui gèrent les projets

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(Banque Mondiale, PNUE et PNUD), trop grande dépendance vis-à-vis de la BanqueMondiale. Plusieurs divergences d’opinions existaient entre les pays donateurs et lespays en développement pour la restructuration du Fonds, en particulier sur le nombrede sièges à créer au sein du Conseil exécutif et leur répartition entre pays membres, lespays en développement souhaitant avoir plus de poids (principe un pays = une voix),alors que les pays donateurs souhaitaient garder un contrôle sur l’utilisation des fonds.

161 Conformément aux décisions prises en mars 1994, les organes du FEM comprendront

un Secrétariat, une Assemblée générale de tous les pays membres (pouvant se réunirtous les trois ans) et un Conseil exécutif de 32 membres se réunissant deux fois parannée : avec 16 sièges pour des pays en développement, 14 sièges pour des paysindustrialisés (dont un siège pour la Suisse) et 2 pour des pays de l’Europe centrale etorientale. Le Conseil devrait agir par consensus, mais si des votes doivent avoir lieu,une décision doit obtenir une double majorité, à savoir une majorité de 60 % du nombretotal de participants et une majorité de 60 % du montant total des contributions. LaSuisse s’est déclarée satisfaite de l’adoption de ce changement d’organisation, même sitoutes les propositions de la Suisse, tout comme celles de l’évaluation externe, n’ont pasété reprises.

2.3.3. Convention sur la biodiversité

162 Cette convention est entrée en vigueur le 29 décembre 1993. Elle a été ratifiée par la

Suisse fin 1994, le Message du Conseil fédéral ayant été accepté par le Parlement le28 septembre 1994. Plus d’une cinquantaine de pays l’ont ratifiée.

163 Le Message du Conseil fédéral relève que les activités humaines entraînent une

augmentation importante du rythme d’extinction des espèces vivantes. 5 à 15 % desespèces de la planète pourraient disparaître dans les 30 ans à venir, soit 15’000 à50’000 espèces en moyenne par année. L’érosion de la biodiversité peut provenir de ladisparition des habitats naturels et de leur fragmentation, de l’introduction d’espècesétrangères qui mettent en péril la survie des espèces autochtones, de la surexploitationde certaines espèces, des changements climatiques et de la pollution. En Suisse, près de90 % des habitats naturels auraient disparu depuis le milieu du siècle passé. Une partimportante de la diversité biologique se trouve actuellement dans les pays endéveloppement qui connaissent de graves problèmes de dégradation des écosystèmes.Par exemple, la FAO estime que 200’000 km2 de forêts tropicales disparaissent chaqueannée (soit cinq fois la superficie de la Suisse).

164 Les objectifs de la Convention sont « la conservation de la diversité biologique,

l’utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantagesdécoulant de l’exploitation des ressources génétiques » (article 1er de la Convention).Les Etats doivent élaborer des stratégies et des programmes tendant à assurer laconservation et l’utilisation durable de la diversité biologique. Des mesures doiventêtre prises pour la conservation « in situ » des ressources (dans les habitats naturels) oupour la conservation « ex situ » (en dehors des habitats naturels). Tout en conservant lasouveraineté nationale sur leurs ressources naturelles, chaque Etat a la responsabilitéd’en assurer une exploitation durable. L’accès aux ressources génétiques d’un pays estsoumis au consentement préalable de son gouvernement, en connaissance de cause. LaConvention reconnaît le besoin de mettre à la disposition des pays en développementdes ressources financières pour la conservation de la diversité biologique. Un

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mécanisme de financement doit permettre d’aider les pays en développement à « faireface à la totalité des surcoûts convenus que leur impose la mise en œuvre des mesures »prévues par la Convention (art. 20 de la Convention). La Suisse souhaitait (comme lesautres pays de l’OCDE) que le Fonds pour l’environnement mondial devienne lemécanisme financier de la Convention, ceci pour éviter les doubles emplois et pour desraisons d’efficacité. C’est effectivement le FEM qui a été désigné comme mécanismefinancier lors de la première Conférence des Parties en novembre/décembre 1994.

Transfert de technologies pour les pays en développement

165 La Convention prévoit que l’accès aux technologies nécessaires à la conservation et à

l’utilisation durable de la diversité biologique doit être facilité (y compris l’accès auxbiotechnologies). Les pays en développement auraient souhaité des engagements pluscontraignants, alors que les pays industrialisés, et la Suisse en particulier, ont toujoursinsisté sur la nécessité de respecter les règles sur la protection de la propriétéintellectuelle. Ce respect est pour la Suisse une condition de base pour l’encouragementdes transferts de technologies développées grâce aux recherches coûteuses desentreprises privées.

166 L’article 16 de la Convention stipule que l’accès aux technologies et le transfert de

celles-ci doivent être assurés et facilités « à des conditions justes et les plus favorables,y compris à des conditions de faveur et préférentielles s’il en est ainsi mutuellementconvenu », tout en assurant les droits de propriété intellectuelle. Les pays membresdoivent coopérer pour assurer que les droits de propriété intellectuelle « s’exercent àl’appui et non à rencontre des objectifs de la convention ». Considérant (commed’autres pays industrialisés) que cet article est controversé et qu’il présente certainesambiguïtés, la Suisse a émis une déclaration interprétative des dispositions de laConvention concernant les transferts de technologies, pour réaffirmer l’importance durespect des principes et règles de protection de la propriété intellectuelle. Cettedéclaration interprétative est identique à celle qui a été déposée par l’Unioneuropéenne. Certaines ONG suisses se sont déclarées, lors de la procédure deconsultation, opposées à cette Déclaration interprétative, d’autant plus qu’en principeaucune réserve à la Convention n’est autorisée.

167 La première conférence des Parties à la Convention a eu lieu du 28 novembre au

9 décembre 1994 à Nassau (Bahamas). Elle devait examiner notamment les questionssuivantes : structure institutionnelle chargée de gérer le mécanisme de financement autitre de la Convention ; sélection d’une organisation internationale pour assurer leSecrétariat de la Convention ; budget du secrétariat, critères pour l’utilisation desressources financières. La Suisse souhaiterait obtenir le siège définitif à Genève pour lessecrétariats des conventions sur le climat, sur la biodiversité et sur la désertification.

2.3.4. Convention sur le climat

168 La Convention-cadre sur les changements climatiques a été ratifiée par la Suisse le

10 décembre 1993. Elle est entrée en vigueur le 21 mars 1994. Plus d’une centaine depays l’ont ratifiée. La première réunion de la Conférence des Parties aura lieu finmars 1995 à Berlin.

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169 L’objectif de la convention est la stabilisation des concentrations atmosphériques de

gaz à effet de serre à un niveau qui ne mette pas en péril le système climatique. Lespays membres de la Convention doivent dresser un inventaire des émissions de gaz àeffet de serre et fournir périodiquement des programmes nationaux contenant lespolitiques et mesures mises en œuvre pour limiter ces émissions.

170 En Suisse, le Groupe de travail interdépartemental sur l’évolution du système

climatique, institué par le Conseil fédéral en 1989, a remis son rapport final enjanvier 1994 (« Le réchauffement planétaire et la Suisse : bases d’une stratégienationale »). Le rapport contient un résumé des connaissances actuelles concernant leréchauffement de l’atmosphère et de ses incidences dans le monde, et en Suisse enparticulier. Il contient aussi le premier inventaire des émissions de gaz à effet de serre.La Suisse a ensuite en octobre 1994 présenté sa première communication nationaledemandée par la Convention-cadre. Ce document dresse l’inventaire national dessources d’émissions de gaz à effet de serre en 1990 et des puits (absorption, parphotosynthèse des plantes par exemple) Les sources d’émissions sont principalement legaz carbonique (CO2, le plus important des gaz à effet de serre), méthane (CH4),

protoxyde d’azote (N2O) et les précurseurs de l’ozone troposphérique (oxydes d’azote,

composés organiques volatils et le monoxyde de carbone). Des scénarios d’avenir(jusqu’en l’an 2000 et 2030) et les mesures prises ou envisagées pour limiter cesémissions complètent ce rapport.

Collaboration et recherche internationale

171 La Convention stipule que pour réaliser les objectifs de la Convention, les pays se

baseront sur le principe de « responsabilité commune, mais différenciée ». Les paysindustrialisés doivent donc être à l’avant-garde de la lutte contre les changementsclimatiques, compte-tenu de leurs moyens techniques et économiques et de leurresponsabilité prépondérante dans les atteintes à l’environnement. Les paysindustrialisés sont en effet à l’origine de 70 à 80 % des émissions mondiales de gaz àeffet de serre. Les pays industrialisés doivent aussi favoriser la coopération scientifiqueavec les pays en développement, ainsi que fournir des ressources financières et faciliterles transferts de technologies et de savoir-faire.

172 Plusieurs projets de coopération technique bilatérale visent à réduire les émissions de

gaz à effet de serre dans les pays en développement, ceci dans les domaines suivants :

accroissement de l’efficacité énergétique (promotion de réfrigérateurs écologiques, sans

CFC, en Inde par exemple) ;

promotion d’énergies renouvelables (énergie solaire surtout),

études de la pollution atmosphérique (réduction de la pollution atmosphérique d’une

centrale thermique en Thaïlande, plan directeur de la circulation dans une ville chinoise) ;

études énergétiques globales (en Inde).

173 D’autres projets ont été financés par le biais du Fonds pour l’environnement mondial,

projets d’installations d’énergie éolienne en Mauritanie par exemple.

174 La Suisse participe aussi à des programme de recherche internationaux en matière de

changement climatique. Le PNR 31, programme du Fonds national suisse pour larecherche scientifique porte sur le thème « changements climatiques et catastrophesnaturelles » (durée, de 1992 à 1996). Le Programme prioritaire environnementcomporte plus généralement des domaines de recherche sur la biodiversité, sur la

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technologie et l’environnement, ainsi que sur les pays en développement (zones arides,villes, forêts et problèmes socio-économiques).

Mesures de réductions des émissions de gaz à effet de serre en Suisse

175 Le programme « Énergie 2000 » lancé en 1990 a pour objectif de stabiliser la

consommation des énergies fossiles et, ainsi, les émissions de CO2 d’ici l’an 2000, pour

les réduire ensuite. Il vise aussi à stabiliser la demande d’électricité et à accroître lapart des énergies renouvelables. Plusieurs nouveaux instruments sont prévus pour lesannées à venir : nouvelle loi sur l’énergie, avec l’introduction d’instrumentséconomiques pour remplacer certaines réglementations ; une taxe d’incitation sur leshydrocarbures volatils, taxe sur le trafic de poids lourds, taxe incitative sur le CO2. Les

émissions de CO2 ont augmenté en Suisse de près de 20 % de 1975 à 1991, malgré le net

ralentissement qui a suivi la crise du pétrole de 1973.

176 Le projet de nouvelle taxe sur le CO2 a été mis en procédure de consultation en 1994.

Cette taxe d’incitation pourrait être introduite progressivement sur toutes les formesd’énergie fossile (fuel, gaz, charbon, essence, diesel) en fonction de la teneur de leursémissions de CO2. Les prix de l’essence augmenteraient ainsi (dès l’an 2000) de 7 %

environ, ceux du charbon de 109 % et le gaz de 12 à 26 %. Deux tiers des revenus de lataxe pourraient être restitués à la population ou dans l’économie, le tiers restantpermettant à la Confédération de financer des mesures de politique environnementale.La taxe pourra être harmonisée avec celle en préparation dans l’Union européenne. Ceprojet a suscité de fortes oppositions dans les milieux de l’économie privée (Vorort etSociété pour le développement de l’économie suisse par exemple). Ces milieux refusentque la Suisse introduise une telle taxe seule, avant les autres pays industrialisés, carcela aurait pour conséquence une perte de la compétitivité de l’économie suisse face àla concurrence (risque de délocalisation à l’étranger et donc augmentation desimportations de produits « gourmands » en énergie comme le ciment ou le papier). Unemise en vigueur d’une telle taxe n’aurait qu’un effet marginal de diminution des gaz àeffet de serre, car la Suisse n’est responsable que de 0,2 % de ces émissions mondiales.Une taxe d’incitation devrait en outre être fiscalement neutre. Elle devrait donc êtreintégralement reversée aux citoyens. Le projet de loi fédérale sur l’énergie égalementen consultation est aussi considéré par l’économie privée comme étant tropinterventionniste. Beaucoup de réticences face à l’introduction d’une taxe sur le CO2

apparaissent aussi aux États-Unis et dans l’Union européenne.

2.3.5. Convention sur la désertification

177 La Convention internationale sur la lutte contre la désertification a été adoptée à Paris

en juin 1994. Elle entrera en vigueur lorsqu’elle aura été ratifiée par 50 pays au moins.La Convention concerne prioritairement mais non exclusivement le continent africain(Maghreb et Sahel). Des régions d’Asie (steppes mongoles), d’Amérique latine (altiplanoandin) et d’Europe (Andalousie) sont aussi touchées par le problème. Les répercussionsécologiques, économiques et sociales de la désertification concernent des territoiresdans une centaine de pays où vivent plus de 900 millions d’habitants. La pauvretéaccentue certains problèmes, par l’exploitation trop intensive des terres et desressources en eau, l’utilisation du bois et le manque de formation.

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178 Contrairement aux souhaits des pays en développement, cette convention ne prévoit

pas l’instauration d’un fonds spécifique pour financer des projets de lutte contre ladésertification (lutte contre l’avance des déserts, reboisement et irrigation). Ces projetsdevront être financés par le biais des canaux bilatéraux et multilatéraux qui existentdéjà, dont le fonds pour l’environnement mondial. Les pays en développementsouhaitaient obtenir des ressources financières additionnelles, alors que les paysindustrialisés, dont la Suisse, ont mis l’accent sur une meilleure utilisation desressources existantes et sur une meilleure coordination entre les nombreux bailleurs defonds.

2.3.6. Le Suivi de Rio en Suisse

179 Les impératifs du développement durable définis dans l’Agenda 21 doivent être intégrés

dans toutes les politiques sectorielles de la Suisse : politiques agricole, forestière eténergétique, gestions urbaine et des transports, protection de l’environnement,politique extérieure et politique de coopération. Le suivi de Rio nécessite donc desmodifications des politiques intérieure et extérieure du pays encore bien plusprofondes que les modifications nécessaires à l’application des accords du cycled’Uruguay. Les questions liées au développement durable montrent aussi que laséparation traditionnelle entre politiques économique, politique environnementale etpolitique de développement (ou entre politique intérieure et extérieure) n’est pluspossible.

180 Le Conseil fédéral avait créé en mars 1993 un Comité interdépartemental pour conduire

la coordination de tous les travaux s’inscrivant dans le cadre du Suivi de Rio en Suisseet pour la concrétisation des priorités fixées dans l’Agenda 21 (Cl-Rio, au niveau desdirecteurs d’offices). Sa présidence et son secrétariat sont assurés à tour de rôle par laDDA (en 1993), l’OFEFP (Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage,présidence en 1994) et l’OFAEE (en 1995). Le Cl-Rio est assisté par un groupe decoordination interoffices, ainsi que d’un groupe de liaison à caractère consultatif,composé de représentants de l’administration fédérale et des milieux privés.Sept groupes de travail s’occupent des thèmes mentionnés dans le schéma ci-dessous.Ils sont chargés d’élaborer des stratégies et de faire des propositions concrètes au Cl-Rio et au Conseil fédéral (voir schéma).

181 Ces groupes de travail sous la présidence de l’un des trois offices mentionnés ont pour

particularité d’être composés non seulement de représentants de l’Administrationfédérale, des milieux scientifiques ou des milieux de l’économie (Vorort, SDES, sociétésuisse pour l’industrie chimique, entreprises…), mais d’être aussi ouverts auxreprésentants d’organisations non gouvernementales (organisations de défense del’environnement et institutions de coopération au – ou d’information sur le –développement).

Transfert de technologies

182 Ce groupe de travail est chargé d’élaborer une « politique suisse de transfert de

technologies respectueuses de l’environnement ». Les travaux se sont orientésnotamment sur l’inventaire de ces technologies suisses et sur les besoins des pays endéveloppement et des pays de l’Est, l’examen des instruments de transfert de

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technologies, ainsi que des obstacles aux transferts pour les PME et dans les pays endéveloppement.

Diversité biologique

183 Le groupe a pour objectif la formulation de propositions pour assurer la mise en œuvre

de la convention sur la diversité biologique (protection de la diversité biologique,faciliter l’accès et le transfert de technologies, sécurité biologique).

Comité interdépartemental Cl-Rio

OFEEP : Officie fédéral de l’environnement, des forêts et du paysageAFF : Administration fédérale des financesOFAEE : Office fédéral des affaires économiques extérieures

Protection du climat

184 Le groupe a été chargé notamment de la préparation du premier Rapport de la Suisse

sur les changements climatiques cité au point 2.3.4.

Commerce et environnement

185 Le Forum consultatif commerce et environnement permet un échange d’informations

et d’idées entre l’Administration fédérale, l’économie privée, les milieux scientifiqueset les ONG. Ce thème prend une importance grandissante dans les discussions deplusieurs organisations internationales. Plusieurs accords multilatéraux ont un impactdirect sur le commerce international : Protocole de Montréal relatif à des substancesqui appauvrissent la couche d’ozone, Convention de Bâle sur le contrôle desmouvements transfrontières de déchets dangereux, Convention sur le commerceinternational des espèces de la faune et de la flore sauvages menacées d’extinction(CITES). La Suisse est membre de ces trois accords. Plusieurs organisationsinternationales traitent des liens entre commerce et environnement : Organisationmondiale du commerce (voir sous le point 2.1.10 de cette partie Revue), CNUCED(point 2.2.1), comité de l’environnement de l’OCDE.

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186 Le Forum commerce et environnement s’est donné pour tâches d’examiner notamment

les points suivants :

Échange de vues et d’informations sur les activités et documents des différentes

organisations internationales mentionnées ci-dessus, ainsi que sur les propositions des

ONG :

Propositions pour la délégation suisse à Marrakech (GATT, avril 1994) ;

Suivi et accompagnement des discussion du comité permanent « Commerce et

environnement » de l’Organisation mondiale du commerce.

187 Pour les organisations d’entraide, plusieurs aspects de la politique extérieure suisse

devraient être réorientés en tenant mieux compte des problèmes environnementaux.Des recherches devraient être entreprises et des propositions élaborées, par exempledans les domaines suivants :

Examen des conséquences écologiques (et de la conformité à la politique de développement)

des projets financés par la Garantie des risques à l’exportation (ainsi que pour d’autres

instruments de la politique extérieure) ;

Réglementation des exportations de produits dangereux pour l’environnement ;

Eco-label (pour les productions respectueuses de l’environnement).

Plan d’action de la Suisse en faveur du développement durable

188 Le Plan d’action de la Suisse préparé par le Cl-Rio et qui sera adopté par le Conseil

fédéral en 1995 constituera le document de référence définissant les engagementspertinents que la Suisse pourrait prendre pour appliquer l’Agenda 21. Les mesuresprises ou à prendre dans l’avenir, les recommandations et les moyens de coopérationinternationale seront détaillés pour chaque chapitre de l’Agenda 21. Les thèmessuivants seront entre autre abordés : nouveaux modes de consommation et deproduction, transfert de technologies, la protection de la couche d’ozone, lesbiotechnologies, la lutte contre la pauvreté, les régions de montagnes. La question desmoyens financiers pour les mesures en Suisse et la coopération internationale devraaussi être précisée. La procédure de consultation sur le projet de plan d’action acommencé en 1994 auprès des milieux intéressés.

2.4. Développement humain

2.4.1. Conférence Internationale sur la population et le

développement 1994

189 Le Programme d’action adopté au Caire à l’issue de la Conférence des Nations Unies sur la

population et le développement met l’accent sur la nécessité d’une amélioration de la condition

sociale, économique et politique de la femme et sur le droit pour chaque couple de décider le

nombre des enfants et l’espacement des naissances. La négociation a souvent porté sur la

formulation de passages du texte final, en cherchant un vocabulaire qui ne soit pas jugé

licencieux et contraire à la morale catholique ou aux enseignements de l’Islam. Les 16 chapitres

du Programme d’action contiennent les constats et les objectifs à atteindre dans un large

éventail de domaines : population et développement durable, rôle des femmes et des familles,

droits reproductifs, santé, éducation, recherche, migrations internationales. La délégation suisse

a placé la situation de la femme au centre des priorités. Elle cherchait aussi à intégrer la question

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de l’évolution démographique dans les contextes du développement social et de l’environnement

(accès à la santé et à l’éducation, équilibre entre population, mode de vie et ressources

naturelles). L’épuisement des ressources naturelles est causé bien plus par le style de vie des

populations riches que par le nombre de pauvres.

190 La Conférence des Nations Unies sur la population et le développement (CIPD) s’est

déroulée au Caire du 5 au 13 septembre 1994, avec la participation de 182 pays. Elle s’estterminée par l’adoption d’un Programme d’action pour la politique démographique àentreprendre sur le plan national et multilatéral dans les deux décennies à venir, envue de ralentir la croissance de la population.

191 La réunion du Caire s’inscrit dans une série de rencontres internationales centrées sur

des questions sociales et les droits de l’être humain : Conférence sur l’éducation pourtous, Jomtien, mars 1990 (voir Annuaire Suisse Tiers Monde 1991), Conférence sur lanutrition, Rome, décembre 1992, Conférence sur les droits de l’homme, Vienne,juin 1993 (voir Annuaire 1994), Sommet mondial pour le développement social prévu enmars 1995 à Copenhague, et 4ème Conférence mondiale sur les Femmes, Beijing,septembre 1995.

192 Les deux premières conférences sur la population, de Bucarest en 1974 et de Mexico

en 1984, portaient surtout sur le problème de l’évolution démographique jugéeinquiétante et sur les moyens de promouvoir le contrôle des naissances (voirAnnuaire 1984). La Conférence du Caire a tenté de mieux intégrer la questiondémographique dans l’action sociale et le développement durable. La préparation dutexte provisoire s’est déroulée lors de 3 sessions du Comité préparatoire (mars 91,mai 93 et avril 94), de 5 conférences régionales et de réunions de groupes d’experts, surla base notamment de rapports nationaux (voir aussi l’article de Jacques Martin dansl’Annuaire 1994).

193 Le FNUAP, et la Secrétaire générale du FNUAP Nafis Sadik en particulier, ont joué un

rôle très important dans la préparation et le déroulement de la Conférence du Caire. LeFonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) fondé en 1967 a pour tâched’intégrer les objectifs démographiques dans les stratégies internationales dedéveloppement. Il assiste les pays dans leurs activités relatives à la population.

194 Les débats du Caire se sont focalisés sur la formulation des passages du texte final les

plus controversés, sur les questions suivantes : avortement, droits et santé génésiques,sexualité hors mariage ou des jeunes, planification familiale et contraceptifs,amélioration du statut de la femme, migrations et financement des mesurespréconisées.

195 Le texte final n’a pas de valeur juridique contraignante. Le préambule ajouté au Caire

réduit aussi sensiblement la portée du texte final, puisqu’il reconnaît que l’applicationdes recommandations est le droit souverain de chaque Etat, en respect de leurs valeursreligieuses, éthiques et culturelles. Plusieurs Etats ont en outre exprimé des réservessur des points litigieux (en refusant l’idée de l’avortement légal, en rejetant les formesd’union libres, par exemple).

196 Rarement les Organisations non gouvernementales ont été autant associées au

processus de préparation et de négociation d’une conférence internationale (enparticulier les réseaux d’organisations de femmes). Les ONG ne participaient passeulement au Forum parallèle du Caire (comme à Rio ou Vienne), mais lesreprésentants de certaines d’entre elles étaient Intégrés dans les délégations des Etats

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participants. La délégation suisse menée par la Conseillère fédérale Ruth Dreifusscomprenait des représentants de la DDA, de l’Office fédéral des statistiques, demembres de la Commission consultative de la coopération internationale audéveloppement et de deux représentants d’ONG (Déclaration de Berne et Pain pour leprochain).

197 Voici ci-dessous le résumé de quelques points de discussions de la Conférence, avec la

position défendue par la délégation suisse dans le comité préparatoire et au Caire.

Relations entre population et développement durable

198 Le débat de la Conférence sur les liens entre croissance de population et

développement durable n’a pas apporté de nouveaux éléments et reste, de l’avis debeaucoup d’observateurs, assez décevant. Comment nourrir les 8,5 milliards d’individusde la planète en 2025 ? L’explosion démographique dans les pays en développementcontinue à susciter des craintes malthusiennes : peur du manque de ressourcesagricoles et de la pression démographique sur les ressources naturelles limitées, peurdes mouvements migratoires15. Certains pays en développement et ONG suspectent leNord de vouloir limiter le nombre de naissances chez les pauvres plutôt que de luttercontre la pauvreté mondiale (« supprimer les pauvres au lieu de supprimer lapauvreté »). IL est pourtant de plus en plus admis que c’est le développement quiconstitue le meilleur moyen de baisser les taux de croissance démographique. Lafamine résulte bien plus de l’inégalité dans la répartition des ressources. Le niveau deproduction agricole mondiale permettant théoriquement de nourrir largement tout lemonde.

199 Beaucoup de délégations ont relevé la responsabilité prépondérante des pays

industrialisés dans l’épuisement des ressources naturelles et dans la pollution. « Ce sontles modes de production et de consommation des pays industrialisés qui constituent lasource principale des déséquilibres environnementaux qui affectent l’ensemble de laplanète » (discours de la Conseillère fédérale Ruth Dreifuss). Le développement durablenécessitera une stabilisation progressive de la population mondiale, mais aussi uneutilisation plus efficace et plus équitable des ressources naturelles. La proposition de ladélégation suisse de faire figurer dans le texte la nécessité d’appliquer le principe du« pollueur-payeur » a été rejetée. Des ONG ont déploré le fait que le texte final n’exigepas de remise en question plus forte du mode de consommation des pays industrialisés.

Condition des femmes

200 A la satisfaction de la délégation suisse, le texte final reconnaît que le statut de la

femme dans les sociétés doit être amélioré. Un meilleur accès des filles et femmes àl’éducation et aux soins de santé, la participation des femmes au processus de prises dedécisions, leur intégration dans la vie professionnelle, le droit des femmes de choisirl’espacement des naissances et l’utilisation de contraceptifs, ainsi que de meilleuresconditions sanitaires sont autant de facteurs qui permettront une nette baisse des tauxde natalité. Cette partie du texte final est la plus novatrice, car elle introduit lesnouveaux concepts d’équilibre des genres (Gender equality) et reconnaît que la femmedoit obtenir plus de responsabilités dans les prises de décisions : autonomisation desfemmes (empowerment). Plusieurs expériences menées dans différentes régions du

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monde montrent qu’une amélioration de la condition sociale des femmes entraîne unebaisse de la natalité (c’est le cas par exemple dans l’Etat du Kerala en Inde).

Avortement

201 La question de l’avortement a été au centre des débats du Caire, comme elle l’avait déjà

été lors de la Conférence de Mexico en 1984. Le Vatican surtout, mais aussi une dizainede pays latino-américains (sous la pression du Saint Siège), Malte et des pays du mondemusulman, refusaient toute formulation du texte final qui pourrait laisser entendre quel’interruption volontaire de grossesse puisse être légale, acceptable ou libéralisée.Même la notion de maternité sans risques était controversée, puisque certainscraignaient que l’avortement en fasse partie. Le texte de compromis stipule quel’avortement ne doit dans aucun cas être promu en tant que méthode de planificationfamiliale, mais il reconnaît que les avortements « non sûrs » constituent un problèmede santé publique. Les avortements pratiqués dans de mauvaises conditions provoquentla mort de 200’000 femmes chaque année dans le monde.

Santé reproductive et droits génésiques

202 De nombreuses divergences d’opinion sont apparues dans ce domaine. Les pratiques de

contrôle coercitif des naissances ont été condamnées par beaucoup, y compris par ladélégation suisse. Ces pratiques sont contraires à la dignité humaine et sont souventdifficilement applicables. La Suisse reconnaît l’importance d’une planification desnaissances, mais celle-ci devrait être intégrée dans une approche plus globale centréesur l’éducation et l’accès aux services de santé, le contrôle des naissances n’étant passuffisant pour freiner l’accroissement de la population. Beaucoup de programmesnationaux ou internationaux de contrôle démographique ont été critiqués : campagnesde stérilisations, vaccins contraceptifs injectables (avec leurs risques pour la santé, etles abus potentiels par la facilité d’administration à grande échelle). Certainescampagnes d’organisations internationales (FNUAP et OMS) ou soutenues par ellesn’ont pas été à l’abri de violentes critiques de la part d’organisations de femmes.

203 Le texte reconnaît que chaque couple, et plus particulièrement chaque femme, devrait

pouvoir décider librement du nombre des enfants et de l’espacement des naissances.L’accès aux moyens contraceptifs de leur choix devrait être garanti. Les services desanté et d’hygiène sexuelle, ainsi que la planification familiale, devraient êtreaccessibles à tous, à un prix abordable. Ces points ont suscité de fortes oppositions decertains pays du monde musulman et de la part du Vatican (ce dernier n’acceptant queles méthodes naturelles de limitation des naissances).

Migrations internationales

204 Les divergences entre le Nord et le Sud ont été très fortes dans ce domaine. Plusieurs

pays industrialisés (dont la Suisse) ont refusé que le texte mentionne un « droit » auregroupement familial. Le texte final se borne à mentionner l’importance de ceregroupement. Pour la Suisse, les mouvements migratoires ne peuvent pas être unesolution à la pression démographique.

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Financement du développement social

205 Le FNUAP évaluait les besoins financiers pour réaliser le plan d’action à 17 milliards

de dollars jusqu’en l’an 2000, deux tiers à la charge des pays en développement et untiers par l’aide au développement.

206 Le PNUD (soutenu par l’UNICEF et le FNUAP) proposait « l’Initiative 20/20 », selon

laquelle les pays en développement devraient consacrer 20 % de leurs dépensespubliques à des investissements de développement social, alors que les paysindustrialisés devraient engager le 20 % de leur aide aux priorités du développementhumain (santé, éducation de base, accès à l’eau potable et planification familiale). Seuls7 % de l’APD des pays industrialisés était destiné à ces domaines en 1989/91, avec, pourles pays en tête 25 % pour le Danemark, 18 % pour la Norvège et 15 % pour la Suisse16.L’Initiative n’a finalement pas été approuvée lors de la Conférence du Caire et elle seraréexaminée lors du prochain Sommet pour le développement social. Parmi les critiquesà l’Initiative proposée, certains regrettent que les priorités du développement humaindéfinies par le PNUD ne couvrent pas certains domaines importants de l’action sociale,développement urbain et formation professionnelle par exemple.

207 L’aide de la Suisse dans le domaine démographique au sens étroit s’élève à environ

10 millions de francs par année, avec surtout les contributions au FNUAP (8,6 millionsde francs en 1993), à l’OMS (0,4 million pour le Programme de recherche sur lareproduction humaine en 1993), et à la Fédération internationale pour la planificationfamiliale (0,5 million de francs). La Suisse ne voulait pas souscrire à un objectifspécifique d’augmentation de l’aide en matière de population mais préconiser unaccroissement de la part de l’aide publique destinée au développement social. La Suisseétait en faveur du concept 20/20 et a déclaré qu’elle s’efforcera d’orienter sesprogrammes de coopération au développement dans ce sens.

2.4.2. OIT : Conférence Internationale du travail 1994

208 La 81ème session de la Conférence internationale du travail, réunie du 7 au 24 juin 1994 à Genève

au siège de l’Organisation internationale du travail (OIT), fut l’occasion pour plus de

2000 participants de 158 pays d’adopter une convention et une recommandation sur la protection

des droits des travailleurs à temps partiel. Les pays signataires s’engagent à accorder les mêmes

droits aux travailleurs à temps partiel qu’à ceux occupant un poste à plein temps. La Conférence

a également examiné en première lecture une convention sur la sécurité et la santé des mineurs.

209 La Convention sur le travail à temps partiel instaure l’égalité entre les travailleurs à

temps partiel et les travailleurs à plein temps occupant un poste équivalent. Cela vautnotamment pour la protection de l’emploi, la liberté d’association, le droit à desnégociations collectives et pour la discrimination dans le domaine professionnel et del’emploi. Les travailleurs à temps partiel doivent en outre bénéficier des mêmesconditions que les travailleurs à plein temps pour ce qui est de la protection de lamaternité, de la dissolution du contrat de travail, des congés et des jours fériés. Dans lemonde entier, ce sont surtout les femmes qui occupent des poste à temps partiel. Lesreprésentants des employés ont salué cette nouvelle convention, car elle protège lestravailleurs à temps partiel – avant tout des femmes – dont le nombre va croissant. Lamajorité des employeurs a rejeté la convention en arguant que l’introduction denormes internationales dans ce domaine limite la flexibilité des employeurs, ce qui met

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en danger l’emploi de la main-d’œuvre à temps partiel. Ils ont notamment critiqué ladisposition qui prévoit que tous les employés reçoivent le même salaire de base – quelque soit leur taux d’occupation. Les représentants du gouvernement suisse se sontabstenus de voter ; ils ont indiqué que certaines dispositions de la convention neconcordaient pas avec la loi fédérale sur l’AVS, de sorte que la Suisse ne pouvait pas laratifier dans un premier temps.

Sécurité du travail dans les mines

210 Selon les estimations de l’OIT, quelque 25 millions de personnes dans le monde

travaillent dans les mines. Les conditions de travail particulières qui y règnent exigentl’adoption d’une norme de l’OIT dans ce domaine. Celle-ci a été débattue en premièrelecture au cours de la Conférence annuelle de 1994. Selon cette norme, les employeursdevraient s’engager à prendre les mesures de sécurité requises et à les contrôler, ainsiqu’à fournir aux employés des informations et des instructions dans les domaines de lasécurité et de la santé. De plus, les travailleurs devraient avoir droit à des informationsprécises sur les dangers liés à leur travail. Les mineurs devraient pouvoir exiger desinspections et des enquêtes sur leur lieux de travail, afin de protéger leur sécurité etleur santé.

Le rôle de l’OIT à l’avenir

211 Après que le conflit idéologique entre l’Est et l’Ouest ait restreint, voire parfois même

bloqué, le travail de l’organisation, la libéralisation des anciennes économies nationalesgérées selon le principe de la planification d’Etat offre à l’OIT l’occasion de se réformeren profondeur. La mondialisation de l’économie touche tous les pays et les places faceau problème de la sécurité sociale alors que le monde du travail est en pleine mutationstructurelle. A l’avenir, l’OIT souhaite se consacrer davantage à améliorer lacoordination du travail des diverses organisations économiques telles que la nouvelleOrganisation mondiale du commerce (OMC), les institutions financières que sont le FMIet la Banque mondiale et sa propre organisation. Dans l’édition « Spécial anniversaire »de la revue Travail, le Directeur général de l’organisation, Michel Hansenne, a soulignéque de nouveaux efforts seraient nécessaires pour combler le fossé qui s’est creusé cesdernières années entre les organisations internationales et pour renforcer leurcoordination. Pour faire un premier pas vers une meilleure collaboration, il proposeque l’OIT rédige un grand rapport sur la situation de l’emploi dans le monde, sur lemodèle des études annuelles du FMI et de la Banque mondiale. IL pense en outre quel’organisation est appelée à jouer un rôle prépondérant pour donner un cadre socialaux changements structurels en cours à l’échelle planétaire. En abordant ce thème,Michel Hansenne se demande si l’OIT peut garantir les droits des travailleurs dans uncadre volontaire – c’est-à-dire dépourvu de sanctions – dans un système économiquedicté par la mondialisation et la concurrence.

L’OIT fête ses 75 ans

L’OIT a été fondée en 1919 dans le cadre du Traité de paix de Versailles et a fêtéen 1994 son 75ème anniversaire. La Déclaration de Philadelphie, en 1944, confie àl’organisation un vaste mandat relevant de la politique sociale et de l’emploi dansle monde de l’après-guerre. En 1946, l’OIT est devenue une institution spécialiséede l’ONU et elle compte aujourd’hui 171 Etats membres. Outre la création de

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normes dans le domaine du travail et le contrôle de leur application, l’OIT assureégalement la gestion de programmes de la coopération technique audéveloppement qui mettent l’accent sur l’amélioration du respect des droits del’homme et sur la formation. La tâche principale de l’OIT réside dans l’élaborationd’un « code international du travail », qui comprend pour l’heure 174 conventionscontraignantes (dites aussi normes ou accords) et 181 recommandations noncontraignantes. Les négociations se déroulent dans un cadre tripartite : ladélégation de chaque Etat membre regroupe des représentants du gouvernement(2 voix) et des représentants des employés et des employeurs (1 voix chacun). Lesnormes de l’OIT sont débattues en première lecture au cours d’une conférenceannuelle avant d’être mises au point et adoptées l’année suivante. Chaque normede l’OIT s’accompagne d’une recommandation qui décrit son intégration dans lalégislation nationale. A l’heure actuelle, la réduction du nombre de places detravail représente un nouveau défi pour l’OIT. L’organisation a décidé de consacrersa prochaine conférence annuelle à son rôle dans la politique sociale et de l’emploidans un monde où l’économie de marché constitue le modèle économique deréférence – unique – et a adopté en 1994 une résolution allant dans ce sens.Le Bureau international du travail à Genève est l’organe exécutif de l’OIT. Sondirecteur, le belge Michel Hansenne, est en poste depuis 1989. L’organe dirigeantest le Conseil d’administration de l’OIT qui réunit 28 représentantsgouvernementaux, 14 représentants des employeurs et 14 représentants desemployés.

L’Afrique du Sud à nouveau dans les rangs de l’OIT

212 Après trente ans d’absence, l’Afrique du Sud a de nouveau pris part à la conférence de

l’OIT en 1994. Depuis l’adoption, en 1964, de la Déclaration concernant l’Afrique du Sud,l’OIT avait sans cesse invité ses membres à soutenir les sanctions économiques contrece pays. La commission de l’OIT traitant de l’apartheid a régulièrement analysé lasituation en Afrique du Sud et la Conférence confirmait chaque année la déclarationconcernant ce pays. Les délégués du gouvernement suisse se sont toujours abstenuslorsqu’il s’agissait d’approuver la « Déclaration », car la Suisse ne respectait pas lessanctions économiques décidées par la communauté internationale contre l’Afrique duSud, mais a toujours condamné la discrimination raciale. Lors de la Conférenceannuelle de 1993, la Suisse a enfin également approuvé les conclusions du rapport del’OIT sur l’Afrique du Sud. Après les élections démocratiques organisées en avril 1994dans le pays et sa participation à la Conférence annuelle en juin 1994, la Déclaration surl’Afrique du Sud de 1964 a été formellement abrogée et les Etats ont été invités àsoutenir ce pays dans ses efforts pour démanteler les structures discriminatoires etpour reconstruire l’économie nationale. L’OIT a, quant à elle, lancé un plan d’actionspécial dans le domaine socio-économique.

Autres thèmes abordés par la Conférence

Dans une résolution, l’OIT déclare sa volonté de participer activement à la préparation et à

la tenue du Sommet mondial pour le développement social.

A l’occasion de la Conférence annuelle de l’OIT, la Confédération internationale des

syndicats libres a lancé une campagne contre le travail des enfants. Dans le monde entier,

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200 millions d’enfants de 4 à 14 ans sont astreints au travail forcé, parfois dans des

conditions dignes de l’esclavage. Depuis l’adoption de sa norme 29 en 1930, l’OIT demande à

ses membres d’abolir le travail des enfants. (Faute de temps, il a été impossible d’adopter à la

Conférence annuelle de 1994 la résolution, déjà préparée, qui interdit le travail forcé et le

travail des enfants.

Chaque année, la commission du contrôle des normes informe la Conférence de l’OIT du

respect des normes par les Etats membres. Cette commission – présidée pour la troisième

fois en cinq ans par un représentant suisse – s’est déclarée préoccupée par le non respect

croissant des normes de l’OIT. L’Inde viole ainsi la norme 29 qui prévoit l’abolition du travail

forcé et du travail des enfants. Le gouvernement indien a été invité à prendre des mesures

efficaces contre le travail forcé qui s’est généralisé dans le pays comme moyen de

remboursement de dettes.

La convention 96 sur les agences d’emploi privées a également été examinée. Le taux de

chômage étant élevé, le placement devrait être gratuit pour les personnes en quête d’emploi

(exception faite des travailleurs hautement qualifiés et des cadres supérieurs). L’OIT

recommande aux gouvernements de mieux intégrer les agences de placement privées dans

la création de programmes d’occupation et de s’efforcer d’améliorer la collaboration entre

les agences publiques de l’emploi et les agences privées.

2.4.3. OMS : Assemblée mondiale de la santé 1994

213 32 résolutions ont été adoptées durant l’Assemblée. Certaines d’entre-elles demandent une

meilleure application des décisions prises dans le passé : code de commercialisation des

substituts au lait maternel, stratégie pharmaceutique de l’OMS, usage rationnel des

médicaments, critères éthiques dans la promotion des médicaments. Le programme général de

travail pour les années 1996 à 2001 a été adopté. IL met l’accent sur une nécessaire diminution

des inégalités d’accès aux soins de santé. Le regroupement des activités de lutte contre le SIDA de

plusieurs organisations internationales en un nouveau programme de lutte cofinancé par ces

organisations a pour but de mieux coordonner les efforts dans ce domaine.

214 L’OMS dirige et coordonne depuis 1948 les activités internationales en matière de santé.

Les organes principaux sont l’Assemblée mondiale de la santé, le Conseil exécutif et leSecrétariat. L’Assemblée mondiale annuelle permet de déterminer le programme et lastratégie d’action de l’OMS. Le déroulement et le contenu de celle-ci sont pourtant dansles faits influencés surtout par les propositions du Secrétariat. Le conseil doit appliquerles grandes orientations et décisions de l’Assemblée et propose le budget. Plus de1’400 délégués de 178 pays ont participé aux travaux de la 47e Assemblée mondiale de lasanté, à Genève, du 2 au 12 mai 1994. 189 pays sont actuellement membres del’Organisation. L’Afrique du Sud a retrouvé sa place en tant que membre de l’OMS. Elleavait perdu son droit de vote en 1964, car le système de l’apartheid avait été jugé nonconforme aux principes humanitaires régissant l’OMS.

Lutte contre la maladie

215 Les progrès de la prévention et de la médecine ont permis d’allonger l’espérance de vie

et de faire reculer la mortalité infantile et certaines maladies (poliomyélite et lèprepar exemple). Les problèmes restent pourtant graves dans certains domaines.500’000 femmes et 3 millions de nouveaux-nés meurent chaque année de causesévitables liées à la grossesse (dont 99 % dans les pays en développement). La rougeole,

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le paludisme et la tuberculose provoquent respectivement plus d’un million, 1,5 à3 millions et 3 millions de décès par année. L’insuffisance de ressources financières, lacrise économique et les inégalités sociales freinent les progrès de la santé.

216 L’OMS a dressé le bilan de 20 ans de lutte contre l’onchocercose (cécité des rivières) en

Afrique de l’Ouest. Plus de 20 millions de personnes étaient infectées par le parasite audébut des années 70. La pulvérisation d’insecticides a permis de lutter contre leparasite responsable. Fait rare, le médicament trouvé à la fin des années 80(ivermectine) est fourni gratuitement à l’OMS par la firme transnationale qui le produit(Merck & Co. Inc.). La contribution de la Suisse au Programme de lutte contrel’onchocercose (cécité des rivières) s’est élevée à 27,5 millions de francs de 1985 à 1993(huitième pays contributeur le plus important).

Nutrition du nourrisson

217 Une résolution invite les Etats membres à appliquer le Code international de

commercialisation des substituts du lait maternel. La promotion de l’allaitement ausein doit être renforcée dans les maternités et les services hospitaliers et aucunedistribution gratuite ou subventionnée de substituts du lait maternel ne doit être faitedans ces lieux. L’allaitement au sein donne à l’enfant une protection importante contreles infections et permet d’éviter des cas de rougeole, de diarrhée et de pneumonie.L’OMS estime qu’une pratique plus généralisée de l’allaitement au sein permettraitd’éviter 1,5 millions de décès de nourrissons chaque année. Les réseaux d’organisationsd’information sur les problèmes de pays en développement dénoncent depuis denombreuses années certaines pratiques d’entreprises transnationales (fournituresd’échantillons gratuits de lait en poudre au personnel de santé ou aux mèrespar exemple). Le réseau international HAI (Health Action International) s’est à nouveauexprimé à ce propos dans les coulisses de l’Assemblée.

218 L’apparition du SIDA rend la situation plus complexe, car l’OMS estime qu’un tiers

environ des enfants nés de mères infectées par le VIH seront infectés à leur tour,surtout pendant la grossesse et au moment de l’accouchement. 15 % des infections duvirus du SIDA seraient occasionnées par l’allaitement, ce qui commence à conduirecertains pédiatres de pays industrialisés à recommander aux femmes séropositivesd’utiliser des substituts du lait maternel. L’OMS recommande cependant aux mèresséropositives de pays en développement de tout de même continuer l’allaitement ausein. Car lorsqu’il y a malnutrition et que les conditions d’hygiènes sont médiocres, ledanger d’autres infections et d’autres pathologies provoquées par l’utilisationinappropriée de produits substituts ou par l’insuffisance de défenses immunitaires sontbeaucoup plus importants pour l’enfant que le risque d’être infecté par le VIH. LaConvention d’actionnaires Nestlé (CANES), qui était opposée à la promotion de lait enpoudre, reconnaît que le problème de transmission du SIDA pourrait remettre en causeleur analyse et que le lait en poudre pourrait permettre d’éviter dans certains cas lacontamination par le VIH.

Santé maternelle et infantile

219 La résolution adoptée demande une amélioration de la qualité des services de santé

maternelle et infantile, en renforçant les centres de santé, les postes sanitairespériphériques, de même que l’appui aux agents de santé communautaires et

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accoucheuses traditionnelles qualifiées. Les pays devraient aussi lutter contre lesmutilations sexuelles des fillettes et des femmes, car ces mutilations portent atteintes àleur santé et à leurs droits. Les pays devraient diffuser notamment de l’information surles conséquences graves sur la santé, fournir des conseils et intégrer l’information dansles programmes d’éducation. Ces pratiques profondément enracinées dans la traditiondevraient être éliminées.

Politique des médicaments

220 L’Assemblée a approuvé un rapport sur les critères éthiques applicables à la promotion

des médicaments. La réglementation des médicaments doit garantir la sécurité,l’efficacité et la qualité, mais aussi l’exactitude de l’information. Les pharmaciens,prescripteurs et malades doivent avoir accès à une information compréhensible sur lesmédicaments et leurs effets secondaires. Les Etats membres devraient mettre en œuvredes politiques pharmaceutiques qui assurent une plus grande égalité d’accès auxmédicaments essentiels et un usage rationnel des médicaments.

Programme de travail pour les années 1996 à 2001

221 Le neuvième programme général de travail pour la période 1996-2001 a été approuvé

par l’Assemblée. Ce cadre général d’action met l’accent sur la nécessité de lutter contreles disparités en matière de santé entre pays et entre les plus privilégiés et les plusdémunis. Les objectifs principaux sont énumérés. L’espérance de vie moyenne danschaque pays ne devrait pas être inférieure à 60 ans. « Au moins 85 % de la populationmondiale devrait avoir accès aux médicaments et vaccins essentiels. Le taux demortalité infantile ne devrait pas dépasser 50 pour 1’000 naissances vivantes. Lapoliomyélite et la dracunculose (maladie du ver de Guinée) devraient être éradiquées etles problèmes de santé publique posés par la lèpre, le tétanos néonatal et la rougeoledevraient être éliminés » (Communiqué OMS/29.4.1994). Les pays industrialisés ontsouligné l’Importance de fixer des priorités claires et d’améliorer la coordination ausein du système des Nations Unies. Plusieurs pays souhaitent des réformes defonctionnement de l’Organisation.

Situation financière

222 Le budget ordinaire de l’organisation est en croissance zéro depuis une douzaine

d’année. 15 % du budget ordinaire de l’année 1992/93 n’avait pas encore été payé parles pays membres en mai 1994, soit 106 millions de dollars sur un budget total de689 millions. Les dépenses ont ainsi été réduites de 55 millions (51 millions de dollarsont été empruntés). Au 30 novembre 1994, 75 pays n’avaient pas encore versé leurcontribution ordinaire pour 1994 et 17 pays ne l’avait versée qu’en partie (soit 20 % dubudget 94). Les difficultés de paiement de beaucoup de pays en développement et depays en transition expliquent une grande partie de ces retards de paiement, aux côtésdes sommes dues par le Brésil, certains pays exportateurs de pétrole et les Etats-Unis.L’OMS dépend de plus en plus de ressources financières extrabudgétaires (pour plus dela moitié du financement) et donc des paiements des pays membres aux programmesde leur choix. La situation reste préoccupante pour les années à venir. Lescontributions versées par la DDA aux programmes spéciaux de l’OMS se sont élevées

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en 1993 à 5,6 millions de francs et la contribution ordinaire versée par l’Office fédéralde la santé publique à 6,6 millions de francs en 1994.

Nouveau programme de lutte contre le SIDA

223 L’Assemblée a examiné le projet de création d’un programme commun des Nations

Unies sur le VIH et le SIDA. Ce nouveau programme, basé à Genève, devrait deveniropérationnel à partir du 1er janvier 1996. IL a pour objectif d’assurer une meilleurecohérence dans la lutte contre le SIDA et une meilleure coordination en regroupant lesactivités des six organisations suivantes : OMS, UNICEF, PNUD, UNESCO, FNUAP etBanque Mondiale. Ces efforts actuellement dispersés doivent être transformés en unprogramme cofinancé et cogéré par les 6 organisations. Celui-ci devra permettre desoutenir les efforts dans les domaines suivants : renforcement des capacités nationalesde lutte contre le SIDA, appui à la formulation de politiques de lutte, changements descomportements pour prévenir la maladie, appui aux soins médicaux, soutien de larecherche (vaccins expérimentaux par exemple).

2.5. Agriculture et nutrition

2.5.1. FAO : Conférence générale 1993

224 La Conférence générale de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture

(FAO) – qui a été fondée en 1945 et a son siège à Rome – se réunit tous les deux ans en novembre.

La 27ème Conférence de la FAO s’est tenue du 6 au 24 novembre 1993. Le point le plus important à

l’ordre du jour fut la nomination du nouveau Directeur général. Après avoir passé dix-huit ans à

la tête de la FAO, le Libanais Edouard Saouma a été remplacé par le Sénégalais Jacques Diouf qui

a été choisi parmi huit candidats. Lors du débat qui a précédé l’adoption du programme de

travail et du budget pour les années 1994-1995, de nombreuses délégations ont exprimé leur

souhait de voir la FAO, au vu du manque de moyens et des problèmes croissants, affiner ses

priorités dans le cadre de ses activités et de collaborer plus étroitement avec d’autres organismes

œuvrant dans les domaines de la nutrition, de l’agriculture et du développement. La Suisse a

participé activement à la Conférence. Au cours de la séance du Conseil de la FAO qui s’est tenue

après la Conférence, un représentant de la Suisse a été élu membre de la commission des

finances.

225 La FAO est la plus grande de toutes les institutions spécialisées des Nations Unies : elle

compte plus de 6000 employés. L’admission de l’Afrique du Sud a fait passer le nombrede ses membres à 169. Tout comme l’Union soviétique précédemment, la Russie,l’Ukraine et d’autres pays nés de l’éclatement de l’URSS ne sont toujours pas membresde la FAO. La Conférence de la FAO comprend une session plénière consacrée auxdiscours des chefs de délégation, qui est suivie par des travaux au sein des troiscommissions suivantes : Tendances et politiques en matière d’alimentation et d’agriculture

(commission I), Activités et programmes de la FAO (commission II) et Questions

constitutionnelles et administratives (commission III). La FAO a pour mandat de combattrela faim dans le monde et d’assurer l’accès à l’alimentation pour tous. Ce mandat touched’autres domaines d’activité de la FAO tels que des mesures en faveur d’uneexploitation durable de la terre, de la forêt et des ressources halieutiques, la luttephytosanitaire, la préservation de la biodiversité, l’accès à l’eau potable, la protectionde l’environnement. Dans ces divers domaines, l’organisation a conclu ou adopté

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diverses conventions, accords, déclarations et codes de conduite. La Conférence de 1993a adopté le « Code de conduite pour une pêche responsable ».

Election du nouveau Directeur général

226 Les 18 années passées sous la direction d’Edouard Saouma ont fortement marqué la

FAO. La politique en matière de personnel et l’attribution des moyens financiers dudirecteur Saouma ont essuyé de vives critiques et nombreux ont été ceux qui ontreproché à la FAO de pratiquer une gestion partiale et inefficace et de donner uncaractère par trop politique à son mandat universel de garantir à tous une sécuritéalimentaire. Edouard Saouma a également été accusé d’envenimer le conflit Nord-Sudet de rendre ainsi le travail de l’organisation encore plus difficile. En signe deprotestation, les Etats-Unis et d’autres membres ne versaient plus la totalité de leurcontribution à la FAO, ce qui a provoqué plusieurs crises financières.

227 Huit candidats se sont présentés pour succéder à Edouard Saouma. L’ambassadeur

sénégalais auprès des Nations Unies, Jacques Diouf, faisait plutôt figure d’outsider faceau Chilien Moreno Roja soutenu par le directeur sortant. Pourtant le candidat chilien aété évincé. Cette défaite tend à prouver qu’une majorité des Etats membres souhaitentvéritablement s’écarter de la politique de Saouma et qu’ils ont donc préféré accorderleur confiance à un outsider qui n’est pas coutumier de la FAO. A l’occasion de laréunion du Conseil de la FAO en mai 1994, le nouveau Directeur général, Jacques Diouf,a présenté ses propositions s’écartant du programme de travail adopté par laConférence précédente. La FAO va ainsi ouvrir cinq succursales régionales en Afriquedu Nord, en Asie du Sud-Ouest, dans les îles du Pacifique, dans les Caraïbes et en Europede l’Est. Un « Département pour le développement durable » sera créé au Secrétariatà Rome. Dans sa lutte contre la faim, la FAO souhaite davantage concentrer ses effortsen faveur de l’Afrique (« Neue grüne Revolution für Afrika », NZZ 31.5.1994).

Budget et programme de travail

228 Le budget biennal 1994-1995 a été adopté et se monte à 1343 millions de dollars, ce qui

dénote – tout comme les années précédentes – une croissance nulle en termes réels. Lebudget se compose d’une partie dite ordinaire de 673 millions de francs (contributionsobligatoires des membres), qui est adoptée par une résolution, et d’une partie spécialeestimée à 670 millions de dollars (PNUD et fonds financier). Le budget spécial sert àfinancer les activités sur le terrain dans le cadre de la coopération technique de la FAO.La Suisse compte parmi les dix principaux pays qui alimentent ce fonds de la FAOdestiné au financement des programmes sur le terrain. En 1992, elle a ainsi versé9,4 millions de dollars à ce titre et 10,5 millions de dollars en 1993. La contributionannuelle de la Suisse au budget ordinaire se monte à quelque 6,2 millions de francs.

229 Lors de chaque Conférence de la FAO, l’adoption du budget est un point capital de

l’ordre du jour, car la discussion portant sur le budget concerne également leprogramme de travail de l’organisation. La FAO ayant, sous la longue directiond’Edouard Saouma, lancé un nombre toujours croissant d’activités et de programmes,quelques grands pays donateurs, notamment les Etats-Unis qui assurent à eux seuls lequart du budget ordinaire, ont déclaré éprouver des difficultés à financer l’ensemble

des activités. Depuis longtemps déjà, la Suisse demande elle aussi que la FAO concentreses activités sur des domaines prioritaires. Les représentants suisses à la Conférence

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estiment ainsi que des analyses et des conseils en matière de politique agraire etalimentaire doivent avoir la priorité devant les programmes et les projets de la FAOdans le domaine de la coopération technique au développement. La Conférence achargé le Secrétariat de la FAO de promouvoir activement à l’avenir, d’une part, lacollaboration avec d’autres institutions apparentées et, d’autre part, une meilleurerépartition du travail. D’aucuns ont par exemple suggéré à l’Organisation de confier laréalisation de ses projets à des œuvres d’entraide privées qui travaillent si possible encollaboration avec les bénéficiaires et visent un développement durable. Du nouveauDirecteur général on attend qu’il résolve le problème de la répartition des compétencesqui provoque d’incessantes tensions entre la FAO et le Programme alimentaire mondial(PAM) et qu’il mette en place entre les deux organisations une collaboration fructueuseau profit des populations souffrant de la pauvreté et de la faim.

230 Dans le cadre du rapport d’évaluation du programme sur le terrain de la FAO, les

participants à la Conférence ont pris connaissance avec préoccupation de la mauvaisequalité des projets de la FAO. En effet, le qualificatif bon n’a été attribué qu’à 18 % desprojets pour leur conception, à 22 % pour leur réalisation et à 24 % pour leurs effets.Par ailleurs, plus de la moitié des rapports d’évaluation eux-mêmes ont été jugés demauvaise qualité. Les projets de la FAO s’insèrent mal dans le cadre institutionnel, ilsmanquent de coordination avec d’autres programmes menés sur place et ne suscitentqu’une faible participation des partenaires et des gouvernements locaux. L’évaluationportait sur 580 projets réalisés entre 1985 et 1991. Tout comme d’autres membres, laSuisse suggère à titre de mesure d’urgence que la FAO réduise sensiblement le nombrede ses projets et qu’elle mette l’accent sur des domaines où ses prestations offrent unavantage comparatif évident. Elle a réitéré son souhait de voir la FAO se concentrer surl’analyse et les conseils en matière politique dans les domaines de la nutrition et del’agriculture. Les délégués suisses estiment en effet qu’une bonne politique agraire estplus efficace pour garantir l’accès à l’alimentation à l’ensemble de la population d’unpays qu’une multitude de petits projets (de la FAO) dispersés.

Planification à moyen terme

231 La réintroduction d’un plan de travail souple à moyen terme sur six ans (trois périodes

budgétaires) est le principal élément de la « réforme » de la FAO décidée en 1989 (quiest toutefois restée une « réformette »). Ce plan a pour objectif de mieux adapter lespriorités de la FAO à l’évolution de la situation.

232 Voici les priorités intersectorielles qui ont été fixées en 1993 : 1. Environnement et

développement durable ; 2. Avis en matière de politiques ; 3. Participation despopulations au développement (remplace le développement des ressources humainesde 1991) ; 4. Lutte contre la pauvreté, nutrition et sécurité alimentaire (remplacefemmes et développement de 1991) ; 5. Coopération technique et économique entrepays en développement. La priorité régionale à moyen terme est accordée à l’Afrique,un continent où des gens continuent à souffrir de la faim.

233 Les participants à la Conférence ont accepté le plan à moyen terme tout en soulignant

que chaque pays est en principe responsable de son avenir et que le rôle de la FAO et dela coopération au développement n’est que complémentaire. La FAO n’est en fait qu’unélément d’un vaste ensemble dont la cohérence politique a grand besoin d’être accrue.Dans ce contexte, la Conférence a une fois de plus souligné l’importance de larépartition du travail et de la coordination au sein du système des Nations Unies.

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Page 77: Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 - OpenEdition

Rapport sur l’alimentation « Agriculture : horizon 2010 »

234 La FAO publie régulièrement des études sur la situation de l’alimentation dans le

monde. Selon l’organisation, 1,1 milliard de personnes souffrent de la faim dans lemonde et 800 millions de personnes de sous-alimentation chronique. La productionvivrière est mal répartie entre les régions. En théorie, elle suffirait en effet à nourrirtous les habitants du globe. Or c’est l’accès à la nourriture qui pose problème, car ildemeure fermé à ceux qui vivent dans la pauvreté. L’étude en arrive à la conclusion – qui n’a rien de nouveau ni de trivial – que la faim est une conséquence de la pauvreté.Pour lutter contre la pauvreté, il faut créer des emplois et des revenus dans les pays endéveloppement. La coopération au développement a trop longtemps négligél’encouragement de l’agriculture dans les pays pauvres au profit du développementindustriel. A l’opposé, dans les pays riches, l’agriculture a été surexploitée. Le rapportde la FAO conclut qu’il s’agit désormais de rattraper tout le retard pris dans nombre depays en développement pour promouvoir et moderniser l’agriculture – sans négligerpour autant la protection de l’environnement – car elle constitue une étapeéconomique incontournable vers l’accroissement du pouvoir d’achat dans les zonesrurales.

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2445 (efficacité commerciale) ; 2408, 2412, 2415, 2417 à 2419, 2437, 2459 (investissements directs

étrangers et firmes transnationales) ; 2410 (Cacao) ; 2396, 2397, 2399, 2400, 2402 (bois tropical) ;

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Page 81: Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 - OpenEdition

Tages-Anzeiger, 9.11.1993.

NOTES

1. Il convient d’observer que les données statistiques relatives à l’endettement extérieur et aux

flux de capitaux varient considérablement selon la source (Banque mondiale ou OCDE). Nous

nous basons dans ce chapitre sur l’une et l’autre de ces deux sources, qui ne sont pas directement

comparables entre elles

2. La mise en œuvre concrète des mesures de désendettement bilatérales et leur préparation

en Suisse (rachat des créances privées des exportateurs suisses et des créances bancaires à la

valeur marchande résiduelle) sont présentées en détail dans l’Annuaire 1994, pages 34 à 40.

3. Rapport sur la politique économique extérieure 93/1 + 2, p. 88.

4. Président de la Banque mondiale Lewis Preston, cité par : Tages-Anzeiger, 20.7.1994 (Banque

mondiale : davantage d’argent pour l’environnement).

5. Lewis Preston, cité par : NZZ, 22.7.1994.

6. Rapport sur la politique économique extérieure 93/1 + 2, p. 88.

7. Voir aussi les Annuaires précédents pour les thèmes suivants : Agriculture (Annuaires 1992, 93

et 94), services (Annuaire 92), propriété Intellectuelle (Annuaires 91, 92, 93 et 94), audiovisuel

(Annuaire 94), création de l’OMC (Annuaire 94).

8. Sources des données chiffrées sur l’importance des exportations de certaines branches

économiques : document de la Société pour le développement de l’économie suisse (SDES) et

Message du Conseil fédéral relatif à I approbation des accords du GATT/OMC.

9. Le système des trois phases permettait un contingentement des importations de certains

produits agricoles en fonction de la production saisonnière indigène, avec par exemple la

restriction des Importations de certains fruits quand la production indigène vient sur le marché.

10. B. Hœkman, P. Sauré, Liberalizing Trade in Services, World Bank Discussion Papers, n o 243,

1994.

11. Positions exprimées notamment par les organisations suivantes : Association transports et

environnement, Ligue Suisse pour la protection de la nature LSPN, Société pour la protection de

l’environnement SPE et WWF Suisse.

12. Sources : communiqué de presse de la CNUCED TAD/INF/2458, 1994.

13. Sources pour les importations de caté et de cacao : Direction générale des douanes,

Statistique annuelle du commerce extérieur de la Suisse, 1993, tome premier, 1994.

14. Sources pour les importations de caté et de cacao : Direction générale des douanes,

Statistique annuelle du commerce extérieur de la Suisse, 1993, tome premier, 1994.

15. Cette crainte face à la surpopulation reste vivace dans les médias, mais aussi dans beaucoup

d’analyses, par exemple celles du « Club de Rome » en 1972 ou les publications du Worldwatch

Institute (Lester Brown, State of the World). Cet institut a publié un rapport à l’occasion de la

Conférence pour attirer l’attention sur la sur-exploitation des terrains agricoles (avec le

problème d’irrigation) et des réserves de pêche.

16. Selon les calculs effectués par le PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 1994.

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Page 82: Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 - OpenEdition

III. Politique intérieure et extérieure

3.1. Politique d’asile

1 Face au nombre toujours croissant de réfugiés, beaucoup de pays cibles des flux migratoires

internationaux, dont la Suisse, ont rendu plus restrictive leur pratique de l’asile. La politique

d’asile suisse se fonde sur la loi sur l’asile entrée en vigueur en 1981. Depuis lors, cette loi a été

révisée à trois reprises. La quatrième révision est annoncé comme étant une révision totale et

devrait s’achever en 1996. Les trois révisions précédentes, qui ont toutes restreint la pratique de

l’asile, reflètent la réaction de la Suisse face à l’accroissement du nombre de demandes d’asile. A

fin 1993, quelque 118 000 personnes résidaient en Suisse au titre de la législation sur l’asile, dont

28 000 avaient effectivement reçu l’asile. Dans le monde entier, le nombre des réfugiés

internationaux et des personnes déplacées dans leur propre pays est estimée à 40 millions. La

plupart de ces personnes séjournent dans des pays en développement.

2 Comme la majorité des autres pays du Nord, la Suisse n’accorde l’asile qu’à très peu de

réfugiés ; le taux d’acceptation de ces dernières années se situe nettement en-deçàde 10 % (4,5 % en 1992, 3 % en 1991), ce qui correspond à la « moyenne européenne ».En 1993, ce taux a atteint une moyenne de 20 %1 en raison du grand nombre de réfugiésprovenant de Bosnie-Herzégovine dont la moitié environ se sont vus accorder l’asile. LaSuisse octroie toutefois une « autorisation de séjour provisoire » à un grand nombredes requérants qui remplissent les conditions suivantes :

La décision en matière d’asile n’est pas définitive (recours en suspens),

Le renvoi, suite à une décision négative, ne peut être exigé dans certains pays ou dans

certaines régions (Sri Lanka),

Les requérants appartiennent au groupe de réfugiés de la violence (zones de conflit telles

que l’ancienne Yougoslavie).

3 Les réfugiés provenant de pays pour lesquelles la Suisse estime que certaines zones

offrent toute la sécurité requise, n’ont pas accès à la procédure d’asile ordinaire. Cesrequérants sont renvoyés dans le pays d’origine immédiatement après leur audition, àmoins qu’ils ne soient en mesure de prouver qu’ils sont victimes de persécutions. Laliste des « pays sûrs » du Conseil fédéral (DFJP et Office fédéral des réfugiés) comprendles pays suivants : Hongrie, Pologne, Bulgarie, Roumanie, Tchéquie, Slovaquie, Albanie,Ghana, Sénégal, Gambie, Inde (état en juin 1994). La Commission de gestion du Conseil

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national a recommandé à la Confédération de requérir à l’avenir l’avis des œuvresd’entraide lors de l’analyse de la sécurité des pays et de les inclure dans le processusd’évaluation des pays. Cette solution devrait notamment mettre fin aux controversesqui opposent la Confédération et les œuvres d’entraide quant à la façon de juger lasituation dans un pays.

Demandes d’asile en 1993

4 En 1993, 24 739 personnes au total ont demandé l’asile en Suisse. Ce nombre reflète à

nouveau une augmentation par rapport aux 17 960 demandes enregistrées l’annéeprécédente, mais il est nettement inférieur aux statistiques des années précédentes.Comme chaque année depuis 1991, la majeure partie des requérants en 1993 provientde l’ex-Yougoslavie (27,8 % de Bosnie-Herzégovine et 21,2 % du reste du territoire).D’importants groupes de requérants proviennent de Somalie (9,3 %), d’Albanie (8,1 %),du Sri Lanka (7 %) et de Turquie (4,4 %). (Voir le tableau « Demandes d’asile1983-1993 ».) Près de 75 % des requérants sont entrés en Suisse illégalement. Ladécision d’asile est en principe rendue dans un délai de six mois après le dépôt de lademande. Le taux d’acceptation s’est nettement accru pour les ressortissants decertains pays, notamment pour les réfugiés de Bosnie-Herzégovine (46,7 %), de Turquie(26,1 %), tandis qu’il a chuté à 2,1 % pour les personnes provenant du Sri Lanka. Le tauxd’acceptation moyen a atteint 20 % en 1993. Le renvoi des personnes dont la demanded’asile a été définitivement rejetée constitue toujours le problème majeur de lapratique de l’asile. A la fin de 1993, 14 000 personnes vivant en Suisse devaient êtrerenvoyées et 14 000 autres personnes étaient au bénéfice d’une autorisation de séjourpour motifs humanitaires.

5 Comme l’indique le vingtième rapport du Système d’observation permanente des

migrations de l’OCDE, le mouvement migratoire vers le monde industrialisé s’est ralentidepuis 1992. Selon ce rapport, ce ralentissement s’explique en premier lieu par lesconditions plus sévères que la plupart des pays appliquent à l’immigration et à l’asileet, en second lieu seulement, par la dégradation de la situation économique et socialedans ces pays. L’Allemagne constitue une exception, car elle est submergée par lesrequérants en provenance d’Europe de l’Est. Avec 16,3 % d’étrangers sur la populationtotale (soit 1,241 million de personnes, dont 10 % séjournant dans le pays sur la base dela législation en matière d’asile), la Suisse se situe en deuxième position parmi les paysde l’OCDE, derrière le Luxembourg (28 % de population étrangère). La part despersonnes séjournant en Suisse sur la base de la législation en matière d’asile parrapport à la population totale se monte à 1,7 % pour 1993.

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Tableau No 10. Demandes d’asiles 1983-1993

1) Les demandes d’asile des requérants des Etats de Bosnie et d’Herzégovie sont dans les banques dedonnées depuis le début de 1993.2) En 1933 : Tchéquie 2 ; Slovaquie 10.3) A partir de 1993, reste de l’ex-Yougoslavie sans Croatie (76) ni Slovénie (10) et Macédoine (64).

Source : DFJP/DAR.

Sri Lanka : accord sur le retour de réfugiés

6 Ces dernières années, les requérants sri lankais ont bénéficié d’un arrêt de facto des

renvois en raison de la guerre civile qui ravage leur pays. Les renvois ont toutefoisrepris en 1994, après la signature en janvier d’un accord sur le retour de réfugiés passéentre la Suisse et le Sri Lanka. Cet accord devrait garantir aux requérants un retourdans leur patrie « dans la sécurité et la dignité ». Les personnes concernées par cettenouvelle pratique en matière d’asile sont au nombre de 12 000 environ. Ce sont tous desressortissants sri lankais dont la demande d’asile a été déposée après le 30 juin 1990 et aété définitivement rejetée. Au total, quelque 18 000 Tamouls séjournent en Suisse. Pource qui est des renvois, la Confédération applique le principe selon lequel les derniersarrivés sont renvoyés les premiers. L’Office fédéral des réfugiés pose comme hypothèseque la plupart des requérants concernés retournent volontairement dans leur pays.En 1994 et 1995, un total de 700 personnes devraient être renvoyées, tout d’abord enpetits groupes.

7 L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR, qui est l’organisation faîtière des

organismes en faveur des réfugiés) continue de penser que le renvoi des Tamouls au SriLanka n’est pas admissible et a exigé de la Confédération que les renvois soient trèsbien préparés et que les réfugiés renvoyés soient accompagnés et suivis après leurretour. Le Conseil fédéral a refusé de mettre en place la commission d’accompagnement

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exigée par les œuvres d’entraide en arguant que le retour au Sri Lanka est certes « nondépourvu de difficultés, mais tout de même possible »2.

Quatrième révision de la loi sur l’asile

8 La quatrième révision de la loi sur l’asile concerne environ deux tiers des dispositions

légales ; il s’agit avant tout d’adaptations formelles plutôt que de modificationsmatérielles. Dans le même temps, la révision permettra de reprendre dans la loi lesdispositions de l’« Arrête fédéral urgent sur la procédure d’asile » qui ne peuts’appliquer au-delà de 1995. En lançant la procédure de consultation relative à larévision totale, le Conseil fédéral a souligné que cette révision n’implique pas uneréorientation fondamentale de la politique d’asile. Tout comme l’ancienne loi, lenouveau projet pose comme principe que l’asile est accordé uniquement au réfugié quisubit des persécutions individuelles de la part des organes de l’État et qui est en mesurede le prouver. L’inscription dans la loi du statut de réfugié de la violence constitue uneinnovation.

Mesures de contrainte en matière de droit des étrangers

9 Au cours de la session de printemps 1994, le Conseil fédéral a soumis au Parlement une

loi visant à créer un droit spécial pour les étrangers sans permis de séjour – ce quiconcerne notamment un grand nombre de requérants. Il répond ainsi au malaise de lapopulation face aux infractions de certains étrangers/requérants à la loi fédérale surles stupéfiants et propose d’inscrire des mesures de contrainte dans la législation surles étrangers. Ces mesures comprennent notamment la détention préparatoire de troismois et la détention aux fins de refoulement de trois mois pouvant être prolongée à9 mois. De plus, les étrangers peuvent se voir interdire de pénétrer sur un territoiredéterminé ou de le quitter. Les organisations œuvrant dans le domaine de l’asile et enfaveur des réfugiés ont lancé en juillet 1994 un référendum contre la « loi fédérale surles mesures de contrainte en matière de droit des étrangers » qui avait été adoptée parle Parlement en mars 1994 dans le cadre d’une procédure accélérée. Ce référendum arecueilli plus de 75 000 signatures. Les organisations référendaires estiment que la loi aété rédigée et acceptée sous le coup de l’émotion et que la procédure accélérée nes’imposait pas. Elles pensent de plus que la loi laisse une trop grande marge demanœuvre à la police des étrangers et qu’elle peut engendrer de graves atteintescontre les droits fondamentaux. En instituant cette loi, le Conseil fédéral tenterait deremplacer la politique migratoire et d’intégration – dont les perspectives dépasseraientles frontières de la Suisse – qu’il n’a pas été capable d’élaborer à temps. Le 4 décembre1994, une majorité de 74 % des votants ont accepté que les nouvelles mesures decontrainte soient intégrées dans la législation sur les étrangers.

Convention sur la suppression de la discrimination raciale

10 En 1965, l’Assemblée générale de l’ONU avait adopté la Convention internationale sur la

suppression de toute forme de discrimination raciale. La Convention exige des Etatssignataires qu’ils luttent activement contre la discrimination raciale et les avantagesraciaux.

11 En 1994, le Conseil fédéral et une majorité parlementaire se sont prononcés pour la

ratification de la Convention par la Suisse (avec deux réserves toutefois : limitation de

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l’accès de ressortissants étrangers au marché du travail suisse en raison du modèle destrois cercles et la garantie de la liberté d’association). Le 25 septembre 1994, le peuplesuisse a adopté, à une majorité de 54,7 % des votants, une législation allant dans cesens. La Suisse est ainsi devenue le 140ème Etat signataire de cette conventionuniverselle.

Autres thèmes en matière d’asile

L’initiative déposée en octobre 1993 par l’UDC « contre l’immigration illégale » a

officiellement abouti avec 106 000 signatures valables (juin 1994). Cette initiative exige le

renvoi immédiat de toutes les étrangères et de tous les étrangers entrés illégalement

en Suisse, tout en tenant compte du principe du non-refoulement (en 1993, ils étaient près

de 20’000).

En février 1994, les partis bourgeois de la droite (les milieux d’extrême droite et les

Démocrates suisses) ont à nouveau lancé une initiative concernant les étrangers. Cette

initiative populaire « pour une politique d’asile raisonnable » souhaite limiter à 18 % au

maximum la part de la population étrangère et mettre fin à « l’incitation financière qui

attire les requérants d’asile ». En juin 1994, le Conseil fédéral a proposé au Parlement de

déclarer cette initiative comme nulle car contraire au droit international public et de rejeter

l’initiative de l’UDC sans contre-projet.

BIBLIOGRAPHIE

Office fédéral des réfugiés, Statistique en matière d’asile 1993, Berne 1994 et la revue Asylon, éditions

de 1993 jusqu’en juin 1994.

OCDE, Tendances des migrations internationales, 20ème rapport annuel (1993) du Système

d’observation permanente des migrations, Paris 1994.

ai-Magazin, no 3/mars 1994 (Sri Lanka : île de la peur/mesures de contrainte en matière de droit des

étrangers : l’arbitraire inscrit dans la loi).

BODS/MODS/MADS, Circulaires de 1993 et 1994.

Tages-Anzeiger, 23.4. ; 11.5. ; 2.6. ; 3.6. ; 24.6. ; 5.7. ; 26.9.1994.

NZZ, 19.4. ; 21.4. ; 7.6. ; 24.6. ; 5.7. ; 26.9.1994.

NOTES

1. Le taux d’acceptation, qui reflète le nombre d’asiles accordés, tel qu’il est présenté chaque

année par l’Office fédéral des réfugiés, mérite quelques réserves si l’on souhaite s’en servir pour

apprécier la situation politique d’un pays. Il est certes vrai que le taux d’acceptation des

ressortissants d’un pays augmente lorsque la situation politique dans ce pays s’aggrave, comme

ce fut le cas pour les Kurdes de Turquie en 1993. Ce taux est toutefois influencé par la réduction

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de la montagne de cas en suspens. Chaque année en effet, des décisions sont prises concernant

des demandes dont certaines ont été déposées des années auparavant.

2. Citation du conseiller fédéral Koller dans la NZZ du 21.4.1994 (Beginn der Rückschiebung nach Sri

Lanka – Début des renvois au Sri Lanka) : Les Tamouls doivent être traités sur un pied d’égalité

avec les autres requérants d’asiles, car la situation dans leur pays est meilleure que celle

en Turquie par exemple.

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IV. Culture et science

4.1. Recherche et coopération scientifique

1 Si de gros efforts ne sont pas entrepris pour développer le potentiel de recherche dans

les pays pauvres et les plus pauvres du Sud, la science et la recherche deviendront deplus en plus un monopole des pays riches. En 1994, l’UNESCO a publié pour la premièrefois un rapport sur la science dans le monde. Celui-ci indique que les pays industrialisésconsacrent 2,9 % de leur produit national brut (PNB) à la recherche, tandis que les paysen développement ne dépensent pratiquement rien pour la recherche. Le fossé quisépare aujourd’hui les pays pauvres et les pays riches est un fossé de la connaissance.Lorsque rien, ou presque, n’est entrepris pour encourager la science, le développementdurable demeure impossible1.

2 La recherche sur les divers domaines de la coopération au développement et sur les

problèmes globaux, qui touchent aussi bien les pays du Nord que du Sud, n’est pasencore très avancée en Suisse et les contacts entre chercheurs font encore défaut. Al’avenir, on s’efforcera d’encourager davantage les partenariats scientifiques entre laSuisse et un pays ou une région en développement.

Programme prioritaire sur l’environnement / Module 7 (Environnement et

développement)

3 Faute de moyens, le module 7 du programme prioritaire, « Environnement » a, dans un

premier temps, été reporté. La Conférence de Rio sur l’environnement et ledéveloppement, en juin 1992, a toutefois incité les autorités à revenir sur cette décision.La conception du programme a donc été redéfinie et réactivée. Le module 7 a pourobjectif particulier d’analyser les aspects de l’environnement et du développement etles travaux doivent se dérouler dans le cadre d’une collaboration entre la Suisse et desinstituts de recherche du Tiers Monde. Ce mode de travail, de même que le mode definancement, représentent une innovation : des 6 millions de francs prévus jusqu’à lafin de 1995 pour financer le programme, une moitié est fournie par la DDA et l’autre parle Fonds national de la recherche. Le module 7 ne soutient que des projets de rechercheauxquels participe, sur un pied d’égalité avec le partenaire suisse, au moins un institut

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d’un pays en développement. De plus, le projet doit explicitement promouvoir laformation (« créer des capacités et des institutions »). La nouvelle définition dumodule 7 dépasse largement le cadre de la recherche sur l’environnement elle-même.Cette redéfinition vise à associer les objectifs de la recherche et de l’environnementpour contribuer ainsi à résoudre les problèmes globaux des générations actuelles etfutures. Les projets de recherche doivent promouvoir le développement, c’est-à-direqu’ils doivent aborder les problèmes prioritaires des pays en développement – également sur le plan interrégional. A la fin de 1994, 18 projets étaient en phase deréalisation. Voici les principaux thèmes traités : zones arides, villes, forêts, problèmessocio-économiques généraux.

Commission suisse pour le partenariat scientifique avec les pays en développement

4 La Commission suisse pour le partenariat scientifique avec les pays en développement a

été fondée à Berne en novembre 19942. Elle a été créée à l’initiative de la Direction de lacoopération au développement et de l’aide humanitaire et de l’Académie suisse dessciences naturelles (ASSN), qui représentait la Conférence des académies scientifiquessuisses (CASS). Elle a pour tâche de promouvoir durablement la recherche indigènedans les pays en développement. Dans cette optique, elle s’attachera à mettre sur piedet à élargir des partenariats scientifiques Nord-Sud. Ces partenariats mixtes devraientpermettre de résoudre les difficultés – manque d’équipements adéquats, faible niveaudes salaires, manque de motivation et isolement intellectuel – qui entraventactuellement la réalisation du potentiel de recherche dans les pays en développement.Le lien établi entre recherche et coopération au développement pourrait conférer uncertain prestige social aux chercheurs indigènes, ce qui inciterait les gouvernementslocaux à élaborer une politique de recherche.

Recherche sur les migrations

5 A la fin de 1993, le Conseil fédéral a décidé de lancer six nouveaux programmes

nationaux de recherche, dont un programme sur les « Migrations et les relationsinterculturelles ». Ce programme devrait fournir les bases scientifiques d’une politiquesuisse d’intégration. Il s’articule autour des questions ayant trait à l’assimilation et àl’intégration des étrangers, ainsi qu’à la société multiculturelle.

6 Un « Forum suisse pour l’étude des migrations » devrait être mis sur pied. Il s’occupera

également des questions migratoires. Le financement du Forum est assuré par unefondation et publie des travaux scientifiques sur les migrations internationales. Sestravaux ont pour but d’identifier les causes des migrations et d’analyser leurs effetsdans les pays d’émigration et d’immigration. Le Forum souhaite créer une plate-formepour la recherche sur les migrations en Suisse – la recherche est en effet disperséeentre les différents instituts et universités – et l’orienter davantage sur les besoinspratiques (autorités compétentes en matière de réfugiés et d’étrangers, écoles,assistance sociale, coopération au développement). L’Office fédéral des réfugiés, l’Officefédéral de la statistique, diverses œuvres d’entraide et la Fondation « Population,migration, environnement » soutiennent la création de ce Forum qui devrait bientôtvoir le jour (il aura son siège à l’Université de Neuchâtel et bénéficiera d’un soutien ducanton). Le Forum souhaite réunir de la documentation sur le thème des migrations,

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encourager la coopération entre les scientifiques, exécuter des mandats de recherche,offrir des services de conseil et organiser des cours de perfectionnement.

Programme national de recherche no 28

7 Le Programme national de recherche no 28, « Économie extérieure et politique du

développement » a atteint sa phase finale. Les rapports de synthèse des résultats derecherches sont en effet parus. Depuis octobre 1993, des séminaires ont encore étéorganisés sur les thèmes suivants : ajustement structurel et développement durable,évolution de l’État national, technologies « vertes » de la Suisse dans les pays endéveloppement et libéralisation des marchés agraires. Le Programme national derecherche no 28 prendra fin en 1995 lors de la publication du rapport final.

Fondation suisse pour la paix

8 La Fondation suisse pour la paix (fondée en 1988) mène des recherches sur la politique

de paix et la politique de sécurité, qui comprennent par exemple l’étude des effetsd’une destruction écologique globale. La recherche sur les conflits constitue une autrepriorité de la Fondation. Dans les années 1992-1994, l’activité de la Fondation a surtoutété marquée par la participation au projet de recherche ENCOP (Environment andConflicts Project) prévu sur trois ans, que la Fondation a mené en collaboration avecdes instituts suisses et étrangers (notamment avec l’EPF de Zurich).

4.2. Echanges culturels : Importation des films depays en développement

9 La place laissée aux films de pays en développement dans les cinémas suisses est très

faible. Le tableau 11 montre le nombre de spectateurs dans les cinémas par pays deprovenance des films. La statistique contient les données fournies par la majorité descinémas commerciaux de Suisse, mais elle ne comprend pas le public de festivals ou deciné-clubs. Les films de réalisateurs de pays en développement cofinancés par desproducteurs de pays industrialisés sont enregistrés sous le pays en développement.

10 En 1993, les 1’243 films projetés en Suisse ont attiré 15,9 millions de spectateurs

(14,3 millions de spectateurs en 1990). Seuls 36 d’entre-eux provenaient de pays endéveloppement, représentant le 2.8 % du public. Le marché cinématographique estnettement dominé par la production des Etats-Unis (qui représentait le 76 % du marchéen 1993) et la France (plus de 7 %). La part des films en provenance des Etats-Unis est enaugmentation depuis 1984 et celles des films français, italiens ou allemands en nettediminution.

11 Le public de cinéma se concentre sur un nombre très restreint de films de quelques

pays. Les 10 films qui ont connu le plus de succès en 1993 ont représenté le 29 % desentrées au cinéma. Les 50 meilleurs succès au cinéma (plus de 80’000 spectateurs parfilm) représentaient le 68 % du nombre total de spectateurs. Quatre films du Sudfiguraient parmi les 100 meilleurs succès : « Como agua para chocolaté » (Mexique, au32e rang, avec 127’000 entrées), « The Wedding Banquet » (Taïwan, 50e rang), « Qui Ju,une femme chinoise » (Chine) et « El Viaje » (Argentine) (respectivement aux 54e et 57e

rang).

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Tableau No 11. Nombre de spectateurs dans les cinémas selon le pays de provenance des films(1993)

(1) Y compris les coproductions avec d’autres pays industrialisés.(2) Coproductions de la Suisse avec la France, l’Allemagne ou d’autres pays industrialisés.(3) Essentiellement le film « La leçon de piano ».Remarque : Cette statistique ne comprend pas les films présentés dans les ciné-clubs ou lors d’unfestival de film.

Source : Calculé à partir des données de Procinéma, Association Suisse des distributeurs de films,Berne.

BIBLIOGRAPHIE

Sources de la partie 4.1.

Commission suisse pour le partenariat scientifique avec les pays en développement, documents

de la séance constitutive du 14.11.1994.

Programme prioritaire Environnement, Panorama 2/1993, Vue d’ensemble/mars 1994, Abstracts/

Berthoud 15.11.1994.

Fondation suisse pour la paix, Rapport annuel 1993 ; Rapport d’activité 1994 en bref.

Informations sur le projet et la mise sur pied du Forum suisse pour l’étude des migrations (FSM),

octobre 1994.

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NZZ, 2.11.1994 (Forum pour l’étude des migrations).

NZZ, 16.2.1994 (Premier rapport de l’UNESCO sur les sciences dans le monde).

Communiqués du PNR 28 (bulletin no 7/avril 1994).

Source de la partie 4.2.

Procinéma, Association Suisse des distributeurs de films, Berne.

NOTES

1. Ces termes du directeur général de l’UNESCO, Federico Mayor, sont repris dans la NZZ,

16.2.1994 (La recherche devient un monopole des pays riches).

2. La Commission réunit des représentants de la Confédération, des universités et d’organisations

non gouvernementales. Son secrétariat est sis à Berne. La stratégie que la Commission souhaite

appliquer a été exposée par son président, Thierry Freyvogel, dans l’Annuaire Suisse Tiers

Monde 1993 dans un article intitulé Forschungspartnerschaft mit Entwicklungsländern.

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V. Politique économique extérieure

5.1. Garantie contre les risques à l’exportation

1 Grâce à la garantie contre les risques à l’exportation (GRE), la Confédération offre aux

exportateurs suisses la possibilité d’assurer les risques politiques, de transfert et de ducroire

dans les contrats passés avec des acheteurs de pays où règne une insécurité contractuelle accrue.

La GRE concerne presque exclusivement les pays en développement et les pays de l’Est. Les

nouvelles garanties accordées en 1993 sont à nouveau en légère hausse par rapport à l’année

précédente et ont passé de 1,89 à 1,93 milliard de francs. Le total des engagements a cependant

baissé de 8,2 à 7,5 milliards de francs. L’année 1993 a été marquée par les garanties pour les

exportations de l’industrie des machines vers la Chine. Dans le classement des pays pour lesquels

des indemnités ont dû être versées, l’Iran vient en tête, suivi par la Russie. Les mesures de

désendettement de la Confédération ont sensiblement allégé les comptes de la GRE et la

Confédération examine la possibilité de couvrir certains risques d’insolvabilité de la part de

privés.

2 La garantie contre les risques à l’exportation (GRE) a été créée il y a soixante ans

(en 1934) en tant qu’instrument de la Confédération pour garantir les places de travailet promouvoir le commerce extérieur. On était alors en pleine crise économiquemondiale et la GRE avait pour tâche de protéger l’emploi dans l’industrie d’exportationet de créer si possible de nouveaux postes de travail. La garantie couvre les risquespolitiques, les risques de transfert et les risques de ducroire lorsque les clients ou lesgarants sont des entités publiques, ainsi que les risques liés aux livraisons dans des paysprésentant un certain risque commercial. Il s’agit principalement des pays endéveloppement et des pays de l’Est (97,4 % en 1993). Les pays de l’OCDE entraient pour2,6 % dans les garanties accordées en 1993.

3 La privatisation grandissante, qui s’accompagne d’une diminution des prestations

publiques, implique qu’un nombre croissant de contrats sont conclus avec despartenaires privés. Les autorités examinent actuellement la possibilité de couvrir aussiles risques d’insolvabilité de clients privés (risques de ducroire privés) qui selimiteraient toutefois aux banques. L’OFAEE répond ainsi à une demande formuléedepuis des années par l’industrie suisse des machines. Cette adaptation de la GREdevrait accroître la capacité concurrentielle de l’économie suisse d’exportation, car la

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garantie contre les risques à l’exportation de nombre d’autres pays de l’OCDE couvredéjà ce type de risques. Pour l’heure, les exportateurs suisses doivent cependantcouvrir les risques de ducroire privés auprès de banques ou d’assurances.

Principale région bénéficiaire : l’Asie

4 Plus de 70 % des nouvelles garanties, 1,93 milliard de francs au total, ont été accordées

en 1993 pour des exportations à destination de pays asiatiques. Il s’agit essentiellementd’exportations de l’industrie des machines, le principal secteur bénéficiant de lacouverture de la GRE (85 % du total des engagements). Les principaux paysimportateurs sont la Chine, l’Inde, l’Indonésie et les Philippines. Cette situation reflètebien la dynamique régnant sur les marchés de ces pays, ainsi que le désir de l’industriesuisse de conquérir une part de ces marchés. La part de l’Asie augmente égalementdans le total des engagements de la GRE pour dépasser 45 %. Quant à la région incluantl’Amérique du Sud et l’Amérique centrale, sa part a à nouveau diminué en 1993 et ne semonte qu’à 7 % pour ce qui est des nouvelles garanties et à 18 % environ du total desengagements. Le rapport de la GRE explique ce recul par la réduction des demandes degarantie pour les échanges avec le Mexique. La part de l’Afrique s’est stabilisée auxenvirons de 15 % des nouvelles garanties et du total des engagements.

5 En 1990, les exportations vers l’Europe de l’Est représentaient encore plus de 30 % des

garanties accordées. Suite à l’effondrement politique dans ces pays, cette part a fonduet ne se montait plus qu’à 1,7 % en 1992. En 1993, la part des nouvelles garanties de laGRE pour les pays d’Europe de l’Est a légèrement augmenté pour atteindre 4,1 % ; cegroupe de pays représente 7 % environ du total des engagements.

6 Comme nous l’avons déjà relevé les années précédentes, les demandes de couverture

pour les exportations vers les 67 pays en développement les plus pauvres sont en netteaugmentation et représentent près de la moitié des nouvelles garanties. Dans ce casaussi, ce mouvement est imprimé par le dynamisme qui caractérise les marchés despays en développement asiatiques. La plupart des contrats d’exportation ont été passésavec la Chine, l’Inde, le Pakistan et l’Indonésie. L’Asie représente même 85 % du totaldes engagements pour ce groupe de pays. (Les tableaux 12 et 13 donnent cesinformations sous forme de chiffres.)

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Tableau No 12. Répartition géographique des nouvelles garanties

Source :Rapport annuel 1993 de la GRE.

Versement d’indemnités

7 La somme des indemnités versées en 1993 atteint un montant de 111 millions de francs.

Les versements accordés aux exportateurs se sont montés à 49 millions de francs pourdes contrats passés avec l’Iran, à 27 millions de francs pour la Russie et à 20 millions

de francs pour l’ех-Yougoslavie. L’Iran totalisait en 1993 quelque 300 millions de francsde paiements en retard, ce qui fait de lui le « pays à problèmes » de la GRE. LaConfédération a proposé à l’Iran un plan d’amortissement des dettes sur six ans etenvisage de rembourser les créances des exportateurs au moyen d’un crédit bancairegaranti par la GRE. Les pays formant la communauté des créanciers de l’Iran au sein duClub de Paris n’étant pas parvenus à s’entendre sur les conditions de rééchelonnementde la dette, chaque pays créancier devra trouver une solution bilatérale spécifique.Pourtant, d’autres pays présentent également des risques d’insolvabilité élevés.Wilhelm Jaggi, le vice-Directeur de l’OFAEE compétent en la matière, a indiqué encommentant les comptes de la GRE que l’Iran – dont les problèmes d’insolvabilité sonten partie à mettre sur le compte de l’effondrement des prix du pétrole – n’est pas leseul pays à hauts risques. La Russie et l’Algérie en font aussi partie.

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Tableau No 13. Répartition géographique du total des engagements

Source : Rapport annuel 1993 de la GRE.

Bilan positif des comptes de la GRE

8 Pour la deuxième fois consécutive, la GRE présente en 1993 un bilan positif du compte

des résultats, puisqu’il se solde par un excédent de produit de 78 millions de francs(en 1992 cet excédent avait atteint 197 millions de francs). A long terme etconformément à son mandat, la GRE devrait devenir financièrement autonome. Dansles années quatre-vingt, elle n’a toutefois pas pu atteindre cet objectif. En effet, la crisede l’endettement a provoqué une véritable crise financière de la GRE, qui a mêmeéprouvé des problèmes de liquidités que la Confédération a régulièrement compenséspar des avances remboursables et portant intérêt. Ces avances se montaient en 1993 àun total de 2,3 milliards de francs. L’assainissement des comptes de la GRE a été facilitépar la suppression du risque des changes en 1985 et par la libération, en 1991, dupaiement d’intérêts sur les pertes dues aux variations des taux de change, ainsi que parles mesures de désendettement de la Confédération.

Les mesures de désendettement soulagent la GRE

9 Les versements d’indemnités provoqués par la crise de l’endettement des pays en

développement sont en diminution et le service des dettes consolidées s’est amélioré.Ces deux éléments ont une influence positive sur les comptes de la GRE. L’améliorationest également à mettre sur le compte des mesures de désendettement de laConfédération qui ont notamment fait « disparaître » du portefeuille de la GRE lescréances auprès de pays en développement qui ne parvenaient pas à assurer le servicede la dette et qui représentaient les risques les plus élevés. En effet, dans le cadre de lafacilité de désendettement, la Confédération a repris ces avoirs consolidés et annulé des

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avances d’un montant équivalent que la GRE lui devait. Les dettes des pays concernésont été en partie annulées.

10 A la fin de 1993, un total de 99 accords bilatéraux de consolidation de dettes avaient été

conclus avec 32 pays. La part des créances de la GRE s’élève au total à 3,16 milliardsde francs ; les créances des exportateurs représentent, quant à elles, 971 autres millionsde francs. A ces montants viennent s’ajouter 194 millions de francs d’intérêts dus.

Garanties pour pertes éventuelles : un instrument d’aide au développement

de la Confédération

« Ces garanties sont un instrument de coopération économique bilatérale ; ellessont mises à disposition à partir de crédits-cadre en faveur des pays en voie dedéveloppement et d’Europe orientale. Les garanties pour pertes éventuelles sontutilisées lorsqu’il semble opportun de soutenir le développement économique pardes crédits à l’exportation et des financements mixtes suisses dans des pays où,pour des raisons d’autonomie financière, il ne saurait être question pour la GREd’accorder une garantie vu les risques et perspectives du moment. » (Rapportannuel de la GRE 1993, p. 25).En 1993, des garanties pour pertes éventuelles ont été accordées pour une valeurtotale de 50,1 millions de francs, dont 30 millions dans le cadre de l’aide aux paysde l’Est (à l’exclusion de la CEI) et 20 millions pour les pays en développement quesont l’Egypte et la Côte d’Ivoire.

5.2. Préférences douanières pour les pays endéveloppement

11 La suppression des droits de douane et des obstacles commerciaux quantitatifs

(restrictions tarifaires et non tarifaires) a constitué l’un des dossiers capitaux desnégociations de l’Uruguay Round du GATT qui se sont terminées en avril 1994. Al’avenir, les préférences douanières accordées aux pays pauvres perdront de leurimportance en raison de la baisse générale des droits de douane. De nombreuses étudesont analysé les conséquences pour les pays en développement de la suppressiongénérale des droits de douane et leurs conclusions divergent quant aux avantages etaux désavantages que ces pays en subiront. La plupart s’accordent pourtant à classerparmi les perdants les importateurs nets de produits alimentaires, parmi lesquels ontrouve notamment les pays les plus pauvres d’Afrique, car les prix à l’importation deproduits agricoles vont augmenter.

12 Le schéma de préférences de la Suisse, adopté en 1972, est en révision et sa nouvelle

structure fera l’objet d’une décision en 19951.

13 En 1993, la valeur des importations suisses en provenance de pays en développement a

atteint 6’491 millions de francs, dont une part de 4’316 millions de francs pouvaientprétendre au traitement préférentiel. Ce dernier mon tant témoigne d’un léger reculpar rapport aux 4’666 millions de francs de 1992, ce qui correspond à la tendance de cesdernières années. Le traitement préférentiel a effectivement été appliqué à desimportations d’un montant de 2’150 millions de francs. Le taux d’utilisation de 1993 sesitue à 49 % par rapport à 43 % pour l’année précédente, ce qui signifie que lespréférences sont plus sollicitées dans la pratique.

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Tableau No 14. Importations suisses et préférences tarifaires 1991-1993

Source : OFAEE

5.3. Diplomatie économique

14 La conclusion d’accords commerciaux bilatéraux entre la Suisse et les pays en développement en

vue d’intensifier les échanges entre les deux partenaires et d’ouvrir de nouveaux marchés est

généralement précédée par une phase préparatoire riche en travaux. Au cours de cette phase, les

responsables des divers départements fédéraux et l’industrie privée établissent des contacts et

mènent des négociations. La visite d’une délégation mixte de haut niveau, comprenant des

représentants de l’administration et de l’économie privée, constitue ensuite l’un des points

culminants de ce processus de la diplomatie économique.

15 Dans le débat concernant la cohérence des relations extérieures de la Suisse avec les

pays en développement, on évoque souvent le manque de concertation et d’informationmutuelle entre l’industrie privée et l’administration fédérale, mais aussi l’absence dessyndicats et des œuvres d’entraide privées lors des entretiens économiques bilatéraux.Il est vrai que les diverses délégations qui mènent les négociations entre les pays endéveloppement et la Suisse ne regroupent en principe que les intéressés de l’économieprivée et les représentants des offices fédéraux concernés. Pourtant, les entretienséconomiques abordent souvent la question de la coopération au développement ainsique les droits de l’homme.

16 Une autre facette des relations économiques comprend la participation à des foires

commerciales et la collaboration avec les chambres de commerce, dans le cadredesquelles des entrepreneurs suisses et des partenaires économiques étrangersintéressés peuvent lier des contacts. Outre les assemblées annuelles et des séminairesspécialisés, les chambres de commerce organisent aussi souvent des voyagespermettant d’établir des relations. C’est ainsi que la chambre de commerce Suisse-Chine a mis sur pied au printemps 1994 un voyage en Chine à l’intention desentrepreneurs suisses désireux d’investir dans ce pays.

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17 Les années 1993 et 1994 ont été marquées par de nombreux voyages à but économique

sous la direction du Conseiller fédéral Jean-Pascal Delamuraz. Voici les visites et lesvoyages les plus importants effectués au cours de la période considérée (octobre 1993 àoctobre 1994) :

Asie

18 En octobre 1993, une délégation mixte emmenée par le Conseiller fédéral Jean-

Pascal Delamuraz a sillonné le Sud-Est asiatique et s’est rendue en Malaisie, en

Thaïlande, à Hong-Kong et en Corée  du Sud, pour entretenir les contacts avec cespays et mener des négociations sur l’élargissement des relations économiques. A Hong-Kong, Jean-Pascal Delamuraz a pris part au « World Economic Forum ». En Corée duSud, le programme comprenait une visite à l’Expo 93 à l’occasion de la Journée officielledédiée à la Suisse. Pour ce qui est de la Malaisie et de la Thaïlande, les représentantséconomiques de la Suisse étaient surtout intéressés par les possibilités d’investir sur lesmarchés de ces deux pays qui sont en forte expansion. Dans tous les pays visités, leConseiller fédéral Jean-Pascal Delamuraz a souligné que la Suisse désire ardemmentélargir les relations économiques bilatérales, surtout après le « non » du pays àl’intégration dans l’Espace économique européen et à son refus de devenir membre de

l’Union européenne. Hong-Kong jouant le rôle de plaque tournante économique del’Asie, la Suisse entretient des contacts économiques réguliers avec ce territoire. Al’occasion d’une visite en septembre 1994, le Secrétaire d’Etat Franz Blankart a signé unaccord de protection des investissements avec Hong-Kong.

19 La Chine représente pour la Suisse un partenaire économique intéressant pour l’avenir.

Plusieurs délégations économiques de haut niveau se sont déjà rendues dans le pays,dont une en 1992 sous la direction du Conseiller fédéral Jean-Pascal Delamuraz. Lamauvaise situation dans le domaine des droits de l’homme en Chine grève toutefois lesrelations bilatérales que les milieux économiques souhaiteraient développerrapidement. En août 1994, des juristes suisses ont accompagné une délégation du DFAEen Chine pour y mener une mission consacrée aux droits de l’homme. Cette visite meten évidence la contradiction – qui est aussi une forme d’incohérence – qui marque lesrelations de la Suisse avec la Chine. Les entreprises suisses souhaitant élargir lesrelations économiques avec la Chine ont déclaré que cette mission était contre-productive, de même que la transmission d’une liste de prisonniers aux représentantsdu ministère chinois de la justice. Une visite en Chine du Conseiller fédéral Flavio Cotti,prévue pour octobre 1994, a été annulée.

20 Après l’approfondissement des relations économiques avec le Viêtnam à l’occasion

d’une visite en juillet 1994 du Conseiller fédéral Jean-Pascal Delamuraz et d’unedélégation mixte, une délégation vietnamienne emmenée par le ministre des affairesétrangères Cam s’est rendue en Suisse en octobre 1994 pour intensifier les contactsavec l’administration et les secteurs intéressés de l’industrie privée. La Suisse compteparmi les premiers pays qui ont signé un accord de protection des investissements avecle Viêtnam ; une convention de double imposition est en préparation. Pour ce qui estdes échanges commerciaux, les exportations de la Suisse vers le Viêtnam ont atteint27 millions de francs et les importations suisses en provenance de ce pays 22 millionsde francs. Dès 1996, le Viêtnam comptera parmi les pays de concentration de lacoopération suisse au développement, c’est pourquoi les entretiens ont aussi porté sur

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la forme à donner à l’aide suisse au développement. Celle-ci mettra toutefois l’accentsur l’environnement et la formation.

21 La République de Singapour est un partenaire économique de taille en Asie. Ce petit

Etat ne compte que trois millions d’habitants, mais appartient tout de même auxcinq « tigres asiatiques ». Après le Japon, Singapour offre le niveau de vie le plus élevéen Asie. Le volume des échanges commerciaux de la Suisse avec Singapour est demeuréimportant en 1993 : il a atteint 1,5 milliard de francs. Les exportations de la Suisse sontnettement plus élevées que ses importations en provenance de Singapour. Ladélégation économique de Singapour, qui a séjourné en Suisse en octobre 1994 sous ladirection du premier ministre Goh Chok Tong, avait pour objectif de développer encoreles relations bilatérales. Les grandes multinationales et les grandes banques suissessont représentées à Singapour depuis longtemps déjà. De là, elles peuvent atteindred’autres marchés de l’espace Asie-Pacifique. Singapour souhaiterait à présent attirerplus de petites et moyennes entreprises suisses avec lesquelles le pays voudrait lancerdes financements mixtes (joint ventures) dans des pays tiers – par exemple en Chine.Une convention de double imposition entre Singapour et la Suisse est en vigueur depuis1975 et un accord de protection des Investissements depuis 1978.

22 Avec les 190 millions d’habitants qui peuplent son archipel, l’Indonésie constitue le

deuxième marché de la région après la Chine. La Suisse entretient d’importantesrelations commerciales avec ce pays dont l’économie duale n’a pas permis de comblerle fossé entre riches et pauvres, malgré une croissance économique de 6 % en moyenneces dernières années. Les importations de la Suisse en provenance d’Indonésie (textile,denrées de luxe) sont nettement inférieures à ses exportations vers ce pays (machines,appareils, chimie). L’Indonésie est également – jusqu’en 1995 – l’un des principaux paysbénéficiaires de la coopération suisse au développement. En octobre 1994, unedélégation mixte emmenée par le Conseiller fédéral Jean-Pascal Delamuraz s’est renduedans le pays. Elle comprenait également des représentants de la DDA et du serviceDéveloppement de l’OFAEE, puisqu’il s’agissait d’organiser sur place le retrait de la DDAde ce pays. Le retrait est prévu pour la fin de 1995, moment à partir duquel l’Indonésiene sera plus considérée comme pays de concentration de la coopération technique et del’aide financière de la Suisse. A l’avenir, c’est l’OFAEE qui se chargera de coordonner lesrelations avec l’Indonésie qui seront concentrées sur les mesures commerciales etéconomiques de la coopération au développement.

Amérique centrale et latine

23 En avril 1994, la présidente du Nicaragua, Violeta Chamorro, s’est rendue en Suisse

pour une visite de travail. Les entretiens qu’elle a menés avec le ministre des finances,Otto Stich, et le chef du DFAE, Flavio Cotti, ont porté sur la forme à donner à lacoopération au développement et sur les mesures de désendettement. Les deux paysont signé une déclaration d’intention prévoyant le développement des relationséconomiques bilatérales – jusque-là pour ainsi dire inexistantes.

24 En août 1994, une délégation mixte, dirigée par le Conseiller fédéral Jean-

Pascal Delamuraz et réunissant des représentants des industries pharmaceutique, des

machines et de la chimie, ainsi que de l’administration fédérale, s’est rendue au Chili et

en Argentine. C’est la première fois qu’un Conseiller fédéral suisse se rendait en visiteofficielle dans ces pays. Tous deux occupent une place de choix dans lesinvestissements directs de la Suisse et sont des partenaires commerciaux de taille.

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En 1992, les exportations de la Suisse vers l’Argentine se sont montées à 302 millionsde francs et les importations à 35 millions de francs ; les échanges avec le Chiliatteignent 155 et 35 millions respectivement. Le système économique néolibéralappliqué en Argentine et – depuis plus longtemps déjà – au Chili attire particulièrementles investisseurs suisses. En Argentine, les représentants de l’économie suisse ont faitpart de leur souhait de voir adoptée la nouvelle loi sur les brevets qui devrait assurerune meilleure protection des intérêts des multinationales de l’industriepharmaceutique. Le Parlement a toutefois reporté son vote concernant cette loi.

25 La visite du Conseiller fédéral Arnold Koller au Pérou s’est également déroulée en

juillet 1994 et c’était également la première visite officielle d’un Conseiller fédéral dansce pays. Le Pérou ne joue pas un rôle important en Amérique latine pour l’économieSuisse. Pendant dix ans, le Pérou a été exclu de la GRE. En 1994, celle-ci a à nouveau étéautorisée pour des livraisons ne dépassant pas 3 millions de francs. En 1993, le Pérou etla Suisse ont signé un accord de protection des investissements et une convention dedouble imposition est en préparation. Le Pérou espère ainsi attirer des investissementsen provenance de la Suisse. Outre le développement des relations économiquesbilatérales, les entretiens ont également porté sur l’entraide juridique dans le domainedu trafic de drogue – le Pérou est le plus grand producteur de coca du monde – et surles droits de l’homme. Le Pérou est l’un des pays de concentration de la coopérationsuisse au développement, qui accorde une grande importance au respect des droits del’homme. Suite aux actions de désendettement décidées par la Suisse, le pays bénéficied’un fonds de contre-valeur de 50 millions de francs qui servira à financer des projetsde développement.

26 Après sa visite au Pérou, le Conseiller fédéral Arnold Koller s’est rendu en Equateur où

les entretiens ont traité des mêmes thèmes. L’Equateur mérite une attentionparticulière parce que c’est un pays par où transite la coca et où est blanchi l’argent dela drogue. Les entretiens ont également porté sur les droits de l’homme, notammentsur ceux des 11 millions d’Indios qui constituent une minorité dans le pays et souffrentde discrimination. Arnold Koller a signé en Equateur un accord de désendettementbilatéral.

27 La Guyane ne compte pas parmi les principaux partenaires économiques de la Suisse en

Amérique latine. Ce petit pays compte 760 000 habitants qui vivent principalement del’agriculture (culture du riz et de la canne à sucre). La Guyane a une dette publique trèsélevée : 60 % des revenus en devises servent à financer le service de la dette. Avec Haïti,ce pays compte parmi les plus pauvres du monde occidental. Il ne manque pourtant pasde matières premières, telles que l’or, les diamants, la bauxite, les bois tropicaux, dontl’accès est toutefois difficile (la majeure partie du pays est couverte de jungle) et qui nepeuvent être exploitées faute de moyens pour opérer les investissements nécessaires.En septembre 1994, le président Cheddi Jagan a fait un voyage en Europe. A cetteoccasion, il s’est également rendu en Suisse où il a cherché à prendre contact avec desinvestisseurs potentiels.

Afrique

28 En septembre 1994, une délégation dirigée par le Conseiller fédéral Flavio Cotti s’est

rendue en Afrique du Sud, en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso. Le directeur de laDDA, Walter Fust, en faisait également partie. Par sa visite en Afrique du Sud, la Suissevoulait exprimer la confiance qu’elle place dans le processus de démocratisation engagé

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après les élections organisées dans le pays. Les entretiens menés dans les trois pays onteu pour thème principal l’organisation de la coopération au développement.Flavio Cotti a signé un mémorandum avec l’Afrique du Sud, qui prévoit que la Suissesoutiendra à raison de 80 millions de francs au total le programme de développementgouvernemental ainsi que les organisations non gouvernementales pendant lesannées 1995 à 1999. Cet accord fait plus que doubler les engagements pris jusqu’ici parla Confédération en faveur de l’Afrique du Sud. Pour ce qui est des investissements enprovenance de la Suisse, ils se révèlent plus prudents qu’escomptés. Les Suissesattendent apparemment une plus grande sécurité juridique pour leurs capitaux avantd’augmenter leurs investissements. La Suisse est certes le quatrième plus grandinvestisseur (un milliard de francs) après la Grande-Bretagne, l’Allemagne et les États-Unis, mais le total des investissements est plus faible que ne l’espérait le nouveaugouvernement. En 1993, les primes de la GRE suisse pour l’Afrique du Sud ontaugmenté, ce qui signifie que ce pays est considéré comme moins sûr pour conclure desaffaires.

29 En Côte  d’Ivoire, les entretiens ont porté sur la mise en place du fonds de contre-

valeur de 50 millions de francs issu des mesures de désendettement. Au Burkina Faso,un des pays de concentration de la coopération suisse au développement, la délégationa visité des projets de développement.

5.4. Protection des investissements et doubleimposition

30 Les accords de protection des investissements contribuent à promouvoir les investissements

directs dans les pays du Tiers Monde et dans les pays de l’Est qui ont engagé un processus de

réforme. Les accords bilatéraux de protection des investissements améliorent la sécurité

juridique des capitaux suisses investis dans le pays partenaire. Ces accords sont un instrument

de la politique économique extérieure de la Suisse. Avec les 67 accords en vigueur, la Suisse

compte parmi les pays qui ont tissé un réseau très dense d’accords de protection des

investissements. En concluant une convention de double imposition, les deux Etats signataires

renoncent à une partie de leur souveraineté en matière fiscale pour éviter que revenus et

capitaux fassent l’objet de deux impositions. Ces conventions ont également pour but de créer un

climat propice aux investissements.

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Tableau No 15. Liste des accords concernant la protection et l’encouragement des investissements(octobre 1994)

1) Accords contenant également des dispositions relatives au commerce et à la coopération.

Source : OFAEE.

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Accords de protection des investissements

31 Jusqu’à présent, aucun compromis n’a pu être trouvé, dans le cadre de l’OCDE ou d’une

autre organisation internationale, pour mettre en place un instrument multilatéralcontraignant permettant de régler la protection des investissements. Elle intervientdonc au niveau bilatéral. La Suisse a signé ses premiers accords sur la protection desinvestissements dans les années soixante, principalement avec des Etats africains. Lespremiers pays ont été la Tunisie (1961), le Niger, la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Sénégalet le Congo (1962). Ces premiers accords ne régissent pas seulement la protection desInvestissements, mais comprennent également des dispositions sur la coopérationtechnique et l’organisation des échanges commerciaux. Ils n’ont pas engendré un affluxd’investissements suisses dans ces pays, car ceux-ci ne représentaient pas un grandintérêt économique pour la Suisse2.

32 La Suisse a conclu des accords avec nombre d’autres pays et possède à présent un

réseau de plus de soixante accords de protection des investissements. Ces dernièresannées, l’intérêt s’est orienté vers les pays économiquement forts d’Amérique latine quiont sensiblement libéralisé les conditions-cadres appliquées aux investisseursétrangers. Cette évolution se reflète notamment dans le consentement de ces pays à sesoumettre à une procédure de règlement des différends internationale etcontraignante, alors qu’ils avaient jusque-là refusé de le faire en s’abritant derrière ladoctrine dite de Calvo (Message 93.086). La percée en Amérique latine a commencé par

un accord avec l’Argentine, qui a été signé en 1991 après de longues négociations et qui

est entré en vigueur en 1992. Puis est venu le tour du Brésil, un autre pays importantdu point de vue des investissements, où les négociations ont abouti en novembre 1994 àla signature d’un accord de protection des investissements. La Suisse compte ainsiparmi les premiers pays de l’OCDE à avoir signé un tel accord avec le Brésil. Il manqueencore un accord avec le Mexique, mais des négociations sont en cours. Un accord de

protection des investissements n’a été conclu avec le Honduras qu’en 1993, bien queles premières négociations avec ce pays remontent aux années soixante (un accord aété signé en 1966, mais il n’est jamais entré en vigueur). Les négociations menées avec

le Venezuela en 1993 ont conduit à la signature d’un accord. Au total, la Suisse a concludes accords de protection des investissements avec 13 pays d’Amérique latine.

33 En 1994, la Suisse a également signé des accords de protection des investissements avec

d’importants partenaires économiques en Asie ou entamé des négociations dans ce

sens. En septembre 1994, un accord a été signé avec Hong-Kong, afin de réduirel’insécurité des investisseurs suisses pour « l’après-1997 » (selon le Secrétaire d’EtatFranz Blankart, NZZ, 23.9.1994).

34 La Suisse a aussi signé des accords de protection des investissements avec de nombreux

pays d’Europe de l’Est et de la CEI. Ce fut le cas en 1993 et 1994 avec l’Ouzbékistan, laBiélorussie, la Roumanie et le Kazakhstan.

35 Pour ce qui est des pays  africains, la Suisse a signé en 1993 et 1994 des accords de

protection des investissements avec la Gambie, la Namibie et la Zambie. Ces nouvellessignatures ont fait passer à 29 le nombre d’accords signés avec des pays d’Afrique.

36 Le tableau 15 donne une vue d’ensemble des pays avec lesquels la Suisse a jusqu’ici

signé un accord de protection des investissements.

37 La négociation d’accords de protection des investissements est du ressort de l’Office

fédéral des affaires économiques extérieures ; la compétence de les conclure a été

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déléguée au Conseil fédéral par le Parlement. En février 1994, un arrêté fédéral aprolongé la délégation de cette compétence de dix nouvelles années, soit jusqu’enfévrier 2004. Le rapport sur la politique économique extérieure contient desinformations sur la conclusion d’accords de protection des investissements.

38 Les principaux critères régissant les accords de protection des investissements sont

rappelés dans le Message concernant la prolongation de la compétence du Conseilfédéral en la matière : les traités sont conclus dans le cadre du droit internationalpublic et s’appliquent dans les deux Etats parties. Chacun des deux pays garantit auxinvestisseurs de l’autre Etat contractant de leur appliquer le même traitement qu’à sespropres investisseurs ou, lorsque cela est plus avantageux, les conditions accordées auxinvestisseurs d’un pays tiers. Les accords règlent aussi le transfert des bénéfices, desdividendes et d’autres versements liés à des investissements étrangers. Ils prévoientégalement la protection juridique en cas d’expropriation, ainsi qu’une procédure derèglement des différends à laquelle il est possible de recourir lorsqu’une divergenced’opinion apparaît entre un Etat et un investisseur.

Conventions de double imposition

39 La Suisse a conclu des conventions de double imposition avec tous les grands pays

industrialisés, ainsi qu’avec divers pays en développement et d’Europe de l’Est. Cesconventions suivent en général le modèle de convention de l’OCDE. La politique denombreux pays en développement se fonde sur le modèle de convention de l’ONU quimet l’accent sur le droit d’imposition du pays où se situe la source du revenu. Dans lesnégociations avec les pays en développement, les pays industrialisés doivent ainsi engénéral faire certaines concessions, notamment pour ce qui est de la définition del’établissement et de l’imposition de dividendes, d’intérêts et de droits de licenced’exploitation. En Suisse, les conventions de double imposition doivent être approuvéespar le Parlement.

40 Au cours de ces derniers dix-huit mois, de nombreuses négociations ont été menées

avec des pays en développement et des Etats d’Europe de l’Est. Elles ont permis à la

Suisse de parapher des conventions de double imposition avec les pays suivants :Jamaïque (14.10.1993), Argentine (18.2.1994), Equateur (24.2.1994), Thaïlande (7.4.1994),Albanie (12.5.1994), Koweït (26.5.1994), Viêtnam (3.6.1994), Venezuela (5.7.1994),Pakistan (révision de la convention de 1959/1962 le 17.8.1994) et Russie (révision de laconvention avec l’ex-Union soviétique de 1986 le 14.10.1994). Les négociations avec leBrésil n’ont par contre pas pu être poursuivies.

41 Des conventions ont été signées avec le Mexique (3.8.1993), le Maroc (31.3.1993), la

Roumanie (25.10.1993), la Tunisie (10.2.1994) et l’Inde (2.11.1994).

42 La convention avec le Mexique est entrée  en  vigueur le 8.9.1994. La Suisse a donc

désormais passé des conventions de double imposition avec les pays en développementet Etats d’Europe de l’Est (Tableau No 16).

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Tableau No 16. Conventions de double imposition1

1) L’année indiquée est celle de la signature.2) La convention conclue avec l’ancienne Union soviétique s’applique actuellement à la Russie et àl’Ukraine. Son applicabilité à d’autres pays de la CEI sera à élucider dans chaque cas individuel.Les négociations avec les pays suivants ont abouti au paraphe d’une convention :Jamaïque(14.10.1993), Argentine (18.2.1994), Equateur(24.2.1994), Thaïlande (7.4.1994), Albanie(12.5.1994), Koweït(26.5.1994), Viêtnam (3.6.1994), Venezuela (5.7.1994), Pakistan (17.8.1994),Russie (14.10.1994).

Source :Administration fédérale des contributions

5.5. Exportations d’armes

43 Le tassement qui se fait sentir depuis plusieurs années sur le marché international de

l’armement s’est poursuivi en 1993 ; de même, les dépenses globales d’armement ont diminué. Les

exportations et les dépenses de la Suisse dans ce secteur suivent la même tendance. En 1993,

l’industrie suisse de l’armement a exporté pour 260 millions de francs d’armes, soit une valeur

presque identique à celle de l’année précédente, après avoir enregistré un net recul auparavant

déjà. La part des exportations suisses d’armes destinées aux pays en développement est de 50,4 %

pour 1993 (contre 37 % l’année précédente). La Malaisie a été le principal pays importateur.

En 1993, les exportations d’armes vers les pays en développement ont à nouveau provoqué des

antagonismes à l’occasion de débats publics et parlementaires, en mettant notamment en

question la cohérence des relations extérieures de la Suisse. La loi fédérale sur le matériel de

guerre de 1972 doit être révisée et une loi sur le contrôle des exportations des biens et

technologies à double usage est en phase de préparation.

44 Depuis que la course aux armements entre l’Est et l’Ouest a pris fin, le commerce

mondial des armes est en recul. En 1993, les pays en développement ont importé desarmes pour 20,4 milliards de dollars, contre 26,2 milliards l’année précédente et61,5 milliards pendant l’année record que fut 1988. Les États-Unis fournissent les troisquarts des exportations d’armes vers les pays en développement3. Les importationsd’armes des pays africains et latino-américains suivent une baisse constante. Il n’enexiste pas moins, comme par le passé, des pays et des régions où la course auxarmements se poursuit. Il s’agit de la région du Golfe, de pays d’Asie du Sud-Est et de laChine. Comme le constate le CICR, qui souligne la nécessité de contrôler d’urgence le

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commerce international des armes, les dépenses globales d’armement sont certes endiminution, mais le nombre des zones agitées par des conflits régionaux sanglants esten augmentation.

45 La Suisse participe au Registre de l’ONU sur le commerce d’armes lourdes

conventionnelles (chars et avions de combat). Depuis 1993, les pays signataires duRegistre de l’ONU annoncent leurs exportations et leurs importations de matériel deguerre lourd. Ce registre ne prend toutefois pas en compte le matériel léger (fusils etmunitions p. ex.).

46 En 1993, le volume des exportations suisses d’armement est resté pratiquement

identique à celui de l’année précédente. Le tableau 17 indique les 15 principaux paysimportateurs parmi les pays en développement. Les livraisons de matériel dit à« double usage » (équipement et technologie), qui peut être utilisé aussi bien à des finsmilitaires que civiles, ne tombent pas sous le coup de la loi sur le matériel de guerre.Ces livraisons devraient à l’avenir être soumises à une autorisation d’exporter selon la

loi sur le contrôle des exportations qui est en préparation. En février 1992, le Conseilfédéral a décidé, par la voie d’une ordonnance urgente, de se soumettre au régime decontrôle international qui vise à empêcher la diffusion d’armes de destruction massive.Cette décision est intervenue après que la Suisse a été mêlée à plusieurs scandalesd’exportation d’armes, telles que les livraisons de matériel destinées au programmeatomique irakien. L’adoption de la loi sur le contrôle des exportations vise à remplacerl’ordonnance urgente par une législation ordinaire. Le Comité pour le désarmement etl’arrêt des exportations d’armes (ARW) salue les principes qui ont présidé à la créationde la loi proposée. La procédure de contrôle prévue laisserait toutefois à désirer, carelle repose « entièrement sur l’idée d’un « nouvel ordre mondial ». Les exportations dansles pays riches… devraient être en tout temps autorisés, alors que les exportations dansles autres pays seraient en partie possibles, moyennant des contrôles, voire strictementprohibées dans certains cas. La loi prévoit donc d’interdire l’accès à la technologie depointe occidentale à certains pays, même s’ils en ont besoin pour développer leurindustrie. Pour des raisons de politique de développement, cette disposition estinadmissible. »4.

47 Les livraisons d’avions du type PC de l’entreprise Pilatus, à Stans, dans nombre de pays,

suscitent également des critiques depuis des années. (Ces livraisons font l’objet decommentaires détaillés dans les annuaires précédents, notamment dans

l’annuaire 1994.) La révision totale de la loi sur le matériel de guerre, telle qu’elleest proposée, souhaite élargir la définition de matériel de guerre pour l’adapter à lasituation sur le marché de l’armement. A l’avenir, on classera ainsi dans la catégoriematériel de guerre non seulement les armes conventionnelles, mais aussi certains outilset machines servant à leur fabrication. La nouvelle loi punira également la négociationde transferts de fonds et le financement d’exportations non autorisées de matériel deguerre. Cet élargissement de la notion de matériel de guerre est également salué par leComité pour le désarmement et l’arrêt des exportations d’armes, puisqu’il répond auxexigences de l’initiative populaire « pour une interdiction des exportations d’armes ».La révision de la loi soumettra aussi à autorisation les services d’intermédiaire enmatière d’exportation de matériel de guerre, offrant ainsi l’avantage, par rapport à laloi en vigueur, de pouvoir assurer une entraide judiciaire dans le cas de plaquestournantes du commerce international de l’armement.

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Exportations et course aux armements

48 Sud-Est asiatique :On assiste à une inquiétante course aux armements dans la région du

Sud-Est asiatique. Les pays concernés ne luttent pas seulement pour acquérir uneprédominance économique, mais veulent aussi devenir des puissances stratégiques.Voici les pays qui comptent parmi les bons clients de l’industrie suisse de l’armement :Malaisie, Singapour, Philippines, Inde.

49 Comme en 1991, la Malaisie a été en 1993 le principal importateur de matériel de

guerre suisse. L’occupation des îles Spratley dans le sud de la Mer de Chine, il y a

trois ans, a fait augmenter le risque de conflit dans la région. Singapour est connu pourson rôle de plaque tournante dans le commerce international des armes. La statistiquesuisse sur les exportations de matériel de guerre recensant toutefois les destinatairesfinaux des livraisons, il faut supposer que les armes vendues pour 16 millions de francs

à Singapour sont utilisées dans le pays même. Aux Philippines, un conflit opposedepuis 1970 le gouvernement et la guérilla. Pendant quarante ans, la Suisse n’a pas pu

exporter de matériel de guerre vers l’Indonésie qui est dirigée par un gouvernementdictatorial et marquée par de fortes tensions interethniques. En juin 1993, le Conseilfédéral a levé l’embargo frappant ce pays (voir à ce propos aussi le débat concernant lacohérence des politiques dans les relations de la Suisse avec l’Indonésie, dans la

deuxième partie du présent annuaire). L’Inde est le troisième plus grand importateurd’armes lourdes conventionnelles (Source SIPRI, 1992). Un conflit armé opposerégulièrement l’Inde et le Pakistan. Il a pour objet le tracé de la frontière entre les deuxpays dans les montagnes du Cachemire.

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Tableau No 17. Exportations suisses de matériel de guerre 1992/1993. Les 15 principaux pays endéveloppement clients de la Suisse

1) Pays de destination finale.

Source :Département militaire fédéral.

Région du Golfe

50 Dans la région du Golfe, la course à l’armement provoquée par le dernier conflit qui a

secoué la région s’essouffle quelque peu en raison des difficultés de paiement dues à

l’effondrement des prix du pétrole. L’Arable Saoudite et les Émirats arabes n’en sontpas moins demeurés en 1993 des clients importants de l’industrie suisse de l’armement.

Aide au développement / Dépenses militaires

51 En 1993, les exportateurs suisses d’armement ont livré pour 4,1 millions de francs

d’armes aux Philippines. La même année, l’aide publique suisse à ce pays s’est montée à4,5 millions de francs. Le Comité pour le désarmement et l’arrêt des exportationsd’armes écrit à ce propos : « Il est choquant que des fonds de l’aide au développement,que l’Etat utilise dans le domaine social, puissent servir à financer indirectement desexportations suisses d’armement. De plus, la loi actuelle sur les exportations dematériel de guerre fournit des motifs suffisants pour interdire les exportations vers lesPhilippines : depuis 25 ans, le pays est en proie à un conflit armé qui oppose l’arméegouvernementale d’une part et la « New Peoples Army » et le Front de libération Moromusulman d’autre part… »5. A l’image de nombreux cas du même genre, cet exempleillustre le dilemme qui oppose les exportations suisses d’armement vers les pays endéveloppement et les exigences en matière de cohérence dans la politique étrangère dela Suisse. « Dans le cadre de la révision actuelle de la loi sur le matériel de guerre, ilconvient de prendre en considération qu’une autorisation d’exporter des armes n’est

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accordée que si elle n’entre pas en conflit avec les principes fondamentaux de lapolitique extérieure suisse. Toute décision dépend notamment de savoir sil’exportation ne compromet ni le maintien de la paix, ni le respect des droits del’homme, et si l’autorisation n’entre pas en conflit avec les principes de la politiquesuisse de développement et avec les efforts engagés dans le domaine de la coopérationau développement. » (« Lignes directrices Nord-Sud », p. 7-8.)

Développement et désarmement

52 Deux initiatives populaires déposées en septembre 1992 concernant l’exportation

d’armes et le désarmement seront probablement soumises au vote en 1995. L’initiative« pour moins de dépenses militaires et davantage de politique de paix » demande queles dépenses militaires soient réduites de dix pour-cent chaque année jusqu’à atteindrela moitié de leur niveau actuel. Les montants ainsi économisés devraient être affectés àla sécurité sociale en Suisse, à des efforts supplémentaires en matière de politique depaix sur le plan international (protection du cadre de vie, coopération audéveloppement, prévention des conflits) et à des causes écologiques. L’initiative « pourl’interdiction d’exporter du matériel de guerre » veut interdire l’exportation et letransit de matériel de guerre et le transfert de biens et de services, y compris lesopérations de financement connexes, exclusivement destinés à des fins guerrières6. Lesœuvres d’entraide privées proposent diverses solutions pour utiliser de manière senséele « milliard de francs du désarmement » (appelé aussi « dividende pourl’encouragement de la paix »). Voici quelques-unes de ces propositions7 :

Développer le désendettement ;

Augmenter les aides à la balance des paiements ;

Créer de nouveaux instruments tels qu’un « fonds de placement » pour le Sud (la Suisse se

chargerait de gérer des placements du Sud. La gestion de ce fonds permettrait aux pays en

développement d’accumuler un patrimoine dont les revenus serviraient à financer des

projets de développement) ;

Rendre autonomes la recherche et le développement dans le Sud.

53 En septembre 1994, plus de 40 organisations de développement suisses se sont

prononcées en faveur d’une réduction des dépenses militaires au profit des dépenses dedéveloppement et elles ont édité à ce propos une brochure commune intitulée« Promouvoir la paix dans le monde ». Elles demandent, entre autres, que les autoritésprennent des mesures de la politique de paix, notamment en augmentant les moyensdestinés à la coopération au développement aux dépens du budget militaire suisse.

Autres thèmes liés à la politique de paix

54 Lors de l’assemblée générale de l’UBS le 29 avril 1994, l’Association d’actionnaires critiques

de l’UBS a émis des critiques à l’égard de la banque en raison d’un crédit accordé à laTurquie pour l’achat d’armes. En collaboration avec les autres grandes banques, l’UBS aen effet accordé des crédits sur plusieurs années à la Turquie pour l’achat d’armesproduites par le groupe Oerlikon-Bührle. Entre-temps, le Conseil fédéral a interdit lecommerce d’armes avec la Turquie et classé le pays parmi les zones de conflit aux termesde la loi sur le matériel de guerre en raison des mesures de répression contre lapopulation kurde.

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55 Le 12 juin 1994, une majorité des cantons a rejeté le Projet de casques bleus du Conseil

fédéral. Le refus des cantons a primé sur la majorité de oui du peuple, faisant ainsiéchouer le projet.

56 Le 5 septembre 1994, le Procureur de la Confédération a inculpé l’entreprise

Von Roll SA et une société de commerce vaudoise pour exportation illégale de matérielde guerre vers l’Irak. L’inculpation porte sur des livraisons effectuées dans lesannées 1989/1990. Une Inspection réalisée par l’Agence internationale de l’énergieatomique a révélé que sur quelque 600 technologies clés du programme atomiqueirakien, 132 provenaient de Suisse.

BIBLIOGRAPHIE

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Rapport annuel 1993 de la GRE, Berne/Zurich, mai 1994.

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NZZ, 7.7.1994.

Tages-Anzeiger, 7.7.1994.

Sources de la partie 5.2.

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Office fédéral des affaires économiques extérieures.

Mémorandum de la Suisse au CAD 1993, Berne 1994.

Communauté de travail des œuvres d’entraide, Prises de position sur la politique de développement

1993.

Sources de la partie 5.3.

DFAE, Communiqué de presse du 18 10.1994 ; NZZ, 19.10 ; 20.10.1994 et Tages-Anzeiger, 8.7.1994

(Singapour et Viêtnam).

Tages-Anzeiger, 5.10.1994 (Singapour).

NZZ, 21.9.1994 (Guyane).

DFAE, Communiqué de presse du 8.4.1994 (Nicaragua).

NZZ, 20.7.1994 ; Tages-Anzeiger, 2.8.1994 (Pérou, Equateur).

NZZ, 2.8.1994. 19.10.1994 (Chine).

NZZ, Tages-Anzeiger, 4.8.1994 (Argentine, Chili).

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NZZ, Tages-Anzeiger, 18.10., 20.10.1994 (Malaisie, Thaïlande, Hong-Kong, Corée du Sud).

DFAE, Communiqué de presse, 10.9.1994 ; Tages-Anzeiger, 10.9., 15.9., 16.9., 20.9.1994 et NZZ,

19.9.1994 (Afrique du Sud).

Sources de la partie 5.4.

Message sur la prorogation de l’arrêté fédéral concernant la conclusion de traités relatifs à la

protection et à l’encouragement des investissements de capitaux, Berne, octobre 1993 (93.086).

Rapport sur la politique économique extérieure 1993.

OFAEE

Administration fédérale des contributions (DFF).

NZZ, 23/24.10.1993 ; 23.9.1994.

Sources de la partie 5.5.

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Rapport du Conseil fédéral sur les relations Nord-Sud de la Suisse dans les années 90 (« Lignes

directrices Nord-Sud »), Berne, mars 1994.

Association d’actionnaires critiques de l’UBS, Finanziert die Schweizerische Bankgesellschaft

Rüstungsexporte in Krisengebiete ?, communiqué de presse du 25.4.1994.

Comité pour un « Oui de politique de paix aux casques bleus suisses le 12 juin 1994 » : Les casques

bleus – Première étape d’une nouvelle politique de paix (brochure de propagande).

Friedenspolitik no 71/mars 1994, no72/juin 1994.

Partenaires, édité par Helvetas, no135/février 1994.

Promouvoir la paix dans le monde – Position des organisations de développement sur les

exportations suisses de matériel de guerre et la promotion de la paix, Berne, août 1994 et

conférence de presse du 7.9.1994.

NZZ, 25.4., 20.5., 6.9.1994.

Tages-Anzeiger. 6.9.1994.

NOTES

1. Le schéma préférentiel suisse est décrit en détail dans l’Annuaire 1994, p. 118-122. Voir

également les paragraphes correspondants dans le chapitre traitant des négociations du GATT.

L’historique du schéma préférentiel suisse et l’attitude de la Suisse lors des négociations menées

dans le cadre de la CNUCED et du GATT en vue de créer le système généralisé de préférences fait

l’objet d’une présentation très intéressante de Thomas Brodbeck, Bewahren und beharren – die

Schweiz an der UNCTAD. Die erste UNCTAD-Konferenz 1964 in Geni, das allgemeine Präferenzsystem und

die Schweiz, dans : Studien und Quellen 19, Archives fédérales, Berne, 1993.

2. La motivation de la Suisse et la procédure appliquée lors de la conclusion des premiers accords

de protection des investissements (Tunisie, Niger, Guinée) ont été analysées dans l’article de

Thomas Zacek, Die Förderung privater Direktinvestitionen. Die ersten bilateralen Abkommen Ober den

Schutz und die Förderung von Kapitalinvestitionen mit Tunesien, Niger und Guinea, dans : Studien und

Quellen 19, Archives fédérales, édité par Peter Hug / Beatrix Mesmer, Berne 1993. La Suisse a pu

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satisfaire la plupart de ses souhaits, car ses partenaires n’avaient encore aucune expérience de ce

genre de négociations et espéraient surtout que la conclusion de tels accords leur apporterait des

crédits suisses.

3. Les chiffres sont tirés du rapport annuel 1994 du service scientifique du Congrès américain,

cité dans : La Liberté, 3.8.1994.

4. Citation tirée de Vernehmlassung der Volksinitiativen für Abrüstung und für ein

Waffenausfuhrverbot zum Exportkontrollgesetz, Berne, 1994.

5. Citation tirée de l’article Waffen mit Entwicklungshilfe finanzieren ? Schweiz rüstet Philippinen auf

dans la revue Friedenspolitik no72/juin 1994, éditée par le Comité pour le désarmement et l’arrêt

des exportations d’armes.

6. Voir aussi le commentaire détaillé sur l’initiative pour une interdiction des exportations

d’armes dans l’Annuaire 1992, p. 115 et suiv.

7. Rudolf Högger, président d’Helvetas, Dividende suisse du développement pour l’encouragement de la

paix mondiale, dans : Partenaires, no135, février 1994.

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VI. Coopération au développementet aide humanitaire

NOTE DE L’ÉDITEUR

Cette année, la structure du chapitre consacré à la coopération au développement a étémodifiée. Les commentaires sont essentiellement consacrés à la politique de lacoopération au développement et aux nouveaux éléments apparus pendant la périodeconsidérée (1993 à septembre 1994), en particulier au nouveau crédit de programmepour la coopération technique et l’aide financière. Dans la partie « Analyses etpositions », l’accent est également mis sur l’un des aspects de la coopération audéveloppement, notamment la cohérence des relations de la Suisse avec l’Indonésie. Cedossier explique et reproduit également les « Lignes directrices Nord-Sud ». Un autrearticle (de Thomas Greminger) analyse l’aide publique au développement de la Suissedans le contexte international. La partie « Statistiques » (III. Aide publique audéveloppement) présente et commente en détail les dépenses consacrées à l’aide audéveloppement selon leur provenance, leur destination, les régions et les secteurs. Afind’éviter les répétitions, les tableaux de la partie statistique ne sont plus reproduits dansla partie « Revue ».Dans le dossier, les auteurs des divers organes concernés (administration, économieprivée, œuvres d’entraide, syndicats et universités) expliquent les problèmes, lesmécanismes et les instruments qui interviennent dans la mise en place d une cohérenceoptimale dans la coopération au développement entre la Suisse et l’Indonésie.

1 Pendant la période en revue (1993 à septembre 1994), la Confédération a publié

d’importants documents qui constituent les fondements de la politique suisse dedéveloppement pour les années nonante. Il s’agit du Rapport sur la politique extérieure de

la Suisse dans les années 90, du Rapport du Conseil fédéral sur les relations Nord-Sud de la

Suisse dans les années 90 (« Lignes directrices Nord-Sud ») et du Message concernant la

continuation de la coopération technique et de l’aide financière en faveur des pays en

développement.

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2 Des expériences réalisées lors de la conférence des Nations Unies sur l’environnement

et le développement à Rio en 1992 ainsi qu’à la Conférence sur la population au Caireen 1994 et des préparatifs précédant le Sommet sur le développement social et laConférence sur les femmes (tous deux prévus pour 1995), on peut tirer une seule etmême conclusion : les problèmes de développement ne peuvent être considérés etrésolus que dans un contexte global. C’est aussi l’avis du Conseil fédéral lorsqu’il écritdans son introduction au rapport sur la politique extérieure mentionné ci-dessus (p. 5) :« En effet, ce n’est plus l’inertie de l’ordre mondial bipolaire de l’après-guerre, maisbien la dynamique de la “politique intérieure mondiale” qui constitue aujourd’hui lecadre de l’élaboration et de l’examen de notre politique extérieure ». Dans un mondefait d’interdépendances, la politique suisse de développement devrait s’intégrer dansune politique extérieure aussi cohérente que possible. Les « Lignes directrices Nord-Sud » et le Rapport sur la politique extérieure de la Suisse dans les années 90s’attachent donc principalement à formuler une politique suisse aussi cohérente quepossible dans ses relations extérieures. Ce sujet est le thème principal de la deuxième

partie du présent annuaire : Cohérence des politiques dans les relations de la Suisse

avec l’Indonésie.

3 En juin 1994, le peuple suisse a été invité à se rendre aux urnes pour donner son avis

sur la participation de la Suisse au contingent des casques bleus de l’ONU qui assurentles opérations de maintien de la paix. Une faible majorité populaire s’est dessinée enfaveur de cette mesure, tandis que la majorité des cantons s’y est opposée, ce qui a faitéchouer le projet.

6.1. Aide publique au développement

Rapport annuel DDA/OFAEE

4 Le rapport annuel commun de la DDA et de l’OFAEE aborde en 1993 l’encouragement du

secteur privé, le désendettement et la question démographique et donne quelquesexemples de mesures bilatérales et multilatérales prises par la Confédération dans cesdomaines. La Suisse s’est engagée avec beaucoup de détermination pour la promotiondu secteur privé qui constitue selon elle un moteur Important du développementautonome d’un pays. A son avis, les modèles de développement ont négligé pendantlongtemps le rôle du secteur privé : « Naguère encore, les stratégies de développementattribuaient à l’Etat une fonction toute-puissante. En l’absence d’autres structuresinfluentes, il ne devait pas se contenter d’être un guide : il devait être le principal agentéconomique et financier du pays. » (Rapport annuel 1993, p. 6) La Suisse soutientprincipalement la promotion des petites et moyennes entreprises et de l’artisanat grâceà la coopération technique. Une nouvelle priorité réside dans l’encouragementd’organisations, d’institutions et d’associations qui renforcent les structures desactivités du secteur privé ; c’est par exemple le cas au Viêtnam. La Suisse a conclu avecle Viêtnam une série d’accords concernant la coopération économique et financière.En 1993, elle a participé à raison de 23,3 millions de francs au développement et à lareconstruction du pays, ce qui place le Viêtnam en troisième position parmi les pays endéveloppement asiatiques, derrière l’Inde (39,7 millions de francs) et l’Indonésie (38,4).Dès 1995, le Viêtnam comptera parmi les principaux bénéficiaires de l’aide suisse.Quant à l’Indonésie, la DDA compte s’en retirer dès 1996, car son analyse indique queles instruments de l’Office fédéral des affaires économiques extérieures (OFAEE)

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représentent la forme d’aide au développement qui convient le mieux à la situationdans ce pays.

5 La Conférence annuelle de la DDA 1994 a eu pour thème la mise en pratique de

l’Agenda 21 et le suivi de Rio dans la coopération suisse au développement.

Développement équilibré hommes-femmes

6 L’idée que l’on se fait à la DDA d’un développement équitable pour les femmes et les

hommes repose sur la notion de « gender balanced development », le « développementéquilibré hommes-femmes ». Cette nouvelle notion remplace ainsi celle de « promotiondes femmes » qui prévalait jusqu’alors. En février 1994, la DDA a publié ses lignesdirectrices pour les années 90 dans ce domaine sous le titre « Programme transversal ».Une remise en question des Idées devrait parvenir à briser les oppositions et àsupprimer les contradictions qui sont à l’origine d’échecs enregistrés pour les femmesen matière de développement. La DDA propose ici des « lignes d’action » pour lacentrale, le terrain et les régisseurs. Dans une première phase (1989-1993), lapromotion des femmes d’alors – était dotée d’un poste de travail à 50 %. En 1994, lacapacité destinée à la deuxième phase a été accrue pour atteindre 170 %.

Afrique du Sud

7 Le déroulement du vaste processus de démocratisation et de développement en Afrique

du Sud joue à n’en pas douter un rôle crucial pour l’avenir de toute la région. Au coursde longues décennies où l’apartheid était en vigueur, la Suisse a refusé de prendre dessanctions économiques contre l’Afrique du Sud. Pour encourager un changementpolitique dans le pays, la Suisse a commencé, dans le cadre de la coopération audéveloppement, à soutenir des organisations privées en Afrique du Sud, notammentdans les domaines de la formation, des droits de l’homme et du dialogue politique(50 millions de francs au total entre 1982 et 1993). Au cours des cinq années à venir, elleallouera 80 autres millions de francs à l’Etat et aux organisations nongouvernementales pour les soutenir dans leurs programmes de développement et dereconstruction nationale. C’est du moins la déclaration d’intention faite par leConseiller fédéral Flavio Cotti à l’occasion de sa visite en Afrique du Suden septembre 1994.

Palestine

8 Le processus de paix engagé au Proche-Orient permet désormais d’intensifier l’aide à la

Palestine. La DDA a ouvert un bureau de liaison à Jéricho, qui a pour tâche dedévelopper les relations avec divers partenaires locaux – les autorités palestiniennesdes territoires autonomes et des organisations privées. La reconstruction de laPalestine est financée par un crédit-cadre de 60 millions de francs sur cinq ans que leConseil fédéral a approuvé en septembre 1993.

Rwanda

9 La coopération au développement connaît aussi des échecs. La Suisse a aussi été

surprise par le conflit qui a éclaté en avril 1994 et a suspendu sa coopération avecle Rwanda. L’aide de 29,4 millions de francs qui lui était allouée en 1993 plaçait le

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Rwanda en tête de liste des pays africains bénéficiant des mesures bilatérales de lacoopération suisse au développement. En 1994, la Suisse a principalement fourni uneaide humanitaire au pays. Cette année-là, les dépenses de l’aide humanitaire et duCorps suisse en cas de catastrophe ont atteint quelque 27 millions de francs. Unedécision concernant la poursuite du programme au Rwanda et dans la région sera priselorsque la situation se sera normalisée.

Comité d’aide au développement (CAD)

10 La Suisse compte parmi les 22 membres (21 pays industrialisés et la Commission de

l’UE) du Comité d’aide au développement de l’OCDE (CAD). Le CAD joue un rôleimportant en tant qu’organe de coordination de l’aide bilatérale. C’est en son sein queles divers pays donateurs élaborent des standards unifiés en matière de politique dedéveloppement. Le CAD a par exemple fait office de pionnier pour définir les principesde la « bonne gestion gouvernementale » et la cohérence de la coopération audéveloppement, le développement participatif, les conditions de l’aide financière oul’utilisation de crédits mixtes, la saisie statistique et la comptabilisation des dépensesd’APD. (Voir à ce propos l’article de Thomas Greminger sur l’aide publique audéveloppement de la Suisse dans le contexte international, dans la deuxième partie duprésent annuaire.) La coordination de l’aide mérite encore d’être améliorée. Pour yparvenir, il convient d’identifier, de discuter et si possible de résoudre les conflitsd’intérêts. Sans des informations complètes, ce processus demeurera lettre morte. Lespays membres fournissent chaque année un rapport sur leur APD sous la forme d’unmémorandum et tous les trois ans deux pays examinent l’APD d’un autre membre.L’aide de la Suisse a été examinée pour la dernière fois en 1993. La qualité de cette aidea été jugée bonne, mais son volume laisse à désirer. Les autres pays membres du CADont prié la Suisse de fournir tous les efforts nécessaires pour que son objectif à moyenterme de porter ses dépenses d’APD à 0,40 % du PNB puisse être atteint avant l’an 2000déjà (cf. Annuaire Suisse – Tiers Monde 1994).

11 Des groupes de travail spéciaux abordent des thèmes spécifiques de l’APD (aide

financière, statistique, évaluation, participation des femmes, environnement,développement participatif et bonne gestion gouvernementale).

Aide bilatérale / Aide multilatérale

12 L’aide bilatérale semble bénéficier d’un large appui auprès de la population et des

œuvres d’entraide, tandis que l’aide multilatérale est considérée d’un œil plus critique.L’aide bilatérale de la Confédération représente en moyenne 75 % et l’aide multilatérale25 % de l’aide totale, ces chiffres ne comprenant pas les cofinancements réalisés avec laBanque mondiale. En 1993, ces proportions se sont situées à 77 et 23 %. A l’avenir, leversement des contributions aux institutions de Bretton-Woods devrait accroître lapart de l’aide multilatérale. Selon le Conseil fédéral cet accroissement sera dû aussi à« l’évolution des besoins dans les pays en développement et aux instruments dontdispose la coopération au développement internationale pour y faire face. » (Message94.029, p. 65).

13 Selon les estimations, la part de l’aide multilatérale devrait se stabiliser à 32 % environ.

Cette tendance déplaît aux œuvres d’entraide qui craignent que – la réduction des

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moyens mis à disposition de l’APD étant de mise – les économies soient réalisées plutôtaux dépens de l’aide bilatérale que sur le compte des engagements multilatéraux.

Sondage sur l’APD

14 Tous les cinq ans, la DDA et la Communauté de travail des œuvres d’entraide

commandent un sondage afin de connaître l’opinion des citoyens suisses sur lapolitique de développement. Par rapport à 1984 et à 1989, c’est un sentimentd’impuissance qui règne face aux problèmes mondiaux. Ces dernières années ayant étémarquées par la récession, l’accroissement du déficit de l’Etat, l’intégration européenneet l’isolement de la Suisse, la coopération au développement perd de son intérêt auprèsde la population. Le climat est donc au désintérêt et les donateurs s’essoufflent.

15 Dans le même temps, plus de gens sont d’avis que des actions personnelles concrètes

peuvent contribuer à résoudre les problèmes globaux. La préservation del’environnement est aujourd’hui l’un des motifs plaidant pour le maintien de l’aide audéveloppement, tandis que la solidarité en était le principal motif il y a quatre ansencore. Le règlement du problème des réfugiés, la promotion de la paix etl’amélioration des conditions de vie des populations du Sud constituent toutefois desmotifs importants. Le sondage d’opinion a été menée auprès de 1257 personnes. Voiciles résultats obtenus pour quelques questions précises : 79 % des personnes interrogéesse sont prononcées en faveur d’une interdiction d’exporter des déchets toxiques dansles pays du Sud, 73 % sont pour un accroissement des importations de sucre enprovenance de pays en développement, 71 % souhaitent que l’on interdise lesexportations d’armes vers le Tiers Monde et 69 % voudraient que l’entraide judiciairesoit accélérée pour permettre de restituer les capitaux en fuite placés dans des banquessuisses.

6.1.1. Dépenses de l’aide publique au développement en 1993

16 Les chiffres sont tirés du Rapport annuel 1993 de la DDA et de l’OFAEE. Pour classer les

pays dans les différents groupes, la DDA et l’OFAE se fondent sur la définition de l’OCDE.Celle-ci classe l’Albanie, la Turquie, les pays de l’ex-Yougoslavie, ainsi que l’Arménie, laGéorgie, l’Azerbaïdjan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, le Kazakhstan etle Tadjikistan parmi les pays en développement.

17 Les dépenses de la Confédération, des cantons et des communes constituent ensemble

l’aide publique au développement. En 1993, ces dépenses ont atteint un total de1222 millions de francs, dont 1197 provenaient de la Confédération et 25 millions descantons et des communes. En 1992, les dépenses d’APD s’étalent montées à1358 millions de francs. Le recul enregistré en 1993 par rapport à l’année précédentes’explique par les dépenses extraordinaires consenties en 1992 pour financer l’adhésionde la Suisse au groupe de la Banque mondiale. L’aide fournie par les cantons et lescommunes a également diminué en 1993 : elle est passée de 28 millions de francsen 1992 à 25 millions en 1993. (Voir tableau No 18)

18 Selon la méthode de calcul suisse, l’aide publique au développement a atteint en 1993

0,34 % du produit national brut (PNB). La Suisse est donc encore loin de l’objectifde 0,40 % du PNB qu’elle continue pourtant de viser. Dans le plan de législature1991-1995, le Conseil fédéral avait déclaré que le volume de l’aide publique au

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développement devait dans la mesure du possible atteindre 0,40 % du produit nationalbrut jusqu’à la fin du siècle. Toutefois, le nouveau plan financier établi pour lesannées 1996 à 1998, commence par plafonner l’aide à 0,34 % du PNB.

Tableau No 18. Aperçu des flux de capitaux suisses vers les pays en développement

1) Chiffres provisoires.

Source : DDA/OFAEE, Rapport annuel 1993 ; Mémorandum 1993 de la Suisse au CAD.

L’APD : des mandats pour l’économie suisse

19 Seule une partie modeste de l’aide suisse est accordée sous forme d’aide liée ; c’est

notamment le cas des crédits mixtes et de certaines parties de l’aide alimentaire, ce quifait de la Suisse un modèle du genre face à d’autres pays de l’OCDE (cf. l’article deThomas Greminger sur l’aide suisse au développement dans le contexte international).Les effets économiques de l’aide au développement n’en sont pas moins intéressantspour la Suisse. En 1992, les dépenses d’APD ont atteint 1,3 milliard de francs, tandis quel’APD internationale rapportait plus de 1,5 milliard de francs à des Suisses (expertises,conseils) et à des entreprises suisses. (Ces données sont détaillées dans la partiestatistique du présent annuaire.) Il est donc vrai que l’aide au développement se révèlerentable pour la Suisse, mais il convient de relativiser en précisant que la présence de laSuisse sur le « marché international » des mandats de coopération au développementn’a aucun lien avec le volume concret de son APD. C’est la capacité concurrentielled’une entreprise qui fait la différence. De sorte que l’APD se révèle en général rentablepour des entreprises du pays donateur qui sont concurrentielles sur le planinternational.

6.1.2. Aide bilatérale

20 L’aide bilatérale a atteint 937 millions de francs ou 77 % des dépenses totales d’APD. Elle

a servi à financer 750 projets et programmes dans 80 pays, dont 18 ont bénéficié d’un

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soutien tout particulier car ils sont les principaux bénéficiaires de l’aide suisse. Ces18 pays de concentration de l’aide suisse sont énumérés dans le tableau 19. La nécessitéde mieux cibler l’aide réduira encore le nombre des pays dits de concentration. LeViêtnam viendra pourtant s’ajouter à la liste dès 1995, mais trois pays en seront exclus :Indonésie (cf. dossier) ; le Kenya (car l’importante corruption du gouvernement rend lacoopération difficile) ; le Cap-Vert où la présence suisse sera réduite et stabilisée à unniveau plus faible, notamment en raison du grand engagement de l’Autriche dans cepays. Au sein même des principaux pays bénéficiaires, l’aide se concentrera à longterme sur quelques domaines choisis ; la coopération se limitera alors à trois ou quatresecteurs.

21 Les instruments mis en œuvre par la DDA comprennent la coopération technique et

l’aide financière, l’aide humanitaire et l’aide alimentaire. Ils représentent environ 75 %de toutes les dépenses d’APD de la Confédération. Les mesures de politique économiqueet commerciale, quant à elles, relèvent de l’OFAEE et absorbent quelque 15 % desdépenses. Le reste est réparti entre le Département de l’intérieur (formation et science)et le Département des finances. A l’occasion d’un séminaire organisé par les Archivesfédérales et la DDA, les participants ont plaidé pour la mise en place d’une politique dedéveloppement sensée et cohérente. Dans cet objectif, une réforme de l’administrationsera nécessaire en vue de confier la compétence globale en matière d’APD à un seuldépartement1.

22 La loi fédérale de 1976 prescrit que la coopération suisse au développement doit venir

en aide aux pays les plus pauvres et aux populations les plus défavorisées. Étant donnéque la majorité des pays les plus pauvres se trouvent en Afrique, au Sud du Sahara, c’estce continent qui reçoit la majeure partie de l’aide suisse au développement(302 millions de francs). Viennent ensuite l’Asie (225 millions de francs) et l’Amériquelatine (87 millions). (Voir à ce sujet les données détaillées dans la partie statistique duprésent annuaire.)

23 Le Message concernant la continuation de la coopération technique et de l’aide

financière en faveur des pays en développement, publié au cours de la périodeconsidérée, fait l’objet d’un commentaire ci-après.

6.1.3. Nouveau crédit de programme pour la coopération technique

et l’aide financière

24 Les mesures de la coopération au développement sont financées par des crédits de

programme que le Parlement approuve toujours pour quatre ans. L’Annuaire 1994passe en revue tous les crédits de programme en vigueur (p. 136). Pour les années 1995à 1999, le Conseil fédéral a proposé un nouveau crédit de programme de 3900 millionsde francs afin de poursuivre la coopération technique et l’aide financière de laConfédération. Le Parlement a approuvé le crédit de programme d’un montant de3800 millions de francs. Ce nouveau crédit vient remplacer l’ancien crédit deprogramme de 3300 millions de francs qui a été épuisé à la fin de 1994. Le messageconcernant ce crédit – présenté au Parlement en même temps que les « Lignesdirectrices Nord-Sud » – concentre son analyse sur les efforts nécessaires pourencourager un développement durable.

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Tableau No 19. Les pays de concentration de la coopération bilatérale

1) La coopération a été suspendue après les événements intervenus en avril 1994. La question desavoir si le Rwanda pourra ultérieurement redevenir un pays de concentration devra être soumise àune réappréciation.2) Le Bhoutan est un pays de concentration d’Helvetas qui est soutenue par la DDA. En 1995, lebureau de coordination de Bangkok sera fermé.3) L’Equateur est un pays de seconde priorité, mais il dispose d’un bureau de coordination.4) Le centre de gravité du programme d’Amérique centrale a été déplacé du Honduras au Nicaragua,avec un réseau régional pour l’Amérique latine. Anciens pays de concentration (avant 1990) : laTunisie, le Paraguay et le Cameroun.

Source : Message concernant la continuation de la coopération technique et de l’aide financière enfaveur des pays en développement, Berne, 1994.

25 Avant de procéder à l’analyse économique et politique du « Tiers Monde », une

précision s’impose. Le Message souligne que la répartition des pays dans « troismondes » a perdu de son sens après la disparition du « Deuxième Monde ». Le « TiersMonde » n’est pas – et encore moins que par le passé – une entité politique homogène.Les grands contrastes qui séparent par exemple les pays nouvellement industrialisésd’Asie et les pays africains au Sud du Sahara font plutôt apparaître des conflitsd’intérêts entre différents pays dits du Sud. La compétition qui oppose les pays de l’Estet les pays du Sud dans la course aux capitaux et au rôle de partenaire commercialrisque de marginaliser encore plus les pays les plus pauvres. C’est à cette tendance quesouhaite s’opposer l’APD suisse.

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Tableau No 20. Ventilation par institutions bilatérales et multilatérales de la coopération audéveloppement : Engagements 1995-1998

Source : Message concernant la continuation de la coopération technique et de l’aide financière enfaveur des pays en développement. Berne, 1994.

26 En raison de leur volume, la coopération technique (513 millions de francs en 1993) et

l’aide financière (228 millions de francs) sont les principaux instruments de l’APD suisse(60 % des dépenses totales en 1993), qui s’appliquent aussi bien sur le plan bilatéral quemultilatéral. Le crédit de programme de 3300 millions de francs était complètementépuisé à la fin de 1994 et il sera remplacé par le nouveau crédit de 3800 millionsde francs. A l’origine, le DFAE avait prévu un montant de 4150 millions de francs pourles quatre années suivantes. Vu les problèmes budgétaires de la Confédération et du« climat politique », le Conseil fédéral a réduit sa demande de crédit de programme à3900 millions de francs dans la proposition qu’il a présentée au Parlement. Ce dernier, aaccepté le crédit de programme mais a abaissé sont montant total à 3800 millionsde francs.

27 Selon le Message, un tiers environ du crédit (1400 millions de francs) financera l’aide

multilatérale et deux tiers (2500 millions de francs) l’aide bilatérale. Le tableau 20indique les engagements qui découlent du nouveau crédit de programme pour lesannées 1995 à 1998.

Développement durable

« Le développement durable implique un processus qui part d’un monde différencié et en

partie contradictoire et qui cherche à tenir compte des besoins des générations actuelles,

sans prétériter cependant les chances des générations futures… Un développement durable

implique une interaction dynamique et équilibrée entre tous les facteurs humains et

naturels. Il s’agit d’un but suprême valable pour toutes les sociétés. Pour la mise en œuvre

d’une stratégie de développement durable, les cahiers des charges des pays du Nord et du

Sud sont certes différents, mais il s’agit d’harmoniser partout les divers secteurs de l’action

humaine pour la faire converger vers la durabilité… Les plus grands dangers procédant

d’une exploitation inconsidérée des ressources (désertification, changements climatiques,

élévation possible du niveau de la mer) affecteraient beaucoup plus durement les pays en

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développement… En outre, une généralisation du niveau de vie occidental, avec son degré

actuel d’utilisation de ressources et d’énergie, n’est plus concevable. Il s’ensuit un grave

dilemme que le Nord et le Sud se doivent de résoudre ensemble. »

(Citation tirée du Message concernant la coopération technique et l’aide financière en

faveur des pays en développement, p. 33-35.)

6.1.4. Mesures de politique économique et commerciale

28 Les principaux instruments traditionnels dans ce domaine sont les crédits mixtes, l’aide

à la balance des paiements et les mesures de désendettement. A l’avenir, l’OFAEE désirecréer de nouveaux instruments de financement qui soient adaptés aux besoins des paysen développement.

Crédits mixtes

29 La Suisse participe à l’Arrangement sur les crédits à l’exportation de l’OCDE. Celui-ci a

fixé des règles concernant l’octroi de crédits à l’exportation et d’aide liée (« directivesde Helsinki »), qui sont opérationnelles depuis 1993. L’Arrangement a pour objectif deréduire les distorsions commerciales engendrées par les crédits d’aide liée et de mieuxorienter l’aide sur les besoins du pays partenaire. Les pays de l’OCDE participant àl’Arrangement sur les crédits à l’exportation sont pour la plupart d’avis que les créditsd’aide liée ne sont plus de mise pour les projets industriels (40 % des financementsmixtes octroyés jusqu’ici) et pour les projets d’infrastructure (notamment énergie ettélécommunications) dans les villes ou dans les régions rurales développées. Lefinancement de tels projets doit en effet pouvoir être assuré par le secteur privé.

30 L’application de l’Arrangement de l’OCDE restreint les possibilités d’octroi de

financements mixtes pour la Suisse, comme l’écrit l’Office fédéral des affaireséconomiques extérieures, responsable des mesures de politique économique etcommerciale, dans le Rapport sur la politique économique extérieure 1993. Le nombredes opérations de financement mixte de la Suisse tend donc à diminuer, mais lespaiements interviennent plus rapidement. « Les engagements pris par la Confédérationdans le cadre des financements mixtes étant juridiquement contraignants, nous avonsdû, pour faire face à ces décaissements, recourir une nouvelle fois à des compensationsinternes au détriment des autres mesures de politique économique et commerciale autitre de la coopération au développement… » (Rapport sur la politique économiqueextérieure 1993, p. 96). La Suisse s’est prononcée en faveur de l’adoption de critèresplus sévères concernant l’emploi de crédits mixtes et espère que les autres paysdonateurs appliqueront tous les nouvelles directives.

31 Seuls quelques rares accords de  financement  mixte ont été conclus au cours de la

période en revue :

32 En 1993, un accord de ce type a été conclu avec le Viêtnam, pour un montant de

25 millions de francs (part de la Confédération : 50 %). L’octroi simultané d’une aide à labalance des paiements de 15 millions de francs devrait permettre des effets de synergieentre les deux instruments. Ces fonds visent à renforcer la capacité institutionnelle dusecteur bancaire.

33 Le montant alloué par le deuxième accord de financement mixte conclu avec la

Thaïlande en 1984 a fait l’objet d’une rallonge de 13,85 millions de francs (part de la

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Confédération : 1/3) en 1993 pour « permettre de mener à terme un important projetdans le secteur de l’énergie » (Rapport sur la politique économique extérieure). Lemontant total de ce deuxième accord de financement mixte atteint ainsi 78,43 millionsde francs. Avec le premier crédit mixte de 1979, la somme se monte à 115 millionsde francs. La presse qualifie le « projet dans le secteur de l’énergie » de « grossesaloperie » du point de vue écologique (Tages-Anzeiger, 2.3.1994). Il s’agit de la centraleélectrique au charbon de Mae Moh qui utilise de la lignite (du charbon de qualitéinférieure contenant beaucoup de soufre) et libère de grandes quantités de substancestoxiques dans l’atmosphère. L’installation nécessitait par la suite l’installation de filtrespour retenir le soufre.

34 Le premier accord de financement mixte conclu avec le Pakistan en 1987 a également

fait l’objet d’une rallonge de 20,6 millions de francs (part de la Confédération : 40 %). Cecrédit mixte, d’un total de 110,6 millions de francs (y compris la rallonge), sert àfinancer un projet de télécommunications en zone rurale.

Aide à la balance des paiements

35 En raison du nombre croissant de pays qui se voient contraints d’entamer des

programmes de réformes économiques, l’aide à la balance des paiements conserveratoute son importance et va même encore s’accroître à l’avenir. De tels financementssont nécessaires « jusqu’au moment où les programmes de réformes déploient leurseffets et se traduisent par une augmentation des recettes d’exportation » (Rapport surla politique économique extérieure, p. 99). Les aides à la balance des paiements varientselon les besoins de financement des pays bénéficiaires. Elles ne peuvent guère êtreplanifiées à long terme. Des aides à la balance des paiements ont été accordées à quatrepays en 1993 :

L’Ethiopie s’est vue octroyer une contribution de 10 millions de francs sous forme de

cofinancement avec l’AID destinée à soutenir son programme d’ajustement structurel.

La Suisse a conclu un accord avec le Viêtnam sur la coopération économique qui comprend

une aide à la balance des paiements de 15 millions de francs, le crédit mixte cité plus haut de

25 millions de francs, ainsi qu’une contribution de 10 millions de francs destinée à

l’épurement des arriérés du Viêtnam envers les institutions multilatérales de financement.

L’aide d’un million de francs octroyée à Madagascar devrait contribuer à la restructuration

du secteur bancaire dans ce pays.

En Ouganda, une aide financière de 10 millions de francs sert à financer des importations

prioritaires et la remise en état de stations de distribution de courant électrique.

Mesures de désendettement

36 Les mesures de désendettement constituent également un instrument important de la

politique économique et commerciale. Elles sont abordées au chapitre 2 du présentannuaire.

Nouveaux instruments de financement

37 Dans le Rapport sur la politique économique extérieure 1993, l’OFAEE annonce à

nouveau (comme dans le rapport précédent) la création de nouveaux instruments definancement qui devraient être mieux adaptés à l’évolution des besoins dans les pays endéveloppement. Selon l’Office, l’économie privée suisse participe à l’élaboration de ces

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nouveaux Instruments. Ces instruments ont pour objectif pratique de soutenir lesinvestissements privés et visent, en général, à soutenir le processus de libéralisationdans les pays en développement. « Ces nouveaux instruments devraient profiter avanttout aux pays en développement dans lesquels les entreprises privées tardent à réagiren dépit de l’instauration de conditions-cadres satisfaisantes. » (op. cit. p. 97). Desprojets pilotes faisant appel au nouveaux instruments de financement sont enpréparation. L’OFAEE cite à titre d’exemple des actions de soutien à un fonds régionalde financement d’entreprises de leasing en Afrique (EDFUND) et à un fonds depromotion de petites entreprises en Amérique latine (PROFUND). Les nouveauxInstruments devraient devenir pleinement opérationnels dans le cadre du cinquièmecrédit de programme (dès 1995).

6.1.5. Aide humanitaire

38 L’aide humanitaire de la Confédération est un élément important de la politique

extérieure de la Suisse et contribue à répondre aux besoins humanitaires croissants depar le monde. Environ 20 % de l’ensemble de l’aide publique de la Confédération sontconsacrés à des mesures d’aide humanitaire – celle-ci comprend également l’aidealimentaire. Ce domaine relève de la compétence de la Division aide humanitaire etCorps suisse en cas de catastrophes (ASC) de la DDA. La direction en incombe audélégué à l’aide humanitaire.

39 En 1994, le directeur de la DDA, Walter Fust, a adopté la « Stratégie de l’aide

humanitaire de la Confédération pour la seconde moitié des années nonante ». Cettestratégie fixe des priorités pour les activités sur place en faveur des victimes decatastrophes naturelles, de celles dites de civilisation et de celles provoquées par desconflits armés. La Stratégie de l’aide humanitaire – présentée pour la première fois souscette forme – se fonde sur les « Lignes directrices Nord-Sud » pour les années 90 etformule les particularités de l’aide humanitaire. Celle-ci doit être universelle, c’est-à-dire que tous les pays et tous les groupes de population doivent pouvoir en bénéficier.L’existence d’une situation d’urgence est le principal critère d’octroi de l’aide. L’aide estneutre et Impartiale ; elle n’est pas liée à des conditions politiques. L’aide suisse estoctroyée selon le principe du respect de la dignité humaine, sans distinction de race, desexe, de langue, de religion, d’appartenance politique ou sociale.

40 L’aide humanitaire comprend les projets de la DDA, les actions du Corps suisse d’aide en

cas de catastrophes et le soutien accordé dans le domaine de la coopérationhumanitaire à des programmes d’œuvres d’entraide suisses et d’organisationsinternationales, y compris le CICR. Ce soutien est fourni sous forme d’aide en espècesou en nature (denrées alimentaires). Dans le courant d’une année, quelque 80 membresde l’ASC sont engagés dans des actions d’aide d’urgence, d’aide de survie, dereconstruction et de prévention à plus long terme.

41 En 1993, les dépenses de l’aide humanitaire se sont montées à 237 millions de francs. Ce

montant comprend les 55 millions de francs versés à titre de contribution au budget dusiège du CICR et un million de francs alloué au budget administratif de l’Organisationinternationale pour les migrations (OIM). Ces deux contributions reposent sur deuxArrêtés fédéraux distincts et leur financement est assuré par d’autres sources. En 1993,environ 181 millions de francs ont ainsi été prélevés sur le crédit de programme pour

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l’aide humanitaire. Les aides les plus importantes ont été accordées à l’ex-Yougoslavieet au Rwanda.

6.2. Aide privée au développement

1993 : recul des moyens à disposition

42 En 1993, les dépenses de l’aide  privée  au  développement, provenant de dons, ont

atteint 213 millions de francs, contre 236 millions de francs en 1992. A ce montantviennent s’ajouter les prestations fournies par la Confédération dans le cadre de l’APD àtitre de contribution aux programmes des œuvres d’entraide ou sous forme de mandatsde régie (134 millions en 1993, 132 millions de francs en 1992). Il convient de releverque les prestations de la Confédération ont pour la première fois stagné en 1993, alorsqu’elles ont suivi une progression régulière au cours des années précédentes. Commeles dons privés, les dépenses des cantons et des communes pour l’aide audéveloppement ont également diminué en 1993 (25 millions de francs en 1993,28 millions en 1992). Les cantons et les communes ne gèrent eux-mêmes qu’une partieinfime de leurs dépenses d’APD (2 millions de francs environ) ; la majeure partie est eneffet administrée par les œuvres d’entraide. Dans l’ensemble, l’aide au développementgérée et réalisée par des organismes privés a ainsi reculé de 396 millions de francsen 1992 à 372 millions de francs en 1993. Ce recul ne revêt pas les mêmes proportionsauprès de toutes les œuvres d’entraide. En Suisse, plus de 400 œuvres d’entraidetravaillent dans le domaine de la coopération au développement. La partie statistiquedu présent annuaire présente l’aide fournie par 25 des plus grands de ces organismes2.

43 Les moyens destinés à l’aide  aux  pays  de   l’Est dont les œuvres d’entraide ont pu

disposer en 1993 étaient également inférieurs à ceux de l’année précédente et ontatteint 15 millions de francs contre 19 en 1992 et 21 en 1991. L’aide aux pays d’Europede l’Est et de l’ex-Union soviétique a tout d’abord été fournie sous forme d’aidehumanitaire, qui devrait désormais être remplacée par la coopération technique.

44 Afin de coordonner leur aide à l’Est, les œuvres d’entraide Caritas, Helvetas,

Intercooperation et Swisscontact ont créé en 1993 un groupe de travail sur l’Asiecentrale qui a pour tâche de préparer l’extension de leur aide à cette région. Dans cecadre, le Kirghizistan pourrait devenir le principal pays bénéficiaire de leur aideconcertée. Le Tadjikistan ne bénéficie pas de l’aide à l’Est de la Confédération, car cepays ne respecte pas les droits de l’homme et qu’il tarde à entreprendre des réformeséconomiques et politiques. Caritas prépare un projet pilote d’aide humanitaire destinéeau Tadjikistan destiné à venir en aide aux populations nécessiteuses de la zone ravagéepar la guerre civile3.

45 La diminution des fonds à disposition devrait également inciter les œuvres d’entraide –

comme la Confédération pour l’APD – à mieux concentrer et coordonner leur aide. LaCommunauté de travail des œuvres d’entraide écrit ainsi dans son introduction aux« Prises de position de la politique de développement 1993 » : « La lutte pour accroîtrele volume de la coopération au développement s’est poursuivie en 1993. » LaCommunauté demande à la Confédération de libérer de nouveaux fonds pour financerles nouveaux domaines d’activités de l’APD. La taxe à la valeur ajoutée etl’augmentation des droits de douane sur les combustibles devraient fournir les recettessupplémentaires nécessaires.

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Dialogue sur la politique de développement

46 Les œuvres d’entraide sont des partenaires importants de la Confédération pour la

réalisation de l’APD. La Confédération soutient les œuvres d’entraide ensubventionnant leurs propres programmes et en leur confiant l’exécution de projets enrégie. Les œuvres d’entraide jouent par ailleurs un rôle important dans le débatconcernant la politique suisse de développement, rôle qui a été revalorisé ces dernières

années. La Communauté de travail des cinq œuvres d’entraide Swissaid, Action de

carême, Pain pour le prochain, Helvetas et Caritas occupe une place prépondérantedans ce débat. Au cours de la période sous revue, elle a pris position sur nombre dethèmes, dont notamment le GATT, l’environnement, le désendettement, le FMI et laBanque mondiale et ainsi que sur les thèmes abordés lors des conférencesinternationales, comme celle sur la population (voir à ce propos les chapitrescorrespondants).

47 Dans leur prise de position relative au Rapport du Conseil fédéral sur la politique

extérieure, les œuvres d’entraide critiquent la prédominance de la questioneuropéenne qui occulte les problèmes de régions entières telles que l’Afrique. LaCommunauté de travail a demandé au Conseil fédéral de faire des relations avecl’Afrique une priorité de la politique extérieure suisse. Les œuvres d’entraidesoutiennent la Confédération dans ses efforts pour adhérer à l’ONU, une adhésionqu’elles souhaiteraient se voir réaliser le plus vite possible. Elles regrettent toutefoisque le Rapport sur la politique extérieure ne prévoit aucun calendrier à ce propos.

48 Pour permettre aux directeurs exécutifs de la Suisse auprès du FMI et de la Banque

mondiale, Daniel Kaeser et Daniel Gerber, de se faire une idée des conséquencesengendrées par le processus d’ajustement structurel à tous les niveaux de la société, laCommunauté de travail a organisé un voyage à travers le Ghana auquel d’autresreprésentants de l’administration ont également pris part. Ce voyage avait pourobjectif de lancer un processus d’apprentissage commun sur la base de la politiqued’ajustement structurel. Le dialogue politique entre les œuvres d’entraide privées etl’administration et le Parlement est institutionnalisé dans la mesure où desreprésentants de ces organismes siègent dans diverses commissions fédérales. Pour cequi est de la politique de développement, la Communauté des œuvres d’entraidecollabore aussi avec d’autres organisations non gouvernementals au niveau européen(EUROSTEP), ainsi que dans le cadre de groupes de travail consacrés à des thèmesspécifiques (Banque mondiale, commerce, environnement, etc.). Dans le cadred’EUROSTEP, ces organismes ont entrepris pour la première fois en 1993 une estimationde l’APD mondiale, c’est-à-dire du total de l’APD de tous les pays donateurs. Cette étudea été publiée sous le titre « The Reality of AID »4.

49 Les œuvres d’entraide ont salué la publication des « Lignes directrices Nord-Sud » du

Conseil fédéral. Selon elles, ce rapport appréhende avec beaucoup de justesse lesproblèmes et le contexte dont il faut tenir compte pour mettre en place une APDcohérente, mais omet hélas totalement de mentionner les Instruments pour y parvenir.En avril 1994, au moment de la publication des « Lignes directrices Nord-Sud », lesœuvres d’entraide ont demandé à la Confédération d’accroître l’efficacité de l’aide audéveloppement : à l’avenir, la Confédération devrait se consacrer presqueexclusivement à la coordination de l’APD au sein de son administration et dans le cadre

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des instances internationales, et confier plus (que par le passé) l’exécution concrète desprojets aux œuvres d’entraide.

50 La Communauté de travail des œuvres d’entraide accomplit une tâche essentielle de

coordination au niveau de l’opinion et du travail d’information, sans prétendre pourautant représenter toute la diversité des avis que l’on retrouve parmi les400 organisations privées. En effet, chacune de ces organisations possède sa propremotivation, son propre domaine de travail et ses propres membres5.

Œuvres d’entraide plus petites

51 Dans chaque annuaire, nous ne pouvons présenter que quelques-unes des nombreuses

œuvres d’entraide confessionnelles ou laïques. Les annuaires de ces dernières annéesont mis l’accent sur les œuvres d’entraide relativement grandes, car ce sont elles quiadministrent la majeure partie de l’aide. Les sept œuvres d’entraide les plus grandesgèrent en effet 45 % de l’aide privée au développement.

52 A titre représentatif pour nombre d’autres organismes, nous présentons cette année

une œuvre d’entraide de petite taille et une organisation de la politique dedéveloppement. Les petites organisations jouissent d’une bonne réputation auprès de lapopulation, d’une part parce que leurs structures sont simples et, d’autre part, parcequ’elles sont très compétentes puisqu’elles limitent souvent leur aide à un domaineprécis.

53 La Fondation Vivamos  mejor fait partie des petites organisations. Il s’agit d’une

fondation qui gère environ 20 projets dans six pays d’Amérique latine (pour un total de410 000 francs en 1993). Sa concentration est orientée sur l’Amérique latine du point devue géographique et sur les projets mère-enfant pour ce qui est du secteur social. Lafondation, créée en 1981, constate que la thèse de la « décennie perdue » se confirmedans son travail. Le « démantèlement du secteur de la santé et de l’éducation », qui estune conséquence de la crise de l’endettement et les réformes structurelles, rend lesoutien aux groupes d’entraide d’autant plus nécessaire.

54 Le Solifonds (fonds de solidarité pour la libération sociale dans le Tiers Monde) est

également une fondation, qui est « issue du point de vue que la coopération audéveloppement et l’aide humanitaire au Tiers Monde sont insuffisantes si elles ne sontpas accompagnées d’un processus de libération sociale et politique » (citation tirée d’undépliant du Solifonds). Le Solifonds a été fondé en 1983 par l’Union syndicale suisse, leParti socialiste suisse et l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO) et il est alimenté pardiverses organisations de coopération au développement. Il soutient des actionspolitiques limitées dans le temps mises sur pied par des organisations de base, dessyndicats et des groupements de défense des droits de l’homme dans le Tiers Monde.Voici quelques exemples de projets appuyés par Solifonds : une grève chez Everite (unemultinationale suisse) en Afrique du sud, une aide initiale pour un projet autonome deshabitants de bidonvilles aux Philippines, soutien de la lutte salariale menée par lestravailleurs de la canne à sucre au Brésil, travail d’information sur les droits despopulations indiennes au Mexique. Les dépenses consacrées à des projets dans des paysen développement se montaient en 1993 à 74 000 francs.

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BIBLIOGRAPHIE

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en développement, Berne, avril 1994 (94.029).

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OCDE, CAD – Rapport 1993 (Efforts et politiques des Membres du Comité d’Aide au Développement, L’aide en

transition), Paris, mars 1994.

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Prises de position de la politique de développement 1993.

Ib. id, Die Nord-Süd-Beziehungen in der öffentlichen Meinung, annexe à « aktuell » no 4/1994.

DDA, Service de presse (1993, 1994).

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DDA, La coopération au développement et l’aide humanitaire de la Suisse, 1993/1994, Berne, 1994

(annexe au Rapport annuel 1993).

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1993 ; et 1993, Berne, juillet-août 1994.

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fédérales, Berne, 1993.

DDA, Division Aide humanitaire et Corps suisse d’aide en cas de catastrophe (ASC), Stratégie de

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Tages-Anzeiger. 2.3.1994 (Crédit mixte suisse pour la Thaïlande).

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Tages-Anzeiger. 15.9.1994 (Budget 1995).

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Prises de position de la politique de développement 1993, Berne, 1994.

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Dépliant du Solifonds 1994.

Tages-Anzeiger, 7.9.1993 (The Reality of Aid).

Tages-Anzeiger, 20.4.1994 (Confier le travail de terrain aux œuvres d’entraide).

mosquito, dossier sur l’Asie centrale, décembre 1993.

NOTES

1. Le séminaire se fondait sur des études complètes concernant la politique suisse de

développement qui ont été publiées dans le volume 19 de « Studien und Quellen » des Archives

fédérales : Von der Entwicklungshilfe zur Entwicklungspolitik. Voir à ce propos également l’article de

Beatrix Mesmer et de Peter Hug dans la deuxième partie du présent annuaire.

2. Les prestations fournies par plus de 200 des œuvres d entraide privées dans le cadre de la

coopération au développement avec les pays du Sud et de l’Est sont recensées en détail dans la

publication annuelle de l’IUED et de la DDA qui a pour titre : Aide suisse aux pays en développement

et aux pays de l’Europe orientale.

3. En septembre 1993, des représentants des quatre œuvres d’entraide ont séjourné pendant

un mois au Kirghizistan et analysé la possibilité de mettre sur pied des projets de coopération

technique. Les impressions du voyage sont publiés sous forme de dossier dans l’édition de

décembre 1993 de « mosquito ».

4. The Reality of Aid – An independent Review of international Aid, 1993 et 1994. A l’avenir, ce rapport

devrait paraître chaque année à titre de complément critique au rapport annuel officiel du CAD

de l’OCDE.

5. Pour avoir des informations sur les œuvres d’entraide et leurs domaines de concentration, on

peut se référer à leurs rapports annuels. Les grandes œuvres d’entraide publient également leurs

propres journaux et bulletins qui sont régulièrement envoyés à leurs membres.

RÉSUMÉS

Au cours de la période considérée, la coopération publique et privée au développement de la

Suisse a été confrontée à une foule de nouvelles tâches dans les pays en développement et dans

les pays en transition, tout en subissant des pressions budgétaires croissantes en Suisse. Outre les

instruments traditionnels que sont la coopération technique, l’aide financière, l’aide humanitaire

et les mesures de politique économique et commerciale, le changement politique et social,

parallèlement à l’évolution structurelle de l’économie mondiale, posent de nouvelles exigences à

la coopération au développement. Puisque tout le monde s’accorde désormais pour reconnaître

l’interdépendance des relations entre pays pauvres et pays riches, ainsi que le fait que seules des

actions cohérentes orientées sur le long terme peuvent conduire à un développement durable

pour tous, les acteurs de la coopération au développement doivent non seulement poursuivre les

projets classiques, mais en lancer de nouveaux dans le domaine de la politique de développement

(encourager le processus de démocratisation, promouvoir la paix, créer de nouvelles institutions,

lutter pour la préservation de l’environnement, etc.). Dans le même temps, l’augmentation du

déficit des finances fédérales a nettement accru les pressions budgétaires. Le Parlement a ainsi

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réduit le crédit de programme pour la coopération technique et l’aide financière. Les crédits de

paiement destinés à la coopération au développement que le Parlement doit approuver chaque

année ont aussi subi des coupes. En 1993, le volume des dons destinés aux œuvres privées

d’entraide a également diminué par rapport à l’année précédente. Cette évolution oblige les

responsables privés et publics de la coopération au développement d’unir et de mieux cibler leurs

efforts. Il s’agit concrètement de définir des priorités : répartir l’aide bilatérale entre un nombre

moins grand de pays et de projets, ainsi que diminuer les dépenses pour l’aide multilatérale. Ces

efforts qui visent une meilleure efficacité de l’aide alors que les moyens se font plus rares doivent

s’orienter sur le long terme. La Direction de la coopération au développement et de l’aide

humanitaire (DDA) a fait part de son intention de réduire encore dans les années à venir le

nombre des pays de concentration de l’aide, qui sont aujourd’hui au nombre de 18.

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VII. Coopération de la Confédérationavec l’Europe de l’Est

1 La coopération de la Confédération avec l’Europe de l’Est est financée par deux crédits de

programme d’un total de 1650 millions de francs, qui ont pour objectif de soutenir un

développement économique et social durable dans ces pays et d’y promouvoir l’État de droit et la

démocratie. La coopération avec l’Europe de l’Est comprend des mesures de coopération

technique, d’aide financière, ainsi que la promotion commerciale et des investissements. en 1993,

les dépenses consacrées à l’aide aux pays de l’Est ont atteint 120 millions de francs environ.

Vue d’ensemble

Les crédits de programme

Premier crédit de programme de 250 millions de francs, adopté en mars 1990, en faveur de la

Pologne, de l’ancienne Tchécoslovaquie et de la Hongrie.

Deuxième crédit de programme de 800 millions de francs, adopté en janvier 1992. Celui-ci

élargit la coopération à l’Albanie, la Macédoine, la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie

ainsi qu’à la Slovénie et à la Roumanie. Ce crédit de programme permet également de

financer des projets ponctuels dans des pays de la Communauté des Etats indépendants

(CEI).

Augmentation du deuxième crédit de programme de 600 millions de francs à un total de

1400 millions de francs en mars 1993 et ouverture de ce crédit à tous les pays de la CEI, ainsi

qu’à la Géorgie.

2 Les crédits de programme pour l’aide aux pays de l’Est valent pour tous les domaines de

la coopération. A l’avenir, on peut toutefois envisager, comme c’est le cas pour lacoopération au développement, de créer des crédits spéciaux pour les divers domainesde l’aide. Le nouvel arrêté fédéral crée une base légale dont la validité est limitée à dixans dans un premier temps.

1.

1.

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131

Page 133: Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 - OpenEdition

Base légale

3 Jusqu’à présent, la coopération avec l’Europe de l’Est se fondait uniquement sur des

arrêtés fédéraux par lesquels le Parlement acceptait les crédits de programmecorrespondants. Les mesures décidées dans le cadre de cette coopération sont ainsidirectement basées sur la compétence constitutionnelle générale de la Confédérationen matière d’affaires étrangères et réglées dans l’ordonnance concernant la poursuite de la

coopération renforcée avec des États d’Europe centrale et orientale. Cette façon de procéder apermis à la Confédération de réagir rapidement aux changements qui se sont produitsdès 1989 en Europe de l’Est et dans l’ex-Union soviétique. Depuis lors, on s’est aperçuque la coopération avec ces pays devra s’étendre sur de nombreuses années et qu’elledeviendra un élément permanent de la politique extérieure de la Suisse. Le Conseilfédéral a donc voulu doter l’aide aux pays de l’Est d’une base légale. Celle-ci devraitprendre la forme d’un arrêté fédéral de portée générale dont la validité sera limitée àdix ans dans un premier temps.

4 Le projet d’arrêté fédéral concernant la coopération avec les États d’Europe de l’Est a

été soumis à la procédure de consultation en 1993. Le Conseil des États fut ensuite lepremier à l’examiner et il l’adopta le 1er décembre 1994. L’arrêté est axé pourl’essentiel sur la loi fédérale de 1976 sur la coopération au développement et l’aidehumanitaire internationales. Le Conseil fédéral juge que l’aide aux pays de l’Estnécessite une base légale spéciale, car il importe de présenter la situation particulièredes pays d’Europe de l’Est et de la CEI, notamment d’évoquer le désir de nombre d’entreeux de s’intégrer progressivement dans une Europe élargie. Pour ce qui est desrépubliques d’Asie centrale qui dépendent beaucoup, comme par le passé, de la Russiesur les plans politique et économique, l’aide aux pays de l’Est de la Confédération viseen premier lieu à améliorer les conditions de vie des populations.

7.1. Message concernant la création d’une base légale(arrêté fédéral)

5 En septembre 1994, le Conseil fédéral a approuvé le Message concernant la coopération

avec les États d’Europe de l’Est. Dans la partie générale, le message revient une fois encoresur les changements qui ont marqué l’Europe de l’Est depuis 1989 et sur leursconséquences pour les autres pays européens. La coopération avec les États d’Europe del’Est a pour but politique de promouvoir la stabilité et la sécurité en Europe. Dansl’ensemble, le projet de base légale a été bien accueilli au cours de la procédure deconsultation. On lui a parfois reproché son eurocentrisme et l’inexactitude del’expression « Europe de l’Est » qui n’inclut pas explicitement les pays endéveloppement d’Asie centrale. Nombreux furent ceux qui ont recommandé que l’aideaux pays de l’Est s’inspire plus des expériences réalisées dans le cadre de la coopérationau développement. Par ailleurs, la distinction entre la « coopération avec les Étatsd’Europe de l’Est » et la « coopération au développement » ne se justifierait pastoujours objectivement1. La promotion de l’État de droit et du processus dedémocratisation, ainsi que l’encouragement de l’économie privée, sont rangés parmi lespriorités, tandis que certains organismes ayant pris part à la procédure de consultationdemandent que la Suisse s’attache en premier lieu à promouvoir le développement

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social et à améliorer les conditions de vie des populations (qualité de vie,environnement).

6 A l’instar de la loi sur la coopération au développement, le projet de base légale se

fonde sur le principe de l’aide à l’auto-assistance et sur celui selon lequel les mesuresprises par la Suisse doivent tenir compte de la situation dans le pays et, surtout, desbesoins de la population concernée. Il semble que l’idée de créer des fonds de contre-valeur en monnaie locale pour financer des projets dans les domaines social et del’environnement ait été reprise des expériences réalisées avec les pays endéveloppement. De même, les crédits de programme, que le Parlement accepte en tantque crédits d’engagement pour plusieurs années, ont fait leurs preuves en tant quemécanismes de financement de la coopération au développement et sont égalementutilisés pour l’aide aux pays de l’Est. De plus, l’aide à l’Est reprend l’idée des contrats deprojet et de programme conclus en tant que traités internationaux bilatéraux avec lesdifférents pays partenaires.

7 Pour qu’une aide de la Suisse se justifie, il faut qu’il y ait « volonté manifeste de la part

des gouvernements concernés d’engager ou de poursuivre –selon le stade du processus– des réformes institutionnelles, politiques et économiques qui aillent dans le sens denos objectifs » (Message, p. 8). Cette conditionnalité de l’aide suisse s’oriente sur le longterme. En règle générale, le soutien suisse répond à une demande formulée dans cesens. Dans ce cas, le financement du projet doit, dans la mesure du possible, être répartiéquitablement afin d’encourager le pays partenaire à partager la responsabilité duprojet. L’aide aux pays de l’Est peut prendre la forme de mesures bilatérales,multilatérales ou autonomes (cette dernière catégorie comprend les préférencesdouanières et les garanties de crédit). La coordination internationale de l’aide aux paysde l’Est est assurée par le G-24 (24 pays donateurs occidentaux) sous la direction de laCommission européenne et par les groupes consultatifs de la Banque mondiale. L’arrêtéfédéral exige de la Confédération qu’elle assume une large coordination – aussi bien auniveau multilatéral qu’au sein de son administration – des mesures prises.

8 Dans un premier temps, l’arrêté fédéral devrait être valable pour dix ans. Après ce laps

de temps, on procédera à l’évaluation des expériences réalisées.

Forme de la coopération avec l’Europe de l’Est

9 La coopération avec l’Europe centrale et orientale revêt la forme de dons, de prêts ou

de garanties. La coopération technique n’est en principe pas remboursable. Un quartdes crédits de programme est destiné à l’aide technique, dont les mesures visent laformation, au sens le plus large, et la création d’institutions. La Confédération ne gèrepas des projets, mais soutient dans la mesure du possible le transfert de technologies etde connaissances. Bien que la coopération technique ne soit pas remboursable, lespartenaires doivent participer au financement dans la mesure où ils sont astreints àeffectuer des remboursements en monnaie locale au profit de fonds de contre-valeur.

10 L’aide financière occupe une place prépondérante dans l’engagement financier. Avec

la promotion commerciale et des investissements, elle absorbe trois-quarts des créditsde programme. Elle comprend avant tout des contributions financières, des aides à labalance des paiements, des mesures de désendettement et des garanties de crédit et

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Page 135: Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 - OpenEdition

sert à satisfaire une partie des énormes besoins en financement du processus deréforme dans les domaines économique et social :

Contributions financières : Dans le cadre de projets d’infrastructure définis (santé, énergie,

environnement), on détermine les livraisons provenant de l’étranger qui ne peuvent être

financées sur une base commerciale. La Suisse finance les domaines dans lesquels les

prestations suisses sont compétitives au niveau international. L’acheteur paie une partie de

la livraison en monnaie locale dans un fonds de contre-valeur.

La Suisse participe également à des aides à la balance des paiements pour alléger le

manque de devises dont souffrent la plupart des pays. Cette aide est coordonnée dans le

cadre du G-24 en collaboration avec le FMI. Les aides à la balance des paiements sont

accordées par la Banque nationale suisse sur demande du Conseil fédéral et garanties par la

Confédération. Elles ne sont pas financées par les deux crédits de programme consacrés à

l’aide à l’Europe de l’Est.

Les critères régissant la mise en œuvre de mesures de désendettement au profit de pays de

l’Est sont les mêmes que ceux présentés dans le message concernant les mesures de

désendettement en faveur des pays en développement. La Suisse a par exemple convenu un

« Debt for nature Swap » avec la Pologne.

Les risques de crédit dans la plupart des pays de l’Est sont considérés comme très élevés. Des

garanties de crédit publiques sont donc indispensables pour encourager l’économie privée.

La Suisse accorde des garanties de crédit là où la garantie contre les risques à l’exportation

ne peut pas être utilisée. L’arrêté fédéral prévoit également de couvrir les risques de

ducroire privés (insolvabilité d’un acheteur privé) sans garantie de l’État. Au cours de la

procédure de consultation, d’aucuns ont jugé qu’il n’était pas judicieux de couvrir les risques

de ducroire privés, mais la majorité a toutefois accepté ce principe.

11 La promotion  commerciale et la promotion  des   investissements constituent un

troisième domaine de l’aide. Cette promotion a pour objectif de mieux intégrer les paysde l’Est dans le marché mondial. Elle comprend des mesures telles que l’améliorationdes produits et de l’information, les connaissances sur la commercialisation desproduits, mais aussi la réduction des droits de douane, l’application de la clause de lanation la plus favorisée et la conclusion d’accords de libre-échange, d’accords deprotection des investissements et de conventions de double imposition.

12 La Suisse soutient aussi le développement dans les pays de l’Est en étant membre

d’institutions  multilatérales, telles que le FMI, la Banque mondiale et l’OCDE. Elleprend part à leurs programmes de soutien « là où cela est opportun »2. La Suisse estégalement membre de la Banque européenne de reconstruction et de développement(BERD), à laquelle elle participe à raison de 400 millions de francs environ (soit 2,3 %ducapital-actions).

13 La coopération avec les États d’Europe de l’Est nécessite un soutien attentif sur le plan

politique interne « par une participation permanente de représentants des cercles lesplus divers au traitement des problèmes qui se posent » (Message, p. 24). L’arrêtéfédéral prévoit donc la création d’une commission consultative pour la coopérationavec les États d’Europe de l’Est, qui aura pour tâche d’examiner les objectifs, lespriorités et la conception générale des mesures de l’aide aux pays de l’Est et de fournirdes conseils aux services fédéraux compétents. La création d’une telle commissionreprend à n’en pas douter le principe de fonctionnement de la commission consultativesur la politique de développement, qui a déjà maintes fois prouvé son efficacité dans la

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recherche d’un consensus. On espère que la future commission sera à même de fournirde bons conseils en matière d’aide aux pays de l’Est.

7.2. Dépenses consacrées à la coopération avec lesÉtats d’Europe de l’Est

14 En 1994, les départements concernés (DFAE et DFEP) ont publié pour la première fois un

Rapport annuel sur l’aide aux pays de l’Est 1993. Le Bureau de coopération pour l’Europe del’Est (BCE) de la Direction politique du DFAE (Division politique I) est compétent pourles mesures de la coopération technique. (Ce bureau sera désormais intégré à la DDA.)Les mesures de l’aide financière, de la promotion des investissements et de la politiquecommerciale relèvent du Service des mesures économiques pour l’Europe centrale etorientale de l’Office fédéral des affaires économiques extérieures. Pour assurer lacoordination, on a créé un comité interdépartemental des programmes (CIP) – ils’occupe de l’utilisation des crédits de programme – et des groupes sectoriels. Lacoordination générale des mesures incombe au DFAE.

15 A la fin de 1993, le premier crédit de programme de 250 millions de francs était épuisé

et 567 millions de francs du deuxième crédit étaient déjà engagés. Les dépenses serépartissent comme suit : 92 millions de francs pour la coopération technique,295 millions pour l’aide financière et 180 millions pour les garanties de crédit. L’aideaux pays de l’Est se concentre sur les pays d’Europe centrale et orientale (Albanie, lesÉtats de la Baltique, Bulgarie, Tchéquie, Slovaquie, Slovénie, Pologne, Roumanie,Hongrie). La Pologne a bénéficié jusqu’à présent du soutien le plus Important et les37 millions de francs qui lui ont été attribués en 1993 représentent également l’aide laplus substantielle.

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Tableau No 21. Engagements au titre du 2e Crédit de programme, ventilés par pays (janvier 1992 – décembre 1993, en milliers de francs)

1 Les programmes régionaux concernant au minimum deux pays destinataires.

Source : Rapport annuel du Conseil fédéral sur la coopération avec les pays d’Europe orientale etcentrale 1993.

16 L’aide aux pays de la CEI se développe. Sur le total de 295 millions de francs, seuls

54 millions sont alloués à la CEI. La coopération technique se concentre sur la Russie etle Kirghizistan. Des aides financières ont également été accordées à l’Ukraine, à laBiélorussie, au Kazakhstan et à l’Ouzbékistan.

Tableau No 22. Versements en 1993 par pays (en milliers de francs)

1 Les programmes régionaux concernant au minimum deux pays destinataires.

Source : Rapport annuel du Conseil fédéral sur la coopération avec les pays d’Europe orientale etcentrale 1993.

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Page 138: Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 - OpenEdition

Aide humanitaire

17 Outre la coopération financée par les crédits de programme mentionnés plus haut, la

Suisse fournit également une aide humanitaire aux pays de l’Est (voir Tableau No 23)qui est financée par le crédit de programme pour l’aide humanitaire. Ce crédit est eneffet ouvert à tous les pays. Le tableau 23 présente les dépenses consacrées à l’aidehumanitaire depuis 1990.

Restrictions financières

18 Les crédits de programme (crédits d’engagement) ont été adoptés rapidement et avec

générosité pour soutenir le développement des pays de l’Est dès le lancement duprocessus de réforme. Depuis lors, les pressions budgétaires ont également fortementréduit l’aide aux pays de l’Est. Cette réduction se traduit par la diminution desversements annuels, ce qui a pour but d’étendre la durée de validité des créditsengagés.

Tableau No 23. Aide humanitaire pour les pays de l’Europe orientale et de la CEI

Source : La Suisse, l’Europe de l’Est et la CEI – Documentation.

Dépenses privées.

19 En 1991, 1992 et 1993, les œuvres d’entraide privées ont fourni une aide aux pays de

l’Est de 15 millions de francs environ par année à titre d’aide humanitaire et sous formede coopération technique. La Roumanie est le principal pays bénéficiaire de l’aideprivée. Entre 1991 et 1993, elle a en effet reçu 55 %de l’aide technique et 72 %de l’aidehumanitaire3.

BIBLIOGRAPHIE

Message concernant la coopération avec les États d’Europe de l’Est, Berne, 19 septembre 1994 (94.083).

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Page 139: Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 - OpenEdition

Rapport du Conseil fédéral sur la procédure de consultation 1993.

Rapport du Conseil fédéral sur la coopération avec les États d’Europe centrale et orientale 1993,

octobre 1994.

La Suisse, l’Europe de l’Est et la CEI – Documentation, Bureau de la coopération pour l’Europe de l’Est

(DFAE) et Service des mesures économiques pour l’Europe centrale et orientale (OFAEE), Berne,

mai 1994.

NZZ, 20.9.1994 (Base légale pour l’aide aux pays de l’Est).

Aide suisse aux pays en développement et aux pays de l’Europe orientale 1993, IUED (éd.), Genève,

octobre 1994.

NOTES

1. Le Conseil fédéral écrit à ce propos dans le Message : « La notion d’« Etats d’Europe de l’Est »,

utilisée par souci de brièveté, comprend les États autrefois communistes d’Europe centrale,

orientale et du Sud-Est (le cas échéant, les États successeurs de ces pays), ainsi que les États

constitués sur le territoire de l’ancienne Union des Républiques Socialistes Soviétiques. Comme

dans la pratique actuelle, la portée de l’arrêté ne se limite donc pas aux États d’une Europe

comprise en tant qu’entité géographique… Dès lors, en englobant l’Albanie et quelques nouveaux

États d’Asie centrale, le champ d’application de l’arrêté s’étend à des pays qui, à certains égards,

présentent des similitudes avec les pays en développement et que l’Organisation de coopération

et de développement économiques (OCDE), notamment, qualifie aussi de tels. Leur traitement

particulier dans le cadre de la coopération avec l’Europe de l’Est se justifie avant tout par le fait

que ces pays, en raison de leur rattachement passé au monde d’obédience communiste et compte

tenu des liens encore existants avec la Russie – comme il en est déjà fait mention auparavant –,

sont confrontés à des problèmes en partie différents de ceux des pays en développement. Il

incombe au Conseil fédéral d’assurer une coordination et une harmonisation matérielle entre la

coopération au développement et la coopération avec l’Europe de l’Est. » (Message, p. 7 et 8)

2. La Suisse, l’Europe de l’Est et la CEI – Documentation, 2ème édition révisée, mai 1994, p. 13.

3. Les Indications concernant l’aide aux pays de l’Est des œuvres d’entraide privées sont tirées de

la publication Aide suisse aux pays en développement et aux pays de l’Europe orientale 1993.

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Monika Egger, Jacques Forster et Adrian Hadorn (dir.)

Analyses et positionsLes lignes directrices Nord-Sud de la Suisse – La cohérence des

politiques dans les relations entre l'Indonésie et la Suisse

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Page 141: Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 - OpenEdition

Introduction

1 Le dossier de l’Annuaire Suisse – Tiers Monde 1995 est consacré au thème de la

cohérence des politiques des pays industriels à l’égard des pays en développement. Saréalisation nous a amené à organiser le 14 septembre 1994, d’entente avec les deuxoffices fédéraux les plus directement concernés – la DDA et l’OFAEE – un colloqueréunissant des personnalités de milieux directement intéressés à cette problématique.Nous publions ci-après les textes préparés pour le colloque ainsi qu’une synthèse desdébats.

***

Introduction

2 En novembre 1993, le Conseil fédéral définissait ainsi les cinq objectifs stratégiques de

la politique extérieure de la Suisse1 :

le maintien et la promotion de la sécurité et de la paix,

l’engagement en faveur des droits de l’homme, de la démocratie et des principes de l’Etat de

droit,

l’accroissement de la prospérité commune,

la promotion de la cohésion sociale,

la préservation du milieu naturel.

3 Ce rapport mettait l’accent sur la difficulté qu’il y avait à formuler une politique

extérieure cohérente en raison d’une part des inévitables contradictions entre desobjectifs et les moyens de les atteindre qui « présentent tous, par principe, uneimportance égale »2.

4 En mars 1994 le Conseil fédéral adoptait un rapport sur les relations Nord-Sud de la

Suisse dit « Lignes directrices Nord-Sud » qui complète le rapport sur la politiqueextérieure. Ces « lignes directrices exposent les problèmes principaux d’une politique de

développement à l’heure actuelle. Elles en montrent les conséquences et les champs d’action et

établissent les principes directeurs que suivra à l’avenir une politique suisse de développement.

Ce n’est plus seulement la coopération au développement qui est concernée, mais bien l’ensemble

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des relations de la Suisse avec les pays en développement… Les dichotomies traditionnelles entre

politique de l’environnement et politique économique, entre politique économique et politique

d’asile, entre politique commerciale et politique de coopération au développement, entre

politique intérieure et politique extérieure, ne permettent plus de répondre aux problèmes

actuels. Ce qu’il faut, c’est une politique cohérente envers le Sud. Formuler une telle politique

revient à montrer les contradictions éventuelles entre les intérêts nationaux à court terme et les

buts de la politique suisse de développement, puis à les intégrer, de façon aussi transparente que

possible, dans le processus de décisions politiques. »3

5 Sur le plan international, la démarche du Conseil fédéral s’inscrit dans le cadre des

efforts entrepris par le Comité d’aide au développement de l’OCDE pour encourager lespays membres à adopter une stratégie tendant à devoir accroître la cohérence de leurspolitiques vis-à-vis des pays en développement4.

6 En abordant le thème de la cohérence de la politique de la Suisse vis-à-vis des pays en

développement nous avons souhaité prolonger la réflexion proposée par les « lignesdirectrices » en examinant, sur la base du cas concret d’un pays, les questions que peutposer la mise en œuvre de politiques plus cohérentes. Pour ce faire, un pays a été choisipour l’étude de cas et nous avons réuni pour en débattre des personnalités issues demilieux qui sont les principaux acteurs des relations extérieures de la Suisse avec lespays en développement.

Choix du pays

7 Le cas de l’Indonésie fut retenu en raison du poids de ce pays parmi les pays en

développement, de l’importance de ses relations avec la Suisse et du fait qu’elles sontsuffisamment diversifiées (commerce, investissements privés, coopération audéveloppement). Les relations avec l’Indonésie permettent d’illustrer les objectifsstratégiques de la politique extérieure globale de la Suisse. En outre, la politique suissede coopération avec l’Indonésie se trouve actuellement à un tournant avec la décisionde retirer ce pays de la liste des pays de concentration de la DDA et d’appeler l’OFAEE àmettre en œuvre d’autres formes de coopération au développement.

Choix d’un forum

8 Cette partie de la démarche repose sur le postulat que la recherche de la cohérence ne

concerne pas que les pouvoirs publics. L’ensemble de la société civile est interpellée parcet objectif dans la mesure où il ne saurait être approché sans son soutien et sansconcertation avec les principaux acteurs des relations extérieures de la Suisse. C’estainsi que nous avons organisé un colloque réunissant des personnalités issues del’Administration fédérale, de l’économie, des syndicats, des ONG et des milieuxuniversitaires directement intéressées par le thème général et l’étude de cas.

9 Nous avons abordé les problèmes posés par la recherche de plus de cohérence dans la

formulation et l’application de politiques vis-à-vis des pays en développement enposant trois questions :i) Comment identifier des problèmes de cohérence présents et potentiels (lescontradictions) dans les relations de la Suisse avec l’Indonésie ?ii) Comment les contradictions existantes ou potentielles entre les différents objectifsde la politique suisse peuvent-elles être résolues ? (En d’autres termes, quel poids

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relatif accorder aux différents objectifs ?)iii) Sur le plan institutionnel, quels mécanismes permettraient « par le dialogue »(selon l’expression du rapport) de clarifier les contradictions et progresser dans la miseen œuvre de cette politique aussi bien au sein de l’Administration fédérale qu’entre lesprincipaux acteurs (économie privée, syndicats, ONG…) ?

10 On trouvera dans la première partie du dossier les contributions5 préparées par les

participants en vue du colloque. La seconde partie rend compte de façon synthétiquedes résultats du colloque. Nous publions en annexe le principal document de référencesur notre thème : le rapport du Conseil fédéral sur les relations Nord-Sud de la Suisse,« Lignes directrices Nord-Sud » ainsi qu’un tableau de statistiques sur l’Indonésie6.

Participants au colloque – Auteurs

11 Adrian Hadorn

Peter MaurerJean-Luc MaurerPhilippe RégnierGünther BächlerViolette RuppannerMatthias MeyerHans-Peter MaagKonrad SpeckerMax SchielerAndreas ZürcherMargrit MeierRichard GersterRobert JennyMarkus Kupper

12 Jean-Luc Maurer et Markus Kupper n’ont pas participé au Colloque. Philippe Régnier a

représenté Jean-Luc Maurer qui est l’auteur de la contribution écrite. Markus Kupper arédigé, conjointement avec Robert Jenny, la contribution de Swisscontact.

NOTES

1. Rapport sur la politique extérieure de la Suisse dans les années 90 du 23 novembre 1993.

2. Rapport sur la politique extérieure de la Suisse dans les années 90, p. 44.

3. Rapport du Conseil fédéral sur les relations Nord-Sud de la Suisse dans les années 90 (« Lignes

directrices Nord-Sud ») du 7 mars 1994, p. 2 et 5.

4. OCDE, Coopération pour le développement, Rapport 1992, OCDE, Paris, 1992.

5. Les textes originaux des contributions sont publiés dans la version allemande de l’Annuaire ;

nous les avons traduit par nos soins pour la présente édition.

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6. Le Comité de rédaction de I’ASTM remercie très chaleureusement Adrian Hadorn chef de la

Section « Politique et recherche » de la DDA qui a fait équipe avec nous pour concevoir et réaliser

ce dossier ainsi que les personnalités qui ont fourni des contributions très substantielles à ce

dossier en rédigeant les textes que nous publions ci-après et en participant au colloque.

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La Suisse et les relations Nord-Suddans les années 1990Adrian Hadorn

Pourquoi une image directrice Nord-Sud ?

1 Avec son « Rapport sur les relations Nord-Sud de la Suisse dans les années 1990 », le

Conseil fédéral a rempli un mandat que le Parlement lui avait confié début 1990 :présenter « des lignes directrices pour le rôle futur de la Suisse dans la relation Nord-Sud », avec comme objectif « une politique de développement intégrée et cohérente ».

2 Le processus d’élaboration de cette image directrice avait débuté lors des préparatifs de

la Conférence de Rio sur l’environnement et le développement de juin 1992 et s’étaitachevé peu après l’adoption du « Rapport sur la politique extérieure de la Suisse dansles années 1990 », en décembre 1993. Ce processus a été influencé par la vision dumonde suite à la chute du mur de Berlin en 1989, ainsi que par d’autres événements etles débats internationaux.

3 Les légitimations géopolitiques du conflit Est-Ouest pour justifier la coopération au

développement tombaient du même coup en 1989. La coopération devait brusquementtrouver de nouvelles justifications et fut confrontée à une suite imprévisible demalentendus et d’exigences auprès de l’opinion publique et des hommes/femmespolitiques :

ce fut d’abord la déception ressentie par un grande nombre de personne sur la soi-disante

inefficacité de la coopération au développement. On parla alors de Aid Fatigue, de

phénomènes de lassitude ou d’usure sur le front de l’aide internationale, d’« africano-

pessimisme » ou de la décennie perdue en Amérique latine ;

par ailleurs, la coopération au développement dut faire face à des espoirs totalement

irréalisables. On attendait impatiemment d’elle qu’elle puisse résoudre les problèmes du

trafic de drogues et des pressions migratoires dans les pays industrialisés. Elle devait aussi

éliminer immédiatement dans les pays du Sud les problèmes tels que la surpopulation, les

conflits guerriers, la dégradation de l’environnement, le surendettement et d’autres crises

économiques, ainsi que la corruption et les autres formes de gestion gouvernementale

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inefficace. D’autres priorités (aide aux pays de l’Est) vinrent supplanter ces préoccupations

au même moment.

4 Des expériences multiples et concrètes de coopération en Afrique, Asie et en Amérique

latine montraient en outre que certains projets de développement n’avaient eu malgréle professionnalisme avec lequel ils avaient été planifiés et exécutés que peu d’effets,voire aucun effet positif. Ces échecs survenaient dès lors que les conditions-cadreséconomiques, sociales ou politiques étaient inappropriées.

5 Enfin, les énormes déficits budgétaires qu’accusèrent de nombreux pays industrialisés

renforcèrent les positions de ceux qui réclamaient une révision de la coopération audéveloppement, son intégration plus effective dans le contexte général de la politiqueextérieure et de la coopération internationale, ainsi qu’une utilisation plus efficace desressources financières limitées pour la coopération Nord-Sud.

6 En Suisse, la politique étrangère est devenue, comme jamais auparavant, une pomme de

discorde. Les tensions et les incertitudes sur la voie, le but et l’identité de la Suisse dansun environnement qui évolue très vite marquent profondément la manière helvétiqued’appréhender le monde actuel.

Pourquoi la « cohérence » est-elle un thèmepermanent dans l’image directrice Nord-Sud ?

7 Peter Maurer présente dans son article ce que veut dire cohérence dans le « Rapport sur

la politique étrangère de la Suisse dans les années 90 ». Cette précision pragmatique estnécessaire, car la conception d’une « politique étrangère et de développementcohérente » risque facilement de devenir une formule creuse. A cette conceptionpositive et orientée sur l’action, qui prône une optimisation de l’activité politiqueglobale (policy mix), j’aimerais mentionner une dimension qui préoccupe de plus enplus la population en Suisse, mais aussi ailleurs ; la dimension de l’interdépendance.Cette interdépendance fait de notre politique étrangère un élément de la politiquemondiale.

8 Si, par exemple, de nouveaux Tchernobyl se produisaient, la coopération Est-Ouest

pourrait représenter la sauvegarde des intérêts vitaux ou une condition même de lasurvie de l’Europe de l’Ouest. Si la forte croissance démographique persiste dans le Sud,si elle provoque des migrations et menace la sécurité dans diverses régions du monde,nos buts de politique étrangère ne seront réalisables que si nous réussissons à instaurerune meilleure solidarité internationale. Si notre mode de consommation est imitéintégralement dans un certain nombre de pays au seuil de la pauvreté (en Indonésie,Chine, Inde ou au Brésil par exemple), les effets négatifs de la croissance surl’environnement seront de plus en plus sensibles et auront des conséquences sur notrepolitique intérieure et extérieure. En d’autres termes : la question de la cohérence estinscrite dans les problèmes réels et ces interdépendances compliquent l’actionpolitique. Il ne suffit plus de dire « gouverner, c’est prévoir », car au prévoir s’ajoute lanécessité d’« agir par avance », ce qui implique que l’action politique doit intégrer leseffets imprévisibles d’interactions sur l’environnement, en vue d’un développementdurable.

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9 Nos modèles courants d’analyse politique ne sont pas suffisamment préparés à pareille

situation, ni en Suisse, ni dans le reste de l’Europe, ni dans d’autres régions du monde,ni dans les instances multilatérales (ONU ou Banque Mondiale).

10 Au cours des prochaines années et décennies, les responsables politiques devront

revoir de manière fondamentale leurs politiques, sous la pression de la société civile quisubit de plus en plus les conséquences des interactions et de l’interdépendance. Fautede quoi, dans seulement un siècle, « gouverner » voudra seulement dire « avoir prévuque cela devait se passer ainsi… ».

11 L’image directrice Nord-Sud n’est de loin pas aussi futuriste. Il suffit d’en parcourir le

texte pour se rendre clairement compte qu’elle ne constitue pas une potion magiquecontre toutes les contradictions et les incohérences des relations Nord-Sud. Elles’attache plutôt à ébaucher des champs d’action qui se situent aux intersections entreles différents objectifs suivants :

sécurité – justice sociale

environnement – justice sociale

justice sociale – démocratie

12 L’image directrice offre le cadre d’un programme d’action politique qui inclut tous les

acteurs du domaine public et privé (non étatique). Les éventuelles contradictions entreles intérêts nationaux à court terme et les objectifs de la politique de développementsuisse doivent être mises en évidence et intégrées avec le maximum de transparencedans le processus de décision politique.

Comment appliquer l’image directrice ?

13 Définir des champs d’action et postuler la cohérence sont une chose. Agir en

conséquence et opérer des changements en sont une autre. L’heure de vérité pourl’image directrice n’a pas été le débat au Parlement. Elle ne sonnera que lors desdécisions futures qui seront prises à l’intérieur des différents conflits entre objectifsmentionnés ci-dessus.

14 Le colloque sur les questions de cohérence de nos relations bilatérales avec l’Indonésie,

organisé en commun par l’IUED avec la Communauté de travail des organisationsd’entraide et l’administration fédérale (DDA et OFAEE) a ouvert des options pour uneaction politique différente sur deux plans :

De prime abord, l’Indonésie n’est aucunement d’intérêt vital pour la Suisse. C’est un grand

pays doté du potentiel d’un nouveau « dragon » dans le contexte extrêmement dynamique

du sud-est asiatique. Mais c’est en même temps un pays plein d’inconnues pour l’avenir :

risque d’instabilité politique, justice sociale, commercialisation durable de ressources

naturelles limitées. Comment notre policy mix doit-il s’articuler ? Les exposés de la DDA et de

l’OFAEE ci-après ébauchent de telles possibilités d’optimisation. Des possibilités s’offrent à

nous de conduire une politique de développement où la Suisse rassemble, au niveau de ses

relations avec d’Importantes régions, toutes les Interactions significatives dans une même

image globale. Sur cette base, la science, l’économie et d’autres acteurs privés, sans oublier

le secteur public (y compris la responsabilité qu’il exerce pour notre politique dans les

organisations internationales telles que la Banque mondiale, le GATT ou le programme

démographique de l’ONU) définissent leur propre échelle de priorités et leurs programmes

d’action.

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Il ressort des discussions qui se sont déroulées au cours de ce colloque sur l’Indonésie que

tous les protagonistes - qu’ils appartiennent aux milieux scientifiques, économiques, aux

associations d’entraide ou à l’administration - pensent tirer un profit pour eux-mêmes, dès

lors qu’un accord est trouvé sur les objectifs généraux et que l’on a atteint une certaine

clarification des rôles dans le dialogue. A cet égard, il ne s’agit en aucun cas que « tous

aillent dans la même direction », comme l’a estimé un représentant de l’économie. Mais il

est incontestable que précisément la clarification des rôles dans l’économie privé constitue

une tâche cruciale sur le plan de la politique de développement. Cette tâche, il nous reste à

l’accomplir et, pour ce faire, à gagner à notre cause des alliés provenant des milieux les plus

divers.

AUTEUR

ADRIAN HADORN

Section politique et recherche, DDA

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Réflexions sur le thème de lacohérencePeter Maurer

1 La cohérence comme thème du rapport sur la politique extérieure dans les années 90.

2 Dans son Rapport sur la politique extérieure de la Suisse dans les années 90, le Conseil

fédéral souligne que la cohérence en matière de politique extérieure est importante àtrois niveaux :

maintenir l’attrait politique et économique de la Suisse à l’échelle internationale ;

assurer un engagement aussi efficace que possible de moyens limités ;

défendre de manière optimale nos intérêts à l’échelle internationale par une présence

homogène.

3 Une procédure adéquate doit permettre de répondre à ces besoins de cohérence.

Ailleurs, il est dit que le but du projet présenté est de montrer que « la politiqueextérieure d’un pays constitue un tout ». Que pourrait être ce tout si ce n’était un toutcohérent ? Et à quoi ressemble ce tout ?

4 Le Rapport établit les objectifs en matière de politique extérieure sous la forme d’un

pentagone. Il n’existe d’ailleurs pas de hiérarchie entre les différents objectifs cités ci-dessous :

le maintien et la promotion de la sécurité et de la paix,

l’engagement en faveur des droits de l’homme, de la démocratie et des principes de l’Etat de

droit,

l’accroissement de la prospérité commune,

la promotion de la cohésion sociale,

la préservation du milieu naturel.

5 Toutes les activités déployées par rapport à ces cinq objectifs doivent, au demeurant,

être en adéquation avec une politique d’intérêts globalement comprise. La sauvegardedes intérêts est « avant tout la fonction première et universelle, en un certain sens laraison d’être et le mobile inhérent de toute politique extérieure ». Cela signifie que,outre les intérêts économiques, il faut également définir – entre autres – quels sont les

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intérêts sur le plan de la politique de sécurité et d’environnement, sans oublier lasauvegarde durable de ces intérêts.

6 Les conflits entre les objectifs, donc les problèmes de cohérence, sont intégrés dans un

tel concept de politique extérieure qu’on ne peut en faire abstraction. Dans ce cadreune problématique surgit : par rapport à une utilisation efficace des ressources del’Etat, à une représentation aussi convaincante que possible vers l’extérieur et àl’explication de la politique extérieure à l’opinion publique, il importe que la cohérenceatteigne un degré élevé. Du fait du grand nombre d’intérêts divergents au sein d’unesociété pluraliste, une cohérence excessive n’est pas souhaitable, car elle traduit unehiérarchie des priorités qui relègue tel ou tel intérêt derrière les autres.

7 Du fait de cette exigence d’une politique extérieure cohérente, nos relations

extérieures ne peuvent pas être entièrement exemptes de contradictions. C’est plutôt laquestion suivante qui devient centrale : comment pouvons-nous obtenir les meilleursrésultats dans le cadre des cinq objectifs précités ? Comment et par quelles procéduresrègle-t-on politiquement les conflits entre objectifs ?

8 Deux stratégies se présentent en premier lieu, à savoir :

l’optimisation de l’utilité (par quelles mesures prises dans un domaine donné peut-on

obtenir le maximum d’effets positifs dans un autre domaine ?)

la minimisation des coûts (quelles sont les mesures prises dans un domaine qui ont le

minimum d’effets négatifs dans les autres ?)

Les différents niveaux de la cohérence

9 La notion de cohérence en matière de politique extérieure comporte de nombreuses

facettes et doit prendre en compte les problèmes réels, la réthorique politique, lessouhaits et les courants du moment.

10 Des questions se posent à différents niveaux et il est difficile de trancher pour savoir si

une décision doit être prise plutôt en faveur de la cohérence ou en faveur d’intérêtspeut-être tout aussi légitimes. A ce propos, voici en résumé quelques points deréflexion :

La cohérence dans le temps

11 Comment se situe une décision par rapport à des décisions comparables qui l’ont

précédée ? Y a-t-il une continuité par rapport à des décisions prises auparavant et, parconséquent, une cohérence ou bien est-ce une discontinuité qui entraîne donc uneincohérence ? Dans quelles conditions peut-on et doit-on renoncer à ce qui a étéjusqu’ici la pratique ?

12 Exemple : pendant de longues années, la Suisse a toujours cessé d’autoriser des

exportations de matériel de guerre à un pays donné, mais elle les interdit dorénavant.

Cohérence entre les affaires intérieures et les affaires extérieures

13 A-t-on les mêmes critères ou tout au moins les mêmes orientations ou les mêmes

impulsions politiques pour les affaires intérieures et les affaires extérieures ?

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14 Exemple : la Suisse connaît elle-même sur son territoire de sévères prescriptions en

matière de protection de l’environnement, mais apporte son soutien dans un autrepays, au moyen d’un crédit mixte, à la construction d’une usine qui nuitconsidérablement à l’environnement et qui n’obtiendrait pas d’autorisationd’exploitation dans notre pays. Ou encore : la Suisse s’engage pour des règles d’accès aumarché aussi libérales que possible, mais dispense de cette exigence certains secteursde sa propre économie.

Cohérence avec la politique extérieure d’autres pays

15 Dans quelles circonstances est-il sensé d’adopter des mesures politiques de la

communauté internationale, « de l’UE », « de l’Europe en général », « d’un grouped’Etats industriels » et dans quelles circonstances faut-il prendre des mesuresdifférentes ?

16 Exemple : la majorité des pays industriels se mettent d’accord sur une harmonisation

de leurs prescriptions en matière de contrôle des exportations. Dans quelle mesure lesdispositions spéciales prises par la Suisse dans ce domaine sont-elles sensées etréalistes ? La majorité des pays d’Europe occidentale fournit du matériel de guerre à unpays donné qui, au sens strict de la législation suisse, est à considérer comme une zonede tension. Quel sens peut avoir le fait que la Suisse applique une procédured’autorisation plus sévère ?

Cohérence entre les objectifs et les moyens

17 Existe-il une corrélation raisonnable entre les objectifs de politique extérieure et les

moyens (en hommes et en ressources financières) utilisés à cette fin ?

18 Exemple : la Suisse explique que l’atténuation des antagonismes Nord-Sud représentait

une priorité de sa politique extérieure, mais réduit pour des raisons de restrictionsbudgétaires les crédits accordés à cette activité. Le soutien des pays d’Europe de l’Est etd’Europe centrale est désigné comme une priorité de la politique européenne de laSuisse, mais cela n’empêche pas, là aussi, une réduction des crédits.

Cohérence entre les différents acteurs

19 Jusqu’à quel point existe-t-il une cohérence entre les acteurs de l’Etat et les acteurs du

secteur privé ?

20 Exemple : vu les tensions qui caractérisent les relations bilatérales avec un pays, la

Suisse refuse de donner son accord à un rééchelonnement plus favorable de sa detteextérieure ; dans le même temps, un groupe d’entreprises privées dirigées par desresponsables suisses conclut un contrat pour une commande se montant à plusieursmilliards.

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La cohérence par la procédure

21 La cohérence en matière de politique extérieure ne peut être améliorée – pour autant

qu’elle soit considérée comme une condition politique souhaitable – qu’au moyen d’uneprocédure ad hoc. Ce point appelle la remarque suivante :

le système de collégialité et la conception de sa procédure au niveau administratif (rapports

entre les départements) offrent sur le plan formel la plate-forme idéale d’une politique

cohérente. Les structures de décision actuelles garantissent que la quasi-totalité des

principales décisions puissent être discutées et adoptées à l’échelon gouvernemental. En

Suisse, l’ampleur de la cohérence est ainsi tout à fait directement une fonction de la volonté

politique d’être cohérent.

Si, dans cette procédure, des carences apparaissent, celles-ci peuvent être éliminées dans

une large mesure grâce à des mesures d’organisation à l’échelon du département.

Déterminer le nombre de personnes qui doivent être chargées au sein d’un département de

contrôler la cohérence dans l’élaboration des décisions du Conseil fédéral en matière de

politique extérieure est en fin de compte une simple question d’utilisation des ressources.

L’information exhaustive et fournie dans les délais au DFAE concernant toutes les activités

de politique extérieure significatives constitue au demeurant la base de tous les efforts

déployés pour réaliser au niveau administratif une politique extérieure cohérente.

En outre, les chances de pratiquer une politique extérieure aussi cohérente que possible sont

les plus grandes dans les domaines où sont définis des mécanismes de consultation

juridiquement valables, comme c’est par exemple le cas de la loi sur le matériel de guerre

qui garantit une prise en compte en temps utile des différents points de vue. Ces chances

sont d’autant plus restreintes si l’on prévoit uniquement des consultations entre divers

offices et départements.

Dans cette perspective, cela vaudrait la peine de vérifier (à l’instar des clauses générales

prévues dans l’ordonnance réglant les tâches liées au contrôle des demandes de crédit et

d’autres requêtes par l’administration financière, c’est-à-dire par le conseil et l’instruction

juridique du Département fédéral de justice et police), s’il ne faudrait pas prévoir un

contrôle de la compatibilité et un contrôle de la cohérence en matière de politique

extérieure plus rigoureux de la part du DFAE. Cela pourrait par exemple signifier que chaque

projet revêtant une importance sur le plan de la politique extérieure présenté au Conseil

fédéral devrait être assorti d’une prise de position quant à sa cohérence en matière de

politique extérieure. En ce qui concerne la cohérence qui pourrait être réalisée selon les

procédures suivies jusqu’ici ou, le cas échéant, encore améliorées, une évidence s’impose

aujourd’hui : de simples denial policies, autrement dit des interdictions décidées au nom de la

cohérence ne sont valables que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque la Suisse

adhère aux sanctions de la communauté des Etats contre un pays qui viole le droit ou

lorsque du matériel de guerre risque d’être livré dans des zones où règnent visiblement des

tensions.

22 On devrait rechercher beaucoup plus souvent des « mesures positives ». Un dialogue

entre les acteurs en Suisse qui défendent des intérêts différents devrait offrir à moyenet à long terme la meilleure garantie pour trouver un train de mesure qui sera mieuxaccepté sur le plan intérieur et plus cohérent sur le plan de la politique extérieure.Faute de quoi nous devrons sans cesse nous reposer cette question : pourquoi reste-t-il,malgré toutes les procédures et les contrôles de cohérence, autant d’incohérence ?

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AUTEUR

PETER MAURER

Direction politique, DFAE

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Pour une politique suisse pluscohérente envers les pays du SudQuelques réflexion critiques à partir du cas de l’Indonésie

Jean-Luc Maurer

1 L’Indonésie est une excellente étude de cas pour mener une réflexion sur la cohérence

de la politique extérieure de la Suisse à l’égard des pays du Sud. Tout d’abord, c’est – derrière la Chine et l’Inde – le troisième plus grand des pays en développement de laplanète et il est le seul en Asie du Sud-Est sur lequel la Confédération a décidé depuis ledébut des années 70 de concentrer son aide publique. De plus, c’est un pays qui resteraencore longtemps confronté à de graves problèmes de développement, mais quicommence à émerger comme partenaire économique et commercial significatif sur lascène régionale et internationale, et où les intérêts privés helvétiques sont anciens etnon négligeables. Finalement, c’est un pays dont la politique de développement a donnéde remarquables résultats économiques et sociaux, mais qui est aussi caractérisé par unrégime autoritaire ayant une conception très particulière du respect des droits del’homme et où la pression exercée sur les ressources naturelles pose de gravesproblèmes d’environnement. Bref, c’est donc à priori un partenaire idéal pour penser etessayer de mettre en œuvre une politique extérieure plus cohérente. Avant d’examinerce que devraient être les principaux objectifs et ce qui pourrait constituer lemécanisme central d’une telle politique, passons en revue les quatre niveaux decontradictions possibles en termes de cohérence.

Les relations Suisse-Indonésie : quatre niveauxd’analyse possibles

Coopération au développement et développement économique

2 La Suisse a été très active dans le développement de l’Indonésie depuis le début des

années 70, quand le nouveau gouvernement issu des événements politiques sanglantsde 1965-66 a fait appel à l’aide occidentale pour financer le relèvement économique de

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l’archipel et que ce dernier est devenu le pays de concentration de la DDA en Asie duSud-Est. En dehors du fait qu’elle fait partie du consortium d’aide à l’Indonésie (IGGIdevenu CGI) et contribue chaque année au financement multilatéral de sondéveloppement, la Suisse a réalisé en 25 ans un programme de coopération bilatéralcertes modeste, mais bien conçu et apprécié du partenaire indonésien pour son espritet sa qualité. Ce programme a mis l’accent sur la formation technique professionnelleet l’amélioration des conditions de vie des populations défavorisées, plutôt en milieuurbain à Java et largement en milieu rural dans les autres îles.

3 Sans entrer ici dans les détails1, l’Indonésie a fait pendant ce quart de siècle des progrès

immenses au niveau de son développement. Considérée par certains au début desannées 60 comme le cas de sous-développement le plus flagrant de la planète, elleapparaît aujourd’hui à beaucoup comme l’un des prochains NPI d’Asie. Ce succèsfulgurant est tout d’abord le fruit d’une politique de développement pragmatique etjudicieuse de la part du gouvernement indonésien, qui a su établir les bonnes prioritéset réaliser les investissements nécessaires. Mais il doit aussi beaucoup au soutien quecette politique a obtenue de l’extérieur de la part de la Banque mondiale, du Japon etdes pays occidentaux regroupés au sein de l’IGGI. Dans ce cadre, le rôle de la Suisse,bien que limité, n’a pas été négligeable. En d’autres termes, nous avons contribué à laréalisation d’une « histoire de développement à succès » dans un grand pays du Sud. Lecas est suffisamment rare depuis le début des indépendances dans le Tiers Monde pourêtre souligné avec force. On devrait d’ailleurs s’en féliciter ouvertement et le fairesavoir beaucoup plus largement auprès d’une opinion publique que les media ont plutôttendance à sensibiliser sur l’échec de la coopération internationale en Afrique.

4 Au cours de ce processus de développement, le PNB indonésien par tête a été multiplié

par plus de onze, passant de US$ 60 en 1969 à 670 en 1992. Le bond en avant est certesimpressionnant, mais le résultat atteint est encore bien modeste puisque l’Indonésieest, selon la Banque mondiale, tout juste à la limite entre les économies à faible revenuet à revenu intermédiaire, au même niveau que des pays dont on pourrait à prioripenser qu’ils sont nettement moins développés qu’elle comme l’Egypte, la Côte d’Ivoireou la Bolivie, et largement en dessous du Pérou par exemple, qui atteignait déjàquasiment la barre des US$ 1 000 en 1992. C’est pourtant bien en prétextant du fait quel’Indonésie s’était fortement développée depuis vingt ans et ne correspondait plus auxprincipaux critères de la Loi sur la coopération au développement de 1976 – précisantque notre APD doit se concentrer sur les pays, les régions ou les groupes de populationles plus pauvres – que la DDA a décidé de se retirer de ce pays à l’horizon 2000. Or, selonles sources les plus sérieuses, 15 à 20 % de la population indonésienne, soit 30 à35 millions de personnes, vivent encore en dessous de la ligne de pauvreté absolue, laplupart d’entre eux à Java, l’île la plus développée mais aussi la plus peuplée del’archipel. Ce seul chiffre parle de lui-même.

5 En partant de cette analyse toute simple, et puisque ce dossier de l’ASTM a pour objet la

réflexion sur la cohérence de notre politique extérieure, qu’il nous soit permis de direque cette décision de retrait ne nous semble pas en avoir constitué la meilleuredémonstration. Elle a d’ailleurs été prise sans grande consultation ni débat, presque encatimini, avec une hâte un peu honteuse. C’est fort dommage, car si la réflexion sur lacohérence que nous prônons depuis des années à propos de l’Indonésie avait eu lieudans la concertation, elle aurait peut-être débouché sur une décision différente quioffrirait aujourd’hui un éventail de possibilités plus large pour notre politique

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extérieure à l’égard de cette importante puissance régionale d’Asie. Par ailleurs, mêmesi la décision de se retirer avait au bout du compte primé, la transmission du relais àd’autres partenaires nationaux aurait pu se faire dans de meilleures conditions quecelles qui consistent à laisser tomber le témoin en espérant qu’il va être ramassé. Enfin,même si un tel processus de consultation avait débouché sur une décision de retrait, ilaurait été possible de faire savoir haut et fort à l’opinion publique suisse que la DDA seretirait d’Indonésie pour cause de succès probant en matière de développement etqu’elle passait à ce stade le relais à d’autres acteurs nationaux plus directementconcernés.

Coopération au développement et relations économiques

extérieures

6 Depuis vingt ans, en se développant, l’Indonésie est aussi devenue un partenaire

commercial et économique de plus en plus important pour la Suisse. Certes, les grandesentreprises multinationales helvétiques comme Nestlé, Ciba Geigy, Diethelm ou la SGS ysont implantées depuis longtemps, conscientes de l’énorme potentiel de l’économieindonésienne et d’un marché domestique de bientôt 200 millions d’habitants. Toutefois,surtout depuis la libéralisation économique des dix dernières années, les échanges etles investissements entre les deux pays se sont accrus. L’Indonésie en arrive à un stadede son développement industriel où elle a besoin de passer les paliers technologiquesqu’ont franchis avant elle la Corée du Sud, Taiwan, Hong Kong, Singapour ou laThaïlande et la Malaisie. C’est à ce stade que le savoir-faire de nombreuses petites etmoyennes industries helvétiques devrait pouvoir lui être le plus utile. Nos entreprisesde services sont aussi assez bien placées en la matière, tant dans le domaine desbanques et des assurances que de l’hôtellerie et du tourisme. Les perspectiveséconomiques sont donc à priori plutôt bonnes, pour autant que ces entreprises soientprêtes à prendre des risques. Il semble que se soit malheureusement là une autre pairede manches. En tous les cas, les milieux d’affaires de la plupart des autres paysindustrialisés ont bien compris les enjeux et sont en moyenne plus actifs que les nôtressur ce marché porteur.

7 D’un autre côté, l’Indonésie restera encore pour longtemps un pays en développement,

avec ses classiques problèmes économiques et sociaux. De ce fait, elle demeurerapendant une bonne partie de la première moitié du siècle prochain éligible au titre del’aide publique au développement du Japon, son premier partenaire économique etbailleur de fonds, ainsi que de la plupart des grands pays occidentaux qui y sont trèsimpliqués comme l’Allemagne, l’Australie ou les Etats-Unis. La majorité de ces dernierscontinueront donc à mener vis-à-vis de l’Indonésie une politique extérieurecorrespondant à la nature « dualiste » de ce pays, à la fois récipiendaire de ressourcesprovenant de la coopération au développement et partenaire économique etcommercial à part entière. C’est la seule politique judicieuse à suivre vis-à-vis de telspays en développement, se situant dans une phase de transition entre une économieencore largement traditionnelle et la société industrielle de consommation.

8 Le problème est que notre système administratif fédéral est peu propice à ce genre de

politique. La coopération au développement est l’affaire du DFAE et de la DDA alors queles relations économiques et commerciales sont celle du DFEP et de l’OFAEE. Enconséquence, soit un pays est pauvre comme le Népal, et la DDA en a l’exclusivité, soit il

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est devenu plus aisé comme la Corée et il tombe sous la coupe de l’OFAEE. Bref, c’estplutôt le règne du « ou bien – ou bien » typiquement helvétique que celui d’unepolitique plus subtile et nuancée que nécessiteraient la plupart des situations. Or, entrele « trade not aid » des émules de l’ultralibéralisme et le « aid without trade » decertains intégristes de la coopération, il y a un juste milieu à trouver, en particulierpour des pays en transition de ce type. Ce qui est peut-être valable pour le Niger ou leNépal ne l’est en tout cas pas du tout pour l’Indonésie, et bientôt probablement pluspour l’Inde et le Pakistan, les deux principaux pays de concentration de la DDA dans lesous-continent.

9 Par ailleurs, la collaboration entre la DDA et l’OFAEE n’a jamais été très étroite ni même

vraiment bonne. Il y a plus de rivalité et de méfiance entre les fonctionnaires des deuxadministrations que de volonté de collaborer à l’élaboration d’une politique cohérenteconcertée. C’est là que réside notre contradiction majeure. A-t-on réellement la volontéet la capacité d’élaborer une politique économique extérieure cohérente avec les paysdu Sud – notamment ceux de nature « dualiste » comme l’Indonésie – qui permette à lafois de continuer à mener des activités de coopération publique au développement etd’augmenter le volume des relations commerciales et des investissements privés ?Comment faire, maintenant que la décision d’interrompre le programme decoopération en Indonésie a été prise, pour rattraper ce qui peut encore l’être en lamatière ? Le rythme très rapide du désengagement ne facilite en tous les cas pas leschoses. Sans vouloir trop insister, il nous semble que l’on a quand même déjà largementraté là l’occasion de mettre sur pied une politique vraiment cohérente à l’égard d’unpays du Sud, alors que le cas de l’Indonésie eut une nouvelle fois été idéal pour le faire.

Développement économique et démocratisation du système

politique

10 En dehors d’un développement trop rapide qui lui pose paradoxalement le genre de

problèmes susmentionnés, l’autre difficulté majeure à laquelle l’Indonésie a toujours euà faire face en Suisse, et dans beaucoup d’autres pays occidentaux, est liée à la natureautoritaire et répressive du régime militaro-technocrate issu des terribles événementssanglants de 1965-66. S’il a indubitablement sorti le pays du marasme économique et dela spirale de la paupérisation dans lesquels il était plongé, l’Ordre Nouveau duGénéral Suharto qui règne à Jakarta depuis lors est en effet loin de respecter les règlesdémocratiques les plus élémentaires.

11 Le problème le plus grave est lié à l’annexion du Timor Oriental en 1975 et de la

répression politique qui y règne depuis, malgré les efforts louables de développementéconomique qui y sont fait. Mais le cas n’est pas unique et on trouve des problèmes derépression systématique du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ailleurs dansl’archipel. Par ailleurs, les libertés syndicales sont encore largement foulées au pied : lesyndicat officiel est à la botte du pouvoir et les velléités d’expression autonome moinscomplaisante sont violemment réprimées, ainsi que le démontrent certains événementsrécents des plus tragiques. Enfin la liberté d’expression et de la presse sont étroitementcontrôlées, les incessants problèmes auxquels ont à faire face les associationsd’étudiants ou la fermeture récente de trois des principaux hebdomadaires nationauxétant là pour le prouver. En bref, l’Ordre Nouveau indonésien est une démocratiedirigée et partielle, qui respecte rituellement les apparences de la consultation

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électorale quinquennale, mais qui est menée avec une réelle main de fer, même si legant reste de velours.

12 Bien que ces aspects n’aient apparemment pas joué de rôle formel dans la décision de la

DDA d’interrompre son programme d’ici l’an 2000, il est certain que l’image del’Indonésie n’a jamais été bonne auprès de l’opinion publique occidentale, surtout aprèsles événements sanglants de fin 1991 à Timor. Cela se comprend aisément. Toutefois nepeut-on pas aussi voir le problème sous un autre angle ? A notre connaissance, jamaisni nulle part la démocratie n’a précédé le développement. Sans remonter à l’Antiquité,les peuples se sont d’abord occupés d’avoir « le ventre plein » avant de revendiquer deslibertés moins matérielles. L’histoire européenne depuis le Moyen Age le démontreamplement. Plus récemment, ce sont aussi des régimes autoritaires et plutôt répressifstrès semblables à celui de l’Indonésie du Général Suharto qui ont permis le fulgurantdéveloppement de la Corée du Sud ou de Taiwan. Ce processus de développement adonné naissance à de nouveaux acteurs sociaux, une classe ouvrière de plus en plusconsciente de sa force qui s’est organisée, et une classe moyenne n’acceptant plusd’être laissée à l’écart du pouvoir politique. Depuis quelques années, ces régimesautoritaires ont commencé à se démocratiser et doivent faire face à des revendicationscroissantes pour plus de libertés individuelles et collectives.

13 De fait, les régimes autoritaires développeurs sont toujours victimes de leur propre

succès. L’Indonésie ne fait pas exception à la règle, mais avec le temps de décalage quiest lié à son niveau de développement plus bas. La classe ouvrière a commencé às’organiser et la classe moyenne à revendiquer. Il faut aussi dire à la décharge del’Indonésie, le plus grand pays musulman du monde, qu’il y règne une libertéconfessionnelle, un respect de la diversité culturelle et une tolérance générale quideviennent de plus en plus rares, tant dans les pays en développement du Sud que dansles pays du Nord que l’on pensait être développés. Est-il besoin à cet égard de rappelerle cas de la Yougoslavie ? La poursuite du développement ne peut que contribuer àl’accélération de ce processus. Ainsi, plutôt que de faire au gouvernement indonésienune morale hypocrite d’inspiration judéo-chrétienne sur les droits de l’homme et ladémocratie – attitude largement déplacée compte tenu des performances discutablesde l’Occident en la matière et fort mal reçue étant donné l’expérience historiquetraumatisante vécue du temps de la colonisation –, ne vaudrait-il pas mieux continuer àsoutenir un processus de développement qui a toutes les chances de produirerapidement les effets sociaux et politiques escomptés ?

14 Par ailleurs, on peut aussi se dire que ce n’est pas en partant et en s’abstenant que l’on

a le plus de chances de pouvoir peser sur les orientations politiques d’ungouvernement. Au contraire, c’est seulement en s’impliquant plus au niveau de sondéveloppement et en ayant des exigences croissantes en tant que partenaire à partentière que l’on peut approfondir le dialogue. Ce dernier ne peut en effet se fonder quesur des relations de confiance. Or la confiance ne se gagne pas en un jour. Toutel’énergie dépensée depuis vingt-cinq ans en Indonésie pour établir une telle relation,mieux connaître ce pays complexe et apprendre à travailler avec un partenaire difficileest largement hypothéquée par la décision d’un retrait si précipité. Il nous faudramaintenant partir de zéro avec un autre pays de concentration en Asie du Sud-Est, leVietnam, où presque tout le monde se précipite d’ailleurs en même temps. Il s’agitcertes d’un pays dont les besoins sont immenses mais sur lequel le niveau deconnaissances accumulées en Suisse est encore bien faible, où les problèmes

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économiques et sociaux sont à peu près de même nature qu’en Indonésie, où le régimepolitique est au moins aussi autoritaire, où la corruption n’est guère moins répandue etoù la situation des droits de l’homme n’est en tous les cas pas plus brillante.

Développement économique rapide et atteintes à l’environnement

15 Si l’on considère que les problèmes d’environnement découlent largement de la

surpopulation, il faut également reconnaître au régime indonésien de grands méritesdans ce domaine. La politique de limitation des naissances qu’il a mise en place depuisune vingtaine d’années a en effet montré des résultats très encourageants, puisque letaux de croissance naturelle est tombé sous la barre des 2 %. En revanche de nombreuxautres problèmes d’environnement se posent. Le plus grave est celui de la déforestationgalopante des forêts tropicales de Bornéo et d’autres îles. Toutefois, là aussi, la solutionn’est pas dans un discours moralisateur sur la gestion rationnelle des ressourcesforestières en tant que patrimoine commun de l’humanité. L’Occident est mal venupour venir faire la morale à ce sujet, après avoir dévasté la planète et exterminé lespeuples indigènes quel que soit l’endroit où il s’est rendu pour y imposer sadomination. La solution réside plutôt dans le soutien à apporter à la formation d’uneconscience environnementale indonésienne qui émerge face aux abus d’undéveloppement trop axé sur le profit économique immédiat et les valeurs purementmatérielles. D’autres problèmes d’environnement substantiels se posent au niveau de lagestion de l’eau, de l’usage abusif des pesticides, de l’extraction minière ou de la pêchehauturière. On ne pourrait cependant pas mieux contribuer à leur résolution qu’ensoutenant les ONG locales les plus actives dans ce secteur.

Priorisation des objectifs et recherche d’une meilleurecohérence

Objectif central : soutenir le processus de développement

indonésien

16 L’objectif global de la politique extérieure suisse à l’égard de l’Indonésie devrait

logiquement être que le niveau de vie de la population continue à augmenter, que ladémocratisation du système politique progresse et que les problèmes d’environnementtrouvent leurs solutions. Pour ce faire, il faut que le pays poursuive son développement,en diversifiant son économie et en accélérant son industrialisation, afin de créer desemplois et de pouvoir absorber les énormes cohortes de jeunes arrivant sur le marchédu travail chaque année. A cet effet, il a besoin de former un nombre croissant dejeunes Indonésiens qualifiés pour le marché du travail. Cela signifie que les champs del’éducation et de la formation professionnelle – dans lesquels la Coopération suisse audéveloppement s’est fortement impliquée depuis 25 ans – restent prioritaires. Or, lapoursuite d’un appui extérieur octroyé au titre de l’aide publique au développementdemeure vraisemblablement nécessaire à ce stade pour que les réformes importantesentreprises soient réellement menées à leur terme. C’est bien ce qu’a compris un payscomme l’Allemagne, qui a décidé de mettre dans la balance tout son poids et sa longueexpérience dans ce secteur.

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17 La priorité reste donc à l’amélioration de la situation économique, condition de base

pour continuer à faire diminuer la croissance démographique, à améliorer le niveau devie général de la population et à réduire les écarts de revenus entre les catégoriessociales, à favoriser l’émergence des nouveaux acteurs sociaux qui exerceront despressions croissantes pour une plus grande démocratisation du système politique. Brefil faut continuer à aider ce pays à se développer économiquement car c’est le seulmoyen pour que les autres problèmes évoqués plus haut au niveau social et politiquetrouvent progressivement une solution.

18 En conséquence, et au titre de la cohérence de sa politique extérieure, il serait logique

que la Suisse continue à soutenir le développement économique de l’Indonésie, tant àtravers son aide publique que par l’intensification de ses échanges commerciaux avecce pays et de ses investissements privés sur place. Idéalement, cela impliquerait que ladécision de mettre un terme au programme de coopération avec l’Indonésie d’icil’an 2000 soit réexaminée et que le rythme du désengagement soit au moins revu à labaisse. Il serait alors certainement plus facile de mettre en place et de rôder lesmécanismes de collaboration à même d’assurer que la DDA puisse passer le témoin desrelations économiques bilatérales à d’autres acteurs nationaux publics comme l’OFAEEou l’OSEC et à des acteurs privés comme la nouvelle chambre de commerce Suisse-Asiedu Sud-Est ou les associations professionnelles des branches industrielles concernéesainsi que les organisations non gouvernementales ou confessionnelles qui souhaitentcontinuer à participer directement au développement économique et social indonésien.Cela dit, les échéances très rapprochées qui ont été fixées pour le désengagementpeuvent aussi constituer un facteur positif, en obligeant les acteurs concernés à agirrapidement sous la contrainte. Quoi qu’il en soit, tout cela implique aussi que,parallèlement, les sphères privées helvétiques, en particulier les PME, sortent de leurréserve et s’intéressent plus activement à l’énorme potentiel de ce vaste pays.

19 D’un autre côté, cela ne devrait pas remettre en cause la décision prise par la DDA de

développer progressivement un programme de coopération avec le Vietnam commenouveau pays de concentration en Asie du Sud-Est. En fait, un désengagementprogressif et sensiblement plus lent que prévu en Indonésie pourrait être couplé avec lamontée en puissance du Vietnam. Or, ¡I faudra bien 10 à 15 ans pour développer unprogramme de coopération avec le Vietnam comparable à celui qui a été mis sur piedavec l’Indonésie. En tout premier lieu, il faudra d’abord faire ce qui est nécessaire pourformer en Suisse un pool de compétences comparable à celui dont nous disposons surl’Indonésie, indispensable pour travailler efficacement dans ce nouveau pays.Par ailleurs, si le Vietnam se développe au rythme où il prétend le faire, il n’est pasimpossible qu’il atteigne un niveau de développement comparable à celui de l’Indonésied’aujourd’hui avant que le programme de la DDA n’y soit vraiment significatif. C’est laraison pour laquelle il faudrait mettre en place d’entrée de jeu les mécanismes decoordination à l’échelle nationale qui permettront de s’en retirer dans de meilleuresconditions que cela ne risque d’être le cas en Indonésie, quand ce pays aura lui aussiatteint, et peut-être plus vite que prévu, un niveau de développement qui le rendrainéligible au titre de l’APD suisse.

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Favoriser la cohérence à travers la coordination triangulaire

20 Il est certain que la Loi sur la Coopération au développement de 1976 n’est à priori pas

très adaptée à l’élaboration de politiques extérieures cohérentes vis-à-vis de pays endéveloppement engagés dans une transition économique comme l’Indonésie. Toutefois,il faut éviter dans le contexte actuel de la remettre en question et même de l’amender.Le danger est trop grand « d’ouvrir la boîte de Pandore ». En revanche il estindispensable d’élaborer les critères qui permettent d’avoir, au niveau des modalitésd’application de la loi, une interprétation beaucoup plus flexible en fonction du type depays en développement concerné.

21 Plus fondamentalement, il nous semble que la base de toute politique cohérente future

avec l’Indonésie, ou tout autre pays en développement entrant dans la même catégorie,passe par la mise en place de mécanismes de coordination et de collaboration entrel’administration publique, les milieux de l’économie privée et le monde universitaire.Pour l’instant, la situation à cet égard est particulièrement malsaine en Suisse. En effet,l’administration publique travaille de son côté, sans beaucoup de relations avec lesecteur privé et les universités : le secteur privé regarde habituellement de hautl’administration publique et le monde universitaire alors que ce dernier est à la foisfrustré de ne pas être consulté et largement incapable de sortir de sa tour d’ivoire et dese remettre en cause de manière tant soit peu sérieuse. Face à cela, il s’agit en faitd’établir entre ces trois pôles la fameuse « triangulation » que certains pays pratiquentdéjà depuis longtemps, le Japon avec un art consommé et inégalé, d’autres comme lesUSA ou la RFA en tous cas mieux que la Suisse.

22 Tout d’abord, avant que la coordination puisse se faire entre les trois partenaires

concernés, il est nécessaire que chacun d’eux se renforce. Du côté de l’administrationpublique, un travail essentiel doit ainsi être fait entre la DDA et l’OFAEE qui doiventapprendre à mieux se connaître et à travailler ensemble. D’autres offices fédéraux sontégalement concernés. Du côté des milieux de l’industrie privée, il est indispensable queles grandes entreprises intensifient leurs relations avec les PME dans chaque branched’activité et jouent un rôle de parrainage à leur égard. Il est par ailleurs également vitalque le patronat associe beaucoup plus les syndicats à l’élaboration des politiquesindustrielles vis-à-vis des pays du Sud. Il faut enfin que les ONG apprennentàcollaborer, plutôt que de s’ignorer ou d’être en perpétuelle compétition. Du coté dumonde universitaire, les différents centres d’excellence du pays devraient apprendre àjouer sur leurs complémentarités et à partager leurs expériences. Cela étant fait, ilfaudrait alors que les trois pôles du triangle établissent des inter-relations et lesrenforcent. Ainsi l’administration publique doit s’habituer à travailler plus étroitementavec les milieux de l’industrie privée et ces derniers à la dénigrer un peu moins, alorsque le monde universitaire doit apprendre à mieux collaborer avec ces deuxpartenaires, en développant avec eux des relations plus amples. Tout cela impliquedonc que les trois acteurs concernés soient prêts à se remettre en question et fassentpreuve d’esprit de conciliation.

23 Le processus de triangulation susmentionné est complexe et prendra du temps. Afin

d’aller de l’avant sans tarder, la meilleure chose est d’apprendre en pratiquant. Le casde l’Indonésie se prête bien à un tel exercice. On pourrait donc imaginer par exempleun première expérience de triangulation qui se manifesterait par la mise en place d’unecommission nationale tripartite sur l’Indonésie. Elle serait chargée d’examiner tous les

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éléments de politique émanant des trois partenaires, d’en assurer la coordination etd’en éliminer les contradictions majeures afin d’établir un programme intégré etharmonieux qui permette à la Suisse de mener une politique extérieure cohérente àl’égard de ce pays. Le même exercice devrait être fait pour tous les grands pays endéveloppement de nature comparable avec lesquels la Suisse entretient des relations decoopération, des échanges commerciaux et des collaborations universitaires. En plus del’Indonésie, on pense en tout premier lieu à la Chine, à l’Inde, au Pakistan et au Vietnamen Asie, au Brésil, au Mexique, au Chili, à l’Argentine et au Pérou pour l’Amériquelatine, ainsi qu’à l’Afrique du Sud. Quand chacune de ces commissions nationalestripartites fonctionnera et aura acquis un minimum d’expérience, on pourra alorspenser à établir une commission mixte tripartite pour chaque pays, comprenantégalement des représentants des trois partenaires du côté du pays du Sud.

***

24 Commençons toutefois par le commencement, c’est-à-dire par l’Indonésie. Le moment

est bien choisi pour le faire et peut-être pourrons-nous élaborer ainsi une politiqueextérieure plus cohérente par laquelle la DDA passera progressivement le témoin àl’OFAEE, aux ONG, à l’économie privée et aux universités concernées d’ici la fin dusiècle. Formons donc cette commission nationale tripartite sur l’Indonésie sans tarder.Ensuite, tâchons de faire tout de suite de même pour le Vietnam, afin de partir d’unmeilleur pied dans la coopération qui s’esquisse avec ce pays.

NOTES

1. Voir à ce sujet le chapitre de l’auteur sur le développement économique, social et politique de

l’Indonésie dans l’ouvrage de G. Etienne, J.-L. Maurer et C. Renaudin, Suisse-Asie, pour un nouveau

partenariat, Genève, Editions Olizane et CRAM (IUHEI/IUED), 1992, pp. 83-128.

AUTEUR

JEAN-LUC MAURER

Professeur, Directeur de l’IUED, Genève

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Cohérence et cohésion dans lacoopération au développementGünther Baechler

Les problèmes de la cohérence dans les relations de laSuisse avec l’Indonésie

1 Le Conseil fédéral a déterminé cinq objectifs de politique extérieure qui sont non

seulement l’expression normative d’une prise en compte cohérente des intérêts de laSuisse mais qui doivent permettre d’obtenir dans le pays concerné autant que possiblel’effet escompté : paix et sécurité, droits de l’homme, assistance sociale, élimination desdiscriminations sociales, sauvegarde des bases naturelles de l’existence.

2 Il existe fondamentalement deux méthodes différentes pour mesurer la cohérence

d’une politique. D’une part, on mesure la cohérence chez l’instigateur de cettepolitique, par exemple, en réunissant les divers groupes d’intérêt, afin d’obtenir lemeilleur équilibre possible entre les cinq objectifs, entre les différents intérêts, ainsiqu’entre les cinq objectifs et intérêts. D’autre part, on mesure la cohérence chez lebénéficiaire de cette politique, en essayant d’établir si cette politique a atteint ou non lebut escompté. Dans l’article ci-après, j’aimerais me concentrer sur le bénéficiaire.

3 Si l’on voulait mesurer la cohérence d’une politique aux effets concrets qu’elle entraîne

chez le bénéficiaire, on pourrait choisir comme indicateur la cohésion socio-culturelle.J’entends par là (à l’instar de Verena Tobler Müller) la cohésion interne d’une culture,l’intégration fonctionnelle et l’interpénétration de la technologie et de l’organisationsociale, sans oublier un gouvernement et une administration légitimés et acceptés. Jepars de l’hypothèse selon laquelle une cohésion relativement élevée qui prévaut dansune société permet la réalisation des cinq objectifs du Conseil fédéral. A l’inverse : si lacohésion est faible, les conflits politiques se développant dans les domaines concernéspar les cinq objectifs sont plus nombreux et plus exacerbés dans une société.

4 Question force de cohésion, on peut dire que celle de l’Indonésie est en déclin. Le pays

est en effet traversé par de nombreux conflits qui menacent aussi bien l’intégration

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sociale que l’intégration politique (de l’État). De ce fait, la cohérence politique du côtéde la Suisse (et d’autres partenaires) s’en trouve altérée et pourrait même devenirdépassée à l’avenir. Pour n’en citer que quelques-uns :

le fossé grandissant entre le clan de Suharto et une couche moyenne de la population qui ne

cesse de croître sur le plan numérique ;

les lignes de scission à l’intérieur de l’élite qui ne feront que s’approfondir au fur et à mesure

que l’échéance d’un changement de pouvoir se rapprochera ;

la structure dualiste de la société indonésienne qui se reflète dans l’antagonisme croissant

entre la ville et la campagne, la métropole et la périphérie ;

l’oppression violente de l’indépendance d’Irian Jaya (et de l’OPM) ;

le combat contre le Front de libération nationale Aceh Sumatra ;

le déplacement de la population dans le cadre du programme de transmigration ;

la répression de toute opposition politique depuis les massacres du début des années

soixante ;

les antagonismes socio-économiques qui caractérisent le secteur moderne et qui conduisent

à une agitation croissante dans le monde du travail ;

l’abandon d’une agriculture solide et durable comme base de développement pour

l’ensemble du pays et surtout

la crise de l’agriculture vivrière qui contribue à la marginalisation d’au moins un cinquième

de la société indonésienne.

5 Du fait de la stabilité relative du régime et de sa supériorité militaire par rapport aux

mouvements de libération, les conflits sont contenus ; cela ne veut toutefois pas direque l’on en ait supprimé le germe. La structure dualiste de l’Indonésie favoriseunilatéralement le secteur moderne au détriment du secteur traditionnel, le secteuragricole. On observe à cet égard deux phénomènes : une « marginalisation de lapauvreté » (20-27 % de la population) aux zones périphériques de l’Indonésie et auxnombreux « secteurs nationaux sacrifiés » (industrie minière, Mine Ok-Tedi,déboisement, etc.). Malgré l’assimilation forcée appliquée à l’est de l’île de Timor et àl’Irian Jaya – et qui entraîne des investissements considérables dans le systèmeéducatif – l’unité ethnique, religieuse, socioculturelle et linguistique demeure un leurresur cet archipel. A cela s’ajoute le fait que les deux conflits mentionnés – qui secaractérisent par leur asymétrie – sont de longue haleine, douloureux et coûtent unefortune. Le programme de transmigration envenime dans une large mesure les conflitsentre le gouvernement central et les populations des différentes îles – notamment dansl’ouest de l’Irian.

6 La répression de toute opposition politique souligne le fait que l’amélioration des

conditions socio-économiques des 20 dernières années s’explique davantage par lemaintien d’une « dictature du développement » que sur la démocratie et un régime de« Good Governance ». Les confrontations sociales qui agitent le secteur moderne sontau demeurant les signes d’une inadéquation croissante du style de pouvoir actuel. Lesexigences de participation ne peuvent être satisfaites, tandis que les chancesd’élévation sociale sont, elles aussi, relativement réduites à cause de la carence enemplois salariés et d’une formation professionnelle insuffisante. Dans le WorldDevelopment de la Banque Mondiale, l’Indonésie figure encore aujourd’hui comme Low

Income Economy.

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Dissolution des contradictions et des mécanismesactuels

7 Une politique extérieure cohérente doit contribuer à atténuer les conflits et à stimuler

la force de cohésion. Des mesures positives – comparables aux délégations de pouvoirdans le cadre national – doivent viser à favoriser la suppression des antagonismessociaux et régionaux et à rendre plus perméables les frontières entre les deux secteurs.Il faudra en particulier que l’on mesure la cohérence de la politique à la valeur qu’elleaccordera au développement de l’agriculture. Si l’on peut partir de l’hypothèse selonlaquelle, dans les pays en développement – mais aussi dans les pays limitrophes et ceuxdu tigre Sud-Est asiatique – la majorité des gens vivent à la campagne, il faudra doncaccorder une plus grande attention à ce secteur. On sait parfaitement aujourd’hui quele mépris du secteur agricole constitue l’un des principaux facteurs susceptibles deprovoquer, à long terme, une crise du développement. Les conséquences de la crise sontde plus en plus souvent illustrées par les problèmes écologiques qui accentuent pourleur part la crise sociale et entravent, de surcroît, la transition démographique à descontingents de population stables. Tôt ou tard, une crise qui se développesimultanément à plusieurs niveaux – social, écologique et démographique – finira partoucher également le secteur moderne. Une politique offensive de modernisation nesuffit pas à elle seule pour résoudre ces problèmes, pour ainsi dire, « à la remorque ».

8 Pour les investisseurs privés de l’étranger, cet ensemble de problèmes constitue un

grave défi. Certes, cela n’empêche pas de faire des bénéfices à court et à moyen termeet les entreprises étrangères peuvent de nouveau se retirer lorsque les crises prennentde l’ampleur – comme c’est actuellement le cas au Nigéria. Mais est-ce bien là unepolitique cohérente ?

Analyse de « compatibilité avec la paix » commeinstrument d’une politique cohérente

9 Une politique qui ne mise que sur le secteur moderne et favorise une évolution

unilatérale et fortement centralisée ne peut guère être qualifiée de « cohérente ». D’oùla nécessité pour, en particulier, l’administration et l’industrie privée de s’entendreavec les syndicats, les associations d’entraide et les groupes luttant pour les droits del’homme sur ce qui favorise la cohésion et sur ce qui la remet en cause.

10 Une « analyse de compatibilité avec la paix » de sa propre manière d’agir qui devrait

être effectuée à travers le dialogue avec les différents acteurs et qui tienne compte desdomaines de conflit susmentionnés pourrait être l’instrument permettant de mettre encorrélation les efforts de cohérence de l’instigateur de cette politique avec les efforts decohésion de son bénéficiaire. Il faudra en outre réfléchir, dans le cadre d’une autreétude, aux indicateurs et mécanismes que doit comporter un tel examen de lacompatibilité d’une politique cohérente avec la paix.

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AUTEUR

GÜNTHER BAECHLER

Fondation suisse pour la paix

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Image directrice Nord-Sud : lacohérence à l’exemple del’IndonésieViolette Ruppanner et Matthias Meyer

1 Pour tester dans un cas concret les nouvelles lignes directrices de la Confédération1

pour une politique de développement des années 90, l’Indonésie est un bon exemple.Elle fait partie des pays en développement avec lesquels la Suisse réalisetraditionnellement un excédent de sa balance commerciale et qui, de ce fait, contribueà une compensation du déficit de la balance commerciale avec les Etats de l’OCDE. Cetexcédent dépasse de loin les prestations bilatérales d’aide au développement offerteschaque année par la Suisse à l’Indonésie. Par ailleurs, l’Indonésie fait régulièrementparler d’elle – en mal – dans la presse ; que l’on songe par exemple à la répressionsanglante du mouvement de libération de l’est de l’île de Timor en 1991 ou à lafermeture récente de trois grands hebdomadaires indonésiens, pour ne citer que lesévénements dont la presse occidentale s’est fait l’écho.

2 Dans cette étude, nous aimerions répondre aux interrogations de notre colloque. Dans

une première partie, nous tenterons donc d’analyser un certain nombre decontradictions réelles ou potentielles qui tiennent particulièrement à cœur auxgestionnaires de fonds publics d’aide au développement que nous sommes… Ensuite,nous nous pencherons sur la question de savoir où et comment l’image directrice peutêtre mise en pratique. En conclusion, nous nous exprimerons sur les mécanismespossibles à l’intérieur et à l’extérieur de l’administration, qui permettent d’approcherles buts de l’image directrice.

Contradictions

3 Au moment où nous octroyons des fonds d’aide au développement, nous nous

interrogeons toujours sur la bonne gestion gouvernementale (good governance) et ce,bien avant que ne soit arrêtée l’image directrice. Cette notion définit la manière dont

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un gouvernement poursuit de manière optimale l’objectif du développementéconomique et social de l’Etat et de sa population par la création des conditions-cadrepolitiques et économiques adéquates. Celles-ci doivent être assorties d’une distributionefficace et transparente de ressources publiques restreintes, d’un cadre juridique (rule

of law), d’un gouvernement responsable devant le peuple (accountability), de larestriction de l’arbitraire et de la corruption, de l’accès généralisé à la propriété et aucrédit et de la liberté d’information. Dans ces domaines, l’Indonésie n’est pas toujoursun modèle du genre : les droits de l’homme ont déjà été mentionnés plus haut. D’autrespoints critiques concernent par exemple la gestion gouvernementale autoritaire(séparation floue des pouvoirs), la corruption considérée par beaucoup d’observateurscomme quasi endémique, qui semble même plutôt en recrudescence dans cette phasefinale du règne du Président Suharto ; le pouvoir de fait de l’armée, qui totalise uncinquième des représentants au Parlement et occupe une majorité des postes desecrétaires généraux et des directeurs généraux dans l’administration centrale, lastructure dualiste de l’économie avec un secteur public peu efficace et une économieintérieure peu libéralisée, contrebalancée par une économie privée dynamique et unsecteur d’exportation compétitif. De prime abord, suffisamment de raisons pourremettre en cause une coopération de la Suisse au développement de l’Indonésie !

4 Une telle analyse reste toutefois insuffisante à nos yeux. Elle se limite en effet à une

vision statique de la situation. Pour avoir une vue globale, il est cependant importantd’y intégrer la dimension temporelle. Sous cet angle, la situation en Indonésie est moinsdramatique, étant donné que :

L’Indonésie n’est soumise à la pression des pays donateurs – qui réclament davantage de

bonne gestion gouvernementale – que depuis le changement de dogme qui a fait suite à la

chute du mur à Berlin. Durant la guerre froide, les priorités des pays qui soutenaient

l’Indonésie se situaient ailleurs, car il s’agissait de maintenir et de stimuler son importance

stratégique.

D’un point de vue économique, on peut dire que l’Indonésie représente véritablement

l’histoire d’un succès. La croissance économique annuelle moyenne de 6 % au cours des 25

dernières années a permis à ce pays de réduire le seuil de pauvreté absolue de 40 % de la

population en 1978 à 15 % en 1993 (même si le nombre absolu des pauvres – estimé à environ

27 à 35 millions – reste néanmoins dramatiquement élevé). Grâce à un management macro-

économique circonspect, utilisant des mécanismes institutionnels, le gouvernement

indonésien a réussi à suivre une politique économique stable et à bien rebondir face à des

chocs aussi bien internes (par ex., la surchauffe conjoncturelle de 1990-91) qu’externes (par

ex., la chute des prix du pétrole brut en 1986-87). Depuis bientôt 10 ans, le gouvernement

poursuit une politique de libéralisation, de dérégulation et d’ouverture progressive à

l’extérieur qui doit permettre au pays de se hisser au rang des tigres asiatiques.

Dans le domaine politique, on décèle également des signes d’un desserrement graduel,

résultant surtout de la pression populaire croissante qui réclame plus de responsabilité de la

part du gouvernement et plus de participation du peuple à ses décisions. La démilitarisation

de la bureaucratie et du gouvernement commencée dans les années 80 progresse, malgré

quelques retours de manivelle (nomination au poste de Vice-Président de l’ex-général en

chef des forces armées) ; ainsi, par exemple, en 1993, un civil a été élu pour la première fois

de l’histoire de l’Indonésie Président du parti gouvernemental GOLKAR et les premiers

pourparlers et tentatives de rapprochement entre le gouvernement et des groupes

dissidents et d’opposition (est de l’île de Timor compris) ont eu lieu.

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5 Autre contradiction : le conflit potentiel pour l’aide au développement, entre l’objectif

qui consiste à promouvoir la croissance économique et le niveau de vie d’un pays endéveloppement et celui qui vise à stimuler les exportations. Cela concerne notammentles financements mixtes qui, aujourd’hui, constituent le seul instrument lié – autrement dit, ils financent l’achat de marchandises et de prestations suisses – del’aide au développement suisse. Nous estimons que ces objectifs ne sont pas a priori enconflit, pour autant qu’un processus de sélection rigoureux (principalement par unappel d’offres international) ait eu lieu dans le pays en développement et qu’unesérieuse analyse de projet ait été établie entre l’institution donatrice et le pays endéveloppement. Dans le cas de l’Indonésie, la première condition n’a pas toujours étéremplie. La centrale d’eau thermale Belawan, dans le nord de Sumatra, financée par laSuisse, a été négociée selon une procédure bilatérale, sur la base de la positionindonésienne de l’époque qui souhaitait négocier les projets prioritaires directementavec les donateurs internationaux. Le gouvernement indonésien avait eu au demeurantla possibilité d’établir une comparaison des prix, puisque des offres concurrentiellesavaient été faites par d’autres donateurs. Dans le deuxième cas, le projet de réfectiond’un train à crémaillère dans l’ouest de Sumatra, la position de quasi-monopole dufournisseur suisse rendait superflu un appel d’offres international. Là aussi, legouvernement indonésien a eu la possibilité de faire une comparaison des prix sur labase de livraisons précédentes effectuées par cette entreprise. Pour notre part, nousavons soigneusement contrôlé la validité de ces deux projets sous l’angle de la politiquede développement et communiqué les résultats de notre travail aux autoritésindonésiennes.

6 Finalement, nous aimerions aborder un problème qui n’a rien perdu de son acuité et de

son actualité après le sommet mondial de Rio. Outre la pauvreté, la croissanceéconomique fulgurante est la cause principale de la progression de la pollution et de ladestruction des ressources naturelles dans les pays en développement. L’Indonésie paieactuellement son développement débridé de ces dernières années par des dommagesirréparables de l’environnement. Le besoin légitime d’une amélioration de la croissanceet du niveau de vie qu’éprouvent les pays en développement est-il en contradictionavec un développement durable ? Quelle mission incombe aux pays industrialisés – dont la Suisse – qui, par leur manière de consommer et leur utilisation excessive deressources, sont responsables d’une part plus que proportionnelle des effets négatifssur l’environnement ? Avons-nous le droit de montrer du doigt des pays endéveloppement « coupables », de prendre des mesures nationales de protection del’environnement et de restreindre les échanges commerciaux, ce qui, à long terme,porte préjudice aux pays en développement sur le plan économique, mais aussi, demanière démultipliée, sur le plan écologique ? Nous pensons que non. Il importebeaucoup plus de soutenir, par des mesures positives, les pays en développement dansleurs efforts pour assurer un développement durable. Concrètement, cela veut dire que,d’une part, les projets d’aide au développement doivent également être conçus selondes critères écologiques et que, d’autre part, l’on mette à disposition les moyensafférents pour améliorer les méthodes de production et de traitement utilisées par lespays en développement. En effet, pour des raisons financières et techniques, ceux-ci nesont pas encore en mesure d’atteindre des standards ad hoc de protection del’environnement. Dans le cas du projet Belawan, controversé sur le plan écologique,cela s’est concrétisé, par exemple, par un financement mixte lié à l’obligation

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d’intégrer un contrôle de l’impact sur l’environnement que la Suisse a financé par undon.

Solutions

7 A l’aide de ces quelques exemples, il semble clair que, compte tenu de la multiplicité

des acteurs qui représentent des intérêts divergents – et parfois opposés –, il estdifficile et même parfois impossible d’éviter les conflits entre les objectifs. Il ne peutdonc y avoir de solution toute faite et la question doit être traitée cas par cas.L’exemple de la garantie contre les risques à l’exportation (GRE), qui est motivée pardes considérations de politique intérieure et a pour but de stimuler les exportationssuisses et de sauvegarder les emplois en Suisse, illustre aussi cette problématique. Cetobjectif est, par définition, autre que celui de la politique de développement qui vise aubien-être des pays en développement. L’image directrice Nord-Sud ne tend d’ailleurspas à éliminer complètement toutes ces contradictions, mais est davantage destinée àprésenter et mettre en lumière les conflits entre intérêts différents, et ce, afind’intégrer à la prise de décision les différentes préoccupations des acteurs. Au bout ducompte, il s’agira de décider quelle politique globale, quel environnement et quelsacrifice minimum de ses intérêts un petit Etat comme la Suisse peut adopter pouratteindre ses objectifs. Une politique de confrontation ne profite finalement àpersonne, comme l’a montré l’exemple de la Hollande. Par une attitude par rapport àl’Indonésie exclusivement centrée sur la sauvegarde des droits de l’homme, legouvernement néerlandais s’est exclu du dialogue politique avec ce pays, mettant enpéril ses relations économiques sans que cela n’améliore d’un iota la situation desdroits de l’homme en Indonésie. Une telle politique nous ferait perdre le seul avantageque nous ayons en tant que petit Etat jouissant d’une bonne réputation : influer sur lesévénements et les comportements à travers des relations commerciales et le dialoguepolitique. Cette influence joue du reste un grand rôle dans les instances et lesconventions internationales où la voix de la Suisse, recueille le plus souvent un échopositif.

8 Dans le cadre de sa politique de développement, l’Office fédéral des affaires

économiques extérieures (OFAEE) met actuellement sur pied une nouvelle panoplied’instruments destinée à apporter un soutien plus direct au processus de libéralisationet de privatisation dans les pays en développement et à favoriser les investissementsprivés. Le but de ces nouveaux instruments est d’encourager le transfert de capitaux,de technologies et de savoir-faire dans les pays du Sud. Il s’agit à cet égard de soutenirle développement d’une coopération reposant sur un véritable partenariat entreentreprises du Nord et du Sud qui aille au-delà de simples transactions commerciales etprévoie une répartition correcte des risques et des bénéfices en impliquant autant quepossible les ressources et l’expertise d’entreprises suisses.

Mécanismes

9 Plutôt que de se mettre en quête de nouveaux mécanismes permettant d’assurer une

certaine cohérence, il nous paraît préférable d’utiliser de façon optimale ceux quiexistent déjà, aussi imparfaits soient.-ils. Parmi ces mécanismes, mentionnons, àl’échelle internationale, le Groupe consultatif sur l’Indonésie placé sous la houlette de

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la Banque mondiale, qui se réunit chaque année afin de clarifier des questionspolitiques et économiques avec les autorités indonésiennes et de coordonner lesactivités des différents donateurs. La Suisse joue un rôle actif dans ce forum. Profitantdu fait qu’elle est membre des institutions de Bretton Woods et des banques régionales2

nous prenons régulièrement position – parfois en consultation avec les organisationsd’entraide et les organisations non gouvernementales (ONG), sur des pays, desdomaines et des questions spécifiques liés à nos efforts particuliers en matière depolitique de développement. Il ne faut pas non plus sous-estimer le rôle de ladiplomatie (ambassade, visites) pour maintenir un dialogue permanent. Unreprésentant de la Direction pour la coopération au développement et l’aidehumanitaire siège au sein de la commission GRE, qui a pour tâche de sensibiliser lesautres membres de la commission aux questions qui relèvent de la politique dedéveloppement.

10 Il existe en outre un mécanisme de consultation avec le Service de développement de

l’OFAEE concernant les activités GRE dans les pays en développement les plus pauvres.Lorsqu’il s’agit de grands projets et/ou de projets controversés, on consulte en outre laBanque mondiale. Par la création de la Chambre de commerce Suisse-ASEAN,l’économie privée est également mieux organisée dans la région. On pourrait aussienvisager que les ONG actives en Indonésie aient un statut de membre ou d’observateurdans cette chambre.

11 Il importe avant tout qu’un échange d’informations plus intensif et plus ciblé ait lieu

entre les divers milieux intéressés. L’organisation de séminaires ou d’ateliers deréflexion sur des sujets actuels pourrait à cet égard favoriser une meilleurecompréhension entre les différents cercles d’intérêt et d’élargir leur vision au-delà deleurs préoccupations immédiates.

12 Pour conclure, nous aimerions encore aborder la question de savoir si la coopération au

développement est un moyen d’influence adéquat pour obtenir une plus grandecohérence. L’exemple de la Hollande cité auparavant démontre clairement que lacoopération au développement ne peut sûrement pas être utilisée comme moyen depression global par un petit état comme la Suisse qui dispose d’un pouvoir denégociation limité. Toutefois, si la réalisation des objectifs fixés n’est pas ou n’est plusgarantie, autrement dit si toute participation de la population au processus dedéveloppement est exclue, nous n’hésiterons pas à prendre les mesures qui s’imposent.L’alternative, si souvent évoquée, consistant à entreprendre uniquement des projets àla base en cas de doute, par exemple, quant à la légitimité du gouvernement d’un pays,est à nos yeux discutable. En effet, de tels projets peuvent également contribuer àmaintenir les structures en place. En revanche, des projets de développementtraditionnels peuvent avoir un effet « subversif » : même lorsque leurs objectifssemblent techniques, ils impliquent souvent une transformation du cadreinstitutionnel et une participation de la population bénéficiaire qui vont à rencontredes politiques établies.

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NOTES

1. Rapport du Conseil fédéral sur les relations Nord-Sud de la Suisse dans les années 90 du 7 mars

1994.

2. Banque interaméricaine de développement, Banque africaine de développement, Banque

asiatique de développement.

AUTEURS

VIOLETTE RUPPANNER

Collaboratrice du Service du développement, Office fédéral des affaires économiques extérieures,

Berne

MATTHIAS MEYER

Vice-directeur de l’Office fédéral des affaires économiques extérieures, Berne

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Cohérence des relations entre laSuisse et l’IndonésieKonrad Specker et Hans Peter Maag

Evolution du programme de la DDA en Indonésie

1 Au cours des 25 dernières années, l’Indonésie a obtenu des succès considérables en

matière de développement. Le pays enregistre des taux de croissance supérieurs à 6 %et le pourcentage de population vivant au niveau de pauvreté absolue a été réduit de 60à 15 %. En 1967, l’Indonésie faisait encore partie, avec un revenu par tête d’habitant de60 US$, des pays les plus pauvres du monde. Aujourd’hui, avec un revenu par têted’habitant d’environ 650 US$, le pays se retrouve au seuil de la catégorie des pays àrevenu moyen.

2 Depuis le début de la coopération bilatérale au développement entre la Suisse et

l’Indonésie, dans la seconde moitié des années 60, l’Indonésie fait partie des paysprincipaux bénéficiaires de la coopération au développement assurée par la DDA. Laformation professionnelle technique, le développement urbain et le développementrural sont devenus les principaux secteurs de la coopération. Le volume financierannuel moyen se situe dans la première moitié des années 90 dans les 20 mio. de francssuisses.

3 La composition des instruments de la DDA et de l’OFAEE utilisés dans le cadre de la

coopération bilatérale au développement est fonction du stade de développement dupays partenaire et suit son évolution. Selon la pratique courante, la DDA se concentreavec sa politique de « pays principaux bénéficiaires » sur la catégorie des pays endéveloppement les plus pauvres. Les pays à faible revenu par tête d’habitant (300 à600 US$) relèvent de la compétence aussi bien de la DDA que de l’OFAEE. Dans lacatégorie des pays à revenu moyen, la composition – conformément à l’adage « fromaid to trade » – penche en faveur d’instruments de l’OFAEE.

4 Tenant compte de l’état de développement de l’Indonésie et de sa situation macro-

économique, la DDA se concentre actuellement sur une transformation du programme

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indonésien. En conséquence, la coopération technique traditionnelle seraprogressivement réduite. Dans le même temps, l’OFAEE étudie la possibilité d’engagerde nouveaux instruments dans la perspective de l’encouragement à l’investissement etdu transfert des technologies. Cette transformation implique une réorientation desrelations helvetico-indonésiennes.

5 Parallèlement à la réduction des activités en cours, la DDA lancera un programme

résiduel restreint qui a pour but :

de poursuivre la consolidation des acquis à ce jour de la coopération ;

d’apporter une contribution à la maîtrise des problèmes de développement (également dans

une perspective régionale) qui font partie des principaux défis des prochaines années.

6 Ce programme se composera de trois éléments qui sont étroitement liés entre eux :

i) promotion des petites et moyennes industries ; ii) management du développementurbain ; et iii) environnement (urbain). Parallèlement à ce programme, un crédit seraégalement réservé – dans le sens d’un suivi des efforts déployés et d’un entretien desrelations – à des mesures de soutien ponctuelles en faveur d’institutions, dont la misesur pied et le développement ont été soutenus dans le cadre de la coopération bilatéraleau développement suisse apportée jusqu’ici.

7 Pour lancer ce programme, on recherche un maximum de synergies avec d’autres

acteurs des relations helvetico-indonésiennes (à savoir, avec l’OFAEE). Dans le domainePME et environnement, par ex., il pourrait y avoir des synergies dans les domaines oùles mesures de soutien profitent à des entreprises indonésiennes dynamiques dotéesd’un potentiel d’emploi élevé et offrant la possibilité d’introduire des méthodes deproduction ménageant l’environnement.

Problèmes de cohérence

8 Dans l’optique de la politique de développement, la question de la cohérence se pose

non seulement par rapport aux acteurs de la politique (économique) étrangère de laSuisse, mais aussi à l’égard des conflits entre objectifs, inhérents au développementindonésien lui-même.

9 Au cours du sixième plan quinquennal (1994/95-1998/99), des taux de croissance de 6 %

seront nécessaires pour maintenir la stabilité macro-économique et atteindre lesobjectifs fixés en matière de création d’emplois et de lutte contre la pauvreté, ainsi quedans le domaine de la suppression du déficit de la balance des paiements et de la detteextérieure.

10 La clef de la croissance économique réside dans une accélération de l’industrialisation

et dans le développement des exportations de produits industriels. Cependant,l’industrialisation se fait au prix d’une destruction alarmante de l’environnement etd’une recrudescence des conflits du travail. En même temps, l’Indonésie se voit exposéeà une concurrence croissante de la part d’autres pays asiatiques employant une main-d’œuvre bon marché. Tout compte fait, le développement entraîne aussi des inégalitésrégionales et sociales.

11 C’est pourquoi l’Indonésie est confrontée à une intensification des champs de tension

économiques, sociaux et écologiques. Si l’Indonésie ne parvient pas à protégerefficacement son environnement, à absorber une classe ouvrière en pleine expansion, àaccorder à cette dernière les droits fondamentaux et à lui garantir de meilleures

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conditions, à obtenir une plus large participation aux fruits du développement et àentamer un réel processus d’ouverture politique, il faut s’attendre à moyen et à longterme à une déstabilisation qui remettra fondamentalement en cause la durabilité dudéveloppement.

12 Du point de vue de la politique de développement, on peut se demander, pour ce qui

concerne le problème de la cohérence, si les relations helvético-indonésiennes dansleur ensemble et les activités des divers acteurs en particulier favoriseront oucontrecarreront la maîtrise de ces champs de tension – autrement dit : la promotiond’un développement plus équilibré et plus large, la protection de l’environnement etl’amélioration des conditions de travail.

13 Vu l’importance potentiellement croissante de l’Indonésie en tant que partenaire

économique, la question suivante se pose par analogie : les intérêts économiques et depolitique économique de la Suisse peuvent-ils être sauvegardés de telle sorte qu’il soitpossible de contribuer en Indonésie à surmonter la « monopolisation », à développer lemarché intérieur, à promouvoir des PME dotées d’un grand potentiel d’emplois et àprotéger l’environnement ?

14 Dans le cadre d’une telle contribution, on peut parfaitement exercer un effet bénéfique

en matière de bonne gestion gouvernementale et de droits de l’homme. Une approcheconstructive est préférable à des conditionnalités. l’Indonésie accepte le dialoguebilatéral en matière de bonne gestion gouvernementale et de droits de l’homme, maisrejette les conditionnalités. La Suisse recourt à la voie diplomatique et elle estintervenue à diverses occasions auprès du gouvernement indonésien. Par rapport auproblème de la cohérence se pose alors la question de savoir si, le cas échéant, lesdifférents aspects des relations économiques, commerciales et de politique dedéveloppement de la Suisse avec l’Indonésie contrecarrent ce dialogue, si ces relationspeuvent ou doivent être subordonnées aux intérêts que présente ce dialogue et selonquels critères.

Conclusion

15 Dans le cas de l’Indonésie, la cohérence dans les relations de politique étrangère et

d’économie extérieure peut être évaluée en priorité du point de vue des impératifs dudéveloppement national et des conflits entre objectifs. Par conséquent, on peutatteindre une cohérence si les diverses activités – qu’elles soient ou non coordonnées –favorisent un développement socialement et écologiquement viable ou tout au moinsne l’entravent pas. Si un tel développement équilibré et ainsi conçu est encouragé, il estpossible de réaliser les objectifs stratégiques de notre politique étrangère.

16 Des mécanismes institutionnels qui favorisent le dialogue entre les acteurs des

relations helvético-indonésiennes peuvent sûrement contribuer à la mise en pratiquedes objectifs donnés par la ligne directrice. Cela dit, une question demeure : à quelpoint de tels mécanismes doivent et/ou peuvent-ils avoir un caractère obligatoire ? Lepoint décisif pour la question de la cohérence est finalement la manière de gérer lescontradictions qui peuvent apparaître entre les divers acteurs au niveau opérationnel.Les intérêts conflictuels et les contradictions sont inhérents à une vie économique etsociale aux multiples aspects et ne peuvent donc pas être complètement éliminés, quelque soit le niveau de cohérence de la politique suivie.

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17 Au bout du compte, le degré de cohérence dépendra effectivement de la manière dont

s’imposera au plus grand nombre la conviction selon laquelle un climat commercial etd’investissement favorable ne pourra être maintenu à moyen et à long terme qu’à laseule condition que le niveau de vie de la population s’améliore et que les différencessociales soient aplanies, l’environnement efficacement protégé, l’Etat de droit, la paixet la sécurité garantis.

AUTEURS

KONRAD SPECKER

Chargé de programme, Section Asie II, Direction de la coopération au développement et de l’aide

humanitaire, Berne

HANS PETER MAAG

Chef de la Section Asie II, Direction de la coopération au développement et de l’aide humanitaire,

Berne

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Évaluation économique et réflexionssur la cohérence des relationshelvético-indonésiennes : point devue d’une banqueMax Schieler

NOTE DE L’ÉDITEUR

Les opinions exprimées dans cet article représentent le point de vue de leur auteur etpeuvent très bien différer de celles de la Société de Banque Suisse.

Evaluation de la solvabilité du pays

1 Les explications ci-après concernant l’Indonésie représentent l’esquisse d’une analyse

du pays dans l’optique d’une banque. Celle-ci mettra au premier plan l’appréciation dela solvabilité du pays, autrement dit de la capacité et de la volonté du pays de générersuffisamment de devises pour honorer comme il se doit ses engagements financiers àl’étranger. Il s’agit là d’un risque qui s’ajoute au risque de solvabilité individuelle dansles affaires réalisées au-delà des frontières et qui ne relève pas du domaine deresponsabilité du débiteur réel (à moins que ce débiteur ne soit l’Etat lui-même ou uneentreprise d’Etat). Il se peut ainsi qu’un crédit accordé à un débiteur domicilié àl’étranger puisse rester Impayé, du fait que le pays n’est ni en mesure d’assurer letransfert, ni disposé à l’effectuer. Et ce, même si le débiteur réel est tout à fait solvable(en monnaie locale). L’évaluation de cet élément de risque – importante, par nature,pour toute banque active sur le plan international – est faite à la SBS sur la base d’unesérie de variables macro-économiques sélectionnées et d’une analyse du risquepolitique – et ce, toujours par rapport à la capacité et la volonté de payer.L’appréciation du risque qui en résulte participe de la décision lorsqu’il s’agit de définir

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la politique commerciale adaptée à un pays tel que l’Indonésie, ainsi que l’ampleur, letype et le degré de maturité de son engagement. A cet égard, l’analyse ne doit pas, demanière unilatérale, mettre en évidence uniquement les risques, mais aussi les chanceséventuelles (le potentiel).

2 Une évaluation de l’Indonésie effectuée sous cet angle montre que, vu son

développement économique fulgurant au cours de ces 25 dernières années, ce payspeut être considéré à juste titre comme un enfant du « East Asian Economic Miracle ».Même si l’appréciation du « miracle économique » indonésien peut différer selon lespoints de vue, on ne peut que relever objectivement des succès incontestables : parexemple un recul du nombre d’habitants vivant dans la pauvreté (selon la définition del’ONU) de 70 millions en 1970 à 27 millions aujourd’hui ; une hausse de l’espérance devie moyenne de 11 ans – qui passe de 50 à 61 ans –, une réduction du tauxd’analphabétisme de 39 à 16 % et, dès 1984, l’autosuffisance en ce qui concerne laproduction de riz, aliment de base principal. Dans le même laps de temps, l’Indonésieest entrée dans le club des pays à revenu moyen (autrement dit des pays ayant un PIBpar habitant supérieur à 675$), ce qui s’est traduit par une augmentation du revenuannuel par habitant qui est passé de 70$ en 1970 à 700$ en 1993. Selon des estimationsde la Banque mondiale, dans une comparaison sur la base de la parité du pouvoird’achat, le revenu annuel par habitant serait en fait quatre fois plus élevé – à savoir :2970 dollars pour 1992 –, un chiffre effectivement plus proche de la réalité. Enfin,l’Indonésie a réussi à sortir du cercle vicieux de l’endettement et à éviter unrééchelonnement de la dette – tout au moins jusqu’ici –, cet aspect étant bien entendumis en valeur du côté des banques.

3 Pour la perspective à moyen et à long terme de ce pays, on peut relever comme point

positif le fait que l’Indonésie soit parvenue, grâce aux réformes structurelles de cesdernières années, à créer une base de croissance solide pour son économie. Elle anotamment réussi à diversifier sa production et à réduire sensiblement la dépendancepar rapport au secteur du pétrole et du gaz. Si, au début des années 80, ce secteurreprésentait encore 70 % des recettes de l’Etat et 80 % des gains réalisés à l’exportation,il ne lui en incombe aujourd’hui plus que le quart pour chacun de ces postesbudgétaires. C’est surtout à la suite de la chute vertigineuse des prix du pétrole en 1986que l’Indonésie a fortement intensifié ses efforts de diversification et activé en toutelogique ses exportations des produits autres que le pétrole et le gaz. Au cours de cesdernières années, les nouvelles branches d’exportation sont d’ailleurs devenues lemoteur de la croissance élevée. A ces facteurs s’ajoute la stricte discipline fiscale del’Indonésie, même si, par le passé, les budgets officiellement déclarés et toujourséquilibrés résultaient en premier lieu d’une définition particulière. Selon le système debudgétisation indonésien, les moyens provenant de l’aide au développement sontprécisément comptabilisés comme recettes de l’Etat, ce qui permet généralement decompenser les montants déficitaires. C’est à cela que l’on peut mesurer le puissantsoutien apporté à l’Indonésie par des donateurs étrangers, notamment par le« Consultative Group for Indonesia » (CGI), placé sous la houlette de la Banquemondiale. Les institutions internationales et les pays donateurs représentés au sein decette organisation d’entraide ont accordé une nouvelle fois à l’Indonésie et pas plustard qu’en juillet 1994 des moyens d’un montant de 5,2 milliards de dollars pour l’annéefiscale 1994/95 (après $ 5,1 milliards pour 1993/94), rendant une fois de plus hommageà la politique économique rigoureuse menée par Djakarta. Le recul des taux de

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croissance observé en 1993 à l’exportation et dans les investissements à l’étranger aincité le gouvernement à décider en juin 1994 de deux nouveaux trains de mesures dedéréglementation concernant la libéralisation du commerce, en particulier lesinvestissements directs. Un exemple qui illustre une fois de plus la manièrepragmatique dont le gouvernement réagit à de nouveaux défis ou à des difficultéséconomiques.

4 Nonobstant les conflits acharnés déclenchés en vue d’organiser la promotion

industrielle, il ne faut pas s’attendre en premier lieu à ce que l’on s’écarte des objectifsfondamentaux de la politique économique – assurer la stabilité macroéconomique,l’ouverture vers l’extérieur et la lutte contre la pauvreté. Le rôle toujours prioritaireque joue la stabilité dans l’ensemble de l’économie se traduit également par la manièredont évolue la politique monétaire et fiscale, plus restrictive par rapport à l’annéeprécédente (1993). Celle-ci s’est traduite par une limitation réaliste de l’inflation et dudéficit budgétaire qui ont tous deux atteint un niveau acceptable. Cela aura du reste uneffet bénéfique sur la balance des paiements, sans que le pays en souffre trop sur leplan de l’évolution de sa croissance. Dans l’ensemble, les perspectives à court termesemblent relativement favorables et, si l’on considère l’avenir à moyen terme, lasolvabilité de l’Indonésie ne paraît pas sérieusement menacée.

5 Si l’on parvient à venir à bout des problèmes latents, le pragmatisme et le maintien

opiniâtre de la stabilité continueront, au demeurant, de revêtir une importanceprimordiale dans la politique économique. Il en est ainsi de la dette extérieure – devenue une charge considérable – qui atteindra dans un avenir proche le seuil des100 milliards de dollars US et qui limite dès lors énormément la liberté de manœuvreen matière de politique économique. Le niveau d’endettement de l’Indonésie exposebeaucoup plus le pays aux fluctuations du cours du change et des taux d’intérêt, commecela est récemment ressorti avec netteté une fois encore lors de la forte réévaluation duyen (près de la moitié de la dette extérieure est en yens). A plus long terme, l’Etat devrabien engager une réforme du secteur public, encore très important, mais inefficace, s’ilveut réaliser l’objectif de croissance – d’une moyenne de 6,2 % par an – prévu pour leplan quinquennal 1994/99 amorcé en avril dernier. Cela représente un impératif si l’ondoit créer un nombre suffisant d’emplois pour la population active qui s’accroît chaqueannée de 2,5 mio. de personnes, donc la condition sine qua non du maintien de lastabilité sociale et politique.

6 Malgré l’impressionnant progrès économique, le social gap – le fossé entre les riches et

les pauvres – recèle des risques certains d’explosion politique et sociale. C’est ce qu’ontnettement montré les événements du printemps dernier, lors desquels les mouvementsde grève des travailleurs demandent des salaires plus élevés ont dégénéré en agressionsviolentes contre la minorité chinoise, qui ne compte que 6 millions d’âmes, mais occupeune position économique dominante. Cela n’a pas seulement éveillé un certain doutequant à la prétendue stabilité politique du pays, mais donne une idée claire des conflitsethniques, religieux et sociaux qui enflent sourdement sous une façade rassurante. Lemaintien de la stabilité est donc également une préoccupation permanente pour lerégime qui vient de répondre par une répression accrue à la multiplication descritiques qui s’expriment de plus en plus publiquement. Et cela s’explique égalementpar l’incertitude grandissante que suscite la succession du Président Suharto quisouhaite quitter définitivement ses fonctions en 1998. C’est ce chapitre qui présente lesplus grands risques pour un développement économique sain du pays. La question

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toujours non résolue de la succession de Suharto rend extrêmement difficile unpronostic à peu près sûr concernant l’évolution de ce pays à plus long terme. Noussommes d’avis que la principale question qui se pose aujourd’hui est de savoir siDjakarta ne va pas (ne doit pas) s’écarter à l’avenir de sa ligne actuelle, fructueuse surle plan de sa politique économique, ce qui pourrait remettre en cause sa positionprésente de bon débiteur. Certes, plusieurs indices laissent penser que les héritiers deSuharto poursuivront, le moment venu, la politique engagée par leur prédécesseur,mais ils seront confrontés à un délicat exercice d’équilibre entre l’ouverturedémocratique et la répression, lequel pourrait avoir facilement un impact négatif surl’économie.

Quelques remarques sur le problème de la cohérence

7 Même si j’estime ne pas être en mesure d’aborder dans le détail la question de la

cohérence, resp. de l’incohérence, dans le cas concret des relations entre la Suisse etl’Indonésie, j’aimerais néanmoins livrer quelques réflexions personnelles sur cetteproblématique. Il est possible que l’évaluation que je viens de faire de l’Indonésie nesuscite pas partout la même approbation et soit, par ailleurs, considérée comme étanttrop partisane. Comme je l’ai mentionné d’emblée, il s’agit là du point de vue d’unebanque, autrement dit d’un représentant de l’économie privée, pour laquelle ledéveloppement économique positif et la croissance rapide du marché potentieloccupent, par nature, le tout premier plan. Dans cette perspective, la situationpolitique est jugée en priorité par rapport aux conditions de base économiques qui enrésultent. Ainsi, il est clair que les mesures accrues – et en partie répressives – prisesrécemment par le régime pour maintenir la stabilité suscitent pour l’instantl’approbation, étant donné que l’instabilité ou le chaos aurait des effets encore plusnéfastes, même si l’actuelle manière d’agir du gouvernement indonésien pourraitparfaitement déboucher, à plus long terme, sur le contraire du but recherché.

8 Il ne faut pas se cacher qu’avec une telle optique de la situation – qui privilégie l’intérêt

commercial – on déclenche un conflit de finalités entre les intérêts de l’économieprivée d’une part, et l’encouragement à la démocratisation du pays et au respect desdroits de l’homme d’autre part. Nous avons là un exemple-type du problème de lacohérence dans les relations de la Suisse avec un pays tel que l’Indonésie. Il est certainque les atteintes aux droits de l’homme ne doivent pas non plus être simplementjustifiées par l’économie privée comme un mal nécessaire lié à la spécificité du pays,pas plus qu’un gouvernement autoritaire qui s’appuie encore de fait sur une structureféodale ne doive recevoir un soutien particulier (sous la forme, par exemple, delivraisons d’armes). Au demeurant, on peut légitimement se demander de quellemanière il serait possible de remplir le mieux possible ces deux exigences. Car il va desoi que des structures démocratiques ne garantissent pas automatiquement le progrèséconomique et peuvent même, dans une certaine phase de développement, le retarder.Il apparaît de même évident que des structures démocratiques ne peuvent perdurer ensoi si le succès économique n’est pas au rendez-vous. Pour toutes ces raisons, il meparaît irréaliste et inconvenant, par exemple dans le cas de l’Indonésie, d’appliquer descritères occidentaux et de vouloir lui imposer « du jour au lendemain » la démocratie.

9 Mais cela ne veut bien sûr pas dire qu’il ne faudrait pas soutenir la mise en place de

conditions de base démocratiques. Du côté officiel comme du côté privé, l’on doit et l’on

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peut dénoncer – à chaque fois que l’occasion s’en présente – des pratiquesantidémocratiques et de réelles atteintes aux droits de l’homme, sans pour autantvouloir utiliser comme moyen de pression les relations économiques ou l’aide audéveloppement. Quoi qu’il arrive, il peut être judicieux de lier ces relations et cette aideà certaines conditions, en accord avec les institutions internationales et d’autres paysdonateurs. En particulier, j’ai quelque doute quant à l’efficacité de sanctionséconomiques et/ou d’une réduction, voire d’une annulation de l’aide au développementqui seraient décidées unilatéralement par la Suisse. Notre pays est en effet unpartenaire commercial trop insignifiant pour l’Indonésie, comme le montrent très bienles expériences faites dans ce domaine par les Pays-Bas. Il est probable que l’Indonésieréagirait à de telles tentatives de pression uniquement dans le cadre d’une actionconcertée des principales nations industrielles et il resterait encore à prouver que cetteréaction aille dans le sens souhaité… Il n’est pas exclu que, dans pareil cas, l’Indonésiese réfugie dans l’isolement et un rejet des autres pays, ce qui n’améliorerait ni lasituation des droits de l’homme, ni la situation économique de la populationindonésienne. Que l’on se souvienne de l’exemple peu glorieux de la Birmanie.

10 L’exemple offert par les pays voisins du sud-est asiatique, tels que la Corée du Sud ou

Taiwan, montre par ailleurs qu’un développement économique positif peut très bienentraîner une ouverture en douceur sur le plan politique. C’est, dans un certain sens,logique : la répression politique et le contrôle autoritaire ne s’accordent guère, en effet,avec une économie toujours plus complexe et une interdépendance internationalecroissante. A mon avis, une libéralisation économique doit être également suivie, avecle temps, de réformes politiques, faute de quoi la poursuite du progrès économique setrouve remise en cause – ainsi que, au bout du compte, la légitimité d’un régime. C’estpourquoi j’estime qu’à plus long terme, l’économie privée a tout intérêt à ce que leprogrès économique soit conforté et, partant, sauvegardé par la démocratisation.Compte tenu de cet intérêt, il est tout à fait possible d’apporter à nos relations un« complément » adapté, par exemple, à travers un renforcement de notre coopérationdans le domaine de l’aide suisse au développement ou à travers des prises de position« morales » (concernant les droits de l’homme, la démocratie, etc.) lors des contactspris aux échelons les plus divers. Il faut toutefois être conscient que, vu les divergencesentre les intérêts à court terme des uns et des autres, il ne sera pas possible d’évitercomplètement à l’avenir des conflits de finalités et des contradictions.

AUTEUR

MAX SCHIELER

Vice-directeur de la Société de Banque Suisse, Bâle

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Problèmes de cohérence dans lesrelations Suisse – IndonésieAndreas Zürcher

1 Remarque préliminaire : Dans cet article et au cours des discussions du 14 septembre

1994, je représente exclusivement mes opinions personnelles, autrement dit pas cellesde mon employeur, la société Ciba-Geigy. Par ailleurs, ma façon de voir les choses est,bien évidemment, empreinte de mes trente ans d’expérience professionnelle dans uneentreprise multinationale. Ma contribution se rapporte donc en premier lieu à desaspects économiques.

1. Identification des problèmes de cohérence engénéral

2 a) Il me paraît tout d’abord important de noter que dans l’opinion générale

d’aujourd’hui deux contradictions n’existent plus, alors qu’elles étaient souventinvoquées comme des problèmes dans les discussions idéologiques à l’époque destensions Est-Ouest :– Il est aujourd’hui généralement admis que l’économie privée suisse contribue audéveloppement de pays du Tiers Monde, même si elle y réalise des bénéfices : onn’entend pratiquement plus le grief selon lequel il y aurait « exploitation ».– Il est actuellement admis que les inventions, les marques d’origine et le savoir-fairetechnologique sont des biens dignes d’être protégés et que l’exercice des droits demonopoles afférents ne peut être assimilé à une exploitation.

3 b) On peut déboucher sur une contradiction entre l’objectif du développement

économique souhaitable et celui d’un compromis favorable à l’environnement. Un telcomportement écologique est certes exigé – et parfois de manière légale – par toutes lesparties concernées. Dans d’importants domaines, il repose toutefois sur le volontariat.Etant donné qu’un comportement écologique délibéré revient en règle générale pluscher à court terme qu’un comportement nocif à l’environnement, les entreprises quiessaient de moins polluer sont très souvent défavorisées sur le plan de la compétitivité.

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Les « écologiquement bons » se trouvent économiquement sanctionnés et les« écologiquement mauvais » sont économiquement récompensés. Ce paradoxesubsistera aussi longtemps qu’une remise en cause générale du sens donné à l’activitééconomique n’aura pas lieu.

4 c) On peut déboucher sur des contradictions entre les exigences « morales » d’aide

humanitaire de la part de couches de la population très démunies et le postulat selonlequel l’aide au développement devrait contribuer de manière substantielle et durable àla croissance économique. Ces destinataires parmi les plus pauvres de l’aidehumanitaire n’ont souvent aucune chance de survie économique dans les conditionsqui prévalent après le bouclement d’aide du programme à l’étranger. Des problèmessimilaires se posent dans les programmes de formation, dont les participants émigrentpour des raisons économiques (rémunération insuffisante) dans une autre activitéprofessionnelle (par ex. les enseignants en Indonésie).

5 d) Même les dénonciations justifiées des atteintes aux droits de l’homme provoquent

des réactions souvent exacerbées de la part des gouvernements incriminés dans lespays en développement. L’exemple des Hollandais en Indonésie montre précisémentque des pays moins pauvres préfèrent renoncer à l’aide économique que de se voiraccuser d’atteinte aux droits de l’homme, suite à cette collaboration. Qu’est-ce qui est leplus utile à la population concernée ? Devrait-on éventuellement écarter sur le terrainpolitique (ministère des affaires étrangères) les démarches effectuées pour dénoncerles atteintes aux droits de l’homme ? Quelle attitude les entreprises du secteur privédoivent-elles adopter face à des exactions flagrantes dans ce domaine ? Un retrait del’économie privée conduirait en fin de compte à une croissance économique plus lenteet, partant, à une pénalisation indirecte de la population.

6 e) L’exigence de « démocratie » au sens occidental du terme comme condition de base à

un Sustainable Development, telle qu’elle est définie dans les directives du Conseil fédéral,me paraît assez loin de la réalité. Dans la plupart des pays en développement, les faitssont bien différents ; les gouvernements locaux accordent une oreille plus attentive àdes personnages comme Lee Kuan Yu qui ne considère pas une participation politiquedu peuple comme une condition de base pour une bonne gestion gouvernementale.Chercher à instaurer des conditions démocratiques dans les pays en développement estsûrement un bon objectif. Je me demande néanmoins s’il est possible d’accorder à cetobjectif une importance prioritaire dans le cadre du train de mesures visant à réaliserla cohérence.

2. Problèmes de cohérence dans le cas de l’Indonésie

7 a) Le gouvernement indonésien a assez d’argent pour régler ses principaux problèmes.

Ce qui lui manque, ce sont des professionnels bien formés ainsi que des connaissancesspécialisées dans de nombreux domaines. Notre aide au développement devrait doncs’articuler autour de la formation de vrais professionnels et de la transmission deconnaissances spécialisées. En Indonésie, cela peut toutefois se faire sur une basecommerciale. L’Etranger devrait offrir et assurer cette aide, mais en principemoyennant une rétribution. Dans cette optique, le transfert des efforts principaux de laDDA à l’OFAEE me paraît juste.

8 b) Si la contribution étrangère au développement de l’Indonésie était conçue

conformément au paragraphe a), sur une base commerciale, il faudrait que les

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subventions fédérales disponibles pour l’Indonésie soient utilisées dans le but depromouvoir les relations bilatérales entre la Suisse et l’Indonésie. Etant donné qu’undéveloppement de ces relations commerciales profite également à l’économie suisse(emplois), nous pouvons, dans le sens de la cohérence, remplir simultanément deuxobjectifs. Je pense en priorité à des crédits réellement attractifs pour les livraisons/prestations effectuées par des entreprises suisses, telles qu’elles sont accordées dans degrandes proportions par d’autres gouvernements (par exemple le Japon).

9 c) Le Président de l’Indonésie n’est pas seulement un souverain exerçant un pouvoir

politique absolu ; par le biais de sa famille, il contrôle d’importants secteurs del’économie. Dans l’est de l’île de Timor, l’armée indonésienne porte de graves atteintesaux droits de l’homme. Nous avons ainsi en Indonésie toute une kyrielle d’objectifsrecherchés – selon les directives du Conseil fédéral – qui ne sont pas remplis. Laproblématique globale mentionnée au paragraphe 1 d) et e) devrait donc être discutéedans le cadre de ce colloque. Personnellement, je ne vois pas de meilleure solution qued’attirer sans cesse, mais avec prudence, l’attention sur notre manière de voir. « Avecprudence » signifie dans ce cas qu’en tant que petit pays, nous n’avons passuffisamment de prise pour utiliser notre aide au développement ou nos relationscommerciales comme moyen de pression.

3. Mesures pour une meilleure réalisation de lacohérence

10 Sur cette question, je ne peux pas fournir un catalogue complet de mesures, mais

seulement quelques suggestions dans l’optique particulière de l’économie privée.

11 a) La prochaine visite du Conseiller fédéral Pascal Delamuraz en Indonésie

(octobre 1994) offre sûrement de bonnes possibilités d’expliquer notre point de vue augouvernement indonésien.

12 b) Avant la fin de l’année 1994, une Chambre de commerce Suisse-Sud-Est asiatique sera

créée. Cette Chambre de commerce peut être utilisée comme forum de discussion sur lacohérence à l’intérieur des entreprises d’exportation suisses ainsi qu’avec lesorganisations partenaires Indonésiennes

13 c) En Suisse, des efforts sont actuellement déployés pour intensifier la formation et la

recherche pour une meilleure connaissance de l’Asie moderne (toute deux sont pourl’instant quasiment Inexistantes). Les problèmes de cohérence peuvent être intégrés àces programmes de formation ou de recherche. Les publics cibles sont les étudiants etles collaborateurs du secteur public et privé qui s’occupent de l’Asie.

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AUTEUR

ANDREAS ZÜRCHER

Coordinateur régional Asie/Australie, CIBA-GEIGY, Bâle

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La cohérence dans la politiqueextérieure suisse : l’exempleindonésienMargrit Meier

Contradictions

1 Les relations entre la Suisse et l’Indonésie se heurtent aux contradictions suivantes :

l’Indonésie porte atteinte de manière flagrante aux droits de l’homme et aux principesde la démocratie. Les droits syndicaux ne sont pas garantis ; on met en prison lestravailleurs syndiqués et les activistes. Le Syndicat indépendant d’Indonésie pour le bien-

être des travailleurs, SBSI (Serikat Buruh Sejahtera Indonesia) dénombre au minimum unevingtaine de cas d’arrestations. En comparaison avec d’autres pays asiatiques,l’instruction scolaire générale, la santé publique et les services sociaux sont sous-développés. Il y a de grandes contradictions entre la croissance de l’économie et lapopulation, d’une part, et le développement de l’environnement, d’autre part. Quantaux projets de développement, ils ne contribuent guère à l’amélioration de la situationde la femme en Indonésie.

Comment éliminer ces contradictions ?

2 Si les flux commerciaux ne se développent pas en harmonie avec des principes

démocratiques, sociaux et le respect des droits de l’homme, il incombe alors à lacommunauté internationale de remédier à cette situation. Des mesures multilatéraless’imposent dans les deux secteurs suivants :

la corrélation entre les règles commerciales du GATT/OMC (clause du pays le plus favorisé)

et les critères de droits sociaux minimums de l’Organisation internationale du travail (OIT),

à savoir le droit de liberté de réunion et de négociations salariales, l’interdiction du travail

des enfants, du travail forcé et des discriminations ;

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la communauté internationale doit exercer son influence sur la conception de la politique

économique et sociale par le biais de la Banque mondiale et de la Banque asiatique de

développement.

3 La Suisse peut faire valoir l’exercice d’une influence bilatérale dans ses contacts

diplomatiques, mais aussi en recourant aux moyens disponibles dans le cadre de sapolitique commerciale. Il n’est pas question de retirer l’aide au développement, dans lamesure où celle-ci profite aux couches les plus défavorisées de la populationindonésienne.

Mesures institutionnelles

4 A l’intérieur de l’administration fédérale, des aspects tels que les droits de l’homme, la

politique sociale et de développement devraient davantage être pris en compte aumoment où celle-ci définit la position de la Suisse concernant le GATT/OMC, l’OIT, laBanque mondiale et le FMI, l’OCDE et la garantie contre les risques à l’exportation(GRE). Les processus didactiques afférents supposent un dialogue intensif et permanententre les offices concernés, ainsi qu’avec la Banque nationale suisse. Au niveauinternational, que l’on se reporte au rôle de l’Union internationale des syndicats libres(UISL) à Bruxelles, qui suit de près la situation des droits de l’homme et des droitssyndicaux à travers le monde entier. L’Union syndicale suisse peut, d’une manièregénérale, adhérer aux recommandations de l’UlSL sur les questions des principespolitiques.

AUTEUR

MARGRIT MEIER

Union syndicale suisse

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Sur la voie d’une politique dedéveloppement cohérente ?Le cas de l’Indonésie

Richard Gerster

Dix exemples d’incohérence

1 • En 1993, le Conseil fédéral a arrêté une décision préalable de principe pour la livraison

par Oerlikon/Contraves de canons de protection antiaérienne ((Flab)) d’une valeur de10 mio. de francs. L’Indonésie doit toutefois être considérée comme une zone detension. Si la Suisse souhaite, d’une part, encourager un régime de Good Governance

(bonne gestion gouvernementale) à travers la collaboration au développement, il estcontradictoire que, d’autre part, elle soutienne l’Indonésie dans son projet d’armementpar des exportations d’armes.

2 • Sous la houlette des États-Unis, le Nord a imposé en Indonésie l’introduction du droit

intellectuel. La Suisse a, elle aussi, apporté son appui dans le cadre de l’actioninternationale concertée. Il n’y a là aucune contradiction entre les intérêts del’industrie chimique et le constat que les pays industrialisés doivent leurs succès dedéveloppement à des imitations libres et non à la protection de la propriétéintellectuelle (comme c’était du reste également le cas, autrefois, de la Suisse etdu Japon).

3 • La Convention de double imposition négociée avec l’Indonésie se fonde, comme toutes

les conventions de double imposition de la Suisse, sur la convention modèle de l’OCDE.En matière de politique de développement, il serait cependant souhaitable de concluredes conventions sur la base de la convention modèle de l’ONU, qui tiennent compte demanière plus équitable des intérêts du pays en développement.

4 • Les supputations quant aux énormes fortunes déposées à l’étranger par le Président

Suharto sont connues. « Comme Marcos », tel est le titre donné il y a quelque temps parle magazine Bilanz à un article sur l’Indonésie. En cas de changement de gouvernement,

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la Suisse sera par conséquent confrontée à la question du gel des avoirs et de l’entraidejudiciaire, une matière potentielle de conflits avec le secteur financier.

5 • Les Accords de protection des investissements conclus avec l’Indonésie favorisent

unilatéralement, comme dans tous les autres cas, les intérêts des investisseurs, maisnéglige en revanche des aspects tels que l’impact sur la vie sociale, etc. A l’instar de laclause sociale discutée au GATT, respectivement à l’Organisation mondiale ducommerce, la liberté d’association (syndicats), l’interdiction du travail des enfants etd’autres conventions ILO, doivent figurer dans les accords de protection desinvestissements.

6 • L’encouragement au développement consiste de manière tout à fait essentielle à la

création de nouveaux emplois. Par le biais de préférences douanières, l’accès au marchédoit être facilité au Nord. Aussi est-il complètement incohérent que la Suisse applique àrencontre de l’Indonésie et d’autres pays en développement un tarif douaniersensiblement plus élevé pour l’importation de matières premières transformées – par exemple l’extrait de café par rapport au café brut.

7 • L’Indonésie espère obtenir depuis des années la construction de centrales nucléaires.

L’industrie suisse (Motor Columbus) est un conseiller actif dans ce secteur. Pour desraisons économiques, la Banque mondiale est réticente à l’implantation de l’énergienucléaire en Indonésie. Le domaine du nucléaire est une source de conflit potentielle.

8 • Il y a un hiatus entre la volonté de Good Governance et le mépris largement répandu des

droits de l’homme, la répression massive qui s’abat sur l’est de l’île de Timor,l’oppression de la liberté de la presse, la corruption endémique. La People’s Participation

– comme objet fondamental de la collaboration au développement – doit, dans un telcontexte, avoir la primauté sur le soutien apporté aux partenaires privés (NGO), tandisque d’autres domaines de la collaboration au développement exercée par laConfédération sont potentiellement en contradiction avec cette politique. LaConfédération est-elle prête à intervenir en Indonésie en faveur des NGO, si legouvernement tente de les contrôler de plus près et de les bâillonner ?

9 • Eu égard à la Good Governance, la question de la cohérence peut être également posée à

l’économie privée (et aux organisations d’entraide privées) : jusqu’à quel point celle-ciest-elle disposée à s’intégrer à une stratégie de bonne gestion gouvernementaledéveloppée par des acteurs externes ? Cette question est d’autant plus pertinente pource qui concerne la garantie au risque à l’exportation, point de contact entre le secteurprivé et l’Etat : avec une somme totale de garanties atteignant les 1273 millionsde francs, l’Indonésie possède 14 % de toutes les garanties et occupe dans ce domaine lepremier rang.

10 • La corruption endémique qui sévit en Indonésie pose la question de l’utilisation

d’instruments supplémentaires permettant d’intensifier la bonne gestiongouvernementale ; on pourrait par exemple envisager de lier l’octroi de la garantie aurisque à l’exportation, en cas de commandes Importantes, à l’exigence d’une attestationde l’équité des prix à la livraison délivrée par une société d’inspection desmarchandises ou d’une déclaration des fournisseurs selon laquelle il n’y a eu aucunecorruption.

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Quelles priorités ?

11 Jusqu’ici, les intérêts économiques à court terme de la Suisse ont, en cas de conflit,

généralement primé. Il faut reconsidérer cette position par rapport aux lignesdirectrices Nord-Sud du Conseil fédéral. En décrétant un postulat pour les lignesdirectrices Nord-Sud, le Conseil fédéral a visé, si l’on en croit le texte du postulat, le« but d’une politique de développement globale et cohérente. Il s’agit notammentd’adapter davantage les instruments de politique économique et commerciale auxobjectifs en matière de politique de développement et de les coordonner… avec lesefforts du DFAE ». Il est d’ailleurs de l’intérêt bien compris de la Suisse de mettre surpied une politique de développement à long terme.

12 « Lorsqu’on doit évaluer le risque de la garantie au risque à l’exportation pour les pays

en développement les plus pauvres, il est nécessaire de mettre plus d’accent sur lesaspects d’ordre politique et sur le respect des droits de l’homme dans les paysrécipiendaires », peut-on lire dans les lignes directrices Nord-Sud du Conseil fédéral. Lasituation problématique de bonne gestion gouvernementale devrait conduire à unepondération accrue des partenaires privés. Cela devrait également avoir un impact surl’engagement tel que l’a prévu l’OFAEE.

Mécanismes institutionnels permettant d’encouragerla cohérence

13 • Le Bureau de coordination devrait être également compétent en Indonésie pour toutes

les mesures de collaboration au développement (crédits mixtes de l’OFAEE inclus),comme le prévoit, du reste, l’Image directrice de la DDA de 1991, mais comme cela ne sefait pas à Djakarta.

14 • Avec l’Indonésie comme principal pays bénéficiaire de la collaboration au

développement de la Suisse, il serait possible de conclure un contrat de collaboration àlong terme, symétrique et cohérent, qui ferait office de disposition faîtière couvranttoutes les activités susceptibles d’être influencées par l’Etat.

15 • Le dialogue politique avec l’Indonésie devrait être plus ouvert à l’égard du secteur

privé (organisations d’entraide, économie privée) et intégrer ses représentant(e)s auxpourparlers, de manière à les confronter aux divers points de vue. Il serait bienvenu decréer un mécanisme de dialogue auquel pourraient être associés tous les Intéressés.

16 • Les représentants suisses au sein des institutions multilatérales – à savoir la Banque

mondiale et la Banque asiatique de développement – doivent être, pour leur part,intégrés au dialogue politique au niveau bilatéral.

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AUTEUR

RICHARD GERSTER

Directeur de la Communauté des œuvres d’entraide Swissaid/ Action de Carême/ Pain pour le

prochain/ Helvetas/ Caritas, Berne

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Les relations Suisse-Indonésie à lalumière des nouvelles directivesrelatives aux relations Nord-SudMarkus Kupper et Robert Jenny

Généralités

1 L’analyse ci-après se fonde sur l’expérience d’une agence qui lance des projets concrets

de développement dans le domaine du Technical and Vocational Education and Training

(TVET) et de la Small-Scale Industries Promotion (SSIP) en Indonésie et ne peut donc pas,et de loin, constituer une étude exhaustive par rapport à la politique globale.

Identification des problèmes (sélectionnés) decohérence

2 Les relations économiques doivent être considérées avec comme arrière-plan une

structure dualiste de l’économie indonésienne : un secteur moderne et un secteur plustraditionnel. Le secteur moderne est caractérisé par la présence dominante de grandeset moyennes entreprises, qui tentent de profiter d’un faible coût de la main-d’œuvreet/ou d’une demande privée croissante. Bien que le faible coût de la main-d’œuvreconstitue un facteur important, le bas niveau de qualification, la menace de conflits dutravail et les exigences de qualité d’un marché à l’exportation qui reste prépondérant,conduisent les entreprises à recourir aux technologies modernes (= de pointe), tellescelles qui sont également utilisées dans certains pays industrialisés. Cette tendance estaccentuée par une stratégie de modernisation adoptée par le gouvernementindonésien, qui préconise actuellement une période de transition entre une phased’acquisition des technologies et une phase d’adaptation de ces technologies. Le secteurmoderne est étroitement lié à la structure politique du pouvoir, qui favorise ladomination des grands groupes et subit fortement l’influence de l’ethnie chinoise

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autochtone. Concentré sur Java et Sumatra (à l’exception des industries en amont quitransforment les ressources naturelles), le secteur moderne recherche activement leprofit, mais crée également de nouvelles demandes, remplaçant en partie les produitstraditionnels. Les entreprises privées du secteur moderne sont des partenairespotentiels pour des joint ventures avec des multinationales suisses et des clientspotentiels de fabricants suisses.

3 Les petites entreprises développent presque exclusivement des activités plus

traditionnelles destinées aux marchés locaux. Elles sont intégrées dans les structuressociales traditionnelles de la famille, du village et – tout au moins pour une partied’entre elles – de la tribu. Elles absorbent la majeure partie de la main-d’œuvre etoffrent d’importants services à la communauté, étant donné qu’elles sont éparpilléesdans les régions les plus dynamiques du pays. La plupart de ces entreprises sontinformelles, ce qui ne veut pas dire qu’elles ne sont pas connues et agréées par legouvernement. Suivant les secteurs, les petites entreprises sont de plus en plusconcurrencées par de grandes entreprises, mais aussi par des multinationales. Autreexemple où les multinationales suisses sont également concernées : le secteur de latransformation des produits alimentaires et les laboratoires pharmaceutiques. Lesecteur des petites industries est soutenu par Swisscontact depuis 1989 et le SDCenvisage de mettre sur pied un programme sectoriel en collaboration avecSwisscontact.

4 On retrouve les mêmes modèles de dualisme économique dans le domaine du

développement des ressources humaines, élément crucial du développement. Jusqu’ici,tous les efforts des Suisses se sont polarisés sur le secteur moderne, généralement auprofit des grandes et moyennes entreprises. Cela n’empêche pas une incohérence deplus : le gouvernement est de loin le principal partenaire de l’aide officielle suisse à cesecteur. Compte tenu de sa structure – qui fait partie elle-même d’une structure depouvoir très élaborée, mais stable –, d’une série de faiblesses – telles que lesorganisations centralisées et la sous-qualification –, les buts idéologiques qu’ilpoursuivait ont limité le succès de ses efforts pour apporter à la main-d’œuvre lesqualifications clés exigées par l’industrie en développement ou pour aplanir lesdisparités régionales et sociales. Les chiffres prouvant le succès quantitatif globalobtenu en matière de scolarité de base et d’alphabétisation – à l’instar des indicateursmacro-économiques – dissimulent le fossé qui ne cesse de se creuser entre une élitebénéficiant du développement et une majorité de laissés-pour-compte… avec tous lesdangers inhérents que cela implique pour la paix sociale et la stabilité politique !

5 Le secteur privé – qui inclue les multinationales suisses – n’a pas été capable jusqu’ici

de mettre sur pied des variantes de programme significatives sur le plan quantitatifpermettant de prodiguer les qualifications « clés », bien que la qualification dupersonnel constitue un obstacle à l’expansion de l’activité en Indonésie trèsfréquemment évoqué. (Il va de soi que les entreprises forment et perfectionnent leurpropre personnel pour leurs besoins spécifiques ; parmi les initiatives privées, il fautégalement citer les efforts déployés par les églises qui demeurent toutefois restreints).Résultat : seule une très petite élite a accès à de bons programmes TVET et, partant, auxbénéfices du secteur moderne. La majeure partie de la main-d’œuvre est cantonnéedans des emplois non qualifiés ou semi-qualifiés, bien souvent avec des conditions detravail semblables à celle du capitalisme du XIXe siècle ; ou alors cette main-d’œuvrereste complètement en dehors du secteur formel et acquiert comme elle peut les

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capacités nécessaires pour survivre. La concentration démographique de la populationde l’île de Java et l’échec notoire du programme de « transmigration » aggravent, desurcroît, le développement d’un prolétariat non qualifié dans des mégapoles enconstante expansion, parallèlement à la croissance économique et probablement plusvite qu’elle. Impressionnante sur le plan statistique, cette croissance est, à bien deségards, fort trompeuse.

6 Les projets actuels, ainsi que la réduction prévue de l’aide de l’Etat à l’Indonésie offrent

des possibilités limitées de corriger le tir. Et la décision fondamentale du SDC de « seretirer » d’Indonésie à la fin de ce siècle – laquelle repose sur l’hypothèse qui veut quel’essor économique et social de ce pays semble être assuré – pourrait bien êtreprématurée et, pour tout dire, problématique.

7 Notamment par rapport aux activités TVET et SSIP, les vecteurs « protection de

l’environnement naturel » et « encouragement au rééquilibrage de la balancecommerciale » continuent d’être grossièrement négligés. Nous ignorons dans quellemesure ils sont déjà pris en considération dans le commerce bilatéral (étiquetteécologique). Il semble bien que les multinationales s’en tiennent à leurs proprescritères.

8 Dans le contexte politique global, une promotion active des droits de l’homme et d’un

climat politique et culturel plus ouvert en Indonésie ne sont pas en corrélation avec lenom de la Suisse, en dépit de notre propre système de valeurs. (A cet égard, certainesactions menées par des organisations cléricales et dans le cadre de la « diplomatiesecrète » constituent des exceptions). La Suisse traditionnelle se détourne des liensexistant entre les droits de l’homme et le commerce et ne prête guère attention auxprincipes démocratiques dans les pays de ses partenaires commerciaux. Par ailleurs, onne peut pas fermer les yeux sur le fait que l’Indonésie donne des signes deGood Governance dans des domaines précis et de stabilité politique inconnue dansbeaucoup de pays en développement. Il est, par conséquent, difficile d’avoir en Suisseune image nuancée de l’Indonésie, étant donné qu’elle est perçue soit comme unparadis tropical jouissant d’un ordre et d’une stabilité politiques, l’histoire exemplaired’une réussite économique et un paradis pour les investisseurs, soit comme une sinistredictature pratiquant une exploitation capitaliste relativement sauvage, marquée par lerègne de la corruption et la carence de toute assistance sociale.

Solutions possibles au problème de la cohérence

9 Il faut garder un point de vue réaliste sur la cohérence des actions menées par toutes

les différentes parties : les entreprises privées suivent leurs propres principes quipourraient s’avérer incompatibles avec d’autres politiques, cela s’expliquant aussi,comme on l’a montré plus haut, par les structures de l’économie et du pouvoir politiqueindonésiens. C’est pourquoi il est nécessaire de favoriser le libre dialogue entre lesdifférentes institutions et entreprises suisses exerçant une activité en Indonésie, maisaussi de porter un regard critique sur ce qui résulte de ce dialogue. En l’occurrence, unaxe SDC-OFAEE pourrait jouer un rôle crucial. Un débat régulier entre desreprésentants suisses en Indonésie (de l’industrie, de l’ambassade, du SDC, desorganisations d’entraide privée, etc.) permettrait de favoriser une compréhensionglobale des problèmes. On peut même imaginer que ce dialogue pourrait déboucher surdes actions et même des projets communs.

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10 On pourrait apporter un soutien actif à toute recherche significative, par exemple

concernant l’impact du développement du secteur moderne sur les activitéséconomiques traditionnelles (telle que la recherche développée par l’Institut degéographie anthropologique de l’Université de Zurich). Les résultats de la recherchedoivent être communiqués sous une forme appropriée aux protagonistes ainsi qu’auxpartenaires indonésiens concernés. Il faut soutenir activement toute présentationnuancée de l’Indonésie aux parties intéressées et à l’opinion publique en Suisse. Il en vade même pour la présentation de la Suisse en Indonésie, où les nombreux responsablesd’associations pourraient également jouer le rôle d’« ambassadeurs ». On pourraitencourager d’éventuels contacts et actions communes entre des organisations nongouvernementales indonésiennes et suisses, d’une part, et les institutions du secteurprivé, d’autre part. L’information sur l’engagement de la Suisse en Indonésie devraitêtre plus ouvertement accessible – par exemple en ce qui concerne la liste des adressesd’entreprises suisses représentées en Indonésie.

11 Globalement parlant, il est toutefois évident qu’une approche réellement cohérente de

tous les acteurs de ce pays et de ses problèmes demeurera difficile et, jusqu’à un certainpoint, il est souhaitable que l’on continue de se préoccuper de cette question. Lesintérêts demeurent contradictoires et il vaut mieux rester réaliste quant auxpossibilités dont dispose un peuple de 6,5 millions d’âmes pour exercer une influencesur une nation de 190 millions d’habitants. Quoi qu’il en soit, il serait possible detransmettre quelques modestes impulsions dans les domaines où la Suisse a le plus àoffrir, comme par exemple une éducation sans discrimination orientée sur les besoinsréels et les systèmes de promotion économique des petites entreprises. Compte tenu dece qui précède, la décision de réduire radicalement notre contribution à l’aide – quireste relativement limitée – est fort regrettable. L’investissement privé peut assumerune partie de cette contribution, mais il va de soi que cette compensation sera minimesur le plan social.

Mécanismes institutionnels

12 Compte tenu du fait que la mise en pratique des lignes directrices Nord-Sud incombe,

dans une large mesure, au Département suisse des affaires étrangères, il est logique queses représentants expliquent les questions et les problèmes qui se posent – ainsi que lessolutions envisageables – à un large cercle de parties intéressées et impliquées. Cesdernières devraient être encouragées à exprimer leur avis et à apporter dessuggestions, ce qui pourrait, du moins on l’espère, déboucher sur des actions et desrésultats significatifs. Un dialogue plus fructueux peut s’instaurer entre diversesadministrations fédérales, afin de développer et de coordonner les actions futures, enparticulier l’OFAEE et le SDC. Ce dialogue peut aussi intéresser des personnesappartenant à différentes institutions (y compris dans l’industrie), afin de débattre deproblèmes de cohérence précis. Le but de cet échange serait de favoriser unecompréhension mutuelle des problèmes et de la situation de chacune d’elles. Il faudraitdonc créer un cercle réunissant des experts du développement, des représentants dumonde politique et économique, afin de favoriser la compréhension de la situation etdes activités des uns et des autres. On devrait développer, si possible, des actions« mixtes » entre investisseurs suisses, le gouvernement et les organisations d’aide. Un

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dessein malheureusement difficile à réaliser dans le cadre de notre coopération avec lespays en développement.

AUTEURS

MARKUS KUPPER

Chef du Service Asie, Swisscontact, Zurich

ROBERT JENNY

Secrétaire général de Swisscontact, Zurich

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Questions politiques etdéveloppement durable au centredes problèmes de cohérenceRapport de synthèse

Monika Egger et Jacques Forster

Cohérence : Liaison, rapport étroit d’idées qui

s’accordent entre elles.

(Le Grand Robert)

« Absence de contradiction et de disparate entre les

parties d’un argument, d’une doctrine, d’un ouvrage. »

(Lalande)

1 Lorsque l’on s’interroge sur la cohérence ou l’incohérence des relations bilatérales de la

Suisse avec l’Indonésie, on remarque d’emblée à quel point cette problématique estcomplexe et les niveaux d’action et d’intervention nombreux. La présentationschématique (voir tableau page suivante) des problèmes, tels qu’ils ont été abordés parles divers participants au colloque, illustre cette réalité. Les problèmes de cohérenceidentifiés en Suisse et en Indonésie y sont classés selon les objectifs de la politiqueétrangère.

2 Comme toujours lorsqu’un problème se révèle complexe, la tâche la plus ardue dans

l’examen de la cohérence a consisté à fixer des priorités. C’est en effet le choix duprincipal problème de cohérence qui est à l’origine du colloque : Quel est, à mon avis, le

principal problème de cohérence dans les relations entre la Suisse et l’Indonésie ? Quels sont,

selon moi, les interlocuteurs et les acteurs à même de résoudre le principal problème de

cohérence ? » De plus, il ne faut pas perdre de vue, qu’en corollaire à ces questions, on sedemande aussi quels espoirs on place dans une cohérence accrue dans un secteur-clé etquelle contribution concrète l’on peut fournir pour optimiser les actions.

3 La majorité des participants au séminaire ont cité deux grands thèmes : un de nature

politique et un de nature économique :1. Démocratie, processus de démocratisation, bonne gestion gouvernementale (Good

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Governance), situation des droits de l’homme en Indonésie ;2. Instauration d’une croissance économique durable dans le pays.

4 Les niveaux d’action étant interdépendants, une amélioration de la cohérence exige

l’intervention de tous les acteurs mentionnés dans le tableau. Il convient par ailleurs derechercher, davantage que par le passé, le concours d’autres partenaires que celui dugouvernement central.

Les problèmes de cohérence dans les objectifs de la politique extérieure de la Suisse et les acteursconcernés

« Jusqu’à présent, nous avons surtout collaboré avec le gouvernement central. Il meparaît important que nous recherchions dorénavant d’autres partenaires, quel’économie privée intervienne davantage en tant que partenaire – non seulementdans le secteur des exportations en provenance de Suisse, mais aussi dans ledomaine des investissements privés – que l’économie suisse s’intéresse plus à créerdes places de travail aussi en Indonésie » (Robert Jenny). « La situation des femmesmérite d’être renforcée. J’attends beaucoup de la « promotion équilibrée hommes-femmes menée par les ONG. Je pense que les organes étatiques sont encore très, trèsloin de la réalité » (Margrit Meier).

5 Le poids accordé aux problèmes et les éventuelles amorces de solution varient selon les

points de vue : les participants ont exprimé une opinion unanime – pour ne pas direharmonieuse – sur les questions politiques (situation des droits de l’homme) enIndonésie, ainsi que sur la nécessité de promouvoir la démocratie et d’améliorer lagestion gouvernementale. Les interventions concernant la cohérence dans les relationséconomiques de la Suisse avec l’Indonésie, dans la perspective du développementdurable, ont été plus contrastées et passionnées. Pour ce qui est du développementdurable, l’accent a été mis sur une croissance économique socialement mieuxéquilibrée, tandis que les problèmes liés à l’environnement n’ont guère étéapprofondis.

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1. Améliorer la politique pour accroître la cohérence – démocratisation, bonne gestion gouvernementale,droits de l’homme

Relations bilatérales

6 Le débat sur la dimension politique des problèmes de cohérence a été marqué par la

décision prise quelques jours auparavant par les Etats-Unis de dissocier totalement,dans leurs relations avec la Chine, la question des droits de l’homme et la politiquecommerciale. Les participants au colloque se trouvaient donc d’entrée de jeu face à laquestion de savoir si la Suisse devait rompre ses relations économiques avec un payslorsque celui-ci ne respecte pas les droits de l’homme. Et cette autre question :l’Indonésie fait-elle partie de ce type de pays ?

« Nous ne disposons d’aucun mécanisme très subtil pour apaiser les tensionspouvant surgir entre le secteur des droits de l’homme et la politique économiqueextérieure. Dans la pratique, on passe longtemps les éventuelles difficultés soussilence mais, face à un problème d’incohérence, on ne connaît guère que deux typesde réactions : les uns exigent la rupture immédiate des relations économiques, parexemple suite à une violation grave des droits de l’homme, tandis que lesreprésentants de l’économie expliquent, pour leur part, pourquoi il ne faut pas lefaire » (Peter Maurer).

7 Pour éviter que l’opinion publique soit partagée en deux camps opposés pour ce qui est

des relations avec des gouvernements politiquement suspects, il faut instaurer undialogue plus large. Ce dialogue devrait intervenir régulièrement dans le cadred’échanges plus fréquents entre les ONG, l’industrie et l’administration, et avoir pourbut de doter la Suisse d’une politique étrangère et d’une politique de développementcohérentes face à des violations des droits de l’homme. On pourrait ainsi définir uneposition de principe qui pourrait être adaptée à la situation spécifique d’un pays. Le caséchéant, on pourrait ensuite faire des distinctions selon la situation et selon le paysconcerné, en veillant toutefois à ne pas appliquer des normes différentes aux diverspays en fonction des seuls intérêts de la Suisse, de l’importance de ses relationséconomiques et de l’aide au développement accordée. « Je pense qu’il faut néanmoinsprendre garde à ne pas appliquer des critères différents uniquement parce que l’on aplus d’influence dans certains pays » (Hans-Peter Maag).

8 La majorité des participants au colloque pensent qu’un petit pays comme la Suisse ne

peut guère exercer d’influence politique sur un pays comme l’Indonésie.

« L’Indonésie compte certes parmi les pays de concentration de la coopération audéveloppement, mais les Indonésiens ne considèrent de loin pas la Suisse comme unpartenaire important, ni sur le plan de la coopération au développement ni sur leplan politique. De plus, l’Indonésie fait partie des pays qui peuvent se permettred’ignorer les conditions qu’on voudrait leur imposer ou toute pressioninternationale en matière de droits de l’homme, de bonne gestion gouvernementaleou de démocratie. » (Konrad Specker)

9 Bien que les participants relativisent les résultats que la Suisse pourrait obtenir, ils

estiment tous qu’elle devrait s’efforcer de mener une politique économique extérieurequi ne fasse pas abstraction des atteintes aux droits de l’homme. Même si nosinterventions ne peuvent avoir que des effets limités, nous ne devons pas nous laisseraller à la résignation et à l’inaction. Il faut empêcher les exportations suisses

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lorsqu’elles favorisent les violations des droits de l’homme (exportations d’armes). Engénéral, il faut veiller plus à ce que les relations économiques de la Suisse ne profitentpas à des pouvoirs corrompus et n’entravent ainsi l’essor de la démocratie. Pour cernerles besoins d’un pays, il suffit de demander aux personnes concernées par nos relationséconomiques et par l’aide au développement, comment elles interprètent notre proprenotion des relations économiques, de la bonne gestion gouvernementale et des droitsde l’homme : « Qu’attendez-vous de la Suisse ? Des organisations d’entraide suisses ? Del’Etat ? De l’économie privée ? – Nous ne devrions pas craindre de poser ces questions.L’expérience m’a en effet montré que – les sensibilités étant différentes – les réponsessont en général plus nuancées qu’un simple appel au boycott, par exemple »(Richard Gerster).

10 En améliorant le dialogue avec nos partenaires privés et publics en Indonésie, à tous les

échelons – gouvernement à la capitale, mais aussi dans les régions et districtspériphériques – nous faisons connaître notre notion de la démocratie et notre culturedans d’autres Etats. En obtenant de meilleures informations en provenance directe desdiverses couches de la population, nous pourrons nous faire une meilleure idée de lasituation politique et mettre en œuvre nos moyens de l’améliorer. Nous devrons aussiadapter à la situation de chaque pays notre conception de la croissance économiqueidéale. La théorie présentée par Jean-Luc Maurer, selon laquelle il faut tout d’abord unEtat autoritaire pour parvenir à un certain niveau de développement, niveau à partirduquel des forces démocratiques naissent d’elles-mêmes, a soulevé des controverses.Cette théorie est contestée. D’aucuns ont en effet rappelé le cas de l’Europe où lessociétés ont suivi parallèlement un développement démocratique et économique. « Ledéveloppement économique, l’élévation du niveau de vie et la démocratie sont deséléments interdépendants. Il existe des liens complexes entre démocratie et prospérité,mais elles se stimulent l’une l’autre » (Günther Bächler).

11 Les violations des droits de l’homme ne doivent pas être passées sous silence ; elles

doivent être abordées au niveau diplomatique. De son côté, l’économie privée devraitégalement se doter de moyens pour exprimer – non pas au niveau d’entreprisesindividuelles, mais dans le cadre d’une association professionnelle – sa désapprobationface à des cas concrets d’atteintes aux droits de l’homme. Elle devrait expliquer à sespartenaires qu’à long terme ces atteintes vont à rencontre des principes qui prévalentnormalement dans les relations économiques. Si l’Indonésie souhaite attirer un plusgrand volume d’investissements étrangers, elle a en fin de compte tout intérêt à donnerl’image d’un pays politiquement stable. Or le respect des droits de l’homme est unecondition fondamentale de stabilité politique à long terme. Ce point de vue contreditl’opinion largement répandue dans les milieux économiques, qui veut qu’un systèmerépressif n’engendre pas automatiquement un mauvais climat pour les investissementsprivés, du moins à court terme. Face au choix, les investisseurs préférerontprobablement des systèmes répressifs à des systèmes démocratiques peu sûrs et tropbureaucratiques. C’est un élément à prendre en considération lorsque l’on aborde lerôle de l’économie privée dans l’accroissement de la cohérence. Pour avancer sur cettevoie, il faudra cependant fournir encore beaucoup d’efforts de persuasion. En effet,pour l’économie privée, une augmentation des dépenses militaires peut être synonymedu maintien – par la répression – de l’ordre et du calme, donc de la sécurité desinvestissements.

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12 La politique des droits de l’homme ne peut se cantonner dans le rôle de bonne

conscience de la coopération économique. Elle doit aussi se concrétiser dans les faits.Les mesures positives ne doivent pas se limiter aux effets indirects de la croissanceéconomique. Une mesure positive concrète consisterait par exemple à élaborer et àappliquer un code de conduite de l’industrie suisse dans la démocratisation d’un pays.Celui-ci fixerait la contribution de l’économie privée à la coopération audéveloppement, une orientation identique pour les relations bilatérales privées etpubliques, etc. Dans l’ensemble, on souhaite que la Suisse se montre un peu moins« hypocrite » et amorce un « tournant fondamental » dans sa pensée politique(Robert Jenny).

13 Au demeurant, nous ne devons pas faire abstraction de l’histoire de notre propre

développement et des injustices qui le jalonnent. Les excès de langage sont aussi àéviter.

« Le “régime autoritaire” en Indonésie est-il comparable à celui du Chili de Pinochetou à celui de l’Espagne de Franco ? Certes, la corruption existe, mais il ne faut pasoublier que la corruption sévit aussi en Suisse et ailleurs » (Philippe Régnier).

14 La crédibilité des pays du Nord dans le cadre de leur dialogue politique et économique

avec les pays du Sud joue un rôle central dans le débat sur la cohérence. Sommes-nouscrédibles – nous qui consommons de l’énergie sans compter – lorsque nous leurexpliquons qu’ils ne parviendront pas à instaurer un développement durable sansjuguler leur consommation énergétique ? La Suisse est-elle crédible lorsqu’elle adhèreaux sanctions économiques dans un cas (Haïti) et pas dans un autre (Afrique du Sud) ?Notre crédibilité nationale est également remise en question en Suisse : « Nos efforts decohérence sont-ils vraiment crédibles lorsque le peuple rejette en votation toutes lespropositions du gouvernement en matière de politique étrangère ? » (Robert Jenny).Comment gérons-nous les grandes divergences qui opposent le gouvernement, leparlement et le peuple sur les questions de politique étrangère ?

La cohérence dans le contexte international

15 Au-delà des relations bilatérales, se posent les questions suivantes : Comment se présente

une coopération suisse cohérente avec l’Indonésie dans le contexte international ? Que doit faire

la Suisse pour adopter une attitude cohérente face à des règles de conduite internationales

précises, telles que les sanctions de l’ONU à rencontre d’un pays (voir les exemples déjà cités de

l’Afrique du Sud et de Haïti) ?

16 Des actions coordonnées ou parallèles menées au niveau mondial réussissent parfois à

infléchir la politique d’un gouvernement. Une campagne internationale, orchestrée il ya quelques années par des ONG locales en Malaisie a ainsi eu une influence positive surle processus législatif : le gouvernement a dû abandonner un projet de loi visant àrestreindre les droits des organisations privées.

17 Il existe des institutions, telles que le Comité d’aide au développement de l’OCDE ou le

Groupe consultatif de la Banque mondiale, permettant de coordonner, au niveauinternational, les politiques nationales à l’égard de l’Indonésie. Lorsque les objectifs etles stratégies sont formulées d’un commun accord, on peut en effet escompter unemeilleure cohérence.

18 A long terme, l’interdépendance économique qui prévaut aujourd’hui déjà – et qui ne

peut aller que croissant avec le processus de libéralisation – n’autorise pas les

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différents pays à appliquer leurs propres critères dans le domaine des droits del’homme.

« L’interdépendance économique réduira toujours plus la marge de manœuvre dontdispose l’Etat pour appliquer les droits de l’homme à sa manière. Un pays quientretient des échanges commerciaux intensifs avec des pays qui ne respectent pasles droits syndicaux, ne parviendra guère à les sauvegarder sur son propreterritoire. En caricaturant un peu, on peut affirmer ceci : même si le respect desdroits des travailleurs en Indonésie nous importe peu du point de vue culturel, nousne pouvons nous en désintéresser du point de vue économique. Deux systèmecomplètement différents ne peuvent pas coexister à long terme » (Margrit Meier).

2. Une croissance économique durable améliore lacohérence

19 En quoi la coopération au développement et la promotion des exportations contribuent-elles à la

croissance économique durable en Indonésie ? La coopération au développement et lapromotion des exportations s’opposent souvent, mais pas toujours. Ce « conflittraditionnel » qui perdure dans la coopération au développement devrait à l’avenirlaisser la place à une combinaison d’instruments politiques (policy mix). L’Indonésieconstitue un bon exemple de partenaire de la coopération suisse au développement – c’est un pays de concentration de l’aide – où les programmes d’aide technique sontremplacés par des mesures de politique économique. Elle a un besoin urgent demoderniser ses technologies et d’attirer plus d’investissements privés. Si elle souhaiteque sa croissance économique se poursuive, l’Indonésie est condamnée à développerses exportations.

« La promotion des investissements au profit de l’Indonésie – à un moment où lepays se trouve dans une phase de transition entre une économie basée sur ladivision du travail et une société industrielle en pleine évolution – est un sujetd’importance. Elle offre une occasion rêvée de surmonter l’antagonismetraditionnel entre la coopération au développement et la promotion desexportations, dans la mesure, justement, où il est possible de dynamiser lesinvestissement grâce à des moyens publics. Un tel processus présente des avantagestant pour les entreprises suisses qu’indonésiennes et apporte une contributionéconomique globale » (Matthias Meyer).

20 Le but de cette démarche est de promouvoir un transfert de technologies efficace, qui

puisse contribuer à une croissance économique durable.

21 La combinaison des instruments politiques implique l’engagement simultané et

interactif de divers instruments de coopération et de relations économiques. A cepropos, la majorité des participants au colloque ont exprimé leur désir de voir sepoursuivre les programmes de coopération technique de la DDA, car on ne peutconcevoir une promotion des technologies sans former les gens. La majorité desparticipants ne comprennent pas la décision de la DDA de se retirer de l’Indonésie. Auvu des priorités suisses en matière de coopération au développement (lutte contre lapauvreté et soutien des couches de population les plus défavorisées), il importe« d’offrir plus particulièrement quelque chose aux victimes de l’industrialisation et nonpas de soutenir la promotion des investissements en général, car cela est à la porté dugouvernement lui-même » (Richard Gerster).

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Plus de cohérence en Indonésie

22 Autre point important en matière de cohérence : il convient de demander des

explications au Gouvernement indonésien sur ses dépenses militaires (surtout lesachats d’avions et autres armes) et de lui proposer des solutions de rechange visant àutiliser ses ressources de manière plus sensée. Il faudrait aussi attirer l’attention duGouvernement indonésien sur sa politique de subventionnement, puisque l’on sait quedes moyens financiers considérables sont accordés à des entreprises à bout de souffleappartenant à des protégés du régime. D’énormes déficits sont ainsi couverts par dessubsides de l’Etat. Pour l’économie privée suisse, une meilleure cohérence impliqueraitpar exemple de réduire le volume des affaires conclues avec l’Etat pour accroître sesinvestissements dans les entreprises privées, de coopérer avec celles-ci et depromouvoir le transfert de technologies adaptées dans le secteur moyen plutôt quedans celui des technologies de pointe. La combinaison des instruments politiquesprévoit en effet de soutenir les petites et moyennes entreprises en Indonésie. Elle aégalement pour objectif d’encourager la collaboration entre entreprises indonésienneset entreprises suisses travaillant dans le même secteur. Pour commencer, il faudraittoutefois débarrasser les acteurs concernés des inhibitions qu’ils éprouvent face à leurspartenaires potentiels. L’idée de départ repose sur un constat général : jusqu’ici, on asous-estimé le rôle que peut jouer le secteur privé dans la coopération traditionnelle audéveloppement. Forte de ce constat, l’OFAEE accorde désormais la priorité à lapromotion des techniques de l’environnement et d’une formation prise en charge parle secteur privé. A l’avenir, les crédits mixtes perdront sans doute de leur importancedans la coopération au développement avec l’Indonésie.

3. Qu’est-ce que la cohérence ?

23 La discussion portant sur les questions politiques et sociales, d’une part, et sur le

développement économique durable, d’autre part, revenait toujours au problème de lacohérence, et il se peut que les participants ne donnaient pas tous le même sens à ceterme. C’est pourquoi la troisième partie des débats a été axée sur les questionssuivantes : « Qu’entendez-vous par cohérence ? » et « Qu’attendez-vous de ce processus de

dialogue commun – amorcé par la publication des Lignes directrices Nord-Sud – qui a pour but

d’accroître la cohérence ? »

24 Des réponses aussi courtes et percutantes que possible, devaient éclairer le sens donné

à ce colloque-test, c’est-à-dire évaluer l’utilité d’un dialogue sur des perspectivescommunes entre des acteurs ayant des intérêts différents et, éventuellement, indiquerla voie à suivre et les instruments à mettre en œuvre.

25 La plupart des participants ont tenté de définir la cohérence en constatant que les

contradictions font partie de la vie, qu’elles en sont l’essence même. La vie sociale etpolitique est contradictoire et incohérente. La vie elle-même est pleine decontradictions. Est-il dès lors raisonnable de vouloir supprimer le maximum decontradictions ? Faut-il vraiment rechercher la cohérence ? En rendant transparentesles contradictions avec lesquelles nous vivons, nous parviendrons peut-être à lesréduire par un processus dynamique et interactif.

26 Hésitations, malentendus mais aussi stéréotypes, sont les mots-clés qui ont surgi au

cours du débat visant à mieux saisir l’essence de la cohérence. Dans le cas de

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l’Indonésie, pays en plein essor, une question se pose précisément de manière trèsconcrète : comment harmoniser les instruments de l’aide au développement et de lapromotion économique ? Pour améliorer la cohérence, nous devons trouver desréponses qui dépassent les schémas traditionnels. La cohérence dans les relationsextérieures implique que toutes les relations poursuivies avec un pays sontsubordonnées à un objectif commun. Les actions individuelles ne doivent pas aller àrencontre de cet objectif commun, même si les interventions des divers acteurs ne sontpas coordonnées entre elles). « La cohérence signifie, premièrement, que la maingauche sait ce que fait la main droite – ce qui correspond à la transparence – et,deuxièmement, qu’une action ne détruit pas le résultat des autres »(Violette Ruppanner). La recherche de la cohérence est donc un processusd’optimisation.

27 L’étude des conflits régionaux dans l’hémisphère Sud montre que les ruptures sont de

plus en plus nombreuses et marquées. Il convient dès lors d’évaluer avec soin les effetsqu’une politique – à notre avis cohérente – produit chez son destinataire. Dans ledomaine socio-culturel, parvenir à surmonter les scissions et les conflits constitue unpas essentiel vers la démocratie, la prospérité économique, le respect des droits del’homme et la protection de l’environnement.

« Une politique qui aggraverait encore les conflits – par exemple en favorisant unsecteur donné ou certains acteurs, tout en oubliant les autres – serait incohérente »(Günther Bächler).

28 D’autres consultations devront déterminer qui définit l’objectif à atteindre – les

partenaires en Indonésie, les acteurs en Suisse, séparément ou en commun – et quelpourrait être cet objectif dans le cas de l’Indonésie. Deux points de vue s’opposent ici :« Le but qu’il faut viser consiste à élaborer une politique de développement globale etcohérente et, plus particulièrement, de mieux orienter les instruments économiques etde la politique commerciale sur les objectifs de la politique de développement »(Richard Gerster).Ce point de vue est toutefois en contradiction avec le principe libéraldu « laisser-faire » préconisé par l’économie privée.

Quel processus, quelles structures choisir ?

29 Dans un premier temps, on constate en Suisse un grand besoin d’agir, le besoin aussi de

mettre en place un mécanisme d’information et de consultation systématiques. Un telmécanisme pourrait améliorer la transparence en ce qui concerne les conflits entre

objectifs. En Suisse, nous avons tendance à occulter les tensions et à vouloir donner uneimage harmonieuse en toutes choses. De plus, la politique de développement sertsouvent à faire de la politique intérieure. Ces habitudes nous empêchent d’analyserclairement les antagonismes qui marquent la politique de développement et lapolitique étrangère. « Dans ce sens, je considère la cohérence comme un moyen pour lapolitique étrangère de se libérer de la politique intérieure » (Matthias Meyer).

30 Disposons-nous des structures nécessaires pour mener une politique cohérente ? La

politique économique est entre les mains d’un département, tandis que la politiqueextérieure et l’aide au développement relèvent d’un autre. Vue de l’extérieur, lacoordination entre ces deux départements ne semble pas toujours optimale. Il reste dèslors à savoir comment modifier les structures pour parvenir à un maximum decohérence. A cette question, d’aucuns répliquent que la Suisse – avec sa tradition duconsensus – possède justement les structures idéales pour formuler des politiques

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cohérentes. « La Suisse est le seul pays d’Europe occidentale où le consensus est sifortement enraciné. Les procédures administratives internes et notre culture deconsultation extrêmement différenciée devraient offrir un cadre idéal à une politiquecohérente » (Peter Maurer). Pourquoi ne parvenons-nous pas à la mettre en place ? Laréponse est à chercher dans le domaine politique. En effet, il n’y a guère que la Suissequi sépare, depuis toujours et aussi nettement, la politique de l’économie. Sur le planéconomique et financier, la Suisse est une grande puissance ; sur le plan politique, elles’est isolée du débat mondial. C’est pour cette raison qu’elle ne parvient pas à prendreles décisions correspondant à la qualité de ses structures.

« La cohérence signifie que les acteurs agissent à peu près de concert, sans que leursactions doivent nécessairement être bien coordonnées. L’essentiel est que lesefforts aillent dans la direction souhaitée. En effet, si ces efforts permettent à unpays d’avancer sur la voie du développement, les organisations de développementet les œuvres d’entraide seront satisfaites, puisque la situation de chacun dans lepays peut s’améliorer. Elle ne s’améliore hélas pas forcément, car il reste encoretout le problème de la répartition des ressources » (Max Schieler).

31 Le colloque sur les relations de la Suisse avec l’Indonésie a davantage porté sur le

niveau d’action en Suisse que sur ce que nous attendons de nos partenairesen Indonésie. Deux conclusions ressortent toutefois clairement : le besoin d’accroître latransparence et de mettre en place des instruments pour exercer une influence positivesur les décisions des différents acteurs dans les efforts de cohérence.

4. La mise en œuvre de la cohérence : quelsmécanismes ?

32 L’objectif d’une plus grande cohérence des politiques dans la coopération au

développement requiert des mécanismes efficaces de mise en œuvre. Dans le cadre ducolloque, cette question fut abordée sous plusieurs angles :a) quel est le rôle de ces mécanismes (information, consultation, co-décision) ?b) quels sont les acteurs concernés par ces mécanismes ?c) les mécanismes existants suffisent-ils ou en faut-il de nouveaux ?

a) Le rôle des mécanismes

33 Un premier constat a fait rapidement l’unanimité : une bonne circulation de

l’information est une condition nécessaire à la recherche d’une plus grande cohérencedes politiques dans la coopération au développement. Dans le cas de la politique suissede coopération au développement avec l’Indonésie, on a regretté que la décision deretrait de la DDA et du passage du témoin à l’OFAEE n’ait pas été discutée en tempsopportun avec les milieux intéressés (ONG, économie privée).

34 L’accès des acteurs concernés à l’information sur les plans des autres acteurs permet de

mieux identifier les contradictions possibles entre les politiques et les conflitsd’intérêts des différents acteurs. La consultation permet donc de prendre des décisionsen meilleure connaissance de cause tout en préservant l’autonomie des décisions dechaque acteur.

35 Faut-il aller au-delà de l’échange d’information et de la consultation jusqu’à un examen

de la cohérence conduit conjointement par tous les acteurs (administration, ONG,

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économie privée) ? C’est la thèse de Günther Bächler qui considère que la transparencen’est qu’une condition préalable pour la mise en place de mécanismes d’examen de lacohérence sous l’angle des différents objectifs de la politique suisse énoncés dans leslignes directrices. Cet examen de la cohérence ne concerne pas selon lui quel’Administration fédérale, mais aussi tous les autres acteurs : « Les différents acteursdevraient en principe effectués dans leur domaine spécifique cet éventail de contrôlesde la compatibilité et parvenir à optimiser ces diverses stratégies ou projets en vued’obtenir la cohérence. »

36 D’autres participants estiment qu’il ne faut pas aller au-delà de la consultation : Selon

Matthias Meyer, « c’est une chose que les milieux intéressés s’informent mutuellementde leurs plans et que cet échange facilite des prises de décisions. C’en est une autre quede vouloir exercer une influence sur les instances compétentes par le biais d’examensde la cohérence. Cet examen de la cohérence doit pour l’essentiel se faire au sein del’Administration fédérale. Ce qu’il faut, c’est améliorer le processus de consultation desmilieux privés. ».Il ne faut pas non plus que la consultation dilue la responsabilité desinstances appelées à prendre des décisions.

b) Les acteurs

37 Dans leurs contributions écrites au colloque, les participants ont identifié ou proposé

des mécanismes différents selon les acteurs concernés. On y trouve d’une part lesmécanismes internes à l’Administration fédérale et d’autre part les mécanismesimpliquant d’autres acteurs, que ce soit en Suisse ou en Indonésie.

38 En ce qui concerne l’Administration fédérale, plusieurs participants extérieurs à cette

administration ont exprimé le désir que la coordination entre les deux principauxoffices fédéraux concernés, la DDA et l’OFAEE, soit renforcée, un intervenant allantjusqu’à suggérer une fusion du Service du développement de l’OFAEE et de la DDA. Il esten tout cas jugé souhaitable et possible d’intégrer plus fortement les activités des deuxoffices fédéraux au sein des bureaux de coordination de la coopération suisse dans lespays de concentration de la coopération suisse au développement. Dansl’Administration fédérale, la coordination de la politique extérieure et de la politiqueéconomique extérieure devrait pouvoir se réaliser sans grande difficulté puisque, dansla plupart des pays en développement, la politique extérieure de la Suisse se confondpratiquement avec sa politique de coopération au développement.

39 La participation de l’économie privée aux mécanismes de concertation pose une

question de principe. Pour Andréas Zürcher, « l’économie privée joue aujourd’hui unrôle important, mais son rôle dans la politique suisse de développement n’est pasdéfini ». Tant qu’il n’est pas défini, les entreprises ne voient pas le sens de faire circulerde l’information. Comme elles jouent un rôle important dans les pays endéveloppement, il s’agit de les impliquer dans le processus de recherche de cohérence.Pour ce faire, il est nécessaire que les autres acteurs reconnaissent le rôle quel’économie privée peut jouer dans le développement et que l’on laisse de côté lesanciens différends et récriminations. Le dialogue sera difficile si le rôle de l’économieprivée est constamment remis en cause et critiqué. Il faut aussi se rendre compte que laréflexion au sein des entreprises sur le rôle qu’elles peuvent jouer dans la politique dedéveloppement n’est pas encore très avancée. Cependant, si ces conditions sontremplies et s’il existe un climat de confiance mutuelle, un véritable dialogue pourra

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avoir lieu car chaque acteur a de bonnes raisons de rechercher une plus grandecohérence.

40 Pour Philippe Régnier, il paraît particulièrement important de faire participer les

petites et moyennes entreprises (PME) suisses à la coopération au développement avecl’Indonésie. Les PME suisses ne sont pas très actives sur les marchés extra-européens et,selon l’OCDE, la Suisse est en retard par rapport aux autres pays industriels pour ce quiest de leur promotion. Les efforts entrepris par des ONG telles que SWISSCONTACT ouFUNDES pour favoriser la promotion des PME dans les pays en développement n’ontpas rencontré un écho suffisant. Les instruments officiels de promotion devraient êtreévalués. Du côté de l’OFAEE, des projets sont à l’étude pour favoriser la formation, des« joint-ventures » et le transfert de technologies liées à la protection del’environnement. En outre, une étude est en cours pour mettre sur pied une sociétésuisse d’investissement pour le développement qui encouragerait des « joint-ventures »par des prêts, des participations au capital, ou l’octroi de garanties. Les milieuxintéressés seront consultés.

41 La recherche de la cohérence doit aussi être poursuivie en intensifiant les contacts et le

dialogue avec les partenaires en Indonésie. Avec les partenaires traditionnels de laSuisse (institutions publiques et ONG), un effort particulier devrait être entrepris pourmieux connaître ce qu’ils attendent des divers acteurs suisses. Il convient aussid’accorder une priorité à la recherche de nouveaux partenaires, en particulier, pourRobert Jenny, ceux qui émergent du processus de décentralisation qui est en cours enIndonésie.

c) Quels mécanismes ?

42 Les mécanismes existants sont-ils suffisants ou faut-il en prévoir de nouveaux ?

Matthias Meyer est d’avis qu’il vaut mieux exploiter ce qui existe plutôt que demultiplier les lieux de concertation.

43 Le policy dialogue avec les partenaires indonésiens est un mécanisme dont l’utilité n’est

pas contestée. Chaque rencontre peut offrir des occasions de dialoguer sur les thèmesqui paraissent importants aux divers acteurs des relations bilatérales. Les ONG sontdéjà associées à la réflexion de l’Administration fédérale sur la politique suivie au seindes institutions de Bretton Woods. Une plus large inclusion des ONG dans le policy

dialogue est en principe possible, mais du point de vue de l’Administration fédérale, iln’est pas toujours aisé de choisir les ONG avec lesquelles dialoguer ; elles sontnombreuses et ont souvent des points de vue divergents.

44 Les chambres de commerce sont un instrument très utile de concertation car il est

difficile de dialoguer dans un cadre ad hoc avec des entreprises individuelles. LaChambre de commerce pour l’Asie du Sud-Est pourra prendre en compte, de par sonorganisation, les questions propres à chacun des pays membres : mais les relationséconomiques ne sont pas suffisamment importantes pour permettre la survie d’unechambre de commerce purement bilatérale. La participation à cette Chambre decommerce de personnalités issues du monde universitaire et de l’Administrationfédérale permettra à cette institution de servir de forum pour un dialogue sur lacohérence.

45 Les visites de conseillers fédéraux dans un pays de concentration de la coopération

suisse ne devraient-elles pas représenter des « moments forts » de concertation avec

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l’ensemble des acteurs suisses ? A propos de la visite du conseiller fédéral Delamurazen Indonésie en octobre 1994, l’Union syndicale suisse aurait volontiers, selonMargrit Meier, communiqué quelques renseignements sur la situation des syndicats etle respect des droits de l’homme dans ce pays.

46 Parmi les propositions d’innovation présentées par certains des participants, deux ont

été particulièrement discutées.

47 Pour Richard Gerster, il faudrait envisager l’introduction de « contrats de coopération

symétriques, à long terme et cohérents qui définissent un cadre général pour toutes lesdimensions des relations bilatérales. Actuellement, la Suisse conclut avec des pays endéveloppement des accords portant sur les questions les plus diverses (doubleimposition, protection des investissement, trafic aérien, coopération audéveloppement) ; la négociation d’un accord-cadre de coopération à long terme seraitl’occasion de discuter avec les partenaires du pays de concentration non seulementtous les aspects de la politique de coopération, mais l’ensemble des questionsbilatérales, en incluant par exemple le cas échéant les problèmes de migration. » Cetteproposition suscite des remarques critiques sur la difficulté de mettre en place un telmécanisme ainsi que sur sa lourdeur possible. Quelques participants doutent que, dansle cas de l’Indonésie, la Suisse ait un poids suffisant pour pouvoir exercer une influencequelconque sur le pays partenaire. La masse critique est loin d’être atteinte. L’idéed’avoir avec un pays partenaire une négociation du type de celle que l’Unioneuropéenne a avec les pays partenaires des conventions de Lomé paraît difficilementréalisable de la part de la Suisse, sauf s’il s’agit un petit pays partenaire avec lequel lesrelations bilatérales sont particulièrement importantes. Il a été observé que le cadremultilatéral permet aussi à la Suisse de se faire entendre des pays partenaires.Cependant, la Suisse ne peut exercer une influence sur la politique indonésienne quepar le biais d’une conditionnalité bilatérale.

48 La proposition de créer une commission nationale tripartite (Administration fédérale,

économie privée et universités) fonctionnant comme mécanisme de coordination et decollaboration fut accueillie avec intérêt ; une telle commission pourrait aussi inclure lesONG. Mais quelques objections de principes ont été formulées. Il faudrait disposer decommissions semblables pour tous les pays importants ; cette prolifération decommissions pourrait-elle être gérée par les institutions concernées ? Hans-Peter Maags’est demandé si de telles commissions ne rendraient pas impossible la réduction ou lasuppression de la coopération avec le pays concerné, alors que l’on demande parailleurs à la DDA de concentrer davantage sa coopération.

5. Conclusions

49 Ce débat sur la cohérence fondé sur l’exemple de la coopération suisse avec un

important pays est à considérer comme une première approche d’une problématiquecomplexe. Il est certain que la réflexion doit encore être approfondie tant sur le planconceptuel que sur celui des mécanismes de mise en œuvre. Il apparaît cependant auxresponsables de ce dossier que, sur certains points importants, des conclusions peuventêtre tirées qui indiquent le chemin à suivre pour progresser dans la mise en pratique del’approche préconisée par le rapport du Conseil fédéral.

La circulation de l’information, dans un forum ad hoc, sur les analyses et les projets des

acteurs concernés par le développement économique et social d’un pays partenaire de la

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Suisse est nécessaire aussi bien pour la recherche de plus de cohérence dans les politiques

que pour l’amélioration de la qualité des décisions des divers acteurs. Si les avis divergent

quant à la possibilité ou l’opportunité d’aller plus loin dans l’examen de la cohérence des

actions des différents acteurs, il est reconnu que de tels échanges sont nécessaires et tous les

participants ont manifesté leur disponibilité pour y participer.

Une condition nécessaire pour qu’un dialogue fructueux ait lieu est que le rôle de chacun

dans la coopération au développement soit clairement défini. Ce n’est pas encore le cas

aujourd’hui, en particulier pour ce qui est du rôle de l’économie privée II est important et

urgent de combler cette lacune pour que progresse le dialogue sur la cohérence.

Une autre condition au renforcement de la réflexion sur la cohérence est le développement

de la recherche et de la formation en Suisse sur l’Asie. Les futurs acteurs pourraient ainsi dès

le début de leur carrière être informés des problèmes de développement de la région et être

attentifs à la problématique de la cohérence. En tenant compte des ressources humaines et

financières limitées, les milieux universitaires pourraient, d’entente avec les autres acteurs,

établir un « cadre d’observation » qui recueillerait et rendrait pertinents pour les acteurs

suisses les données et les résultats de recherches produits par les institutions spécialisées à

travers le monde.

50 La conclusion la plus importante du colloque est sans doute que tous les acteurs suisses

des relations avec l’Indonésie ont de bonnes raisons pour que la cohérence despolitiques progresse. Il leur reste maintenant à trouver le forum pour poursuivre laréflexion et à y associer de la façon la plus large possible les partenaires indonésiens.

51 L’Annuaire Suisse – Tiers Monde quant à lui sera toujours ouvert à des contributions

sur ce thème. Ce premier examen des problèmes concrets que peut poser la mise enœuvre de politiques plus cohérentes a en effet démontré que les acteurs que nousavions réunis reconnaissaient l’utilité de la démarche et y participaient dans un espritd’ouverture, en laissant de côté les clichés et les idées reçues.

AUTEURS

MONIKA EGGER

Chargée de recherche à l’IUED, Genève

JACQUES FORSTER

Professeur à l’IUED, Genève

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Analyses et positions

Annexes

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Annexe 1 – Rapport du Conseilfédéral sur les relations Nord-Sudde la Suisse dans les années 90(Lignes directrices Nord-Sud)

1. Contexte d’une politique de développement dans lesannées 90

1.1. Globalisation dans les domaines de la politique, de

l’environnement et de l’économie

1 Dès le début des années 90, les relations traditionnelles entre les pays industrialisés et

les pays en développement, entre le Nord et le Sud se sont fondamentalementtransformées. La fin de la guerre froide et la Conférence sur l’environnement et ledéveloppement à Rio en 1992 caractérisent une période de profonds changements auplan global ainsi qu’une nouvelle perception du monde.

2 Le conflit idéologique est-ouest qui dominait jusqu’en 1989 a fait place, dans les pays

industrialisés comme dans les pays en développement, à une nouvelle orientation dontles contours sont déjà visibles, une globalisation de valeurs fondamentales : le principed’une société ouverte et démocratique, le rôle du marché en tant que principe d’ordreéconomique et le respect nécessaire de l’équilibre écologique. Les relations entre lespays industrialisés et les pays en développement ont ainsi changé, la politique de forcequi divisait le Sud en deux sphères d’influence a disparu. Mais l’euphorie de 1989 etl’espoir d’un nouvel ordre mondial se sont envolés, alors que des nationalismes ancienset des conflits ethniques refont surface avec plus ou moins de violence, non seulementdans des pays en développement lointains, mais aussi en Europe, dans l’ex-Yougoslavie,au Proche-Orient et dans une partie du bassin méditerranéen. Cet amalgameimprévisible de chances et de risques place les gouvernements, ainsi que lesorganisations internationales, devant des tâches nouvelles.

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3 La Conférence de Rio a montré à un vaste public la globalisation des problèmes de notre

environnement naturel. Les pays en développement y jouent un rôle important. Ilsdétiennent une grande partie des ressources naturelles et sont bien plus menacés queles pays industrialisés par les conséquences de la désertification, l’élévation du niveaude la mer ou les changements climatiques. La pauvreté, l’industrialisation et lacroissance démographique portent une atteinte supplémentaire à l’environnement. Enoutre, il est admis qu’une généralisation du mode de vie occidental actuel n’est enprincipe plus concevable écologiquement.

4 Les moyens modernes de communication et de transport, la mobilité croissante des

marchandises, des services, des capitaux et de la main-d’œuvre ainsi que l’accélérationde la division internationale du travail encouragent et exigent une globalisation del’économie. Face au développement dynamique de l’économie privée, les travaux desorganisations multilatérales qui visent à établir le cadre juridique institutionnel de ceprocessus sont plus ardus. Dans de nombreux pays industrialisés, les craintes face à laprogression du chômage alimentent des courants protectionnistes. Si la conclusionpositive du Cycle d’Uruguay ne parvient pas à freiner cette tendance, de nombreuxpays en développement seront touchés à un moment où, à des coûts sociaux souventélevés, ils ont amélioré les conditions de leur économie d’exportation. En outre, lespays d’Europe centrale et orientale, ainsi que ceux de l’ancienne Union soviétique, leurfont concurrence sur les marchés des pays de l’OCDE.

1.2. La fin du « tiers monde »

5 Les pays en développement se trouvent actuellement à des stades très différents de

développement. Des pays comme la Corée du Sud, le Chili ou le Mexique présentent descaractéristiques de pays industrialisés, alors que les pays les plus pauvres tels le Népal,le Mali ou Haïti affrontent encore des problèmes politiques, économiques etécologiques vitaux.

6 Entre ces deux extrêmes, toutes les formes existent. Dans de grands pays, tels que

l’Inde, le Brésil, l’Indonésie ou la Chine, les réalités d’un pays industrialisé trèsdéveloppé se mêlent aux indicateurs de pauvreté d’un pays en développement. Cesdisparités entre les pays et les régions, souvent au sein d’un même État ou d’une mêmesociété, risquent de s’aggraver dans les années à venir. Ces tendances font apparaîtreun développement inégal, voire un monde à deux vitesses composé de gagnants et deperdants. La notion de « tiers monde », terme générique qui désignait l’ensemble despays en développement, n’en englobe plus la totalité.

7 Le bilan des efforts de développement des trois dernières décennies est contrasté.

Certains pays en développement ont su profiter de ces dernières années pour améliorerleur mode de gouvernement et mettre en œuvre une politique économique plusefficace. Dans les domaines de la santé et de l’éducation, les disparités entre le Nord etle Sud se sont nettement atténuées, bien que la pandémie du Sida remette en cause lesprogrès réalisés dans plusieurs régions pauvres d’Afrique et d’Amérique latine. Laproduction alimentaire mondiale a triplé pendant cette période. Jamais auparavant lesconditions de vie d’un aussi grand nombre d’individus n’avaient été améliorées dans undélai aussi court.

8 Cependant, plus d’un milliard de personnes vivent dans la pauvreté absolue, ce qui

signifie qu’elles ne disposent pas d’un revenu suffisant pour satisfaire leurs besoins

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fondamentaux : alimentation, eau propre, vêtements et logement. Beaucoup de pays endéveloppement ne sont pas encore gouvernés par des autorités responsables, orientéesvers le développement, soucieuses du bien-être de la population, capables d’engagerdes ressources limitées d’une manière efficace, d’élaborer des conditions cadreséconomiques et politiques claires et de définir des priorités. En Afrique subsaharienne(sans l’Afrique du Sud), le développement stagne. D’ici à l’an 2020, la populationmondiale passera probablement de 5,4 à 8 milliards d’individus. L’exode rural et lesmouvements migratoires transfrontaliers et transcontinentaux compromettront enmaint endroit la paix sociale.

1.3. La nouvelle dépendance entre le Nord et le Sud

9 La croissance démographique, la pauvreté, l’endettement et la stagnation économique

se traduisent par un chômage croissant, par la criminalité, par la destruction de lanature et par l’exode rural. Ces problèmes se renforcent réciproquement, exercent leurinfluence au-delà des frontières et façonnent l’avenir.

10 Pauvreté et industrialisation peuvent devenir des problèmes environnementaux

globaux qui auront des répercussions sur les générations futures. La destruction desforêts tropicales nous en donne déjà la preuve. La pauvreté, la croissancedémographique et l’exode rural au Sud renforcent les migrations et compromettent lapaix sociale au Nord. Inversement, par leurs politiques des taux d’intérêt, des taux dechange, des mouvements de capitaux, de l’immigration, de l’emploi et del’industrialisation, ou encore par leurs politiques du commerce extérieur et del’environnement, les pays industrialisés ont une influence directe sur l’avenir des paysen développement.

1.4. Nécessité d’une politique cohérente à l’égard du Sud

11 La Suisse est ainsi confrontée au défi de repenser ses relations avec les pays en

développement, dans un contexte dynamique et complexe. Ce n’est plus seulement lacoopération au développement qui est mise en cause mais l’ensemble de nos relationspolitiques, économiques et sociales avec les pays du Sud. Les dichotomiestraditionnelles entre politique de l’environnement et politique économique, entrepolitique économique et politique des migrations, entre politique commerciale etpolitique de coopération au développement, entre politique intérieure et politiqueextérieure, ne permettent plus de répondre aux problèmes actuels. Ce qu’il faut, c’est« une politique cohérente envers le Sud ». Formuler une telle politique revient àmontrer les contradictions éventuelles entre des intérêts nationaux à court terme et lesbuts de la politique suisse de développement, puis à les intégrer, de façon aussitransparente que possible, dans les processus de décisions politiques.

12 Une telle politique ne peut être mise en œuvre que si la population suisse réalise que

notre prospérité dépend à long terme du destin du Sud. Les présentes lignes directricesNord-Sud doivent contribuer à une meilleure compréhension de ces interrelations.

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1.5. Les lignes directrices Nord-Sud et la politique extérieure suisse

13 Dans son « Rapport sur la politique extérieure de la Suisse dans les années 90 » présenté

le 29 novembre 1993, le Conseil fédéral fixe les objectifs stratégiques de la politiqueextérieure globale :

le maintien et la promotion de la sécurité et de la paix,

l’engagement en faveur des droits de l’homme, de la démocratie et des principes de l’État de

droit,

l’accroissement de la prospérité commune,

la promotion de la cohésion sociale,

la préservation du milieu naturel.

14 Ces objectifs sont valables pour l’ensemble de notre politique extérieure, dans nos

relations avec nos voisins européens aussi bien qu’avec les pays en développement. Leslignes directrices Nord-Sud ont été élaborées en étroite concordance avec le Rapportsur la politique extérieure. Elles visent les mêmes objectifs et reposent sur lasauvegarde à long terme des intérêts suisses.

15 La mise en œuvre des objectifs développés ci-après ne peut se concevoir ni se réaliser

sans le soutien de la population. Il est nécessaire de trouver un bon équilibre entreintérêts à court terme et intérêts à long terme, entre intérêts nationaux et intérêtsinternationaux. Il n’est pas question d’abandonner les intérêts suisses. Cependant, dansun monde que caractérisent l’interdépendance et la mutation, nous devons enpermanence, dans une perspective à long terme et globalement, redéfinir les intérêtsafin de mieux les préserver et déterminer les actions qui en découlent afin de mieux lesconduire.

2. Lignes directrices d’une politique de développementpour les années 90

2.1. Sauvegarder et maintenir la paix et la sécurité, promouvoir les

droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit

16 Les droits de l’homme, la démocratie, de droit et la liberté dans la paix sont des valeurs

fondamentales, essentielles pour le fonctionnement de l’appareil étatique suisse et dontnous affirmons la signification universelle. Ces principes sont aussi indispensables à lastabilité politique dans les pays en développement. Ils restreignent les probabilités deconflits intérieurs et extérieurs. Ils permettent à l’État, à la société, aux bailleurs defonds étrangers d’utiliser le temps, l’énergie et les moyens financiers à disposition pourfaire réellement face aux défis économiques, sociaux et écologiques. Ils renforcent laprospérité et freinent les migrations. L’amélioration des conditions cadres politiquesdans les pays en développement est ainsi dans l’intérêt à long terme de notre propreavenir.

2.1.1. Promouvoir la bonne gestion des affaires publiques

17 Les instances fédérales compétentes appliquent les principes « de bonne gestion des

affaires publiques » dégagés par l’OCDE et à l’élaboration desquels la Suisse aactivement collaboré, pour promouvoir le respect des droits de l’homme, la démocratie

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et l’État de droit dans les pays du Sud. Des mesures positives (soutien à desorganisations locales de défense des droits de l’homme, appui aux processus électoraux,programmes de formation pour l’administration et l’appareil judiciaire, promotion desstructures administratives de l’État de droit, etc.), le dialogue politique avec les payspartenaires sur les conditions cadres requises pour une coopération efficace et, danscertains cas, la conditionnalité directe qui lie l’octroi de l’aide à certaines conditionspolitiques et économiques permettent cette promotion.

2.1.2. Promouvoir les droits de l’homme, de droit et le processus de

démocratisation par des mesures positives

18 Les programmes et les projets de la coopération suisse au développement sont

examinés quant à leur conformité avec les critères de respect des droits de l’homme etquant à leur influence sur la promotion de l’État de droit. De plus, des mesures positivesen vue de renforcer le respect des droits de l’homme, de droit et les processusdémocratiques sont de plus en plus souvent intégrées à la coopération audéveloppement.

2.1.3. Montrer les conflits d’objectifs

19 Entre la politique intérieure en faveur de l’emploi et de la croissance économique,

grâce à des mesures étatiques de promotion des exportations, et la politique dedéveloppement en faveur de la démocratie et des droits de l’homme, des contradictionspeuvent surgir qu’il faut alors mettre en évidence et clarifier par le dialogue. Dansl’appréciation des risques en vue de l’octroi de la garantie aux risques à l’exportation(GRE) pour des livraisons dans les pays en développement les plus pauvres, il estnécessaire de mettre plus d’accent sur les aspects d’ordre politique et sur le respect desdroits de l’homme dans les pays récipiendaires. Il convient, si possible, de rechercherune action internationale concertée.

2.1.4. Aménager l’assistance judiciaire internationale

20 Les mesures visant à interdire le transfert et le rapatriement de capitaux acquis

illégalement à l’étranger ou transférés illégalement à l’étranger sont renforcées. A ceteffet, le Conseil fédéral révise actuellement la loi sur l’assistance judiciaire afind’accélérer les procédures judiciaires. Sur le plan international, la Suisse s’engage enfaveur d’une harmonisation des dispositions légales pour empêcher que les capitaux enfuite, originaires de pays en développement, ne puissent profiter de dispositions légalesplus favorables sur d’autres places financières. Le Conseil fédéral étudie en outred’autres mesures concrètes permettant, dans le cadre de la coordination internationale,de combattre la corruption.

2.1.5. Réduire les dépenses militaires exagérées des pays en développement

21 La Suisse appuie des mesures positives visant à renforcer la sécurité et la paix et à

réduire les dépenses militaires des pays partenaires (p. ex. programmes dedémobilisation et de réintégration civile). Dans le cadre du dialogue politique avec lepays bénéficiaire, aux niveaux bilatéral et multilatéral, en particulier dans les instancesde coordination internationale de la Banque mondiale et du PNUD (groupes

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consultatifs, tables rondes), la Suisse s’engage fermement en faveur d’une réduction desdépenses militaires excessives afin que la plus grande part possible des ressourcesfinancières limitées soit allouée au développement économique et social.

22 Dans le cadre de la révision actuelle de la loi sur le matériel de guerre, il convient de

prendre en considération qu’une autorisation d’exporter des armes n’est accordée quesi elle n’entre pas en conflit avec les principes fondamentaux de la politique extérieuresuisse. Toute décision dépend notamment de savoir si l’exportation ne compromet ni lemaintien de la paix, ni le respect des droits de l’homme, et si l’autorisation n’entre pasen conflit avec les principes de la politique suisse de développement et avec les effortsengagés dans le domaine de la coopération au développement. La Suisse s’engage sur leplan multilatéral en faveur de l’harmonisation des législations nationales qui limitentles exportations de matériel de guerre excessives et freinent le développement.

2.1.6. Rétablir et sauvegarder la paix

23 La Suisse renforce sa contribution aux efforts internationaux pour la sauvegarde et le

maintien de la paix et de la sécurité par une participation accrue à des actions demaintien de la paix. A cet effet, elle met notamment sur pied un contingent suisse decasques bleus. Elle prévoit d’augmenter ses ressources financières et humaines dans ledomaine de la diplomatie préventive, de la solution des crises, du contrôle desarmements et du désarmement. La Suisse s’engage de façon accrue au sein de la CSCE etde l’ONU dans le domaine de la prévention des conflits et de la solution des crises. Afind’être en mesure d’intervenir de plein droit dans les institutions et les commissions desNations Unies importantes pour la paix et la sécurité, le Conseil fédéral tient toujours àce que la Suisse devienne membre à part entière de l’ONU. La Suisse soutient, au traversde mesures stimulant la confiance et la sécurité, les organisations régionales desécurité collective hors d’Europe.

2.2. Promouvoir la prospérité

24 La politique économique de nombreux pays en développement se caractérisait dans le

passé par une monnaie surévaluée, une inflation élevée, des déficits budgétaires, unendettement extérieur, des subventions à des entreprises étatiques non rentables, desmarchés protégés, et par une dépendance due à des échanges désavantageux ainsi qu’àdes prix et des taux d’intérêt soumis aux fluctuations internationales. Cette situation aobligé presque tous les gouvernements à mettre en œuvre les ajustements structurelsnécessaires.

25 Seule une répartition nouvelle des tâches entre l’État et la société civile,

respectivement l’économie privée, peut assurer le succès durable des réformesentreprises. Il appartient à l’État de mettre en place des conditions cadres quiencouragent le développement des initiatives privées et qui assurent une croissancedurable, socialement équilibrée. L’utilisation efficace des fonds de la coopérationinternationale y concourt.

26 Seul un développement économique durable permet la création de postes de travail et

donc de revenus, donne aux populations du Sud des perspectives d’avenir et offred’autres solutions que l’émigration. Le développement durable est une condition

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nécessaire à la réduction de la pauvreté, à la diminution de la croissancedémographique et à la protection de l’environnement.

2.2.1. Améliorer les conditions cadres pour un développement durable des pays

en développement

27 Avant d’atteindre une croissance économique durable, les pays les plus pauvres

dépendront longtemps de l’aide extérieure. Les ressources humaines et financières leurmanquent. Les pays à revenu moyen ont également besoin de notre soutien pouraméliorer leurs infrastructures économiques et sociales et pour protéger efficacementleur environnement. Notre aide publique au développement doit donc encoreaugmenter quantitativement et qualitativement. Pour sauvegarder à long terme lesintérêts propres de la Suisse et pour assumer sa part de responsabilités au sein de lacommunauté internationale, le Conseil fédéral maintient l’objectif de porter, dans toutela mesure du possible et jusqu’au tournant du millénaire, le volume de l’aide publiqueà 0,40 % du produit national brut.

28 La coopération suisse au développement a pour première priorité l’amélioration des

ressources productives, en favorisant la production agricole et la sécurité alimentaire,en promouvant la production industrielle et artisanale, en soutenant le développementde technologies adaptées. Il s’agit de soutenir financièrement des ajustementsstructurels socialement supportables. Cet appui prend aussi les formes suivantes :soutien aux capacités de recherche scientifique, en particulier dans l’agriculture,soutien aux infrastructures de transport, promotion de la diversification économique(secteur informel, petites entreprises, nouveaux domaines d’activités axées surl’exportation) et promotion du secteur privé au sens le plus large.

29 Nous sommes toujours à la recherche de moyens et de méthodes permettant d’accroître

l’efficacité et la pertinence de l’aide au développement. Nous insistons sur unecoordination accrue avec les autres bailleurs de fonds et sur le développement desynergies entre les différents instruments de notre coopération. Les efforts dedéveloppement ne peuvent être durables que si nos partenaires ont la maîtrise de leurdéveloppement (« empowerment »). Nos partenaires sont encouragés à poursuivre desbuts à long terme pour lesquels les bénéficiaires eux-mêmes doivent s’engagerfinancièrement.

30 La politique internationale des produits de base est dans l’impasse : les accords de

stabilisation n’ont pu empêcher de larges fluctuations de prix et une détériorationcontinue des termes de l’échange pour les pays en développement. La Suisse participeraactivement aux travaux de la CNUCED et de la Banque mondiale pour formuler unepolitique nouvelle. Le programme suisse de compensation des pertes de recettes àl’exportation des pays en développement (« STABEX suisse ») sera évalué, notammentquant à son efficacité à favoriser des changements structurels dans les pays endéveloppement.

31 Le fardeau trop lourd du service de la dette reste un obstacle fondamental au

développement d’un grand nombre de pays parmi les plus pauvres. Dans le cadre deson programme de désendettement, la Suisse met en œuvre des mesures dedésendettement bilatérales et soutient des efforts multilatéraux. Au sein du « Clubde Paris » (qui regroupe les principaux pays créanciers), elle soutient des scénarios dedésendettement réalistes en faveur des pays les plus pauvres lourdement endettés.

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32 La corruption sévit dans nombre de pays. Les pays donateurs et les institutions

multilatérales font des efforts considérables pour contrôler l’utilisation des fonds qu’ilsengagent. La Suisse appuie les travaux entrepris dans le cadre de l’OCDE pour élaborerun code de conduite visant à lutter contre la corruption dans les pays industrialisés.

2.2.2. Promouvoir le secteur privé dans les pays en développement

33 Le retrait de l’État des secteurs productifs entraîne une responsabilité très grande de

l’économie privée dans l’instauration d’un développement durable. La Suisse cherche àcréer un cadre favorable aux initiatives de petites et moyennes entreprises, d’artisanset de paysans. Elle encourage la mise en place et le développement d’organisations ausein de la société civile (p. ex. organisations paysannes, associations professionnelles).Elle s’engage dans la formation professionnelle et elle soutient les très petites, petiteset moyennes entreprises. Ces mesures devraient permettre aux populations concernéesd’envisager un futur viable dans leur propre pays. Elles constituent également uneréelle solution de rechange aux migrations non réglementées. Il faut cependant resterattentif au conflit d’intérêt potentiel entre, d’une part, les mesures préventives et lesmoyens mis en œuvre dans les pays d’origine des migrants du point de vue de lapolitique de migration et, d’autre part, les objectifs de la coopération audéveloppement. Afin de relativiser ce conflit, il faut partir du principe que lesmouvements migratoires non réglementés ne constituent une solution ni pour les paysen développement, ni pour les pays industrialisés.

34 La coopération suisse au développement est en train de mettre au point un instrument

qui permette, sans augmenter la dette, de stimuler l’investissement privé dans le Sud,en particulier dans les pays à revenu moyen. Cet instrument a pour objectif essentield’encourager un partenariat entre le secteur privé suisse et le secteur privé des pays endéveloppement. Ce nouvel instrument doit englober les instruments traditionnels decoopération économique (crédits mixtes, promotion commerciale et del’investissement, transfert de technologie), permettre une approche globale dansl’analyse des besoins, et combiner assistance technique et aide financière.

2.2.3. Faciliter l’accès aux marchés du Nord pour les produits des pays en

développement

35 L’établissement d’un système commercial multilatéral ouvert est essentiel pour ces

pays. Seules des recettes d’exportation croissantes leur permettront de financer, parleurs propres ressources, leurs besoins dans une proportion accrue, de créer des placesde travail et d’offrir un avenir à une population en augmentation. Il est de notre intérêtd’améliorer l’accès aux marchés des produits des pays en développement. Même si unetelle ouverture peut avoir à court terme des effets sur le marché du travail en Suisse, lechômage ne trouvera pas de solution à long terme dans une politique protectionniste.

36 Le Cycle d’Uruguay aura des effets positifs pour nombre de pays en développement. Les

recettes d’exportation qui en découleront sont estimées annuellement à quelque65 milliards de dollars américains, ce qui dépasse le montant total de l’aide audéveloppement des pays de l’OCDE en 1992 (60 mia US $). La baisse des droits dedouane, la suppression progressive des restrictions à l’importation dans le domaine destextiles, la suppression de quotas et d’autres restrictions quantitatives dans le secteuragricole jouent en faveur des pays en développement. Toutefois, la libéralisation ne

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peut que créer des opportunités dont seuls les pays et les entreprises les pluscompétitifs pourront profiter. Les pays qui ne le pourront auront besoin d’une aideaccrue qui leur permettra d’augmenter leur compétitivité et de se dégagerprogressivement de leur situation de bénéficiaires de l’aide.

2.3. Améliorer la justice sociale

37 La justice sociale, la faim et la pauvreté figurent encore au nombre des problèmes les

plus importants de notre époque. Ils exigent notre solidarité non seulement parprincipe humanitaire mais parce qu’ils engendrent la croissance démographique, ladestruction de l’environnement et les flux migratoires. Ils provoquent des tensions quimenacent la paix et la sécurité. La Suisse a donc un intérêt vital à améliorer lesconditions sociales cadres dans les pays en développement.

2.3.1. Lutter contre la pauvreté et promouvoir la justice sociale

38 La coopération au développement représente l’instrument de politique étrangère le

plus important dans la lutte contre la pauvreté et la promotion de la justice sociale àl’échelle mondiale. Il reste nécessaire d’en accroître l’efficacité et d’en améliorer lacoordination au plan international. Les politiques d’immigration, d’asile et decoopération au développement doivent être cohérentes afin que les conditionséconomiques et politiques soient telles dans le plus grand nombre de pays et de régionsqu’elles permettent aux populations d’y vivre décemment.

39 Par le dialogue politique avec les pays récipiendaires, la Suisse désire encourager une

politique sociale et économique orientée vers la lutte contre la pauvreté, une politiquequi fait encore défaut dans nombre de pays en développement. Elle soutient leurpolitique sociale par des mesures appropriées dans les domaines de l’éducation, de lasanté, de la démographie, et notamment aussi dans la lutte contre la propagation duSida.

40 Un des objectifs définis par la Conférence des Nations Unies pour les pays les moins

avancés (PMA) doit être atteint au cours des années 90 : l’aide au développement enfaveur des pays les plus pauvres qui ont décidé de donner la priorité à la lutte contre lapauvreté devrait représenter au moins 0,15 pour cent du produit national brut. Demême, la part actuelle de l’aide publique au développement allouée au domaine socialdoit être accrue de manière significative d’ici à l’an 2000.

41 Dans le cadre de sa participation aux Institutions de Bretton Woods, aux banques et aux

fonds régionaux de développement et aux organisations des Nations Unies, la Suisseœuvre pour que ces institutions centrent leurs activités sur la lutte contre la pauvreté.Elle s’engage aussi pour une prise en compte plus déterminée des coûts sociaux etécologiques de l’ajustement structurel.

2.3.2. Freiner la croissance démographique

42 La contribution suisse à la politique démographique doit être renforcée, en premier lieu

dans le cadre de programmes multilatéraux et en second lieu dans le cadre bilatéral.Les mesures relatives à la croissance de la population et au contrôle des naissancesdoivent respecter l’autonomie et les valeurs culturelles des pays en développementconcernés ; elles doivent être intégrées aux programmes mis en œuvre dans le secteur

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de la santé et de l’éducation. L’amélioration du statut de la femme et l’accès de cettedernière à l’emploi, à l’éducation et aux soins de santé revêtent une grande importance.

2.3.3. Promouvoir une aide humanitaire cohérente et coordonnée à l’échelle

internationale

43 Le nombre croissant de foyers de conflits dans maintes régions implique une aide

humanitaire accrue et rapide. Une coordination internationale renforcée doit rendrel’aide humanitaire encore plus efficace. Il convient de procéder avec soin, encollaboration avec des organisations suisses et internationales, à une clarification deschamps de compétences et de viser une coordination efficace, sur le terrain, desapports d’aide humanitaire. Un dialogue politique plus intense avec les organisationsinternationales avec lesquelles nous collaborons joue à cet égard un rôle déterminant.

44 L’aide humanitaire ne doit pas conduire à de nouveaux rapports de dépendance. Dans

toute la mesure du possible, elle doit être une aide à l’autopromotion et doit déboucherle plus rapidement possible sur une aide à la reconstruction. Une harmonisation estindispensable avec d’autres instruments de politique extérieure. L’aide alimentaire doitavoir pour objectif général la sécurité alimentaire. Si cela s’avère économiquement etlogistiquement possible, cette aide doit contribuer au soutien de la production agricolepar l’achat de produits dans la région concernée.

45 Dans les pays en crise ou en guerre, la sécurité doit être garantie avant tout au niveau

régional. Les déplacements de populations vers les pays industrialisés ne doivent êtreenvisagés que comme solutions de dernier recours. La Suisse œuvre dans ce contextepour un partage équilibré des responsabilités au niveau international.

2.4. Protéger l’environnement naturel

46 La Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED),

qui s’est tenue à Rio en juin 1992, a montré de manière convaincante que le passage àun modèle de développement durable et respectueux de l’environnement est devenu, àl’échelle mondiale, une question de survie pour notre terre. Au Nord comme au Sud,des adaptations importantes sont nécessaires pour que l’on s’achemine vers undéveloppement durable ; seule une coopération étroite entre pays industrialisés et paysen développement permettra d’y parvenir. L’un des défis majeurs à l’avenir de lapolitique de développement est de faire accepter socialement et politiquement, au Nordcomme au Sud, les changements nécessaires de notre façon de vivre et de l’utilisationque nous faisons de ressources naturelles limitées.

2.4.1. Élaborer un modèle de développement durable en Suisse

47 Le mode de consommation des pays industrialisés et leur utilisation immodérée de

ressources sont responsables, pour une part plus que proportionnelle, des effetsnégatifs sur l’environnement et ne doivent pas servir de modèles aux pays endéveloppement. C’est la raison pour laquelle la Suisse doit contribuer, à l’intérieur deses frontières aussi, à un développement durable. L’une des étapes nécessaires est laratification et la mise en œuvre d’accords internationaux, notamment des conventionssur le climat et sur la biodiversité. De plus, un plan d’action national et multisectoriel,

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donnant suite à l’Agenda 21 de la CNUED, est élaboré et mis en œuvre pour permettre ànotre pays de passer à un modèle de développement durable.

48 La Suisse développe des stratégies de croissance qualitative, afin de maintenir la qualité

de vie tout en diminuant le gaspillage de ressources. Elle prépare des mesuresd’application basées sur le principe du pollueur-payeur et sur l’internalisation descoûts extérieurs supportés jusqu’à présent par la communauté.

49 La Suisse encourage une utilisation rationnelle des ressources naturelles, y compris des

agents énergétiques, le recyclage et la régénération des ressources employées. Dans lecadre du Programme « Énergie 2 000 », elle poursuit la stabilisation au niveau de 1990de la consommation d’énergie fossile et des émissions de CO2 d’ici à l’an 2000, puis elleréduira les émissions de CO2 et d’autres gaz à effet de serre qui ne sont pas encoreréglementés par le Protocole de Montréal.

50 La Suisse promeut la mise en œuvre d’un modèle de développement durable par le

secteur privé, notamment en déterminant les conditions cadres.

2.4.2. Faire comprendre l’importance d’un développement durable sur le plan

international

51 La Suisse participe activement au processus de suivi de la Conférence de Rio (CNUED).

Elle œuvre notamment pour que la Commission sur le développement durable, mise surpied par les Nations Unies, devienne un organe efficace de coordination, de contrôle etd’action. Au sein des institutions financières internationales de développement(Banque mondiale, banques régionales, organisations des Nations Unies), lesreprésentants suisses défendent une ligne d’action conforme aux exigences d’undéveloppement durable. Ils demandent en particulier que les décisions de financementsoient précédées d’une analyse appropriée de l’impact sur l’environnement.

52 Les programmes de la coopération bilatérale suisse doivent soutenir les efforts que

déploient les pays les plus démunis en vue de parvenir à un développement durable. Acet effet, le volume de l’aide publique au développement doit être augmenté et lesaccents doivent être mis en fonction des exigences d’un développement durable. Uneattention toute particulière doit être portée au développement des ressourceshumaines (éducation et santé) et au renforcement de la capacité de gestion des pays endéveloppement afin qu’ils parviennent à une maîtrise durable de l’utilisation de leursressources naturelles. Les secteurs prioritaires sont le développement des régions demontagne, la protection et l’exploitation raisonnée des forêts tropicales, laconservation des sols, l’eau potable et la réduction de déchets.

53 La coopération en matière de recherche scientifique sur des thèmes relatifs à

l’environnement global est soutenue par la mise en place d’un partenariat de rechercheentre les hautes écoles suisses et les institutions de recherche du Sud. La Suisse soutientégalement la coopération technologique en matière d’environnement entre l’économieprivée des pays industrialisés et celle des pays en développement.

2.4.3. Harmoniser les politiques de l’environnement, du commerce et du

développement

54 Les contradictions qui existent entre les politiques de l’environnement, du commerce

et du développement doivent être surmontées dans toute la mesure du possible. Dans

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les négociations multilatérales, la Suisse œuvre pour que les objectifs économiques,environnementaux et de développement soient intégrés, sous une forme adéquate, auxprincipaux accords multilatéraux dans le domaine du commerce, des communications,des transports et de l’énergie.

55 Les consommateurs suisses sont de plus en plus conscients des liens entre commerce,

développement et environnement, et ils veulent être informés sur l’origine et lesconditions de production des biens provenant des pays en développement. Aussi laSuisse collabore-t-elle aux travaux multilatéraux visant une transparence aussi largeque possible sur l’origine et les conditions de production de certains produits « éco-sensibles » (bois tropicaux p. ex.). Elle étudie ainsi l’introduction de labels facultatifs,par exemple pour l’importation de bois tropicaux produits dans des conditions dedéveloppement durable et pour d’autres produits.

56 Dans le cadre de mesures nationales en faveur de l’environnement et de limitations

apportées au commerce, la Suisse veille à éviter des mesures (« protectionnismeécologique ») qui peuvent avoir des effets négatifs sur l’économie des pays endéveloppement et, à long terme, souvent aussi sur leur environnement. Les pays endéveloppement qui, pour des raisons financières et techniques, ne sont pas encore enmesure d’atteindre des normes écologiques adéquates méritent un soutien pouraméliorer leurs méthodes de production et de transformation.

2.4.4. Aménager des politiques économique, commerciale et extérieure et des

politiques de développement cohérentes sur le plan multilatéral

57 La coopération au développement bilatérale suisse traditionnelle conservera dans les

années à venir une place prépondérante. Toutefois, nous devons être conscients que laSuisse, avec une participation de moins de deux pour cent à l’aide internationale totale,ne peut jouer qu’un rôle mineur. Alors que les problèmes dépassent de plus en plusfréquemment les frontières nationales, il est d’autant plus nécessaire, pour les petitsÉtats comme la Suisse, d’accorder leurs moyens avec les autres pays donateurs et avecles pays récipiendaires. Les forums multilatéraux sont les lieux privilégiés denégociation des problèmes de cohérence. Un engagement accru de la Suisse dans lesorganisations internationales est inévitable. Les canaux multilatéraux doivent êtredavantage mis à contribution, en particulier là où la Suisse jouit d’une certaineinfluence et a le droit de vote. L’aménagement cohérent des aspects pertinents pour ledéveloppement de la politique commerciale et économique, de la politique agricole, dela politique de l’emploi, de la politique d’asile et d’immigration, se heurtera en Suisse àmoins de résistance si cet aménagement est concerté avec d’autres États dans undialogue multilatéral.

RÉSUMÉS

Les Lignes directrices Nord-Sud, font suite à un postulat de la Commission des affaires étrangères du

Conseil des États du 6 juin 1990.

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Ce postulat demandait au Conseil fédéral d’élaborer, dans le cadre d’une analyse supra-départementale et

d’une discussion de principes, un plan directeur du rôle futur de la Suisse dans les relations Nord-Sud, en

vue d’une politique de développement globale et cohérente.

Les lignes directrices ont été élaborées parallèlement au Rapport sur la politique extérieure de la Suisse. Le

Conseil fédéral a mentionné dans ce rapport qu’il présentera un rapport séparé consacré aux lignes

directrices des relations de la Suisse avec les pays en développement et qui approfondirait le thème de la

cohérence.

Les lignes directrices exposent les problèmes principaux d’une politique de développement à l’heure

actuelle. Elles en montrent les conséquences et les champs d’action et établissent les principes directeurs

que suivra à l’avenir une politique suisse de développement Ce n’est plus seulement la coopération au

développement qui est concernée, mais bien l’ensemble des relations de la Suisse avec les pays en

développement.

Les lignes directrices visent les mêmes objectifs que le rapport sur la politique extérieure et reposent sur la

sauvegarde à long terme des intérêts suisses.

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Annexe 2 – L’IndonésieThomas Greminger

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1 Avec ses 13 500 Iles dont 2 000 environ sont habitées, l’Indonésie est le plus grand

archipel du monde. Sa superficie terrestre est d’environ 1,9 million de m2, mais 62 % dela population est concentrée sur 7 % du territoire dans les lies de Java, Bali et Madura.L’annexion de la partie orientale de l’Ile de Timor en 1975/76 n’est pas reconnue par lesNations Unies.

* En 1993, l’Indonésie était, parmi les pays en développement, le 17e fournisseur de la Suisse et le 13e

client de la Suisse. Pour ce qui est de l’aide publique au développement, l’Indonésie en 1992, figuraitau deuxième rang des pays destinataires d’aide bilatérale suisse avec 4,4% du total de cette aide

Sources:Economie Intelligence Unit, Annuaire Suisse – Tiers Monde, Banque mondiale.

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Analyses et positions

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La coopération suisse audéveloppement dans le contexteinternationalL’aide publique suisse au développement vue par l’OCDE et l’évolution dela notion d’« aide publique au développement » au sein de l’OCDE

Thomas Greminger

1. Introduction

1 Où se situe la coopération suisse au développement dans le contexte international ?

Nous voulons aborder cette question du point de vue du Comité d’aide audéveloppement (CAD) de l’OCDE qui examine régulièrement les prestations fourniesdans ce domaine par ses membres. Pour cela nous avons analysé les principauxéléments quantitatifs et qualitatifs des critiques émises lors des trois derniers examensde l’aide suisse (1988, 1990 et 1993). Les considérations quantitatives et la notion qui lesaccompagne d’une répartition internationale équitable du poids de l’aide fournie(« burden sharing ») sont bien entendu au centre de l’évaluation de l’OCDE. Nousdevons donc aussi accorder une place prépondérante à l’aspect quantitatif.

2 Dans ce contexte, la question relative à la comparabilité des statistiques sur les

prestations fournies est pour ainsi dire incontournable. Il n’est pas nécessaire d’êtrespécialiste pour savoir que certains pays interprètent de façon plus large que d’autresles directives statistiques à appliquer dans plusieurs secteurs, comme l’aide auxréfugiés ou les actions de désendettement. Cette inégalité dans l’application desdirectives, mais aussi l’apparition de nouvelles formes de coopération audéveloppement telles que le soutien des processus de démocratisation ou dedémobilisation, les fonds pour l’environnement qui visent aussi la promotion du Sud (leFonds mondial pour l’environnement par exemple), de même que l’existence denouvelles catégories de pays bénéficiaires en Europe centrale et de l’Est et dans l’ex-Union soviétique, ont incité l’OCDE en 1991 à revoir sa notion de l’aide publique audéveloppement (APD ou Officiai Development Aid = ODA) tant du point de vue

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géographique que sectoriel. Trois ans plus tard, on constate que des solutions sedessinent dans quelques domaines, tandis que les travaux se poursuivent encore dansd’autres. La deuxième partie du présent article tire donc un premier bilan de cetteévolution et examine les conséquences de ces mesures sur l’évaluation des prestationssuisses en matière d’APD.

2. L’aide publique suisse au développement vue parl’OCDE

Remarques récurrentes

3 Une analyse des examens par pays de 1988, 1990 et 1993 – le nombre de ses membres

ayant augmenté, le Comité d’aide au développement de l’OCDE a étendu de deux à troisans la durée séparant deux examens – montre d’emblée qu’une série de thèmesreviennent sans cesse, à des degrés divers selon les rapports, dans la critique adressée àla Suisse. Le principal reproche, plus ou moins véhément, concerne en général levolume de l’aide publique suisse au développement. Le parallèle tiré entre la modestiedes prestations quantitatives et la qualité élevée de l’aide, universellement reconnue,est une autre constante de la critique. Pour ce qui est de la qualité, les examens louentrégulièrement l’importance de l’aide non liée, le fait que l’aide suisse est accordée àtitre de don, le désintérêt politique et la volonté de faire participer la population dupays bénéficiaire, tandis qu’ils reprochent à la Suisse une concentration insuffisante del’aide aussi bien en 1990 qu’en 1993. Nous commençons par nous pencher sur cesaspects récurrents des examens du CAD pour aborder ensuite quelques remarques plusspécifiques qui n’apparaissent pas dans tous les rapports d’examen.

Volume insatisfaisant

4 En 1987 et en 1989, le volume de l’aide publique suisse au développement a atteint

respectivement 0,31 et 0,30 % du PNB. La Suisse se situait ainsi en-dessous de lamoyenne pondérée des pays du CAD de 0,33 % et même nettement en-dessous de lamoyenne non pondérée de 0,51 % (1989), car le niveau relativement bas des dépensesdes deux principaux donneurs du point de vue nominal, les Etats-Unis (0,15 %) et leJapon (0,31 %), abaisse sensiblement la moyenne pondérée. Le CAD a donc demandé à laSuisse de se fixer un objectif plus ambitieux qui corresponde davantage à sa capacitééconomique, à ses relations commerciales extérieures (le CAD relève que la balancecommerciale de la Suisse avec les pays en développement est largement excédentaire)et à sa tradition humanitaire. Le dernier examen, qui date de 1993, concerne les chiffresexceptionnels de 1992. Les coûts liés à l’adhésion aux institutions de Bretton Woods, quicomprennent des versements uniques aux filiales de la Banque mondiale que sont l’AIDet la SFI et une participation au capital de la Banque mondiale (190 millions de francsau total), ont accru le volume de l’aide qui a ainsi atteint 0,39 % du PNB selon le modede calcul suisse. Selon les directives statistiques de l’OCDE, l’APD suisse a même atteint0,46 % du PNB en 1992. La différence s’explique par le fait que l’OCDE comptabilise lescontributions aux banques de développement au moment de la fixation du change,tandis que la Suisse ne les consigne que lorsqu’elles sont effectivement versées. Lapratique discutable de l’OCDE comptabilise ainsi en 1992 toute la participation au

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capital de la Banque mondiale (somme totale à verser : 295,8 millions de francs) à titred’aide publique au développement, tandis que la statistique suisse n’a en faitcomptabilisé en 1992 que le cinquième de cette somme, soit le montant effectivementversé. Quoi qu’il en soit, la Suisse a ainsi pour la première fois dépassé la moyennepondérée du CAD et s’est placée dans le peloton de tête des pays donneurs. Le CAD aenregistré cette progression avec beaucoup de satisfaction. Le Comité a toutefoisreconnu que les planifications budgétaire et financière à court et à moyen termelaissaient présager un avenir moins réjouissant. C’est ce qui l’a incité à « inviter lesautorités suisses à entreprendre tous les efforts nécessaires pour respecterl’engagement pris à la CNUED, à Rio de Janeiro, d’atteindre l’objectif de 0,40 % du PNBavant l’an 2000 » et à leur rappeler le principe d’une « meilleure répartitioninternationale du poids de l’aide fournie »1. Comme d’autres rapports d’examenl’avaient fait précédemment, le dernier indique comme référence réaliste la moyennedes pays de l’Union européenne (0,44 % du PNB en 1992).

5 Dans la pratique, les dépenses d’APD de la Suisse ont enregistré en 1993 le recul attendu

pour se situer à 0,34 % du PNB selon les calculs suisses et à 0,32 % selon l’OCDE (enraison de la différence du mode de comptabilisation évoquée ci-dessus). Comme lesouligne le communiqué de presse de l’OCDE2, la Suisse affiche pour 1993 la plus fortebaisse en volume des membres du CAD après la Finlande. Alors que le plan financier envigueur au moment de l’examen (24.9.1993) donnait à penser que le volume de l’aidesuisse allait s’accroître progressivement pour atteindre 0,37 % du PNB en 1997, denouvelles restrictions dues aux problèmes budgétaires de la Confédération ontprovoqué une nette correction à la baisse de ces prévisions. Peu avant les vacancesd’été 1994, le Conseil fédéral a décidé de « plafonner » jusqu’à nouvel avis (budget 1995,plan financier 1996-1998) l’aide au développement de la Confédération à 0,34 % du PNB.Le besoin croissant de réduire les dépenses vient même de l’obliger à abandonner ce« plafond » dans le plan financier. A l’avenir, l’aide devrait certes continuerd’enregistrer un accroissement réel modeste, mais son volume en pourcentage du PNBne pourra guère se maintenir à 0,34 % et encore moins s’approcher du 0,40 % du PNBpréconisé par l’OCDE.

6 Il n’en reste pas moins que le 0,40 % du PNB demeure l’objectif déclaré du Conseil

fédéral, comme il l’indique dans son récent « Rapport sur les relations Nord-Sud de laSuisse dans les années 90 (Lignes directrices Nord-Sud) ». Les prévisions relatives auvolume de l’aide pour l’ensemble des pays membres du CAD ne sont par ailleurs pasplus encourageantes : il ne sera pas possible de compenser rapidement la forte baissequ’a subie la moyenne pondérée du CAD qui est tombée à 0,29 % du PNB en 1993. Aucontraire, on pourrait s’attendre à un nouveau recul, car la tendance semble indiquerune stabilisation réelle des budgets de l’aide. Ces perspectives laissent présager que laSuisse conservera à l’avenir sa place dans la moyenne des donneurs internationaux,mais ne pourra sans doute pas l’améliorer sensiblement. L’écart entre l’APD suisse et lamoyenne de l’Union européenne devrait également demeurer constant, tout comme ladifférence entre l’aide et la capacité économique de notre pays (revenu par habitant leplus élevé de tous les pays de l’OCDE).

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Qualité et contribution des œuvres d’entraide

7 A ces critiques, on répond volontiers du côté suisse en soulignant la qualité

remarquable de la coopération suisse au développement et l’importance de lacontribution des œuvres d’entraide suisses qui complètent efficacement l’aide publiqueau développement. Il est vrai que ces deux arguments sont invoqués à juste titre et leCAD le reconnaît. Pour ce qui est du volume de l’aide fournie par les œuvres d’entraideprivées, la Suisse se situe en effet au deuxième rang3, bien que ce fait ne sauraitcorriger les données quantitatives de l’aide publique.

La part de l’aide liée est minime

8 La part de l’aide liée constitue certainement un indicateur important de la qualité de

l’aide. Les membres du CAD sont largement d’accord sur le fait que l’aide liée déboucheen général sur de moins bons résultats que l’aide non liée, car le donneur accorde plusd’importance, dans le cadre de la première, à la promotion de ses propres exportationsqu’aux besoins de développement du bénéficiaire. Dans l’aide bilatérale suisse, la partde l’aide liée est minime, puisqu’en principe seuls les crédits mixtes (part fédéraleen 1992 : 83,2 millions de francs) et une partie de l’aide alimentaire (29,5 millionsde francs en 1992) sont liés à des livraisons suisses. Dans l’aide de toute une série depays donneurs (Australie, Belgique, Italie, Espagne), une part de plus de 50 % est liée4.Mais cela ne signifie nullement que la coopération au développement n’ait que peud’effets sur l’économie suisse : en 1992, environ 1,5 milliards de francs de la coopérationinternationale au développement auraient été versés à des Suisses et à des entreprisessuisses5. Une bonne partie de ces versements sont à mettre sur le compte de la capacitéconcurrentielle internationale des entreprises suisses de l’industrie et des services.

Part des dons, désintérêt politique et participation des bénéficiaires

9 Le Comité d’aide au développement relève avec satisfaction que l’aide suisse est

exclusivement accordée à titre de don depuis 1988. La Suisse évite ainsi que l’aide audéveloppement ne contribue à aggraver l’endettement des pays bénéficiaires. La moitiéseulement des membres du CAD accordent l’ensemble de leur aide sous forme de don,tandis que nombre de pays (Autriche, Italie, Japon, Espagne) allouent plus desdeux tiers de leur aide sous forme de crédits. Les pays bénéficiaires apprécient et leCAD reconnaît comme preuve de qualité le fait que la Suisse, en tant que petit pays sansprétentions coloniales, fournit son aide en l’absence de toute visée politique nationaleou régionale. La part relativement importante de l’aide que la Suisse accorde aux paysclassés parmi les plus pauvres (pays les moins développés, pays à faible revenu)constitue une preuve de son désintérêt politique. En 1993 par exemple, seuls 19 % del’aide ont été accordés à des pays dont le revenu par habitant est supérieur à675 dollars. Lorsque l’on mène une politique de développement désintéressée, il estplus facile de s’engager de façon cohérente et crédible en faveur d’une meilleure« gestion des affaires publiques » dans le pays partenaire. C’est également pour cetteraison que la Suisse est parvenue, avant d’autres pays et avec plus d’efficacité, àorienter sa coopération au développement vers une forme plus participative. Cetteorientation vise à faire participer les groupes de population concernés à la planificationet à la réalisation de projets et de programmes. Le CAD a relevé cette qualité dans ses

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examens de 1990 et de 1993. L’utilisation conforme aux lignes directrices des créditsmixtes ainsi que le rôle novateur de la Suisse dans la création d’un instrument dedésendettement comptent parmi les autres éléments que le Comité d’aide audéveloppement a loués à l’occasion de plus d’un examen.

Manque de concentration de l’aide bilatérale

10 Dans les deux derniers examens, c’est le manque de concentration de la coopération au

développement bilatérale qui soulève les plus vives critiques. Selon le Secrétariat duCAD, 104 pays en développement auraient reçu un soutien de la Suisse en 1991/19926.Tandis que ce nombre, par trop élevé, n’a guère évolué depuis le début des années 80(99 en 1981/1982), une comparaison annuelle des vingt principaux bénéficiairesdémontre un net accroissement du manque de concentration de l’aide bilatérale (aidehumanitaire comprise). En 1981/1982, 74 % de l’aide bilatérale ont été adressés auxvingt premiers pays, qui ne correspondent par ailleurs pas tout à fait aux pays dits « deconcentration ». Cinq ans plus tard, cette part se montait à 70 % et n’atteignait plus que62 % en 1991/1992. Selon la recommandation du CAD, la Suisse, en tant que donneurmodeste, aurait tout intérêt à réduire le nombre de bénéficiaires de son aide et àrationaliser la composition du groupe des principaux bénéficiaires. La volonté,exprimée dans le récent Message concernant la continuation de la coopérationtechnique et de l’aide financière en faveur des pays en développement, de réduire àmoyen terme le nombre des pays de concentration et les efforts fournis par la DDA etl’Office fédéral des affaires économiques extérieures (OFAEE) pour mieux coordonner laprogrammation par pays, indique que ces critiques sont prises au sérieux par lesresponsables concernés. Mais ceux-ci relèvent également, par exemple dans le« Mémorandum » à l’OCDE concernant la coopération suisse au développement7, que lesefforts de concentration ont des limites. Celles-ci apparaissent clairement dans le cadredes contributions aux programmes des œuvres d’entraide, où l’administration centralen’intervient pas dans le choix des pays bénéficiaires. Mais elles existent aussi dans lecas d’instruments qui ne peuvent, de par leur nature, s’intégrer dans la politique deconcentration. Il s’agit par exemple des mesures de désendettement, puisquel’existence de titres de créance pouvant être rachetés à des créanciers suisses joue unrôle clé dans le choix des pays.

De la politique démographique à la cohérence

11 D’autres aspects ayant suscité des critiques de la part du Comité d’aide au

développement méritent d’être mentionnés. En 1990, c’est par exemple l’engagementde la Suisse au niveau de la politique démographique qui était jugé trop modeste.En effet, la politique démographique dans son sens restreint, c’est-à-dire lorsqu’elle selimite aux programmes de planification familiale, n’est pas et n’a jamais été un secteurimportant de la coopération bilatérale suisse au développement. Si l’on considère lapolitique démographique dans un sens plus large, c’est-à-dire l’engagement en faveurd’une amélioration de l’approvisionnement destinée aux soins de santé primaires,l’encouragement de l’éducation de base et de la formation des femmes, le bilan de laSuisse apparaît nettement moins négatif. De plus, la Suisse alloue des contributionscroissantes à des institutions internationales œuvrant dans ce domaine. C’est le cas par

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exemple pour le Fonds des Nations unies pour les activités en matière de population(FNUAP) et pour la Fédération internationale pour la planification familiale (IPPF).

12 En 1993, ce sont l’élaboration interne de thèmes horizontaux et politiques, le travail

d’information et les problèmes de cohérence politique qui ont été abordés. Le Comitéd’aide au développement a ainsi cru déceler des faiblesses au niveau des thèmes dits« horizontaux » qui se retrouvent dans tous les domaines sectoriels et géographiques,par exemple le rôle des femmes dans le développement. Pour ce qui est du thème« Femmes et développement », le CAD a relevé à juste titre que les effectifs consacrés àce domaine sont nettement moins nombreux en Suisse que dans d’autres paysdonneurs. Depuis lors, cette situation a été corrigée. De manière générale, le CAD arecommandé à l’aide publique au développement (APD) suisse d’accroître ses moyens etson personnel pour traiter des questions politiques et pour mieux appliquer lesdécisions y relatives à la centrale et dans les bureaux de coordination.

13 Le budget du Service d’information de la DDA représente 0,21 % de l’APD suisse. C’est ce

qui est investi pour l’information et la formation au niveau du public et des écolesen Suisse. Malgré le rôle joué par les œuvres d’entraide suisses dans ce domaine etmalgré la méfiance des Suisses face à l’information fournie par l’Etat, les membres duCAD sont persuadés que la Suisse devrait fournir un travail plus important dans cesecteur : il est indispensable, et pas seulement en Suisse, d’accroître les activitésd’information et de formation sur les nouveaux aspects, plus globaux, des relationsNord-Sud. Ces activités ne doivent pas avoir pour seul objectif de libérer plus de fondspour le développement, mais surtout de faire comprendre qu’il importe d’appliquerune politique plus cohérente face aux pays en développement.

14 En considérant l’ensemble des relations de notre pays avec les pays en développement,

le Comité pense également qu’une meilleure cohérence est nécessaire entre l’APD et lesautres secteurs de la politique. Dans son communique de presse, il cite explicitement lecommerce et l’agriculture, mais le rapport d’examen évoque également la fuite decapitaux et le blanchiment d’argent sale. Naturellement, les problèmes de cohérenceconstituent un défi de taille pour pratiquement tous les pays de l’OCDE. Il convientdonc désormais de passer d’une politique de la coopération au développement à unepolitique de développement conséquente et intersectorielle. Cette question decohérence, le Conseil fédéral l’a abordée dans son « Rapport sur les relations Nord-Suddelà Suisse dans les années 90 (Lignes directrices Nord-Sud) » et il s’agit à présentd’appliquer ce principe dans la réalité politique.

3. La notion « d’aide publique au développement » del’OCDE évolue – conséquences pour la Suisse

15 Bien que les critères qualitatifs aient gagné en importance, les considérations

quantitatives, c’est-à-dire celles relatives aux montants de l’aide publique audéveloppement, continueront de jouer un rôle central dans l’appréciation de l’OCDE.De même, la « répartition internationale équitable des charges » continuera d’êtreperçue du point de vue quantitatif. Il est donc d’autant plus crucial de savoir ce qu’ilconvient de considérer comme « aide publique au développement ». Plusieurs élémentsconjoints – modes de comptabilisation différents selon les pays membres, apparition denouveaux pays bénéficiaires après l’effondrement du bloc de l’Est et création denouvelles formes de coopération au développement – ont provoqué une évolution de la

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notion de l’APD admise jusqu’alors et suscité dès 1991 un processus de réforme. Cetteréforme a une dimension géographique, qui se concrétise dans la réorganisation de laliste du CAD des pays en développement, et une dimension sectorielle, qui concerne lesformes d’APD nouvelles ou controversées. Dans ces deux domaines, la discussion paraîtau premier abord surtout technique, mais la durée de la réforme témoigne à elle seulede l’importance politique de bon nombre des questions abordées. Certaines étapes de laréforme engendreront d’importants changements dans la pratique de comptabilisationde quelques Etats membres – avec tous les effets que cela implique sur le volume del’aide – c’est pourquoi certains campent souvent sur leurs positions.

Esquisse d’une nouvelle liste des pays en développement

16 En ce qui concerne la redéfinition d’une liste du CAD des pays en développement, on

serait tenté de citer le cas de la montagne qui a accouché d’une souris, bien que nul neconteste la nécessité de revoir d’urgence une liste désuète et historiquement dépasséesur laquelle figurent encore des pays tels que Singapour, Israël et la Grèce. La difficultéde ce travail ne réside pas uniquement dans les relations particulières de certains paysde l’OCDE avec certains « pays en développement », mais aussi dans leur portée : ils’agit en fait rien moins que de formuler une définition des pays en développement. Unconsensus a cependant pu être trouvé : on recense tous les bénéficiaires de flux d’aideconcessionnelle, tous n’étant pas des pays en développement. La liste a donc étéséparée en deux parties : la première comprend les pays en développement les moinsavancés selon leur revenu par habitant et la deuxième tous les autres pays destinatairesd’une aide. Ne peut être comptabilisée comme « aide publique au développement » quel’aide accordée aux pays de la première partie de cette liste8.

17 Reste à déterminer où se situe la limite entre les deux parties de la liste, quels critères

adopter pour admettre ou exclure un pays de la liste II et si les pays d’Europe centraleet de l’Est doivent bénéficier du même traitement ou non que les pays endéveloppement traditionnels. Pendant longtemps, un consensus concernant l’exclusionsemblait se dessiner autour de la limite imposée par la Banque mondiale pour l’octroide ses prêts (revenu par habitant de 4715 dollars américains en 1992). En raison desintérêts particuliers d’un important donneur, la rencontre ministérielle des pays duCAD, en 1993, n’a toutefois pu fixer que le montant de 8355 dollars comme limite. Iln’en reste pas moins que, dès 1996, l’aide accordée aux « pays à haut revenu », telsqu’Israël, Chypre ou Taïwan, ne pourra plus être comptabilisée dans l’APD. Il y aquelque temps déjà, lors de la procédure d’évaluation cas par cas, le CAD avait décidéd’exclure dès 1996 les cinq pays à haut revenu les plus nantis (Bahamas, Singapour,Koweït, Emirats arabes unis, Qatar) de la liste des pays en développement et d’yadmettre immédiatement les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale et duCaucase9.

Efforts de démocratisation et de démobilisation, lutte contre la

drogue : soutien incontesté

18 Au niveau sectoriel, toute une série de nouvelles formes d’aide ont pu être admises,

pratiquement sans opposition, dans le règlement de comptabilisation. Cette innovationn’a posé aucune difficulté car elle équivalait à officialiser une pratique déjà courante.

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Selon les nouvelles directives de l’OCDE, il est désormais possible de comptabiliser àtitre d’aide publique au développement le soutien accordé aux processus dedémocratisation et de démobilisation. La première de ces notions recouvre par exemplel’envoi de missions d’observation lors d’élections ou l’aide technique destinée àl’enregistrement et à la formation d’électeurs, la seconde comprend, entre autres, desprogrammes de réinsertion pour les soldats démobilisés. En matière de lutte contre ladrogue, des précisions ont été apportées au règlement existant pour que ne puissentêtre comptabilisés que les programmes visant à promouvoir le développement. Lesprogrammes répressifs, tels que le financement d’interventions de la police ou del’armée pour détruire les cultures concernées, n’entrent donc pas en ligne de compte.

Mesures de maintien de la paix, aide aux réfugiés, Fonds pour

l’environnement, actions de désendettement : soutien controversé

19 En quelques années à peine, les dépenses consacrées aux maintien de la paix ont

fortement augmenté et provoqué une démobilisation dangereuse dans le domaine del’aide publique au développement. C’est ce qu’a écrit à juste titre Gus Speth,administrateur du PNUD, dans une lettre, qui a suscité quelques remous, récemmentadressée aux chefs des agences de développement bilatéral. D’aucuns seraient tentés demettre la charrue avant les bœufs, c’est-à-dire de décréter que la totalité ou une partieimportante des dépenses consacrées au maintien de la paix peuvent être comptabiliséesdans l’APD. Une proposition allant dans ce sens de quelques membres du CAD atoutefois été balayée par la grande majorité du Comité et n’a guère de chances des’imposer à l’avenir. Le CAD a néanmoins été chargé d’enregistrer, à titre indicatif, lesdépenses consenties par ses membres en faveur du maintien de la paix, mais en dehorsde l’APD, afin de disposer d’une base de données fiable.

20 Dans le domaine de l’aide aux réfugiés, le règlement actuel permet dans une certaine

mesure de comptabiliser dans l’APD les dépenses consenties dans le pays donneur pourla prise en charge de réfugiés. La plupart des membres du CAD ne font toutefois pasusage de cette possibilité, car de telles dépenses n’ont de toute évidence rien decommun avec l’aide au développement. Un groupe de pays, qui ne cesse de rétrécir – ilne comprend aujourd’hui plus que l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas, le Danemark etla Finlande – continue cependant de compter de tels frais dans l’APD. Sur les instancesde divers pays, dont la Suisse, une proposition a été présentée pour supprimerdéfinitivement ce principe de comptabilisation tout en prévoyant un délai transitoirede plusieurs années.

21 Dans le cadre de fonds globaux pour l’environnement – dont les principaux organismes

sont le Fonds mondial pour l’environnement (FME) et le Protocole de Montréal – uncompromis a désormais été trouvé. Il pourrait mettre un terme aux tiraillements quiont divisé pendant trois ans les membres du CAD au sujet de la possibilité decomptabiliser ces dépenses dans l’APD et qui permettrait notamment d’éviterl’application de modes de calcul différents qui rendent toujours plus difficile lacomparaison entre les statistiques de l’APD. La solution proposée séduit par sasimplicité : à l’avenir, 50 % des contributions à des fonds globaux pour l’environnementdevraient pouvoir être comptabilisés dans l’APD.

22 En matière de comptabilisation des actions de désendettement, le CAD n’a pas encore

trouvé un compromis. La directive actuelle permet de compter comme aide publique au

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développement la valeur nominale d’une dette remise, même si la valeur réelle de cettedette ne représente plus qu’une part infime de la valeur nominale et que la remise pèsed’un poids beaucoup moins grand sur le budget d’APD du pays donneur. Se fondant surces réflexions, les Pays-Bas et la Suisse en particulier, plaident en faveur d’uneadaptation du règlement afin que seul le montant réel de la remise puisse êtrecomptabilisé au titre d’APD.

Conséquences pour le volume de l’APD suisse

23 Tout au long du processus de réforme, la Suisse a préconisé qu’il convenait d’une part

d’adapter la notion d’aide publique au développement aux circonstances et évolutionsnouvelles, afin qu’elle puisse continuer de servir d’étalon de mesure pour la« répartition internationale des charges », mais elle a d’autre part souligné qu’il fallaitéviter de diluer la notion d’APD et ne pas renoncer au critère qu’est le développementpour l’orientation de l’aide. L’application d’une politique de comptabilisation« favorable au budget » – euphémisme utilisé par un membre du CAD pour désigner latendance consistant à inscrire le maximum des postes du budget dans l’APD – n’est pasun objectif de la Suisse. Il n’en reste pas moins intéressant d’analyser les conséquencesdes réformes entreprises pour le volume d’aide que la Suisse peut comptabiliser à titred’APD.

24 Les effets diffèrent selon la définition adoptée : la formule utilisée par la DDA et l’OFAEE

dans leur rapport annuel, la définition de l’OCDE ou la rubrique du budget fédéral. Danstous les cas, ces effets demeurent toutefois modestes. Dans la statistique de l’OCDEpour 1993, la Suisse aurait ainsi pu inscrire 20 millions de francs de plus à titre d’APD.Ce supplément est à mettre pour moitié sur le compte des anciennes républiquessoviétiques d’Asie (10,8 millions) et sur les contributions suivantes : 8,5 millions à desfonds globaux pour l’environnement (7,3 millions de francs au FME ; 1,2 millions auFonds pour l’ozone du Protocole de Montréal), 1,4 millions pour les missionsd’observation lors d’élections et 0,9 million destiné au Fonds des Nations Unies pour lalutte anti-drogue (FNULAD). A quelques nuances près – des nuances minimes dues à desdifférences techniques (date de comptabilisation) – ces dépenses correspondentégalement à l’image fournie dans le rapport annuel 1993 de la DDA et de l’OFAEE.Comme indiqué plus haut, la principale différence entre ces deux définitions provientdu fait que les contributions aux banques de développement ne sont pas comptabiliséesau même moment. Cette règle peu judicieuse – comme le concède le Secrétariat du CADlui-même – ne sera sans doute pas modifiée dans un avenir proche, car les membres duComité semblent loin d’un compromis à ce propos.

25 La rubrique « coopération publique au développement » du budget fédéral n’a pas

encore été adaptée aux réformes opérées par le CAD. Puisque la plupart des effetss’annulent réciproquement, les différences qui en résultent demeurent minimes. A longterme, une meilleure transparence exigera toutefois sans doute que cette rubrique soitelle aussi adaptée pour éviter que l’on confonde diverses indications du volume del’aide.

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NOTES

1. DAC Aid Review of Switzerland. OCDE, Communiqué de presse, Paris, 28.9.1993.

2. La structure des apports financiers aux pays en développement et aux pays en transition subit

de profondes modifications, OCDE, Communiqué de presse, Paris 20.6.1994.

3. CAD/OCDE : Coopération pour le développement – Rapport 1993, Paris 1994, p. 163.

4. The Reality of Aid 94, édité par ICVA, EUROSTEP et ACTIONAID, 1994, p. 28.

5. Greminger, Thomas : OECD examiniert schweizerische Entwicklungszusammenarbeit, dans :

Volkswirtschaft 2/94, pp. 50/51/tab. 5.

6. CAD/OCDE : Examen de laide 1993/94 ; Rapport du secrétariat et questions pour l’examen de la

Suisse, DCD/DAC/AR(93)2/19, 3.9.1993, p. 21 et tab. 6.

7. DDA/OFAEE : Mémorandum de la Suisse au Comité d’aide au développement de l’OCDE 1992,

16.7.1993, pp. 22/23.

8. Cf. Rapport du CAD 1993 (note 3), pp. 11-13.

9. Arménie. Géorgie, Tadjikistan, Azerbaïdjan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Turkménistan,

Kazakhstan.

AUTEUR

THOMAS GREMINGER

Section politique et recherche, Direction de la coopération au développement et de l’aide

humanitaire, Berne

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Mécanismes du consensus : lecorporatisme pluraliste dans lapolitique suisse du développementPeter Hug et Beatrix Mesmer

1 Le financement de la coopération au développement a subi à la fin de 1994 des

pressions sans équivalent depuis fort longtemps. On ne sait pas encore si le débat actuelest de nature transitoire, ou si la politique de développement va entrer dans une criseanalogue à celles déjà vécues par d’autres secteurs de notre politique étrangère. Il estdonc intéressant de se pencher sur les mécanismes de politique intérieure qui ontpermis à la Suisse d’asseoir sa politique de développement.

2 Quarante jeunes historiennes et historiens ont entrepris à l’Institut d’histoire de

l’Université de Berne – en collaboration avec les Archives fédérales – de procéder pourla première fois à une consultation systématique des archives des offices fédéraux, desœuvres d’entraide et des organisations politiques, afin d’en dégager l’histoire de lacoopération suisse au développement. Les résultats de ce travail ont fait entre tempsl’objet d’un recueil1. Celui-ci fournit des ébauches de réponses à la question de savoirsur quels fondements intérieurs la politique de développement a pu devenir unnouveau domaine de la politique étrangère suisse. Comme les sources disponibless’arrêtaient à l’année 1976 – c’est-à-dire à l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur lacoopération au développement et l’aide humanitaire internationales –, notre exposé selimite nécessairement à la période qui a précédé ce jalon important pourl’institutionnalisation de la nouvelle tâche confiée à nos pouvoirs publics. Il reste toutde même valable dans la mesure où la stratégie d’application a peu changé depuis lors.

3 Comparativement aux difficultés rencontrées par la politique d’intégration du Conseil

fédéral, le consensus qui s’est établi sur la politique de développement peut êtreconsidéré comme tout à fait remarquable. La raison en est une exploitation optimaledes structures qui conditionnent la politique intérieure suisse depuis la fin du XIXe

siècle : d’une part la prise en compte d’intérêts corporatistes et la délégation de tâchespubliques à des organisations privées, d’autre part le principe de subsidiarité quipermet à la Confédération d’appuyer les prestations ainsi transférées. Dans le cas qui

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nous occupe, cela signifie que l’aide publique au développement a pu se conjuguer avecl’activité de groupes privés en faisant sienne l’idée, largement répandue dans lapopulation, que la Suisse a une mission humanitaire à remplir. Par ailleurs, les moyensconsacrés à la nouvelle tâche pouvaient également servir à indemniser et neutraliserdes opposants potentiels. Notre première thèse est donc que la politique dedéveloppement poursuivie par la Confédération doit son succès à des méthodes qui ontfait leurs preuves et acceptées par tout un chacun.

4 Cette thèse se trouve étayée par un coup d’œil rétrospectif sur l’histoire des œuvres

d’entraide qui ont joué jusqu’à présent un rôle central dans la mise en œuvre de lapolitique de développement. Le « Don suisse » (1944-1948), une action humanitaire dela Confédération pour la reconstruction et les réfugiés en Europe, chargée de symbolesnationaux et menée avec une grande efficacité publicitaire, a joué un rôle essentieldans l’enracinement politique ultérieur de l’aide suisse au développement. Auparavant,l’aide suisse à l’étranger relevait exclusivement de l’initiative privée. La PremièreGuerre mondiale et la crise économique des années trente avaient suscité de véritablesvagues d’actions de secours. Souvent constitués pour le temps d’une action ponctuelle,les groupes caritatifs n’étaient guère coordonnés entre eux et donnaient de leursactivités une image confuse. Les premières organisations faîtières d’aide à l’étrangercouvrant l’ensemble de la Suisse sont apparues au milieu des années trente. Leur travailest cependant resté très cloisonné des points de vue social et idéologique ouconfessionnel. Chaque œuvre d’entraide s’identifiait à un milieu déterminé dans lequelelle collectait ses dons, qu’elle distribuait à des bénéficiaires appartenant à la mêmesphère : les catholiques suisses collectaient pour des catholiques en détresse àl’étranger, les socialistes suisses pour des camarades étrangers dans le besoin.

5 Le Don suisse, lancé par le Conseil fédéral en 1944, affranchit pour la première fois

l’aide à l’étranger de ces valeurs idéologiques, lui conférant ainsi un caractère plusneutre. Il semblait au Conseil fédéral qu’une aide teintée de protestantisme, decatholicisme ou de socialisme n’était pas le bon moyen de combattre une réputation deprofiteur de guerre et de surmonter ainsi l’isolement dont pouvait souffrir notre pays.Pour remplir son objectif politique vis-à-vis de l’étranger, l’aide à la reconstructiondevait à la fois être ciblée et procéder d’une volonté nationale. L’on n’avait que faired’outsiders susceptibles de troubler l’unité de cette image. Comme la Confédération nepossédait pas encore les instruments nécessaires pour mettre en œuvre cette politique,elle renonça à agir elle-même et mit des fonds importants à la disposition de toutes lesœuvres d’entraide d’envergure nationale regroupées dans le Don suisse. Cet élan donnanaissance à une communauté caritative homogène, axée sur les principes helvétiquesde la « concordance » et de la neutralité, fermement décidée à prouver que la Suisseavait une mission humanitaire à remplir en dépit de l’hostilité extérieure.

6 Lorsqu’en 1948 la Confédération se retira du Don suisse, peu de choses changèrent à

part le nom. L’organisation qui prit la suite – l’Aide suisse à l’Europe – conserva lemême champ d’activité et la même structure de type cartellaire. Il était strictementinterdit aux œuvres d’entraide qu’elle regroupait d’effectuer leurs propres campagnesnationales. Simultanément, l’Aide suisse à l’Europe veillait jalousement à ce qu’aucunfranc-tireur ne fasse irruption sur le marché prospecté en commun. Le caractèrecollectif des campagnes avait pour effet de niveler le profil spécifique des œuvresaffiliées, tout en donnant de la force à l’image d’ensemble. Seuls les appels de donsfondés sur des arguments humanitaires très généraux trouvaient un consensus. Les

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fonds collectés étaient répartis – selon un mode régulièrement contesté sur le planinterne – entre les œuvres d’entraide réunies au sein de l’Aide suisse à l’Europe.

7 Cette structure caritative subtilement équilibrée, qui avait élaboré sa propre

bureaucratie, faisait obstacle à tout changement du champ d’activité. En 1947 déjà,Rodolfo Olgiati, directeur du Don suisse, avait suggéré dans un article intitulé « Von derNachkriegshilfe zur Friedensarbeit » (« Du secours d’après-guerre à la coopérationpacifique ») que l’on réorientât l’activité d’aide dans le sens de la coopération audéveloppement visée par les Nations Unies. Les précurseurs de l’ONU avaient déceléd’importantes sources potentielles de conflits armés à la fois dans les déséquilibressociaux et dans les tensions économiques inter-Etats qui avaient marqué l’entre-deux-guerres. Dans le souci de prévenir une nouvelle guerre mondiale, la Charte des NationsUnies (article 55) demandait ainsi à la communauté internationale de surmonter lesproblèmes économiques et sociaux du monde par le biais de la coopération audéveloppement. Le Conseil fédéral suisse, de son côté, n’a pas suivi ce point de vue.

8 Ce concept de l’ONU et les idées d’Olgiati, qui prolongeaient d’ailleurs les actions

menées par le Service civil international durant l’entre-deux-guerres, n’ont trouvéd’écho en Suisse qu’à partir des années cinquante et uniquement dans les milieuxpacifistes et chrétiens progressistes. C’est l’époque où fut fondé un « Comité d’initiativeen faveur de la création d’une œuvre populaire suisse pour l’aide aux régions sous-développées » qui, contrairement aux œuvres d’entraide existantes, formula desobjectifs politiques. Ses revendications essentielles étaient que la Suisse pratiquât unepolitique étrangère active, que les dépenses militaires fussent plutôt consacrées à lacoopération au développement, et que les relations Nord-Sud de la Suisse fissent l’objetd’un examen approfondi. Les œuvres d’entraide qui formaient l’Aide suisse à l’Europese sentirent mises au défi et relevèrent le gant ; leur stratégie consista à proposer auComité d’initiative de mettre lui-même la main à la pâte tout en s’intégrant auxstructures caritatives existantes. En 1955, le Comité se transforma en Aide suisse auxrégions extra-européennes (ASRE, aujourd’hui Helvetas), qui entendait mettre enpratique sa conception d’une coopération au développement garante de paix enréalisant un projet élaboré par Olgiati. Mais l’entreprise échoua. En proie à desproblèmes financiers, l’ASRE se vit contrainte en 1956 d’adhérer à l’Aide suisse àl’Europe qui fut rebaptisée « Aide suisse aux pays étrangers » et accorda à l’ASRE unequote-part de 16,5 % des collectes nationales. En contrepartie, l’ASRE dut renoncer à sespropres campagnes nationales d’appels de dons – donc à pratiquer une politique dedéveloppement indépendante et à informer le public sur la situation des pays endéveloppement.

9 Le Conseil fédéral a beaucoup fait de son côté pour intégrer l’ASRE dans le consensus

helvétique. Peu après la fondation de cette organisation, le ministre des affairesétrangères de l’époque, Max Petitpierre, prit l’initiative d’inviter à une séance dediscussion tous les milieux concernés par l’aide au développement. Le chef duDépartement politique fit comprendre que l’aide économique et la coopérationtechnique étaient deux choses bien distinctes. Les œuvres d’entraide n’avaient pas à semêler d’aide économique, qui était de la compétence de la Confédération, de l’économieprivée et des banques. La Confédération était par ailleurs disposée à soutenirfinancièrement les organisations caritatives si celles-ci étaient d’accord de se limiter àleurs projets de coopération technique et de s’entendre sur une coordination de leurtravail. Cela signifiait en d’autres termes qu’il n’était pas question de toucher au droit

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acquis de longue date par les associations économiques d’influer sur les relationsextérieures de notre pays.

10 Le principe d’une distinction rigoureuse entre aide technique et aide économique a

ainsi été maintenu. Il a également été appliqué à la réorganisation de l’Administrationfédérale en 1960/61, lorsque l’aide économique fut confiée à la Division du commerce,et l’aide technique à un nouveau service du Département politique. Ces deux champsd’activité évoluèrent dès lors très indépendamment l’un de l’autre, en se fondant surdes mécanismes de politique intérieure eux-mêmes différents. L’aide économique jouaplutôt la carte de la discrétion. Il incombait essentiellement à notre délégationéconomique permanente et aux grandes associations économiques spécialiséesd’élaborer les positions que devait adopter la Suisse envers la Banque mondiale, l’OCDE,la CNUCED et les pays avec lesquels nous avions passé des accords de protection desinvestissements ou d’aide financière. Les œuvres d’entraide n’avaient ici ni voix auchapitre, ni représentation dans la délégation économique permanente ou dans lesorganes de la garantie contre les risques à l’exportation.

11 Les œuvres d’entraide en ont été largement dédommagées dans le secteur de la

coopération technique, où leur champ d’action financier aussi bien que politique s’estconsidérablement étendu depuis 1960. Alors que l’aide technique du Conseil fédéral sedéroulait pour ainsi dire à huis clos durant les années cinquante encore, elle s’appuya àpartir de 1960 sur un consensus intérieur extrêmement large. Les projets dedéveloppement constituaient dès lors l’aspect le plus médiatisé de la politiqueétrangère suisse. En 1960, le conseiller fédéral Max Petitpierre encourageapersonnellement des conseillers nationaux de tous les partis importants à intervenir auParlement pour demander une augmentation de l’aide au développement.Simultanément, il mit sur pied dans le nouveau Service de la Coopération technique unservice d’information efficace qui plaidait la cause de la coopération par des films, desdossiers pédagogiques et des revues gratuites. De nombreux messages au Parlement etla création de nouveaux organes permirent à tous les milieux intéressés de participer àcet effort. Les représentants des milieux économiques, scientifiques et politiques réunisau sein de la Commission de la coopération technique, mise sur pied en 1961, firent desrecommandations sur l’orientation générale que devait prendre la coopération audéveloppement. Cette commission accueillit ensuite les œuvres d’entraide, qui ont parailleurs été les bienvenues depuis 1961 aux conférences annuelles de la coopérationtechnique. Comme leur collaboration était indispensable pour faire passer la rampepolitique aux crédits de programme demandés à intervalles réguliers, les œuvresd’entraide étendirent leur influence à l’organisation des projets de développement.Comme au temps du Don suisse, elles étaient redevenues des partenaires réguliers de laConfédération. Bien sûr, on attendait toujours qu’elles s’en tiennent aux règles du jeu – à une distinction claire entre coopération technique et aide économique, donc à unedifférenciation des compétences selon qu’il s’agissait de projets de développement oude politique économique extérieure.

12 Cet arrangement s’est trouvé menacé vers la fin des années soixante, lorsque les

programmes de développement durent être repensés face à un déséquilibre Nord-Sudqui allait en s’aggravant. En Suisse comme ailleurs, des mouvements politiques tels quela Déclaration de Berne mirent le doigt sur les interdépendances entre pauvreté,exploitation économique et répression politique, et imputèrent le retard duTiers Monde à la politique des pays industrialisés. A la même époque, les partis

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conservateurs critiquaient devant le Parlement l’absence de fondement légal à lacoopération au développement, ce qui montre bien la crise de légitimation quetraversait cette politique autour de 1970. Le Conseil fédéral se déclara alors disposé àélaborer un projet de loi sur ce sujet.

13 L’histoire de la loi fédérale sur la coopération au développement et l’aide humanitaire

illustre bien comment on procède en Suisse pour négocier une solution acceptable parla majorité, tout en marginalisant les trouble-fêtes. Les délibérations au Parlementprirent presque quatre ans, sous la menace de référendums partant aussi bien de ladroite, avec les Républicains de James Schwarzenbach, que de la gauche avec lescritiques de la coopération pratiquée jusque-là. On aboutit finalement à un consensusen tenant partiellement compte des vues exprimées par la Déclaration de Berne et laCommission des organisations suisses de coopération au développement dans ledocument « Maldéveloppement Suisse–Monde ». La coopération au développementétait désormais censée promouvoir des situations équilibrées dans les paysbénéficiaires – ce qui laissait une marge d’appréciation considérable. Par contre, lademande d’instituer une statistique des flux de capitaux entre la Suisse et les pays endéveloppement fut purement et simplement mise au rancart.

14 Le fait que cette loi eût pu finalement entrer en vigueur sans référendum montre que

les crédits d’aide économique et de coopération technique faisaient désormais partie denos mœurs helvétiques. Aussi bien les associations économiques que les œuvresd’entraide étaient manifestement satisfaites des transferts qui devaient en résulter.Cela ne signifie par forcément que l’effet obtenu dans les pays bénéficiaires a été lui-même optimal (la documentation disponible ne permettait pas d’analyser cet aspect dela question). Mais, sur le plan suisse, on constate que la politique de développementpermit de désamorcer les conflits qui alourdissaient le climat de la politique intérieureà la suite de Mai 68. Les forces qui tendaient à transformer la société furent détournéesvers l’extérieur et profitèrent au travail de coopération.

15 Notre deuxième thèse est que la politique suisse de développement a non seulement

permis à notre pays de rester branché sur l’évolution du monde, mais a aussi contribuéà la stabilisation de son propre système politique. La Suisse ne constitue probablementpas une exception à cet égard. D’autres pays également aménagent leur coopérationtechnique en fonction d’intérêts qui relèvent de la politique intérieure. Il est parailleurs frappant de voir que la popularité dont jouissent la coopération et l’aidehumanitaire en Suisse n’a pas débouché sur une perception cohérente des problèmesde politique étrangère au sein de notre population.

16 Placé dans une perspective historique, le débat actuel sur la cohérence – attribuable à

l’accélération de l’interdépendance mondiale et mis en vedette par l’image directriceNord-Sud présentée en 1994 par le Conseil fédéral – traduit des préoccupations plusfondamentales que celle d’une simple harmonisation de différents secteurs politiques.Ce débat porte en effet sur les mécanismes politico-institutionnels qui ont assuréjusqu’ici le succès intérieur de la politique de développement pratiquée par notre pays.Il met notamment en question la règle essentielle du corporatisme pluraliste voulantque « chacun balaie devant sa porte ». Jusqu’à présent, les instances fédéralesimpliquées dans la coopération s’appuyaient dans le pays sur des clientèles politiquesextrêmement diverses, lesquelles s’accommodaient de différentes catégories detransferts. Ce pluralisme peut être battu en brèche dans la mesure où la répartition dubudget fédéral donne lieu à des pressions accrues, et où la Suisse renonce

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complètement à son profil politique de toute façon modeste – donc si elle se contentede donner à sa politique de développement une définition fondée sur les organisationsinternationales et d’autres mécanismes multilatéraux plutôt que d’entretenir desrelations clientélistes. Si c’est le cas, la Confédération devra trouver de nouveauxmoyens d’asseoir sa politique sur le plan intérieur. En effet, les principes departicipation et de codécision mis en avant par le rapport du Conseil fédéral sur lapolitique extérieure de la Suisse dans les années 90 ne font pas que nourrir le débat surla cohérence. Ils relancent également la question de savoir si la coopération audéveloppement – comme le Don suisse à la fin de la Seconde Guerre mondiale – doitêtre une simple compensation à notre absence sur la scène politique internationale, ousi elle ne devrait pas plutôt faire partie intégrante d’une nouvelle politique de paix quiviendrait remplacer le dogme de la neutralité armée et de l’absentéisme politique par laparticipation solidaire à un système global de sécurité collective.

NOTES

1. Peter Hug, Beatrix Mesmer: Von der Entwicklungshilfe zur Entwicklungspolitik, Berne 1993

(Etudes et Sources, vol 19), 685 pages, broché. ISBN 3-9520503-0-X, distribué par: Archives

fédérales, Berne.

AUTEURS

PETER HUG

Historien, Berne

BEATRIX MESMER

Professeur à l’Institut d’Histoire de l’Université de Berne, Berne

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La Suisse et les nouveaux effortsinternationaux pour juguler lacorruption dans le mondeMark Pieth

1. Le débat public sur la corruption

1 Un problème longtemps passé sous silence fait actuellement la « une » des médias. La

corruption, ou les agissements assimilables à la corruption, prennent des dimensionsuniverselles. La « petite corruption » de la vie quotidienne a longtemps nourri lesconversations des voyageurs qui revenaient du Tiers Monde. Puis les industriels quisouhaitaient établir des relations d’affaires dans ces régions ont raconté, avec unhaussement d’épaules, que même et surtout à grande échelle, il n’était pas question depasser un contrat sans dessous-de-table.

2 En dépit des « affaires » qui secouent de temps à autre le monde industrialisé, il est

nouveau que l’on admette l’existence en Europe – et pas seulement en Italie – d’unecorruption qui a pris des proportions endémiques.

3 La corruption en tant que mécanisme intrinsèque d’une économie s’est révélée dans

toute son ampleur avec l’ouverture des marchés de l’Est, et plus particulièrement de laRussie. Même si le népotisme des fonctionnaires imprégnait déjà la vie économiquesous le régime soviétique, la corruption représente un élément de l’ouverture qui prendune tout autre dimension. Les associations d’idées qu’elle suscite vont du « wild West »

au « capitalisme manchestérien ».

2. Délimitation de la notion de corruption

4 Il va de soi que le débat public – surtout dans les médias – se préoccupe peu de clarté.

Corruption est synonyme d’affaires douteuses. Cette notion sert également de code ;

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elle crée de nouveaux boucs émissaires sur qui l’on peut reporter inquiétudes diffuseset craintes de privation.

5 La définition de cette problématique relève avant tout du droit pénal. En ce qui

concerne la corruption de fonctionnaires, le droit prévoit la corruption proprementdite (active et passive) qui consiste à offrir une prestation à un fonctionnaire contre unservice auquel on n’a pas droit1. Cet pratique peut léser des tiers ; elle porte de toutemanière atteinte à la confiance en l’intégrité de la fonction publique. La législationpénale prévoit en outre, d’une manière générale, la variante du simple cadeauconsidéré comme suffisant pour compromettre la confiance des administrés dans lafonction publique2. De leur côté, les lois qui visent à réprimer la concurrence déloyalecomprennent également des dispositions pénales contre la corruption de particuliers àl’insu de leur employeur3. Ce comportement tombe en partie sous le coup du délitclassique de la gestion déloyale.

6 Réduire le phénomène à sa dimension pénale ne permettrait guère d’en examiner les

divers aspects : le droit pénal se concentre par définition sur les responsabilitésindividuelles et n’est guère en mesure de dépasser le délit concret pour s’intéresser auxstructures persistantes et aux réseaux qui font de la corruption un moteur des activitéséconomiques et sociales. Et c’est pourquoi la législation pénale est dépassée lorsqu’elledoit affronter la dimension internationale de la « grande corruption ».

7 Mais ce n’est pas un hasard si le débat public sur la corruption s’est limité jusqu’à

présent à l’aspect pénal dans notre pays. Sans doute est-il important pour l’identitéhelvétique d’apprendre qu’un Raphaël Huber a pu longtemps exiger et recevoir despots-de-vin, que le système des autorisations de complaisance dans la restauration a pufonctionner durablement. Il s’agit toujours d’une série de cas isolés, tout au moins sinous limitons notre examen à la corruption proprement dite. Cette discussion occultele fait que la corruption ne représente que l’aspect partiel d’un thème plus vaste, quiest le patronage et le clientélisme4. Alors que la corruption prend la forme d’avantagespécuniaires – tout en recherchant d’ailleurs des relations durables – les comptes serèglent au coup par coup dans la monnaie du pays considéré. Le trafic d’influence esten revanche une affaire à long terme : les faveurs accordées dans le cadre d’un réseaude relations se rendent parfois des dizaines d’années plus tard (les parlementairessuisses en savent quelque chose).

8 L’absence, en Suisse, de loi sur le financement des partis politiques montre à quel point

la criminalisation du clientélisme peut être sélective. Une bonne part de la« corruption » dont souffrent nos pays voisins se rapporte au financement illicite despartis. Le fait même de renoncer volontairement à exiger la transparence financièredes activités politiques (donc de légaliser des arrangements secrets) est le moyend’éviter – à tort ou à raison – une forme possible de délinquance. La non-criminalisation agit comme une mesure préventive, ce qui prouve que la criminalitépeut être affaire d’inculpation.

9 Le fait de restreindre la notion de corruption à l’acception qu’en donne le code pénal

suisse voile en bonne partie sa dimension internationale : les délits répertoriés dansnotre code pénal (en particulier les art. 288, 315 et 316 CPS) ont pour objet desauvegarder la confiance du peuple envers ses propres institutions. Ces normesjuridiques sont issues de la genèse de l’Etat national. Et l’obstacle de la « pénalitéréciproque » peut être éventuellement surmonté par le fait que pratiquement toutes lesnations connaissent des règles de droit analogues. Cependant, corrompre des

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fonctionnaires d’un Etat étranger n’est pas un acte condamnable aux termes du codepénal suisse. De plus, la jurisprudence5 appliquée jusqu’à présent en Suisse comme dansd’autres pays considère – tout au moins en principe – la corruption internationalecomme frais d’acquisition fiscalement déductibles, et favorise ainsi indirectement lacorruption.

3. La corruption internationale et la Suisse

10 Même en donnant un sens étroitement pénal à la notion de corruption, il est douteux

que l’on puisse faire abstraction de l’aspect international du phénomène. La Suisse esttriplement touchée par la corruption internationale :

11 En tant que pays exportateur, la Suisse participe activement – comme d’autres Etats

industrialisés – à la corruption de fonctionnaires étrangers, du Tiers Monde enparticulier. Même si certaines entreprises respectent les principes de la Chambre decommerce internationale (CCI)6 et si d’autres combattent la corruption à l’étranger toutau moins dans leur réglementation interne, beaucoup d’exportateurs se voientcontraints de verser des dessous-de-table sans contrepartie. Des entreprises suissesfreinent ainsi – le plus souvent malgré elles – le processus de développement des paysdu « Sud » et de l’« Est ».

12 Par ailleurs, la Suisse peut aussi être le « lieu du crime » : l’affaire Lockheed, par

exemple, nous a révélé qu’il est traditionnel d’avoir un compte en Suisse pour pouvoirverser les pots-de-vin à partir de ce pays. Cette impression est confirmée par lesméthodes pratiquées en Italie7.

13 Songeons enfin au « blanchiment de pots-de-vin » sur territoire suisse : beaucoup de

fonctionnaires essaient de dissimuler et de légaliser chez nous les fruits de leurvénalité, avec l’aide occasionnelle de financiers suisses.

4. Efforts internationaux pour juguler la corruption

14 A la suite du scandale Lockheed, qui a révélé au monde entier à quel point non

seulement les avionneurs américains mais beaucoup de multinationales corrompaientrégulièrement les plus hauts fonctionnaires étrangers, l’ONU a tenté d’élaborer uneconvention contre la corruption internationale. Ses efforts dans ce sens se sontpoursuivis de 1976 à 1979 et ont échoué finalement face aux divergencesinsurmontables entre nations industrialisées et pays du Tiers Monde d’une part(surtout à propos du jugement à porter sur les versements au régime d’apartheiden Afrique du Sud), ainsi qu’entre Etats industrialisés eux-mêmes (à propos de laconception étasunienne de l’effet extraterritorial du droit pénal)8.

15 D’autres tentatives, de l’OCDE en 19769 et de la Chambre de commerce internationale

en 197710, n’ont pas eu d’incidences profondes sur les pratiques de la corruptioninternationale.

16 Les Etats-Unis ont relancé en 1989, dans le cadre de l’OCDE, l’idée de passer un accord

contre « les paiements illicites dans les affaires internationales ». Les pays membres del’OCDE n’ont pas suivi cette proposition, mais se sont entendus pour élaborer unerecommandation qui a été adoptée le 27 mai 1994 par le Conseil de l’OCDE, et entérinéedepuis lors par les ministères compétents des Etats membres.

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17 L’importance de ce texte tient au fait que les pays industrialisés s’y déclarent prêts à

tout entreprendre pour enrayer de leur côté la corruption active. Ils ont adopté à ceteffet une « procédure de suivi » qui évaluera régulièrement les progrès de la mise enœuvre et élaborera des propositions en vue de préciser la teneur de cetterecommandation. Au départ, il s’agit avant tout de briser toute une série de tabousinternationaux que l’on se gardait jusqu’ici d’aborder de front, en particulier letraitement fiscal des pots-de-vin et la criminalisation de la corruption defonctionnaires étrangers.

18 Il va de soi que des recommandations non impératives (soft law) ne peuvent être

efficaces que si leur application fait l’objet d’une pression réciproque (peer pressure).

19 Alors que la Banque mondiale lie régulièrement l’octroi de ses crédits à des conditions

de « bonne gestion des affaires publiques » (good governance) portant sur ladémocratisation ainsi que sur des réformes administratives et économiques11, le mondeindustrialisé doit pour sa part manifester par cette directive son intention d’intervenircontre la corruption active. Mais il faut bien se rendre compte, en l’occurrence, que lemobile principal des nations exportatrices était leur intérêt de diminuer les distorsionsde la concurrence.

20 Une bonne part des règles de « bonne gestion des affaires publiques » consiste à

supprimer les restrictions à l’importation, donc le pouvoir plus ou moinsdiscrétionnaire de certains fonctionnaires. Cela réduit les possibilités de corruption,tout en favorisant l’intérêt des pays industrialisés à voir s’ouvrir les marchés du« Sud ». Cependant, aussi bien les règles de l’OCDE que celles de la good governance nesignifient en aucune manière qu’une simple dérégulation puisse suffire à juguler lacorruption. Il faut au contraire créer des conditions de transparence par le biais denormes administratives bien précises, par exemple dans les domaines de lacomptabilité ou de la législation sur les cartels. L’application de ce principe doit êtreparticulièrement rigoureuse face à des protagonistes qui peuvent se passer des règlesde la concurrence légale et disposent de « caisses noires » bien garnies provenant del’économie souterraine. La dérégulation est d’autant moins une panacée lorsque lescapitaux du crime organisé (et en particulier du marché de la drogue) affluent dans lecircuit économique légal.

21 L’initiative de l’OCDE a été reprise depuis lors par diverses organisations telles que la

Conférence européenne des ministres de la justice à Malte et le Conseil de l’Europe, quila poursuit dans son propre groupe de travail.

5. Mesures contre la corruption prises par la Suisse

22 Nous avons déjà parlé des délits traditionnellement répertoriés par notre code pénal en

matière de corruption active et passive, délits qui se limitent à la corruption defonctionnaires suisses.

23 L’arsenal répressif s’est élargi avec l’entrée en vigueur de la loi contre le crime organisé

du 1er août 1994 ; on sait en effet que la corruption et le chantage comptent parmi lesinstruments de travail favoris des organisations criminelles. Un aspect de cette loiparticulièrement important pour notre pays est qu’il suffit désormais de soutenir unetelle organisation dans ses activités criminelles pour être punissable, même sans la

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preuve que l’on a trempé dans la préparation ou l’accomplissement d’actes bienprécis12.

24 De plus, les nouvelles dispositions du droit de confiscation permettent de résorber plus

facilement les capitaux acquis par des méthodes illicites. En particulier les fonds enpossession du crime organisé peuvent être confisqués en partie ou en entier13. Celui quiest accusé d’avoir soutenu une organisation criminelle devra à l’avenir prouver, enplus, que l’organisation incriminée n’a pas la haute main sur son patrimoine s’il ne veutpas que celui-ci soit entièrement confisqué (inversion de la charge de la preuve)14.

25 On connaît maintenant les effets de la nouvelle disposition pénale sur le blanchiment

d’argent sale en relation avec la corruption de fonctionnaires suisses (art. 305 bis CPS) :la corruption passive est un délit qui a donc valeur d’antécédent du blanchiment. Maisune question qui n’a pas encore été réglée est de savoir si la corruption defonctionnaires étrangers est assimilable à un antécédent au sens des nouvellesdispositions sur le blanchiment d’argent sale15. En tout état de cause, la Commissionfédérale des banques considère actuellement que le fait d’accepter intentionnellementles pots-de-vin versés à des fonctionnaires suisses ou étrangers constitue une violation

des normes imposées par la surveillance des banques16.

26 Toute une série de règles relevant du droit civil et administratif ont indirectement pour

effet de prévenir la corruption. Il y a par exemple les prescriptions relatives à lacomptabilité, les dispositions visant à limiter le droit d’accorder des autorisations ou àpasser des commandes, ainsi que les directives de contrôle qui s’y rapportent. D’autresdispositions contribuant à éviter la corruption au sens large du terme sont lesrestrictions d’éligibilité à des fonctions publiques en vue de combattre le népotisme,ainsi que les règles de récusation correspondantes.

6. L’accueil en Suisse des propositions internationales

27 Une bonne partie des thèmes abordés ici font déjà l’objet de débats au sein du

Parlement helvétique et de ses commissions. C’est ainsi que la Commission del’économie et des redevances (CER) des Chambres fédérales examine actuellement lessuites à donner à l’initiative Carobbio sur la non-reconnaissance des déductions fiscalesportant sur des pots-de-vin17. D’autres interventions visent à étendre le caractère pénalde la corruption active aux fonctionnaires étrangers18.

28 Le Conseil fédéral, de son côté, a pris connaissance avec approbation des

recommandations formulées par l’OCDE, et mis sur pied un groupe de travailinterdépartemental chargé d’en étudier la mise en application. Les représentants dumonde économique se montrent dans l’ensemble très favorables à des interventionsefficaces pour juguler la corruption. Mais ils manifestent encore une certaine réserveenvers le processus engagé par l’OCDE. La réussite des mesure concrètes dépendra de lacoopération internationale.

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NOTES

1. Cf. art. 288. 315 CPS.

2. Exemple pour la Suisse : art. 316 CPS.

3. Exemple pour la Suisse : art. 4 a et b LCD.

4. Cf. Schmuel N. Eisenstadt/Louis Roninger, Patrons, Clients and Friends. Cambridge 1984, et

Gioia Weber Pazmino, Klientelismus, Zurich 1991.

5. Ct. circulaire de l’Administration fédérale des contributions du 8.11.1946.

6. Extorsion and Bribery in Business Transactions, Report adopted by the 131st. Session of the

Council of the ICC, 29 novembre 1977.

7. Cf. articles sur la « pista Svizzera » des affaires de corruption dans le Nord de l’Italie : p.ex.

Tages-Anzeiger du 22.9.1993, ou rapport annuel 1993 de la Commission fédérale des banques,

p. 32s.

8. Cf. Foreign Corrupt Practices Act du 1977. modifié par l’Omnibus Trade and Competitiveness

Act 1988.

9. Directive OCDE pour les multinationales du 21 juin 1976.

10. Cf. note 6.

11. La Banque mondiale a élaboré en 1993 en relation avec l’octroi d’un crédit au Kenya, une

« Economie Governance : Anticorruption Policy Matrix » indiquant les problèmes que le

gouvernement kenyan est tenu de traiter.

12. Cf. art. 260 ter, en vigueur depuis le 1 er août 1994, message du Conseil fédéral, FF 1993

III 277 ss.

13. Art. 59 ch. 3 CPS.

14. Id. 2e phrase.

15. Cf. arrêt non publié de la chambre d’appel tessinoise du 4.9.1992, p. 71, ainsi que Niklaus

Schmid, Anwendungsfragen der Straftatbestande gegen die Geldwäscherei, vor allem StGB

Art. 305 bis, in : Geldwäscherei und Sorgfaltspflicht, Schweizerischer Anwaltsverband 1991

p. 111 ss., et Paolo Bernasconi. Die Bestechung von ausländischen Beamten nach

schweizerischem Straf- und Rechtshilferecht zwischen EG-Recht und neuen Antikorruption-

Staatsvertragen, in ZStrR 109 (1992) p. 383 ss.

16. Rapport annuel de la CFB 1993, p. 32.

17. Initiative parlementaire Carrobio du 16 juin 1993 (93.440).

18. Question ordinaire urgente Rechsteiner du 31 mai 1994 (94.1059).

AUTEUR

MARK PIETH

Professeur à l'Institut du droit, Université de Bâle, Bâle

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Bibliographie

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BibliographieRené Barbey et Viviane Maislisch

Introduction

1 La bibliographie couvre essentiellement la période d’octobre 1993 à octobre 1994. La

plupart des documents retenus traitent spécifiquement des relations Suisse – Tiers Monde. Pour des raisons éditoriales, il n’a pas été possible de dépouillersystématiquement les revues spécialisées et les articles de journaux. Il n’a pas non plusété possible d’entrer tous les titres allemands dans la banque de données.

Abréviations

2 DDA/DEH – Direction de la coopération au développement et de l’aide humanitaire

DFEP/EVD – Département fédéral de l’économie publiqueOFAEE/BAWI – Office fédéral des affaires économiques extérieures FF/BB – Feuille fédéraleRO – Recueil des lois fédérales

Partie 1 : publications, monographies, articles

3 1. AMHOF, Eric – « Chine : conjoncture économique actuelle, potentiel et risques,

présence de la Suisse », in La vie économique Vol. 67, no 2, 1994, p. 30-36.

4 2. AUROI, Claude et al. – A development strategy for the mountain areas of Albania :

final report. – Lausanne ; Genève : Agriswiss ; Institut universitaire d’études dudéveloppement, 1994. – 2 vol.

5 3. BARBEY, René ; MAISLISCH, Viviane – « Bibliographie = Literaturverzeichnis », in

Annuaire Suisse – Tiers Monde = Jahrbuch Schweiz – Dritte Welt (Genève, IUED) No. 13,1994, p. 304-325.

6 4. Bases : coopération au développement et aide humanitaire : [dossier] / Centre

d’information et d’orientation pour les professions relatives à la coopération au

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développement et à l’aide humanitaire, CINFO. – 2e éd. – Bienne : CINFO : Schüler AG(impr.), 1994. – 73 p. + annexes.

7 5. BASSAND, Michel et al. – Développement durable, métropolisation et pollution des

ressources naturelles : le cas de Hô Chi Minh Ville, Vietnam. – Lausanne : Ecolepolytechnique fédérale de Lausanne, 1994. – 112 p.

8 6. BATUMIKE, Cikuru. – Présence africaine en Suisse. – Paris : La Pensée universelle,

1993. – 157 p.

9 7. BLANKART, Franz. – Zur Neu-Ausrichtung der Entwicklungspolitik : Gastrerefat an

der Generalversammlung der Basler Handelskammer vom 14. Juni 1993. – Basel : BaslerHandelskammer, 1993. – 13 p. – (Schriftenreihe der Basler Handelskammer ; 24).

10 8. BRAWAND, Antoine ; CANCELLIERI, Pierre-Georges ; PERROULAZ, Gérard –

« Statistiques – Statistischer Teil / avec la participation de Christophe Gironde », inAnnuaire Suisse – Tiers Monde = Jahrbuch Schweiz – Dritte Welt (Genève, IUED) No. 13,1994, p. 328-401.

11 9. BRAWAND, Antoine – « L’appui de la Confédération suisse au programme de

redressement économique du Ghana », in Annuaire Suisse – Tiers Monde = JahrbuchSchweiz – Dritte Welt (Genève, IUED) no 13, 1994, p. 269-284.

12 10. BRUGGER, Ernst A. ; NELSON, Jane ; TIMBERLAKE, Lloyd. – The cutting edge : small

business and progress = Forjadores de porvenir : la pequeha empresa y el desarrollo. – Niederurnen : Fundes, 1994, 170 p.

13 11. BURNIER, Eric ; LORENZ, Nicolaus – « Les ressources humaines dans le

développement des services de santé », in Annuaire Suisse – Tiers Monde = JahrbuchSchweiz – Dritte Welt (Genève, IUED) No. 13, 1994, p. 206-215.

14 12. Compte rendu rencontres médias Nord-Sud 1993 : concours international

d’émissions de télévision et de films d’indépendants sur le développement et lesrapports Nord-Sud, colloques et débats sur le développement et la communication :Genève, 31 mars–3 avril / org. : Institut universitaire d’études du développement(IUED), Service de liaison non gouvernemental des Nations Unies (SLNG), Infosud,Télévision suisse romande. – Geneva : [CNUCED/SLNG], 1993. – IV, 116 p.

15 13. CORNAZ, Immita – « Les médicaments essentiels », in Annuaire Suisse – Tiers Monde

= Jahrbuch Schweiz – Dritte Welt (Genève, IUED) No. 13, 1994, p. 216-222.

16 14. COSEY,. – Zélie, Nord-Sud / coul. de Valott ; sur une idée de Dino Beti et Toni Linder,

Direction de la coopération au développement et de l’aide humanitaire suisse. – Bruxelles : Lombard, 1994. – 46 p. – (BD Document. Sur les pas de vos héros) (CollectionSigné).

17 15. D’ELIA, Julio G. – Le rôle des ONG suisses face à l’environnement urbain dans les

pays en voie de développement : le cas des déchets : mémoire présenté à l’Universitéde Genève pour l’obtention du diplôme d’études supérieures en relationsinternationales, mention Histoire et politique internationale. – Genève : Université deGenève, Institut universitaire de hautes études internationales, 1993. – 108 p. + annexes.

18 16. DANNECKER, Rudolf – „Neue Tendenzen in der bilateralen schweizerischen

Entwicklungszusammenarbeit”, in Annuaire Suisse – Tiers Monde = Jahrbuch Schweiz – Dritte Welt (Genève, IUED) No. 13, 1994, p. 237-250.

19 17. De la commune au village planétaire : réflexions sur la solidarité internationale au

niveau communal / séminaire du 24 septembre 1993, Lausanne ; [organisateurs :]

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Dialogue Nord-Sud, Conseil de l’Europe ; Déclaration de Berne ; Conseil des communeset régions d’Europe, Section Suisse ; [réalisé par Gabrielle Nanchen,Catherine Schümperli et Jacques Stadlemann], – Lausanne : Conseil des communes etrégions d’Europe, Section Suisse, 1993. – 80 p.

20 18. DELAMURAZ, Jean-Pascal. – « Pour une politique économique extérieure tournée

vers l’avenir : Aussenwirtschaft », in Vol. 48, Nr. 4, 1993, p. 377-386.

21 19. DOTSON, Beth et al. – Journalism for world peace and development : eleven

présentations from Australia, Bénin, Brazil, Croatia, Hong Kong, India, Japan, Lithuania,Nigeria, Switzerland and the United States of America. – Freibourg, Schweiz, cop. 1993.– 194 p. – (UCIP-Akten / hrsg. in Zusarb. mit dem Institut fur Journalistik undKommunikation).

22 20. Les droits culturels : une catégorie sous-développée de droits de l’homme : actes du

Ville Colloque interdisciplinaire sur les droits de l’homme [Université de Fribourg,28-30 nov. 1991] / Patrice Meyer-Bisch (éd.) ; M. Bassand. [et al.], Fribourg : Ed.universitaires, cop. 1993, 360 p., (Collection interdisciplinaire ; vol. 22. Série Droits del’homme ; no. 9).

23 21. EGGER, Monika ; PERROULAZ, Gérard – « Revue [situation économique, négociations

internationales, politique intérieure et extérieure, culture et science, politiqueéconomique extérieure, coopération au développement, aide aux pays de l’Est] / avec laparticipation de René Longet », in Annuaire Suisse – Tiers Monde = Jahrbuch Schweiz – Dritte Welt (Genève, IUED) No. 13, 1994, p. 3-163.

24 22. Es gibt Krieg, wer geht hin ? : humanitäre Hilfe, Boykott, militärische Intervention

oder gewaltfreie Alternativen ? : eine Auseinandersetzung mit Konfliktbewältigungnach dem Ende des Kalten Krieges : Dokumentation zur dritten Friedens-Ratstagungvom 3. Juli 1993 in Luzern. – Zurich : Schweizerischer Friedensrat, 1993. – 40 p.

25 23. Europe : montrez patte blanche I : les nouvelles frontières du « laboratoire

Schengen » / textes réunis par Marie-Claire Caloz-Tschopp etMicheline Fontolliet Honoré ; [préf. de Lode Van Outrive]. – Genève : Centre Europe – Tiers Monde, 1994. – 481 p.

26 24. FORSTER, Simone. – Les enfants de l’immigration à l’école. – Neuchâtel : Institut

romand de recherches et de documentation pédagogiques, 1993. – 78 p. – (Ouvertures ;93.403).

27 25. [Fünfzig Jahre] 50 Jahre Bretton Woods 1994-1994. – Bern : Arbeitsgemeinschaft

Swissaid, Fastenopfer, Brot fur alle, Helvetas, Caritas, 1993. – 7 p. – (Beilage zu„aktuell”).

28 26. GONTARD, Jean-Pierre ; DEGREMONT, Antoine ; BURNIER, Eric et al. – « Santé ou

développement ? : pour une stratégie de coopération mieux orientée », in AnnuaireSuisse – Tiers Monde = Jahrbuch Schweiz – Dritte Welt (Genève, IUED) No. 13, 1994,p. 232-236.

29 27. GONTARD, Jean-Pierre – « Aperçu global de la coopération suisse au développement

dans le domaine de la santé : 1960-1993 », in Annuaire Suisse – Tiers Monde = JahrbuchSchweiz – Dritte Welt (Genève, IUED) No. 13, 1994, p. 169-184.

30 28. GRAF, Christoph ; ZINKL, Wolf D. – Die Förderung entwicklungsländerrelevanter

Forschung und Entwicklung in der Schweiz : Impulse fur eine Neuorientierung. – Bern :

Annuaire suisse de politique de développement, 14 | 1995

251

Page 253: Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 - OpenEdition

Schweizerischer Wissenschaftsrat, 1994. – IX, 151 p. – (ForschungspolitischeFrüherkennung (FER) ; 145/1994).

31 29. GREMINGER, Thomas – „OECD examiniert schweizerische

Entwicklungszusammenarbeit : sehr gute Noten mit einigen Vorbehalten = L’OCDEexamine l’aide suisse au développement : une très bonne note avec cependant quelquesréserves”, in Schweizerische Volkswirtschaft Vol. 67, no. 2, 1994, p. 46-51.

32 30. HUNKELER, Joseph. – L’ impossibilité de rembourser la dette : les programmes

d’ajustement structurel en Afrique. – Einsiedeln : Schweiz. Nationalfonds, 1994. – 28 p.,NFP 28.

33 31. ISENSCHMID, A. – Syrien : Informationen fur HilfswerksvertreterInnen im

Asylverfahren. – 1. Aufl. – Zurich : Schweiz. Flüchtlingshilfe, 1993. – 38 p., Feuilletsmobiles.

34 32. ISENSCHMID, A. – Irak : Informationen fur HilfswerksvertreterInnen im

Asylverfahren. – 1. Aufl. – Zurich : Schweiz. Flüchtlingshilfe, 1993. – 32 p., Feuilletsmobiles.

35 33. JAGGI. Christian ; HUOT, Jean-Claude. – Passer les frontières : les migrations et leurs

conséquences en Suisse / [trad. par Martine Besse]. – Lucerne ; Berne : Caritas Suisse ;Commission nationale suisse Justice et Paix, cop. 1994. – 107 p.

36 34. KAPPEL, Rolf. – Was haben Maputo, Lima und Warschau gemeinsam ? : Aspekte der

wirtschaftlichen Entwicklung, Systemtransformation und Zusammenarbeit. – Zurich :NADEL, [s.d.] – 20 p.

37 35. KNÜSEL, René. – Les grandes lignes de la politique gouvernementale de la

Confédération helvétique. – Chavannes-près-Renens : Institut de hautes études enadministration publique, 1993. – 37, [15], 5 p. – (Cahiers de l’IDHEAP. Recherches etanalyses ; no. 113).

38 36. KÜPFER, Adriano Renato. – „ … darunter zwei Asylbewerber” : eine quantitative

Inhaltsanalyse von Schweizer Tageszeitungen zur Asylthematik. – Bern : NationaleSchweizerische UNESCO-Kommission, 1994. – 242 p.

39 37. LORENZ, Nicolaus ; BURNIER, Eric ; TANNER, Marcel – „Die schweizerische

Unterstützung von Distriktgesundheitssystem in Entwickungsländern”, in AnnuaireSuisse – Tiers Monde = Jahrbuch Schweiz – Dritte Welt (Genève, IUED) No. 13, 1994,p. 185-205.

40 38. MARTIN, Jacques – « Développement, santé et planification des naissances, tâches

de la coopération suisse », in Annuaire Suisse – Tiers Monde = Jahrbuch Schweiz – Dritte Welt (IUED) No. 13, 1994, p. 223-231.

41 39. MONNIER, Laurent. – De la peur des réfugiés comme stimulation à l’élaboration

d’une politique étrangère en Suisse. – [Genève] : [Institut d’histoire des relationsinternationales contemporaines], 1993, Extr. de : Relations internationales, no. 74,p. 225-244.

42 40. MUSILLO, Italo. – Asile et société multiculturelle : le métissage n’est pas pour

demain / avec la collab. de Monique Julien et Michel Vuille. – Genève : Hospice général,1993. – 44 p. – (Cahier HG ; no. 1).

43 41. Nachdiplomstudium fur Entwicklungsländer, NADEL, Zurich. – Neue Aufgaben und

Rahmenbedingungen in der Entwicklungszusammenarbeit : Hypothesen undPerspektiven zur Reform des NADEL-Studienprogramms. – Zurich : NADEL, 1994.

Annuaire suisse de politique de développement, 14 | 1995

252

Page 254: Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 - OpenEdition

44 42. NOBS-MARGAIRAZ, Monique. – L’Institut africain de Genève (1962-1973) : une

contribution à la problématique du développement. – [Genève] : Institut universitaired’études du développement, [s.d.]. – 105 p.

45 43. OECD économie surveys : Switzerland 1994. – Paris : Organisation for économie

cooperation and development (OECD), 1994. – 136 p.

46 44. La Plate-forme Haïti de Suisse (PFHS) : présentation, activités 1992-1993,

perspectives et propositions de collaboration avec la DDA et le DFAE pourl’amélioration des liens de solidarité et de coopération avec Haïti en vue d’undéveloppement durable et équitable. – Aire-La-Ville : Secrétariat PFHS, 1994. – 26 f.

47 45. Pour une Genève ouverte et solidaire : les Genevois ont la parole. – Genève : Groupe

« Pour une Genève ouverte et solidaire », 1994. – IV, 230 p.

48 46. Questions de « genre » ? : réflexions autour des rapports sociaux de sexe dans

l’emploi et dans l’institution / sous la resp. de Yvonne Preiswerk, avec la collab. deSakina Ballouz-Cherrad. – Genève : Institut universitaire d’études du développement,Service des publications, cop. 1994. – 98 p. – (Itinéraires Notes et travaux ; no. 41).

49 47. SALAH, Mohamed ; GERBER-BOUSLAMA, Eva. – Algérie : dossier à l’intention des

représentants d’œuvres d’entraide et des bureaux de consultation juridique. – Lausanne : Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), Secrétariat romand, 1993. – 27 p.

50 48. SALZGEBER, Thomas. – Manuel de l’aide aux requérants d’asile et aux réfugiés

statutaires / [avec la collab. de Hans Beat Moser, et al.] ; [trad. : Caroline Golec-Cuénod,Sylvia Thodé Studer] ; publ. sous la dir. de l’Office central suisse d’aide aux réfugiés(OSAR). – Zurich : Office central suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), 1990-. – 1 vol., Dos dela couv. : Flüchtlingsbetreuung = Aide aux réfugiés.

51 49. SANCAR-FLÜCKIGER, Annemarie Suzanne. – Ethnische Grenzen – politische

Wirsamkeit : Formen kollektiver Auseinandersetzung von Zwangsimigrantlnnen ausder Türkei im schweizerischen Exil. – S.l., 1993. – 240 p., Diss. phil. – hist. Uni. Bern.

52 50. Schweizerische Flüchtlingshilfe, SFH, Zurich. – Flüchtlinge und wir : gemeinsam

gegen die Gewalt : Flüchtlingstag, 18. Juni 1994 ; Kirchlicher Flüchtlingssonntag,19. Juni 1994. – Zurich : Schweiz. Flüchtlingshilfe, 1994. – 15 p.

53 51. Service suisse d’information et d’archivage de données pour les sciences sociales,

SIDOS, Neuchâtel. – Recherches en sciences sociales 1994 : inventaire= Sozialwissenschaftliche Forschung 1994 : Inventar. – Neuchâtel : SIDOS, 1994. – 607 P.,Impr. Zurich : Seismo.

54 52. SPIRIG, Werner. – „Über Sie existiert weder ein gemeinrechtlicehs noch ei

politisches Datenblatt” : die asylrechtlichen Beweiserhebungen von BFF-Verbindungsbeamten in schweiz. Botschaften im Ausland : Fakten und Probleme amBeispiel in der Türkei., 1. Aufl. – Bern : W. Spirig, 1993, 144 p.

55 53. STRAUBHAAR, Thomas ; WYSS, Markus – „Ökodumping : Mythos oder Realität : das

Beispiel der schweizerischen Direktinvestitionen”, in Annuaire Suisse – Tiers Monde= Jahrbuch Schweiz – Dritte Welt (Genève, IUED) No. 13, 1994, p. 251-267.

56 54. STREHLE, Res. – Verschüsselt : der Fall Hans Bühler. – Zürich : Werd verlag, 1994. –

200 p.

Annuaire suisse de politique de développement, 14 | 1995

253

Page 255: Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 - OpenEdition

57 55. TANNER, Jakob. – Grundlinien der schweizerische Aussenpolitik seit 1945. – Bern :

Schweizerische Friedensstiftung, 1993. – 30 p. – (Arbeitspapiere der SchweizerischeFriedensstiftung ; Nr. 16).

58 56. Türkei in der Schweiz ? : Beiträge zur Lebenssituation von türkischen und

kürdischen Migranten und Flüchtlingen in der Fremde / Hans-Rudolf Wicker (Hrsg.). – Luzern : Caritas, 1993. – 183 p.

59 57. Wie kann die Migrationsphänomen in der Schule behandelt werden ? : Seminar :

Schlussbericht = Comment traiter le phénomène migratoire à l’école ? : séminaire :rapport final : Jongny-Vevey, 12-13 novembre 1992 / [sous la dir. de Rita Perraudin]. – Berne : Commission nationale suisse pour l’UNESCO, 1993. – 196 p.

60 58. WYSS, Markus ; MESSERLI, Bruno ; STRAUBHAAR, Thomas. – Förderung einer

ökologisch verträglichen wirtschaftlichen Zusammenarbeit mit weniger entwickeltenLändern. – Einsiedeln : Nationales Forschungsprogramm 28, 1994. – 24 p. – (Synthèse ;10).

61 59. ZÜST, Karin. – Liberia : Informationen fur Hilfswerksvertreterlnnen im

Asylverfahren. – 1. Aufl. – Zurich : Schweiz. Flüchtlingshilfe, 1993. – 53 p., Feuilletsmobiles.

62 60. ZWEIFEL, Helen ; BRAUEN, Martin. – Wenig Kinder, viel Konsum ? : Stimmen zur

Bevölkerungsfrage von Frauen aus dem Süden und Norden / Brot fur alle, Erklärungvon Bern, Fastenopfer. – Basel : Brot fur alle, 1994. – 120 p.

Partie 2 : publications gouvernementales

63 61. BLANKART, Franz. – Comité du développement : déclaration pour l’Azerbaïdjan, le

Kirghistan, l’Ouzbékistan, la Pologne, la suisse, le Tadjikistan et le Turkménistan àWashington, le 27 septembre 1993. – Berne : BAWI, 1993. – 5 p.

64 62. BLANKART, Franz. – Allocution faite à la Conférence annuelle de la coopération au

développement « Politique de développement des années 90 : dialogue ou ingérence ? »,à Berne, le 6 septembre 1993 = Begrüssungsrede anlässlich der Jahreskonferenz fürEntwicklungszusammenarbeit zum Thema „Entwicklungspolitik der 90er Jahre : Dialogoder Einmischung ?” in Bern, am. 6. September 1993. – Berne : BAWI, 1993. – 5 p.

65 63. BLANKART, Franz. – Das Management der Schweizer Aussenwirtschaftspolitik :

Referät gehalten vor dem Business Club, Zürich, am 20. Januar 1994. – Bern : BAWI,1994. – 12 p.

66 64. CART, Henri-Philippe. – La corruption : l’envers des droits de l’homme : principes et

limites d’une politique de coopération au développement : que peut faire la DDA ?. – Berne : DDA, 1994. – 5 p.

67 65. CARTON, Michel ; KELLER, Hans ; MAURER, Jean-Luc. – Indonesia and Switzerland : a

sector analysis of their coopération in the field of technical vocational éducation andtraining : study. – Djakarta : DEH, 1993. – 65 p.

68 66. Coopération Madagascar–Suisse. – Antananarivo : Bureau de coordination de la

Coopération suisse au développement, 1993. – Non pag.

Annuaire suisse de politique de développement, 14 | 1995

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Page 256: Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 - OpenEdition

69 67. COTTI, Flavio. – La Suisse et la Chine : allocution faite lors de l’Assemblée générale

de la chambre économique Suisse-Chine, à Zurich, le 25 février 1994. – Berne :Département fédéral des affaires étrangères, 1994. – 9 p.

70 68. Direction de la coopération au développement et de l’aide humanitaire, DDA, Berne.

– Coopération for self-reliance : SDC in India. – New Delhi : Swiss DevelopmentCoopération, 1994. – 28 p.

71 69. Direction de la coopération au développement et de l’aide humanitaire, DDA, Bern ;

Gesellschaft für technische Zusammenarbeit, GTZ, Eschborn. – Pflanzenschutz in derEntwicklungszusammenarbeit : Erfahrung von GTZ und DEH / J. Stiefel. – Brüttisellen :Ecosens, 1993. – 52 p.

72 70. Förderung von Projekten fur Ausländerlnnen im Rahmen der

Weiterbildungsoffensive des Bundes : Tagungsbericht = Encouragement de projets enfaveur de l’immigration dans le cadre des mesures spéciales de la Confédération :rapport de la journée d’étude / convegno 29.10.1992 ; [Hrsg. :] EidgenössischeAusländerkommission (EKA) = [éd. :] Commission fédérale des étrangers (CFE) ;[Realisierung :] Georges Assima, Letizia Ciardelli. – Bern : EKA, 1993. – 92 p. – (Information/EKA ; Nr. 21).

73 71. FUST, Walter. – Die kulturelle Dimension der Entwicklungszusammenarbeit :

Referät anlässlich des Informationstages der Nationalen Schweizerischen UNESCO-Kommission und des Schweizerischen Komitees „Weltdekade fur kulturelleEntwicklung”, am 3. mai 1994. – Bern : DEH, 1994. – 12 p.

74 72. FUST, Walter. – Zukünftige Zusammenarbeit zwischen den staatlichen

Entwicklungszusammenarbeit (DEH) und den evangelische Hilfswerken und Missionen :Erwartungen und Perspektiven. – Bern : DEH, s.d. – 5 p.

75 73. FUST, Walter. – Jahreskonferenz fur Entwicklungszusammenarbeit 1993 :

Eröffnungsworte von W. Fust, Direktor DEH, 6. September 1993. – Bern : DEH, 1993. – 3 f.

76 74. GAUTSCHI, Remo. – Schweizerische Energieforschungskonferenz (4 ; 1993 ; Stein am

Rhein). – Stellen der Energieforschung in der Zusammenarbeit mitentwicklungsländern. – Bern : DEH, 1993.

77 75. IMFELD, Josef ; KALT, Peter Direction de la coopération au développement et de

l’aide humanitaire, DDA, Bern. – Manuel de l’autoévaluation : cahier thématique d’auto-évaluation. – Berne : DDA, 1994. – 46 p. + annexe. – (Instruments de travail pour laplanification, le suivi, l’évaluation et la rétroaction).

78 76. MARIDOR, Raymond. – Réforme fiscale et lutte contre la pauvreté dans le cadre des

programmes d’ajustement structurel. – Berne : Direction de la coopération audéveloppement et de l’aide humanitaire (DDA), cop. 1994. – 71 p. – (Cahiers de la DDA ;5).

79 77. Office fédéral des étrangers = Bundesamt fur Ausländerfragen, Berne. – Directives

en matière de police des étrangers destinées aux polices cantonales des étrangers= Weisungen zur Ausländergesetzgebung fur die kantonalen Fremdenpolizeibehörden= Istruzionni relative alla legislazione sugli stranieri destinate aile polizie cantonalidegli stranieri. – [Bern] : Bundesamt für Ausländerfragen, 1993. – 1 vol.

80 78. La politique de la DDA d’encouragement de la recherche. – Berne : Direction de la

coopération au développement et à l’aide humanitaire, 1993. – 28 p.

Annuaire suisse de politique de développement, 14 | 1995

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Page 257: Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 - OpenEdition

81 79. Réaliser l’ajustement : poursuite de réformes économiques dans les pays en

développement. – Berne : DDA, 1993. – 8 p. + annexes.

82 80. Die Relevanz des Konzeptes der komparative Vorteile fur die

Entwicklungszusammenarbeit der Schweiz : Zwischenbericht /WWZ. – Bern : DEH,1993. – 84 p.

83 81. Schweizerischer Bundesrat. – Bericht über die Aussenpolitik der Schweiz in den

1990er Jahren / [Schweizerischer Bundesrat] = Rapport sur la politique extérieure de laSuisse dans les années 1990 / [Conseil fédéral suisse]. – [Bern] : EDMZ, 1993. – 50, 46 p.

84 82. Swiss strategy for the promotion of research in developing countries / Directorate

of Development coopération and humanitairan aid and the Swiss Academy of sciences.– Bern : Directorate of Development coopération and humanitarian aid and the SwissAca, 1993. – 25 p.

Partie 3 : arrêtés fédéraux, messages, etc.

85 83. « Accord entre la Confédération suisse et la République du Zimbabwe relatif au

trafic aérien de lignes : conclu le 22 février 1990, approuvé par l’Assemblée fédérale le6 octobre 1992, entré en vigueur par échange de notes le 3 septembre 1993 », in RO

vol. 3, no. 50, 1993, p. 3267.

86 84. « Ordonnance 2 sur l’asile relative au financement : modification du 24 novembre

1993 », in RO vol. 3, no. 51, 1993, p. 3281.

87 85. « Message concernant une convention de double imposition avec le Mexique du

27 octobre 1993 », in FF vol. 4, no. 51, 1993, p. 490. – (93.087).

88 86. « Message à l’appui d’une loi fédérale sur les mesures de contrainte en matière de

droit des étrangers du 22 décembre 1993 », in FF Vol. 1, no. 5, 1994, p. 301-339. – (93.128).

89 87. « Rapport sur la politique économique extérieure 93/1+2 et Messages concernant

des accords économiques internationaux du 19 janvier 1994 », in FF Vol. 1, no. 9, 1994,p. 665-1095. – (94.007).

90 88. « Protocole de prorogation de l’Accord commercial entre le Gouvernement de la

Confédération suisse et le Gouvernement de la République de Cuba : conclu le16 décembre 1993, entré en vigueur le 1er janvier 1994 », in RO Vol. 1, no. 12, 1994,p. 722.

91 89. « Protocole additionnel du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949

relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux », in RO Vol. 1,no. 13, 1994, p. 786.

92 90. « Accord entre la Confédération suisse et l’Etat de Bahreïn relatif au trafic aérien de

lignes : conclu le 4 février 1986, approuvé par l’Assemblée fédérale le 9 juin 1987, entréen vigueur par échange de notes le 25 décembre 1993 », in RO Vol. 1, no. 14, 1994, p. 892.

93 91. « Accord du 8 mars 1952 relatif aux services aériens entre la Suisse et la République

des Philippines », in RO vol. 2, no. 18, 1994, p. 1124.

94 92. « Message sur la continuation de l’aide financière accordée à l’Office suisse

d’expansion commerciale (OSEC) et à d’autres organisations mettant sur pied des

Annuaire suisse de politique de développement, 14 | 1995

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actions de promotion des exportations, du 28 février 1994 », in FF Vol. 2, no. 19, 1994,p. 737.

95 93. « Message concernant la continuation de la coopération technique et de l’aide

financière en faveur des pays en développement du 20 avril 1994 », in FF vol. 2, no. 22,1994, p. 925.

96 94. « Rapport du Conseil fédéral sur les relations Nord-Sud de la Suisse dans les

années 90 (« Lignes directrices Nord-Sud ») du 7 mars 1994 », in FF vol. 2, no. 22, 1994,p. 1217.

97 95. « Message concernant une convention de double imposition avec la Tunisie du 4 mai

1994 », in FF Vol. 2, no. 24, 1994, p. 1382.

98 96. « Message concernant la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique

du 25 mai 1994 », in FF Vol. 3, no. 25, 1994, p. 189. – (94.040).

99 97. « Ordonnance instituant des mesures à rencontre de la République d’Haïti du 22 juin

1994 », in RO Vol. 2, no. 26, 1994, p. 1453.

100 98. « Message concernant la participation de la Suisse à la facilité d’ajustement

structurel renforcée et prolongée du Fonds monétaire international (FASR II) du 29 juin1994 », in FF Vol. 3, no. 37, 1994, p. 1381. – (94.065).

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Page 259: Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 - OpenEdition

Antoine Brawand, Gérard Perroulaz et Christophe Gironde (dir.)

Statistiques

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1. Commerce

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2. Flux financiers

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3. Aide publique au développement

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4. Appendice

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Principales abréviations

A

1 ACP – Afrique, Caraïbes, Pacifique

AELE – Association européenne de libre-échangeAI – Amnesty internationalAID – Agence internationale pour le développement (IDA)ALENA – Accord de libre-échange nord-américainAMF – Arrangement multifibreAMGI – Agence multilatérale de garantie des risques à l’investissementAPD – Aide publique au développementASEAN – Association des pays du Sud-Est asiatique

B

2 BAD – Banque africaine du développement

BCSD – Business Council for Sustainable DevelopmentBERD – Banque européenne de la reconstruction et du développementBID – Banque interaméricaine du développementBIT – Bureau international du travailBNS – Banque nationale suisseBRI – Banque des règlements internationaux

C

3 CAD – Comité d’aide au développement de l’OCDE

CDD – Commission du développement durableCE – Communautés européennes ou Communauté économiqueCEI – Communauté des Etats indépendantsCEPAL – Commission économique des Nations Unies pour l’Amérique latineCICR – Comité international de la Croix-Rouge

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263

Page 265: Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 - OpenEdition

CIN – Comité intergouvernemental des négociationsCNUCED – Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développementCNUED – Conférence des Nations Unies pour l’environnement et le développement

D

4 DAR – Délégué aux réfugiés

DDA – Direction de la coopération au développement et de l’aide humanitaire(Département fédéral des affaires étrangères)DFAE – Département fédéral des affaires étrangèresDFEP – Département fédéral de l’économie publiqueDFJP – Département fédéral de justice et policeDMF – Département militaire fédéralDTS – Droits de tirage spéciaux

E

5 ECOSOL – Conseil économique et social des Nations Unies

EPFZ – École polytechnique fédérale de Zurich

F

6 FAO – Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture

FASE – Facilité d’ajustement structurel élargieFASR – Facilité d’ajustement structurel renforcéeFEM – Fonds pour l’environnement mondial (GEF, Global Environment Facility)FF – Feuille fédéraleFMI – Fonds monétaire internationalFNRS – Fonds national de recherche scientifique

G

7 G7 – Groupe des 7 pays les plus industrialisés

GAFI – Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitauxGATT – Accord général sur les tarifs douaniers et le commerceGIEC – Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (IPCC)GRE – Garantie contre les risques à l’exportation

H

8 HCR – Haut commissariat aux réfugiés

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264

Page 266: Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 - OpenEdition

I

9 i3m – Information Tiers Monde/InfoSud

IDH – Indicateur du développement humain

L

10 LMIC – Lower Middle Income Countries

M

11 MIC – Middle Income Countries, Pays à revenue intermédiaire

MODS – Mouvement pour une Suisse ouverte, démocratique et solidaire

N

12 NPI – Nouveau pays industrialisés

NPSA – Nouveau Programme substantiel d’action pour les années 80 en faveur des Paysles moins avancésNZZ – Neue Zürcher Zeitung

O

13 OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques

OFAEE – Office fédéral des affaires économiques extérieures (Département del’économie publique)OFEFP – Office fédéral de l’environnement, de la forêt et du paysageOFS – Office fédéral de la statistiqueOIBT – Organisation internationale des bois tropicauxOIC – Organisation internationale du caféOIT – Organisation internationale du travailOMC – Organisation multilatérale de commerceOMM – Organisation météorologique mondialeOMPI – Organisation mondiale de la propriété intellectuelleOMS – Organisation mondiale de la santéONG – Organisations non-gouvernementalesOSEO – Œuvre suisse d’entraide ouvrière

P

14 PDC – Parti démocrate chrétien

PIB – Produit intérieur brutPMA – Pays les moins avancésPNB – Produit national brutPNR – Programme National de recherches

Annuaire suisse de politique de développement, 14 | 1995

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Page 267: Annuaire Suisse - Tiers Monde 1995 - OpenEdition

PNUD – Programme des Nations Unies pour le développementPNUE – Programme des Nations Unies pour l’environnementPRD – Parti radical démocratique suissePS – Parti socialistePVD – Pays en développement

S

15 SFI – Société financière internationale

SGP – Système généralisé des préférencesSIPRI – Institut International de recherche sur la paix (Stockholm International PeaceResearch Institute)SPE – Société suisse pour la protection de l’environnementSTF – Aide à la transition systémique (Systemic transformation facility)

U

16 UBS – Union de banques suisses

UDC – Union démocratique du centreUE – Union européenneUNESCO – Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la cultureUPOV – Union internationale pour la protection des obtentions végétales

W

17 WWF – World Wildlife Fund

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