Année sociologique 1923-24

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8 R 151621923-1924 1923-1924L 'anne Nouv. sociologique Sr Tome 1

IHULlOTHfiQL'K DE 1MIILOSOPIIIB CONTEMPORAINE

L'ANNE

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LOGIQUE EMILEDURKHEIM

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PUBLIE MM. PARh lu Sorbonnc; llin:uLt, prufeusesur I'auvonkkt. mnitre de confrences ta Sprlipmie: JIubkht et Maius. directeurs il'lude* k ricole des Itnnle* P.tnilcs; ati Cfintierval~iire nu Conservaloirn Sitt-.ib, Sihixxu, prt>fewoeur prutusseuf aitiotittl niliomil (les les ArU et Mtti-B. Diiv.lion \nixu M.\i;ss. fddut-tion I'aui, \KKnssm

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I.:vv-1liii.. Mkm.lit, metnbrrs do l'inuitut; Iku.ixr.r., pilvor. do l'.ris; Mot. lalli'Kt iuxiul, KooMiiL, l'oiranM de Ktntilxmrej llK Vkuix. KaoulliS de tMuloglo nrottnte (le Mon'-iwlIUr II. Bornut*, I.M.H. ilaciBUN *s tourna: brama. IUy. Kyrtus de Ifnivorslld; (i, nwpmn, I. M.111X,archivistes i>ali!o|;r4phcs; t'zviis>iSki, Univorsits lilira do Varsovie

NOUVELLE SRIETomk I (IWMW.li MMOIRES ORIGINAUX M. M. - n Mempriam. mfrllle d* L'amie nfltlielm ri do ses collaborateurs. Marcel MATISS. - Esmi sur le bon. Forme archaque il t'change. ANALYSES Ile Xuiriotoi/iet t/rnrate, ivligmitc, juriilitfur, morale et cW(/i-", feoimmitme. lorjiholiijii- sociale, LinS !)>iisti/)iie, KMMhfHif, Ti-c/motmjie.

PUIS MUllAMtlK FLIX ALCAN 1. 108, OUI.EVAIII) B VI* SAINT-OfinsiAIN,

L'ANNE

SOCIOLOGIQUEA'fi_L 1.1-

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La rdactionde l'AnneSociologique t raliseen a partie une subvention grce accorde la Section Bibliographie de classique la Confdration des Socits SCIENTIFIQUES par franaises, sur desfonds votspar le Parlement.

La reprisede l'AnneSociologique t faoilite le a par prix Lefvrb Decmier (Science comparedes Religions) ue l'Insq titut de France, sur prsentationde l'Acadmie Sciences des moraleset politiques, dcern l'uvrede MM. wbbrt et a H Mavss.

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J-.MII.i: DUHKI1KIM

L'ANNE

SOCIOLOGIQUE /: FONDATEUR EMILE DURKHEIM Publie PAR MM.matre de confrence Boufcce, professeur la /Sorbonne Fauconnet, la Sorbonne Hubkrt et Maubb. directeurs d'tude* l'cole des Hautes/ Etu48 i S^iand, professeur au Conservatoire national dos Arta et Mtiers. Direction i MAacsr. M.wss, Rldacon 1 Paul FAUCONMET

AVBCLA COILABOHATION MM. DS L. L4yt-Bbohi, MaitiBT, membre de l'imUtut | Dbmanobok, ranbt, Maohibb, G Univer. de Paris Mobbt, Collge de France } Baybt, Ecolodes Hautea Etudes i Maitbb, directeur honoraire de l'Ecole fronai d'Extrme-Orient Parooi, inspecteur gnral de l'Instruction publique Doims, Cbhnst, Univorait d'Alger | Dav, Uoivenil do Dijon Universit Jbakmairb, H. Uw-Broai, de Lillo i Euh. Lbvv, Universit de Lyon i Siom, Univewit de Montpellier i Blomdbl, M. Cabbh, Halbwi.cbs, ptQAtiiOL,Roohbl, UnivemUdt Strasbourg; i 0 Fucb, Facult de thologie protestante de Moutauban H. Bounoi, LALO, docteurs et lettres Lsnom, RAY, agrgs do l'Universit G. Bouhqin, J. Marx, orchivUtei palographes CzAnNorsKt, Uoivenit libre de Vanovie.

NOUVELLE

SRIE

Tomb I {1923*1924) mSmoirbs oriqinaux M. M. In Memoriam. L'autre indit de Durkheim et de tt collaborateurs. Marcel MAUSS. Etsai sur le Don, Forme archaque de l'Mut. ANALYSES Sociologie gnrale, religieuse, juridiiiue, moraleet criminelle, conomique. Morphologie sociale, Linguistique, Etlhlique, Technologie.

PARIS LIBRAIRIE FLIX ALCAN108, BOULBVARD Saint-Germain, 1925 Tout droitt de reproduction, de traduction et d'adaptation rservs pour tou paya. 108

AVANT-PROPOS

V Annesociologique t une grande entreprise a de Durkheim. Tous les tomes de la collection, y compris le Xlle, sont puiss, et la plupart des Travauxde VAnne le sociologique sont galement. Si nous avons pu continuer publier ceux-ci, nous avons d interrompre L'Anne sociologique depuis1913,date laquelleparut le XIIe et dernier volume, rendant compte des travaux publis de juillet 1909 juillet 1912. Nousla reprenons, aprs un long et tragique intervalle, pendant lequel ont disparu notre fo' dateur, Emile Durkheim, et beaucoup de nos anciens collaborateurs. Aprsla guerre, les conditionsde la librairien'ont d permisni notre diteur, ni nous-mmes, e recommencerla publication. Nous n'avions pas les moyens matriels, et nous ne savions pas si nous avionsla force ncessaire.Mais nous gardions le vif sentiment de sa ncessit, et nous tions sollicits de toutes parts. des Aussi, lorsque la Confdration Socitsscientifiques,chargepar le Parlement franais del'ancien servicede la Bibliographiede la France, a pris l'init:ative de nous offrir une subvention, puis de nous l'accorder,nous avons cru qu'il tait de notre devoir strict, si nous recevions les appuis ncessaires,de nous remettre cette uvre modeste, anonyme, Impersonnelle. L Acadmiedes Sciences morales et politiques, en dsignantdeux d'entre nous l'Institut de France pour l'un de ses prix les plus importants, le prix 1

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(Histoiredes Religions),nous don. Lefere-Deumier nait et un prcieuxencouragement t le moyen de e faireune partie desfrais ncessaires l'tablissement de l'Anne. Tous ces concours,d'ailleurs, eussent t insuffisants si des amisdvousne nous taient venus en aide.MM.MaxLazard,DavidWeill,Mme lfredGans, A en souvenir de son fils Henri Gans, M. Victor Brande ford, notre ami et collgue Londres,ont constitu avecnous un fonds,qui tablit l'Annesur une base solide,pour quelquetemps, pour un temps plus ou moins long selon le succs. Nousavons enfinfondl'Institut franais de Sociologie,socit exclusivementscientifique et ferme, qui collabore la publicationde l'Anne-sociologique. Enfin notre entreprise a t rendue plus facile que nousne l'esprions la bonnevolontque nous par avonsrencontrechezles diteurset chezles auteurs. Noustions fort inquietsde savoirsi dix ans d'intern'avaient passupprimd'excellenteselations. r ruption Heureusement,la plupart des diteurs ont montr notre gard un esprit de grande gnrosit dont nous les remercionsbien sincrement.Nous croyons pouvoirleur dire que nos Annesrestent et resteront et longtempssur lesrayonsdesBibliothques, qu'elles sont, plus encoreque les Revues,un rpertoire permanent o les auteurs et les diteurs ont intrt voir leurs productionsmentionnes. Grce ces concours bien d'autres dont nous et ne disons rien, c'est dans une atmosphrede sympathie et d'encouragementque nous 'reprenonsla tradition interrompue. i Si nous avons pu nous procurer la plupart des livres importantsparus de juillet 1923 juillet 1924, notre service d'change avec les revues n'est au contrairepas encorertabli. Ds maintenant,cepende dant, nousrecevons nombreuses revues,despublications d'tablissementsscientifiques.Pour les unes et pour les autres, nous avons leursdirectionsune sincre reconnaissance. Nous savons parfaitement que, dans ce premier

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tome de la nouvelle srie de l'Anne, on pourra trouverqu'il y a,ici,des lacunes,et l, dessurcharges Nous venons de dire pourquoi notre dpouillement des Revues a t insuffisant. De mme nous savonsqu'il y a des livres essentielsque nous n'avons pu qu'indiquer et, sans doute, un petit nombre d'ouvrages importants nous ont chapp. Avec certains pays, et nous nous en excusonsbien sincrement,nous n'avons pas pu encore organiser les rapports qui seraient ncessaires. Nous avions plusieurs excuses l'information bibliographiqueest plus difficile jamais la gnrositdes diteursa que t ingale nos moyenssont limits. Nous savons aussi que notre travail n'a pas toujours t gal lui-mmeet qu'il y a desrubriques et des sectionsqui, pour des raisons diverses,n'ont l pas, dansl'Anne, 'importance que nous-mmeseur l attribuons. Maisune partie de ces dfauts est invitable, tant inhrents la nature mme de notre est entreprise. La sociologie devenue quelque chose de trs vaste. Or, nos efforts tendent ici organiser la matire, classerles faits, commencerl'laborationde la doctrineplutt qu' dresserun inventaire complet de toutes les publications concernant les faits sociaux. Ces publications sont en effet infinieset ce n'est pas sans arbitraire que nous choisissons parmi elles. Nous amlioreronsnotre uvre chaque anne, et nous esprons en faire l'instrument de travail indispensablepour de longues annes aux sociologues de tous les pays.

L'Anne reparatra, comme pendant la premire dcadede son existence,'sousla formeannuelle.C'est une tche plus lourde pour nous. Mais nos disciplines ont pris, dans les dix dernires annes, un dveloppement si extraordinaire, qu'un volume embrassant la production de trois ans et t trop gros il serait aussi sensiblementmoins utile. L'Annecomprendra environ cent cinquantepages

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deMmoires tau moinsquatre cents de e Bibliographie critique o, on le sait, nous essayonsnon seulement d'analyserleslivres,maisencorede rpartir et d'organiser les faits. Nous regrettons de ne pouvoir consacrer plus de pages cette bibliographie,pour une production infiniment plus abondante, intressante et varie qu'il y a un quart de sicle.Maistoute augmentation de la matirerendrait le prix du volumeinabordable ce public franais gravement appauvri, envers lequel nous avons de spciales obligations. Faute de place, l'Anne sera donc moins parfaite et plus compacte qu'autrefois. Elle parattra sousformede fascicules par ce mode de publication, nous esprons augmenter, aprs ce premier volume, la rapidit de la publication et nous dsironsnous assurer par avance les souscriptions de nos lecteurs. Ces fascicules ne seront pas misen ventesparment ils seront runisen volume, ds l'achvement du tome annuel. La Collection Travaux de l'Anne continue des e paratre paralllement t aussi rapidement que possible. Cette anne dj, nous publionstrois volumes. Lesditeursconsentent ne rductionde10pour 100 u et la franchisede port, aux souscripteursde l'Anne, sur tous les volumespublis dans cette collection. On nous a demand si nous ne comblerions pas l'intervalle entre le dernier tome de l'ancienne Annesociologique, arrt en juillet 1912, et le premier tome de cette nouvelle srie qui dbute au premierjuillet1923.Ceserait une entrepriseconsidrable et trs coteuse. Mme assurs du succs, nos diteursne pourraient eux seuls faire tous les frais d'impression,si les volumes devaient rester un prix modique d'autre part, il nous faudrait acheter des quantits de livres devenus rares et de revues sans compter les frais de direction et les honoraires des collaborateurs,auxquels un norme travail serait demand. Mais si nous trouvions les concours trs impor-

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tants qui seraient ncessaires,cent, deux cent mille francs peut-tre, nous examinerionsla question. Nous essayerions alors de faire que l'uvre entreprisepar Durkheimft, malgrla guerre,malgr sa mort, peu prs aussi complteet aussiparfaite qu'on peut nous le demander.LE COMIT DE Rdaction.

PREMIRE

PARTIE

MEMOIRES ORIGINAUX

I IN MEMORIAM L'uvre indite de Durkheim et de ses collaborateurs

Par MarcelMATJSS Durkheim a toujours considr l'Anne sociologique omme c une uvre collective il ne s'en servit jamais pour parler de lui et de sescollaborateurs.Nousne romprons pas avec cette austre et sre tradition. Cet In Memoriam est seulement destin faire connattre une uvre. L'Anne n'tait pas qu'une publication et un ouvrage d'une quipe.Autour d'ellenous formions, elle tait. un groupe dans toute la force du terme. Sous l'autorit de Durkheim au moment de la guerre, elle tait une sorte de sociten pleine force de l'esprit et du cur. Une masse de travaux et d'ides s'y laboraient. En dcrivant cette activit intime du groupe, en donnantun tableau de ce qu'et t sa production si les vnementsles plus tragiques n'taient venus le dcimer, le terrasser presque en analysant ce qu'et t chacunede ses uvres, nous feronsdonc un travail dogmatique. Et ce sera le vritable hommageque nous devons nos morts.

Leapromessesfaites eussent srement t tenues, les travaux commencssous l'nergique impulsion de, Durkheim, es aient l eussent t achevs. Dansletableau doctrinalque nous allons dresser,nousne ferons doncallusion qu'aux entreprisesqui taient dj en coursd'ex-

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sociologique

cution, dont il existe des preuves crites. Certaines taient dj presque excutes. Mais tout en dcrivant, personne par personne, les contributions que chacun de nos morts et apportes, nous montrerons aussi comment elles s'enchanaient. Nous ne perdrons jamais de vue qu'il y avait entre nous une vritable rpartition du travail. Cet exemplede nos morts seraun modle. Sans compter quo nous montreronsce que peut, mmeen notre pays si peu habitu au travail en commun, une socit de jeunes- savants anims du sincre dsir de cooprer. On verra que s'il n'y avait eu la guerre, la l Sooiologie,a Science, notre pays seraient riches d'une uvre comme peu d'tudes en ont produit de pareilles. Car l'uvre publie et mme celle qu'ils allaient publier n'taient qu'une partie de l'ensemble.Bien d'autres ides taient en voie d'laboration, bien d'autres faits taient brasss, dont nous ne parlerons pas. Soit que Durkheim et nos amis ne nous les aient pas fait savoir,soit quo nous ne trouvions que des traces nous ne comprenons pas ou que nous ne que jugeons pas suffisantes,nous ne voulonsdcrireque ce que nous savons srement avoir t sur le point de devenir une oeuvre dogmatiquement intressante. Ce sera donc un document que nous livrons la Science, un catalogue de manuscrits. Mais il faut qu'on sache que ce que nous enregistronsn'tait qu'une certaine partie de la tAche entreprise.

Il est aussi utile, au moment o nous reprenons l'Anne, do bien faire sentir qu'elle n'est qu'un ct de l'uvre de ce qu'on appelle maintenant l'colesociologiqueranaise. f Il faut de plus biensavoir qu'eue n'tait pas dans l'esprit de et qu'elle n'est pas dans le ntre, la tche essentielle. Durkheim, D'autre part, les publications que nous avons faire depuis la guerre dans la sriedes Travauxde l'Anne pu mme sociologique, celles que nous pourrons faire dornavant, ne sont et ne seront jamais qu'une paroelle de ce qui eut t ralis. Cet ln Memoriam permettra donc de mesurer l'tendue de la sciencede nos morts et celle de notre perte. Enfin, au moment o nous reprenons toute cette entreprise, nous cherchons l'appui de nos morts. Leur autorit grandit la ntre. Seulementelle alourdit notre responsabilit et nous impose un dur devojr ne pas laisser baisser le niveau o ils avaient lev la chose commune.Ce niveau eut t trs haut s'ils avaient vcu et si Durkheim tait rest plus longtemps l nous diriger. pour

lN memobum

&

I Emile DURKHEIM Uurkheim est mort le 15 novembre 1917,en pleine fosce de l'ge, cinquante-neufans et demi, mais aprs une longue maladie dont, ds le dbut, en dcembre 1916,il connaissait la fin. Il eut le tempsde ranger ses manuscritset de laisserses instructions quant leur usage. Ainsi, sur sa Pdagogiede Rousseau, il marqua de sa main Pour Xavier Lon, et c'est en excution de cette volontque Mme Durkheima publi ce travail dans la Revuede mtaphysique de morale. et Durkheimlaisseun trs grand nombred'oeuvres indites. Mais, parmi elles, trs peu sont des crits proprement dits. Dans un rpit de sa maladie,au moment o il s'accrochait sans convie tion, par pur devoir, l'effort et la vie, il fit le suprme acte de foi de commencer crire sa Morale, but de son existence, ' fond de son esprit. Le dbut de l'Introduction la Morale fut rdig Pariset Fontainebleau dans l't qui prcdasa mort. Il a t publi dans la Revuephilosophique e 1919. d La massedosmanuscrits se composede cours, fruit de trente ans de la vied'un savant et d'un professeur, ui fut la conscience q professionnellepersonnifie. Durkheim, en principe, crivait tous sescours. Du moins, il fit ainsi tant qu'il professa Bordeaux. La vie absorbante de Paris, les chargesaccumules, celles de l'enseignementet des de examens, celles l'Anne, celles de l'administration(Universit de Paris, Comitconsultatif, etc.) l'empchrentde rester fidle son usage. Le fait qu'il rpta Paris quelquescours de Bordeaux,la sretde sa matrise enfin,lui permirentde rompre avec les rgles qu'il avait jusque l presque inflexiblementsuivies. Il s'en dpartit surtout pendant la guerre. C'est pourquoi nous ne trouvons que des brouillons et rsums des deux cours qu'il fit alors, en1915et 1916 son coursde Moralethorique , correspondant l'Introduction d la Morale qu'il allait crire et son coursde Moraleciviqueet professionnelle, partie de cette Morale.Perteirrparable 1 carlesidesde Durkheim,sur l'tat en particulier,avaient volu. Il avait en effet modificertaines parties de sa thorie de l'tat sous l'impression son tude des de thses allemandeset en particulier des thses de Treitschke. les principalesides de la Morale gnrale, elles concernant les c rapports du Moyen,du Normal et de l'Idal, avaient t aussi prcisesdansdesleons auxquelles il tenait lui-mmebeaucoup. Cesbrouillonssont trs courts, mais trs nets; ce sontdes sortes c d'aide-mmoiro, omme ceux qu'il emportait d'ordinaire pour

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faire son coure. Peut-tre,un jour, pourra-t-on faire l'effort de reconstituertout cela, si quelque auditeur attentif et intelligent peut nous communiquer des notes suffisamment exactes. Dans le mmeordrede circonstances,il faut dplorerla perte du coursentirementneuf que Durkheim fit, en 1913-1914, juste avant la guerre. Le but qu'il se proposait tait de faire connatre aux tudiants cette forme alors encorenouvelle de la pensephilosophique le Pragmatisme. Il avait projet ce cours pour son fils AndrDurkheim,alors son lve.Il voulait combler lacune une de l'ducation de ces jeunes gens. Il saisit l'occasion,non seulement pour leur faireconnattre cette philosophie,mais aussipour prciser les rapports, la concordance et la discordancequ'il constatait entre ce systme et les donnes philosophiques ui lui q se dgagerdj de la Sociologie ses dbuts. Il se semblaient situait lui-mmeet sa philosophie,vis--vis de M. Bergson,vis-visde WilliamJames,vis--vis de M. Dewey et desautrespragmatistes amricains. Non seulement il rsumait leur doctrine avec puissanceet conscience,mais il filtrait ce qui devaiten tre retenu, de son< point de vue lui. Il tenait surtout compte de M. Deweypour lequelil avait une vive admiration. Cecoursfut de grande valeur et fit une grande impression sur un trs large public; surtout ce que Durkheim voulait exclusivement sur quelquesjeunes et bons esprits. Malheureusemente manusl arit de ces leons, couronnement plilosophique de l'uvre do Durkheim, est perdu. Tout ce qui en subsiste, dans les dossiers retrouvs chez lui, ce sont des notes peu nombreuseset surtout les fichesdes textes qu'il avait extraits des livres des pragmatistes amricains, des livres de Dewey en particulier. De ces fiches, un certain nombre portent les chiffres, largement crits au crayon bleu, qui reproduisent l'ordre dans lequel les documents taient cits dans le manuscrit, au. net, et dans les sommaires des leons qu'il emportait et quelquefois,en chaire, ne dpliait mme pas. Nous ne nous expliquonspas la disparition de tout autre vestige peut-tre Durkheimavait-il confi son filsAndrle texte de ses leons,et Andra-t-il communiqu le prcieux manuscrit un camarade qui a disparu comme lui. Peut-tre Durkheim s'tait-il fi aux notes que prendrait Andr son courset peuttre celui-cia-t-il prt ses notes. Si par hasard ces documents se trouvaient entre les moinsd'un ami ou d'un ayant droit de bonne volont, nous le supplions, quel qu'il soit, de vouloir bien nous les faire parvenir. Peut-tre le hasard, le manuscrit retrouv, la collaboration des anciens lves qui suivirent ce cours et qui vivent encore,permettrontils un jour de donner une ide de ce travail. Pour le moment, nous ne pouvons qu'en indiquer l'importance.

IN HSHORIAM

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Les manuscrits de la plupart des autres cours sont heureusement peu prs complets et forment un ensemble imposant. Ilsse divisenten cours scientifiques, de c'est--dire sociologie ure p et de moralecours de pdagogie cours d'histoiredes doctrines. I, Coursscientifique

Ce sont naturellement lesplus important.Ne parlons pas des courssurla Religionet sur le Suicidequi ont fait l'objet de livres. Leur manuscritn'a qu'un intrt de curiosit.Durkheim ne les a conservs que par hasard car il n'avait pas le ftichismede ce qu'il crivait et vidait souventses cartonsde tout ce qui lui paraissait inutile. Mais nous possdons dans leur intgralit et, pour parties,en plusieursrdactions,deux grands cours dont l'oeuvre imprime de Durkheimcontient des extraits, et n'est quelquefoisqu'un cho. Cesontles manuscritsdes leonsdu cours intitul Physiologiedu Droitet des Murset de ceux du cours intitul La Famille. Le cours de Physiologiedu Droit et des Murs a t profess deux fois Bordeaux. Une premire fois,entre 1890et 1892 cette rdaction a en partie disparu. Elle passa d'ailleurs dans la Division du Travail, en particulier dans les chapitres sur les Sanctions et sur le Pouvoir rglementaire.Durkheim rpta ce cours avec des modificationsprofondes,le transformant au fond en une Morale complte, en 1898-99et 1899.1900, Bordeaux. II reste une rdaction dfinitivede cette sriede leons. La dernirepartie de la deuxime annedececours contientles et leons sur l'Organisation domestiqut la Moraledomestique dont nousparlonsplus loin. La premirepartie de cettedeuximeanne est consacre la Morle civiqueet professionnelle. somme, En eette dernireanne de courscorrespond ce qu'on appelle dans le langage courant, et bien improprement la Morale pratique. Nouspublieronsprochainementle coursde Moralecivique et professionnelle. Malheureusement, ce sera sous une forme fruste et oourte,qui ne valait mmeplus dans la pense de Durkheim. On ne pourra qu'indiquer dans quelle direction,quinze ans plus tard, Durkheimtait dfinitivementengag.Pour ces indications, de je me serviraide quelques sommaires leonsdont l'ordren'est mmepas sr. S'il se peut, si quelquesancienslvesde Durkheim veulent bien me communiquerleursnotes decoursdes diffrentes poques, je tcherai de rendre ces indications aussi compltes que possible. La premire anne du courscorrespondait ce qu'on appelle improprement Morale thorique. Durkheim, oprant dans le concret, l'appelait d'un bien meilleur nom Thorie de l'obligation, de la sanction et de la moralit.

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l'anne

sociologique

Elle comprend d'abord une dfinition du fait moral. Une partie de cette dfinition a fourni le mmoire que Durkheim publia la Socitde Philosophieet qui vient de reparatre dans Philosophieet Sociologie La dterminationdu fait moral. Puis viennent deux parties capitales de l'uvre deux pices essentielles du systme de Durkheim, qui ne sont encore connues que de ses lves.Ce sont sa Thoriedes. Obligationsmoraleset de l'Obligation morale en gnral, aveo classification des Obligations. C'est ensuite sa thorie des Sanctionsavec classification de celles-ci.Voilce qui correspond l'tude physiologique gnrale du Droit et des Murs.Ensuite viennent les tudes spciales des Murs. D'abord celle de l'infraction et de la criminalit. Cette tude comprend une esquisse d'observations statistiques, qui, malheureusement, n'a jamais t poursuiviepar Durkheim. Il avait abandonn ce sujet, aussi beau que celui du Suicide, ses lves. N'insistons pas. Cependant, disons qu'entre autres nouveauts, une poque o peu de statistioiens connaissaientle fait, il distinguait svrementla criminalit violenteet contreles personnes,celledes classeset despopulationsarrires,d'une part, et la criminalit douce et contre les biens (escroquerie,abus de confiance, etc.) des classes commerantes et des populations urbaines et polices. Cette section tait suivie d'une tude sur la gense et l'volution de la pnalit. Dans cette partie du cours, se trouvent les leons que Durkheim reprit dans son Mmoire sur Deux lois de d'volution pnaleet les leons sur la Responsabilit qui ont fourni le thme que P. Fauoonnet a originalement dvelopp. Des rptitions de ce cours que Durkheim fit Paris en 19021904, en 1908-1909et 1910, en 1915.1916,il ne reste que des brouillonset des sommaires. tat bien regrettable de cette uvre laquelle Durkheim n'avait cess de penser et sur laquelle ses ides avaient volu mais tat comprhensible,puisque o'tait l'uvre que Durkheimvoulait crire,et puisqu'il se rservait natu. rellement de refondre toute sa thorie. En particulier, la fin mme de ses jours, il avait fait des progrs considrablesdans la discussion des doctrines de la morale. Il avait russi un vaste effort de synthse et de critique; il croyait, en les subor. donnant aux donnes de la sociologie,en les considrant ellesmmes comme des aspects de la moralit, en les reprenant d'un biais diffrent et d'un point de vue plus lev, pouvoir les situer chacune sa place, sans renoncer aucune. On voit que ces deux parties Moraledo la Socit,jointe la deuxime partie Morale des groupes spciaux de la Socit famille, groupesprofessionnels, tc., formentun tableau complet e de tous les phnomnesmoraux. Pour ses lves,Durkheim avait constitu la Sciencedes Murs, cette science dont tant de phi-

IN MBMORIAM

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dissertent encoreet dont, lui, non seulement donnait InsopbcB l'ide, mais commenait remplir les cadres. Le cours sur la Familleest tout aussi essentiel. Durkheim en mourant a donne comme instruction de ne publierde son couvresurla Famille que la rdaction plus populaire et plus moralistequ'il lui donna dans son cours de Physiologiedu Droitet des Murs.L'avant-dernire partie de ce cours, qui concerne l'organisationdomestique,comprend la fois, en effet, un a Rsumdu courssur la Famille et une Moralede la Famille. Il l'a rpted'une faon plus ou moins identique une fois Bordeaux,et deuxfois Paris (1902-1903, 908-1909). 1 Mais nous nous demandonssi, respectant d'abord cette premire instruction, nousne passerons pas outre celle de ne pas publierlecourssurla Famillelui-mme.Nousnous demandonssi s nousavonsledroit deconserver ecrtesles bellesdcouvertesdont il est plein, tout simplement our cacherles erreurs, les simplificap tions et la formefruste qui taient invitables quand Durkheim dit ces chosespour la premirefois, il y a plus de trente ans. Ce cours sur la Famille a t rpt Bordeaux en 18951896, en 1905-1906 Paris, et une autre fois en 1909-1910, sousune forme en sommemixte et intermdiaire entre la forme purement historique et la thorie morale de la famille. Tout autant que sa Morale , sa Famille tait l'uvre chriede Durkheim.Il en connaissaitla valeur. Il parlait d'courter sa Morale , de la rduire une Introductionpour pouvoir se consacrer sa Famille. Le manuscrit n'est que celui du vieux cours de Bordeaux (1890 1892),mais il est tellement plein de faits et d'ides et tellement prcieux que Durkheim lui-mme traitait ces pages avec respect et, pendant quelques annes, ne s'en spara pas mmeen voyage. Il nourrissaitle projet de recommencer,derefondreet de recompltercette uvre. Il voulait consacrerla fin de sa vie cette histoire naturelle et compare de la famille et du mariagejusqu' nos jours. Car la science avait fait e des progrs considrables t il tenait mettre au point ces recherches dont il avait suivilui-mmeavec exactitude le progrs dans les douzetomes de l'Anneet dans de nombreux Mmoires.Mais il savait que mme ce travail dpassait les forces d'un hommeet il avait song me demander de m'y consacrer avec lui. Nous projetions d'y mettre ensemble plusieurs annes de notre vie. De ce cours, ont t extraits l'Introduction publie dans les Annales de l'Universit de Bordeaux et la Conclusion publie dans la Revuephilosophique1920).Mais,il faut en donner une ( ide plus prcise. C'est dans sa premireanne de cours sur la Famille qu'il commena tudier et la parentpar groupes,et le clan, et l'exogamie.

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l.'ANNB 8OCI01.O0IQVB

L'tude approfondie de ces faits produisit le Mmoire sur la Prohibitionde l'Incesteet les deux Mmoires lesOrganisations sur matrimoniale' dans les socitsaustraliennes. A chaque forme d'organisationdomestique, Djirkheimrattache une forme du ma. riago.Ds1895, dans une exposition internationale, Bordeaux, il produisait sous une forme frappante un schmephylogntique dos diverses structures qu'a oues l'organisation d'abord politicofamiliale,puis de plus en plus purement familialedu sous-groupe domestique. On voit dans ce tableau, ranges en ordre gnalogique,d'abord les diversesformesdu clan,puison voitle clans'elfacer, tout en subsistant (comme ct de lui avait subsist la phratrie), en parentles,en parents de deuximezone on voit paralllementles diversesformesde famillequi ont t, mme encore Rome, contemporaines des survivances du clan. La deuxime anne de ce cours tait consacre l'volution de ces formes de famillede plus en plus restreintes, de moins en moins politiques, Durkheimy montrait commentse constitue,se resserrela famille agnatique indivise, puis dans le sein de celle-ci,la famillepatriarcale enfin comment, par mixture de diffrents droits, et sous quellesinfluences,s'est constitue la familleconjugaledenos soci. ts modernes. Paralllement encore, il fait voluer les formes du mariage; on voit le mariage devenir,de plus en plus, le moment essentiel de la vie de famille aprs en avoir t une simple conditionet un simple effet, jusqu' ce qu'il en deviennel'origine et le type dans notre famille conjugale nous. Rien n'est encore venu dmentir ce schme partiel certes, trop simple peut-tre, mais gnial, d'une partie de l'histoire humaine. Tout ce cours fourmille d'ides neuves et dmontres. U y a en particulier sur la famille agnatique indivise, sur les origines de la famille patriarcale romaine, sur la famille germanique, sur l'origine de la filiation dans les deux lignes, spciale nos socits, des pages qui restent toujours essentielles,des vrits qui sont encore malheureusement rservesau petit groupe de ses lves, une poignede chercheurs,hlas dcime. II. Cours d'histoiredes doctrine L'activit professorale de Durkheim fut considrable et les sujets de son enseignementfurent toujours renouvels. s 1891,il D fut du jury d'agrgation mais dj, depuis 1888,il ne manqua jamais, pour ses lvescandidats ce concours, de prparer ce qu'on appelle l'auteur , autrement dit l'ouvrage et la doctrine du philosophegrec, anglais, franais ou latin, dont un fragment de Moraleou de Politique tait au programme.Durkheim fut, d'ailleurs, toujours rgulirement consult sur le choix de cet auteur . De ce travail de prparation sont sorties des explications de

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textes avec commentaires. Ces traductions sont un modle d'exgse directe, de l'auteur par l'auteur de cette exgse qui, enfin, sous l'impulsion d'une saine philologie et d'une saine philosophie, sous celle d'Hamelin, de Durkheim, de Rodier et d'autres, a remplacles explications brillantes, mais horsdu sujet prcis, o les jeunes philosophes se laissaient aller autrefois. Sont intacts les manuscrits d'explications de deux livres de la Politique d'Aristote, un livre de l'thique &Nicomaque deux commentaires deux livres de Comte et un livre du De Cive de Hobbes. Ces travaux, dignes de circuler entre les lves, ne sont pourtant pas destins l'impression. Au contraire, Durkheim attachait une importance certaine au reste de ses recherches d'histoire des doctrines, entreprises presque toutes cette occasion.Il tenait ses leonssur les an-, ctres de la Sociologie, Pour lui, les hommages rendus aux philosophes, ses devanciers,constituaient des titres de noblessede notre science, des quartiers prouvs et dnomms. Il tait fier de son cours sur Hobbeset non moins fier de sa dcouverte de de l'esprit sociologique Rousseau, esprit bien diffrentd'un anarchisme dont on attribue d'ordinaire Rousseau l'invention. Il y a encoreun manuscritsur Condorcet.Pour celui-ci,Durkheim avait une viveadmiration,il le connaissait fond etil en marquait l'influencesur Saint-Simonet sur Comte, sur les a Fondateurs e. Chacun de ces grandsauteurs est le sujet de cours d'une dizaine de leonsau moins.Deux cours sur Comte compltaient le cycle. Quelquesleons sur la Sociologie et la Morale de Spencer, trs anciennes et assez sommaires, proviennent des mmes tudes. Durkheim dsirait publier la plus grande partie de ces cours et les runir en un volumeintitul Les origines de la Sociologie . Nousnous efforcerons raliser ce dsir. de D'autre part, Durkheim,indpendamment de toute proccupation d'enseignement,avait commenc, en 1895-96,une Histoire du socialisme, u, plus exactement, puisque le socialisme o qui tend devenirun fait n'tait alors et n'est encore (sauf en Russie)qu'une opinion certains individus,de certainsgroupes de et de certaines classesdans certaines socits, une histoire de la doctrine, de l'ide socialiste. Il professa ce cours Bordeaux en 1897-98.Les cinq premiresleons ont t publiesdansla Revue de mtaphysique de morale. Durkheim avait d'ailleurs publi et lui-mme sa dfinitiondu Socialismedans une note de la Revue L philosophique1893). a deuxime partie du coursreste publier. ( C'est la plus importante. Elle concerne Sismondi et surtout Saint-Simon (dix leons). Nous la remettrons sous peu l'imprimeur. Lecourset lemanuscrit s'arrtent l. Durkheimne poursuivit pas ses tudes sur le socialisme. L'Anne sociologique tait venue les interrompre.

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Je ne sais si les lecteursde ces lignes se reprsentent le labeur immense que suppose cette productivit du jeune professeur,au fond solitaire, sans appui, de Bordeaux. Tout ceci a t fait en quinze ans, de 1887 1902, entre la vingt-neuvime et la quarante-quatrime anne de la vie de Durkheim. En mme temps, Durkheimpubliait la Divisiondu Travail, les Rgles la Mthode, de le Suicide, organisait, ditait et crivait les quatre premiers tomes de l'Anne sans compter ses Mmoireset sans compter la collaborationintense qu'il avait avec chacun de nous. Et la forme de tous cescours est acheve. Ce ne sont pas des notes. Ce sont des leons compltes et des cours complets. Les leons sont articules les unes aux autres et leurs parties s'artioulent nettement entre elles dans une dmonstration suivie o l'expression est tudiedansle moindredtail. Chacunedes pages suppose d'innombrables brouillons, couverts d'hiroglyphes, brouillons que Durkheimjetait impitoyablement au panier jusqu' ce qu'il se sentit arriv l'ordre logique des faits et des ides. Toute cette oeuvre se ressent, certes, de la forme qu'elle a prise forcment. Les quelques tudiants philosophes de la Facult des Lettres de Bordeaux n'taient pas les seuls auditeurs de Durkheim. Ses cours taient publics et assez suivis. Il y avait des juristes, des tudiants en droit, quelquescollgues,un public assez exigeant, heureusement,d'un ct. Mais d'autre part, il y avait aussi des instituteurs, des membres des divers enseigne ments, et enfin, ce personnelvague qui peuple les bancs des amphithtres dans nos grandes Facults de province. Durkheim qui non seulement tait un merveilleux professeur,mais mme aimait professer, rechercha la fois effort bien dur la vrit scientifique et l'efficacit didactique. Les ncessits d'un tel ensemble d'exigences ont eu un certain effet, Mais, qu'on se figure cette tche crasante. Sur des sujets entirement neufs o personne,jamais, n'avait travaill de cette faon, sur des problmes qui, mme encore maintenant, n'ont t effleurspar personneque par lui, par une mthodeentire* ment nouvelle, et sur des faits qu'il tait souvent le premier tudier, il fallait apporter de semaineen semaine, avecune rgularit crasante et tonnante, une matire intellectuellenon seulement labore en vue du vrai, mais aussi digre, en vue de l'enseignement, d'un enseignement mme trs large. Jamais Durkheim ne faiblit. Par exemple, ses leons sur l' Autorit Rglementaire et sur le Rgime de la Contravention , 1891* 1892, quelle peine elles lui cotrent 1Ilfallait aboutir chaque samedi. C'tait une objection grave qu'il se faisait luimme qu'il fallait rpondre tout de suite s'il ne voulait pas laisser mettre en questiontoute sa Thoriedes Sanctions . L'an

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poissede l'heure de la leon compliquait celle de l'incertitude. C'est par la violence d'une mditation continue, soutenue jour et nuit pendant plusieurssemaines,que la solution fut trouve temps, pour que le plan du courspt tre suivi. Elle formeun simplepassagede la Divisiondu travail. Durkheimformade trs bons lves Bordeaux. Quelques-uns devinrent de ses collaborateursimmdiats. Mais tout cet effort professoraln'eut son pleineffet qu' Paris. C'est l qu'il trouva enfin partir de 1902, dans l'un de ses enseignements,un auditoire plus vaste de jeunes gens mieux prpars. La pliade de sescollaborateurss'tait dj accruelors de la fondation de l'Anne. Celle de ses lves s'agrandit brusquement. La plupart de sescoursfurentalorsrepris et refondus.Nousavons parl de cette refonte. Malheureusement, cette poque,Durkheim,qui n'ensei gnait la Sociologie ue par surcrot,ne les remit gnralementpas q au net sous leur nouvelle forme.

III.

Cours de pdagogie

Notre pays ne sut jamais trs bien utiliser ses hommes. La Confrence,puis la Chaire de Durkheim Bordeaux comportrent toujours un enseignementpdagogique. Et il ne vint Paris que pour suppler,puis remplacer le respect M. Buisson dans sa chaire de Pdagogie.Ce n'est que plus tard, en 1910, que le titre de Durkheimcorresponditau fait. Cefut par faveur qu'on lui permit d'accoler sur l'affiche de la Facult le nom de a de Sociologieu nom Pdagogie sa chaire. Durkheim, Bordeauxcomme Paris, eut toujourscharge de pdagogue.Nonpas qu'il et une aversionpour cette disciplineo il tait comptent. Au contraire il tait infiniment touch de la sympathie, de l'en* thousiasme,de l'nergie, de l'activit intellectuelle et matrielle des lves dj forms que lui envoyait l'enseignement primaire. II sentait vivement l'intrt et l'efficacitde son action sur eux. Maisc'tait un poids pour lui. On comprend qu'il ressentit toujours commeun morcellementde son activit, cette obligation o il fut, toute sa vie durant, d'interrompre sestudes prfres,celleso il se sentait seul responsableet en avant de tous, au profit de travaux moins argents, moins grands. Toutes les semaines l'anne, il lui fallaitconsacrerune partie de son temps de faire avancer une discipline,plus pratique que la Sociologie, maismoins essentielleau fond, mme si elle est d'intrt public primordial.Durkheimse dvoua cependant cet enseignement. Il apporta, honorablement et consciencieusement, cet ordre de travaux, le mmeesprit, lammeoriginalit,la mmerflexion personnelleet en mme temps exclusivement positive qu'il2

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apporta en tout. Au surplus, la Pdagogie rationnelle est avant tout l'art de transformer l'enfant en homme social. C'est un art social. Durkheimtait donc qualifi pour le renouveler. Paul Fauconnet a dcrit l'uvre pdagogiquede Durkheim dans son Introduction Pdagogieet Sociologie, Nous allons publier dans la collectiondes Travaux de l'Anne l'ducation morale,o Durkheim relie ses dcouvertes sur la nature gnrale des phnomnesmoraux &sa doctrine de l'ducation, phnomne social,et dgage les prceptes de Pdagogiequi en peuvent rsulter. On y verra comment par la sciencede la Morale, dont il donne l'expos, il clairait la pratique. Il reste donnerune ide de son cours sur l'ducation intellectuelle. Puissamment original par parties, il est moinsachev et fouillque d'autres cours. C'est que Durkheim,au moment o il le rdigea,n'tait pas matre encore de sa pense sur les origines socialesde la Raison, et qu'il n'eut jamais le temps de les approfondir jusqu'aux limites o la science peut rejoindre la pratique. Ce cours ne fut d'ailleurs rpt Bordeaux et Paris que dans des Confrencesprives. Et mme les sommaires de la dernireformedans laquelle Durkheim les rpta ont d tre ngligs,carilsne se retrouvent plus. JI y a ensuite toute une longue sriede cours, se succdantde 1888 1904, d'Histoire des doctrinespdagogiques. Cette histoire est discontinue, il est vrai, car elle ne consiste pas faire & la fois le tableau du dveloppement des institutions scolaires et celui des ides pdagogiques. Elle s'attache simplement et successivement tous les grands auteurs, un par un, qui ont illustr la Pdagogie, en particulier en France. Elle commence par les doctrines de l'ducation de Rabelais et de Montaigne, continue par celles de la Renaissance franaise et des Humanistes puis Durkheimleur oppose les Ralistes et les Encyclopdistes le chef de file de ceux-citant le fameux Comenius,si peu connu en France et que Durkheim connaissait si bien.Viennent ensuite Rousseau (ces leons ont t publies),Condorcct, Pestalozzi, et enfin Herbart, lui aussi bien mat apprcipar les auteurs classiquesfranais d'histoire et de Pdagogie.Je crois me souvenir d'avoir vu les textes de quelques leonssur Froebel, mais je ne les retrouve pas. Mais l'uvre la plus considrable de Durkheimen matire de pdagogie est le cours complet qu'il fit sur l'Histoire de l'enseignementsecondaireen France. C'est l'une des uvres indites de Durkheim les plus prcieuses, malgr certaines imperfections inhrentes la nature d'un enseignementet d'un travail de ce genre. C'tait une uvre difficileet destine un publie exigeant. Il s'agissait de trouver un sujet qui pt intresser et instruire les

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futurs professeurs de l'enseignement secondaire, les Cutura agrgs des sciences et des lettres que le recteur d'alors, Liard, voulait enfin mettre en contact, l'cole Normale supet rieure, avec leurs devoirs, avec les questions d'enseignement de pdagogie.Le poids de cette charge tombait sur les paules d'un savant par ailleurs occup de bien autres choses.Durkheim fit cependant cet effort considrable avec cur, conscience et efficacit, Au lieu d'taler un dbat ratiocinant et politique, it la faon dont on continue encore disputer autour de l'enseignement secondaire, il crut bon d'expliquer aux futurs maitres comment l'institution o ils allaient entrer tait le produit de siclesd'histoire sociale. Positivement, il leur expliqua quel moment de cette histoire nous tions et, partant de l, quelle tait la nature de la fonction, et enfin le devoir de la tche qu'ils avaient remplir. C'est toujours la mme mthode la fois bis d'abord, puis inductive et normativeenfin, toriqueet sociologique qui lui permettait et de faire comprendre la pratique suivie jusqu' nos jours, d'une part, et de dirigerles jeunesprofesseurs, d'autre part, vers une meilleure apprciation de cette pratique, versune meilleure application de leurs forces et ventuellement vers des rformes dlicatement suggres. Durkheim tait fort anxieux du succs de ce cours. Il fut trs heureux lorsqu'il le constata.Le cours fut ensuite rpt rgulirementchaqueanne l'Ecole Normale. Il devint une pice essentiellede l'enseignement dans l'tablissement o Durkheim avait fait ses tudes. Il sera sans doute publi assez prochainement.

Il n'est pas sr que toute cette uvre aurait vu le jour mme si Durkheim avait vcu longtemps. Il faisait assez bon march de tout ce qui n'tait pas l'essentiel de ses ides et de tout ce qui ne le satisfaisaitpas par la perfection de la preuve et du systme. Je ne sais queltri il etfait, ni quel choixla vie lui et fait faire. Il ne tenait par-dessus tout qu' publier sa Moraleet sa Famille. Maistelle quelle, cette uvre mrite d'tre publieen partie et d'tre connue en entier au moins faut-il qu'on sache qu'elle existe, pour apprcierpleinement une pense dont les lecteursne connaissent que des fragments et dont l'influenceet le rayonnement s'agrandissent et s'agrandiront longtemps encore. II Les collaborateurs Durkheim avait form Bordeaux quelques lves. Depuis Bordeaux, il avait -su grouper autour de lui un certain nombre

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de travailleurs distingus qui se dirent bnvolementses lves, bien qu'ils n'eussent subi que l'ascendant de sa mthodeet trs peu celuide son contact. C'est Paris que se forma autour delui une masse compacte de disciplesplus jeunes. Ceux-cise rassemblrent surtout parmi les promotionsde l'Ecole Normalede 1902 1910,celles qui reurent les premiers enseignements de Dur kheim, De cette gnration de collaborateurs, la plupart sont morts, presquetous tus au servicede leur patrie. Nousallons faire sentir l'tendue de cette perte que la guerre et la vie nous ont inflige, notrescienceet nous, Hertz, David, Bianconi, Reynier, Gelly, qui appartenaient ce groupe,ont t tus au front.Beuchatest mort pour la Science. La vie de Jean.Paul Laffittea t courte par ses blessures. Vacher, Huvelin, CbailKsont morts au travail. Tous laissent derrire eux, dj, une oeuvreimprime ou manuscrite plus ou moins grande, traces importantes de ce qu'ils allaient donner. On verra quelle uvre, grande,forte et en mme temps harmonieuse serait sortie de la puissanced'activit de ce groupe de savants. Ils taient jeunes et, la diffrence de Durkheim et de sespremierscollaborateurs,ilsn'avaient plus eu lutter, mais exploiter une victoire acquise.Ils n'avaient plus forger une mthode. Ils pouvaient et allaient l'appliquer. Nous allons par1erd'eux dans l'ordre de leur mort.

Henri BEUCHAT Il tait un de nos plus anciens lves et collaborateurs. 11 avait prpar une partie du mmoireque j'ai publi avec sa collaboration sur la Morphologiedes Esquimaux. Il est mort l'Ile Wrangell en 1914,de faim et de froid, au cours d'une expdition gographiqueet ethnographiqueorganise par M. Stefans. sonet le gouvernementcanadien;on vient de retrouver sesrestes, Il devaittre l'ethnographe et l'observateurdes Esquimauxparmi le groupe de savants qui avait t form pour cette expdition. Dansle naufrage ont t perdues lesnotes que Beuchatavait com. menc prendre et celles denombreux travaux en coursqu'il avait emportspour lesmettre au net pendantles longshiversarctiques. Cestravaux taient assez nombreuxet surtout linguistiques. Beuchat tait au tout premier rang des amrioanistes. Son Manueld'archologie mricainsest toujours le meilleuren usage, a Il et extraordinairement enrichi la sociologie descriptive ou l'ethnographie de cette partie du monde.Il avait un remarquable talentde linguiste et d'observateur.11savait infiniment de choses et les savait bien.

IN MEMOHIMMaxime DAVID

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Fut le premier des ntres qui tomba la tte d'une section d'infanterie, en 1914. Son uvre publie est presque entirement critique, ou d'introductions et de traductions elle est excellented'ailleurs. Il laisse avant tout un mmoire manuscrit qu'il avait confi Durkheim, qu'il avait rdig sous la directionde celui-ci, sur le Mariage par groupes en Australie. Cetravail d'lve est dj parfait. Il comprend une dcouverte notable sur l'existence de principes de droit qui quivalent aux classesmatrimonialesdans des socitsaustraliennesd'o l'on croit cette institutionabsente, tout simplement parce qu'elle n'est pas nomme.Nous publierons ce mmoireen le mettant jour. David, malgr d'autres soucis, malgr sa tche de professeur et au cours d'une publication varie, avait entam une autre uvre, un grand travail d'Ethique, du genre decelui que son ami Gernet poursuivit indpendamment et qu'il peut heureusement continuer. Durkheim avait remarqu et enseign quel degr les concepts moraux de l'antiquit, surtout grecque, avaient revtu d'autres formes et possd d'autres valeurs que les con. cepts classiquesqui nous viennent de ces civilisations.Au fond, nous n'avons retenu qu'un choix. Maistoute l'volutiondes ides moralesantiques s'est faite partir de nombreuxconcepts,varis, dont un grand nombre sont oublis, dont le sensest trangepour nous et fut mme trange partir d'un certainmoment pour l'antiquit. Cesont cependant ces concepts qui eurenten Grce,encore assez longtemps, mmejusqu'aprs le christianisme, vie, une une m vigueur aussi considrables,plus considrables me que celles des ides dont nous avons hrit. Ils exercrentsur la masse du peuple, sur le droit et sur la littrature, une contrainte et une pression qu'il s'agit de retracer d'abord parceque c'est la vrit historiquej et ensuite parce que si l'on veut comprendrecomment les Grecs, entre le septime et le quatrime sicle avant notre re, se mirent raisonner sur la justice, le bonheur, la vertu et le bien, il faut connatre la fois les lacuneset lesmiraclesde leur raison et, en mmetemps que leur gnie,leur barbarie. MissJane Harrison, M.Tlirtzel taient dj entrs dans ce sujet propos de Thmiset de Dik. M.Glotzl'avait rencontrgalement et David rendit compte de leurs travaux dansl'Anneet esquissa lui-mme un plan d'tudes. (Anne, XI, p. 284 XII, p. 257.) Il avait choisi le groupe de concepts divers et coordonns que connotent les mots alwc,GSjk, Tt|i>j nous traduisons si que mal par respect et pudeur, par insolence,par honneur et chtiment. David avait dj fait cette partie du travail qui est la

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plus agrable de toutes. 11avait relu toute l'anciennelittrature grecque et avait formun dossier de fichesassez complet. Les Epiques, les Lyriques, les Gnomiques,les Tragiques, les Prosateurs historiens taient ses principalessources,encoreplus que les Philosophes. De tout ceci, il ne reste malheureusementque des notes. Mais on voit quelles dcouvertes d'histoire et de philologie, et non pas seulementde sociologie, avidallait faire dans D cette voie. Antoine BIANCONI Fut tu lui aussi au dbut de la guerre, en 1915, lui aussi la tte de sa section, l'Agede trente-deux ans. Comme David, il avait entam une grande uvre. Comme David, ce qu'il publia fut plutt critique. D'ailleurs, ses fonctions de secrtaire de la rdaction de la Revuedu mois, o il seconda M. Borel avec distinctiorr, l'obligeaient suivre l'actualit. Maisil avait un esprit positif et gnreux il tait dsireux de construire il avait entam trois travaux qui eussent t considrables. D'abord, il avait choisi comme principal sujet d'tudes une question que nous avions laissede ct, tant elle est ardue et vaste, et o il et srement trouv manifester son talent de savant, son art d'organiser les faits. Il avait pris pour champ d'tudes la question des formesqu'a revtues la raison humaine et, d'accord avec nous, avait dlimit le premier de ses travaux. Parmi les civilisationso peuvent tre tudies le mieux les formesdiverses et mmeanormalesqu'ont pu prendre les catgoriesde l'esprit humain et travers ces formes,grammaticales, les principales ides directrices de mythologiques et autres l'humanit, il n'en est pas qui prsentent un champ d'observations plus vaste, plus sr, plus prcis, et en mme temps plus fertile, que la civilisationet en particulier la languedes ngres africains et surtout, parmi eux, des Bantus. Chezeux, la langue elle-mmedivise les choses en catgories grammaticales nom breuses,de six douzeet mme plus, suivantles dialectes.Suivant lescirconstances,le langageconsidre telle ou telle chosesous l'asde l'action, du lieu,de la personne,de l'instrument, etc. Un pect certain nombre de choses,tres anims, etc., ne peuvent tre considrsque suivant uneou deux catgories,d'autres suivant detrs nombreuses.Unetudecomparativedes languesremarquablement uniformeset cependant dans les limites de cette uniformit suffisamment varies, de cet immense groupe de populations, assezhomogne, pouvait livrer quelques-uns des secrets, non pas simplement de la classification,mais encore de la catgorisation dans l'esprit humain. On pouvait de plus, par une tude parallle de la mythologie et de l'organisation sociale, rapproches

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des catgories linguistiques, esprer approfondir encorele problme, sinon en trouver la solution.Bianconia marqu, dans les diverses notes qu'il consacra aux livres de Dennett, dans quelle directionil allait s'engager avec plus de prudence que cet auteur. (Voir en particulier Anne, XI, p. 128et suiv.) Il avait dj grandement avanc sa collectionde faits, en l'espce de mots bantu. La publication rcente de l'excellentegrammaire comparede Torrend allait lui faciliter la besogne,ou plutt lui fournir le moyen de vrifier tout son travail de prparation qu'il tait sur le point d'achever. Malheureusement, e tout ceci, il ne reste d que des fiches.Beau et grand sujet reprendre Bianconitravaillait aussi l'Idedela grcedam saint Augustin. Il avait commenc en plus, pour un travail commun,entrepris par nous deux, une bibliographiecomplte d'ethnographie de nos coloniesafricaines. Maisil avait t distrait de ses travaux de sciencepure par un effort considrable,qu'il fit pour seslves et pour son enseignement. Il voulait populariser dans l'enseignement secondaire la science que, dans son ardeur, il ne supportait pas de laisser cantonne dans un coin cart de la philosophie.Bianconicomme David, Hertz, et Reynier, avait la passion et la consciencedu professorat, de leur carrire. Mais leur diffrence car ceux-ci restrent relativement classiquesdansleur professionscolaire il fut plus audacieux. 11voulut constituertout un cours de philosophie, entirement nouveau, o la partie la vie en commun, non seulement dans la vie morale, mais encoredans la vie psychologiquede l'homme, ft chaqueinstant marque. C'taitune grande et gnreuseambition. Le manuscritde ce cours,profess en dernier lieu aux lves du lyce d'Amiens, est peu prs complet. Bianconi tenait infiniment cette uvre, qu'il considrait comme presque acheve et au point. Des extraits vont en tre publis prochainement par les soins de Mme RudraufBianconi. Robert HERTZ l Tu l'attaque inutile de Marchville,e 13 avril 1915, l'ge de 33 ans, en prcdant sa sectionhors de la tranche. Il laisse une uvre publie dj considrable,critique et dogmatique, et une uvre manuscrite encore plus importante. Il tait dj un matre parmi les mattres, et sa puissancede travail tait aussi grande que son travail. Il avait enseign l'Ecole pratique des Hautes Etudes. Il reste de ses cours des manuscrits de leons, dont j'ai fait et ferai usage. Surtout, il laisse deux couvres,l'une termine au moins provisoirement,l'autre inacheve. C'estcelleci qui et t la plus grande et la plus neuve.

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i'ann&b sociologique

Hertz s'tait fix lui-mmedans l'tude des phnomnes la fois religieuxet moraux. Et il en avait choisi la partie la plus difficile, la moins tudie, o tout est faire, celle de ce ct sombre de l'humanit le crime et le pch, la peine et le pardon. Il avait commencune uvre d'accumulationet d'laboration de matriaux vraiment formidable.Les deux fameux mmoires qu'il publia sur la Reprsentationcollectivede la Mort (Anne, X) et sur la Prminencede la main droite(Refluephilosophique,1907),n'en sont en sommequ'un prologueet qu'un appendice.MaisUsmontrent quel point Hertztait matre desesides et dominait la mer des faits. Puis il avait prcis son sujet trop vaste. Le pchet le pardon mmedansl'histoire humaine,rduite quelques faits typiques, c'tait un champtrop grand labourer, Il reste de cette grande ide des fragmentsimportants provenant de ses cours en particulier une tude compltedu rgime pnitentiel chrtien, tude importante, mais que nous ne pourrons pas mettre sur pied. Enfin, pour aboutir, il se restreignit encore. Son premier ouvrage devait avoir un sujet plus modeste,comme aire d'observation,sinon commeprofondeurd'analyse ce devait tre Le Pchet l'Expiation dansles Socit8infrieures.Il en reste une Introductionpresque acheve publie dans la Revue d'Histoire des religions en 1921,puis une masse trs grosse de brouillons, de textes de leons, plusieurs esquisses diffrentes de diffrentspoints, surtout de la conclusion. ais,ce qui est plus M sont intacts et rangs, environ pour la moiti en un prcieux, ordre partait, dansl'ordre dela dmonstration, ous les documents t dont Hertz voulaitse servir. Ils constituentune collectionincomparable. Presquetous sont empruntsaux socitspolynsiennes, avec quelques sondages dans quelques-unesdes socits amricaines,africaines et quelquescomparaisons vec l'antiquit smia et classiqueviennent les enrichir. J'ai pu rcrire,approxitique mativemetitet en abrgeant, l'aidede ces ficheset de ces brouillons, le livre que Hertz et crit, peut-tre autrement mais j'ai fait effort pour rester fidle sa pense. Lelivre parattra, l'esje pre fermement,bientt, dans la collectiondes travaux de VAnne sous le nom de Robert Hertz, avec la mentionde mon effort et de ma responsabilit. pour les fautes. Du moins, cette uvre capitale sera sauve. Hertz, pour se dlasser de ce grand travail, s'tait amus au folklore et la mythologie.Entendons le folklore vivant, celui o il pouvait exercer ses facults,non seulementde sociologue, mais encore d'observateur. Son dlicieux Saint-Bous (Revue ^Histoire des religions,1912) ses Notesde folklore,observations prises sur ses hommes qu'il envoya du front sa femme et que la RevuedesTraditions populairesa publies en 1915,furent pour lui des passe.temps.Un ouvrageentier, invent, documenta

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et crit en moinsdo deuxans sur le Mythe(TAthna, rovient de p la mme veine. Hertz ne considrait cette rdaction de cet ou. vrage que comme provisoire.Nous formionstous en effet autour de Durkheim, avant la guerre, un milieu trs confiant les uns envers les autres, maistrs critique et convenons-en trop exigeant peut-tre. Hertz s'tait rang l'avis de quelques-uns d'entre nous et projetait des modifications fort faciles, mais importantes. Cependant, tel quel, l'ouvragemrite d'tre publi, peut tre publi et sera sansdoute publi par l'un de nous, commeil est rest. Jean REYNIER II courut les mmesdangersque sesamis maisc'est d'un accident d'engin de tranche qu'il mourut en 1915,pour son pays, l'ge de trente-deuxans. CommeDavidet Hertz, il se destinait des recherchessur les phnomnesmixtes, la fois religieux et moraux. Il avait choisi son sujet, fort vaste l'asctisme. Il avait commencses recueilsde notes sur l'asctisme chrtien et sur l'asctisme hindou,qu'il tait all personnellementtudier dans l'Inde. Sa veuven'a retrouv que des sommairesdes remar. quables leons qu'il fit la confrencede notre matre Sylvain Lvi, sur les Tantras, cette trs extraordinaire excroissance mystique, magique et surtout erotique de l'asctisme hindou et thibtain phnomnetypique que Reynier comprit parfaitement. R. GELLY Nous avons pu croirelongtempsque Gelly,lui au moins,allait nous rester. Jusqu' la fin il avait t expos de nombreux ot grands prils. Un jour de 1918 nous l'enleva comme les autres, trente et un ans tout juste. Il avait choisicommeprincipal objet d'tudes, dans la thorie de l'esthtique littraire et religieuse,les rapports entre le mythe, la fable et le roman. Il avait commencsa documentationsur l'antiquit classiqueet sur le haut moyenge celtique et anglosaxon. Philosopheet philologue distingu,il et marqu sa place en ces tudes tant pratiques,mais qui doivent tre pratiques d'une autre faon.

Depuis la guerre sont morts parmi nous Antoine Vacher, Jean-Paul Laffitte, R, Chailliet Paul Huvelin,

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L'AwnBsociologique A. VACHER

Est mort Paris en 1920, la suite d'une trs longue et trs douloureuse maladie, stoquement supporte. Il avait cess de s'intresser directement la Morphologie sociale.Il n'y donnait plus d'attention que lorsque, partant de ses tudes de gograde phie physique,il avait l'occasion mesurer, de temps en temps, l'influence des facteurs gographiques sur les agglomrations humaines. Maisson enseignement t son travail critique ne pere daient pas contact avec nous. Il avait quelques notes de Gographie humaine en manuscrit. J. P. LAFFITTE Etait surtout un publicistemerveilleux,mais sa critique tait toujours positive. Son dernier travail imprim, propos du livre de M. Meillet, Les Langues dans l'Europe nouvelle, satisfit l'auteur plus que tous les autres articles que cet ouvrage inspira. J. P. Laffitte avait une comptencescientifiquequi s'tendait toutes les sciencesde la nature. n tait apte tout apprendre, mais se disait avant tout sociologue.Il tait devenu l'un des membresdu Bureau scientifique Bureau international du Traau vail. On pouvait compterqu'il y rendrait des services. Une longue et cruelle maladiel'a terrass, peut-tre acclre par les deux blessures qu'il avait reues en servant sa patrie. R. CHAILLI Est mort en 1923 il avait fait pniblementet dangereusement une partie de la guerre, Il tait un de nos plus anciens et de nos plus fidles collaborateurs.Sous sesallures d'amateur, difficile fi dciderau travail, il cachait un rel dvouement nossciences, qu'il propagea avec une extraordinaire efficacit, dans les milieux les plus divers. Il y a de lui un excellent travail, perl, sur la nomenclaturefamilialeeskimo. Il a t longtemps le zlreviseurde nos preuves et confectionnait, avec notre pauvre Beuchat, les tables et les index de VAnne,Ses notes, prises aux cours de Durkheimet d'autres, sont prcieuses.Son hritier a bien voulu nous promettre qu'il nous en confierait les copies. Paul HUVBLIN Nous a quitts brusquement aprs une douloureuse maladie de quelques semaines,en juin 1924,au moment o il ralisait

IN MEMOBIAM

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sa pleine production, cinquante et un ans; juste quand, plus enthousiaste qu'aucun d'entre nous, il commenait collaborer ce nouveau tome de l'Anne sociologique. Il tait un de ceux qui avaient le plus indpendammentrejoint Durkheim et le premier peloton de ses lves.Son secoursavait t efficace.Il apportait YAnneson autorit incontestablede juriste et d'historien du droit. Il nous apportait aussi une pub" sante contribution. Son mmoire sur La Magie et le Droit individuel est classique. Huvelin laisse un livre qui, nous l'esprons,verra bientt le jour. II l'avait profess en cours l'Universitde Bruxelleset a publi la leon d'introduction dont le titre est Les cohsions humaines.Huvelin tait l'un des seuls hommescapables de pouvoir crire un livre sur un sujet de ce genre. Il avait toujours eu le gott de la pratique et le got de l'ide,en mme temps qu'il tait mattre de la dialectique juridique. D'aprs ce qu'on sait de ce cours et du manuscrit, il y mlait sa technique de juriste, les fruits de son exprience politique, avec ses proccupations et sa science de sociologue. ouvrage sera savoureuxcomme toutes Cet les thoriesgnralesqui sont difiespar devritables spcialistes dominant leur science. La perte d'Huvelin est irrparable pour nous. Andr DURKHEIM Qu'il soit permis de terminer, par une note personnelle,ce mmoire tout objectif o l'on ne veut que dcrire les travaux que l'on pouvait esprer de nos hroques, de nos vnrs morts. Mais il serait injuste et inhumain de ne pas mentionner,en finet par exception, le nom de celui qui allait noustre associ et dont la perte doublement sentie, paternellementet intellectuellement, a t l'une descausesde la mort de Durkheim.Celui-cifondait sur son fils, l'un de ses plus brillants lves,lesplus nobleset les plus grandes des esprances. Andr Durkheim mourut le 18 dcembre1915,dans un hpital bulgare, des suites des blessures qu'il avait reues tandis qu'il commandait une section d'extrmo arrire-garde de la retraite de Serbie. Il avait dj t bless une fois et avait t vacu deux autres fois sur le front franais. Le seul manuscrit qu'il laisse est un mmoire d'Histoire de Philosophiesur un point de la doctrine de Leibniz, travail digne d'tre imprim. Andr Durkheim avait dj commenc, ous la direction de s M. Meillet,lestudes do linguistiquequi allaientfaire de lui lelinguiste purement sociologuequ'il nous faut. Nous ne nommons qu'Andr Durkheim parmi les jeunes gens

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l'anne

sociologique

qui allaient nous rejoindre, Ils taient trs nombreux.Nous ne pouvons pas estimer les pertes que leur mort nous inflige, mais nous pensons eux.

Ceque serait devenue,s'il n'y avait pas eu la guerre,ce qu'on est convenu d'appeler l'Ecole franaise de Sociologie,voil qui est indiqu et mme prouv. Imaginons que Gelly ft devenu notre esthticien et qu'Andr Durkheim ft devenunotre linguiste. 11ne nous manquait qu'un technologue pour tre au complet. Imaginons que Durkheim et mis sur pied sa Famille et sa Morale, que Hertz et dit son Pchet Expiation et d'autres uvres imaginonsque Bian. coni et produit son Coursde philosophieet ses Catgoriesde la pense dans les langues et civilisations bantu que nous ayons eu les livres de Reynier et de Maxime David, d'autres encore. N'et-ce pas t une magnifiquefloraison ? Ceciajout ce qui a pu tre publi depuis la guerrepar exempie dans les Travaux deAnne, rien que cela, rienque ce qui tait commenc et mme achev par nos morts, aurait fait do notre petit groupe, une des phalanges de savants les plus honorables. Et je ne parle pas destravaux des vivants que la guerre a arrts net dansleur effortet leur production et que ladure vie d'aprs guerre a bien peu encourags.

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En fait, nous ne restons plus qu'une poigne. Rchapps du front ou uss de l'arrire, nous n'avons plus avec nous que quelquesjeunes gens heureux d'tre jeunes. Notre groupe ressemble ces petits bois de la rgion dvaste o, pendant quelques annes, quelques vieux arbres, cribls d'clats, tentent encore de reverdir. Mais si seulement le taillis peut pousser leur ombre, le bois se reconstitue. Prenons courage et ne mesurons pas trop notre faiblesse, Ne pensonspas trop au triste prsent. Ne le comparons pas ces forces vanouies et ces gloires perdues. Il ne faut pleurer qu'en secret ces amitis et ces impulsions qui nous manquent. Nous allons tcher de nous passer d'eux, de celui qui nous dirigeait, de ceux qui nous soutenaient et mme deceux qui allaient nous relayer et nous remplacer. Travaillons encore quelquesannes, Tchons de faire quelque chose qui honore leur mmoire tous, qui ne soit pas trop indigne de ce qu'avait inaugur notre Matre.

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Peut-tre, la svereviendra.Une autre graine tombera et gercera. C'est dans cet esprit de fidlemmoire Durkheimet tous nos morts c'est en communionencoreavec eux o'est en partageantleur convictionde l'utilit de notre science c'est en tant nourris comme eux de l'espoir que l'homme est perfectible par elle c'est dans ces sentiments qui nous sont communspar del la mort, que nous reprenons tous fortement, avec cur, la tache que nous n'avons jamais abandonne. M. M.

Il ESSAI SUR LE DON FORME ET RAISON DE L'CHANGE DANS LES SOCITS ARCHAQUES IINTRODUCTION Du Don, et en particulier de l'obligation rendre les prsents PIGRAPHE

Voici quelques strophes de I'Havaml, l'un des vieux pomes de l'Edda scandinave (1). Elles peuvent servir d'pigraphe ce travail, tant elles mettent directement le locteur dans l'atmosphre d'ides et de faits o va se mouvoir notre dmonstration (2).39 Je n'ai jamais trouv d'homme si gnreux et si large nourrir ses htes que recevoir ne ft pas reu , ni d'homme si. (l'adjectif manque) de son bien que recevoir en retour lui ft dsagrable (3).

(1) C'est M. Cassel qui nous a mis sur la voie do ce texte, Thmry of Social Economy, vol. II, p. 345. Les savants soandinaves sont familier? aveo ce trait do leur antiquit nationale. (2) t'* Maurice Ca'10na bien voulu faire pour nous cette traduction. (3) La strophe est obscure, surtout parce que l'adjectif manque au vers 4, mais le sens est clair quand on supple, comme on fait d'ordimot "?-0.1,1111 qui veut dire libral, dpensier. Le vers 3 est lui aussi difficile.M. Cassel traduit qui ne prenne pas ce qu'on lui offre . La traduction de M. Cahen au contraire est littrale. L'expression est ambigu, nous crit-il, tes uns comprennent a que recevoir ne lui fut pas agrable , les autres interprtent a que recevoir un cadeau ne comportt pas l'obligation de le rendre . Je penche naturellement pour la seconde explication. Malgr notre incomptence en vieux norrois, nous nous permettons une autre interprtation. L'expression corres-

INTRCUVCTION

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',1 Avec des armes et des vtements les amis doivent se faire plaisir chacun le sait de par lui-mme (par des propres expriences), Ceux qui se rendent mutuellement les cadeaux sont le plus longtemps amis, si les choses russissent prendre bonne tournure. 42 On doit tre un ami pour son ami et rendre cadeau pour cadeau on doit avoir rire pour rire et dol pour mensonge, 44 Tu le sais, si tu as un ami en qui tu as confiance et si tu veux obtenir un bon rsultat, il faut mler ton me la sienne et changer les cadeaux et lui rendre souvent visite. 44 Mais si tu en as un autre de qui tu te dfies et si tu veux arriver un bon rsultat, il faut lui dire de belles paroles mais avoir des penses fausses et rendre dol pour mensonge. II en est ainsi de celui en qui tu n'as pas confiance et dont tu suspectes les sentiments, il faut lui sourire mais parler contre cur les cadeaux rendus doivent tre semblables aux cadeaux reus,

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pond videmment &un vieux centon qui devait tre quelque chose comme recevoir est reu . Ceci admis, 1pvers ferait allusion cet tat d'esprit dans lequel sont le visiteur ot le visit. Chacun est suppose offrir son hospitalit ou ses prsents comme s'ils devaient ne jamais lui tre rendus. Cependant chacun accepte tout de mme les prsents du visiteur ou les contre-prestationsdo l'hte,parce qu'ils sont des biens et aussiun moyen de fortifierle contrat, dont ils sont partie intgrante. Il nous semble mmo que l'on peut dmler daus ces strophes une partie plus ancienne. La structure de toutes est la mme, curieuse et claire. Dans chacune un centon juridique forme centre que recevoir no aoit pas reu (39),ceux qui serendent les cadeaux sont amis >(41) rendre cadeaux pour cadeaux t (42) il feut mler ton me la sienne et changer les cadeaux 141), l'avare a toujours peur des cadeaux (48), uncadeau donnai tend toujours un cadeau on retour (145),etc. C'est une vritable collectionde dictons. Coproverbe ou reste est entour d'un commentaire qui le dveloppe. Nous avons donc affaire ici non seulement une trs ancienne forme de droit, mais mme Il une trs ancienne forme de littrature.

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FORME ARCHAQUE

DE L'CHANGE

48 Leshommes e gnreuxt valeureux ontla meilleure vin Us n'ont de point crainte. Mais n poltron peurdetout u a a 1'avare toujours eurdescadeaux. p M. Cahen nous signale aussi la strophe 145 145Il vautmieux pasprier(demander) ne quede sacrifier (auxdieux) trop Uncadeau donn attendtoujours ncadeau u enretour. n vautmieux pasapporter 'offrande ne d d'endpenser que trop.PROGRAMME

On voit le sujet. Dans la civilisation scandinave et dans bon nombre d'autres, les changes et les contrats se font sous la forme de cadeaux, en thorie volontaires,en ralit obligatoirementfaits et rendus. Cetravail est un fragment d'tudes plus vastes. Depuisdes annes, notre attention se porte la fois sur le rgime du droit contractuel et sur le systme des prestations conomiques entre les diversessections ou sous-groupesdont se composent les socits dites primitives et aussi celles que nous pourrions dire archaques. Il y a l tout un norme ensemble de faits. Et ils sont eux-mmes trs complexes.Tout s'y mle, tout ce qui constitue la vie proprement socialedes socits qui ont prcdles ntres jus* Dans ces phnoqu' celles de la protohistoire. mnessociaux totaux , comme nous proposons de les appeler, s'expriment la fois et d'un coup toutes sortes d'institutions religieuses, juridiques et morales et celles-ci politiques et familialesen mmetemps conomiques et celles-cisupposent des formes particulires de la production et de la consommation, ou plutt de la prestation et de la distribution sans compter les phnomnes esthtiques auxquels aboutissent ces faits et les phnomnes morphologiques que manifestent ces institutions.

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INTRODUCTION

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De tous cesthmes trs complexes de cettemulet tiplicitde chosessocialesen mouvement,nousvoulonsici ne considrer qu'un des traits, profond mais isol le caractre volontaire, pour ainsi dire, contraint apparemmentlibre et gratuit, et cependant et intress de ces prestations. Elles ont revtu presque toujours la forme du prsent, du cadeau offert gnreusement,mme quand, dans ce geste qui accompagnela transaction, il n'y a que fiction, formalismeet mensongesocial, et quand il y a, au et fond,obligation intrtconomique. Mme, uoique q nous indiquerons avec prcision tous les divers principes qui ont donn cet aspect une forme de ncessaire l'change c'est--dire,de la division du travail socialelle-mme detous ces principes, nous n'en tudions fond qu'un. Quelleest la rgle de droitetd'intrtqui, dam lessocits e type arrir d ou archaque, que leprsentreuestobligatoirement fait rendu?Quelleforceya't-il dansla chose qu'ondonnequi la fait quele donataire rend? Voille problmeauquel nousnous attachons plus spcialement out en indit quant lesautres. Nous espronsdonner,par un assez grand nombre de faits, une rponse cette question prciseet montrer dans quelledirectionon peut engager toute une tude des questions connexes.On verraaussi quelsproblmesnouveauxnoussommes amens les uns concernant une forme permanente de la morale contractuelle, savoir la faon 4ont le droit rel reste encore de nos jours attach nu droit personnel les autres concernantles formes ei les ides qui ont toujours prsid, au moins en partie, l'change et qui, encore maintenant,supplent en partie la notion d'intrt individuel. Ainsi,nous atteindrons un doublebut. D'unepart, nous arriverons des conclusionsen quelque sorte archologiquessur la nature des transactions hu/ ines dans les socits qui nous entourent ou nous ont immdiatement prcds. Nous dcrirons les phnomnes 'change et de contrat dans cessocits d qui sont non pas prives de marchs conomiques commeonl'a prtendu, car le marchest un r. ph3

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FOHME AHCHAQUB DE L* CHANGE

nomnehumain qui selonnousn'est tranger aucunesocitconnue, maisdont le rgime d'change est diffrent du ntre. On y verra le march avant l'institution des marchands et avant leur principale invention, la monnaie proprement dite comment il fonctionnaitavant qu'eussentt trouves les formes, on peut dire modernes(smitique, hellnique, hellnistique et romaine) du contrat et de la vente d'une part, la monnaie titre d'autre part. Nous verrons la morale et l'conomiequi agissent dans ces transactions. Et comme nous constaterons que cette morale et cette conomie fonctionnent encore dans nos socits de faon constante et pour ainsi dire sousjacente, comme nous croyons avoir ici trouv un des rocs humains sur lesquelssont btiesnos socits, nous pourrons en dduire quelques conclusionsmorales sur quelques problmes que pose la crise de notre droit et la crise de notre conomieet nous nous arrterons l. Cette page d'histoire sociale, de sociode logiethorique, de conclusions morale,de pratique politique et conomique,ne nous mne, au fond,, qu' poser une fois de plus, sous de nouvellesformes,. de vieilles mais toujours nouvelles questions (1). MTHODE SUIVIE Nous avons suivi une mthode de comparaison prcise.D'abord, commetoujours, nous n'avons tudi notre sujet que dans des aires dtermines et choisies Polynsie, Mlansie, nord-ouest amricain, et quelques grands droits. Ensuite, naturellement, nous n'avons choisi que des droits o, Zum der (1)Je n'aipaspuconsulter Burckhard, Begriff Schenkung. 53sq. p.tai pour le droit anglo-saxon, le fait que nous alloua mettre en lumire a t fort bien senti par Pollock and Maitland, Hisiory of English Law, t. II, p. 82 The wide word gilt, which will cover sale, exchange, gage and leose . Cf. ib., p. 12, ib., p. 212-214 il n'y a pae de don gratuit qui tienne force de loi . > Voir aussi toute la dissertation de Neubookor, propos de la dot germanique, Die Milgijl, 1909, p. 65 sq.

INTRODUCTION

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grceaux documentset au travail philologique,nous d avionsaccs la conscience es socitselles-mmes, car il s'agit ici de termeset de notions ceci restreignait encore le champ de nos comparaisons. Enfin chaque tude a port sur des systmes que nous nous sommes astreint dcrire, chacun la suite, dans sonintgrit nous avons donc renonc cette comparaisonconstanteo tout se mleet o lesinstitutions perdent toute couleur locale, et les documents leur saveur (1).PRESTATION. DON ET POTLATCH

Le prsent travail fait partie de la srie de recherches que nous poursuivonsdepuis longtemps, M. Davy et moi, sur les formes archaques du contrat (2). Un rsumde celles-ciest ncessaire. < II ne semblepas qu'il ait jamais exist, ni jusqu' une poque assez rapprochede nous, ni dans les socitsqu'on confondfort mal sous le nom de primitives ou infrieures, rien qui ressemblt ce qu'on appelle l'Economie naturelle (3). Par une m aberration,onchoisissait me trangemaisclassique pour donner le type de cette conomieles textes de Cook concernant l'dehange et le troc chez les Polynsiens(4). Or, ce sont ces mmes Polynsiens e caractres sont ne (1)Lesnotes ttouta(ratn'est en gros pas indispensables spoialistes. qu'aux(2) Davy, Foi Jure [Travaux de l'Annie Sociologiqe,1922) voir indications bibliographiquesdans Mauss,Uneformearchaquede contrat Revuedestudegrecques,1921;R. Lenoir, L'Institution chezles Thraces, du Potlatch, Revue Philosophique, 1924. i a M. P. Somlo, Der GUterverkekrn der Urgeselhcha/l (Institut a do de ces faita une bonne discussion et un aperu Solvay, 1909), o, p. 150, il commence entrer dans la voie o nous allons noua engager nous-mime. (4) Grienon, Sitent Trade, 1903, a dj donn les arguments ncessaires pour en flnir avec co prjug. De mfimo Von Moszkowski, Vom

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FORME

ARCHAQUE

DB

L'CHANGE

que nous allonstudier ici et dont on verra combien ils sont loigns,en matire de droit et d'conomie, de l'tat de nature.Dans les conomies et dans les droits qui ont prcd les ntres, on ne constate pour ainsi dire jamais de simples changes de biens, de richesses et de produits au cours d'un march pass entre les individus. ce ne sont des individus, ce sont des D'abord, pas collectivits qui s'obhgent mutuellement, changent et contractent les personnes au con(1) prsentes trat sont des personnes morales clans, tribus, et s'opposent s'affrontent soit en groupes familles, qui se faisant face sur le terrain mme, soit par 1 intermdiaire de leurs chefs, soit de ces deux faons Wirttchaltslebtn der primitiven Vitker, 1911 mais il considre le vol comme primitif et confond en somme le droit de prendre avec le vol. On trouvera un bon expos des faits Maori dans W. von Brun, WirttchaltorganUation der Maori [Btitr. de Lamprecht, 18), Leipzig, 1912, o un chapitre est consacr l'change. Le plus rcent travail d'eusemble sur l'conomie des peuples dits primitifs est Koppers, Ethnologische Wirtschattsordnung, Anlhropos, 1915-1916, p. 611 651, p. 971 1079 surtout bon pour l'expos des doctrines un peu dialectique pour le reste. (1) Depuis nos dernires publications, nous avons constat, en Australie, un dbut de prestation rgle entre tribus, et non plus seulement entre clans et phratries, en particulier l'occasion de mort. Chez les Kakadu, du Territoire Nord, il y a une troisime crmonie funraire aprs le deuxime enterrement. Pendant cette crmonie les hommes procdent une sorte d'eaquto judiciaire pour dterminer au moins fictivement qui a t l'auteur de la mort par envotement. Mais con trairement oo qui suit dans la plupart des tribus australiennes, aucune vendetta n'est exerce. Les hommes se contentent do rassembler leurs lances et de dfinir ce qu'ils demanderont en ohange. Le lendemain ces lances sont emportes dans une autre tribu, lea Umoriu par exemple, au camp desquels on comprend parfaitement le but de cet envoi. L les lances sont disposes par paquets suivant leurs propritaires. Et suivant un tarif connu l'avance, les objets dsirssont mis en face de ces paquets. Puis tous sont ramens aux Kakadu (Baldwin Spencer, Tribes of Ou Northern Ttrritory, 1914,p. 247). Sir Baldwin mentionne que ces objets pourront tre de nouveau changs contre des lanees, fait que nous ne comprenons pas trs bien. Au contraire il trouve difficilede comprendre la connexion entre ces funrailles et ces changes et il ajoute que i les natifs n'en ont pas ide . L'usage est pourtant pariaitement comprhensible c'est en quelque sorte une composition juridique rgulire, remplaant la vendetta, et servant d'origine un march intertribal. Cet change de choses est en mme temps change de gages de aix et de solidarit dans le deuil, comme cela a lieu d'ordinaire, en Australie entre clans et familles associes et allies par mariage. La seule diffrence est que cette fois l'usage est devenu ffltortnbal.

INTUOUCTION

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la fois (1). De plus, ce qu'ils changent, ce n'est pas exclusivementdes biens et des richesses, des meubles et des immeubles,des chosesutiles conomiquement. Ce sont avant tout des politesses, des festins, des rites, des servicesmilitaires, des femmes, des enfants, des danses, des ftes, des foires dont le march n'est qu'un des momentset o la circulation des richessesn'est qu'un des termes d'un contrat beaucoupplus gnral et beaucoup plus permanent. Enfin, cesprestationset contre-prestationss'engagent sous une forme plutt volontaire, par des prsents, des cadeaux, bien qu'elles soient au fond rigoureusement obligatoires, peine de guerre prive ou publique. Nous avons propos d'appeler tout ceci le systmedes prestations totales. Le type le plus pur de ces institutions nous parat tre reprsent par l'alliancedes deux phratries dans les tribus australiennes ou nord-amricainesen gnral, o les rites, les mariages, la successionaux biens, les liens de droit et d'intrt, rangs militaires et sacerdotaux, tout est complmentaire suppose la collaboration et des deux moitis de la tribu. Par exemple, les jeux sont tout particulirement rgis par' elles (2). Les Tlinkit et les Hada, deux tribus du nord-ouest amricain expriment fortement la nature de ces pratiques en disant que les deux phratries se montrent respect (3) .(1) Mme un pote aussi tardif que Piudaro dit vexv(wPf*?' otxoOtvoTxotSe, itpotelvwv Olympique, VIII, 4. Tout le passage se ressent encorede l'tat de droit que nous allons dcrire. Les thmes du prisent, de la richesse, du mariage, de l'honneur, de la faveur, de l'alliance, du repas en commun et de la boisson ddie, mmo celui de la jalousie qu'excite le mariage, tous y sont reprsents par dos mots expressifs et digncs de commentaires. (2) V. en particulier les remarquables rgies du jeu de ballo chez les Omaha Alice Fletcher et la Flesche, Omaha Tribe, Annual Report of the Bureau of AmericanAnthropolopj, 1905-1906,XXVII, p. 197et 366. (3) Krause, Tlinkit Indianer, p. 234, sulv., a bien vu ce caractre des ftes et rites et contrats qu'il dcrit, sans leur donner le nom de potlatch. Boursin, in Porter, Report on Me Population, etc. o/ Alaska, in Elevenlh Census (1900),p. 54-66. et Porter, ib., p. 33, ont bien vu ce caractre de glorification rciproque du potlatch, cette fois nomm. Mais c'est M. Swanton qui l'a te mieux marqu Social Condition,etc. of the Tlingit indian, Ann. Rep, of the Bureau of Amer. Ethn. 1905, XXVI, p. 345, etc. Ci. nos observations, Ann. Sot., t, XI, p. 207 et Davy, Foi jure, p. 172.

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FORME ARCHAIJUB DE L'CHANGE

Mais, dans ces deux dernires tribus du nordouest amricain et dans toute cette rgion apparat une forme typique certes,mais volue et relativement rare, de ces prestations totales. Nous avons propos de l'appeler potlatch , comme font d'ailleurs les auteurs amricainsse servant du nom chinook devenu partie du langage courant des Blancs et des Indiens de Vancouver l'Alaska. Potlatch veut dire essentiellement nourrir , consommer(1). Cestribus, fort riches, qui vivent dans lesles ou sur la cteou entre les Rocheuses et la cte, passent leur hiverdans une perptuellefte banquets, foires et marchs,qui sont en mmetemps l'assemble solennelle de la tribu. Celle-ci y est range suivant sesconfrries hirarchiques,sessocits secrtes, souvent confonduesavec les premires et avec les clans et tout, clans, mariages, initiaet tions, sancesde shamanisme du culte des grands dieux, des totems ou des anctres collectifsou individuels du clan, tout se mle en un inextricable lacis de rites, de prestations juridiques et conomiques,de fixationsde rangspolitiquesdans la socit deshommes, anslatribu etdans lesconfdrations e d d tribus et mmeinternationalement(2). Maisce quiest remarquable dans ces tribus, c'est le principe de la rivalit et de l'antagonismequi domine toutes ces pratiques. On y va jusqu' la bataille, jusqu' la mise Surlesens mot otlatch, Barbeau, du p v. (1) Bulletin Socit dela deGographie 1911 p.162. ilnenous deQubtc, Davy, Cependant parait 6it Eneffet i pasquelesens ropos originaire. Boasndique le p pour motpotlatch, enKvrekiuU vrai tnon enChinook, ilest e lesonde pas et littralement o/being Fetdir, nourrisseur, satiatedplace place , oonserassasie. Kwakiutl Second Jesup Texte, Sries, Bxpedit.,X, vol. n p.43, .2;ot. b., ol.II,p.255, 517, i v I .v.PoL. lesdeux de Mais sens ne p.p potlatchdonet aliment font asexclusifs, laformessentielle e dolaprestation ici limentaire, tant enthorie moins. ces ens du Sur s v. plus p. 110 a loin, n.1.(2) Le ct juridique du pollatch est celui qu'ont tudi M. Adam, dans ses articles de la ZtUtehr. veraleich.Rechltwisaenachajl, 911et 1 Buiv.et FetUchrijt Seler, 1920, et M. Davy dans sa Foi furie. Le ct religieux et l'conomiquo ne sont pas moins essentiels et doivent tre traits non moins &lond. La nature religieuse des personnes impliques et des choses changes ou dtruites ne sont en effet pas indiffrentes la nature mme des contrats, pas plus que les valeur qui leur sont r affectes.

INTRODUCTION

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mort des chefs et nobles qui s'affrontent ainsi. On y va d'autre part jusqu' la destruction purement somptuaire (1) des richessesaccumules pour clipser le chef rival en mme temps qu'associ (d'ordinaire grand-pre,beau-pre ou gendre). Il y a prestation totale en ce sens que c'est bien tout le clan qui contracte pour tous, pour tout ce qu'il possde et pour tout ce qu'il fait, par l'intermdiairede son chef (2). Mais cette prestation revt de la part du chef une allure agomstique trs marque. Elle est essentiellement suraire et somptuaire et l'on assiste u avant tout une lutte des nobles pour assurer entre eux une hirarchie dont ultrieurement profite leur clan. Nous proposons de rserver le nom de potlatch ce genre d institution que l'on pourrait avec moins de danger et plus de prcision,mais aussi plus longuement,appeler prestationstotalesde type agonistique. Jusqu'ici nous n'avions gure trouv d'exemples de cette institution que dans les tribus du nordouest amricainet dans cellesd'une partie du nord amricain (3), en Mlansieet en Papouasie (4). Partout ailleurs,en Afrique,en Polynsie et en Malaisie, en Amrique du Sud, dans le reste de l'Amrique du Nord, le fondement des changes entre les H disenijb '|l (1)Les aida tueriflaichpiso. r

j (2) v. les doourritni cKHuntduns Boas, Etlmology j Ihe Kwakiuii, o XXXV11' Annuai JRep.of ItteBureau oj an Ethn., t. II, p. 1840, o on trouvera une intressante description de la faon dont le clan apporte ses contributions au chef pour le potlatch, et de trs intros;>antspalabres, Le chef dit en particulier a Car co no sera pas on mon nom. Ce sera on votre nom et vous deviondrez fameux parmi les tribus ijufind on dira que vous donnez votre proprit pour un potlatch l (p. 1342, 1. Sletsuiv.). (3) Le domaine du potlatch dpasse en effet les limitea des tribus du Nord-Ouest. En particulier il faut considrer l' mking 1~'eativat J des Eskimosde l'Alaska comme autre chose que comme un emprunt aux tribus indiennes voisines: v. plus loin. p. 53 n. 3. (4) V. nos observations dans Ann Soc., t. XI, p. 101 et t. XII, >. 872-374t Anthropologie,1920.(C. R. des sances do l'Institut frane ais d'Anthropologie). M. Lenoir a signal deux faits assez nets do potlatch en Amrique du Sud [Expditionsmaritime* en Mlansie in Anthropologie,sept. 1924).

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SOUMIS ARCHAQUE DE L'CHANGE

clans et les familles,nous semblait rester du type plus lmentairede la prestation totale. Cependant, des recherches plus approfondies font apparattre maintenant un nombreassez considrablede formes intermdiaires entre ces changes rivalit exaspre, destruction de richesses comme ceux du nord-ouest amricain et de Mlansie,et d'autres, mulation plus modre o les contractants rivalisent de cadeaux ainsi nous rivalisons dans nos trennes, nos festins, nos noces, dans nos simples invitations et nous nous sentons encore obligs nous revanchieren (1),commedisentles Allemands. Nous avons constat de ces formes intermdiaires dans le monde indo-europen antique, en particulier chez les Thraces (2). Divers thmes rgles et ides sont contenus dans ce type de droit et d'conomie.Le plus important, parnu cesmcanismes spirituels,est videmment celui qui oblige rendre le prsent reu. Or, nulle part la raison morale et religieuse de cette contrainte n'est plus apparente qu'en Polynsie. Etudions-la plus particulirement, nous verrons clairement quelleforce pousse rendreune chosereue, et en gnral excuterles contrats rels.Thurnwald, Foraehmgm auf den Sahmo IMeln, 1M2, t. $M# 8, emploie le mot. III, p.

desEl.grecque, t. XXXIV, (2)Bw. 1921.

CHAPITRE PREMIER Les Dons changs et 1'obligation de les rendre (Polynsie)

1PRESTATION contre BIENS UTRINS TOTALE, mascuuns BIENS (SAMOA)

Dans ces recherches sur l'extension du systme des dons contractuels, il a sembl longtemps qu'il n'y avait pas de potlatch proprement dit en Polynsie. Les socits polynsienneso les institutions s'en rapprochaient le plus ne semblaient pas dpasser le systme desa prestationstotales , des contrats perptuels entre clans mettant en commun leurs femmes,leurs hommes,leurs enfants, leurs rites, etc. Les faits que nous avons tudis alors, en particulier Samoa, le remarquable usage des changes de nattes blasonnes entre chefs lors du mariage, ne nous paraissaient pas au-dessus de ce niveau (1). L'lment de rivalit, celui de destruction, de combat, paraissaient manquer, tandis qu'il ne manque E pas en Mlansie. nfin il y avait trop peu de faits. Nous serions moins critique maintenant. D'abord ce systme de cadeaux contractuels Samoa s'tend bien au del du mar