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2015 VOIE ÉCONOMIQUE ET COMMERCIALE OPTIONS ÉCONOMIQUE ET SCIENTIFIQUE SUJET & CORRIGÉ RÉSUMÉ DE TEXTE

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2015

VOIE ÉCONOMIQUE ET

COMMERCIALE

OPTIONS ÉCONOMIQUE

ET SCIENTIFIQUE

SUJET & CORRIGÉ

RÉSUMÉ DE TEXTE

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ESPRIT DE L’ÉPREUVE

■ ESPRIT GÉNÉRAL

L’exercice du résumé consiste à condenser l’essentiel d’un texte plus long à visée

argumentative, en rendant compte de son fil directeur et en reformulant de façon la plus

personnelle possible les idées d’un auteur. L’épreuve de résumé proposée par Ecricome se

caractérise par le respect de trois contraintes: le texte doit être résumé en 250 mots, avec

une tolérance de plus ou moins 10 % (à savoir entre 225 et 275 mots), un titre est demandé

au début du résumé et le temps imparti est de 2 heures. Ces règles spécifiques participent à

la difficulté de l’épreuve car le candidat doit à la fois être rigoureux dans l’analyse du texte

donné, efficace dans la gestion du temps, clair et précis dans la restitution des idées

essentielles et leurs articulations. Enfin donner un titre pertinent requiert de la sagacité car

il faut mettre en valeur la problématique essentielle du texte.

■ ÉVALUATION

Compréhension, mise en évidence de l’architecture logique du texte.

Autonomie : le résumé doit être intelligible en lui-même, sans que le lecteur ait à connaître

le texte original ; son contenu sera reformulé autant que possible.

Correction de la langue (en particulier grammaire, lexique et orthographe) et du style.

Respect des normes quantitatives : le texte d’environ 2000 mots sera résumé en 250 mots

avec un écart toléré de 10%. Un comptage précis des mots sera exigé.

■ CONSIGNES

Résumer ce texte en 250 (deux cent cinquante) mots.

On tolère 10% en plus ou en moins (225 au moins, 275 au plus).

Tout manquement à ces normes (par excès ou par défaut) sera gravement sanctionné. Par

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exemple, un résumé atteignant 300 ou n’atteignant pas 200 mots, sera noté zéro.

Donner un titre au résumé (les mots du titre n’entrent pas dans le décompte des mots).

Indiquer le nombre de mots utilisés en portant les mentions suivantes très lisiblement et à

l’encre : repère formé d’un double trait // dans le texte écrit après chaque tranche de 50

mots, décompte chiffré cumulatif (50, 100, 150 etc…) en regard dans la marge, total exact

en fin d’exercice.

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SUJET

Être discret, c'est-à-dire ne pas se faire remarquer, savoir se taire et se rendre invisible,

sortir donc d'avance ou au moins par moments du jeu de coqs de la monstration et de la

reconnaissance, relève en apparence d'une simple vertu morale. Ce n'est donc pas

nécessairement une joie, pas nécessairement une expérience singulière et féconde, mais

d'abord un devoir que l'on doit remplir pour vivre dans le monde en se pliant à ses normes,

ses précellences, ses restrictions. Mais d'où vient alors une telle morale de la discrétion ? En

première analyse, la discrétion semble plonger ses racines encore plus loin, dans un fonds

immémorial, propre non seulement à l'humanité, mais à la vie tout entière en tant que celle-

ci serait primordialement dissimulation et mensonge, ou au moins à la vie des plantes et des

animaux les plus faibles, « ceux à qui il est refusé de mener une lutte pour l'existence à coup

de cornes ou avec la mâchoire aiguë d'une bête de proie » comme dit Nietzsche. Ce que

semble confirmer le langage commun lui-même. Imaginons un instant l'homme dans les

immenses forêts du paléolithique, entouré de bêtes sauvages tantôt plus dangereuses que lui,

tantôt plus rapides : s'il ne sait pas d'instinct se faire discret, « avancer à pas feutrés » comme

un félin, « se tapir » dans des terriers comme les petits mammifères, « se fondre dans le

paysage » comme un caméléon ou un phasme, il est à coup sûr perdu d'avance et finira assez

vite par être mangé ou par mourir de faim. En ce sens, la discrétion proviendrait de notre part

la plus animale, ce ne serait qu'une forme particulière de notre instinct de conservation.

Soyons toutefois un peu plus précis et regardons à nouveau les jungles hostiles. La vie

semble en fait y inventer, presque à parts égales, d'un côté les formes les plus inattendues de

discrétion, de l'autre les formes les plus bariolées de monstration et de démonstration de soi.

D'un côté une multitude de terriers, de cachettes, d'ombres furtives, de silence ; de l'autre

une débauche de couleurs, de formes, de cris, de parades. Plus encore, même les animaux les

plus discrets n'y sont jamais en sécurité : leurs prédateurs ont fini aussi par apprendre à les

débusquer, à creuser leurs terriers ou à attendre patiemment la plus légère apparition qui les

perdra. L'animalité est autant une école de l'indiscrétion qu'une école de la discrétion. Et, en

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ce sens, on ne saurait y voir le fondement d'une expérience singulière de la disparition qui

alterne sans doute entre les deux mais ne les confond jamais. L'animalité, au contraire, serait

un moment de complète confusion dans lequel discrétion et indiscrétion s'identifieraient au

sein d'un même art de l'adaptation aux circonstances. Ce n'est pas pour rien, à cet égard, que

lorsque Nietzsche décrit ces formes originelles de la vie, il parle d'art du mensonge, de la

dissimulation, ou mieux encore d'art du masque, mais pas de discrétion à proprement parler.

Car il y a deux raisons, presque toujours simultanées, de porter un masque : pour se cacher et

pour se montrer, pour se fondre dessous ou au contraire pour mettre en avant certains traits

particuliers. Ce n'est donc pas sur ce terrain que l'on risque de trouver l'invention en propre

de la discrétion sauf à faire du carnaval son moment privilégié d'expression, au risque de ne

plus savoir du tout de quoi l'on parle.

Commençons donc plutôt notre enquête sur le terrain de la morale, littéralement des

mœurs, c'est-à-dire des règles communes de comportement en société, au-delà des formes

instinctuelles de dissimulation.

À première vue, il semble difficile de trouver une morale ou une culture traditionnelle

qui ne prône pas d'une manière ou d'une autre la discrétion. Sans doute, ses manifestations

concrètes peuvent s'avérer infiniment variables historiquement et géographiquement : ici il

faudra apprendre à ne pas faire de bruit, là à ne pas lever les yeux, ailleurs à ne pas sentir ou

à ne pas toucher ; ici à ne pas se montrer dans certains lieux, là à ne pas se manifester dans

certains moments ; ici à ne pas s'intéresser à « ce qui ne nous regarde pas », là à ne pas se

manifester même si ça nous regarde, voire surtout si ça nous regarde ; ici à se couvrir le corps

ou la tête pour manifester son retrait, là à se découvrir le corps ou la tête pour manifester son

bienveillant respect ; ici à s'interdire uniquement certains mots et certaines questions, là à

s'interdire uniquement certains gestes et certaines postures ; ici à contraindre le corps, là à

contraindre le vêtement, ailleurs à contraindre le verbe. Mais, à chaque fois on trouverait le

même invariant formel : aucune morale ne semble pouvoir se constituer sans établir certaines

règles de discrétion.

On peut d'abord le comprendre logiquement. La discrétion, quels que soient les objets,

les sens, les lieux et les temps auxquels elle s'applique, ne consiste-t-elle pas originellement à

restreindre ses manifestations pour laisser une place à l'autre ou au monde ? Or n'est-ce pas

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là le sens premier de toute morale, de toute réglementation du comportement : apprendre

que son moi n'est pas le centre du monde, et que les autres, avec leur propre désir de

manifestation, existent et ont un droit, tantôt égal, tantôt supérieur mais jamais inférieur, à

être et à occuper la scène de la vie ? En ce sens, on pourrait presque dire que la discrétion

constitue peut-être le plus petit dénominateur commun de toute moralité : entrer dans le

sollen-sein ou le ought-to-be, dans le devoir-être de la morale, ce serait primordialement

entrer dans le devoir de ne pas être trop et de se rappeler que l'Autre existe (qu'il soit Dieu,

prochain, semblable, étranger). A contrario, le véritable barbare, le non-civilisé par excellence,

ce serait non pas celui qui ignore la distinction entre le bien et le mal - cela arrive même aux

meilleurs -, ce ne serait même pas l'égorgeur de veuves et d'orphelins - on a connu des

civilisations qui n'avaient guère de scrupules face à de telles pratiques - mais celui qui se

manifeste un peu trop, qui « la ramène un peu trop » comme on dirait aujourd'hui.

On peut ensuite comprendre plus simplement une telle universalité de la discrétion de

manière empirique. Ne la retrouve-t-on pas, de fait, dans toutes les cultures ? Les Romains

ont certes inventé le terme de discretio, signifiant d'abord séparation et mise au secret ; mais

les Grecs avaient l'aidôs, la pudeur ou la vergogne, sur laquelle nous allons revenir ; les juifs

eurent la anava (modestie ou humilité) et la tsniout (l'ensemble des règles de pudeur) ; les

chrétiens la modestia et l'humilitas en partie seulement dérivés de la anava juive ; les

musulmans ont le harim (le lieu secret ou intime), la hichma (la pudeur ou la retenue qui règle

les rapports entre les générations) et le haya (le respect ou la politesse). On trouverait à coup

sûr des règles similaires dans les cultures d'Extrême-Orient ou d'Afrique, dans les cultures du

monde entier. Confucius ne conseillait-il pas aussi de « se regarder scrupuleusement soi-

même mais ne regarder que discrètement les autres » ? Toutes les morales semblent s'être

ainsi penchées sur cette nécessité d'imposer, tantôt de manière très floue tantôt de manière

très précise, une séparation ou une bonne distance non seulement dans les relations

interhumaines, mais aussi bien dans les relations avec Dieu ou avec la Nature, voire dans les

relations avec soi-même. La discrétion constituerait ainsi une sorte d'invariant

anthropologique empirique presque comparable à la prohibition de l'inceste : à chaque fois

les règles sont différentes, mais à chaque fois est identique la nécessité d'imposer une

séparation entre les êtres et entre les choses par restriction et dissimulation de la subjectivité

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individuelle. Cet invariant anthropologique connaît toutefois en apparence une exception : la

civilisation occidentale moderne. Celle-ci ne se constitue-t-elle pas en effet autour de la

promotion historiquement inédite de la subjectivité, faisant du même coup de l'altérité et de

la différence un enfer à la manière du Huis clos de Sartre : « l'enfer, c'est les autres » ? C'est

l'un des sens que l'on prêtait à l'attaque nietzschéenne de la moralité occidentale, et en

particulier de Rousseau, cette « tarentule morale » qui aurait infecté tout le champ de la

conscience occidentale avec ses rêves de sincérité totale, de petites communautés

transparentes, et sa condamnation du théâtre, des masques, de toutes les formes de la

représentation en général, c'est-à-dire de la distance de soi aux autres. C'est l'un des sens, plus

encore, que Foucault décèle dans la relation que notre modernité occidentale entretient avec

sa propre sexualité. Pourquoi et comment, se demande-t-il, en sommes-nous venus à nous

intéresser autant à la sexualité, à la mettre en discours comme jamais, à braquer sur elle tous

les projecteurs du pouvoir, à y voir l'identité et la vérité décisive de chacun ? Et il répond : c'est

là le résultat d'un long processus de confessions, d'aveux, d'investigations pseudo-

scientifiques, de préoccupations bio-politiques qui ont fait de l'homme occidental bien moins

un animal réprimé et pudique qu'un animal profondément indiscret.

Mais c'est bien plus encore et bien plus radicalement le sens de l'attaque frontale que

mène Lévi-Strauss, à la fin du troisième volume des Mythologiques, en opposant à la morale

occidentale centrée sur le sujet, « cet insupportable enfant gâté de la philosophie » comme il

dira plus tard, « une morale immanente aux mythes amérindiens » qui pourrait se définir

comme une morale de la discrétion. Ce n'est en effet pas un hasard si ce volume s'achève sur

le mot discrétion. Plus décisivement même, Lévi-Strauss écrit ceci en des lignes magnifiques :

« On nous a habitués dès l'enfance à craindre l'impureté du dehors. Quand ils

proclament, au contraire, que "l'enfer, c'est nous-même" les peuples sauvages donnent une

leçon de modestie qu'on voudrait croire que nous sommes encore capables d'entendre. En ce

siècle où l'homme s'acharne à détruire d'innombrables formes vivantes, après tant de sociétés

dont la richesse et la diversité constituaient de temps immémorial le plus clair de son

patrimoine, jamais, sans doute, il n'a été plus nécessaire de dire, comme font les mythes,

qu'un humanisme bien ordonné ne commence pas par soi-même, mais place le monde avant

la vie, la vie avant l'homme, le respect des autres êtres avant l'amour-propre ; et que même

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un séjour d'un ou deux millions d'années sur cette terre, puisque de toute façon il connaîtra

un terme, ne saurait servir d'excuse à une espèce quelconque, fût-ce la nôtre, pour se

l'approprier comme une chose et s'y conduire sans pudeur ni discrétion. »

On doit alors préciser comment se pense, dans la « philosophie des sauvages », une

telle morale immémoriale de la discrétion. Lévi-Strauss la nomme une « déférence envers le

monde » qui consiste à s'interdire certains usages et certaines pratiques, non parce qu'ils

constitueraient des « périls pour soi » mais parce qu'ils constituent des « périls pour les autres

». « Les bonnes manières servent, chez les sauvages, à protéger la pureté des êtres et des

choses contre l'impureté du sujet », écrit-il.

Un groupe de mythes amazoniens résume exemplairement un tel propos. Il s'agit de

mythes narrant le voyage en pirogue de la Lune et du Soleil. Tout leur enjeu consiste en effet

à raconter comment le monde ne peut fonctionner que grâce à une bonne distance trouvée

entre la Lune et le Soleil. À trop se rapprocher de la Lune, on aurait un « monde pourri »,

monde du silence, de l'obscurité, de l'humidité, du trop cru ; mais à trop se rapprocher du

Soleil, le monde deviendrait « brûlé », monde du vacarme, de la lumière aveuglante, de la

sécheresse, du trop cuit. D'où la nécessité pour le Soleil et la Lune de voyager sans fin en

pirogue à bonne distance l'un de l'autre. Or dans un tel voyage tous les sens de la discrétion

semblent se condenser : la Lune et le Soleil, l'un à la proue, l'autre à la poupe, sont dans des

positions dissymétriques qui leur interdisent de se voir en face à face (discrétion visuelle) ; ils

ne doivent pas faire trop de bruit pour ne pas effrayer les poissons (discrétion auditive) ; et ils

ne doivent pas remuer sous peine de chavirer (discrétion gestuelle). La discrétion n'est donc

plus simplement exigée pour certains moments ou certains rapports particuliers, elle n'est pas

une obligation morale spécifique, elle est la morale elle-même.

Pierre Zaoui

La discrétion, Editions Autrement, Paris, 2013.

2009 mots

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CORRIGÉS

■ CORRIGÉS

Nous proposons pour cette session deux corrigés différents, preuve de la richesse de cet

exercice formel et formateur.

1

La discrétion ou la transcendance de la morale

La discrétion, qui est l’art de s’effacer, ne s’observe pas par plaisir, mais par devoir.

Pour expliquer son origine, il ne suffit pas d’invoquer l’instinct de conservation qui poussait

nos lointains ancêtres à se cacher pour fuir leurs prédateurs, car en réalité la nature inspire

autant// d’exubérance que de dissimulation, qui composent selon Nietzsche un perpétuel jeu

de masques.

Bien plus instructif se révèle le terrain des mœurs, où on constate l’omniprésence des

prescriptions et restrictions touchant à la conduite en société. La discrétion répond alors à un

impératif catégorique prioritaire : faire place// aux autres. En ce sens l’incivilité dénonce

l’importun bien avant le criminel sanguinaire. Dans la variété spatio-temporelle des grandes

civilisations et religions, la terminologie récurrente relative à la discrétion la rend aussi

universelle que l’interdiction de l’inceste.

Seule échappe à cette généralité la culture occidentale// moderne envahie par un

individualisme assoiffé d’authenticité, qui depuis Rousseau condamne les faux-semblants

jusqu’à voir dans l’autre un enfer. Si pour Foucault ces dérives expliquent l’étalage impudique

de la sexualité, Lévi-Strauss souligne la distance entre cet égocentrisme exacerbé et les

cultures amérindiennes qui assignent// à l’homme sa juste place dans le monde. Un récit

cosmologique amazonien, où le soleil et la lune naviguent ensemble, immobiles, et en silence,

illustre l’importance des retenues nécessaires pour garder le monde de tous les excès.

La discrétion apparaît alors comme le fondement de toute morale.

250 mots

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2

La discrétion, mère de toutes les vertus

De prime abord, la discrétion dépendrait originellement d’une morale développée au

contact des exigences sociales. En effet, dans un milieu hostile, l’homme, à l’instar des

créatures animales, a appris à se dissimuler pour survivre. Toutefois, l’animal réussit à se faire

oublier au sein de la nature// en même temps qu’il se manifeste de façon ostentatoire. Cette

dualité ne relève pas d’un comportement discret mais s’inscrit dans une stratégie

d’adaptation.

Il apparaît alors que les origines de la discrétion sont plutôt liées à des principes

moraux fondés, malgré la diversité culturelle, sur de// multiples interdits reposant sur une

idée commune : il faut savoir s’effacer pour laisser place à l’autre. De fait, il existe un aspect

universel de la discrétion : toutes les cultures et les religions ont prôné une obligation de

retenue dans les rapports avec Dieu, autrui et soi-même.

Seul// l’homme moderne, en affirmant la primauté du moi d’où procéderaient

l’obsession rousseauiste de la transparence stigmatisée par Nietzsche et l’apparition d’un

discours axé sur la sexualité, analysé par Foucault, se complait dans les révélations intimes

impudiques. En fait une telle orientation va à l’encontre// des morales développées par les

Amérindiens que Lévi-Strauss estime supérieures à celles occidentales car elles prennent en

compte l’imperfection humaine et privilégient le monde et les autres. Un mythe amazonien

évoquant un équilibre indispensable entre la lune et le soleil, deux éléments antagoniques,

illustre parfaitement la nécessité de considérer// la discrétion comme l’incarnation véritable

de l’exigence morale.

260 mots

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■ REMARQUES SUR LE TEXTE

Le texte proposé aux candidats de la session 2015 comporte 2009 mots ; il est

quasiment de la même longueur que celui de l’an passé (2015 mots). Il est tiré d’un essai

récent paru en 2013 dans lequel son auteur, Pierre Zaoui, philosophe contemporain et

universitaire fait l’apologie de la discrétion à l’heure où la société valorise le paraître et les

confessions impudiques à grand spectacle. L’extrait se trouve dans le premier chapitre visant

à cerner les origines de la discrétion, ses racines immémoriales, sa portée universelle et sa

pertinence sociale et morale.

Le texte est dense, comporte une architecture logique claire, une cohérence

démonstrative et fait la part belle à des références culturelles, en l’occurrence Nietzsche,

Rousseau, Foucault et Lévi-Strauss, que les candidats sont censés connaître à la fin de leurs

deux années de préparation aux concours. De nombreux correcteurs ont cependant déploré

une méconnaissance de ces auteurs et de leurs écrits respectifs. Il apparaît que l’émergence

du moi, à l’époque des Lumières, que les travaux de Foucault sur la sexualité et que la pensée

de Lévi-Strauss sur les peuples dits sauvages ne sont pas des éléments maîtrisés et donnent

lieu dans la grande majorité des cas à des restitutions caricaturales frisant le contresens.

Ainsi la confusion règne lorsqu’il s’agit d’évoquer l’exception occidentale moderne affirmant

la primauté de la subjectivité. Certains candidats comprennent exactement le contraire du

texte, et sous leur plume, Rousseau condamne le moi et préfère la discrétion. D’autres ne

dissocient pas dans leur restitution Rousseau et Nietzsche et effacent la distance temporelle

existant entre ces deux auteurs. Quant à Foucault (le pauvre !), il devient à plusieurs reprises,

un moraliste contempteur de la sexualité qui transforme les « individus en bêtes sauvages »

(sic). Enfin le passage consacré à l’analyse de Lévi-Strauss a suscité de nombreuses

approximations voire de totales incompréhensions. En voici quelques exemples

particulièrement criants : ce penseur s’est intéressé à l’enfance gâtée et protégée, la morale

tournée vers le moi a conduit au massacre des peuples amérindiens… De même, le

traitement de la fable de la lune et du soleil est souvent raté car soit elle est relatée de

manière maladroite et incomplète rendant inopérante la portée morale du mythe, soit elle

est négligée et oubliée. Cette dernière partie du texte, pleine de références est certes

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délicate à reformuler, mais elle constitue le cœur même de l’argumentation de l’auteur et à

ce titre, on ne peut en faire abstraction. Il est d’ailleurs à noter que ce sont dans les copies

les plus faibles que les références pourtant essentielles à la compréhension du texte et à son

déroulement logique sont occultées. Un tel choix radical ampute la richesse du devoir qui

ressemble alors à une simple juxtaposition de quelques réflexions sur la discrétion et vide le

texte entier de son essence.

■ RAPPELS DES PRINCIPES D’ÉVALUATION

En ce qui concerne les consignes de comptage, les candidats semblent bien préparés à

cette épreuve, mais des correcteurs remarquent lors de cette session un oubli plus fréquent

dans la marge des chiffres correspondant au décompte et une tendance à ajouter par-ci par-

là des mots. Cependant les grands écarts de format restent exceptionnels (seules 16 copies

ont obtenu la note zéro pour infraction à l’impératif de format) mais se multiplient de légers

dépassements habilement maquillés en 275. Même si l’on peut se réjouir d’une tendance

qui se confirme année après année d’une fourchette modeste de 1 à 6 mots au-delà du

format prescrit, il est utile de rappeler aux candidats distraits ou délibérément tricheurs que

les correcteurs s’assurent du nombre exact des mots employés dans chacune des copies.

L’épreuve de résumé d’ECRICOME se distingue par l’attention portée à la qualité de la

langue et de la syntaxe. Il est à noter cette année une recrudescence des copies comportant

plus de 5 fautes qui côtoient heureusement des copies exemptes de fautes. Les fautes

recensées les plus fréquentes tournent autour de la mauvaise maîtrise de la construction de

l’adverbe, « constament »/ « précisemment », des problèmes d’accord entre les noms et les

adjectifs et entre les verbes et les sujets, de l’oubli de l’utilisation du subjonctif après « bien

que ». Une faute récurrente dans les copies, le terme « vertu » orthographié « vertue ». De

nombreuses perles encore cette année avec les patronymes malencontreusement

écorchés : Nietzsche est malmené, Foucault se transforme en animateur vedette du petit

écran et Lévi-Strauss en vendeur de jeans…Il suffit de lire attentivement le texte pour éviter

ce genre d’erreurs qui amusent les correcteurs mais qui coûtent cher aux candidats. Des

exemples également de barbarismes et de créations lexicales originales : empirie,

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ostensibilité, instinctuelle, monstruation, animaleresque, viruleusement, apanache, pied

d’estal, poids de vue. Quelques correcteurs mentionnent la présence de maladresses

syntaxiques, notamment avec des reprises pronominales approximatives.

Il est toujours utile de rappeler l’importance de la maîtrise de l’orthographe dans cette

épreuve qui pénalise fortement les copies dépassant les 5 fautes et plus. Les futurs candidats

doivent prendre au sérieux cet aspect de l’exercice et s’entraîner avec régularité et efficacité

pour proposer des résumés bien rédigés et sans défaillances d’expression.

Le titre n’est quasiment jamais omis, mais il est rare d’attribuer le point de bonification.

En effet, lors de cette session, pour de nombreux correcteurs, aucun titre ne brille vraiment

par sa pertinence car beaucoup de candidats, par manque d’inspiration, se contentent de

reprendre des mots du texte, empruntant ainsi le chemin de la platitude. On trouve

cependant quelques propositions réussies : La discrétion, mère de toute morale ; La

discrétion, un impératif moral ; La discrétion au cœur de la morale ; La discrétion, pierre

angulaire de la morale ; La discrétion essence même de la morale ; La discrétion, plus qu’un

art, une morale ; De la discrétion, avant toute chose (l’une des rares tentatives de pastiches

réussis).

En revanche, comme à l’accoutumé, cette session comporte son lot de titres décalés,

parfois mal reliés à la problématique de la discrétion ; certains essayent mais en vain

d’apporter une touche d’originalité alors que le texte plutôt sérieux et à caractère

démonstratif ne se prête pas aisément à l’humour. On peut ainsi découvrir une série de titres

loufoques comme : Chut en bas ; Mêle toi de tes oignons ; Un peu de discrétion s’il vous plait ;

La discrétion n’a pas le moral ; Cela ne nous regarde pas ; L’indiscrétion c’est la faute à

Rousseau ; Circulez, il n’y a rien à voir ; La discrétion s’en est-elle allée sur sa pirogue ? ; Le

savoir-vivre, c’est avant tout savoir se cacher ; L’Histoire du retrait de l’homme ; Notre

nombril n’est pas aussi gros qu’on le croit ; Margot contracte ses lèvres au bord de la rivière,

en toute discrétion (sic)…

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■ DES ERREURS ET DE BONNES INITIATIVES

La plus grande majorité des candidats a éprouvé des difficultés pour saisir l’hypothèse

initiale et son enchaînement avec la deuxième partie. En effet beaucoup n’ont pas mis en

évidence le fait que ce n’est qu’en apparence que la discrétion procède de l’instinct de survie

et que son origine est proprement sociale et morale. Elle se situe dans l’ordre de la culture

et non de la nature, d’où le rapprochement avec l’autre élément universel qu’est la

prohibition de l’inceste. De même, la progression « logiquement » puis « de manière

empirique » n’a pas été comprise, par méconnaissance du sens de l’adjectif « empirique » et

cela a eu des répercussions sur la qualité argumentative de certaines copies qui n’ont pas

perçu le cheminement logique de la pensée de Pierre Zaoui. Une fois encore par manque de

finesse lexicale, des candidats ont fréquemment ensuite confondu « la modernité

occidentale » et « notre société actuelle ».

Si le début a cristallisé des maladresses, il en est de même pour la dernière partie du

texte. Un grand nombre de candidats, ayant consommé beaucoup de mots au préalable,

sont amenés à restituer de façon partielle la longue référence aux idées de Lévi-Strauss,

négligeant de mentionner les mythes amérindiens, le rapport au monde et à la vie qu’ils

expriment et ils sacrifient ainsi l’idée finale du texte.

Des correcteurs remarquent particulièrement cette année, dans quelques copies, une

forte propension au plagiat et à la reprise quasi systématique d’expressions clés de l’auteur,

notamment au début avec « vertu morale », « l’art de l’adaptation aux circonstances », « les

formes de monstration et de démonstration de soi », puis « l’invariant anthropologique ».

Enfin un grand nombre de copies imitent mot pour mot la fable du voyage en pirogue avec

la reprise de « discrétion visuelle », « discrétion auditive » et « discrétion gestuelle ».

D’autres correcteurs mentionnent également l’usage intensif de citations entre guillemets.

Il faut rappeler que l’une des règles d’or du résumé, est la capacité à restituer de manière

claire et pertinente l’énoncé d’autrui. A ce titre, l’usage répété des guillemets dans un devoir

est à proscrire.

ANNALES DU CONCOURS ECRICOME PRÉPA 2015 : RESUMÉ DE TEXTE - PAGE 15

Les sujets et corrigés publiés ici sont la propriété exclusive d’ECRICOME. Ils ne peuvent être reproduits à des fins commerciales sans un accord préalable d’ECRICOME.

S’il existe à la marge des résumés constitués d’un seul bloc compact, l’immense

majorité des copies présentent une organisation visible en paragraphes (de 3 à 5) et nous

pouvons nous réjouir de la bonne maitrise de cet aspect de l’exercice. Les copies les plus

brillantes réussissent à trouver des transitions de qualité, soulignant ainsi l’architecture

argumentative du texte proposé. Cependant une bonne moitié des candidats se contentent

d’articulations pauvres, voire privilégient la juxtaposition maladroite des éléments du texte.

Il convient de redire l’importance de ce travail de liaison entre les parties, signe d’une lecture

fine et perspicace, et clé de la réussite de cette épreuve.

La qualité rédactionnelle des meilleures copies et la recherche du mot juste

constituent un autre motif de satisfaction. Il est évident que le sens de la formule judicieuse

illumine un résumé, mais qu’une pseudo reformulation consistant à substituer aux mots du

texte d’apparents synonymes entraine systématiquement maladresses et faux sens.

■ CONSEILS AUX FUTURS CANDIDATS

Il faut accorder une attention particulière au choix du titre qui doit, dès le début de la

copie, montrer que le candidat a saisi les enjeux du texte. Nous vous rappelons qu’un bon

titre est court et prend en considération la thèse essentielle soutenue par l’auteur et ne se

focalise pas sur un élément pris au hasard. Il est toujours envisageable de faire un trait

d’esprit ou d’humour mais lorsque le texte le permet ; utiliser une citation en la détournant

ou proposer un pastiche nécessite une bonne compréhension du texte et un certain sens de

la formule. Mieux vaut s’abstenir en cas de doute car les dérapages sont fréquents…

Nous vous recommandons également dans votre approche du texte de veiller à le

prendre en compte dans son entier, ce qui signifie que vous ne devez négliger aucun

paragraphe. Les correcteurs constatent tous les ans pléthore de résumés délayant le début,

survolant le milieu et négligeant la fin, par manque de mots. La réussite de l’exercice réside

dans la capacité du candidat à prendre en compte la globalité du texte pour une restitution

la plus fidèle possible. Et lorsqu’il s’agit de rédiger, il faut être attentif aux transitions

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présentes dans le texte et au parcours argumentatif pour essayer de les reproduire sans

dénaturer les propos. C’est l’art de s’effacer derrière un auteur…

Dernier conseil : cet exercice requiert des qualités de bon lecteur (rapidité,

concentration, connaissance du lexique) et la meilleure préparation consiste à titiller sa

curiosité, à découvrir de nouveaux horizons et à lire…