ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire...

35
Avril 2000 ANIL HABITAT ACTUALITE ETUDES Les contrats de construction de maisons individuelles dans un marché en expansion : le constat des ADIL La place du contrat de construction de maisons individuelles : bilan global 2 La maîtrise d’oeuvre 11 Le contrôle du prêteur 18 Le sort du chantier en cas de défaillance du constructeur 22 L’assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’Observatoire des Pratiques du Conseil National de l’Habitat

Transcript of ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire...

Page 1: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

Avril 2000 ANILHABITAT

ACTUALITE

ETUDES

Les contrats de constructionde maisons individuelles dans un marché en

expansion : le constat des ADIL

La place du contrat de construction de maisons individuelles : bilan global 2

La maîtrise d’oeuvre 11

Le contrôle du prêteur 18

Le sort du chantier en cas de défaillance du constructeur 22

L’assurance dommages-ouvrage 30

Avec le concours de l’Observatoire des Pratiques

du Conseil National de l’Habitat

Page 2: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

1

Cette étude a été réalisée par l’ANIL et les ADIL et enrichie deséchanges auxquels a donné lieu le colloque sur « les contrats de

construction de maisons individuelles dans un marché enexpansion »

organisé le 29 mars 2000 par l’ANIL en collaboration avec la FFB et l’UNCMI

Le Colloque était articulé autour de trois tables-rondes auxquelles participaient des professionnelsintervenant aux diverses étapes d’une opération de construction et des représentants del’administration :

I - Quel contrat pour quelle protection ?Le choix du contrat pour construire, le respect et le contrôle du contrat de construction de maisonsindividuelles, l’impact du dynamisme du marché sur le déroulement des chantiers, la protection du maîtred’ouvrage dans le contexte de l’Union européenne…

M. Henry BEAUGIRAUD, vice-président de l’UCI / Union des Constructeurs ImmobiliersMme Françoise DAUPHIN, représentant la direction du Trésor, Ministère de l’Economie, des Finances et del’IndustrieM. Claude DUFOUR, président du SYNAAMOB / Syndicat National des Architectes, des Agréés et des Maîtresd’œ uvre en BâtimentM. Dominique DUPERRET, délégué juridique à l’UNCMI / Union Nationale des Constructeurs de MaisonsIndividuellesM. Alain GOURIO, directeur des études juridiques à l’UCB / Union de Crédit pour le BâtimentMme Marie-Louise SGUERSO, représentant la DGCCRF / direction générale de la concurrence, de laconsommation et de la répression des fraudes, Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie

II- Le sort du chantier en cas de défaillance des intervenantsLa mise en jeu de la garantie de livraison en cas de défaillance des constructeurs ou des garants, l’agrément et lecontrôle des garants, la protection des sous traitants…

Mme Françoise DAUPHIN, représentant la direction du Trésor, Ministère de l’Economie, des Finances et del’IndustrieM. Philippe MALER, sous-directeur à la DGUHC / direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de laconstruction, Ministère de l’Equipement du Logement et des TransportsM. Pierre MAURIN, représentant l’AGI / Association des Garants de l’ImmobilierM. Arnaud PIGNOL, délégué général de l’ UNCMI / Union Nationale des Constructeurs de Maisons IndividuellesM. Didier RIDORET, président du CNSTB / Conseil National de la Sous-Traitance du Bâtiment

III- Qualité des terrains et des constructions : prévention et assuranceL’adaptation de la construction au terrain, l’étude de sol, l’évolution de l’assurance dommages- ouvrage, lestravaux réservés, la certification de la maison individuelle…

M. François AUSSEUR, directeur des relations extérieures à la SMABTP/ Société Mutuelle d’Assurance duBâtiment et des Travaux PublicsM. Christophe DUBAIL, directeur de CEQUAMIM. Jean-Michel ETIENNE, sous-directeur à la DAEI / Direction des Affaires Economiques et Internationales,Ministère de l’Equipement, du Logement et des TransportsM. Arnaud PIGNOL, délégué général de l’UNCMIM. Guy PORTMANN, président directeur général de France Terre, vice-président du SNAL/Syndicat National des Aménageurs LotisseursM. Pierre POSSEME, président du Conseil des professionsM. Dominique TARRIN, directeur général adjoint de l’ Agence Qualité ConstructionMaître Patrick WALLUT, notaire

Chaque table-ronde était précédée d’une présentation du constat des ADIL, par M. Augustin CHOMEL, directeur del’ADIL du MorbihanLes débats étaient animés par M. Bernard COLOOS, directeur des affaires économiques et financières à la FFB

M. Philippe MALER, sous-directeur à la DGUHC, Ministère de l’Equipement des Transports et du Logement,devait tirer conclusions des travaux

Page 3: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

2

La place du contrat de construction de maisons individuelles Bilan global

Sur les 820 000 consultations accordées par les ADIL en 1999, près d’un tiers concernaitl’accession à la propriété et 43 % des 32 000 simulations financières effectuées par les ADIL dans44 départements portaient sur la construction d’une maison en secteur diffus.

La bonne santé du marché de la maison individuelle s’est traduite depuis deux ans par uneprogression régulière des demandes relatives à la construction.Dans les départements où l’ADIL est implantée depuis quelques années, les candidats à laconstruction consultent l’ADIL, de plus en plus, avant de s’engager, le conseil préventif de l’ADILétant alors d’autant plus efficace. Il n’en demeure pas moins qu’un grand nombre de maîtresd’ouvrage s’adressent également à l’ADIL à l’occasion de difficultés qu’ils rencontrent après avoirsigné leur contrat, ce qui autorise les ADIL à analyser les pratiques des différents intervenantsdans les opérations de construction.

Régulièrement depuis l’entrée en vigueur de la loi de 1990, l’ANIL a suivi sa mise en place et s’estfait l’écho des comportements et des pratiques observés par les ADIL.

« L’état de lieux », présenté lors d’un premier colloque en septembre 1996, avait confirmé leprogrès significatif apporté par la loi de 1990, tout en mettant déjà en évidence un certain nombrede difficultés : principalement, les contournements du contrat de construction au profit des fauxcontrats de maîtrise d’œ uvre, le défaut d’assurance dommages-ouvrage, la difficile évaluation desfrais d’adaptation au sol et l’application systématique de la franchise de 5 % en cas de mise en jeude la garantie de livraison.

Près de dix ans après la promulgation de la loi et dans un contexte économique profondémentmodifié – un marché de la maison individuelle extrêmement dynamique-, c’est aujourd’hui un bilancontrasté qui est dressé.

Même si des difficultés demeurent, les améliorations engendrées par la loi sont globalementconfirmées en ce qui concerne le respect de l’échelonnement des paiements, le contenu et lecontrôle du contrat initial, la définition du prix forfaitaire et la garantie de livraison ; bien que lamise en œ uvre de la garantie de livraison à prix et délais convenus soit très imparfaite, elle joueun rôle préventif important ; la sélection des constructeurs qui en résulte et le contrôle opéré par legarant, lorsqu'il est rapide, contribuent à améliorer le déroulement des chantiers.

Les interventions de garants non agréés, apparus plus tardivement, sont en voie de régressiongrâce à une meilleure information des constructeurs à laquelle les ADIL ont contribué.Les difficultés des maîtres d’ouvrage victimes de la liquidation du garant « Mutua Equipement »,qui ont conduit à la mise en place d’un fonds de caution dans le cadre de la loi sur l’épargne et lasécurité financière, sont en cours de règlement.En revanche, sans que l’on puisse affirmer qu’ils se soient tous aggravés à proportion del’augmentation des constructions, les dysfonctionnements évoqués en 1996 persistent, voire sedéveloppent : une part importante de contrats de maîtrise d’œ uvre, mais aussi un certain nombrede contrats d’entreprise, devraient être requalifiés en contrat de construction de maisonindividuelle ; les tarifs de l’assurance dommages-ouvrage restent dissuasifs et nombre de maîtresd’ouvrage se laissent convaincre de son caractère optionnel ; l’absence fréquente d’études de solet d’évaluation précise des travaux d’adaptation reste un facteur de surcoûts, tandis que le défautd’adaptation au sol est à l’origine d’importants désordres (environ un tiers des coûts deréparations en maison individuelle, selon l’Agence Qualité Construction) ; la mise en jeu de lagarantie de livraison relève parfois du parcours du combattant.

En outre, les avenants aux contrats, les travaux réservés, la remise des clés soumise à la levéedes réserves sont des pratiques encore fréquentes. La forte demande de maisons individuellesentraîne des allongements importants de délais et semble-t-il un risque d’augmentation desdésordres dans les constructions.

Page 4: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

3

Malgré les contournements de la loi et les pratiques contestables observés, les ADIL considèrentdans l’ensemble que le contrat de construction de maison individuelle est sensiblement plusprotecteur que les autres modalités contractuelles, surtout pour les maîtres d’ouvrage disposantd’un budget modeste.Cependant, en ce qui concerne la qualité globale de la prestation apportée au maître d’ouvrage,elles soulignent que cela dépend moins de la nature juridique du contrat utilisé, que du sérieux del’entreprise, de la qualification de son personnel, de la rigueur de l’organisation des chantiers, dutemps et du soin consacré à la réalisation de l’opération, ainsi qu’aux procédures de contrôleinterne.

________________________________________

L’image du professionnel prime sur le cadre juridique

Les arguments en faveur du contrat de construction de maison individuelle les plus fréquemmentmis en avant par les consultants des ADIL continuent d’être par ordre décroissant : la simplicité -un seul contrat, un seul interlocuteur qui prend en charge l’opération globale-, un coût d’opérationbien cerné dés le départ et la garantie de livraison.Toutefois, le particulier a souvent du mal à distinguer la prestation du constructeur de celled’autres intervenants notamment lorsqu’il s’agit d’un maître d’œ uvre.C’est souvent la réputation du professionnel et la relation de confiance qui prédominent et non lechoix du cadre juridique.Dans la grande couronne des agglomérations et en Ile-de-France, le recours à un constructeur esttrès largement majoritaire. Dans la périphérie plus proche, le renchérissement du foncier favorisela commercialisation de programmes en individuel groupé dans le cadre de la vente en état futurd’achèvement par des promoteurs.En revanche, dans les départements ruraux, et l’Ouest particulièrement, la profession de maîtred’œ uvre est bien implantée et reconnue ; l’image des constructeurs est encore ternie par lesouvenir des « pavillonneurs nationaux ou régionaux » des années 70 et 80 dont plusieurs ontdisparu laissant parfois d’assez nombreux chantiers à l’abandon. Cette mauvaise image tend às’estomper sans doute grâce à la garantie de livraison à prix et délai convenus, qui a permis unassainissement réel de la profession, mais elle peut expliquer une certaine méfiance à l’égard desgros constructeurs de dimension nationale ou des professionnels franchisés.Nombreux sont les exemples de constructeurs locaux qui ont su se forger une réputation desérieux et de fiabilité au fil du temps, en particulier auprès d’une clientèle implantée anciennementdans la région où ils exercent.

La pratique du contrat de construction

De façon schématique, on peut faire un double constat :

On observe une amélioration progressive de la situation et des pratiques pour un certain nombrede constructeurs de maisons individuelles qui ont désormais bien intégré la législation de1990.Les plus gros risques, notamment l’inachèvement de la construction, sont en régression. Il n’endemeure pas moins qu’on relève un certain nombre de problèmes, mais ceux-ci portent de moinsen moins sur le contrat lui-même et sont essentiellement relatifs à l’exécution des travaux (délais,malfaçons ou défauts de conformité le plus souvent mineurs), ainsi qu’à l’achèvement desconstructions lié pour une part à la surcharge d’activité des entreprises du bâtiment en 1999.

En revanche, chez d’autres professionnels, sans doute minoritaires, persistent ou réapparaissentdes pratiques illégales ou abusives dans le cadre du contrat de construction. Il s’agit assezsouvent, mais pas seulement, d’entreprises récentes ou nouvellement créées à la faveur de lareprise et de l’essor de la construction de maisons individuelles.

Page 5: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

4

Les contournements du cadre légal du contrat de construction se poursuivent

L’essor du marché de la construction favorise le maintien ou le retour de professionnels « fauxmaîtres d’œ uvre, constructeurs sans garantie » (anciens constructeurs en faillite, commerciaux oudessinateurs de constructeurs, entreprises générales de bâtiment ou entreprises de maçonneriese chargeant de la totalité de la construction… ), qui opèrent en marge du champ d’application dela loi de 1990. Sauf à mettre en cause la responsabilité du prêteur, les sinistres engendrés par ladéfaillance des entreprises sont alors sans véritable solution. Dans certains départements, cescontournements ont notablement progressé.Bien qu’il n’existe pas de statistiques détaillées, les observateurs avertis s’accordent sur le faitque, sur un total de 187 000 maisons mises en chantier en 1999, environ 30 000 ont échappéillégalement au champ d’application de la loi de19901.

Les principales difficultés concernant le contrat de construction

La conclusion du contrat de construction

Des contrats de construction signés avant la vente ou la promesse de vente du terrain

Dans un certain nombre de cas, la signature du contrat de construction avec versement de fondsintervient alors qu’aucune promesse ou compromis de vente de terrain n’a été signé ; souventseule une réservation parfois verbale est intervenue. Dans une période où l’essor de laconstruction de maisons individuelles alimente une forte demande de terrains à bâtir, un certainnombre de lotissements sont commercialisés avant la délivrance de l’autorisation de lotir enrecourant à la technique des contrats de réservation pour contourner l’interdiction des ventes etpromesses de vente avant l’arrêté de lotir. De plus, la pratique des lotissements communauxconsiste souvent à ne pas faire d’avant-contrat, mais une simple réservation verbale ou une lettred’intention de l’accédant qui lui permet d’être inscrit sur une liste.

Le formalisme légal requis au moment de la conclusion du contrat n’est pas toujours respecté

Selon les observations des ADIL, corroborées par celles des professionnels, le nombre decontrats faisant l’objet de l’exercice de la faculté de rétractation prévue par la loi, est extrêmementfaible.La pratique de certains constructeurs faisant signer uniquement le contrat, pour bloquerl’opération, n’a pas complètement disparue ; les autres documents (plan et notice descriptive)sont établis plus tard et adressés ou remis ultérieurement au client.L’envoi du contrat en lettre recommandée tend à devenir moins systématique. De plus en plussouvent, seul le contrat est adressé sans la notice, ni le plan de la maison.

Des délais parfois inadaptés pour la réalisation des conditions suspensives et le démarrage duchantier

Il est de plus en plus fréquent que les contrats de construction prévoient des délais de réalisationdes conditions suspensives très longs, qui peuvent aller jusqu’à 12 voire 24 mois. Ce délai permetde lier le client et aboutit à l’empêcher de se dégager si l’opération ne peut se concrétiser dans undélai normal.

A l’inverse, le délai pour démarrer le chantier, une fois les conditions suspensives réalisées, netient pas toujours compte du délai de recours des tiers contre le permis de construire. Leconstructeur est souvent poussé par le maître d’ouvrage à démarrer au plus tôt le chantier sansattendre d’être certain que le permis ne puisse plus être remis en cause. La rédaction du contrat 1 En 1999, 187 000 maisons individuelles ont été mises en chantier (secteur diffus et groupé confondu), dontenviron 50 000 en secteur groupé (32 000 par un promoteur avec un seul permis par programme et environ20.000 sous forme de contrats de vente en l’état futur d’achèvement, au coup par coup, que l’on pourraitqualifier de « groupé isolé »). Sur les 127 000 maisons en secteur diffus, 30 000 ont été mises en chantier sousforme de contrats lot par lot généralement accompagnés d’un contrat de maîtrise d’œuvre conforme ; 69 000dans le cadre du contrat de construction de maisons individuelles régi par la loi du 19 décembre 1990 (sourcesUNCMI et FFB).

Page 6: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

5

devrait permettre de résoudre ce problème, rare au demeurant, mais dont les conséquencespeuvent être lourdes.

Les dispositions relatives à la garantie de remboursement et au dépôt de garantie parfoisignorées

L’exigence d’un versement d’un chèque d’acompte au nom du constructeur à la signature(encaissé ou non) est assez fréquente, alors même qu’il n’existe pas de garantie deremboursement. L’attestation de la garantie de remboursement n’est pas annexée au contrat.Récemment, un constructeur important en faillite a encaissé, quelques jours avant l’ouverture dela procédure de redressement judiciaire, les chèques remis. Le versement des acomptes n’ayantpas été déclaré au garant, la garantie de remboursement n’a pu jouer. Une trentaine d’accédantset sans doute davantage ont perdu des sommes de l’ordre de 15.000 à 25.000 F chacun.

Le problème des travaux d’adaptation au sol

Dans le contexte exceptionnel de l’année 1999, nombre d’ADIL ont été consultées sur desproblèmes liés à l’adaptation au sol, consistant dans des surcoûts dus à des travauxsupplémentaires de fondations nécessités par la nature du sol, non prévus ou mal évalués audépart.

Les assureurs savent par ailleurs, et les statistiques de l’Agence Qualité Construction l’attestent,que le défaut d’études de sol est un problème majeur pour diminuer les risques de sinistresimportants (cf. § «L’assurance dommages ouvrage»).

Erreurs d’évaluation en hausse ou baisse de la qualité des terrains à bâtir ?

On sait qu’il n’y a que très rarement une étude de sol. Dans un environnement très concurrentiel,pour ne pas risquer de perdre un client, le constructeur se contente de pratiquer une« reconnaissance de sol », c’est-à-dire un sondage sommaire pratiqué sur le terrain au momentde la négociation du contrat. Cette approche minimaliste entraîne régulièrement des erreurs plusou moins importantes d’appréciation du coût des fondations.En outre, dans la mesure où généralement à ce stade, le maître d’ouvrage n’est pas propriétairedu terrain, il peut être difficile en pratique d’obtenir l’autorisation du propriétaire pour faire desinvestigations plus approfondies.S’agissant de la vente de terrains situés dans un lotissement, les aménageurs lotisseurs en tantque vendeurs professionnels sont tenus de garantir le terrain contre les vices cachés 2 ; le SNALrecommande à ses adhérents d’autoriser les candidats acquéreurs à faire une reconnaissance dusol précise et des sondages avant l’acquisition du terrain et de transmettre à leurs clients lesinformations dont ils disposent eux-mêmes : l’étude de reconnaissance de sol générale exécutéepar un géo-technicien et l’étude de sol sur la partie des VRD du lotissement.

Pour échapper aux conséquences légales d'un surcoût pour fondations spéciales, quelquesconstructeurs modifient la notice descriptive type en y incluant de nouvelles rubriques pour tenterde s’exonérer de leur responsabilité si des travaux d’adaptation au sol s’avéraientindispensables ; selon les cas, les chiffrages mentionnés dans la notice sont indiqués « horsutilisation brise rocher » ou « hors adaptation au sol » ou encore « terrassement en terrainrocheux non compris » ; dans ce dernier cas, le coût est chiffré en prix TTC à l'heure... D’autresconstructeurs portent dans la notice descriptive des mentions telles que « Les prix … s’entendentdans un terrain normal, ne comprenant pas de rochers et ne nécessitant pas l’emploi d’un marteaupiqueur ou d’explosifs ». A la rubrique relative au terrassement, il est prévu la possibilité dedemander au maître d’ouvrage « un supplément pour fouilles spéciales compte tenu de la naturedu terrain ; ce poste ne pourra être chiffré qu’après le décaissement ».

2 La responsabilité du vendeur de terrain à bâtir, et notamment du lotisseur en tant que professionnel, estrégulièrement recherchée sur le fondement de la garantie des vices cachés. La question est de savoir si, dans lecadre de ses obligations de vendeur, le lotisseur ne devrait pas être tenu d’informer l’acheteur non professionnelde la consistance du sol comme certains aménageurs le font déjà.

Page 7: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

6

Rappelons qu’il s’agit de pratiques illégales3 . Elles sont cependant révélatrices de difficultéspersistantes ; en effet, les constructeurs ne peuvent, en l’état actuel du droit, faire payer uneétude de sol au maître d’ouvrage en plus d’un prix convenu et redoutent dans un contexte trèsconcurrentiel de voir le client se tourner vers un autre intervenant une fois en possession desrésultats. .

L’augmentation des constructions de maisons individuelles en 1999 explique sans doute pour unepart, celle des questions relatives aux travaux d’adaptation au sol.De plus à la périphérie des villes ou agglomérations, les terrains de bonne qualité ont étéconsommés en priorité ; ensuite, la pression foncière s’accentuant, des terrains dont le solnécessite des travaux d’adaptation plus coûteux voire importants (anciennes carrières, terrainsremblayés, zones marécageuses… ) sont mis sur le marché.

Rendre les études des sols obligatoires ?

La solution de l’étude de sol obligatoire, préconisée par un grand nombre d’ADIL, permettrait sansdoute d’éviter la majeure partie des problèmes. Cependant, elle est coûteuse (environ 5 000 F etau minimum 15 000 F pour un sondage ) et ne peut être efficace que si l’implantation exacte de lamaison et la nature du projet (matériaux, hauteur, dimension..) sont précisément connues4.Il reste à savoir jusqu’où devrait aller l’information fournie à l’acquéreur (simple étude de sol ousondages plus précis) ? Faudrait-il l’exiger partout et quel que soit l’acquéreur (professionnel ounon professionnel ?)Qui devrait la fournir (vendeur du terrain ou lotisseur, acheteur maître d’ouvrage, constructeur ouentrepreneur… ), sachant qu’en définitive cet élément de sécurisation de l’acquéreur anécessairement un coût qui viendra alourdir le coût total de l’opération5 ?

Quoiqu’il en soit, en l’état actuel des choses, on constate que dans la mesure où le surcoût n’estpas très important, le constructeur - dans le cadre des obligations qui lui incombent6- est obligéde le prendre en charge, parfois après avoir tenté de faire signer un avenant au maître d’ouvrage.Mais il est des cas où l’équilibre économique de l’opération est totalement bouleversé, ce quiremet en cause sa faisabilité.

On retiendra que la situation actuelle n’est pas satisfaisante puisque :– soit le constructeur supporte le surcoût seul ou solidairement avec le lotisseur7 ;– soit dans le cadre d’une transaction, il partage le surcoût avec le maître d’ouvrage.

En outre, dans la mesure où le coût des travaux d’adaptation supplémentaires est laissé à lacharge du constructeur sans contrepartie, celui-ci peut être incité à les réaliser à moindre fraissans respecter les règles de l’art, reportant ainsi le risque sur l’assurance construction, ce quicontribue sans doute à l’aggravation de la sinistralité.

En pratique, on soulignera que le garant veille à l’équilibre économique de chacun des contratsconclu par le constructeur et refuse d’accorder sa garantie si la marge du chantier s’avèreinsuffisante. Dès lors, le contrat de construction étant conclu sous condition suspensive del’obtention de la garantie de livraison, les parties se trouvent devant l’alternative suivante : 3 Pour permettre au maître d’ouvrage d’avoir au moment de la signature du contrat, une connaissance précise ducoût global de l’opération, le contrat doit mentionner le coût du bâtiment à construire, égal au prix convenu(forfaitaire et définitif sous réserve d’une clause de révision ), auquel s’ajoute le coût des travaux réservés par lemaître d’ouvrage, décrits et chiffrés par le constructeur. Ces travaux font l’objet d’une clause manuscrite parlaquelle le maître d’ouvrage en accepte le coût et la charge (L.231-2 du CCH). Les indications données doiventêtre précises, un contrat dans lequel la notice mentionne un prix au m² ou au m3 sans indication de quantité nepermet pas de déterminer le coût des ouvrages et équipements mentionnés dans le prix ; il est donc nul (CAVersailles 10 mars 1989 : Gaz Pal 1989, 2, sommaire, 408).4 Cf. une étude très complète publiée par le SNAL « Risque archéologique et vices du sol dans les opérationsd’urbanisme », collection Convergence, mai 1999.5 Une proposition de loi dans ce sens avait a été déposée il y a quelques années par M. Santini sans être suivie d’effet ; unamendement au projet de loi Solidarité et renouvellement urbains en cours de discussion au Parlement a été déposé ; il portesur l’obligation, pour le vendeur, de fournir des informations relatives au mesurage, à la nature du sol et à la pollution duterrain. Seul l’obligation de mesurage a été, pour le moment, adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale.6 Article L. 231-2 c du CCH.7 CA Lyon 2° Ch. : 23 septembre 1997.

Page 8: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

7

constater la caducité du contrat ou renégocier le prix en se partageant le surcoût lié aux travauxd’adaptation au sol qui avaient été omis dans le prix initial.

Les avenants

La pratique des avenants apporte des éléments de souplesse et d’adaptation de l’opération. Elleest également une source de difficultés, dans la mesure où elle semble avoir un caractèresystématique - ou du moins très fréquent - chez certains constructeurs qui l’utilisent notammentpour mettre à la charge du maître d’ouvrage des éléments indispensables ou nécessaires quin’ont pas été prévus initialement.

Soulignons cependant que cette pratique d’avenants est beaucoup moins importante qu’elle n’apu l’être dans les années 80. Néanmoins, même si elle demeure très minoritaire, elle aboutit à desdépassements du budget initial et prive le contrat de construction de son principal intérêt :l’évaluation du coût global de l’opération.

Des contestations peuvent également surgir sur l’évaluation des plus-values ou moins-valuesdécoulant de la modification demandée.

Les travaux réservés

Une demande de la clientèle

Il est très fréquent, voire systématique en cas d’accession sociale, que pour diminuer le coût del’opération, les clients se réservent d’office au moment de la conclusion du contrat, les travaux dedécoration (peinture, tapisserie), de revêtement de sol, tels que moquettes ou parquets flottants.L’isolation de la toiture fait également souvent partie des travaux réservés par les accédants. Onsait que les professionnels sont tenus même dans ce cas d’une obligation de conseil8. Certainsmaîtres d’ouvrage, soit qu’ils travaillent eux-mêmes dans un métier du bâtiment, soit qu’ilsfassent réaliser les travaux par des personnes de leur entourage, souhaitent se réserver des lotsentiers (par exemple l’électricité… ). Dans cette hypothèse, il est certain qu’en cas de sinistre,l’assureur en dommages-ouvrage, qui n’y est d’ailleurs pas tenu, refusera de couvrir les travauxde réparation nécessaires.

Un moyen utilisé par certains pour déshabiller l’opération

Certains constructeurs vont plus loin et proposent des travaux réservés correspondant à la quasi-totalité du second œ uvre, ce qui est contraire à l’esprit de la loi. Ces travaux sont chiffrés sur lanotice descriptive sur la base des devis effectués par les entreprises travaillant habituellementavec le constructeur (sur papier à entête de l’artisan). Cela permet de diminuer le coût desassurances et de la garantie de livraison. Plusieurs types de problèmes se posent alors :– Dans certains cas, l’entreprise facture des prix parfois supérieurs à ceux mentionnés dans ledevis.– Par ailleurs, en cas de malfaçon, le constructeur refuse d’intervenir en se retranchant derrièrela qualification de travaux réservés.– Le délai d’exécution mentionné au contrat de construction ne concerne pas les travauxréservés, alors que le constructeur se comporte en maître d’œ uvre pour ces travaux. Il évite ainsiles pénalités de retard, d’autant que souvent il n’y a pas de délai contractuel fixé aux entreprisesintervenant sur les lots réservés.

La réception et la levée des réserves

La réception continue de soulever d’assez nombreuses questions dans les ADIL qui traduisentdes difficultés : – le solde de la totalité du prix est exigé à la réception ;– la consignation des fonds est très rarement pratiquée par les maîtres d’ouvrage ;– le procès verbal et la levée des réserves sont l’objet de désaccords ; 8 Cass.3° Civ. 8 octobre 1997 Gazette du Palais, 7.12.97 : est retenue la responsabilité de l’entrepreneur pourmanquement au devoir de conseil à l’égard de son client profane, pour n’avoir pas attiré son attention sur lanécessité de laisser une lame d’air entre l’isolant et la toiture.

Page 9: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

8

– en cas de prise de possession anticipée par le maître d’ouvrage le versement du solde estexigé.

Non-respect du délai de huit jours9 pour payer le solde du prix restant dû à la réception

Il demeure courant que le constructeur exerce de fortes pressions pour obtenir la remise duchèque du solde du prix le jour de la réception, contrairement aux prescriptions légales, enparticulier en faisant un chantage à la remise des clés à la réception. Souvent le constructeur sefait remettre le chèque des 5 % en s’engageant verbalement à ne pas l’encaisser, ce qu’il nerespecte pas toujours d’ailleurs. Les constructeurs mettent en avant deux séries de motifs pourjustifier ou expliquer cette pratique persistante :– la disproportion entre les sommes retenues ou consignées (5 %) et la faible importance desréserves effectuées ;– le fait que la marge nette sur une maison soit très généralement inférieure aux 5 % (entre 2 et4 % généralement), et qu’ils ne peuvent en conséquence se permettre de laisser cet argentdehors d’autant que, même après la levée des réserves, certains clients refusent de régler latotalité des sommes dues, essayant parfois de négocier une remise supplémentaire sur le prixfinal de la construction.

La consignation des fonds est très rarement pratiquée par les maîtres d’ouvrage

Les clients, quand ils formulent des réserves, consignent rarement les fonds et se contententd’une simple rétention, ce qui justifie au moins en partie les craintes des constructeurs de ne pasêtre payés. En effet, les maîtres d’ouvrage connaissent mal la possibilité de consignation légale àla Caisse des Dépôts et Consignations et la jugent compliquée.Il pourrait être suggéré de prévoir de façon systématique dans les contrats de construction uncompte séquestre où seraient consignés les fonds en cas de réserve à la réception.

Le procès verbal et la levée des réserves

Une partie des désaccords provient du fait que les maîtres d'ouvrage et les professionnels n’ontpas la même perception de la notion de réserves. Les maîtres d’ouvrage considèrentgénéralement que toutes les imperfections même minimes sont des réserves, alors que pour leconstructeur, seuls des défauts d’exécution ou de conformité notables méritent cette appellation.Les imperfections mineures relèveraient du « parfait achèvement » et seraient reprises dans lecadre du service après vente à condition qu’il existe réellement.Il est vrai que ni le Code de la Construction et de l’Habitation, ni le Code Civil, ne prévoient deconditions relatives à la gravité des désordres qui peuvent faire l’objet de réserves.Quoiqu’il en soit, la technique de la pré-réception utilisée par certains constructeurs, permet derésoudre par avance la plupart des points à terminer ou à reprendre.

Certains constructeurs refusent de mentionner les réserves sur le procès-verbal de réception oudemandent qu’elles soient consignées dans une lettre ultérieure ou un document à part, au motifnotamment qu’il ne s’agirait pas de « véritables réserves ». Le constructeur fait signer au maîtred’ouvrage un procès-verbal de réception sans réserve et y annexe une liste de travaux de parfaitachèvement. Dans un certain nombre de cas, le maître d’ouvrage est obligé, pour pouvoirconsigner les 5 %, de se faire accompagner d’un huissier, à ses frais.

La levée des réserves n’est pas toujours facile à obtenir, d’autant que les entreprises surchargéessont peu disponibles et peuvent mettre longtemps à intervenir. On en vient à se demander s’il nefaudrait pas prévoir un délai légal pour la levée des réserves, assorti de pénalités à la charge duconstructeur en cas d’inexécution et à la charge du maître d’ouvrage en cas de non-paiementaprès la levée de réserves.Cependant, certaines réserves portant par exemple sur des défauts de conformité, ne peuventêtre levées matériellement, sauf à faire des travaux importants sans rapport avec l’enjeu du litige.Le plus souvent elles seront finalement acceptées tacitement par le maître d’ouvrage. Parfois, au 9 Lorsque le maître d’ouvrage ne se fait pas assister par un professionnel habilité, lors de la réception, le solde du prix estpayable dans les huit jours qui suivent la remise des clés consécutive à la réception, si aucune réserve n’a été formulée, ou, sides réserves ont été formulées, à la levée de celles-ci. (CCH : art R. 231-7).

Page 10: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

9

contraire, elles font l’objet d’un accord entre le constructeur et son client sur une indemnisationforfaitaire.

La prise de possession anticipée par le maître d’ouvrage

Parfois il arrive, notamment si le chantier a pris du retard, que pour ne pas payer de loyersupplémentaire, le maître d’ouvrage ayant donné congé de son logement, accepte, voire exige, laprise de possession alors que la maison n’est pas complètement achevée ou que les conditionsd’habitabilité ne sont pas réunies (exemples : maison non raccordée aux réseaux d’eau oud’électricité, chauffage ou chauffe-eau non installé ou ne fonctionnant pas… ).

Dégradation de la situation en 1999 ?

L’allongement et le dépassement des délais d’exécution …

La surcharge des carnets de commande oblige les constructeurs à allonger les délais d’exécutionpour tenir compte des capacités des entreprises sous-traitantes. Pour celles qui n’ont pas pris laprécaution de revoir leur délai de livraison, on constate des dépassements qui peuvent êtreimportants.Les professionnels invoquent parfois des intempéries pour justifier des retards de livraison sansprésenter d’attestations ou de justifications, alors que ces retards s’expliquent au moinspartiellement par des problèmes liés à l’organisation des chantiers et à la surcharge de travail.Le refus de payer les pénalités de retard est très fréquent. Certains constructeurs se livrent à unchantage du type : abandon des pénalités contre reprise des finitions et réserves.

Baisse de la qualité ?

«Sycodès», le système de collecte des désordres mis en place par l’Agence Qualité Constructiona constaté, depuis plusieurs années, des progrès sensibles sur certaines parties de laconstruction, les façades notamment.

Selon les consultants reçus dans les ADIL, le surcroît d’activité entraîne non seulement unallongement des délais, mais aussi d’assez nombreux problèmes de finition, voire d’inexécution.Divers facteurs expliquent cette constatation :– les entreprises sous-traitantes sont obligées de faire appel à une main d’œ uvresupplémentaire moins qualifiée ou moins expérimentée pour répondre à l’accroissement de lademande ;– un certain nombre d’entre elles souffrent de problèmes chroniques d’organisation quis’aggravent en période de forte activité ;– enfin, pour tirer les prix, certains professionnels font appel à des sous-traitants parfois peucompétents et sous payés ; la qualité de la construction s’en ressent.

La certification mise en place récemment par «Cequami», avec le soutien d’une organisationprofessionnelle, l’UNCMI, apportera-t-elle une solution ? L’avenir le dira.Il s’agit d’une marque NF (norme Afnor) dont seules les maisons construites dans le respect ducontrat de construction de maisons individuelles peuvent bénéficier 10.Le référentiel de la marque porte à la fois sur la réalisation en conformité du contrat (conception,réalisation, conformité de la réalisation au livret), à la fois sur des engagements de service entre leconstructeur et le maître d’ouvrage, pendant et après la réalisation du chantier (engagement deservice après vente et d’information sur les démarches en cas de problèmes ou sinistre dans lamaison). La procédure de délivrance du droit d’usage de la marque porte sur une analyse de la

10 Les travaux réservés, en dehors des travaux de revêtement, sont exclus du contrat ; le constructeur s’engage àvérifier que le maître d’ouvrage dispose de l’attestation nominative d’assurance dommages ouvrage et si c’est luiqui s’en charge, il s’engage - comme la loi le prévoit - à la fournir avant l’ouverture du chantier ; le constructeurfait une reconnaissance du sol avant la signature du contrat, à défaut il doit justifier des raisons de son choix. Lamarque NF est gérée par "Cequami", société constituée du Centre Scientifique et Technique du Bâtiment et del’association Qualitel.Sept constructeurs sont actuellement certifiés "marque NF" depuis janvier 2000.

Page 11: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

10

qualification, des moyens et des compétences du constructeur. L’entreprise est «auditée» et descontrôles peuvent être effectués. L’originalité de la démarche tient dans la certification du produit ;les organisations professionnelles d’entreprises sous-traitantes regrettent toutefois que les sous-traitants ne soient pas associés au processus de certification.

Hausse des prix de la construction ?

Les entreprises et artisans, en particulier pour certains corps d’état (exemple : les plâtriers danscertaines régions) tirent partie de la forte demande et de l’insuffisance de main d’œ uvre qualifiéepour imposer des hausses de prix significatives, alors que les prix des contrats de constructionssont limités par l’évolution de l’indice BT 01 dont la tendance était orientée à la baisse au coursdes derniers mois de 1999.

Le rapport de force qui était plutôt en faveur des constructeurs en période d’activité faible oumoyenne s’est renversé ou du moins rééquilibré en faveur des entreprises et artisans soustraitants avec la forte reprise de la construction depuis 1998. Le souci majeur de nombre deconstructeurs est de mettre en place ou de consolider les relations de partenariat durables avecles entreprises les plus qualifiées pour répondre aux exigences de qualité de la clientèle.

Page 12: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

11

La maîtrise d’œ uvre _______________________________________________________

Les éléments du choix des maîtres d’ouvrage en faveur du contrat de maîtrise d’œ uvre

Une approche souvent moins commerciale

On trouve souvent de véritables maîtres d’œ uvre qui ont la réputation de faire un travail de qualitéavec une approche moins commerciale que les constructeurs. Il est vrai cependant que nombrede bureaux d’études utilisant des contrats de maîtrise d’œ uvre ont une démarche très proche decelle des constructeurs.

Transparence des coûts et possibilité de choisir les entreprises réalisant lestravaux

Le contrat de maîtrise d’œ uvre permet une transparence des coûts puisque chaque lot donne lieuà la conclusion d’un contrat avec un artisan ou une entreprise. Le maître d’ouvrage a la possibilité,en principe, de choisir en partie les entreprises et artisans chargés de réaliser la maison. Cetavantage parfois illusoire est en tout cas évoqué dans les secteurs à dominante rurale où lebouche à oreille joue un rôle important.

Economiser le coût des assurances et garanties perçues comme coûteuses etinutiles

Les ADIL constatent que l’assurance dommages-ouvrage n’est pratiquement jamais ou trèsrarement souscrite dans le cadre de contrat de maîtrise d’œ uvre compte tenu de son coût et de ladifficulté à trouver un assureur. L’économie réalisée sur le prix de l’assurance dommages-ouvrageest un des facteurs importants de choix pour nombre de maîtres d’ouvrage en faveur du contrat demaîtrise d’œ uvre.Certains maîtres d’ouvrage se laissent convaincre que le coût des garanties imposées auxconstructeurs et les exigences de marge des garants tendraient à renchérir de façon inutile oupartiellement injustifiée le coût final de la construction. Ainsi faire l’impasse, parfois sur lesconseils du professionnel, sur l’assurance dommages-ouvrage et la garantie de livraison à prix etdélai convenus, apparaît à certains comme la seule solution pour accéder à la propriété.

Une activité d’importance très variable selon les régions

La maîtrise d’œ uvre se rencontre traditionnellement dans l’Ouest (Bretagne, Pays de Loire), maisaussi en Alsace et dans certains départements du centre de l’hexagone et surtout dans les zonesà dominante rurale.

La construction de maisons est faite en majorité dans le cadre du contrat de maîtrise d’œ uvredans quelques départements (Ardennes, Côtes d’Armor, Ille-et-Vilaine, Morbihan). Le contrat deconstruction semble également en déclin dans le sud de la France et en particulier dans le Var oùil est en passe de devenir minoritaire. De même dans d’autres départements aussi divers que leBas-Rhin, la Réunion, le Tarn-et-Garonne, la majorité des constructions de maisons est faite dansle cadre de contrats de maîtrise d’œ uvre ou d’entreprise.

Dans la plupart des autres départements, la majorité11 des constructions est réalisée dans lecadre du contrat de construction et la maîtrise d’œ uvre constitue la deuxième modalité par ordred’importance.

A l’inverse dans les zones fortement urbanisées et en particulier en Ile-de-France, mais aussidans le Rhône, les Alpes-Maritimes, le Nord, la pratique de la maîtrise d’œ uvre paraît faible sinon

11 50 à 70 % selon les observations des ADIL.

Page 13: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

12

marginale. L’essentiel des maisons individuelles est construite dans le cadre du contrat deconstruction ou de la vente en état futur d’achèvement.

Quels professionnels recourent au contrat de maîtrise d’œ uvre ?

En schématisant, on peut distinguer deux types de professionnels utilisant le contrat de maîtrised’œ uvre :

Le plus fréquemment, le maître d’œ uvre est un professionnel exerçant en professionlibérale ou en bureau d’études qui se charge de la conception de l’ouvrage et de lacoordination des travaux : il s’agit alors du véritable maître d’œ uvre que l’on trouve notammenten zone rurale. Souvent, il joue également le rôle de pilote d’un groupement d’entreprises informelou travaille avec un réseau d’entreprises qui lui permet de bien cerner les prix et la qualité desintervenants.Le client n’a généralement pas véritablement le choix des entreprises, à moins qu’il ne ledemande de façon expresse. Il fait confiance au maître d’œ uvre qui fait appel aux entreprisesavec lesquelles il a l’habitude de travailler. La plupart des ADIL constatent que, sauf demandeexpresse du client, souvent il n’y a pas de véritable mise en concurrence sur appel d’offre.

Des entreprises ou groupement d’entreprises qui utilisent le contrat de maîtrise d’œ uvre oule contrat d’entreprise pour éviter les contraintes de la loi de 1990 : il ressort clairement desobservations faites par les ADIL, qu’un certain nombre d’entreprises ou groupements d’entreprisesproposent de se charger de tout ou partie des travaux de construction d’une maison individuelleaprès avoir élaboré ou fait élaborer un plan à partir de modèles déjà construits ou d’un projetfourni par le maître d’ouvrage. La dissociation entre la fonction entreprise et maîtrise d’œ uvre estdans ce cas purement artificielle (exemple : le bureau d’étude et l’entreprise ont le même gérant etle même siège social). C’est une fonction proposée en complément de la prestation de l’entreprise(souvent de maçonnerie gros œ uvre) ou d’un groupement d’entreprises. Il va de soi que dans cecas, il ne peut y avoir de libre choix des entreprises par le maître d’ouvrage, si ce n’est pourcertains lots de second œ uvre.La dénomination adoptée reflète assez souvent la confusion des fonctions de maîtrise d’œ uvre etd’entreprise12. Dans ce cas de figure, cette confusion fait courir des risques certainsd’inachèvement, en cas de défaillance de l’entreprise principale (cf. Arrêt de Versailles etJugement du TGI Macon).

Les maîtres d’œ uvre et bureaux d’études ont fréquemment des liens avec les entreprises

Un constat fréquent voire généralisé des ADIL

Les maîtres d’œ uvre ou bureaux d’études ont très souvent des liens avec un certain nombred’entreprises réalisant les travaux, soit qu’il s’agisse d’une équipe d’entreprises fonctionnanthabituellement ensemble sous leur direction, soit qu’il y ait une communauté d’intérêts avec cesentreprises.Le maître d’ouvrage ne fait pas de véritable différence entre le professionnel intervenant dans lecadre d’un contrat de maîtrise d’œ uvre et un constructeur de maisons individuelles.

Des pratiques souvent occultes de rémunération du maître d’œ uvre par lesentreprises

Certains contrats de maîtrise d’œ uvre font état de versement de frais de dossier par lesentrepreneurs au profit du maître d’œ uvre, lesquels sont répercutés par les entreprises sur leclient ; cette pratique qui paraît assez fréquente a le plus souvent un caractère occulte, du moinsn’est-elle pas portée à la connaissance du maître d’ouvrage.

12 Exemple fourni par l’ADIL de Loire Atlantique d’un contrat de maîtrise d’œuvre présenté par un bureaud’études dénommé “ Bureau d’études des artisans réunis SARL au capital de 50.000 F ”.

Page 14: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

13

Quelques ADIL font état d’une sorte de « droit d’appel » demandé par le maître d’œ uvre auxentreprises souhaitant répondre aux appels d’offres. Il est plus courant que ces « frais » soient misà la charge des seules entreprises retenues. Ils constituent une partie de la rémunération dumaître d’œ uvre et sont souvent présentés comme une contrepartie aux métrés réalisés.Cette rémunération est difficile à évaluer. Dans l’Ouest, notamment en Bretagne, mais aussi enAlsace, on sait qu’elle est couramment de l’ordre de 2 à 3 %, au moins pour la partie visible. Danscertains cas, une rémunération supplémentaire peut s’y ajouter.

Des liens qui peuvent peser sur la direction du chantier et la coordination destravaux

Les prestations des maîtres d’œ uvre, notamment en matière de suivi de chantier et decoordination de travaux, apparaissent correctes dans l’ensemble. On observe cependant que,dans un certain nombre de cas, le maître d’œ uvre s’en remet aux entreprises pour l’essentiel,d’autant plus qu’elles ont l’habitude d’intervenir ensemble sur les chantiers. Plusieurs ADIL fontremarquer que les liens, notamment financiers, existant entre des maîtres d’œ uvre ou bureauxd’études et les entreprises, pèsent sur la qualité et la réalité du suivi, ainsi que sur la coordinationdes travaux de construction qu’ils sont censés effectuer.On sait que la pratique du compérage est strictement prohibée par le code des devoirsprofessionnels des architectes13. Dans de nombreux cas, les maîtres d’œ uvre ou bureauxd’études n’étant pas membres de l’Ordre des Architectes, ne s’estiment pas tenus par cetteconception rigoureuse et précise de l’obligation de loyauté incombant à tout contractant14.Pourtant la jurisprudence a eu l’occasion de sanctionner cette pratique en condamnant le maîtred’œ uvre à rembourser au maître d’ouvrage des sommes qu’ il avait perçues à l’insu du maîtred’ouvrage. En effet, cette situation avait généré un préjudice, le maître d’œ uvre s’étant trouvédans l’incapacité de diriger le chantier avec une autorité suffisante à l’égard des entreprises15.

Des risques très limités pour l’accédant si le maître d’œ uvre ne perçoit que sarémunération et si les entreprises ne sont payées qu’après l’exécution destravaux…

Dans la mesure où le maître d’œ uvre ne perçoit que sa rémunération propre et où les paiementscorrespondant à la rémunération des entreprises n’interviennent que sur facture, une fois lestravaux ou des tranches de travaux effectués, cette pratique - d’après les observations des ADIL-ne fait courir que peu de risques d’inachèvement à l’accédant. Elle correspond en quelque sorte àl’ancienne garantie intrinsèque, avec en plus la sécurité apportée par le paiement direct auxentreprises.

En revanche, avec un faux maître d’œ uvre qui, notamment, perçoit directement tout ou partie duprix des travaux, l’accédant court de très gros risques en cas de défaillance de celui-ci, dès lorsqu’il n’existe aucune garantie de livraison. C’est d’ailleurs dans ce cadre que les ADIL signalent uncertain nombre de constructions inachevées.

Les conséquences de l’absence de formalisme dans les contrats d’entreprise et de maîtrised’œ uvre

L’absence de formalisme du contrat de maîtrise d’œ uvre soulève des difficultés. Dans certainscas, il y a absence totale d’écrit. Ceci entraîne une définition souvent approximative du projet, del’enveloppe de l’opération, des délais d’exécution, voire de la rémunération du maître d’œ uvre

13 Décret n° 80-217 du 20 mars 1980 :- Article 12 faisant obligation à l’architecte d’assumer sa mission en toute intégrité et clarté et éviter toutesituation ou attitude incompatible avec ses obligations professionnelles… .- Article 13 faisant obligation à l’architecte toute situation où les intérêts privés en présence sont tels qu’ilpourrait être amené à préférer certains d’entre eux à ceux de son client ou employeur ou que son jugement et saloyauté envers celui-ci puisse en être altérés.14 Article 1134 du Code Civil.15 Note de Me Garnier, avocat au barreau de Rennes spécialiste en droit immobilier, du 20 mai 1999, adressée àl’ADIL d’Ille-et-Vilaine, faisant état de condamnations de maîtres d’œuvre obtenues sur ce fondement devant leTGI. et le T.I de Rennes.

Page 15: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

14

(pourcentage, forfait, supplément pour travaux non prévus initialement et qui s’avèrentindispensables)16.

Une présentation souvent tendancieuse de l’assurance dommages-ouvrage

Un certain nombre de maîtres d’œ uvre (et parfois quelques constructeurs) parviennent àconvaincre les maîtres d’ouvrage que l’assurance dommages-ouvrage serait inutile et ferait doubleemploi avec l’assurance responsabilité civile et décennale des entreprises. Certainsprofessionnels vont jusqu’à mettre en avant ce même motif pour refuser de présenter uneattestation d’assurance les concernant.

Une présentation des prestations proposées, souvent de nature à induire en erreur

Une concurrence vive avec les constructeurs conduit un certain nombre de maîtres d’œ uvre et debureaux d’études à présenter de façon très ambiguë leurs prestations :

– La dénomination : la dénomination adoptée concourt à entretenir la confusion sur la naturedes prestations fournies par les professionnels17, en particulier quand les professionnels exercentsous l’appellation « bureau d’études » peu explicite pour les personnes non averties18 .

– Des services, une organisation, des méthodes similaires à celles des constructeurs :- certains professionnels se chargent des démarches en vue de l’obtention des prêtsnécessaires au financement de la construction, se comportant ainsi comme certainsconstructeurs ;- certains professionnels recourent à un service commercial ou à des agents commerciaux età des publicités tendant à proposer la construction de maisons type pour un prix déterminé.

– Des emprunts fréquents à la présentation et aux éléments du contrat de construction :- mention d’un prix global pour la construction : un « prix convenu » pour la constructionfigure dans nombre de contrats de maîtrise d’œ uvre avec un montant très précis19. Or, s’il estsouhaitable de mentionner un budget maximum de l’opération compte tenu des ressourcesdu maître de l’ouvrage, il est certain que ce dernier est abusé par cette présentation qui luilaisse croire que le prix total de la construction ne peut dépasser la somme indiquée dans lecontrat de maîtrise d’œ uvre.- Utilisation du descriptif similaire à celui du contrat de construction : certains bureauxd’études remettent à leurs clients des descriptifs dont la présentation s’inspire très nettementde la notice descriptive type des contrats de construction (avec des mentions telles que« compris dans le prix » et « non compris »).

Un exemple particulièrement significatif de ces dérives est fourni par ce professionnel alsacienrevendiquant le statut de « constructeur affilié à une fédération de constructeurs de maisonsindividuelles » déclarant apporter (sic) « toutes les garanties (financières, délais, remboursement,achèvement...) » et qui fait signer à ses clients une notice descriptive type intitulée « contrat demaîtrise d’œ uvre » mentionnant un prix convenu de 524.000 F TTC, un délai d’exécution de neufmois à compter de l’ouverture de chantier assorti de pénalités de 1/10.000° par jour de retard !

Rappelons toutefois que des contrôles effectués par les Directions de la Concurrence, de laConsommation et de la Répression des Fraudes, sur auto saisine ou saisine de maîtresd’ouvrage, peuvent conduire à constater des infractions pénales. Seul le juge peut requalifier lecontrat, mais l’enquête doit lui fournir les éléments nécessaires. Quatre critères retenus par lajurisprudence doivent notamment être mis en lumière : la répétitivité des plans, la publicité portantsur un prix fixé d’avance, la fixation d’un prix forfaitaire et l’existence d’un lien du professionnelprincipal avec les entreprises. 16 Le SYNAAMOB, Syndicat National des Architectes, des Agréés et des Maîtres d’Oeuvre en Bâtiment, aélaboré un contrat de maîtrise d’œuvre.17 Exemple : « La maison du Sud Loire », « Constructions Chambiron » (source : ADIL de Loire Atlantique).18 Exemple : « Maison Habitat » (source : ADIL du Bas Rhin).19 Exemple : « prix convenu… … … ..

« Honoraires bureau d’études… … … « Total TTC… .632.317 F TTC » (source ADIL du Bas Rhin ».

Page 16: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

15

La DGCCRF précise qu’ » en 1997-1998, 42 directions départementales ont enquêté auprès deplus de 500 professionnels. Des procédures ont été engagées à l’encontre de dix constructeurs,dix maîtres d’œ uvre, deux architectes et six entreprises générales du bâtiment pour absence decontrat de construction ou contrat non conforme à la réglementation ; des rappels de laréglementation ont été adressés à vingt-sept entreprises.En 1999, trente-trois directions ont enquêté auprès de plus de 200 professionnels : trente et unprocès-verbaux, ainsi que vingt-cinq rappels de la réglementation, ont été établis.Par ailleurs, le respect des dispositions du Code de la Consommation est également vérifié, quece soit en matière de démarchage à domicile, de publicité mensongère, ou de crédit. En 1999,vingt-sept professionnels ont été sanctionnés, à ce titre quarante-cinq rappels de laréglementation ont été adressés.Compte tenu de la lourdeur de ces enquêtes, les vérifications opérées cette année et actuellementen cours portent uniquement sur l’existence d’un contrat de construction et d’une garantie delivraison. Toute la région Bretagne est concernée ainsi que trente et un départements. »

Le non-respect du délai de rétractation

L’article L.271-1 du Code de la Construction et de l’Habitation instaurant un délai de rétractation,concerne « tout acte sous seing privé ayant pour objet l’acquisition ou la construction d’unemaison ». Il semble que ce texte s’applique également aux contrats de maîtrise d’œ uvre oud’entreprise ayant pour objet la construction d’une maison. En l’absence de jurisprudence, uneincertitude demeure et la pratique est de ne pas l’appliquer à ces contrats. Cependant, rienn’empêcherait le maître de l’ouvrage de se prévaloir de ce texte pour se dégager d’un contratsigné par lui.

Des dépassements de prix et des délais contractuels

On trouve parfois dans les contrats de maîtrise d’œ uvre une clause stipulant que le respect du prixprévu pour la construction n’est garanti que dans la mesure où les travaux sont exécutés par lesentreprises proposées par le maître d’œ uvre.

Parmi les problèmes les plus importants constatés par les ADIL, on relève le dépassement dubudget initialement prévu au contrat et le non-respect des délais d’exécution, ce dernier constats’aggravant dans un contexte de forte activité de la construction.

Dépassements du budget initial

Rappelons en préalable que, par définition, le recours au contrat de maîtrise d’œ uvre, entraînel’acceptation d’une marge de fluctuation entre une enveloppe évaluée au départ, affinéeprogressivement, et le coût final de la construction connu lors du dépouillement des devis desentreprises. Le fait qu’un dépassement se produise, ne soulève pas en soi de difficulté lorsqu’il estlimité.

Il en va différemment quand les dépassements se produisent de façon répétée chez certainsprofessionnels. Ils s’expliquent en partie par une sous-évaluation du projet ou des coûts deconstruction par rapport aux résultats des appels d’offre, ainsi que par la concurrence avec lesconstructeurs de maisons individuelles, qui peut entraîner une tentation de « déshabiller » le projeten omettant certaines prestations ou en les mettant à la charge du maître de l’ouvrage sans leschiffrer.Ces surcoûts ou dépassements du budget initialement prévu peuvent atteindre 10 à 20 %, voire30 à 40% dans les cas les plus extrêmes signalés par les ADIL.

Pour faire face au dépassement du budget initial, le maître d’ouvrage, s’il ne peut le couvrir pardes fonds personnels ou aides familiales devra, soit avoir recours à des prêts complémentaires,soit réduire le coût de la construction et donc les prestations prévues. Ce dépassement estd’autant plus difficile à assumer et à financer qu’il s’agit de ménages modestes relevantnotamment de l’accession sociale.

Page 17: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

16

Exemple20 : une différence apparaît entre l’estimation initiale et le montant total des marchés(16.000 F pour un montant total estimé de 475.000 F).Pour financer le solde du prix le ménage n’aeu d’autre recours que de conclure un prêt supplémentaire de 20.000 F sur quatre ans, ce qui aalourdi sensiblement le taux d’effort (47% hors APL). On voit qu’un dépassement de l’ordre de 4 %peut suffire à mettre en situation difficile un ménage d’accédant, s’il n’a prévu aucune marge.

Dépassement des délais

En ce qui concerne le respect des délais, dans un certain nombre de cas examinés par les ADIL,il n’existe pas de véritable planning de travaux ou ces plannings n’ont pas été signés par lesentreprises ; ce qui affaiblit considérablement leur valeur juridique, puisqu’il ne s’agit pasexpressément d’un document contractuel. En outre, les pénalités de retard ne sont stipulées dansles contrats d’entreprises que de façon exceptionnelle.

Une difficile évaluation de la proportion des contrats de maîtrise d’œ uvre susceptiblesd’être requalifiés en contrat de construction

L’appréciation de l’importance du contournement de la loi du 19 décembre 1990 par les ADIL, estloin d’être uniforme.

Dans quelques départements, il s’agirait d’un problème marginal. A l’inverse, dans d’autresdépartements, la quasi-totalité des contrats de maîtrise d’œ uvre sur lesquels les ADIL sontconsultées, seraient susceptibles d’une requalification en contrat de construction.On pourrait de façon schématique dire que dans les zones où traditionnellement la maîtrised’œ uvre a une place importante (notamment dans l’Ouest), seule une minorité de contrats (enmoyenne un tiers environ) pourrait encourir une requalification (de 20 à 40 % selon lesdépartements). Une proportion similaire est mentionnée par les ADIL du Sud Ouest.Dans d’autres régions où la maîtrise d’œ uvre joue un rôle moins important (Centre, Nord, Est etSud-Est), la proportion de contrats de maîtrise d’œ uvre susceptibles d’encourir une requalificationparaît plus forte et serait de l’ordre de 50 % et plus.Enfin, dans les régions dans lesquelles le contrat de maîtrise d’œ uvre est employé de façonmarginale (Ile-de-France), la presque totalité des contrats (80 % et plus) pourraient faire l’objetd’une requalification en contrat de construction de maisons individuelles.

Il faut cependant souligner que les indices laissant présumer la possibilité d’une requalification nesont pas nécessairement synonymes de risques d’inachèvement des travaux, dès lors que lemaître d’œ uvre ne perçoit pas les fonds destinés aux entreprises et que les appels de fondscorrespondent à l’avancement des travaux.

Faut-il réglementer le contrat ou la profession de maître d’œ uvre ?

« La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société » (article 5 de la Déclarationdes droits de l’homme et du citoyen de 1789).Aussi n’est-il pas question de prohiber la profession ou le contrat, mais de s’interroger unenouvelle fois sur la pertinence d’une éventuelle réglementation dans ce domaine.

On a vu que, dans la mesure où les rémunérations du maître d’œ uvre et des entreprises sontdissociées, et que d’autre part le paiement des travaux intervient sur factures présentées aprèsleur exécution, les risques d’inachèvement ou d’abandon de chantier restent limités, voire faibles.Cependant, à l’examen de la jurisprudence et des remontées d’information en provenance desADIL, il est clair qu’au minimum plusieurs dizaines et probablement plusieurs centaines de cas dedéfaillance d’un professionnel (faux maître d’œ uvre ou faux constructeur) entraînant l’arrêt dechantiers, se produisent chaque année.

S’agissant de la nécessité d’une réglementation de la profession ou du contrat de maîtrised’œ uvre, les avis sont très partagés. Les uns estiment qu’il s’agit d’un secteur très minoritaire qui

20 Exemple : source ADIL de la Mayenne.

Page 18: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

17

répond à une demande spécifique qu’il n’y pas lieu de restreindre. Les déviances éventuellesdevraient être sanctionnées dans le cadre de la législation existante qu’il convient de fairerespecter sans qu’il soit besoin d’alourdir la réglementation actuelle, d’autant qu’un certain nombrede constructeurs usent de pratiques illégales au regard de la loi de 1990. En faveur de cetteposition, on notera que l’application de la loi de 1990, les actions d’information, les contrôlesmêmes insuffisamment nombreux, un certain nombre de condamnations par les tribunaux de fauxmaîtres d’œ uvre, ont contribué à clarifier de façon indubitable les pratiques des professionnels età améliorer la situation des accédants, y compris pour ceux qui n’optent pas pour le contrat deconstruction.La faiblesse de cette approche réside dans le fait que, faute d’un renforcement significatif descontrôles, la sanction de la requalification est encore très théorique dans l’immense majorité descas ; en outre, elle n’intervient qu’a posteriori, alors que le sinistre est déjà réalisé. Par ailleurs,comme on l’a déjà mentionné précédemment, l’effet d’assainissement des professionnels et despratiques apparu après l’entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 1990, semble s’estomper peuà peu.

C’est pourquoi nombre d’observateurs sont portés à considérer qu’un minimum de réglementationpermettrait de prévenir la plupart des difficultés constatées. En effet, même si une règle normativen’est pas respectée à 100 %, elle tend à faire évoluer les comportements et constitue uneréférence dont peuvent se prévaloir les maîtres d’ouvrage à l’égard des professionnels. Parailleurs, il importe de ne pas laisser un vide juridique où puissent s’engouffrer les opérateursn’offrant pas toutes les garanties de compétence et de probité et surtout susceptibles de faireencourir des risques importants aux accédants, notamment certains constructeurs pratiquant à lafois une activité de constructeurs et de maîtrise d’œ uvre.

Faut-il, dans cette optique, réserver l’accès à la profession de maître d’œ uvre à des personnesprésentant un minimum de garanties par la mise en place d’un certificat de qualificationprofessionnelle21 ?

Cette exigence de qualification devrait être assortie d’une interdiction pour le maître d’œ uvre depercevoir d’autres sommes que celles correspondant à la rémunération de sa prestation pouréviter la confusion des fonctions de maître d’œ uvre et d’entrepreneur, ainsi que les conflitsd’intérêts préjudiciables au maître de l’ouvrage.Une action d’information sur la nature précise des prestations effectuées par le maître d’œ uvrepourrait venir compléter cette réglementation de l’accès à la profession, sous forme de remised’une notice d’information sur la nature des prestations dues et les engagements du professionnelmaître d’ouvrage contractant.

Une deuxième tendance serait de prévoir une réglementation minimale des contrats de maîtrised’œ uvre et des contrats d’entreprise conclus avec une personne physique, dès lors qu’ils ont pourobjet la construction d’un seul logement.

Pourquoi ne pas envisager :– l’obligation, dans le contrat, de mentionner les références de l’assurance professionnelle(responsabilité civile et décennale avant tout commencement d’exécution des travaux) ;– une définition précise des prestations contenues dans le contrat ;– l’indication du budget maximum que le maître de l’ouvrage peut consacrer à l’opération(contrat de maîtrise d’œ uvre) ;– la mise en place obligatoire d’un planning de travaux et de pénalités de retard dans lescontrats d’entreprises ;– l’obligation pour le prêteur de vérifier la souscription d’une assurance dommages-ouvrage quelque soit le type de contrat (entreprise, maîtrise d’œ uvre) ;– pour les contrats d’entreprises conclus avec des personnes physiques ayant pour objet laconstruction d’un seul logement, l’instauration d’une grille de paiement ou l’interdiction depercevoir des fonds ne correspondant pas à l’avancement effectif des travaux ?

21 Le projet de réforme de la loi sur l’Architecture prévoit une qualification des maîtres d’œuvre.

Page 19: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

18

Le contrôle du prêteur sur le contrat de construction _________________________________________________________

Une protection renforcée pour les seuls emprunteurs ayant signé un contrat deconstruction de maison individuelle

Le contrôle étant confié par la loi au prêteur, seuls les maîtres d’ouvrage recourant à l’empruntpour le financement de l’opération bénéficient de ses effets protecteurs.

Pourquoi, les non-emprunteurs ne bénéficient-ils pas d’un contrôle similaire à celui exercé par leprêteur ? Le choix du législateur a probablement été guidé par l’idée que celui qui s’endette pourconstruire mérite une protection particulière.

Il faut également garder à l’esprit le fait qu’en 1990, le financement de l’accession sociale (PAP)reposait sur des circuits spécifiques - le Crédit Foncier de France et les sociétés de CréditImmobilier. Depuis le 1er octobre 1995, le prêt à taux zéro est un financement banalisé. Lecontrôle des opérations de construction de maisons individuelles repose donc désormais sur unegrande diversité d’établissements financiers.

Quelle est l’utilité de ce contrôle ?

Rappelons que ce contrôle porte sur deux points :– le contrat de construction ;– l’attestation de la garantie de livraison à prix et délai convenus et les paiements à chaqueéchéance.

Contrôle du contrat de construction

Il s’agit d’un contrôle formel, c’est du moins ce qui résulte des travaux préparatoires et descommentaires de la doctrine.22

Le contrôle se limite à la vérification des mentions exigées par l’article L. 231-2 du CCH pourautant qu’elles ne fassent pas l’objet d’une condition suspensive, le prêteur n’étant pas tenu -selon les auteurs - de vérifier par la suite s’il est satisfait à cette condition.

Le contrôle du contrat se limite à vérifier la présence des clauses et mentions obligatoireset non leur contenu23. Initialement, il avait été envisagé diverses mesures destinées à faciliter lecontrôle du prêteur, en particulier grâce à l’utilisation de contrats type ou d’une grille deconcordance énumérant, pour chacune des mentions obligatoires, le numéro du paragraphe danslequel elle figure.

En réalité, ces mesures ne sont jamais véritablement entrées en application ; l’utilisation decontrats types est loin d’être généralisée : seuls les adhérents de l’une des principales fédérationsde constructeurs y recourent.Sur ce point à l’évidence, selon les observations des ADIL, le contrôle du prêteur n’apporte pasgrand chose à la sécurité de l’accédant.Tout au plus, relèvera-t-on que l’utilisation de contrats type, rédigés par les fédérationsprofessionnelles de constructeurs et d’entreprises du bâtiment, a contribué à la diminutionsensible du nombre de clauses abusives et que les clauses d’échelonnement des paiementscontenant des échéances intermédiaires, que l’on rencontrait dans certains contrats avant la loi de1990, ont totalement disparu.

22 Cf. article de M. Alain GOURIO, directeur des études juridiques à l’UCB, professeur à l’ICH : « Le contrôledes contrats de construction d’une maison individuelle : à chacun son métier », Les Petites Affiches, 23 avril1997.23 Code de la Construction et de l’Habitation, « LITEC », commenté et annoté par P. Cornille et A. Durance,Ed. 1998, p. 203.

Page 20: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

19

L’apport du contrôle du prêteur sur le contrat n’apparaît finalement pas déterminant, puisqu’onpourrait aboutir à un résultat équivalent en généralisant, voire en rendant obligatoire, l’usage decontrats ou de clauses types.

Contrôle de l’attestation de la garantie de livraison et du déblocage des fonds àchaque échéance

C’est sur ce point indiscutablement que le contrôle du prêteur contribue à la sécurité del’opération, en vérifiant qu’elle bénéficie bien de la garantie de livraison à prix et délai convenusavant tout déblocage de fonds, puis à chaque échéance, en obtenant l’accord écrit du maîtred’ouvrage et en informant le garant pour effectuer les paiements.

Le contrôle du prêteur par sa seule existence apporte une sécurité indéniable au maîtred’ouvrage. Divers exemples 24 montrent a contrario que le client qui finance la construction, sansfaire appel à un prêt et dont l’opération ne bénéficie par conséquent d’aucun contrôle, est moinsprotégé que celui qui recourt à l’emprunt. En effet, la seule perspective du contrôle du prêteuroblige le constructeur à respecter l’essentiel du dispositif prévu par la loi du 19 décembre 1990,c’est-à-dire à déclarer le chantier au garant pour obtenir l’attestation nominative de garantie. Encela, le contrôle, même formel, joue un rôle protecteur.

Ce contrôle est-il efficace ?

Il est souvent reproché aux prêteurs, notamment par les constructeurs de maisons individuelles,de se limiter à une lecture minimaliste de la loi. Or, on vient de voir que l’existence même ducontrôle contribue, dans une certaine mesure, à un accroissement de la sécurité de l’accédant. Ilest intéressant d’essayer de cerner la réalité de ce contrôle sur le terrain.

Un contrôle formel avec des exigences localement parfois plus étendues

Dans l’ensemble, pour les contrats de construction, les prêteurs vérifient formellement le contrat,ainsi que la garantie de livraison. Cependant, la vigilance des prêteurs varie en fonction de l’âpretéde la concurrence locale. C’est ainsi que nombre d’établissements semblent s’en tenir à uncontrôle minimal du contrat, sans prendre toujours la précaution de vérifier que l’organismeattestant de la garantie de livraison est bien agréé pour exercer son activité.

En revanche, plusieurs ADIL remarquent que certaines banques, notamment régionales, vontjusqu’à contrôler la souscription effective de l’assurance dommages-ouvrage dans le cadre ducontrat de construction et subordonnent le déblocage des fonds à la production d’une attestationd’assurance. Cette pratique semble toutefois minoritaire. Plus rarement encore, certainsétablissements spécialisés suivent le déroulement du chantier ou de certains chantiers, le caséchéant, en faisant quelques visites sur place.

Le contrôle payant se développe, surtout en Ile-de-France

Certains établissements proposent la vérification du contrat de construction de maison individuelledans le cadre d’une prestation payante, à la charge de l’emprunteur, d’un montant inclus dans letaux effectif global allant de 300 à 1.000 francs selon les établissements.En Ile-de-France, de plus en plus d'établissements de crédit semblent proposer systématiquementce service payant de contrôle du contrat.

En revanche, il n’y a pas ou très peu de contrôles pour les autres types de contrats.

24 Exemples de problèmes rencontrés par des maîtres d'ouvrage ne recourant pas à un prêt :- Un client a dû assigner en référé le constructeur pour obtenir l’attestation de garantie de livraison.- Dans la défaillance de la société « Les Résidences d’Anjou », un client payant comptant avait commandé

deux maisons, l’une pour sa résidence principale et l’autre pour un investissement locatif. Le constructeurn’ayant déclaré qu’un seul chantier sur les deux, l’autre maison ne bénéficie pas de la garantie de livraison àprix et délai convenus.

Page 21: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

20

Quels contrats vérifier ?

Le prêteur doit-il limiter son contrôle aux contrats intitulés «contrats de construction de maisonindividuelle» ou doit-il l’étendre à d’autres contrats, dès lors que les éléments caractéristiques d’uncontrat de construction sont réunis ? Il s’agit en clair de savoir si le prêteur doit vérifier aupréalable la qualification du contrat sur lequel il devra exercer son contrôle.

Vers un contrôle minimal de la qualification du contrat ?

La doctrine25 affirme qu’on ne peut demander au prêteur de vérifier la qualification juridique descontrats qui lui sont soumis. Cependant, au moins deux décisions récentes26 ont montré que lesjuges du fond ne partageaient pas nécessairement cette analyse. En effet, dans les deux cas, lesétablissements prêteurs, faute d’avoir effectué le contrôle du contrat, ont été condamnés àindemniser les maîtres d’ouvrage du préjudice découlant de l’abandon du chantier par suite de lamise en liquidation judiciaire des entreprises chargées des travaux. Or ces professionnels avaienteu recours à un contrat de maîtrise d’œ uvre et à des contrats d’entreprise.

Les décisions du TGI de Chalon-sur-Saône et de la Cour d’appel de Versailles ont-elles modifié le comportement des établissements prêteurs ?

Les remontées d’information des ADIL font apparaître une situation contrastée :

– Pour la moitié des ADIL, aucun changement notable n’est encore apparu ; toutes les agencesn’en ont pas eu connaissance ; il est trop tôt pour évaluer les effets. En outre, dans un contexte deconcurrence exacerbée, les professionnels de la construction apparaissent, pour un certainnombre de prêteurs, comme des apporteurs d’affaires qu’il ne faut pas effaroucher. L’usagegénéralisé de la prescription commerciale par les constructeurs et bureaux d’études au profit desbanques partenaires, la volonté de raccourcir les délais de propositions groupées des prêts via leprofessionnel (contact immédiat au moment de l’étude du contrat de construction, simulation definancement par retour de fax et prise de rendez-vous facilitée) amènent à penser que lespréoccupations commerciales prennent le pas sur le contrôle de la qualification juridique ducontrat. Le nombre de contentieux étant plutôt rare, le risque n’est pas très important.

– Pour l’autre moitié des ADIL, les prêteurs ont connaissance de cette jurisprudence, elle lesinquiète et ils tendent à renforcer leur contrôle. En particulier en Ile-de-France, les ADIL notentque les contrôles sont réellement effectués et qu’ils se sont accentués à la suite de la publicationde l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles ; les vérifications effectuées par les établissements decrédit sont devenues plus précises.

Quelles solutions pour améliorer l’efficacité du contrôle ?

On peut se demander si les établissements de crédit sont en mesure de requalifier un faux contratde maîtrise d’œ uvre ou d’entreprise. En effet, si les principaux établissements vérifient les contratsde construction, le contrôle des faux contrats de maîtrise d’œ uvre ou d’entreprise apparaîtbeaucoup plus délicat. La plupart des prêteurs estiment ne pas être qualifiés pour repérerd’éventuels contournements de la loi de 1990.

C’est pourquoi, comme cela avait été envisagé lors des travaux préparatoires de la loi de 1990,plusieurs ADIL prônent la solution consistant à confier le contrôle du contrat au notaire. Celapermettrait de résoudre la question de la différence de traitement entre les maîtres d’ouvrage qui

25 Voir notamment Code de la Construction et de l’Habitat, « LITEC », commenté par P. Cornille et A.Durance, Ed. 1998, notes sous l’article L. 231-10, page 203.26 - Le TGI de Chalon-sur-Saône, dans un jugement du 28 avril 1998, a condamné le prêteur à indemniser lemaître de l’ouvrage pour l’avoir privé par sa négligence de la garantie à prix et délai convenu. - La Cour d’appel de Versailles a considéré que le préjudice subi par le maître de l’ouvrage est constitué par laperte d’une chance de se voir proposer un contrat offrant toutes les garanties légales ou à défaut de pouvoirrenoncer à son projet si le constructeur était dans l’incapacité d’obtenir la garantie de livraison (arrêt du 16 mars1999). A noter : cet arrêt fait l’objet d’un pourvoi en cassation de la part de l’établissement incriminé, l’Union deCrédit pour le Bâtiment.

Page 22: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

21

recourent à un prêt et ceux qui paient de leurs propres deniers. On observera seulement que lerecours obligatoire à l’acte notarié est généralement lié à l’obligation de publier l’acte au fichierimmobilier.

Une autre solution pourrait être de limiter le contrôle du prêteur à des vérifications matériellescontribuant à assurer la sécurité et le bon déroulement de l’opération :– attestation de garantie de livraison à prix et délai convenus ;– attestation d’assurances dommages ouvrage ;– suivi de l’échelonnement des paiements en fonction de l’avancement des travaux :actuellement ce contrôle se fait sur pièce, peut-on aller plus loin ?Les deux derniers points seraient étendus à l’ensemble des contrats ayant pour objet laconstruction d’une maison individuelle. Cela ne garantit pas totalement que la responsabilité duprêteur ne pourra pas être recherchée en cas de défaillance de l’entreprise, mais le préjudicedevrait être beaucoup plus réduit, si les fonds effectivement débloqués coïncident avec l’état réeld’avancement des travaux.

Page 23: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

22

Le sort du chantier en cas de défaillance desconstructeurs

_______________________________________________________

Quelques chiffres pour appréhender la question : l’Association des Garants de l’Immobilier27

indique que, en 1999, 69 000 garanties de livraison à prix et délai convenus ont été délivrées parses adhérents et 66 défaillances de constructeurs représentant 921 maisons ont été traitées ;− en 1998 : 55 000 garanties de livraison, 68 défaillances de constructeurs portant sur 527

maisons ;− en 1997 : 55 000 garanties de livraison, 111 défaillances de constructeurs portant sur 544

maisons.

De l’avis général, la garantie de livraison à prix et délai convenus constitue une avancée décisivepour la sécurisation des accédants. Le fait qu’un certain nombre de dysfonctionnementssubsistent ne doit pas faire oublier les avantages indéniables qu’elle apporte aux maîtresd’ouvrage.

La comparaison avec d’autres modalités de construction est, à cet égard, instructive ; en effet,l’existence même de la garantie offre au maître d’ouvrage, victime de la défaillance duconstructeur, un recours qui n’existe pas, il faut le rappeler, pour la vente en état futurd’achèvement de maisons individuelles avec garantie intrinsèque.

Or l’essor de ce type d’opérations, dans un contexte de raréfaction du foncier à la périphérie desagglomérations, a mis en lumière la précarité de la situation des acheteurs à travers quelques casde défaillance de promoteurs28.

Les problèmes les plus aigus, mis en évidence par quelques ADIL, relèvent de l’absence degarantie de remboursement ou de livraison de certains constructeurs. En cas de défaillance duconstructeur, les maîtres de l’ouvrage se trouvent alors sans aucun recours.

La loi du 25 juin 1999 relative à l’épargne et à la sécurité financière est venue comblerun vide juridique apparu avec la défaillance d’un garant

L’équilibre du système institué par la loi du 19 décembre 1990 a été gravement mis en cause parla défaillance du garant « Mutua-Equipement », qui s’est trouvé dans l’incapacité de remplir lesobligations lui incombant suite à la faillite de constructeurs.

Les ADIL observent que, dans les départements qui ont connu un nombre significatif depersonnes concernées par la faillite de « Mutua-Equipement », la crédibilité de la garantie delivraison à prix et délai convenus des constructeurs, a été mise à mal et la portée des argumentsen faveur du contrat de construction s’en est trouvée singulièrement amoindrie.Les accédants ont souvent des difficultés à obtenir des informations fiables et récentes sur lasanté financière des constructeurs avec lesquels ils projettent de contracter. Ils sont a fortiori dansl’incapacité de vérifier celle du garant.

En ce sens, il était opportun que la loi sur l’épargne et la sécurité financière intervienne.

Près de 330 déclarations de créances ont été, à ce jour, examinées par le Fonds de garantie desdépôts ; une incertitude pèse toutefois sur le nombre exact de chantiers encore inachevés ou

27 L’AGI regroupe à ce jour huit sociétés de caution : CGI-FFB, CEGI, Etoile Commerciale, Gerling Namur,ICD, GFIM, Le Mans Caution, Chiyoda Europe.28 Le dépassement de délai n’est sanctionné le plus souvent par aucune pénalité contractuelle, faute d’obligationlégale et le maître d’ouvrage ne dispose d’autre alternative, en l’absence de repreneur, que de demander larésiliation du contrat pour terminer les travaux de construction en signant directement des marchés de travauxavec des entreprises. Il reste que, pour les parties communes et les V.R.D., l’absence de garantie extrinsèque peutlaisser perdurer des situations inextricables paralysant l’achèvement de l’opération.

Page 24: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

23

achevés postérieurement au 16.12.97, date de mise en liquidation de Mutua Equipement, dès lorsque tous les maîtres d’ouvrage concernés ne se sont pas fait connaître au représentant descréanciers. Le Fonds de garantie des dépôts va d’ailleurs publier un avis dans la presse régionalepour inciter ces derniers à se manifester.

Toutes les difficultés ne sont pas pour autant résolues. En effet, si la mise en œ uvre du Fonds degarantie a eu lieu dans les délais brefs qui étaient prévus, des questions subsistent concernantl'étendue de ses obligations et l’articulation de celles-ci avec la loi du 25 janvier 1985 sur leredressement et la liquidation judiciaires des entreprises.

La prise en compte des indemnités de retard doit-elle ou non s'étendre au-delà de la date de miseen liquidation, soit le 16 décembre 1997, pour Mutua Equipement ?Une solution qui permettrait de tenir compte des chantiers non achevés à cette date est à l’étude.Dans l'attente de précisions apportées par les pouvoirs publics ou la jurisprudence, rappelons quela finalité du dispositif créé par le législateur, en instituant un fond de garantie des cautions, est lamise en place d'un mécanisme ayant pour objet d'honorer, en cas de défaillance d'unétablissement de crédit, les engagements de cautions exigés par un texte législatif ouréglementaire. Dès lors, le fonds de garantie ne serait-il pas tenu de supporter toutes lesobligations et seulement celles-ci incombant au garant défaillant ?

Notons que le mécanisme de garantie des cautions, mis en place par la loi du 25 juin 1999, neconcerne que les établissements de crédit, les sociétés d’assurances n’étant pas visées par cetexte.

Bien qu’en régression, quelques garants non habilités poursuivent leurs activités

Plusieurs ADIL ont été consultées encore récemment par des accédants ayant contracté avec desconstructeurs dont la garantie de livraison a été délivrée par des organismes non habilités àexercer cette activité. Il s’agit pour l’essentiel de SIFAC et de CFI.

– SIFAC : cet organisme intervient en général, comme courtier ; dans quelques cas commegarant. Il a d’ailleurs été condamné à indemniser des maîtres d’ouvrage victimes de la défaillancede leur constructeur, pour avoir délivré des attestations de garantie sous son nom ; ce qui estsource de confusion et a contribué à priver les maîtres de l’ouvrage de la possibilité de vérifierqu’une véritable garantie avait été souscrite auprès d’un garant agréé par les autorités de tutelle.

– CFI : La « Compagnia Finanzaria Internationale » qui n’est pas agréée actuellement en France pourexercer une activité de garant29. Cette compagnie est parfois proposée au constructeur par l’intermédiaire de« SIACAR », société de courtage liée à la SIFAC.

– sont également citées, mais surtout dans d’anciens contrats : les compagnies ACM / Association deCautionnement Mutuel, CEMA / Cautionnement Européen Mutuel d’Assurance, « la Suisse ».

Selon les observations des ADIL, il s’agit à chaque fois de cas isolés ou très peu nombreux. Ilreste cependant très préoccupant pour la sécurité des personnes contractant avec desconstructeurs que près de dix ans après la promulgation de la loi réformant le contrat deconstruction de maison individuelle, certains professionnels puissent faire signer des contrats deconstruction et exercer leur activité en présentant des attestations délivrées par des garants nonhabilités ! On peut d’ailleurs s’interroger sur la qualité des constructeurs qui s’adressent à cesorganismes sans vérifier qu’ils sont habilités à exercer l’activité de garants immobiliers.

Tous les garants habilités à faire des opérations en France sont soumis au contrôle, soit de laCommission Bancaire, soit de la Commission de Contrôle des Assurances : il est possible des’informer auprès des autorités qui délivrent l’agrément pour savoir si un garant est effectivementhabilité à délivrer la garantie de livraison dans le cadre d’un contrat de construction (cf.communiqué du Ministère de l’Economie en annexe). Par ailleurs, de manière à améliorer laprévention, lorsqu’il aura connaissance d’établissements non habilités à intervenir en France, le

29 cf. Lettre de la Banque de France à l’ANIL du 27octobre 1999.

Page 25: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

24

Ministère de l’Economie émettra un communiqué. Une liste des courtiers intervenant et nonhabilités sera également établie.

L’époque précédant l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire : la période detous les dangers !

Pour les chantiers en cours : souvent, un certain nombre de signes annonciateurs apparaissentplusieurs mois avant le dépôt de bilan, notamment un ralentissement du chantier, voirefréquemment un arrêt total. Les maîtres de l’ouvrage alertent le garant qui déclare ne pas pouvoirintervenir dans la mesure où le constructeur n’est pas juridiquement défaillant.Pourtant, le chantier est en pratique souvent abandonné. Parfois des appels de fonds sontadressés aux clients alors que les travaux correspondants ne sont exécutés qu’en partie, voireaffectés de graves malfaçons que le constructeur n’est pas en mesure de terminer ou de réparer.La garantie de paiement des sous-traitants30 n’étant pas mise en place dans les faits, lesentreprises ou artisans non payés refusent d’intervenir. Par conséquent, et alors que la situationparaît d’ores et déjà gravement compromise, y a-t-il lieu de s’en tenir à une interprétationrestrictive de la notion de défaillance, laissant ainsi les choses s’aggraver et de nouveaux clientscontracter ?

Les nouveaux clients : le constructeur continue à faire de la publicité et à faire signer descontrats, alors qu’il n’est plus en mesure de poursuivre les chantiers en cours. Il perçoit deschèques d’acompte ou se fait remettre des chèques à titre de dépôt de garantie. On a puobserver, il y a quelques mois, que les sommes remises à titre d’acompte ou de dépôt de garantieont été encaissées par le constructeur sans avoir été déclarées au garant. La garantie deremboursement ne paraît pas pouvoir jouer dans ce cas.

Les maîtres d’ouvrage ont-ils intérêt à accepter la délégation de paiement au profit dessous-traitants, proposée par les garants en cas de difficulté de leur constructeur ?

Plusieurs ADIL ont été consultées récemment par des maîtres d’ouvrage confrontés à cettesituation d’abandon de chantier, auxquels le garant propose de conclure des conventions dedélégation de paiement avec les sous-traitants. En effet, le garant considère que, le délaid’exécution n’étant pas complètement expiré et en l’absence de dépôt de bilan, il ne peut (ou nesouhaite) pas intervenir, dans la mesure où le constructeur n’est pas (encore) défaillant. C’estpourquoi le garant essaie de permettre la poursuite du chantier en incitant le maître d’ouvrage àaccepter une délégation de paiement des sommes dues au constructeur (entrepreneur principal)au profit des entreprises. Cette solution, a priori intéressante, puisqu’elle peut favoriser une repriserapide des travaux, n’est pas sans risques pour l’accédant.

La délégation de paiement se fait à concurrence du montant des prestations exécutées par lesous-traitant et non à concurrence des sommes dues par le maître d’ouvrage à l’entrepreneurprincipal (loi du 31 décembre 1975 :art.14, al. 1er).Son montant ne peut, notamment, être conventionnellement limité aux sommes restant dues parle maître d’ouvrage à l'entrepreneur principal au moment de la réclamation du sous-traitant31.C’est pourquoi, il importe avant de signer une délégation de paiement que le maître d’ouvrage aitune connaissance précise du montant des sommes dues au sous-traitant par l’entrepreneurprincipal et qu’il n’ait pas d’exception relative à l’exécution de l’ouvrage, à faire valoir auprès del’entrepreneur principal. À la différence de l'action directe, la délégation de paiement ne permetpas au maître d’ouvrage d'opposer au sous-traitant les exceptions dont il dispose à l'égard del'entrepreneur principal (par exemple des malfaçons dans la réalisation de l’ouvrage).

30 Article L.231-13 du code de la construction faisant obligation au constructeur de conclure des contrats desous-traitance avant tout commencement d’exécution des travaux. Ce contrat doit contenir à peine de nullité,notamment la justification de l’une ou l’autre des garanties de paiement prévue à l’article 14 de la loi du 31décembre 1975 relative à la sous-traitance.31 (Cass. 3e civ., 7 oct. 1998, no 96-20.566, Sté Pont-à-Mousson c/ Sté GTM BTP).

Page 26: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

25

L’existence de désordres de nature décennale : obstacle ou frein à la mise en œ uvre de lagarantie de livraison ?

On sait, depuis un arrêt de la Cour de Cassation du 4 octobre 199532, que l’absence mêmed’assurance dommages-ouvrage n’exonère pas le garant de son obligation, puisqu’il n’est pas unecaution ordinaire, mais au contraire qu’il paie sa propre dette en exécutant son obligation.

Pourtant, quelques difficultés subsistent :

– Si le maître d’ouvrage n’a pas souscrit l’assurance dommages-ouvrage, quelle qu’en soit laraison (ignorance ou négligence, inertie du constructeur chargé contractuellement de la souscrire)et si la construction inachevée comporte des désordres susceptibles de relever de la garantiedécennale, il n’est pas rare que le garant, qui ne peut plus désormais expressément refuserd’intervenir, essaie de limiter les travaux de réfection au minimum ou refuse les reprisesnécessitant des démolitions et reconstruction de tout ou partie de l’ouvrage. Le maître d’ouvragepeut alors se trouver obligé de recourir à un avocat pour faire valoir ses droits. On remarqueraenfin qu’il paraît difficile d’admettre que le garant puisse invoquer l’absence d’assurancedommages-ouvrage en cas de défaillance, alors qu’avant la délivrance de l’attestation de garantiede livraison, à aucun moment il n’a entrepris la moindre vérification auprès du constructeur sur cepoint.

– Si l’assurance dommages-ouvrage a été souscrite et si l’ouvrage est atteint de vices relevantde la garantie décennale, certains garants tentent de subordonner la mise en jeu de la garantie delivraison à une déclaration de sinistre préalable du maître d’ouvrage à l’assureur dommages-ouvrage. Cette exigence serait motivée par le souci du garant de préserver ses droits à une actionrécursoire par subrogation du maître d’ouvrage dans ses droits contre l’assureur dommages-ouvrage. La Cour de Cassation, dans un arrêt du 12 janvier 2000 33, vient d’approuver une Courd’Appel qui a retenu que le maître d’ouvrage est fondé à s’adresser directement au garant sansêtre tenu d’exercer une action contre l’assureur dommages-ouvrage en responsabilité décennale.Le cas échéant, dans le cadre d’une action récursoire ultérieure, il appartiendra à la jurisprudenceou au législateur de déterminer, qui du garant ou de l’assureur dommages-ouvrage, devrasupporter en définitive la charge des désordres34.

Le non-respect par le maître d’ouvrage de l’échelonnement légal des paiements constitue-t-il une faute permettant au garant de limiter l’étendue de sa garantie ?

Il arrive qu’en cas de défaillance du constructeur, on s’aperçoive que le maître d’ouvrage a verséplus que ce qu’il aurait dû légalement verser, compte tenu de l’état d’avancement du chantier.Cela peut résulter soit d’une clause d’échelonnement de paiement illégale, ce qui est devenuexceptionnel, mais peut néanmoins se rencontrer en pratique, soit d’un appel de fonds anticipé duconstructeur aux abois. Dans certains cas, l’attestation de garantie contient des clauses rappelantl’échelonnement légal des paiements et précisant que « le maître d’ouvrage engage sa seuleresponsabilité en cas de versement de fonds, au-delà de ceux des pourcentages définis ».Certains garants en tirent argument pour invoquer une faute du maître d’ouvrage et limiterl’étendue de leur intervention en appliquant une franchise. Les juridictions du fonds35, tendent àconsidérer que le garant ne peut utilement invoquer la faute commise par le maître d’ouvrage quieffectue un paiement anticipé, dès lors qu’il n’a pas lui-même exercé un minimum de contrôle surle contenu des contrats utilisés par les constructeurs auxquels il apporte sa caution ; ceci même sile contrôle incombant au prêteur aurait dû normalement permettre d’éviter certaines de cesdifficultés.

32 Cass. 3° Civ., 4 octobre 1995, JCP II 22 545.33 Cass. 3° Civ., 12 janvier 2000, Gerling Namur c. Epx Hugret ; Dalloz 2000 n° 5.34 Cf. article du professeur Périnet-Marquet « Chorégraphie pour un ballet infernal : Rôles respectifs du garant,de l’assureur dommages-ouvrage et du préteur dans le contrat de construction de maison individuelle ». JCP, Ed.N. 1996, p.253 et s.35 CA Rennes 4ème Ch. 8 avril 1999 GFIM Namur c. ép. Leroux : Dans la mesure où le paiement anticipé résulte d’unerédaction ambiguë du contrat imputable au constructeur, il s’agit « d’un fait du constructeur » ayant eu pour conséquence unsupplément du prix de construction de la maison qui doit donc être pris en charge par les garants au titre de la garantie delivraison.

Page 27: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

26

Lenteur de la procédure et de la désignation des entreprises chargées des travaux

De nombreuses ADIL insistent sur la lenteur des procédures de mise en œ uvre de la garantie delivraison. Certains garants semblent délibérément user de manœ uvres dilatoires telles que : lamultiplication de demandes de pièces et/ou des délais de réponse très longs ou la désignationtardive des entreprises, avec l’idée que, se lassant d’attendre, les maîtres de l’ouvragerenonceront finalement à demander la mise en œ uvre de la garantie et préfèreront poursuivre eux-mêmes l’achèvement de la construction, en signant des contrats avec des artisans ou entreprises.

Ces lenteurs peuvent aussi s’expliquer, au moins pour une part, par la difficulté de trouver desrepreneurs dans un contexte de très forte activité de la construction de maisons individuelles.

On note pourtant, à travers les défaillances de constructeurs ayant eu lieu en 1999, que lesgarants interviennent de plus en plus rapidement et même dans les jours précédant le dépôt debilan du constructeur, en informant les maîtres de l’ouvrage de la mise en œ uvre de la garantie.

Il n’en reste pas moins que les délais entre ce premier stade et la reprise effective des chantierssont souvent supérieurs à cinq ou six mois, dans le contexte actuel de forte activité. Il faut aussiavoir à l’esprit que souvent le chantier a déjà connu des interruptions de plusieurs mois avant ledépôt de bilan du constructeur. C’est pourquoi, en pratique, le chantier peut se trouver interrompupendant huit ou neuf mois, voire plus, avant de redémarrer. Parfois le maître d’ouvrage, dans sahâte de prendre possession de sa maison, est tenté d’engager les travaux en recourant auxentreprises de son choix. Un arrêt de la Cour d’Appel de Bordeaux vient de rappeler que cettemanière de faire ne correspond pas à celle prévue par la loi et qu’il n’appartient pas au maîtred’ouvrage d’imposer cette solution au garant36. La Cour d’Appel approuve le garant qui a refuséd’effectuer les versements correspondant aux travaux réalisés à l’initiative du maître de l’ouvrage,faute d’avoir obtenu l’autorisation préalable du garant ou à défaut celle du juge.

Choix des entreprises

Les chantiers sont repris soit par des constructeurs (garantis par la même compagnie le plussouvent), soit par des entreprises ou artisans. Ces derniers peuvent être soit désignés par legarant, soit parfois proposés par le maître d’ouvrage et acceptés par le garant.

Les maîtres d’ouvrage souhaitent de plus en plus souvent avoir leur mot à dire dans le choix desentreprises et certains contestent les choix du garant, voire à l’extrême, préfèrent renoncer à lagarantie pour conserver la liberté de choix des entreprises. A ce stade, quelques-uns se tournentvers de faux maîtres d’œ uvre, car ils ne perçoivent pas la différence entre les divers types decontrats.Des ADIL ont constaté, à l’occasion de la faillite des résidences d’Anjou et de Bretagne, que lesmaîtres d’ouvrage ont été sollicités de façon pressante par des constructeurs ou des bureauxd’études se présentant comme repreneurs des chantiers, surtout pour les chantiers les moinsavancés notamment ceux arrêtés au stade des fondations. Dans un certain nombre de cas, cespropositions émanaient des anciens commerciaux du constructeur défaillant qui se sont replacésauprès de bureaux d’études ou d’autres constructeurs.

36 CA Bordeaux 1ère Ch. B, 14 Avril 1999, Cie Européenne de Garanties immobilières C. CourtureauConstruction et Urbanisme Février 2000 n° 27. On notera que cette décision semble contredire un arrêt de laCour d’Appel d’Orléans ch. Com., 20 nov. 97, SCI Parisienne d’assurances c. Mandonnet, Construction etUrbanisme Juin 98 n° 219, dans lequel les juges d’appel avaient retenu que, s’il est constant que le maîtred’ouvrage a fait réaliser à son initiative la finition des travaux, cet état de chose ne permet pas au garant derefuser l’application de la garantie, dès l’instant où il ne conteste ni le prix final, ni le retard de livraison, seulséléments de nature à influer sur l’étendue de ses obligations.

Page 28: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

27

L’exécution de l’obligation du garant

Deux solutions sont le plus souvent proposées :– soit un montant forfaitaire est versé au maître d’ouvrage pour effectuer les travaux avecl’entreprise de son choix ;– soit l’entreprise est désignée par le garant.

Dans cette dernière hypothèse on rencontre différentes pratiques.La plus fréquente consiste à créer une relation contractuelle nouvelle entre l’entreprise désignéeet le maître d’ouvrage. Ce dernier lui règlera en conséquence directement les appels de fonds, legarant versant pour sa part à l’entreprise les sommes supplémentaires nécessaires àl’achèvement sous déduction de la franchise de 5 % incombant au maître d’ouvrage.

A l’inverse, il paraît plus rare que le garant appelle directement les sommes correspondant auxtravaux qu’il fait effectuer. En effet, il évite d’avoir à gérer directement l’achèvement du chantier,préférant s’en remettre aux parties dans un but de simplification.

Les protocoles d’accord : une solution rapide, mais parfois risquée

A la suite de la défaillance du constructeur, le maître d’ouvrage se voit proposer un protocole danslequel il prend l’engagement, sous sa propre responsabilité, de terminer les travaux deconstruction en toute connaissance des dépenses nécessaires à leur achèvement.En réalité, il ne dispose que d’une évaluation faite par le garant et n’a aucun devis d’entreprisespour vérifier l’exactitude des montants indiqués par le garant.

Il est également demandé au maître d’ouvrage de renoncer à mettre en jeu la garantie.De son côté, le garant renonce en tout ou partie à la franchise de 5 % et s’engage à régler àcelui-ci une somme forfaitaire censée lui permettre de terminer les travaux.

Enfin, la signature du protocole vaudra acceptation sans réserve des travaux exécutés à la datede la défaillance du constructeur.

On peut d’ailleurs s’interroger sur la validité de certaines stipulations contenues dans cesprotocoles37 dont le rôle devrait être de clarifier l’état de la situation, de faire le point sur la façondont le contrat peut s’exécuter jusqu’à l’achèvement des travaux, sans que le garant s’affranchissepour autant de son obligation financière.On notera que, lors de la défaillance récente d’un constructeur important, les protocoles ont étéproposés à l’ensemble des maîtres d’ouvrage, quel que soit le stade d’avancement des travaux, ycompris à ceux dont le chantier n’avait pas atteint le hors d’eau38.Enfin, certains chiffrages effectués par des garants laissent planer un doute sérieux sur la sincéritéde certaines évaluations des travaux à terminer.En conséquence, il paraît à tout le moins prudent que le maître d’ouvrage, avant d’accepter toutprotocole, s’assure que le total des sommes restant en sa possession et de celles proposées parle garant, suffit à financer l’achèvement des travaux de construction ; il devra pour cela faire établirdes devis ou se faire remettre ceux des entreprises consultées par le garant.

Plusieurs ADIL ont été consultées par des accédants « menacés » de se voir réclamer la franchiseen cas de refus du protocole ou qui, l’ayant refusé, ont reçu dans les jours suivants une lettre leurdemandant de verser ou de prendre l’engagement de verser une somme correspondant à lafranchise de 5 % comme condition préalable à la reprise des travaux.

37 CA Rennes 4ème Ch. 8 avril 1999 GFIM NAMUR c. ép. Leroux (précité). La Cour d’appel de Rennes précise que « dèslors que les maîtres de l’ouvrage n’ont pas eu connaissance de l’étendue réelle des obligations du garant, ils ne peuvent avoirtransigé à propos d’un droit et d’une obligation corrélative du garant qui ne faisait pas l’objet de la transaction et qui relevaitde disposition d’ordre public nécessitant pour le moins une renonciation manifeste et non équivoque » .38 Il ne peut y avoir de protocole entre le maître d’ouvrage et le garant que lorsque la maison est hors d’eau (Cf.Article L. .231-6 III du CCH).

Page 29: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

28

Versement de la franchise exigé en préalable à la reprise des travaux 39

Il s’agit d’une pratique observée par les ADIL de façon très fréquente et ceci dès l’entrée envigueur de la loi.

Le garant adresse un courrier ou un « arrêté de compte » en vue de récapituler :– le montant du prix convenu et des avenants ;– le cas échéant, les versements effectués par le maître d’ouvrage, pris en compte à conditionqu’il puisse en justifier ;– le montant restant dû après déduction des versements déjà opérés, dont le maître d’ouvragedoit justifier que les sommes sont effectivement disponibles ;– le montant de la franchise des 5 %.S’y ajoute le plus souvent une estimation des travaux restant à effectuer sans aucun justificatif etla mention que les travaux ne pourront reprendre qu’après le retour du document signéaccompagné du règlement de la franchise.

Il semble disproportionné, voire abusif au sens du Code de la consommation, de demander aumaître d’ouvrage de justifier tous ses versements et la disponibilité effective du solde du prix, alorsque le garant n’aurait de son côté aucun élément à fournir à l’appui de ses exigences. Il est vraique, dans nombre de cas dans les derniers mois avant le dépôt de bilan, le constructeur défaillanttente de conclure un grand nombre de ventes en sacrifiant sa marge, voire en vendant en dessousdu prix de revient, comme l’ont constaté récemment des ADIL. Cette exigence d’un paiement de lafranchise sans justificatif en préalable à la reprise des travaux apparaît souvent aux yeux desmaîtres de l’ouvrage comme un moyen de pression pour les inciter à poursuivre les travaux sansfaire appel au garant.

L’Association des Garants de l’Immobilier rappelle, dans sa charte, que les franchises supportéespar les maîtres d’ouvrage doivent être justifiées au moyen de devis ou de factures de travaux.

Que faut-il entendre par travaux nécessaires à l’achèvement de la construction ?

Le caractère assez technique de cette question ne doit masquer son intérêt pratique.Parmi les dépenses supportées par le garant, quelles sont celles qui peuvent donner lieu àl’application de la franchise ?Le calcul des sommes conduisant au dépassement du prix convenu porte souvent sur l’ensembledes dépenses supportées par le garant et non sur les seules dépenses nécessaires àl’achèvement de la construction.En effet, il semble assez exceptionnel en pratique que le garant fournisse des devis ou relevésdétaillés des dépenses qu’il a dû engager pour l’achèvement de la construction. Or certainesd’entre elles ne constituent pas strictement des dépenses nécessaires à l’achèvement, c’est-à-diredes dépenses pour terminer la construction, rendues nécessaires par la défaillance duconstructeur. C’est en particulier le cas des travaux de vérification ou de reprise des malfaçonsdont la réfection est souvent le préalable nécessaire à la poursuite des travaux d’achèvement.Certaines juridictions estiment que ce type de dépenses est imputable à un fait du constructeurayant abouti à un supplément de prix (au sens de l’article L. 231-6 b) et ne peut donner lieu àl’application de la franchise40. La même analyse est appliquée pour des frais de « prise encharge de fin de dossiers » facturés par le constructeur au garant. Si cette interprétation largementfavorable au maître d’ouvrage se confirme, elle aura pour conséquence un alourdissement du coûtde l’intervention du garant.

39 L'existence d'une franchise n'excédant pas 5 % du prix convenu n'autorise pas pour autant le garant à modifierses obligations en conditionnant son intervention au paiement préalable par le maître d'ouvrage de 5 % defranchise, avec pour conséquence le renoncement inévitable du maître d'ouvrage à la garantie. Sans conteste, latolérance légale d'un dépassement éventuel de 5 % nécessite que le maître d'ouvrage puisse procéder àd'indispensables contrôles du coût des travaux qui vont être réalisés pour achever la construction. Le maîtred'ouvrage doit donc se rapprocher du garant pour disposer des éléments lui permettant une comparaison descoûts (Rép. Min. N° 42286 : JO AN Q , 24 mars 1997, p. 1552).

40 CA Rennes 4ème Ch. 8 avril 1999 GFIM NAMUR c. ép. Leroux (précité).

Page 30: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

29

Le maître d’ouvrage « ballotté » entre les exigences du garant et les injonctions del’administrateur judiciaire

Plusieurs ADIL soulignent les difficultés de concilier la mise en œ uvre de la garantie de livraisonavec les règles relatives au règlement judiciaire et à la liquidation des entreprises. Il n’est pas rareque les maîtres d’ouvrage obtiennent des informations différentes, voire contradictoires, du garantet de l’administrateur ou du liquidateur judiciaire. (Exemple : le liquidateur exige le paiement detravaux qui n’ont pas été terminés ou qui sont affectés de malfaçons, alors que le garant luidemande de différer le paiement dans l’attente d’une expertise ou de la désignation desentreprises chargées de reprendre le chantier).C’est pourquoi le maître d’ouvrage, pour pouvoir prouver l’état du chantier au jour du dépôt debilan est assez souvent conduit à faire un constat ou une expertise à ses frais qu’il pourra opposerà l’administrateur ou au liquidateur judiciaire. Cette expertise peut d’ailleurs s’avérer utile pourobliger le garant à faire reprendre dans les règles de l’art les éventuelles malfaçons affectant laconstruction en cours.De plus, et même si cela n’est pas obligatoire, il peut être intéressant pour le maître d’ouvrage dedéclarer au passif le montant de la franchise de 5 % qu’il aura à supporter, pour pouvoir l’imputersur les sommes restant dues à la date d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire41au titre de l’exécution du contrat de construction.

Quoiqu’il en soit, il ne fait pas de doute que la difficulté de concilier les règles applicables auxentreprises en difficulté et celles propres à la mise en œ uvre de la garantie de livraison ont pourconséquence de compliquer le règlement du sinistre et de retarder la reprise des travaux. C’estpourquoi un certain nombre de juristes (d’ADIL notamment) suggèrent une harmonisation desprocédures afin d’éviter que le garant et l’administrateur ne s’ignorent et de favoriser, aucontraire, une coopération susceptible d’accélérer autant que possible la reprise des travaux.

41 Cf. Article 37 Alinéa 5 1ère loi du 25 janvier 85 : « Si l’administrateur n’use pas de la faculté de poursuivre le contrat,l’inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts dont le montant sera déclaré au passif au profit de l’autre partie. Celle –cipeut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur jusqu’à ce qu’il soit statué sur les dommages etintérêts ».

Page 31: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

30

L’assurance dommages-ouvrage_______________________________________________________

Selon «Sycodès», le système de collecte des désordres mis en place par l’Agence QualitéConstruction, 20 000 sinistres par an sont déclarés en maisons individuelles (secteur diffus neuf),ce qui représente 600 millions de francs de réparations. 50 % des sinistres déclarés sont sanssuite. La moitié des sinistres recevables sont liés à des problèmes d’eau (infiltration par toutel’enveloppe du bâtiment, par les sous-sol, façade, couverture, canalisations) ; la partie desouvrages en contact avec le sol (fondations, dallage sur terre-plein, murs enterrés de sous-sol,murs de soutènement extérieur au bâtiment) ne représente en nombre, que 10 à 15 % dessinistres, mais en coût de réparation un tiers de la sinistralité ; en effet, l’absence d’études de solconduit à des solutions inadaptées.Le coût moyen des réparations liées aux fondations est actuellement de 98 000 F en maisonindividuelle.

La souscription de l’assurance dommages-ouvrage

L’assurance dommages-ouvrage : une obligation facultative ?

Les ADIL sont très fréquemment interrogées sur la réalité de l’obligation de souscrire uneassurance de dommages-ouvrage. En effet, il est frappant d’observer que plus de 20 ans aprèsl’entrée en vigueur de la loi du 4 janvier 1978 instituant l’assurance dommages-ouvrage,nombreux sont les consultants qui s’interrogent sur le caractère obligatoire et surtout sur l’utilité decette assurance, laquelle ferait double emploi avec l’assurance en responsabilité décennale desconstructeurs.

L’absence de sanction pénale en cas de non-souscription par le maître d’ouvrage construisantpour son usage personnel est comprise comme une sorte de tolérance du législateur à l’égard descontrevenants. Il est inquiétant de constater le nombre élevé de maîtres d’œ uvre, d’entrepreneursou de banquiers, laissant entendre que cette assurance ne serait pas obligatoire en dehors ducadre du contrat de construction de maison individuelle. Depuis une période récente, lescommerciaux de certains constructeurs n’échapperaient pas tous à ce discours.Il y a là l’amorce d’une évolution qui pourrait devenir préoccupante si elle prenait de l’ampleurdans les mois et années à venir. C’est pourquoi les ADIL doivent inlassablement expliquer sonrôle, la sécurité qu’elle apporte au maître d’ouvrage, notamment en cas de sinistre ou de revente.

L’assurance dommages-ouvrage : une obligation coûteuse et difficile à satisfaire

Une prime élevée

Si le maître d’ouvrage souscrit son assurance dommages-ouvrage par l’intermédiaire du contratde groupe proposé par le constructeur, le montant de la prime est généralement compris entre8.000 et 12.000 F.En revanche, si le maître d’ouvrage doit souscrire lui-même l’assurance dommages-ouvrage, quece soit en s’adressant à un agent général ou à un courtier, le montant de la prime est en moyennede 20.000 à 25.000 F, voire 30.000 F dans certains cas et plus de 40.000 F dans les DOM.42. Cemontant peut donc avoir un caractère dissuasif s’il n’a pas été prévu dès le départ dans lefinancement de l’opération.

Une offre d’assurance très restreinte

Trouver un assureur qui accepte de couvrir la dommages-ouvrage, même à un tarif élevé, peuts’avérer difficile. Nombre d’assureurs ne cachent pas qu’il s’agit d’un « mauvais risque » etpratiquent quasi ouvertement des tarifs dissuasifs ou réservent la souscription de ce contrat à

42 On signalera ici que certaines associations de « Castors » proposent un contrat d’assurance dommages-ouvrageà leurs adhérents pour un montant de l’ordre de 14.000 F.

Page 32: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

31

leurs clients déjà assurés auprès de leur compagnie pour d’autres risques. Le plus souvent, lesmutuelles et les sociétés d’assurance répondent qu’elles ne couvrent pas ce risque.Sans doute pour des raisons de délais trop longs, en cas de refus d’assurance, les maîtresd’ouvrage n’utilisent pas suffisamment le recours au Bureau Central de Tarification prévu par laloi.

Il résulte de ce double constat que la très grande majorité des maisons construites en dehors ducontrat de construction de maison individuelle ne sont pas couvertes par un contrat d’assurancedommages-ouvrage. Ce constat n’est pas nouveau et aucune solution n’a pu être apportéejusqu’ici pour y remédier. En outre, le relèvement du montant des primes pour faire face au déficitde l’assurance construction encourage le contournement de la loi de 1990. Le constat fait parl’ensemble des participants au colloque de 1996 reste d’actualité.

Augmenter le nombre de maisons couvertes par l’assurance dommages-ouvrage…

Les ADIL, dans leur grande majorité, considèrent qu’il faut trouver le moyen de généraliser lasouscription de l’assurance dommages-ouvrage à l’ensemble des constructions de maisonsindividuelles, sous réserve que cela soit accompagné d'une baisse du montant des primesdemandées et que de nouveaux intervenants soient attirés sur ce marché.

Comment généraliser la souscription à l’assurance dommages-ouvrage à tous lesmaîtres d’ouvrage ?

Cela ne peut résulter de sanctions supplémentaires difficiles à mettre en œ uvre, mais plutôt demesures incitatives :– prévoir le coût de l’assurance dommages-ouvrage dès le départ dans le plan de financementou le budget de l’opération (banques, constructeurs ou maîtres d’œ uvre) ;– effectuer un contrôle de la souscription effective notamment par le prêteur quel que soit letype de prêt43 ;– sensibiliser et responsabiliser les professionnels par des tarifications prenant mieux encompte leur taux de sinistralité et leurs efforts pour améliorer l’organisation des chantiers et laprévention des risques. Certains assureurs, la SMABTP notamment, prennent d’ores et déjà encompte l’étude du sol dans leur tarification (l’existence d’une étude de sol peut entraîner unediminution de tarif de l’ordre de 15 % par rapport au tarif normal).

Les travaux réservés peuvent entraîner des refus d’assurance ou des surprimes

Certaines compagnies ou mutuelles d’assurances refusent d’accorder leur garantie lorsque lestravaux réservés sont trop importants et a fortiori s’ils portent sur le gros œ uvre, voire le secondœ uvre ; ceci s'explique par le fait que l’assurance dommages-ouvrage, n’étant qu’une police depréfinancement, l’assureur n’aurait aucun recours en cas de sinistre.D’autres compagnies exigent en cas de travaux réservés des surprimes de l’ordre de 2 000 à4 000 F, qui ont pour effet, et sans doute pour but, de rendre beaucoup moins attractif le recours àd’autres intervenants que ceux liés au constructeur (exemple : les travaux de terrassement sontconfiés à un professionnel parent ou ami du maître d’ouvrage ; cela peut avoir des conséquencessur la qualité des fondations, d'où les réticences de certains assureurs à accepter ce type detravaux réservés).

43 Il a été envisagé de faire de la souscription effective de l’assurance dommages-ouvrage, une obligation pour avoir accès àl’un des prêts réglementés par le code de la construction notamment le prêt à 0%, (mais aussi les prêts 1%, PAS, PC, CEL,PEL) . Cette proposition reviendrait à imposer une contrainte supplémentaire aux seuls prêts réglementés, destinés pour unepart au financement de l’accession sociale. En ce sens, elle constituerait une incitation à éviter le recours à ces prêtsfavorables aux accédants pour éluder l’obligation de souscription de l’assurance dommages-ouvrage. On a pu d’ailleursobserver ce type de comportement avec le prêt PAS ou PC, pour les acquisitions dans l’ancien, où nombre d’accédants surles conseils de professionnels, pour éviter l’état des lieux et l’obligation de mise aux normes minimales d’habitabilité dulogement acquis, préfèrent opter pour un prêt bancaire libre qui n’est soumis à aucune condition de normes.

Page 33: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

32

La souscription de l’assurance dommages-ouvrage par l’intermédiaire du constructeur :une solution parfois source de difficultés

La solution de la souscription de l’assurance dommages-ouvrage dans le cadre d’un contratgroupe proposé par le constructeur offre au maître d’ouvrage l’avantage de la simplicité et d’unprix sensiblement moins élevé ; en revanche, des difficultés sont apparues à plusieurs reprisesnotamment en cas de défaillance du constructeur. En effet, on a pu observer plusieurs cas deconstructeurs en difficulté ayant appelé les primes d’assurances auprès du maître d’ouvrage sansles reverser en totalité à l’assureur.

Deux situations peuvent alors se rencontrer :– soit l’assureur a délivré une attestation d’assurance dommages-ouvrage, il y a alorsprésomption de contrat et il appartient à l’assureur de démontrer que le contrat n’était pas formé ;– soit l’assureur n’a pas délivré d’attestation d’assurance ou a délivré une attestation souscondition suspensive du paiement de la prime et dans ce cas, le maître d’ouvrage se trouvedépourvu d’assurance, sauf à la payer une nouvelle fois. La vérification de l'attestation del’assurance dommages-ouvrage n’entrant pas dans les obligations du garant, on voit ici l’intérêtd’un contrôle de la souscription effective de l’assurance dommages-ouvrage qui pourrait incomberau prêteur ou au garant.

La mise en œ uvre de l’assurance dommages-ouvrage

Le champ d’application de l’assurance dommages-ouvrage : une questionfréquente

Généralement, le consultant veut savoir si le problème qu’il rencontre relève ou non des garantieslégales, et le cas échéant, quelles sont les démarches à accomplir pour la mise en œ uvre del’assurance dommages-ouvrage. Il s’avère assez souvent que le problème exposé n’est pas denature décennale. Il n’est pas rare qu’il s’agisse de désordres mineurs relevant de la garantie deparfait achèvement dont le maître d’ouvrage a laissé expirer le délai, le constructeur n’ayant pasrépondu ou réparé dans l’année suivant la réception.

Des déclarations de sinistre parfois injustifiées

Dans nombre de cas, le maître de l’ouvrage actionne trop vite et trop facilement la dommages-ouvrage, alors que l’assureur estime que les désordres ne relèvent pas de la garantie décennale.Dans ce type de situation, le maître d’ouvrage est généralement insatisfait car il a le sentiment dene pas être indemnisé du préjudice subi. C'est le cas assez fréquent des fissures dans l’enduit,que l’assureur considère comme n’ayant qu’un caractère esthétique, en l’absence d’infiltrations oud’humidité à l’intérieur du logement ou de ses annexes.

Un fonctionnement satisfaisant de l’assurance dommages-ouvrage dans l’ensemble

Quand le désordre relève de l’assurance dommages-ouvrage, celle-ci semble généralementcorrectement fonctionner. Les délais et les procédures prévues par la loi sont respectés dans latrès grande majorité de cas.

Toutefois, les assurés doivent parfois se battre pour faire valoir leurs droits et obtenir uneindemnisation des dommages subis. Par exemple, l’assureur invoque la force majeure, alors queles conditions ne sont pas réunies. Si l’assuré ne conteste pas les motifs invoqués et ne relèvepas l’inapplicabilité de la force majeure, il ne sera pas indemnisé.Les dommages affectant des travaux réservés effectués par le maître d’ouvrage sont en généralindemnisés, s’ils résultent de désordres relevant de l’assurance dommages-ouvrage.D’autres sources de difficultés proviennent des désordres futurs et évolutifs. Par exemple, unmaître d’ouvrage ne peut pas exiger le remplacement des ardoises ou tuiles présentant desdéfauts compromettant à terme l’étanchéité de la couverture, tant qu’il n’existe pas encore dedommage.

Page 34: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

33

La simplification des procédures pour les petits désordres44a-t-elle amélioré la situation ?

L’arrêté du 30 mai 1997 autorise l’assureur à ne pas recourir à l’expertise lorsqu’au vu de ladéclaration de sinistre, il évalue le dommage à moins de 12 000 F TTC ou si la mise en jeu de lagarantie est manifestement injustifiée.

Lors du colloque organisé en 1996 par l’ANIL les difficultés de l’assurance construction avaientdéjà été le thème d’une table ronde.

Les causes les plus importantes de ces difficultés avaient été signalées.- Sur 200.000 sinistres déclarés chaque année, la moitié n’avait abouti à aucun règlement, car :

- ils n’entraient pas dans le champ d’application de la dommages-ouvrage ; - les déclarations étaient faites hors délai ;

- les désordres étaient réparés par l’entreprise.- 20 % des sinistres déclarés avaient un coût de réparation inférieur à 5 000 F.

En outre, on notait l’augmentation du nombre de déclarations de petits désordres générateurs d’uncoût de gestion élevé pour les assureurs.

L’arrêté du 30 mai 1997 avait pour finalité de répondre à ces difficultés en évitant le recours àl’expertise pour les petits sinistres et les déclarations injustifiées. Deux ans et demi après sonentrée en vigueur, les assureurs constatent une sensible diminution du nombre de déclarationsinjustifiées, qui peut être en partie attribuée aux efforts de communication conduits parallèlement,notamment par la diffusion d’une plaquette éditée par l’Agence Qualité Construction avec lesprofessionnels du bâtiment, les assureurs, l’ANIL, le CDIA et l’INC45.

Bien que le recul soit encore un peu insuffisant pour juger de l’efficacité du dispositif, il semble queglobalement la garantie fonctionne de façon satisfaisante. Toutefois, un certain nombre dedifficultés sont observées par les ADIL.- Il importe que l’assuré puisse décrire de façon assez précise le désordre et joindre à sadéclaration un devis pour permettre à l’assureur d’apprécier aussi exactement que possible s’ilrelève de l’assurance dommages-ouvrage. Or, le propriétaire ne fournit pas toujours d’élémentsprécis, ce qui dans un certain nombre de cas conduit l’assureur à refuser la prise en charge dusinistre, déniant souvent la qualification de dommage de nature décennale à ce type de préjudice.- L’étendue des dommages pris en compte paraît insuffisante dans un certain nombre de cas,dans la mesure où l’assurance n’indemnise que la réparation du désordre lui-même, mais laissede côté des dommages découlant du désordre qui ne sont pas évalués en l’absence d’expertiseou d’envoi de devis par le maître d’ouvrage. Le maître d’ouvrage estime que le préjudice subi n’estpas entièrement indemnisé. Le désordre n’est pas toujours réparé ou repris de façon correcte etun nouveau sinistre apparaît ensuite.- En cas de refus de l’assureur, le maître d’ouvrage hésite à se lancer dans une procédurecompte tenu de son coût et du montant du litige. Certains assureurs adoptent une attitude dilatoirenotamment en incitant le maître d’ouvrage à actionner d’autres garanties.- Le montant de la réparation étant assez souvent d’un montant relativement modeste, il peut êtredifficile de trouver des entreprises pour faire les travaux et obtenir un travail de qualité. Ce dernierpoint n’est pas imputable à l’assureur dommages-ouvrage, mais davantage à la difficulté detrouver une entreprise ou un artisan qualifié pour effectuer des travaux peu importants.

On retiendra que les difficultés d’application de l’assurance construction dans le secteur de lamaison individuelle sont évoquées régulièrement depuis l’entrée en vigueur de la loi du 19décembre 1990.

Les propositions des groupes de travail sur ce thème n’ont pas débouché sur une refonte dusystème. Seul l’arrêté visant à limiter les coûts de gestion des petits sinistres a été pris. On peutpenser que cet aménagement du régime existant ne suffira pas à rééquilibrer les comptes del’assurance construction. Un contrôle renforcé des souscriptions d'assurance dommages-ouvrage

44 Arrêté du 30 mai 1997 modifiant l’article A.243-1 du Code des Assurances.45 « Comment bien utiliser votre assurance dommages-ouvrage » : disponible notamment dans les ADIL.

Page 35: ANIL HABITAT ACTUALITE · L’ assurance dommages-ouvrage 30 Avec le concours de l’ Observatoire des Pratiques ... prévention et assurance L’ adaptation de la construction au

34

par le prêteur ou le garant, serait-il en mesure, en augmentant les souscriptions effectives,d'accroître les recettes de l'assurance dommages-ouvrage et de peser sur les tarifs ?

A défaut, le relèvement du montant des primes observé, continuera d’alimenter le contournementde l’obligation légale de souscription ; on peut redouter qu’on ne s’engage dans une spirale danslaquelle de moins en moins de maisons seront assurées, et de moins en moins de sinistres pris encharge.

Une seconde phase de travaux en vue de la réforme du champ d’application de l’assurancedécennale doit être lancée prochainement par le Ministère de l’Equipement, des Transports et duLogement.

Date de publication : 21 Avril 2000 - N° ISNN : 09996-4304Directeur de publication : Bernard VORMSComité de rédaction : Augustin CHOMEL (ADIL 56), Isabelle COUETOUX DU TERTRE, FlorenceDULAU, Elsa FOURRIER, Nicole MAURY, Hélène ROQUE, Jean BOSVIEUX.