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N O 64 JANVIER 2018 - GRATUIT ANGOULÊME 2018 COSEY, URASAWA, TEZUKA, ALIX... L’HOMME GRIBOUILLÉ LEHMAN ET PEETERS RÉACTUALISENT LES MYTHES ESSENCE : ROAD MOVIE EXISTENTIEL BOUNCER : LA POURSUITE IMPITOYABLE

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COSEY, URASAWA, TEZUKA, ALIX...

L’HOMME GRIBOUILLÉLEHMAN ET PEETERSRÉACTUALISENT LES MYTHES

ESSENCE :ROAD MOVIE EXISTENTIEL

BOUNCER :LA POURSUITE IMPITOYABLE

Zoo est édité parArcadia Media45 rue Saint-Denis75001 Paris

Envoyez vos contributions à :[email protected]

Directeur de la publication& rédacteur en chef :Olivier Thierry

Rédacteur en chef adjoint :Olivier Pisella, [email protected]

Conseillers artistiques :Kamil Plejwaltzsky, Howard LeDucRédaction de ce numéro :Olivier Pisella, Julien Foussereau, ThierryLemaire, Jean-Philippe Renoux, MichelDartay, Yaneck Chareyre, Cecil McKinley,Hélène Beney, Kamil Plejwaltzsky, VladimirLecointre, Thomas Hajdukowicz, Jean-Laurent Truc, Alex Métais, Didier Pasamonik,Jérôme Briot, Gersende Bollut, GregSoudier, Julie Bordenave, Olivier Thierry,Boris Henry, Majestic Gérard, YannickLejeunePublicité :• [email protected], 06 08 75 34 23• Geneviève Mechali,[email protected] :© Frederik Peeters / DelcourtAbonnements et administratif :[email protected]

Collaborateurs : Yannick Bonnant et Audrey Retou

Dépôt légal à parution.Imprimé en Italie par TIBER S.P.A.

Les documents reçus ne pourront être retournés.Tous droits de reproduction réservés.

www.zoolemag.com

E 2007, je ren-contrai ÉricBorg, journa-

liste et scénariste, créa-teur du magazine expé-rimental Zoo. Il avaitvoulu passer la mainaprès quelques numé-ros seulement et je sou-haitais mÊinvestir da-

vantage dans lÊindustrie de la bande dessinée,dÊune manière qui toucherait le plus grandnombre. Je voulais ÿ faire la différence Ÿ,comme on dit en anglais. Je lui rachetai lemagazine et le développai pour en faire uneréférence, un repère, pour qui aime ou seraitintéressé par la bande dessinée, les comics,les mangas, mais aussi les arts et loisirsconnexes. Diffusion et pagination augmen-tées, équipe étoffée⁄ Que de chemin par-couru ! Le but était de faire connaître et aimerdavantage la bande dessinée et dÊaider lesgens à sÊy retrouver dans une jungle de plusen plus touffue. Je suis fier de ce que nousavons accompli, de lÊétendue de notre diffu-sion et de notre influence, de la qualité denos articles principalement, passionnés et éru-dits mais accessibles, et surtout, sans com-plaisance. Car qui aime bien châtie bien. EtcÊest parce que nous aimons la bande dessinée,les comics et les mangas, que nous noussommes permis quelques coups de gueule oude griffe au cours des années. Nous estimonsen effet que trop dÊindulgence, dÊaveuglementbéat-benêt ou de veulerie tapissent le petitmonde de la critique BD. Or, ce nÊest pasrendre service à la bande dessinée que de nejamais la critiquer négativement. Sans vouloirdire que ÿ cÊétait mieux avant Ÿ, on aura

quelque peu la nostalgie des auteurs ÿ grandsanciens Ÿ pour lesquels labeur, exigence ethumilité étaient les caractéristiques principales– et les ressorts de leur succès (sans oublier lesoutien que constituaient les prépublicationsdans la presse hebdomaire ou mensuelle).

Dix ans plus tard, et plus de trois cent mil-lions (!) de pages imprimées et diffusées, cÊestà mon tour de passer la main. De nombreusesautres activités requièrent mon attention etmon énergie. CÊest pourquoi il est temps pourmoi de passer le relais à une direction quisaura insuffler une nouvelle dynamique à Zoo(avec quelques changements et surprises aussi).

JÊespère que vous avez apprécié le magazineet la pierre que nous avons modestementapportée à lÊédifice de ce média et cette indus-trie. Il y a trop de gens pour moi à remercierpour que je les nomme un par un : lÊéquipe,talentueuse et agréable, que je considère main-tenant comme des amis ; les annonceurs quiont rendu cette aventure possible ; les auteurs,qui se sont prêtés au jeu des interviews etnous ont soutenus ; les gens, les amis et lafamille qui ont fluvré dans les coulisses pourpermettre la sortie régulière du magazine ;les proches qui ont souffert de mon absenceou de mon manque dÊattention pendant cesannées de sacerdoce⁄ Merci à vous.

En espérant quÊune certaine critique ins-truite et avisée de la bande dessinée conti-nue et quÊelle permette à celle-ci de sÊamé-liorer et aux lecteurs de faire de nouvellesdécouvertes passionnantes. Avec exigence,et humilité.

m Éditom

m Zoommaire m

numéro 64 - janvier 2018

OLIVIER THIERRY

Retrouvez quelques planches de certainsalbums cités par Zoo à lÊadressewww.zoolemag.com/preview/Le logo ci-contre indique ceux dont lesplanches figurent sur le site.

Prochain numéro de Zoo : 26 février 2018

Le logo ÿ coup de cflur Zoo Ÿ distingue lesalbums, films ou jeux vidéo que certainsde nos rédacteurs ont beaucoup appréciés.

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22 - LÊHOMME GRIBOUILLÉ

CINÉ & DVD49 - LASTMAN : la survie dans lÊextension

JEUX VIDÉO50 - CUPHEAD : pourquoi est-il aussi méchant ?

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ACTU BD24 - LA PETITE SOURIANTE, de Zidrou et Springer26 - ESSENCE : road movie existentiel28 - LONESOME : le Kansas met le feu aux poudres29 - BOUNCER : la poursuite impitoyable30 - DÊoù viens-tu TANGO ?31 - LE VOILE NOIR : gonades mal placées32 - COMME UN CHEF : lÊart de se mettre à table33 - MEMORABILIA : auto-(science-)fiction34 - INTERFÉRENCES : pirates des ondes

RUBRIQUES36 - REDÉCOUVERTE : hommage à Will, Mickey par Gottfredson...38 - COMICS : Brubaker-Phillips : duo idéal, Royal City, Black Panther...44 - MANGAS & ASIE : Dernière heure, King of Eden...48 - SEXE & BD : Cloîtrée, de Xavier Duvet

ANGOUL¯ME 201806 - COSEY : un lecteur président du Festival dÊAngoulême08 - EXPO 70 ANS ALIX : Alix Martinus Imperator10 - TEZUKA, URASAWA : le Dieu du manga et son fils spirituel12 - 10 ANS DE FAIRY TAIL au Festival dÊAngoulême14 - ZOOM SUR LA SÉLECTION

N ous y retrouvons un person-nage posé, enjoué, quireçoit ces honneurs avec

une certaine fierté, mais aussi avecune parfaite lucidité face à cette

récente écume médiatique. Sa plusgrande satisfaction ? Celle dÊavoir étédistingué par ses pairs. Et aussi, à 67ans, dÊavoir lÊimpression de resterencore innovant, de pouvoir se donnerdes défis, comme il le prouve dansson dernier album, Calypso (éditionsFuturopolis), où il arpente le noir etblanc sur des sommets inégalés. Il parle peu, brièvement, jamais enivréde ses mots, tout simplement parcequÊentre le Tibet et la Suisse, il connaîtla beauté du silence. Dans la viecomme dans ses dessins, Cosey aimela musique, pas le bruit. Rencontre.

En raison de votre Grand Prix, leFestival dÊAngoulême vous offre unegrande exposition. Rétrospective-

ment, quel regard portez-vous survotre parcours ?Cosey : LÊexposition montre quelques-unes de ces planches que jÊai réaliséesavant même dÊêtre publié. Honnê-tement, si jÊavais vu à mes débuts lesalbums que jÊai réalisés aujourdÊhui,cela paraît prétentieux de dire cela,jÊaurais été épaté dÊen être arrivé là, jene lÊaurais jamais cru.

¤ quel moment vous êtes-vous dit :ÿ - Ça y est, jÊai trouvé mon style ! Ÿ ?Au moment où jÊai compris quÊil fallaitque jÊapporte quelque chose que lesautres – y compris ceux qui dessi-naient beaucoup mieux que moi – nesavaient pas faire. Ça a été le tour-nant.

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Journal dÊun enfant deLune, de Joris Chamblainet Anne-Lise Nalin

Du haut de ses16 ans, Morganeest bousculéeen ces vacancesestivales : ellerechigne à quitterses copines pourdéménager,sÊoccuper deson petit frèreet participer à la

vie familiale. Mais quand elle tombe surun journal intime abandonné dans sanouvelle chambre par le précédentlocataire, son été prend une autretournure. ¤ travers les mots dumystérieux Maxime, elle découvreun ado romantique, tourmenté parun mal qui entrave son quotidien :le Xeroderma Pigmentosum lui interditde sÊexposer à la lumière du soleil. Laquête pour retrouver cet inconnu feramûrir dÊun coup la jeune fille. Une bellehistoire didactique prônant la résilience,réalisée en partenariat avec lÊassociationEnfants de la lune, qui aide les famillesà apprivoiser les multiplesbouleversements engendréspar cette maladie génétique.Kennes, 56 p. couleurs, 14,95 €

JULIE BORDENAVE

Rio, T.3, Carnaval sauvage,de Louise Garciaet Corentin Rouge

Alors que lecarnaval de Rioest imminent,les événementssÊaccélèrent danscette tragédiemusclée. Autourde Rubeus, lemétisse albinos nédans la favela maisadopté et élevé

par de riches yankees, les destins sedénouent au rythme de la samba etdu claquement des mitraillettes. Desrois sont déchus tandis que dÊautressÊavancent, comme portés par uneénergie maléfique. CÊest avec souffranceque nous voyons le héros se fairemanipuler, malgré toute sa farouchevolonté dÊindépendance. Avec sondessin spectaculaire et ses personnagestrès reconnaissables, Corentin RougesÊest hissé parmi les meilleurs tenantsdu réalisme post-Giraud. Et, avec 202planches livrées en moins de deux ans,il est un des plus efficaces !Glénat, 80 p. couleurs, 17,50 €

VLADIMIR LECOINTRE

Les Fous, T.2,de Marc Chalvin

Marc Chalvinnous gâtedÊunenouvellefournée destrips desFous. Ces

deux compères hilares et lunairesinternés en hôpital psychiatriquesÊamusent encore et toujours à rendrechèvre leur infirmier préféré, boucémissaire en série, et bravent sans maltoutes les lois physiques censées régirce monde. Dessinateur attitré de lasérie de livres ÿ pour les nuls Ÿ, MarcChalvin joue avec les codes de la bandedessinée et le polymorphisme de sesdeux insaisissables héros, saupoudrantle tout de poésie rigolarde afin dÊôtersystématiquement queue et tête àtoute situation.Comicstrip!, 88 p. couleurs, 9 €

MAJESTIC GÉRARD

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COSEY :

C’est symbolique. Le Grand Prix 2017 d’Angoulême nous reçoit dans la cafétéria du Musée Guimetà Paris, le musée national des arts asiatiques, un espace zen comme un album de Jonathan… Ilest sur le chemin d’Angoulême où une grande exposition rétrospective d’une centaine d’œuvreset documents l’attend dans les vénérables caves de l’Hôtel Saint-Simon.

un lecteur présidentdu Festival d’Angoulême

¤ LA RECHERCHE DE PETER PAN

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Il y a un élément qui est commun à tous vos ouvrages,cÊest le voyage. Il y a toujours quelque chose dÊini-tiatique⁄Oui, il y a le refus dÊêtre enfermé tout de suite dansles stéréotypes, et le voyage, peut-être, est un moyende faire des découvertes, dÊaiguiser le regard. On peutaiguiser son regard en restant au même endroit, maiscÊest plus facile en voyageant.

En 40 ans, il nÊy a pas que vous qui avez évolué. Labande dessinée aussi⁄ Vous êtes passé dÊune bande

dessinée formatée, commerciale, avec des héros, àdes ouvrages plus ambitieux. Vous étiez un de ceshérauts qui voulaient faire tout bouger ?Non, je nÊai jamais souffert de cet environnement. Jeme sentais parfois un peu isolé dans le journal Tintin,jÊavais lÊimpression que je faisais quelque chose dÊunpeu différent des autres, mais je nÊen ai pas souffertnon plus. On me demandait parfois de changer lÊuneou lÊautre petite chose, mais ils mÊont incroyablementfichu la paix après quelques albums.

Le passage chez Dupuis a été une façon de tournerle dos à cette bande dessinée ultra-classique quiaccompagnait vos débuts ?Plus que Dupuis : Aire Libre. CÊétait une collectionlancée par Philippe Vandooren. CÊétaient les premiersromans graphiques de cet éditeur. JÊai été contentdÊinaugurer cette nouvelle collection.

CÊétait une nouvelle façon de raconter, plus contem-plative. On voit bien dÊoù cela vient : de Pratt⁄Oh oui ! Et puis aussi Derib qui faisait pareil, ClaudeAuclair, Mflbius, Druillet qui faisait éclater les pages.Je vais en oublier⁄ CÊétait un mouvement généralauquel jÊai participé un peu timidement depuis maSuisse natale, avec ce que je ressentais. Nous étionsun peu isolés, nous avions du recul par rapport auxvagues, au côté branché de Paris ou de Bruxelles.

On vous sent très connaisseur de la productioncontemporaine de la bande dessinée, dÊauteurscomme Davodeau, Larcenet, LÊAssociation dont vousavez été un observateur passionné apparemment⁄Tout à fait. On pourrait aussi citer Chris Ware, chacundans son style⁄ Parce que je reste un lecteur, je suispassionné par cela, et puis cela mÊinspire, commequand jÊai découvert Pratt à 15 ans. En voyant unLarcenet, je vois que tout est encore possible, on peutencore révolutionner⁄

Au point de se sentir dépassé par cette nouvellegénération ?Dépassé ? Non. Ils font leur truc, moi le mien. ChacundÊeux : ce nÊest pas une génération, ce sont des indivi-dus. Et je suis un autre individu, inspiré par eux.

Comment sÊest fait Calypso, votre dernier album ?Pourquoi chez Futuropolis ?JÊai pensé que cÊétait lÊéditeur idéal pour un album ennoir et blanc. Au Lombard, cela aurait eu lÊallure dÊunalbum qui coûte moins cher parce quÊil nÊy aurait pasla couleur. Or, ce nÊétait pas du tout cela, il y avaitvraiment lÊenvie de travailler le noir et blanc. JÊairetrouvé Claude Gendrot et Sébastien Gnaedig avecqui jÊavais travaillé chez Dupuis pour Aire Libre. Etpuis, ce qui me plaît chez un éditeur, ce sont les autresauteurs présents au catalogue. Chez Futuropolis, je

retrouvais Jean-Claude Denis, Baru, Gibrat, Muñoz⁄je vais en oublier, cÊest terrible !

Est-ce que vous vous considérez comme un auteurlittéraire ?Non, car jÊaime la bande dessinée et je veux être unauteur de BD. La bande dessinée peut avoir des qualitéslittéraires mais jÊessaie de ne me référer ni au cinéma,ni à la littérature, ni à la peinture parce que je trouveque la BD a sa valeur propre. Sa spécificité, cÊest lanarration par les images, vous le savez bien.

Et pourtant là, dans votre dernier album, Calypso,la référence au cinéma est patente⁄Je ne cherche pas à faire du cinéma, je fais de la bandedessinée. On peut sans doute en tirer des films, maisje ne cherche pas cela.

CÊest une histoire qui se passe en Suisse alors quevous avez tant fait voyager vos personnages. Vospersonnages ont un certain âge... Il y a un peu plusde vous dans cet album-là ?Tous mes albums, tous mes personnages ne parlentque de moi, cÊest terrible, mais je me soigne, rassurez-vous. Eh bien, oui, jÊai plus de 60 ans, il est normalque jÊaborde ces choses-là⁄

La star déchue, cÊest vous ?Ça non, je nÊai jamais été ni star, ni femme, ni déchu.Comme toujours, ce sont des éléments, les pièces dÊunpuzzle que je recompose. Dans Calypso, cÊest un amidÊenfance qui a toujours été mon premier lecteur quimÊa donné lÊidée de base : une ancienne star, déchue,addict, qui découvre quÊelle se fait escroquer et quiimagine, pour récupérer son argent, organiser un fauxkidnapping. Elle demande à son ex-petit copain defaire cela. Mon ami imaginait placer cette histoire auxÉtats-Unis. Mais les stations-service perdues dans ledésert avec un bar, on en a vu tellement au cinéma. Ily en a plein en bande dessinée et en littérature. Etpuis jÊavais dessiné Orchidea dans ce décor-là. JÊai trouvéque ce serait plus amusant de situer cette histoire enSuisse. Et puis pourquoi pas en noir et blanc pour ladistinguer de ¤ la recherche de Peter Pan⁄

Nous nous trouvons dans le Musée Guimet. Cetendroit vous parle particulièrement ?Ce qui me plaît dans lÊart asiatique, cÊest la simplicitéet surtout la stylisation. Chaque muscle, chaque drapéest stylisé, jÊadore cela.

Simplicité, stylisation⁄ On a lÊimpression que vousparlez de votre dessin⁄JÊaimerais bien que vous disiez vrai !

PROPOS RECUEILLIS PAR DIDIER PASAMONIK

c COSEY, UNE QU¯TE DE LÊÉPUREexposition visible du 25 au 28 janvier 2018à lÊHôtel Saint-Simon, Angoulême

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U n travail de réhabilitation, cÊest en filigranelÊintention de lÊexposition ÿ Alix - LÊArtde Jacques Martin Ÿ, qui démarre dans la

grande salle du Musée de la bande dessinéedÊAngoulême le 25 janvier prochain. RéhabilitationdÊun auteur généralement circonscrit à quelqueséléments pas franchement positifs ou anecdotiques :une série très didactique, misogyne, conservatrice,pimentée par une relation en filigrane entre Alix etEnak. La vérité est ailleurs veulent dire les concep-teurs de lÊexposition, en montrant que le travail deJacques Martin est beaucoup plus riche et complexequÊon ne le croit. ÿ Alix - LÊArt de Jacques Martin Ÿse limite donc aux 19 premiers albums de la série(jusquÊau Cheval de Troie, même si le natif deStrasbourg a participé à lÊécriture du scénario dutome 20 ł Alexandrie) et à quelques volumes de lasérie Lefranc, qui apparaît dans lÊexposition en regarddÊAlix. ÿ LÊarticulation dÊ„Alix - LÊArt de Jacques Martin‰ a étépensée avec lÊidée dÊun triangle entre trois époques, celle dÊAlix,celle de lÊécriture des albums et la nôtre, explique PaulineDucret, doctorante en histoire ancienne à lÊUni-versité Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, corédactricedes cartels et du catalogue. Dans la partie sur lÊécriturede lÊHistoire par exemple, lÊexposition décrit la manière dontlÊHistoire est retranscrite, comment lÊépoque de JacquesMartin déteint sur son travail et la façon dont les récitspeuvent aujourdÊhui nous parler. Ÿ Le procès en miso-gynie est battu en brèche en soulignant la forceet la multiplicité des personnages féminins dansAlix, et ce durant toutes les années 1960. La prin-cesse Adréa dans Le Dernier Spartiate (1966-67) estle prototype de ces protagonistes à la personnalitébien marquée.

UN REGARD NUANCÉ

La modernité de Jacques Martin tient égalementdans sa représentation de la nudité. Dans un journalcomme Tintin, où ce genre de procédé nÊest pas àlÊordre du jour, lÊauteur dÊAlix parvient à contournerla censure pour donner une atmosphère plus adulteà ses récits. En ce qui concerne lÊhomosexualité,son traitement est également plus complexe quÊilnÊy paraît. ÿ Les allusions à des relations entre hommes sontassumées, mais pas entre Alix et Enak. Ces préférences et com-

portements avérés à lÊépoque sont plaqués sur des personnagessecondaires. Ÿ La réputation dÊauteur conservateur quicolle à la peau de Jacques Martin est aussi nuancéepar les thématiques développées dans Alix. Lesalbums sont ainsi décryptés à lÊaune des préoccu-pations de lÊépoque de leur création. Par exemple,Le Tombeau étrusque (1967-68) lorgne le pacifisme etLe Dieu sauvage (1969) critique le colonialisme.La facette historique de la série est aussi à questionner.

ÿ Il se présente vraiment comme un spécialiste, donc on peut luireprocher des erreurs. Précisons tout de même que pour les premiersvolumes dÊAlix, Jacques Martin utilise les sources quÊil a à sadisposition à lÊépoque, cÊest-à-dire des ouvrages du XIXe siècleet les costumes gaulois du musée de lÊArmée à Paris. En collabo-rant avec lÊarchitecte et archéologue Jean-Pierre Adam, il gagneconsidérablement en réalisme historique. Ÿ La cohérence dela série est dÊailleurs accentuée par le fait quÊelle necouvre quÊune petite période, que lÊon peut dater dela mort de Crassus (-54 av JC) aux triomphes deJules César (-46 av JC). Une maquette du centre deRome appuiera un peu plus dans lÊexposition lÊidéede documentation. Le partenariat avec lÊINRAP(Institut National de Recherche ArchéologiquePréventive) et les tables rondes organisées pendantle Festival achèveront de reconsidérer la série pourautre chose quÊun fossile du 9e art. Pour ses 70 ans,Alix a bien mérité un lifting.

Alix Martinus Imperator70 ans après sa naissance, Alix est le centre d’une exposition rétrospective au Musée de la bande dessinée d’Angoulême. Ens’intéressant au jeune Gaulois, c’est le travail de Jacques Martin, son créateur, qui est mis en valeur à travers 150 œuvres originales,planches, croquis, dessins préparatoires.

c ALIX - LÊART DE JACQUES MARTINexposition visible du 25 janvier au 30 mai2018, au Musée de la BD dÊAngoulême

THIERRY LEMAIRE

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OSAMU TEZUKA :L’HOMME QUI VOULAIT ÊTRE DISNEY

D Êun côté, Tezuka. Né en 1928, celui que lÊonsurnomme aujourdÊhui ÿ Le Dieu duManga Ÿ (cÊest dÊailleurs le titre de lÊexposi-

tion qui lui est consacrée) a toujours été fasciné par ledessin et lÊanimation. Une passion née durant lÊenfance,quand son père projetait des films de Chaplin et surtoutde Disney. Malgré une famille lui ayant imposé desétudes de médecine, son amour pour le dessin ne lequittera jamais. Après des débuts amateurs, le jeunemangaka rencontre le succès après-guerre avec LaNouvelle ˝le au trésor (Isan Manga), puis le titre qui lepropulsera pour toujours au firmament, Astro le petitrobot (Glénat et Kana).

Paradoxalement, la guerre aura été bénéfique à la car-rière du pacifiste Tezuka. DÊune part parce que lÊarrivéede comics américains sur le territoire japonais influen-cera durablement lÊauteur. DÊautre part parce quÊaprèsla guerre vient le moment de la reconstruction. Lemonde du manga de lÊépoque nÊy échappe pas, etTezuka va trouver dans ce médium bon marché unterrain de jeu où tout est à réinventer.

Car lÊhomme va réinventer les grands genres qui fontle manga moderne, comprenant que le lectorat évoluaitet que la BD nÊétait plus seulement un support pour

petits garçons. Dans les années 1950, le manga nÊestplus quÊune occupation masculine. Tezuka participeraà lÊessor du manga pour filles et adolescentes, le shôjo,avec des titres comme Princesse Saphir (Soleil). En paral-lèle, conscient que son public masculin continuait àlire ses histoires alors quÊil entrait dans lÊâge adulte,Tezuka a fait évoluer le shônen (mangas pour garçons

et adolescents) vers le seinen (mangas pour jeuneshommes), avec Black Jack (Glénat) ou LÊHistoire des 3Adolf (Tonkam). ¤ chaque genre correspond un stylegraphique, qui va également durablement influencerle monde du manga par son dynamisme, son décou-page ou encore lÊutilisation de la typographie.

Côté thématique, lÊhumanisme de Tezuka transpiredans chacune de ses planches. Profondément marquépar les horreurs de la guerre et la puissance destructricedu feu nucléaire, il fera en sorte que chacune de sesBD élève un peu plus lÊhumain. Écologie, introspection,rapports au progrès, éthique⁄ sont autant de sujetsquÊil a traités avec attention, les enrobant tantôt dansde la SF, tantôt dans un récit historique, dÊautres foisencore dans un polar sombre.

La légende Tezuka est trop grande pour être résuméeen quelques lignes, tant lÊhomme représente à luiseul la diversité et la complexité du manga et de

Le manga est une nouvelle fois à l’hon-neur au Festival d’Angoulême. Après desexpositions dédiées à Jiro Taniguchi,Katsuhiro Otomo et Kazuo Kamimura en2015, 2016 et 2017, le rendez-vous inter-national de la bande dessinée consacrepas moins de trois expositions à desmangakas pour cette édition 2018. Et pasdes moindres ! Aux côtés de HiroMashima (lire page 12), le Festival orga-nise une exposition consacrée à NaokiUrasawa et une autre à Osamu Tezuka.Retour non exhaustif sur l’œuvre de cesdeux monstres sacrés.

PLUTO : TRAIT D’UNION ENTRE TEZUKA ET URASAWA

À lÊoccasion de la venue dÊUrasawa à Angoulême, Kana réédite en coffret spécial Pluto, mangaqui réunit Urasawa, donc, et Tezuka, et réinvente son titre phare, Astro le petit robot.

Reprenant la trame dÊun arc scénaristique conçu par Tezuka – Le robot le plus fort du monde –,Urasawa transforme lÊintrigue en thriller prenant. On y suit Gesicht, un robot inspecteur chargédÊenquêter sur un tueur en série assassinant les robots les plus puissants du monde. Il croiseraAstro, Uran, le professeur Ochanomizu et bien dÊautres personnages de lÊunivers du mangaoriginal.En enrichissant lÊintrigue originelle et en développant les aspects de personnages jusque-làanecdotiques, Urasawa rend hommage au Dieu du manga de la plus belle des manières. Le coffretcomporte les huit volumes du manga ainsi quÊune carte en bonus.

c PLUTO - COFFRET 2018, de Naoki Urasawa, Kana, 1696 p. n&b, 64,90 €

LE DIEU DU MANGA

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ET SON FILS SPIRITUEL

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Silver Wolf, Blood, Bone,T.1, de Shimeji Yukiyamaet Tatsukazu Konda

Intrigantenouvelleaventure, sÊil enest. Hans Vahpet,dit Silverwolf,notre hérosdu jour, estun chasseurde vampire.Le meilleur,précisément.Enfin un ex-

chasseur, puisque papi est dorénavantà la retraite. Il lui faudra reprendrebrutalement du service pour combattreun anti-vampire, une entité inconnuequi dévore les os pour laisser tout lereste. Il y a là matière intéressante,malgré un synopsis des plus simples.Ce T.1 présente de bonnes idées : vieilhéros sur le retour, monstre au designinnovant et protéiforme, une certainecapacité à se séparer définitivementde personnages majeurs, justificationsmalines... mais se drape encore trop decertains poncifs du shônen. Une sérieassurément à surveiller, tout de même. Kurokawa, 208 p. n&b, 7,65 €

ALEX MÉTAIS

Happiness,T.1,de Shuzo Oshimi

Ha bon ?Ce nÊest pas lanouvelle série deKei Toumé ? On ycroirait, pourtant.Une ambianceénigmatiqueportée par despertes de repèresentêtantes, unetransformation

qui nÊa pour but que de tester limiteset résistance humaine⁄ Tout ceci estempaqueté dans la mésaventuresommaire dÊun jeune garçon chétifmordu par une vampire aux alluressauvage en tenue dÊEve. Comme pourDans lÊintimité de Marie, lÊauteur posedes bases simples, plutôt usuelles, puisles patine dÊune psychologie divergentequi monte en puissance. SÊil est encoretrop tôt pour deviner si Happinesstranscendera les problématiques dugenre vampirique, tout semble déjàsÊy prêter.Pika, 192 p. n&b, 7,75 €

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Courrier des miracles,T.3,de Noboru Asahi

Douce conclusionpour un titreporteur dÊespoir.QuoiquÊil ne sÊyattende pas maislÊappelle de tousses vflux, ce sontbien les derniersmiracles que cetétrange facteur vatransmettre. Au

gré des âmes en peine et des histoiresdouloureuses, Makoto aura bouleverséla vie de bien des êtres. ¤ contrepieddes titres moralisateurs cyniques quidécortiquent les vilénies de lasubstance humaine, ce transporteurde joie éclaire au contraire le cheminvers une vie meilleure, sans punitionsystématique mais avec bienveillance. Enévitant le pathos et en se focalisant surlÊémerveillement, ce dernier tomeapporte une touche finale quÊon auraitvolontiers retardée au maximum.Komikku, 208 p. n&b, 7,90 €

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lÊanimation japonaise. En 60 années de vie – il sÊéteint en1989 – il aura créé plus de 700 fluvres papier et plus de 70productions animées, pour un total de 170 000 planchesdessinées. Vous pouvez en admirer quelques-unes au MuséedÊAngoulême jusquÊau 11 mars.

NAOKI URASAWA, MANGAKA POUR ADULTES

Né en 1960 et biberonné dès son plus jeune âge aux fluvresde Tezuka, Naoki Urasawa est vu aujourdÊhui par beaucoupcomme son héritier spirituel. Pourtant, la carrière des deuxhommes nÊa rien de similaire. Si, dans sa jeunesse, il appréciela BD, Urasawa sÊen détourne peu à peu au profit de lamusique (omniprésente dans son fluvre), notamment deBob Dylan. CÊest un peu par hasard quÊil deviendra auteurprofessionnel, après quÊun manga quÊil avait proposé parhasard à la maison dÊédition Shogakukan lui fait remporterle prix du meilleur jeune mangaka en 1982. DÊabord assistantmangaka, sa rencontre avec lÊéditeur Takashi Nagasaki, vers1985, va lui permettre de travailler sur ses projets propresavec succès.

Yawara (inédit en France), son premier succès, est suivi parMaster Keaton (Kana) et Happy (Panini), qui rencontrerontégalement leur public au Japon. Mais cÊest avec Monster(Kana) puis 20th Century Boys (Panini) que sa notoriété vaexploser et dépasser les frontières du Japon. Une reconnais-sance confirmée par les succès de Pluto (chez Kana, lire lÊen-cart page de gauche) et Billy Bat (Pika).

Si les premiers titres de Urasawa avaient un ton globale-ment léger, la donne change rapidement, et ses récitsprennent une teinte plus sombre. Dès Master Keaton, sesmangas vont devenir des thrillers labyrinthiques. SÊinspirantlargement de faits historiques ou dÊactualité, ils traitentde psychologie criminelle, de théories du complot, dÊuchro-nie et dÊéthique. Surtout, spécificité qui lui est propre,Urasawa aime à multiplier les personnages et intriguessecondaires afin de densifier le récit, au risque parfois deperdre le lecteur et de laisser de côté la ligne scénaristiqueprincipale. En une dizaine de titres, Urasawa a réussi àlaisser une empreinte durable dans le paysage bédéphilemondial.

LÊexposition dédiée à Naoki Urasawa a lieu à lÊEspaceFranquin le temps du Festival, et en présence du mangaka,invité pour lÊoccasion. Puis, du 13 février au 31 mars, ellesÊinstallera à lÊHôtel de Ville de Paris.

QUELLE FILIATION ?

Pourquoi comparer Tezuka et Urasawa ? Après tout, vude loin, les deux fluvres sont très différentes, avec dÊuncôté lÊultra-productif Tezuka et de lÊautre un Urasawa àlÊfluvre plus monomaniaque et finalement moins solaireque son aîné. CÊest sans compter sur la paternité des deuxauteurs. LÊun et lÊautre inspirent toujours les auteurs etaspirants auteurs de BD dans le monde. En outre, malgréla différence de traitement et de ton, les deux auteurs seretrouvent dans la portée humaniste de leurs récits. Enfin,tous les deux voient le manga comme un médium enconstante évolution, pas figé dans ses formes, avec lequelils vont pouvoir laisser libre cours à leur créativité.

LÊorganisation de ces deux expositions est donc lÊoccasionde (re)découvrir lÊfluvre de ces deux monstres sacrés dumanga, et surtout de les mettre directement en regardlÊune avec lÊautre.

c TEZUKA : MANGA NO KAMISAMAexposition visible du 25 janvier au 11 mars 2018au Musée dÊAngoulême

c LÊART DE NAOKI URASAWAexposition visible du 25 au 28 janvier 2018à lÊEspace Franquin, Angoulême, puis du 13 févrierau 31 mars 2018 à lÊHôtel de Ville de Paris

THOMAS HAJDUKOWICZ

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L Êévénement angoumoisin a décidé de luirendre hommage en lui consacrant, dans leQuartier Jeunesse, une exposition rétrospec-

tive qui conforte la présence du manga dans la pro-grammation du Festival. Il faut dire que la série estnotoire grâce à une forte présence sur les écrans : lesquelque 300 épisodes de son adaptation TV ont étédiffusés en France sur Game One, Direct Star et D17 ;deux longs métrages et neuf OAV en ont égalementété tirés, de même que des jeux vidéo très populaires.

Fairy Tail (littéralement : ÿ queue de fée Ÿ, par allu-sion aux Fairy Tales, les contes de fée) est un shônennekketsu (littéralement, une littérature pour adoles-cents au ÿ sang bouillant Ÿ) pur sucre avec songroupe de héros magiciens affrontant le mal soustoutes ses formes, parfois les plus machiavéliques.Il sÊagit dÊune guilde de mages conduite par uncouple de héros, Natsu Dragnir et Lucy Heartfilia,fluvrant sous le vocable de ÿ Fairy Tail Ÿ dans lebeau royaume de Flore, ferraillant contre dragonset ennemis à lÊaide de leurs pouvoirs magiques, maisaussi de technologies élaborées.

Après avoir fêté les 10 ans de sa série à Japan Expoen juillet 2016, le mangaka – qui aime bien la

France – retrouvera aux cimaises du Festival uneexploration du monde de Flore où – au-delà dÊungraphisme qui reste dans la tradition de One Pieceet de Dragon Ball – Hiro Mashima peut faire ladémonstration de son dessin solide, inventif et raf-finé. On reste dans le fan service : détail des diffé-rentes guildes et de leurs magies respectives, etfocus sur les principaux épisodes de la saga avecune mise en valeur des principaux thèmes, maisaussi des techniques de dessin du mangaka grâce àlÊexposition de ses originaux ou de vidéos où lÊauteurexplique son travail.

Quelques chanceux pourront aussi le croiser dansles travées du Festival et notamment au cours desdifférentes cérémonies organisées à lÊoccasion de savenue, mais aussi dÊune master class au théâtredÊAngoulême (le vendredi 26 janvier 2018 à 14h) etdÊune Rencontre internationale à lÊEspace Franquin(le samedi 27 janvier 2018 à 17h). Un anniversairerondement mené !

DIDIER PASAMONIK

La série avait été créée pour l’hebdomadaire Weekly Shônen Magazine de l’éditeur Kodansha en 2006. Elle est éditée en Francepar les éditions Pika et compte aujourd’hui quelque 62 volumes publiés, bientôt tous traduits en France, et 60 millions d’exemplairesvendus, dont plus d’un million d’exemplaires dans l’Hexagone. Une multitude d’adaptations en dessins animés, de jeux vidéo, deLight Novels en ont été tirés. Hiro Mashima, son auteur, sera à Angoulême cette année.

c FAIRY TAIL exposition visible du 25 au 28 janvier 2018au Quartier Jeunesse, Chais Magelis, Angoulême

10 ANS DE FAIRY TAILAU FESTIVAL D’ANGOULÊME

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DANS LA COMBI DE THOMASPESQUET, DE MARIONMONTAIGNE, DARGAUD

Nul ne peut ignorerquÊun Français, ThomasPesquet, est parti en2017 six mois danslÊespace. Le jeunehomme de 38 ans,gendre idéal et parfaitboy next door, prouve àchaque intervention

publique son humilité et son intelligence.¤ tel point quÊen lÊécoutant, chacun sedit quÊil pourrait aussi partir dans lÊespace.Erreur 404. Car sÊil y a bien une choseque le commun des mortels ne peut pasfaire, cÊest sÊenvoyer en lÊair pour bosserdans la station spatiale ! Grâce au talentet à lÊhumour de Marion Montaigne (Tumourras moins bête⁄), spécialiste de lavulgarisation scientifique et génie de laBD, on découvre avec limpidité toute sonaventure, de son rêve de gosse à sa déter-mination pour atteindre son objectif, lasomme de volonté, de travail et de dépas-sement de soi quÊil faut pour devenir spa-tionaute. Loin dÊêtre aride, le récit estpassionnant, rebondissant, prenant, hyperdrôle, même pour ceux qui se moquentde lÊaventure spatiale. Écrit à la premièrepersonne, cette biographie hors normenous rend encore plus admiratif du par-cours de Pesquet qui lorgne déjà sur saprochaine destination : Mars.Et ça repart⁄

Zoo se penche sur la Sélection officielle du Festival d’Angoulême et met en avant certains des livres en lice pour obtenir un prix.Priorité est donnée aux albums que Zoo n’a pas ou que peu commentés au cours de l’année écoulée.

ZOOM SUR LA SÉLECTION

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OPÉRATION COPPERHEAD

OPÉRATION COPPERHEAD, DE JEAN HARAMBAT, DARGAUDSaviez-vous que pendant la Seconde Guerre mondiale, lÊarmée britannique chargea lÊimmense comédien DavidNiven, secondé par Peter Ustinov, de trouver un sosie au général Montgomery ? Clifton James, un acteur deseconde zone, prit la place, lÊallure et les intonations du militaire lors de déplacements aux quatre coins delÊEurope et de lÊAfrique du Nord afin de berner les nazis sur le lieu réel du Débarquement. Pendant ce temps,le vrai général préparait les opérations sur la Manche. ¤ partir de ces faits réels, Jean Harambat imagine unefantaisie pétillante qui mélange éléments véridiques et fiction pure. Pour le plus grand plaisir du lecteur, quiaura bien du mal à démêler les deux. En droite ligne des comédies hollywoodiennes à la Capra ou à la Lubitschdes années 1930-1940, Opération Copperhead sautille au rythme des dialogues millimétrés de Niven et Ustinov.So british.

THIERRY LEMAIRE

HÉL˚NE BENEY

LES AMOURS SUSPENDUES,DE MARION FAYOLLE, MAGNANI

LÊamour, le nombril etlÊennui, tel aurait pu êtrele titre de lÊalbum deMarion Fayolle. Au boutdÊune vingtaine depages, on devine que lepersonnage principal,tout obnubilé quÊil estde sa personne et deson désir, va se prendre

un retour de porte en pleine figure quandse femme le quittera. Entre les deux, celaparle et ça sÊécoute parler à coups dedÊanecdotes misérables et dÊallégoriespouêt-pouêt. LÊécriture graphique a beauêtre de son côté inventive, lÊennui pèse surles pages. Elle pèse, pèse jusquÊà ce que lelecteur supplie lÊénucléation. ¤ cette bandedessinée du ÿ moi je Ÿ, sélectionnée parpur snobisme, le critique répond : ÿ OnsÊen fout Ÿ.

KAMIL PLEJWALTZSKY

EMMA G. WILDFORD ,DE ZIDROU ET EDITH, SOLEIL

Elle a du caractère Emma, et pas lalangue dans sa poche. On est dansles années 20. Elle est jolie et attendque son fiancé veuille bien donnerde ses nouvelles. Elle écrit despoèmes, l'aventure ne lui fait pas peur.Emma décide de partir en Laponiesur les traces du cher disparu. Maisque va-t-elle découvrir ? Zidrou signeun scénario au contenu un peu à

part dans son fluvre, un registre où amour, passion etaction vont ouvrir la voie au dessin dÊEdith, qui cerneEmma et sa volonté farouche de connaître la vérité.Un album ÿ surprise Ÿ dans lequel des documents indé-pendants sont glissés dans les pages comme autrefoisdans certains livres-jeux. Une histoire d'espoir et de tra-hison, Emma est un cflur pur qui ira au bout de sonchemin. Zidrou a bien monté son coup. LÊécriture, cÊestdu noir sur du blanc comme dit Emma. Zidrou fait mon-ter le suspense. Il fait référence à Agatha Christie, qu'ad-mire le père d'Emma, un signe dès le début de cet albumau pouvoir ensorcelant. On est charmé, inquiet, pas-sionné, curieux par cette quête très poétique. Un plaisiraussi de retrouver Edith et son trait délicat après Basilet Victoria ou Le Jardin de minuit.

JEAN-LAURENT TRUCLES AMOURS SUSPENDUES

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UNE SfiUR, DE BASTIEN VIV˚S, CASTERMANLe grand talent de Bastien Vivès, outre son trait qui invente une synthèse entre dessinateur debande dessinée et mangaka, est son extraordinaire faculté à habiter des récits contemporainsaux univers très différents : jeu de séduction sur fond de natation (Le Goût du chlore), romanceétudiante en vue subjective (Dans mes yeux), quotidien dÊune apprentie danseuse classique russe(Polina). ¤ chaque fois, lÊépaisseur des personnages, la force et le réalisme des dialogues immergentle lecteur dans une intrigue qui joue plus sur les ambiances que sur une complexité excessive.Une sflur est une variation sur le thème des amours de vacances, où Antoine, un jeune adolescentde 13 ans, croise le chemin dÊune jeune fille de trois ans son aînée. Tout en délicatesse et subtilité,Bastien Vivès décrit un moment estival, initiatique, bouleversant, à la fois simple et mémorable.Du grand art.

THIERRY LEMAIRE

GUIRLANDA, DE LORENZO MATTOTTI ET JERRY KRAMSKY, CASTERMANLorenzo Mattotti est revenu à la BD avec Guirlanda, un projet quÊil portait depuis dix ans. Aveclui, son ami Jerry Kramsky, compagnon de route. Son voyage chez les Guirs est un monde queMattotti a mis à jour et où il invite ses lecteurs à venir rêver en sa compagnie. Une balade,certes légère, parfois plus dure, mais qui charme et envoûte, et dans laquelle lÊauteur du Bruit dugivre se livre.ÿ Mes cahiers contiennent parfois de dessins qui mÊémerveillent moi-même. De temps en temps, je faisdes créatures bizarres, fantastiques, surréalistes abstraites. Le Lien fragile en 1999 a été un peu lepoint de départ de Guirlanda. DÊétranges animaux en sont sortis. Ils ont pris une identité. Je voulaisfaire aussi une fluvre avec des paysages, montrer la nature Ÿ. Dans Guirlanda, Mattotti le visionnaire

naïf se fait plaisir, peint un monde meilleur dÊun trait épuré, souple mais qui pourtant a des parfums de tragédiesgrecques. On lÊaccompagne sans détour dans les brumes magiques de Guirlanda.

JEAN-LAURENT TRUC

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IMBATTABLE, T.1,DE PASCAL JOUSSELIN, DUPUIS

CÊest la révélation majeure de lÊan-née au rayon jeunesse. Prépubliéedans lÊhebdomadaire Spirou sous lerègne désormais achevé de FrédéricNiffle (lequel a révélé dÊautres pé-pites telles que Dad, Maki et LÊAteliermastodonte), la série Imbattable sÊamu-se avec les codes de la BD puisqueson héros, un quidam grassouillet,peut sauter dÊune case à lÊautre et

intervenir à sa guise pour mettre un terme aux méfaitsqui menacent la quiétude de sa petite ville. Surprenante,malicieuse et inventive, une réussite éclatante, sanséquivalent.

GERSENDE BOLLUT

GUIRLANDA

LA TERRE DES FILS, DE GIPI, FUTUROPOLIS Ne cherchez pas, vous lÊavez vupartout celui-là. Primé à Saint-Malo,primé par RTL, par lÊACBD⁄ LaTerre des fils fait lÊunanimité. Il nÊestpas impossible dÊailleurs que celalui coûte le sprint final dÊAngou-lême, le jury désirant peut-êtreapporter un peu de diversité dansles récompenses.Pourquoi un tel succès ?Parce que Gipi livre une fluvre à

la fois personnelle et universelle. En déployant ce mondepost-apocalyptique dans lequel il écrit un roman dÊédu-cation, lÊauteur italien réussi le grand écart parfait. Lesamateurs de SF apprécieront le monde mystérieux quÊilsont à découvrir. Les amateurs de grandes idées appré-cieront la posture du père éduquant ses enfants auxvaleurs indispensables dans un monde nouveau et dan-gereux. Pour tous les rassembler, il y a le dessin. Tranchantcomme une lame de rasoir mais parfaitement lisible.Lumineux malgré la crasse.Voilà pourquoi La Terre des fils est de toute façon unedes grandes fluvres de 2017.

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LE PROFIL DE JEAN MELVILLE,DE ROBIN COUSIN, FLBLB

En compétition pour le Prix polar(et probablement le grand favoride cette sélection), Le Profil de JeanMelville met en scène une agencede détectives recrutée par lasociété Jimini (une boîte hi-tech)pour enquêter sur une affaire desabotage de câbles Internet. Le véri-table héros du livre, cÊest le ÿ JiminyMe Ÿ, un prototype de lunettes àréalité augmentée que le détective

Gary va se laisser convaincre dÊexpérimenter. Comme lesmartphone, avant de lÊavoir essayé, on se dit que cÊest ungadget. Comme le smartphone, une fois quÊon y a goûté,on se demande comment on faisait pour vivre avant. CarlÊoutil embarque un assistant personnel ultra-connecté,bougrement utile pour accomplir tous ses objectifs : perdredu poids, être plus performant au travail, visiter la ville,répondre à toutes ses questions... Jiminy Me est mêmecapable de proposer des réparties en temps réel à servirà ses interlocuteurs, quand on est dans une négociation,pour améliorer ses chances de lÊemporter⁄ LÊintérêt dulivre est décuplé par sa colorisation radicale. Le monde yest en noir et blanc, à lÊexception de tout ce qui vient dumonde numérique : écrans dÊordinateurs, de TV et de télé-phones dans un premier temps, puis lÊinterface desfameuses lunettes. Geek. Intrigant. Palpitant. Visionnaire.Un chef-dÊfluvre de polar !

DANS LÊINFINI - 1906-1915, DE G. RI, BNF - 2024Ce recueil de trois récits réalisés parG. Ri est à la fois lÊexhumation dÊuntrésor ignoré enrichissant grandementnotre connaissance de lÊhistoire du 9e

art et une réhabilitation salutaire dece pionnier oublié qui sÊavère pourtantêtre lÊun des plus étonnants précur-seurs de la science-fiction en bandedessinée. Ses fantaisies scientifiques –sÊinscrivant dans la lignée des Verne,Robida ou Méliès – offrent à notre

regard des spectacles visuels fascinants, beaux et cocassesdans leur ÿ modernité désuète Ÿ. Dans ces voyages danslÊespace ou / et le temps, nous assistons à la formation dela Terre, croisons des dinosaures, sommes transportés surMars... Publiées ici telles quÊelles le furent à lÊépoque, ceshistoires en images où la bulle nÊest pas encore apparuedans les cases nous révèlent aussi le talent de G. Ri avecdes mises en couleurs subtiles accentuant le merveilleuxet un noir et blanc qui témoigne dÊun style graphique assezépatant. LÊalbum se clôt avec deux textes intéressants surlÊanticipation à la Belle Époque et sur la compréhensiondes fluvres de G. Ri. Patrimonial et indispensable. Une mer-veille !

BLACK HAMMER

VARIATIONS, DE BLUTCH, DARGAUDVoilà un exercice de style qui ravirales uns et laissera les autres demarbre. Blutch, qui a marqué le 9e

art de son empreinte avec – entreautres – Mademoiselle Sunnymoon,Péplum, Le Petit Christian, Blotch, LaVolupté, sÊessaie avec Variations àréinterpréter certaines des bandesdessinées quÊil a aimées. En uneplanche, il remodèle des séquences– parfois plus longues que la simple

page – avec le même plaisir hypnotique quÊil avait à recopierles dessins de ses séries favorites étant enfant. Pellos,Giraud, Crepax, Lauzier, Greg, Franquin, Fred, Lambil, Hergé,Bretécher, Graton, Jacobs – pour ne citer quÊeux –, lechoix des 30 auteurs vénérables, tous européens, est dÊungrand éclectisme. La patte Blutch, toujours aussi nerveuse,habitée, flamboyante, poétique, fait merveille. La lecturede ces planches se suffit à elle-même, mais la connaissancedes fluvres ÿ rejouées Ÿ est un plus. On regrettera doncquÊil nÊy ait pas possibilité de consulter les séquences ori-ginelles dans lÊouvrage. On regrettera également très for-tement dans Variations que Blutch nÊait pas commenté seschoix et ses intentions, qui, lorsquÊon les lit ailleurs, sontdiablement éclairants.

THIERRY LEMAIRE

BLACK HAMMER, T.1, DE JEFF LEMIREET DEAN ORMSTON, URBAN COMICS

Black Hammer est un très bel hom-mage aux comics de super-hérosqui a amplement mérité son EisnerAward de la Nouvelle Série 2017.Non pas un hommage qui ne seraitquÊun récit-galerie regorgeant declins dÊflil pour aficionados, maisune déclaration dÊamour singulièrequi, si elle contient de nombreusesréférences au genre (et à toute sagénéalogie, des pulps aux films deSF en passant par lÊhorreur), se

porte ailleurs, sur lÊhumain, dans la lignée des créationspersonnelles de lÊauteur. Lemire dépeint avec sa sensibilitéet son intelligence habituelles les relations difficiles et lapsychologie intime dÊun groupe de super-héros de lʘgedÊOr venus dÊune autre réalité et qui se retrouvent coincésdans la nôtre, se réfugiant dans une bourgade américainepaumée. Chacun a ses blessures, certains ont lÊespoir deretourner dans leur dimension originelle, mais tous sonten deuil dÊun des leurs, Black Hammer... Les dessins deDean Ormston sont admirables (transcendés par les cou-leurs de Dave Stewart), sachant subtilement évoluer selonles scènes en faisant parfois écho à de grands artistes descomics.

CECIL MCKINLEY

LA PETITE COURONNE, DE GILLES ROCHIER, 6 PIEDS SOUS TERREChronique drôle et grinçante de la banlieue ordinaire, La Petite Couronne se compose de courtessaynètes dÊune à trois pages qui mettent en scène quelques personnages dans des situations dela vie quotidienne : discutant dans la rue, assis sur un banc, mangeant, au marché, allant chercherles enfants à lÊécole⁄ Et lorsquÊil est question dÊacheter une boulette de shit ou de se procurerune arme, cela donne lieu à des scènes assez décalées. Au fil des pages, les situations se répètent,se précisent et sÊaffinent, conférant une unité au récit qui peut finalement se lire comme unehistoire dÊun seul tenant. Le dessin, vif et précis, sÊattache notamment aux espaces et à ce quisÊy trouve : immeubles imposants, épiceries de quartier, snacks, palissades, tags et, çà et là, uncoin de nature. Quant au choix de la bichromie et de la couleur ocre, ils conviennent bien auxambiances. Cet album possède une dimension documentaire même si nous ne savons jamais àquel point ces scènes tiennent de lÊautobiographie ou de la fiction.

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JÉRłME BRIOT DANS LÊINFINI - 1906-1915

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BORIS HENRY

CECIL MCKINLEY

DÉMON, VOL. 3,DE JASON SHIGA, CAMBOURAKIS

Jimmy Yee est un démon. SÊil meurt,son esprit prend instantanément pos-session du corps de lÊhumain le plusproche géographiquement. Ce qui luiaccorde une certaine immortalité. Laseule façon de le tuer serait que lecorps le plus proche soit déjà possédépar un autre démon⁄ Partant de cetterègle relativement simple, et sachant

que Jimmy a une fille (Choupette), et un ennemi (Hunter),démons eux aussi, Jason Shiga compose un thriller déjantéet passionnant, où son esprit hyper-logique fait des mer-veilles aussi tortueuses que jubilatoires. DÊautant plus que,rappelons-le, Démon est une série par laquelle ShigasÊamuse, en plus de nombreuses courses-poursuites endia-blées, à exploiter tous les tabous et à outrager méthodi-quement toutes les règles de la bienséance et du politi-quement correct. CÊest trash et génial, subversif etmonstrueusement drôle.

JÉRłME BRIOT

BANGALORE, DE SIMON LAMOURET, WARUMVoici un carnet de voyage à mille lieues des carnets de voyage habituels nombrilistes et superficiels.(Suivez mon regard. Allez, on en dénoncera un parmi dÊautres : Craig Thompson.) En fait, cÊestplutôt un carnet de croquis et de saynètes ; observées à Bangalore en Inde, par Simon Lamouret,qui y a été professeur de dessin pendant trois ans. Bangalore est la capitale de la ÿ tech Ÿ indienne.Moins pauvre que les autres régions de lÊInde, mais moins belle aussi, la ville grouille dÊactivitééconomique⁄ et dÊactivité tout court. LÊauteur dépeint en plusieurs cases, sur une ou deuxpages, des scènes observées dans la rue, le plus souvent sans en rapporter les paroles. Puisalterne avec de grandes doubles pages sur lesquelles il représente un panorama relatif à la scène

précédente. Le tout en noir et gris, dans un album grand format. Simon Lamouret le fait sans commentaires ni juge-ments, évitant ainsi les écueils de bon nombre de dessinateurs de carnets de voyages qui, de par leur qualitédÊartiste, sÊarrogent le statut dÊobservateurs ÿ avisés Ÿ, sÊenfonçant par là-même dans une superficialité crasse,façon : ÿ Ces gens ne font pas comme nous. QuÊils sont bizarres ! Ÿ Scènes de rue entre conducteurs de rickshaws, couples, marchands, familles⁄ On sÊy croirait. Et surtout, oncroirait que cÊest raconté par un artiste local. Un petit lexique à la fin du livre permet dÊexpliquer certains us etcoutumes observés. Merci pour ce voyage.

JOJO L'INTÉGRALE (1983-1991), T.1,DE GEERTS, DUPUIS

Quelques années après la disparition dÊAndréGeerts, Dupuis a la bonne idée de consacrerune intégrale à son attachant Jojo. Un bambinhaut comme trois pommes, dont les gags et his-toires ont été publiées dans Le Journal de Spiroude 1983 à 2010, faisant l'objet de 18 albums car-tonnés classiques. Pour cette fois, nous avonsdonc droit à une série pour jeunes ou toutpublic, ayant connu succès et longévité du vivantde son auteur, ainsi que l'estime de ses collègues.

Comme à son habitude, l'éditeur propose de nombreux complé-ments inédits (40 pages jusqu'ici non reprises en albums), ainsiquÊune longue préface.Geerts est un hyper-sensible qui doutait de son talent ; une foisdémarqué de l'influence de Sempé, son trait a séduit le public. Dansun petit coin de votre mémoire, vous avez enfoui une dose de sen-sibilité enfantine que le passage à l'âge adulte vous a fait oublier,préoccupé que vous êtes par les futilités et tracas modernes. Voilàun bain de jouvence, attendrissant et nostalgique, l'odeur du grenieret du bol de chocolat en plus.

JEAN-PHILIPPE RENOUX

EMPRESS, DE MILLAR ET IMMONEN, PANININouvelle saga signée Mark Millar,Empress plaira aux amateurs dÊépopéesintergalactiques. Au dessin, le solideStuart Immonen livre une prestationdynamique et colorée, agréable à lÊflil.LÊintrigue ne casse pas trois pattes à uncanard et les dialogues sont épars, cequi confère au tout une sensation derythme – ou de légèreté bien elliptique,cÊest selon. Pour résumer, on a une

bonne course-poursuite entre les méchants et les gentilles,avec force effets cinétiques et pyrotechniques. CÊest unpeu comme si Millar avait voulu se faire son petit StarWars à lui. DÊailleurs, peut-être que cela a été écrit dans lebut dÊune adaptation au cinéma, sait-on jamais. Agréable,mais pas non plus remarquable.

OLIVIER THIERRY

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MEGG, MOGG & OWL: HAPPY FUCKING BIRTHDAY,DE SIMON HANSELMANN, MISMA

Créés en 1968, les Freak Brothers de Gilbert Shelton cultivaient une défonceludique et enthousiaste, avec pour slogan ÿ La dope fait mieux passer les périodessans argent, que lÊargent ne fait passer les périodes sans dope Ÿ. LÊépoque a changé.Pour Megg (qui sÊhabille en sorcière), Mogg (son chat et amant) et WerewolfJones (un loup-garou adepte de défis trash qui se transforme en homme quandexceptionnellement il est en manque), la défonce est banale et nÊa plus rien defestif. Même le sexe se vit certes sans entraves, mais hélas sans jouissance. Portésvers toujours plus dÊexcès, les personnages de Simon Hanselmann sont tout letemps à la limite de lÊautodestruction et ne semblent sÊamuser un peu que quand

ils sÊen prennent à leur souffre-douleur, Owl, un hibou masochiste et pathétique que ses ÿ amis Ÿhumilient toujours un peu plus. La série a tout du titre clivant : hilarante pour les uns, illisible pourles autres ; comme quoi, un titre nÊa pas besoin dÊêtre populaire pour devenir culte.

JÉRłME BRIOT

CRACHE TROIS FOIS, DE DAVIDE REVIATI, ICI M¯MECrache trois fois est un album foisonnant, trop sans doute. Beaucoup dÊexpéri-mentations, dÊallégories, dÊallers-retours dans le temps, la réalité et la fictionétouffent cette histoire dont on ne sait pas trop au final ce quÊelle raconte ou dumoins, ce quÊelle ÿ veut dire Ÿ. Il y a bien une bande dÊadolescents italiens volages,un groupe de Tsiganes vivant en marge de la ville et du temps, un racisme desurface comme on peut en trouver nÊimporte où, là où il y a des jeunes imbécileset des boucs émissaires, mais pas dÊidées fortes. Comme souvent quand un récitmanque de maturité, de parti pris déterminé et quÊil peine à convaincre, le point

Godwin vient sauver la mise. Les nazis débarquent et font irruption dans la narration, entre deuxchapitres décousus, à grand coup de chiffres. Argument implacable qui finalement nous permet depenser à une Histoire, celle des Gitans, condamnés au silence. CÊest déjà ça. CÊest déjà bien.

KAMIL PLEJWALTZSKY

CRACHE TROIS FOIS

VOYAGES EN ÉGYPTE ET EN NUBIEDE GIAMBATTISTA BELZONI - PREMIER VOYAGE,DE JARRY, CASTEL ET AUGEREAU, FLBLB

Voici une étonnante adaptation de biographie. Cellede Belzoni, égyptologue peu connu, qui fut le désen-sableur du temple dÊAbou Simbel au début du XIXe

siècle et le premier à y pénétrer. LÊalbum juxtaposedes extraits de textes de lÊautobiographie de Belzoniavec des cases de bande dessinée et des gravuresfinement détaillées. Mélange parfois étonnant, tantles styles sont différents. On eut aimé un peu plusde finesse ou de finition dans le dessin, qui sÊapparentesouvent à du crayonné. Le sujet est suffisamment

original pour séduire, cependant. OLIVIER THIERRY

LES VOYAGES DE TULIPE,DE SOPHIE GUERRIVE, ÉDITIONS 2024

Si Sophie Guerrive étaitanglo-saxonne, avec le géniequÊelle a pour le comic strip,elle serait célèbre dans lemonde entier. Si elle étaitjaponaise, avec son sens dukawaii, elle serait célèbre dansle monde entier. Mais elle estfrancophone, dans un pays qui

ne sacralise ni le comic strip, ni le dessin épuréet mignon. Ne passez pas à côté de ce bijoumétaphysique et zygomatique ultra-frais et ado-rable : il faut lire Tulipe et sa suite Les Voyages deTulipe, qui mettent en scène un ours épris dÊaven-tures mais lymphatique, un serpent amoureux,un caillou philosophe, des oiseaux pas toujoursmigrateurs et un arbre pensif (on a bien vu dessaules pleureurs et des roseaux pensants).

ALORS QUE J'ESSAYAIS D'¯TRE QUELQU'UN DE BIEN,DE ULLI LUST, Ǥ ET L¤

Après le magnifique et bouleversant Trop nÊest pasassez (Prix Révélation Angoulême et Prix Artémisiaen 2011) situé au début des années 80 et contant safolle escapade en Italie avec une amie, Ulli Lust sÊat-tache ici à sa vie amoureuse en 1990. En couple avecun acteur plus âgé, elle rencontre un jeune immigrénigérian avec qui elle vit une aventure intense etriche. Ulli Lust signe une nouvelle fois un album ample(368 pages, ces dernières comportant fréquemmentde nombreuses cases) où lÊénoncé très précis des

faits permet de pénétrer dans le fonctionnement, les pensées et lesaffects de la jeune femme de 23 ans quÊelle était. Son sens aigu de la nar-ration, ses partis pris graphiques (dessin au crayon noir tour à tour mini-maliste ou riche en détails, bichromie rose), sa franchise comme sontalent pour la retranscription des ambiances et pour la suggestion fontde cette chronique un album passionnant et troublant. Enfin, en effectuantdes liens avec Trop nÊest pas assez, ce grand auteur autrichien établit unecontinuité entre ses récits autobiographiques et leur confère une singu-larité supplémentaire.

BORIS HENRY

VOYAGES EN ÉGYPTE...

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CHARLIE CHAN HOCK CHYE - UNE VIE DESSINÉE,DE SONNY LIEW, URBAN GRAPHIC

On nÊobtient pas le Prix littéraire 2016 de Singapour,toutes fluvres confondues, six nominations aux EisnerAwards 2017 (Meilleur roman graphique, Meilleure édi-tion US dÊun album asiatique, Meilleur Auteur Scénarioet Dessin, Meilleure Couleur, Meilleur Lettrage, Meilleuremaquette) et les trois premiers Prix, plus une Sélectionofficielle au Festival dÊAngoulême 2018, sans avoir réaliséune fluvre extraordinaire. Avec cette fausse biographiede Charlie Chan Hock Chye, auteur de BD imaginaire,Sonny Liew raconte à la fois la vie dÊun artiste mais

également celle de la société dans laquelle il évolue puisque le héros yretrace sa vie depuis lÊépoque coloniale britannique jusquÊà nos jours.Visuellement, lÊalbum est un tour de force : en plus du style utilisé poursuivre le personnage principal dans son quotidien, Liew sÊemploie à dessinerles pages des comics créés par le héros tout au long de sa carrière, faisantvarier le style graphique de celui-ci à chaque nouvelle période de sa vie.Un chef-dÊfluvre.

YANNICK LEJEUNE

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LES VOYAGES DE TULIPE

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E n C o u v e r t u r e

T out comme le scénario de LÊHomme gribouillé,la genèse de lÊalbum remonte un peu à lanuit des temps. 2012 précisément pour la

rencontre entre Serge Lehman et Frederik Peeters.Le scénariste vient de lire la série RG que le dessi-nateur a réalisée avec Pierre Dragon. Sa façon dedessiner Paris, lieu important dans lÊhistoire en ges-tation, le frappe. Le duo se forme en une soirée,après une discussion à bâtons rompus sur le projet.Mais celui-ci prend racine encore plus tôt, dans lesannées 1990, lorsque Serge Lehman imagine lÊhis-toire du dernier ogre dÊEurope. CÊest en 2015, après que Frederik Peeters eut ter-miné la série Aâma, que les deux hommes se lancent

dans lÊécriture. Le scénariste réalise alors un synopsisdétaillant la totalité du récit, sans dialogues nidécoupage, tenant compte des remarques du des-sinateur. Puis chacun écrit alternativement une scène(celle du bar pour Frederik, celle du dîner chezMaud pour Serge et ainsi de suite) en créant lesdialogues et un squelette de découpage, Frederikse réservant le travail de mise en scène au momentde mettre en images. Résumer lÊintrigue sans trop en dire est délicat.LÊhistoire se déroule à Paris en 2015 et concerne unnoyau familial soudé, composé de trois générationsde femmes : Clara la fille, lycéenne, Betty la mère,maquettiste dans une maison dÊédition, et Maud lagrand-mère, écrivaine. Tout bascule lorsque Maudfait un AVC et tombe dans le coma. Frappe alors àsa porte un curieux et inquiétant personnage, à lÊal-lure de corbeau. Un certain Max qui réclame unpaquet que devait lui apporter la vieille dame. Bettyet Clara vont devoir démêler lÊécheveau dÊune famillepleine de secrets et se rendre au fin fond du Doubspour venir à bout dÊune menace immémoriale.Thriller fantastique, LÊHomme gribouillé mêle enquête,toile de fond mystique, surnaturel, dessin et décou-page remarquables, dans un Paris rincé par despluies diluviennes puis un village ravagé par des

glissements de terrain. Mais la fiction est-elle siéloignée de la réalité ? Deux mois après avoir ficeléle scénario, une crue de la Seine inonde la capitale.Quelques semaines après avoir rendu les planches,un village est partiellement détruit par un glissementde terrain à la frontière italo-suisse. Où est lehasard ?

ENTRETIEN AVEC FREDERIK PEETERS

Quelle est votre touche danscette histoire à quatre mains ?Serge apporte les choses lesplus compliquées, lÊâme, unarc narratif hyper efficace, lespersonnages. Ce que jÊap-porte, cÊest le côté burlesque,comme dans les films desMarx Brothers ou les premiersCary Grant. La scène de lastation-service, le début avec

le crapaud sont des exemples de ces petites touchesde comédie que jÊai pu ajouter par crainte de fairequelque chose de trop pontifiant. Et puis jÊapporteaussi lÊidée de faire un manga européen, dans lerapport à lÊécoulement du temps.

L’HOMME GRIBOUILLÉ320 pages de secret de famille, de maître chanteur, d’ogre et de golem, d’échos de la Résistance, d’homme à six doigts, de créaturecorbeau, qui se lisent avec gourmandise, c’est L’Homme gribouillé, de Serge Lehman et Frederik Peeters. Le duo trois étoilesembarque le lecteur dans une intrigue qui remonte à la nuit des temps. Nerveux, ample et captivant.

réactualise les mythes

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On retrouve votre goût pour les éléments un peusurnaturels. En revanche, on vous associe moins àtoute la partie liée aux religions.Nous sommes athées tous les deux, mais jÊai été élevédans une culture non religieuse alors que Serge estplus connecté à cette culture séculaire. CÊest un mys-tique, moi non. CÊétait un petit jeu entre nous enformalisant le scénario. Quelle distance avons-nous– et les personnages – avec les manifestations mys-tiques, paranormales ? Betty au caractère cartésien,cÊest moi. Serge, lui, avait envie dÊy aller à fond.Alors que de mon côté, jÊessaie de me convaincreque lÊirruption dÊun fantastique mystique dans unquotidien contemporain est ridicule. Si on se met àla bonne distance, on voit que tout cela est ridicule.

Pourquoi avez-vous choisi le noir et blanc ?Parce que LÊHomme gribouillé est un manga européengothique. Très vite le noir et blanc sÊest imposé. JenÊai jamais visualisé lÊhistoire en couleurs. Et puis onnÊen a pas besoin. LÊaction se déroule pendant lÊhiveren France et parfois de nuit. En revanche, il fallaitde la lumière, donc des niveaux de gris. Un momentjÊai eu le fantasme dÊutiliser de la trame comme dansles mangas, mais techniquement cÊétait trop long àréaliser et le livre comporte énormément de cases.

Est-ce que ça a été un plaisir particulier de dessinercette tribu de femmes ?CÊest un des arguments qui mÊa embarqué au début.Les personnages principaux et puissants sont desfemmes, sauf Fabien le psychogéographe. Leshommes sont à la ramasse. JÊai envie quÊil y ait davan-tage de personnages féminins intéressants dans labande dessinée. Mais attention, des protagonistesdont on oublie quÊils sont des femmes. Je ne veuxpas que le personnage porte un drapeau.LÊantisexisme, cÊest de ne pas créer un personnageféminin uniquement pour sa nature de femme.

ENTRETIEN AVEC SERGE LEHMAN

Comment est venue lÊidée deLÊHomme gribouillé ?DÊune lointaine conversationavec lÊéditeur Patrice Duvic,sur la rénovation des grandesfigures du fantastique – vam-pires ou zombies – qui avaitlieu à lÊépoque. Je me suisrendu compte que lÊogrenÊavait jamais été modernisé.

Je suis parti sur ça. Et puis à cette époque je travaillaisavec des psychologues scolaires. La figure delÊhomme gribouillé qui revenait souvent dans lesdessins dÊenfants était la matérialisation de leurspeurs.

Vous placez Guy Debord et la psychogéographiedans une bande dessinée. Chapeau.CÊest un sujet que je connais bien, et que jÊai déjàutilisé dans Masqué. CÊest un jeu poétique inventédans les années 1950 par Guy Debord et les situa-tionnistes. Une tentative de créer des cartes quimontrent les émotions ressenties à lÊintérieur desvilles. Une manière de remettre de la beauté dansles lieux urbains banals. On voulait que les person-nages dans le couvent ne soient pas des scientifiquesmais des psychogéographes (donc plutôt des poètes)pour ne pas emmener le récit dans la SF pure. Onvoulait rester dans un registre plus ambigu.

Pourquoi ce choix de centrer le récit sur une familleuniquement composée de femmes ?En règle générale, mes personnages féminins sontplutôt meilleurs que les masculins, plus convaincants.Et puis ça collait bien avec le côté conte de fée noirde lÊhistoire. JÊai dÊailleurs moi-même été plutôt élevépar des femmes dans mon enfance. Avec LÊHomme gri-bouillé jÊai un peu retrouvé ces souvenirs. Enfin, Bettyemprunte beaucoup de traits à ma femme. Ce livreest écrit pour elle.

Le récit a beaucoup de fils rouges. Quelle est fina-lement la substantifique moelle de lÊintrigue ?Une grande partie de mon travail dÊécrivain a étédÊidentifier la rupture de transmission quÊa connuelÊEurope après la Seconde Guerre mondiale. Dans lesannées 1950, elle a fait table rase de son Histoire,après les traumatismes de deux guerres mondiales etun holocauste. Elle sÊest construite politiquement sansaucune allusion à son passé. En Europe, il y a quelquechose qui nous manque. En France, particulièrement,la tradition fantastique a été balayée par le cartésia-

nisme au début du XXe

siècle. Les Anglo-saxons ontgardé ça. LÊidée de vivredans un monde où la magieest encore présente sous levernis du quotidien. Cettetransmission du merveilleuxa été interrompue. Mon tra-vail, cÊest de retrouver çadans mes récits.

E n C o u v e r t u r e

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c LÊHOMME GRIBOUILLÉde Serge Lehman et Frederik Peeters,Delcourt, 326 p. n&b, 30 €

THIERRY LEMAIRE

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Le Blouze de lÊAigle,de Dirick

Avec ce troisièmetome de la sérieNapo et nous,après Ça empiredÊEmpire en pireet La Pyramidede lÊAigle, Dirickcontinue àsÊamuser avecla périodenapoléonienne.Son personnage

principal, le caporal Célestin Lampion,fait partie de la Grande Armée et aideà lÊoccasion son empereur. Cette fois-ci, Napoléon a une grosse déprimeet Lampion a pour mission dÊallerchercher un médecin à Vienne, uncertain Gismund Freud. De clins dÊflilen jeux de mots, Dirick fait avec sontrait de dessinateur de presse le tourdu quotidien des Grognards, souslÊflil ombrageux du petit Corse.Arcimboldo, 48 p. couleurs, 11,90 €

THIERRY LEMAIRE

Undertaker, T.4,L'Ombre d'Hippocrate,de Dorison et Meyer

Zoo vous a déjàdit tout le bienque l'on peutpenser de cetterécente série dewestern morbide.Jonas Crow estun fossoyeur sansscrupules, maisil doit affronterbien pire que lui,

ici un chirurgien au physique jovial pourlequel l'avancée de la science justifietous les moyens. Dans le livreprécédent, il a blessé au poignet la jolieet innocente Rose, et Jonas se lanceà sa poursuite en compagnie de larobuste Chinoise Lin. Aussi expertau bistouri qu'en baratin, le chirurgientraqué dresse contre Jonas bien desobstacles constitués d'innocentsmanipulés. Palpitant et très biendessiné, un succès mérité.Dargaud, 56 p. couleurs, 13,99 €

MICHEL DARTAY

Peyi an Nou,de Jessica Oubliéet Marie-Ange Rousseau

Qui en métropoleconnaît lÊhistoiredu BUMIDOM,cette agencedÊÉtat créée en1963 par MichelDebré pourfaire venir enmétropole lesFrançais dÊoutre-mer afin de

relancer lÊéconomie du pays ? Peu degens, y compris dans les familles desexilés concernés ! Pour soulever levoile de ce qui reste pour beaucoupune souffrance, Oublié et Rousseaudressent un tableau complet sur lecontexte global et les répercussionsde cette opération dÊexil. Guadeloupe,Martinique, Guyane, Réunion⁄ autantde départements et territoires dÊoutre-mer qui ont vu partir leurs enfants(ignorants et plein dÊespoir) versÿ leur Ÿ pays, la France. Dans la lignéede lÊexcellent documentaire de JackieBastide (Bumidom, des Français venusdÊoutre-mer, visible sur le net), cetouvrage remet les choses à leur placepour plus de vérités. Indispensable.Steinkis, 208 p. couleurs, 20 €

HÉL˚NE BENEY

A c t u B dzoom

RYTHMIQUE

I maginons : un homme usé pardes années de mariage, poussépar lÊaigreur et la passion, décide

dÊen finir avec cette femme vulgaireet avachie qui lui sert dÊépouse. Il latue et se débarrasse une bonne foispour toute de son corps dans lapampa. Problème : de retour chez lui,cette femme si détestée se tient là,devant lui, en pleine forme, lÊair derien. Que faire ? DÊabord vérifier quele meurtre a eu lieu. Et ensuite :essayer de déterminer qui des deuxfemmes (la morte ou la vivante) estbien la bonne, la vraie. Problème : lesdeux le sont. Que faire ? En finir aveccette femme vulgaire et avachie quise tient toujours là. Et ensuite : sedébarrasser de son corps une bonne foispour toute. Problème : de retour de cedeuxième meurtre, une autre épousesemblable aux deux autres surgit⁄

CONFINEMENT

La Petite Souriante est une ritournelle poli-cière teintée de fantastique. ¤ moinsquÊil ne sÊagisse dÊune chanson dont le

refrain entêtant ne parle que de folieet de rien dÊautre. Tout dépend du sensou de la lecture quÊon lui donne. Lacomposition de Zidrou et Springer estdonc très habile, dÊautant quÊen plusde jouer avec les codes du polar, ellesÊavère aussi mordante à souhait. Lesprotagonistes crasseux rivalisent ainside monstruosité ou de bêtise. Le traitse veut grotesque pour ce qui est desfaciès, mais sobre, presque élégant,pour tout le reste. Les ambiances colo-rées, enfin, ont manifestement été pen-sées avec intelligence en étant associéesdirectement au récit.LÊhistoire souffre malgré tout de sonconfinement dans une paginationinappropriée ; ce grief, le seul, neremet pas en cause les qualités glo-bales du scénario. LÊidée de Zidrou esten effet tellement originale que lÊonpeut se demander si davantage depages nÊauraient pas permis dedéployer lÊétrangeté du récit ou lecaractère des personnages. Quelquespassages sont aussi un peu expédiés,toujours pour des questions decontraintes. La réaction de Pep aprèsson premier crime manque ainsi decrédibilité ; la façon dont elle est nar-

rée paraît en effet en décalage par rap-port à celle que devrait avoir un per-sonnage réel.

ESPACES

La Petite Souriante relance la questionabordée dans le précédent numéro denotre magazine, dans lÊarticle consacréà No Body de Christian De Metter. Labande dessinée populaire pâtit actuel-lement dÊun manque de renouvellementau niveau de ses formatages. Zidrou etSpringer sont parvenus à répondre àla problématique concernant le réciten lui-même ; la dernière étape, cellequi intéresse lÊespace dans lequel estincluse la narration, doit être franchiepar les grands éditeurs de bandes des-sinées sous peine de voir le lectorat seraréfier.

Polar hors normes sous forme de rengaine hypnotique, La Petite Souriante de Zidrou et Springerprocure un moment savoureux de causticité, quoiqu’amoindri par une pagination trop restrictive.

LA PETITE SOURIANTE

de Zidrou et Springer,Dupuis, 72 p. coul., 14,50 €

refermé sur lui-mêmeComme un refrain

KAMIL PLEJWALTZSKY

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Kåtalög,de Jorge Bernstein

Tout le mondesÊest déjà plongé(de gré ou deforce) dans lemode dÊemploide meublessuédois en kit.Histoirede rire, trèssérieusement,Jorge Bernstein,

dont lÊhumour légendaire nÊest plusà démontrer, nous offre un granddétournement, en mettant horscontexte (ou pas !) les imagesstéréotypées pour en faire desplanches de gags et des histoires degrand nÊimporte quoi très crédibles.Prévendu sur Ulule, le titre édité parles jeunes éditions Rouquemoute estévidemment très drôle, seul livre aussiindispensable pour orner votrebibliothèque que pour la monter.Rouquemoute, 74 p. n&b, 12 €

HÉL˚NE BENEY

Honoré d'Estienne d'Orves- Pionnier de la résistance,de Vivier et Denoël

Si descentainesde rues enFrance etmême unestation demétroparisienneportent lenom de cegrand ré-sistant, peu

connaissent réellement son histoire.Issu de l'aristocratie provençale, cediplômé de Polytechnique devientOfficier de la Marine. La défaitefrançaise le laisse à quai, désemparé !Pour éviter que la flotte ne soitréquisitionnée par l'armée du Reich,les Anglais proposent qu'elle sesaborde ou qu'elle rejoigne les Antilles.Après le recrutement de nouveauxcombattants, il rejoint Londres, puis vaorganiser un des premiers réseaux derésistance, avant d'être capturé.Éditions du Rocher, 48 p. coul., 14,50 €

MICHEL DARTAY

Et si lÊamour cÊétaitaimer ?, de Fabcaro

Sandrine etHenri viventheureux dansleur grandemaison et toutleur sourit.Pourtant, à lafaveur dÊunecommandede macédoine,Sandrine fait laconnaissance

du beau livreur, le jeune et ténébreuxMichel, et sa vie est emportée par letourbillon de la passion. Mais, nomdÊun petit bonhomme en mousse,lÊamour peut-il résister aux tic-tacsde la réalité ? Roi de lÊhumour absurdeet des jeux de mots ou associationsdÊidées, Fabcaro revient après lesuccès de Zaï zaï zaï zaï et la pannedÊinspiration de Pause dans ce récitfoldingue à la manière des plus grandsromans-photo. Jouant toujours de tousles décalages, cette parodie pleine dedérision ne donne pas le sourire : ellefait rire franchement ! ¤ confier auxdétenteurs dÊun solide second degré.6 pieds sous terre, 48 p. n&b, 12 €

HÉL˚NE BENEY

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D ans un univers post-apoca-lyptique, un homme et unefemme se déplacent à bord

dÊune vieille Porsche. Régulièrement,le conducteur se met en quête dÊes-sence afin de pouvoir poursuivre levoyage. Au fil du trajet, différents élé-ments (décors, réflexions, détails sur-prenants⁄) suggèrent que lÊhommeplonge au cflur de lui-même. Est-ilentre la vie et la mort ?

EN QUÊTE DE SENS ?

Les trois premières pages, fascinanteset très picturales, annoncent le pro-gramme : une ambiance étrange etdécalée où la surprise est permanente.Dans ce récit, lÊessence qui alimenteles moteurs des voitures se fait rare et

le personnage principal se déplacecontinuellement afin de tenter dereconstituer le puzzle de son existenceet, ainsi, de saisir lÊessence de son être.LÊaventure, plutôt intimiste, se déroulefréquemment dans de grands espaces(friches industrielles, paysages sau-vages⁄) qui ne cessent de changer.Il en va de même du genre du récit,mélange de road comic et de chronique,de récit dÊespionnage et de comédieloufoque. Essence se situe ainsi à la croi-sée des univers de Mflbius et deNicolas Dumontheuil, des films La vieest belle (1946) de Frank Capra et MadMax (1979) de George Miller, AfterHours (1985) de Martin Scorsese etBienvenue à Zombieland (2009) de RubenFleischer.

UN VOYAGE,DE MULTIPLES DIRECTIONS

LÊhistoire part dans tous les sens, mul-tiplie les rencontres improbables(Gilles Villeneuve et James Dean âgés)comme les références (entre autres àTintin), sans pour autant perdre le cap.Elle comporte notamment une inou-bliable course-poursuite. ¤ lÊimage dece qui est raconté, le dessin deBenjamin Flao se transforme fréquem-ment, passe dÊun style réaliste au francburlesque, évoque parfois le grandTillieux ou rappelle des partis pris desannées 70. Quant aux architecturescomme à la mise en couleur, elles sontfréquemment impressionnantes.fiuvre dense et riche qui fonce piedau plancher tout en sachant ménagerdes moments de pause, onirique etpoétique, sombre et lumineuse, Essence

irritera sans doute certains lecteurs ettransportera ceux à la recherche dÊuncarburant littéraire singulier.

Fred Bernard et Benjamin Flao signent un conte décalé, en mouvement perpétuel etcomplètement foutraque où tout est possible. Parés à effectuer un voyage déroutant ?

ESSENCE

de Fred Bernardet Benjamin Flao,

Futuropolis,184 p. couleurs, 27 €

BORIS HENRY

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D epuis El Cobra, le dernieralbum en date de la sérieDurango, cela faisait huit ans

quÊYves Swolfs nÊavait plus touché auwestern. LÊauteur de Black Hills 1890 etJames Healer, deux autres séries ayantpour cadre lÊOuest américain, ne pou-vait rester plus longtemps éloigné deses premières amours de dessinateur.Avec Lonesome est abordée cette fois lapériode immédiatement antérieure à laGuerre de Sécession. La Piste du prêcheurprend place en février 1861, autour dela petite ville de Holton dans le Kansas,un État créé en 1854. Le personnage

principal, un héros dont on ne connaîtpas (encore) le nom, croise la routedÊun prêcheur un peu particulier.Accompagné par une petite troupedÊhommes de main, le pasteurMarkham échauffe les esprits avec sesgrandes qualités dÊorateur. Il attise laviolence pendant lÊépisode du ÿ Kansassanglant Ÿ (1854-1861), conflit arméentre le Kansas abolitionniste et leMissouri voisin esclavagiste. De chaquecôté de la frontière partent des raidsmeurtriers pour faire triompher sesidées dans lÊautre État. Aux BorderRuffians du Missouri répondent les

Jayhawkers du Kansas. Le pasteurMarkham fait office dÊagent recruteurpour renforcer les rangs abolitionnistes.Mais si son discours contre lÊesclavageet les grands propriétaires terriens ades accents humanistes, ses pratiquesclandestines sont tout sauf dignes dÊunhomme de Dieu. Le héros de Lonesome,pas forcément là par hasard, aura bienbesoin de son pouvoir de double vuepour sÊattaquer à Markham et seshommes ainsi quÊau système mafieuxmis en place par le maire de Holton.Une tâche ardue qui est bien peu dechose au regard des enjeux colossauxqui se feront jour au fil du récit.

LE POUVOIR DE LA FINANCE

ÿ JÊavais envie de parler de lÊinfluence du mondefinancier sur lÊorigine des guerres, expliqueen effet Yves Swolfs. Avant la Guerre deSécession, deux ou trois grandes crises écono-miques ont créé les conditions pour que le conflitéclate. Mais surtout, je suis parti dÊune théoriedu complot qui dit que ce sont des banquierseuropéens, anglais et français, possédant desintérêts aux États-Unis, qui ont organisé laguerre pour remettre le pays sous la coupe éco-nomique de la Grande-Bretagne et de la France.Le prêcheur est un des multiples agents fauteursde guerre payés par ceux qui voulaient que toutexplose. Ÿ Le héros sans nom – cetteamnésie étant due à un traumatisme –a donc mis le doigt dans un drôle dÊen-grenage qui rafraîchira peut-être samémoire. Sa capacité à voir le passédes gens rien quÊen les touchant nesera pas de trop pour le tirer des mau-vais pas. ÿ JÊavais utilisé ça dans JamesHealer, lÊamplification de quelque chose quÊonpeut appeler lÊintuition et à laquelle lesAmérindiens croient beaucoup. Ça donne uncôté fantastique à lÊhistoire. Ce que les gensnormaux pourraient faire sÊils laissaient parler

leur instinct. Ÿ LÊinstinct dÊYves Swolfs,cÊest de réaliser un western ÿ à lÊan-cienne Ÿ, concept parfaitement assumédÊun récit qui rappelle forcément SergioLeone ou Sergio Corbucci, dont le filmLe Grand Silence est une influence majus-cule dans toute la carrière du dessina-teur. ¤ cela se greffent des référencesplus actuelles comme les séries télévi-sées Deadwood et Hell on Wheels. Toutcela alimente un style graphique immé-diatement identifiable, qui porte unrécit prévu en quatre ou cinq albums,ramassé sur les années 1861 et 1862,sans entrer dans la réalité des combatsde la Guerre de Sécession. Dans le pro-chain volume, le lecteur peut sÊattendreà plonger dans le quotidien des Ruffiansdu Missouri. Connaissant les pratiquescriminelles du pasteur Markham, pour-tant abolitionniste, on nÊose imaginerce que nous préparent ces partisans delÊesclavage.

LONESOME, T.1LA PISTE DU PR¯CHEUR

dÊYves Swolfs, Le Lombard,56 p. couleurs, 14,45 €

THIERRY LEMAIRE

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LE KANSASMET LE FEU AUX POUDRES

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Lonesome marque le grand retour d’Yves Swolfs au western, avec un héros sans nom pris dans l’épisode du « Kansas sanglant »qui annonce la Guerre de Sécession. Sous des dehors classiques, la série développe des thèses peu orthodoxes sur les originesde la guerre civile américaine. Sortez vos Colt modèle « Army », ça va saigner.

Katanga, T.2, Diplomatie,de Nury et Vallée

La secondepartie d'untriptyqueréalisé parles auteurs dutrès remarquéIl était une foisen France.Encore uneintrigue quitient enhaleine, laconvoitise

et l'avidité sous toutes ses formes,l'exotisme du Congo, le tout agrémentéde dialogues de baroudeurs dignesd'Audiard. Dessin semi-réaliste deSylvain Vallée, toujours à l'aise pourimaginer les trognes de personnagesforts en gueule, bien typés, maisles Européens, mercenaires oumagouilleurs, ne sont pas dépeintsà leur avantage. Quant au tandemcongolais, Charlie et Alicia, on espèrequ'ils sauront tirer leur épingle du jeu !Dargaud, 64 p. couleurs, 16,95 €

JEAN-PHILIPPE RENOUX

Colonisation, T.1, LesNaufragés de lÊespace, deFilippi, Cucca et Marinacci

En l'an 2100,l'officier Sternisfait partie desmilliers decolons misen stase etenvoyés dansl'espace a borddes vaisseauxdortoirsdestinés àcoloniser de

nouvelles planètes. 123 ans plus tard,après l'échouage de son vaisseau, il estréveillé par l'unité d'élite de lÊAgencedont la mission est de retrouver lespremiers colons avant les écumeurs,pilleurs de l'espace qui les poursuiventsans relâche. Ce premier tome augurele début d'une grande saga épique,efficace aussi bien visuellement ducôté de l'exploration spatiale, quepsychologiquement avec despersonnages charismatiques quidevront faire face à l'inconnu.Glénat, 48 p. couleurs, 13,90 €

GREG SOUDIER

Levants, de Nicolas PreslCreusant lesillon de labande dessinéemuette, NicolasPresl livre avecLevants un récitdans la lignéede sesprécédentsHeureux quicomme etOrientalisme.

Utilisant encore la couleur du traitcomme élément narratif, il dérouleune multitude de fils dans un récitcontemporain situé dans un paysfictif du Moyen-Orient. Le thème desoppressions (de la femme, religieuse,du désir dÊémigrer, des traditions) estcomme souvent omniprésent dans unroad-trip illusoire où lÊamour – sousplusieurs formes – nÊest pas absent.Levants est une bande dessinéeélégante, inventive, expressive.Une de ces expériences delecture qui honore le 9e art.Atrabile, 336 p. couleurs, 29 €

THIERRY LEMAIRE

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D e retour à Barro City, Bouncerempêche le lynchage dÊunIndien. Des habitants enten-

daient venger ainsi la violente agressionsubie par lÊhorloger – désormais entrela vie et la mort – et sa fille, cette der-nière ayant été assassinée et scalpée.Bouncer comprend quÊil y a eu uneméprise et quÊune autre fillette est engrand danger. SÊil agit rapidement, ilsÊengage dans une affaire qui le dépasseet qui le mènera loin, sur le territoirecomme dans lÊhorreur.

LE SOUFFLE ÉPIQUE DE L’AVENTURE

Alejandro Jodorowsky, François Boucqet les éditions Glénat ont particulière-ment soigné la sortie de ce nouveaudiptyque de Bouncer : si le dixième tome(LÊOr maudit) sort le 10 janvier 2018, leonzième (LÊÉchine du diable) suivra seu-lement deux mois plus tard, le 7 mars2018. Cette parution rapprochéedevrait permettre de vivre pleinementcette histoire et dÊapprécier au mieuxson rythme effréné.Les scènes dÊexposition passées, lÊaven-ture prend principalement la formedÊune course-poursuite riche en per-sonnages, pièges, rebondissements etretournements de situations. Tout lemonde court après un chargement dÊor,volé et caché, les motivations différantselon les protagonistes. Les rebondis-sements, surprenants ou prévisibles,vraisemblables ou tirés par les cheveux,structurent le récit, contribuant plei-nement à sa grande dynamique commeà sa dimension épique. Ils sont dÊautantplus importants que cette histoire courtsur deux tomes de 80 pages chacun.

BELLE GALERIE DE PERSONNAGES

LÊune des grandes forces de ces deuxalbums est de multiplier les acteurs etdÊétaler leur entrée en scène. OutreBouncer le manchot, Job le nain et

Panchita au visage tatoué, Jodorowskycomplète son ÿ freak show Ÿ avec unecomtesse obèse, un borgne⁄ Commesouvent, il décrit une humanité dont lavariété physique correspond, en partieou totalement, à la diversité morale,même si quasiment chaque homme estici un loup pour son prochain, tous lescoups étant permis. Le jeu sur les appa-rences étant au centre du récit, mêmeles personnages les moins obscurs serévèlent finalement prêts à tout pourmener à bien leurs ambitions. Si lÊen-semble est très sombre, certaines scènessont particulièrement violentes, leshommes tombant parfois comme desmouches.Autres éléments essentiels : les décors.Ville américaine ou mexicaine, canyons,grottes, désert, les personnages passentpar des lieux divers qui comportent àchaque fois une spécificité et une dan-gerosité, engendrant certaines péripéties.Nous le savions déjà, mais cela estencore vérifiable ici, Boucq est particu-lièrement à lÊaise dans la représentationdes décors naturels, de leur immensitécomme de leurs moindres recoins. Il

donne ainsi corps de manière spectacu-laire au théâtre des événements, en fai-sant un personnage à part entière. Il rendégalement particulièrement palpables lasauvagerie et la cruauté au centre debien des scènes.

Jodorowsky et Boucq signent un nouveau diptyque du Bouncer, qui prend la forme d’une course-poursuite crépusculaire et haletante truffée de rebondissements.

La poursuite

BOUNCER, T.10 ET 11

dÊAlejandro Jodorowskyet François Boucq,

Glénat, 80 p. couleurs, 18 €

BORIS HENRY

IMPITOYABLE

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I l y a du cadavre dans la sierra,des comptes à régler, des men-teurs en tout genre, du fric qui se

promène. Matz et Xavier ont donnévie à un nouveau héros aventurier quifait ses classes dans ce tome 1, annoncela couleur avec force et brio pour cequi pourrait bien devenir une série.Mais dÊoù viens-tu Tango ? ÿ CÊest aumoment de Hyver 1709. JÊai eu envie dequelque chose de plus contemporain en AmériqueLatine avec Matz au scénario Ÿ. PhilippeXavier avait apprécié ÿ Le Tueur et Duplomb dans la tête, une BD que jÊauraisaimée faire. Je me suis dit que ce serait bien detravailler avec Matz. Il y a une force dans sesdialogues qui permet dÊavoir des personnagesplus vivants, plus charismatiques avec des zonesdÊombre. On sÊest rencontrés à Saint-Malo.On a parlé un peu de tout et je me suis dit quÊonallait faire Tango ensemble Ÿ. Et voilà comment Tango, dont le nomtrottait déjà dans la tête de Xavier, avu le jour. Pour Matz, il était évidentquÊil y avait entre eux une commu-nauté dÊidées et dÊenvies : ÿ Il ne mÊapas tout dit sur Tango et ça a mijoté. Onétait dÊaccord pour un western contemporain,un récit dÊaventure. Philipe me demandait defaire du Matz. Toutes les étapes de la concep-tion ont été réalisées à deux avec beaucoup defluidité Ÿ.Car cette collaboration en duo estaussi la cause de lÊefficacité du récit,sans oublier le voyage quÊils ontaccompli sur place pour les repérageset bien sÊimprégner de lÊambiance,comme le souligne Philippe Xavier :ÿ On a passé en Bolivie trois semaines et celanous a permis dÊexplorer décors, couleurs. Onse racontait le soir les différentes scènes du

bouquin comme pour un film, un puzzle auquelon apportait chacun nos pièces Ÿ. Matz sesouvient ÿ quÊil prenait des notes. On adécrit des scènes. Ensuite cÊest le travail duscénariste de lier la sauce. Je suis rentré àParis et jÊai tout mis au propre Ÿ.Alors qui cÊest ce Tango qui nedemande pas mieux quÊon lÊoublie dansson trou paumé et quÊon lui foute lapaix ? Il se balade tranquille, initie soncopain le jeune Diego aux vestiges pré-colombiens sur les hauts-plateaux boli-viens. Au passage, il a une liaison avecla belle veuve Agustina qui tient le seulbar du coin. Mais quand le père deDiego, Anselmo, est agressé devant luipar une poignée de tueurs, Tangoretrouve des réflexes mis en sommeilet casse le cou aux malfaisants. Ce quine va pas passer inaperçu dans le vaste

monde grâce à la TV et rameuter sesanciens associés, son ex-copine com-prise. Il a une ardoise à régler le Tango.Comme Anselmo, le père du gamin,nÊest pas non plus un modèle dÊhonnê-teté, le mélange va vite devenir déton-nant. Les flingues vont sortir des étuis.Et un curieux privé, Mario, vient enrajouter une couche.

UNE SÉRIE QUI AVANCE VITE

Matz et Xavier ont donné naissance àun aventurier pas vraiment pourri, puret dur, avec en prime un côté Robindes Bois. Matz voulait faire une sériequi avance vite, avec de lÊénergie, desséquences les plus captivantes pos-sibles, ÿ inventer une BD quÊon aurait plaisirà lire sous forme de one-shot Ÿ. Polar, thrilleraussi, enlèvement, Tango a truandé lamafia et joue sur plusieurs tableaux.ÿ CÊest bien un mélange des genres, reconnaîtMatz. On prend ce quÊon veut. Le côté westerncÊest lÊépure, des enjeux clairs et forts, avec uneévolution psychologique des personnages. ŸIl y aura trois albums précise PhilippeXavier : ÿ On avait beaucoup de pistes audépart. Mario le détective mourrait dans unepremière version mais on sÊest attaché à lui.On en a fait le Barney de Bernard Prince.CÊest ce que je voulais, du Corto-BernardPrince. Évasion, voyages, un personnagedétaché de tout Ÿ.On est bien dans un western contem-porain, clairement revendiqué par Matzet Xavier. Le désert, la sierra, la fermeperdue, les méchants et la belle tenan-

cière du saloon, les duels, il y a un peudes Sept mercenaires, de LÊHomme des hautesplaines ou de Johnny Guitare dans ceTango. Il a un passé quÊil va assumer,raconte sa vie en voix off. Tout fonc-tionne, bien cadré et dessiné avec lafougue, la précision, le réalisme et lasensualité quÊon connaît à PhilippeXavier.Le tome 2 est à mi-parcours. Matz sortaussi Vie Volée chez Rue de Sèvres, chro-nique des enfants enlevés sous la dic-tature argentine. Quant à Xavier, il nese serait pas contre un second diptyquede Hyver 1709.

D’où viens-tu Tango ?Un western pour la forme, pour le fond, de nos jours, dans un coin paumé de Bolivie. Un gringo, Tango, qui se planque, est rat-trapé par son passé. Matz et Philippe Xavier sont les chefs d’orchestre, à part égale, de cette symphonie en noir. Philippe Xaviera lancé l’histoire, et en a signé le dessin, Matz le scénario. Du solide, de l’efficace et de la rumba dans l’air raréfié de la Cordillèredes Andes.

TANGO, T.1UN OCÉAN DE PIERRE

de Xavier et Matz,Le Lombard,

66 p. couleurs, 14,45 €

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JEAN-LAURENT TRUC

PHILIPPE XAVIER ET MATZ

Le Chasseur de sourires,dÊA. Ferrer

Un soir de congrèsde dentistes, unjeune praticiensÊémerveille delÊimminence dela disparitiondes appareilsà ÿ baguesmétalliques Ÿ. Unconfrère plus âgélui raconte alors

une histoire, celle de Herbert F. Dunne,odontologiste en Californie au débutdes années 60. Ce dentiste à la vie bienrangée et à la réputation sans faillesÊavère être dénoué dÊempathie, sortede Dexter des soins dentaires auxfantasmes sado-maso hors normes⁄Fabuleux comic coloré qui surfe surla peur quasi universelle du dentiste,ce one-shot (au dessin parfait) entrethriller et psychodrame balade lelecteur pour mieux le perdre et luifaire grincer des dents jusquÊà ladernière page. Une réussite !EP éditions, 120 p. couleurs, 18 €

HÉL˚NE BENEY

Breakfast Afternoon,dÊAndi Watson

Jeunes trentenairessur le point de semarier, Robi etLouise sont tousles deux licenciés.Dans ce coin (enplein centre !)dÊAngleterre,lÊusine de faïenceferme, laissantsur le carreau

les ouvriers sans grande perspectivede reconversion. Si Louise y voitune opportunité pour rebondir, RobisÊenfonce dans la déprime et le déni.En réagissant comme un ado perdu,égoïste et têtu, Robi sÊenglue etmène doucement mais sûrement savie comme son couple vers la rupture⁄Initialement paru il y a 15 ans chezCasterman, ce roman graphique renaîtde ses cendres chez Çà et Là et prouvesa pertinence car il nÊa pas pris uneride ! Une chronique sociale etamoureuse intemporelle, qui prendle temps de décortiquer les faillesde lÊêtre humain lorsquÊil refusede sortir de sa zone de confort.Çà et Là, 200 p. n&b, 20 €

HB

Les Vieux Fourneaux, T.4,de Lupano et Cauuet

Quand une ZADsÊouvre en pleinsur les terres oùlÊusine Garan-Servier devaitsÊagrandir, çamet le bouzinchez les vieuxfourneaux. Entredéveloppementéconomique et

protection de lÊenvironnement, Antoineet Pierrot ne sont plus sur la mêmelongueur dÊonde. Entre considérationspolitiques très actuelles et petitssecrets de familles, Wilfrid Lupanocontinue de livrer une série jubilatoireau scénario. Les dialogues fusent etles situations cocasses tout autant.Comptez en plus sur son compèredessinateur pour illustrer avecbonhommie et gouaille les aventuresde nos vieux préférés. Cette série serenouvelle et les nouvelles aventures du3e âge ne risquent pas de vous décevoir !Dargaud, 56 p. couleurs, 11,99 €

YANECK CHAREYRE

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A c t u B d zoom

DÉRÈGLEMENT…

L Êautre drame que vivent lÊIraket la Syrie est de nature média-tique. Entre les reportages

tronqués, les informations approxima-tives clamées haut et fort (mais démen-ties du bout des lèvres) et les interven-tions condescendantes des politiques,le citoyen lambda nage dans un floutotal. LÊessentiel est de passer soussilence, entre autres choses, les respon-sabilités de Barack Obama, le double-jeu de la Turquie ou les ratés de ladiplomatie française. Quant aux véri-tables victimes du conflit appartenantaux minorités religieuses et ethniquesdruses, mandéennes, chrétiennes, yézi-dis, turcomanes ou shabaks, elles fontles frais dÊune indifférence programméeafin de ne pas heurter les susceptibilitéssunnites et de leurs supporters.Le Voile noir régurgite ainsi quelques cli-chés pourtant désavoués par plusieursdocumentaires ou enquêtes de fond.Le plus embarrassant concerne lÊASL(Armée Syrienne Libre), dont on saitmaintenant quÊelle est au mieux unconglomérat de groupuscules islamistesrivaux, et au pire un attrape-nigaudmonté de toutes pièces afin de récu-pérer des armes pour Daesh auprès desOccidentaux. Dans la bande dessinée de Dodo etCha, la Russie et le gouvernement deBashar al-Assad en prennent aussi pourleur grade et sont accusés de bombar-der aveuglément les populations civiles,

perpétuant ainsi lÊidée saugrenue dÊuneguerre propre. Même si on sait main-tenant que les bombes lâchées sur lesmanifestants syriens au début du conflitprovenaient de positions rebelles, laquestion de sÊêtre fait une opinion tropvite à coup dÊidéalisme et de reportagesbâclés ne semble pas avoir traversé lÊes-prit de la scénariste.

HORMONAL

Tant quÊà faire des raccourcis, autantreporter la responsabilité de ce dramesur les hommes dans leur ensemble etappeler (aboyer serait un terme plusapproprié) au règne hégémonique duféminisme version roquet. Un fémi-nisme qui empeste la misandrie et lagynocratie. Le personnage de la tata soixante-hui-tarde, qui va courageusement délivrersa nièce et sa filleule des griffes desislamistes, incarne cette caricature quifait office dÊhéroïne. Un exemple, unseul, suffit à démontrer la dispropor-tion de ce portrait. Quand cette der-nière est secourue en bout de coursepar des combattantes kurdes du PKK,tata Alice se lâche après moult voci-férations, dÊun ÿ Mais cÊest le paradis ici ! Ÿ(sic). Entourée de ses sauveuses (72vierges ?), Alice évoque le bon vieuxtemps des barricades parisiennes dela fin des années 60 et avoue avec lesens de la mesure qui la caractérisequÊen France, le combat des femmesnÊest pas gagné. Certes, le combat

nÊest effectivement pas gagné, dÊautantque dans lÊhistoire, la tata a oublié –ô miracle de lÊamnésie – que Pauline,sa filleule, était partie, fleur au Coran,sÊenrôler parmi les Djihadistes. Dom-mage, la tata serait revenue de ses illu-sions. Au lieu de cela, elle fantasmesur le groupe de combattantes armées,balance des jurons toutes les deuxpages et rêve dÊaller en découdre aveclÊennemi de toujours : le mâle. Ginaassène le coup de grâce au momentdu retour : ÿ [⁄] je trouve que tÊas vraimentdes couilles tata ! Ÿ (sic). Des couilles peut-être, mais pas decerveau.

LE VOILE NOIR

de Dodo et Cha,Casterman,

48 p. couleurs, 13,95 €

KAMIL PLEJWALTZSKY

Pauline est partie rejoindre le califat de Syrakie. Sa cousine Gina décide de la retrouver coûteque coûte pour la tirer de ce mauvais pas. Hélas (trois fois hélas), cette dernière est faiteprisonnière sur place. Tata Alice, en bonne militante MLF, va nous ramener les jeunettes à lamaison et botter les islamistes à grands coups de rangers là où ça fait mal.

GONADES MAL PLACÉES

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B enoît Peeters a une vie bienremplie. Étudiant de lÊÉcolePratique des Hautes Études à

Paris, élève de Roland Barthes puis deChristian Metz, il a écrit plusieursromans, travaillé en librairie, avant dese lancer dans la bande dessinée commethéoricien, auteur et éditeur. SÊil a variéles disciplines et les médias, il a étéhabité assez tôt par un goût prononcépour la cuisine, dégustant avec gour-mandise celle de grands chefs et pré-parant avec ferveur des plats élaborés.

QUAND PEETERS (SE) CUISINE

En parlant de sa passion pour la cuisine,des circonstances qui lÊont faite naîtrepuis croître, de ses différentes manifes-tations et de ce qui lÊa accompagnée,Benoît Peeters se livre. Il nous ouvreainsi une partie de sa vie, nous invitantà le suivre au fil de son parcours intel-lectuel, affectif et culinaire, exposant lespensées et actions qui lÊont animé, per-mettant de saisir comment elles ont étédéterminantes pour sa construction per-sonnelle et pour son art.Si la démarche est sympathique et géné-reuse, ces pages semblent dÊabord sur-tout anecdotiques. Cette sensation estaccentuée par le dessin ici un peu tropsage dÊAurélia Aurita, celle-ci paraissantintimidée par la tâche qui lui est confiée.Mais au fil des pages et de la descriptiondu parcours du scénariste des Cités obs-cures, le témoignage sÊenrichit, la chro-nique sÊépaissit et gagne en profondeur.LÊune de ses grandes forces est de rendrevisible lÊémotion transmise par la cuisine,par le plaisir de lÊeffectuer comme parcelui de la manger. Nous comprenonsalors à quel point Peeters attend desmets quÊils soient aussi fins et raffinésque les fluvres intellectuelles et artis-tiques qui le nourrissent et lÊémeuvent.

LA CUISINE, ÉLOGE DE LA RENCONTRE

Parmi les moments les plus impression-nants et touchants de cet ouvrage, ladescription de repas dans des restau-rants fameux ou en passe de le devenir.Il en va ainsi de celui au Vivarois oùClaude Peyrot, cuisinier et propriétairedes lieux, fait apporter des plats queBenoît Peeters et sa compagne nÊontpas commandés, les leur offrant car ila constaté que la cuisine les intéressaitvéritablement. De même, Peeters ren-contre à plusieurs reprises WillySlawinski, chef qui, habituellement, nesort pas de ses cuisines. Il en résulteune séquence très forte, bouleversante.Enfin, ayant la chance dÊêtre lÊun desderniers clients du restaurant El Bulliavant sa fermeture, Peeters tombe sousle charme de la cuisine de Ferran Adrià.Les pages consacrées à ces trois chefssont magnifiques et rendent particu-lièrement palpable lÊensemble du pro-pos : la cuisine sÊy affirme comme unart majeur, poétique, qui lie instinct etintellect, tripes et cerveau. Comme lescénario, le dessin dÊAurélia Aurita selibère peu à peu et gagne en intensité.LÊune de ses belles trouvailles résidedans la coexistence entre le noir etblanc et la couleur, cette dernière étant

principalement réservée aux seulsingrédients et plats.Enfin, à lÊinstar des films qui, avec brio,immergent le spectateur dans les cou-lisses de la grande cuisine, Comme unchef ne manque pas dÊéveiller les sensdu lecteur et de le mettre en appétit.

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L’ART SE MET À TABLEJamais, de Bruno DuhamelCÊest en sÊinspirantdÊune implacablefatalité géologique– lÊérosiondes falaises deNormandie – queBruno Duhameltisse son récit :Jamais, ou lÊhistoiredÊune ténacité, dÊun

romantisme fou mais aussi dÊune réalitétoute pragmatique. Marguerite, vieilledame aveugle, tient à vivre ses derniersjours dans sa maison perchée du boutdu monde, contre lÊarrogance du mairequi veut lÊen expulser. LÊauteur confessedes clins dÊflil à Astérix, comme à MichelAudiard, dans lÊévocation de cetterésistance joyeuse. Il ne manque riendans les décors – de Troumesnil,inspirée de Quiberville, la ville natalede lÊauteur – à la vertigineuse CôtedÊAlbatre, ses embruns et sesmouettes, en passant par lÊintérieurde Marguerite, charriant les souvenirsdÊune vie. Un récit poignant, truculent,dÊune infinie délicatesse. Grand Angle, 64 p. couleurs, 15,90 €

JULIE BORDENAVE

Oliver & Peter, T.2,de Philippe Pelaezet Cinzia Di Felice

Et si Oliver Twistet Peter Pancroisaient JacklÊéventreur etHG Wells ? CÊestautour de ce parique se construitcette série publiéeen financementparticipatif.LÊalbum marche

sur un fil ténu, magistralement arpentépar Régis Loisel auparavant. Difficile detrouver sa voie face à un tel précédent.Mais le scénario, jouant sur les relationsfraternelles, parvient à trouver sapropre identité. Il faut toutefois avoirune petite connaissance des grandsclassiques de la littérature pour toutappréhender. La dessinatrice CinziaDi Felice livre une jolie prestation quidemande encore de la maturation, maispromet un beau potentiel pour lÊavenir.Sandawe, 64 p. couleurs, PNC

YANECK CHAREYRE

Le navirequi tue ses capitaines,de Tillieux et Follet

L'occupationnazie de laBelgique entraînel'interdiction dela traductiond'fluvres anglo-saxonnes, cequi favoriseles productionsnationales. Officierde marine, le jeune

Maurice Tillieux échappe de peu auSTO vers les usines allemandes, etrédige un roman publié en 1943. Ilconcilie son goût pour la mer avec sapassion pour les énigmes et l'aventure,mais Bob Bang, un peu avant Félix, leprécurseur de Gil Jourdan, apparaîtrontun peu plus tard. C'est la première foisdepuis sa parution que ce roman estréimprimé, avec 16 illustrations pleinespages de René Follet, le dessinateurde SOS Bagarreur.Éd. de l'Élan, 112 p. n&b et coul., 29 €

JEAN-PHILIPPE RENOUX

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COMME UN CHEF

de Benoît Peeterset Aurélia Aurita,

Casterman, coll. Écritures,216 p. couleurs, 18,95 €

BORIS HENRY

Avec Comme un chef, Benoît Peeters et Aurélia Aurita mettent en lumière la passion du premierpour l’art culinaire. Après un démarrage un peu long, cet album se révèle passionnant et touchant.

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MONDE EXTÉRIEUR

D epuis quelques années leshommages à Jack Kirby semultiplient sur les rayon-

nages et même à la télévision. DÊautresdessinateurs de comics ont droit, euxaussi, à leur biographie déclinée sousde multiples façons. Chacun y va deson analyse, de ses anecdotes et deses souvenirs, comme si lÊimportantnÊétait pas dÊinstruire mais de faire ladémonstration que lÊon sait mieux quenÊimporte qui ; quÊon est héritier tes-tamentaire du trait, de la vie et de lapensée de ces maîtres.La plupart du temps, ces ouvrages sebornent à relater la généalogie delÊfluvre et de lÊillustrer en passant àcôté de lÊessentiel qui lui, se situedavantage dans les impressions.

MONDESINTÉRIEURS

Dans Memorabilia deSergio Ponchione,lÊauteur fait état de lÊin-timité qui le lie auxnarrations de Steve

Ditko, Jack Kirby, Wallace Wood,Richard Corben et dÊautres. Il inventepour cela des dialogues avec des inter-locuteurs à qui il confie quelques clefspropres à ces univers graphiques.Ponchionne évoque lÊivresse créativedes uns, la folie des autres ou lÊimper-méabilité de leur univers à la réalité.LÊauteur termine par ceux qui, aucontraire, sÊappuient sur dÊinfimesdétails du quotidien pour broder ou semodeler leur monde et ceux qui leshantent.Cette exploration se fait au gré desstyles ou des particularismes des nomscités plus haut, auxquels le dessinateuritalien sert en fin de compte de creuset.LÊintelligence de ce dernier consiste àdonner des directions au lecteur plutôtque dévoiler les vérités ou les recettesde ces génies de la bande dessinée amé-ricaine. On sÊimprègne de mondes, ondevine des possibilités ou des manièresdÊêtre, sans rien ôter du mystère lié àla création. Et cÊest tant mieux.

Appréhender l’œuvre et l’imaginaire d’un maître de la BD peut setenter à travers la lecture d’un ouvrage biographique. Mais n’est-ce pas finalement paradoxal de faire appel à des faits rébarbatifspour rendre compte d’univers basés sur les sensations ?

AUTO-(SCIENCE-)FICTION

KAMIL PLEJWALTZSKY

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c MEMORABILIAde Sergio Ponchione,Ici Même, 56 p. couleurs, 19 €

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Mondo Reverso,de Dominique Bertailet Arnaud Le Gouëfflec

Les cow-boys ? ÿ Des garsextraordinaires, dÊun courage formidable[⁄], qui ont des tendances presqueféminines au point de vue de leur goût Ÿ,confessait le designer Raymond Loewy,et il est dÊailleurs amusant de constaterque cet appétit pour les apparatsconsidérés comme féminins – talonshauts, foulards en soie – a traverséles âges jusquÊaux rockers dandysdes sixties. Or, cÊest quasiment lÊundes seuls postulats sur lequel se basentles auteurs pour proposer un westernautoproclamé féministe.

Passée lasurprise delÊinversiondes rôlestraditionnels –ici, ce sont lesfemmes quichevauchenthardimentcanassonscommefragiles

hommes, devenus monnaies dÊéchangedans leurs délicieux atours – et la trèsbelle qualité des dessins sépia réalisésau brou de noix, le soufflé retombe.LÊintention était louable, et lÊon pressentla mise en abyme visée, notammentpar un usage détourné de lÊécritureinclusive. Mais loin de la réflexionattendue sur les injonctions socialesliées aux genres, la démonstrationne dépasse pas la simple – voireparesseuse – inversion des clichés,sans hélas les remettre en question.Fluide Glacial, 88 p. couleurs, 16,90 €(version classique) ; 96 p. couleurs aveccahier graphique, dos toilé et ex-librisnuméroté et signé, 21,90 € (versionluxe, tirage limité)

JULIE BORDENAVE

Le Syndrome de Stendhal,dÊAurélie Herrou

Le syndromede Stendhal,qui avaittouché lÊécrivainfrançais lorsde sa visite àFlorence, estune affectionpsychosoma-tique qui frappecertainespersonnes

exposées à une surcharge dÊfluvresdÊart. CÊest exactement ce qui arrive àFrédéric Delachaise, héritier désargentéde 35 ans, obligé à travailler pour lapremière fois de sa vie. Devenu parhasard gardien de salle au CentrePompidou, il va découvrir la vie, lÊartcontemporain, et peu à peu se voiraffecté de cet étrange syndrome quilui donne des hallucinations, et le faitentrer dans les fluvres, amies etconseillères irremplaçables... Décalé,cynique, graphiquement beau et abouti,ce one-shot est une découverte à nepas rater !Glénat / Centre Pompidou,128 p. n&b, 22 €

HÉL˚NE BENEY

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D ans lÊimaginaire collectif,lÊaventure des radios libresest liée à lÊarrivée de François

Mitterrand au pouvoir en 1981 : lamultiplication des stations qui dansun premier temps se déploient demanière anarchique sur la bande FM,puis sÊorganisent et donnent rapide-ment naissance à de véritables mas-todontes. En réalité, cÊest à la fin desannées 1970 que sÊest joué le combatpour battre en brèche le monopolede Radio France et de quelques radiospériphériques (Europe 1, RTL, RMC,Sud-Radio et Radio Andorre). Inter-férences remonte même à lÊancêtreRadio Caroline, radio pirate britan-nique créée en 1964, émise depuis unnavire positionné dans les eaux inter-nationales, pour démarrer lÊhistoiredÊAlban et Pablo, deux amis durable-ment marqués par cet espace de

liberté radiophonique venu deGrande-Bretagne. En 1978, devenusétudiant et ouvrier imprimeur, ils déci-dent de se lancer eux aussi dans legrand bain de la création dÊune radio.¤ lÊépoque, ces stations nÊémettentpas plus loin que quelques kilomètres,une ou deux heures par semaine, surdes fréquences changeantes, mais lerendez-vous avec les (rares) auditeursest pris, lÊinéluctable développementdes radios libres est enclenché.

FRITURE SUR LA LIGNE

Les temps héroïques décrits dansInterférences, faits de bidouillages tech-niques, dÊimprovisation et de beau-coup dÊenthousiasme, ne sont pas sansrisques. Car briser le monopole desstations existantes est illégal. Avec leurRadio Nomade, Alban et Pablo jouentau chat et à la souris avec la policequi, telle la Gestapo à une autreépoque, traque les émetteurs à lÊaidede la goniométrie. Le récit devientalors presque un polar, dans lequelTeach et Rackham (le surnom que sesont choisis Alban et Pablo pour rap-peler les pirates du XVIIe siècle) chan-gent de lieu à chaque émission pouréviter une arrestation et potentielle-ment la prison. Avec ces deux pion-niers, Laurent Galandon et JeannePuchol montrent habilement lÊévolu-tion des radios libres. Pablo aime lamusique et veut faire partager des

artistes quÊon nÊentend pas sur lesradios, habituées à la variété française.Alban voit en Radio Nomade unmoyen de donner la parole à ceux quine lÊont pas : des clochards aux pros-tituées, en passant par Jean-MarcRouillan, fondateur dÊAction Directe.Avec lÊautorisation des radios libresau début des années 1980, on assisteà une normalisation de ces structuresdans lesquelles le discours dÊAlban nÊaplus sa place. LÊanticonformisme desradios pirates a vécu, les Interférencesqui inquiétaient lÊÉtat français ont qua-siment disparu.

PIRATES DES ONDESAvec Interférences, Laurent Galandon et Jeanne Puchol se penchent sur les prémices de l’éclosiondes radios libres en France. Un habile tableau de la fin des années 1970 qui décrit la normalisationd’un mouvement à l’origine assez anarchique.

INTERFÉRENCES

de Galandon et Puchol,Dargaud, 128 p. n&b, 17,95 €

THIERRY LEMAIRE

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Adieu, chère AnnieGoetzinger...

Annie GoetzingersÊen est allée le 20décembre 2017. AvecClaire Bretécher puisChantal Montellier,elle fut lÊune destrois grandes figuresféminines de la BDmoderne française,des pionnières de

talent dont la reconnaissance de leurtravail a aidé les femmes à pouvoirexister au sein du 9e art. Dessinatricede mode puis élève de GeorgesPichard, Annie Goetzinger acquit sanotoriété au début des années 80, àla fois avec son héroïne Félina et sesalbums scénarisés par Pierre Christinchez Dargaud. Son style réaliste maissouple, gracieux, lui a permis dÊaborderdes sujets graves avec vérité etdélicatesse. Elle nÊa jamais cessé decréer avec amour et passion, préférantréaliser elle-même ses couleurs.Amoureuse des chats, de Barcelone etdes années folles, elle était dans la vieune femme délicieuse et épatante, etelle va terriblement nous manquer...

CECIL MCKINLEY

Fluide Glacial 500,numéro historique !

En ce début janvierparaît un numéro unpeu spécial de FluideGlacial, la revuefondée par MarcelGotlib avec son amiJacques Diament en1975 après lesvicissitudes de L'Écho

des Savanes. Pour mémoire, Fluide alargement contribué à la renomméed'auteurs comme Blutch, Goossens,Larcenet, Binet, Edika et autres. C'estun mensuel d'humour pour adultes ouados évolués qui fête son anniversairepar la publication d'un épais numérode 180 pages. On y retrouve l'équipehabituelle, agrémentée de quelquesnoms moins connus, parfois venusdu catalogue Bamboo. Signalons lapublication d'un nouveau jeu de l'oie,mais aussi de la dernière interview deGotlib par Phil Casoar en avril 2013,ainsi que quelques pages consacrées auFIBD 2018, dont l'invité serait (c'est ungag !) un certain Weinstein. En prime, unjeu de grattage qui permet de gagnerdes dessins originaux des auteursmaison !Fluide Glacial, 180 p. couleurs, 9,95 €

JEAN-PHILIPPE RENOUX

New York par le prismede la pop culture

Pôle dÊattractionplanétaire, on necompte plus lesfluvres faisantréférence à NewYork. Les éditionsFantrippersproposent un guidede découverteoriginal de lamégalopole à

travers des ÿ lieux cultes Ÿ évoquésen musique, BD, littérature ou encoredans des séries : le Baxter Buildingdes Quatre Fantastiques, le manoir deTony Stark, lÊhôtel Plaza de Gatsby lemagnifique... fan de Paul Auster ou deWill Eisner, chacun pourra trouver sonlieu de culte préféré parmi les 1000sélectionnés. Le Guide New York des 1000 lieux cultes,Fantrippers, 384 pages, 19,90 €

OP

R e d é c o u v e r t enews

A u départ, il y a un adolescentpassionné de dessin quiapprend les rudiments du

métier chez Jijé, jusquÊà ce que ce der-nier parte aux États-Unis en 1948,accompagné de sa famille mais égale-ment de Morris et Franquin1. Will, lui,reste en Belgique, mais sa motivationest persistante. Il pousse la porte deHergé, puis édite avec un ami impri-meur son premier album à 15 000exemplaires, une bonne façon de sefaire remarquer par Dupuis. Le stylerapide et burlesque de Dineur, créateurde Tif et Tondu (présents dès le premiernuméro de ce vénérable journal), appa-raît un peu désuet, Dupuis a donc pré-féré lui racheter les droits des person-nages. Will sÊattelle à lÊouvrage, sansse douter quÊil en aura pour près de 40ans. Il illustre des scénarios brillantsde Rosy, Tillieux, puis Desberg.Enquêtes policières et aventures fan-tastiques sont au rendez-vous, serviespar un trait simple mais décoratif, tou-jours au service des histoires. MonsieurChoc apparaît, puis cÊest le tour de lacharmante Amélie dÊYeu.

ÉROTISME DISCRET

Will est réputé pour ses superbes pay-sages et décors, mais il cultive un jardinsecret où les fleurs sont de charmantesjeunes femmes plus ou moins habilléesde superbes couleurs. Les couleurs à

lÊaquarelle font leur apparition en cou-verture de quelques Tif et Tondu grâceà lÊamélioration des techniques dÊim-pression. Et quand Will passe le relaisà un autre dessinateur pour cet emblé-matique tandem, il se lance avecDesberg dans la réalisation de belleshistoires en couleurs directes dotéesdÊun érotisme discret.Pesant plus de deux kilos, ce magni-fique ouvrage propose une compilationdes divers travaux de ce pilier des édi-tions Dupuis. En complément desreproductions de planches faites à par-tir des originaux dÊépoque, on trouve

aussi la reproduction de ses multiplespeintures personnelles. Pour commen-ter son travail, lÊéditeur a repris lespassages les plus significatifs de sesinterviews, livrant un magnifiquehommage.

MIRAGES

biographie en imagesconsacrée à Will,

éditions Daniel Maghen,408 p. couleurs, 59 €

Ce livre aussi imposant queluxueux témoigne des mul-tiples talents du dessinateurde Tif et Tondu !

1 Une virée haute en couleurs que Yannet Schwartz racontent dans lÊalbum GringosLocos, paru en 2012 chez Dupuis.

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Will : les belleset bonnes volontés

JEAN-PHILIPPE RENOUX

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L es premiers dessins animésde lÊintrépide souris enculotte courte enchantent les

salles de cinéma. Ce succès convientà Walt Disney, mais le puissant KingFeatures lui réclame des histoires àsuivre quÊil pourrait faire publier dansdes centaines de quotidiens. ¤lÊépoque, les comics classiques nÊexis-tent pas encore, les BD sont publiéesdans la presse des quotidiens dÊinfor-mation.Sceptique et débordé, Walt Disneyrecrute un jeune projectionnisteayant suivi des cours de dessin parcorrespondance. Le petit boulot tem-poraire va se transformer en carrièredÊune vie, avec plus de 40 ans deloyaux et bons services qui feront lebonheur de générations de lecteurs.

Disney lui laisse vite le soin dÊimaginerses intrigues. Dans une relative liberté,Gottfredson élabore les bases dÊununivers. Peu bavards, les courts-métrages de Mickey étaient remplisde gags visuels à un rythme trépidant.

Gottfredson lui donne la parole ainsi quÊà ses amisla vache Clarabelle et le cheval Horace. Dans cepremier volume de lÊintégrale des strips, Dingo (aliasGoofy) nÊest pas encore apparu, mais on retrouve lefidèle Pluto ainsi évidemment que le sinistre PatHibulaire. Au fil des semaines, des intrigues sÊélabo-rent pour donner du suspense, sans que les gagssoient oubliés. Elles retranscrivent le climat delÊépoque, les années 30, qui furent particulièrementdifficiles aux šÉtats-Unis (krach boursier, chômagede masse et famine). Il y a également une histoireoù Mickey, déprimé (un rival drague sa chèreMinnie), envisage différentes façons de se suicider.

La maquette soignée de ce livre donne envie de sereplonger dans ces histoires tous publics, aux

séquences dÊaction ébou-riffantes. Mention spécialeaux textes additionnels ins-tructifs, traduits de la ver-sion américaine publiéechez Fantagraphics.

S ur le Pacifique, des marins aperçoivent unnaufragé sur un radeau... Ainsi démarre sim-plement La Ballade de la mer salée dÊHugo Pratt,

lÊun des plus grands chefs-dÊfluvre de la BD. La Balladede la souris salée débute de la même manière, si ce nÊestque Corto Maltese et sa boucle dÊoreille y laissent laplace⁄ à une souris à grandes oreilles ! Mickey dansle rôle du héros, Minnie dans celui de la fille de lÊar-mateur retenue prisonnière, Dingo, Pat Hibulaire, les

personnages iconiques de Disney reprennent les rôlestitre de ce classique de la BD dÊaventure dans unremake animalier qui ravira les fans des deux univers.

Pour sÊattaquer à un tel monument, il fallait un auteurreconnu de tous, cÊest le cas avec Georgio Cavazzano,artiste vénitien au style incomparable, sans nul doutelÊun des plus grands dessinateurs modernes de Mickey.¤ ses côtés, une équipe avec laquelle il fait régulière-

ment le bonheur des lecteurs de Super Picsou ou deMickey Parade : Bruno Enna au scénario et SandroZemolin en renfort graphique. Alors certes, lÊhistoireest simplifiée et la violence réduite – on sÊassomme aulieu de se tirer dessus – mais le découpage de lÊhistoire

a été conservé, offrant ainsi au lec-teur lÊoccasion de comparer deuxvisions réussies dÊun même inou-bliable récit, planche après planche.LÊhommage qui en ressort nÊest passeulement joyeusement parodique,il conserve le souffle épique du récitoriginel. Une réussite !

Quand la plus célèbre des souris rencontre le plus célèbre des marins, on a forcémentle droit à un somptueux voyage.

c MICKEY MALTESE :LA BALLADE DE LA SOURIS SALÉEde Enna, Cavazzano et Zemolin,Glénat, 88 p. couleurs, 17 €

La petite souris aux grandes oreilles est l’emblème de l’œuvre de WaltDisney. Floyd Gottfredson est l’unique responsable de sa renommée dansla BD, venue peu de temps après son succès en dessins animés.

YANNICK LEJEUNE

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R e d é c o u v e r t e

c MICKEY MOUSE, T.1 (1930-1931)par Floyd Gottfredson,Glénat, 288 p. n&b, 29,50 €

MICHEL DARTAY

Mickey sourit à la vie !

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Sur des flots de légende

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E n 1999, Sean Phillips encre les dessins deMichael Lark sur la mini-série dÊEdBrubaker Scène de crime. Presque 20 ans plus

tard, Brubaker et Phillips ont réalisé ensemble desséries toutes plus remarquables les unes que lesautres (Sleeper, Criminal, Incognito, Fatale), parcourssans faute où ils nÊont cessé de gagner en talent, encomplicité. ¤ chaque fois, non pas un polar revisitémais une réelle création digne de lʘge dÊOr desfilms et romans noirs américains auxquels elle rendhommage tout en instillant la patte de véritablesauteurs contemporains. Et à chaque fois, le charmeopère, instantanément. Il y a ce ton si juste et cesdessins si prégnants. Une atmosphère, une vraie.Des personnages incarnés. Des dialogues et mono-logues résonnant comme jamais dans des imagesdont la noirceur réaliste nous touche directement.Et cÊest parti pour durer, car Brubaker souhaiteÿ mener cette collaboration à bien pour le reste de nos vies etêtre considérés comme les membres dÊune équipe à part entière Ÿ.

SALLES OBSCURES

Fondu au noir est une magistrale plongée dans lemilieu du cinéma à lÊaube des années 50, alors quele maccarthysme commence à émerger. Une fluvrefleuve qui – si elle nÊest pas réellement chorale –réussit lÊexploit de faire vivre lÊensemble du milieucinématographique autour du protagoniste princi-pal, Charlie Parish, scénariste traumatisé par la

guerre. Acteurs et actrices, réalisateurs, producteurs,scénaristes, photographes, attachées et autresagents, tous dépendants les uns des autres dansleurs marasmes, manipulations et perversions ausein dÊun contexte social et politique menaçant.Bien sûr, il y aura meurtre et donc suspense, maisle vrai sujet nÊest pas là, car Fondu au noir nÊest pasquÊun polar cinématographique, cÊest surtout unregard sur la psychologie et les relations de ceuxqui ont fait le cinéma dÊalors, sur leurs choix ounon-choix et ce que cela engendra. Ego, sexe, mort,argent, célébrité et pouvoir mènent la danse de cespersonnages dépassés par les événements – à lÊinstardes très grands classiques du genre.

THAT IS THE QUESTION

Avec ce premier tome de Kill or Be Killed, cÊest lafacette la plus ÿ punchy Ÿ de Brubaker et Phillipsqui sÊexprime, contrastant avec lÊfluvre plutôt atmo-sphérique dont nous venons de parler (ce quiconfirme encore lÊénergie créatrice du duo). Unthriller bien noir où lÊangoisse monte et où les senssÊaffolent au fur et à mesure que la normalité sedésagrège. Dylan a voulu se foutre en lÊair, mais undémon le sauve et lui propose un pacte pas piquédes vers : buter une ordure par mois pour continuerà vivre. Curieux paradigme bousculant les notionsde ÿ bien Ÿ et de ÿ mal Ÿ et qui va entraîner notrehéros dans une spirale dramatique... alors même

quÊil tombe amoureux de celle quÊil ne faut pas. Ausein dÊun découpage dynamique où les plans se jux-taposent et dÊune mise en scène très efficace, lesdessins de Phillips crachent la violence et les sen-timents contraires des personnages avec intensitémais justesse (on le sent particulièrement inspiré,accompagné par les non moins inspirées couleursde Breitweiser). Une série qui promet.

C o m i c s

c FONDU AU NOIRdÊEd Brubaker et Sean Phillips,Delcourt, 400 p. couleurs, 34,95 €

c KILL OR BE KILLED, T.1dÊEd Brubaker et Sean Phillips,Delcourt, 128 p. couleurs, 16,50 €

CECIL MCKINLEY

Les deux derniers albums d’Ed Brubaker et Sean Phillips parus chez Delcourt (Fondu au noir et Kill or Be Killed T.1) confirmentde manière éclatante combien ce fameux duo ne s’essouffle pas, atteignant au contraire un certain état de grâce. Deux albums,deux bijoux, rien de moins.

BRUBAKER, PHILLIPS : DUO IDÉALF

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C o m i c s

U n père fait un malaise, sesproches viennent auprès delui. Une famille où chacun

se porte mal. Le fils aîné est un roman-cier en panne dÊinspiration, la fille mèneun projet immobilier qui ruine sonmariage, le frère cadet est en ruptureavec tout le monde et la mère semontre incapable de tous les rassem-bler. Il faut dire quÊun fantôme plane.Celui de Tommy, le fils cadet, décédéenfant et dont personne nÊa fait le deuil.

LEMIRE CET INDÉPENDANT

Évidemment, on est loin des super-héros avec une telle série. Rien que parle dessin, Jeff Lemire cultive sa singu-larité. Son trait est un peu déroutant,comme sÊil avait quelque chose dÊin-abouti. Ses couleurs, particulièrementjaunâtres, sont elles aussi décalées.Lemire est typiquement de cesbédéastes dont la narration et lÊimagi-naire sont supérieurs à leurs capacitésgraphiques. Ce nÊest pas lÊhistoire lamieux dessinée, mais cÊest assurémentune histoire poignante et immersive.Ce qui est bien lÊessentiel après tout.

DÉCRYPTER LE DEUIL FAMILIAL

Superbe travail donc pour Jeff Lemirequi nous offre une famille dysfonction-nelle, passionnante à suivre. Ce premiertome travaille à la déconstruction glo-bale des différents membres du groupe.Globalement, pas grand chose ne vapour chacun dÊentre eux. Encore que⁄

LÊévénement que représente lÊaccidentdu père se révèle être un puissantdéclencheur qui commence déjà à libé-rer certains dÊentre eux. Et il y a ce fils/ frère décédé⁄ Lemire utilise uneastuce très intéressante pour montrercomment chacun est attaché différem-ment à lui. Le fantôme les accompagneau quotidien et montre toute la diffi-culté à faire son deuil dans le cas dudécès dÊun enfant.Comment cette famille va-t-elle évo-luer ? CÊest tout lÊenjeu du T.2 à venir,quÊon se réjouit déjà de lire.

Jeff Lemire, auteur canadien, est un cas à part, signant degrosses séries mainstream pour Marvel comics autant que dela BD indépendante. Il fait son retour sur ce segment avec sasérie Royal City, qu’il scénarise et dessine. Plongée au seind’une famille qui se décompose.

UN FANTÔME

ROYAL CITY, T.1FAMILLE DÉCOMPOSÉE

de Jeff Lemire, UrbanComics, 168 p. coul., 10 €

YANECK CHAREYRE

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VIVRE AVEC

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Batman - Le SombrePrince charmant,par Enrico Marini

Prenez unpersonnageculte de la BDaméricaine et dela pop cultureen général.Confiez-le àun artiste italienayant marqué labande dessinéefranco-belgedÊaventure parson dessin. Vous

aurez un succès dÊédition à coup sûr.Pari réussi pour Dargaud qui offre auxfrancophones un ÿ Batman vu par⁄ Ÿdes plus sympathiques. Enrico MarinisÊapproprie le Chevalier noir sansdifficulté, proposant une histoireclassique faisant la part belle au duoBatman / Joker. Classe, prestance,énergie, le dessinateur du Scorpion estau rendez-vous. On aurait toutefois puapprécier des rôles féminins plus forts.Quoi quÊil en soit, un bon album pourdécouvrir Batman quand on ne lit pasde comics.Dargaud, 72 p. couleurs, 14,99 €

YANECK CHAREYRE

Batman / Judge Dredd,collectif

¤ la charnièredes années1980-90, lavague anglaisearrivée chezDC sÊinstalleet sÊamplifieavec succès.Un crossoveroutre-Atlantiqueest alorsenvisageable,et dès 1991 le

Batman de Gotham va rencontrer leJudge Dredd de Mega-City One dansune aventure bien corsée écrite parAlan Grant et John Wagner, etgénialement mise en images par SimonBisley dont le style peint ultra-efficaceva infléchir le choix dÊartistes commeCarl Critchlow ou Glenn Fabry pourles crossovers à venir. En tout, cinqrécits bien barrés et jouissifs à souhaitque lÊon retrouvera joliment compilésici.Urban Comics, 320 p. couleurs, 28 €

CECIL MCKINLEY

Hägar Dünor, T.3,de Dik Browne

Lancéeen 1973par KingFeaturesdans plusde 200journaux,cette série

de strips quotidiens met en scène ungros Viking barbu qui ne pense qu'àpiller et ripailler. Il a des amis, et unepetite famille classique (une femme,deux enfants). Aux États-Unis, la séries'appelle Hägar the Horrible, mais lestraducteurs français de l'hebdoMickey ont trouvé amusant de faireune allusion à une gare parisienne.Tout public, la série est parue cheznous dans les pages du mensuel adulteL'Écho des savanes. Deux à quatrecases par gag quotidien, voilà de quoiavoir une vision plus détendue del'excellent Thorgal, dont Hägar n'estpas une parodie !Urban Comics, 256 p. n&b, 22,50 €

MICHEL DARTAY

C o m i c szoom

D e retour chez Marvel en 1975après son incartade chez DCComics, Kirby va reprendre

deux super-héros historiques quÊil a lar-gement contribué à créer dans lesannées 40 et 60 : dÊabord CaptainAmerica, puis Black Panther qui paraîtalors dans Jungle Action et quÊil dessinerasur la couverture du n°18 avant dÊat-tendre plus dÊun an pour pouvoir leprendre en main sur son propre titre(le n°1 parut le 19 novembre 1976). Sila création du titre Black Panther est clai-rement une intention de Marvel dÊex-ploiter la blacksploitation1 alors très envogue (Luke Cage et le Faucon ont levent en poupe), Kirby casse quelquepeu la direction prise alors par le per-sonnage, ne surfant pas sur cette vaguemais redonnant au roi du Wakanda sadimension de héros épique plutôt quede justicier social. Non pas que Kirby

nÊappuyait pas ce mouvement, aucontraire : il avait déjà fait sa part ence sens une décennie plus tôt !

BLACK POWER

Car cÊest bien le 12 avril 1966 dansFantastic Four #52 quÊapparut TÊChalla,alias Black Panther, le premier super-héros noir Marvel, co-créé par Stan Leeet Jack Kirby la même année que lanaissance du mouvement Black Power.Plutôt quÊun super-héros afro-américain,Lee et Kirby créèrent un super-hérosafricain sur le sol américain, enfonçantle clou de lÊouverture aux autres races.En revenant aux fondamentaux du per-sonnage, Kirby a remis en majesté lÊin-carnation de la puissance africaine, maisson échec chez DC ayant laissé desmarques et son retour chez Marvel nese passant pas aussi bien quÊespéré, on

peut aussi penser quÊil se rassura avecce personnage tel quÊil le connaissait.Finalement, Jim Shooter, alors rédacteuren chef, eut raison de lui et le débarquadu titre au bout de 12 numéros... Desépisodes où Kirby – encré par MikeRoyer – donna pourtant libre cours àson imagination débridée pour nous offrirdes séquences graphiques incroyables,notamment dans ses fameuses doubles-pages, ainsi que des personnages fasci-nants, comme cet homme de six mil-lions dÊannées... Un trésor pour tout fande Kirby.

Après Machine Man, la collection « Marvel Vintage » de Panini Comics nous propose aujourd’huiune autre série intégrale de Jack « King » Kirby datant de l’Âge de Bronze : Black Panther.

LE ROI DU KING

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BLACK PANTHERLE MONDE VA DISPARA˝TRE !

de Jack Kirby,Panini Comics,

240 p. couleurs, 26 €

1 Mouvance promouvant la culture desNoirs américains au début des années 70 :la Motown, Malcom X et Martin LutherKing sont passés par là...

CECIL MCKINLEY

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R owan Black est inspectrice àla police de Portsmouth.Mais Rowan est aussi une

ÿ Wiccan Ÿ, un culte quÊelle pratiqueavec dÊautres femmes... Mais Rowanest bien plus que ce quÊelle paraît. Elleest une sorcière, elle pratique la magie.Ces dons vont-ils lui permettre de sur-vivre ou bien sont-ils au contraire laraison du piège qui se tend face à elle ?

QUAND LE QUOTIDIENEST BIEN PLUS QU’IL N’Y PARAÎT

Greg Rucka nÊest pas un homme derecettes. Il essaie de composer desséries différentes les unes des autres.Avec Black Magick, on le voit revenirau polar mais avec une histoire vrai-ment particulière.CÊest lÊapport de la magie, avec uneréelle base écrite sur le culte Wiccan,très en vogue aux États-Unis, maisque Rucka rend porteur de réels pou-voirs mystiques. La lutte contre les

démons semble être au cflur de rap-ports de forces entre différentes orga-nisations que lÊon découvre peu à peu.Le scénariste déploie plusieurs stratesde secrets, on souhaite dÊores et déjàcomprendre ce quÊest le ÿ Magick Ÿ,qui semble tant effrayer les différentsprotagonistes. Mais cÊest le talent delÊauteur que de nous appâter avec depetites révélations pour nous donnerenvie de poursuivre la lecture.

UNE NOUVELLE GRANDE HEROÏNE

Enfin, on appréciera, comme dansLazarus, la proposition dÊun personnageféminin fort et très bien écrit. Le genrede personnage qui passera sans mal letest de Bechdel1 tant il est écrit avecfinesse. Sa personnalité est à la foisassumée, froide et touchante. Elle aune aura immédiatement perceptible. Il ne faut pas nier que le traitementde la dessinatrice australienne NicolaScott y est aussi pour beaucoup. Elle

a réussi à parfaitement retranscrirevisuellement la froideur de Rowanainsi que son charme qui donne enviedÊaller y voir malgré les apparences unpeu piquantes. Sa proposition graphique est dÊailleursglobalement intéressante. On sentlÊartiste affirmée, très souple et trèssûre dans le trait. Mais comme BlackMagick est aussi une fluvre plus per-sonnelle, elle propose un traitementen nuances de gris, dans un effet delavis apportant une touche originaleet décalée bienvenue. CÊest élégant,solide, et lÊon retrouve de cette froi-deur qui caractérise le personnage etson univers.Une héroïne marquante, un universfort, des intrigues multiples et une édi-tion française collector riche en bonus.Black Magick constitue indéniablementun très joli coup éditorial en 2018 dansle monde du comic-book en France.

BLACK MAGICK, T.1RÉVEIL

de Greg Ruckaet Nicola Scott,Glénat Comics,

160 p. couleurs, 17,50 €

C o m i c szoom Les Gardiens de Terre-4,de Steve Ditko

Quand l'auteurde Spider-Manet Doctor Strangequitte Marvelet Stan Lee, il nerenonce pas auxcomics. Il rejointle modesteéditeurCharlton, pourse consacreraux aventuresde Blue Beetle,

Captain Atom et The Question, despersonnages qui donneront à AlanMoore l'inspiration de base pourses Watchmen après le rachatde Charlton par DC. Il est doncintéressant de découvrir ouretrouver ces rares comics, mêmes'il faut objectivement reconnaîtreque leur encrage est moins efficaceque celui de Ditko. Et les dialoguesn'ont pas la verve enjouée de ceuxde Stan Lee.Urban Comics, 392 p. couleurs, 35 €

JEAN-PHILIPPE RENOUX

Énorme !,de Garry Trudeau

Pour nous,Donald Trumpest un peu unenouveauté,mais delÊautre côté delÊAtlantique, çafait plusieursdécenniesquÊils se lefadent ! Dès1987, Trudeau

a invité Donald Trump dans sonfameux comic strip Doonesburyqui se penche sur la vie politiqueaméricaine. Une cible de choix pourlÊauteur qui sÊen donne à cflur joiepour démonter le personnage enmettant en exergue son ridicule.Trump, en réponse à ces strips, ne segêna pas pour critiquer ouvertementTrudeau, mais ce dernier sÊen foutroyalement... La preuve avec cerecueil de strips trumpiens publiésjusquÊen... 2016 !Hachette Comics, 112 p. coul., 19,95 €

CECIL MCKINLEY

Lady Killer, T.2,de Joëlle Jones

Joëlle Jones estune charmantedessinatrice decomics... maisce quÊelle créeest carrémentflippant ! Chicet trash, sasérie Lady Killerest un petitbijou deglamour décalédans un stylesublimement

vintage, générant un bel hommage àcertains des plus grands dessinateursaméricains des années 50. Et JosieSchuller est sûrement lÊune deshéroïnes les plus sexy de lÊhistoiredes comics. Dans ce deuxièmevolume, lÊambivalence femme au foyer/ tueuse de sang-froid continue de sedéployer avec audace : vous nepenserez plus aux réunionsTupperware de la même manière,après ça !Glénat Comics, 144 p. coul., 15,95 €

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Glénat Comics mise sur une politique d’auteur pour étoffer son catalogue. Après Lazarus,excellente série d’anticipation, l’éditeur propose la nouvelle production du scénariste Greg Rucka :Black Magick. Une histoire entre polar et fantastique qui devrait s’imposer rapidement commeune valeur sûre.

SE LAISSENT PLUS FAIRELES SORCIÈRES NE

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c existe aussi en éditioncollector grand format, 29,95 €

1 Test qui vise à déterminer si lespersonnages féminins des fluvres defiction jouent un rôle important ou nesont que des faire-valoir.

YANECK CHAREYRE

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M a n g a s & A s i ezoom

E n 2011, un vaisseau spatialsÊécrase sur Tokyo, faisant desdizaines de milliers de morts.

Quelques années après la catastrophe,une énorme soucoupe volante survoletoujours la capitale japonaise. De leurcôté, les Tokyoïtes ont appris à vivreavec cette menace. Dans ce contexte,on suit deux lycéennes, Kadode etłran. La première est un peu fleurbleue malgré lÊavenir incertain quiattend le Japon. La deuxième est beau-coup plus farfelue, fascinée par lesthéories du complot et les jeux vidéoen ligne. Au fil des chapitres, lesjeunes femmes vont évoluer, dans leursrelations sociales comme dans leurrapport aux extraterrestres. Et entrame de fond plane lÊombre de plusen plus menaçante du vaisseau alien.

PEUR INVISIBLE

Avec DDDD, Inio Asano frappe unenouvelle fois fort, avec son style inci-sif tant dans lÊécriture que dans ledessin, mêlant grotesque et réalisme.Comme dans ses fluvres précédentes,

lÊauteur met en scène de jeunes per-sonnes à un tournant de leur vie. Maiscontrairement à La Fille de la plage,Bonne nuit Punpun ou Solanin, ici, lesenjeux sont gigantesques et dépassentde loin la simple vie morne des pro-tagonistes.Car ça nÊaura échappé à personne, lamenace du vaisseau est une allégoriede la peur nucléaire qui frappe leJapon depuis le 11 mars 2011, datedu tsunami qui a ravagé le nord-estdu Japon et a endommagé la centralenucléaire de Fukushima. Si lÊauteurutilise le filtre de la science-fictionpour aborder ce sujet délicat, cÊestpour apporter un complément dÊâmeau récit, mais aussi mieux mettre enscène les différents débats dÊidées quiagitent lÊarchipel depuis 2011. Carrendu au 6e volume de DDDD, Asanone semble pas avoir dÊavis définitifsur la façon dont doit être gérée cettecrise. Seul le pessimisme ambiantdÊune jeunesse désabusée face aucynisme des classes dirigeantes reste,offrant quoi quÊil arrive des perspec-tives dÊavenir peu réjouissantes.

DDDD est un manga à lire pour son pro-pos évidemment, mais aussi pour sonétrange poésie, qui rappelle que mêmedans les moments de crise ambiante, ona tous droit à un peu de rêve.

DEAD DEAD DEMON'SDEDEDEDEDESTRUCTION, T.6

par Inio Asano,Kana, 164 p. n&b, 7,45 €

Les mangas traitant directement de la catastrophe de Fukushima sont assez peu nombreux. Lesujet est difficile à aborder, a fortiori dans un pays où l’autocensure et le consensus sont desnormes journalistiques. Aussi, quand un des mangakas les plus avant-gardistes de sa générations’en empare, forcément, ça intéresse. C’est ce que propose Dead Dead Demon’sDededededestruction (ou DDDD), dont le volume 6 sort le 19 janvier chez Kana.

THOMAS HAJDUKOWICZ

MENACE SUR LA VILLE

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Père fouettard corporation,T.1, de Hikaru Nakamura

Alors quÊon trouvede nombreux CDou films de Noël,le panorama mangafrançais ne fourmillepas de titresspécifiques reliés àcette période. Quelplaisir alors lorsquÊenplus de combler un

plaisir coupable, PFC sÊavère une sérietrès prometteuse. CÊétait à prévoirde la part de lÊauteur de lÊexcellentecomédie Les Vacances de Jésus etBouddha. Miharu Hino nÊa quÊun rêve :obtenir un CDI viable. Sa mère, ressorthumoristique incessant, ne manque pasde le tanner à ce sujet, mais ça nelÊempêche pas de végéter dans unesupérette infernale. Il sera recruté, pastout à fait par hasard et un poil sansménagement, par le fameux pèrefouettard. LÊindustrie du père Noëlrévèlera toutefois des pratiquesétranges et assez dérangeantes.LÊadaptation ne sera pas aisée, maisassurément drôle. Kurokawa, 192 p. n&b, 7,65 €

ALEX MÉTAIS

Tokyo Alien Bros, T.3,de Keigo Shinzo

Que deviennentles franginsextraterrestresdélurés dontlÊintégration scelleralÊinvasion de laterre ? Tandis que lemoins dégourdi sÊensort de plus en plus,le second, présenté

comme un maître de la culturehumaine, confesse ses troubles. Lesbarrières et la vanité du lien socialdéclenchent chez lui une crisedÊopposition toute adolescente. Aprèsdes débuts en forme de simili-comédiesur le thème de lÊétude terrestre, TokyoAlien Bros se mue en introspection auxaccents de leçon de vie à mesure quÊunbouleversement des rapports de forcetransfigure ses interrogationspsychologiques. ¤ nous dÊen tirer lesenseignements adéquats et de profiterde ce que nous offre notre bonne vieilleplanète. Le Lézard noir, 208 p. n&b, 13 €

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Divine Nanami, T.25,de Julietta Suzuki

Quoi de plus beauquÊun mariage pourcélébrer en grandespompes la conclusiondÊun shôjo, dans unedébauche dÊeffetstypiques à ce genrede récit ? Cetteunion, trope lassantpour certains, sebonifie par son

discours naturel sur la tolérance, lamixité et lÊacceptation. Ce qui avaitdébuté comme une petite comédieromantique rigolote sur les déboiresdÊune jeune fille catapultée déessetutélaire dÊun sanctuaire délabré,rythmée par les prises de bec desyokai environnants, se parachève enun renoncement sans amertume.Les racines légères de récit se sonttransformées en branches socialesémouvantes, et le lecteur relira avecplaisir ce tendre cheminementfantastique. Delcourt, 192 p. n&b, 6,95 €

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L a vie est tranquille sur cette petite île japo-naise un tantinet dépeuplée. Il y a bien laguerre, au loin sur le continent, mais ça ne

semble pas trop influer le quotidien de la toutepetite poignée dÊélèves de la seule classe de la com-munauté. Un nouveau chérubin transféré en coursdÊannée formule tout de même la potentialité dutrauma de guerre par opposition mutique, mais cÊestencore trop abstrait pour une bande de gaminsinsouciants et déconnectés qui continue à voleterde problèmes amicaux en circonvolutions scolaires.La situation ne semble pas pouvoir sÊéterniser et legouvernement décide soudainement dÊinstaurer àla va-vite des cours dÊentraînement militaires et untirage au sort hebdomadaire destiné à sélectionnerqui parmi les bambins⁄ ira au front.

PIRE QUE LES MATHS UN VENDREDI SOIR

Rien nÊaurait pu préparer lecteurs et protagonistes àun tel revirement. Absurde ! crieront les plus désem-parés. Absolument ! Cette révélation abrupte, sanspincettes, en totale rupture avec le doux rythmedÊémois adolescents, nÊest destinée, a priori, quÊà géné-rer cette exclamation précise. Cette perturbationbrutale de la situation établie, qui prend de courtquiconque sÊempare sans préparation de lÊalbum, sertautant dÊélément déclencheur que de dénonciation.

LÊutilisation dÊenfants remodèle nos réactions face àdes comportements pourtant établis et connus chezles adultes en temps de conflit. Deux jeunes appre-nants sont subitement déclarés inaptes à cette obli-gation militaire. Pourquoi ? CÊest un mystère qui,comme celui de la mobilisation soudaine, ne serarévélé quÊen climax tardif, laissant au lecteur le tempsde gamberger et de tenter de tout justifier dans unsubtil réveil de conscience. Métamorphosant la classeen une véritable répétition de société adulte, ladéfiance et la frustration attisées par une telle annoncepromettent de nombreuses prises de bec dès les pré-mices de la série. Soutenir et mourir pour son paysnÊen devient pas plus reluisant, mais pourtant presqueenviable quand la culpabilité du survivant et la jalousiedes appelés sÊen mêlent.

OPINION TRANCHÉE

Le récit nÊépargne personne ni nÊoublie de polémiquerdiscrètement sur des sujets critiques, prenant régu-lièrement le contre-pied du cheminement rationnelquÊil semblait emprunter sans heurts. LÊauteur enrobeson histoire – à la fois pour minimiser toute politisa-tion et pour multiplier les révélations choc sans tropen faire sur les sujets mortifères de la guerre – dÊunechape de science-fiction qui atténue lÊhorreur duliant scénaristique guerrier tout en le gonflant de

questions plus globales sur un futur potentiel dÊunehumanité irresponsable et angoissée. Quand dÊaucunsse perdent à dépeindre un énième ennui adolescent,La Dernière Heure joue avec des troubles différents etnouveaux, comme une maturation morbide forcéeou le délitement social lors dÊune situation de crise,tout en maintenant, comme lÊaime le nouveau lecteurde psychologie prépubère, un rythme placide et cen-tré sur la psychologie des êtres qui se croisent.

LA PEUR AU FUSIL

La série se conclut avec ce quatrième tome, creusetdes révélations qui auront le mérite de proposer unetentative de dénouement rafraîchissant, à défaut parexemple dÊun bouquet final nihiliste qui aurait mis

tout le monde dÊaccord. Lasérie mélangera jusquÊau boutune poignée de genres ame-nant à un traitement globaltrès différent des histoires deguerres affriolantes dont sem-blent raffoler les lecteurs nip-pons, et se permet une cri-tique acerbe sous couvert plusou moins délicat de fiction.

M a n g a s & A s i e

L’Europe a son décompte final, le Japon a maintenant sa Dernière heure, une sérieen quatre tomes de Yû, publiée chez Akata, qui prouve ainsi que sa collection critiquepeut la jouer subtile.

ALEX MÉTAIS

c LA DERNI˚RE HEURE, T.4de Yû, Akata, 192 p. n&b, 7,95 €

DES CONDAMNÉSLes derniers jours

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M a n g a s & A s i e

V otre corps est un temple, paraît-il. Votrecorps serait plutôt une métropole bondéeà lÊactivité incessante. Cette métaphore

relativement aisée se révèle rapidement dÊune effi-cacité imparable tandis que le lecteur sÊimmergedans lÊintense agitation cellulaire anthropomorpheen découvrant les mésaventures de globules rouges,blancs et autres cellules spécialisées face aux aléasdu corps humain. Invasion de microbes, déshydra-tation, menue blessure, tout prend rapidement desproportions cataclysmiques et demande un sacrésavoir-faire dÊune multitude de petits travailleursmicroscopiques.

MISE À JOUR ANTIVIRUS

La série puise sa force dans un double décalageconstant : elle alterne en premier lieu enfantillageset scènes dÊune violence extrêmes, jouant à la foissur des jaillissements improbables de litres dÊhémo-globine et des situations de simili-vie réelle incon-

grues. La série adapte avec brio des réactions totale-ment organiques à une vie civilisée et technologique,rendant chaque péripétie bien plus riche quÊelle nele semble. Une fois pris au jeu de la recréation dÊunenvironnement humain, elle se lâche ensuite et sepermet les plus grandes extravagances (cellules ama-trices de thé en gobelet ou adeptes du style gothic-lolita, par exemple) sans que cela nÊaffecte la justessede son propos. Profitant ainsi dÊune grande liberté

de ton, elle intercale constammentinformations détaillées, préciseset enrichissantes dans des scènestotalement inattendues. Une mer-veilleuse façon dÊapprendre dansune allégorie qui, même sans ça,brille par son efficacité en tant querécit dÊaction.

T akashi Nagasaki est lÊauteur secret derrièreles acclamés Monster, Pluto, 20th Century Boyset Billy Bat. Vous reconnaissez ces séries ?

Son rôle auprès dÊUrasawa est complexe à retracerautant quÊà expliquer, mais il semblerait que cet édi-teur de la Shogakukan, rarement crédité officielle-ment, nÊen soit pas à son premier co-scénario. Ilrevient cette année avec un polar fantastique auxallures dÊenquête archéologique gonflée aux attentatsterroristes. Il renoue ainsi avec ses thèmes de pré-dilection que sont lÊétude scientifique du passé (quÊilavait déjà bien développé dans deux très bonnesséries, Dossier A et Master Keaton) et le polar de grandeampleur.

CAÏN-CHAOS

La menace cette fois-ci est autant biblique que sédi-tieuse. Un virus rappelant le mythe de Caïn et trans-formant les humains en bêtes féroces est distillé àtravers la planète par un marchand de mort qui levend aux organisations terroristes les plus motivées(lÊIRA, Al-Qaïda, tous y passent). Un groupe dÊen-quêteurs est chargé de retrouver un mystérieux

jeune homme coréen, dont la présence a systéma-tiquement été constatée sur les lieux des crimes,tout en démêlant les origines duvirus.

LE CAS CAÏN CORROBORÉ

Takashi Nagasaki base son récitsur la nécessité de la découvertedÊéléments tangibles (et doncréalistes) dans une enquête qui

évolue dans un environnement concrètementcontemporain et appréhende dÊemblée scientifique-ment une contamination a priori surnaturelle. Lemélange se fait divinement bien, tandis que le pro-digieux Ignito fusionne urbanisme précis et mor-photypes à la Urasawa.

King of Eden, du duo Ignito / Nagasaki,édité chez Ki-oon, nous offre un polarinternational fantastique sur base d’ar-chéologie mythologique aux saveurs pro-metteuses.

c LES BRIGADES IMMUNITAIRES, T.4 dÊAkane Shimizu, Pika, 170 p. n&b, 6,95 €

c KING OF EDEN, T.1de Takashi Nagasaki et Ignito,Ki-oon, 208 p. n&b, 7,90 €

ALEX MÉTAIS

ALEX MÉTAIS

Les Brigades immunitaires d’Akane Shimizu revitalisent l’ambiance vieillissante d’Il était une fois la vie en injectant au conceptune grosse dose d’adrénaline en intraveineuse. Que la cure de jouvence commence dans la joie et l’extermination de virus.

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Un esprit sain dans uncorps... qui tente de suivre

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S e x e & B d

CONFINEMENT

C loîtrée est dans la continuité du JournaldÊune soubrette, fluvre dÊimportance dansla biographie de Xavier Duvet. Le des-

sinateur et scénariste expérimente ici une nouvelledéclinaison des rapports de domination, en met-tant en scène une maîtresse et sa soumise à la finde la Seconde Guerre mondiale, aux États-Unis.Ce premier tome raconte lÊinitiation de Suzy parlÊamie avec laquelle elle partage son appartement

et ses sorties nocturnes. Cette dernière, jalousedes succès de sa cadette, décide de la soumettreà ses fantasmes en vue de faire commerce de sescharmes et de sÊaccorder luxe et luxure. Aprèsavoir entravée Suzy au montant de son lit,Geneviève entame toute une série dÊhumiliationset de récompenses perverses à base de ligatureset de pénétrations⁄ Contre toute attente, letraitement infligé par Geneviève est loin dedéplaire à Suzy.

AFFRANCHISSEMENT

Comme à son habitude, Xavier Duvet sÊévertue àposer une ambiance et à camper des personnagesentiers. Le sexe prend le temps de sÊinstaller et degraduer par paliers jusquÊà atteindre un paroxysme.DÊaucuns pourront ne pas se reconnaître dans lesjeux et les fantasmes propres à lÊunivers de cetauteur atypique, mais force est de reconnaître quece dernier est lÊun des seuls dans le genre àconstruire son récit de bout en bout, sans négligerla psychologie des personnages (et faire état deleurs ambiguïtés). Le lecteur profite ainsi non seu-lement des fantaisies érotiques qui lui sont offertes,mais aussi dÊune tension et même dÊun certain sus-pense. CÊest dans cette direction, vers le choix

dÊune narration élaborée, que labande dessinée érotique dansson ensemble doit le plus évo-luer sous peine de tourner enrond et de rester enfermée dansun rôle de catalogue dÊimageslicencieuses.

c CLO˝TRÉEde Xavier Duvet, Tabou, 64 p. n&b, 15 €

KAMIL PLEJWALTZSKY

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Éducation à (re)faireLe nouvel album de Xavier Duvet s’aventure dans un récit corseté, un huis-clos,fortement influencé par le cinéma noir. Comme à son habitude, l’auteur s’amuseà dépeindre un binôme sadomasochiste, de ses premiers liens jusqu’à sonaccomplissement.

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C i n é & D V D

Pentagon Papers de Steven Spielberg

Avant le scandale du Watergate qui aconduit le président Richard Nixonà démissionner, il y eut la fuite desÿ Pentagon Papers Ÿ en 1971,démontrant que lÊexécutif américaindéstabilisait le Vietnam avant même sonengagement officiel dans le conflit. Larévélation de ce secret dÊÉtat permitau Washington Post de sÊaffirmer commeun estimable journal dÊinvestigation. Lerécit de cette transformation est narréde main de maître par Steven Spielbergqui, par la même occasion, en profitepour nous rappeler la nécessité dÊunepresse libre et indépendante pour lebon fonctionnement démocratique,tout en faisant preuve dÊun féminismeappréciable à travers le portrait subtilde la directrice de publicationKatherine Graham, campée par MerylStreep. Une excellente piqûre de rappeldans une époque où les tendancesautocratiques de Donald Trump sapentles fondations de lÊinvestigationjournalistique.Sortie le 24 janvier

JULIEN FOUSSEREAU

Alfred Hitchcock,les années Selznick

Courtisé parHollywood,AlfredHitchcocksigna au débutdes années 40un contrat dequatre films

avec le producteur légendaire DavidO. Selznick (Autant en emporte le vent).De cette association naquirent de pursjoyaux cinématographiques commeRebecca, La Maison du Dr Edwardes,Les Enchaînés et Le Procès Paradine.Trop souvent cantonné au mauvaisrôle, Selznick, ce féru de littérature,a su canaliser les pulsions formalistesextrêmes de Hitchcock pour le faireévoluer⁄ et, in fine, le façonner pourses années fastes chez Paramount etUniversal. Cette édition limitée audesign superbe contient une foultitudede suppléments analytiques dÊunepertinence rare (mention spéciale àceux des Enchaînés) et contient lesublime ouvrage La Conquête delÊindépendance.Un coffret Blu-ray Carlotta

JF

Le Tombeau des luciolesParce quÊon necessera jamais depleurer à chaudeslarmes le dramesurvivaliste dÊIsaoTakahata, on nepeut quÊaccueillirà bras ouvert cetteressortie en hautedéfinition du

Tombeau des lucioles. 30 ans après sasortie japonaise, le destin tragique deSeita et Setsuko dans une SecondeGuerre mondiale finissante nÊa pas prisune ride, car ce mélodrame de hautevolée rappelle comme rarement à quelpoint les enfants sont les premièresvictimes de la fureur imbécile desadultes bien décidés à sÊentretuer.Un Blu-ray Kazé

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L astman fait partie de ces tenta-tives réussies par des artistesoccidentaux de digérer les

codes du manga et surtout son rythmede production intense. Et pour cause,afin de soutenir la cadence, lÊhydre pen-sant et dessinant à trois têtes que for-ment Yves Balak, Michael Sanlaville etBastien Vivès sÊétait fixé dÊentrée en 2013lÊobjectif de produire 20 planches parsemaine. On sait moins, en revanche,que lÊidée de transposer cet univers foi-sonnant et contrasté dans lÊanimationétait déjà à lÊétat de projet lÊannée sui-vante. Se déroulant 10 ans avant les évé-nements des six premiers tomes, les 26épisodes de 12 minutes étaient censéséclairer des zones dÊombre de la saga.En fait, les chantiers parallèles de LastmannÊont eu de cesse de se répondre pour àla fois enrichir sa mythologie et laconserver sur les rails de la cohérencetant narrative quÊesthétique.

BRANLEUR AU GRAND CŒUR

¤ quoi ressemblent lesannées sauvages de RichardAldana avant quÊil nÊaillejouer du coup de poing

dans la Vallée des Rois ?¤ celles dÊun beau fu-miste toujours prompt à

se retrouver au mauvaisendroit au mauvais mo-

ment à Paxtown.

Howard McKenzie, son prof de boxe,a beau voir en lui un potentiel pro-metteur, il nÊest pas pour autant motivéà lÊidée de faire carrière sur le ring.JusquÊau jour où McKenzie est enlevépar le mystérieux Rizel et quÊAldanadécouvre quÊil a une fille nommée Siri.Élevée secrètement dans un internatloin de Paxtown la corrompue, ellecourt un grand danger car elle sembleêtre lÊobjet des convoitises de lÊorga-nisation de Rizel⁄

SÉRIE D’INFLUENCESMENACÉE D’EXTINCTION

Prise sous lÊaile du studio dÊanimationÿ Je suis bien content Ÿ (Persépolis etAvril ou le monde truqué), la série Lastmanse pose dans un cadre nettement plusurbain que celui de la bande dessinéequi alternait entre les trottoirs salesdÊune mégalopole, la luxuriance dÊunroyaume dÊheroic fantasy, et le décorumpost-apocalyptique à la Mad Max.CÊest une occasion rêvée de pousserencore plus loin lÊhommage nostal-gique aux animesjaponais et au cinémaviril des années 80,que ce soit dans lestics assumés de réali-sation ou le festivalde punchlines sou-vent hilarantes. Il esten effet important de

rappeler combien on rit devantLastman, malgré sa brutalité crue. Enmaîtres dÊfluvre, Jérémie Périn etLaurent Sarfati maîtrisent parfaitementle tempo comique dÊun Nicky Larsonet lÊimpact dÊun doublage de caractère.Mieux, ils sont allés au-delà du simpleexercice de style studieux et nÊont pashésité à brasser, pêle-mêle, des réfé-rences à Akira mais aussi au cinémade John Carpenter et Dario Argento. Ce qui fait de la série animée Lastmanun objet à part, réclamé et validé parFrance 4 avant quÊun changement dedirection de la chaîne nÊait entraînéune déconsidération de lÊanimationpour adultes. Face à cette menace dÊex-tinction, il aura fallu une campagnede soutien par le financement parti-cipatif et un engouement sur lesréseaux sociaux lors de la diffusionpour que cette première fournée dÊépi-sodes de Lastman soit proprementachevée. Croisons les doigts pourquÊAldana continue prochainement decasser des gueules dans un seul etmême beau mouvement, celui du 24images par seconde.

c LASTMANde Jérémie Périn, avec les voixfrançaises de Martial Le Minoux,Maëlys Ricordeau et VincentRopion. Un coffret de 3 DVDWild Side Vidéo.

JULIEN FOUSSEREAU

LA SURVIE DANS L’EXTENSIONL’adaptation en série d’animation de la préquelle de Lastman, la bande dessinée de Balak, MichaelSanlaville et Bastien Vivès, est sortie en vidéo chez Wild Side après avoir suscité un bel enthousiasmelors de sa diffusion sur France 4. Une belle conclusion après une production chaotique.

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LASTMAN :

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J e u x V i d é o

Xenoblade Chronicles 2Nintendo

Les grandes fluvres ont cette capacitéà résister aux outrages du temps.Xenoblade Chronicles appartenait àcette catégorie car, en dépit dÊuneenveloppe visuelle devant faireavec une Wii en fin de parcours, ilsynthétisait le meilleur du Japan RPGavec sa profondeur de jeu, son universdépaysant et ses personnagesattachants (cf. Zoo no34).

Six années plus tard,Monolith Softwarerevient avec la suitedirecte de ce chef-dÊfluvre⁄ Et lerésultat est plusque mitigé. Si lesystème de combatreprenant despans intéressantsde la parenthèse

Xenoblade Chronicles X sur Wii U necesse dÊémerveiller au même titre queles immenses étendues célestes, onest nettement moins convaincu par ledesign des personnages se fondant maldans le décor et leurs propos parfoisdÊune stupidité sans nom. Pire,Xenoblade Chronicles 2 souffre parfoisde vrais problèmes de finition etsurtout dÊune identité floue à ne pasvraiment savoir sur quel pied danserentre les fondamentaux ultra-narratifsdu Japan RPG et ceux dÊun mondeouvert à lÊerrance libre à la Skyrim.Exclusivement sur Nintendo Switch

JULIEN FOUSSEREAU

Fire Emblem WarriorsNintendo

Fusionner FireEmblem et DynastyWarriors peutsÊapparenter àlÊassociation dela carpe et dulapin.DÊun côté, unsommet du RPGtactique, de lÊautre,un hack and slashbien connu pour sa

mécanique de répétition consistant àmoissonner des vagues dÊennemis parcentaines. La greffe avait moyennementfonctionné avec lÊunivers Zelda dansHyrule Warriors. Pourtant, un petitmiracle se produit avec Fire EmblemWarriors, dans la mesure où la scansiondes frappes de bûcherons se heurteà une règle bien vue de vulnérabilitésfaçon ÿ pierre-feuille-ciseau Ÿ sur lesdifférentes classes en présence. Parexemple, les sabreurs seront la bêtenoire des gros bras adeptes de lahache alors que ces derniers cibleronten priorité les lanciers qui, eux,infligeront de gros dégâts aux porteursde rapière. Si cette couche ne changepas fondamentalement lÊessenceitérative de ce sous-genre quÊest lemusô, elle apporte une dimensionstratégique et autrement plusgratifiante. Cela fait de Fire EmblemWarriors le crossover le plus aboutijusquÊà présent, et ce malgré desbaisses de fluidité dues aux limitationstechniques de la Switch.Exclusivement sur Nintendo Switch

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L a présentation de Cuphead en2013 avait suscité un enthou-siasme certain par son inten-

tion dÊappliquer les codes du cartoondes années 30, avec un jusquÊaubou-tisme inédit jusquÊalors, pour mieux lesplaquer sur un ADN de jeu vidéo deplateformes. Développé en indépen-dant par Chad et Jared Moldenhauer,deux frères canadiens, Cuphead reçut lesoutien de Microsoft Studios qui sechargea de sa promotion et de sa dis-tribution. Les années sÊécoulèrent et leprojet passa de temps à autre une têtedans les divers salons dédiés au jeuvidéo sans quÊune date de sortie ne soitproprement arrêtée⁄ jusquÊà lÊété der-nier. Dans la dernière ligne droite pré-cédant son lancement à la rentrée,Cuphead nÊétait plus seulement le véhi-cule dÊun ravissement oculaire délicieu-sement vintage, mais également celuidÊun niveau de difficulté digne desvieux platformers du siècle dernier.

LE SADISME EN TECHNICOLOR

Pourtant, cette dimension punitive estloin dÊêtre gratuite tant elle colle par-faitement à lÊessence même du cartoonde lʘge dÊOr qui conjuguait la simpli-cité du récit avec le slapstick, ce comiquevisuel sophistiqué reposant sur une partde violence physique volontairement

exagérée dont les productions Disney,Warner, MGM et Fleischer étaient lesfers de lance. Cuphead le comprend par-faitement rien que par son histoire :Cuphead et Mugman font chauffer lesdés sur la table de craps du casino tenupar le Diable. Malheureusement, cedernier est, comme souvent, dans lesdétails. Ici, il sÊagit de dés pipés seretournant contre le duo suite à un pariperdu contre Lucifer. Et les termes sontlimpides : Cuphead et Mugman doi-vent collecter les âmes des habitantsde leur archipel enchanté sÊils ne veu-lent pas perdre la leur⁄ Le ton estdonné et rend un hommage digne desscénarios roublards mettant en scènele Mickey Mouse dÊUb Iwerks ou laBetty Boop des frères Fleischer.

ADMIRER OU JOUER, IL FAUT CHOISIR

Cette logique dÊaffrontement phy-sique présente dans les meilleurs car-toons constitue le cflur de jeu deCuphead. Les combats de boss y sontlégion⁄ et surtout particulièrementhargneux à en juger par le déluge defeu quÊils opposent. Néanmoins, lesrixes demeurent suffisamment justespour persévérer coûte que coûte.Terminer Cuphead revient à le dompter,à devenir un virtuose de la manettesur laquelle notre dextérité se syn-

chroniserait avec les syncopes jazzyde sa brillante bande-son, tout en fai-sant abstraction de son esthétiquedélirante. Car la beauté formelle desa direction artistique hors du com-mun, dessinée à la main et animéeimage par image sur celluloïd, serévèle piégeuse au point de sÊappa-renter à une entreprise de déconcen-tration massive. Finalement, on tientpeut-être là le plus gros défaut deCuphead : privilégier un retour à la pas-sivité spectatrice afin de contempler sonorfèvrerie plutôt que de subir ses ava-lanches de châtiments manette en main.On a connu pire.

CUPHEAD

Studio MDHR /Microsoft Studios,jeu de plateformes

sur PC et Xbox One

JULIEN FOUSSEREAU

CUPHEAD :

Attendu pendant des années pour sa sublime enveloppe visuelle, Cuphead a confirmé lors de sasortie un amour pour le challenge retors quoique toujours juste. Il s’agit peut-être là du jeu vidéocomprenant mieux que personne l’essence du cartoon à l’ancienne.

MAIS POURQUOI

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EST-IL AUSSI MÉCHANT ?

En pages suivantes, les bonus de Zoo numéro 64Il s’agit d’articles n’ayant pu trouver de place dans la version papier.

Certaines pages peuvent cependant être incomplètes, car maquettées uniquement pour cette version numérique.

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Petit Robot,de Ben Hatke

Une petite fillesolitaire etdébrouillardedécouvre unrobot tombé dÊuncamion⁄ Grâce àquelques outils etbeaucoupdÊimagination, ellele répare et ilsdeviennent

inséparables. Tout irait pour le mieuxdans le meilleur des mondes, sauf quÊàlÊusine, il manque un robot⁄ Unterrible robot jaune se met à sarecherche ! Ce conte de science-fictionde Hatke (Zita princesse de lÊespace) sedévore dès 6 ans grâce aux cases dÊunegrande lisibilité, au peu de textes et aupetit format cartonné. Une belle etdynamique histoire dÊamitié etdÊentraide, pour que les plus jeunessÊinitient à la BD intelligente etbienveillante, sans être gnan-gnan !Frimousse, 140 p. couleurs, 16 €

HÉL˚NE BENEY

Paul et Antoinette,de Kerascoët

Les petitscochons Paul etAntoinette sontfrère et sflur etpourtant, ils sonttrès différents. SiPaul aime lapropreté, le calmeet la réflexion,Antoinette adore

bouger, sauter dans la boue et vivre desaventures surprenantes. Pourtant, ilssÊadorent et quand Antoinette veutjouer dehors, Paul la suit. Il faudra doncque chacun fasse des concessions pourquÊils puissent tous les deux enprofiter⁄ Pour finalement montrer quenos différences nous rendent souventcomplémentaires ! Encore un bel albumà La Pastèque, drôle et pertinent, sur lebien vivre ensemble, malgré nosdifférences.La Pastèque, 42 p. couleurs, 14 €

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LÊEnvers des contes, T.2,La Belle-Mère pas sicruelle de Blanche-Neige,de Gihef et Zimra

Rien nÊest toutnoir ou tout blancdans la vie ! Etcette histoire enest la preuve : et sila méchante belle-mère de BlancheNeige nÊétait enfait pas siméchante ?Condamnée par

les autorités de Livresdecontes à quatremois de thérapie en centre fermé pource quÊelle a fait à sa belle fille, la marâtrese soigne et tente de surmonter sesréflexes narcissiques⁄ Et même si elleest sur la bonne voie, cÊest pas gagné !Vous connaissez peut-être la série deromans de Catherine Girard-Audet(Léa Olivier) qui réhabilite les méchantsdes histoires pour enfants, en voicilÊadaptation BD Truffé de référencesdrolissimes aux contes, le récit plongeles personnages dans notre mondemoderne et en fait des humains commeles autres, avec leurs défauts et leursqualités. ¤ mettre entre toutes lespetites mains, y compris celles desadultes !Kennes, 48 p. couleurs, 10,95 €

HB

J e u n e s s ezoom

E t voici enfin la version française ! Ce livre est uncondensé inspirant pour que les plus petits, filleset garçons, puissent rêver leur avenir en grand, à

travers la mini-bio de ces grandes dames. On sait à quelpoint avoir des exemples vivants est important pour laconstruction de la confiance en soi chez les enfants. Ellessont pirates, romancières, astronautes, couturières, pilotesde Formule 1, peintres, espionnes⁄ Une multitude demodèles de vie qui prouvent que, quel que soit son genre,sa couleur ou son statut, on peut devenir ce que lÊon souhaite.En présentant en une page le destin dÊune femme extraor-

dinaire (au final, 100 portraits illustréspar plus de 60 artistes), les enfants pour-ront se projeter dans leur avenir, sanslimite et sans préjugés. Un livre modernequi ouvre le champ des possibles, loinde la pauvre princesse à délivrer. Unelecture saine, pour que nos enfants viventheureux et aient beaucoup de rêves⁄

Déjà vendu à plus d’un million d’exemplaires dans le monde, ce livre jeunesse pour filles etgarçons dès 5 ans repousse le cliché de la frêle princesse en présentant le portrait de 100 femmesextraordinaires.

D estiné aux enfants dès le CP,ce format est conçu pour quela lecture prenne un caractère

ludique et ne rebute pas les apprentislecteurs. Une bonne idée, bien quÊunenfant qui veut lire lira de tout, sansmépris pour la forme. LÊavantage deces romans BD est surtout quÊils per-

mettent dÊinitier lÊimaginaire des pluspetits vers le voyage merveilleux de lalecture en offrant de petites respirationsillustrées, souvent très drôles. CÊestaussi un champ de création plus largepour les artistes qui les font ! CÊest lecas des deux premiers titres de la nou-velle collection de Jungle Kids, dont

lÊun parle de lÊirruption dÊun monstredans le cartable dÊun petit garçon etlÊautre, dÊune épatante jeune détectivede cours de récré. Dynamiques et colo-rées, ces deux premières séries ouvrentla voie à une collection de qualité, àlaquelle on souhaite longue vie.

c GUS ET LES MONSTRESde Jaume Coponset Liliana Fortuny,Jungle Kids, 136 p. coul., 9,95 €c UNE DÉTECTIVESUPER CHOUETTEdÊAlberto Diaz et Alvaro Nunez,Jungle Kids, 146 p. coul., 9,95 €

Passerelle entre la BD et le roman comme son nom l’indique, le « roman BD » allie textes écritset narration séquentielle. Beaucoup d’éditeurs jeunesse ou BD ont leur collection et c’est au tourde Jungle Kids de se lancer dans l’aventure !

GIRL POWER

À LA PAGE

HÉL˚NE BENEY

c HISTOIRES DU SOIRPOUR FILLES REBELLES dÊElena Favilli et Francesca Cavallo,Les Arènes, 212 p. couleurs, 12,50 €

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