André Laborde - Les Générations...

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- 10 - Histoire N é en 1918 à Saint-Boès, André Laborde fêtera cette année ses 92 ans. Il se présente comme “un paysan de naissan- ce”. Au-delà de ce titre de noblesse, il a vécu une jeunesse mouve- mentée, bousculée et meurtrie, notamment par la seconde guerre mondiale. Musicien, écrivain, André Laborde rédige, compile, et classe depuis de nombreuses années quelque 6 000 pages d’un véritable petit tré- sor qu’il destine à ses héritiers : ses mémoires manuscrites, agrémen- tées de photos, de car- tes et d’articles de pres- se de l’époque. Vous avez été agriculteur, mais vous avez eu d’autres passions semble-t-il ? Oui, la musique, j’ai joué longtemps de l’harmonium à l’église. Je m’entendais bien avec le curé de l’époque qui acceptait que, de temps en temps, je prenne quelques libertés avec les partitions reli- gieuses. A la fin des offices, c’est ainsi que je glis- sais dans le programme quelques mélo- dies à la mode. Cela n’a duré qu’un temps... A l’arrivée du nouveau curé, j’ai rapidement compris qu’on n’avait plus besoins de moi. Vous aimez passionné- ment la vie... malgré des moments très diffi- ciles... Ma famille a été profon- dément meurtrie par la mort accidentelle de mon frère aîné ; c’était en 1922 en préparant la fête de Saint-Boès avec les autres jeunes. Il s’est électrocuté en installant une guirlan- de électrique sur la place du village. Ma pauvre mère ne s’en est jamais remise, j’en ai subi de fait les effets de son désespoir. Puis, il y a eu la guerre qui a pris trop d’an- nées de ma vie ; je suis parti de chez moi en 1938, je suis revenu en 1946. A la déclaration de la guerre, étiez- vous à Saint Boès ? Non, car j’avais intégré le 126ème régiment d’infanterie de Brive le 4 novembre 1938. J’y ai fait mes classes et mon service. J’ai été ensuite transféré en Lorraine où j’étais donc basé quand a été déclarée la guerre à l’Allemagne, le 3 sep- André Laborde : la vie... passionnément Juin 1938 : incorporé au 126ème R.I. à Brive. Août 1939 : front en Lorraine. 7 septembre 1939 : blessé par un obus ; hospitalisé à Agen. Mai 1940 : pris dans “la poche de Dunkerque” ; prisonnier dans un camp de Prusse Orientale. Mai 1945 : libéré d’un camp en Pologne par l’Armée Rouge. Janvier 1946 : de retour en Béarn.

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Histoire

Né en 1918

à Saint-Boès,

André Laborde fêtera

cette année ses 92 ans.

Il se présente comme

“un paysan de naissan-

ce”. Au-delà de ce titre

de noblesse, il a vécu

une jeunesse mouve-

mentée, bousculée et

meurtrie, notamment

par la seconde guerre

mondiale. Musicien,

écrivain, André Laborde

rédige, compile, et

classe depuis de

nombreuses années

quelque 6 000 pages

d’un véritable petit tré-

sor qu’il destine à ses

héritiers : ses mémoires

manuscrites, agrémen-

tées de photos, de car-

tes et d’articles de pres-

se de l’époque.

Vous avez été agriculteur, mais vous

avez eu d’autres passions semble-t-il ?

Oui, la musique, j’ai joué longtemps de

l’harmonium à l’église. Je m’entendais

bien avec le curé de l’époque qui acceptait

que, de temps en temps, je prenne

quelques libertés avec les partitions reli-

gieuses.

A la fin des offices, c’est ainsi que je glis-

sais dans le programme quelques mélo-

dies à la mode. Cela n’a duré qu’un

temps... A l’arrivée du nouveau curé, j’ai

rapidement compris qu’on n’avait plus

besoins de moi.

Vous aimez passionné-

ment la vie... malgré

des moments très diffi-

ciles...

Ma famille a été profon-

dément meurtrie par la

mort accidentelle de mon

frère aîné ; c’était en 1922

en préparant la fête de

Saint-Boès avec les autres

jeunes. Il s’est électrocuté

en installant une guirlan-

de électrique sur la place

du village. Ma pauvre

mère ne s’en est jamais remise, j’en ai subi

de fait les effets de son désespoir.

Puis, il y a eu la guerre qui a pris trop d’an-

nées de ma vie ; je suis parti de chez moi

en 1938, je suis revenu en 1946.

A la déclaration de la guerre, étiez-

vous à Saint Boès ?

Non, car j’avais intégré le 126ème

régiment d’infanterie de Brive le

4 novembre 1938. J’y ai fait mes classes et

mon service. J’ai été ensuite transféré en

Lorraine où j’étais donc basé quand a été

déclarée la guerre à l’Allemagne, le 3 sep-

André Laborde :la vie... passionnément

Juin 1938 :

incorporé au 126ème

R.I. à Brive.

Août 1939 :

front en Lorraine.

7 septembre 1939 :

blessé par un obus ;

hospitalisé à Agen.

Mai 1940 :

pris dans “la poche

de Dunkerque” ;

prisonnier dans un

camp de Prusse

Orientale.

Mai 1945 :

libéré d’un camp en

Pologne par l’Armée

Rouge.

Janvier 1946 :

de retour en Béarn.

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passer avançant sous les coups de pied et

les “raoust” (ndlr : raus) de nos geôliers.

Notre situation a été très dure... J’ai été

interné dans un camp puis transféré par le

train dans des wagons à bestiaux vers la

Prusse orientale. Un train d’enfer : impos-

sible de nous coucher tant nous étions

serrés !... et arrivé au “camp 1B”, j’ai

découvert une carrière ou l’on cassait des

cailloux... Puis, transfert encore vers une

grosse ferme ; son patron était un officier

allemand. Privés de nourriture, on a aussi

souffert, avec mes compagnons polonais

et russes, de mauvais traitements et de

températures avoisinant les moins

40 degrés...

Vous avez vécu dans ces conditions

jusqu’à votre libération ?

Heureusement non ! J’ai pris la place d’un

Polonais dans un petite ferme - la ferme

Schiveck - où je fus un peu mieux traité.

Le 8 mai 1945, j’ai cru être libéré par les

Russes, mais c’était des Mongols,... ils ne

cherchaient pas à comprendre, ils n’ont

pas fait la différence entre Allemands

Français ou Polonais... et ils m’ont embar-

qué en Pologne. Pendant plusieurs mois

ensuite, cela a été un périple jusqu’à la

Mer Noire. C’est en janvier 1946 que j’ai

enfin rejoint la France !

tembre 1939.

Au front, vous avez

été blessé ?

C’était de nuit, je me

trouvais avec une

section de mon régi-

ment dans un petit

bois lorsqu’un obus

est tombé près de

nous. Mon camarade

le plus proche a été

tué sur le coup, et

moi blessé au bras

gauche. Cette nuit-là,

j’ai entendu des gars

mourants appeler “Maman !”. Mais, je ne

pouvais rien pour eux... J’ai été transféré à

Agen dans un séminaire transformé en

hôpital. Rétabli, j’ai été renvoyé au front.

Le front est mouvant... Vous faites des

incursions dans la Sarre ?

Pas du tout. Les combats nous amènent

dans le nord de la France où nous sommes

pris dans “la poche de Dunkerque”. Les

Anglais décrochent alors et embarquent

en nous abandonnant sur les plages.

Prisonniers, les Allemands nous font faire

Dunkerque-Bruxelles à pied, nous cre-

vons de soif et nous affrontons les pleurs

ou les rires des civils qui nous regardent

André Laborde : en haut, à

gauche de la photo.

Quelques dates de l’été 1970...

Début juillet : fermeture de trois éco-

les à Ibarolle, Ostabat et Uhart-Cize.

4 juillet : double inauguration par le

ministre Jacques Chaban-Delmas du

second pont de Bayonne sur l’Adour

et de 950 logements au nouveau quar-

tier Urdazuri à Saint-Jean-de-Luz.

7 juillet : ouverture de la première

coupe du monde de Cesta Punta à

Saint-Jean-de-Luz. Les parties se

jouent à guichets fermés : de 2 500 à

2 700 spectateurs par soirée et des

centaines de personnes refoulées. La

finale est remportée par Goyogana et

Bengoa dit “El Chino”, contre

Elejabarrieta et Chimela.

8 juillet : sévère menace du docteur

Grenet, maire de Bayonne, avant les

fêtes : “(...) Un premier coup de

semonce en passant de 6 à 5 jours est

resté sans résultat. Cette année, la ville

impose une nouvelle réduction avec la

suppression du lundi. (...) Si nous ne

constatons pas une amélioration dans

la tenue, si des excès inadmissibles

demeurent et si enfin les fêtes ne se

moralisent pas, nous les supprime-

rons...”.

19 juillet : à Arcangues, plus de

5 000 personnes assistent aux obs-

èques du chanteur Luis Mariano.

6 août : en Haute-Soule, grande foule

à Licq pour la pastorale Berterreche.

12 août : à Urrugne, Madame

Chaban-Delmas trouve la mort dans

un accident de voiture.

16 août : à Espelette, frère et soeur

Harignordoquy de Souraide rempor-

tent le deuxième championnat de

Fandango organisé par l’Union Basque.

PAYS BASQUE