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gp*—«et». ANALYSE STRUCTURALE DES MSTHES; LEVI-STRAUSS REFERENCES; A) Oeuvres de Lëvl-Strauss. (AS) Anthropologie structurale, Pion, 1958, ch. XI, Mythologiques : (ce) I. Le cru et le cuit. Pion, 1964 II, Du miel aux cendres. Pion, 1967. III.L'origine des manières de table. Pion, 1968. (HN) IV. L'homme nu. Pion, 1971. (TC) "Le triangle culinaire", L'ARC, 26: Lévi-Strauss. La Pensëé sauvage. Pion, 1962. B) Sur Levi-Strauss. J.B.: Pages, Comprendre Levi-Strauss, Privât , 1972. Y. SIHONIS, Claude Levi-Strauss ou la passion de l'inceste Aubier- Montaigne, 1968. G. MOUNIN, Introduction â sémiologie. Minuit, 1970, pp. U. ECO, La structure absente,Mercure de France, 1972, section D. A.J. GREIMAS, "Eléments pour une théorie de l'interprétation des récits.mythique", L'analyse structurale du récit, CCMIUNICATIOKS, 8, 1966, rep. in Du sens. Seuil, 1970. L. SEBAG, "Le mythe, code et message", Les temps modernes, 226, mars 1965. "La pensée sauvage" et le structuralisme. Esprit, II, 1963. "Le structuralisme, idéologie et méthode". Esprit, 5, 1967.

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ANALYSE STRUCTURALE DES MSTHES; LEVI-STRAUSS

REFERENCES;

A) Oeuvres de Lëvl-Strauss.

(AS) Anthropologie structurale, Pion, 1958, ch. XI,

Mythologiques :

(ce) I. Le cru et le cuit. Pion, 1964II, Du miel aux cendres. Pion, 1967.III.L'origine des manières de table. Pion, 1968.

(HN) IV. L'homme nu. Pion, 1971.

(TC) "Le triangle culinaire", L'ARC, 26: Lévi-Strauss.La Pensëé sauvage. Pion, 1962.

B) Sur Levi-Strauss.

J.B.: Pages, Comprendre Levi-Strauss, Privât , 1972.

Y. SIHONIS, Claude Levi-Strauss ou la passion de l'inceste Aubier-Montaigne, 1968.

G. MOUNIN, Introduction â sémiologie. Minuit, 1970, pp.

U. ECO, La structure absente,Mercure de France, 1972, section D.

A.J. GREIMAS, "Eléments pour une théorie de l'interprétation desrécits.mythique", L'analyse structurale du récit, CCMIUNICATIOKS,8, 1966, rep. in Du sens. Seuil, 1970.

L. SEBAG, "Le mythe, code et message", Les temps modernes, 226, mars1965.

"La pensée sauvage" et le structuralisme. Esprit, II, 1963.

"Le structuralisme, idéologie et méthode". Esprit, 5, 1967.

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2.

Pour comprendre la méthodologie structuraliste des Mythologiques, il faut peut-être distinguer deux moments dans l'oeuvre scientifique de Lévi-Strauss: l'analyse du système de parenté et l'analysedes mythes.

"Si La Pensée sauvage marque dans notre tentative une sorte depause, c'est seulement qu'il nous fallait reprendre notre souffle entre deux efforts". (CC,17).

Tout au long de son oeuvre, L.S. poursuit l'objectif de "dresser un inventaire des enceintes mentales" (ibid). Hais, en bonne partie â cause de la différence d'objet, on peut signaler certaines différences méthodologiques entre les deux moments. Dans l'analyse des systèmes de parenté, L.S. part de l'idée directrice de l'échange, construitdes structures formelles et s'inspire essentiellement de. la linguistique.Avec l'analyse des mythes, l'idée d'échange perd de l'importance, le structuralisme devient anti-formalisme, le modèle linguistique est relayé parla métaphore musicale. En effet, les systèmes de parenté sont des réalités vécues alors que les mythes sont des réalités conçues: le mytheest une oeuvre de l'esprit humain qui n'a pas de fonction sociale, alorsque les systèmes de parenté sont une construction fonctionnelle où parailleurs se manifeste la structure de l'esprit.

"Plus décisive sera donc l'expérience que nous entreprenonsmaintenant sur la mythologie (...) l'esprit, livré en tête-à-tête avec lui-même et échappant â l'obligation de composer a-vec les objets, se trouve en quelque sorte réduit à s'imiterlui-mâne comme objet." (CC, p. 18).

L'Idée d'échange.

La société nait avec l'échange, au moment ou s'instaure la loiuniverselle de la prohibition de l'incerte i.e. l'obligation d'échangerses femmes. En plus de l'échange des femmes, la société repose sur deuxautres niveaux d'échange: échange de bien économique et échange de mes-

Mais le mythe est une oeuvre de la pensée sauvage, n'ayant pas defonction de communication: l'esprit s'y contemple lui-même dans son produit. Si l'échange est à l'origine de la société, à l'origine de la culture on trouve plutôt la cuisine, comme les mythes eux-mêmes le disent:

"Les mêmes nqrthes qui servent aux Indiens du Brésil centralpour fonder l'origine.de la cuisine, servent â ceux du bassindu fleuve Columbia pour fonder l'origine des échanges commerciaux (...) Au lieu que le passage de la culture à la nature s'exprime par le moyen d'une opposition simple entre les catégories decru et de cuit, il invoque les ressources d'une idéologie plus complexe qui élève l'opposition au niveau des maximes: celle de chacunpour soi et celle du donnant donnant." (HN, 253)

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Modèles formels et logique concrète»

Les relations de parenté auxquelles aboutissent le processusd'échange des femmes sont des relations vécues. Pour en découvrir lastructure, 11 faut d'abord construire des modèles abstraits de ces phénomènes vécus. C'est sur ces modèles abstraits que l'on dégage les structures l.e. les lois Inconscientes de l'esprit.

Mais le mythe est déjà une construction de la pensée; on peut désormais faire l'économie de la construction des modèles. Travaillant directement sur le matériel brut, la pensée structuraliste peut nier la<ilstlnctlon entre la forme et le contenu, au sens où la science traiterait des formes en laissant de côté les contenus, comme un résidu non-sclentlflque. En analyse structurale, 11 n'y a pas de résidu car c'estle contenu lui-même qui est structuré (CC,106).

Le modèle linguistique.

Pour construire la science de l'échange des femmes, Lévi-Straussaurait pu s'Inspirer de la science de l'échange des biens économiques -comme l'avait fait le premier théoricien de l'Inconscient, Freud. Maisc'est du coté de la science de l'échange des messages qu'il se tourne,plus précisément, du côté de cette branche de la linguistique qui s'appelle la phonologie. Car celle-ci lui fournit un concept fondamental:l'écart' différentiel. La langue est un système de différences (Saussure)La phonologie applique cette Idée è l'étude des sons: les sons n'ont pasde valeur significative par leurs propriétés physiques mais par la relationqui les oppose les unes aux autres. Ainsi, d'après Jakobson, è la base detoute langue, 11 y aurait deux triangles fondamentaux, le triangle desvoyelles (a, u, 1) et le triangle des consonnes (k, p, t). Med.s le phonème universel n'est pas ce qui se prononce de telle façon, mesurable parun audio-mètre, c'est ce qui s'oppose â deux autres phon^es placés en position u et 1, comme le compact.s'oppose au diffus ; de merae, les phonèmesu et 1 sont constitués par l'opposition grave/aigu.

Lévi-Strauss utilise le même principe dans l'étude des systèmesde parenté: la parenté repose sur trois relations fondamentales: la consanguinité, l'alliance et la filiation. De sorte qu'il faut au In^T»^lm^nl4 termes pour fonder un systène de parenté.

En passant â l'analyse.des mythes, L.S. ne laisse pas de coté lesacquis de la linguistique, en particulier l'Idée qu'un concept n'a de sensque par son opposition è un autre. Cependant, on le verra, 11 choisit "deregarder du mythe vers la musique plutôt que du mythe vers le langage"(CC,35).

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I. THEORIE DE LA SIGNIFICATION.

La notion de signification chez Lévi-Strauss lui vient du fondateur de la linguistique structurale, Saussure, pour qui:

"Les concepts sont purement différentiels, définis non paspositivement par leur contenu, mais négativement par leurs rapports avec les autres termes du système. Leur plus exacte caractéristique est d'être ce que les autres ne sont pas."(cit. par Simonis, 161).

La signification n'est donc pas autre chose qu'une opposition.Cette opposition doit d'abord être donnée dans l'expérience concrète;c'est la perception d'une opposition Irréductible entre deux réalités quiengndre l'élaboration conceptuelle. Car l'esprit humain est construit sur

schème symétrique d'opposition, alors que dans le réel les oppositionssont as3rmétriques.

"(...) ces deux évidences contradictoires dont le heurt met lapensée en branle et, pour neutraliser leur opposition, engendreune série illimitée d'autres distinctions binaires qui, sans jamais résoudre cette antimonie première, ne fait, è des échellesde plus en plus réduite, que la reproduire et la perpétuer."

La signification provient donc de la rencontre entre l'expérienced'une "disparité inhérente au réel" (HN,539) et un "appareillage d'opposition, en quelque sorte monté d'avance dans l'entendement" (ibid.).

"(...) des expériences récurrentes, qui peuvent être d'origine biologique, technologique, économique, sociologique, etc.actionnent la commande (...) la machinerie conceptuelle se meten marche; de chaque sittxation concrète, si complexe soit-elleelle extrait inéluctablement du sens, et fait d'elle un objetde pensée en la pliant systématiquement aux impératifs d'uneorganisation formelle. De même, c'est en appliquant systématiquement des règles d'opposition que les mythes nedssent, surgissent, se transforment en d'autres mythes (:..)" (ibid).

a) L'opposition fondamentale.

L'esprit humain, c'est-â-dire le cerveau, est donc construit,d'après L.S., selon le sch&ite binaire de l'opposition. Mais pour quela machine è penser se mettre en branle, il faut une expérience d'opposition irréductible. C'est cette spêrience fondamentale que l'analysedes oeuvres culturelles s'efforce de déceler en démontant morceau par morceau les constructions de la "machine".

L'hypothèse de travail qui a guidé L.S. tout au long de son oeuvre,c'est que l'expérience qui permet de rendre compte de la production d'oeuvreculturelle est celle de l'opposition entre la nature et la culture. Le pro-

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blême de l'émergence de la culture est en effet la question qui donne unSens â la démarche anthropologique. Mais ce n'est pas seulement une question que se pose l'anthropologue: la pensée saxivage se l'est posée depuislongtemps et dans bien des cas de façon tout â fait explicite. Un grandnombre de mythes racontent l'origine de telle ou telle coutume, de telletechnique culturelle; et l'analyse montrera que ceux qui ne le racontentpas explicitement l'expriment Implicitement.

C'est donc l'opposition nature/culture qui servira de catégoriefondamentale â la logique concrète que L.S. dégage de la pensée mytriqueCette opposition peut cependant prendre différentes modalités: en Amérique du Sud, on constate qu'elle est conçue comme opposition entre nourriture crue et nourriture culte « l'origine de la culture étant Ici Identifiée

â l'origine de la cuisine. Dans l'hémisphère Nord, par contre, l'origine de la culture s'Identifie è celle du vêtement, l'opposition nature/culture devient celle du nu et du vêtu. Pour la tradition occidentale, l.e.pour L.S., l'opposition se manifesterait comme celle de la quantité continueè la quantité discrète: la culture c'est l'articulation du tout en élémentsdistincts.

Il reste cependant que les différentes modalités de l'oppositionnature/culture ne sont pas propres â une aire culturelle donnée: 11 s'agitd'une simple question d'accent, de préférence pour un des contenus possiblesde l'opposition. Ainsi l'opposition du continu et du discret n'est pas unegrille d'analyse que L.S. appliquerait â la pensée Indigène (on verra plusloin que la méthodologie de L.S. exclut l'Idée que l'analyse consiste è appliquer une grille è un objet): cette opposition existe dans la pensée Indigène. Car les catégories de la logique concrète sont des catégories universelles, qui n'appartiennent pas plus â la pensée Indigène qu'à la pensée structurale.

Au terme de sa recherche cependant, L.S. aboutit è une oppositiondifférente de celle qui lui a servi de point de départ. Il parvient â dégager l'armature d'un mythe unique qui aurait engendré toute la mythologiedes deux Amériques, ou l'opposition fondamentale est celle qui existe entrele ciel et la terre.

"Ainsi se clôt un? vaste.système, dont les éléments Invariantspeuvent toujours être représentés sous la forme d'un combat entrela terre et le ciel pour la conquête du feu (...) Plusieurs centaines de récits, en apparence très différents les uns des autres,et chacun pour son compte fort complexe, procèdent d'xine série deconstatations en chaîne: 11 y a le ciel et 11 y a la terre; entreles deux, on ne saurait concevoir de parité; par conséquent, laprésence sur terre de cette chose céleste qu'est le feu constitueUn mystère { enfin, et du moment que le feu du ciel se trouve maintenant Icl-bas au titre de foyer domestique, 11 y a bien falluque de la terre on soit allé au ciel pour l'y chercher." (HN,235,239).

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Ce mythe unique, avec son opposition ciel/terre, permet dedépasser la problématique des sciences de l'homme pour accéder â celledes sciences de la nature: au-delâ de la question de l'émergence de lanature se situe la question de l'existence du monde.

"Du monde, on ne peut dire purement et simplement qu'il est:il est sous la forme d'un asymétrie praniêfe, qui se manifeste diversement selon la perspective ou l'on se place pour l'appréhender: entre le haut et le bas, le ciel et la terre, la terreferme et l'eau, le prés et le loin, la gauche et la droite, lemâle et la femelle, etc." (HN,239).

Mais la question cosmologique, sous ses différentes modalités,n'est pas encore l'opposition fondamentale. Celle-ci est d'ordre métaphysique: c'est l'opposition de l'^'être et du non-être. Chez L.S., renduvers la fin de sa vie, elle se manifeste de façon â peine voilée comme l'o-position entre la vie et la mort, comme le sentiment de disparité entre lacertitude de la vie qui^ donné sens et permis son oeuvre scientifique en mêmetemps que la certitude que celle-ci est appelée à disparaître comme si ellen'avait jamais existé, sauf par le "constat abrogé qu'elles eurent lieu c'estâ-dire rien".

"L'opposition fondamental, génératrice de toutes les autres etdont ces quatre tomes ont dressé l'inventaire, estoelle mêmequi énonce Hamlet sous la forme d'une encore trop crédule alternative. Car entre l'être et le non-être,il n'appartient pas âl'homme de choisir. Un effort mental consubstantiel â son histoireet qui ne cessera qu'avec son effacement de la scène de l'univers,lui impose d'assumer ces deux évidences contradictoires (...)"(HN, 621).

b) Le code.

En somme la pensée mythique ne fait qu'exprimer le problême del'être et du non-être. C'est lê son ultime message. Mais ce messages'exprime selon différentes modalités, a différents niveaux de généralité:11 est codifié de différentes façons.

L'opposition entre un code et un message, catégorie fondamentalede la. littérature sémiologique, est indispensable pour poser la notion decode puisque, dans la perspective structurale, un concept n'a de réalitéque par sa différence â un autre concept. Le concept essentiel est enfait celui de code: la production mythique se ramène â une vaste opérationde codage, de même que l'analyse structurale a comme objectif de parvenirâ un:

"codage a la fois xinique et le plus économique possible auquel elle sait réduire des messages dont la complexité était fort rebutante et qui, avant qu'elle n'intervienne, semblait être impossible â déchiffrer." (CC, p. 155)

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Si on se place du point de vue, non pas de l'univers mythiqueque chaque m3rthe réalise d'une façon particulière, en codifiant a safaçon le message ultime, mais du point de vue d'un mythe particulier,i.e. d'un point de vue méthodologique, la notion de message prend uneautre acception: c'est le contenu spécifique de ce mythe.

"Convenons d'appeler armature un ensemble de propriétésqui restent invariantes dans deux ou plusieurs mythes;code, le système des fonctions assignées par chaque mytheâ ces propriétés; message. le contenu d'un mythe particulier."(CC, 205).

Cette citation n'éclaire guère la notion de code, dont la définition reste très abstraite, sauf en l'opposant à une nouvelle notion,celle d'armature: le code s'oppose â l'armature comme l'élément variable è un invariant. C'est cette opposition, plutôt que celles de code/message qui fait de la notion de code un concept méthodologique précis:l'armature, c'est la structure invariante d'un groupe de mythes qui lesdéfinit comne groupe alors que le code c'est la façon particulière dontcette structure se réalise dans un mythe. La relation armature/code n'estdonc pas réversible. Le rapport code/message est ou contraite réversible:deux mythes peuvent exprimer le même problème avec des symboles différents etvice versa, émettre différents messages avec le même codé. En d'autres termes, le message d'un mythe devient le code de l'autre et réciproquement.C'est d'ailleurs la une formulation transposée de la loi structurale fondamentale du système mythique dégagée dans 1'Anthropèlogie structurale, quiest une formalisation de l'idée de structure, â savoir: on ne peut modifierUn élément d'une structure sans que tous les autres éléments se trouventpar le fait même modifiés.

"Quelle que soient les précisions et modifications qui devrontêtre apportées è la formule ci-dessous, il semble dès è présentacquis qi;ie tout mythe (considéré comme l'ensemble de ses variantes) est réductible è une relation économique du type.

Fx (a) : Fy (b) Fx (b): Fa - 1 (y).

dans laquelle, deux termes a et b étant donnés simultanément ainsi que deux fonctions x et y de ces termes, on pose qu'une relationd'équivalence existe entre deux situations, définies respectivementpar une inversion des termes et des relations. sous deux conditions:

1: qu'un des termes soit remplacé par son contraire (a devienta-1);

2: qu'\me inversion corélative se produise entre la valeur defonction et la valeur de terme de deux éléments (y et a)."

(AS, 253).

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8.

Dans les mythologiques, les concepts de termes et relations sontremplacés par ceux de message et de lexique (i.e. code)» mais l'idée reste» en gros» la msne» bien que exprimés mais abstraitement:

"Deux demi-transformations au niveau du message en valentune au niveau du lexique» bien que chaque demi-transformationprise â part doive affecter davantage la composition du lexiquequi n'eut fait la transformation entiëra" (CC» 218).

MéthodolAgiquement» le code s'oppose donc au message comme unsignifiant â un signifié» dont les positions sont réversibles et à l'armature» comme le variable â l'invariant. La distinction entre code et armature reste cependant â préciser: en fait l'armature est une dimensiondu code et c'est au lexique qu'elle s'oppose comme l'invariant â l'élémentvariable.

"Notre analyse a permis d'établir que l'armature grammaticalede ces codes est Invariante pour tous les mythes considérés.Mais il n'en est pas de même ni pour les messages ni pour leslexiques." (CC» 218).

Bref» le message peut se transformer en code» l'armature fait partie du code et l'analyse structurale a pour objectif de parvenir â un codage unique: c'est donc dire que toute la réalité du mythe se ramène â l'idéede code.

Reprenons maintenant le concept de code d'un point de vue non plusméthodologique - point de vue qui était nécessaire pour mettre en évidencel'acception polyvalente du terme chez L.S. - mais d'un point de vue théorique. On a vu que pour la mise en marche de la machine à penser un expérience du réel était nécessaire. Or l'expérience du réel passe par les sens;le premier codage de la signification sera donc effectué au niveau des cinqsens.

"Ces codes (...) utilisent des oppositions des qualités sensibles » promues ainsi â une véritable existence logique (...) etpuisque l'homme possède cinq sens» les codes fondamentaux sontau noinbre de cinq." (CC» 172).

Mais les cinq codes fondamentaïuc de la sensibilité n'épuisent pasla capacité signifiante de la pensée sauvage: la logique des qualités sensibles

"ne fait pas la distinction entre les états de la sensibilitéet les propriétés du cosmos." (CC» 246).

On trouvera donc un code astronomique» type particulier de codevisuel et ainsi de suite: code météorologique» sociologique» zoologique»etc» jusqu'au code logico-mathématique de L.S.

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II- Méthodologie.

a) Ce.que L.S. cherche« ce sont les lois fondamentales et universellesde l'esprit humain. Toute oeuvre cultiirelle doit être considéré commeune manifestation des lois inconscientes de l'esprit. En ce sens, l'analyse structurale.

"n'a pas et ne peut avoir pour objet de montrer comment pensentles hommes (...) mais comment les mythes se pensent dans leshommes et â leur insu. Et peut-être (...) d'une certaine manière (comment) les mythes se pensent entre eux." (CC, 20).

Les mythes se pensent entre eux, se transforment l'un dans l'autre,se contredisent. Analyser un mythe ce ne sera pas chercher le message qu'iltransmet, mais le schême logique qui l'engendre i.e. la structure qui permetde parcourir l'univers des mythes en traduisant un mythe dans un autre. Ensomme, il s'agit de dégager

"non pas tellement ce qu'il y a dans les mythes (sans être d'ailleurs dans la conscience des hommes),que le. système des axiomes etdes postulats définissant le meilletir code possible (...) destinéâ assurer la traductibilité réciproque de plusieurs mythes."(CC, 20).

Conséquence méthodologique: un mythe isolé n'a pas de sens. Il fautconsidérer chaque mythe comme une variante dans un groupe de mythes, définipar une structure. La structure, c'est le schème logique qui permet de passer d'une variante â l'autre par une opération de transformation.

"On parvient â ordonner toutes les variantes d'un mythe en unesérie, formant une sorte de groupe de permutations et ou lesvariantes placées aux deux extréôiités de la série offrent, l'unepar rapport â l'autre, une structure symétrique mais inverse."(A.S. , 248).

Exemple: trois mythes Bororo qui racontent une histoire différente,forment cependant un groupe, puisque dans chactm on a un héros masculin victime d'un amaigrissement, dont les causes sont dans un rapport de transformation.

Hx: privation de la nourriture fournie par la soexir.

M2: privation de la mère qui fournissent la nourriture.

M5: absortion d'anti-nourriture (gaz intestinaux) fournie par lagrand-mère.

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10.

L'objectif de L.S. en fait est double:

— parvenir au mythe unique dont tous les autres puissent être considères comme une transformation.

- démontrer, par le fait même qu'il y parvienne, que les opérationsqu'il utilise pour y arriver constituent des lois inconscientesde l'esprit.

b) La "musique" mythique.

Le mythe occupe tine position intermédiaire entre ces deux systèmes de signes diamétralement opposés que sont la musique et le langagesrticule (CC, 35). Comme la musique, il est une machine â supprimer letemps et il opère par la médiation de deux grilles, l'une interne (rythmebiologique), l'autre externe (sons, d'une part, événements de l'autre).

"La musique expose è l'individu son enracinement physiologique,la musique fait de même avec son enracinement social. L'une nousprend aux tripes, l'autre, si l'on ose dire, "au groupe". Et poury parvenir, elles utilisent ces machines culturelles extraodrinai'-rement subtiles que sont les instruments de musique et les s'chèmesmusicaux." (CC, 34).

Comme le langage, structure incarnée dans le sens et dans le son,le mythe est une structure, incarné dans le sens uniquement — alors que la musique est une structure incarnée dans le son uniquement. La grande parentédu mythe avec la musique vient du fait qu'elles sont traduisibles uniquementles unes dans les autres.

"Les mythes sont seulement traduisibles les dans les autres,de la même façon qu'une mélodie n'est traduisible qu'en une autre mélodie qui préserve avec elle des rapports d'homologie: onpeut la transcrire dans un ton différent, la convertir du majeur enmineur ou inversement (...) Peut-être, è la limite, une oreillenon exercée un pourra plus la reconnaître, ce sera cependant la mèneforme mélodique." (HN, 577).

Conséquence, méthodologique: on ne peut faire de l'analyse des mythes qu'en se mettant a l'écouté de la musique mythique} en devenant " celieu insubstantiel offert â une pensée anonyme afin qu'elle s'y déploie(...) et s'organise en égard aux contraintes inhérentes a sa seule nature."'®^»^559). L'analyse consiste alors à "imiter le mouvement spontané de lapensée nythique". Puisque un mythe n'est traduisible que dans un autre mythe,l'analyse des mythes est elle-même un mythe.

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11.

"Ainsi ce livre sur les mythes est-il, à sa façon, un mythe.A supposer qu'il possède une tmitê,celle-ci n'apparaîtra qu'enretrait ou au delà du texte. En mettant les choses au mieux,elle s'établira dans l'esprit du lecteur." (CC, 14).

En d'autres termes, l'analyse structurale refuse d'opérer un partage entre grille d'analyse et contenu.analysé. Il n'y a pas rupture entrel'opération de codage réalisée par la pensée. sauvage et celle qu'effectuel'analyse structurale, de sorte qu'il est impossible de séparer ce qu'il y adans le o^the de ce que L.S. y ajoute.

"Cela revient finalement au même que, dans ce livre, la penséedes indigènes sud-américains prenne forme sous l'opération de lamienne ou la mienne sous l'opération de la leur (...). Et sicelle-ci vient â révéler un trésor, on n'aura pas besoin d'arbitrepour procéder au partage, puisqu'on a commencé par reconnaître quel'héritage est inaliénable et qu'il doit demeurer indivis." (CC,21-22).

Cette démarche n'est pas sans rappeler celle de l'herméneute: l'analyse structurale est une méthode d'interprétation. Avec cette différenceessentielle qu'il s'agit ici de " tuer" le sens.

"(...) en tant qu'elle consiste è expliciter \m système de rapports que les autres variantes ne faisaient qu'incarner, l'interprétation structurale se les intègre et s'y intègre sur un nouveauplan ou s'opère la fusion définitive du fond et de la forme, etqui donc n'est plus susceptibles de nouvelles incarnations. Révélée è elle-même, la structure du mythe met un terme è ses accomplissements." (HN, 561.)

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12.

c) L'espace mythique

L'analyse structurale a comme objectif de tracer les axes de l'espaceconceptuel ou se déploie la pensée mythique, de façon à pouvoir parcourir entous sens cet espace.

1. Dans l'Anthropologie structurale, cet espace était représentécomme un espace multi-dimensionnel linéaire. Faire l'analyse d'un mytheconsistait â apprendre â le lire en plusieurs dimensions:

lecture horizontale: le mythe est une histoire, qui se litdu début â la fin, comme un enchaînement de séquences.

lecture verticale: le mythe est construit de séquences analogues qui se répètent (la répétition est un moyen de signifierqu'il y a signification). Il faut donc regrouper â la verticale les séquences analogues, pour être en mesure de les lireen même temps, comme les lignes d'une portée de musique.

lecture en profondeur: il faut regrouper sur un 3e axe lesdifférentes versions d'un mythe et lire en même temps lesséquences homologues de chaque version, (comme les partitionsde chaque instrument dans un orchestre qui, lues en mêmetemps permettent de saisir les harmoniques du texte).

En réalité, les axes de comparaison entre mythes sont-multiples.L.S. réclame ll''usage de l'ordinateur pour effectuer une lecture en plusieursdimensions.

2. Dans le cru et le cuit, L.S. adopte une démarche interprétative.Il s'agit pour lui d'exécuter les pièces musicales qu'il découvre dans lesn^thes ("Air du dénicheur d'oiseau", "Cantate de la sarigue", "Sonate descinq sens", etc). Traduit en termes spatial, cela signifie qu'il déchiffreune â une différentes régions de la "nébuleuse" mythique, i.e. il découvreun schème logique dans un ensemble de mythes puis repart d'un problèmelaissé en suspens qu'il tente d'éclairer en introduisant un autre groupe demythes.

vg " Les mythes bororo nous ont paru témoigner d'une singulièreindifférence vis-à-vis de l'inceste (...) Dne indifférencecoiiq>arable se retrouve dans les mythes gé: celle du jaguarenvers sa femme. (...) Entre ces "conduites d'indifférence,on note une remarquable symétrie:

- chaque fois elles mettent en cause un mari (...)

- dans un cas les maris sont objet d'indifférence; ils sontsujet d'indifférence dans l'autre cas (...)

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- la non-Indifférence des maris Bororo se manifeste â l'occasiond'un inceste. L'indifférence des maris Gé se manifeste âl'occasion d'un acte qui, tout en restant dans la démesure,est le contraire de l'inceste: le meurtre d'une mère par un"fils"

- dans les mythes bororo, les rapports familiaux sont fondés surla parenté vraie et la filiation; dans les mythes gé, ils lesont sur la parenté adoptive et l'alliance.

Les raisons de cette indifférence apparaitrontmieu:^ si l'on commence par introduire un mythe des indiens Ofaiê-chavanté deMato-Grosso." (cc, 90)

L'espace mythique est toujours représenté comme structuré par des axessémantiques, mais l'organisation de cet espace est circulaire.

If

tl

Un corps multi-dimensionnel nait, dont les parties centralesdévoilent l'organisation alors que l'incertitude et la confusion régnent encore au pourtour ." (cc, 11)

Si.l'enquête se poursuit comme nous souhaitons, elle ne sedéveloppera pas sur un axe linéaire mais en spirale." (cc, 12)

Pour déblayer notre carte, nous avons été obligé de faire deslevers ̂ en rosace> (...) Pour obtenir partout un balayage demême intensité, il faudrait donc que la démarche fut renouvelée plusieurs fois, en traçant de nouveaux cercles è partirde points situés a la périphérie." (cc, 13)

Une dernière caractéristique de cet espace, c'est qu'il n'a pas réellement de centre, ce qui correspond a la zone centrale dépend d'un mythe dedépart, arbitrairement choisi. D'où

" le propre de ce livre est de ne pas avoir de sujet (...) Iln'a pas de commencement puisqu'il se fût développé de manièreanalogue si son point de départ eut été pris ailleurs; et iln'a pas davantage de fin." (cc, 12)

3. Parvenu, dans L'Homme nu au mythe unique qui engendre tous lesautres, L.S. a ainsi mis en place le centre réel de l'espace mythique.

d) Stratégie

On choisit comme point de départ un mythe qui semble particulièrementfécond â cause des problèmes d'interprétation qu'il pose. Ce mythe de référence

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est d'abord situé dans la culture d'où il provient. Le contexte ethnographiqueest en effet d'une importance capitale: le lexique du mythe est constituéd'objets et de personnages dont la possibilité de signifier dépend de leurusage dans la société en question.

vg " Â un double titre les aras tiennent une grande place dansla pensée indigène. Leurs plumes, précieusement conservéesdans des écrins de bois, servent à la confection des diadèmes et a l'ornementation des arcs et d'autres objets. D'autre part, les Bororo croient en un cycle compliqué de transmigration des âmes; pendant un temps, celles-ci sont censéess'incarner dans les aras." (cc, 55}

Le mythe est ensuite comparé aux autres mythes de la même culture.Bien qu'à première vue il s'agisse d'histoires absolument différentes, ondoit parvenir â montrer que ces mythes font en fait partie d'un groupe detransformations. (Voir ci-dessus l'exemple des 3 mythes Bororo.)

Le mythe est ensuite comparé aux variantes recueillies dans des cultures voisines, ce qui permet la mise a jour d'une armature commune, ou d'unschème logique.

A partir des éléments qui restent inexpliqués dans cette premièreébauche, on trace de nouveaux axes d'opposition en raccrochant d'autres mythes,qu'on peut aller chercher dans des ctiltures très éloignées, ou encore, enrecoupant des éléments de mythes déjà passés en revue.

" A partir d'un mythe choisi, sinon arbitrairement mais en vertudu sentiment intuitif de sa richesse et de sa fécondité, puisanalysé conformément aux règles posées dans les travatix antérieurs,nous constituons pour chaque séquence le groupe de ses transformations, soit â l'intérieur du mythe lui-mône, soit en élucidant les rapports d'isomorphie entre les séquences extraitesde plusieurs mythes provenant de la même population. Ainsi, nousélevons-nous déjà de la considération de mythes particuliers, âcelle de certains schèmes conducteurs qui s'ordonnent sur lemême axe. En chaque point de cet axe signalé par un scheme,nous traçons, si on peut dire, â la verticale, d'autre axes quirésultent de la même opération mais effectuée, non plus â l'aide de mythes d'une seule population, apparemment tous différents,mais de mythes qui, bien qu'issus de populatiois voisines, offrentavec les premiers certaines analogies. De ce fait, laschèmesconducteurs se simplifient, s'enrichissent ou se transforment.Chacun devant une origine pour de nouveaux axes, perpendiculaires aux précédents sur d'autres plans, ou s'accrocheront bientôt,par un double mouvement prospectif et rétrospectif, des séquencesextraites soit de mythes provenant de populations plus lointaines,soit de mythes d'abord négligés parce qu'ils semblaient inutilesou impossibles â interpréter, bien qu'ils appartinssent a despeuples déjà passés en revue." (cc, 11)

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e) Concepts et schèmes opératoires

Le code logico-mathêmatlque de L.S. n'est pas en rupture avec lapensée sauvage, son usage est purement métaphorique.

" Mietix que personne, nous avons conscience des acceptions trèslâches que nous donnons è des termes tels que S3niiétrie, inversions, équivalence, homologie, isormorphisme.. (cc, 39)

Cet usage métaphorique est tout â fait conforme avec la positionépistémologique de L.S., â savoir qu'il n'y a pas discontinuité entre penséesauvage et pensée structurale.

Par contre, les concepts spécifiques â la méthodologie structuralisteauraient dû recevoir une définition plus précise. On a déjà vu l'ambiguitéde la notion de code. L.S. utilise d'autres concepts tout aussi équivoques,et apparemment souvent interchangeables: axe, schème, armature, système,structure, groupe de transformation.

On pourrait donner une définition approximative de ces concepts,d'après l'usage qui en est fait dans différents contexte. Mais ce qui estplus important pour comprendre la méthodologie structuraliste, c'est demettre en évidence les opérations qui sont effectuées, plus ou moins explicitement, sur le matériel i.e. les schèmes logiques que L.S. met en oeuvrepour analyser les mythes.

a) La médiation

L'idée de médiation fait partie de la théorie de la significationde L.S.

" La pensée mythique procède de la prise de conscience de certaines oppositions et tend è leur médiation progressive."(AS, 242)

Ainsi, commente Simonis:

" toute oeuvre culturelle peut se lire en terme de recettes d'opposition plus ou moins surmontées. La culture apparaît commel'art le plus extraordinaire de voiler progressivement lesoppositions maximum inéductibles (vie-mort, par exemple) et,de proche en proche, par des oppositions de plus en plus imperceptibles, de laisser croire qu'on les a surmontées."(Simonis, 212-213)

L'analyse structural consiste donc, indissociablement, a mettre enévidence les procédures de médiations qui tentent de surmonter des oppositionset â utiliser le schème logique de l'opposition médiatisée pour relier deuxmythes qui, en apparence n'ont rien â voir l'un avec l'autre.

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Exemple. Le mythe de Baitogogo (M2) raconte l'histoire d'un homme quitue sa femme parce qu'elle a été violée. Leur enfant, désespéré d'avoir perdusa mère, se change en oiseau et s'envole en laissant tomber sa fiente sur l'épaule de Baiitogogo. L'excrément germe et devient un arbre. Le héros fuitdans la forêt; chaque fois qu'il arrête pour se reposer, l'eau - qui n'existait pas â l'époque: le mythe est un mythe de l'origine de l'eau - surgit,et l'arbre sur son épaule rapetisse. Baitogogo, après avoir ainsi apportél'eau aux hommes, revient visiter ses concitoyens et leur apporte des parures(origine des parures).

Interprétation. L'inceste et le meurtre qui s'en suit causent uneséparation entre le père et le fils: celui-ci devient céleste (changé enoiseau) alors que le père devient terrestre ("changé" en arbre). Pour résoudre l'opposition, Baitogogo crée l'eau, terme médiateur entre la terre etle ciel, ce qui lui permet de s'affranchir de sa nature terrestre (l'arbredispairait) et par conséquent de devenir héros culturel (celui qui apporteles parures) i.e. un médiateur entre le monde des ânes (mort physique) etla société aquatique des hommes (vie sociale).

" Convenons donc de résumer le mythe comme suit: Un abus d'alliance (meurtre de l'épouse incestueuse, privant un enfant desa mère) (...) provoque la disjonction des pôles ciel (enfant)et terre (père). Le responsable, exclus par cette faute de lasociété des hommes (qui est une société ̂ aquatique> (...) rétablit le contact entre ciel et terre en créant l'eau; ets'étant lui-même fixé au séjour des ânes, rétablit le contactentre les morts et les vivants, en révélant aux seconds lesornements et les parures corporelles, qui servent è la foisd'emblème a la société des hommes et de chair spirituelle èla communauté des ânes." (cc, 67)

Voyons maintenant comment le même schème d'opposition médiatiséepermet de relier M2 et (mythe de référence: le dénicheur d'oiseau).

Baitogogo "se situe â l'exact opposé" du dénicheur d'oiseau: c'estun adulte, initié, marié, père. Mais en réagissant trop vivement â l'inceste, de même que le dénicheur a commis l'inceste, "il commet lui aussiun abus de possessivité".

" Enfin, Baitogogo commet la fuite S3nnétrique et inverse de celle(du dénicheur): celui-ci est. un enfant qui<abuse>de sa mèrealors qu'il en a perdu le droit; Baitogogo est un mari qui<abuse>- de sa femme: privant son fils de sa mère, alors quecelui-ci yaa encore droit.

(...) le terme confiné (dénominateur commun du nom deBoitogogo et de celui du idénicheur) connotera donc une attitude particulière envers le monde féminin (...) Le confiné.

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le reclus, sera celui qui, coume nous dirions ̂ s'accroche auxjupes de sa mère^ l'hoimne qui ne peut se détacher de cettesociété de fennnes dans laquelle il est né et oû il a grandi(...)" (ce, 64-65)

Le schême logique que L.S. met en oeuvre pour relier M2 â estdonc le suivant:

qu'est-ce qui oppose le héros de M2 à celui de M^?

le premier est un adulte, meurtrier de sa femme; lesecond est un enfant qui a commis l'inceste avec samère

- on peut trouver un terme médiateur entre les deux fautes:

l'arbre de possessivité vis-â-vis la femme

- ce dénominateur commun permet d'engendrer une nouvelle opposition

société de.femmes / société masculine.

Mais cette nouvelle onposition n'est en fait qu'une médiation pourparvenir au message du mythe ^ qui est le rétablissement du confact entreles morts et les vivants.

" la société des hommes incame ici-bas la société des âmes, ellecorrespond au sacré, par opposition au monde profane et féminin."(ce, 65)

Bref, l'abus de possessivité, puis l'opposition monde masculin / monde féminin servent de médiation progressive entre M2 qui parle d'un enfant"accroché aux jupes de sa mère" (au sens propre: inceste, et au sens figuré)et M2, qui parle d'un héros culturel reliant la société des hommes â la société des âmes.

b) L'opposition binaire et le triangle

Selon Jakobson, maître de L.S. en linguistique, "tout l'universde la communication serait régi par le principe dichotomique (qui se retrouvedans le binarisme des traits distinctifs du linguiste ainsi que dans lelBina-risme de la théorie de l'information)" (Eco, 338).

L.S. met également en oeuvre fondamentalement le schème de l'opposition binaire. Toute structure de signification peut se réduire è un exemplecomplexe d'oppositions binaires et L.S. ne manque pas d'effectuer cette réduction. C'est en fait l'opération indispensable pour être en mesure deparcourir l'univers mythique: expliciter une opposition c'est tracer un

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axe sémantique sur lequel viennent se relier deux éléments apparemment disparates. A la limite^ on peut dire que l'opposition binaire permet de reliern'importe quoi, selon les besoins de la démonstration: il est toujours possible de trouver entre deux n^rthes deux éléments entre lesquels on puissetrouver un axe d'opposition.

L'opposition binaire sert d'opérateur de passage i.e. de transformation entre deux mythes. Hais les schêmes ou armatures communes â plusieursmythes sont plus souvent ternaires.

Exemples. '^(..•) les Salish conmutent dans leurs mythes la Raied'une part, et un couple formé par le Serpent et la Grenouille d'autre part (...) Cette triade de termes complémentaires ou antagonistes réapparait dans les mythestacana sur la danse des grenouilles (...) il est déjàclair qu'une opposition majeure existe entre la Raieet le Serpent: l'une a la forme d'un losange aplati,l'autre a celle d'un cylindre allongé. Hais les connotations symboliques, attestées dans les deux hémisphères,que nous avons reconnues â la Raie, permettent de développer l'opposition sur d'autres plans. Car, si laRaie est une créature utérine, le serpent offre avecle pénis une affinité qu'un vaste groupe de mythes exploite de façon méthodique (...) entre ces deux séries,la Grenouille occupe une place intermédiaire: commeune femme collante elle offre la contrepartie del'homme au long pénis. Hais, de l!autre côté si l'onpeut dire, la Grenouille affligée d'une incontinenced'urine (...) entretient aussi un rapport complémentaire avec la Raie sur qui l'on urine (...)" (HN, 493-494)

Bref, dans l'optique salish, il y a opposition entre Raie d'une partet Serpent et Grenouille d'autre part; -, dans l'optique tacàna, l'oppositionse situe entre Raie et Serpent, la Grenouille servant de terme médiateur: lestrois termes sont nécessaires â l'équilibre du schème logique.

On trouve un schème semblable a propos de ce "triangle culinaire".L'opposition la plus évidente se situe entre le cru (nature) et le cuit(culture). Cependant, il y a dans le code alimentaire un Sème terme: lepourri, qu'on pourrait définir comme aliment "cuit par la nature".

Ce troisième terme est nécessaire â l'équilibre conceptuel du code,comme on peut constater lorsqu'on examine comment il se manifeste dans lestechniques ctilturelles de préparation des aliments. Les deux grandes techniques de cuisson sont le rôtissage et le bouillage. On pourrait penser quele roti réalise le mode naturel (cru) et le bouilli, le mode culturel (cuit).Hais en fait, le roti est â la fois cru en dedans et cuit en dehors: il

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incarne 1'ambiguïté de la nature.et de la culture. Il faut donc trouver unetroisième technique, s'opposant au bouilli selon la même opposition qui estinterne au roti: c'est la technique de fumage.

Le fumage est la technique culturelle par excellence; il représente donc le cuit. Le bouilli doit alors s'opposer au fumage selon l'axenature / culture (opposition interne â la technique du rôtissage): c'estle symbole de la cuisson naturelle i.e. le pourri.

" grillé au dehors, saignant en dedans, le roti incarne l'ambiguitédu cru et du cuit, de la nature et de la culture, que, pour que

la structure soit cohérente, le fumé et le boiiilli doivent illustrer à leur tour (...) " (TC, 27)

En fait les trois principales techniques culinaires ne s'opposent,selon l'axe nature / culture que de façon ambiguë.

- quant atuc moyens, le roti et le fumé sont du côté de la nature,le bouilli du côté de la culture (puisque la nourriture n'estrapproché du feu que par l'intermédiaire d'un chaudron)

- quant aux résultats, le fumé est du côté de la culture (cuit)le rôti et le bouilli, du côté de la nature (cru et pourri)

L'ambiguité de l'analyse ne fait que réfléter l'ambiguité de lastructure.

" même quand la structure se transforme ou se complète pour surmonter un déséquilibre, ce n'est jamais qu'au prix d'un nouveaudéséquilibre, qui se manifeste sur un nouveau plan." (TC, 28)

c) Structure et groupe de ig.ein.

On n'a jusqu'ici parlé que très peu de structure. Cette "absence"est conforme a la démarche de L.S.: les mythologiques explicitent des "armatures", des "systèmes',' des "axes", mais il y est rarement question explicitement de structures.

Qu'est-ce donc que la structure dans les analyses empirique de L.S.?Dans l'Anthropologie structurale. L.S. proposait une loi de transformation desmythes pouvant correspondre â l'idée intuitive de structure (voir ci-dessus)mais on ne retrouve pas, comme telle, cette loi dans les mythologiques.

Ce qui correspond le plus clairement â l'idée de structure, c'est cequ'il appelle le groupe de Klein: ensemble de mythe dont les rapports detransformation peuvent se sjnnboliser par: X, - x, 1 , -il

X X

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Exemple; Les versions nord-amêricaines du mythe du dénicheur d'oiseau.

Les versions nord-amêricaines du mythe du dénicheur d'oiseau peuventdébuter de qtiatre façons différentes:

mode I: ça commence par l'histoire d'une soeur incestueuse

mode II: par l'histoire d'une soeur chaste

mode III: par l'histoire d'une grand-mère libertine

mode IV: par l'histoire d'une mère changée en ogresse quand elleest indisposée (mère cannibale).

L.S. a pour objectif de montrer que ces quatre façons de commencerl'histoire sont en rapport de transformation. On a déjà une opposition explicite entre les modes I et II. Mais comment concevoir une opposition entre lagrand-mère libertine et la mère cannibale? L.S. va démontrer que l'oppositionréelle se situe en fait entre: la soeur incestueuse et la mère cannibale,d'une part; entre la soeur chaste et la grand-mère libertine d'autre part,ces deux oppositions constituant, â un niveau plus profond, une oppositionultime entre la vie et la mort.

Démonstration:

1. Dans la version-type du mode I, on ne trouve pas seulement unesoeur incestueuse, mais aussi une mère protectrice, et une grand-mère ogresse:les trois personnages apparaissent dans le mythe, avec une caractéristique opposée de celle qué leur attribue les trois autres modes. L'histoire est, engros, la suivante:

Une soeur amoureuse de son frère est furieuse parce que celui-cilui résiste. Elle incendie le village, faisant mourir tout lemonde, sauf sa mère. Celle-ci, en fouillant dans les décombres,trouve le cadavre de sa bru Stumelle qui était enceinte. Dutrou que les flammes lui ont fait dans le dos, la grand-mère sortdeux enfants: un garçon et une fille (la bru s'était couchée surle ventre en mourant pour protéger l'enfant). Four éviter quene recommence l'histoire de la soeur incestueuse, la grand-mèrecolle ensemble les deux enfants, faisant d'eux un garçon â deuxtêtes.Un jour l'enfant tire une flèche en l'air, qui lui retombe surla tête et le fend en deux. Lui et sa soeur interrogent lesoleil pour savoir qui a tué leurs parents. Le soleil leurapprend que celle qui est responsable vit dans l'eau: c'estDame Plongeon (i.e. "huart"). Les enfants découvrent DamePlongeon et la tuent, puis se sauvent par crainte des représaillesde leur-grand-mère.

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Celle-ci se met à leur poursuite et découvrant que la fille estenceinte, elle s'habille d'une peau d'ours que son petit-fils atué, surprend celui-ci et le mange ( Z grand-mère cannibale).Elle va ensuite chercher la fille, qui réussit â la tuer en luienfonçant dans l'anus des pierres rougies au feu.La fille décide alors de se jeter au feu avec son enfant. Maisle démiurge Kamukanch passant par là aperçoit l'enfant, le rattrape au vol et décide de l'adopter.Cet enfant sera le héros Âishish dénicheur d'oiseau.

On obtient donc le tableau suivant:

Mode : I II m iv

soeur

grand-mère

mère

incestueuse protectrice(chaste)

cannibale incestueuse

(libertine)

protectrice cannibale

2. Le schème d'ensemble comporte donc six termes. Selon le principeméthodologique que plus la structure est simple, plus elle permet de récupérerd'éléments de contenu, L.S. essaie de voir s'il n'y aurait pas moyen de simplifier ce schème.

- on peut identifier la mère cannibale et la soeur incestueuse:plusieurs versions insistent pour dire que la soeur avait sesrègles, de même que la mère devient cannibale quand elle a sesrègles;

- la soeur incestueuse peut s'opposer à la mère protectrice comme la jeunesse temporairement stérile (Dame Plongeon) à lajeunesse fertile (Dame Stumelle) : c'est l'opposition de lafemme indisposée â la femme enceinte;

- la grand-mère s'oppose aux deux premières comme une femme quin'est plus indisposé et qui ne peut plus être enceinte: c'estl'opposition femme jeune / femme âgée;

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«Xi.

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- mais comment la grand-mère peut-elle s'opposer a la soeur chastedu mode II? Un détail de l'histoire nous éclaire: la soeurprotectrice conservait sa virginité en prenant durant le jourl'apparence d'une vieille grand-mère.L'opposition en question est donc celle d'une vieilles irréversible (stérile) contre une vieillesse réversible (éventuellementféconde).

On trouve donc le message suivant:

la mère qui meurt enceinte en donnant naissance à des enfants posthumes attestela puissance irrêductibh de la vie; de mâne que la grand-mère qui fait desefforts pour conserver une vie sexuelle atteste qu'il lui est interdit derajeunir.

Puisqu'il s'agit de parler de la vie et de la mort, que viennentfaire dans l'histoire la Dame Plongeon (jeune femme sférile) et la soeurchaste (vieille femme réversible)?

Il suffit de se rappeler pour le comprendre que le sens n'existeque comme terme d'une opposition: Dame Stumelle ne peut signifier la vieque pour autant qu'il existe une Dame Plongeon pour représenter la stérilité;et la grand-mère libertine ne peut signifier l'inéversibilité de la vieillesse que pour autant qu'il existe une vieille femme chaste et réversible (lasoeur protectrice).

On obtient ainsi une structure formelle très simple, réalisationpar excellence de la "structure": la formule quadripartite.

" En fin de compte, l'opposition de la jeunesse féconde et dela jeunesse stérile, et celle de la vieillesse réversible etde la vieillesse irréversible qui lui est symétrique, peuvents'exprimer sous une forme que nous ne rencontrons pas pour lapremière fois: ,

X» » '/-C »-Vy." (HN,244)