Analyse post varsovie et bonn mars 2014

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En route vers Paris Climat 2015. Analyse du contexte, des enjeux et propositions du Réseau Action Climat Mars 2014

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En route vers Paris Climat 2015. Analyse du contexte, des enjeux et propositions du

Réseau Action Climat

Mars 2014

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Analyse du contextes et dynamiques de l’international au national

I. Analyse du contexte à la sortie des négociations à

Varsovie La contestation de la réalité du changement climatique (CC) en France et à l’international s’affaiblit de plus en plus. Le 5ème rapport du GIEC ne propose que 4 scénarios mais avec plus de certitudes cette fois, dont un seul qui laisse la possibilité de maîtriser le changement climatique sous le seuil de 2°C. Barack Obama a explicitement souligné que le CC était un fait certain dans son discours State of the Union en janvier 2014. Les assureurs et les entreprises sont de plus en plus nombreux à chiffrer le coût économique et non-économique des dommages liés au changement climatique pour les systèmes de production, de transport de marchandises et pour les infrastructures. Les banques de développement – la Banque Mondiale notamment - sont elles aussi en train de réévaluer les coûts d’un développement sous contrainte climatique et des évènements extrêmes depuis plusieurs décennies. La couverture médiatique de ces évènements extrêmes a également beaucoup augmenté. Fin 2013, le rapport du PNUE estime que l’écart entre les efforts de réduction d’émission actuels et les efforts requis est de 11 à 13 Gigatonnes et qu’il faut agir immédiatement et drastiquement pour laisser ouverte la fenêtre du 2°C. Puisque l’UE et les émetteurs historiques ont pris du retard dans leurs baisses d’émissions pré-2020, ils ont accumulé une responsabilité supérieure. S’ils avaient été collectivement en haut de la fourchette de 25-40% de baisse à l’horizon 2020 (indiquée dans le résumé pour les décideurs du 4e rapport du Giec), alors leurs efforts auraient pu être plus mesurés après 2020. Or ils ne sont même pas situés collectivement à l’intérieur de la fourchette !Il n’est même pas certain que le Giec propose un partage de l’effort dans le volet n°3 de son 5e rapport. Il va donc être plus difficile pour les ONG de se fonder sur des arguments scientifiques1. Pourtant, cela ne se traduit pas par plus d’actions et d’engagements dans les négociations internationales. La COP19 de Varsovie a marqué un net recul dans l’ambition multilatérale malgré un contexte de vulnérabilité climatique de plus en plus marquée et étudiée. Alors que le typhon Hayian sévissait aux Philippines, dans la région d’influence du Japon, ce dernier a annoncé à l’ouverture de la COP19 une baisse de son objectif pour 2020 : de -25% à -3,8% (soit une augmentation de 3,1% par rapport à 1990). Au même moment, l’Australie a élu un gouvernement climato-sceptique qui a commencé par annoncer la suppression de sa taxe

1Rappelons que dans le 4e rapport de 2007, la part de 25-40% pour les pays industrialisés d’ici à 2020

est une décision politique et non pas scientifique. Les scientifiques ne se sont pas prononcés sur cette question, ce sont les gouvernements réunis au sein du Giec qui l’ont fait à partir des conclusions

scientifiques et en accord avec elles. Si les gouvernements refusent d’opérer ce partage à nouveau, alors ces chiffres n’existeront pas. Or la Chine pourrait par exemple s’y opposer car, même en tenant compte de ses émissions his toriques,

elle commence à avoir une responsabilité certaine dans le changement climatique (quoique moindre par rapport aux émetteurs historiques) pour la période post-2020. Idem pour les émetteurs historiques qui ont pris du retard sur le pré-2020. Ils s’y opposeront d’autant plus si le Giec s’exprime sur des

objectifs et mesures correspondant à une approche (nouvelle dans le 5e rapport ) en termes de budget carbone global et partagé (qui préciserait le budget carbone restant à l’UE par exemple).

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carbone et des financements climat pour les pays en développement. Les engagements multilatéraux actuels sont faibles (-18%, loin de la fourchette du 4ème rapport du GIEC de -25% à -40%). Ces engagements sont de plus en plus décalés par rapport à l’ampleur et la rapidité des changements climatiques, et de l’effort à fournir (11 à 13 Gt selon le dernier rapport du PNUE, soit une trajectoire actuelle allant jusqu’à 3,5°C). Le protocole de Kyoto est en souffrance – ses engagements portent sur moins de 15% des émissions mondiales et il a perdu une partie de sa valeur symbolique avec la sortie du Canada, sa deuxième phase pleinement « bottom up » et ses mécanismes de flexibilité en dysfonctionnement. Il repose largement sur la division entre les Annexes datant de 1992. Il est donc difficile de promouvoir un nouveau Protocole équivalent, après 2020. Toutefois, la négociation est de moins en moins représentative des actions nationales.

On constate une volonté nationale chez les pays émergents et les Etats-Unis – a priori croissante – d’agir contre les changements climatiques pour diverses raisons (certainement pas climatiques dans la sémantique). De nombreuses politiques climatiques se sont rapidement mises en place depuis Copenhague :

- En Chine, il y a une prise de conscience que même si la Chine était seule, il n’y aurait pas assez de ressources sur la planète pour satisfaire ses besoins actuels. La Chine a déjà pris l’engagement de réduire l’intensité carbone de sa production, ce qui était impensable il y a encore quelques années. En outre, les citoyens sont mobilisés contre la pollution de l’air qui pose de graves problèmes de santé. En 2013, le gouvernement a annoncé la fermeture de nombreuses centrales à charbon sous la pression populaire. En outre, le prochain plan quinquennal de la Chine pour 2016-2020 pourrait instaurer un cap sur la consommation de charbon.

- Au Brésil, le gouvernement a pris beaucoup d’engagements pour réduire la déforestation. Et est également en train de développer les énergies renouvelables (ENR), même si l’essentiel de ses efforts se concentre sur la préservation de l’Amazonie.

- Aux Etats-Unis, on constate une dynamique forte contre le développement du charbon. Pas pour des questions de climat mais parce que le gaz représente une alternative locale et moins chère. Cependant le narratif dominant parle d’une « lutte » contre le charbon. Ca n’est toujours pas suffisant mais de nombreux Etats américains se mobilisent malgré les blocages au Congrès.

- L’Inde se rend compte que les changements climatiques font peser une menace sur son développement économique et sur ses populations puisqu’elle continue de concentrer une grande partie des personnes vivant sous le seuil de pauvreté de la planète. L’enjeu alimentaire et agricole est particulièrement important pour l’Inde, tout comme la question de l’accès à l’énergie. L’Inde commence à investir massivement dans les énergies renouvelables.

- Certains pays latino-américains travaillent à des trajectoires et plans d’action volontaires très ambitieux par rapport aux actions des pays industrialisés, et ils sont prêts à investir leur propre argent dans ses plans, outre les financements internationaux. Certains comme le Mexique se sont déjà dotés de leur loi nationale. Ces pays sont prêts à développer les échanges et les investissements Sud-Sud.

Ces efforts ne se traduisent pas pour autant par une volonté d’enregistrer ces efforts dans un accord multilatéral (il n’est pas évident de savoir si le problème est réellement la contrainte juridique ou un rejet plus subtil). Les postures dans les négociations ne reflètent pas non plus leurs actions nationales. Dans tous les cas, les efforts fournis restent insuffisants. On peut espérer un accord plus « concret » car appuyé sur des politiques nationales mais plus faible et plus dangereux car il ne ferait qu’agréger et entériner l’existant qui est insuffisant. Le programme de négociation (exigé par AOSIS à Durban fin 2011 pour accepter de retarder l’accord mondial à 2015) visant à renforcer les efforts de réduction entre 2012 et 2020

dans l’ensemble des pays n’a quasiment pas avancé. D’une part, parce que les pays en

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développement refusent de parler de leurs actions futures tant que les pays développés ne respectent pas leurs engagements actuels. D’autre part, parce que les financements manquent à l’appel pour appuyer les efforts – volontaires - des pays en développement – y compris pour planifier et quantifier ces efforts. Or, sans efforts additionnels et immédiats pour combler le fossé qui existe entre l’action et la science, c’est le paradigme même de l’accord de 2015 qu’il faudra revoir pour qu’il soit en mesure de confronter un monde à 4°C.

La négociation est prise à la gorge par un noeud gordien : les financements climat. Depuis l’engagement pris de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici 2020, les financements nouveaux et additionnels manquent à l’appel. Les financements de l’APD sont double-comptés, la tendance à comptabiliser des prêts et des financements privés créent un climat de méfiance de plus en plus toxiques pour les négociations. L’absence de financements freine le volume de projets d’adaptation mis en œuvre, mais aussi le volume de réductions d’émissions dans les pays en développement. Les pays développés disent que les financements viendront après les projets et les pays en développement disent que les financements sont nécessaires pour monter et planifier les projets. Les financements sont-ils l’œuf ou la poule ? C’est la question qui va crisper/détendre la négociation. Or les pays développés ne sont pas prêts à proposer des montants conséquents – ou alors, des financements privés qui sont inadaptés politiquement puisqu’ils déplacent la responsabilité et qu’ils renforcent le principe d’une gouvernance mondiale aux prises des intérêts privés, et parce qu’ils sont le plus souvent inadaptés pour financer l’adaptation (non-rentable). On sent aussi que les financements publics ne sont pas perçus comme une vraie menace pour l’accord. L’analyse que font les gouvernements bailleurs est que la pression vient quasi-uniquement des ONG et que le bras de fer est avec ces dernières plus qu’avec les PMA ou le Groupe Afrique. Par leurs liens historiques et bilatéraux avec les pays en développement, le rapport de force est ailleurs et il est facile de faire taire un chef d’Etat africain à ce sujet. Pire, de nombreux chefs d’Etat ont pour priorité d’attirer le secteur privé dans leurs pays à n’importe quelle condition et n’importe quel coût pour leurs communautés et leurs droits. Pour l’instant, les plus fervents « défenseurs » des financements pour les PMA et le Groupe Afrique sont les pays émergents mais qui s’en servent avant tout pour : a) maintenir la stabilité et la solidarité au sein du G77 ; b) changer le rapport de force dans la négociation à leur avantage. A Varsovie, les pays émergents ont cédé sur la question financière en échange d’un affaiblissement du langage sur les (leurs) engagements dans le futur accord. Même s’ils continuent à défendre formellement la question des financements, un soutien tactique de leur part ne crée pas le rapport de force nécessaire à la COP21. Et en même temps, les récentes discussions au Fonds Vert montre l’importance du facteur financier pour affaiblir le groupe des Like-Minded (qui rassemble un ensemble hétéroclite de pays pétroliers du golfe, des pays émergents, des pays d’Amérique latine, le Mali et la RDC par exemple) . Le Brésil, la Chine et l’Inde ont publiquement affronté l’Afrique du Sud, les PMA, le Groupe Afrique et les îles pour déplafonner l’accès de chaque pays aux financements. La question de l’argent a donc publiquement divisé le G77 et même les BASIC puisque l’Afrique du Sud a choisi de se désolidariser. L’objectif principal du Fonds vert cette année, c’est de finaliser 8 conditions importantes pour créer la confiance nécessaire à la capitalisation du Fonds Vert. Seulement, certains pays qui siègent au Fonds Vert n’en seront pas les principaux bénéficiaires , voire ne seront pas bénéficiaires du tout. Notamment une partie des Like-Minded. Cela signifie qu’il est dans leur intérêt de ralentir les négociations au Fonds Vert pour qu’il ne soit pas capitalisé dans les temps et donc pouvoir brandir l’arme à toute épreuve : pas de financements, pas d’action. Les pays développés pour la plupart ne sont pas non plus armés des meilleures intentions : diplomatie économique, promotion du secteur privé et effet-levier sur les financements privés, et une banque mondiale du climat.

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Les pertes et dommages sont au cœur de la négociation. On parle de pertes et

dommages quand les contraintes/impacts du changement climatique ne peuvent être dépassés, et/ou que l’on ne peut plus s’adapter. C’est un enjeu très réel pour les pays en développement, un enjeu financier énorme également, mais de plus en plus capturé par les tactiques de négociation : pas de financement ou pas de mécanisme serait interprété comme un signe que les pays développés ne veulent pas prendre leurs responsabilités. Les pays en développement ont ainsi un moyen de pression nouveau et puissant quia aussi permis de réunifier le G77. La question des pertes et dommages souligne aussi la limite des négociations climatiques à opérationnaliser la justice climatique. Elle cristallise toutes les tensions et questions sur quelle forme d’équité et sur quelle responsabilité. Elle dénote l’incapacité des Etats à traiter les problèmes autrement que par la compensation financière. Et en même temps, quelle que soit l’issue financière, elle ne permettra pas de compenser véritablement les pertes et dommages. A Varsovie, AOSIS a misé uniquement sur pertes et dommages, au détriment d’une défense du juridiquement contraignant ou de l’ambition pour l’accord après 2020. Les émergents/LMDC ont fait front commun sur les pertes et dommages jusqu’à la toute fin mais avec comme objectif final d’obtenir un affaiblissement du langage sur les engagements. A ce stade, plusieurs options se dessinent :

les pays développés réussissent à embourber les pertes et dommages dans un processus technocratique et donc à en faire un mécanisme institutionnel et sans danger,

les pays en développement utilisent les pertes et dommages comme bouclier tactique (menace de réparation et compensation pour tenir tête aux pays développés et les obliger à franchir des lignes rouges ailleurs comme garder les annexes),

les pays trouvent un compromis du type suivant : des normes pour empêcher l’assurance d’infrastructures à risque, et un engagement financier pour des mécanismes assurantiels publics-privés (comme l’African Risk Capacity) pour financer les pertes agricoles en cas de sécheresse ou d’inondation.

les pays en développement ont pour objectif réel la création d’un mécanisme compensatoire et la négociation bloque,

Par ailleurs, le monde a changé depuis 1992 et depuis 2009. La dynamique géopolitique est complexe, en pleine évolution et crispe d’autant plus la négociation sur l’équité et donc la réussite de l’accord. Les questions « Qui fait quoi ? Qui contribue à quoi, comment, et à hauteur de combien » restent complètement ouvertes et les attentes des pays développés par rapport aux propositions des émergents sont disproportionnées (ex. que les émergents contribuent financièrement). Alors que les pays développés ne respectent déjà pas eux mêmes leurs engagements. Ce dernier constat est utilisé comme un bouclier à toute épreuve par un groupe de négociation de plus en plus fort (« le like-minded group ») qui défend les intérêts des PMA, du Groupe Afrique et des AOSIS en conditionnant leurs efforts au respect des engagements en matière d’atténuation et de financements. Mais ce groupe d’intérêt affaiblit ainsi toute possibilité d’inscrire l’équité et l’ambition dans l’accord : la proposition brésilienne pour l’équité repousse tout engagement chiffré à après 2017, l’Inde a fait sauter le mot équité du texte de décision à Varsovie pour le « préserver », le mot « engagement » a été remplacé par « contribution ». Par ailleurs, le groupe des Like-Minded est composé de pays membres de tous les groupes de négociation, ce qui fait sa force ET la faiblesse des autres groupes. L’Afrique du Sud a rejoint les BRIC/Like-Minded dans les dernières heures de la négociation à Varsovie, « lâchant » de fait le continent Africain. Singapour et Nauru d’AOSIS sont très proches du LMDC par exemple puisqu’ils ont des intérêts économiques incompatibles avec la lutte climatique, et ce rapprochement a tué la force de proposition d’AOSIS, noyauté par ses clivages internes. AOSIS a également perdu son terrain « moral », capturé par le LMDC et Yeb Sano des Philippines. Pire, sous l’influence de Nauru, AOSIS n’a pas défendu la dimension juridiquement contraignante du futur accord à Varsovie. Le seul groupe qui pourrait reconquérir et exiger l’ambition et l’équité est le groupe PMA mais qui est encore trop faible actuellement.

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Par ailleurs, le sommet de Varsovie a acté un glissement sérieux et dangereux du calendrier de la négociation. Varsovie devait obliger les pays à annoncer leurs contributions dans le futur accord le plus tôt possible, en 2014. Cela devait permettre aux acteurs nationaux d’étudier et de s’approprier ces contributions, de les juger au regard de l’enjeu international (2°C, équité) et du contexte national, et de mettre la pression sur les gouvernements pour renforcer ces objectifs si nécessaire. Malheureusement, il a été décidé que le texte de négociation serait prêt au plus tard en mai 2015, et que les pays annonceraient leurs contributions entre fin 2014 et avril 2015 (glissement attribuable au calendrier électoral américain).

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II. Etat des lieux suite à une première semaine de

négociations à Bonn en mars 2014 Dans le contexte des préparatifs d’un accord mondial sur les changements climatiques fin 2015 à Paris, une première semaine de négociations climat s’est déroulée à Bonn du 10 au 14 mars 2014. Elle a concerné trois points en particulier :

a) Les contributions nationales post-2020 des pays (attendues d’ici mars 2015)

Pour rappel : la COP19 à Varsovie, en novembre dernier, a appelé les pays à soumettre leurs « contributions » dans le cadre de l’accord après 2020 d’ici fin mars 2015. Le terme « contribution nationale », apparu dans les dernières heures de la négociations à Varsovie, vient remplacer le terme plus fort « engagement ». Il s’agit maintenant de préciser quelles informations ex ante les pays doivent fournir dans le cadre de leur contribution. Cette question est essentielle pour de nombreuses raisons : pour garantir la comparabilité, la transparence et la compréhension des contributions qui seront présentées ; et pour garantir la capacité des gouvernements et de la société civile mondiale à évaluer et comparer ces contributions nationales entre mars et décembre 2015 et si possible, créer une pression suffisante pour que tous les Etats se fixent des objectifs plus ambitieux. Il s’agit aussi de fixer le champ de cette contribution. Pour les pays développés, les contributions concernent uniquement l’atténuation. Pour une partie des pays en développement (PED), les contributions des pays développés doivent autant concerner l’atténuation que les financements qu’ils comptent fournir pour appuyer les PED. Pour certains, c’est le seul moyen de sécuriser et de renforcer la prévisibilité des financements publics après 2020 et ainsi, l’ambition des contributions nationales des pays en développement. Pour d’autres, cela ralentira les négociations : peu de pays développés seront en mesure de s’engager de manière fiable et certaine sur des financements publics après 2020 et par effet ricochet, cela signifierait que peu de pays en développement soumettront de contributions climatiques ambitieuses. Un atelier a permis à plusieurs pays de présenter l’état de leurs préparatifs pour leur contribution nationale mais pour l’instant, il manque les indicateurs pour les comparer. Il est attendu que la COP20 à Lima précise les informations ex ante qui formateront les contributions. Mais la discussion pourrait s’envenimer sans résolution de la question du financement dans le cadre de ces contributions. Un atelier de deux jours sur la suite des financements climat est prévu pendant les négociations en juin prochain et sera l’occasion pour les pays développés de préciser leurs intentions financières (objectifs, montants, sources) à la fois pour 2014-2020 et pour après 2020.

b) Les modalités d’action pour relever l’action climatique jusqu’en 2020.

Pour rappel : les efforts de réduction d’émission des pays et des secteurs sont actuellement plus qu’insuffisants pour tenir un cap compatible avec un réchauffement climatique sous 2°C. Les rapports du PNUE et de l’AIE sont fermes : il faut impérativement rattraper ce retard entre 2014 et 2020 pour que le 2°C reste à notre portée. En d’autres termes, AVANT que le futur accord mondial n’entre en vigueur en 2020. Dans ce contexte, le groupe de négociations des pays insulaires (AOSIS) a exigé fin 2011, à Durban, la création d’un groupe de travail sur l’ambition avant 2020 pour éviter que l’attention internationale se focalise uniquement sur un accord qui arriverait trop tard. Mais depuis, les négociations n’ont pas avancé, faute de volonté politique. D’une part, faute de financements prévisibles et suffisants de la part des pays développés pour appuyer les efforts de réduction volontaires des pays en développement. D’autre part, parce que les pays développés ne montrent pas l’exemple en relevant leurs propres objectifs 2020 (Kyoto et non-Kyoto) et pour certains, ont annoncé qu’ils ne les tiendraient pas (Japon, Canada). Le groupe de travail peut également construire ou amplifier des initiatives de coopération

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internationale sur des secteurs spécifiques : les gaz réfrigérants HFC qui ont un pouvoir de réchauffement énorme à court terme, les transports internationaux qui représentent une part croissante des émissions ; l’efficacité énergétique dans les bâtiments et les énergies renouvelables. Cette semaine, plusieurs ateliers et séances informelles ont été organisés pour étudier le potentiel et les actions des pays en matière d’efficacité énergétique et d’énergie renouvelable. L’IRENA a présenté un scénario qui permettrait de tripler le déploiement des ENR d’ici 2030. Il s’agit maintenant de concrétiser des solutions pour faciliter le déploiement des énergies renouvelables, plusieurs pays ont appelé les négociations à se focaliser sur l’appui que la CCNUCC peut apporter – via ses institutions comme le Comité pour les Technologies et le Fonds Vert. Une proposition qui circule dans la négociation : un tarif de rachat mondial ou régional pour les énergies renouvelables. Lors des négociations en juin, des ateliers similaires sont prévus sur les villes durables et les transports et seront l’occasion d’étudier d’autres formes de coopération.

c) La question des financements climat En ce qui concerne les engagements financiers après 2020, les États-Unis et l'UE ont

souligné clairement que les financements climat se poursuivront après 2020 mais qu’ils n’entendaient pas préciser et répéter « l’erreur » de l’engagement à 100 milliards de dollars. Ils voient les contributions financières augmenter de deux manières : en limitant le nombre de bénéficiaires et en augmentant le nombre de contributeurs. Evidemment, les potentiels contributeurs rejettent cette idée en bloc. La question de la nature des financements se pose : pour de nombreux négociateurs, le financement privé ne devrait pas faire partie de l'accord car c'est trop difficile à suivre et à compter. Ce manque de clarté sur le financement après 2020 renforce le climat de méfiance entre les pays. Un autre problème se pose : comment traiter / gérer le risque du financement après 2015 en concurrence avec l'ordre du jour de la finance climatique en 2015. Qui pourrait signifier un petit pot commun pour régler tous les problèmes. En ce qui concerne les "contributions nationales". Les pays développés entendent limiter le champ de ces contributions à l’atténuation alors que les pays en développement demandent que ces contributions indiquent également les contributions financières post-2020. En ce qui concerne le déficit de financement pré -2020. Il y a des attentes élevées pour

la capitalisation du Fonds Vert. C'est la priorité pour les pays de l'UE qui le voient comme le moyen de faire des progrès substantiels sur le financement rapidement et éviter un blocage des négociations en 2015. L’échéance serait le sommet de Ban Ki Moon en septembre 2014 si les négociations avancent comme prévu. Malheureusement, les États-Unis ne seront pas en mesure d’annoncer leur contribution au sommet de Ban Ki Moon à cause des électionsde mid-term. Il y a aussi un sentiment parmi de nombreuses délégations nord et sud que certains pays pourraient bloquer les progrès réalisés au GCF afin qu'ils puissent continuer à utiliser le bouclier " pas de financement, pas d'action ». Dans le cadre de WorkStream 2, il faut commencer à négocier/adopter des initiatives concrètes à financer pour à la fois répondre à l’urgence de réduire les émissions rapidement et recréer de la confiance entre les parties sur la nature de l'ambition que nous pouvons atteindre collectivement. Plusieurs ateliers sur les EnR et les EE se sont déroulés tout au long de la semaine et de nombreux partis ont appelé à étudier ce que les institutions de la CCNUCC (TEC et GCF) pourraient faire pour maximiser les initiatives de court terme. Parmi les idées concrètes qui circulent, on est de tester la coopération régionale pour les tarifs d’achat des énergies renouvelables dans les pays en développement.

d) le processus et l’agenda de négociation Le principal sujet qui a occupé les négociateurs cette semaine a été le format des négociations. Pour l’instant, les négociations sont encore informelles, dans le cadre la plateforme de Durban (ADP). Le G77 a appelé les négociations à passer en mode formel –

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en « groupe de contact ». Cela signifie que les négociateurs travaillent sur un texte de négociation ; et que ce groupe et le texte sont obligés de tenir compte formellement des propositions, éléments et amendements de tous les pays. La crainte principale est que les négociations se fassent entre quelques pays et que les propositions des uns et des autres disparaissent – comme ca a été le cas à Varsovie. Finalement, un seul groupe de contact a été créé sur l’ensemble des sujets de la plateforme de Durban, et initiera ses travaux lors des négociations à juin. Et rien n’interdit ce groupe de créer des sous -groupes de négociation sur des questions plus spécifiques. Les présidents de l’ADP soumettront une note à ce groupe de contact sur les modalités de travail et les pays feront des soumissions sur ce qu’ils souhaitent voir dans le texte de négociation.

e) Préparer les négociations de Juin

La session de négociation prévue fin juin aura beaucoup de travail sur la planche pour réunir les conditions d’un succès en 2014 et en 2015. La COP de Lima cette année devra préparer le terrain pour un accord à Paris. Ce doit être la COP de l’ambition pre-2020, le moment qui nous rassurera sur la faisabilité d’un accord après-2020. En ce qui concerne l’accroissement des efforts pré-2020, il est temps d’étudier et de décider en quoi les institutions et mécanismes de la Convention Climat peuvent soutenir et amplifier les initiatives internationales en matière d’efficacité énergétique et d’ENR. Par exemple, que doit financer le Fonds Vert ? Quelles technologies doit promouvoir le Comité des Technologies ? Les réunions ministérielles prévues en juin doivent également faire l’objet d’annonces rassurantes de tous les pays développés, y compris mais pas seulement l’Union Européenne, pour renforcer leurs objectifs actuellement trop insuffisants pour 2020. C’est aussi l’occasion de réaffirmer l’engagement des pays développés à accroître les financements publics pour le climat dès maintenant. En ce qui concerne l’accord après 2020, tous les pays doivent se mettre au travail pour accélérer leurs préparatifs pour une contribution nationale qui place chaque pays sur une trajectoire de sobriété énergétique compatible avec l’objectif de stabiliser le réchauffement climatique sous les 2°C. Et ces contributions doivent être sur la table le plus tôt possible.

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Les premières propositions du RAC pour l’accord à Paris

1. Les efforts et engagements additionnels avant 2020.

Contexte. Même si l’instrument juridique qui sera créé à Paris ne concernera que l’après-2020, les négociations en 2014 et 2015 et l’accord de Paris doit inclure beaucoup de décisions sur comment renforcer le niveau d’ambition national et collectif entre 2014 et 2020. C’est une condition sine qua non pour rester sur une trajectoire compatible avec l’objectif de >2°C, et c’est une condition sine qua non pour que l’accord après 2020 fasse sens. Dans le cas d’une trajectoire de réchauffement plus élevée, tous les termes de l’accord après 2020 seraient à revoir. Les rapports du PNUE et de l’AIE sont très clairs sur le fossé énorme entre nos actions actuelles et ce que nous devrions faire. Ils nous disent aussi que le seul moyen. Les pays déjà contraints par le Protocole de Kyoto ont souscrits à l’obligation d’étudier comment et si relever leurs objectifs pour 2020. C’est tout l’objet de la 1ère ministérielle prévue à Bonn en juin 2014. On sait déjà que l’UE n’annoncera pas une relève de son objectif à -30% mais annoncera avoir déjà atteint et dépassé son objectif pour 2020. Les pays développés non contraints par le Protocole de Kyoto et les pays en développement n’ont, pour leur part, aucune obligation. C’est tout l’objet du groupe de travail « Workstream 2 » qui doit relever l’ambition pré-2020 de l’ensemble des pays, et de la 2ème ministérielle prévue à Bonn en juin 2014. Parmi les options pour relever l’ambition avant 2020, la relève des objectifs absolus nationaux (pour les pays développés notamment), l’adoption d’initiatives complémentaires internationales (ICI) sur des secteurs internationaux (aviation, maritime, gaz HFC) ; régionales et sous-régionales en matière de déploiement de l’efficacité énergétique et des EnR ; des engagements financiers additionnels pour appuyer telle ou telle initiative ; la suppression/réforme de subventions à la pollution ; des initiatives pour les villes durables ; des initiatives agriculture et forêt. Depuis un moment, cette négociation est prise en otage par la question des financements absents. Les pays en développement utilisent l’argument financier et la responsabilité historique comme un bouclier pour ralentir cette négociation. En d’autre mot, pas de responsabilité historique = pas d’obligation et droit au développement donc pas d’argent = pas d’actions volontaires. Les récentes discussions à Bonn en mars ont permis d’identifier le fort potentiel en matière d’EnR et d’EE dans le monde et les barrières à leur déploiement : le manque de financement mais aussi l’absence d’environnements institutionnels, fiscaux et juridiques favorables, le non-accès aux technologies et compétences requises.

Parmi les questions à résoudre : Quelles initiatives pour quels résultats ?

Comment déployer ces initiatives et quelle est leur place sous la CCNUCC ? Que peut faire la Convention pour les appuyer/les enclencher ?

Comment les comptabiliser ? et éviter une double comptabilisation avec les réductions d’émission déjà comptabilisées par les Etats dans leurs communications nationales ?

Comment distinguer les actions volontaires à faible ou zéro coût de celles qui exigeraient un effort collectif et considérable ?

Propositions du CAN-RAC sur le pré-2020

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Identification d’actions spécifiques (baisse des émissions et financements). En particulier, il s’agit de prioriser les actions en matière d’efficacité et d’énergie renouvelables.

Construction et expansion de coalition de pays, couplées avec les financements qu’elles nécessitent pour mettre en oeuvre des actions ;

Création d’une plateforme bénéficiant d’un certain niveau de visibilité, permettant aux pays d’annoncer leurs actions supplémentaires permettant de réduire le fossé de l’ambition. Il peut s’agir d’une plateforme en ligne, conjuguée à un évènement annuel, organisé à chaque COP. La plateforme en ligne pourrait donner des informations sur les meilleures pratiques mises en oeuvre par les pays, et les nouvelles actions entreprises par eux.

Création d’un système de reporting léger pour savoir si ce processus et ces actions permettent de combler le déficit d’ambition. Il ne s’agit pas de créer de nouveaux canaux ou exigences de reporting, mais de s’appuyer sur l’existant.

donner un mandat au Comité d’experts techniques de la CCNUCC (TEC) pour qu’il appuie le partage d’information et la collaboration entre pays et acteurs.

Les organes de la CCNUCC, y compris ceux qui oeuvrent à resserrer le fossé de l’ambition, doivent prioriser le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique comme solutions immédiates à la lutte contre le changement climatique. C’est sur ces sujets qu’il aura le plus de valeur ajoutée. Une meilleure coordination entre les instances onusiennes sur ces questions paraît essentielle (Fonds vert, et institutions du Mécanisme sur la technologie). Par exemple, les pays pourraient exiger du Fonds vert qu’il priorise le financement des énergies renouvelables et d’économies d’énergie au sein de son portefeuille de projets d’atténuation.

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2. Les engagements (« contributions nationales ») en

matière de réduction après 2020

Contexte. A la COP19 de Varsovie, les pays ont décidé de ne plus parler pas

d’engagements mais de contributions déterminées au niveau national. Actuellement, le processus de définition de ces «contributions » est donc entièrement entre les mains des pays. Ceux « en capacité de le faire » doivent soumettre leurs contributions d’ici mars 2015. D’ici la, beaucoup de questions à régler pour éviter un affaiblissement généralisé de l’ambition.

Parmi les questions à résoudre : La comparabilité. Pour éviter de comparer des pommes et des oranges. Il est essentiel

que la COP valide une sorte de format commun que tous les pays rempliraient. Cf. point sur la transparence et la contrainte. Il faut néanmoins soutenir une différenciation entre pays sur le niveau de détail ou le type d’objectifs attendus. Par exemple, les PMA pourraient mettre sur la table des propositions de programmes et politiques pour le déploiement des EnR/EE et de réforme de leurs subventions aux énergies fossiles. Des propositions de nomenclature sont sur la table : celles les plus ambitieuses sont celles de l’UE et du WRI pour l’instant.

La faisabilité technique. Dans le cas des pays développés, des scénarios de moyen et long terme existent déjà pour modéliser la faisabilité et l’impact économique de différents niveaux d’engagement du pays en question. Dans le cas de nombreux pays en développement, une barrière technique existe : l’absence de donnée, l’absence de scénarios nationaux fiables et consolidés.

L’équité et le 2°C. Cette approche entièrement volontariste empêche une répartition un peu automatique des efforts entre les pays et ne permet pas d’évaluer en amont si oui ou non l’agrégation des efforts suffit. Il est urgent que des propositions et projets de recherche recommandent une répartition des efforts « top-down » pour influencer informellement les Etats, les médias et permettent aux ONG de brandir des chiffres. La France travaille surement sur ce type de scénarios top-down. L’IDDRI aussi travaille sur un projet de Deep Decarbonization Pathways. EcoEquity a développé un calculateur pour déterminer la part juste de chacun.

L’ambition. Politiquement et techniquement, il existe un risque que les Etats proposent des trajectoires/objectifs qui reflètent leurs trajectoires tendancielles ou des objectifs déjà actés dans leurs politiques nationales. Ou proposent des objectifs au rabais en mars 2015 pour pouvoir impressionner la planète à Paris en relevant leurs objectifs par surprise. D’autres pourraient conditionner une relève de leurs objectifs à une ambition globale.

L’échéance. La période d’engagement pour le prochain accord n’est pas encore décidé. Deux propositions sur la table : des contributions nationales à échéance 2030 ou à échéance 2025 ? Un engagement à 2025 est très court et ne permet pas forcément d’y voir clair sur les trajectoires à plus long terme, et exige une renégociation dès début 2020. L’engagement sera aussi moins ambitieux à priori. En même temps, un engagement sur 10 ans, c’est très long, surtout si les contributions proposées sont quasiment de l’ordre du BAU. Dans tous les cas, proposer des objectifs pour 2025 ou 2030 en 2015, c’est tôt. Des compromis juridiques sont à l’étude par la société civile et les pays les plus progressistes : un engagement à 2025 automatiquement relevé pour 2030 ? une relève des objectifs prévus pour 2025 juste avant l’entrée en vigueur de l’accord (en 2019 ?) ? un mécanisme de révision de l’ambition ? Un système à géométrie variable qui permet à ceux qui veulent aller plus loin de le faire sans attendre?

Les contributions financières. Depuis Bonn en mars, il est très clair que les contributions devront inclure des éléments sur les engagements financiers après 2020. Cette question est complexe politique puisque les pays développés n’ont pas l’intention de s’engager

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comme ils ont pu le faire à Copenhague. Complexe techniquement aussi car indiquer des éléments dès aujourd’hui ne leur donne que peu de valeur juridique. Aucun Etat ne peut engager des financements détaillés et sérieux autant en amont. Se pose aussi la question de savoir que ce devrait contenir les contributions nationales des pays en développement en la matière.

Propositions du CAN-RAC sur les contributions nationales Les contributions des grands pays émetteurs (pays développés et pays présentant des capacités et responsabilités similaires) devraient inclure :

Leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre en termes absolus, inter-sectoriels, exprimés par rapport à 1990.

Leur soutien financier pour appuyer les pays en développement à s’adapter au changement climatique et à emprunter une voie de développement moins émettrice de gaz à effet de serre. Ce soutien financier doit faire partie intégrante de la part de l’effort qui incombe aux pays développés et aux autres pays présentant des responsabilités et capacités similaires dans la lutte mondiale contre le dérèglement climatique. Il s’ajoute aux contributions en matière d’atténuation des émissions.

La fin de leurs subventions ou niches fiscales favorisant les énergies fossiles, et la création d’un signal prix du carbone.

Les contributions des pays en développement présentant des capacités élevées et une responsabilité conséquente dans la lutte contre le changement climatique devraient inclure

Des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre inter-sectoriels, exprimés a minima sous la forme d’une diminution de l’intensité carbone (CO2 émis par unité de PIB), ou bien d’une déviation par rapport aux projections tendancielles d’émissions de gaz à effet de serre.

La part de leur contribution qu’ils peuvent mettre en oeuvre avec leurs ressources nationales.

La part de leur contribution pour laquelle ils sollicitent un soutien financier, technique et un renforcement de capacité, fourni par les pays développés.

De manière volontaire, ces pays pourront annoncer des contributions financières (par exemple au Fonds vert).

Les contributions des autres pays en développement devraient inclure :

Leurs objectifs et/ou politiques publiques sectoriels, par exemple celles visant à déployer les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Et comment ils agissent pour que ces politiques répondent aux besoins des plus pauvres, notamment des femmes.

Leurs besoins financiers pour mettre en oeuvre ces politiques, notamment les investissements (infrastructures etc.) et les réformes de grande ampleur.

Les Pays les moins avancés devraient a minima présenter leurs plans pour l’élaboration de leur contribution nationale et avoir la priorité pour la réception des financements, tant pour planifier leur contribution que pour la mettre en oeuvre.

Tous les pays devraient préciser ce en quoi leur contribution est adéquate et équitable par rapport aux autres pays, et référencer les indicateurs d’équité utilisés (adéquation, responsabilité, capacités, besoins de développement, besoins d’adaptation).

Les contributions nationales doivent reposer sur des cycles de 5 ans (donc pour ces premières contributions: 2020-2025). Des périodes courtes sont en effet la meilleure façon de ne pas s’enfermer dans un niveau général d’ambition trop faible, et de relancer régulièrement les efforts. En sus des contributions pour 2025, certains pays pourront volontairement proposer leurs contributions à horizon 2030 s’ils le souhaitent. Ce point concerne tout particulièrement l’Union européenne, qui a uniquement négocié son objectif interne de baisse d’émission à l’horizon 2030, mais devrait pourtant être en mesure d’annoncer un objectif 2025.

Tous les pays doivent accorder un rôle primordial à la société civile, notamment locale, et

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aux autres parties prenantes, dans l’élaboration des contributions nationales. En particulier, tous les gouvernements sont encouragés à organiser des consultations nationales.

Il s’agira également de réévaluer ces contributions à la hausse avant la COP21.

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3. Les financements avant et après 2020

Contexte. La question des financements climat est de plus en plus compliquée à aborder puisqu’il faut à la fois se battre pour la concrétisation des engagements financiers pre-2020 qui ne sont toujours pas respectés ET réfléchir aux engagements financiers après-2020 tout en évitant des modalités qui répéteraient les mêmes erreurs. Depuis l’engagement pris fin 2009, les 100 milliards par an d’ici à 2020 promis par les pays développés tardent à se matérialiser. Depuis l’échec des financements précoces (30 milliards promis pour 2010-2012) qui a surtout exposé les efforts de triche comptable, la confiance est brisée. Lors de la « ministérielle » sur les financements à Varsovie, tous les pays n’ont pas fait d’annonces sur les montants financiers prévus pour les années à venir et les annonces ont été disparates et difficiles à suivre et comparer. La France par exemple, ne s’est pas exprimé sur les montants qu’elle compte engager. On sait qu’une partie des financements de l’AFD seront redirigés sur le déploiement des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique dans les pays en développement. En d’autre terme, les financements climat augmentent mais l’APD elle n’augmente pas. Pire, elle baisse. La TTF qui devait représenter une recette additionnelle vient en fait compenser une baisse de l’APD française. Dans ce contexte, les décisions de Varsovie demandent aux pays développés de s’exprimer tous les deux ans sur leurs stratégies et progrès pour atteindre les 100 milliards de dollars d’ici à 2020. A cet effet, des ministérielles sont prévues tous les deux ans, en commençant fin 2014. Les pays doivent également communiquer sur leurs financements actuels via les communications biannuelles, la première sera due cette année. La question des sources de financements est passée à la trappe. Les pays en développement considèrent que c’est un problème interne pour les pays développés et n’a pas besoin d’être discutée dans le contexte des négociations. Ils craignent que ces sources impliquent une contribution mondiale et applicable à tous (une taxe sur les avions ou les bateaux par exemple) qui remettrait en cause l’équité. Dans tous les cas, la question des financements bloque toute avancée dans la négociation et commence à servir les intérêts de groupements de pays qui n’ont pas à cœur un accord ambitieux. Elle empêche notamment de progresser sur la mise en œuvre d’initiatives complémentaires de réduction d’émissions pré-2020 qui permettraient de financer des efforts additionnels et volontaires dans des pays en développement avec un fort potentiel de réduction d’émissions. La question des financements après-2020 est extrêmement polémique. C’est le sujet tabou de la négociation puisqu’il soulève la question de qui doit y contribuer, du montant et de la nature du financement. Pour l’instant, les pays en développement misent sur des contributions classiques uniquement de pays développés. Certains continuent d’appeler les pays développés à mobiliser 1,5% de leur PIB pour appuyer les pays en développement. Actuellement, les contributions nationales attendues en 2015 cristallisent cette question. Les ONG s’interrogent de plus en plus sur comment mobiliser

Parmi les questions à résoudre : Quelle articulation entre financements public et privés ? Pour les ONG, les 100 milliards

de dollars doivent être entièrement publics car déjà, ils ne représentent qu’une maigre solution à un problème de plus en plus coûteux. En revanche, la décision de Copenhague reste floue et parle de financements publics, privés et alternatifs. Et laisse donc la porte ouverte à toutes les options.

Quels financements pour quelles actions pré-2020 ? La question des financements pour renforcer les initiatives est très difficile à régler. D’une part, il existe des financements/investissements dans les énergies renouvelables, etc ailleurs que dans la CCNUCC. Par exemple, l’initiative SE4ALL. Le gouvernement français espère faire reconnaître ces efforts externes en tant que contribution aux efforts pré-2020. Se pose la question de la valeur ajoutée de la CCNUCC dans le déploiement de ces initiatives. Et si financement il y a, sous quelle forme ? A partir du moment où c’est sous la COP, faut-il que cet argent passe par des canaux CCNUCC (le Fonds Vert) ou s’agit-il de noter des initiatives bilatérales et régionales ?

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Comment comptabiliser ces financements ? Certains bailleurs souhaiteraient comptabiliser les financements privés « mobilisés » grâce aux financements publics et souhaiteraient que la définition de « mobiliser » soit la plus large possible pour pouvoir compter tout et n’importe quoi. D’autres bailleurs encore aimeraient directement comptabiliser des financements purement privés. Se pose aussi la question de la comptabilisation des prêts. Les pays en développement et les ONG appellent à comptabiliser seulement.

Quid des financements pour les pertes et dommages ? Pour quelles pertes et quels dommages ? comment les évaluer ? C’est une ligne rouge pour de nombreux pays bailleurs mais aussi pour l’ensemble du G77.

Quels objectifs/engagements financiers après 2020 Déjà, faut-il privilégier des objectifs ou des engagements ? Pour éviter une triche comptable, les ONG ont identifié plusieurs options : resserrer les objectifs/engagements financiers. Par exemple, un objectif financier spécifique pour l’adaptation ? un objectif de financements publics ? différents objectifs ?

Comment articuler les financements climat et les financements pour l’agenda post-2015 ? La question sera posée de facto malgré tous les efforts de la société civile pour séparer les enjeux climat des enjeux de développement, surtout si les ODD visent le déploiement des EnR et de l’EE pour tous ou la résilience climat des infrastructures. Faut-il appeler à un pot commun et des canaux différents par thématique ou continuer à demander des financements séparés qui seraient ensuite mixés via les canaux/projets ?

Propositions du CAN-RAC : Une feuille de route pour les 100 milliards. Les pays donateurs doivent esquisser une

feuille de route globale des financements bilatéraux sur le climat d’ici à 2020, afin de renforcer la prévisibilité et de garantir l’augmentation progressive des financements publics. La feuille de route doit inclure des informations sur (a) l’augmentation des financements publics d’ici 2020 (b) les types de financement et les instruments qui seront utilisés et (c) les canaux, les sources et l’allocation des financements entre adaptation et atténuation avec l’objectif de renforcer la prévisibilité et l’augmentation progressive des financements publics et de fixer des jalons intermédiaires.

Des objectifs et des engagements de financements publics. L’accord de Paris doit

comprendre des engagements globaux de financements publics. Ces objectifs globaux de financements publics seraient dédiés au Fonds Vert, à l’adaptation et aux pertes et dommages, et additionnels à l’Aide Publique au Développement. Les pays contributeurs seraient amenés à prendre chaque année des engagements financiers pour atteindre ces objectifs globaux.

Un engagement de toutes les institutions publiques internationales, régionales et nationales de verdir leurs investissements/flux financiers, à la fois pour ne plus financer

de projets et infrastructures non-résilients face aux impacts du changement climatique et émetteurs de GES. Ces flux doivent être redirigés vers les projets d’adaptation, d’énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Grâce à l’effet levier, cet engagement des institutions publiques permettra d’appuyer la redirection de flux plus importants du secteur privé.

Des financements innovants. Il est urgent de remobiliser de l’énergie politique pour

arriver à un accord pour étudier et mettre en œuvre d’ici à 2020 des nouveaux instruments de mobilisation des financements climat additionnels et internationaux. Parmi les options à fort potentiel : la taxe sur les transactions financières (notamment via le projet de coopération renforcé entre 11 pays européens), une taxe pollueur payeur sur les transports internationaux ou sur les principales entreprises qui représentent 63% des émissions de gaz à effet de serre.

Des garde-fous et des règles claires sur les financements publics et privés comptabilisés au nom du climat. Il ne s’agit pas de comptabiliser tout et n’importe quoi

au nom du climat. Les pays en développement se sont sentis floués depuis qu’il est

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devenu clair que les financements climat dépensés entre 2010 et 2012 étaient surtout des financements engagés au titre de l’APD et relabelisés de manière ad hoc. La CCNUCC a des règles encore trop floues pour comptabiliser les financements climat de manière fiable et juste. Par ailleurs, elle ne comptabilise que la partie publique des financements climat. A partir du moment où de nombreux Etats entendent comptabiliser des financements privés dans les 100 milliards, des règles strictes s’imposent pour déterminer quels financements privés peuvent compter, et à quelles conditions et pour quel type d’action.

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4. Le Fonds Vert

Contexte. Le Fonds Vert commence à prendre forme et soulève deux enjeux pour 2014 : les modalités de gouvernance pour qu’il soit réellement innovant et pro-pauvres, et sa capitalisation initiale. Depuis 2010, les ONG appellent à la capitalisation du Fonds Vert. Suite au CA en octobre 2013, il a été décidé que le processus d’abondement du GCF pourrait commencer une fois que 8 prérequis seraient remplis, normalement au premier semestre 2014. Pas plus tard que trois mois suivant leur adoption, une procédure d’appel à contribution serait lancée. En attendant, quelques pays ont déjà engagé des financements dans le Fonds Vert mais principalement pour financer les dépenses administratives et l’appui au renforcement des capacités nationales. La pression de financer le Fonds Vert est de plus en plus forte, depuis le temps qu’il en est question et vu la capacité démontrée de la question financière à bloquer toute avancée dans les négociations. La France prévoit une contribution de 270 millions pour 2015-2017 sur la base de la TTF. Et

envisage d’augmenter cette contribution de xx millions par an pour atteindre un montant un peu plus « sexy ». Et/ou de faire une annonce 2015-2020 pour que le montant ait l’air plus important. Seulement, cette annonce serait uniquement politique et non inscrite dans le projet de loi de finance. Une autre option serait de contribuer sous forme de prêt également pour faire enfler la contribution française mais cette façon de faire pose problème aux autres bailleurs. Sapin est « mobilisé », et a déjà eu l’occasion de s’exprimer sur climat aux Spring Meetings et participera à une réunion du comité de pilotage COP21 avant l’été – l’occasion de discuter de la contribution française au Fonds Vert mais la décision finale sera entre les mains de Matignon et Elysée.

Parmi les questions à résoudre : Combien ? Les ONG appellent à une contribution initiale de 10 à 15 milliards de dollars

en 2014 pour « lancer » les activités du Fonds Vert, nous ne spécifions pas l’échéance pour une 2ème contribution. Les rumeurs qui circulent parmi les pays proposent de doubler le montant dès CIF (= entre 10 et 12 milliards US$). Pour rappel, les CIF sont constitués principalement de prêts. Ce qui est sur, c’est que ces annonces seront ad hoc, volontaires et bottom-up. Le montant global va dépendre de la capacité et la volonté des pays bailleurs à se coordonner et un pays facilitateur-champion sera crucial.

Quand ? Les pays développés sont a priori prêts à capitaliser le Fonds Vert, notamment pour mettre fin à la dynamique toxique dans la négociation qui consiste à utiliser l’absence de financement comme un bouclier contre toute action. Ils ont compris l’importance politique du geste financier et leur intérêt à désamorcer la bombe avant la COP21. Le gouvernement français est très inquiet de tout retard pris par le Fonds Vert et en fait une priorité politique pour 2014. Ils sont prêts à organiser un CA de rattrapage cet été pour réunir les 8 conditions à temps.

Quand ? La date initialement pressentie pour des annonces financières était le sommet de Ban Ki Moon en septembre. Malheureusement, cette date est fragilisée par le risque d’un échec au 7ème CA + par l’impossibilité politique des américains à contribuer avant les élections de mid-term. Certaines ONG hésitent à appeler à une capitalisation du Fonds Vert à partir du moment où il ne ressemble en rien au Fonds attendu et pose de sérieux problèmes de gouvernance.

Qui doit contribuer ? Les pays développés se sont engagés dans une bataille pour obliger les pays émergents à contribuer au Fonds vert. C’est devenu un bras de fer symbolique des changements de dynamique dans la négociation plus globale et les pays en développement font preuve de résistance. Certains pays développés, UK notamment, suggèrent très explicitement que les pays en développement essaient de freiner les négociations au Fonds Ver pour éviter toute discussion sur leur contribution et plus largement, leurs contributions à l’effort de réduction d’émission. Le Fonds Vert pourrait devenir le laboratoire de l’équité – sur les choix faits en matière d’allocation des ressources mais aussi sur les types de contributions/sacrifices des uns et des autres.

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Certains pays en développement ont déjà contribué financièrement au Fonds Vert malgré l’opposition forte au sein du G77. Ils y voient une façon d’inciter les pays bailleurs à contribuer et une forme de responsabilité nationale fonction de la capacité économique du pays. Indonésie = 250 000 dollars. Un pays pourrait renoncer à demander des financements au Fonds Vert ou n’accéder qu’aux prêts/outils plus complexes et laisser les dons aux PMA. Une proposition circule pour créer un fonds de solidarité sud-sud au sein du Fonds Vert qui permettrait à des pays « en développement » de contribuer sans perdre son statut précieux de pays en développement (Benito Muller).

Propositions du RAC sur la capitalisation du Fonds Vert Le CAN propose une capitalisation initiale du Fonds Vert à hauteur de 10-15 milliards

de dollars.

Pour ce qui concerne la contribution française pour cette première capitalisation, nous l’estimons à un milliard d’euros au regard du poids de la France dans les institutions d’aide publique au développement. Le montant prévu par la TTF est de seulement 270 millions d’euros, bien en deca de la contribution attendue.

L’important, c’est aussi que les pays s’engagent dès la COP21 à définir et participer dans processus d’abondement formalisé et non ad hoc et volontaire avant 2020 pour une 2ème capitalisation du Fonds Vert dans le cadre de la première période d’engagement post-2020.

Propositions du RAC sur la gouvernance du Fonds Vert De manière générale, nous nous inquiétons de voir que les modalités de gouvernance qui

feront du Fonds Vert un fonds qui protège et sert les populations les plus vulnérables (country ownership, no objection procedure, readiness for direct access ) ne figurent pas parmi les décisions essentielles pour la mise en opération du Fonds Vert. Pour nous, le Fonds Vert doit se distinguer des autres fonds existants et tirer les leçons de leurs erreurs. S’il ne le fait pas, il sera effectivement difficile de le soutenir et de le promouvoir auprès des parlementaires et citoyens déjà trop souvent déçus par les institutions multilatérales.

La place du secteur privé. Actuellement, nous ne pensons pas que la facilité pour le secteur privé est l’élément novateur du Fonds Vert. Au contraire, le flou qui règne autour de la facilité, la tendance à l’autonomiser et lui donner des règles séparées rappellent de douloureux souvenirs de mainmise de grandes entreprises et banques privées sur des politiques de développement. Nous espérons que la France défendra une facilité pour le secteur privé qui a pour priorité et mandat de contribuer au développement des micro, petites et moyennes entreprises dans les pays bénéficiaires, notamment dans le secteur des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique – et non aux multinationales qui y opèrent ou à leurs filiales dans ces pays. Par ailleurs, le travail sur les critères de respect des droits humains et de responsabilité sociale, environnementale et fiscale des acteurs du secteur privé qui seront soutenus dans ce cadre est essentiel et ne doit pas être reporté (cela doit de fait s’appliquer dès les premiers projets engagés). Les règles de fonctionnement de cette Facilité devraient notamment faire explicitement référence à des cadres agréés au niveau international comme les Principes Directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme ; elles devraient imposer, en lien avec ce cadre, une obligation de « diligence raisonnable » aux entreprises soutenues, c’est-à-dire l’obligation d’identifier, prévenir et réduire les risques d’atteinte aux droits humains et à l’environnement découlant de leurs activités. Au-delà de ces textes internationaux englobants sur la responsabilité des acteurs du secteur privé, il serait également nécessaire de faire référence aux directives volontaires sur la gouvernance responsable du foncier élaborées dans le cadre du Comité pour la Sécurité Alimentaire Mondiale, pour répondre au phénomène croissant d’accaparements de terres. Il est essentiel que la Facilité ne soutienne pas, directement ou indirectement, de projets participant à ce

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phénomène d’accaparement des terres et des ressources naturelles par des acteurs privés aux dépens des populations locales, par exemple comme cela peut être le cas avec le développement de méga-projets industriels ou énergétiques.

La possibilité d’objecter aux projets. Nous sommes préoccupés de voir que le PSAG recommande au CA de ne pas acter une procédure de non-objection explicite, et de la maintenir tacite. Il est pourtant essentiel de permettre aux gouvernements de se prononcer après une consultation préalable, libre et éclairée des communautés directement affectées par le projet – cela exige une procédure plus exigeante, plus explicite, plus longue et plus inclusive (par exemple, l’obligation de rédiger une lettre formulant la non-objection au projet proposé, les documents disponibles dans les langues locales et les consultations obligatoires sur le terrain avec les communautés affectées). Dans la même logique, si le principe d’un mécanisme de recours recevant et gérant les dénonciations de violations des droits générées par des projets financés par le Fonds constitue un pas en avant important, il convient de le mettre en application très rapidement et, là encore, de ne pas reporter les discussions à une période ultérieure.

L’appropriation nationale. Nous sommes préoccupés de voir le country ownership dilué dans les documents et très absent des procédures qui seront actées au CA de Songdo. Si ses modalités ne sont pas renforcées dès à présent, elles seront difficiles à cranter a posteriori, une fois que les procédures sont en place et rodées. Pour l’instant, les procédures en phase d’adoption font une très large place – de facto certes – aux intermédiaires habituels qui ont un réel intérêt à défendre leur place dans le Fonds Vert, au détriment du développement de l’accès direct. Un programme de travail précis doit être pour redonner toute son importance au country ownership. La France doit renforcer le langage sur le country ownership dans l’ensemble des décisions prises – notamment le rôle et les responsabilités des autorités nationales désignées et les consultations/plateformes multi-parties prenantes nationales/locales dans le cycle projet.

La place de la société civile dans l’appropriation nationale. Le Governing instrument est très clair sur la nécessité de mettre en place des mécanismes de consultation et d’implication des parties prenantes. Ce type de mécanisme contribuera à renforcer naturellement le country ownership qui – faut-il le rappeler – dépasse largement le State-ownership. C’est l’implication d’une multitude d’acteurs locaux et nationaux qui favorisera l’appropriation et l’acceptabilité des projets, renforcera le rôle et le potentiel des acteurs économiques privés du pays, améliorera le choix des projets et la redevabilité des gouvernements dans la mise en œuvre de ces projets ; évaluera les impacts et tirera des enseignements utiles pour la suite. Le Fonds mondial pour le sida a mis en place de telles plateformes avec succès, et depuis longtemps déjà, la société civile propose de répliquer ce type de mécanisme dans le Fonds Vert.

Les co-bénéfices. Nous sommes inquiets de voir les co-bénéfices relégués au rang d’options « pick and choose » par les entités de mise en œuvre et non au cœur des critères pour la sélection et validation des projets. Ce sont les co-bénéfices qui feront la différence et la transformation. La tonne de C02 la moins chère ne peut être le principal indicateur de performance. Cette tonne peut être financée par d’autres que le Fonds Vert. Le Fonds Vert doit atteindre les tonnes de C02 plus difficiles mais aussi génératrices de co-bénéfices pour le développement des populations.

Pas de projets toxiques pour l’environnement et les hommes. Nous voyons un risque élevé que le Fonds Vert finance des projets à fort impact négatif social et environnemental au nom de la lutte contre le changement climatique. Nous attendons plus de clarté sur les projets/programmes et politiques que le Fonds Vert pourra et ne pourra pas financer. Le CA doit impérativement adopter une liste d’exclusion de projets qui sont nocifs. Parmi ceux que nous rejetons en particulier : les projets d’agro-carburant à grande échelle/industriels; les grands barrages ; les OGM ; le nucléaire ; le charbon « propre »..

Des projets pro-pauvres pour le déploiement des EnR et de l’EE. En plus d’une liste d’exclusion, nous souhaiterions voir adopter une liste d’inclusion. Le Fonds Vert doit faire une place explicite et prioritaire au soutien aux projets de déploiement des énergies renouvelables – notamment décentralisés, hors réseau ou en mini-réseaux, qui ont

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souvent plus d’impacts positifs sur le développement humain, l’accès à l’énergie, le développement économique et le climat que les grosses centrales qui ne bénéficient pas aux populations locales/pauvres. Le Fonds Vert ne fait pas non plus une vraie place à l’efficacité énergétique. Nous rejoignons votre inquiétude sur l’insuffisante place faite aux politiques qui peuvent favoriser le déploiement et la réussite de ces projets. Par exemple, les politiques de tarif d’achat pour les énergies renouvelables.

L’accréditation des entités doit aussi prendre en compte des critères environnementaux et sociaux pour permettre une plus grande eff icacité du fonds vert. C’est un enjeu de cohérence et d’innovation pour le fonds qui permettrait de s’assurer que l’argent disponible renforce une politique durable et n’est pas là pour compenser des actions « néfastes » soutenues par ailleurs.

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5. La vision de long terme pour la transition énergétique :

100 % ENR et 0 fossiles en 2050

Contexte. La communauté internationale s’est déjà fixée comme objectif de stabiliser le

réchauffement climatique en deca de 2°C mais cet objectif ne dit pas la trajectoire de réduction des émissions, ni les exigences pour le tenir. Il s’agit maintenant de traduire c et objectif plus concrètement, notamment en vision énergétique. Pour respecter le budget carbone qui permet de

tenir l’objectif de 2°C selon le GIEC, il faut laisser 80% de nos réserves en énergies fossiles dans le sol. Cette évidence n’est toujours pas assumée dans la négociation et la production et consommation d’énergies fossiles (du lobby tout puissant à la défiscalisation du kérosène pour certains secteurs de

l’économie en passant par le choix de la capture et la séquestration du carbone) continuent de freiner toute action ambitieuse de lutte contre les changements climatiques. Il est impératif d’envoyer un signal clair et collectif sur le début de la fin de l’ère des énergies fossiles. Quelque part, cette

révolution a déjà commencé : les investissement se multiplient dans les nouvelles technologies, les énergies renouvelables croissent de plus en plus vite, les emplois liés à cet essor aussi. Le danger c’est que l’accord n’envoie pas un signal clair aux investisseurs sur la direction dans laquelle inves tir

et que des « fausses » solutions se fassent une place dans le mix énergétique mondial et absorbe des ressources publiques déjà trop rares : le nucléaire notamment.

Propositions du CAN La société civile mondiale partage un même objectif : inscrire dans l’accord a) la sortie des

énergies fossiles le plus vite possible et au plus tard en 2050 et b) un monde 100% renouvelable d’ici 2050.