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RAPPORT Commissariat Général au Développement Durable Février 2013 Analyse Intégrée de Résilience Territoriale L'exemple de la catastrophe d'AZF Centre d'Études Techniques de l'Équipement du Sud-Ouest [email protected]

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RAPPORTCommissariat Général au Développement Durable

Février 2013

Analyse Intégrée de Résilience Territoriale

L'exemple de la catastrophe d'AZF

Centre d'Études Techniques de l'Équipement du Sud-Ouest

[email protected]

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Organisme(s) commanditaire(s)

Commissariat Général au Développement DurableDirection de la Recherche et de l'InnovationJean-Michel TANGUY

Tour Voltaire 92 055 PARIS

Tél. [email protected]

Références administratives Affaire n° 01-13-018-2012/01-018 commandée le : 22/10/2012

Affaire suivie par Le chargé d'affaire Géraldine BURDALETT SCGSI

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V.1 24/01/2013V.2 21/02/2013

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Rédacteur(s) Géraldine BURChef de groupe

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Relecteur Didier TREINSOUTROTDirecteur DALETT

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Métadonnées

Référence documentaire N °ISRN : EQ-CT33-13-39-FR

Titre Analyse Intégrée de Résilience Territoriale – L'exemple de la catastrophe d'AZF

Description Synthèse et analyse d'entretiensAuteur(s) Géraldine BURDate du rapport Février 2013Mots clés Risque Technologique, Aménagement, Gestion de crise, Résilience

Mots clés géographiques : Pays, région(s), département(s), commune(s)

France/Midi-Pyrénées/Toulouse

Type DiffusableRègles de diffusion En cas de confidentialité, indiquer le motif admis par la commission d’accès aux documents

administratifs (CADA) :• Le document contient des secrets (délibération du gouvernement, défense

nationale, politique extérieure, vie privée, industriel et commercial).• La communication du document peut nuire au déroulement d’une procédure

contentieuse, à la recherche d’infractions fiscales ou douanières, à la sûreté de l’État et à la sécurité publique.

• La communication de ce document est interdite par la loi.• Document intermédiaire ou préparatoire à une décision.• Rapport nominatif comportant un jugement de valeur sur une personne

physique citée ou identifiable.

Source : Circulaire no 2001-15 du 26 février 2001 relative à la littérature grise : repérage, traitement, diffusion et valorisation sur Internet et Intranet des rapports d’études et de recherche du ministère de l’équipement, des transports et du logement

Droits Ce document ne peut être reproduit en totalité ou en partie sans autorisation expresse de CETE du Sud-OuestCrédits photos – illustrations : CC BY-NC-SA 2.0 – CETE SO © Autres

Identification A renseigner si l'information est connue à la finalisation du rapport

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Résumé

Dans le cadre de la démarche « Analyse Intégrée de Résilience Territoriale » initiée par le Commissariat Général au Développement Durable du Ministère de l’Écologie, de l’Énergie et du Développement Durable, la délégation de Toulouse du CETE du Sud-Ouest a été chargée de conduire un retour d'expériences sur la catastrophe d'AZF, par le biais d'entretiens conduits au cours des mois de décembre 2012 et janvier 2013 auprès d'acteurs locaux.

Le rapport « Analyse Intégrée de Résilience Territoriale – L'exemple de la catastrophe AZF », qui constitue une synthèse de ces entretiens, propose un panorama (non exhaustif puisque basé sur un nombre limité d'entretiens) :

– des enjeux du territoire étudié en termes de vulnérabilité et de résilience ;– des actions menées en vue d'augmenter la résilience du territoire ;– des leçons tirées de la catastrophe en matière de résilience.

Il ressort, de l'analyse menée, que la catastrophe d'AZF a révélé, du fait de son ampleur et de son intensité exceptionnelles :

– un certain nombre de vulnérabilités préexistantes sur le territoire tant sur le plan économique et social, qu'en termes d' infrastructures, de logements et d'aménagement ;

– la nécessité de repenser les pratiques et les modes de faire des acteurs de terrain pour permettre, au delà du retour à la normale, la résilience ;

– un certain nombre de lacunes dans la gestion de la crise et de l'après-crise mais également des facteurs favorables à la résilience du territoire et de sa population.

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SOMMAIRE1 - PRÉSENTATION DU TERRITOIRE.............................................................................................61.1 - Le pôle chimique de Toulouse...................................................................................................61.2 - Le site industriel d'AZF...............................................................................................................7

2 - PRÉSENTATION DE L’ÉVÉNEMENT..........................................................................................72.1 - Caractéristiques de l’événement................................................................................................72.2 - Impacts de la catastrophe........................................................................................................8

3 - PROBLÉMATIQUES MAJEURES RETENUES.........................................................................103.1 - La catastrophe comme révélateur de la « fracture sociale toulousaine »................................103.2 - Inventer des modes de faire pour gérer la crise.......................................................................103.3 - Repenser l'aménagement du territoire et la gestion des risques.............................................10

4 - ENJEUX DU TERRITOIRE CONCERNÉ PAR RAPPORT À L'ÉVÉNEMENT, EN TERMES DE VULNÉRABILITÉS ET DE RÉSILIENCE........................................................................................11

5 - ACTIONS PRÉVUES, MENÉES, ABANDONNÉES EN VUE D'AUGMENTER LA RÉSILIENCE DU TERRITOIRE.......................................................................................................125.1 - La prise en compte des victimes de la catastrophe.................................................................125.2 - La création d'outils et de modes de faire pour aider au relogement .......................................135.3 - Requalifier la ville après la catastrophe ...................................................................................145.4 - Repenser la perception du risque après la catastrophe...........................................................17

6 - LEÇONS QUE NOUS EN TIRONS ............................................................................................186.1 - Les points positifs : qu'est ce qui favorise la résilience des populations et du territoire ?.......186.2 - Les lacunes : qu'est-ce qu'il reste à améliorer ?......................................................................18

7 - ANNEXES ...................................................................................................................................19

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1 - Présentation du territoire

1.1 - Le pôle chimique de Toulouse

En 1852, la municipalité de Toulouse décide de transférer la poudrerie historique du centre de la ville vers l'île du Ramier, à 3 km au sud de l'agglomération, dans un endroit relativement isolé.

Pendant la seconde guerre mondiale, la poudrerie de Toulouse devient l'une des plus grandes de France et l'industrialisation du site se renforce par la construction d'une poudrerie supplémentaire, de sorte qu'en 1918 le site industriel couvre près de 400 hectares, ôtant au lieu tout aspect champêtre.

En 1924, le site de cette seconde poudrerie est choisi comme lieu d'implantation de l'Office National Industriel de l'Azote (ONIA), qui prendra le nom de Grande Paroisse en 1987, puis d'AZF en 1990.

Le pôle chimique de Toulouse a compté jusqu'à 30 000 emplois durant la seconde guerre mondiale puis a connu un fort déclin puisqu'il ne comptait plus, en 1965, que 3 200 emplois.

Cette désindustrialisation du pôle chimique a favorisé la forte péri-urbanisation de la ville à partir de la fin de la seconde guerre mondiale. De nombreux terrains à vocation industrielle, aux prix très attractifs, se sont trouvés libérés pour accueillir l'afflux de population dû d'une part à l'exode rural, d'autre part à la décolonisation. Un nimportant parc résidentiel, notamment à caractère social, a été bâti à proximité du site d'AZF (comme Empalot ou le Mirail). L'augmentation des besoins en services générée par la construction de logements a conduit, dans les années 60, à la création de la rocade sud puis à l'implantation d'établissements scolaires (années 50 à 70) et enfin d'une importante zone commerciale (années 70 à 80).

Source Illustration : M. CAUHOPE, « De la Poudrerie nationale de Toulouse au Cancéropôle : La catastrophe d'AZF dans les dynamiques territoriales d'un espace industriel urbain (1850-2008) »

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1.2 - Le site industriel d'AZF

Au moment de la catastrophe, l'usine AZF employait 450 personnes sur un périmètre de 70 hectares et produisait divers produits chimiques, notamment à base d'azote.

L'usine AZF était une Installation Classée pour la Protection de l'Environnement (ICPE), soumise à autorisation et servitudes d'utilité publique. Elle était également soumise à la réglementation européenne SEVESO et avait, dans ce cadre, fait l'objet d'une étude de dangers en 1989 qui avait retenu comme scénario majeur la rupture d'un collecteur d'ammoniac et avait ainsi établi des périmètres d'alerte et de protection.

2 - Présentation de l’événement

2.1 - Caractéristiques de l’événement

L'explosion de l'usine AZF s'est produite le vendredi 21 septembre 2011 aux alentours de 10h15 du matin.

Au choc de la détonation générée par l'explosion du hangar 221 (qui contenait entre 300 et 400 tonnes d'ammonitrate) s'est ajoutée, quelques minutes après, la constitution d'un épais nuage composé de poussière et d'ammoniac au dessus du site.

La détonation a été entendue jusqu'à 80 km. L'onde de choc qui s'en est suivie a été estimée comme équivalent à une secousse tellurique de magnitude 3,4 sur l'échelle de Richter. Elle a été ressentie à des centaines de km.

Le nuage a, quant à lui, enveloppé les quartiers proches du Mirail, de la Faourette et de Bagatelle puis s'est déplacé vers la ville de Colomiers (à 10 km) qu'il a survolée à 10h45 avant de se diriger vers le département du Tarn-et-Garonne.

Pendant quelques heures, la ville de Toulouse a été complètement paralysée, complexifiant la tâche des équipes de secours. Les sirènes d'alerte, soufflées par l'explosion, n'ont pu se déclencher. Les réseaux téléphoniques ont très vite été saturés. La circulation automobile puis la circulation aérienne et ferroviaire ont été interrompues.

Il a ainsi fallu entre 15 et 20 mn pour que la Préfecture et les services de secours identifient le site de la catastrophe.

Deux types d'actions ont alors été mises en place :

- d'une part, l'organisation d'un hôpital de campagne à proximité du pôle chimique afin de trier les blessés et de les orienter vers les établissements médicaux les plus adaptés ;

- d'autre part, la sécurisation des installations chimiques avec l'arrêt des installations dans les minutes qui ont suivi l'explosion puis l'évacuation des produits chimiques qui a duré plusieurs mois sous le pilotage de la Direction de la Recherche, de l'Industrie et de l'Environnement (DRIRE).

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2.2 - Impacts de la catastrophe

Source : Agoravox.fr – Auteur inconnu Source : Agoravox.fr – Auteur inconnu

• Sur la population

Selon le bilan officiel, 30 personnes dont 22 dans l'usine ont perdu la vie durant la catastrophe et 12 000 personnes ont été blessées.

• Sur les bâtiments

Plus de 30 000 logements ont été détruits ou endommagés.

Plus de 5 000 entreprises ont été sinistrées engendrant des suppressions d'emplois estimées à 960 en juillet 2002.

• Sur les institutions

Le secteur de l'enseignement

192 bâtiments communaux ont été touchés, dont 85 écoles maternelles et primaires.

18 collèges et 11 lycées ont été endommagés dont deux ont été définitivement fermés.

Plusieurs bâtiments universitaires (Université du Mirail, Ecole Nationale Supérieure des Ingénieurs en Arts Chimiques et Technologies, cité universitaire Daniel Faucher) ont été touchés entraînant soit des réhabilitations soit des reconstructions dans d'autres endroits de la ville.

Le secteur hospitalier

L'hôpital psychiatrique Marchant situé en face de l'usine a été gravement endommagé et évacué. Ses patients ont été transférés vers d'autres établissements de la région.

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L'hôpital de Rangueil, l'un des deux plus gros hôpitaux de la ville, a également subi d'importants dégâts.

Le secteur socioculturel

Plusieurs Centres Communaux d'Action Sociale (CCAS) mais aussi plusieurs structures de logement d'urgence ou d'insertion, certains foyers de jeunes travailleurs, de nombreuses maisons de jeunes ainsi que quelques établissements majeurs de l'agglomération (Stadium, Parc des expositions, Zénith) ont été affectés avec des conséquences variables.

Autres bâtiments publics

Le principal dépôt de bus de l'agglomération toulousaine ainsi que le parc atelier de la Direction Départementale de l’Équipement (DDE) ont dû être entièrement reconstruits.

• Sur les réseaux

Le métro a été arrêté par mesures de sécurité pendant quelques heures mais a été rouvert le soir même.

Les lignes de bus ont été partiellement interrompues, 100 bus ayant été détruits dans le dépôt proche d'AZF. Cependant 80% des lignes étaient rétablies dès le lundi soir.

S'agissant du réseau ferré, la ligne inter-gare Toulouse-St Cyprien a été interrompue plusieurs jours.

Le réseau routier a été fermé quelques heures sur les routes adjacentes à l'usine et sur la rocade voisine. Une fois les voies dégagées, le trafic a pu reprendre normalement.

Le trafic aérien a été interrompu quelques heures, le temps d'écarter l'hypothèse de la menace terroriste.

Les réseaux téléphoniques se sont avérés inutilisables pendant quelques heures d'une part parce que certaines installations ont été endommagées par l'explosion, d'autre part en raison de la saturation des lignes ou des coupures d'électricité. Le retour à la normale a pris quelques jours.

Concernant le réseau énergétique, 3 500 foyers se sont retrouvés privés d'électricité et de gaz, avec un retour à la normale un peu plus long pour le réseau de gaz, les vérifications sur l'état des conduites ayant pris davantage de temps.

La catastrophe d'AZF revêt donc un caractère exceptionnel tant par l'importance des dégâts engendrés que par la couverture médiatique, la forte mobilisation citoyenne et l'intervention politique au plus haut sommet de l’État qui ont suivi.

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3 - Problématiques majeures retenues

3.1 - La catastrophe comme révélateur de la « fracture sociale toulousaine »

La catastrophe n'a pas touché uniformément l'agglomération toulousaine. Les quartiers les plus sinistrés par l'explosion sont des quartiers d'habitat social, pauvres à très pauvres. Les habitants de ces quartiers ont immédiatement rencontré davantage de difficultés pour faire face à la catastrophe.

La mobilisation spontanée de multiples acteurs sociaux dans ces quartiers sera relayée dans un second temps par les pouvoirs publics pour coordonner et « institutionnaliser » la gestion de l'urgence.

Cependant la catastrophe a révélé la carence d'intervention immédiate des pouvoirs publics dans les quartiers sinistrés qui contraste avec la rapidité de la mobilisation de la société civile et ainsi souligné la fragmentation « socio-spatiale de l'aire métropolitaine toulousaine qui juxtapose des secteurs à très forte qualification et des secteurs où sont rassemblées des populations en difficultés ».1

3.2 - Inventer des modes de faire pour gérer la crise

Avant la catastrophe d'AZF, il existait un certain nombre de plans d'urgences, le plan particulier d'intervention du pôle chimique et le plan rouge par exemple.

L'intensité de l'explosion et ses conséquences immédiates ont néanmoins mis à mal la capacité des institutions à cibler les mesures les plus efficaces dans les premières heures qui ont suivi la catastrophe.

De manière générale, les modes de faire traditionnels se sont avérés inopérants face à l'ampleur de la catastrophe, ce qui a conduit les acteurs locaux à rechercher de nouvelles pratiques et de nouvelles synergies.

3.3 - Repenser l'aménagement du territoire et la gestion des risques

La catastrophe a révélé un problème de stratégie dans l'aménagement dû à l'absence de conscience du danger au moment de l'initiation du projet d'aménagement.

La nécessité de reconstruire des bâtiments mais également un projet plus global pour le sud-ouest toulousain a très vite fait émerger deux tendances lourdes : la volonté de requalifier l'habitat social aux alentours du site détruit et celle de soutenir de nouvelles filières économiques notamment dans le secteur des bio-technologies.

Cependant la multiplicité des acteurs et la nécessité d'aller vite pour effacer, en quelque sorte, les stigmates de la catastrophe ont conduit, souvent, à l'adoption de projets morcelés dans lesquels la question du risque est vite passée au second rang, du fait notamment de la disparition du pôle chimique.

1 Jalabert (Guy), Jaillet (Marie-Christine), « L'agglomération toulousaine : une urbanisation multipolarisée de l'espace urbain ? », in Métropoles en déséquilibre, Plan Urbain, DATAR, Paris : Economica, 1993, pp.257-281. Extrait de la thèse de Marion CAUHOPE, « De la Poudrerie nationale de Toulouse au Cancéropôle : La catastrophe d'AZF dans les dynamiques territoriales d'un espace industriel urbain (1850-2008) »

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4 - Enjeux du territoire concerné par rapport à l'événement, en termes de vulnérabilités et de résilience

Si l'on analyse le territoire dans ses différentes composantes au regard des impacts de la catastrophe, il ressort :

- une surexposition aux risques industriels de matériels à caractère stratégique comme par exemple le dépôt de bus, le parc de la DDE ; ou de certains réseaux (ex : téléphonie) en comparaison avec les réseaux de distributeurs de gaz et d'électricité exposés ponctuellement à des phénomènes naturels (tempêtes, inondations) ;

- une surexposition des bâtiments pour lesquels il n'existe pas de normes spécifiques de construction dans un territoire péri-industriel où le bâtiment pourrait être considéré comme la première protection des individus ;

- une surexposition des populations socialement et économiquement fragiles. D'une part, l'urbanisme qui a gagné au fil du 20ème siècle le quartier d'AZF a généré en grande partie de quartiers d'habitat social. Les premières victimes sont donc des populations socialement fragiles. Dans un second temps, la forte tension sur le marché immobilier toulousain, qui se caractérise par une faiblesse du logement social, renforce les difficultés engendrées par la catastrophe en matière de relogement ;

- une surexposition d'établissements scolaires. Or les écoles constituent une cible sociétale sensible : capital émotionnel important et capital humain. Ce sont aussi les générations futures qui sont impactées.

Ce constat implique de se questionner, en termes de résilience :

- sur la capacité et les conditions dans lesquelles les acteurs du territoire parviennent à prendre en charge les victimes de la catastrophe ;

- sur la capacité du territoire à se reconstruire dans un contexte où la perception du risque est nécessairement accrue ;

- sur la pérennité dans le temps des mesures ou des modes de faire adoptés en période de crise.

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5 - Actions prévues, menées, abandonnées en vue d'augmenter la résilience du territoire

5.1 - La prise en compte des victimes de la catastrophe

Comme indiqué précédemment, les quartiers de Toulouse situés à proximité du pôle chimique sont ceux qui rassemblent les populations ayant les revenus les plus faibles de l'agglomération. Ainsi les quartiers d'habitat social d'Empalot et du Grand Mirail (Reynerie, Bellefontaine, Bagatelle, Faourette) bénéficient depuis les années 1970 des dispositifs de la politique de la ville. Ce sont aussi les premiers impactés par la catastrophe. Plus de 40% des logements sinistrés appartiennent au parc HLM (représentant un tiers du parc social toulousain), auxquels il convient d'ajouter diverses copropriétés dégradées jouant le rôle de logement social de fait.

Dans les heures qui suivent le drame, les habitants de ces quartiers ainsi que des associations et des travailleurs sociaux présents antérieurement à la catastrophe se mobilisent spontanément pour venir en aide aux personnes les plus touchées. Un fort élan de solidarité se fait jour pour reloger en urgence les personnes sinistrées. Pour les travailleurs sociaux, c'est l'occasion d'activer des réseaux, de faire jouer des coopérations nouvelles qui bousculent finalement les cadres d'intervention traditionnels.

Les pouvoirs publics tardent, quant à eux, à intervenir dans ces quartiers. Cette « fracture » sociale est largement retranscrite dans la presse où il est fait état d'une population laissée à l'abandon et désorientée. Pour illustration, la cellule de soutien médico-psychologique créée par la mairie le jour même de la catastrophe est implantée place du Capitole alors même que les transports en commun sont coupés. Des cellules de soutien décentralisées (soutien psychologique mais également soutien dans les démarches administratives) seront implantées dans les quartiers dans un second temps (le lundi qui suit la catastrophe), suite aux remarques des élus et des associations.

Lorsque les pouvoirs publics reprennent en main la coordination de l'aide d'urgence, ceux qui se sont mobilisés spontanément se sentent en quelque sorte dépossédés et déresponsabilisés. L'élan de solidarité dont beaucoup témoignent est donc de courte durée. S'y substitue peu à peu une aide structurée pour répondre aux urgences du moment, dont le relogement et le montage des dossiers d'indemnisation.

Ainsi avec un co-financement mairie/État, une cellule assurances, qui au départ devait fonctionner 3 mois et qui a finalement fonctionné 14 mois, est créée. Elle a employé une dizaine de personnes, pour la plupart des retraités experts dans le domaine des assurances. Elle a joué un rôle centralisateur des demandes et a permis de renvoyer les dossiers vers les structures les mieux adaptées (organismes HLM, SAVIM, etc...).

Plusieurs questions se posent à ce stade :

- La réponse à la catastrophe par la création des cellules d'aide psychologique est-elle une réponse appropriée à la catastrophe ?

- Comment les institutions et les solidarités spontanées peuvent-elles coexister sans remettre en cause l'efficacité des interventions ?

- Au delà de la période de crise, comment poursuivre l'accompagnement des victimes face à la volonté légitime de beaucoup d'oublier la catastrophe ?

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5.2 - La création d'outils et de modes de faire pour aider au relogement

La gestion de crise a révélé le manque d'outils disponibles pour le relogement et a conduit à l'adoption de processus innovants et à un renforcement de la coopération entre les différents acteurs du territoire.

Après la catastrophe, la Préfecture a mis en place une cellule d'urgence dans le but d'organiser les secours, l'accueil d'urgence, le relogement des sinistrés, etc... Cette cellule a fonctionné durant un mois environ. Elle s'est ensuite transformée en un comité de suivi chargé de traiter différentes problématiques : relogement, travaux, social, médical, …

Parallèlement, 7 cellules dédiées ont été spécifiquement mises en place faisant intervenir principalement les services de l’État, la mairie, le Conseil Général.

En ce qui concerne les dégâts matériels sur les logements, l'association "les architectes de l'urgence" est très vite intervenue pour établir des pré-diagnostics d'urgence. Sur la base de ces diagnostics, les pompiers et la mairie ont opéré une mise hors d'air et hors d'eau des bâtiments qui pouvaient rester occupés.

Un relogement d'urgence a été organisé dès le premier soir dans 5 gymnases de la ville puis dans des mobile-homes en lien avec la SONACOTRA.

Peu après, les entreprises locales du bâtiment ont ouvert un numéro vert pour que les sinistrés puissent les contacter directement en cas de besoin mais répondre aux demandes est très vite devenu ingérable et ces entreprises se sont retournées vers les pouvoirs publics.

Or il existait avant la catastrophe une instance de concertation ( "la cellule économique régionale"), une association loi 1901 qui regroupe tous les professionnels du bâtiment (FF, SCOPE, architectes, bureaux d'études). Pour répondre à l'urgence et au besoin d'organisation des professionnels du bâtiment, la cellule travaux a été créée dans le cadre de cette cellule économique régionale. Elle a commencé à travailler, un mois après la catastrophe environ, sur les questions du relogement provisoire et son activité a perduré 15 mois supplémentaires, les 3 derniers mois étant consacrés à la clôture des derniers dossiers. Elle a compté jusqu'à une vingtaine de personnes qui assuraient une permanence téléphonique de 7h30 à 21h00 tous les jours de la semaine sauf le dimanche. Co-financée par la Préfecture et la mairie, elle disposait de tous les fichiers des entreprises du secteur et a traité au total 6247 dossiers de demandes de travaux.

Il faut rappeler que, suite à l'émotion suscitée par la catastrophe d'AZF, Mme LIENEMANN, alors secrétaire d’État au Logement, en appelle, dans les médias, à la solidarité des entreprises nationales pour venir en aide aux sinistrés toulousains. Suite à cet appel, il a fallu gérer l'afflux d'entreprises plus ou moins bien intentionnées et sélectionner les entreprises à même d'effectuer les travaux. D'autant que la secrétaire d’État avait indiqué que les frais de déplacement des entreprises intervenant sur le secteur de Toulouse seraient remboursés. Il a donc fallu s'organiser pour indemniser les entreprises qui se déplaçaient sur la base de leur facturation et ce en lien avec le CCAS qui, de part son statut, avait la possibilité de réaliser de telles opérations.

Du point de vue technique, durant les deux premiers mois de la catastrophe, a été mis en place du « provisoire durable ». La cellule travaux a lancé un appel à l'innovation afin de trouver une technique assez innovante pour remplacer les fenêtres soufflées lors de la catastrophe tout en garantissant le passage de la lumière et l'aération. Les provifenêtres qui ont été installées permettaient de conserver le bâti en l'état avant le passage des experts tout en permettant aux gens de demeurer dans leurs logements. Total a financé entièrement la pose des fenêtres inventées par une entreprise parisienne. Un an et demi voire deux ans après la catastrophe, certains bâtiments étaient encore équipés de provifenêtres.

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Parmi les autres solutions innovantes imaginées pour répondre aux difficultés des victimes, on peut noter également la négociation menée avec EDF-GDF et Total pour que le surcoût des factures d'énergie soit pris en charge par Total et que les habitants paient des montants équivalents aux factures des années antérieures.

Enfin l'inadéquation des outils traditionnels en matière de logement a conduit à l'adaptation du dispositif OPAH qui a donné lieu à la signature d'une « OPAH-Sinistrés-AZF » entre l’État, la Communauté d'Agglomération du Grand Toulouse, le département de la Haute-Garonne, l'ANAH et divers partenaires tels que l'ADEME, EDF-GDF, … qui visait à subventionner les travaux réalisés sur les logements privés endommagés. Contrairement au dispositif traditionnel qui retient un critère de secteur géographique, l'OPAH-Sinistrés-AZF retient comme principal critère d'attribution le fait d'être sinistré. Le plafond de distribution de l'aide a également été revu à la hausse afin que l'aide profite au maximum de sinistrés.

5.3 - Requalifier la ville après la catastrophe

Le territoire où se situe l'ancienne usine d'AZF est un territoire mal relié au reste de la ville (il n'est accessible que par la route d'Espagne) et non valorisé. Outre ce positionnement défavorable, il existe un certain nombre de contraintes en matière d'urbanisme : un périmètre SEVESO au départ assez large qui a été réduit suite à la fermeture des entreprises chimiques, un Plan Local d'Urbanisme opposable, un Plan d'Exposition au Bruit.

Suite à la catastrophe, les pouvoirs publics ont dû organiser le débat autour de l'avenir du pôle chimique toulousain et une fois la décision prise de fermer le site d'AZF, bâtir un projet d'aménagement de la zone qui prenne en compte ces différentes problématiques, en plus de contraintes techniques spécifiques. Or le site d'AZF et ses alentours, qui font aujourd'hui l'objet du projet d'aménagement, représentent une surface considérable. La Zone d'Aménagement Concertée fait 165 hectares, avec 300.000 m2 de Surface Hors Œuvre Nette (SHON).

C'est donc un projet d'aménagement ambitieux et à forts enjeux pour la ville de Toulouse qui se construit encore actuellement en lieu et place de l'ancien pôle chimique.

• La construction de nouvelles modalités de gouvernance : le débat autour du post-AZF

Il est intéressant de noter les évolutions dans le système de gouvernance post-catastrophe.

Par exemple, avant l'explosion, la DRIRE Midi-Pyrénées se situait plutôt dans une logique de défense de l'industrie chimique. Suite à la catastrophe, elle s'est davantage positionnée comme médiateur entre riverains, associations de protection de l'environnement et industriels.2

Il faut aussi noter le rôle qu'a joué le Secrétariat Permanent pour la Prévention des Problèmes Industriels (SPPPI) comme instance de dialogue entre riverains, industriels, collectivités... Le SPPPI existait avant AZF, réunissant ponctuellement quelques dizaines de personnes pour traiter des questions liées à l'industrie toulousaine. Après l'explosion, lorsqu'il a fallu trancher sur le devenir de la plate-forme chimique sud de Toulouse, ce lieu d'échanges est monté en puissance, organisant une trentaine de réunions qui ont pu rassembler jusqu'à une centaine de personnes. Ce lieu a permis de débattre sur l'opportunité de rouvrir le site ou de le fermer et des conditions pour un éventuel maintien de la filière industrielle chimique à Toulouse.

2 Voir annexe 3, entretien avec Mme Marion CAUHOPE.

Analyse Intégrée de Résilience Territoriale – L'exemple de la catastrophe d'AZF– Février 201314/20

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Le Comité local d'information (CLI) Fiterman, créé par décision gouvernementale, a également joué un rôle très important pour débattre de l'avenir du pôle chimique toulousain. Finalement la décision de fermer définitivement l'usine d'AZF et d'interdire l'exploitation du phosgène sur le site a été prise en juillet 2002.

En matière de gouvernance, la loi du 30 juillet 2003 a introduit de nouvelles modalités pour la prise en compte du risque technologique sur les territoires. Elle a créé les Plans de Prévention des Risques Technologiques (PPRT) et les Comités locaux d'Information et de Concertation (CLIC) qui fonctionnent sur la base d'une gouvernance à 5 (administration, exploitants, représentants des salariés, collectivités territoriales, associations de riverains et de protection de l'environnement).

A Toulouse, en préfiguration de loi du 30 juillet 2003, un Comité Local d'Information et de Prévention (CLIP) du pôle chimique a été créé en septembre 2002 et a largement suivi les actions de dépollution du site puis le projet d'aménagement. Il est devenu CLIC en 2006 .

• Le contenu du projet

Le 31 mars 2004, le jour même où il est nommé ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, également maire de Toulouse annonce officiellement le projet de Cancéropôle, désormais nommé Oncopôle, qui doit fédérer l'ensemble des acteurs travaillant autour du cancer (service hospitalier, laboratoires, industrie pharmaceutique, PME en lien avec les biotechnologies, …).

Ce projet qui remplit un objectif d'intérêt général dans le cadre du Plan Cancer lancé en mars 2003 par le Président de la République fait rapidement consensus auprès de l'ensemble des acteurs du territoire. Symboliquement, le projet d'Oncopôle porte la vie et permet donc d'effacer implicitement la catastrophe d'AZF.

Les enjeux sont multiples pour l'agglomération toulousaine. Il s'agit à la fois de diversifier l'économie toulousaine, de redonner vie à ce territoire relégué en le reliant à la ville, d'en faire un pôle d'excellence spécialisé tout en assurant une mixité des fonctions, enfin d'effacer les stigmates d'AZF.

• Les actions entreprises

Suite à la catastrophe, il a fallu, dans un premier temps, dépolluer le site. Un budget de 50 millions d'Euros a été alloué aux opérations de dépollution. L'accès au site qui se fait uniquement par la route d'Espagne a compliqué la tâche. En accord avec les autorités locales (DRIRE notamment), la maîtrise d'ouvrage a choisi d'opérer une dépollution pragmatique en étant davantage exigeant sur les zones qui allaient être reconstruites. Mais les parties également non occupées du site ont été dépolluées à une profondeur de 1,5 m dans le sol. Total a cédé l'ensemble du terrain à la ville en 2008 pour 1 Euro symbolique, ce qui a facilité la conduite de ces opérations.

La deuxième contrainte technique tenait à l'encombrement du sous-sol. Le site d'AZF étant dédié à des activités de chimie lourde depuis 100 ans, les canalisations construites étaient énormes. Elles ne rendaient pas possibles la construction de voiries. La maîtrise d'ouvrage a dépensé 6 millions d'Euros pour désencombrer le sous-sol.

Enfin, pour réhabiliter le site, il a fallu retravailler le sol car la majorité du sol sur le site était complètement inerte, fait de béton concassé. Les techniques qui ont été employées pour restaurer des espaces naturels sur le site ont donc utilisé des processus très innovants. Toutes les zones de la partie non constructibles sont désormais des zones vertes, soit 25 hectares de prairie. Cette restauration d'espaces naturels s'inscrit plus largement dans le cadre du projet Garonne qui vise la reconquête du fleuve.

Analyse Intégrée de Résilience Territoriale – L'exemple de la catastrophe d'AZF– Février 201315/20

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Enfin le site se situe en zone inondable, désormais encadré par un Plan de Prévention du Risque Inondation qui n'existait pas à l'époque d'AZF. La dernière grande crue a été enregistrée en 1875. Pour que le nouveau projet d'aménagement soit validé, la maîtrise d'ouvrage a dû démontrer qu'il n'y aurait pas de risques générés pour les personnes en cas de crue. Par exemple, les bâtiments sont construits sur pilotis, leur positionnement favorisant l'écoulement des eaux en cas de crue. Le Bureau d’Études SOGREAH a été engagé pour établir une modélisation des crues afin d'étayer le projet. Il faut souligner que toutes les parties prenantes (services de l’État, collectivités) ont fait en sorte que le projet soit adopté, dans ces conditions.

• Les premiers résultats, les futurs enjeux

Source : www.oncopole-toulouse.com

Les laboratoires Fabre sont déjà installés sur le site. Le futur hôpital doit réunir dans les deux ans l'ensemble des services de cancérologie des hôpitaux de Toulouse. Le site doit également accueillir l'INSERM ainsi que des associations, des équipements, des services tels que banques, salles de sports, hôtellerie. Aujourd'hui 20% de la SHON est occupé, ce sera 60% dans un an.

L'inconvénient de ce site est qu'il est mal relié au reste de la ville. Jusqu'à 2007-2008, le site était conçu comme une sorte d'oasis dans la ville. Un des enjeux du projet d'aménagement dans les années à venir est d'ouvrir ce territoire sur la ville. Un travail a été effectué sur les liaisons douces (création de pistes cyclables) et les liaisons par les transports en commun. Un téléphérique devrait relier le site à l'Université Paul Sabatier en passant par le CHU de Rangueil à partir de 2017. L'objectif est de rompre la barrière géographique créée par la colline de Pech David et ainsi de relier davantage Toulouse au Sicoval et au Muretin.

Il y a également des enjeux pour la ville en termes de pratique de gestion. En effet, 90 hectares sur 100 dans la zone sont restés publics avec de grands espaces naturels sur lesquels il est difficile d'intervenir quotidiennement du fait de leur étendue. Il est donc nécessaire de créer des modalités d'intervention pour une gestion économe et différenciée de l'espace, tout en tenant compte des attentes des entreprises et services accueillis sur le site.

Plus largement les actions en matière de préservation de la trame naturelle s'inscrivent dans un projet global de valorisation des bords de Garonne. Le projet Grand Parc Garonne qui concernait dans un premier temps l’Île du Ramier s'étend désormais jusqu'à Pech-David. L'allée de la poudrerie a vocation à retrouver son usage de promenade avec un objectif de préservation de la trame naturelle.

Analyse Intégrée de Résilience Territoriale – L'exemple de la catastrophe d'AZF– Février 201316/20

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Enfin, le dernier enjeu est de pérenniser le site en étant en mesure de répondre à un nouveau type de demandes. Par exemple, le site n'a pas été pensé au départ pour des PME mais un des objectifs est d'attirer des entreprises en synergie avec l'Oncopôle dans les bureaux pour le moment inoccupés des quartiers Bordelongue et Langlade. Ainsi, Toulouse Métropôle s'est engagée dans une démarche de prospection pour trouver des occupants à ces bâtiments.

De nouvelles questions se posent aussi en termes de logement et d'habitat car le projet d'Oncopôle entraîne une assez forte pression sur certains quartiers dont l'attractivité augmente (ex : Lafourguette).

Enfin, globalement des impacts sont attendus sur l'évolution des zones adjacentes, par exemple la ZAC du Chapitre dont l'activité sera sûrement amenée à évoluer.

Au final, l'ensemble du projet d'aménagement prendra encore une dizaine d'années pour aboutir.

5.4 - Repenser la perception du risque après la catastrophe

Formellement, la catastrophe d'AZF a modifié la perception du risque dans les pratiques d'aménagement. Actuellement à Toulouse, de nombreuses questions se posent par exemple autour du stockage d'hydrocarbures ESSO.3 Toutes les solutions sont envisagées y compris le déménagement de certains habitants qui pourraient être exposés à un risque mais également le déménagement du stock lui-même.

Il semble cependant complexe de maintenir un niveau de vigilance adéquat sur la durée. En effet, après une catastrophe comme AZF, la réaction immédiate consiste à adopter des solutions maximalistes en matière de sécurité. Puis, au fil du temps, la vigilance s'atténue, du fait peut-être d'une culture du risque peu présente en France en comparaison avec d'autres pays. Pour illustrer, il suffit de constater que lors de la catastrophe d'AZF, tous les systèmes de secours ne fonctionnaient pas, dans un premier temps, du fait de la rupture des moyens de communication alors même que le risque technologique autour du pôle chimique était identifié.

Quelles pourraient être les pistes à explorer pour pallier cette difficulté et ainsi favoriser la résilience post-catastrophe ?

Dans un premier temps, l'effort pourrait porter sur le renforcement de la culture du risque en agissant sur les comportements individuels, en diffusant les bonnes pratiques (savoir adopter les bons réflexes). La réponse collective à la crise est en effet globalement satisfaisante mais il peut y avoir des défaillances qui relèvent de l'individu, comme le révèle la catastrophe d'AZF.

Par ailleurs, la collectivité doit s'interroger sur le niveau de risque acceptable au regard des enjeux du territoire (économiques, sociaux, …) et en déduire un niveau d'exigences à atteindre en termes d'organisation, de prévention, de gestion de crise.

3 Le tribunal administratif de Toulouse a annulé le 15 novembre 2012 l'arrêté préfectoral approuvant le plan de prévention des risques technologiques (PPRT) du dépôt Esso de Toulouse.

Analyse Intégrée de Résilience Territoriale – L'exemple de la catastrophe d'AZF– Février 201317/20

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6 - Leçons que nous en tirons

6.1 - Les points positifs : qu'est ce qui favorise la résilience des populations et du territoire ?

La catastrophe d'AZF mais également la phase de reconstruction qui a suivi permettent d'identifier un certain nombre de facteurs susceptibles de favoriser la résilience de la population et/ou du territoire victimes d'un événement majeur.

Le fait qu'une perception du risque pré-existe à la catastrophe favorise l'adoption d'une réponse individuelle et collective adéquate en période de crise. Dans le cas d'AZF, plus les gens impactés se trouvaient proches du site, plus vite et mieux ils se sont organisés car dans les quartiers jouxtant l'usine, l'idée était colportée qu'un jour ou l'autre il pouvait se passer quelque chose. Au contraire les gens qui habitaient à des dizaines de km et qui ont été impactés par l'onde de choc ont eu plus de difficultés à réaliser et à s'organiser en conséquence.

La dynamique du territoire qui pré-existe à la catastrophe influence sa capacité de résilience. A Toulouse, le secteur économique s'est rapidement remis de la catastrophe d'AZF et de ses conséquences en matière d'emplois car la Chambre du Commerce et de l'Industrie s'est fortement mobilisée pour soutenir les entreprises sinistrées mais également parce que le territoire métropolitain toulousain est l'un des plus attractifs de France (avec notamment de fortes possibilités de reclassement et des activités de pointe).

La possibilité de retour à la normale est conditionnée par la capacité des pouvoirs publics à adapter leurs pratiques et à trouver des solutions innovantes pour répondre à la crise. Dans le cas d'AZF, la nécessité de reloger rapidement les sinistrés dans des conditions décentes a poussé État, collectivités et professionnels du bâtiment à travailler de concert en imaginant de nouveaux modes de faire.

La résilience nécessite d'effacer les traces de la catastrophe sans pour autant l'oublier. Bâtir un projet fédérateur porté par une forte volonté politique et une mobilisation nationale favorise cette démarche. « S'il n'y avait pas eu le projet d'Oncopôle, jamais le quartier d'AZF n'aurait pu se reconstruire aussi rapidement. Les gens acceptent de vivre dans le souvenir mais pas dans la douleur et ce projet permet de tourner la page implicitement. Par ailleurs, il va complètement dans le sens de l'intérêt général du territoire. C'est finalement l'illustration de ce que peut apporter le politique dans la vie des gens. » (extrait d'entretien avec M. Claude RAYNAL, maire de Tournefeuille, vice-Président de la Communauté Urbaine du Grand Toulouse).

6.2 - Les lacunes : qu'est-ce qu'il reste à améliorer ?

La gestion de la catastrophe d'AZF a été marquée par la difficulté à identifier les acteurs de la crise et à les coordonner, du fait notamment de la mobilisation spontanée de différents groupes issus du milieu associatif. Les pouvoirs publics doivent donc se questionner sur la manière d'associer en amont et pendant la crise, le cas échéant, les différentes parties prenantes pour bénéficier de l'expérience de chacun.

Analyse Intégrée de Résilience Territoriale – L'exemple de la catastrophe d'AZF– Février 201318/20

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Les modes de faire et les nouvelles synergies créées entre les acteurs du territoire pendant la crise n'ont pas été capitalisés. Faut-il y voir une volonté de tourner la page de la catastrophe? Comment pérenniser les bonnes pratiques au-delà de l'événement même ?

Reconstruire rapidement permet d'effacer les stigmates de la catastrophe. Cependant les décisions qui découlent de cette posture sont parfois prises au détriment d'un projet qui aurait pu être davantage inscrit dans la dynamique de l'agglomération. Comment concilier le temps de la construction du projet (qui nécessite une large concertation) et celui de la reconstruction qui se veut rapide et efficace ?

Le politique éprouve encore des difficultés à arbitrer entre l'enjeu économique et social du maintien d'une activité et les risques engendrés par celle-ci. Pour qu'il en ait les moyens, il faut sans doute développer une véritable culture du risque : en conserver la mémoire, faire progresser la connaissance, éviter de s’exposer, étudier l’expérience des autres pays, évaluer le coût et l’efficacité des mesures de prévention.

7 - Annexe s

Fiche d'entretien avec M. Vincent TOULZA, Responsable du service territoire Opérationnel Ouest, Direction des Opérations d’Aménagement, Direction Générale du Développement Urbain et Durable, Toulouse Métropole / Ville de Toulouse (14 décembre)

Fiche d'entretien avec M. Claude RAYNAL, Maire de Tournefeuille, Vice-Président Communauté Urbaine du Grand Toulouse, Président de l'Agence d'Urbanisme de l'Agglomération Toulousaine (15 janvier)

Fiche d'entretien avec Mme Marion CAUHOPE, DREAL Midi-Pyrénées/Service Territoires Aménagement Énergie et Logement, auteur d'une thèse soutenue le 28 janvier 2011 à l'Université Toulouse Mirail, « De la Poudrerie nationale de Toulouse au Cancéropôle : La catastrophe d'AZF dans les dynamiques territoriales d'un espace industriel urbain (1850-2008) » (18 décembre)

Fiche d'entretien avec Mme Jocelyne BLASER, responsable économie et qualité de la construction à la DREAL Midi-Pyrénées/Service Connaissances Evaluation Climat (10 janvier)

Analyse Intégrée de Résilience Territoriale – L'exemple de la catastrophe d'AZF– Février 201319/20

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