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Benoit Trudeau «Around The World», un succès qui fait «le tour du monde» Analyse d’un tube minimaliste Travail présenté à André Lambert Pour le cours MUS3810-30 Analyse I Université du Québec à Montréal 1 er décembre 2010

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Benoit Trudeau

«Around The World», un succès qui fait «le tour du monde»

Analyse d’un tube minimaliste

Travail présenté à André Lambert

Pour le cours MUS3810-30 Analyse I

Université du Québec à Montréal

1er décembre 2010

Table des matières

Introduction page 3

Le contexte page 4

Les stratégies et la synchronicité page 5

Les éléments textuels page 7

Les éléments technologiques page 13

Conclusion page 16

Bibliographie page 19

Annexe 1 : Informations générales sur l’enregistrement page 20

Annexe 2 : Palmarès page 21

Annexe 3 : Partition Maîtresse page 22

Annexe 4 : Superposition de toutes les parties page 28

3

Lorsque j’ai cogité afin de trouver le bon objet d’analyse pour le présent

travail, je me voyais déjà analyser «LA grosse toune» impressionnante avec des

dizaines d’éléments qui pourraient répondre à des dizaines de questions d’analyses.

Pourtant, en fouillant ma librairie audio, je suis tombé sur un petit bijou présentant

exactement l’opposé de ce que je cherchais. En effet, la pièce «Around The World»

du duo électronique français «Daft Punk» m’a coupé le souffle par sa simplicité et

surtout son efficacité déconcertante mis en opposition au peu de moyens employés.

J’ai compté les pistes. 5 pistes au total. J’ai compté les paroles. 3 mots au total. Mais

qu’est-ce qui peut bien faire de cette chanson un succès, il n’y a simplement presque

pas de contenu dans le phonogramme?!?! J’ai donc conclu qu’il me serait beaucoup

plus intéressant d’analyser un phonogramme selon une question qui n’a, à priori,

aucune réponse évidente. J’en suis aussi venu à penser qu’il existait peut-être un

élément, un ingrédient secret qu’il me serait bon de connaître, en tant que

compositeur. Cette dernière proposition qui est, je le reconnaît, très ambitieuse, ne

portera peut-être pas fruit, mais j’ai espoir de tirer une leçon qui me sera utile de ce

travail d’analyse. Trève d’explication, voici la question qui me servira d’angle

d’analyse pour la présente :

Quels éléments ou ingrédients font de la pièce «Around The World» du duo «Daft

Punk» un si grand succès, compte tenu de l’aspect minimaliste de la chanson?

Pour répondre à mon interrogation (et peut-être trouver la clé du succès!), je

me suis penché sur quelques éléments importants divisé selon les aspects suivants :

le contexte dans lequel la chanson a vu le jour sur les marchés, la stratégie et la

4

synchronicité1 derrière la pièce, les éléments musicaux la constituant et les aspects

technologiques appliqués.

Le contexte

Après avoir été intimidé par le peu de moyen de la pièce à l’étude, j’ai décidé

de ratisser la toile en quête d’informations et de réponses sur cette chanson bien

connue. J’ai découvert tout un contexte socio-culturel autour du phonogramme qui

m’intéresse. Malgré le fait que le but du présent cours (et travail!) n’est justement pas

de faire un analyse sociologique, je ne peu passer sous silence cet aspect

déterminant dans le succès du phonogramme qui m’intéresse.

Donc voici l’histoire. La chanson Around the World et l’album dont elle

provient, Homework, s’inscrit comme une référence, une sorte d’apogée d’un courant

musical bien particulier qui se nomme le «French Touch». Musicalement, ce style

qui a émergé entre 1995 et 1997 se décrit comme un dérivé du House, incorporant

des éléments du rock, du hip hop et du funk. Le résultat de ce beau métissage est un

style très mélodieux et accrocheur avec, par le fait même, un très grand potentiel

commercial. Historiquement, ce genre musical particulier marque une énorme

révolution, une cassure dans la culture française. Alors que la France semblait moins

active dans la sphère musicale mondiale, la chanson française étant dépassée

depuis longtemps, des musiciens ont commencé à écrire une musique complètement

différente. D’abord, en 1988, suite à une fête de musique électronique type «Rave»,

les autorités britanniques on décidé de prohiber ce genre de musique. Cet

événement a amené ce genre de musique à se développer en France. Jusqu’ici, rien

1 En référence au terme anglophone «timing» (Traduction libre)

5

de bien extraordinaire, la musique House et techno étant courante dans le monde

entier. Par contre, lorsqu’une bande d’artiste a opéré le métissage ci-haut détaillé, la

France a envahi la scène musicale internationale (Ex. David Guetta, Bob Sinclair).

Un journaliste d’un important magazine anglophone aurait fait la déclaration suivante

en 19972, qui résume bien l’apparition de ce courant :

« Qu'est ce qui arrive à ces foutus français ? Cent ans de merde comme

Michelle Torr (...), Johnny Hallyday ou Indochine (Cure en débile) et depuis un an,

tout d'un coup, un son fantastique avec du génie dans les mélodies et un chic

original qui plongent soudainement le reste du monde dans l'ombre. »

Bref, le fait que la France baigne dans un nouveau courant qui la remet sur la

carte musicale mondiale n’est sûrement pas à négliger dans le succès connu par la

pièce à l’étude.

Les stratégies et la synchronicité

Une autre chose importante que j’ai découverte en faisant mes recherches est

en fait le parcours des deux musiciens composant le duo, plus particulièrement celui

de Thomas Bangalter. En effet, le père du musicien est Daniel Bangalter, mieux

connus sous le nom de Daniel Vangarde. Il a évolué entant qu’auteur et producteur

avec des noms mieux connus en France qu’ici. On peut toutefois le lier à La

Compagnie Créole, qui est bien connu ici. Tout ceci pour en venir au fait que

Thomas Bangalter a probablement été exposé à l’industrie musicale toute sa vie et

2 Cette citation provient d’un blog amateur et je n’ai aucun élément permettant de valider cette source…

6

qu’il a des contacts privilégiés dans le milieu, ce qui peut contribuer au succès d’une

chanson, mine de rien…

Aussi, le fait que la chanson apparaît en plusieurs versions me semble une

stratégie profitable dans le contexte : Il existe une version de 7 :07, reprenant les

mêmes éléments, mais avec plus de répétions, destinée aux clubs, visant leur

clientèle. Il existe la version radio, celle que j’analyse, qui est destinée aux radios, de

par sa longueur. La radio est un média très puissant et a permis de rejoindre

beaucoup d’auditeurs (dont moi !). Finalement, il existe quelques versions remixées

par d’autres artistes. Ceci permet de faire connaître la chanson aux fans des autres

artistes. Donc le faire d’avoir plusieurs versions permet de rejoindre un public plus

large et par le fait même, quand la chanson est bonne, d’étendre le succès.3

Un autre élément crucial dans la stratégie derrière la chanson est le vidéo qui

lui est assorti. Sans entrer dans l’analyse de ce dernier, le vidéo a été viral en son

temps puisqu’il intègre un concept qui semble hors de l’ordinaire mais qui a en fin de

compte tout à voir avec la chanson : Chaque groupe d’instrument est représenté par

un groupe de danseurs qui dansent en fonction de la partie musical des instruments

qu’ils représentent. Parlez-en en bien (dans ce cas ci !), parlez-en en mal, mais

parlez-en !

Finalement, l’aspect qui a une importance capitale pour tout artiste : la

synchronicité. C’est souvent l’élément clé dans le succès commercial et c’est aussi

un des aspects sur lesquels on exerce le moins de contrôle. Dans le cas de la

chanson qui m’intéresse, la synchronicité est simplement parfaite. Le duo arrive avec

3 L’analyse ne doit pas s’étendre aux autres versions qui sont en fait des phonogrammes différents, mais les mentionner me semble nécessaire à l’explication du succès de la pièce.

7

un album contenant la pièce présentement analysée, qui correspond parfaitement à

l’esthétique musicale en vogue au moment ou l’album est lancé. La stratégie en

place est féroce et bien construite. Le succès est conséquent, et ce, tout le tour du

globe (Around the world…) Les différents palmarès parlent d’eux même !4

Les éléments textuels

1. La mélodie vocale

Il est certain que pour le commun des mortels, la chose qui accroche le plus

dans une chanson lorsqu’on l’entend est la mélodie principale, très très souvent

vocale. C’est le cas ici aussi sauf qu’on a affaire à une piste vocale qui se démarque

par le fait qu’elle ne comporte qu’une phrase, répétée 53 fois. Evidemment, il n’y a

donc pas lieu d’analyser ici les paroles, mais il faut toute fois se pencher sur la

mélodie que voici :

Cette simple mélodie est un puissant exemple de la mélodie populaire par

excellence. Selon Philipp Tagg5, une mélodie populaire doit «être facile à reconnaître

et à reproduire vocalement, durer entre 2 et 10 secondes, être dans un registre

moyen, dans un rythme fluide, permettre la respiration, être tonalement simple et être

contenue dans une octave.» Ce segment est d’emblée facilement reconnaissable. Il

est aussi facile à reproduire, puisque les notes qu’il contient, de Fa# à Si, sont

4 Voir l’annexe 2 5 Voir la bibliographie pour la référence

8

facilement situables dans toutes les tessitures vocales humaines (de soprano à

basse), ce qui signifie que tout le monde peu chanter cette mélodie. Cette phrase a

une durée de 4 mesures soit 16 temps à un tempo de 121 temps par minute, ce qui

signifie une étendue d’environ 8 secondes. La rythmique est étonnamment simple et

tout aussi fluide puisque les figures rythmiques sont proportionnelles et legato. Il y a

aussi un espace convenable pour la respiration entre le 1er et le 2e temps de la

première mesure. Au niveau tonal, toutes les notes utilisées sont des degrés

courants dans la tonalité de mi mineur. Finalement, la mélodie vocale est contenue

dans un intervalle de quarte, ce qui permet de conserver l’aspect conjoint, plus facile

à mémoriser et reproduire.

De plus, selon Gary Burns6, une mélodie, afin d’être une accroche, doit être

répétée. C’est évidemment le cas ici, puisqu’après 53 fois, la mélodie devient

évidemment plus familière !

2. La section rythmique

En opposition, ou plutôt, en complétion à la mélodie vocale dite principale, la

section rythmique est primordiale. Attardons nous d’abord à la batterie :

Ici, rien de bien étonnant, un rythme de batterie très conventionnel, et

surutilisé pour ce genre de musique. C’était toutefois le meilleur choix affin de bien

appuyer la ligne de basse que l’on verra bientôt et de bien opposer la mélodie vue

6 Voire bibliographie pour référence complète

9

précédemment (rythmiquement parlant). Les seules variations pour ce patron

rythmique sont la fermeture complète du «Hi Hat» dans quelques sections, ce qui

crée une baisse d’intensité afin de revenir en force lorsque le «Hi Hat» ouvert est

réemployé. Dans ces mêmes sections, les frappements de mains7 employés sur le 2e

et 4e temps sont joués à la caisse claire, dans la même optique de variation

d’intensité. Il faut aussi noter que l’emploi des frappements de mains confère à la

piste de batterie un aspect rassembleur qui permet aux auditeurs de se rallier à la

chanson plus facilement.

Il y a aussi une section qui emploie, en plus du patron de batterie habituel, une

tambourine jouée en double croches. Je crois qu’il s’agit ici d’un moyen employé afin

de faire avancer la chanson, mais cela constitue une accroche puissante dans le

contexte, puisque c’est un moment qu’on appréhende dans le phonogramme.

Parlons maintenant de la basse. Il n’y a que 3 patrons employés pour la

basse, les voici :

1.

2.

3.

7 Traduction libre de l’anglais «Handclap»

10

Tout d’abord, le 1er patron est employé durant l’introduction et durant la

conclusion de la pièce. Il semble induire un Mi mineur, mais ce n’est pas clair et les

parties de synthétiseurs contredisent un peu cette supposition. Rythmiquement, il y a

une forte corrélation avec la partie de batterie. Cette phrase est un peu moins

mélodique et accrocheuse, justement parce que l’aspect tonal est moins clair et

parce que son étendue dépasse l’octave.

Arrive ensuite le deuxième motif de basse, celui qui règnera pour la majeure

partie de la pièce. Je considère ce «riff» comme une quasi-accroche car, malgré le

fait que son ambitus excède un peu l’octave, le sens tonal est très présent, le rythme

est hyper constant, la ligne est conjointe et le motif est répété à maintes reprises. Ce

patron serait donc une forte accroche si il était joué par un instrument au registre un

peu plus moyen, la basse ayant un registre trop grave pour être facilement

reproductible.

Le troisième patron de basse est à mon avis de bassiste le plus intéressant.

D’abord, ce «riff» est très tape à l’œil (l’oreille !) puisqu’à première écoute on se dit

tout de suite «Woww !, ça «groove» trop !», mais lorsqu’on prend le temps de

l’analyser, on se rend bien compte d’une simplicité désarmante. Il s’agit en fait d’un

jeu de tonique, septième mineure et octave sur Mi mineur à la première mesure,

ensuite une tonique et son octave sur Do majeur et un jeu tonique-septième

mineure-octave sur un Si dominant. C’est en fait la section la plus tonale de la pièce

puisque la basse démontre très clairement une cadence Im – bVI – V7, une des

cadences les plus répandues en mineur. Je crois qu’il est très important de

mentionner que tout le phrasé, c’est à dire les notes plus courtes, les notes étouffées

et les glisses confère un très grand aspect funk à cette ligne. En référence au style

11

French Touch discuté plus tôt, ceci me semble un des éléments les plus funk intégré

au style House.

Pour conclure la section sur la section rythmique, j’ai noté qu’en superposant

la mélodie vocale à la partie de basse, on obtient les trois patrons de direction des

voix suivants :

Voix + Basse 1 Voix + Basse 2 Voix + Basse3

Dans un esprit plus classique, on priorise les mouvements harmoniques

obliques (une voix en mouvement, l’autre ne bouge pas) et les mouvements

harmoniques contraires (les voix vont en sens inverse). Ceci est particulièrement

important entre la basse et la mélodie qui se veulent les deux piliers tonals d’une

pièce. Or, on remarque ici justement qu’entre la basse et la mélodie, il y a une

majorité de mouvements contraires. La seule partie qui échappe à cette règle est lors

des 3 premières mesures du 2e motif de basse, où il s’agit d’un mouvement direct,

mais qui n’est pas parallèle (les mouvements parallèles étant proscrits en classique).

Je sais qu’on est ici très loin d’une pièce classique, mais comme la musique

populaire prend entre autre racine dans la musique classique, je crois que ce point

de vue démontre une certaine réussite dans la composition de ce grand succès, de

par la corrélation basse-mélodie.

12

3. Les synthétiseurs, ou l’accompagnement

Toujours selon Tagg8, l’accompagnement se veut une sorte de support à la

mélodie principale. L’accompagnement permet aussi de mettre la mélodie dans un

contexte stylistique. C’est pourquoi l’accompagnement de cette pièce est constituée

d’une multitude de synthétiseurs, instrument par excellence de la musique

électronique. Hormis son rôle de mettre la mélodie dans un contexte, ce qui m’a

d’abord frappé dans l’accompagnement de cette pièce, c’est le fait qu’aucun

instrument n’incarne clairement l’harmonie en place. Tout les synthétiseurs sont

monophoniques et aucun ne restitue un accord clair. Je considère que tous les

synthétiseurs jouent de petites accroches, par contre, certains viennent semer une

sorte de confusion harmonique : par exemple, les synthétiseurs 1 et 29 insinuent une

dominance de la note La, alors que l’harmonie prise globalement insinue une tonalité

de Mi mineur. Peut-être que certaines sections devraient donc être traitées en La

dorien plutôt qu’en Mi mineur. Cette dualité pose problème lorsqu’on théorise, mais à

l’écoute rien ne dérange. Le synthétiseur 3 ne joue qu’une seule phrase très courte,

qui est indéniablement une accroche. L’ostinato qu’il joue se répète et se trouve

dans un registre confortable en plus d’être doté d’un rythme simple et constant. Je lui

concède donc un rôle purement mélodique. Le synthétiseur 4 fait sont entrée dans

une section sans autre instruments hormis la voix et il intègre un Do dièse. Ceci me

pose problème puisque cette phrase mélodie sera ensuite jouée par-dessus le

premier patron de basse, qui lui intègre un Do bécarre.

8 Voir bibliographie 9 Voir la partition maîtresse en annexe 3

13

On peut donc dire que les synthétiseurs ont un rôle d’accompagnement, mais

plutôt polyphonique que purement harmonique. Cette particularité permet à la pièce

de demeurer intéressante et complète même lorsque la mélodie principale se retire.

De plus, La multitude de patron engendrés par les synthétiseurs permet à la pièce

d’éviter les répétitions trop nombreuses puisqu’un nouvel élément ou une variation

d’un patron on place (pour la batterie surtout) est intégré environs aux 8 mesures, ce

qui fait que la pièce, qui semble de prime abord répétitive et stable est en fait en

constante évolution vers l’apogée qu’est la conclusion, qui superpose en fait tous les

motifs exploités précédemment en même temps.

4. Bref…

On peut donc conclure que rien n’est laissé au hasard au niveau des éléments

textuels de la pièce. Tout les éléments utilisés sont de puissants éléments

mélodiques qui pour la plupart, resterons dans la tête de l’auditeur. De plus, la

multitude de ces éléments, qui est d’abord peu apparente, concède à la pièce un

caractère évolutif qui enraye le désintéressement et conserve l’esthétique répétitive

du genre et le caractère simpliste de la chanson. Tout les ingrédients sont donc des

éléments gagnants.

Les éléments technologiques

1. Qualité de la programmation

Un élément qui m’a accroché d’emblée est la qualité de la programmation au

niveau de la basse. J’étais ambivalent à savoir s’il s’agissait d’une piste jouée par un

instrumentiste ou d’une partie programmée, juste pour la section B, qui emploi le 3e

14

patron de basse10. La programmation de la basse dans cette section emploie des

variations, ce qui confère un aspect naturel et accrocheur à la ligne de basse. De

plus, un soucis particulier dans la programmation de cette dernière est voué au

phrasé et aux effets propres à l’instrument (notes glissées, étouffées, courtes, etc.)

2. La «mise en scène» sonore

J’ai noté quelques éléments technologiques accrocheurs que j’ai regroupés

sous l’appellation «mise en scène». D’abord, au tout début du phonogramme, la

pièce au complet est passé dans un filtre particulier. Ensuite, il y a un effet de

réverbération relativement long (par rapports aux réverbérations employées

habituellement dans les chansons de type populaire) appliqué à la batterie (aux

frappements de mains et à la grosse caisse). Lorsque je me suis mis à songer à ces

deux éléments conjugués, j’ai vu une sorte de mise en scène : D’abord, le filtre nous

donne l’impression qu’on est à l’extérieur de la pièce où la chanson est jouée.

Ensuite, le filtre s’estompe au fur et à mesure que l’on approche du lieu ou se

déroule la chanson. Finalement, on arrive dans la pièce, où l’ambiance qui est créée

dans la chanson et le filtre est définitivement absent. C’est à partir de ce moment que

l’effet de réverbération sur la batterie (frappements de mains et grosse caisse) se fait

entendre. Ceci nous apprend que l’on est passé du «line up» à l’extérieur du club au

plancher de danse à l’intérieur du club. L’ambiance recrée par l’effet de réverbération

évoque une grande pièce où se déroule un élément rassembleur. Le même manège

du filtre se reproduit après le pont, de manière à nous réintroduire dans l’atmosphère

générale de la chanson. Le fait de mettre en scène l’arrivé de l’auditeur dans le

10 Voir Annexe 3 : Partition Maîtresse

15

phonogramme me semble une accroche technologique puissante. Aussi, le fait

d’évoquer un lieu rassembleur, dans le même esprit que l’emploi des frappements de

mains dans le rythme de la batterie est tout aussi accrocheur.

3. Le Vocodeur

On entend de façon plus qu’évidente que la voix sur la pièce à l’étude est

altérée, robotisée. Cette effet robotique est crée à l’aide d’un appareil appelé

vocodeur. À l’origine, il s’agissait d’un appareil créé dans le but d’être intégré à un

système téléphonique, en modulant la voix pour qu’elle soit plus facile à transmettre,

mais les musiciens se sont vite emparés de ce jouet.11 Il est certain que l’effet en lui-

même de peut suffire à justifier une accroche, mais la façon dont il est employé le

peut : Alors qu’il s’agit d’un effet, il est ici utilisé à outrance, créant un timbre

complètement dénaturé, qui n’a plus rien d’humain. Ceci va avec le concept global

du groupe, puisque le duo Daft Punk s’est toujours présenté au public costumé en

robots. De plus, le vocodeur est ici employé comme une véritable signature puisque

aucune chanson du groupe n’existe sans le précieux effet. Cette façon de faire vivre

un personnage à travers tout le répertoire et part un effet qui n’est plus utilisé de

façon ponctuelle, mais bien en permanence crée une sorte d’appréhension chez

l’auditeur, et par le fait même constitue une puissante accroche.

4. Bref…

11 Voir bibliographie

16

Donc en regardant de plus près, on peut observer qu’en plus du contenu

musical déjà accrocheur, la technologie est employée afin d’ajouter des éléments

accrocheurs ou bien encore dans le but de surligner les éléments déjà établis.

Conclusion

Au final, contrairement à la première impression que m’a laissé la chanson, il y

a une multitude d’éléments qui expliquent le succès retentissant de la chanson

«Around The World (Radio Edit)» de Daft Punk. Tout d’abord, aussi impondérable

soit-il, le monde extérieur constitue un facteur important dans la réussite d’une

chanson. Dans ce cas-ci, le duo a bénéficié d’une France prête à rayonner de

nouveau sur la scène mondiale et de l’émergence, l’apogée même d’un courant qui a

rafraîchit l’univers de la musique électronique. Ensuite, les stratégies : les deux

musiciens ont bénéficié de leur expérience du domaine musical et de celle de proche

collaborateurs, ce qui est souvent un apport inestimable dont peu d’artistes

émergents peuvent jouir. Une série de stratégies extérieures à l’enregistrement ont

été appliquées : vidéo viral, versions adaptées à différentes clientèles, etc. Aussi, et

à la base, les éléments qui composent la chanson son tous des éléments très

accrocheurs et bien dosés, ce qui est fondamental au succès d’une pièce. Et

finalement, la façon dont les éléments accrocheurs sont rendus, par le biais de la

technologie et de la production surligne cet avalanche d’éléments accrocheurs.

Pour ce qui est de la morale de l’histoire au compositeur que je suis, je retiens

plusieurs choses :

17

1. Le contexte dans lequel une pièce voit le jour est imprévisible et non

malléable. Malgré le fait que le compositeur n’y ait pas d’emprise, il faut être

capable de l’exploiter au bon moment.

2. Il n’y a pas que la musique : Il faut être en mesure de s’entourer de gens

compétents dans toutes les sphères pertinentes. Aucun détail n’est

négligeable et (malheureusement ou bien heureusement ?) la musique est

devenu une «business».

3. Souvent, j’ai (et peut-être d’autre !) tendance à exagérer l’arrangement, à

vouloir intégrer mille et un éléments. Cette pièce est une très belle leçon de

comment la qualité prime sur la quantité. Rien ne sert d’avoir un arrangement

symphonique et 64 pistes si 60 de ces pistes sont superflues ou n’apportent

peu ou rien à la pièce.

4. En 2010 (et même en 1997 !) la production ne peut pas être laissée au hasard

et doit être utilisé afin de mettre en valeur son «contenu».

Même si ce travail fut exhaustif, une question me titille encore et je me promet

d’investiguer dans un avenir rapproché : tous les éléments de la chanson, malgré

leur simplicité, génèrent une «confusion harmonique» importante12 : on croirait en

une tonalité de Mi mineur, mais la note La est très présente, ce qui me fait pencher

pour une sorte de La dorien. Par contre il est difficile de tirer de la transcription une

quelconque progression harmonique. La conclusion de la pièce illustre l’apogée de

ce phénomène de «brouhaha harmonique».

12 Voir annexe 4

18

Pour boucler la boucle, je trouve assez ironique (d’une très belle façon !) que

ceux qui chantent de façon assez inhumaine «Around The World» étaient peut-être

au courant qu’on les entendrait partout «Autour du monde»…

19

Bibliographie

http://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Vangarde

http://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Bangalter

http://fr.wikipedia.org/wiki/French_touch_(musique)

http://www.blogg.org/blog-26513-billet-211032.html

http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/lettre/20.pdf

http://en.wikipedia.org/wiki/Around_the_World_(Daft_Punk_song)

http://www.amazon.fr/Around-World-Daft-Punk/dp/B000006MTG/ref=sr_1_4?s=music&ie=UTF8&qid=1290036374&sr=1-4

Consultés le 17 novembre 2010

http://www.library.yale.edu/cataloging/music/vocalrg.htm

http://fr.wikipedia.org/wiki/Harmonie

Consultés le 25 novembre 2010

http://fr.wikipedia.org/wiki/Vocoder

http://www.npr.org/templates/story/story.php?storyId=126781688

Consultés le 29 novembre 2010

Papier :

Gauthier, B. et Paquette D. (2007). Formation auditive III – THÉORIE. Montréal :

Cégep Marie-Victorin.

Burns, G. (1987). A typology of ‘hooks’ in popular records. Notes de cours

imprimées.

Tagg, P. Melody and Accompaniment. Articles for EPMOW : Notes de cours

imprimées.

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Annexe 1 : Informations générales sur l’enregistrement

Nom de la pièce : Around The World (Radio Edit)

Auteur/Compositeur : Thomas Bangalter & Guy-Manuel de Homem-Christo

Album : Around The World (Single)

Année : 1997

Production : Daft Punk

Programmation : Thomas Bangalter & Guy-Manuel de Homem-Christo

Voix : Thomas Bangalter & Guy-Manuel de Homem-Christo

Compagnie de disque : Virgin Records France

Numéro de disque : B000006MTG

Catégorie : Dance

Minutage : 3 :59

Tempo : 121 temps par minute

Métrique : 4/4

Tonalité : Mi mineur

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Annexe 2 : Palmarès

Charts (1997) Peak Position

Belgian Singles Chart (Wallonia) 4

French SNEP Singles Chart 5

Finnish Singles Chart 9

ARIA Singles Chart 11

Swiss Singles Chart 14

Austrian Singles Chart 15

Belgian Singles Chart (Flanders) 15

Norwegian Singles Chart 20

Swedish Singles Chart 20

Dutch Singles Chart 28

Billboard Hot 100 61

Source : http://en.wikipedia.org/wiki/Around_the_World_(Daft_Punk_song)

(consulté le 29 novembre 2010)

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Annexe 3 : Partition Maîtresse

Voici une partition que j’ai faite dans le but de voir les superpositions des différents

patrons des différents instruments. C’est pourquoi certains détails de transcriptions

sont omis et certaines règles pratiques non-respectées.

Information importantes :

- Synthétiseur 1 : Une sorte de flûte, mais qui m’évoque toujours un image

d’ananas quand je l’entends… Un son qui fait un peu «tropical», mais je crois

bel et bien qu’il s’agit d’une flûte à la base.

- Synthétiseur 2 : Un son semblable au 1er synthétiseur, mais avec un délai très

prononcé.

- Synthétiseur 3 : Un espèce de clavecin ou de guitare, je ne sais pas trop… Le

timbre semble inspiré d’un clavecin, peut-être un clavecin, mais le «riff» qu’il

joue est très «guitaristique», donc j’hésite… À tout le moins, il s’agit de cordes

pincées…

- Synthétiseur 4 : Je ne sais pas à quoi assimiler son son, mais ce synthétiseur

est facile à reconnaître puisqu’il fait son entrer en tant que seul synthétiseur

du pont.

- Lorsqu’il y a des notes avec un trait oblique par dessus à la caisse claire, il

s’agit de frappement de main. Lorsque la note est normale, il s’agit d’une

caisse claire. Lorsqu’il y a un petit «o» au dessus du Hi Hat, celui-ci est

ouvert.

23

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28

Annexe 4 : Superposition de toutes les parties

Quelle est la tonalité ? Quels sont les accords ?