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ANALYSE DES PROGRAMMES POLITIQUES DE CANDIDATS À LÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DE 2015-2016 Étude réalisée par Fritz DORVILIER, Ph. D. 22 septembre 2016

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ANALYSE DES PROGRAMMES POLITIQUES DE CANDIDATS À L’ÉLECTION

PRÉSIDENTIELLE DE 2015-2016

Étude réalisée par Fritz DORVILIER, Ph. D.

22 septembre 2016

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 2

Table des matières

INTRODUCTION .................................................................................................................................3

I : Le Programme politique de Jude CÉLESTIN ......................................................................................8

1. Synthèse du Programme .........................................................................................................8

2. Analyse du Programme ......................................................................................................... 11

a) Les points forts .................................................................................................................. 11

b) Les points faibles ............................................................................................................... 14

II : Le Programme politique de Jovenel MOISE .................................................................................. 16

1. Synthèse du Programme ....................................................................................................... 16

2. Analyse du Programme ......................................................................................................... 19

a) Les points forts .................................................................................................................. 19

b) Les points faibles ............................................................................................................... 20

III : Le Programme politique de JEAN-CHARLES MOISE ...................................................................... 22

1. Synthèse du Programme ....................................................................................................... 22

2. Analyse du Programme ......................................................................................................... 29

a) Points forts ....................................................................................................................... 29

b) Points faibles .................................................................................................................... 31

IV : Le Programme politique de Jean Henri CEANT ............................................................................. 34

1. Synthèse du Programme ....................................................................................................... 34

2. Analyse du Programme ......................................................................................................... 36

a) Points forts ....................................................................................................................... 37

b) Points faibles .................................................................................................................... 37

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INTRODUCTION

aïti connait à nouveau, à l’ère démocratique, une 6è période électorale présidentielle.

En effet, depuis 1987, année démocratique fondationnelle où le sang du peuple haïtien

a abondamment coulé sur l’autel de la politique notamment à la ruelle Vaillant, une

demi-douzaine de scrutins présidentiels ont été réalisés. Chacun a ses spécificités politiques,

mais ils ont tous été caractérisés par l’entrée en scène des Partis politiques et la mobilisation

effrénée de l’électorat par les candidats.

Ces derniers, à travers divers moyens de communication politique : Meeting, affiche,

prospectus, publicité radio-télédiffusée et document de programme, font part de leur offre

politique spécifique aux électeurs. Parallèlement à cette euphorie politique, du côté des

candidats puisqu’on constate une baisse considérable du taux de participation de la population

ayant l’âge et le droit de voter, on a constaté une progressive et nette dégradation des

conditions de vie de la population.

Cette situation résulte du fait que l’économie haïtienne stagne voire régresse depuis

plusieurs décennies. En effet, comme le montre la Banque Mondiale dans son dernier rapport

sur Haïti, « Globalement, la croissance économique d'Haïti est restée décevante au cours des

quatre dernières décennies. De 1971 à 2013, la croissance du PIB s'est établie en moyenne à 1,2

% par année, restant ainsi bien inférieure à la moyenne de la région LAC (3,5 %) et de celle des

économies affichant un niveau de développement similaire (3,3 %). Les rares périodes de

croissance positive sont restées éphémères, et ont souvent été suivies d'un ralentissement de

l'activité économique. De plus, compte tenu de la croissance démographique importante du

pays, le PIB par habitant a même reculé de 0,7 % par année en moyenne entre 1971 et 2013.

Pendant que les pays à faible revenu affichaient en moyenne une hausse de leur PIB par

habitant depuis le milieu des années 90, Haïti est demeuré à la traîne. »1

Ce marasme économique a plongé la population dans une trappe de pauvreté. En effet, « Le

taux de pauvreté global s'établit à environ 59 %, et 24 % des Haïtiens vivaient dans la pauvreté

extrême en 2012, ce qui signifie que près de 6,3 millions de personnes étaient incapables de

subvenir à leurs besoins essentiels et que 2,5 millions ne mangeaient pas à leur faim. Les taux

de pauvreté et de pauvreté extrême sont beaucoup plus élevés en zones rurales. Plus de 80 %

des Haïtiens qui vivent dans la pauvreté extrême se trouvent en zones rurales, et 38 % ne sont

1 Banque Mondiale, Haïti : des opportunités pour tous. Diagnostic-pays systématique, Port-au-Prince, Mai, 2015.

H

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pas en mesure de satisfaire à leurs besoins nutritionnels, contre 12 % dans les zones urbaines et

5 % dans les zones métropolitaines (c'est-à-dire dans la région de la capitale nationale). Les

régions les plus pauvres sont les plus éloignées de la capitale et les plus isolées. Les

départements les plus pauvres sont géographiquement concentrés dans le nord : le taux de

pauvreté extrême dépasse les 40 % dans le Nord-Est et dans le Nord-Ouest, contre 5 % dans

l’agglomération de Port-au-Prince. »2

Dans ce contexte, la majorité de la population haïtienne fait face à de difficiles problèmes :

logement, malnutrition, santé, éducation, insécurité. En effet, si l’ECVM3 a montré que « 88.5%

des logements ne disposent ni d’une douche, ni d’une baignoire dans l’ensemble du pays. Les

logements de l’Aire Métropolitaine de Port-au-Prince sont plus fréquemment équipés d’une

douche ou d’une baignoire individuelle (20.3%) que ceux des autres villes (7.9%) ou du milieu

rural (2.5%). A l’échelle nationale, 44.1% des logements n’ont aucun lieu d’aisance. Les lieux

d’aisance à l’extérieur sont bien plus fréquents (50.5%) que ceux localisés à l’intérieur du

logement (5.4%). »

Et selon l’EMMUS-V, « un peu plus d’un cinquième des enfants de moins de 5 ans (22 %)

souffrent de malnutrition chronique (modérée ou sévère) […]. 5 % d’enfants de moins de 5 ans

sont atteints de malnutrition aiguë […]. Les enfants âgés de moins de 18 mois sont ceux qui

souffrent le plus fréquemment de malnutrition aiguë, avec une prévalence qui varie entre un

minimum de 7 % à 12-17 mois et 10 % à 6-8 mois. […] Il en ressort que près de la moitié des

femmes (49 %) sont atteintes d’anémie : 37 % sous la forme légère, 11 % sous la forme

modérée et 1 % sous la forme sévère. Une proportion plus élevée de femmes de 15-19 ans

souffrent d’anémie (56 %) et d’anémie légère (43 %) que les femmes âgées de plus de 20 ans. »4

Aussi, selon l’EMMUS-V, « Une très faible proportion de femmes et d’hommes (4 %) ont

déclaré avoir une assurance médicale et cette proportion est très basse quelles que soient les

modalités des caractéristiques sociodémographiques. »5

Le système éducatif n’échappe pas à cette logique sociale négative. Malgré la forte

croissance du taux de scolarisation depuis les trente dernières années, il s’est révélé défaillant6.

Selon le dernier recensement scolaire réalisé par le Ministère de l’Education Nationale et de la

2Ibid. 3 MEF, IHSI, ECVH-2001, Vol. 2, op. cit. 4 Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP), Enquête Mortalité, Morbidité et Utilisation des Services (EMMUS-V), Port-au-Prince, Avril 2013. 5Ibid. 6Cf. Dorvilier, F., « La défaillance éducative », Chapitre 2, in La crise haïtienne du développement : essai d’anthropologie dynamique, PUL, Sainte-Foy, 2012.

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Formation Professionnelle (MENFP)7, « De 1996 à 2014, le nombre d’écoles est passé de 15268

à 17828, soit un taux d’accroissement annuel moyen de 1.9%. Cet accroissement, il est vrai, est

largement influencé par le secteur privé qui a toujours occupé la plus grande part du parc

scolaire haïtien. Malgré les efforts développés par l’Etat au cours de ces dernières années pour

augmenter le nombre d’institutions scolaires au niveau du secteur public, le secteur privé

domine encore le système avec 85% des écoles. » Or, une grande partie des ménages sont

incapables de payer les frais de scolarité de plus en plus hauts8 de leurs enfants par manque de

revenus. Quand ils s’efforcent à le faire, leurs enfants reçoivent une éducation de mauvaise

qualité. Cette situation occasionne un cercle vicieux de la pauvreté intergénérationnelle,

compte tenu du fait que l’éducation est de nos jours le principal moteur de la mobilité sociale

ascendante.

L’insécurité, naturelle et humaine, gagne du terrain d’années en année. En ce qui concerne

la première, il est révélé que « De tous les pays des Caraïbes, Haïti est celui qui subit le plus

grand nombre de catastrophes par kilomètre carré. En 2008, les tempêtes tropicales et les

ouragans ont entraîné dans ce pays des pertes évaluées à 15 % du PIB. Le séisme du 12 janvier

2010 a entraîné la mort de 220 000 personnes, forcé le déplacement de 1,5 million de

personnes, et provoqué des destructions d'une valeur équivalant à 120 % du PIB. Ces

catastrophes ont tendance à toucher en plus grands nombres les populations pauvres et

marginales installées dans les zones inondables et sur la côte, notamment dans le cas des

tempêtes tropicales où presque 50 % des dommages et des pertes dans les secteurs productifs

se sont concentrés dans le secteur de l'agriculture. Les données historiques disponibles

conduisent globalement à conclure que les catastrophes liées aux conditions météorologiques

auraient entraîné des dommages et des pertes annuels estimés à environ 2 % du PIB de 1975 à

2012. » S’agissant de la seconde, il réfère au banditisme, au crime organisé et aux accidents de

la circulation.

Ces données montrant nettement la mauvaise condition de vie de la population haïtienne

doivent interpeller les candidats à tous les postes électifs, notamment celui de Président de la

République. C’est pourquoi nous jugeons nécessaire de synthétiser et d’analyser les

programmes politiques communiqués par des candidats à la présidence sur les ondes de

7 MENFP/DPCE, Recensement scolaire 2013-2014, Résultats préliminaires, Port-au-Prince, 2015. 8Cf. Moisset, J. J. et Mérisier, G. G., Coûts, financement et qualité de l’éducation en Haïti : perspective comparative école publique, école privée, Port-au-Prince, Juin 2001 ; Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP), La stratégie nationale d’action pour l’éducation pour tous, Port-au-Prince, MENFP, 2007 ; Groupe de Travail sur l’Éducation et la Formation (GTEF), Pour un pacte national sur l’éducation en Haïti. Rapport au Président de la République, Port-au-Prince, Aout 2010 ; MENFP, Vers la refondation du système éducatif haïtien. Plan opérationnel 2010-2015 des recommandations du Groupe de Travail sur l’Education et la Formation, Port-au-Prince, 2011.

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stations de radio et de télévision mais aussi et surtout dans des documents écrits9. Si la

synthèse prend en compte les grandes lignes des visions et les axes des programmes des

candidats à la présidence, l’analyse montre, au regard des problèmes et des attentes de la

population, les points forts et les points faibles de ces programmes dont l’objectif consiste,

comme le dit François Trétarre10, à « crédibiliser la candidature de l’homme politique et à

susciter l’adhésion du plus grand nombre de votants. Ainsi, le programme politique des

candidats devrait se baser sur une analyse détaillée des attentes et des besoins des électeurs

recueillies à l’aide de sondages d’opinion et d’études diverses.

Ce travail examine les Programmes de campagne des cinq candidats à la Présidence qui

étaient les mieux cotés dans le Sondage du Bureau de Recherche en Informatique et en

Développement économique et social (BRIDES) pour l'ensemble du pays, lequel a été réalisé au

cours la période allant du 5 au 11 octobre 2015, et qui sont encore dans la course électorale

après l’annulation du premier tour des élections présidentielles tenu le 25 octobre 2015 pour

cause de fraudes massives.

Tableau 1: Répartition des sondés selon leur intention de vote pour un candidat à la présidence

Rang Prénom et NOM Effectifs Pourcentage

1 Jude CELESTIN (LAPEH) 3789 31.6

2 Jovenel MOISE (P.H.T.K) 1529 12.7

3 Jean-Charles MOISE (PITIT DESSALINES) 1266 10.6

4 Maryse NARCISSE (FANMI LAVALAS) 778 6.5

5 Jean Henry CEANT (RENMEN AYITI) 726 6.1

Source: Sondage BRIDES (5-11 octobre 2015)

Il faut par ailleurs mentionner, pour les besoins de l’analyse, qu’une autre enquête réalisée par l’OCID11 sur l’engagement citoyen dans le contexte électoral de 2015 montre clairement que les problèmes auxquels est confrontée la population haïtienne demeurent encore entiers. En effet, elle indique que « Plus d’une personne sur trois (38%) répond “ la pauvreté ” ; par

9 Pour réaliser ce travail, nous avons réécouté toutes les émissions radiophoniques et visualisé tous les débats télévisés auxquels ces dix candidats à la Présidence ont participé. De plus, outre la lecture approfondie des entretiens qu’ils ont accordés à la Presse écrite et la consultation de leurs sites Web, nous nous sommes procurés leurs programmes écrits, pour ceux qui en ont, et les avons lus avec attention. 10 Trétarre, F., Campagnes électorales. Principes et pratiques de la préparation et de la conduite de campagnes, Paris, Lextenson Editions, 2012, p. 192. 11 Observatoire Citoyen pour l’Institutionnalisation de la Démocratie (OCID), Diagnostic de l’engagement citoyen dans la perspective des élections de 2015 en Haïti. Rapport d’enquête, Port-au-Prince, Juillet 2015. En termes de méthodologie, précise le Rapport d’enquête, « Entre le 23 mai et le 31 mai 2015, pas moins de 1,463 observateurs et observatrices de l’OCID ont été répartis de manière aléatoire en 730 paires à travers les dix départements géographiques du pays pour conduire une série d’interviews en face à face avec plus de 3,700 Haïtiennes et Haïtiens. Chaque paire d’observateurs/enquêteurs a réalisé cinq entrevues et le choix des ménages, où les répondants ont été sélectionnés, a été fait selon la méthode de la « marche aléatoire ».

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ailleurs, une personne sur quatre (27%) indique « le chômage ». Les personnes sondées sont clairement préoccupées par la situation économique. Une personne sur 10 a indiqué que “la violence/la sécurité personnelle” était le problème le plus important. Une minorité significative a pointé les « problèmes politiques » en général (6%), ou plus spécifiquement, les “problèmes électoraux” (3%) et la “corruption” comme étant les plus gros défis auxquels Haïti se trouve confrontée. »

Graphe 1

Quel est, selon vous, le plus grave problème auquel Haïti se trouve confrontée de nos jours?

Pauvreté Chômage Violence Politique Santé Corruption Autres Elections Environnement

C’est dire que les candidats à la Présidence sont censés prendre en considération, d’une

part, les données économiques et sociodémographiques faisant état de la situation du pays à

l’heure actuelle, et d’autre part, les plus graves problèmes auxquels fait face Haïti identifiés par

la population, afin de proposer des pistes de solutions à la population. Cette analyse consiste en

fait à voir à quel point leurs programmes de campagne reflètent les besoins et préoccupations

du Peuple. Pour ce faire, elle est divisée en dix chapitres dont chacun porte sur le programme

d’un candidat, suivant leur ordre de classement dans le sondage de BRIDES. Et chaque chapitre

est divisé en deux points : la synthèse du Programme et l’analyse du Programme. En ce qui

concerne celle-ci, elle révèle les points forts et faibles de l’offre politique faite par les candidats.

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 8

I

Le Programme politique de Jude CÉLESTIN

1. Synthèse du Programme

Le Programme de campagne de Jude Célestin, sous la bannière du Parti politique Ligue

Alternative pour le Progrès et l’Emancipation Haïtienne (LAPEH), est la réforme de l’Etat et la

croissance économique. On peut alors dire qu’il est de nature républicaine et libérale. Au

regard de cette vision, le candidat identifie un ensemble de « défis majeurs » :

Le défi de la révision du cadre légal global et du renforcement des institutions démocratiques nationales et de la société civile, du fait des blocages découlant des incohérences contenues dans la Constitution de 1987 ;

Le défi de la lutte contre la pauvreté du fait de la faiblesse constatée des mécanismes actuels de création d'emplois et de distribution des richesses ;

Le défi du renforcement des capacités humaines et institutionnelles actuellement en déphasage avec les exigences de cohésion sociale et de développement durable;

Le défi de la lutte contre la corruption et l'insécurité, du fait de l'inefficacité du dispositif des sanctions prévues.

Ce Programme comporte cinq axes stratégiques:

1. Le réaménagement institutionnel des grands pouvoirs de l'État et les réformes de la Justice et de l'Administration publique, l'aménagement du territoire et la décentralisation;

2. L'édification d'une économie ouverte, compétitive, porteuse de croissance, d'emplois intégrateurs et à large base territoriale;

3. La création de conditions d'épanouissement du citoyen haïtien et la valorisation du capital humain;

4. L'éradication de la corruption dans tous les compartiments de la société haïtienne; 5. La mise en œuvre d'une nouvelle politique étrangère.

Le premier axe stratégique réfère au « réaménagement institutionnel des grands pouvoirs

de l’État, réformes de la Justice et de l’Administration publique ». De ce fait, le candidat se

propose de :

a. Rééquilibrer les pouvoirs représentatifs

b. Reforme de la Justice et promotion de l’Etat de Droit ;

c. Reforme de l’Administration publique ;

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d. Aménagement du territoire et décentralisation.

Le deuxième axe stratégique intitulé « Construction d’une économie compétitive porteuse

de croissance, d’emplois intégrateurs et à large base territoriale » renvoie à sa stratégie

économique. Il part du constat que le pays se retrouve dans une situation de marasme

économique qui menace son existence même, et de l’hypothèse que celui-ci dérive grandement

d’un manque voire d’une absence d’investissement adéquat, de la sous-qualification de la

main-d’œuvre haïtienne et de l’inefficacité des dépenses publiques. Ainsi, son Administration

encouragera prioritairement : l'agriculture, l'élevage, la pêche et l'agro-industrie ; le tourisme,

en particulier le tourisme culturel; les infrastructures et services énergétiques; Les

infrastructures et services de transport ; les infrastructures et services de télécommunications ;

la construction, en particulier les logements. Et, dans cette perspective, il compte :

a. Créer un Banque nationale de développement ;

b. Entretenir une concertation franche, régulière et concrète entre l'État, le secteur privé

haïtien et la Diaspora haïtienne ;

c. Négocier des Accords de partenariats entre l'État haïtien et le secteur privé pour les

projets d'investissement à long terme;

d. Développer et encadrer les PME/PMI;

e. Construire des espaces « zones franches » dans les régions à fort potentiel de

développement;

f. Sécuriser le parcours des jeunes créateurs

g. Procéder à une réforme en profondeur du système fiscal;

h. Revisiter le Code des Investissements;

i. Prendre de réelles dispositions pour réduire le temps de création des nouvelles

entreprises et améliorer l'environnement des affaires;

j. Améliorer l'accès aux assurances des affaires ;

k. Améliorer l'offre d'énergie électrique en diversifiant les sources;

l. Rechercher activement une diversification des partenaires économiques et

commerciaux d'Haïti;

m. Mettre en place des mécanismes institutionnels qui garantissent une meilleure

articulation entre la politique fiscale et la politique monétaire dans le cadre de la

recherche de la stabilité macroéconomique ;

n. Promouvoir l'économie sociale et solidaire au profit des petits agents économiques.

Le troisième axe stratégique intitulé « Lutte pour une Haïti inclusive et valorisation du

capital humain » concerne en fait la prise en considération de l’infrahumaine condition de vie

de la majorité de la population haïtienne. En effet, il met l’emphase sur la situation de grande

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pauvreté à laquelle est confronté le pays. Ce problème est alors considéré à la fois comme une

cause et un effet de l’inégalité et de l’injustice sociales. Pour résoudre ce problème d’exclusion

sociale, concept sur lequel il met un fort accent, le candidat prévoit un mécanisme redistributif

réaliste et juste (au sens de donner au départ la même chance à tous les individus et de

prendre en charge ceux qui sont naturellement affaiblis) et via les services sociaux de base,

notamment l’éducation, car l’accès universel à celle-ci « est capital pour l’émergence d’une

société plus prospère et plus juste ». Dans cette optique, le candidat compte :

a. Renforcer le système éducatif actuel ;

b. Garantir une meilleure couverture de santé nationale ;

c. Généraliser de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement ;

d. Promouvoir la souveraineté, l’Etat de droit, les droits humains, la justice et la sécurité ;

e. Promouvoir l’équité de genre et l’égalité des sexes ;

f. Développer le sport ;

g. Renforcer la protection sociale ;

h. Prévenir et gérer les risques et désastres naturels ;

i. Renforcer la sécurité publique et la souveraineté nationale ;

j. Promouvoir la solidarité nationale ;

k. Protéger l’environnement.

Le quatrième axe stratégique porte sur le fameux problème de la corruption dans toutes

les sphères de la société haïtienne. Ce problème est pris en compte à un tel point de penser

que « si ce fléau continue à se développer sans une intervention des pouvoirs publics, il peut

rendre inopérantes les mesures de redressement et entrainer la dégénérescence généralisé de

tout le tissu social ». Ce qui exige, selon le candidat, « la mise en place de structures

institutionnelles et administratives appropriées et l’exécution de politiques publiques fermes »

pour le combattre, telles :

a. Renforcer les diverses Institutions publiques de contrôle administratif et financier ;

b. Rechercher la franche et loyale collaboration des associations de professionnels du droit

et des Médias’

c. Créer un cadre et une réglementation pour contrôler la concurrence et combattre la

contrebande ;

d. Mettre en place un système interconnecté pour faciliter la traçabilité des transactions et

un meilleur contrôle des finances publiques.

Le cinquième axe stratégique nommé « La nouvelle politique étrangère : une diplomatie

pragmatique » tourne autour de :

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a. le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale du pays ;

b. la paix, la stabilité, le règlement pacifique des différends ;

c. la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres États.

Cette « politique étrangère visera particulièrement le développement économique. Elle sera

donc stratégiquement orientée vers la coopération internationale, l'investissement direct

étranger et le rayonnement culturel du pays à l'étranger. » Et en bon pragmatique, le candidat

estime qu’il faut améliorer nos rapports avec nos amis traditionnels du continent européen et

nord-américain ».

2. Analyse du Programme

Le Programme de Jude Célestin est principalement axée sur l’économie, principalement

l’entrepreneuriat. En effet, même s’il se proclame du Centre-gauche, on constate dans son

programme, plus particulièrement dans le deuxième axe, que l’accent est mis sur les

investissements productifs et créateurs d’emplois, donc sur la croissance économique devant

propulser le développement du pays. Mais certains autres axes ne sont pas autant explicites et

ambitieux. D’où les points forts et les points faibles.

a) Les points forts

Au regard des principales préoccupations de la population haïtienne en ce qui concerne

particulièrement le chômage et la pauvreté, on peut dire que le Programme de Jude Célestin se

révèle pertinent. Car, il met essentiellement l’accent sur les projets d’investissement à long

terme ainsi que sur l’aide et l’encadrement des Petites et Moyennes Entreprises (PME) et des

Petites et Moyennes Industries (PMI). Dans cette perspective, il se propose de « Construire des

espaces « zones franches » dans les régions à fort potentiel de développement pour abriter les

investissements directs étrangers et nationaux dans le cadre d’une stratégie de création

massive d’emplois durables ».

Dans cette même optique, il fait une autre proposition qui s’avère très importante. Il s’agit

d’une mesure fiscale incitative. En effet, il compte « accorder un rabattement de 5% d'impôt à

toute entreprise dont le bénéfice réalisé est réinvesti pour augmenter l'actif économique au

lieu d'être redistribué aux actionnaires ». Cette proposition est d’autant plus importante que les

entreprises haïtiennes se trouvent non compétitive du fait non seulement d’un comportement

rentier de leurs propriétaires, mais aussi de la propension de ceux-ci à réinvestir les profits non

pas dans l’entreprise ou la branche productive qui les a engendrés mais dans d’autres secteurs

ou branches à plus forte, rapide et sure rentabilité.

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Aussi, outre le focus sur les secteurs à forte valeur ajoutée (agriculture et agro-industrie,

tourisme, infrastructure, construction), la volonté de promouvoir la compétitivité du pays sur

les plans interne et externe s’avère important.

Sur le premier plan, comme le révèle le dernier rapport de la Banque mondiale, « la

concurrence est jugée faible en Haïti. Selon le rapport sur la compétitivité mondiale 2014-2015,

Haïti se classe au bas de l'échelle en matière de concurrence, occupant le 140e rang sur 148

pays en ce qui a trait à l'intensité de la concurrence locale, et se classant également au 140e

rang pour le degré de dominance du marché (un rang élevé est indicatif de la dominance

exercée sur les principaux marchés par un petit nombre d'entreprises). Ces données portent à

conclure qu'il existe en Haïti une perception selon laquelle les prix, la disponibilité et la qualité

des biens et des services sont déterminés par un petit nombre d'entreprises plutôt que par les

mécanismes du marché, et que ces entreprises ne semblent faire face qu'à peu de concurrence

de la part des nouveaux entrants ou des entreprises nationales de moindre envergure. […] ».

Sur le second plan, il se propose de « rechercher activement une diversification des

partenaires économiques et commerciaux d'Haïti en développant une politique d'intégration

économique régionale réelle, cohérente et coordonnée et en signant des accords bilatéraux

avec les pays de l'Amérique latine comme le Brésil et le Chili et d'autres pays de la Caraïbe, ainsi

que les pays du Sud-est Asiatique. »

Le premier plan est pertinent dans la mesure où la dynamisation et l’élargissement des

activités économiques formelles à l’intérieur du pays permettra de créer des emplois, de

relancer la croissance économique et ainsi de faire baisser la prévalence de la pauvreté. Et le

second placera le pays dans une meilleure position dans l’économie mondiale, du fait que la

régionalisation, notamment la CARICOM, constitue une soupape de sécurité économique,

compte tenu de la petite taille des économies de chaque pays-membre, et engendrera une plus

forte compétitivité mondiale et un enrichissement national mutuel.

Au cœur de l’axe économique figure également des stratégies se rapportant à l’énergie et au

logement. En fait, il compte utiliser ces deux secteurs comme leviers de croissance. Par le biais

du premier, le candidat vise à « réaliser un marché intérieur de l'énergie compétitif et de

garantir un accès universel à une énergie durable, abordable et efficace sans risque pour la

population ». Pour ce faire, il encouragera, entre autres, la mise en place de micro-réseaux

électriques notamment, en milieu rural. Cette stratégie réduira sensiblement l’inégalité

énergétique qui caractérise le pays et dynamisera l’économie rurale. Par l’entremise du second,

il injectera des capitaux dans l’économie et réduira l’exclusion sociale. Ce qui parait à cet effet

innovant, ce sont les objectifs consistant à : « Légiférer sur le quota et le financement de

logements sociaux par les Mairies ; Promouvoir la participation active de l'ONA et du FAES dans

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la construction de logements sociaux décents pour les personnes à faible revenus et les groupes

vulnérables (vieillards et personnes à mobilité réduite) ».

Les propositions concernant les logements sociaux sont d’autant plus pertinentes que, selon

l’EMMUS-V, le problème de logement, notamment en milieu urbain, est l’un des plus cruciaux

auquel est confrontée la population. En effet, non seulement une grande partie de la

population n’a pas de logements, sont donc des locataires, mais les logements sont précaires.

De plus, « dans l’ensemble, les logements haïtiens ont un sol soit en béton ou en maçonnerie

(55 %), soit en terre battue ou en sable (35 %) ; dans 84 % des cas, ils disposent en moyenne

d’une à deux pièces; 44 % des ménages ne disposent pas de toilettes améliorées ; 38 % de

l’ensemble des ménages enquêtés avaient l’électricité ; seulement 7 % des ménages disposent

de l’eau sur place . »

Trois autres composantes, insérées dans l’axe programmatique ambitieusement intitulé

« lutte pour une Haïti inclusive et valorisation du capital humain », sont tout aussi pertinentes

dans son Programme : l’éducation, la santé et la sécurité sociale.

S’agissant de l’éducation, outre la réforme de l’éducation de base, il promet de consacrer

d’importants moyens à l’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP). Car,

comme l’ont fait remarquer les nombreux diagnostics et plans d’intervention sur le système

éducatif haïtien, la formation professionnelle et technique est très défaillante en Haïti. Ce qui

fait qu’il manque crucialement de professionnels intermédiaires dans le pays au point que la

plupart de ces derniers, au regard des besoins du marché national, proviennent de l’étranger

(Philippines, République dominicaine, Jamaïque). Il est donc temps que les dirigeants politiques

trouvent une solution ce problème.

Pour ce qui concerne la santé, l’un des sous-axes stratégiques de son Programme politique

porte sur : « Garantir une meilleure couverture de santé nationale ». Ce sous-axe est d’autant

plus important qu’il pourrait pallier le grave problème d’assurance médicale auquel fait face la

population. En effet, selon l’EMMUS-V, « Une très faible proportion de femmes et d’hommes (4

%) ont déclaré avoir une assurance médicale et cette proportion est très basse quelles que

soient les modalités des caractéristiques sociodémographiques ». Ainsi, cette promesse

rencontre les attentes de la population. Car, d’une part, l’Organisation mondiale de la santé

(OMS) via ses rapports sur la santé dans le monde et le MSPP à travers l’EMMUS-V montrent

clairement que les indicateurs de santé sont au rouge dans le pays. D’autre part, l’enquête

réalisée par l’OCID montre que 6% des personnes interrogées déclarent que la santé représente

pour elles l’un des graves problèmes auxquels Haïti est confrontée. Dans cette perspective, le

projet de construire cinq centres hospitalier de référence dans le pays, bien que rien ne soit dit

et explicité sur la formation des ressources humaines du secteur, s’avère très important.

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 14

En ce qui a trait à la sécurité sociale, le candidat estime que « La politique sociale qui

s'applique actuellement en Haïti se révèle inefficace car elle n'aide pas la population à vivre

pleinement et à s'épanouir. Cette politique est synonyme d'engrenage dans la pauvreté ou

d'exclusion sociale. » Ainsi, il s’engage à « mettre en œuvre une politique de protection sociale

visant à protéger la population haïtienne contre un certain nombre de risques liés à la maladie,

à la vieillesse, à la mortalité, à l'invalidité et au chômage. »

L’axe programmatique « L’éradication de la corruption dans tous les compartiments de la

société haïtienne est également pertinent. Ce n’est pas tant l’axe en lui-même qui s’avère

important, mais les stratégies d’action pour l’opérationnaliser, à savoir : la recherche de la

franche et loyale collaboration de certaines associations socioprofessionnelles (ordre des

comptables professionnels agréés d’Haïti, Ordre des Avocats, Association nationale des médias

haïtiens); la réglementation de jeu de la concurrence et la mise en place d’un système

informatique en réseau facilitant la traçabilité des transactions et un meilleur contrôle des

finances publiques. Néanmoins, le candidat a omis d’intégrer dans cette liste l’Association

professionnelle des Banques, car celle-ci est l’un des maillons les plus faibles de la lutte contre

la corruption et le blanchiment des avoirs en Haïti. Il faut par ailleurs rappeler que, selon

l’enquête de l’OCID, 4% des personnes interrogées disent que la corruption est un grave

problème auquel le pays est confronté.

b) Les points faibles

L’ambition de rééquilibrer est pouvoirs d’Etat, notamment les rapports entre les Pouvoirs

exécutif et législatif est, dans le cadre de l’axe programmatique portant sur « le

réaménagement institutionnel des grands pouvoirs d’Etat », est le premier point faible du

Programme de Jude Célestin. Ce but est certes rationnel et nécessaire, mais le problème, c’est

que le Parti politique sous la bannière duquel le candidat se présente sera négligeable du point

de vue de la représentation parlementaire à la 50ème Législature. Il pourrait certes entrer en

négociation avec des parlementaires issus d’autres partis politiques, toujours prêts à

transhumer ou à changer d’obédience politique durant leur mandat, mais cela demeure

incertain pour son objectif et fragilise son Programme de réforme institutionnel. Le deuxième

amendement constitutionnel qu’il prévoit se révèle risqué.

Le deuxième point faible concerne la « Promotion de la solidarité nationale ». Car le candidat

n’explique pas comment il compte procéder pour le faire. Ce n’est certainement pas par l’impôt

dans la mesure où nulle part dans le Programme du candidat on ne remarque un point portant

sur la redistribution de la richesse nationale par l’impôt. Etant d’idéologie centre-gauche, selon

ses propres mots, il aurait dû penser à un impôt sur la fortune et des mécanismes de lutte

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 15

contre la fraude et surtout l’évasion fiscale. Or, comme l’a révélé le DSNCRP12, Haïti figure

parmi les pays les plus inégalitaires au monde avec un coefficient de Gini de 66% (33 %, selon

l’EMMUS-V de 2012, ce qui laisse perplexe), c’est-à-dire où 54% du revenu national va aux 10%

des individus les plus riches alors que les 10% les plus pauvre n’en absorbent que 0,37%.

Le troisième point faible du Programme politique de Jude Célestin, est la relation haïtiano-

dominicaine. Une seule phrase est effectivement consacre à cette politique cruciale : « Réviser

de façon spéciale les relations haïtiano-dominicaines à travers de nouvelles politiques

commerciale et migratoire ». Or il est d’une grande importance pour tout nouveau dirigeant

haïtien de se pencher avec courage, intelligence et détermination sur les agissements de ce

pays voisin qui se comporte en ennemi, malgré le fait que la majeure partie de son commerce

extérieur se fait avec Haïti.

Le quatrième point faible du Programme politique de Jude Célestin est la stratégie de

financement. Cette dernière est indubitablement trop vague et optimiste. Car des hypothèses

(scenarii) prenant en compte, du point de vue prospective, les grands agrégats économiques au

niveau national et la tendance évolutive de l’économie mondiale ne sont pas faite. Cet exercice

aurait pu permettre de juger de la crédibilité ou faisabilité des propositions de campagne du

candidat.

12 Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, Document de Stratégie nationale pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP), Port-au-Prince, 2007.

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 16

II

Le Programme politique de Jovenel MOISE

1. Synthèse du Programme

Le candidat à la Présidence Jovenel Moise sous la bannière du Parti politique PHTK se place

politico-idéologiquement au centre-droit. Il se base sur son expérience dans les affaires,

notamment dans le secteur production agricole d’exportation, comme tremplin pour accéder

au poste de Président de la République, car déclare-t-il si on peut réussir en affaire dans le

climat économique haïtien, on peut également sortir le pays du creuset de la mauvaise

gouvernance et du sous-développement. Son Programme électoral contient quatre axes :

Agriculture, Tourisme, Construction et infrastructures, Entrepreneuriat.

Pour ce qui concerne l’axe Agriculture, qui représente pour lui le secteur clé et donc la

locomotive du développement économique du pays, il compte la moderniser et l’élargir. Dans

cette perspective, il estime que le problème de l’insécurité et du morcellement foncier ainsi

que de l’archaïsme des méthodes de culture doit être rapidement adressé et résolu, dans la

mesure où l’agriculture du pays doit pouvoir à la fois répondre au défi démographique en

termes d’autosuffisance alimentaire et permettre la rentée de devises dans le pays. Dans cette

perspective, il se propose de :

a. Construire des barrages d’irrigation ;

b. Créer 10 zones d’agro-production dédiées à l’exportation ;

c. Créer des zones de transformation des produits agricoles ;

d. Installer 570 serres dans les sections communales ;

e. Rendre le pays autosuffisant en matière de production d’œufs dans 18 mois;

f. Assurer l’autosuffisance alimentaire ;

g. Créer beaucoup d’emplois dans le secteur agricole ;

h. Remettre Haïti sur la carte mondiale des pays exportateurs ;

i. Sécuriser les sections communales par la création d’une Unité de Police rurale ;

j. Calmer la tension haïtiano-dominicaine via le développement de zones agro-

industrielles, lesquelles donneront du travail aux paysans et les retiendront alors dans le

pays.

S’agissant de l’axe Tourisme, il estime qu’il constitue l’un des secteurs les plus dynamiques

du pays. Car, dit-il, il faut continuer l’important travail réalisé par l’Administration Martelly dans

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 17

ce secteur. Car Haïti doit reprendre l’envieuse place qu’il avait dans les années soixante-dix

dans la Caraïbes en matière de destination touristique. Pour lui, cela est d’autant plus

important que le pays a un besoin crucial de devises pour dynamiser son économie. Dans cette

perspective, parvenu au Pouvoir, il compte :

a. Promouvoir le Tourisme de la découverte (historique et culturel) ;

b. Construire un téléphérique reliant Labadie à la Cicadelle Laferrière ;

c. Construire des Villages de retraite (parc et centre d’attraction, centre commercial,

centre hospitalier) ;

d. Promouvoir l’Eco-tourisme ;

e. Faciliter la construction d’hôtels.

f. Créer des emplois dans le secteur touristique ;

g. Faciliter la rentrée de devises au pays via le secteur touristique.

Quant à l’axe programmatique « construction et infrastructures », il part du constat que le

pays accuse un important déficit en matière d’infrastructures, plus particulièrement de

bâtiments appropriés d’habitation pour la classe moyenne, de Bureau pour les petits et moyens

entrepreneurs et d’usines pour les industriels, ce qui exige un sérieux Plan de construction de

divers types de bâtiments et d’urbanisme. De plus, il estime que les cadres administratif et légal

du pays bloquent l’épanouissement des entreprises productives, ce qui nécessite une réforme

de l’Administration publique et le vote de lois économiques appropriées. Dans cette

perspective, il se propose de :

a. Construire de logements d’habitation et de bâtiments tertiaires dédiés aux activités de

Bureau ;

b. Régler le problème foncier ;

c. Proposer un plan d’aménagement du territoire d’occupation du sol;

d. Créer une Autorité nationale de la Construction réunissant les organismes d’Etat (CIAT,

ONACA, UCLBP, EPPLS, Direction du domaine de la DGI, etc.) intervenant dans les

domaines de l’aménagement du territoire, de la construction et de gestion de bâtiments

publics, de régulation foncière ;

e. Instituer une Conférence ministérielle sur la sécurité juridique des titres de propriétés

(MEF, chaque 3 mois) ;

f. Affecter un Notaire par commune (attaché au territoire) ;

g. Libérer le secteur du marché de logements en octroyant des incitatifs fiscaux aux

développeurs immobiliers;

h. Promouvoir le crédit-bail ;

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 18

i. Elaborer et faire voter une loi sur les compagnies de construction exigeant que les

Compagnies de construction étrangères sous-traitent au moins 30% de leurs activités à

des compagnies haïtiennes, ce qui créera des emplois et permettra le transfert de

technologies ;

j. Mettre en place d’un Plan social d’accès aux services d’ingénierie et d’architecture pour

aider les classes populaires à avoir de belles maisons, en plaçant des ingénieurs et des

architectes dans les mairies ;

k. Donner accès aux logements à la classe moyenne à travers la viabilisation des terrains

de certaines zones d’habitation en faisant des travaux de voirie et en amortissement le

coût de construction sur 25 ans ;

l. Revaloriser les actifs informels en matière du foncier et de logement;

m. Ouvrir l’exploitation des mines de ciment du pays, notamment celle de Morne Lapierre

des Gonaïves afin de faire baisser les coûts de construction;

n. Résoudre les différends haïtiano-dominicains via l’industrie de la construction, et ce en

leur donnant du travail dans les compagnies de construction œuvrant en Haïti.

L’axe « Entrepreneuriat » est très dense dans le Programme électoral du candidat Jovenel Moise. Il est certain que le pays a besoin d’une nouvelle et ambitieuse dynamique économique, en ce qui concerne particulièrement l’établissement d’un favorable climat des affaires. Autrement dit, en termes de Vision économique, le candidat déclare : « je crois fortement dans la liberté d’entreprise, créatrice d’emplois et de richesses dont notre pays a un urgent besoin. Nous devrons, ensemble, faire preuve d’intelligence, de lucidité, de courage pour aider nos compatriotes, de manière ouverte, à monter des entreprises, pour encourager et faciliter les investissements étrangers. Nous devrons augmenter progressivement notre capacité de production, augmenter le revenu par habitant et surtout nous assurer que nos travailleurs et ouvriers restent chez eux et puissent bénéficier des retombées de l’activité économique. » Ainsi, il compte travailler ardemment à :

a. Réformer en profondeur l’Administration publique afin d’augmenter son rendement à

environ 40% (modernisation, déconcentration et décentralisation);

b. Faire de l’Etat un catalyseur des investissements et du développement économique ;

c. Promouvoir le Business Process outsourcing (BPO) ou externalisation en Haïti des

services de firmes internationales ;

d. Mettre en place un dispositif fiscal pro-Business (pas d’augmentation de taxes durant le

mandat) ;

e. Mettre en place une ligne Internet dédiée à haut débit (fibre optique) afin de faciliter

l’externalisation des services de firmes internationales en Haïti ;

f. Parvenir à l’autonomie économique et financier ;

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 19

g. Renforcer le système judiciaire, condition sine qua non pour la création d’un Etat de

droit ;

h. Fournir une Education de qualité (création d’un Lycée d’excellence dans chaque

Département du Pays) afin de mettre le système éducatif en adéquation avec les

besoins de développement du pays.

2. Analyse du Programme

Jovenel Moise promet une meilleure gouvernance, s’il est élu. En effet, écrit-il, « Président

de la République, je serai le moteur d’une bonne gouvernance pour notre pays. Une

gouvernance à la dimension des problèmes séculaires et des besoins criants de notre pays, de

notre peuple, de nos concitoyens et concitoyennes. […] » Aussi, apportant son esprit

d’entrepreneur dans la sphère politique, son programme électoral est résolument centré

production, c’est son point fort. Il faut par ailleurs dire que certains éléments comme la sécurité

dans les milieux urbains, la sécurité sociale et l’environnement manquent dans son Programme

de campagne, c’est son point faible.

a) Les points forts

Par rapport aux attentes de la population, on peut dire que ce programme est relativement

pertinent. En effet, ses axes programmatiques, notamment la création d’emplois dans les

secteurs de l’agriculture et de la construction, rejoignent les préoccupations de la population.

Car, comme le révèlent plusieurs études, celle-ci estime que la pauvreté et le chômage

constituent les plus graves problèmes auxquels le pays est confronté à l’heure actuelle.

Le premier point fort du Programme de Jovenel Moise, c’est l’intervention de l’Etat dans

l’économie. En effet, selon lui, dans la nécessaire création de richesse dans le pays, selon lui, il

revient à l’État de donner le ton en mettant des infrastructures de base à la disposition de tous

les producteurs ou entrepreneurs qui désirent s’implanter avantageusement dans ces zones de

production, en exploitant à fond le code des investissements et en donnant des incitatifs à

l’investissement à tous ceux qui veulent participer au processus d’industrialisation du pays. Ce

point est d’autant plus pertinent que l’Etat haïtien s’est toujours comporté comme un

prédateur et ainsi décourageait tout investissement rentable et pourvoyeur d’emplois dans le

pays.

Le deuxième point fort du Programme électoral du candidat à la Présidence, c’est le zoning

productif. Ce sous-axe est d’autant plus important que l’urbanisation s’accélère à rythme

géométrique dans le pays, et ce au détriment de la campagne et donc de la production

agricole. Or, d’un côté, le pays fait face à l’insécurité alimentaire, et de l’autre, « l’urbanisation

rend Haïti plus vulnérable aux catastrophes naturelles, [dans la mesure où] elle exerce en

même temps des pressions grandissantes sur l’environnement et amène les populations à

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 20

s’installer en grand nombre dans des endroits vulnérables ». Il est donc nécessaire de concevoir

et d’exécuter un Plan d’aménagement du territoire qui délimite clairement les espaces propres

à la construction de logements d’habitation et de bâtiments ou parcs industriels. De plus, le

Programme de Zone de production agricole dédiée à l’exportation permettra l’entrée de

devises étrangères dans le pays, qui impliquera la revalorisation de la monnaie nationale.

Cependant, le candidat ne dit pas s’il va élaborer et faire voter une loi sur la limitation de

l’espace urbain.

Le troisième point fort du Programme du candidat Jovenel Moise, c’est le fait de lier la

formation professionnelle à l’entrepreneuriat. En effet, afin de mieux asseoir ce modèle

économique, Il promet de prendre le virage vers une éducation de qualité, ce qui donnera lieu à

la création d’un Lycée d’excellence dans chaque Département du Pays, car, dit-il, « Aucun pays

n’arrive à survivre sans une élite intellectuelle, économique et politique. Si nous avons des

surdoués, il faut aller les chercher ». Cette corrélation est d’autant plus importante qu’il est

révélé, dans le dernier Rapport de la Banque mondiale sur Haïti, que « Un des problèmes

majeurs auxquels se trouvent confrontées les entreprises installées en Haïti est la difficulté de

recruter des techniciens qualifiés, en particulier ceux formés aux nouvelles technologies. […] ».

b) Les points faibles

Le premier point faible du Programme de campagne de Jovenel Moise a trait à la sécurité

urbaine. En effet, si le candidat promet de créer une Unité de police rurale afin de sécuriser la

vie et les biens des paysans, il ne rien sur la sécurité des milieux urbains. Or, comme l’a révélé le

dernier Rapport de la Banque mondiale13 sur Haïti, « La criminalité urbaine chronique et

croissante a également entravé l’investissement et la croissance. Bien que la campagne

haïtienne soit relativement sûre, le taux d’homicides du pays a doublé entre 2007 et 2012,

passant de 5,1 à 10,2 homicides par 100 000 habitants. La criminalité est particulièrement

élevée à proximité des zones industrielles de Port-au-Prince et dans les bidonvilles, obligeant

les entreprises à absorber des coûts de sécurité élevés et à périodiquement cesser ou déplacer

leur activité. Les effets de la violence sont plus fortement ressentis par les groupes les plus

vulnérables de la population. Les résidents des quartiers pauvres et marginalisés ont 40 fois

plus de chances d’être assassinés que les autres citadins. » C’est dire que le candidat n’a pas

assez pris en considération le fait que l’insécurité plane beaucoup plus sur les villes que sur les

campagnes. Si ce problème n’est pas adéquatement abordé, son Plan de promotion de

l’entrepreneuriat et par surcroit de l’augmentation de la production nationale ne pourra pas

être réalisé.

13 Banque Mondiale, op. cit., p. 34.

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 21

Le deuxième point faible du Programme de Jovenel Moise concerne les inégalités et la

sécurité sociales. En effet, hormis, le Plan consistant à mettre en place d’un Plan social d’accès

aux services d’ingénierie et d’architecture pour aider les classes populaires à avoir de belles

maisons et la revalorisation des actifs informels en matière du foncier et de logement, qui

s’apparenterait à un programme social, le candidat ne précise pas comment il va s’y prendre

pour réduire le fossé entre la minorité de possédants et la majorité de démunis du pays. On

peut supposer que la réduction des inégalités sociales passera, sur son Gouvernement, par le

canal de l’emploi, mais on sait bien que les types d’emplois qu’il se propose de créer dans les

zones agricoles et dans les Business Process outsourcing (BPO) ne sont pas suffisants pour

aboutir à un tel but. Il ne fait même pas allusion à la possibilité de continuer le « Programme

Ede Pèp » mis en place à grand renfort de propagande par le Président et fondateur du Parti

politique (PHTK) sous la bannière duquel il candidate. Sont aussi absents de son Programme des

Plans d’assurance santé et de construction de logements sociaux.

Le troisième point faible du Programme de ce candidat se situe dans l’absence d’un Plan

stratégique sur l’environnement. En effet, rien n’est véritablement dit sur la protection de

l’environnement et la reforestation du pays. Or, on sait que l’agriculture intensive d’exportation

se développe au détriment des espaces forestiers et pollue l’environnement. Il ne renseigne pas

non plus la population sur les actions qu’il prendra pour empêcher aux parcs industriels de

détruire la biodiversité des endroits où ils seront implantés.

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 22

III

Le Programme politique de JEAN-CHARLES MOISE

1. Synthèse du Programme

Le Programme de campagne de Jean-Charles MOISE est dense et se veut en quelque sorte

révolutionnaire, au sens social du terme. Ainsi, se réclamant du « nouveau socialisme latino-

américain », il se propose, à travers son offre politique, de changer considérablement les

conditions d’existence des couches les plus pauvres tout en facilitant la création de richesse

dans le pays. En fait, il essaie d’établir un lien positif entre une « économie mixte de marché »

et le progrès social, dans la mesure où il met l’accent sur l’intégration des couches défavorisées

à travers les services sociaux de base et la redistribution équitable de la richesse nationale. Ce

Programme politique repose sur trois Piliers : Souveraineté, Solidarité et Prospérité, lesquels

correspondent respectivement aux secteurs Politique, Social et Économique.

Pilier 1: Souveraineté Axe d’orientation stratégique: Reprise du contrôle total et effectif du territoire national dans toutes ses dimensions. Objectifs stratégiques:

1. Reprendre et renforcer de manière durable au terme du quinquennat du mandat présidentiel le contrôle total et effectif du territoire national dans toutes les fonctions régaliennes de l’État haïtien au regard de sa Constitution et ses lois, de ses engagements internationaux, régionaux, subrégionaux, bilatéraux et/ou multilatéraux dans une perspective de Prise en charge du destin de la Nation haïtienne, de l’Édification de la Souveraineté et de la Dignité Nationales.

2. Ré-institutionnaliser et dynamiser au bout de vingt quatre (24) mois toutes les institutions et tous les pouvoirs de l’État par la proposition de révision de la législation existante ou l’élaboration d’une autre portant organisation et fonctionnement de l’État central et des Collectivités, et statut de la fonction publique centrale et territoriale.

3. Établir et pratiquer tout au long du quinquennat du mandat présidentiel une Politique de Gouvernance respectueuse des droits et libertés des haïtiens et des haïtiennes, ouverte, transparente, rationnelle dans la gestion des affaires de la République, harmonieuse entre toutes les institutions et les pouvoirs de l’État tant au niveau central que local.

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 23

4. Établir et pratiquer tout au long du quinquennat du mandat présidentiel une Politique de Planification systématique et rigoureuse des interventions sectorielles de l’État, de mise en œuvre, de suivi et évaluation, de contrôle des politiques publiques sectorielles à travers une méthode de Gestion Publique ou de Management Public Planifié par Objectifs-Résultats, de lutte contre la corruption, de détournements et de dilapidation des deniers et biens publics.

5. Établir et pratiquer tout au long du quinquennat du mandat présidentiel une Diplomatie Transcontinentale et Souveraine par le positionnement d’Haïti du point de vue géopolitique, géoéconomique, géo-financier, géo-technologique et géoculturel comme État souverain, partenaire et/ou allié d’États de son environnement direct, de son proche environnement et de son environnement lointain.

6. Obtenir au bout dix huit (18) mois le retrait définitif du territoire national des troupes militaires onusiennes déployées sur le sol haïtien à travers la Mission des Nations Unies de Stabilisation en Haïti(MINUSTAH) par la définition entre l’État haïtien et le Conseil de Sécurité des Nations Unies d’un calendrier de départ et par l’établissement et déploiement d’une nouvelle Force Militaire de Défense Nationale.

Pilier 2: Solidarité Axe stratégique: Développement et/ou renforcement de la cohésion, de la justice et de la paix sociales Objectifs stratégiques:

1. Développer et/ou renforcer tout au long du quinquennat du mandat présidentiel la cohésion, la justice et la paix sociales dans une perspective de Solidarité, de Stabilité politique durable et de Vivre ensemble dans la Fraternité et la Sororité.

2. Établir et maintenir tout au long du quinquennat du mandat présidentiel une Politique de dialogue franc et permanent avec toutes les composantes et secteurs de la société tant du milieu urbain que rural;

3. Établir et maintenir tout au long du quinquennat du mandat présidentiel une Politique d’Équité sociale, d’Intégration Socioéconomique et culturel visant l’élimination des inégalités sociales, de la marginalisation des masses paysannes, de l’exploitation des couches laborieuses urbaines, des jeunes, des personnes vivant avec un handicape, de la violence de genre en particulier aux femmes, aux jeunes filles et aux enfants des deux sexes.

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 24

Pilier 3: Prospérité Axe d’orientation stratégique: Redémarrage et Dynamisation de l’Économie Nationale Objectifs stratégiques:

1. Redémarrer et dynamiser l’Économie Nationale tout au long du quinquennat du mandat présidentiel en vue de reclasser Haïti dans l’économie mondiale et de l’Amérique latine-Caraïbes avec une croissance passant de 2% à 14% PIB par la mise en place et l'application d’une Politique Économique Mixte, Solidaire, Planifiée et Financière à Croissance Accélérée dans une perspective de Développement et/ou renforcement de la Production Nationale dans une « Approche Stratégique basée sur la Croissance économique ternaire à effet multiplicateur de création et de redistribution équitable de Richesse »

2. Faire passer dans l’intervalle de deux (2) ans et six (6) mois du quinquennat du mandate présidentiel la croissance d’environ de 2% à 9% PIB par l’intensification de l’application de la Politique économique mixte solidaire, Planifiée et Financière visant le Renforcement de la Production nationale orientée vers une « croissance extensive et innovante» à travers le développement de nouvelles branches et de nouveaux marchés par l’accroissement de la quantité des facteurs de production où le pays devra commencer à produire les biens qu’il importait autrefois, à atteindre l’autosuffisance alimentaire, et à réduire considérablement le déficit commercial et budgétaire ;

3. Atteindre au bout de cinq (5) ans au terme du quinquennat du mandat présidentiel une de 14% PIB par l’intensification de l’application de la Politique économique mixte solidaire, Planifiée et Financière visant le Renforcement de la Production nationale orientée vers une « croissance extensive et innovante» à travers le développement de nouvelles branches et de nouveaux marches par l’accroissement de la quantité des facteurs de production où le pays devra commencer à produire les biens qu’il importait autrefois, à atteindre l’autosuffisance alimentaire, et à réduire considérablement le déficit commercial et budgétaire.

4. Créer et laisser au terme du quinquennat du mandat présidentiel, un Cadre macroéconomique et de conditions objectives de Prospérité économique à impact positif sur la vie de la population à tous les niveaux par la dynamisation de l’Économie Nationale vers la maturité dans la perspective pour que l’Économie nationale puisse atteindre dans les cinq prochaines années une croissance de 20% PIB.

Le premier pilier du Programme de Jean-Charles Moise concerne la dimension proprement

politique. Il part du constat que « Haïti est considéré comme un « État failli » et est classé dans

la liste des États les plus faillis du monde depuis ces quinze (15) dernières années. Car l’État

haïtien fait face à de graves difficultés de gouvernance et d’autorités légitimes pour pouvoir

répondre plus efficacement à ses fonctions régaliennes notamment assurer le contrôle effectif

de son territoire, protéger ses populations contre les catastrophes naturelles et/ou provoquées,

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 25

garantir aux citoyens et citoyennes l’exercice de leurs droits économique, sociaux et culturels,

la jouissance effective de leurs libertés fondamentales ». Pour remédier à cette situation, il

prendra, entre autres, les actions suivantes :

a. Proposition de révision, adoption et application de la grille salariale et autres avantages au profit des fonctionnaires et personnels de la fonction publique centrale et locale ;

b. Construction de Villages résidentiels publics à un prix forfaitaires pour les fonctionnaires et personnel de la fonction publique de l’État central et des Collectivités Territoriales ;

c. Création, mise en place et opérationnalisation de l’Office d’Application des garanties et législations relatives aux Droits Humains (OAGLRDH) ;

d. Mise en Place d’une Inspection Judiciaire chargée de dépister les juges, les officiers de justice corrompus, les raquetteurs et les faux avocats ;

e. Mise en place et opérationnalisation du Conseil Électoral Permanent; f. Mise en place et opérationnalisation du Conseil Constitutionnel; g. Élaboration, adoption et application d’un « Document Stratégique de Politique

Diplomatique, Consulaire et de Coopération Externe » ; h. Évaluation et/ou renforcement de la position d’Haïti dans le CARICOM; i. Ouverture des Relations diplomatiques, Consulaires et de Coopération vers des

Continents africain, asiatique, arabe et européen (sud et centre de l’Europe) à opportunités économiques notamment l’intégration des Blocs économiques, les échanges commerciaux, le transfert de technologie et l’approvisionnement en matières premières d’agro-industries et d’industries de fabrication de pièces industrielles, électroniques, électriques et mécaniques ;

j. Révision des Relations Haïtiano-Dominicaines sur les questions migratoires, commerciales, de localisation des bornes et du contrôle de ligne frontalière ;

k. Publication d’un Arrêté le 18 Novembre 2017 nommant et installant un Haut Etat-Major Intérimaire des Forces de Défense du Territoire National avec pour mandat de réviser et adapter toute la législation militaire haïtienne en vue de la mise en place de l’institution militaire.

l. Proposition, adoption et d’une « Loi portant Organisation et Fonctionnement du Service Civique Mixte Obligatoire, et du Service Militaire ».

Le deuxième pilier du Programme de Jean-Charles Moise porte sur les « services sociaux

de base » et donc sur les droits fondamentaux (sociaux et culturels) du peuple haïtien. Ainsi, y

sont pris intégrés des projets d’Education, de santé, de justice et de sécurité, d’aide aux

personnes vulnérables, de culture et développement humain. Dans ce sens, il promet de mener

des actions stratégiques en matière de :

a. Mise en place et opérationnalisation d’une Commission Nationale, Citoyenne- Multisectorielle de Dialogue Social (CNCMDS) avec les représentants et représentantes de tous les secteurs organisés de la vie nationale ayant pour mission d’adresser tous les problèmes sociaux susceptibles d’avoir des effets négatifs, déstabilisateurs ou

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 26

destructeurs sur le tissu social et de constituer des obstacles majeurs à la croissance économique, de formuler et d’en proposer des réformes à l’Exécutif dans ses deux branches. Son mandat s’étendra sur le quinquennat présidentiel ;

b. Mise en place et opérationnalisation de Bureaux de Doléances et d’Actions Sociales Territoriales dans toutes les Communes, tous les Quartiers à forte concentration d’habitants et toutes les Sections Communales du pays.

c. Mise en place d’une Commission Présidentielle de réforme du système éducatif, de l’Enseignement universitaire, supérieur et professionnel ayant pour mission de diagnostiquer et de faire des propositions adaptées à l’évolution des mœurs, aux besoins nationaux et aux défis mondiaux;

d. Réaménagement, construction et modernisation de bâtiments scolaires standards à vocation à la fois scolaires et professionnels;

e. Mise en place et application d’un programme d’accès gratuit aux uniformes et chaussures, aux ouvrages scolaires, aux fournitures et aux sacs d’école pour les élèves des écoles nationales et des lycées - subventionné à 60% pour les élèves des écoles non publiques;

f. Créer de meilleures conditions de l’exercice du Métier d’Enseignant-Enseignante notamment les salaires, les avantages sociaux, la sécurité sociale et la pension et/ou la retraite tant dans le secteur public que non public;

g. Adoption de mesures législatives et de politiques publiques visant l’Adaptation et le renforcement de la formation professionnelle aux besoins de la croissance économique nationale;

h. Augmentation de la couverture sanitaire avec la mise en place d’un système mobile de soins de santé par automobiles et autres véhicules roulants, hélicoptères et bateaux médicosanitaires pouvant atteindre les populations éloignées du territoire;

i. Émission d’une Carte Nationale d’accès gratuit aux soins de santé dans les centres et hôpitaux publics – et Subventionné à 40% par l’État pour l’accès au secteur privé de santé avec pour dénomination « Claire Heureuse –Santé »;

j. Dotation des communes, des quartiers et des sections communales à forte concentration d’habitants de pharmacies communautaires;

k. Promotion et encadrement de la médecine traditionnelle; l. Mise en place et opérationnalisation d’un Programme de logements sociaux urbains et

modernes construits en hauteur ne dépassant pas plus de deux étages au profit des couches moyennes laborieuses de la Capitale et des Villes de Province à forte concentration urbaine à un prix forfaitaire payable par crédit bancaire public sur une période 30 ans ;

m. Mise en place et application d’un Programme d’aménagement de « Maisons-lakou » et de construction de logements sociaux ruraux dans des sections communales à forte concentration d’habitants;

n. Construction d’un Centre Socioculturel dans chaque Ville, Quartier à forte concentration d’habitants et Section Communale pouvant servir d’espace de vie sociale, d’éducation civique, de formation artistique (musique, danse, peinture, théâtre), de loisirs sains pour toutes les âges selon des programmes et périodes bien établis ;

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 27

o. Renforcement des capacités budgétaires et opérationnelles des institutions de l’État intervenant dans la gestion de l’environnement notamment la protection des bassins versants, la faune et la flore nationale, les zones écologiques de réserve nationale;

p. Adoption de mesures législatives et de politiques publiques visant l’application des législations nationale et internationale visant la protection des femmes notamment le respect du quota de 30%, la mise en place de programme d’intégration socioéconomique, la participation politique, la lutte contre la violence de genre;

q. Mise en place et application d’un « Programme d’Encadrement Socioéconomique, Politique et d’Autonomisation des Femmes » visant la déféminisation de la pauvreté extrême, à lutter contre la marchandisation du corps et sexe des femmes, des adolescentes et des jeunes filles, la marginalisation et la stigmatisation politique »;

r. Aménagement et/ou construction de Centres d’Accueil Modernes dans chaque Département dans des Communes ou Sections Communales à fort pourcentage d’enfants de rues, d’orphelins et victimes de violence domestique en vue de leur intégration sociale et psychologique;

s. Mise en place et application d’un « Programme d’intégration socioéconomique et d’initiation des jeunes à l’autonomisation » visant à combattre la délinquance juvénile sous toutes ses formes notamment l’association à des activités de gang, de crime organisé, de trafic de stupéfiant, d’alcoolisme, de tabagisme, de dépravation sexuelle et de prostitution;

t. Adoption de mesures relatives à la mise en place d’un « Programme d’Intégration Socioéconomique et Culturel des personnes handicapées » sur l’ensemble du territoire visant à la lutter contre la stigmatisation, la marginalisation et la paupérisation de cette catégorie;

u. Mise en place et application d’un «Programme de Solidarité Sociale » en faveur des personnes de 3ème âge ou vieillards, des personnes en situation socioéconomique difficile par l’allocation d’une solidarité financière pour des besoins vitaux (logement, scolarité) et l’Émission d’une Carte de « Solidarité Sociale » offrant la gratuité de services pour la satisfaction des besoins vitaux, santé, nourriture et produits d’hygiène;

Le troisième pilier du Programme de Jean-Charles Moise porte sur la prospérité économique axée sur l’augmentation de Production nationale et la sécurité alimentaire. Le candidat part du constat qu’il est inacceptable que la production nationale se soit abaissée aussi drastiquement et que en conséquence le pays soit plongée dans une si grande dépendance vis-à-vis des produits importés (des États-Unis d’Amérique et de la République dominicaine) et de l’aide humanitaire. Aussi, il aborde le crucial problème des indicateurs macro-économiques. Il est à remarquer que l’accent est mis sur le crédit aux classes populaire et moyenne. Pour y remédier, le candidat compte mener les actions suivantes :

a. Définition et Application d’une Politique économique mixte solidaire planifiée et

financière;

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 28

b. Injection d’un flux de capitaux de financement de la production nationale au moyen de

prêt à un taux forfaitaire sur 30 ans, de moyens technologiques modernes dans

l’agriculture et l’agro industrie, l’élevage et la pêche, aux initiatives de mise en place de

coopératives et d’entreprises mixtes dans les secteurs;

c. Mise en Place de Banques d’Encadrement technique, d’Approvisionnement en Intrants

et Équipements Agricoles et Agros Industriels » dans chaque Département et de

Bureaux d’Appui Technique dans chaque Commune et Section Communale à vocation

agricole massive;

d. Aménagement et/construction de routes d’automobiles et/ou ferroviaires de

pénétration des zones agricoles du territoire;

e. Création de Sociétés et/ou d’Entreprises Mixtes d’Exploitation, de Transformation et de

Commercialisation des Produits Miniers;

f. Augmentation de la capacité en Énergie électrique domestique et industrielle par la

Construction de Centrales Électriques solaires, hydrauliques, thermiques, éoliennes et

bioénergies en appui au développement de l’Industrie et de l’Agro-industrie;

g. Construction de Terminales Hautement Sécurisées de Stockage et de Réserve

Stratégique des Produits Pétroliers et des Gaz naturels (propane) dans sept (7) autres

Départements du territoire à part l’Ouest (Nord, Sud, Sud-Est, Nord-Ouest, Nippes,

Artibonite, Grande-Anse) ;

h. Aménagement et/ou Construction d’autres Ports Commerciaux à Terminale Ferroviaire

pour l’Interconnexion directe avec les zones agricoles à pénétration ferroviaire;

i. Urbanisation et modernisation intensifiée de Port-au-Prince avec la Construction du

Palais National, l’achèvement du Palais des Ministères, la construction de nouveaux

bâtiments commerciaux, la reconstruction du Stade Sylvio Cator, la construction d’un

grand gymnase moderne, le réaménagement d’espaces publics verts, la construction du

Musée-Panthéon des artistes et poètes;

j. Construction de nouvelles infrastructures routières de modernisation du transport en

commun notamment de deux (3) lignes de métro, l’une reliant le centre du Bord de Mer

de Port-au-Prince jusqu’à Léogane et l’autre jusqu’à la Ville de Saint-Marc avec une

Ligne secondaire vers Delmas, Tabarre jusqu’à Croix des Bouquets et une autre

Carrefour Santo-Plaine jusqu’à Carrefour Marassa vers Croix des Bouquets;

k. Début de construction d’une nouvelle Ville moderne dans le Nord qui portera le nom «

Roi Christophe Ville », aux environs du côté Nord-Est de la Ville du Cap-Haïtien qui sera

réaménagé et protégée, et une autre Mégapole également dans le Sud ou entre le Sud

et Sud-Est portant le nom de « Quisqueya-Bohio-Ville;

l. Construction d’un Campus Universitaire Moderne et Standard dans chaque

Département capable de répondre aux besoins nationaux et internationaux avec une

emphase de la transmission de savoir scientifique pour la croissance économique ;

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 29

m. Mise en place d’Entreprises Mixtes Industrielles de fabrication de pièces mécaniques,

électromécaniques, électroménagères, aéronautiques et électroniques de pointe ;

n. Mise en place d’entreprises Mixtes industrielles de construction et/ou d’assemblage

d’automobile, d’avions et de bateaux.

2. Analyse du Programme

Le Programme du candidat à la Présidence Jean-Charles Moise, situé idéologiquement à

gauche, est très ambitieux. C’est pourquoi il est très dense, au sens qu’il comporte beaucoup

d’actions stratégiques (que nous avons synthétisé pour les besoins de l’analyse). Il est centré

sur l’auto-détermination nationale, sur la production nationale et la fourniture des services

sociaux de base.

a) Points forts

On peut dire que la pertinence du Programme de Jean-Charles Moise réside dans

l’orientation qu’il donne aux problèmes économiques et sociaux. Cette orientation est d’autant

plus louable qu’en Haïti, comme le relate la Banque mondiale dans son dernier rapport sur

Haïti, « Les dépenses publiques allouées à la santé, à l’éducation et à la protection sociale ne

représentent que 5 % du PIB, un pourcentage inférieur à celui observé dans les pays

comparables, et limitent l'aptitude de l'État à offrir des chances égales à tous les habitants ».

La proposition de « crédit public pro-pauvre et classe moyenne » est pertinente parce qu’il

est connu que le crédit est distribué de façon discriminatoire voire clanique dans le pays. Au

lieu de s’élargir et de dynamiser l’économie nationale, il sert plutôt à maintenir les monopoles.

Même le rapport de la Banque mondiale14, institution honnie par le candidat pour une raison

idéologique, le reconnait. En effet, selon celle-ci, « Le secteur privé haïtien reste ainsi dominé

par un petit nombre de familles, ce qui conduit à une forte concentration de leur pouvoir dans

un certain nombre d'industries clés, à une distorsion de la concurrence et au maintien, dans de

nombreux cas, de pratiques commerciales non transparentes. Cette situation limite en pratique

la possibilité d'une expansion importante du secteur privé structuré dans la plupart des

secteurs de l'économie. Rares sont les entreprises privées haïtiennes établies dotées d'une

structure financière et d'une structure de gouvernance modernes et caractérisées par une

gestion professionnelle, ce qui limite leur accès aux financements à long terme. »

Les actions concernant l’augmentation de la production nationale la sécurité alimentaire

sont également d’une grande pertinence. Car, on remarque, d’un côté, la désindustrialisation

du pays, et de l’autre, la diminution du poids de l’agriculture dans le PIB étant donné les

problèmes qui la caractérisent (structure foncière et agraire très morcelée, pertes post-récoltes

s’évaluent à 15-35% de la production, sous-utilisation de fertilisants et de semences

améliorées, faible rendement, pertes post-récoltes, etc.). Il est donc nécessaire d’œuvrer à

14 Banque Mondiale, Op. cit.

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 30

augmenter la contribution de l’agriculture au PIB, car elle est« aujourd’hui évaluée à 25 %, à

l’emploi à plus de 50 %, dont 60 % d’actifs occupés en milieu rural [IHSI], et à la disponibilité

alimentaire à 48 %. »15 En liant la production national, notamment la production agricole, avec

la sécurité alimentaire qui réfère, selon la FAO, à une situation où « tous les êtres humains ont,

à tout moment, la possibilité physique, sociale et économique de se procurer une nourriture

suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins et préférences

alimentaires pour mener une vie saine et active», le candidat se propose de réduire la

vulnérabilité du pays et d’enclencher une dynamique de développement humain combinant les

dimensions biologique, éducatif et économique.

Les actions concernant la santé publique (proximité, prévention et traitement) sont très

pertinentes. Car, le pays fait face à un grave problème sanitaire. En effet, outre le taux

relativement élevé de la mortalité maternelle et infanto-juvénile, le fort taux de prévalence du

VIH/SIDA, de la présence de la souche du choléra et d’autres maladies tropicales, la population

haïtienne fait face à l’absence quasi-totale de soins de santé préventifs et curatifs tant le milieu

urbain que dans le milieu urbain par manque d’infrastructures et de professionnels sanitaires.

C’est pourquoi Il n’y pas assez de professionnels médicaux pour soigner la population haïtienne

et l’espérance de vie à la naissance est la plus basse de la région. Dans ce cas, sa promesse

électorale consistant à construire « 5 grands centres hospitaliers de référence : Grand Nord (2).-

Grand Sud (2), Modernisation de l’HUEH et en appui (critère de distance), 1 ou 2 centres de

soins d’urgence sur les grands axes routiers » se révèle appropriée à la crise sanitaire à laquelle

est confronté le pays.

Les actions en matière de construction et d’allocation de logements sociaux aux couches

sociales les plus défavorisées sont très pertinents. Car le problème de la propriété de logements

se pose particulièrement en milieu urbain où une grande partie de la population habite dans

des bidonvilles insalubres et violents. Or, non seulement le taux d’urbanisation continue de

croitre exponentiellement, mais encore comme le révèle l’ECVH16, « Dans les zones urbaines,

environ la moitié des ménages affirment qu’ils sont propriétaires des logements et la plupart

rapportent qu’ils possèdent leur logement ainsi que la parcelle sur laquelle celui-ci se trouve

(Tableau 5). L’autre moitié est constituée essentiellement de locataires. Dans les zones rurales

presque tous les ménages disent qu’ils sont propriétaires de leurs logements et des parcelles

sur lesquelles ils habitent (92%). Le mode d’occupation varie considérablement par

département, avec moins de propriétaires de logements dans l’Ouest (62%) contre à peu près

80% en général. Le pourcentage de propriétaires diminue avec le revenu du ménage, et le

pourcentage des locataires augmente. Par exemple, parmi les ménages appartenant au quintile

15 Primature de la République, Politique Nationale de Souveraineté et de Sécurité alimentaire et Nutritionnelle en Haïti, Port-au-Prince, Février 2015. 16 Ministère de l’Economie et des Finances, Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique, Enquête sur les conditions de vie en Haïti (ECVH-2001), Volume II, Port-au-Prince, 2003, p. 21.

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 31

des revenus les plus faibles, 84% disent qu’ils sont propriétaires contre 64% dans le quintile des

revenus les plus élevés. »

C’est pourquoi l’action prévue en termes de construction de « Village-lakou », bien que l’appellation soit folklorique, est pertinente. Car il est temps que le milieu rural haïtien affiche un autre visage. Comme le promet le candidat, il est nécessaire de moderniser « les habitats ruraux en fonction des normes environnementaux et culturels et fournir les services de base pour les paysans ». Car, selon l’EMMUS-V17, la moitié des logements en zone rurale ont un sol en terre battue ou en sable ; 25 % des ménages ruraux ne disposent que de fosses d’aisances sans dalle ou de trous ouverts et 38 % ne disposent pas de toilettes ; 52% doivent se déplacer moins de 30 minutes pour s’approvisionner en eau à boire ; 15 % disposent de l’électricité ; 73% utilisent le bois comme combustible pour la cuisine.

b) Points faibles

Le programme de Jean-Charles Moise est dense. Il a Trop d’actions stratégiques. Il semble

qu’il n’a pas de priorités, sinon croit-il, à raison, que tout est prioritaire dans le pays.

Outre ce problème de priorité, le premier point faible du Programme politique de Jean-

Charles Moise, c’est l’absence d’une politique publique de planification familiale. Or celle-ci

s’avère nécessaire, car le pays est de toute évidence pris dans une de sous-développement

causée par le décalage démo-économique.

En effet, aucune politique sérieuse de contrôle de naissance n’a été véritablement conçue et

mis en œuvre dans le pays. En effet, comme le révèle l’EMMUS-V18, « La planification familiale

est un problème de grande importance pour le pays. Ceci se reflète clairement dans le plan

stratégique national de santé de la reproduction et planification familiale 2013-2016 publié en

Décembre 2012 par le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP). Ce document

rappelle que l’indice synthétique de fécondité est de 3,5 et que le nombre moyen d’enfants

désirés est de 2,0, ce qui traduit des besoins non couverts en matière de planification familiale.

À cet égard, l’objectif fixé par le MSPP pour la période 2013-2016 est de faire baisser le taux de besoins non couverts afin qu’il se situe à environ 10 %. […] On estime que, dans l’ensemble, 35 % des femmes en union ont des besoins non satisfaits en matière de planification familiale, soit environ 16 % pour l’espacement des naissances et 20 % pour la limitation. La demande totale en planification familiale de ces femmes est de 70 %, soit 29 % pour l’espacement des naissances et 41 % pour la limitation. La proportion de femmes en union dont les besoins en planification familiale sont actuellement satisfaits est de 35 %. […] On constate que 14 % des adolescentes ont déjà commencé leur vie féconde : 11 % d’entre elles ont eu au moins un enfant et 3 % sont enceintes du premier enfant. La proportion d’adolescentes ayant déjà

17 MSPP, EMMUS-V, op. cit. 18 MSPP, EMMUS-V, op. cit.

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 32

commencé leur vie féconde augmente rapidement avec l’âge, passant de 3 % à 15 ans à 31 % à 19 ans, âge auquel 28 % des jeunes filles ont déjà eu au moins un enfant. […] Par rapport à l’âge de la mère à la naissance de l’enfant, il ressort que pour près des deux tiers des jeunes femmes de moins de 20 ans (64%), les naissances n’étaient pas planifiées : elles étaient soit souhaitées plus tard (59%), soit non désirées (5%).»

Il est donc urgent que les futurs dirigeants apportent une solution. De plus, le fait d’orienter

cette politique vers les femmes vivant en milieu rural s’avère très pertinente, dans la mesure où cette catégorie sociodémographique est la plus nécessiteuse en termes d’intrants contraceptifs, c’est pourquoi elle accuse un Indice synthétique de Fécondité (ISF) relativement élevé.

Le deuxième point faible de son Programme, c’est le fait que, malgré son encrage

idéologique à gauche presqu’extrême, il ne propose pas un Programme de Sécurité sociale universelle incluant les assurances chômage et médicale à la population. Il se contente d’assurer qu’il fournira un service sanitaire pour tous. On peut comprendre que le candidat soit pragmatique, c’est-à-dire sache que l’état économique du pays ne permet pas la réalisation de ce programme, mais il aurait pu le mentionner et dire pourquoi il ne fait pas partie de son programme électoral. Or, le candidat a sévèrement critiqué l’hésitant et nébuleux Programme « Ede Pèp » du Président qu’il compte succéder. On est en droit de s’attendre à ce qu’il propose un meilleur programme de transfert de ressources sans contrepartie.

Non plus, rien n’est dit sur l’instauration d’un Impôt sur la fiscalité et notamment sur l’impôt

sur la Fortune pouvant lui permettre de redistribuer directement la richesse nationale et de faire baisser les inégalités sociales. La « fiscalité alternative » aurait dû constituer une action programmatique centrale dans le Programme d’un candidat idéologiquement situé à gauche.

Il faut aussi dire que le grave problème de violence et d’insécurité n’est pas explicitement

abordé par le candidat Jean-Charles Moise. Dans son Programme figure certes des actions de « justice et sécurité », mais ce fléau n’est pas sérieusement pris en compte et donc des propositions de remédiation ne sont pas fournies.

De plus, le candidat propose un ensemble de mesures législatives afin de donner une base

légale à ses actions programmatiques. Or le Parti politique sous la bannière duquel le candidat se présente est insignifiant en termes de représentation parlementaire à la 50ème Législature. Il pourrait certes entrer en négociation avec des parlementaires issus d’autres partis politiques, toujours prêts à transhumer ou à changer d’obédience politique durant leur mandat, mais cela demeure incertain pour son objectif et bloquera indubitablement sa gouvernance dite alternative.

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 33

Enfin, il est à remarquer que les voies et moyens financiers pour réaliser ce Programme

électoral ne sont pas sincères. Il est certain que le candidat ne pourra pas, s’il est élu Président

de la République, réaliser toutes les actions de son Programme politique.

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 34

IV

Le Programme politique de Jean Henri CEANT

1. Synthèse du Programme

Jean Henri Céant, qui brigue le poste de Président de la République sous la bannière du Parti politique RENMEN AYITI, donne à voir sa vision politique comme « celle d’une société inclusive, mettant en première ligne les principes de réconciliation nationale, de promotion de la dignité humaine, d’accès de chacun et de chacune à une meilleure qualité de vie, à une formation de qualité et à une digne promotion sociale ». Pour pouvoir matérialiser cette vision, il s’appuie sur ce qu’il appelle les trois majorités : les femmes, les paysans et les jeunes, et ce afin, écrit-il, de « casser la logique de l’exclusion et inverser la spirale de pauvreté ». Il pense que « Ces majorités représentent, de façon inter-reliée, les composantes démographiques principales de la vulnérabilité sociale ». Dans cette perspective, son Programme contient cinq axes : Secteurs productifs, Economie et finances, Infrastructures, Services sociaux de base, Secteur public.

Le premier pilier ou axe « Secteurs productifs » renvoie au développement de l’agriculture, de la pêche et pisciculture, de la forêt, au développement rural, à l’environnement, au commerce et à l’industrie, et enfin à la culture. En somme, le candidat propose de rentabiliser ces secteurs au sens de les transformer en facteurs de croissance et de développement économique.

a. Augmenter substantiellement et durablement l’offre de produits agricoles et de la pêche de consommation courante;

b. Améliorer les cultures de rentes et les techniques de pêche; c. Arbitrer de façon intelligente des mesures et des ressources assorties à ces deux voies

de politiques ; d. Attribuer aux femmes des Crédits à la commercialisation et leur fournir une Formation

au conditionnement des produits et à la gestion de micros, petites et moyennes activités de commercialisation ;

e. Attribuer des crédits aux jeunes pour développer des activités de commercialisation agricoles et/ou de la pêche;

f. Développer des stratégies émergentes pour arrimer petites et moyennes exploitations agricoles des paysans aux grands courants d’action dans le secteur pour promouvoir une large classe moyenne dans le secteur.

Le deuxième secteur « cadre économique et financier » pose le problème de la pauvreté et apporte des solutions. En effet, il part du fait que « L’économie haïtienne est dans une trappe à pauvreté qui l’oblige à dépendre de plus en plus de l’assistance étrangère sans pouvoir démarrer son propre processus de croissance. Cette trappe à pauvreté se caractérise par la marginalisation des paysans qui voient leurs revenus diminuer au fil du temps ». C’est pourquoi,

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 35

estime-t-il, « L’approche fondamentale consiste à changer la vision extravertie du développement national vers une vision autocentrée ouverte sur le monde extérieur ». Ainsi, il se propose de :

a. Mettre en œuvre une politique macroéconomique par Une politique de relance par la demande et par le renforcement des structures de l’offre ;

b. Faire de la bonne gouvernance la toile de fond des politiques ; c. Promouvoir le Commerce et l’Industrie ; d. Promouvoir le Tourisme ; e. Réformer le Système fiscal ; f. Réformer le Système bancaire ; g. Mettre en place un cadre viable de promotion des PME et PMI.

Le troisième axe « Infrastructures »réfère à un champ d’investissement susceptible, selon

le candidat Jean Henri Céant, de créer de nombreux emplois et en conséquence la croissance et la richesse en Haïti. Il croit que ce secteur est capable « d’élever Haïti au rang des pays à revenus intermédiaires ». Dans le cadre de cet axe, il compte mobiliser les sous-secteurs de :

a. L’Eau et Assainissement b. Le Transports c. Les Télécommunications d. L’Energie e. Les Mines et Carrières f. La Construction

Le quatrième axe programmatique « secteurs sociaux de base » représente, selon Jean Henri Céant le champ d’action privilégié pouvant permettre de « répondre aux problèmes de pauvreté ». Autrement dit, il se situe « au cœur d’un cadre préposé à l’arrimage des politiques sociales définies dans l’optique d’éliminer la pauvreté massive dans le pays ». Il regroupe les sous-axes Education et santé. Ainsi, il se propose de :

a. Augmenter substantiellement la part des dépenses d’éducation dans le budget courant et dans le budget d’investissement ;

b. Planifier de nouvelles infrastructures scolaires répondant à des normes modernes d’apprentissage, en rapport avec les objectifs sectoriels inscrits dans la planification de l’effort de développement ;

c. Intégrer, sur la base de critères minima, des écoles du secteur privé fonctionnant en dehors du circuit formel pour obvier à la faiblesse de l’offre ;

d. Améliorer l’efficacité interne du système éducatif ; e. Accroître l’espérance de vie scolaire ; f. Réduire le taux de retard académique par rapport aux âges spécifiques d’entrée dans les

trois cycles de l’école fondamentale g. Réduire le gaspillage de ressources financière que représente le taux élevé de

déperdition scolaire ;

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 36

h. Mettre en phase les formations dispensées aux impératifs du marché de l’emploi et aux besoins nouveaux de l’actuel environnement technologique ;

i. Fixer la formation aux besoins définis dans le cadre du nouvel effort de reconstruction et de développement ;

j. Mettre en place, à côté de la filière classique, des filières techniques et professionnelles pour adapter l’enseignement aux ambitions de développement ;

k. Renforcer les valeurs civiques et morales et à celui d’une appropriation consciente de notre patrimoine socioculturel ;

l. Développer un enseignement universitaire diversifié répondant à des normes de qualités bien définies et ouvert à des programmes de recherche, dans un premier temps, orientés vers les besoins de développement en Haïti ;

m. Faire du sport un moyen de promouvoir l'éducation, la santé, le développement et la culture de paix ;

n. Développer une politique de santé préventive qui s’appuie sur des axes d’interventions impliquant (i) les femmes ; (ii) la jeunesse ; et (iii) les paysans à travers une approche de base Education-Santé ;

o. Amener les services de santé préventive, dans le cadre d’une politique de proximité ; p. Intensifier l’offre de services par l’intégration de l’existant et selon des principes de

rationalisation par la mise en commun des ressources disponibles au niveau des multiples intervenants du système de santé : Etat-Secteur Privé-ONG ;

q. Dégager des ressources budgétaires et externes pour créer des centres hospitaliers de niveau tertiaire (hôpitaux universitaires) et secondaire pour couvrir les différents départements géographiques.

Le cinquième axe programmatique « Secteur public » concerne l’Administration publique et la bonne Gouvernance. En effet, le candidat pense que « Il est indispensable de consolider l’Etat pour le rendre capable de faire face aux défis du changement structurel et de la modernisation. Il est impératif de réussir un certain degré de démocratisation dans les relations de l’Etat avec la Société pour un emploi plus effectif de ses instruments. » Dans cette perspective, il compte intervenir dans les domaines de :

a. Décentralisation (le développement intégral de l’état ; renforcement des municipalités ; relance de l’activité économique dans les pôles de développement tels : le Nord, le Centre, l’Ouest et le Sud) ;

b. La réorganisation du Système Judiciaire et de la Police ; c. La Sécurité Publique ; d. Les Normes de Construction ; e. La Coopération Externe ; f. La Stabilité politique ; g. La Diaspora.

2. Analyse du Programme

Le Programme électoral de Jean Henri Céant est vaste. Il y aborde presque tous les

problèmes auxquels le pays est confronté. Les réponses qu’il apporte à ceux-ci sont tout aussi

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 37

pertinentes, d’autant que les moindres aspects des stratégies d’intervention sont pris en

compte.

a) Points forts

L’éducation est le premier point fort du Programme de Jean Henri Céant. En effet, le

candidat fait montre d’une parfaite connaissance des principaux maux dont souffre le système

éducatif haïtien. Aussi, les actions qu’il propose pour y remédier sont très pertinentes.

Le deuxième point fort de son Programme est sa vision macro-économique. En effet, le

diagnostic qu’il fait des problèmes économique et financiers est très pertinent. Et les pistes de

solution qu’il propose le sont également.

b) Points faibles

Le premier point faible du Programme politique de Jean Henri Céant, c’est le fait qu’il ne

propose pas un Programme de Sécurité sociale universelle incluant les assurances chômage et

médicale à la population. Il se contente d’assurer qu’il fournira un service sanitaire de

proximité. Or il ne suffit pas de mettre en place ce système. Car, avec l’urbanisation et

l’engorgement des Centres publics de santé, un bonne parte de la population, notamment les

personnes appartenant à la classe moyenne, est obligée de recourir aux Cliniques privées dont

les frais de consultation et de traitement sont relativement élevés.

Le deuxième point faible a trait à la construction de logements sociaux. Or, dans les milieux

urbains, la population vit dans des habitats insalubres. En effet, diverses enquêtes, notamment

l’EMMUS-V, ont révélé que le problème de logement, notamment en milieu urbain, est l’un des

plus cruciaux auquel est confrontée la population. Car, non seulement une grande partie de la

population n’a pas de logements, sont donc des locataires, mais les logements sont précaires.

En effet, « dans l’ensemble, les logements haïtiens ont un sol soit en béton ou en maçonnerie

(55 %), soit en terre battue ou en sable (35 %) ; dans 84 % des cas, ils disposent en moyenne

d’une à deux pièces; 44 % des ménages ne disposent pas de toilettes améliorées ; 38 % de

l’ensemble des ménages enquêtés avaient l’électricité ; seulement 7 % des ménages disposent

de l’eau sur place . » Il est paradoxal que le candidat ne propose pas un Programme de

construction de logements sociaux pour les couches les plus déshérités du pays, et ce d’autant

qu’il a été mêlé au scandale de destruction des maisons des habitants du centre-ville de Port-

au-Prince.

Le troisième point faible du Programme de Jean Henri Céant renvoie aux relations et

coopération internationales. Le candidat ne précise pas ses propositions sur la Diplomatie et sur

la manière dont elle va intégrer l’aide publique au développement. Il se contente d’un

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Analyse de Programmes politiques de candidats à l’élection présidentielle de 2015-2016 38

ensemble de propositions vagues. Plus spécifiquement, il ne dit pas comment in compte traiter

le différend haitiano-dominicain.