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1 ANALYSE DE L'IMPACT DE L'ENERGIE ELECTRIQUE SUR LA CROISSANCE ECONOMIQUE DU TOGO Palakiyèm KPEMOUA 1 Résumé : Cet article à pour objectifs d’examiner empiriquement l’impact de l’énergie électrique sur la croissance économique globale et sectorielle (agriculture, industrie, service) au Togo ainsi que l’existence d’une relation de causalité entre l’énergie électrique et la croissance économique globale et sectorielle à partir d’une fonction de production de type néoclassique augmentée, par l’estimateur du maximum de vraisemblance (ARMA) et du test de causalité de Granger. Les résultats indiquent l’existence de corrélations positives significatives entre la consommation d’électricité et la croissance économique globale et sectorielle (secondaire et tertiaire) à long terme. Les résultats du test de causalité de Granger montrent qu’à long terme, il existe une causalité bidirectionnelle entre la consommation d’électricité et la croissance économique globale, une causalité unidirectionnelle de la consommation d’électricité vers l’agriculture et les services, et de l’industrie vers la consommation d’électricité. Mots-clés : Consommation d’énergie électrique, Croissance économique, test de causalité au sens de Granger. Classification JEL : C33, O13, O40. Abstract: The purposes of this paper are to investigate empirically the impact of electric power on Togo’s aggregate and economic branch levels (primary, secondary, tertiary) production growth, with a model that relies on a neoclassical production function and to test the causality between that electric power and the growth of aggregate production and economic branch levels. The empirical methodology is based on the (ARMA) maximum likelihood and Granger causality tests. The obtained results indicate that the impact of electricity consumption on Togo’s aggregate and economic branch levels (secondary, tertiary) production in the long-run is positive and significant. The results show also a significant existence of circular causality between electricity consumption and aggregate production growth, while that the causality goes from electricity consumption to the agricultural, services sectors , and from industrial sector to electricity consumption according to Granger. Keywords: electricity consumption, Economic growth, Granger causality test. JEL Codes : Q50, H63, O49, C32. 1 Economiste, Gestionnaire de la Politique Economique, Chef section Planification et statistiques à l’Inspection de l’Enseignement Secondaire Général de Bassar, (IESG-Niamtougou)/Togo, E-mail : [email protected]/ [email protected] Cel : (228) 90 08 83 37.

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ANALYSE DE L'IMPACT DE L'ENERGIE ELECTRIQUE SUR LA

CROISSANCE ECONOMIQUE DU TOGO Palakiyèm KPEMOUA

1

Résumé : Cet article à pour objectifs d’examiner empiriquement l’impact de l’énergie

électrique sur la croissance économique globale et sectorielle (agriculture, industrie, service)

au Togo ainsi que l’existence d’une relation de causalité entre l’énergie électrique et la

croissance économique globale et sectorielle à partir d’une fonction de production de type

néoclassique augmentée, par l’estimateur du maximum de vraisemblance (ARMA) et du test

de causalité de Granger. Les résultats indiquent l’existence de corrélations positives

significatives entre la consommation d’électricité et la croissance économique globale et

sectorielle (secondaire et tertiaire) à long terme. Les résultats du test de causalité de Granger

montrent qu’à long terme, il existe une causalité bidirectionnelle entre la consommation

d’électricité et la croissance économique globale, une causalité unidirectionnelle de la

consommation d’électricité vers l’agriculture et les services, et de l’industrie vers la

consommation d’électricité.

Mots-clés : Consommation d’énergie électrique, Croissance économique, test de causalité au

sens de Granger.

Classification JEL : C33, O13, O40.

Abstract: The purposes of this paper are to investigate empirically the impact of electric

power on Togo’s aggregate and economic branch levels (primary, secondary, tertiary)

production growth, with a model that relies on a neoclassical production function and to test

the causality between that electric power and the growth of aggregate production and

economic branch levels. The empirical methodology is based on the (ARMA) maximum

likelihood and Granger causality tests. The obtained results indicate that the impact of

electricity consumption on Togo’s aggregate and economic branch levels (secondary,

tertiary) production in the long-run is positive and significant. The results show also a

significant existence of circular causality between electricity consumption and aggregate

production growth, while that the causality goes from electricity consumption to the

agricultural, services sectors , and from industrial sector to electricity consumption

according to Granger.

Keywords: electricity consumption, Economic growth, Granger causality test.

JEL Codes : Q50, H63, O49, C32.

1 Economiste, Gestionnaire de la Politique Economique, Chef section Planification et statistiques à l’Inspection de

l’Enseignement Secondaire Général de Bassar, (IESG-Niamtougou)/Togo, E-mail : [email protected]/

[email protected] Cel : (228) 90 08 83 37.

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INTRODUCTION

Le rôle de l’énergie électrique dans le développement économique des nations n’est plus à

démontrer. Depuis la révolution industrielle de 1780 basée sur l’utilisation de nouvelles

sources d’énergie dont l’énergie électrique et, considérée comme la deuxième révolution dans

le monde après celle de l’agriculture au néolithique, l’énergie électrique est entrain de changer

toutes les habitudes de l’activité humaine.

Selon la littérature économique, la croissance économique d’un pays est souvent liée au

niveau de consommation de l’énergie électrique. En effet, la disponibilité en quantité et en

qualité de l’énergie électrique peut offrir de nouvelles opportunités d’emplois, une meilleure

efficacité des investissements en matériels de production incorporant de nouvelles

innovations, des progrès dans le domaine de la santé, l’éducation et un accès aux nouvelles

technologies de l’information et de la communication, et par conséquent une augmentation de

la croissance économique. Pour Rosenberg (1998), l’électrification dans l’industrie permet

d’intensifier la production en l’automatisant, ce qui a pour effet d’améliorer la productivité

des firmes. La croissance économique peut donc entraîner une amélioration du bien-être, et

des niveaux élevés de revenus, qui incitent à l’acquisition à terme, des appareils

électroménagers par la population. Ainsi, une augmentation simultanée de la population, du

nombre d’équipements électriques, peut provoquer une forte demande de l’énergie électrique.

L’Afrique est considérée comme le continent le moins électrifié dans le monde. Wolde-

Rufael, (2006) estime le taux d’électrification en Afrique subsaharienne à seulement 26 %.

Pour Reinikka et Svensson, (2002), l’insuffisance de la production ou la mauvaise qualité des

infrastructures provoquent des coupures d’électricité, qui sont préjudiciables à la production

et ternissent également la réputation des entreprises ne pouvant livrer leurs commandes dans

les délais. Ainsi, la déficience de l’approvisionnement d’électricité décourage d’une part les

investisseurs potentiels dans les activités productrices dépendantes de l’énergie électrique et

limite le développement industriel local. Pour répondre aux coupures de courant, certaines

firmes se dotent alors de leur propre générateur. En réduisant les autres opportunités

d’investissement, les coupures de courants réduisent aussi la productivité des firmes.

Le Togo, à l’instar des autres pays d’Afrique subsaharienne, connaît des difficultés d’accès à

l’énergie électrique. En effet, selon les résultats du 4ème recensement général de la population

et de l’habitat (RGPH) en 2010, près de 36.9 % des ménages togolais utilisent l’électricité de

la communauté d’énergie électrique du Togo (CEET) comme mode principal d’éclairage

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surtout en milieu urbain où la proportion est de 73 % (DGSCN (2014)). Or, face à une

augmentation de la population (2.84 %), un déficit de l’offre de l’énergie électrique, d’une

demande qui s’accroit, la pénurie d’énergie électrique peut donc entrainer une hausse des

coûts de production, par conséquent un renchérissement de leur prix aux consommateurs, la

baisse de la compétitivité des entreprises, des sorties de devises pour supporter les dépenses

d’approvisionnement en énergie pour le pays qui est un importateur net, et engendrer souvent

des crises énergétiques.

Au Togo, la production de l’énergie électrique est assurée par la CEET (basse tension), qui

partage les services de distribution avec la communauté électrique du Bénin (CEB) (haute

tension). La CEB est fournie en électricité par le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Nigéria.

Selon la Direction de l’Economie (2013) en 2010, l’énergie électrique totale livrée au réseau

s’élève à 918 Gwh dont 878 Gwh livrés par la CEB et 40 Gwh produits par la CEET. Le taux

d’électrification est de 26 %. Par ailleurs, à la fin de l’année 2012, les disponibilités totales de

la CEET atteignent 901 255 944 Kwh contre 907 162 812 en 2011. La production locale a

augmenté de 27.4 % tandis que les achats auprès de la CEB ont diminué de 1 % pour se situer

respectivement à 14 001 392 Kwh et 887 254 552 Kwh. La consommation d’énergie moyenne

tension facturée au cours des douze mois de l’année 2012 se chiffre à 229 470 953 Kwh, soit

une hausse de 8.7 % par rapport à l’année 2011. Le montant hors TVA facturé se chiffre à

29.6 milliards de FCFA, en hausse de 8.1 % par rapport à l’année 2011. Sur la même période,

la quantité et le montant hors TVA facturés de l’énergie basse tension augmentent

respectivement de 6.6 % pour se situer respectivement à 437 439 833 Kwh et 49.7 milliards

de FCFA.

Le secteur de l’énergie électrique au Togo a enregistré, ces quarante dernières années, des

crises plus ou moins importantes : 1983-1984, 1998, 2006 liées aux vols des câbles, des

branchements clandestins « araignée », de la sécheresse, aggravée par la crise sociopolitique

des années 1993 et à de longues pauses dans les investissements, occasionnant des pertes

énormes d’énergie compte tenue de la vétusté des équipements. Ces crises sont devenues

régulières, vu leur durée, leur fréquence et leur généralisation sur toute l’étendue du territoire.

Elles se traduisent par des coupures régulières du courant électrique.

En considérant les études de cas et des analyses économiques passées relatives à certains

pays, la présente étude examine deux questions : celle touchant l’incidence de la

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consommation totale d’électricité, les productions globale et sectorielle et le lien de causalité

entre cette consommation totale d’électricité et ces productions.

Il faut signaler qu’en ce qui concerne le Togo, il existe un manque de connaissances sur le

lien entre la consommation totale d’électricité et les productions globale et sectorielle. Cette

étude apparaît donc comme une contribution au débat dans ce domaine.

Pour ce faire, cet article sera organisé comme suit : une première section sera consacrée à la

revue de la littérature, une deuxième à l’analyse du lien entre la consommation d’énergie

électrique et les productions globale et sectorielle, ainsi que leur lien de causalité. Enfin la

dernière section en guise de conclusion sera réservée aux recommandations qui en découlent.

1. REVUE DE LITTERATURE

La relation entre la consommation d’énergie électrique et la croissance économique a été

largement discutée dans les travaux de recherche. Cette section examine brièvement la

littérature dans ce domaine.

Ferguson et al (2000) ont constaté que pour les pays développés, il y a une corrélation forte

entre l'augmentation de la richesse dans le temps et l'augmentation de la consommation

d'énergie électrique, qu'entre la consommation totale d'énergie et le revenu.

Etudiant la relation de causalité entre la consommation d’électricité et la croissance du PIB

réel de la Chine de 1971 à 2000 à partir des tests de causalité de Granger, Shiu et Lam (2004),

ont mis en évidence une relation de causalité unidirectionnelle de la consommation

d’électricité vers le PIB. Jumbe C. (2004) s'appuyant sur la méthodologie de Engle et Granger

de la cointégration et la causalité au sens de Granger, abouti à la conclusion selon laquelle, il

y a une causalité bidirectionnelle entre la consommation d'électricité et le PIB d'une part et,

l’existence d’une causalité unidirectionnelle du PIB non agricole vers les consommations

d'électricité dans le cas du Malawi, d'autre part. Ambapour S. et Massampa C. (2005) utilisent

la technique de cointégration et le modèle à correction d'erreur pour étudier la relation de

cause à effet entre la croissance économique et la consommation d'énergie électrique au

Congo. Le test de causalité de Granger révèle l'existence d'une causalité unidirectionnelle du

PIB vers la consommation d'énergie électrique. Lee (2005) dans une étude de causalité et de

cointégration en panel sur 18 pays en développement, trouve que la causalité va de la

consommation d’énergie électrique vers la croissance économique mais pas l’inverse.

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Yemane Wolde-Rufael (2006) s’est proposé de déterminer la relation de long terme qui peut

exister entre la consommation d'électricité par habitant et le produit intérieur brut réel (PIB)

par habitant pour 17 pays africains sur la période 1971-2000, en utilisant un test de

cointégration proposé par Pesaran et al (2001) ainsi qu'une version modifiée du test de

causalité de Granger dû à Toda et à Yamamoto (1995). Les résultats empiriques montrent

qu'il existe une relation de cointégration entre la consommation d'électricité par habitant et le

PIB par habitant pour seulement 9 pays. Ainsi, pour 5 pays (République du Congo, Gabon,

Nigeria, Afrique du Sud et Zimbabwe), il existe une relation de long terme lorsque le PIB est

pris comme variable dépendante, alors qu'il y a une relation de long terme pour 4 pays (Bénin,

Cameroun, Maroc et Zambie) lorsque la consommation d'électricité par habitant a été utilisée

comme variable dépendante.

Pour 6 pays il trouve une causalité unidirectionnelle allant du PIB à la consommation

d'électricité et un résultat contraire pour 3 pays. Enfin, une causalité bidirectionnelle est

trouvée pour 3 pays.

Wolde-Rufael note que l'absence de causalité dans les deux sens pourrait statistiquement

signifier que les mesures permettant d'économiser l'électricité peuvent être prises sans

compromettre le développement économique. Cependant, il souligne que réduire la

consommation de l'électricité chez les populations qui ont un accès difficile à cette ressource

n'est pas une option envisageable : les pays africains n'ont pas encore atteint un niveau

d'autonomie d'électricité pour se permettre une réduction de leur consommation ; cependant,

ils peuvent prévenir les conséquences néfastes liées à la consommation accrue de l'électricité.

Au contraire en rendant l'électricité accessible à tous, cela pourrait contribuer à réduire non

seulement la pauvreté, mais aussi à améliorer la qualité de vie des populations.

Zamani (2006) a trouvé une causalité unidirectionnelle allant du PIB à la consommation

d’électricité, en analysant la relation entre les activités économiques et la consommation

d’électricité en Iran sur la période 1967-2003. Par contre, l’étude menée par Narayan et Singh

(2007) a conduit à une causalité unidirectionnelle de long terme, de la consommation

d’électricité vers le PIB dans son analyse sur la relation existant entre la consommation

électrique, le PIB réel et le facteur travail en Fiji sur la période 1971-2002. Rud (2007) fournit

une riche analyse quantitative en étudiant l’impact de l’électrification dans les différents Etats

Indiens et ses effets sur l’output industriel entre 1965 et 1984. Les estimations

économétriques montrent que le processus d’électrification mené dans certains des Etats à la

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suite de la "révolution verte" pourrait expliquer les différences d’output industriel entre Etats

de 10 à 15 points de pourcentage.

Jacobson (2007) étudie les impacts sociaux de l'électrification rurale par panneaux solaires

photovoltaïques au Kenya. Ses conclusions sont (1) que des panneaux solaires bénéficient en

priorité à la classe moyenne, (2) qu'ils jouent un rôle modeste dans la création d'activités

productives et d'activités liées à l'éducation, (3) qu'ils participent principalement à l'expansion

de l'utilisation du téléviseur et de l'éclairage artificiel.

Le panneau solaire photovoltaïque constitue donc ici un bien de consommation destiné à la

classe moyenne avant d'être un investissement productif. Jacobson note cependant que le

téléviseur peut participer à une demande accrue pour des bien de consommation et donc à un

accroissement de l'activité, et que l'éclairage artificiel peut favoriser l'apprentissage scolaire

pour les enfants de la classe moyenne et augmenter ainsi le niveau d'éducation. Le caractère

de « contribution au développement » est dans ce cas conditionné par l'utilisation que la

population cible fait du système énergétique. La problématique devient donc socioculturelle et

non plus purement économique.

Chebbi, H.E. et Boujelbere, Y. (2008) ont trouvé que c’est la production sectorielle qui cause

la consommation d’énergie électrique en Tunisie. Yoo et Kwak (2010) ont analysé la

consommation d’électricité et le PIB réel de sept (7) pays d’Amérique du sud sur la période

1975-2006 : l’Argentine, le Brésil, le Chili, la Colombie, l’Equateur, le Pérou et le Venezuela.

Les résultats indiquent que le lien de causalité entre la consommation d'électricité et la

croissance économique varie en fonction des pays. Il y a une relation de causalité

unidirectionnelle de la consommation d'électricité vers le PIB pour l’Argentine, le Brésil, le

Chili, la Colombie et l’Equateur. Cela veut dire qu'une augmentation dans la consommation

d'électricité affecte directement la croissance économique dans ces pays. Au Venezuela, il y a

une causalité bidirectionnelle entre la consommation d'électricité et la croissance économique.

Cela implique qu'une augmentation de la consommation d'électricité affecte la croissance

économique directement et cette croissance économique stimule aussi la consommation

d'électricité dans ce pays. Cependant, aucun lien de causalité n'existe au Pérou.

Kayhan et al (2010) ont obtenu une relation causale allant de l’électricité vers la croissance

économique en Roumanie. Liew et al (2012) ont trouvé que c’est la consommation

d’électricité qui a tiré la croissance de la production agricole au Pakistan. Par contre, ni le

secteur tertiaire, ni le secteur secondaire n’étaient influencés par la consommation de

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l’électricité. Liew et al (2012) concluent que le Gouvernement du Pakistan pouvait introduire

des mesures de conservation d’énergie sans nuire à la croissance de la production des services

ou de l’industrie.

Une étude récente réalisée par Akinwale et al. (2013) a montré qu’il peut y avoir une relation

de long terme entre la croissance économique et la consommation d'électricité au Nigéria.

Les résultats établis par cette étude aboutissent à l'existence d'une relation de causalité au sens

de Granger allant de la croissance économique vers la consommation d'électricité, sans aucun

effet rétroactif. Honoré Ahishakiye (2014) examine le lien entre la consommation totale

d’électricité, la croissance et la production sectorielle dans le cas du Burundi pour la période

allant de 1982 à 2012. A l’aide de la procédure de Toda et Yamamoto (1995), les résultats

montrent une liaison spécifique pour chaque secteur. En effet, le sens de causalité va du PIB

et de la valeur ajoutée dans le secteur tertiaire vers la consommation d’électricité, tandis qu’il

n’y a pas de causalité entre la valeur ajoutée agricole et la consommation d’électricité. Il a

également constaté une causalité bidirectionnelle entre la production industrielle et la

consommation d’électricité.

Kpemoua (2016) a montré pour le cas du Togo, que la relation entre la productivité du travail

et la consommation d’énergie électrique par tête est une relation de court terme avec une

corrélation positive et signale une absence de causalité entre cette productivité du travail et la

consommation d’énergie électrique par tête.

2. DONNEES ET METHODOLOGIE DE L’ETUDE

2.1 Le modèle

Le modèle utilisé repose sur une fonction de production néoclassique augmentée dont la

forme générale est :

𝑌 = 𝐹 (𝐾, 𝐿, 𝐸) (1)

𝜕𝑌

𝜕𝐾≻ 0 ,

𝜕𝑌

𝜕𝐿≻ 0 ,

𝜕𝑌

𝜕𝐸≻ 0

Où Y désigne respectivement l’output global et la production sectorielle (valeurs ajoutées de

l’agriculture, de l’industrie et des services), K le capital, L le travail et E l’énergie électrique.

L’énergie électrique (E) n’est pas en principe un argument de la fonction de production

néoclassique, mais son incorporation permet de prendre en compte les facteurs qui affectent

l’output et la production sectorielle, mais qui ne sont pas capturés par les facteurs K et L.

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2.2 Mesure des variables et source des données

Les données utilisées pour l’estimation de l’équation (1) sont annuelles. Elles proviennent

essentiellement des bases de données de la Banque Mondiale (World Development Indicators)

à l’exception de la consommation d’électricité qui provient de la base de données de la

BCEAO. La période couverte va de 1965 à 2014.

L’output global ou PIB est le produit intérieur brut réel, la production sectorielle est

représentée par les valeurs ajoutées réelles de l’agriculture, de l’industrie et des services, le

capital est la formation de capital réel. Toutes ces variables sont en FCFA constants. L, le

travail, représente la population totale. E, la consommation d’électricité est en KWh. Toutes

les variables sont en logarithmes naturels.

2.3 Méthodologie

La méthodologie empirique utilisée dans cette étude se déroule en trois étapes et consiste à

déterminer le degré d’intégration de chacune des variables. Dans la littérature économétrique,

plusieurs tests statistiques sont utilisés pour déterminer le degré d’intégration d’une variable.

Les tests qui seront utilisés dans le cadre de cette étude sont les tests de Dickey-Fuller

Augmenté (ADF), celui de Phillips-Perron (PP) et le test de Kwiatkowski, Phillips, Schmidt et

Shin (KPSS). Une fois l'ordre d'intégration des séries connu, l'étape suivante consistera à

l’examen de la présence éventuelle de relations de cointégration qui peut exister à long terme

entre les variables. Cette analyse se fera suivant la procédure de test de cointégration de

Johansen (1988) plus efficace que la stratégie en deux étapes d’Engle et Granger (1987)

lorsque l'échantillon est d’une certaine taille et le nombre de variables élevé.

La troisième étape porte sur le test de causalité entre les variables de la croissance

économique, du stock de capital, le travail et la valeur ajoutée de l’industrie ainsi que la

valeur des exportations manufacturières toutes les deux rapportées au PIB. Les procédures de

test dite séquentielle de Granger et celle non séquentielle de Toda et Yamamoto (1995) seront

appliquées.

2.3.1 Résultats empiriques

2.3.1.1 Résultats des tests de stationnarité et de cointégration

La mise en œuvre des différents tests de stationnarité pour chaque série aboutit aux résultats

résumés dans le tableau 1 ci dessous.

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Tableau 1 : Résultats des tests de stationnarité

Variables En niveau En différences premières

CONCLUSION

ADF PP KPSS ADF PP KPSS

ln(Y) 3.933 3.859 0.936 -6.481*** -6.473*** 0.193*** I(1)

ln(Agri) 2.369 3.731 0.919 -8.126*** -8.806*** 0.107*** I(1)

ln(Ind) 1.533 2.564 0.855 -6.904*** -8.463*** 0.199*** I(1)

ln(Serv) 1.935 1.997 0.837 -6.845*** -6.845*** 0.104*** I(1)

ln(K) 0.723 1.199 0.381*** -7.888*** -8.369*** 0.153*** I(1)

ln(L) 0.304 14.864 0.946 -0.394 -0.387 0.286*** I(1)

ln(E) 3.556 3.488 0.865 -11.684*** -11.963*** 0.294*** I(1)

Note : *** dénotent le rejet de l’hypothèse nulle au seuil de 1%.

Source : calculs de l’auteur

Les résultats obtenus pour les variables en niveau indiquent que les séries ln(Y), ln(K), ln(L),

ln(Agri), ln(Ind), ln(Serv) et 𝑙𝑛 𝐸 ne sont pas stationnaires au seuil de 1 %. En effet pour ces

séries, les statistiques des tests ADF, KPSS et PP ont des probabilités supérieures à 1 % et

autorisent donc à ne pas rejeter l’hypothèse nulle de racine unitaire (non stationnarité) sauf

que pour la série ln(K), le test de KPSS indique sa stationnarité.

Le test effectué sur les séries en différence première permet de rejeter l’hypothèse nulle de

non stationnarité pour toutes les séries au seuil de 1 %. Cependant pour la série ln(L), les tests

d’ADF et de PP acceptent l’hypothèse de présence de racine unitaire (non stationnarité) alors

que le test KPSS permet de rejeter l’hypothèse nulle de non stationnarité ; compte tenu de

l’efficacité du test de KPSS, il convient d’accepter l’hypothèse de stationnarité de cette série

en différence première. En définitive, il convient de retenir que toutes les séries sont

stationnaires en différences première.

La présence d’au moins deux séries non-stationnaires conduit à rechercher la présence d’une

relation d’équilibre de long terme entre les variables du modèle par la procédure de Johansen

basée sur l’estimation d’un modèle vectoriel autorégressif par la méthode du maximum de

vraisemblance.

L’ensemble des résultats du test de cointégration est présenté dans le tableau 2 ci-dessous :

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Tableau 2: Résultats des tests de cointégration de Johansen-Juselius

Nombre de relations de cointégration Valeurs propres Statistique de la trace Valeurs critiques à 5%

Test de cointégration entre le PIB réel, le capital, le travail et la consommation d’électricité

r = 0 0.40759 53.8187

47.8561*

r ≤ 1 0.37647 27.6407 29.7970

r ≤ 2 0.06649 4.0222 15.4947

r ≤ 3 0.01157 0.5820 3.8414

Test de cointégration entre la valeur ajoutée de l’agriculture, le capital, le travail et la consommation d’électricité

r = 0 0.43562 64.7150 54.0790*

r ≤ 1 0.36839 38.4015 35.1927*

r ≤ 2 0.24489 17.2649 20.2618

r ≤ 3 0.09010 4.3436 9.1645

Test de cointégration entre la valeur ajoutée de l’industrie, le capital, le travail et la consommation d’électricité

r = 0 0.43333 47.2038 40.1749*

r ≤ 1 0.21283 21.0777 24.2759

r ≤ 2 0.13792 10.0690 12.3209

r ≤ 3 0.06805 3.2423 4.1299

Test de cointégration entre la valeur ajoutée des services, le capital, le travail et la consommation d’électricité

r = 0 0.48622 86.0657 63.8761*

r ≤ 1 0.47055 55.4315 42.9152*

r ≤ 2 0.36171 26.1785 25.8721*

r ≤ 3 0.11318 5.5256 12.5179

Note : r indique le nombre de relations de cointégration. Le critère d’information de SC a été utilisé pour déterminer le nombre

de retards optimal. * indique le rejet de l’hypothèse nulle de non-cointégration à 5 %.

Source : calculs de l’auteur

Les résultats du test de cointégration de Johansen révèlent que pour la relation entre la

croissance économique, le capital, le travail et la consommation d’électricité, l’hypothèse (r =

0) c'est-à-dire qu’il n’existe aucune relation entre ces variables est à rejeter. Pour cette

hypothèse, la statistique de la trace reporte une valeur de 53.8187, supérieure à la valeur

critique de 47.8561 au seuil de 5 %. Cependant, on ne peut rejeter l’hypothèse d’au plus une

relation de cointégration (r ≤ 1). En effet, la statistique de la trace reporte une valeur de

27.6407, inférieure à celle de la valeur critique de 29.7970 au seuil de 5 %. Ces résultats

conduisent à retenir pour ces variables l’hypothèse de l’existence d’une seule relation de

cointégration.

Les résultats du test de cointégration de Johansen révèlent que pour la relation entre la valeur

ajoutée de l’agriculture, le capital, le travail et la consommation d’électricité, les hypothèses

de (r = 0) et (r ≤ 1) c'est-à-dire qu’il n’existe aucune relation d’une part et d’au plus une

relation de cointégration d’autre part, entre ces variables sont à rejeter. Pour ces hypothèses,

les statistiques de la trace reportent respectivement 64.7150 et 38.4015, supérieures aux

valeurs critiques au seuil de 5 % respectivement de 54.0790 et 35.1927. Cependant, on ne

peut rejeter l’hypothèse d’au plus deux relations de cointégration (r ≤ 2). En effet, la

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statistique de la trace reporte une valeur de 17.2649, inférieure à la valeur critique de 20.2618

au seuil de 5 %. Ces résultats conduisent à retenir pour ces variables l’hypothèse de

l’existence de deux relations de cointégration.

Les résultats du test de cointégration de Johansen révèlent que pour la relation entre la valeur

ajoutée de l’industrie, le capital, le travail et la consommation d’électricité, l’hypothèse (r = 0)

c'est-à-dire qu’il n’existe aucune relation entre ces variables est à rejeter. Pour cette

hypothèse, la statistique de la trace reporte une valeur de 47.2038, supérieure à la valeur

critique de 40.1749 au seuil de 5 %. Cependant, on ne peut rejeter l’hypothèse d’au plus une

relation de cointégration (r ≤ 1). En effet, la statistique de la trace reporte une valeur de

21.0777, inférieure à celle de la valeur critique de 24.2759 au seuil de 5 %. Ces résultats

conduisent à retenir pour ces variables l’hypothèse de l’existence d’une seule relation de

cointégration.

Les résultats du test de cointégration de Johansen révèlent que pour la relation entre la valeur

ajoutée des services, le capital, le travail et la consommation d’électricité, les hypothèses de (r

= 0), (r ≤ 1) et (r ≤ 2) c'est-à-dire qu’il n’existe aucune relation, d’au plus une relation d’une

part, et d’au plus deux relations de cointégration d’autre part, entre ces variables sont à

rejeter. Pour ces hypothèses, les statistiques de la trace reportent respectivement 86.0657,

55.4315 et 26.1785, supérieures aux valeurs critiques au seuil de 5 % respectivement de

63.8761, 42.9152 et 25.8721. Cependant, on ne peut rejeter l’hypothèse d’au plus trois

relations de cointégration (r ≤ 3). En effet, la statistique de la trace reporte une valeur de

5.5256, inférieure à la valeur critique de 12.5179 au seuil de 5 %. Ces résultats conduisent à

retenir pour ces variables l’hypothèse de l’existence de trois relations de cointégration.

Pour savoir si toutes les variables appartiennent effectivement à ces relations de cointégration,

des tests d’exclusion seront réalisés (voir Johansen et Juselius, 1990). Les résultats des tests

du ratio de vraisemblance (Tableau 3) indiquent que les sept variables ne peuvent être exclues

de leur espace de cointégration.

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Tableau 3: Test d’exclusion de l’espace de cointégration

Variables Equation avec le PIB

Equation avec valeur ajoutée agricole

Equation avec valeur ajoutée industrielle

Equation avec valeur ajoutée des services

ᵪ2 Probabilité ᵪ

2 Probabilité ᵪ2 Probabilité ᵪ

2 Probabilité

ln(K) 173.51* 0.000 121.06* 0.000 120.44* 0.000 20754.16* 0.000

ln(L) 252866.8* 0.000 281948.7* 0.000 283088.8* 0.000 1.17exp(08)* 0.000

ln(E) 1905.63* 0.000 1065.17* 0.000 1034.98* 0.000 84065.18* 0.000

ln(Y) 3448.83* 0.000

ln(Agri) 1524.94* 0.000

ln(Ind) 464.29* 0.000

ln(Serv) 180028.6* 0.000 Notes: Le test d’exclusion est basé sur la statistique du ratio de vraisemblance et suit une distribution du χ2(r), où le nombre de degrés

de liberté r est le nombre de vecteurs de cointégration (ici r = 4 pour le PIB et les valeurs ajoutées respectives de l’agriculture, de

l’industrie et des services). * indique une significativité au seuil de 1 %.

Source : calculs de l’auteur

2.3.1.2 Présentation des résultats de l’estimation des coefficients de long terme

Pour estimer les coefficients de la relation de long terme, la méthode utilisée est celle du

maximum de vraisemblance. Les résultats de l’estimation sont présentés dans le Tableau 4.

Page 13: ANALYSE DE L'IMPACT DE L'ENERGIE ELECTRIQUE SUR LA ...

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Tableau 4 : Résultats des estimations

Variables explicatives PIB réel Agriculture Industrie Services

Stock de capital 0.119

(5.856)***

-0.009

(-0.223)

0.296

(5.831)***

0.226

(5.668)***

Travail 0.646

(13.787)***

1.125

(12.514)***

0.488

(4.069)***

0.307

(2.396)**

Energie électrique 0.083

(4.943)***

-0.012

(-0.321)

0.185

(2.871)***

0.123

(2.334)**

Dum2006

0.168

(2.791)***

Dum2008

0.209

(6.753)***

Constante 0.017

(0.053)

-3.699

(-9.288)***

-1.952

(-3.079)***

0.636

(4.274)***

R2

R2 ajusté

AR(1)

AR(3)

AR(14)

Statistique de Fisher (F)

Nombre d’observations (N)

0.987

0.985

0.578

(0.002)

684.88

(0.000)

50

0.984

0.981

0.574

(0.000)

-0.362

(0.005)

375.08

(0.000)

50

0.956

0.948

0.467

(0.000)

-0.534

(0.000)

130.99

(0.000)

50

0.931

0.923

0.636

(0.000)

118.85

(0.000)

50

Jarque-Bera

ARCH(1)

ARCH(2)

3.679

(0.158)

0.453

(0.500)

0.858

(0.651)

0.592

(0.743)

0.586

(0.443)

0.808

(0.667)

1.093

(0.578)

0.027

(0.867)

0.039

(0.980)

3.352

(0.187)

0.122

(0.726)

0.302

(0.859)

Note : Les nombres entre parenthèses sont les t-ratios. Pour les statistiques de tests de diagnostic, les nombres entre parenthèses

sont les p-values. *** et ** = significativité à 1% et 5%.

Source : calculs de l’auteur

Les tests de diagnostic indiquent que les spécifications adoptées sont globalement

satisfaisantes. Les tests de Jarque-Bera ne permettent pas de rejeter l’hypothèse de normalité

des erreurs. Les tests effectués pour détecter la présence de résidus ARCH (Autoregressive

Conditional Heteroscedasticity) dans les équations estimées ne mettent en évidence aucun

problème d’hétéroscédasticité au seuil de 5 %. Les variables « dummies » ont été introduites

pour améliorer la spécification du modèle.

Les estimations indiquent que le stock de capital, le travail ont un impact positif et significatif

à long terme respectivement sur la croissance économique, des valeurs ajoutées de l’industrie

et des services dans le cas du travail aux seuils de 1 %, et de 5 % pour les services, alors qu’en

ce qui concerne la valeur ajoutée de l’agriculture on observe un impact négatif non significatif

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du stock de capital mais significatif et de façon disproportionnée par rapport au travail au

seuil de 1 % .

Ainsi, une augmentation de 1 % du stock de capital et du travail se traduira par une

augmentation respective de 0.11 et 0.64 % de la croissance économique, 1.12 % de la valeur

ajoutée de l’agriculture, 0.29 et 0.48 % de la valeur ajoutée de l’industrie et de 0.22 et 0.3 %

de la valeur ajoutée réelle des services.

Une augmentation de la consommation d’électricité de 1 %, peut entraîner une augmentation

respective de 0.08, 0.18 et 0.12 % du taux de croissance économique, des valeurs ajoutées de

l’industrie et des services.

Ces résultats montrent donc que c’est le secteur industriel qui est le plus dépendant de la

consommation d’énergie électrique suivi respectivement des services et au niveau global. En

effet, cette prépondérance de la consommation d’électricité dans le secteur des services et des

industries peut s’expliquer par la présence d’industries lourdes, manufacturières et minières

ainsi que du développement des nouvelles technologies de l’information et de la

communication et de l’urbanisation croissante de la société togolaise. Cependant l’absence

d’impact positif significatif au niveau du secteur agriculture s’explique par l’utilisation

massive des moyens traditionnels de production (bois de chauffe, houes, dabas, animaux

attelés, lampes à pétrole, etc.), le faible taux de déploiement des infrastructures au niveau

rural. En outre, les populations rurales considèrent l’électricité comme un bien de luxe et hors

de leur portée à cause de la faiblesse de leurs revenus et utilisent l’énergie électrique

uniquement qu’à des fins d’éclairage.

2.3.1.3 Analyse de la causalité

L’analyse de la causalité se fera suivant l’approche séquentielle de Granger. La causalité de

Granger (1969) est une approche de la causalité qui renvoie non pas au caractère théorique de

la causalité (cause-effet) mais au caractère prédictif de l’éventuelle cause sur l’effet. Le

fondement de la causalité de Granger est la relation dynamique entre les

variables. Les résultats de ces tests reportés dans le tableau 5. .

Page 15: ANALYSE DE L'IMPACT DE L'ENERGIE ELECTRIQUE SUR LA ...

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Tableau 5: Résultats des tests de causalité de Granger

Variables

dépendantes

Source de causalité (variables indépendantes) Causalité de Court terme Causalité de Long terme

∆ln(Y)t ∆ln(Agri)t ∆ln (In d)t ∆ln(Serv)t ∆ln(K)t ∆ln (L)t ∆ln (E)t λt-1

(t- statistics)

∆ln(Y)t /

λt-1

∆ln(Agri)t /

λt-1

∆ln (In d)t

/ λt-1

∆ln(Serv)t

/ λt-1 ∆ln(K)t

/ λt-1

∆ln (L)t /

λt-1 ∆ln(E)t / λt-1

Test de causalité entre le PIB réel, le stock de capital, le travail et la consommation d’électricité

∆ln(Y)t - - - - 0.275

(0.599) 0.448

(0.503) 0.024

(0.875) -0.313

(-3.202) - - - -

3.212 (0.360)

1.665 (0.644)

9.120 (0.027)**

∆ln(K)t 0.492

(0.483) - - - -

1.278

(0.258)

1.322

(0.250) -

2.567

(0.463) - - - -

0.263

(0.446)

2.938

(0.401)

∆ln (L)t 6.308

(0.012)** - - -

1.989

(0.158) -

0.125

(0.723) -

2.006

(0.571) - - -

1.550

(0.670) -

0.372

(0.945)

∆ln (E)t 1.148

(0.283) - - -

6.581 (0.010)***

0.311 (0.577)

- - 7.242

(0.064)* - - -

2.649 (0.448)

2.599 (0.457)

-

Test de causalité entre la valeur ajoutée réelle de l’agriculture, le stock de capital, le travail et la consommation d’électricité

∆ln(Agri)t - - - - 0.057

(0.811)

0.293

(0.588)

0.832

(0.361)

-0.545

(-2.570) - - - -

5.223 (0.156)

2.288 (0.514)

9.053 (0.028)**

∆ln(K)t - 0.286

(0.592) - - -

0.113 (0.736)

1.106 (0.292)

- - 5.486

(0.139) - - -

5.637 (0.130)

1.331 (0.721)

∆ln (L)t - 0.093

(0.759) - -

2.566 (0.109)

- 0.449

(0.502) - -

0.246 (0.969)

- - 4.094

(0.251) -

2.198 (0.532)

∆ln (E)t - 2.573

(0.108) - -

2.486

(0.114)

0.437

(0.508) - - -

0.764

(0.858) - -

0.343 (0.951)

7.965 (0.046)**

-

Test de causalité entre la valeur ajoutée réelle de l’industrie, le stock de capital, le travail et la consommation d’électricité

∆ln(Ind)t - - - - 0.002

(0.958)

0.076

(0.781)

0.317

(0.572)

-0.173

(-0.646) - - - -

0.595 (0.897)

3.294 (0.348)

0.960 (0.810)

∆ln(K)t - - 0.136

(0.711) - -

0.093

(0.759)

0.694

(0.404) - - -

4.801

(0.186) - -

1.337 (0.720)

2.704 (0.439)

∆ln (L)t - - 2.579

(0.108) -

4.883 (0.027)**

- 1.452

(0.228) - - -

0.896 (0.826)

- 2.225

(0.527) -

0.626 (0.890)

∆ln (E)t - - 0.389

(0.532) -

1.958 (0.161)

0.221 (0.638)

- - - - 8.280

(0.040)** -

0.439 (0.932)

4.106 (0.250)

-

Test de causalité entre la valeur ajoutée réelle des services, le stock de capital, le travail et la consommation d’électricité

∆ln(Serv)t - - - - 0.021

(0.883) 0.069

(0.792) 0.130

(0.717) -0.995

(-4.534) - - - -

4.227 (0.238)

3.513 (0.319)

7.694 (0.052)*

∆ln(K)t - - - 0.029

(0.863) -

0.094

(0.758)

0.901

(0.342) - - - -

2.024

(0.567) -

4.018 (0.259)

1.049 (0.789)

∆ln (L)t - - - 0.944

(0.331)

3.775

(0.052)* -

0.805

(0.369) - - - -

0.322

(0.955)

0.764 (0.857)

- 10.691

(0.013)**

∆ln (E)t - - - 0.402

(0.525)

3.473

(0.062)*

0.337

(0.561) - - - - -

2.749

(0.431)

1.493 (0.683)

3.766 (0.287)

-

Notes: *, ** et *** indiquent une significativité aux seuils de 10, 5 et 1 %. Les nombres entre parenthèses se réfèrent aux p-values. Les nombres figurant dans la colonne et λt-1 se réfèrent aux coefficients du terme de rappel dérivé

de la méthode de Johansen, et ceux entre parenthèses correspondent aux t-statistiques associées à ces coefficients.

Source : calculs de l’auteur

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Les résultats du test de causalité de Granger indiquent une absence de causalité à court terme

entre les variables d’intérêt de cette étude. Cependant à long terme il existe une causalité

bidirectionnelle entre la consommation d’électricité et la croissance économique aux seuils

respectifs de 5 et 10 %, une causalité unidirectionnelle à long terme de la consommation

d’électricité vers l’agriculture et les services aux seuils respectifs de 5 et 10 % et de l’industrie

vers la consommation d’électricité au seuil de 5 %.

CONCLUSION

L’objectif de ce travail était d’analyser la relation qui lie la consommation d’électricité à la

croissance économique au Togo eu égard à l’importance de l’énergie électrique dans presque

toutes les activités humaines.

Les résultats ont montré que la consommation d’électricité a eu un impact positif à long

terme plus sur les secteurs industriel, des services qu’au plan global respectivement, alors que

cet impact est négatif et non significatif dans le cas du secteur agricole.

Les résultats du test de causalité de Granger indiquent qu’à long terme il apparait une

causalité bidirectionnelle entre la consommation d’électricité et la croissance économique,

une causalité unidirectionnelle à long terme de la consommation d’électricité vers

l’agriculture et les services et de l’industrie vers la consommation d’électricité.

Au terme de cette étude, des recommandations émergent. En effet, les pouvoirs publics

devraient s’engager activement à œuvrer pour une augmentation de la production et une

sécurisation de la distribution de l’énergie électrique par un accroissement adéquat des

investissements, tout en favorisant l’apparition de nouveaux producteurs privés d’énergie

avec de meilleurs contrats de partenariat publics-privés, ainsi qu’un suivi adéquat des activités

de régulation assurées par l’autorité de régulation du secteur de l’énergie électrique au Togo

(ARSE). Mettre en œuvre des mécanismes d’utilisation rationnelle de l’énergie disponible

avec des équipements économes et la sensibilisation des usagers à de meilleures pratiques en

vu de limiter les pertes et gaspillage et une promotion et vulgarisation de l’énergie solaire.

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