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Analyse contextuelle en matière de Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) en Haïti DRAFT Version 04 18 avril 2006 réalisée à la demande de PROTOS Jere dlo a nan tout sans Francis ROSILLON Université de Liège Département des Sciences et Gestion de l’Environnement B 6700 ARLON Belgique

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Analyse contextuelle en matière de Gestion Intégrée des

Ressources en Eau (GIRE) en Haïti

DRAFT – Version 04 18 avril 2006

réalisée à la demande de PROTOS

Jere dlo a nan tout sans

Francis ROSILLON

Université de Liège

Département des Sciences

et Gestion de l’Environnement

B 6700 ARLON Belgique

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« … L’Etat (haïtien) doit assurer une gestion intégrée durable des ressources

hydriques qui garantisse leur pérennité, leur qualité, l’accès de la population à

leurs bienfaits ainsi que la prévention des risques qui leur sont liés du fait de

phénomènes naturels ou d’activités anthropiques »

(Projet de décret sur la gestion de l’environnement, version soumise au Conseil

des Ministres du 3 septembre 2005, extraits article 109)

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Sommaire

Avant – propos

1. Introduction

2. Objectifs

3. Méthodologie

4. Avertissements relatifs à la disponibilité des informations et à la fiabilité des données

1. Situation générale du pays : vers un désastre écologique et humain ?

1.1. Un petit pays peu habitable

1.2. Une population en croissance

1.3. De fortes pressions sur les ressources

1.4. Risques naturels et catastrophes

1.5. Un lourd passé historique

1.6. Des difficultés d’organisation

1.7. Quel développement durable pour Haïti ?

1.8. Synthèse et conclusions du chapitre 1

2. Analyse du secteur de l’eau : Ressources – Besoins – Usages

2.1. Les ressources en eau : entre l’eau du ciel et l’eau de la mer

2.1.1. Le cycle naturel de l’eau en Haïti

2.1.2. Les disponibilités en eau

2.1.3. Evolution de la situation : des tendances à la baisse des débits

2.1.4. Ressources en eau et changement climatique

2.2. Les besoins en eau

2.2.1. Les besoins en eau potable

2.2.2. Les besoins d’assainissement

2.2.3. Les besoins de production agricole

2.2.4. Les autres besoins de production

2.2.5. Les autres besoins sociaux et moraux

2.3. Les fonctions et usages

2.3.1. Alimentation en eau

2.3.2. Assainissement de base

2.3.3. Usages de production

2.3.4. Autres usages

2.4. Etat des ressources et des milieux

2.4.1. Les ressources

2.4.2. Les milieux liés à l’eau

2.5. Les impacts sur la santé humaine

2.6. Conclusions du chapitre 2

3. Evaluation de l’organisation du secteur de l’eau

3.1. Le cadre légal

3.2. Les Ministères concernés

3.3. Les opérateurs du sous-secteur « Eau et Assainissement »

3.3.1. Les organismes publics

3.3.2. Les Eglises et les ONG

3.3.3. Les firmes privées

3.3.4. Les acteurs locaux

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3.4. La réforme du secteur de l’eau

3.4.1. Un projet de loi-cadre sur l’eau

3.4.2. La réforme du sous-secteur « Eau potable et assainissement »

3.5. Les opérateurs concernant l’usage « Irrigation »

3.6. La gestion des cours d’eau et des bassins versants

3.7. La décentralisation

3.8. Le financement du secteur de l’eau

3.9. Le recours à l’expertise en matière d’acquisition de connaissances

3.10. Haïti et la communauté internationale

3.11. Conclusions du chapitre 3

4. Analyse de la GIRE au niveau MACRO

4.1. Les rendez-vous manqués de la GIRE : quatre leviers à mieux exploiter

4.1.1. Le décret sur la gestion de l’environnement

4.1.2. La reformulation de la politique de l’eau et le projet de loi-cadre

4.1.3. L’atelier de concertation interministérielle sur la gestion des bassins versants

4.1.4. Le colloque relatif à la GIRE en Haïti

4.2. Haïti, en dehors de la mouvance planétaire …

4.3. Analyse de la GIRE à travers la méthode SEPO

4.4. Pour que la GIRE devienne effective

4.5. Une proposition organisationnelle de renforcement de la GIRE en 5 étapes, au niveau

macro

4.6. Conclusions du chapitre 4

5. Rôle des ONG et de PROTOS en particulier en matière de GIRE (au niveau

MACRO)

5.1. Contributions possibles des ONG pour la GIRE

5.2. PROTOS et ses partenaires

5.2.1. Propositions à l’intention de PROTOS

5.2.2. Propositions à l’intention des partenaires de PROTOS actuels et futurs

5.3. Conclusions du chapitre 5

6. Analyse de la GIRE au niveau MESO à travers trois études de cas et Contributions de

PROTOS et de ses partenaires

6.1. L’Ile de la Gonâve : pour l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan GIRE insulaire

6.1.1. Le contexte

6.1.2. Analyse de la GIRE à l’île de la Gonâve

6.1.3. Propositions pour l’élaboration d’un plan GIRE de l’île de la Gonâve

6.2. Saut d’Eau : pour un plan communal GIRE

6.2.1. Le contexte

6.2.2. Analyse de la GIRE à Saut d’Eau

6.2.3. Pour renforcer la GIRE à Saut d’Eau

6.3. Les Moustiques : pour l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan GIRE pour le sous-

bassin de la rivière Moustiques

6.3.1. Le contexte

6.3.2. Analyse de la GIRE dans le bassin versant des Moustiques

6.3.3. Propositions pour renforcer la GIRE dans le BV des Moustiques

6.4. Conclusions du chapitre 6

7. Conclusions et recommandations

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ANNEXES :

Références bibliographiques

Liste des personnes rencontrées et des participants à l’atelier national

Modèles de fiche de renseignements

Acronymes et abréviations

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Avant-propos

1. Introduction

Un développement durable humain implique la satisfaction des besoins des populations

actuelles sans boycotter les besoins des générations futures. Dans ce sens, la mobilisation et

l’affectation des ressources naturelles potentielles en vue de répondre aux demandes de tout

être humain est un souci de toute société pour un développement harmonieux de ses

populations.

Devant cette situation, tous les êtres humains de cette planète, en fonction de leur lieu de vie,

bénéficient de conditions différentes, plus ou moins favorables, en fonction des potentialités

naturelles du pays et des possibilités, via les exportations, de pallier au déficit de ressources.

Dans la plupart des pays développés, des Etats organisés parviennent légitimement à assurer

le développement harmonieux de leur population à travers une série de services divers en

réponse aux besoins. Il n’en est pas de même dans les pays dit sous-développés où le concours

de situations naturelles difficiles auxquelles s’ajoutent parfois des catastrophes générant

autant de situations d’urgence, associées à une incapacité institutionnelle d’assurer une bonne

gouvernance, conduit le développement durable dans l’impasse. La question du

développement devrait être posée dans le cadre d’une réflexion la plus large possible au

niveau d’un Etat souverain, en associant des aspects historico-politiques, sociaux,

environnementaux, culturels, économiques, … bref toutes les dimensions du développement

durable.

A l’heure où l’information est véhiculée à travers la planète de part en part en temps réel, les

difficultés de certains pays à réussir leur développement devraient être une préoccupation

universelle, alors que les responsabilités sont partagées entre le Nord et le Sud. La

coopération est une des réponses apportées à cette problématique. Depuis de nombreuses

années, dans une période post-coloniale, les pays nantis développent des programmes d’aide

gouvernementaux et non-gouvernementaux via les missions des ONG. Celles-ci sont des

centaines à travers le monde à intervenir dans divers secteurs.

En écho à la problématique universelle de l’eau, plusieurs ONG ont investi ce secteur, en

prise directe avec les besoins quotidiens des populations. L’eau, c’est la vie et c’est une noble

tâche, en renforçant l’accès à l’eau et à l’assainissement, d’apporter sa contribution pour

améliorer les conditions de vie des habitants.

Parmi ces ONG, PROTOS intervient dans le secteur de l’eau depuis de nombreuses années.

Par sa présence directe dans 8 pays du Sud, cette ONG veut aider à développer des processus

durables et libérateurs qui sont intégrés dans le contexte culturel et social local et qui ont

comme finalité une amélioration du bien-être matériel et immatériel des groupes démunis de

la population du Sud. Vu son expertise dans ce domaine, PROTOS prône spécialement une

gestion équitable, durable et participative de l’eau tant dans le Nord que dans le Sud. Cette

démarche s’inscrit entièrement dans une approche GIRE tant vantée par la communauté

internationale et mis en exergue lors des grands rendez-vous des Nations Unies autour de la

problématique de l’eau.

2. Objectifs

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Afin de recadrer et d’améliorer l’efficacité de l’ONG en Haïti, une analyse contextuelle de la

GIRE à l’échelle de ce pays a été sollicitée par PROTOS.

La présente étude devait avoir comme finalités :

- d’estimer la situation des différentes fonctions de l’eau dans un contexte déterminé : il

s’agissait de prendre en compte l’ensemble des usages et fonctions en rapport avec les

divers secteurs d’activités (alimentation en eau potable, assainissement, agriculture-

élevage, industries et mines, environnement, pêche, tourisme, énergie, transport, sans

oublier les dimensions culturelles et spirituelles liées à l’eau, d’étudier les relations et

les influences entre tous ces usages et fonctions ;

- de mettre en évidence les dysfonctionnements ou inégalités d’accès aux différents

services ou fonctions de l’eau ;

- d’analyser le rôle des acteurs locaux et des plates-formes existantes dans la

planification, la mise en œuvre et la gestion des différentes fonctions et de la GIRE en

général, avec une attention particulière aux mécanismes de participation des citoyens,

des usagers, des collectivités locales et des femmes ;

- de décrire le cadre légal, le contexte politique, économique et social dans lequel se

réalisent les investissements en matière de GIRE ;

- de relever les expériences, projets en cours, les bonnes pratiques constatées et de

suggérer des pistes d’actions concrètes et applicables à court et moyen terme, et ceci

pour les différents rôles que PROTOS et ses partenaires veulent jouer.

Il s’agit donc d’analyser des résultats et des tendances vers la GIRE mais aussi de mener une

méta-analyse quant à la façon de les obtenir. Cette réflexion est développée à deux niveaux de

perception :

- un niveau MACRO, à une échelle nationale, où PROTOS veut faire la promotion et le

plaidoyer de la GIRE ;

- un niveau MESO à une échelle régionale où PROTOS veut faciliter et appuyer la

concertation.

PROTOS a donc retenu la République d’Haïti pour mener cette étude, pays en proie

actuellement à d’énormes difficultés d’ordre organisationnel, conséquence d’une situation

passée et présente chaotique.

De nombreuses études, séminaires et ateliers quant à la gestion de l’eau en Haïti ont été

organisés ces 30 dernières années (voir bibliographie). Il ressort que la première

recommandation en faveur d’une amélioration de l’accès à l’eau et à l’assainissement consiste

« à créer un organisme de haut niveau institutionnel, doté de pouvoirs plus ou moins étendus,

qui coifferait toutes les institutions du secteur et serait le seul interlocuteur agréé des

bailleurs de fonds, des ONG et autres partenaires publics et privés », (Simonot, PNUD,

1997).

Cette priorité, mise en exergue dans le rapport du PNUD, nous a été confirmée par les

partenaires rencontrés lors de la première mission en novembre 2005. Faut-il déjà conclure

que cette étude de plus conduira à la même constatation ?

3. Méthodologie

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Cette analyse menée sous la responsabilité d’un consultant externe qui à priori dispose de peu

d’informations sur la situation en Haïti, nécessite avant tout, la mobilisation de nombreuses

données et informations afin de pouvoir appréhender la situation. En complément de

recherches bibliographiques, deux missions sur place ont permis de se rendre compte de la

situation et de découvrir (partiellement) les réalités concrètes, de pouvoir rencontrer de

nombreux acteurs de l’eau, les partenaires de PROTOS et autres ONG et de compléter les

informations. Ces missions se sont déroulées :

- pour l a première mission : du 3 au 11 novembre 2005 ;

- pour la seconde mission : du 22 février au 4 mars 2006.

L’acquisition des données a donc pu s’opérer à partir de sources diverses :

- 1. Recherches bibliographiques

Haïti, et spécifiquement la problématique de l’eau en Haïti, fait l’objet d’une inflation de

documents, tant d’institutions gouvernementales au plus haut niveau tels les travaux du

PNUD, de l’UNICEF ou de l’OMS, de productions nationales issues de diverses institutions,

des ONG et des milieux académiques.

Une rapide recherche sur Internet (Google, 25/02/06), conduit, à partir des deux mots clés

« Haïti eau », à une liste de 3.460.000 sites. L’ajout d’un troisième mot, à savoir « GIRE »,

fait chuter le nombre à 206. La version anglophone « Haïti water » produit 23.800.000

références tandis que « IWRM » en plus, fait passer ce chiffre à 809. Faut-il voir par là un

signe à la méconnaissance de la GIRE en Haïti ?

Il s’agira, parmi cette masse d’informations, de pouvoir discerner les documents importants et

fiables, aider en cela par l’équipe de PROTOS en Haïti. En annexe bibliographique, sont

repris les principaux documents consultés dont la majorité ont été mis à disposition par

PROTOS et les acteurs rencontrés dans le pays.

- 2. Interviews et rencontres avec des personnes ressources, acteurs dans le secteur de l’eau Lors de la première mission, un certain nombre de contacts ont pu être organisés par l’équipe

PROTOS–Haïti. (Voir en annexe, programme des rencontres). Les principaux acteurs tant

institutionnels, qu’au niveau d’ONG, de bailleurs de fonds et du milieu académique ont pu

être rencontrés, sans compter les séances de travail avec les responsables de PROTOS (Anne

Coutteel, Tom D’Hayer et Martine Haentjens).

- 3. Visites de terrain

Celles-ci ont essentiellement été consacrées à :

- Une prise de connaissance de la zone métropolitaine de Port-au-Prince ;

- Visite dans la commune de Saut d’eau, prise de connaissance du projet « Dlo se lavi » et

rencontre avec l’Ingénieur de CONCERN, responsable du projet ;

- Visite de l’Ile de la Gonâve, commune de Anse-à-Galets et rencontre avec l’équipe

CONCERN et la plate-forme de la commune de Anse-à-Galets et des secteurs 5 et 6 de la

commune de Pointe-à-Raquettes, là où la problématique de la disponibilité en eau est la plus

cruciale ;

- Visite du bassin versant de la rivière Moustiques et de quelques chantiers réalisés par

ODRINO.

- 4. Des ateliers de restitution et d’échanges (lors de la seconde mission)

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- 3 ateliers ont été organisés au niveau MESO :

Pour chacun des trois cas étudiés, un atelier de restitution aux partenaires du projet a été

organisé. Après une présentation de l’étude au niveau MACRO et MESO, un échange relatif à

la GIRE, spécifiquement relative au cas étudié était organisé.

Programme :

- 23 février 2006 : atelier à l’île de la Gonâve avec la Plate-forme Eau et CONCERN ;

- 24 février 2006 : atelier à Saut d’Eau avec les membres du comité « Dlo se lavi » et

CONCERN ;

- 27 février 2006 : atelier dans le BV de la rivière Moustiques avec des représentants

des comités locaux de l’eau, des comités d’irrigants et ODRINO.

- 1 atelier national à Port-au-Prince s’est tenu le 2 mars 2006 en présence de 35 participants

(liste des participants en annexe). Le programme de cet atelier portait sur les premiers

résultats de l’étude :

présentation de la situation générale du pays ;

le secteur de l’eau en Haïti ;

la GIRE en Haïti au niveau MACRO ;

la GIRE à travers l’étude de trois cas au niveau MESO ;

la place des ONG.

4. Avertissements relatifs à la disponibilité des informations et à la fiabilité des données

Une des principales problématiques à laquelle nous avons été directement confrontés lors de

cette étude, est un manque de données fiables et actualisées concernant le domaine de l’eau.

La référence la plus significative, en termes de connaissances du secteur de l’eau, remonte à la

fin des années 80. Sous l’égide des Nations Unies, une vaste étude consacrée au

développement et à la gestion des ressources en eau en Haïti a été menée, en étudiant la

disponibilité en eau et l’adéquation aux besoins. Une cinquantaine de rapports ont été

produits, les données nationales étant déclinées à l’échelle régionale. Visiblement, ce sont

généralement toujours ces données qui sont recopiées d’une étude à l’autre.

A l’ancienneté des données, s’ajoute parfois un doute concernant leur fiabilité1. De plus, des

informations de base tel que le pourcentage de la population ayant accès à l’eau font

références à différentes valeurs2.

Ces difficultés sont loin d’être résolues, vu la situation actuelle. Au contraire, le contexte

chaotique3 et l’instabilité des institutions viennent encore amplifier les problèmes évoqués ci-

dessus.

Nous avons cependant pu développer l’analyse exposée dans le présent rapport en espérant

que celle-ci ne s’éloigne pas trop de la réalité. Le recoupement des informations auprès de

divers interlocuteurs directs a permis de réduire le niveau d’incertitude. Néanmoins, à la

lecture de ce rapport, il est bon tenir compte des réserves évoquées dans cette introduction.

1 A titre d’exemple, des données microbiologiques de qualité de l’eau renseignant des concentrations en

coliformes fécaux supérieures aux concentrations en coliformes totaux sont plus que douteuses. 2 Concernant Port-au-Prince, les pourcentages d’accès à l’eau pour une même période varient de 22 à 51% en

fonction des sources d’information. 3 En 2004, le MARNDR a été mis à sac avec notamment pour conséquence, la perte des données des services.

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1. Situation générale du pays : vers un désastre écologique et humain ?

Haïti est un des pays les plus pauvre au monde, le plus pauvre de l’hémisphère Nord. Il

occupe le 153ème

rang sur 173, selon l’Indice de Développement Humain (IDH) des Nations

Unies.

Première république noire devenue indépendante en 1804, Haïti a connu une instabilité

politique durant la plus grande partie de ces deux siècles d’existence, cette situation n’étant

pas favorable à un développement humain durable.

Parallèlement à ce contexte politique chaotique, l’environnement n’a cessé de se dégrader

pour conduire aujourd’hui à une situation très préoccupante. D’aucuns n’hésitent pas à parler

de désastre écologique et humain. Certains, dont Paul PARYSKI du Programme des Nations

Unies (cité par PELT, 2005), vont même jusqu’à donner peu de chance à ce pays de s’en

sortir en se demandant si un point de non-retour n’a-t-il déjà pas été atteint ?

Parmi les facteurs de développement, l’eau occupe une place primordiale mais avant

d’analyser ce secteur, il nous paraissait utile de replacer le contexte haïtien dans un cadre plus

général, en mettant en exergue quelques grandes préoccupations qui influencent directement

le développement du pays et le bien-être des populations. En écho à une démographie

galopante (principale force motrice du pays), les pressions de plus en plus intenses sur le

milieu naturel et les ressources conduisent à la dégradation d’un espace de moins en moins

viable, l’héritage d’un lourd passé historico-politique et des lacunes d’organisation ne

parvenant pas à maîtriser ces pressions.

1.1. Un petit pays peu habitable

Haïti partage avec la République Dominicaine une des îles des Grandes Antilles, un complexe

insulaire au sein de l’Océan atlantique et de la mer des Caraïbes (voir figure 1). Tel un

croissant de lune orienté vers l’Ouest, Haïti occupe la partie occidentale de l’île d’Hispaniola,

la seconde en dimension après Cuba. Ce territoire de 27.750 km² (36% de l’île) est formé de

deux péninsules séparées par le golfe de la Gonâve, telle une mâchoire de crocodile prête à

avaler l’île de la Gonâve. D’autres îles, notamment l’île de la Tortue au Nord et l’île à Vache

au Sud-Ouest font partie du pays.

Le pays est constitué de 8 unités géomorphologiques présentant une convexité souvent

orientée vers le Sud-Ouest. Du Nord au Sud, on peut distinguer : le massif du Nord, la plaine

du Nord, le plateau central, la presqu’île du Nord-Ouest et les montagnes noires, la plaine et la

vallée de l’Artibonite, la chaîne des Matheux et les montagnes du Trou d’eau, la plaine de

Cul-de-Sac et enfin, le massif de la Hotte et le massif de la Selle.

Depuis 1987, le pays est administrativement partagé en 4 régions, 9 départements (un dixième

a été créé récemment), 134 communes, elles-mêmes constituées de quartiers et de sections

communales.

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Figure 1 : Carte de situation d’Haïti

A l’origine, les premiers indigènes avaient nommé leur île Ayiti, c’est-à-dire « Terre des

hautes montagnes ». Le pays est donc essentiellement montagneux. Le sommet le plus haut,

celui de la Selle, atteint une altitude de 2.680 m.

Orographie Pentes (%) Superficies (ha) Pourcentage de la

superficie du pays

Plaines et Plateaux

0 à 10 806.250 29,5

Plateaux et Piémonts

10 à 20 206.400 7,5

Piémonts et Mornes

20 à 30 148.350 5,0

Mornes et Cols raides

30 à 40 161.250 6,0

Pentes abruptes

> 40 1.448.800 52,0

Tableau 1 : Orographie, pentes et superficies correspondantes en Haïti (OPS/OMS, 2003)

Cet espace limité et ses caractéristiques géomorphologiques sont déterminants dans

l’occupation du pays par les populations qui vont manifester des besoins, certains ne pouvant

être satisfaits qu’à partir de l’exploitation et de la gestion des ressources naturelles, dont les

ressources en eau.

Entre plaines et montagnes, le territoire national offre donc des possibilités spatiales limitées

qui ne permettent pas partout l’installation de lieux d’habitat et de vie. 63% du pays sont

constitués de terrains en pente forte (plus de 20%) au niveau desquels les installations

d’habitations ne sont pas recommandées. L’habitat est donc concentré dans les plaines et en

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bordure de mer avec l’installation d’une population en pleine croissance. Mais là où

l’occupation est la plus problématique (zones les plus arides ou dans les zones inondées

régulièrement), on va jusqu’à évoquer un déplacement des populations (OPS/OMS, 2003).

1.2. Une population en croissance

Avec un territoire de 27.750 km² et une population estimée à 8,6 millions d’habitants en 2006,

Haïti présente une densité de population de 310 habitants/km², parmi les plus élevées au

monde, se rapprochant de la densité observée en Belgique et aux Pays-Bas, pays européens

les plus denses. Notons que les chiffres de population varient sensiblement d’un rapport à

l’autre. Ainsi, NIYUNGEKO (2005) cite le chiffre de 8.271.000 habitants se répartissant en

milieu urbain (3.457.000) et en milieu rural (4 .814.000).

65% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et l’espérance de vie est seulement

de 53 ans contre 70 ans pour la moyenne régionale. L’analphabétisme touche la moitié des

adultes4. Le PNB par habitant est en baisse constante depuis 6 ans (Commission européenne,

2005) tandis que la valeur de la gourde haïtienne oscille entre 30 et 42 gourdes pour un dollar

US. La dette extérieure est évaluée à 1,3 milliards de $ US.

En 2000, les taux d’accès à l’eau étaient de 49% pour les habitants en milieu urbain et 45% en

milieu rural tandis qu’en matière d’assainissement, ceux-ci étaient de 50% en milieu urbain et

seulement 16% en milieu rural (http://earthtrends.wri-org). D’après ces mêmes sources, le

score exprimant le degré de liberté civile et de droit politique en Haïti était de 6/7 (1/7

représentant la situation la plus libre, 7/7 la moins libre).

La figure 2 montre l’évolution et la projection de la démographie entre les années 1950 et

2050. Le taux moyen annuel de croissance pour la période 1990-2005 est de 2,2%, le taux

brut de natalité de 35% et le taux de fertilité de 4,4 pour une moyenne régionale de 2,8

(OPS/OMS, 2003). En l’an 2020 et au rythme actuel, la population d’Haïti dépassera 12,15

millions d’habitants et sera constituée de 50% d’habitants en milieu urbain et 50% en milieu

rural5. D’autres scénarios en termes de prévisions démographiques vont jusqu’à prédire un

nombre total d’habitants pouvant atteindre 20 millions dans moins de 15 ans

(http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/amsudant/haiti.htm, 2006).

La population rurale, avec un taux annuel de croissance de 0,95%, suivra probablement une

croissance linéaire modéré, à cause surtout du phénomène de l’exode rural (environ 8 millions

d’habitants en 2050), alors que la population urbaine, avec un taux annuel de croissance de

4,7%, approchera les 20 millions d’habitants en l’an 2050. 35% de la population est

actuellement localisée au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince.

Cette promiscuité spatiale se marque essentiellement dans les villes confrontées à une

urbanisation non contrôlée qui conduit à un dépassement rapide des infrastructures de base.

Une raréfaction des terrains et une bidonvilisation galopante affectent tous les espaces

urbains. Avec ses 2 millions d’habitants, la zone métropolitaine de Port-au-Prince ressemble à

un immense bidonville d’où émergent quelques quartiers résidentiels. L’absence de plan

4 D’autres chiffres plus pessimistes encore, sont mentionnés par Pelt (2005) :

- 70% de la population vit sans eau potable ;

- 85% des habitants sont analphabètes ;

- espérance de vie : 49 ans pour les hommes, 56 ans pour les femmes ;

- taux de mortalité infantile : 70 ‰ ;

- taux de mortalité infantile chez les enfants de moins de 5 ans : 125 ‰. 5 en 1980, 76% des habitants vivaient en milieu rural, en 1995 : 67%, estimation 2003 : 64%, OMS 2003.

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d’urbanisation conduit à une anarchie en termes d’occupation spatiale, les nouveaux arrivants

n’hésitant pas à envahir les mornes à la périphérie de Port-au-Prince, autant de sites réputés

dangereux et insalubres constitués de ravines et pentes escarpées.

En référence à une répartition de la densité de population variable d’un endroit à l’autre,

l’organisation du pays fait habituellement référence à trois zones distinctes :

- la zone métropolitaine de Port-au-Prince ;

- les villes secondaires de plus de 2.000 habitants ;

- la zone rurale.

L’organisation du secteur de l’approvisionnement en eau potable, notamment, n’échappe pas

à cette zonation.

Actuellement, rien ne laisse supposer qu’une politique démographique efficace de

stabilisation de la population puisse être appliquée. Cette absence de maîtrise de la croissance

démographique ne risque-t-elle pas, à terme, de conduire à l’explosion de cette bombe à

retardement placée face au géant américain, que constitue Haïti ? Actuellement déjà, les

familles les plus pauvres tentent leur chance en République Dominicaine ou essayent d’entrer

clandestinement aux USA sur des bateaux de fortune.

Figure 2 : Croissance démographique, période 1950 – 2050 (OPS/OMS, 2003, d’après les

données recueillies à l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique)

La croissance démographique, principale force motrice décrite dans le système d’indicateurs

DPSIR, conditionne les conditions de vie des habitants et les possibilités de développement.

La pression sur l’espace est d’autant plus forte vu la configuration géographique du pays

succinctement décrite ci-dessus.

Ce constat simple et accablant d’une population fort nombreuse par rapport aux potentialités

spatiales et naturelles du pays ne peut conduire qu’à une impasse en termes de développement

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14

durable à moins que celui-ci ne soit soutenu de l’extérieur du pays, par des apports de

matières premières et de services pour satisfaire les besoins des populations.

1.3. De fortes pressions sur les ressources

Une telle densité de population génère d’énormes pressions sur l’espace et sur les ressources

naturelles. L’urbanisation grignote le peu d’espace disponible et réduit les espaces de liberté

indispensables pour permettre le maintien et le renouvellement des zones naturelles

productrices de ressources.

Les facteurs de dégradation de l’environnement sont nombreux. La colonisation agressive de

l’espace territorial pour développer une production agricole, le régime foncier peu adapté à

une protection des terres, la précarité des conditions matérielles d’existence des populations,

les catastrophes naturelles, les incendies, … conduisent à une disparition de la couverture

végétale (Septembre, 2005). Cette situation se traduit par une forte dégradation de

l’environnement conduisant à des phénomènes d’érosion importants dus à une déforestation

croissante. A ce jour, la couverture forestière serait de moins de 1,4% alors qu’en 1960 il

restait encore 60% de forêts (et 18% en 1952) (OPS/OMS, 2003). 15 à 20 millions d’arbres

seraient coupés chaque année. 36 millions de tonnes de terre arable sont perdus chaque année

et 10.000 ha de terres cultivables disparaissent (Pelt, 2005).

Cette déforestation n’est pas sans conséquence par rapport à l’état des ressources en eau, en

entraînant notamment une augmentation du ruissellement et une perte de capacité des

réservoirs (voir plus loin). Les interrelations entre une politique énergétique et la gestion des

ressources en eau paraissent évidentes.

Une crise de l’énergie …6

Ce phénomène de déforestation est aujourd’hui, surtout entretenu pour tenter de satisfaire une

partie des besoins énergétiques du pays. La pratique de la fabrication de charbon de bois,

principale source d’énergie du pays (72%), amène les habitants à couper les arbres sans

discernement, sans parallèlement mener des actions de reboisement. Cette dépendance

énergétique vis-à-vis du bois de feu semble donc être la principale cause de dégradation,

amplifiée par de mauvaises pratiques culturales. La production de bois de feu (3,4 à 3,7

millions de tonnes consommées par an dont 37% convertis en charbon de bois) met en péril

l’équilibre des écosystèmes qui ne peuvent plus assurer efficacement leur rôle de protection et

de production des ressources en eau et des sols. Les alternatives provenant des produits

pétroliers et du gaz, de l’hydroélectricité représentent une faible part de marché par rapport au

charbon de bois. A l’instar de la République Dominicaine, il serait utile de promouvoir, voire

de subventionner, l’usage du gaz propane mais actuellement, le prix élevé des carburants

n’est pas favorable.

En matière d’énergies renouvelables, certains préconisent une diversification de la production

énergétique du pays : énergie solaire7, éolienne

8, en insistant surtout sur la production de

biogaz (biodiesel) à partir des déchets. La production d’éthanol à partir de la bagasse de canne

6 Dans un contexte de coopération Sud-Sud, lors de la rencontre de Roseau (10 nov. 2005), trois pays des

Caraïbes (Haïti, La Dominique et Sainte-Lucie) ont adopté un plan concerté en énergie et environnement tout en

intégrant les dimensions du développement durable (Alterpresse). 7 Énergie solaire : essais il y a quelques années en Haïti, dans le département du Nord-Est mais les installations

ont été l’objet d’actes de vandalisme des panneaux solaires. 8 Des éoliennes (à l’arrêt !), ont pu être observées à Port-de-Paix lors de la seconde mission en février 2006.

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15

(barbojo) ou d’autres déchets végétaux (paille de riz, déchets café, …) est possible (Soto J-L.,

Colbert R., 2005).

Un patrimoine menacé et une biodiversité en péril

Ces pressions sur les habitats naturels conduisent aussi à une perte de biodiversité. Il y a

quelques années, on dénombrait encore plus de 5.000 espèces de plantes supérieures dont un

tiers endémique tandis que les aires protégées et les réserves naturelles couvraient une

superficie de 7.000 ha (0,3% du territoire national). Les forêts en 2000 s’étendaient sur 88.000

ha, soit 3% du pays (Earth Trends, 2003). Les écosystèmes côtiers sont particulièrement

atteints et les 1.771 Km de côtes fragilisés par une urbanisation anarchique, les rejets de

polluants vers la mer entraînant une contamination des poissons9.

Espèces concernées Nombre total

d’espèces

Nombre d’espèces

menacées

(et protégées ?)

Plantes supérieures 5.242 27

Mammifères 20 4

Oiseaux 62 14

Reptiles 115 8

Amphibiens 47 1

Poissons 184 2

Tableau 2 : Etat de la biodiversité pour la période 1992-2002 (Earth Trends, 2003)

La plupart des animaux sauvages qui peuplaient l’île à l’origine ont disparu, subsistent des

oiseaux communs et de rares Caïmans. Une pauvreté floristique se développe avant que

d’aucuns ne prédisent que le territoire national ne devienne un vaste désert d’ici 2015 si rien

n’est entrepris au niveau de la protection de l’environnement10

.

1.4. Risques naturels et catastrophes

Outre la pression anthropique, cette dégradation de l’environnement est accentuée par les

effets des catastrophes naturelles entraînant un lourd bilan en terme de perte en vies humaines

et en dégâts matériels. Nous évoquerons ci-dessous les principaux risques naturels et

catastrophes.

- Les secousses sismiques

Comme toutes les îles des Caraïbes, Haïti est exposée aux secousses sismiques dues au

déplacement de la plaque tectonique des Caraïbes à une vitesse de 2,5 à 4 cm par an. De 1770

à nos jours, on a enregistré 8 épisodes sismiques importants. En 1887, Le Cap et le Môle

Saint-Nicolas sont à moitié détruites entraînant la mort de 5.500 personnes.

Actuellement, le risque de séisme doit être pris au sérieux sachant qu’il n’existe aucun

système de surveillance du territoire national et que les normes de construction ne sont pas

appliquées (OPS/OMS, 2003).

9 En 1987, plus d’une dizaine de milliers de tonnes de déchets toxiques ont été déversées dans un port désaffecté

des Gonaïves par le transporteur Khean Sea (www.haitipressnetwork). 10

Cette situation catastrophique a sans doute conduit le gouvernement haïtien a adopté un Plan d’Action pour

l’Environnement (PAE) lancé officiellement par le Premier Ministre en septembre 1999 mais dont la mise en

œuvre a été depuis lors retardée (www.cepis.ops-oms.org, 2000).

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16

- Les cyclones et inondations

Ceux-ci se forment dans la mer des Caraïbes et dans le Golfe du Mexique, à la rencontre des

vents alizés et des masses d’air froid venues des grandes plaines américaines et de l’Afrique

occidentale. De juin à novembre, le pays peut être atteint par des vents circulaires de 100 à

300 km/h accompagnés de pluies violentes provoquant des inondations. Celles-ci peuvent

aussi être dues à de violentes averses orageuses.

En novembre 1994, l’orage tropical Gordon a entraîné la mort de plus de 800 personnes à

Port-au-Prince et à Jacmel, tandis que 3.500 résidences étaient détruites (Knowles et al.,

1999). Les fortes inondations de mai 2004 ont quant à elles provoqué la mort de 1.600

personnes et ont mis en danger 10.000 familles, la localité de Fonds-Vérettes ayant été

presque entièrement rasée par des flots dévastateurs.

Le cyclone Georges en 1998 reste aussi gravé dans la mémoire des haïtiens, provoquant la

mort de 173 personnes et 18.000 sans abri, et plus proche de nous, en automne 2004, les

Caraïbes sont balayés par 4 cyclones : Charley, Frances, Yvan et Jeanne. Ce dernier, le plus

meurtrier, provoqua la mort de 2.500 personnes dont 600 dans la seule ville des Gonaïves. En

2005, Haïti n’a pas été épargné par les cyclones ayant surtout dévastés la Floride et la

Nouvelle-Orléans.

- Les glissements de terrain

L’érosion a pris des proportions catastrophiques ces 50 dernières années. La perte totale des

terres arables est estimée à 1.500 ha/an (OPS/OMS, 2003). Le glissement d’un sol argileux

sur la roche mère est la conséquence de fortes pluies sur des terrains non couvert de

végétation et en pente forte. Ces glissements de terrain entraînent dans certains cas la coupure

de routes et pistes (voir figure 3).

Figure 3 : Coupure de la piste à l’entrée de Saut d’eau (photo F. Rosillon, nov. 2005)

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17

- La sécheresse

Variable d’un endroit à l’autre, la sécheresse constitue un désastre latent et permanent en Haïti

avec de graves conséquences sur la production agricole. Les 2/3 des haïtiens vivent du secteur

agricole avec des exploitations familiales de subsistance. Les principales zones sèches sont

localisées sous le vent derrière la chaîne de montagnes qui fait écran aux alizés, des vents NE-

SW dominant en Haïti. La région Nord-Ouest, Belle-Anse et Anse à Pitres, ainsi que certaines

zones du plateau central sont particulièrement touchées.

1.5. Un lourd passé historique11

La république d’Haïti,

premier pays des Caraïbes à s’être révolté contre l’esclavage et l’avoir aboli,

premier Etat noir indépendant,

et aujourd’hui, incapable de faire face à la pauvreté grandissante de sa population …

- La colonisation

Colonie espagnole après la découverte par Christophe Colomb en 1492, l’île Hispaniola est un

lieu d’importation d’esclaves noirs africains. En 1697, lors du traité de Ryswick, l’Espagne

reconnaît à la France la possession de la partie occidentale de l’île qui devient alors la colonie

de Saint-Domingue (la future Haïti). Une ordonnance de Louis XIV, appelée le Code noir,

réglemente le régime de l’esclavage. Ce code restera en vigueur dans toutes les Antilles et en

Guyane française jusqu’en 1848. La colonie de Saint-Domingue devint l’une des colonies les

plus riches des Antilles. Cette prospérité reposait sur les cultures commerciales de sucre et de

café employant près de 500.000 esclaves, encadrés par 3.000 blancs. La révolte des noirs

débuta en 1791 et la liberté des esclaves fut proclamée le 29 août 1793. Quelques années plus

tard, le soulèvement des anciens esclaves contre la France, conduisit avec l’aide des

Britanniques et des Espagnols à la défaite des armées françaises en 1803. L’indépendance fut

proclamée le 1er

janvier 1804 aux Gonaïves et la colonie de Saint-Domingue devint

officiellement Haïti, provenant du mot amérindien Ayiti. Ce fut la première république noire

libre.

- 200 ans d’indépendance … et d’instabilité

L’indépendance déboucha sur une période confuse qui ne faisait que commencer. Ainsi, entre

1804 et 1957, quelque 24 chefs d’Etat sur 36 seront renversés ou assassinés. Le pays qui

connut une période de prospérité relative fin du 19ème

et début du 20ème

siècle, fut gouverné

par des Mulâtres (dont Alexandre Sabès, dit Pétion) jusqu’en 1910.

Dès 1906, les Américains commencent à occuper le pays jusqu’à une occupation militaire en

1915. Celle-ci durera jusqu’en 1934. Une période de retour à l’instabilité, dopé par la crise

économique mondiale, encouragea les velléités dictatoriales de dirigeants locaux.

François Duvalier dit « Papa Doc » fut élu président de la République en 1957 grâce au

soutien des Noirs qui virent en lui le moyen de mettre fin au règne des Mulâtres. Rapidement

un régime dictatorial s’installa, celui-ci soutenu par une milice paramilitaire semant la terreur

(les tontons macoutes). Autoproclamé, Président à vie en 1964, Papa Doc mourut en avril

1971. Son fils, Jean-Claude surnommé Baby Doc, accéda à la Présidence de la République.

Sur les traces de son père, le nouveau Président poursuit, après l’amorce d’une timide

libéralisation, un régime dictatorial miné par la corruption et l’incompétence jusqu’au

11

D’après http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/amsudant/haiti.htm, 2006.

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soulèvement populaire de 1986 qui renversa le fils Duvalier. Mais la fin de la dictature des

Duvalier ne signifia pas la fin de la répression et des juntes militaires s’empareront du

pouvoir. Entre deux régimes militaires, le pays connaît la démocratie sous la Présidence de

Jean-Bertrand Aristide pendant une brève période de quelques mois (de janvier à septembre

1991).

Suite à l’intervention américaine, le Président Aristide fut rétabli dans ses fonctions en

octobre 1994. C’est finalement René Préval qui assura les rennes du pouvoir jusqu’au

élections législatives de mai 2000 qui vit à nouveau le retour de Jean-Bertrand Aristide à la

Présidence. Aristide commença un mandat controversé et une nouvelle période de confusion

placé sous des signes de corruption, trafic de drogue, détournement d’argent, vols,…

conduisit à un véritable régime d’anarchie.

En avril 2004, alors qu’arrivent les premiers Marines américains, avant-garde d’une force

internationale envoyée par l’ONU, le Président Aristide est forcé de quitter le pays (le 29

février 2004). Un gouvernement de transition sous la Présidence de Boniface Alexandre et la

direction de Latortue, Premier Ministre intérimaire, est mis en place. La sécurité du pays est

assurée par la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH)

composée aujourd’hui de 6.700 militaires et 1.600 policiers. Mais à l’heure où se déroule

l’élection présidentielle (février 2006), le rétablissement de l’ordre et de la sécurité est loin

d’être acquis. René Préval sort vainqueur d’élections caractérisées par une organisation

chaotique. Et en ce moment (mars 2006), la ville de Port-au-Prince est toujours prise en otage,

particulièrement dans certains quartiers fortement peuplés qui sont toujours la proie de gangs

qui s’affrontent et sèment l’insécurité dans la population.

1.6. Des difficultés d’organisation

Assumé un tel passé n’est pas évident aujourd’hui et les périodes de stabilité et de démocratie

se résument à quelques années. Le bilan de deux siècles d’indépendance ne permet pas aux

décideurs actuels de s’appuyer sur leurs expériences passées en terme d’organisation efficace

du pays. Oubliant la période du régime des Duvalier, lorsqu’on évoque ces 30 dernières

années, on retient plutôt de nombreux coups d’Etat, des situations d’embargo et de blocus, des

élections contestées et 13 Présidents entre 1986 et 2005.

L’Etat n’est pas à même d’assumer son rôle de régulateur, tout en étant le garant de la

démocratie et du bon fonctionnement de la société en faveur d’un développement durable.

Une perte de légitimité et de confiance envers les institutions, des carences en matière de

compétences, une inefficacité chronique dans une ambiance d’instabilité et d’insécurité se

manifestent à tous les niveaux d’organisation. Le service public est peu crédible à l’image de

l’Etat haïtien.

Selon Luckner(1995), l’efficacité sociale de l’Etat est mise en cause. Il doit la prouver et se

légitimer en conséquence, en intervenant de façon éclairée et compétente. Ceci est valable

dans tous les domaines et notamment dans le secteur « eau potable et assainissement », pour

faire des institutions publiques, une référence sociale majeure de modernité, de rationalité et

d’équité. En fait, c’est plutôt l’inverse qui se passe :

- pas d’équité sociale car les ressources publiques ne profitent qu’à une minorité ;

- pas de modernité avec des réseaux d’adduction d’eau vieux, obstrués et pollués ;

- aucune rationalité quand les capitaux rares sont investis là où la densité de population

est la plus faible, sans compter le gaspillage des ressources.

La communauté internationale apporte son aide au gouvernement de transition en vue de

tenter de relever les principaux défis. Les coopérations gouvernementales et non-

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gouvernementales se poursuivent, malgré les difficultés du moment, Haïti étant le premier

bénéficiaire au monde de l’aide internationale en matière de coopération (Pelt, 2005).

En vue de mieux coordonner ces divers appuis, un Cadre de Coopération Intérimaire (CCI)

(tout est intérimaire en Haïti ces dernières années …) a été mis en place en mars 2004. Le CCI

précise le cadre de référence pour toute assistance à Haïti, et accompagne l’agenda politique

en concentrant ses activités sur quatre axes :

- gouvernance politique et dialogue national ;

- gouvernance économique et renforcement institutionnel ;

- relance économique ;

- accès aux services de base (dont l’accès à l’eau analysé dans la suite du rapport).

1.7. Quel développement durable pour Haïti ?

Dans une période de transition qui n’en finit pas, entre désespoir et optimisme, Haïti se trouve

à nouveau aujourd’hui à un tournant de son histoire. Il ne peut se permettre de rater une fois

de plus le train de la démocratie et de la bonne gouvernance. Cela devient une question

urgente de survie pour l’ensemble du peuple haïtien confronté à d’énormes difficultés en vue

de satisfaire ses besoins tout en préservant la satisfaction des besoins des générations futures.

Il s’agira de dépasser le stade de l’urgence et de l’intérimaire pour ancrer durablement un

système d’organisation et de gestion qui pourra procurer aux haïtiens cette satisfaction.

Figure 4 :

2005 Environmental

Sustainability Index

pour HAITI www.yale.edu/esi/

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20

A propos des objectifs du millénaire pour la lutte contre la pauvreté, Chavannes (2005) pense

que ceux-ci ne seront pas atteints, au contraire, la situation sera pire en 2015 qu’avant la

déclaration des ODM ; en cause, la situation d’Haïti (mauvaise gouvernance, déficit

démocratique, corruption, …) mais aussi des responsabilités partagées par les pays du Nord

(l’organisation du commerce mondial à revoir, la dette du tiers-monde qualifiée de crime

contre l’humanité, …).

Sur l’échelle de l’Indice de Développement Durable ou Environmental Sustainability Index

(ESI) développé par les Universités américaines de Yale et Columbia pour l’année 2005, Haïti

occupe la 141ème

place sur 146 pays (voir figure 4).

1.8. Synthèse et conclusions du chapitre 1

En synthèse à ce premier chapitre, selon le modèle DPSIR, nous avons tenté d’identifier

succinctement les principaux indicateurs de développement durable qui caractérisent Haïti

aujourd’hui (voir figure 5). Chaque composante (ou groupe d‘indicateurs) peut être illustrée

par les tendances suivantes, qui ont brièvement été présentées dans cette partie relative au

contexte général d’Haïti :

- pour la composante Forces Motrices : une population en pleine croissance qui

manifeste une série de besoins à satisfaire dans l’urgence en l’absence de

considérations environnementales ;

- pour la composante Pressions : des pressions très lourdes conduisant à l’émission

d’une charge polluante domestique, agricole et industrielle et à une consommation de

l’espace territorial du pays et des ressources naturelles en vue de tenter de satisfaire les

besoins. A ces pressions anthropiques, s’additionnent celles générées lors des

catastrophes dites « naturelles » ;

- pour la composante Etats : un état des ressources naturelles (terre, eau, biosphère, …)

particulièrement dégradé avec le risque d’une situation de non-retour, une économie

faible et une dégradation du climat social ;

- pour la composante Impacts : incidences sur les écosystèmes et perte de biodiversité.

Un manque de ressources limite le niveau de vie du pays et la qualité en terme de

développement humain s’en trouve sérieusement affectée. En termes d’hygiène et de

santé publique, de graves problèmes se posent ;

- pour la composante Réponses : une absence de politique de développement durable

avec un Etat et des institutions incapables d’apporter aujourd’hui des réponses

adéquates et efficaces aux problèmes soulevés précédemment. Notons une aide

internationale importante accompagnée d’un appui financier non négligeable à travers

des coopérations gouvernementales et non-gouvernementales.

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21

Figure 5 : Essai de description succincte des groupes d’indicateurs de développement durable

selon le modèle DPSIR12

pour Haïti (Rosillon, 2006)

En conclusion de cette première partie, la voie vers le développement durable pour Haïti reste

semé d’embûches. Quelques grandes problématiques ont été évoquées13

. Loin d’être

exhaustif, nous avons voulu mettre en exergue quelques tendances d’ordre général qu’on ne

peut ignorer avant d’analyser un secteur particulier comme la gestion intégrée de l’eau.

12

DPSIR : Système d’indicateurs de développement durable : Drinving Forces, Pressures, States, Impacts,

Responses. 13

A côté des aspects démographiques, environnementaux, socio-économiques, historiques, politiques,

institutionnels, n’oublions pas les aspects culturels et philosophiques.

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2. Analyse du secteur de l’eau : Ressources - Besoins - Usages

La satisfaction des besoins liés à l’eau est possible pour autant que des usages pouvant

apporter des réponses aux demandes des populations soient développés. L’exploitation des

fonctions naturelles des milieux aquatiques permettra également de répondre à d’autres

besoins. Ces usages pourront s’inscrire dans un contexte de développement durable pour

autant que les ressources potentielles renouvelables le permettent.

RESSOURCES BESOINS

(colonne d’eau / milieux) manifestés par une population

en terme de potentialités pour assurer son bien-être

GESTION

Usages à développer

et à organiser

Fonctions à valoriser

Figure 6 : Le secteur de l’eau : des ressources à la satisfaction des besoins

Dans ce sens, nous présenterons ci-après successivement face aux ressources disponibles, les

besoins et les usages. Il s’agira dans un premier temps, d’établir un constat de la situation

actuelle avant d’analyser le modèle d’organisation du secteur au chapitre suivant. L’état des

ressources et des milieux liés à l’eau (au sens du modèle DPSIR) et les impacts générés par

les usages seront succinctement présentés à la fin de ce chapitre 214

.

2.1. Les ressources en eau : entre l’eau du ciel et l’eau de la mer

2.1.1. Le cycle naturel de l’eau en Haïti

La connaissance des ressources en eau d’un pays peut être approchée en tentant d’établir le

cycle de l’eau dans le pays concerné, celui-ci présentant souvent des frontières ne

correspondant pas à des limites naturelles de bassin hydrographique. Les estimations

quantitatives pour les différentes phases du cycle ne seront qu’approximatives et les variations

temporelles d’une année à l’autre et spatiale d’une région à l’autre du pays doivent être prise

en compte pour une analyse plus poussée. Néanmoins, cette représentation globale permettra

déjà de dégager quelques grandes tendances qui vont conditionner la façon d’appréhender la

gestion de l’eau en Haïti.

14

Dès maintenant, nous tenons à préciser que notre approche s’appuiera sur une base de réflexion la plus large

possible, n’excluant à priori aucun des éléments qui puissent intervenir dans le niveau de vie des habitants

composé d’éléments matériels et immatériels bien présents dans le domaine de l’eau.

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23

De multiples études et un grand nombre de rapports et séminaires (voir bibliographie)

présentent une synthèse plus ou moins détaillée des ressources en eau en Haïti. Il semble que

toutes ces données trouvent leur même origine dans un rapport de la Commission technique

créée le 26 janvier 1990 par le MPCE et réalisé en coopération avec l’OPS/OMS et le PNUD

en octobre 1990. Cette commission avait été mise en place pour réaliser une évaluation des

activités dans le cadre de la Décennie internationale de l’eau potable et de l’assainissement

(DIEPA, 1980-1990). La base d’information sur les ressources en eau souterraine s’appuyait

sur 5.000 points d’eau inventoriés, 1.000 sondages de prospection électrique, 800 analyses

d’eau, 50 forages d’exploration. Le réseau hydrologique comptait 30 stations fin 1990 mais

ces réseaux n’ont pratiquement plus fonctionné après 1991 (Emmanuel E. et Lindskog P.,

2000). D’autres données proviennent d’Euroconsult (1989) et de BRGM (1989), (ds Margat,

1990).

Ces données datent maintenant de plus de 15 ans et mériteraient d’être réactualisées mais les

dispositifs d’acquisition semblent faire défaut. Il serait utile de pouvoir s’appuyer sur un

réseau pluviométrique, limnimétrique en eaux de surface et pièzométrique en eaux

souterraines. Actuellement, on peut se demander que restent-il réellement des stations de

mesure installées par le passé ? En avril 98, seulement 3 des 35 stations limnimétriques et

25% des stations du réseau hydrométéorologique fonctionnaient encore (Knowles et al.,

1999). Et aujourd’hui en 2006, il semble que ces dernières statons ne soient plus

opérationnelles.

Figure 7 : Le cycle de l’eau en Haïti, données exprimées en milliards de m³ par an (PNUD,

1991)

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24

Une pluviométrie moyenne de 1.400 mm/m²/an permet d’amorcer le cycle de l’eau en Haïti.

En une année, c’est donc un volume de 40 milliards de m³ d’eau qui arrose le pays et qui se

répartit en différents flux plus ou moins importants (voir figure 7). Plus de la moitié retourne

vers l’atmosphère tandis que le reste ruisselle en surface ou s’infiltre dans le sol. 90% de

cette eau retourne vers la mer.

Les eaux souterraines

Les aquifères contenus dans les plaines littorales et alluviales dont les plaines de Cul-de-Sac

et de Gonaïves font l’objet d’une exploitation anarchique et non contrôlée. Les aquifères

discontinus correspondent à des faciès géologiques d’origine détritique, souvent des faciès

calcaires cristallins affectés par d'abondantes discontinuités et fissures favorisant l’infiltration

des eaux. Les régions les plus riches en eau souterraine sont celles du Sud-Ouest, Centre et

Nord.

Les cours d’eau

Ce sont dans les Massifs du Nord, de la Hotte et de la Selle que prennent naissance les

principales rivières. La plupart des cours d’eau présentent des linéaires limités et pour les plus

importants, généralement inférieurs à 100 km. La rivière l’Artibonite (voir figure 8) est le plus

grand cours d’eau avec un linéaire de 253 km mais comme les autres grands cours d’eau, le lit

est peu profond. A ces cours d’eau permanents, s’ajoutent des ruisseaux prenant naissance

lors des pluies sur les pentes montagneuses et qui disparaissent ensuite dans les plaines plus

sèches. Ceux-ci atteignent la mer pendant les inondations. Certains cours d’eau présentent un

écoulement souterrain15

. Les cours d’eau possèdent un régime torrentiel plutôt qu’un régime

permanent stable.

Figure 8 : L’Artibonite à proximité de Mirebalais (photo F. Rosillon, fév. 2006)

15

Exemple : la rivière Lastic à Fond Parisien d’une longueur de 19 km.

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25

Les apports d’eau de la République Dominicaine sont estimés annuellement à 1,0 milliard de

m³. Ceux-ci proviennent essentiellement de l’Artibonite qui prend sa source dans ce pays.

27% du territoire du bassin versant se trouvent en République Dominicaine. Selon

Margat(1990), 1/3 de son débit proviendrait du pays voisin. Deux autres rivières forment sur

une partie de leur cours la frontière avec la république Dominicaine avant de se rejeter dans

l’Océan Atlantique (pour la Rivière du Massacre) et dans la mer des Antilles (pour la rivière

Pédernales).

Rivières

Débit en m³/sec

- Artibonite

- Rivière de la Grande anse

- Rivière de l’Estère

- Les Trois Rivières

- Rivière de cavaillon

- 6 autres rivières

100

27

19

12

9,5

8 à 3

Tableau 3 : Débit des principaux cours d’eau en m³/sec (Septembre, 2005 et MTPTC, 1995,

Livre blanc)

Les plans d’eau et les milieux aquatiques

Le plus grand lac naturel, l’Etang saumâtre situé à l’extrémité Est de la Plaine de Cul-de-Sac

s’étend sur 181 Km² et ne possède pas d’exutoire. Le lac de Péligre dans la partie supérieure

de l’Artibonite, est lui d’origine artificielle et couvre 30 km². En 1999, celui-ci avait déjà

perdu 30% de son volume de capacité en eau à cause de l’ensablement de la cuvette.

Parmi les autres milieux aquatiques intervenant dans la cycle de l’eau, on trouve aussi des

zones humides et zones marécageuses, et notamment les mangroves dont la plus vaste étendue

est localisée au Sud de la Gonaïves (32 km de long x 5 km de large). On note aussi la

présence de la mangrove à l’île de la Gonâve.

Caractéristiques du cycle de l’eau en Haïti

Le cycle de l’eau en Haïti est notamment caractérisé par la rapidité avec laquelle l’eau

pluviométrique rejoint la mer16

. Ce phénomène peut s’expliquer par :

- la conformité géomorphologique du territoire avec une surface limitée d’interception des

pluies en forme de croissant de lune ouvert vers la mer. Cet espace qui se présente sous forme

d’une couronne de quelques dizaines de km d’épaisseur n’est pas propice au développement

de longs réseaux hydrographiques avec d’importants linéaires de cours d’eau17

. Cela ne

permet pas un long temps de transit dans les masses d’eaux de surface :

- le relief et les fortes pentes accentuent les vitesses d’écoulement des eaux et les phénomènes

de ruissellement ;

- cette phase du cycle est aussi influencée par la faible couverture végétale des bassins-

versants, l’érosion des sols et le creusement de ravines offrant au ruissellement de l’eau des

voies rapides vers l’aval et vers l’exutoire final marin ;

- à cette phase de ruissellement important, correspond un faible taux d’infiltration des eaux

pluviales vers les masses d’eau souterraines.

16

Un des enjeux devrait consister à allonger les temps de séjour en retenant l’eau douce le plus longtemps

possible dans des réservoirs. 17

La plus longue rivière, l’Artibonite, ayant un linéaire de 253 km + 68 km en République Dominicaine.

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26

Une autre particularité du cycle de l’eau en Haïti est l’apparition, suite à une exploitation

excessive des nappes, de contre-courant de la mer vers les masses d’eau souterraines, ce flux

n’ayant pu être quantifié. Ces eaux salées marines viennent donc contaminer les réservoirs

souterrains d’eau douce allant jusqu’à rendre les eaux pompées impropres à la consommation.

Mais gardons-nous bien de généraliser cette problématique qui devrait être mieux documentée

localement. Il semble cependant que la principale menace se situe à Sartre dans la plaine de

Cul-de-Sac et aux Gonaïves, la surexploitation des eaux souterraines due aux pompages pour

les camions citernes et pour répondre aux besoins d’irrigation provoque une invasion d’eau

marine dans les aquifères (OPS/OMS, 2005).

2.1.2. Les disponibilités en eau

Si on veut assurer un développement durable, seules les ressources en eau renouvelables

pourront être exploitées. Celles-ci sont évaluées à 14 milliards de m³ par an, 12,5 milliards en

eaux de surface et 1,5 en eaux souterraines (MDE, 1998). Aujourd’hui, le potentiel exploité

est de l’ordre de 10%, à savoir 1,4 milliard de m³ d’eau chaque année.

En l’absence d’aménagement régulateur (barragers de retenue), selon Margat(1990), les

ressources en eau potentielles régulières représentant l’essentiel des ressources en eau

mobilisables seraient de l’ordre de 3 milliards de m³/an.

L’intensité de la pression des communautés sur les ressources disponibles peut atteindre

différents niveaux en fonction du pourcentage d’eau utilisée par rapport aux ressources

disponibles :

- niveau bas si moins de 10% sont utilisés (pas de problème) ;

- niveau moyen : entre 10 et 20 % (eau : facteur limitant le développement) ;

- niveau élevé : entre 20 et 40 % (gestion rigoureuse nécessaire) ;

- niveau très élevé : plus de 40% (situation de pénurie).

Avec 3 milliards de m³/an, Haïti se trouverait donc à un niveau moyen mais tout en rappelant

qu’en matière d’AEP, les besoins ne sont couverts qu’à 50%. La disponibilité en eau par

habitant serait donc de l’ordre de 1.628 m³ par an. Apparemment, en référence à la notion de

Water Stress Index18

, la situation ne semble pas catastrophique en ce qui concerne Haïti,

actuellement. Si on ose établir une projection à l’échéance 2050 avec une population de

l’ordre de 20 millions d’habitants, tout en maintenant le volume d’eau renouvelable constant,

la quantité disponible par habitant chute à 700 m³/an. Nous serions dans ce cas, face à une

sérieuse situation de pénurie.

Rappelons que ces observations sont à considérer avec réserve, en fonction de variations

spatiales qui peuvent être importantes. Ainsi, concernant les données pluviométriques, celles-

ci peuvent atteindre des valeurs de 3.600 mm/an au niveau de la presqu’île du Sud et chuter à

400 mm/an dans le Nord-Ouest (OPS/OMS, 2003). Deux régions mobilisent ensemble les 2/3

des ressources potentielles du pays : la région Sud-Ouest avec le bassin de la Grande-Anse et

la région Centre-Nord avec le bassin de l’Artibonite. Très localement, et à titre d’exemple,

entre la commune de Saut d’eau où visiblement l’eau coule abondamment une grande partie

de l’année (voir figure 9) et les secteurs montagneux de la commune de Pointe-à-Raquettes

18

Falkenmark (dans Engelman et al., 1993) a défini le concept de Water Stress Index. Celui-ci estime qu’un

pays atteint un niveau de stress hydrique lorsque la quantité d’eau douce renouvelable annuellement est

inférieure à 1.700 m³ par habitant ; le niveau de pénurie correspondant à une quantité inférieure à 1.000 m³ par

habitant.

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27

sur l’île de la Gonâve, ou Passe Catabois dans le sous-bassin des Moustiques au Nord-Ouest,

nous pouvons observer deux réalités bien différentes d’un même pays.

Figure 9 : L’eau dans le village de Saut d’eau (photo Rosillon, nov. 2005)

En fonction de l’altitude et des zones agro-écologiques, la disponibilité effective en eau sera

variable. Aussi, on peut examiner la situation en classant le pays en trois zones distinctes

(Balthazar, 2005) :

- Les zones montagneuses de haute altitude (supérieure à 600m ) :

Celles-ci sont caractérisées par une pluviométrie abondante mais des difficultés de capter

cette eau qui s’évacue rapidement vers l’aval. La collecte des eaux pluviales semble être le

mode privilégié d’approvisionnement en eau. Mais les cours d’eau sont éloignés des villages

et il existent très peu d’émergence de sources. Les coûts d’exploitation sont élevés19

.

- Les zones de moyenne altitude (600 à 200 m) :

Les émergences de sources sont plus nombreuses mais l’approvisionnement reste difficile, eu

égard à l’éloignement des villages par rapport aux points d’eau.

- Les zones de basse altitude :

Ce sont les zones les plus riches en eau, tant en matière d’eau de surface avec des points de

confluence et des cours d’eau à débit plus élevé que dans les deux zones précédentes et aussi

en eaux souterraines avec la présence de nappes importantes.

2.1.3. Evolution de la situation : des tendances à la baisse des débits

La dégradation environnementale des bassins-versants produit des effets négatifs sur la

régulation des débits des sources et des rivières, la réalimentation des nappes, le

ruissellement, … Dans l’ensemble, on enregistre une baisse significative du débit des sources

au cours de ces dernières années. A titre d’exemple, le tableau 4 présente la situation de 4

sources de Port-au-Prince en 1982 et 2002, alors que pendant cette même période la

population de Port-au-Prince est passée de 719.617 habitants à 1.210.305.

19

L’utilisation de béliers hydrauliques pourrait apporter une solution au problème énergétique des installations.

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28

Nom de la source Zone ou Bassin versant Débit en L/s

1982 2002

Mariani Carrefour 298 139

Turgeau Pétion-Ville/Frères 52 32

Cérisier Pétion-Ville/Frères 40 9

Source Frères Pétion-Ville/Frères 65 35

Tableau 4 : Comparaison des débits de 4 sources de Port-au-Prince en 1982 et 2002

(OPS/OMS, 2005)

Au niveau des cours d’eau, la tendance est aussi à la baisse. En l’espace de 40 ans (1950-

1990), le débit à l’étiage des cours d’eau a diminué d’environ 50% (voir tableau 5).

Rivières

Débit étiage (m³/s) 1950 Débit étiage (m³/s) 1990

Grande Rivière du Nord 3,44 0,75

Limbé 2,22 0,94

Trois Rivières 8,00 4,80

Fer-à-cheval 3,08 1,12

La Thème 5,20 3,10

Saut-d’Eau 0,80 0,73

Rivière grise 3,90 1,90

Grande Anse 22,20 12,40

Grande Rivière de Nippes 3,20 1,72

Tableau 5 : Débit à l’étiage de quelques rivières : évolution 1950 – 1990 (OPS/OMS, 1996)

2.1.4. Ressources en eau et changement climatique

Les scénarios de changement climatique à l’horizon 2030 – 2060 risquent de perturber le

cycle de l’eau, accentuant encore le degré de vulnérabilité du pays.

Année P (mm) Er (mm) Ep (mm) Q (mm) W (106m

3)

1961-1990 1388 1057 1586 356 9769

2030 1201 968 1708 233 6385

2060 911 814 1908 97 2661

P:Précipitation; Er:Évapotranspiration réelle; Ep:Évapotranspiration potentielle;

Q:ruissellement; W: volume potentiel des ressources hydriques.

Tableau 6 : Valeur moyenne calculée des principaux paramètres hydrologiques pour la

période 1961-1990 et Valeur estimative des principaux paramètres hydrologiques pour les

années 2030 et 2060 (Bretous et al., 2002)

Trois conséquences sont à prévoir :

- une élévation de la température accompagnée d’une augmentation très sensible de

l’évaporation et de l’évapotranspiration ;

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29

- une élévation du niveau de la mer risquant d’accentuer les remontées d’eau salée dans

les nappes en majorité côtières ;

- des conséquences négatives sur la production agricole et sur les problèmes de

nutrition.

A cela, il convient d’ajouter les effets du changement climatique sur la probabilité d’une

augmentation des catastrophes dites « naturelles ».

2.2. Les besoins en eau

La description proposée des besoins en eau en Haïti s’inspire de la typologie des besoins

humains classés par Maslow(1968) sous forme d’une pyramide, cette forme de représentation

ayant été adaptée au domaine de l’eau (voir figure 10). Cette typologie des besoins est établie

de la base de la pyramide à son sommet en passant des besoins matériels vitaux à la vie de

toutes espèces aux besoins immatériels humains (sociaux et moraux).

Besoins moraux Symbolique

de l’eau

Esthétique

Source

de méditation, de paix,

d’équilibre psychique

Cadre de vie épanouissant

Source d'inspiration culturelle

Sports et loisirs liés à l’eau

Énergie, transport, matières premières

Besoins matériels pour la production de biens,

eau de refroidissement

Extraction de granulats

Besoins physiologiques de base :

alimentation, sanitaire, applications médicales

Figure 10 : Typologie des besoins en eau en Haïti selon la pyramide de Maslow adaptée au

domaine de l’eau (Rosillon, 2001)

Besoins sociaux

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30

2.2.1. Les besoins en eau potable

Les besoins sont variables en fonction de la commodité de l’accès à l’eau : 40 litres lorsque

l’eau est fournie dans l’habitation, 15 litres si la source est éloignée de moins de 200 m, 7

litres, si la source est à plus de 1.000 m (Caircross S., 1987 dans Knowles et al., 1999).

Mais pour Haïti, les normes de calcul des besoins en eau potable ont été fixées par le

deuxième atelier national de la DIEPA en novembre 1982 (voir tableau 7).

Contexte / Situation de fourniture d’eau

Quantité par habitant

Milieu rural dispersé 20 L/Jour

Localités inférieures à 2.000 habitants 30 L/Jour

Fontaines publiques (FP) 30 L/Jour

Localités entre 2.000 et 5.000 habitants 70 L/Jour

La zone métropolitaine + les 10 villes

principales (chefs lieux de départements)

100 L/Jour

Dispositif de fourniture d’eau

Nombre de personnes desservies

Fontaine publique (FP) 250

Branchement particulier (BP) 14

Pompe à bras 250

Source aménagée 250

Impluvium 100

La distance à parcourir pour atteindre un point d’eau doit varier entre 200 et 500 m

Tableau 7 : Besoins en eau potable en fonction de différentes situations (DIEPA, dans

OPS/OMS, 1996)

Au-delà du simple approvisionnement en eau …

Des enquêtes menées par Balthazar (2005) sur les systèmes d’approvisionnement en eau en

Haïti ont permis de dégager quelques considérations :

- l’eau courante est d’une manière générale facteur de progrès avec une amélioration

des conditions de vie et spécialement d’hygiène des populations désservies ;

- la présence d’eau dans une zone augmente son attractivité avec une tendance à un

afflux de population ;

- dans ce sens, l’eau est un facteur de cohésion sociale ;

- la gestion participative de l’eau conduit vers la prise en compte d’autres secteurs et

d’autres problématiques, l’eau étant un levier de citoyenneté ;

- l’eau peut être aussi un objet de convoitise et un enjeu de pouvoir ;

- le secteur de l’approvisionnement en eau est un des secteurs de création d’emplois

durables parmi les plus dynamiques ;

- l’accès à l’eau permet une amélioration de la sécurité des familles (filles et femmes

ne devant plus marcher de nombreux kilomètres tôt le matin ou tard le soir, en

courant des risques à la recherche de l’eau).

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31

Selon le Ministère de l’Environnement (1998), les besoins en eau potable de l’ensemble du

pays ont représenté en 1997, 137 millions de m³ répartis en 52 millions pour le milieu rural,

85 millions pour le milieu urbain dont 33,5 millions pour Port-au-Prince. En 2015, les besoins

devraient être de 230 millions de m³, 65 pour le milieu rural et 165 pour le milieu urbain dont

68 pour Port-au-Prince.

Le programme de reformulation de la politique de l’eau en Haïti (mai 1998) avance des

chiffres très différents avec un problème surtout dans le Plateau Central et dans les zones à

dominance karstique (voir tableau 8). Mais entre les besoins à couvrir et les volumes d’eau

effectivement distribués subsistent des déficits importants (voir tableau 14).

Année Volume en m3

par an (1)

Volume en m3

par an (2)

1997 57.979.650 137.000.000

2000 58.002.979

2005 69.728.761

2015 101.216.811 230.000.000

2050 384.366.522

Tableau 8 : Evolution des besoins en eau à l'horizon 2050

Sources : (1) Programme de reformulation de la politique de l'eau en Haïti, mai 1998

(2) MDE, 1998

2.2.2. Les besoins d’assainissement

En termes d’assainissement de base, les besoins à couvrir portent sur le traitement des

8.600.000 équivalents-habitants rejetant une charge polluante d’origine domestique. A cela,

s’ajoutent les charges polluantes liées à divers secteurs d’activité pour lesquelles aucunes

informations n’ont pu être obtenues.

2.2.3. Les besoins de production agricole

Selon Margat (1990), les besoins annuels en terme d’irrigation seraient de l’ordre de 5.000 m³

d’eau par ha de terres irriguées : de 5.000 m³/an.ha et 0,6 l/s.ha en pointe en région Sud à

8.000 m³/an.ha et 1 l/s.ha en pointe, au Nord et Nord-Ouest. Ceux-ci constituent l’eau

virtuelle qui accompagne chaque aliment produit.

Avec un potentiel de 150.000 ha de terres irrigables et 70.000 ha effectivement irrigués, les

besoins en 1997 étaient estimés par le MDE (cité par Emmanuel E. et Lindskog P., 2000)

entre 0,75 et 1,5 milliards de m³ avec une efficience des système en place entre 25 et 50%,

tandis qu’en 2050, une extension de la surface irrigable conduirait à une demande portant sur

une quantité de 2,3 à 4,3 milliards de m³, tenant compte d’un efficience des systèmes entre 30

et 70%.

2.2.4. Les autres besoins de production

Les besoins en eau entrant dans la fabrication de divers produits et l’eau de process industriel

n’ont pu être quantifiés.

Sur le plan énergétique, Haïti est largement déficitaire en terme de sources d’énergie et les

besoins de la population sont loin d’être couverts. Ces besoins par habitant restent aussi

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32

difficilement quantifiables tout en notant des différences entre milieu rural et milieu urbain.

L’énergie hydroélectrique produite répond dans une faible proportion à ces besoins.

2.2.5. Les autres besoins sociaux et moraux

Eux aussi sont difficilement quantifiables, mais tout en étant indispensables à un

développement harmonieux des êtres humains. Toute société manifeste des besoins en terme

de loisirs. L’attrait de la plage et l’intérêt d’activités en mer (baignade, plongée) semblent

assez limités dans le chef des haïtiens ; par contre les expatriés seraient plus attirés par ce

genre de loisirs.

Enfin, en Haïti, à travers la présence de nombreuses églises et par le culte Vaudou, la

dimension sacrée de l’eau revêt une importance particulière.

2.3. Les fonctions et usages

Comme indiqué précédemment, les réponses aux besoins en eau pourront être apportées à

travers les usages humains des ressources et la valorisation des fonctions des milieux

aquatiques.

Il ne s’agit pas de générer de nouvelles ressources, celles-ci étant limitées, mais de gérer les

demandes. Actuellement, le problème ne se pose pas en termes de mobilisation de nouvelles

ressources hydriques, mais plutôt dans la mise en valeur et dans l’exploitation de ces

ressources (Luckner, 1995). Ressources + milieux constituent en fait une somme de

potentialités d’usages et de fonctions en réponse à de multiples besoins.

Deux usages « forts » retiennent toutes les attentions en Haïti : l’alimentation en eau des

population et l’irrigation. Le Projet de décret sur la gestion de l’environnement, version

soumise au Conseil des Ministres du 3 septembre 2005, définit cependant les usages selon

l’ordre prioritaire suivant (article 116) :

1) la satisfaction des besoins en eau potable et d’hygiène ;

2) la survie des écosystèmes aquatiques ;

3) l’irrigation et l’agriculture à des fins alimentaires nationales ;

4) la satisfaction des besoins pour l’industrie et l’hydroélectricité ;

5) l’irrigation de plantations à des fins d’exportation ;

6) la mise en valeur de l’eau à des fins récréatives et touristiques.

Les consommations en eau sont présentées dans le tableau 9, auquel il convient d’ajouter la

consommation des centrales hydro-électriques estimées à 4.000 millions de m³/an.

Régions

AEP Irrigation Autres

(Ind. alim.)

Total

Nord 5,0 8,4 0,4 13,8

Nord – Ouest 11,0 161,0 - 172,0

Centre Nord 8,0 410,0 - 418,0

Centre Sud 80,0 333,5 4,0 417,5

Sud – Est 1,5 69,0 - 70,5

Sud – Ouest 5,5 187,0 0,25 192,75

Total 111,0 1.168,0 4,65 1.266,9

Tableau 9 : Consommation en eau en millions de m³/an (OPS/OMS, 1996)

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33

2.3.1. Alimentation en eau

L’approvisionnement en eau des populations constitue une préoccupation majeure pour les

habitants et pour les dirigeants. En 1995, selon Luckner (1995), 60% de la population urbaine

et 80% de la population rurale vivent dans des zones dépourvues de services d’eau potable et

d’assainissement.

Il est impossible d’obtenir une idée exacte du nombre de personnes ayant accès à l’eau, tant

les taux varient d’une étude à l’autre. Les taux de couverture mentionnés dans les rapports

2003 et 2004 OPS/OMS, sont repris dans les tableaux 10 et 11 ci-après. Mais il semblerait

que ces chiffres soient discutables, particulièrement en milieu urbain où le taux d’urbanisation

est généralement sous-estimé. Ainsi, selon le WASAMS(2000, données IHSI), en fonction du

taux d’urbanisation retenu, les taux de couverture en eau potable passent de 45% à 22,5%.

Figure 10 : Approvisonnement par borne fontaine (photo F. Rosillon, fév. 2006)

Situation 1993 2003

2004

Milieu urbain 49,5 % 53,3%

Milieu rural 43,6% 51,6%

Ensemble du pays 52%

Tableau 10 : Taux de couverture relative à l’accès à l’eau de la population (OPS/OMS, 2003

et 2004)

Zone d’intervention Taux de couverture / année

2000 2001 2002

Zone métropolitaine 53,7 53.3 51.8

Villes secondaires 45 43.6 49.4

Milieu rural 51 55.6 57.6

Ensemble du pays 51 53.1 54.8

Tableau 11 : Evolution de la couverture en (%) de 2000 à 2002 (OPS/OMS, 2002)

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Avec une population estimée à 8.600.000 habitants en 2006, le taux de couverture des besoins

en eau potable continue de baisser passant d’un déficit de 206.000 m³/jour en 1995 à 371.000

m³/jour en 2006 (Luckner, 1995).

Les modes d’approvisionnement

L’approvisionnement se fait à partir de prélèvements en eaux souterraines avec l’installation

de puits et forages, et par le captage de sources. La distribution s’opère via les réseaux et

branchements privés, fontaines publiques et kiosques. Les eaux pluviales sont partiellement

collectées dans des citernes ou des impluviums dans les zones rurales de haute altitude et dans

certaines habitations localisées sur les hauteurs de Port-au-Prince.

Selon Luckner(1995), le réseau national compte 1.167 sources captées efficaces à 50% et un

millier de puits équipés de pompes à main hors d’usage pour la plupart, une centaine de

forages équipés de motopompes diesel et d’électropompes ne fonctionnant pas 24H sur 24.

En milieu rural, entre août 1980 et janvier 1993, les POCHEP ont permis de fournir de l’eau à

199.890 habitants via 90 systèmes d’adduction. Dans le même temps, 741 fontaines publiques

et 1.827 prises à domicile ont été installées (MTPTC, 1995, Livre blanc).

En 2002, la CAMEP fournit l’eau à partir de 51.879 branchements particuliers et 217 bornes

fontaines tandis que le SNEP compte 13.470 branchements actifs et 46 bornes fontaines

(OPS/OMS, 2005). Mais la situation à Port-au-Prince semble très complexe où seulement

35% de la population en 1995 avaient accès au système d’eau. Le service d’eau est assuré

pendant une partie du temps, parfois seulement deux fois par semaine. Les problèmes sont la

conséquence de pertes importantes estimées à 60% dans les réseaux de distribution, suite aux

fuites des canalisations, aux détournements et aux vols d’eau. Un mauvais fonctionnement des

installation de captage (problème d’énergie, de déficience mécanique des pompes, …) et la

contamination des sources et des nappes aggravent encore la situation. En milieu rural, les

problèmes sont occasionnés par une chute de débit des sources, un mauvais captage des

émergences et un déboisement des bassins versants.

Le mode d’approvisionnement est adapté en fonction de la zone considérée (voir tableau 12).

Mode d’approvisionnement

Type de milieu Sources Forages Pompe à

bras (3)

Nombre Débit

(m³/jour)

Nombre Débit

(m³/jour)

Nombre

Zone

métropolitaine

18 85.285 35 53.772

Villes

secondaires

28 23.198 12 24.780

Milieu rural 700 (1) 25 (2) 449

Total 746 72 449

Tableau 12 : Mode d’approvisionnement en eau par type de milieu (OPS/OMS, 2005) (1) : Les débits des sources en milieu rural varient de 5 à 1.700 m³/j

(2) : Débits de forages : de 129 à 518m³/j

(3) : Une pompe à bras peut fournir 10m³/j.

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35

Sources

d’approvisionnement

Moyens Quantité fournie

(millions de m³/an)

CAMEP 18 sources gravitaires

5 stations de pompage

36

SNEP Captage de sources

Forages

26

POCHEP 90 systèmes d’AEP 18

Camions citernes 200 camions 8

Autres (ONG, Organismes

internationaux, …)

? ?

Industrie alimentaire 800 forages 4

Tableau 13 : Consommation en eau selon les sources d’approvisionnement (OPS/OMS, 1996)

Zones

Population Besoins en m³/j Volumes distribués

en m³/j

Déficit en

m³/j

Zone

métropolitaine

1.249.936 124.994 96.795 28.199

Villes secondaires 1.955.029 136.852 48.894 87.058

Milieu Rural 4.724.083 94.481 33.673 60.808

Total 7.929.048 356.327 179.362 176.065

Tableau 14 : Besoins, volumes distribués et déficit en eau potable en 2003(données

OPS/OMS, 2005)

Ces chiffres sont à considérer avec réserve en vérifiant notamment l’état des installations.

Dans l’ensemble, la réalité pourrait être encore plus préoccupante. Aujourd’hui, sur les 35

forages en zone métropolitaine, combien sont-ils encore en état de fonctionnement ? Par

ailleurs, les pertes sur le réseau (de l’ordre de 30% en zone métropolitaine selon les données

ci-dessus), ne sont-elles pas sous-estimées par rapport à la réalité ? Un état des lieux actualisé

mériterait d’être réalisé.

2. 3.2. Assainissement de base

Les services en matière d’assainissement sont très déficients. Dans les meilleurs des cas, la

gestion des eaux usées se traduit par l’installation de latrines plus ou moins entretenues. Les

dispositifs d’épuration sont inexistants dans le pays. Port-au-Prince bénéficie d’un système de

drainage des eaux pluviales qui recueille des déchets divers, eaux usées et excrétas et qui se

comble de sédiments20

.

On estime à environ 25%, le taux de couverture des besoins en assainissement de base (43%

en milieu urbain et 16% en zones rurales, Knowles et al., 1999). Selon l’OMS (2005), le taux

de couverture, entre 1980 et 1997 aurait évolué de 10% à 27%. Dans la plupart des cas, les

excrétas sont rejetés directement dans la nature et emportés avec les eaux de ruissellement

avec un risque de péril sanitaire.

Les taux d’évacuation des excréta, toujours selon l’OMS (2005) sont estimés à :

- en milieu urbain : 1993 : 44,4% 2003 : 42,2% ;

- en milieu rural : 1993 : 31,8% 2003 : 24,8%.

20

Notamment à cause de l’exploitation de carrières de matériaux de construction et de l’occupation anarchique

des terrains versant Nord du Morne Hôpital.

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36

Latrines en milieu rural

Un programme de construction des latrines a commencé en 1980, soutenu par l’UNICEF. En

1995, près de 155.000 latrines communautaires et monoparentales ont été installées, servant

24% de la population rurale de la zone concernée (Knowles et al., 1999).

Déchets solides

La production de déchets solides par habitant varie de 0,3 à 0,5 kg par jour. Dans certaines

villes, les activités de collecte, de transport et d’entreposage sont réalisées. On ne peut pas

parler de traitement et souvent les déchets sont déplacés d’un site vers un autre. Le problème

est particulièrement préoccupant dans les zones fortement peuplées où les déchets ramassés

sont entreposés dans des dépotoirs sauvages localisés dans les ravins, sur le littoral et les

rivages. La décharge de Truitier construite en 1981 pour recevoir les déchets d’une partie de

la zone métropolitaine semble très mal entretenue (OPS/OMS, 2005).

En 2002, 1.800 tonnes de déchets sont produites chaque jour à Port-au-Prince et seulement

15% sont collectés. En 2003, 30% du volume des déchets seraient collectés à Port-au-Prince,

dans les autres villes 42% et en milieu rural 16% (Knowles et al., 1999).

2.3.3. Usages de production

Productions agricoles

80% de l’eau utilisée en Haïti est employée à des fins d’irrigation. En 1996, on estime la

consommation annuelle à 1.170 millions de m³ (données OPS/OMS, 1996), 90% provenant

des eaux de surface, y compris des sources et 10% des eaux souterraines, dans les zones à

faible pluviométrie (MTPTC, 2005, Livre blanc). Des forages et des puits d’irrigation ont par

exemple été creusés dans la plaine des Gonaïves et Cul-de-Sac. Mais à cause du mauvais

fonctionnement des installations et des pertes, entre 42.000 et 70.000 ha seraient

régulièrement irrigués. Il n’existe donc pas de grandes cultures irriguées.

Lors du colloque GRI (janvier 2005), on note que 80.000 ha sont équipés et répartis en 180

périmètres, tout en estimant que le potentiel irrigable gravitairement serait de l’ordre de

160.000 ha et la possibilité d’étendre à 400.000 ha en utilisant d’autres techniques plus

développées (irrigation par aspersion ou goutte à goutte). Mais comme dans le secteur de

l’alimentation en eau potable, un problème d’organisation se pose aussi en matière

d’irrigation.

La petite irrigation villageoise est aussi pratiquée mais les périmètres méritent une

réhabilitation. 26 périmètres couvrant une superficie de 3.800 ha ont été identifiés par le

projet de réhabilitation des petits périmètres irrigués soutenu par le FIDA (IFAD, 2006).

Autres productions pour des besoins industriels et commerciaux

Depuis que la société HASCO a cessé de produire du sucre à partir de 1991, il n’existe plus

vraiment de grandes industries agro-alimentaires. Cependant, on peut estimer la

consommation en eau du secteur dans la plaine du Cul-de-Sac (préparation de jus, bière, …) à

4 millions de m³ par an fournis à partir de 800 puits (OPS/OMS, 1996).

Production d’énergie

La production hydroélectrique a commencé en 1971. A ce jour, 7 installations de production

hydroélectrique utilisent l’eau des rivières. La capacité totale de production est de 55 MW, la

principale installation étant celle de Peligre sur la rivière de l’Artibonite qui produit 47,1 MW.

7 mini centrales situées en province génèrent des puissances variant entre 0,30 et 2,25 MW.

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37

En 1973, l’énergie hydroélectrique représentait 94% de l’offre en énergie électrique du pays.

Actuellement, elle représente moins de 40% et la tendance à la baisse se poursuit (Saint Jean

W., 1997 cité par Emmanuel E. et Lindskog P., 2000). Le potentiel hydro-électrique

développé ne serait que de 20%. Au moins 20 autres projets d’exploitation ont été déjà

identifiés (OPS/OMS, 1996), le potentiel non développé étant estimé à 154 MW (OMS 2003).

Le principal problème pour maintenir durablement la production d’électricité est la

vulnérabilité des réservoirs atteint par l’envahissement de sédiments suite aux problèmes

d’érosion de sols et de déforestation.

Transport par voies navigables

La navigation commerciale fluviale est pratiquement inexistante. Seule l’Artibonite peut être

navigable dans son cours inférieur par de petites embarcations à fond plat qui servent au

transport et au commerce local. En matière de transport maritime, le Service Maritime et de

Navigation d’Haïti (SEMANAH) du MTPTC est sensé planifier et organiser ce secteur

(MTPTC, 1995, Livre blanc).

2.3.4. Autres usages

Nous n’avons pu obtenir que peu de données concernant les autres usages. Selon le MDE

(1998), les usages de l’eau pour couvrir des besoins d’élevage, de pisciculture, des mines et

des carrières, de l’industrie et du tourisme sont très faibles.

La pêche

On note des activités de pêche sur certains cours d’eau et plans d’eau intérieurs et en mer.

L’aquaculture est pratiqué au lac Peligre (4.000 ha) régulièrement ensemencé par le

MARNDR. Les prélèvements de poissons d’eau douce représenteraient en 1990 : 350 Tonnes,

en 2000 : 500 Tonnes (Earth Trends, 2003) pour un nombre de 16 espèces péchées. Les

chiffres en matière de production en aquaculture n’ont pu être disponibles.

Les loisirs

Outre les possibilités d’activités de loisirs et de tourisme offertes par le milieu marin

(baignade, plongée, …), concernant les eaux intérieures, notons la présence de sources

thermales, l’existence de parcs naturels et quelques centres de loisirs liés à l’eau (Rivière Islet,

La Perle, La Ravine du Sud avec la Prise, La rivière Gaillard, l’Estère, la petite rivière de

l’Artibonite, …) et des stations de baignade (Source Zabeth, source Elisabeth, Ganthier, …).

La dimension sacrée de l’eau : le Vaudou

Les religions considèrent en général l’eau en tant qu’élément de spiritualité. Le vaudou, très

répandu en Haïti, prône le respect de la nature avec le sacro-saint respect des sources, arbres,

étendues d’eau qui sont considérés comme le temple de leurs dieux qu’ils vénèrent et

protègent. A titre d’exemple, un arbre est planté à la naissance d’un enfant. Dans le domaine

de l’eau, notons que chaque année, la ville de Saut d’eau est le lieu de rendez-vous de

nombreux adeptes attirés par les chutes (voir figure 12).

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38

Figure 12 : Saut d’eau et pèlerinage du 16 juillet chaque année (photo AlterPresse, 2005)

La présente étude n’a pu montrer les rapports entre religions et gestion de l’environnement

mais à l’instar du Bénin où les pratiques Vaudou sont mobilisées pour une meilleure

protection des ressources en eau (Amoussou, 2004), il serait utile de voir comment le Vaudou

en Haïti peut véhiculer un message environnemental, spécialement en ce qui concerne la

protection des ressources en eau.

Figure 13 : Bénin, Lac Aheme : espace sacré habité par le fétiche Avlékété et devenu zone de

frayère pour les poissons (photo F. Rosillon, janv. 2006)

Page 39: Analyse contextuelle en matière de Gestion Intégrée des ... · Analyse contextuelle en matière de Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) en Haïti DRAFT – Version 04

39

2.4. Etat des ressources et des milieux

Alors que les tendances sont à la baisse sur le plan quantitatif (diminution des ressources et

augmentation des besoins), se posent divers problèmes en termes de qualité. Les aspects

quantitatifs et leur évolution ayant été pris en compte lors de la présentation du cycle de l’eau

en Haïti, seuls les aspects qualitatifs seront ici présentés.

2.4.1. Les ressources

Les eaux sont en général d’un pH alcalin au niveau des sources, acide dans les nappes

souterraines tandis que le degré de dureté reste dans les normes habituelles (Balthazar, 2005).

D’après un rapport de 1986 du SNRE21

, les eaux captées par la CAMEP sont en général des

eaux d’une bonne potabilité chimique à l’exception de celles de Plaisance et de Cerisier qui

ont des teneurs en nitrates élevés (respectivement, 42 et 52 mg/L). Les sources captées dans le

massif de la Selle présentent un excès en bicarbonate de calcium provoquant une incrustation

rapide et progressive des canalisations (OPS/OMS, 1996). On peut enregistrer une perte de

50% du diamètre de certaines conduites du réseau de la CAMEP en l’espace de 10 ans

(OPS/OMS, 2003). A noter également, une turbidité élevée après de fortes pluies.

La qualité microbiologique

Une campagne menée à partir de l’échantillonnage de 30 systèmes de fourniture d’eau de

conception différente dans divers milieux, montre que l’eau fournie aux robinets, aux

kiosques payants, aux fontaines publiques n’est généralement pas potable (Balthazar, 2005).

En cause, une absence de périmètres de protection, une mauvaise conception technique des

systèmes sans réservoir de stockage, l’absence de désinfection des réservoirs, des fuites et des

rentrées d’eaux parasites dans les réseaux, une absence d’entretien des réseaux et des

installations. Lorsque la désinfection est pratiquée, la chloration reste le seul mode de

traitement appliqué à l’eau brute destinée à la consommation humaine, avec un risque de

formation de trihalométhanes, lorsque cette pratique n’est pas maîtrisée.

La plupart des sources captées dans la zone métropolitaine sont contaminées par une pollution

d’origine fécale. La situation n’est pas meilleure dans les zones secondaires où le SNEP a

réalisé en 1991 une étude montrant que tous les 19 systèmes d’eau potable étaient contaminés

par des coliformes fécaux entre 1 et 110 coliformes fécaux par 100 ml avec une moyenne de

20 CF/100 ml. La recherche de parasites est rarement effectuée. Cependant, Brasseur et al.

(2002) ont mené une étude relative à la circulation des oocystes de Cryptosporidium dans les

eaux de surface et de distribution par adduction publique à Port-au-Prince. Sur 27 échantillons

d’eau analysés, 19 contenaient des oocystes de Cryptosporidium (soit un taux de

contamination de 70,4%) et les quantités d’oocystes variaient de 4 à 1.274 pour 100 litres

d’eau.

Ces constats conduisent Balthazar (2005) à proposer la dénomination eau courante en lieu et

place de l’eau potable en termes d’approvisionnement en eau en Haïti. Il semblerait que 50%

de la population achèterait 1 gallon d’eau de boisson saine (eau potable ?) tous les 3 jours

(OPS/OMPS, 2005).

21

Débits et analyses chimiques de sources des bassins versants de la plaine du Cul-de-Sac et de la Rivière

Froide, Analyses effectuées au laboratoire du Service d’hydrogéologie (SHG).

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40

Les métaux lourds

Une étude réalisée par Emmanuel et al. (2005) à Port-au-Prince, montre que l’eau destinée à

la consommation humaine contient des concentrations en Plomb de l’ordre de 40 à 90 g/L

supérieure à la valeur seuil de 10 g/L pour l’eau de boisson, une valeur de 260 g/L ayant

même été détectée dans un réservoir. On note aussi des teneurs en fer (0,3 mg/l à Tête de

l’Eau) dans les eaux de la partie Nord du Massif de la Selle

La salinisation des eaux douces

Parmi les aquifères menacés par la salinisation, nous retiendrons particulièrement l’aquifère

de la plaine de Cul-de-Sac qui alimente à plus de 50% la Région Métropolitaine. Des

campagnes de prélèvements et d’analyses physico-chimiques de 16 forages ont été réalisées

en septembre 2003 par Emmanuel et al. (2004). Les valeurs de conductivité ont atteint 1400

S/cm (environ 1 gr de sels par litre). La conductivité, de même que les teneurs en salinité les

plus élevées, ont été mesurées dans les forages les plus profonds, de 60 à 100m de profondeur

(salinité atteignant des teneurs de 0,5 g/L). D’autres forages et puits localisés à proximité du

littoral sont également touchés. C’est notamment le cas à l’Ile de la Gonâve, pour certains

puits le long de la côte.

2.4.2. Les milieux liés à l’eau

Les eaux de surface

La baie de Port-au-Prince constitue l’exutoire final des eaux de surface. En fonction des

pressions et des rejets, ces eaux présentent des charges polluantes variables. Une étude menée

sur les eaux d’un canal de drainage d’eaux de ruissellement à Port-au-Prince par Emmanuel E.

et al. en 2003 et 2004 a permis de confirmer une charge organique élevée22

. Concernant les

valeurs de DCO, celles-ci sont jusqu’à 10 fois supérieures à la valeur seuil de 125mg/L fixée

par la directive 98/15/CEE de l’Union européenne concernant le rejet des eaux usées dans le

milieu naturel. Par contre, les concentrations en métaux lourds (As, Cd, Cr, Ni, Pb et Zn) sont

très faibles, voire parfois en dessous du seuil de détection et toutes inférieures aux valeurs

seuils.

Les plans d’eau sont malades de l’ensablement et du comblement progressif par des

sédiments. Ainsi le lac de Peligre, réservoir le plus important du pays, a perdu 30% de

capacité de stockage d’eau suite à une sédimentation du bassin, conséquence de la

déforestation.

Les bassins versants

Selon le livre blanc du MTPTC (1995), il subsisterait 60.000 ha de forêts tandis que 25

bassins versants sur 30 seraient considérés déboisés. A titre d’exemple, en 1983, la surface

boisée du bassin versant de la rivière Artibonite représentait encore 6.800 km², en 1995, les

forêts ne s’étendaient plus que sur 650 km², et depuis la situation n’a fait qu’empirer.

Ces dégradations touchent directement le cycle de l’eau avec une augmentation des

ruissellements sur un sol nu, le creusement de ravines qui accentuent encore l’érosion, une

diminution de l’infiltration de l’eau dans le sol, une recharge moindre des aquifères, une

augmentation de la salinité de l’eau, un comblement des réseaux d’assainissement, … (voir

plus haut).

Les écosystèmes terrestres

22

(DCO : de 883 à 1268 ml/L, Oxygène dissous : de 1,35 à 4,05 mgO2/L)

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41

La déforestation et la destruction de la couverture végétale conduit à un appauvrissement des

écosystèmes terrestres avec un sol dégradé (et une perte de la couche supérieure la plus riche

qui abrite la faune du sol), une banalisation des habitats et une perte de biodiversité.

L’assèchement des zones humides est particulièrement préoccupant, la plupart des plans

d’eau sont en train de s’envaser (OPS/OMS, 2005).

Les écosystèmes marins

La déforestation provoque également des perturbations au niveau des écosystèmes côtiers et

marins. Des eaux de forte turbidité et à charge organique polluante élevée affectent les

mangroves, les herbiers de phanérogames et les récifs coralliens. Un déséquilibre de

fonctionnement de ces écosystèmes se manifeste par la prolifération d’espèces invasives

d’algues brunes caractérisées par des taux de croissance de 1cm par jour, leur permettant

d’envahir et d’étouffer les coraux qui ne croissent que d’1 cm par an, ces algues brunes

n’étant pas consommés par les poissons (Vermande et Raccurt, 2001 cité par Emmanuel E. et

al., 2005).

2.5. Les impacts sur la santé humaine

L’épidémie de choléra qui a affecté de nombreux pays de la région en 1991, même si Haïti a

été épargné, a suscité auprès des acteurs de l’eau, une prise de conscience à propos de

l’importance des maladies hydriques en lien avec des eaux de mauvaise qualité. Dans la partie

Nord de Port-au-Prince, on note régulièrement des épidémies de malaria, typhoïde, diarrhée

chronique. Face à ces maladies d’origine hydrique, les bébés sont les plus vulnérables, le

nombre de décès pouvant atteindre jusqu’à 1/3 de tous les enfants de moins de 5 ans

(Maternowska C., 1994 dans Knowles, 1999).

Les principales maladies hydro fécales rencontrées en Haïti sont mentionnées dans le rapport

OPS/OMS, 2003 :

- diarrhées : état quasi-endémique, une des deux principales causes de morbidité et

mortalité chez les enfants avec un taux de prévalence en 1995 : de 15 à 36% pour les

enfants de 6 mois à 5 ans (variable d’un département à l’autre) ;

- typhoïde endémique :

o en 1991 importante épidémie à Port-au-Prince ;

o en 1993 : 12,5% de cas sur 2.500 personnes consultées au centre de santé des

Cayes ;

o de juillet à décembre 95 : 5ème

cause d’admission (6% des hospitalisations) au

service pédiatrique de l’HUEH (de janvier à septembre 97 : 675 cas) ;

- choléra :

o l’épidémie des Amériques en 1990-91 n’a pas frappé le pays ;

- parasitoses :

o problème avec notamment, Ascaris lumbricoïdes et Trichuris trichuria, Giardia

intestinalis et Entamaeba histolytica par le passé (mais pas de données

disponibles).

Outre ces maladies générées par une mauvaise qualité microbiologique de l’eau, on note

également d’autres problèmes liés à la qualité physico-chimique. Ainsi, des concentrations en

plomb telles que détectées par Emmanuel et al. (2005), ne sont pas sans effet sur la santé.

Avec un tel niveau de concentration, les concentrations sanguines en plomb atteignent un

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42

niveau pathologique, le risque de perturbation du développement psychologique des enfants

exposés étant bien réel.

Par ailleurs, dans le Nord-Ouest aride, la consommation d’eau saumâtre conduit à des

problèmes d’hypertension chez ¾ de la population (Kinely D., 1986 dans Knowles, 1999).

2.6. Conclusions du chapitre 2

Ce chapitre 2 a permis de dresser un constat du secteur de l’eau en référence au triangle

Ressources – Besoins – Usages. Fidèle à la présentation des indicateurs de développement

durable selon le modèle DPSIR, nous avons complété l’analyse en abordant succinctement

l’état des ressources et des milieux et l’impact sur la santé humaine.

Tout en bénéficiant de réelles disponibilités en eau, la situation d’Haïti est assez comparable à

celles de nombreux pays en développement. Face à ce constat, l’important est maintenant

d’examiner quelles réponses en termes d’organisation du secteur ont été apportées.

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43

3. Evaluation de l’organisation du secteur de l’eau

Le secteur de l’eau, avec toutes ses composantes, n’est pas inscrit dans un cadre global et

intégré qui définit l’organisation des réponses apportées par l’Etat à la population en vue de

satisfaire l’ensemble des besoins, tels que considérés dans les chapitres précédents. C’est en

priorité l’usage alimentation en eau potable (courante) qui mobilise la plupart des efforts

développés par les institutions. Nous avons tenté d’éviter une approche trop sectorielle en

présentant successivement, après la définition du cadre légal, les différents acteurs concernés

quelque soit leur domaine d’intervention. Mais on se rend compte qu’en dehors de l’usage

prioritaire de l’eau, les autres usages et fonctions (notamment la gestion des milieux liés à

l’eau) présentent peu d’intérêt. Le domaine de l’irrigation est aussi pris en compte.

Il nous paraissait opportun de nous arrêter sur trois sujets d’actualité, à savoir la formulation

de la politique de l’eau, la réforme du sous-secteur eau potable et assainissement et la

décentralisation. En effet comme de nombreux pays en voie de développement, Haïti

n’échappe pas à cette vague de décentralisation dans laquelle beaucoup d’espoirs sont placés

et qui bénéficie d’un a priori favorable de la part d’organismes internationaux, notamment de

la Banque Mondiale.

3.1. Le cadre légal

Jusqu’en 1998, on pouvait dénombrer, en matière d’environnement :

- 60 décrets ;

- 30 lois ;

- 7 décrets-lois ;

- 41 arrêtés présidentiels.

Tous ces textes, n’ayant en général pas fait l’objet de débats parlementaires, se trouvent

généralement confrontés à d’énormes difficultés d’application.

Dans le secteur de l’eau, on peut retenir les principaux anciens textes suivants :

- le décret du 20 mars 1943, en vue de la protection des sources de Thor ;

- les extraits du code rural de François Duvalier concernant les eaux de surface, le

drainage, les eaux souterraines et l’irrigation ;

- la loi du 12 juin 1974 réglementant l’usage des eaux souterraines profondes et

chargeant le département de l’agriculture des ressources naturelles et du

développement rural du contrôle de leur exploitation ;

- la Constitution de mars 1987 :

o les articles 253 à 258 sont consacrés à l’environnement ;

o les sources, rivières et autres cours d’eau font partie du domaine public de

l’Etat ;

- lois et décrets créant la CAMEP, le SNEP, les POCHEP, et organisant les Ministères

(MARNDR, MTPTC, MSPP, MDE) ;

- le Décret de 1982 sur les Communes ;

Parmi les législations en préparation, nous retiendrons particulièrement :

- le projet de décret sur la gestion de l’environnement ;

- le projet de loi-cadre sur l’eau ;

- le projet de loi-cadre sur la réforme du secteur eau potable et assainissement ;

- le projet de loi-cadre sur l’irrigation (1997) ;

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44

- le projet de loi sur la décentralisation ;

Seul le premier texte sera évoqué ci-après, les autres seront examinés par la suite lorsque nous

nous intéresserons à la réforme du secteur de l’eau et à la décentralisation.

Le projet de décret sur la gestion de l’environnement, dans sa version soumise au Conseil des

Ministres du 3 septembre 2005, consacre un volet important à la gestion de l’eau23

.

Dans le Chapitre IV relatif aux eaux continentales, il est spécifié que celles-ci constituent une

ressource naturelle limitée, à usages multiples. L’Etat doit assurer une gestion intégrée

durable des ressources hydriques qui garantisse leur pérennité, leur qualité, l’accès de la

population à leurs bienfaits ainsi que la prévention des risques qui leur sont liés du fait de

phénomènes naturels ou d’activités anthropiques (article 109). Le domaine public hydraulique

naturel et artificiel est définit et sa gestion est confiée au MDE.

Nous avons également retenu quelques autres points forts qui s’inscrivent dans une approche

GIRE, notamment :

le bassin versant est l’unité de planification pour la gestion intégrée des ressources

hydriques et leur protection ;

il sera créé des mécanismes de concertation et de coordination en application du

principe de la gestion globale, durable, équilibrée de la ressource en eau prise de façon

unitaire et solidaire ;

le projet de décret fixe la priorité des usages en cas de pénurie ou de conflits ;

il reconnaît le rôle des forêts dans la gestion de l’eau ;

il s’intéresse à la lutte contre la pollution en confiant au MDE l’établissement d’un

inventaire du degré de pollution. C’est aussi au MDE que revient la tâche d’établir des

normes de qualité pour les différents usages.

Nous verrons par la suite que ce projet de décret sur la gestion de l’environnement peut

constituer un point d’encrage pour l’organisation de la GIRE en Haïti.

3.2. Les Ministères concernés

(Sources : OPS/OMS, 2004 et Balthazar, 2005)

7 Ministères interviennent dans le secteur de l’eau, ainsi que 15 organismes et services

étatiques différents. On sent entre ses Ministères une certaine lutte d’influence par rapport au

secteur de l’eau. A titre d’exemple, lors de l’atelier de concertation ministérielle pour la

gestion des bassins versants (2000), une des questions posées aux participants consistait à

classer par ordre d’importance les ministères concernés par la gestion des bassins versants. Ce

genre de débat ne peut que susciter une certaine rivalité entre les institutions24

.

Le projet de loi-cadre sur l’eau devrait permettre de clarifier la situation dès l’instant où cette

loi confiera au Ministère chargé de l’eau la mise en œuvre de la politique nationale de l’eau.

Il s’agirait en fait du Ministère de l’Environnement (MDE) qui deviendrait le Ministère de

l’Environnement et de l’Eau (MDEE).

23

Nous n’avons pu obtenir la version finale récemment adoptée en conseil des Ministres et qui doit faire l’objet

d’une publication dans le journal officiel. 24

Classement des ministères concernés par la gestion des bassins versants : au niveau de l’existant, c’est le

MARNDR qui arrive en tête, au niveau du souhaitable, le MPCE (Atelier gestion des Bassins versants, 2000).

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Figure 14 : Champs d’intervention des Ministères dans le secteur de l’eau (Emmanuel, 2005)

MARNDR

Le Ministère de l’agriculture, des ressources naturelles et du Développement rural

(MARNDR), créé en 1843, est le Ministère de tutelle du SNRE et de divers organismes de

développement : ODVA(Vallée de l’Artibonite), ODN(Nord), ODPG (Plaine des Gonaïves),

ODNO(Nord Ouest), ODBFA(Bassin versant du Fleuve Artibonite).

Attributions du MARNDR :

- Contrôle et réglementation des ressources en eau ;

- Aménagement et exploitation des bassins versants ;

- Conception et application d’une politique nationale dans les domaines de l’agriculture,

l’élevage, des ressources naturelles et du développement rural.

Le SNRE a pour mission :

- l’établissement de bases de données concernant la gestion de la ressource en eau ;

- l’inventaire des ressources ;

- la gestion des eaux souterraines avec l’installation de piézomètres pour contrôler le

niveau des nappes ;

- la délivrance des permis de forage et d’exploitation des forages.

Lors de la rencontre de responsables de ce ministère, ceux-ci mettent en avant le suivi du

Ministère de l’Agriculture dans le développement d’une approche intégrée écosystémique, en

privilégiant une approche par bassin versant en s’appuyant sur les unités hydrographiques

constituées de 6 régions hydrographiques et 34 sous-bassins. Des informations relatives à la

gestion des milieux aquatiques et particulièrement des rivières sont diffusées par leurs

services25

.

L’approche par bassin versant est préconisée. En théorie, ce ministère apparaît comme le

garant d’une politique intégrée en matière de gestion de l’eau mais en réalité, il est difficile

25

voir Connaître nos rivières pour mieux les protéger !, MARNDR, 2003

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d’appréhender son rôle exact face aux deux usages forts que sont l’AEP et l’irrigation, même

si cette dernière dépend de ce même ministère.

Les objectifs du MARNDR en matière d’irrigation ont été défini dans un document datant de

2000. L’objectif consiste à augmenter la productivité et la production des aires irriguées et de

transférer la gestion aux usagers. Les responsabilités sont définies entre l’Etat et les Usagers.

Pour l’Etat, il s’agit d’intervenir sur les grosses réparations, construire de nouveaux

périmètres, transférer la gestion aux usagers en incitant les planteurs à s’organiser en

associations d’irrigants.

Pour les usagers, il s’agit d’assurer la gestion des périmètres (tâches courantes, budget et

entretien des infrastructures), veiller à une répartition équitable de l’eau en incluant les tâches

de police de l’eau (Politique du MARNDR pour l’irrigation, 2000).

Par ailleurs, en référence à l’adhésion d’Haïti au Programme hydrologique de l’UNESCO, le

MARNDR préconise la prise en compte des 4 priorités suivantes :

- le suivi et la gestion de la ressource ;

- la mobilisation de la ressource eau ;

- la protection de la ressource eau ;

- la culture de l’eau.

MTPTC

Le Ministère des Travaux Publics, Transports et Communication (MTPTC) créé en 1943

(dernière loi organique du 18 octobre 1983) assure la tutelle de la CAMEP et du SNEP.

Attributions du MTPTC

1) Mise en place des politiques d’approvisionnement en eau et des services

d’assainissement et de coordination de l’établissement du financement et l’exécution

des investissements dans le secteur ;

2) L’étude et la planification, l’exécution, l’entretien, le contrôle, la supervision et

l’évaluation de toutes les infrastructures physiques relatives aux équipements urbains

et ruraux, aux routes et autoroutes.

MSPP

Le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) a été créé en septembre 1945

(dernière loi organique 28 novembre 1983).

Attributions du MSPP

1) Supervision du projet « Poste Communautaire d’Hygiène et d’Eau Potable

(POCHEP) » qui réalise des SAEP en milieu rural depuis sa création en mars 1981 ;

2) Mise en œuvre de l’assainissement de base, à travers sa direction de l’Hygiène

publique.

MPCE

Le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE) a été créé en février

1989.

Attributions du MPCE

1) intégrer tous les programmes et projets dans une politique de planification globale à

l’échelle nationale ;

2) coordonner la coopération externe ;

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47

3) intégrer l’eau, l’assainissement et la protection de l’environnement dans son

programme d’aménagement du territoire national.

MDE

Le Ministère de l’Environnement (MDE) créé en octobre 1991, existe effectivement et

légalement depuis janvier 1995.

Attributions du MDE 1) souci de préservation et de renouvellement des ressources en eau et de la protection de

l’environnement en général ;

2) élaboration d’un plan d’action pour l’environnement ;

3) actions ponctuelles de nature diverse : gestion et suivi des aires protégées et collecte

des déchets.

Le MDE est appelé à jouer un rôle important de régulateur dans la réforme de la politique de

l’eau .

Le Ministère de l’Economie et des Finances, assure la tutelle du FAES créé en 1990 pour

servir d’interface dans la gestion des prêts accordés par la BID et la Banque mondiale qui ont

beaucoup investi dans le domaine de l’eau.

MICT

Le Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales (MICT) est le Ministère de tutelle

des collectivités territoriales et de la Protection civile. Il est censé coordonner les activités des

ONG et abrite aussi l’Organisme de Surveillance et d’Aménagement du Morne de l’Hôpital

(OSAMH) et de la Direction de la Protection du Citoyen (DPC).

MENJS

Le Ministère de l’Education Nationale, Jeunesse et Sports peut aussi jouer un rôle important

en matière de GIRE.

3.3. Les opérateurs du sous-secteur « Eau et Assainissement »

3.3.1. Les Organismes Publics

Les services autonomes de l’Etat (depuis fin des années 60), suite à la séparation du service

hydraulique d’Haïti, sont constitués de deux services :

- La Centrale Autonome Métropolitaine d’Eau Potable (CAMEP) créée par le décret du

13 mai 1964. La CAMEP a pour principale mission l’alimentation en eau de la zone

métropolitaine de Port-au-Prince (Communes de Carrefour, Port-au-Prince, Delmas,

Pétion-ville). La CAMEP produit 40 millions de m³ d’eau par an pour une population

de plus de 2 millions d’habitants (soit 20 m³/hab/an).

- Le Service National d’Eau Potable (SNEP) créé par la loi du 20 août 1977 pour fournir

l’eau à 10 villes secondaires avec un financement de 13 millions de $ US provenant de

la BM et de KFW. En dehors de la juridiction couverte par la CAMEP, le SNEP est

censé exercer les missions suivantes :

o le contrôle et l’usage des eaux superficielles et souterraines ;

o l’adduction et la distribution de l’eau potable ;

o la gestion des services de l’eau potable.

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Fonctionnement de ces deux organismes (OPS/OMS, 1996)

Critiques vis-à-vis de la CAMEP :

- mauvaise qualité de l’eau et quantité insuffisante ;

- exploitation commerciale déficitaire ;

- tarification inadéquate ;

- insuffisance de personnel et incompétences ;

- pas de gestion rationnelle ;

- manque d’organisation ;

- absence d’un système de contrôle de gestion ;

- …

Recommandations à la CAMEP :

- protection des périmètres des captages ;

- labo d’analyse à renforcer ;

- assistance technique dans la récupération des coûts ;

- lutter contre les prises clandestines ;

- organiser le personnel ;

- définir une politique de gestion rationnelle ;

- étudier l’approvisionnement à partir d’eaux de surface ;

- …

Critiques vis-à-vis du SNEP :

- coordination insuffisante entre directions et services ;

- supervision inefficace des travaux de construction ;

- absence de protection des captages ;

- manque de matériel et d’équipements ;

- gestion commerciale inefficace ;

- difficultés d’appliquer des sanctions ;

- inexistance de plan directeur d’urbanisation des villes secondaires ;

- absence de plan directeur en milieu rural ;

- qualité de l’eau à désirer (désinfection et contrôle bactériologique insuffisant) ;

- …

Recommandations au SNEP :

- former mieux le personnel ;

- utiliser des firmes privées de construction pour la supervision technique des travaux ;

- améliorer les connaissances sur l’AEP et les ressources en eau ;

- protéger les sources et captages ;

- élaborer un plan directeur de l’eau potable ;

- implanter un système de contrôle et réaliser un audit financier ;

- diminuer le ratio employés/branchement (20/100 en 1996) ;

- …

Autres organismes créés par la suite :

- Les Postes Communautaires d’Hygiène et d’Eau Potable (POCHEP) créés en 1981,

financé à 80% par la Banque Interaméricaine de Développement (6.850.000 $ US dès

sa création) a pour mission, la construction de petites adductions d’eau potable en

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milieu rural où le SNEP n’intervient pas, mais, à partir de 1991, l’activité est ralentie

suite à un gel des investissements ;

- Le Service National des Ressources en Eau (SNRE), créé en décembre 1980 avec

l’aide du PNUD qui apporte 8.100.000 $ US est chargé de l’inventaire de la ressource

en eau et de la régulation des eaux souterraines. Un excellent travail fut réalisé dans le

cadre de ce projet, mais les auteurs sont lucides et dans les conclusions du rapport

PNUD (1991), posent la question de savoir comment on pourra conserver les acquis

en assurant la continuité du système SNRE mis en place et son exploitation à des fins

pratiques. La réponse à cette question ne s’est pas fait attendre et rapidement avant que

l’encre du rapport ne soit sèche (à la fin du projet PNUD en 1990), le SNRE était

devenu quasi inexistant.

8 autres organismes publics interviennent aussi dans le secteur de l’eau : BME, DHP,

SMCRS, SEEUR, SGU, SPU, EDH, drainage des eaux pluviales de Port-au-Prince.

Figure 15 : Les principaux exploitants des ressources en eau (Emmanuel, 2005)

Quelques remarques relatives au fonctionnement de ces organismes publics :

1) Une grande instabilité des dirigeants ne permet pas une politique efficace. De 1986 à 2005

se sont succédés (Niyungeko, 2005) :

- 13 Présidents ;

- 24 Ministres du MTPTC ;

- 23 Ministres de la Santé ;

- 10 DG au CAMEP ;

- 9 DB à la SNEP ;

- 7 DG POCHEP.

Dans le même temps, on enregistre une déstabilisation des CAEP et un gel des

investissements issus de la coopération externe.

Opmerking [FR1]:

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50

2) Les compétentes entre services se chevauchent parfois. Ainsi, SNRE et CAMEP (dans sa

zone d’intervention) sont compétents dans la gestion des eaux souterraines. La CAMEP, en

tant qu’utilisateur, peut-elle jouer le rôle de régulateur ? (Balthazar, 2005).

3) On constate un déséquilibre entre l’offre et la demande (Balthazar, 2005) :

- les systèmes de pompage et d’adduction d’eau datent de plus de 20 ans ;

- la capacité de production ne correspond plus aux besoins des populations suite à la

croissance démographique ;

- les réseaux d’adduction perdent de leur efficience en raison d’entartrage et de fuites ;

- les prises clandestines constituent des sources de contamination de l’eau et parfois, par

endroit, des prélèvements se font avant le réservoir de distribution ;

4) l’urbanisation n’est pas contrôlée et les zones de captage sont colonisées par l’habitat avec

le risque de contamination des puits et des nappes suite aux activités humaines et aux rejets

divers ;

5) Les organismes créés dépendent de financement externe ;

6) Le SNEP est responsable de la gestion des SAEP mais manque de ressources. En fait, ce

sont les CAEP qui sont les réels responsables mais avec une efficacité toute relative (sur 121

CAEP qui ont fait l’objet d’une évaluation, un seul était côté très bon, et 50 mauvais,

(Niyungeko, 2005).

7) Des schémas et des plans ont été programmés sans grand succès quant à leur élaboration et

à leur mise en œuvre effectives. En 1985, par exemple, la CAMEP s’engage dans un Schéma

Directeur d’Approvisionnement en Eau Potable de la communauté urbaine de Port-au-Prince,

plus récemment, la métropole hérite d’un Plan Directeur d’Assainissement.

8) Le personnel de ces institutions publiques est généralement sous payé et engagé sous un

statut contractuel précaire. On enregistre régulièrement un départ des compétences vers des

structures internationales ou ONG pour des postes mieux rétribués, d’où l’intérêt de stabiliser

le personnel à long terme.

3.3.2. Les Eglises et les ONG

Par le passé, ce sont essentiellement les Pères Missionnaires qui ont apporté leur contribution

au développement du pays et à la réduction de la pauvreté. Considérant la composante eau

comme facteur de développement en termes d’accès à la ressource, de nombreux ouvrages

furent installés par les églises présentes. Actuellement, celles-ci poursuivent leur œuvre et

assurent encore dans certaines régions un rôle moteur d’acteurs de développement (à la

Gonâve ou dans le bassin versant de la rivière Moustiques par exemple).

A cette contribution de la sphère religieuse, s’ajoute l’intervention des ONG. Rien que dans le

secteur de l’eau, leur nombre varie de 30 à 200 (selon les rapports) : 50 d’après le rapport de

suivi WASAMS, 2002 de l’OMS dans le secteur eau et assainissement. PROTOS est souvent

cité en tant qu’ONG particulièrement active et compétente.

Dans ce même rapport WASAMS 2002, Comité Protos Haïti(CPH) est repris dans les

principales ONG parmi les plus performantes, tandis que PROTOS n’est pas cité.

Voir aussi documents de la Plateforme des ONG en Eau Potable et Assainissement (PEPA).

Les ONG sont particulièrement actives en milieu rural avec des actions pas toujours

coordonnées, des investissements à court terme, sans un service de gestion et d’entretien à

long terme. Selon Emmanuel et Lindskog (2002), la mission déterminante des ONG serait

l’information, l’éducation et la communication.

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Figure 16 : Les bases du premier moulin à vent pour le pompage de l’eau installé à la Gonâve

par SCH (photo F. Rosillon, nov. 2005)

Un projet souvent pris en référence …

Un des projets phare régulièrement cité est celui mis en œuvre par le GRET qui a pu

développer une construction négociée de mode de gestion en terme d’approvisionnement

en eau. Ce projet financé par l’Union européenne est considéré comme un des rares

exemples de véritable réhabilitation d’un service public. Initié à partir de 1995 dans 14

quartiers défavorisés de Port-au-Prince (200.000 habitants), le projet a été appliqué en

2001 à AQUIN et MIREBALAIS. Cette approche s’appuie sur deux principes :

- une analyse technique, sociale et politique ;

- une mobilisation des acteurs.

A Port-au-Prince, le GRET a pu mettre en place un système de distribution par bornes-

fontaines publiques payantes, gérées par des associations de quartier. La CAMEP fournit

l’eau à l’entrée du quartier et la facture à un prix de gros (8 gdes par m³), un vendeur

d’eau salarié distribue l’eau à chaque borne-fontaine au prix de 25 gdes par m³, un comité

récolte l’argent et paye les factures (CAMEP, rémunérations des vendeurs, réparations,

désinfection et petits investissements). 20 Km de réseau ont été construit et alimentent 60

bornes-fontaines. Pour en savoir plus sur cette expérience : L’ingénierie sociale : Une approche nouvelle et performante pour

la participation communautaire dans les projets de développement. Installation d’un réseau d’eau potable

dans quelques quartiers de Port-au-Prince (Brailowsky A. , Petitpas F., 2002).

A Aquin et Mirebalais, le projet consiste en la réhabilitation technique et à l’extension des

réseaux et en la mise en œuvre d’un dispositif de gestion locale articulé avec le service

central du SNEP. A noter un réel partenariat entre le GRET et le SNEP.

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Un cadre de cohérence pour les interventions des ONG peut être trouvé dans le PEPA et le

CCI. La mise en place de la plateforme des Organisations du Secteur Eau Potable et

Assainissement (PEPA) a pour objectif de coordonner les activités des ONG du secteur en

bénéficiant de l’appui technique de l’OPS/OMS et de l’URSEP.

Le CCI, pour ne pas créer plus de désordre …

Le Cadre de Coopération Intérimaire (CCI) mis en place en mars 2004 est coordonné par le

gouvernement avec l’appui de la communauté internationale. Le CCI est composé de

représentants de la CAMEP, SNEP, POCHEP et URSEP, de représentants d’ONG et de la

Banque Mondiale, UNICEF, BID et OPS/OMS.

Le CCI précise le cadre de référence pour toute assistance à Haïti et accompagne l’agenda

politique en concentrant ses activités en 4 axes dont la relance économique et l’accès aux

services de base. Le CCI dresse un état des lieux par secteur et redéfinit les stratégies et les

priorités pour la période de transition avec la budgétisation par thèmes et activités (voir le

rapport du 24/5/2004 du groupe thématique : eau potable et assainissement).

3.3.3. Les firmes privées

Plusieurs firmes de génie civil travaillent dans le domaine de l’eau (Balthazar, 2005) et

interviennent en milieu rural et urbain (GATAPHY, LGLSA, Haïti FORATECH, …). Ce

secteur peut avoir sa place dans la mise en œuvre de la GIRE pour autant que l’Etat assume

son rôle de régulation et de contrôle des activités déployées.

3.3.4. Les acteurs locaux

Inscrit dans la culture haïtienne, la participation communautaire est particulièrement active

dans le domaine de l’eau. Dans certaines communes, derrière chaque point d’eau se cache un

comité local de gestion dont l’efficacité est variable en fonction de la personnalité du(des)

responsable(s). Divers types de comités locaux ont été mis en place : CAEP, CAEPA,

COCEP, COCEPA, COSEP, … 10 ans après leur création en 1969, les CAEP étaient au

nombre de 400.

Par ailleurs, certains notables, organisations locales, religieux, représentants des collectivités

identifient des besoins et introduisent une demande vers les organismes d’aide. (Balthazar,

2005). Après la réalisation des projets, ces structures locales ne suivent pas toujours la

gestion des projets.

Dans le cadre de la politique de décentralisation, ces comités locaux, proches des Maîtres

d’ouvrages communaux, devraient être renforcés.

3.4. La réforme du secteur eau

15 institutions ou services nationaux, dépendant de 5 ministères différents, une cinquantaine

d’ONG et organisations caritatives interviennent dans le secteur de l’approvisionnement en

eau sans pratiquement aucune concertation avec un financement provenant de nombreux

bailleurs de fonds sans davantage de coordination. En milieu rural, des rivalités peuvent

parfois naître entre intervenants nationaux et étrangers.

Ce constat a conduit les autorités nationales à plusieurs tentatives depuis 1977 de créer un

organe national de coordination sectorielle :

-1977 : premier projet de création du Conseil National de l’Eau (CONAE) ;

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53

- 1979 : CEE ;

- 1980, lors de la décennie de l’eau : création du Comité National d’Action pour la Décennie

Internationale de l’Eau Potable et de l’Assainissement (CONADEPA) pratiquement disparu

fin 1990 ;

- 1989 : CONADEA ;

- 1992 : Comité de Coordination des activités d’Eau Potable (CCEP) par le PNUD, l’UNICEF

et l’OPS/OMS ;

- 1995, dans le livre blanc de l’eau du MTPTC : projet de décret pour créer le Grand Conseil

de l’Eau (GCE) dont la mission serait de coordonner effectivement les actions menées par les

institutions spécialisées. Cette structure devra aussi aider à harmoniser les lois qui régissent

les activités de ces institutions.

En 2002, on évoque la création du Conseil National de l’Eau et de l’Assainissement (CNEA)

placé sous la responsabilité du premier Ministre et qui devrait assurer la coordination

institutionnelle.

Ce souci d’une meilleure coordination du secteur de l’eau apparaît dans les deux projets de loi

évoqués ci-après.

3.4.1. Un projet de loi-cadre sur l’eau

En février 1997, sur demande du MDE, un accord fut signé avec la BID pour un Programme

de Formulation d’une Politique de l’Eau (PFPE) dont les objectifs étaient :

- d’établir un bilan des ressources en eau grâce à un support SIG ;

- d’élaborer une loi-cadre de l’eau et un plan d’actions pour la gestion des ressources en

eau.

Sous l’égide du Ministère de l’Environnement, ce programme de formulation de la politique

de l’eau a donc été élaboré. Dans le rapport principal de 1999, après la présentation de la

problématique de l’eau en Haïti, sont explosés les principes retenus pour servir de base à la

politique de l’eau conduisant au projet de loi-cadre sur l’eau (3ème

version, 1999).

Les objectifs principaux de la politique nationale de l’eau ont été définis, à savoir :

- assurer la sécurité quantitative et qualitative de l’approvisionnement en eau potable ;

- soutenir le processus de développement ;

- garantir la participation de tous les groupes impliqués ;

- assurer en permanence la conservation des ressources en eau ;

- protéger contre et/ou réduire la pollution ;

- favoriser une utilisation économe de l’eau.

Cette politique s’articulera autour de trois grands axes :

1- l’élaboration d’un cadre réglementaire cohérent ;

2- la mise d’une place d’une structure organisationnelle ;

3- le développement et la gestion rationnelle de l’eau.

Ce dernier axe se traduit par l’acquisition de connaissances avec l’élaboration de cadastres

hydrauliques, l’élaboration de schémas d’aménagement des ressources en eau et du plan

national des ressources en eau, la mobilisation du potentiel des ressources basée sur la

régularisation des eaux de ruissellement, le développement des eaux souterraines et de

transfert de bassin.

Trois échéanciers ont été proposés :

- à 5 ans : pour des actions à court terme devant permettre la finalisation et la

promulgation de la loi-cadre ainsi que la préparation d’un draft de code de l’eau, la

mise en place opérationnelle des institutions et l’élaboration des schémas et plan

national ;

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- à 15 ans : pour finaliser le code de l’eau, approfondir les connaissances sur les

ressources et les usages, entamer des actions de développement et de gestion des

eaux ;

- à 30 ans : pour poursuivre les actions de développement et de gestion des ressources

en eau.

Un budget estimé à 25 millions de $ US réparti en 5 millions pour le court terme, 8

millions pour le moyen terme et 12 millions pour le long terme est proposé.

Projet de loi-cadre sur l’eau (extraits)

Article 1

L’eau fait partie intégrante du patrimoine commun de la République. Sa protection, sa

mise ne valeur et le développement de la ressource utilisable constituent un devoir pour

tous les citoyens, y compris pour l’Etat et les établissements qui en dépendent ainsi que

pour les collectivités territoriales.

L’usage de l’eau s’exerce …. dans le cadre de la solidarité entre les utilisateurs.

Article 2 :

Les dispositions de la présente loi ont pour objet la gestion globale, durable et équilibrée

de la ressource en eau. (art. 5 : « … prise de façon unitaire et solidaire »)

Cette gestion vise à assurer :

- la préservation des écosystèmes aquatiques et marins ;

- la protection contre toute forme de pollution et la restauration de la qualité de l’eau

… ;

- le développement et la protection de la ressource en eau ;

- la promotion de l’eau comme ressource économique, la lutte contre le gaspillage et la

surexploitation, la répartition de cette ressource, de manière à satisfaire ou à concilier,

lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences :

o de la santé publique et de la salubrité ainsi que de l’alimentation en eau potable

de la population ;

o de la conservation, du libre écoulement de l’eau et de la protection contre les

inondations ;

o de la lutte contre l’érosion des sols ;

o de l’agriculture, de la pisciculture, de la pêche maritime, de la production

d’énergie, du tourisme ainsi que de toutes autres activités humaines légalement

exercées.

Article 35 :

Il est interdit de jeter des cadavres humains ou d’animaux dans les eaux du domaine public

hydraulique, de les enfouir ou de les ensevelir aux abords des puits, fontaines, abreuvoirs

publics ou autre ouvrage de captage.

Article 53 : (cité en entier)

A l’initiative de l’administration chargée de l’eau, il peut être créé sur un bassin ou sur un

sous-bassin hydrographique ou sur un système aquifère désigné comme « pilote », une

commission de bassin ou d’aquifère associant à parts égales des représentants de l’Etat, des

représentants des collectivités territoriales et des représentants des diverses catégories

d’utilisateurs de la ressource en eau.

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Elle est chargée d’émettre toute proposition de nature à permettre la résolution des conflits

d’usage.

Les conditions d’application du présent article sont fixées par voie réglementaire.

Autres éléments pris en compte :

- des aspects fonciers avec la perception de redevances eaux usées et prélèvements ;

- des servitudes et domaine public ;

- des zones de sauvegarde de la ressource en eau ;

- l’assainissement du milieu naturel :

- la lutte contre l’érosion ;

- l’entretien des cours d’eau dans le respect des écosystèmes aquatiques ;

- la lutte contre les inondations ;

- la mise en place d’une police de l’eau ;

- la définition des unités hydrographiques.

Concernant ce dernier point, l’Etat est partagé en grandes unités hydrographiques naturelles

dénommées bassins ou sous bassins ou systèmes aquifères (dénomination et délimitation de

ces unités à fixer par voie réglementaire).

Enfin, en termes de planification, il est prévu l’élaboration d’un plan national accompagné de

plans locaux d’Aménagement et de Gestion pour chaque grande unité hydrographique. Mais

visiblement, cet excellent travail préparatoire à la formulation de la politique de l’eau n’a pas

été poursuivi. Abandonnant (temporairement) le secteur de l’eau dans son ensemble, c’est le

sous-secteur spécifique eau potable et assainissement qui fait maintenant l’objet d’une

réforme.

3.4.2. La réforme du sous-secteur eau potable et assainissement

Face à une cacophonie institutionnelle, le MTPTC a créé en 1996 une Unité de Réforme du

Secteur de l’Eau Potable (URSEP) dans le but de coordonner la mise en place de la réforme.

Il s’agissait dans un premier temps de préparer une loi-cadre du sous-secteur eau potable et

assainissement en redéfinissant l’organisation institutionnelle. Cette structure avait aussi pour

mission de gérer la phase de transition avant l’application de cette nouvelle loi-cadre.

La séparation des fonctions de planification et de régulation de celle de maîtrise d’ouvrage et

de fournitures de service était une priorité. Cet objectif a débouché vers la création du

CREPA, chargé de la réglementation des actions des intervenants (maîtres d’ouvrages et

exploitants des SAEP), de l’ONEPA qui résultera de la fusion du SNEP, de la CAMEP et du

POCHEP. L’ANGRE, sous la tutelle du Premier Ministre, intègre la SNRE dans des missions

d’évaluation, planification, gestion et protection.

Le MDEE devient un ministère transversal qui coordonne les activités de ministères verticaux

(Agriculture, Travaux Publics, Santé). L’URSEP favorisera l’élaboration d’un Schéma

Directeur de Développement et de Gestion des ressources en eau qui définira les grandes

lignes stratégiques et les échéanciers (OPS/OMS, 2005).

La loi-cadre du sous-secteur de l’eau potable et de l’assainissement définit quelques lignes

directrices :

- améliorer l’accès à l’eau et à l’assainissement ;

- promouvoir une gestion locale à travers une décentralisation des activités ;

- faire participer les populations et la société civile ;

- organiser la gestion de l’eau dans une perspective de développement durable ;

- mettre en place de nouvelles structures.

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56

Figure 17 : Structure organisationnelle du secteur eau sous-secteur eau potable et

assainissement, draft, URSEP, novembre 2005

Quelques éléments et commentaires relatifs à la réorganisation institutionnelle : De nombreux éléments de cette loi-cadre sont en fait un copier-coller de la politique française

de l’eau. Au-delà de la question d’un financement durable du sous-secteur, nous pouvons

mettre en exergue :

- la création d’une structure faîtière dont l’absence a très souvent été décriée par les

observateurs : le CONADE, dépendant du premier ministre (PRIMATURE) ;

- une séparation des deux missions : la maîtrise d’ouvrage et la fourniture de services et

la gestion et la régulation26

;

- une répartition des compétences entre deux Ministères : le MTPTC et MDEE, avec

une possible lutte d’influence entre les deux ;

- le MARNDR, ministère de tutelle du SNRE, responsable de l’inventaire des

ressources en eau et de la gestion des eaux souterraines est évincé de la

réorganisation27

;

- confier aux municipalités et aux collectivités territoriales la maîtrise des ouvrages avec

la possibilité de contrats de gestion ou d’affermage, de concessions avec d’autres

opérateurs (publics ou privés). Il est important de préparer les communes à assumer

leur rôle de Maîtrise d’ouvrage. Celles-ci seront-elles à la hauteur de leur tâche en

termes de compétences humaines et de moyens financiers ? Une phase de transition

s’avère indispensable avant de transférer les compétences tout en veillant à de bonnes

relations entre communes et CAEP (Comité d’Adduction d’Eau Potable) ;

- la promotion d’une approche par bassin ;

26

A tous les niveaux (Etat, Bassin, sous-bassin, communes) il conviendra de conserver la séparation des

missions de régulation et de maîtrise d’ouvrage (voir les recommandations de Balthazar, 2005, concernant le

niveau communal qui suggère une structure de contrôle social et une structure d’opération et de gestion). 27

Quel va être la réaction du MARNDR, le grand absent de la reformulation de l’organisation du sous-secteur

eau potable et assainissement ?

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57

- des structures de participation au niveau du bassin (CCB) et au niveau local (Comités

locaux).

Signalons enfin que cette réforme a inspiré PROTOS dans un projet développé à Camp Perin

avec un financement de l’Union européenne et aussi les projets du GRET à Mirebalais et

Aquin évoqués précédemment.

3.5. Les opérateurs concernant l’usage « irrigation »

La gestion de ce sous-secteur a subi trois évolutions (GRI, 2005) :

- calqué sur la période coloniale, les systèmes d’irrigation sont restés longtemps sous

l’autorité de grands planteurs ;

- la période 1953-1980 a consacré une reprise par l’Etat de la gestion ;

- depuis, une gestion collective au niveau local se développe timidement, celle-ci

devrait être amplifiée à l’avenir (voir aussi le projet de loi-cadre en préparation depuis

1997).

Autre second sous-secteur fort dans le domaine de l’eau, l’irrigation fait l’objet actuellement

de réflexions en vue de préparer le transfert de la gestion des systèmes irrigués vers des

associations d’irrigants. Il n’existe toujours pas de loi-cadre, seuls quelques articles du Code

rural de 1963.

C’est le MARNDR, via la Direction des Infrastructures Agricoles (DIA) qui possède la tutelle

du secteur irrigation - drainage. Des services déconcentrés de ce ministère existent au niveau

départemental avec les Directions Départementales Agricoles (DDA) et au niveau communal

avec les Bureaux Agricoles Communaux (BAC). Rappelons qu’actuellement 80.000 ha sont

irrigués gravitairement, le potentiel serait de 170.000 ha sachant qu’il pourrait y avoir des

possibilités jusqu’à 400.000 ha en mobilisant des techniques modernes (par aspersion, au

goutte à goutte) plus sophistiquées.

Les redevances sont difficiles à percevoir. A titre d’exemple, celles-ci sont fixées à 250

gourdes par carreau et par an au niveau du périmètre irrigué de 6.000 ha à l’Arcahaie.

La gestion des terres irriguées est organisée de trois manières (GRI, 2005):

- 30 périmètres ont déjà été transférés aux associations d’irrigants ;

- 150 sont gérés par des associations paysannes, des groupes plus ou moins organisés et

reconnus, des anciens syndics ;

- les grands systèmes comme la Vallée de l’Artibonite, malgré la présence de l’ODVA

sont en fait sous la loi des irrigants non encore organisés.

L’organisation du secteur fait l’objet de nombreuses critiques. Celui-ci donne une impression

de désordre :

- les données pédologiques et hydro-climatiques existantes ne permettent pas une prise

de décision technique rationnelle ;

- en termes de ressources humaines, le cadre du personnel se vide avec une fuite des

personnes compétentes vers le privé ;

- les systèmes fonctionnent avec un taux d’efficacité de l’ordre de 50% ;

- techniquement, ceux-ci présentent de nombreuses déficiences avec une sous-

valorisation de l’eau et une utilisation non rationnelle. On note également une

Page 58: Analyse contextuelle en matière de Gestion Intégrée des ... · Analyse contextuelle en matière de Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) en Haïti DRAFT – Version 04

58

inadéquation entre les débits disponibles et les surfaces à irrigués et les besoins des

plantes d’où un gaspillage important ;

- des détournements de prises d’eau et des utilisations illégales des ressources ;

- une mauvaise prise en compte des activités en période critique de sécheresse ;

- des dégradations régulières des systèmes mis en place, suite à un vieillissement des

dispositifs et une absence d’entretien, au vandalisme ou à des conséquences de

catastrophes naturelles ;

- une répartition de l’eau qui conduit à des conflits entre irrigants ;

- les comités sont mal organisés avec un manque de compétences des responsables ;

- des difficultés d’appliquer les règlements et de percevoir les redevances lorsqu’elles

ont été décidées (les agriculteurs refusent souvent de payer les redevances) ;

- la création d’organisations parallèles aux comités principaux ce qui rend ce secteur

encore plus chaotique ;

- manque de soutien de la part de l’Etat et du MARNDR aux autorités locales ;

- le manque de coordination entre les DDA - BAC et le Service d’Irrigation et de Génie

Rural (SIGR), ainsi qu’avec les projets des ONG ;

- le secteur subit également la conséquence de la dégradation des bassins versant, la

perte de débits des rivières, l’ensablement des canaux, l’augmentation des

ruissellements, …

La volonté de transfert vers les organisations d’irrigants a été encore réaffirmée lors du

colloque organisé par le GRI (Actes, janvier 2005). Se posait notamment la question

d’associations d’irrigants forcées ou libres avec adhésion volontaire des usagers. Ce transfert

devrait s’accompagner de l’application d’une série de recommandations afin de :

- améliorer les connaissances et favoriser une meilleure circulation de

l’information entre acteurs concernés ;

- renforcer les capacités de gestion au niveau local ;

- revoir l’encadrement du secteur par le MARNDR et le renforcement des BAC ;

- rendre les systèmes plus performants en vue d’une utilisation plus rationnelle de

l’eau ;

- prévoir une structure de médiation en cas de conflits et un service de contrôle ;

- promouvoir une gestion plus écosystèmique des bassins versants ;

- recourir à des techniques plus performantes ;

- conserver l’eau plus longtemps (création de lacs collinaires) ;

- mettre en place un meilleur système de perception des redevances et un contrôle des

pratiques ;

- assurer une meilleure coordination entre tous les intervenants (Etat, collectivités

locales, comités d’irrigants, ONG, bailleurs de fonds, …)

- recadrer l’organisation de ce secteur en cohérence avec la politique de la

décentralisation et de la déconcentration des services de l’Etat.

Le GRI a été créé par CICDA. Cette structure à vocation limitée, s’est convertie en

FONHADI. Il s’agit d’une Plate-forme d’échange entre acteurs (ONG, Privés, Associations

paysannes, les Ministères étant invités) afin de systématiser les expériences de transfert, de

vulgariser la politique du Ministère et d’appuyer les associations. FONHADI bénéficie d’un

financement du FIDA pour contribuer à la définition d’un cadre légal et est soutenu par VSF-

CICDA. Notons qu’une autre Plate-forme dénommée PAD (Plate-forme Agriculture Durable)

créée par le passé n’existe plus.

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59

Remarque :

- La réhabilitation et le développement de petits périmètres irrigués avec une autogestion de

proximité n’est-elle pas une voie à explorer ? (un projet financé par le FIDA, le Fonds de

l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole et l’Agence Française de Développement,

1996-2003 a porté sur des périmètres de 30 à 500 ha. En juin 2002, 13 petits périmètres

étaient réhabilités, une surface de 1100 ha était effectivement irriguée28

.

3.6. La gestion des cours d’eau et des bassins versants

Seul le MARNDR semble avoir le souci de la gestion des cours d’eau, à travers notamment

les organismes de développement cités précédemment (ODVA,…). Cette compétence

reviendra aux communes dans le cadre de la décentralisation et de la réforme du secteur.

La gestion des bassins versants est également une préoccupation du MARNDR mais pas

seulement de ce Ministère. En juillet 2000, 4 Ministères (MARNDR, MPCE, MICT, MDE)

s’associaient pour organiser un atelier de concertation ministérielle pour la gestion des bassins

versants. Les 10 recommandations ci-après, traduisent l’intérêt porté par ces institutions à la

gestion des bassins dans une approche intégrée :

- inscrire la gestion des bassins dans un contexte montagne-mer ;

- considérer la question foncière comme un passage obligé pour une gestion durable des

BV ;

- faire du concept de bassin versant une priorité stratégique et un outil de politique ;

- reconnaître l’importance du diagnostic local en tant qu’outil de gestion ;

- prendre en compte la composante population ;

- prendre en compte les modes d’occupation de l’espace ;

- prendre en compte les impacts environnementaux lors de la construction de routes en

montagne ;

- recommander des mesures additionnelles (en lien avec aménagement du territoire,

décentralisation, …) ;

- fixer un certain nombre d’attributions aux Ministères sectoriels ;

- mettre en place un mécanisme permanent de concertation multisectorielle en vue

d’une politique nationale de gestion des BV.

Le comité de suivi mis en place au lendemain de cet atelier ne s’est-il pas limité à la

publication des actes alors qu’il s’agissait aussi pour lui de contribuer à formuler la politique

nationale de gestion des bassins versants (voir dernière recommandation ci-dessus) ?

Par ailleurs, la PGBV (Plate-forme des institutions travaillant dans la Gestion des Bassins

Versants), active lors des tables-rondes organisées en 1998-2000 dans le cadre de la définition

de la politique de l’eau n’est plus fonctionnelle.

L’Artibonite, une rivière transfrontalière …

L’Artibonite, prenant sa source dans le pays voisin représente une rivière stratégique pour

Haïti. Elle arrose 40% des périmètres irrigués et permet de produire 95% de l’ensemble de la

production hydroélectrique de tout le pays et représente un patrimoine important(Haïtipress).

28

IFAD, 2002, Projet de Réhabilitation des petits périmètres irrigués (PPI), www.ifad.org, 11/01/2006.

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60

Un accord international datant de 1920 existe avec la République Dominicaine. Celui-ci

devenu obsolète, porte sur une gestion commune de l’Artibonite et des rivières Massacre et

Pedernales. Il s’agit de veiller à la protection des rivières contre la pollution, et de réglementer

les aspects qualitatifs et quantitatifs. Mais le principal enjeu concerne les potentiels de

production hydroélectrique qui pourrait devenir dans le futur une pomme de discorde entre les

deux Etats.

Le projet conjoint du barrage international de “Dos Bocas” porte sur la construction d’une

centrale hydroélectrique de 90 Mw dans le but de fournir 225 Gwh d’électricité aux deux

nations sœurs sur une base égale et/ou égalitaire. On parle aussi d’un projet de construction de

trois barrages hydro-électriques qui auraient été proposés par une fondation américaine

(Vaughn, S.d.).

Domaine de mise en

valeur

République Dominicaine République d’Haïti

Actuel Futur Actuel Futur

Irrigation, Ha

Hydroélectricité, Mw

Pêche, T.M.

Projets d’Eau Potable

Produits Ecotouristiques

1 200(1)

-

-

en négociation

faibles

45 000

ind.

-

-

moyens

40 000

45

91

en négociation

faibles

50 000(2)

229

240

-

élevés

Légende: (1) Rivière Macasia et autres sources hors Artibonite

(2) Rivière principale et l’ensemble des vingt affluents en Haïti

Tableau 15 : Etapes de mise en valeur de la rivière Artibonite des deux côtés de la frontière

(Victor, 2002 ???)

3.7. La décentralisation

Les responsabilités du conseil municipal sont définies par la constitution de 1987 :

- article 74 : le conseil municipal est un gestionnaire privilégié des biens du domaine de

l’Etat dans sa commune (les systèmes d’adduction d’eau potable entrent dans cette

catégorie, Balthazar, 2005) ;

- article 71 : chaque conseil municipal est assisté à sa demande d’un conseil technique

fourni par l’Administration centrale.

Avant-projet de Décret définissant le cadre général de la Décentralisation, les principes de

fonctionnement et d’organisation des Collectivités Territoriales Haïtiennes29

29 (2ème

version, corrigée à partir des suggestions reçues au 9 novembre 2005)

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61

Le Lire III relatif aux compétences et aux moyens d’action des collectivités territoriales

méritent quelques attentions à travers les points forts suivants :

- article 60 : les collectivités territoriales participent à la mise en valeur des ressources

naturelles et à l’amélioration du cadre de vie de la population ;

- articles 67 à 69 : communes, sections communales et départements héritent

notamment de compétences en matière d’aménagement du territoire, gestion du

domaine foncier, aménagement urbain ;

- articles 70 à 72 :

o à la section communale, reviennent des compétences dans la lutte contre

l’érosion, la promotion de pratiques écologiques, la protection de sources et

cours d’eau ;

o la commune hérite de compétences en matière d’élaboration d’un Plan

Communal d’Action pour l’Environnement, de protection des ressources en

eaux de surface et souterraines, de l’assainissement ;

o le département quant à lui a en charge la vérification des études d’impact

relatives aux grands projets ;

- la section 4 « santé et hygiène » confie aux collectivités territoriales une série de

compétences relatives à la mise en place de structures de santé, à la réglementation

concernant l’hygiène, la salubrité et la prévention des maladies, à la participation à des

campagnes de sensibilisation, … autant de compétences pour lesquelles le secteur de

l’eau sera amené à jouer un rôle capital.

- la section 11 traite de l’eau et de l’électricité :

o la section communale reçoit la compétence suivante :

construction et gestion de fontaines publiques ;

o la commune reçoit les compétences de :

production et distribution de l’eau potable ;

réalisation et gestion de puits, forages et de bornes-fontaines ;

participation à l’élaboration et à la mise en œuvre du schéma communal

d’adduction d’eau ;

o le département participe à l’élaboration des normes nationales

d’approvisionnement en eau ainsi qu’à l’élaboration du schéma directeur

départemental d’adduction d’eau.

Remarques :

- Compétences figurant dans la version précédente de l’avant-projet de décret et retirées dans

la version de novembre 2005 :

- La section communale est amenée à participer à la protection et à l’entretien des

sources et à la conservation des cours d’eau ainsi qu’à la réalisation et à l’entretien des

retenues, des systèmes d’irrigation, des puits et forages ;

- La commune réalise et entretient des retenues, barrages, puits et forages d’envergure

communale.

- Afin de séparer les missions d’opération et de gestion (maîtrise d’ouvrages et mise en

œuvre), des missions de régulation et de contrôle social, il est question que l’alimentation en

eau soit organisée en s’appuyant sur deux structures communales (Balthazar, 2005) : une

structure de contrôle social (qui peut être constituée de bénévoles) en matière de tarification,

garantie de qualité, gestion et une structure d’opération et de gestion qui serait chargée du

fonctionnement, des réparations et du traitement de l’eau. Mais qui devrait assurer les

investissements ?

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62

- On remarque que c’est essentiellement le secteur de l’approvisionnement en eau qui est pris

en compte, confirmant par là, à l’échelon local cet usage fort déjà prioritaire au niveau

national. L’approche GIRE est peu perceptible.

Les pièges de la décentralisation

La décentralisation consacre un transfert de responsabilités de l’Etat vers les communes dans

des matières où l’Etat a été incapable d’assumer pleinement ses responsabilités. Là où l’Etat

n’y est pas parvenu, comment les communes pourraient-elles y parvenir alors que même les

compétences et les moyens minimums pour assurer une gestion efficace sont loin d’être

garantis ?

Si la légitimité de l’Etat a été mise en doute pendant ces dernières années, qu’en est-il de la

légitimité des responsables locaux ? Une relation de proximité et de confiance plus forte entre

citoyens et mandataires locaux peut être un avantage mais cette situation ne posera-t-elle pas

un problème lorsqu’il s’agira de mettre en application des mesures coercitives de contrôle de

pratiques ? Par ailleurs, des rivalités locales entre personnalités influentes à l’échelon

communal ou de la section ne sont-elles pas à craindre ? Enfin, la gestion locale de l’argent,

en bon père de famille, doit reposer sur des règles strictes et transparentes qu’il conviendra de

définir démocratiquement.

La voie vers la décentralisation, souhaitée par Haïti, peut s’appuyer sur une coopération Sud-

Sud. L’exemple de décentralisation mise en place au Bénin et les expériences en matière de

gestion communautaire de l’eau peuvent inspirer les autorités haïtiennes30

.

La décentralisation en marche …

Récemment (février 2005), le Gouvernement de Transition vient d’adopter 5 importants

décrets devant constituer la Charte des collectivités territoriales. Il s’agit:

1. d’un décret définissant le cadre de la décentralisation, les principes de fonctionnement et

d’organisation des collectivités territoriales ;

2. d’un décret portant sur l’organisation et le fonctionnement de la Section communale ;

3. d’un décret portant sur l’organisation et le fonctionnement de la Commune ;

4. d’un décret portant sur l’organisation et le fonctionnement du Département ;

5. et d’un décret sur la fonction publique territoriale.

3.8. Le financement du secteur de l’eau

La croyance selon laquelle l’eau est un don de Dieu peut parfois représenter un frein au débat

sur le financement des services de l’eau, que ce soit en termes d’alimentation en eau courante

ou en irrigation.

Balthazar(2005) a identifié quatre tendances de tarification concernant le sous-secteur eau

potable :

1- le choix du tout payant : toute eau est payée quel que soit le système d’approvisionnement

(cas de la CAMEP avec une facture sur base forfaitaire pour les prises domiciliaires et une

facturation de la consommation réelle avec compteurs d’eau dans les quartiers défavorisés) ;

30

Voir Hydraulique villageoise et stratégies de développement endogène en milieu rural en Afrique: Un exemple

de gestion communautaire des points d’eau potable au Bénin, Georges ALE

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63

2- un système mixte : branchements privés facturés et fontaines publiques gratuites (ou forfait

mensuel faible par famille) ;

3- paiement volontaire avec par exemple une contribution volontaire de 10 gourdes par mois

au niveau des POCHEP ;

4- le tout gratuit délivré par des autorités locales influentes.

Une étude sur la propension à payer a été développée par les mêmes auteurs. La propension

des consommateurs à payer ne dépend pas seulement de leurs conditions économiques. Elle

résulte de nombreux autres facteurs dont l’option institutionnelle choisie, l’acuité du besoin et

les sources alternatives d’approvisionnement, le choix technologique, l’historique de la zone

considérée dans le domaine de la fourniture de services publics, la crédibilité des instances de

gestion. En fait, on remarque que les différents opérateurs imposent des formules différentes

sans intégrer le contexte social. Par ailleurs, faire financer les investissements par les usagers,

est-ce encore pertinent dans le contexte actuel ? (HydroConseil, 2005)

Quelques chiffres en terme d’investissement en EP (OPS/OMS, 2005).

En 2003, le total des investissements était de 5.370.410 $ US mais d’autres chiffres répartis en

milieu urbain et rural sont supérieurs :

- pour la zone métropolitaine :

o la CAEP a investi pour 262.710 $ US pour désservir 150.000 habitants ;

o le secteur privé pour 863.600 $ US pour désservir 470 habitants ;

- pour les villes secondaires : 3.104.080 $ US dont AGCD-PROTOS pour 900.000 $ US

exécuté par le SNEP, les principaux bailleurs de fonds étant le gouvernement haïtien,

l’AGCD, FAES, BID, le secteur privé.

- En milieu rural :

o 16 bailleurs ont accordé 3.529.072 $ US dont FSE/AGCD pour PCH/PROTOS

pour un total de 450.000 + 620.000 $ US.

Coût de l’eau en zone métropolitaine désservie par la CAMEP :

- si raccordement à la maison :

- maison résidentielle : 1ère

tranche de 0 à 15 m³ : 447,5 gourdes ;

au-delà : 245,5 gourdes par m³ supplémentaire

- bâtiment commercial et industriel : de 0 à 5000 m³ : 40 gourdes le m³

de 5001 à 15000 m³ : 32,5 gourdes le m³

à partir de 15001 m³ : 23,75 gourdes le m³.

Le coût de l’eau est très variable et varie en fonction du type de fournisseur, des périodes de

distribution et de la zone d’habitation.

Prix

CAMEP

Clients

Usagers

des

kiosques

Revendeur

1

Revendeur

2

Revendeur

3

Quartier

Défavorisé

8gdes/m3

Comité d’eau 26,5gdes 53gdes/m³ 265gdes/m³ 530gdes/m³

Cite militaire 32,5gdes 53gdes

Tableau 16 : Prix de l'eau (par m³) fournie par la CAMEP (Enquête réalisée par Balthazar, 2005)

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64

La CAMEP fournit l’eau au comité de gestion des quartiers défavorisés à 8gdes/m³. Le comité

distribue l’eau des kiosques à 0,5gde / le seau de 5 gallons appelé bokit (soit 26,5gdes/m³).

Zone Camion en

gdes

m3 Revendeur 1 /citernes Revendeur 2/transporteurs

Centre ville 1500 132,50 265gdes/m3 530/m

3

Christ Roi 1500 132,5 265gdes/m3

Lalue 1250 110,42 265gdes/m3 530gdes/m3

Delmas 1500 132,5

Musseau 1500 132,5

Pétion Ville 1750

Laboule 2500 220,85

Thomassin 2500 220,85

Fontamara 2250

Tableau 17 : Prix de l'eau dans la zone métropolitaine pratiqué par des fournisseurs privés

(Enquête réalisée par Balthazar, 2005)

Plus on s’éloigne du point de captage, plus le prix du camion augmente. Dans les villes de

province, le prix du camion varie de 1250 à 2000 gourdes.

Coût forfaitaire mensuel fixe par le SNEP Coût forfaitaire mensuel par CAEP

Mirebalais Lascahobas Aquin Anse à

veau

Cayes Camp

Perrin

Plaisance Acul du

nord

Dondon

110gdes 44gdes 110gdes 110gdes 110gdes 25gdes 25gdes 25gdes 25gdes

Tableau 18 : Coût de l'eau en milieu urbain non métropolitain (Enquête réalisée par Balthazar, 2005)

Coût/m3 Coût forfaitaire

Zone Diny Ti-Bois Café-Lompré Montrouis Marcelline Chatard Laurie

Duvoisin Coût/m3 13,25gdes 26,5gdes 25gdes 39,75gdes BP : 25g/mois

BF: 15g/fam. six

mois

25g/mois

Et

10g/fam/mois

25g/mois

10g/fam/mois

Tableau 19 : Coût de l'eau en milieu rural (Enquête réalisée par Balthazar, 2005)

Souvent, les ONG pratiquent la gratuité de l’eau. Mais pour certains systèmes réhabilités par

leurs soins et non gérés par le SNEP, le prix de l’eau est de l’ordre de 25gourdes /mois pour

les raccordements privés et 10 gourdes par borne fontaine par famille, par mois. Au niveau

des systèmes gérés par les BDS (Bureau Déconcentré du SNEP) le prix varie de 44 gds à 110

gds pour les branchements privés et l’eau est en général gratuite aux bornes fontaines.

Au niveau des POCHEP, l’eau est semble-t-il gratuite. L’eau est gratuite aux fontaines

publiques ou alors vendue à un moindre coût de 0,25 à 0,75 $ US par mois. Le boukit en

milieu rural peut aussi être vendu 0,25 à 0,50 gds (ISF/CANADA cité par Niyungeko, 2005).

Quand les pauvres paient l’eau plus chère … Les calculs effectués à partir d’informations recueillies auprès des consommateurs et des

services publics responsables de l’approvisionnement en eau potable montrent que le m3

d’eau coûte 13,75 gourdes pour les détenteurs de branchements particuliers et 29.05 gourdes

pour les ménages à faibles revenus s’approvisionnant à partir de fontaines publiques. Pour une

dotation minimale de 36,5m3/an, le prix pour l’approvisionnement en eau potable par

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personne pour les familles pauvres serait de 1060,3 gourdes/an ce qui représenterait 28.38%

du PIB par habitant (Emmanuel, 1997).

Financement de l’assainissement de base en 2003 (OPS/OMS, 2005) pour un total de

6.527.887 $ US réparti entre :

- la zone métropolitaine : 3.168.882 $ US ;

- les villes secondaires : 2.889.718 $ S ;

- le milieu rural : 459.287 $ US.

Les investissements portaient sur la construction de latrines, le curage de fosses, l’évacuation

des excréta, la collecte des déchets solides, la protection de sources.

Financement du sous- secteur irrigation

Ce sous-secteur bénéficie des financements suivants :

- l’aide internationale à 80% ;

- l’aide de l’Etat : 20% ;

- par la perception de redevances (faible taux de recouvrement).

Pour les systèmes gravitaires, il semble que peu d’usagers interviennent dans le coût du

service. A titre d’exemple, dans la Plaine de l’Arcahaie, il est prévu que les usagers

interviennent pour 250 gourdes par an par carreau. Ces redevances, lorsqu’elles existent, sont

difficiles à percevoir.

Lorsque l’eau est fournie par pompage, ce qui est rarement utilisé en fonction des coûts

énergétiques élevés, les situations sont variables. A titre d’exemple, à Ti Carénage, le coût

horaire de l’eau pompée s’élève à 300 gourdes tandis que dans la Plaine de l’Arcahaie, les

exploitants ne sont pas d’accord pour payer 10 gourdes l’heure.

Les principaux bailleurs de fonds

Les bailleurs de fonds (au nombre de 38 identifiés dans le secteur de l’eau) interviennent à

deux niveaux (Balthazar , 2005) :

- par des financements réalisés dans le cadre des accords de prêts entre les banques

(BID, Banque Mondiale) et des structures autonomes de l’Etat (URSEP, FAES) ;

- sous forme de dons aux communautés bénéficiaires par l’intermédiaire d’ONG

locales.

Quelques bailleurs de fonds soutenant des actions dans le domaine de l’eau :

- Agence française de développement ;

- L’Union européenne, DGCD,

- BID ;

- Banque Mondiale ;

- ACDI,

- UNICEF ;

- FENU ;

- PNUD.

A cause de la crise politique, le gel des investissement touche de plein fouet le secteur :

- la BID a bloqué 55 millions de $ US ;

- les USA, 150 millions de $ US ;

- l’Union Européenne 45 millions de $ US (Sources nouvelles, 2006).

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66

3.9. Le recours à l’expertise en matière d’acquisition de connaissances

Le recours à l’expertise est un des trois leviers de développement durable identifié dans le

domaine de l’eau par l’équipe de recherche du réseau EuroWater à partir de l’analyse de

divers systèmes de gestion de l’eau au sein des Etats membres (Moster, 1999).

En Haïti, une des principales problématiques déjà évoquée et à laquelle nous avons été

directement confrontés lors de cette étude, est un manque de données fiables et actualisées

concernant le domaine de l’eau. Avant la mise en œuvre de tout programme opérationnel, il

est indispensable d’avoir une bonne connaissance de la situation afin de pouvoir poser un

diagnostic valable. Aujourd’hui, ce n’est pas possible et de gros efforts devraient être

déployés pour une mise à niveau des connaissances. Déjà en 1971, un rapport des Nations

Unies insistait sur l’urgence de la collecte de données en Haïti.

La référence la plus significative déjà citée31

, en termes de connaissances du secteur de l’eau,

remonte à 1a fin des années 80. Sous l’égide des Nations Unies, une vaste étude consacrée au

développement et à la gestion des ressources en eau en Haïti a été menée, en étudiant la

disponibilité en eau et l’adéquation aux besoins. Une cinquantaine de rapports ont été

produits, les données nationales étant déclinées à l’échelle régionale. Cette étude a aussi

conduit à préciser les missions du SNRE qui devait prendre le relais de cette initiative

onusienne.

Les importants moyens mis en œuvre ont permis de réaliser des inventaires à partir de 4.500

points d’eau, 17 stations limnimétriques, 55 forages, 63 sources contrôlées et 100 piézomètres

à relevé mensuel. Des banques de données ont été constituées et importées dans un atlas SIG :

HYGEOM (eaux souterraines), HYDROM (eaux superficielles) et CLICM (climatologie). 8

autres banques de données plus spécialisées ont été moins développées : ANACHIM, AEP,

BIBLIO, GEOPHYS, ACTIF (forage), MWELLS (bilan de nappe), MHYDRO(pompage

d’essai), PIEZO(fluctuation des niveaux piézomètriques). Bref, on peut dire qu’en 1990,

l’Etat disposait d’une bonne image de la situation dans le secteur de l’eau en Haïti, du moins

concernant le sous-secteur : disponibilités et besoins.

Aujourd’hui, que reste-t-il ? A part les rapports toujours disponibles (notamment auprès des

servies de la bibliothèque du PNUD à Port-au-Prince), le système d’acquisition et de gestion

des données mis en place n’a pas survécu et le SNRE est plutôt inexistant.

Que retenir de cette expérience ?

Le recours à l’expertise a bien fonctionné, les compétences locales et nationales qualifiées

existaient et les équipes ont réalisés un excellent travail, avec en complément le concours

d’experts internationaux de haut niveau.

Mais le projet a dû fonctionner comme une entité relativement autonome, sans intégration

véritable avec la structure administrative environnante, le MARNDR. C’est sans doute une

des raisons qui peut expliquer l’échec du SNRE. En termes de moyens humains, 5 Ingénieurs

avaient été recrutés mais finalement n’ont pu être intégrés dans les services du MARNDR par

manque de ressources financières. Sans eux, il était difficile d’envisager une préservation et

une consolidation des acquis du projet qui se voulait résolument évolutif pour permettre un

suivi actualisé.

Il s’agit aujourd’hui de reconstruire cette expertise et 15 ans après, toujours le PNUD, en

collaboration avec l’UTSIG (voir ci-après), mène une réflexion sur la mise en place d’un

31

(voir avant-propos)

Page 67: Analyse contextuelle en matière de Gestion Intégrée des ... · Analyse contextuelle en matière de Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) en Haïti DRAFT – Version 04

67

observatoire national sur l’environnement et la vulnérabilité (ONEV) comprenant un sous-

secteur Eau. Cette étude, toujours en cours, envisage d’orienter les interventions de l’ONEV

dans les domaines suivants : la législation de l’eau, l’hydrométéorologie, la qualité de l’eau

destinée à la consommation humaine, la caractérisation des eaux usées, le suivi des eaux

souterraines, l’observation des bassins versants et les eaux transfrontalières (Emmanuel, mars

2005).

Entre-temps, à travers le projet « Système de suivi du secteur de l’eau potable et de

l’assainissement (WASAMS) », l’OPS/OMS a pu continuer à collecter des données

d’intervenants dans le secteur, à les centraliser et à les traiter. Celles-ci sont diffusées via les

rapports OPS/OMS produits.

Dans le domaine de l’irrigation, le Service d’Irrigation et de Génie Rural (SIGR) du

MARNDR devait fournir des données concernant les périmètres irrigués mais aujourd’hui,

dans ce domaine également, les informations font défaut.

Des données relatives à la caractérisation des unités hydrographiques représentées par les 34

sous-bassins, ont apparemment pu être numérisées dans le cadre du Programme de

Formulation de la Politique de l’Eau (PFPE) avec l’intervention du Service d’Aménagement

des Bassins Versants (SABV) du MARNDR.

Un autre acteur peut aussi être mobilisé à propos de la production et de la représentation

spatiale des données. Il s’agit de l’Unité de Télédétection et de Systèmes d’Information

Géographique (UTSIG) du Ministère de la Planification et de la Coopération Externe

(MPCE). Ce service qui dispose d’un matériel adéquat a pu produire à partir de traitement

d’images satellitaires, des orthoplans pour tout le pays. Leurs travaux portent essentiellement

sur une approche géographique, le SIG n’étant pas exploité vraiment. Leurs compétences

peuvent être sollicitées notamment par des ONG. Ainsi, PROTOS est actuellement en

négociation avec UTSIG pour développer dans ce cas un véritable SIG en appui au projet de

gestion intégrée du bassin versant de la rivière Moustiques. Notons qu’en termes de SIG, un

contact a également été pris par PROTOS avec le service géographique de la MINUSTAH qui

dispose également d’images satellitaires.

Par ailleurs, l’apport des universités haïtiennes et étrangères concernant la production de

connaissances relatives au domaine de l’eau est loin d’être négligeable et mériterait d’être

mieux valorisé et exploité. Emmanuel (mars 2005) met en exergue les travaux du Programme

de Maîtrise en Développement Urbain et Régional du Centre de Technique de Planification et

d’Economie Appliquée CTPEA, l’Unité de Recherche en Environnement (URE) de la Faculté

des Sciences de l’Université d’Etat et la Laboratoire de Qualité de l’Eau et de

l’Environnement de l’Université Quisqueya.

A nouveau, comme pour l’ensemble du domaine de l’eau, l’expertise en termes de production

de connaissances souffre d’un manque d’organisation, d’un manque d’implication des

institutions et de moyens humains et financiers insuffisants.

3.10. Haïti et la Communauté internationale

La Décennie internationale de l’Eau Potable et de l’Assainissement (DIEPA) lancée en

novembre 1980 par les Nations Unies a permis de mobiliser les forces vives haïtiennes dans le

domaine de l’eau. « De l’eau pour tous en l’an 2000 », tel était le slogan de la décennie de

l’eau qui a dynamisé l’Etat haïtien en vue d’améliorer l’accès à l’eau potable en zones rurales

et à déboucher vers la création des POCHEP. Au cours de cette décennie (1981-1989), le total

des investissements en vue d’améliorer l’accès à l’eau a atteint 72.613.231 $ US. Le taux de

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68

couverture en alimentation en eau est passé de 18% en 1981 à 39% en 1989. Dans le même

temps, le taux de couverture concernant l’assainissement de base est passé de 17,5% à

23,5%32

.

Mais en consultant les rapports évoquant cette période, on peut constater que beaucoup

d’espoir était mis dans ce défi qui consistait à satisfaire les besoins en eau potable et en

assainissement des populations des pays en développement. Mais rapidement, les déficiences

ont été imputées, non pas à un manque de ressources mais à un problème de gestion des

services collectifs urbains.

Les objectifs du millénaire (ODM) affichent quant à eux un programme moins ambitieux, à

savoir la réduction de moitié, à l’horizon 2015, du nombre de personnes n’ayant pas accès à

l’eau et à l’assainissement. Pour Haïti cela représente d’ici 2015, la fourniture d’eau à 25% de

la population haïtienne qui ne fait que croître, avec un taux de croissance de 2,3% par an

(population estimée en 2015 de l’ordre de 11 millions).

Selon le CCI, la couverture en alimentation en eau de 54,8% en 2002 devrait atteindre 75% en

2015 et l’assainissement de 31,1% en 2002 à 65% en 2015. On évoque un coût total annuel

d’investissement de 32 millions de $ US pour permettre à 142.000 personnes d’accéder

chaque année au service d’alimentation en eau et à 159.000 de profiter d’un assainissement

(HydroConseil, 2005). Selon ces mêmes sources, il serait préférable de respecter un calendrier

en deux phases :

- de 2005 à 2008 : la mise en œuvre d’une feuille de route (une étape intermédiaire qui

permette une « montée en puissance ») ;

- de 2008 à 2015 : un plan d’action pour atteindre en 2015 les ODM.

Encore faut-il que les moyens financiers et humains, en terme d’encadrement, soient à la

hauteur de ces ambitions.

La tâche est donc importante et on sent, à l’avance, un sentiment de résignation face à cet

objectif inaccessible. Si les haïtiens ont cru en la décennie internationale de l’eau,

aujourd’hui, dans le contexte socio-politique instable, ils n’y croient plus. Rappelons que c’est

notamment le cas de Chavannes(2005) qui pense que les ODM ne pourront pas être atteints.

Au contraire, selon le responsable du MPP, la situation en 2015 sera pire qu’en l’an 2000.

En terme d’engagement international nous devons aussi noter l’adhésion d’Haïti aux

résolutions prises (en octobre 2001) par les pays membres de l’Institut Interaméricain de

Coopération pour l’Agriculture (IICA) et aux lignes d’action définies par le bureau du conseil

intergouvernemental du programme hydrologique PHI de l’UNESCO qui sera lancé en 2008,

à savoir :

- améliorer et affiner la connaissance des ressources en eau pour mieux les gérer ;

- gérer les ressources hydriques de façon intégrée ;

- protéger la qualité de l’eau en luttant, entre autres, contre sa pollution ;

- promouvoir la formation dans les métiers de l’eau ;

- diffuser des informations sur les ressources hydriques et sur leur valeur économique

(note MARNDR, non datée).

L’Etat Haïtien pourra-t-il tenir ses engagements et rencontrer les préoccupations des Nations

Unies et de la communauté internationale en vue d’améliorer les services de l’eau ? Cet

encadrement international a la chance d’exister et peut constituer, comme dans d’autres pays,

32

(données valables pour l’ensemble du pays, HydroConseil, 2005)

Page 69: Analyse contextuelle en matière de Gestion Intégrée des ... · Analyse contextuelle en matière de Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) en Haïti DRAFT – Version 04

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un guide et une aide à la définition et à la justification d’une politique nationale en cohérence

avec les défis globaux planétaires.

Par ailleurs, le thème retenu par le 4ème

Forum mondial de l’eau organisé en mars 2006 à

Mexico « Des actions locales pour un défi global » est une invitation de plus à mettre en

œuvre concrètement, dans les bassins versant, une approche GIRE au niveau local.

3.11. Conclusions du chapitre 3

Ce chapitre consacré à l’organisation de la gestion de l’eau apparaît quelque peu confus et

complexe, à l’instar de la situation haïtienne. Nous retiendrons une multitude d’intervenants

pas toujours animés d’un souci commun, une absence de structure coordinatrice et des lacunes

en termes de vision et de planification du secteur. Cette présentation démontre bien les

incapacités de l’Etat et de ses institutions à fournir des réponses satisfaisantes aux besoins des

populations. Mais parallèlement à la démarche institutionnelle, existent une série d’autres

acteurs qui portent aussi leur part de responsabilités.

Confronté à la gestion de l’urgence à laquelle certaines ONG ont l’habitude de répondre, on

peut cependant regretter un manque d’analyse critique et de vision à long terme pour un

développement durable dans le secteur de l’eau. Pourtant des pistes d’amélioration à travers

un nouveau cadre légal méritent d’être exploitées. Celles-ci, mises en exergue dans la chapitre

suivant, représentent autant de leviers en faveur de la GIRE.

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70

4. Analyse de la GIRE au niveau MACRO

A la question de savoir si la GIRE est d’application en Haïti, on est tenté de répondre par la

négative. Le faible intérêt porté à la GIRE a pu être confirmé par la plupart des documents

consultés, ceux-ci ne faisant pratiquement pas référence à cette approche. Par ailleurs, au

niveau des personnes interrogées, celles-ci font référence à des notions relativement floues et

imprécises de ce qu’est la GIRE. Alors qu’à priori toutes les personnes rencontrées semblent

favorables à ce genre d’approche, celle-ci reste assez théorique et on ne peut pas dire que les

acteurs se soient appropriés le concept et tentent de l’appliquer concrètement dans leur secteur

d’activités.

Ce chapitre spécifiquement consacré à la GIRE en Haïti s’appuie sur les éléments rassemblés

et présentés précédemment. Ceux-ci feront l’objet d’une réorganisation en référence à la

méthode SEPO (Succès, Echecs, Potentialités et Obstacles). Dans un second temps, seront

proposées des pistes de réflexions en termes organisationnels, en vue de mieux faire rentrer

une approche GIRE dans la politique de l’eau en Haïti. Mais avant d’aborder ces aspects,

attardons-nous sur quatre apports en faveur de la GIRE.

4.1. Les rendez-vous « manqués » de la GIRE : quatre leviers à mieux exploiter

Quelques évènements ont marqués la réflexion GIRE au cours de ces dernières années. Ceux-

ci mettent en exergue ce mode de gestion de l’eau, à divers niveaux, que ce soit en matière de

réflexions conduisant à des reformulations de politiques ou à travers des rencontres

scientifiques ou ateliers de travail. Nous avons particulièrement retenus :

- le projet de décret sur la gestion de l’environnement ;

- les travaux de reformulation de la politique de l’eau et un projet de loi-cadre sur l’eau ;

- l’atelier de concertation interministérielle relatif à la gestion des bassins versants en

2000 ;

- le colloque GIRE de 2002.

4.1.1. Le décret sur la gestion de l’environnement

Le projet de décret sur la gestion de l’environnement consacre un volet important à la gestion

de l’eau. Celui-ci a fait l’objet d’une première présentation au début du chapitre 3. Rappelons

l’article 109 qui précise que « … L’Etat doit assurer une gestion intégrée durable des

ressources hydriques qui garantisse leur pérennité, leur qualité, l’accès de la population à leurs

bienfaits ainsi que la prévention des risques qui leur sont liés du fait de phénomènes naturels

ou d’activités anthropiques ». La volonté de l’Etat en faveur de la GIRE est donc clairement

exprimée.

4.1.2. La reformulation de la politique de l’eau et le projet de loi-cadre

Le projet s’inspire fortement de la nouvelle loi française de 1992. Il présente l’avantage de

définir un cadre sous la tutelle d’un ministère chargé de l’eau. De nombreux principes de

développement durable et de GIRE sont exprimés.

Cette politique se base sur l’importance de la protection de l’environnement, dont les

ressources en eau et les écosystèmes aquatiques tout en mobilisant des principes de

protection, de prévention, de précaution et la notion de patrimoine commun. Cette démarche

implique de prendre en compte les aspects techniques et administratifs (principes d’unité de la

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71

ressource, de gestion intégrée, de gestion équilibrée, de participation des utilisateurs, et

d’indépendance des organes de régulation et d’exploitation) ainsi que des aspects

économiques et financiers (principe de la valeur économique de l’eau et de la récupération des

coûts afférents aux usagers).

On peut regretter qu’en matière de planification, seul des plans pour les grandes unités

hydrographiques sont prévus (à l’instar des SDAGE en France, seuls schémas rendus

obligatoires par la loi de 1992). La mise en place de commission de bassin est relativement

floue, tout en pouvant initier des expériences pilotes sur certains bassins ou aquifères.

De nombreuses autres mesures (redevances, assainissement, police de l’eau, …) méritent

également un apport de précisions qui peuvent se traduire via des textes d’application.

4.1.3. L’atelier relatif à la gestion des bassins versants

L’atelier de concertation interministérielle pour la gestion des Bassins versants permet à

certains égards servir également de levier en repositionnant à sa juste place l’importance du

territoire dans le cycle de l’eau. On ne peut en effet ignorer la dimension spatiale de la

problématique de l’eau (voir figure 18).

On peut cependant regretter que les discussions en groupes de travail ont notamment été

consacrées à classer prioritairement les ministères en fonction de leur implication dans la

gestion des bassins versants. Néanmoins les recommandations de cet atelier synthétisées

précédemment33

méritent d’être mieux valorisées.

4.1.4. Le Colloque relatif à la GIRE en Haït (juin 2002)

Un Colloque International relatif à la Gestion Intégrée de l’eau en Haïti a été organisé à Port-

au-Prince du 26 au 28 juin 2002, sous la direction d’Evens Emmanuel et de Paul Vermande.

C’était l’occasion, entre scientifiques d’horizons différents de mieux documenter la démarche

GIRE, tout en accordant une part importante à la situation en Haïti.

Nous reprendrons ci-dessous les objectifs de ce colloque et une partie des conclusions pour la

gestion durable des systèmes hydriques.

Les objectifs principaux du colloque étaient les suivants:

Développer une réflexion sur la gestion intégrée de l’eau en prenant en considération

les exigences du milieu récepteur ainsi que le devenir des polluants dans les

écosystèmes aquatiques, particulièrement ceux d’Haïti et de la région Caraïbe ;

Faire échanger des scientifiques, partager leurs expériences sur les méthodes et sur les

outils de la gestion des ressources hydriques ;

Elaborer des propositions pour Haïti et pour la région métropolitaine de Port-au-

Prince.

33

Voir chapitre 3 : 3.6. La gestion des cours d’eau et des bassins versants

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72

Figure 18 : Le territoire, interface entre l’eau atmosphérique et les ressources territoriales

Stockage dans les réservoirs continentaux

TERRITOIRE

Constamment occupé et aménagé

PLUIE

Actions préventives

d’aménagement

à effet qualitatif

et quantitatif

sur les ressources en eau

Infiltration

Percolation

Eaux Sout. Eaux de Surface

(cours d’eau, lacs, zones humides)

Ruissellement

Usages et Fonctions à garantir

Besoins à satisfaire

Actions

Curatives

Evapotranspiration

Page 73: Analyse contextuelle en matière de Gestion Intégrée des ... · Analyse contextuelle en matière de Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) en Haïti DRAFT – Version 04

73

En synthèse du colloque GIRE, pour que la gestion durable des systèmes hydriques soit

effective, il est noté de porter un effort particulier sur les aspects suivants :

la mise en place d’un cadre institutionnel prenant en compte la diversité des acteurs en

présence tout en évitant la confusion des rôles ;

le renforcement du pouvoir et des capacités d’action des collectivités locales ;

la mise en place de normes réalistes compatibles avec le niveau socio-économique du

pays ;

la recherche scientifique permettant d’avoir des éléments de compréhension et de

visibilité des différents processus en cours et de pouvoir anticiper les événements à

venir ;

le financement des actions liées à l’environnement, de manière à les accroître au profit

des municipalités, la professionnalisation des acteurs locaux pourrait y contribuer ;

la culture de la maintenance, du suivi de la qualité de l’eau devrait être renforcée à

travers les actions de formation et des démarches transdisciplinaires.

De plus, il est ressorti de ce colloque que la gestion durable de l’eau doit pouvoir s’appuyer

sur les démarches suivantes qui constituent autant de conditions nécessaires :

Analyser systématiquement les conséquences des activités anthropiques sur la

modification du cycle de l’eau et procéder à des études d’impact sur l’environnement ;

Revisiter le concept de pollueur- payeur en prenant en compte l’importance du secteur

informel dans lequel se déroule plus de la moitié des activités génératrices de

pollution ;

Intégrer les usagers dans la définition des mesures de protection des systèmes

hydriques et assurer aux plus démunis une augmentation de leurs revenus avec pour

contrepartie l’abandon des pratiques non respectueuses de l’environnement ;

Renforcer les capacités des collectivités locales de manière à ce qu’elles puissent

assurer le suivi de la qualité des eaux et mettre en œuvre les dispositions

réglementaires ;

Former davantage de techniciens de l’eau capable de créer des unités privées pour le

suivi de la qualité de l’eau et de l’ensemble du système hydrique ;

Etablir des plans d’action prenant en compte la sensibilisation, la formation et la

diversité des pratiques et des acteurs ;

Définir des programmes de Recherche-action ou de Recherche-développement, en

adéquation avec les priorités de développement et avec la gestion durable des

systèmes hydriques ;

Promouvoir les approches de gestion participative des systèmes d’approvisionnement

et d’assainissement en incluant les élus locaux.

Mais au final de ce colloque, c’est l’ancien Premier Ministre haïtien, Monsieur Jacques

Edouard Alexis qui conclut en déclarant que « L’important, ce sera le suivi du colloque ».

Ce suivi peut ce faire à trois niveaux :

- l’Information qui a été donné aux étudiants pourra permettre d’initier des vocations

professionnelles et peut-être des vocations de chercheurs ;

- Pour les universitaires, certains exposés ont démontré que des actions de recherche

pourraient être entreprises, poursuivies et améliorées en Haïti si quelques équipes

pluridisciplinaires se constituent et se dotent d’un minimum de matériels scientifiques. Une

partie de leur financement est à rechercher dans des projets ou des programmes de recherche-

action, dans des consultations pour divers organismes et pour les pouvoirs publics, dans des

actions de coopération et de partenariats avec des collègues étrangers ;

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- Pour les gestionnaires de l’eau, c‘est dans chaque pays et spécialement en Haïti qu’il faut

utiliser les échanges qui ont eu lieu dans le colloque.

Une fois de plus, indépendamment des présentations générales, le secteur de

l’approvisionnement en eau a mobilisé la plupart des participants. La gestion des écosystèmes

et des milieux aquatiques, la prise en compte d’autres usages et fonction de l’eau méritaient

une part plus importante.

Si cette rencontre reste un moment important dans la réflexion menée à propos de la GIRE, on

peut se demander ce qu’il reste aujourd’hui de ce colloque. Quel suivi effectif a-t-il été

accordé ? Les Universités ne se sont-elles pas retrouvées isolées pour valoriser au mieux les

perspectives développées en 2002. La production principale de ce colloque, selon Emmanuel,

a été la création d’un Master en Gestion de l’environnement, mais dont le programme, jusqu’à

présent ne contient aucun module consacré à l’approche GIRE.

4.2. Haïti, en dehors de la mouvance planétaire …

Ces points forts peuvent constituer des leviers en faveur de la GIRE et méritent d’être

capitalisés dans ce sens, mais concrètement, la réflexion en Haïti ne semble pas avoir

progressé, alors qu’à travers le monde, la GIRE devient de plus en plus une approche

référentielle. Suite au gros investissement d’Haïti lors de la Décennie Internationale de l’Eau

et les espoirs mis dans le défi à relever « De l’eau pour tous en 2000 », la situation chaotique

du pays ne semblait pas favorable pour suivre l’évolution de la réflexion de la communauté

internationale médiatisée lors des grands rendez-vous onusiens (Lahaye, 2000, Johannesburg,

2002, Kyoto, 2003, …).

Le langage simpliste et utopique du slogan « De l’eau pour tous en 2000 », s’est rapidement

trouvé confronté à des difficultés d’application. Alors, on a abordé le problème de l’eau en

terme de Vision mondiale (voir Lahaye, 2000) avant de s’intéresser aux ODM (Joannesburg,

2003) pour mettre en évidence l’intérêt d’actions locales pour un défi global (Mexico, 2006).

Parallèlement, l’approche par bassin versant, l’intégration des différentes composantes du

secteur de l’eau, la participation des acteurs étaient développées. A l’inverse de l’Afrique de

l’Ouest par exemple, qui s’est engouffrée dans la GIRE, du moins au niveau de la définition

de nouvelles politiques de l’eau34

, Haïti ne semble pas avoir tenter de prendre le train de la

GIRE en restant le nez face à une situation d’urgence interpellante, à savoir qu’aujourd’hui

environ 50% de la population n’a pas accès à l’eau. Face à cette préoccupation de premier

ordre, il n’est pas surprenant de constater que la politique de l’eau en Haïti soit restée très

sectorielle. Aussi, c’est logiquement que l’alimentation en eau potable mobilise la plupart des

acteurs. Mais il ne suffit pas d’avoir accès à l’eau, encore faut-il apporter à la population une

réponse satisfaisante aux besoins alimentaires. Un deuxième secteur considéré sera donc

l’agriculture et particulièrement le secteur de l’irrigation, grande consommatrice des

ressources en eau (80%).

Les autres fonctions et usages ne sont guère pris en compte et on ne peut pas dire qu’une

gestion intégrée se développe, à travers une intégration des savoirs, des politiques, des

acteurs, …

Il semble aussi que l’on n’ose pas poser la question en termes de développement durable,

peut être en ayant peur de la réponse. Cette notion est absente des réflexions en cours.

34

Encore faut-il être plus modeste et moins optimiste en termes d’application sur le terrain.

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75

4. 3. Analyse de la GIRE à travers la méthode SEPO

L’exercice est d’autant plus difficile que nous ne pouvons mener cette réflexion à partir d’un

état initial (virginal) mais qu’il est indispensable de prendre en compte tout ce qui existe à ce

jour dans le domaine de l’eau. Les changements en douceur sont à privilégier par rapport aux

changements radicaux. Vouloir effacer tout ce qui s’est fait jusqu’à présent serait une erreur.

Il faut donc laisser le temps de la réflexion et de l’appropriation de la GIRE par les acteurs et

la société civile.

Il est aussi évident que la situation chaotique actuelle ne permet pas d’être en possession de

tous les éléments internes qui devraient servir à mieux documenter la situation réelle (même si

les informations véhiculées sur le Web à propos de la problématique de l’eau en Haïti sont

abondantes). Le contexte actuel ne constitue certes pas un champ d’investigation favorable

pour mener calmement une analyse objective et harmonieuse en vue d’un développement

durable. On peut aussi se demander si le moment est bien choisi pour développer une telle

réflexion, la préoccupation GIRE étant aux antipodes des défis urgents que doit relever le

pays si celui-ci veut vraiment rester debout. N’est-ce pas un luxe ou un exercice académique

que peuvent se permettre des intervenants extérieurs étrangers à la situation vécue au

quotidien dans ce pays ?

D’aucuns avancent qu’il n’existe pas de véritables « bons moments » pour mener ce genre

d’investigation et que les situations de tensions peuvent aussi générer des énergies et devenir

le creuset de leviers de mobilisation pour améliorer une situation qui peut prendre des allures

d’injustice. Quoiqu’il en soit, cette analyse contextuelle de la GIRE en Haïti, réalisée dans des

conditions difficiles et qui ne peut être que partielle et incomplète, devrait être réexaminée à

la faveur d’un contexte plus paisible.

Même si cette dimension GIRE n’apparaît pas au quotidien, nous avons malgré tout tenter

l’exercice de dégager des éléments, ensuite des tendances, positives ou négatives en faveur de

la GIRE sur base d’expériences acquises et en termes de prospectives. Nous nous sommes

appuyé sur la méthode SEPO pour synthétiser cette analyse critique35

. Il s’agit bien sûr de

listes non exhaustives que des acteurs impliqués dans la gestion de l’eau en Haïti pourront

compléter. L’atelier de restitution en fin de seconde mission a été l’occasion de recueillir une

première fois les réactions et les apports des participants. Parmi les principaux éléments en

caractères gras, les plus significatifs seront synthétisés dans la figure 19 décrivant les

principales tendances en faveur ou non de la GIRE.

LES SUCCES

Quelques éléments de succès qui pourraient être capitalisés en vue de développer la GIRE en

Haïti :

- l’eau est un bien appartenant à l’Etat, notion de patrimoine commun à tous les

haïtiens ;

- la situation hydrographique du pays avec le découpage du pays en 6 grandes unités

hydrographiques et une trentaine de sous-bassin qui peuvent constituer des espaces

de gestion de l’eau ;

35

La méthode SEPO (Succès – Echecs – Potentialités - Obstacles) est une méthode participative qui consiste à

analyser un projet, un programme d’actions ou une situation, en mettant en exergue des tendances passées et

futures, positives et négatives qui influence l’objet de l’analyse.

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76

- la forte mobilisation autour de la Décennie Internationale de l’Eau ;

- une forte participation communautaire inscrite dans la culture haïtienne et l’intérêt à

vouloir contribuer à la prise de décision à différents niveaux ;

- des rencontres, ateliers, colloques, séminaires en vue d’alimenter la réflexion sur

l’amélioration de la situation ;

- un appui financier important de la part des bailleurs de fonds et des organismes

internationaux ;

- une forte implication d’ONG et de structures religieuses qui ont développé une

expertise dans le domaine ;

- des réalisations locales concluantes qui ont conduit à la satisfaction des besoins des

populations (expl : projet GRET, un modèle de gestion locale à Port-au-Prince)

- d’autres projets d’ONG qui ont connu un succès en termes de réalisations et de

gestion ;

- …

LES ECHECS

Les Eches qui ont retardé cette tendance vers la GIRE, mais qui peuvent être exploités en

termes de leçons à tirer pour l’avenir :

- un passé historico-politique mouvementé sur lequel il n’est pas possible de

construire des modèles efficaces d’organisation du pays ;

- la pauvreté chronique et l’ignorance ;

- un manque de culture de l’eau et de conscience nationale dans ce domaine ;

- l’Echec de la Décennie internationale de l’Eau, un espoir déçu pour les haïtiens et

l’échec de n’avoir pu satisfaire les besoins en eau ;

- le souci de conserver ses prérogatives et une difficulté de remise en question ;

- des lacunes concernant les connaissances du secteur (absence de réseaux de mesures

et de banques de données);

- un manque de compétences de la part des acteurs, à tous les niveaux ;

- des technologies mal maîtrisées et une utilisation non rationnelle des ressources ;

- des conflits entre Ministères et services institutionnels (MTPTC / MARNDR /

MDE) ;

- une multitude d’intervenants et des incohérences à différents niveaux (entre

politiques, entre programmes, …)

- l’absence d’une structure faîtière de coordination ;

- une situation chaotique générale dans un Etat qui a perdu sa légitimité et incapable

d’apporter des réponses aux besoins des populations ;

- les métiers de la fonction publique mal rémunérés et sans garantie de stabilité

professionnelle entraînant un désengagement des agents vers le secteur privé mieux

considéré ;

- un cadre législatif incomplet et sectoriel ;

- un discours officiel différent des pratiques ;

- la difficulté d’un financement durable du secteur (les pauvres paient l’eau plus cher

que les autres usagers) et une difficulté du recouvrement des coûts ;

- une situation dégradée en termes d’hygiène et de santé publique ;

- un environnement soumis à d’énormes pressions et fortement dégradé ;

- la non prise en compte des milieux et des bassins versants ;

- une urbanisation anarchique et un exode rural massif ;

- la faiblesse et le mauvais entretien des infrastructures ;

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- les trop nombreux projets qui se sont terminés sur des échecs (dégradation des

installations mises en place, vandalisme, incapacité de gestion, manque de pérennité

du projet, …) ;

- une gestion non durable des besoins énergétiques et de l’occupation de l’espace ;

- la vulnérabilité des installations face aux catastrophes naturelles régulières ;

- le manque de coordination des projets d’ONG36

et des financements extérieurs,

l’éparpillement des actions de développement ;

- un manque de volonté de l’Etat en faveur d’une gestion performante du secteur ;

- une mauvaise gestion des fonds octroyés ;

- …

LES POTENTIALITES

Malgré ce passé où les échecs pèsent plus que les succès, nous allons tenter de dégager pour

l’avenir quelques potentialités sur lesquelles il devrait être possible de s’appuyer pour

construire la GIRE :

- malgré les difficultés actuelles, ne faiblit pas l’élan naturel de la part des haïtiens à

vouloir participer à la prise de décision à différents niveaux

- des potentialités en termes de ressources en eau disponibles (seulement 10% des

ressources renouvelables sont utilisés), en termes de production hydroélectrique et en

termes de nouvelles terres irrigables ;

- l’eau peut être un levier de cohésion sociale pour aider à la reconstruction du pays ;

- la valorisation de l’expertise importée en lien avec les programmes de financement ;

- le souhait de poursuivre l’aide au développement dans le chef des ONG et l’appui

financier extérieur, avec un déblocage et une augmentation des fonds octroyés ;

- une expertise scientifique nationale (universités, bureaux d’études) en demande de

collaboration ;

- des mouvements de femmes en devenir ;

- le souci de vouloir réformer le secteur de l’eau et de repositionner l’Etat en termes

de légitimité ;

- des expérimentations de la future loi-cadre sur l’eau (expl : le projet COCEPA de

PROTOS à Camp Perrin) ;

- une volonté de décentralisation ;

- le souci d’une approche par bassin et du respect des écosystèmes de la part du

MARNDR en vue d’une gestion patrimoniale ;

- un souci de développer une expertise d’ingénierie sociale en complément d’expertise

technique ;

- la volonté de participation des acteurs locaux ;

- l’implication possible du secteur privé ;

- …

LES OBSTACLES

L’espoir que pourrait susciter les potentialités décrites ci-dessus risque de se heurter à une

série d’obstacles qu’il sera bon d’identifier et tenter de les contourner ou de les supprimer :

- l’avenir politique incertain et une stabilité à retrouver ;

- la faiblesse chronique des institutions ;

36

Souvent , le SNEP ne se sent pas concerné par les projets des ONG.

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- un manque de confiance de la part des populations dans l’Etat et dans les

institutions ;

- des cadres de personnel vides suite au départ des compétences vers des organismes

offrant de meilleures conditions de travail (organismes internationaux, secteur privé,

ONG) ;

- un frein aux changements de mentalités des dirigeants et cadres, jaloux de

conserver leurs prérogatives et peu enclin à une remise en cause de leur

fonctionnement avec le souci de maintenir une hégémonie très sectorielle ;

- les exigences de l’aide internationale et le poids des bailleurs de fonds ;

- une pauvreté qui subsiste et l’ignorance des populations qui persiste ;

- les catastrophes naturelles à venir et les changements climatiques ;

- des ressources en eau limitées dans un pays où l’eau douce est très vite perdue dans

la mer ;

- une tendance à la diminution des ressources (diminution des débits en eaux de surface,

et du niveau des nappes) ;

- la gestion des eaux transfrontalières et la pression énergétique ;

- un espace et des ressources naturelles limités pour répondre à une croissance

démographique en pleine expansion ;

- des moyens insuffisants pour réussir la décentralisation ;

- la dette extérieure du pays ;

- le manque de connaissances et de compétences des nouveaux responsables au sein

des communes ;

- un financement durable qui est loin d’être acquis et un refus de participer aux

recouvrements des coûts des services de l’eau ;

- la multiplicité d’ONG et de projets menés sans coordination ;

- les limites du bénévolat en termes de participation citoyenne ;

- …

+

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79

Figure 20 : Tendances vers la GIRE à partir d’une analyse selon le modèle SEPO

4.4. Pour que la GIRE devienne effective

-

Passé Avenir

- passé politique mouvementé

- pauvreté chronique et ignorance

- manque de connaissances et de

compétences

- absence d’une structure de

coordination

- cadre législatif incomplet et

sectoriel

- non prise en compte des milieux et

BV

- manque de coordination de projets

- difficulté d’un financement durable

- l’eau : un bien d’Etat

- 6 unités hydrographiques

- participation communautaire

- forte implication d’ONG

- réalisations locales concluantes

- appui financier externe important

- potentialités en ressources en eau

- l’eau, un levier de cohésion sociale

- valorisation de l’expertise

- poursuite de l’aide au développement

- augmentation des fonds

- mouvements de femmes

- volonté de décentralisation

- participation des acteurs locaux

- approche par bassin

- implication du secteur privé

- avenir politique incertain

- faiblesse chronique des institutions

- freins au changement

- gestion des eaux transfrontalières

- pauvreté et ignorance persistantes

- difficultés de financement et de

recouvrement des coûts

- décentralisation en manque de moyens

- limites du bénévolat

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80

La GIRE n’est pas seulement un problème technique. D’abord, une des premières conditions

est une acceptation de l’approche. Il s’agit de créer un esprit favorable en admettant, dans le

chef de chacun des acteurs, de s’engager dans une démarche de participation, ce qui peut

impliquer une remise en question des habitudes précédée par un changement des mentalités.

Cela peut signifier l’abandon de certaines prérogatives, développer des rapports institutionnels

différents, accepter l’arrivée de nouveaux acteurs dans la participation aux processus de

décision, …

Investir dans l’ingénierie sociale implique de développer une culture de l’eau, de rendre le

domaine transparent, de veiller à une politique de communication performante, tout en ayant

une bonne connaissance des acteurs concernés et en créant des espaces de participation.

Enfin, on pourra s’intéresser à l’intégration à travers une démarche transversale et

interdisciplinaire :

- intégration des connaissances, des savoirs ;

- intégration des politiques et remise en cause de l’arsenal législatif ;

- intégration de différentes composantes environnementales ;

- intégration de l’ensemble des fonctions et usages de l’eau (des besoins physiologiques

de base aux besoins moraux et à la fonction sacrée de l’eau) ;

- choisir un espace de gestion adéquat ;

- développer l’expertise nationale et locale, en collaboration avec l’expertise externe ;

- prévoir des structures de coordination.

Mais la GIRE, c’est aussi prendre en compte :

- des éléments internes au pays :

o la démographie et les difficultés d’un développement humain harmonieux ;

o les capacités organisationnelles du pays ;

o le cycle naturel et le cycle anthropique de l’eau ;

o la satisfaction des besoins énergétiques (problème du charbon de bois) ;

o l’occupation de l’espace et les pratiques d’aménagement du territoire ;

o la protection des écosystèmes et la biodiversité ;

o les activités liés à l’eau : agriculture, industrie, loisirs, … ;

- des éléments externes au pays :

o les eaux transfrontalières ;

o les changements climatiques ;

o la gestion des risques naturels.

Pour que tout cela fonctionne, il est indispensable de pouvoir compter sur des structures de

participation mises en place au niveau adéquat. Il ne suffit pas de créer des structures

supplémentaires, encore faut-il assurer leur bon fonctionnement.

Remarque : Une structure de coordination

Très souvent, c’est la première condition citée pour parvenir à la GIRE en Haïti. Mais il ne

suffit pas de créer une structure de plus, encore faut-il assurer son bon fonctionnement.

Rappelons-nous qu’il existe depuis 1996, une structure interministérielle en matière de

sécurité alimentaire. Il s’agit de la Coordination nationale de la sécurité alimentaire (CNSA).

Le bon fonctionnement de cette structure s’est trouvée confrontée à une absence de priorité

politique, une vision restée sectorielle au niveau de l’appareil politico-administratif de l’Etat,

une mise sous tutelle approximative et un manque de légitimité politique et administrative (la

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CNSA étant mieux connue dans les instances internationales qu’au sein même de l’appareil

administratif national).

Selon Pascal Pecos Lundy (2006), aujourd’hui, la CNSA s’apparente à un instrument chétif,

institutionnellement mal placé, négligé et marginalisé, jouissant de peu de légitimité politique,

en manque de moyens et sans approche transversale. Espérons qu’il n’en sera pas de même

pour la structure eau mise en place dans le cadre de la réforme.

4.5. Une proposition organisationnelle de renforcement de la GIRE en 5 étapes, au

niveau MACRO

La philosophie du projet développé ci-dessous s’appuie sur les quatre principes suivants :

- inscrire l’organisation du secteur de l’eau dans un souci permanent de développement

durable pour Haïti ;

- mener une réflexion la plus large possible en faisant entrer la problématique de l’eau dans

tous les domaines du développement humain ;

- privilégier la construction de la GIRE à partir de l’échelon local pour ensuite recomposer des

structures organisationnelles nationales ;

- se servir de l’eau comme une des clés de reconstruction du pays.

La GIRE peut se concevoir en plusieurs étapes, certaines pouvant être menées en parallèle,

tout en faisant appel à des modes d’organisation différents et en passant par différents stades.

Il s’agira notamment :

- de dresser un état des lieux de la situation du secteur de l’eau ;

- de (re)trouver une culture de l’eau par une mobilisation citoyenne nationale ;

- d’adopter un cadre légal adéquat conférant à la GIRE une reconnaissance institutionnelle ;

- de se doter d’outils d’organisation, de gestion et de participation adaptés aux différents

niveaux ;

- de mobiliser les moyens humains et financiers en vue de mettre en œuvre efficacement une

politique GIRE et faire fonctionner les outils de gestion (renforcement des capacités,

développement des métiers de l’eau, amélioration des connaissances, mise en place de

structures de contrôle et de police, …).

La GIRE dans un contexte spatio-temporel

Des espaces de GIRE adaptés

Tout au long du processus décrit ci-après, il sera bon de garder en mémoire les références

spatiales au sein desquelles l’approche GIRE devrait être développée.

Il est évident que c’est le territoire national qui est à prendre en compte mais la GIRE pour

Haïti ne peut se concevoir sans intégrer l’interrelation avec le pays voisin et sans négliger des

phénomènes extérieurs qui peuvent influencer positivement ou négativement toute initiative

de GIRE.

Au sein de cet espace national, le territoire de référence pour la gestion de l’eau est tout

naturellement le bassin versant. Aussi, nous nous appuyons sur les 6 grandes unités

hydrographiques et les 34 sous-bassins décrits depuis longtemps en Haïti.

Enfin, afin d’être en cohérence avec le mouvement de décentralisation, il nous paraît opportun

de décliner l’approche GIRE au niveau local, à l’échelle des communes, voire des sections

communales.

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82

Le temps de la réflexion

Il serait aussi bon d’inscrire cette réflexion dans le temps afin d’éviter des découragements et

des désillusions, des frustrations et de phaser la mise en œuvre de la démarche en se fixant des

échéances réalistes (on se souvient de la décennie de l’eau qui fixait à 2000, la résolution des

problèmes d’accès à l’eau pour tous !). Les objectifs du millénaire (ODM) sont moins

ambitieux mais il ne reste « que » moins de 10 ans avant la nouvelle échéance de 2015.

Pourquoi ne pas conserver cette date mythique pour la GIRE en Haïti ?

Etape 1 : Un projet de livre blanc pour la GIRE en Haïti, support pour une mobilisation

Selon HydroConseil (2005), la priorité absolue est de disposer d’un premier état des lieux

crédible pour 2006 (un état zéro) dans le cadre d’une réflexion sur la mise en œuvre des

ODM. C’est dans ce sens que nous souhaitions proposer de dresser un état des lieux dans un

contexte GIRE, pas uniquement pour le secteur eau potable et assainissement.

Dans ce document qui devrait faire l’objet d’une version grand public (en créole) seraient

rassemblées toutes les informations disponibles en vue de caractériser le secteur de l’eau au

sens large et ses liens avec les autres politiques (environnement, aménagement du territoire,

énergie, santé, …). Il s’agit de dresser simplement des constats et de poser un premier

diagnostic.

Le document pourrait s’articuler en deux volets. Un premier, à l’échelle nationale présenterait

une vue d’ensemble des caractéristiques des ressources, des milieux aquatiques, des besoins,

des fonctions et usages, des modèles d’organisation existants, du financement du secteur, …

tout en mettant en exergue les spécificités d’Haïti. Un second volet pourrait décliner ces

informations à l’échelle des 6 unités hydrographiques.

Cet exercice pourrait être réalisé par la plate-forme d’expertise scientifique pour la GIRE telle

que décrite ci-dessous.

Etape 2 : (Re)trouver une culture de l’eau à partir d’une mobilisation citoyenne

Visiblement la Décennie internationale de l’eau avait suscité à l’époque la mobilisation des

acteurs de l’eau ; c’était au début des années 80. 10 ans plus tard, avec l’appui de la

coopération française, une table-ronde a été organisée dans chaque département en vue

d’aider à la définition de la politique de l’eau en Haïti, à l’instar des assises de l’eau qui ont

conduit en France à la nouvelle loi sur l’eau de 1992.

Ne serait-il pas possible de s’appuyer sur ces efforts collectifs pour réinitier à nouveau

pareille démarche ? Par ailleurs, dans le cas d’une démarche participative, il est intéressant de

débuter la participation le plus en amont possible en ayant le souci d’une appropriation de la

démarche par chaque acteur.

L’objectif de cette phase de consultation serait double :

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développer une culture de l’eau en sensibilisant et en faisant prendre conscience aux

acteurs de l’eau et aux populations de l’intérêt de l’approche GIRE en montrant que

l’avenir de l’eau est intimement lié à une série d’autres préoccupations et que chacun a un

rôle à jouer (faire entrer une culture de l’eau dans chacun des domaines d’activités

humaines) ;

rassembler les avis sur la question en vue d’aider à la définition d’un cadre légal et à

l’organisation concrète de la GIRE.

Cette mobilisation citoyenne pourrait prendre la forme d’organisation d’Etats généraux de

l’eau ou d’Assises de l’eau (voir les Assises de l’eau en France, en préparation à la nouvelle

loi sur l’eau de 1992) ou s’inspirer de la consultation citoyenne organisée au Québec par le

BAPE, 2000-2003, (Bureau d’Audience Public en Environnement).

Il serait fait appel à une participation la plus large possible en réaction au projet de livre blanc

pour la GIRE en Haïti. Après une phase d’information relative à la présentation du projet de

livre blanc pour la GIRE, une phase de consultation devrait permettre de recueillir les

remarques et amendements concernant la gestion de l’eau, les enjeux et les problématiques.

Cette campagne peut être organisée à deux niveaux :

pour les acteurs de l’eau (services institutionnels, collectivités locales, ONG, secteur

privé, bailleurs de fonds, …) qui pourraient être rassemblés en groupes de travail

thématiques ;

pour les représentants de la société civile tout en permettant également à tout citoyen de

s’exprimer par le biais de rencontres et de consultations publiques organisées à l’échelon

communal, en identifiant les représentants potentiels aux Comités Communaux de l’Eau

(CCE).

Il est aussi important que la réflexion soit menée à l’échelle des sous-bassins et bassins

hydrographiques en s’appuyant sur les partenaires potentiels susceptibles d’être représentés au

niveau des comités de gestion (comité de sous-bassin, comité de bassin).

Des assises nationales de l’eau pourraient clôturer cette phase de consultation. A cette

occasion serait présenté, le livre blanc pour la GIRE en Haïti (projet de l’étape 1 + résultats de

la consultation).

Etape 3 : Un nouveau cadre législatif : un code GIRE

A partir des textes existants et des lois en préparation dans le cadre de la réforme du secteur

eau potable et assainissement, on remarque que subsiste une approche sectorielle peu

favorable à la mise en œuvre de la GIRE. Les autres politiques mériteraient d’être associées

(environnement, aménagement du territoire, énergie, santé, éducation, …), sans oublier la

mise en cohérence avec la nouvelle politique de décentralisation et de déconcentration des

services de l’Etat. Il est important à ce stade que tous les Ministères concernés, de prêt ou de

loin par l’eau soit consultés et impliqués dans l’élaboration de ce code. Rappelons que la

réforme du secteur eau et assainissement ignore le MARNDR.

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84

Par contre, le projet de décret sur la gestion de l’environnement préconise clairement une

approche GIRE en matière de gestion des eaux continentales. N’est-ce pas l’occasion de bâtir

un code de l’eau en s’appuyant sur ce projet de décret ?

Mais plutôt que de ressortir de nouvelles lois sectorielles, les éléments du cadre légal GIRE

pourraient être constitués sous forme d’un code37

d’ailleurs évoqué dans le projet de loi-cadre

sur l’eau.

Les informations contenues dans le livre blanc pour la GIRE comprenant les avis collectés

lors de l’étape 2, pourraient alimenter les débats en préparation à ce code de l’eau. Une fois de

plus, le législateur pourrait s’appuyer sur la plate-forme d’expertise scientifique Eau pour la

rédaction de ce code.

Projet de décret sur la gestion de l’environnement

(un code de l’environnement)

Le code de l’eau

(un des livres du code de l’environnement)

Des lois sectorielles

dont la loi sur le secteur eau potable et assainissement

et la réforme de ce secteur

Des textes d’application

En parallèle, la loi relative à la décentralisation

Figure 20 : Le code de l’eau au sein de l’arsenal législatif existant ou en projet

Ce code devrait préciser le cadre pour une approche GIRE en Haïti, tout en s’inscrivant dans

les engagements de la communauté internationale (développement durable, objectifs du

millénaire par exemple). Ce code serait ainsi constitué de principes de gestion, d’objectifs à

atteindre, d’outils, de compétences, de moyens, de contrôles, … Il devrait être accompagné

d’arrêtés d’application afin de préciser les modalités pratiques de mise en œuvre.

La structure garante de l’application de ce code GIRE serait une structure faîtière étatique

(Comité national GIRE) dépendant directement du gouvernement, et constituer de

représentants des différents ministères concernés, à l’image d’une mission interministérielle

de l’eau. En dernier ressort, cette structure serait l’instance de recours pour arbitrer des

situations conflictuelles éventuelles.

37

- Voir , à titre d’exemple et dans le cadre d’une coopération sud-sud, le Plan d’Action National pour la

Gestion Intégrée des Ressources en Eau, PAGIRE, au Burkina Faso ;

- Voir aussi la Directive Cadre pour une gestion communautaire de l’eau au sein de la Communauté européenne.

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Etape 4 : Des outils de planification et de gestion

Des outils hiérarchisés de planification et de gestion sont à appliquer à différents niveaux.

Chacun de ces outils est dans les mains d’une structure de participation qui a pour mission

l’élaboration des plans et le suivi de leur mise en œuvre.

Niveau

d’organisation

Outil de planification et de

gestion

Structure de participation

Etat Plan d’Action National GIRE Comité national GIRE

Bassin (ou région)

hydrographique (x 6)

Plan de bassin pour la GIRE Comité de bassin

Sous-bassin (x 34) Plan de sous-bassin pour la

GIRE

Comité de sous-bassin

Communes (x 134 ) Plan Communal GIRE

Comité Communal de l’Eau

Tableau 20 : Outils de mise en œuvre de la GIRE

L’échelle de sous-bassin nous semble être la plus adéquate pour développer la GIRE. Ce

périmètre de gestion respecte l’approche par bassin versant tout en offrant un espace à

dimension humaine dont les limites peuvent être appréhendées par les habitants.

Figure : Composition du comité de sous-bassin

Les Plans communaux de l’eau doivent être mis en cohérence pour constituer le plan de sous-

bassin et les plans de sous-bassin rassemblés dans le plan de bassin. Cet emboîtement

hiérarchisé doit cependant tenir compte du principe de subsidiarité qui consiste à gérer les

problèmes d’eau au niveau qui convient le mieux. Ainsi, certains problèmes et certaines

mesures et actions devront être déclinés directement au niveau du sous-bassin, voire au niveau

du bassin ou de l’Etat. Mais pour ce qui est des programmes opérationnels d’actions de

terrain, c’est le niveau communal qui sera privilégié.

La méthodologie d’élaboration du plan de sous-bassin et du plan communal de l’Eau pourra

s’inspirer de la méthode GIPARE (Rosillon, 2005) qui a été conçu à partir de diverses

expériences de gestion de l’eau au niveau local (voir figure).

Figure 21 : Composition et missions du comité de sous-bassin

Composition du Comité de sous-bassin

CommunesUsagers

Comites locaux

Services de l’Etat

Opérateurs

ONG

(Privés)

Maîtrise

d’ouvrage

Financement :

Aide internationale, Etat

Régulateur

Contrôle

Police

Entretien

Gestion

Financement :

Redevances

Maîtres d’œuvre

Gestion déléguée

Pour compte des

Communes

Appui

usagers

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86

Le comité de sous-bassin pourrait être constitué d’une assemblé de 60 à 80 personnes,

composée de 4 collèges de représentants :

- le collège des communes ;

- le collège de services de l’Etat ;

- le collège des usagers et des représentants des comités locaux ;

- le collège des opérateurs et des ONG ;

La mission principale de ce comité est l’élaboration et le suivi de la mise en œuvre du plan de

sous-bassin de manière équilibrée et selon une approche participative consensuelle.

Les missions spécifiques à chacun des collèges peuvent être définies de la façon suivante :

1) pour les communes

A travers leurs responsabilités liées à la maîtrise d’ouvrage, les communes assurent la mise en

ouvre du programme d’actions du plan de sous-bassin. Le coût des investissements est

supporté par l’aide internationale ou par l’Etat.

2) pour les services de l’Etat

Afin de respecter la séparation des rôles, la mission de régulateur, de contrôle et de police sera

confiée aux services de l’Etat issus des Ministères concernés par le plan de sous-bassin.

3) pour les usagers et les représentants des comités locaux

En dehors de la maîtrise d’ouvrage, les usagers et les comités locaux pourront participer à des

actions relatives à la gestion et à l’entretien d’installations. Ils pourront aussi s’investir dans

des domaines autres que l’alimentation en eau potable et l’assainissement, en lien avec la

gestion des milieux aquatiques par exemple.

Concernant le financement du fonctionnement de systèmes mis en place, c’est aux comités

locaux que reviendrait la mission de perception des redevances et la gestion des coûts

d’entretien.

4) pour les opérateurs et les ONG

Ceux-ci pourront, pour compte des communes, mettre en œuvre les actions inscrites dans le

plan. Comme par le passé, les ONG pourront apporter leur soutien aux comités d’usagers. Les

opérateurs privés éventuels ne peuvent être membres effectifs du comité de sous-bassin mais

invités lorsqu’ils sont concernés.

Il est important de renforcer les capacités en termes de compétences locales, assurer la

formation et la formation continuée des agents, offrir un plan de carrière pour les stabiliser

dans leur fonction. Pour assurer un bon fonctionnement de cette structure, il est nécessaire que

le travail du comité soit encadré par un secrétariat permanent ou une cellule d’animation et de

coordination qui assure la gestion administrative, l’information et la sensibilisation des

acteurs et des populations, l’organisation de l’élaboration du plan et l’encadrement dans sa

mise en œuvre (voir figure 22). Cette cellule pourra aussi participer à la collecte des données

sur le territoire concerné et au suivi des réalisations. Elle sera chargée de préparer des rapports

annuels d’évaluation de la mise en œuvre du plan en vue de les soumettre à l’approbation du

comité38

.

38

(voir le fonctionnement des cellules de coordination des contrats de rivière en Région wallonne de Belgique et

en France)

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CommunesUsagers

Comites locaux

Services de l’Etat

Opérateurs

ONG

(Privés)

Animation

Coordination

Sensibilisation

Suivi

Evaluation du prog.

d’actions

Expertise

(Technique)

Figure 22 : Encadrement du comité de sous-bassin

Outre l’échelle du sous-bassin qui est privilégiée, à chaque niveau d’organisation, les plans

veilleront à respecter l’approche GIRE à savoir :

- une bonne intégration des savoirs, des compétences, des politiques, des composantes du

domaine de l’eau ;

- une approche participative ;

- des réponses (actions et mesures) en vue de satisfaire les besoins des usagers et de la

population ;

- un financement durable des services de l’eau.

Etape 5 : Des structures d’accompagnement

Si la mise en œuvre de la GIRE s’appuie prioritairement sur l’application des outils de gestion

décrits à l’étape 4, il est utile de mettre en place des structures d’accompagnement qui

pourraient apporter leur contribution à l’élaboration et à la mise en oeuvre des plans.

Nous avons retenu quatre domaines d’intervention pour lesquels des lacunes ont été mises en

évidence dans les chapitres précédents : l’amélioration des connaissances, la formation et le

renforcement des capacités, le financement et le contrôle.

L’amélioration des connaissances par la création d’un observatoire national de l’eau

Cet observatoire national de l’eau s’inscrit dans le souci du PNUD qui mène un projet

d’assistance environnementale en vue d’identifier les mécanismes de mise en place d’un

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observatoire national sur l’environnement et la vulnérabilité (ONEV) comprenant un sous-

secteur Eau.

Dans notre proposition, nous suggérons de recentrer les activités prioritaires de cet

observatoire en termes d’acquisition de données et de suivi d’indicateurs.

Cet observatoire peut être décliné aux différents échelons d’organisation de la GIRE.

L’objectif principal serait de suivre des indicateurs permettant à tout moment d’avoir une

bonne connaissance du secteur de l’eau. Cet observatoire pourrait aussi avoir comme

mission :

la restauration (ou la création) de réseaux d’acquisition de données concernant :

les aspects environnementaux (réseaux pluviométriques,

limnimétriques, piézométriques, de mesures de paramètres de qualité

des ressources et des milieux, indicateurs de performance des

installations et des services rendus, indicateurs en terme d’occupation

spatiale, propriétés foncières, …) ;

les aspects socio-culturels (bonne connaissance des acteurs) ;

les aspects économiques (indicateurs financiers) ;

faire effectuer les analyses de ces données (et leur interprétation) par des laboratoires

ou des consultants ;

éditer un rapport annuel de l’observatoire de l’eau ;

une section pédagogique pourrait mettre à disposition du public et des écoles les

informations collectées sous forme vulgarisée et aider à l’organisation de campagnes

de sensibilisation au niveau local.

A partir des paramètres analysés, les données peuvent être organisées sous forme d’indices

intégrateurs et ensuite d’indicateurs regroupés par grappe pour pouvoir être introduit dans un

système DPSIR. Cet observatoire devrait pouvoir au final suivre l’évolution d’un indice de

développement durable dans le domaine de l’eau.

On peut concevoir que des sections de cet observatoire national de l’eau se retrouvent à

l’échelle des 6 régions hydrographiques et des 34 sous-bassins. Dans ce cas, l’observatoire

national pourrait être structuré en 6 observatoires de bassins hydrographiques et 34

observatoires de sous-bassin. De même, il est utile que les structures communales puissent à

la fois participer à l’acquisition de données à travers une expertise locale, et profiter de ces

connaissances en permanence dans leur travail quotidien.

Nous insistons cependant sur l’importance d’un observatoire national qui permet de

centraliser l’information et d’assurer les relations avec la communauté internationale, de

standardiser les modes d’acquisition et de gestion des données qui doivent être les mêmes

dans tout le pays, de pouvoir réaliser des économies d’échelle dans la mise en place des

réseaux de mesures et dans l’analyse des données, d’alimenter la réflexion et de participer

éventuellement à l’élaboration des textes de loi, des réglementations et des normes , …

Cet observatoire de l’eau devrait dépendre directement d’une structure faîtière étatique de

coordination et s’appuyer sur une plate-forme d’expertise scientifique dont les membres

seraient amenés à apporter leur contribution à l’acquisition et à l’analyse des données.

Cette plate-forme d’expertise scientifique pourrait être en lien avec le Comité National du

PHI, créé en 1998. Ce comité est un espace privilégié pour conduire des projets de recherche

scientifique de base ou appliquée à la problématique de la gestion de l’eau. La 5ème

phase du

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PHI « Hydrologie et mise en valeur des ressources en eau dans un environnement

vulnérable » est soutenu par l’UNESCO et le MENJS (Ministère de l’Education Nationale).

Quelques éléments d’expertise qui paraissent utiles à développer (à l’attention des Universités

ou bureaux d’expertise) :

1. en termes d’amélioration des connaissances

- mieux connaître les bassins versants et constituer une banque de données cartographiques

(SIG) sur divers thèmes : occupation du sol, hydrogéologie, population et habitat, activités

économiques, nature, réseau hydrographique, installations de mesures, ouvrages,

périmètres irrigués, données qualitatives et quantitatives, …

- élaborer une méthodologie pour la mise en place de réseaux permanents de mesures de la

qualité des eaux de surface et des eaux souterraines (réseau physico-chimique et réseau

microbiologique) et tester cette méthode sur quelques bassins versants

- élaborer une méthodologie pour la mise en place d’un réseau limnimétrique (et un réseau

de pluviomètre) et tester cette méthodologie sur quelques bassins versants

- mener des études sur la problématique de la salinisation des nappes, comprendre le

phénomène et tenter d’apporter des solutions

- mener des études sur les risques de contamination microbienne des points d’eau et des

nappes (identification des origines des pollutions, proposition de mesures de protection,

…)

- mener des enquêtes épidémiologiques afin de documenter les risques et effets des

maladies hydriques sur la santé des populations

- ces études pourraient contribuer à la mise en place effective d’un observatoire de bassin

(sous bassin) en valorisant d’abord toutes les données déjà existantes et la bibliographie

2. en termes de recherche (ou de mise au point) technologiques

- analyse et développement de techniques de désinfection des eaux (l’eau potable à la

maison)

- développement de techniques d’assainissement adaptées au contexte haïtien

(assainissement individuel, épuration collective)

- analyse et développement de méthodes « simples » de désalinisation

- analyse et développement de techniques de retenues d’eau (barrages souterrains) et de

techniques d’irrigation dans le cadre d’un usage optimal des ressources

- …

3. en termes d’évaluation

- dresser l’état des lieux et évaluer scientifiquement (sur le plan technique) les réalisations

existantes dans le domaine de l’eau (équipements, installations, mode de fonctionnement

et de gestion, entretien, problèmes, …)

- évaluer les démarches d’ordre sociologique sur les modes d’organisation et de gestion

- évaluer les outils de gestion et de participation mis en place dans le cadre de la réforme

- …

Ces propositions de thèmes de recherche devraient s’appuyer sur des études de cas à l’échelle

d’un sous bassin, à partir d’un territoire limité, cohérent et connu par les acteurs plutôt qu’en

référence à un grand bassin fluvial aux multiples réalités (voir les 3 cas étudiés : Gonâve, Saut

d’Eau, Moustiques).

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Le renforcement des capacités grâce à un centre de compétences GIRE

Les missions de ce centre seraient les suivantes :

- former des animateurs GIRE dans l’accompagnement de l’élaboration et de la mise en

œuvre des plans, sur la façon d’assurer la coordination ;

- organiser des formations GIRE à l’intention des acteurs locaux dans les communes et des

personnes amenées à s’engager dans les comités ;

- organiser des formations aux métiers de l’eau (techniques de réalisation d’ouvrages, gestion

de points d’eau, de périmètres irrigués, de dispositifs d’assainissement, préservation de

milieux aquatiques, entretien des cours d’eau, gestion des retenues d’eau, …).

Une structure de financement des services de l’eau et de la GIRE et des Agences de

bassin et sous-bassin

A tous les niveaux, le souci d’assurer un financement durable du secteur doit être pris en

compte. Ce comité de contrôle pourra accompagner les structures locales dans la gestion

financière des plans en combinant les trois sources de financement possibles :

- l’appui financier des bailleurs de fonds et organismes internationaux, sous forme de

programme de coopération, de prêts en matière d’investissement, … ;

- les aides budgétaires institutionnelles (venant des aides pouvant être octroyées par les

Ministères ou des budgets des collectivités locales) ;

- les redevances payées par les bénéficiaires des services selon le principe utilisateur-payeur

(redevance eau de consommation, redevance irrigation, …).

Il paraît important de pouvoir harmoniser les coûts tout en permettant une certaine autonomie

communale et en veillant à ce que les plus pauvres ne paient pas l’eau plus chère. La mise en

place d’un fonds social d’aide aux personnes les plus défavorisées peut également se

concevoir.

Une police de l’eau

Dès l’instant où un certain nombre de règles sont établies, il est du devoir de l’Etat de veiller à

leur application. Un service efficace de contrôle, jusqu’au niveau communal devrait être

opérationnel et intervenir notamment en cas de non paiement des redevances, dégradations

d’ouvrages, non respect de l’environnement, ...

4.6. Conclusions du chapitre 4

Au début de ce chapitre 4, en présentant quatre leviers en faveur de la GIRE, nous avons

paraphrasé le sujet en notant qu’il s’agissait de rendez-vous manqués. A part le projet de

décret sur la gestion de l’environnement qui semble se concrétiser, du moins dans les textes,

les autres évènements ne semblent pas avoir été exploités à leur juste valeur. Les graines de la

GIRE ont pourtant été semées lors de ces rencontres et travaux. Encore fallait-il assurer leur

développement, ce dernier étant contrarié par les retards de croissance malheureusement

réguliers en Haïti. La difficulté réside notamment à quitter les cénacles des colloques et les

séances de travaux préparatoires aux nouvelles lois pour concrétiser sur le terrain toutes ces

bonnes intentions.

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Le recours à la méthode d’analyse SEPO nous a permis de dégager les tendances en faveur et

en défaveur de la GIRE, tout en inscrivant la démarche sur une échelle de temps. Au final, si

les échecs et obstacles sont supérieurs aux succès et aux potentialités, il paraît néanmoins

possible de construire à partir des éléments positifs, en valorisant de façon optimale tous les

signes favorables à la GIRE, même si ceux-ci sont limités. Dès l’instant où les motivations

sur une volonté d’aboutir et le dynamisme sont présents à tous les niveaux, l’espoir peut

renaître, encore faut-il que la démarche puisse s’inscrire dans un cadre organisationnel

performant.

Au-delà d’une simple analyse, nous avons pris le risque d’émettre quelques propositions

d’organisation en vue de renforcer la GIRE. A travers les 5 étapes évoquées, nous avons

voulu transmettre le message de la mise en œuvre d’une approche transversale : d’abord une

mobilisation autour de l’eau pour (re)trouver une culture de l’eau, un code pour clarifier le

cadre législatif, des outils de planification et de gestion à l’échelle des bassins versants et

enfin des structures d’accompagnement indispensables pour intégrer les multiples

composantes de l’eau.

Dans ce schéma organisationnel pour la GIRE en Haïti, examinons au chapitre suivant quel

pourrait être le rôle des ONG et particulièrement de PROTOS.

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5. Rôle des ONG et de PROTOS en particulier en matière de GIRE

(au niveau MACRO)

ou comment les ONG et particulièrement PROTOS peuvent collaborer à la GIRE en

Haïti ?

Les propositions de missions à l’intention des ONG et de PROTOS en particulier sont

présentées à deux niveaux :

- en référence au schéma organisationnel de mise en œuvre de la GIRE, nous verrons à

quel niveau les ONG peuvent apporter leur contribution ;

- sans attendre le développement complet d’une nouvelle politique de l’eau, ce qui

prendra un certain temps, il serait judicieux de tenter des premières expériences GIRE

au niveau local, celles-ci seront contextualisées à partir de trois cas où PROTOS

intervient déjà ou souhaiterait intervenir : Saut d’eau, L’Ile de la Gonâve et Les

Moustiques (voir présentation détaillée au chapitre 6).

5.1. Contributions possibles des ONG pour la GIRE

Assurément, les compétences des ONG ont essentiellement été développées en milieu rural où

celles-ci apportent leur contribution au développement d’installations d’alimentation en eau

ou à la mise en place de périmètres irrigués. Certaines ONG interviennent également au

niveau de quartiers urbains défavorisés où elles tentent d’apporter des réponses aux besoins

des populations. Dans tous les cas, il s’agit d’interventions au niveau local essentiellement

sectorielles, même si les programmes sont parfois ambitieux et le support financier important.

Nous remarquons également que ces ONG ont souvent pu combler les lacunes

institutionnelles en matière de gestion de l’eau et que leur travail est généralement apprécié

par les bénéficiaires. Elles ont aussi pu accumuler une série d’expériences pour certaines

pendant de nombreuses années de présence en Haïti et acquérir une expertise technique

reconnue.

Dans ce sens, les ONG sont des acteurs incontournables dans la mise en œuvre de la GIRE.

Mais, il s’agit de replacer leurs multiples projets et activités dans un cadre organisationnel au

niveau national mais aussi au niveau local communal pour mieux coordonner toutes les

interventions.

Leur contribution peut se faire à plusieurs niveaux :

- en termes d’expertise technique : les ONG peuvent être des partenaires en tant que

maître d’œuvre et fournisseur de services de l’eau à la demande des communes ou de

comités locaux de gestion de l’eau. Dans ce cas, les ONG concernées sont

représentées au comité de gestion et poursuivent leur action de coopération au

développement mais tous les projets devraient s’inscrire dans les plans définis aux

différents niveaux et celles-ci devraient accepter de rendre compte de leurs activités au

comité de sous-bassin ;

- en termes de sensibilisation : celles-ci peuvent intervenir dans l’organisation de

campagnes d’information et de sensibilisation, de programmes d’éducation dans les

écoles ou d’éducation à la santé,… ;

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- en termes de formation : les ONG peuvent s’appuyer sur leurs expériences et expertise

pour apporter leur contribution aux travaux du centre de compétence de l’eau

(formation aux métiers de l’eau, à la GIRE, …) ;

- en termes d’ingénierie sociale : certaines ONG ayant l’expérience en termes de gestion

de la composante sociale dans l’animation de structures de participation, pourraient

être appelées à fournir l’encadrement nécessaire aux communes pour les accompagner

dans la mise en œuvre des plans GIRE. Dans ce cas, il conviendra d’éviter qu’une

même ONG soit à la fois responsable de l’animation et intervienne en tant que maître

d’œuvre dans le programme d’actions ;

- en termes d’acquisition de connaissances : les ONG (en particulier les ONG liés aux

institutions académiques) qui ont développé des compétences en matière d’acquisition

et de gestion de données (réseaux de mesures, données de terrain, analyses, SIG, …)

pourraient épauler l’expertise scientifique nationale et aussi mobiliser et organiser une

expertise locale.

5.2. PROTOS et ses partenaires

Selon les possibilités d’intervention évoquées ci-dessus, il peut être envisagé de recentrer les

activités de PROTOS et de ses partenaires en séparant les missions d’encadrement et de

coordination39

des missions techniques de mise en œuvre sur le terrain (à l’instar de la

régulation et de la maîtrise d’ouvrages dont la séparation est prévue par la réforme).

Protos pourrait se charger de la coordination, l’accompagnement des acteurs locaux, la

formation, la communication, la participation à l’acquisition de données.

Les partenaires actuels de PROTOS seraient confortés dans leurs missions d’expertise

technique en tant que maîtres d’œuvre au service des institutions et organismes possédant la

maîtrise d’ouvrages.

Notons par ailleurs, qu’à travers quelques projets (comme le projet COCEPA à Camp Perrin)

PROTOS expérimente certains aspects organisationnels des législations en préparation.

5.2.1. Propositions à l’intention de PROTOS

Mission 1 : Renforcer le rôle déterminant de PROTOS au sein des plates-formes d’ONG

Nous avons pu constater que PROTOS était considéré comme un partenaire sérieux,

expérimenté, écouté par d’autres ONG et par les services institutionnels. L’équipe permanente

est d’ailleurs déjà impliquée dans les travaux de diverses structures de coordination et

participe régulièrement à des séminaires et ateliers de réflexion dans le secteur de l’eau.

A partir de ces plates-formes d’ONG, PROTOS pourrait notamment contribuer à

l’amélioration des relations entre la sphère ONG et la sphère institutionnelle en mettant en

évidence les possibilités de collaborations, de rencontres, d’échanges d’informations, de mise

en cohérence des interventions et en participant à l’organisation des contacts à divers niveaux.

Il s’agit aussi pour PROTOS de profiter au maximum des structures de participation mise en

place dans le cadre de la réforme. Il ne s’agit cependant pas de vouloir être présent partout

mais de bien choisir les plates formes au sein desquelles PROTOS pourra développer

efficacement son expertise.

39

Une évolution du rôle des ONG en vue d’assurer des fonctions de facilitation plutôt que des fonctions

opérationnelles a été soulignée lors de l’atelier national pour l’élaboration d’une stratégie eau potable et

assainisseemnt en milieu rual (SNEP,2005).

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Mission 2 : La coordination et l’encadrement de plans de gestion

A l’instar des contrats de rivière en Région wallonne ou de tout autre démarche participative,

il est indispensable d’encadrer les travaux des structures mises en place à travers la création

d’une cellule d’animation (un secrétariat permanent). Celle-ci constitué d’une équipe

pluridisciplinaire (par exemple : un Ingénieur, un sociologue, une personne responsable de la

communication) serait amenée à prendre en charge la gestion administrative des comités, le

secrétariat de l’élaboration des programmes d’actions, l’organisation des réunions et les

rapports d’évaluation, la communication, l’organisation d’une expertise locale, la concertation

entre usagers et la gestion de conflits éventuels, … Il est opportun que l’équipe en place

puisse maîtriser les diverses composantes de la GIRE, pas seulement dans le sous-secteur de

l’alimentation en eau et de l’assainissement, même si celui-ci est souvent prioritaire.

Cette mission peut se décliner à deux niveaux :

- au niveau communal et dans ce cas, il s’agit d’encadrer un plan communal de l’eau en

lien avec le plan GIRE de sous-bassin ;

- au niveau d’un sous-bassin avec l’encadrement d’un plan de sous-bassin.

Les possibilités de financement pour ce genre de mission sont offertes dans les programmes

des bailleurs de fonds et d’organismes financiers internationaux. De plus en plus, l’accent est

mis sur la GIRE, tout en sachant qu’une démarche GIRE non encadrée est vouée à l’échec. De

plus, ce financement par la coopération internationale dans le fonctionnement des cellules de

coordination permet de soulager les efforts à consentir par les partenaires locaux dans le

financement des actions de terrain. Si à l’heure actuelle, des moyens financiers font défaut au

niveau des réalisations, la coopération internationale est sans doute la mieux placée pour

apporter un appui à la coordination.

Mission 3 : Un acteur au sein du centre de compétences de l’eau

Le besoin de formation a souvent été mis en évidence dans cette analyse. Dans le cadre de la

décentralisation, les communes seront amenées à assumer de nouvelles responsabilités. Un

renforcement des capacités de services communaux est dès lors indispensable. PROTOS

pourrait participer à l’organisation de formation de base et de formations continuées à

l’intention des agents communaux. Outre des formations relatives à une prise de connaissance

de ce qu’est la GIRE par tous les acteurs concernés, d’autres programmes de formation

pourraient être organisés en fonction des besoins (exemples : formation technique dans la

réalisation et la gestion d’ouvrages, formation en gestion comptable du secteur de l’eau,

formation en techniques de reforestation de bassins versants, …).

Mission 4 : Information – sensibilisation des usagers et des populations

La GIRE s’accompagne tout naturellement d’un volet communication. Si on veut développer

une culture de l’eau, il est en effet indispensable de mener en permanence des campagnes

d’information et de sensibilisation auprès d’une population qui parfois par ignorance génère

par ses activités un impact négatif sur les ressources en eau et sur l’environnement. Des

activités pédagogiques avec les écoles et les jeunes méritent aussi d’être proposées.

Ce volet communication pourra être pris en charge par les cellules de coordination des plans

de sous-bassin (des plans communaux de l’eau). Dans ce sens, PROTOS pourrait s’investir

dans ce domaine en capitalisant son expérience en Haïti et dans les autres pays où l’ONG est

engagée, notamment par l’adaptation de campagnes organisées dans les pays du Nord.

Mission 5 : Participation à l’acquisition de connaissances

PROTOS pourrait soit en interne, soit par appel à des experts consultants, soit dans

l’organisation d’une expertise locale en lien avec les réalités de terrain, participer à

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l’acquisition de données et aux travaux de l’observatoire national de l’eau et à ses sections

décentralisées. La coordination d’une expertise locale de la part des collectivités pourrait aussi

être confiée à l’ONG.

Mission 6 : Encadrement et supervision des activités des partenaires

PROTOS pourrait comme à présent, assurer les liens entre les activités de terrain mises en

œuvre par ses partenaires et les programmes de coopération et les bailleurs de fonds. Elle

pourrait aussi développer un système qualité (label de qualité) pour évaluer les interventions

dans le secteur de l’eau. Elle devrait aussi s’assurer des compétences nécessaires des

partenaires pour mener à bien les activités et éventuellement renforcer ces compétences par

des formations ciblées (voir ci-dessous).

5.2.2. Propositions à l’intention des partenaires de PROTOS actuels et futurs

- Partenaires actuels : CPH, UEBH-ODRINO, MPP, GTIH,

- Partenaires futurs : CONCERN, les Communes ?

Ces partenaires seraient amenés à poursuivre leurs activités dans leurs secteurs de

compétences : alimentation en eau, assainissement, irrigation, valorisation agricole.

En tant qu’opérateurs (en termes d’installations à créer ou dans la gestion des installations et

fourniture de services), ils pourraient à travers des contrats de gestion répondre aux

sollicitations des partenaires ayant la maîtrise d’ouvrage et/ou accompagner les comités

locaux de l’eau et les comités d’irrigants. Dans le cadre de la décentralisation, ces ONG

verraient leurs interventions renforcées.

PROTOS serait amené à superviser les travaux réalisés et les services rendus par leurs

partenaires selon les modalités d’un contrôle qualité et d’une évaluation des actions. Des

formations continuées spécifiquement à l’intention de ces partenaires (expl : mise en œuvre

d’une technique particulière mal connue, gestion de chantiers de génie civil, …) pourraient

être organisés.

A l’occasion de cette étude, il a été possible d’approcher deux des quatre partenaires de

PROTOS : CPH et UEBH-ODRINO. C’est essentiellement au niveau de ces deux partenaires

que nous nous risquons d’émettre ci-après quelques réflexions.

CPH

Jusqu’en 2000, CPH et PROTOS constituaient la même organisation. Actuellement CPH est

complètement autonome et n’est plus le partenaire privilégier de PROTROS. CPH est une

ONG nationale qui intervient dans les secteurs de l’alimentation en eau potable et de

l’assainissement et dans des projets d’agriculture durable (valorisation de l’eau à usage

agricole, filière café, cultures maraîchères) où elle développe une expertise technique. Selon

A. Coutteel, cette ONG manque parfois d’organisation.

Hydroconseil qualifie CPH d’ONG d’intermédiation au service des collectivités locales et des

structures communautaires et attribue à CPH les trois missions suivantes :

- un assistanat à la maîtrise d’ouvrage à travers un contrat d’assistance ;

- un rôle de maître d’œuvre, responsable de la réalisation des ouvrages ;

- un fournisseur de prestation complète qui offre la solution au maître d’ouvrage.

Dans le contexte de la décentralisation, quelque soit la forme d’intervention, il me paraît

opportun de suggérer que CPH intervienne en appui technique à l’intention des communes en

développant avec celles-ci un partenariat solide à travers une contractualisation. Il s’agira de

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veiller à entretenir des relations de confiance et de proximité avec les autorités communales

en les impliquant explicitement dans les projets et de bien communiquer avec les structures de

l’Etat. Par ailleurs, CPH pourrait poursuivre son appui aux comités locaux, tant dans le

domaine de l’alimentation en eau que dans celui de l’irrigation. CPH devrait aussi veiller au

transfert de gestion vers ces comités locaux afin de responsabiliser et de rendre autonomes ces

structures locales. Le souci d’une autonomie financière de gestion sur base d’un recouvrement

des coûts auprès des bénéficiaires devrait être pris en compte dans les projets développés par

CPH.

UEBH-ODRINO

ODRINO est une structure locale de l’UEBH à vocation missionnaire. Outre les activités

déployées par UEBH dans la construction d’églises et d’écoles et son implication dans le

secteur de la santé, ODRINO est particulièrement actif dans le secteur du génie civil appliqué

au domaine de l’eau. Les chantiers réalisés dans le bassin des Moustiques sont

particulièrement impressionnants40

. Il s’agit d’ouvrages constitués de béton et d’acier voulant

être à l’abri de l’épreuve du temps et des catastrophes naturelles et dont la conception est

défendue par l’Ingénieur responsable, véritable leader charismatique jouissant d’une influence

forte auprès des acteurs locaux du bassin de la rivière Moustiques41

. A l’instar de l’étude

menée par Tractebel, on peut se poser la question de la rentabilité de ces gros investissements

où la technique domine en priorité.

S’il me paraît intéressant de valoriser au mieux cette expertise technique dans le chef

d’ODRINO, il est cependant opportun, dans le cadre d’une approche GIRE, de compléter

cette dimension technique par la prise en compte d’aspects socio-économiques et culturels.

Tout comme CPH, ODRINO pourrait poursuivre ces missions techniques mais en étant

encadré par PROTOS qui pourrait assurer une coordination et une bonne intégration des

diverses composantes.

MPP

Ce partenaire, apparemment bien ancré dans les réalités locales paysannes, pourrait

accompagner les comités locaux du secteur agricole et les aider à devenir de véritables acteurs

GIRE.

GTIH

A l’instar du MPP, GTH pourrait aussi exprimer toute son expertise en tant que partenaire

GIRE. Un projet GIRE au Cap haïtien ne peut-il pas être envisagé ?

CONCERN

Apparemment CONCERN développe à travers les projets dans lesquels cette ONG est

impliquée une très bonne logistique, tout en veillant à s’impliquer par une présence

permanente sur le terrain, alors que PROTOS fonctionne à partir de la cellule basée à Port-au-

Prince.

Soucieuse d’ingénierie sociale et capable d’assurer des missions de coordination et

d’animation, CONCERN peut jouer un rôle important dans la mise en œuvre de la GIRE pour

autant qu’elle complète ses connaissances en la matière. Une complémentarité entre

40

Ces ouvrages en béton lissé, bourrés de barres d’acier, à côté de canaux en terre, apparaissent comme issus

d’un autre monde dans une région désservie par de simples pistes de terre et de pierres. 41

Face à ces infrastructures lourdes en rupture avec les compétences locales, ne faudrait-il pas privilégier des

modes de gestion de l’eau moins coûteux, en adéquation avec les réalités socio-culturelles, tout en veillant à une

responsabilisation des bénéficiaires en termes de gestion quotidienne ?

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PROTOS et CONCERN mériteraient d’être développée. L’opportunité est donnée à travers

les projets GIRE à l’Ile de la Gonâve et à Saut d’eau d’expérimenter cette collaboration.

LES COMMUNES

PROTOS devrait à l’avenir intensifier ses relations avec les communes amenées à jouer un

rôle important dans la mise en œuvre de la GIRE. Les propositions d’une plus grande

implication de PROTOS en matière de renforcement des capacités locales s’inscrivent dans

cette collaboration.

5.3.Conclusions du chapitre 5

Au stade actuel, Haïti ne peut se passer du concours des ONG pour mettre en œuvre avec

succès une approche GIRE. PROTOS et ses partenaires ont depuis de nombreuses années

acquis un savoir-faire qu’il serait dommage de ne pas valoriser.

Les propositions émises dans ce chapitre avaient pour objectif de tenter de recentrer leurs

activités au profit de la GIRE. Celles-ci pourront être illustrées plus concrètement à partir de

l’examen des trois études de cas au niveau MESO.

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6. Analyse de la GIRE au niveau MESO à travers trois études de cas et

Contributions de PROTOS et de ses partenaires

6. 1. L’Ile de la Gonâve : pour l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan GIRE

insulaire

6.1.1. Le contexte

Carte d’identité de l‘Ile de la Gonâve42

Superficie : 685 km²

Population : 105.000 habitants

Département de l’Ouest

Arrondissement de la Gonâve

Deux communes : Anse-à-Galets (55.000 hab. dont 12.000 pour le centre)

Pointe-à-Raquettes (50.000 hab.)

11 sections communales : AàG (1,2,3,4,10 et 11)

PàR (5,6,7,8 et 9)

Une zone migratoire (pauvres venus de PaP lors de la visite du pape en 83)

Géologie :

Formations sédimentaires calcaires fortement karstifiées à calcaires cristallins et coralliens

Activités :

Agriculture (maïs, millet, pois congo, patate, …)

Elevage (bovins, chèvres, volailles)

Production de charbon de bois

Pêche en mer

21 ports ou mouillages

Petits commerces (9 marchés)

Tourisme : pas développé mais potentialités avec 8 km de plage et cadre naturel

Pluviométrie : 800 mm à Pointe-à-Raquettes

900 à 1200 à Anse-à-Galets

Absence de cours d’eau permanents

5 aquifères (carbonate fissuré et poreux) + sources (23)

Organisation du secteur de l’eau

Les acteurs concernés :

- les services de l’Etat : SNEP pas présent, représentation de l’Etat au niveau de

l’arrondissement avec le vice délégué de l’arrondissement qui assure la présidence de

la plate-forme Eau, présence du BAC du MARNDR dont le responsable est également

engagé dans le SCH ( + MARNDR-CODIC) ;

42

Pour en savoir plus sur l’île de la Gonâve : voir le livre blanc du MPCE(2000) dont les objectifs étaient de :

- établir la problématique de l’île ;

- élaborer une esquisse d’aménagement ;

- dégager les perspectives de développement.

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99

- les Communes : peu actives, face à un manque de moyens humains et financiers ;

- les Eglises et les ONG, notamment SCH, Mission Méthodiste, Eglise épiscopale,

CONCERN, World Vision, Mission Wesléenne, Croix Rouge, Hands to Hands

- Nombreux comités (pratiquement au niveau de chaque point d’eau dont l’ARGEB

(Association pour la Réhabilitation de la Gestion de l’Eau de NanBaré) à Anse-à-

Galets ;

- AAPLAG (Association des Animateurs et Paysans de la Gonâve) organisé en 6 zones ;

- …

L’alimentation en eau se fait à partir de sources captées, de forages et de pompes de

relèvement. Les services d’Eglises et ONG ont effectué de nombreuses réalisations : captages

de sources, forages, citernes familiales, impluviums, motopompes, …

Anse-à-Galets : captage de 2 sources (débit de l’ordre de 6 litres/s)

1ère intervention de Weslyan-WISH (système d’eau pour la mission + voisinage)

SNEP : aménagement de la source Nan Bare (Tête Source), repris par ARGEB

une autre source pour la Pointe des Etroits

Pointe-à-Raquettes :

forage avec électropompe (débit : 4 litres/s)

Nbrx puits naturels (avec eau saumâtre)

Eau douce à La Source et Grand Vide

Une source à Gros Maman

Expérience de désalinisation par les Méthodistes à Source Philippe (La Source)

Nombreuses installations en panne (les 42 forages réalisés en 1980 sont presque tous en panne

et abandonnés)43

.

Qualité de l’eau :

Eau de source : légèrement alcaline

parfois turbidité élevée

Forages en plaine : eau saumâtre

Conductivité au niveau d’une fontaine publique à Anse-à-Galets : 660 S/cm (F. Rosillon,

23/02/06)

Contaminations fécales.

Desserte journalière en eau :

Anse-à-Galets : 11,5 L par personne

Pointe-à-Raquettes : 16,2 L par personne

L’île de la Gonâve est un concentré des problèmes vécus à l’échelle du pays, à part le

problème d’insécurité qui semble-t-il ne se pose pas.

Dans le domaine de l’eau, on rencontre les problématiques suivantes :

- des ressources limitées avec de faibles capacités de rétention d’eau douce avant son

rejet vers la mer ;

- des sections communales qui souffrent de sécheresse à certaines périodes de l’année

(en 2004 : une pluviométrie de 320 mm dans la 5ème

section de Pointe-à-Raquettes) ;

- des inondations à Les Etroits (3ème

agglomération importante) ;

- une déforestation importante des bassins versants ;

43

Voir en complément PV de la rencontre avec la Plate-forme Eau, Anse-à-Galets, 8 novemre 2005(Coutteel,

A.).

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100

- une zone montagneuse présentant peu d’émergences de sources et de réserves d’eaux

souterraines ;

- des activités agricoles et la production de charbon de bois qui contribuent à la

dégradation de l’environnement ;

- une dégradation des écosystèmes terrestres et marins (au niveau des récifs coralliens) ;

- la difficulté de fournir de l’eau à la population, la vétusté des installations et leur

mauvaise gestion ;

- des problèmes de contamination des ressources tant au niveau de la qualité

bactériologique qu’à propos des risques de salinisation ;

- de nombreux intervenants, notamment des ONG et des services d’églises à côté de

structures communales peu actives ;

- l’assainissement de base peu développé (en absence de latrines, les ravines reçoivent

tout type de déchets);

- …

6.1.2. Analyse de la GIRE à l’île de la Gonâve (application de la méthode SEPO)

Les succès

- toutes les actions développées dans le secteur de l’eau par de nombreuses ONG et

services d’Eglises et les bénéficiaires de ses projets (+ leçons à tirer ) ;

- existence d’un noyau de structure de participation ;

- nombreuses organisations de base (dont AAPLAG : Association des Animateurs et

Paysans de l’Ile de la Gonâve) ;

- existence d’un livre blanc de la Gonâve (MPCE) ;

- …

Les échecs

- projets peu soutenables présentant des défaillances techniques ;

- ingénierie sociale pas toujours prise en compte ;

- mauvaise gestion des installations ;

- peu de prise en compte des bassins versants ;

- puits localisés dans des situations inadéquates ;

- protection des sources et des captages peu efficace ;

- qualité de l’eau douteuse et problème de salinisation ;

- reforestation timide ;

- peu d’implication communale ;

- …

Les potentialités

La situation :

- un contexte insulaire avec un sentiment d’appartenance à un terroir (la petite terre la

Gonâve, face à la grande terre Haïti) ;

- un espace bien défini, à échelle humaine, aux limites bien appréhendées par les

habitants ;

- une notion de bassin versant évidente ;

- un territoire adéquat pour développer un programme GIRE ;

Une approche transversale :

- la taille de l’île et la proximité des différentes composantes GIRE invitent à une

approche transversale. En permanence, les relations entre alimentation en eau,

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101

aménagement du territoire, gestion de l’environnement, … sont plus évidentes à

établir que dans un vaste territoire ;

De nouvelles possibilités de développement :

- existence du livre blanc ;

- projet de plan de développement de la Gonâve (à développer par la Plate forme Eau) ;

- valorisation touristique possible de l’île ? (à étudier) ;

- une agriculture durable (expl : maraîchage avec techniques d’irrigation modernes et

une utilisation rationnelle de l’eau) ;

- …

Les forces vives :

- l’existence d’une plate-forme Eau mise en place suite à la situation problématique de

2004 sur laquelle on pourrait bâtir une structure durable de participation ;

- divers acteurs (surtout ONG et Eglises) actifs depuis plusieurs années dans le sous-

secteur eau potable et assainissement avec de nombreuses réalisations qui ont connu

des succès divers, mais avec des expériences à capitaliser et des leçons à tirer ;

- présence du secteur « Education » au niveau de la Plate Forme et intérêt pour la

GIRE ;

- deux communes (en devenir) appelées à prendre leur part de responsabilités dans le

cadre de la décentralisation et de la réforme du sous-secteur « eau potable et

assainissement » ;

Des connaissances :

- alors qu’à première vue, il semble exister peu de données sur l’île, une recherche plus

fouillée met en évidence diverses études en matière de connaissances des bassins

versants et des ressources44

(la difficulté réside plutôt dans l’accès à ces études et

rapports) ;

- Dans les travaux du PHI, est notamment prévu l’évaluation des principales sources de

contamination de la zone côtière de l’île de la Gonâve ;

- …

Des moyens financiers :

- la BID (et peut être d’autres bailleurs) serait disposée à consacrer des moyens

financiers à la gestion de l’eau sur la Gonâve ;

Les obstacles

- quid de l’implication communale à l’avenir ;

- les moyens humains et financiers seront-il suffisants pour la mise en place de la

GIRE ;

- quelle reconnaissance et quelle légitimité des acteurs moteurs de la GIRE ? ;

- poursuite de la déforestation ;

- chute continue du débit des sources ;

- population en croissance et besoins en eau en augmentation ;

- quelles relations avec les services de l’Etat ? ;

- le phénomène de salinité se développe ;

- …

6.1.3. Propositions pour l’élaboration d’un plan GIRE de l’île de la Gonâve

En écho à ces potentialités, il nous paraît intéressant de pouvoir expérimenter sur l’île de la

Gonâve l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan de gestion en matière d’eau qui pourrait

44

voir livre blanc du MPCE, 2000

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102

constituer une partie du Plan de Développement de l’Ile. La méthodologie à développer peut

s’appuyer sur la méthode GIPARE déjà citée.

Ce projet doit pouvoir s’appuyer sur une structure de participation créée à partir de la plate-

forme eau élargie, chargée de l’élaboration du plan de bassin et du suivi quant à sa mise en

œuvre. Cette structure en tant que telle ne possède pas la maîtrise d’ouvrages, celle-ci est

spécifiquement entre les mains des partenaires concernés (dont les deux communes), par

ailleurs membres de la structure de participation. Ces structures pourraient être animées par

PROTOS (ou en tandem CONCERN – PROTOS ?).

Sur le plan technique,

On a pu se rendre compte à travers les réalisations d’ouvrages des lacunes et des erreurs de

réalisation, de la vulnérabilité des installations, d’un manque de suivi et d’une gestion mal

organisée. Les compétences techniques de PROTOS et de ses partenaires méritent d’être

valorisées.

Points particuliers à prendre en compte :

- inventaire des ouvrages existants et relevé des problèmes ;

- techniques de pompage à développer (bélier hydraulique ?) ;

- performance des impluviums et leur gestion ;

- construction de barrages (lacs collinaires) ;

- techniques de désinfection ;

- installation et maintenance de réseau d’adduction d’eau ;

- mesures préventives de protection de sources et des zones de captage ;

- techniques de reforestation ;

- nouvelles pratiques agricoles, usages rationnels et protection des eaux ;

- …

Sur le plan des connaissances,

- À partir des données existantes, compléter les informations (problématique de la

salinisation) et rassembler toutes les données (base de données + SIG) dans un

observatoire « Ile de la Gonâve » ;

- Mobiliser l’expertise scientifique active au plan national (voir analyse au niveau

Macro) et dynamiser une expertise locale ;

- Impliquer le secteur « Education » dans la démarche ;

Sur le plan financier,

- Concevoir un modèle de tarification valable sur toute l’île mais qui tienne compte des

réalités différentes et de la qualité des services.

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103

6.2. Saut d’Eau : pour un plan communal GIRE

6.2.1. Le contexte

Carte d’identité de la Commune de Saut d’Eau

Superficie : 179 km²

Population : 42.000 habitants

90% en zone rurale

4 sections : Rivière Canot, La Selle, Coupe Mardi Gras et Montagne Terrible

Localisation : à 3 heures de route (de piste !) de Port-au-Prince

Difficultés de déplacement (piste dégradée, assiette emportée lors des inondations)

Ressources en eau :

Apparemment abondantes (en novembre l’eau coule de partout) dans les ¾ du territoire avec

au moins 6 rivières dont l’Artibonite, de nombreuses sources

Pluviométrie :

88 sources, 3 SAEP dans les sections communales de Rivière Canot et Coupe mardi Gras

eau plus rare pour ¼ du territoire communal en altitude (section de Montagne Terrible et

Masicot)

Activités :

- agriculture

- un lieu de pèlerinage (chaque année au 16 juillet, 20.000 visiteurs)

- tourisme (attraction : les chutes d’eau)

Nombreux comités (points d’eau, irrigants)

Organisation du secteur de l’eau

Nombreuses structures de gestion :

- comités d’adduction d’eau potable (CAEP) ;

- comité d’irrigants ;

- CASEC ;

- organisations de base ;

- ONG :

o CONCERN (priorité à la santé) ;

o CPH (encadrement technique) ;

o PROTOS ;

o …

- SNEP ;

- DDA ;

- BAC ;

- …

Usages de l’eau :

Alimentation en eau par anciens postes POCHEP, captages de sources, bornes

fontaines, avec un taux de couverture variable ;

Eau utilisée pour l’irrigation (périmètres plus ou moins aménagés, captage de

sources) ;

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104

Aménagements réalisés par CONCERN : 14 sources captées, 12 fontaines, 4 lavoirs,

… ;

L’eau est payée (forfaitairement) en juillet de chaque année.

Quelques problèmes :

- problèmes techniques et organisationnels des systèmes d’eau potable existants ;

- qualité de l’eau douteuse (au niveau des sources captées) ;

- périmètres irrigués mais avec infrastructures archaïques ne permettant pas de valoriser

le potentiel irrigable ;

- utilisation de l’eau de sources pour irrigation mais problème de régularité ;

- problème d’approvisionnement dans la section de Montagne Terrible et à Masicot :

long déplacement des populations pour trouver une eau de mauvaise qualité ;

- ailleurs, nombreuses sources mais non aménagées, mauvaises pratiques et problèmes

d’hygiène et de santé ;

- manque de techniciens qualifiés ;

- …

Dlo se lavi

un projet mené par PROTOS et CONCERN Worldwide Irlande

Financement : Communauté européenne (74,9%)

Durée : 4 ans (démarrage : 1er

février 2004)

Objectif global :

Contribuer à la valorisation durable et équitable des ressources en eau dans la commune de

Saut d’Eau en favorisant une utilisation des eaux de pluies, rivières et sources pour satisfaire

les besoins en terme d’accès en eau potable et pour la production agricole, tout en respectant

la nature et l’écologie de la commune.

Objectifs spécifiques :

1) renforcer les capacités d’organisation et de gestion des acteurs locaux ;

2) améliorer de façon durable et équitable l’accès à l’eau potable ;

3) améliorer de façon durable et équitable l’accès à l’eau d’irrigation et la mise en valeur des

terres irrigables.

Quelques réalisations par rapport aux objectifs spécifiques45

Objectif 1 :

- atelier d’ouverture en décembre 2004 ;

- mise sur pied des structures représentatives ;

- …

Objectif 2 :

- inventaire des sources ;

- réalisation d’ouvrages (5 ouvrages de captage construits, 3 en cours de construction) ;

- contrôle de la qualité des eaux avec le kit DelAgua ;

- étude technique concernant le stockage en citerne à Coiscou ;

- …

Objectif 3 :

- voir CPH46

45

rencontre avec Arsène LUCIEN, Ing. de CONCERN, Saut d’Eau, nov. 2005. 46

Nous n’avons pu rencontrer les responsables de CPH lors de la première mission.

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105

Réflexions relatives à ce projet :

- importance de l’Ingénierie sociale menée par CONCERN et présence de nombreuses

organisations de base ;

- un processus démocratique de constitution et de participation des acteurs locaux ;

- un manque d’implication des communes (avec présence de 3 représentants de Saut

d’Eau mais pas de la Mairie) et des services de l’Etat ;

- la GIRE : CONCERN est favorable mais notion mal connue ;

- des déficiences techniques dans la construction de certains ouvrages d’alimentation en

eau ;

- mais une satisfaction des bénéficiaires ;

- la prise en compte insuffisante des bassins versants et de la protection des captages ;

- irrigation : voir CPH

- …

6.2.2. Analyse de la GIRE à Saut d’Eau (application de la méthode SEPO)

Les succès - une structure de participation existante (avec une implication de la population)

constituée par des organisations de base ;

- une expérience de démocratie de l’eau ;

- des organisations de base actives ;

- une bonne communication au sein des comités ;

- l’approche genre prise en compte ;

- eau abondante sur une grande partie du territoire ;

- des réalisations d’ouvrages d’accès à l’eau ;

- un partenariat d’ONG (CONCERN impliqué en Ingénierie sociale) ;

- le projet Dlo se lavi : un levier pour la GIRE ;

- …

Les échecs - performance technique de certains ouvrages à améliorer ;

- faible implication communale47

;

- manque de connaissances ;

- prise en compte insuffisante des bassins versants ;

- abandon des POCHEP par le Ministère ;

- le SNEP n’a pas pris la relève ;

- pas de BAC ;

- problèmes d’hygiène persistants ;

- …

Les potentialités - des ressources disponibles ;

- un partenariat déjà existant et sur lequel on peut bâtir la GIRE ;

47

La Commune de Saut d’Eau est qualifiée de « politique et opportuniste » par G. Desloovere, (2006).

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106

- des éléments pour développer une culture de l’eau (aspect sacré à valoriser) ;

- des possibilités de développement (tourisme, maraîchage, …) ;

- un état des lieux hydrologique (réalisé par CPH) ;

- CPH va former des techniciens de l’eau ;

- …

Les obstacles - moyens humains et financiers des communes ? ;

- fable rôle de la mairie dans les comités ;

- quelle tarification pour l’eau ;

- limites communales différentes d’un BV ;

- limites des divers sous-bassins difficiles à appréhender ;

- faible présence des services de l’Etat ;

- méconnaissances de la GIRE ;

- …

6.2.3. Pour renforcer la GIRE à Saut d’Eau

Il conviendrait d’élargir la structure de participation existante afin d’y associer les autres

acteurs de l’eau et pouvoir intégrer l’ensemble des usages et fonctions de l’eau. Cette

structure serait amenée à développer le plan directeur prévu par le projet « Dlo se lavi » et en

faire un plan GIRE complet. Une des difficultés réside dans le fait que les limites communales

ne sont pas adaptées pour un plan GIRE. Aussi, il serait utile de susciter des plans dans

d’autres communes voisines avec lesquelles un même BV est partagé et mettre ces plans

communaux en cohérence avec un plan de sous-bassin.

Aspects à valoriser :

- importance des besoins d’ordre « sacré » (le Vaudou, un appui à une gestion durable

de l’eau) ;

- volet santé (important pour CONCERN) ;

- impliquer les comités dans la collecte de données.

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107

6.3. Les Moustiques : pour l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan GIRE pour le

sous-bassin de la rivière Moustiques

6.3.1. Le contexte

Carte d’identité du bassin versant des Moustiques

Superficie : 975 carreaux de 1,3 ha

Population : 35.000 habitants + 1.200 agriculteurs non résidents

Parties des Communes de Port-de-Paix et Bassin bleu

Département du Nord - Ouest

Arrondissement de Port-de-Paix

Activités : Agriculture : Bananes, Maïs, …

Elevage : Bovins, Moutons, Chèvres

Charbon de bois

Petits commerces

Pluviométrie : 300 à 400 mm pluies irrégulières

La période habituelle de pluie d’octobre à décembre n’est plus respectée

Sols fertile : argilo-limoneux

6 sources non captées sur la même ligne ? et ravines nombreuses

44 canaux d’irrigation dont 15 concernés par le projet PROTOS/ODRINO

Absence de cours d’eau permanents

Organisation du secteur de l’eau

Quelques acteurs dans le secteur de l’eau :

- ONG :

ODRINO ;

CARE (activités dans le reboisement) ;

- DDA (réparation de canaux) ;

- Comités d’irrigants (1 comité par canal) ;

- 3 comités d’irrigation : Foison, Poste Métier, Passe Catabois ;

- Comités d’eau potable (Poste Métier, Passe Catabois, …).

ODRINO travaille avec des structures locales érigées par et pour les projets : comités d’eau

potable et comité d’irrigants. Selon les responsables, l’approche développée a permis à la

population de gérer le projet en collaboration avec les autorités décentralisées, avec les 3

CASEC qui dépendent de la mairie de Port de Paix.

Quelques caractéristiques du bassin versant de la rivière Moustiques :

- La rivière Moustiques possède 2 sources : Anne –Marie et Trois Sources ;

- Canaux d’irrigation en terre battue à 100% vulnérable ;

- Pas de routes goudronnées ;

- Débit en diminution ;

- Milieu dégradé ;

- Manque de maîtrise de l’eau ;

- Manque d’expertise ;

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- Problème de drainage ;

- Salinisation du sol.

Projet PROTOS – UEBH/ODRINO

Irrigation sur la rivière Moustiques dans une perspective de Gestion Intégrée des Ressources

en Eau Contrat FOOD/2004/085-566

Objectifs globaux :

- amélioration des conditions de vie des gens travaillant la terre dans le BV

Moustiques ;

- valorisation optimale des ressources naturelles, tout en préservant l’écosystème et les

intérêts des générations futures ;

- renforcement des acteurs locaux de développement ;

Objectif spécifique :

- sécuriser la production alimentaire dans le BV à travers une valorisation optimale de

l’eau ;

3 catégories d’activités :

- les activités de renforcement et d’intégration des acteurs clés pour une concertation entre les

différents acteurs dans le cadre d’une approche intégrée (les planteurs, les comités de canaux :

2-3 personnes par canal, l’association d’irrigants : 20 personnes séparée en trois groupes, les

services étatiques (DDA-NO), les autorités locales). Après la réalisation des premiers canaux,

la compréhension et la motivation des usagers est améliorée.

- les activités techniques en matière d’eau :

- protection des ressources hydriques (diagnostic végétation, plantations,

identification de sources) ;

- barrage souterrain (expérience pilote) ;

- réhabilitation de 15 périmètres (restauration prises d’eau, traversées de route,

suivi des jardins) ;

- étude de drainage (et possibilité de mettre en culture la partie basse du BV) ;

- les activités en relation avec la banane plantain, la principale culture de la zone

- autres activités :

- CICDA a analysé le fonctionnement des comités de canaux et de l’association

d’irrigants ;

- Un expert en GIRE et modélisation a effectué une mission en octobre 2005, en vue

d’une amélioration des connaissances pour une gestion de l’eau par temps de crue et

par temps sec, la possibilité d’études hydrologiques avec placements de nombreux

pluviomètres et limnimétres et réalisation d’un plan synoptique SIG (réseau

hydrologique rivières ravines sources, périmètres, ouvrages, …) ;

- Visite SNRE afin d’évaluer l’ancienne station limnimétrique et identification des

sites de mesure du débit.

Réflexions relatives à ce projet

- ODRINO, sous la direction de l’Ingénieur Bruce Robinson, figure charismatique, est

bien implanté dans le BV. Cette ONG est sur tous les fronts en maniant à la fois le

béton et le génie civil et les actions d’animation et de sensibilisation ;

- le volet eau potable n’a pas été pris en compte au départ de ce projet mais fait partie

des activités d’ODRINO ;

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- réalisations techniques de génie civil importantes et coûteuses : les ouvrages en béton

armé sont impressionnants et très résistants, robustes et durables mais de tels

investissements pourront-ils être rentabilisés ? Une évaluation de ce projet pose

d’ailleurs la question suivante : Faut-il construire pour durer ou entretenir pour

renouveler ? et Comment maximiser la part des installations qui peut être facilement

renouvelée par un entretien continu, et minimiser le risque pris par le comité de

gestion sur des ouvrages dont il ne peut maîtriser le renouvellement ?(HydroConseil) ;

- présence de nombreux comités (en eau potable, en irrigation) ;

- Etant donné la variabilité du régime des eaux avec des débits torrentiels de courte

durée48

, ODRINO vise plus grand et plus haut pour tenter de retenir cette eau douce

qui présente de très courts temps de séjour avant son rejet en mer. Aussi, des projets

ambitieux sont envisagés par ODRINO. Parmi ceux-ci, l’installation de grands

barrages (10m de haut) pour créer des réservoirs d’eau, le transfert d’eau du bassin de

Trois Rivières vers les Moustiques, la construction d’un pont sur Trois Rivières à Port-

de-Paix. Mais il convient avant tout de bien analyser la situation et l’impact des

incidences de ces installations dans un contexte d’approche globale. Actuellement, on

manque encore de connaissances à ce propos. Ainsi, les réservoirs créés par les

barrages ne risquent-ils pas de subir le phénomène de sédimentation ?

6.3.2. Analyse de la GIRE dans le bassin versant des Moustiques (application de la méthode

SEPO)

Les succès

- participation communautaire ;

- commune intéressée et participante (selon G. Desloovere, 2006) ;

- fourniture d’eau potable par tuyau à Poste Métier, Passe Catabois (réalisations

concluantes) ;

- canal Passe Catabois, reboisement, protection des sources ;

- bcp d’arbres fruitiers (avocats, oranges, citrons, …) déjà plantés ;

- nombreux comités d’association ;

- …

Les Echecs

- manque de pluie et apports variables ;

- eau salée et manque de puits ;

- plusieurs canaux ne fonctionnent pas ;

- manque de participation dans les organisations ;

- diminution de production agricole à 80% ;

- décapitalisation économique des familles ;

- le cyclone Jeanne (2004 ?) « a pris tout ce que nous avions » ;

- perte de bétail ;

- érosion plus importante ;

- pas de barrages de capacité suffisante pour conserver l’eau ;

- rivière mal drainée et beaucoup de terre dévastée ;

- pas d’usines pour la transformation des produits ;

- pas de bonnes routes pour transporter les récoltes ;

- …

48

Face à une eau en furie, les murs de terre des canaux ne suffisent pas (B. Robinson) !

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110

Les Potentialités

- les sources et plus spécialement Trois Sources, pourraient donner plus d’eau ;

- présence des ONG ;

- conservation de la rivière ;

- participation dans les comités et culture de concertation ;

- la proximité de Trois Rivière à dévier vers le BV des Moustiques ;

- un (des) projet(s) de grands barrages (Haut : 10 m) et de grands réservoirs ;

- un projet de pont sur Trois Rivières ;

- entretien des routes ;

- conservation de l’eau ;

- reboisement ;

- encadrement possible par de nombreuses ONG : ODRINO, PROTOS, CARE, et

DDA ;

- potentialités en terres disponibles, qui peuvent être arrosées en vue d’une production

agricole ;

- un début de SIG PROTOS UTSIG et un projet de modélisation numérique du BV ;

- un projet de plan global de renforcement de la sécurité alimentaire dans le Nord-Ouest

(DDANO) ;

- …

Les obstacles

- manque de données ;

- manque de participation par les bénéficiaires ;

- manque d’argent ;

- manque de techniciens ;

- manque d’encadrement ;

- manque d’appui et d’encadrement par l’Etat ;

- rareté de la pluie ;

- cyclones, tremblements de terre ;

- manque de semences et matériel agricole

- développement de la maladie SIGATOKA ;

- manque de moyens d’éducation ;

- la faim en absence de pluie (et le départ de nombreux habitants) ;

- manque d’hôpital et infrastructures ;

- pas d’autres sources d’énergie que le bois ;

- poursuite du phénomène de salinisation ;

- …

6.3.3. Propositions pour renforcer la GIRE dans le BV des Moustiques

Objectif :

Elaboration et exécution d’un plan GIRE pour le sous-bassin de la rivière Moustiques

Programme d’activités proposé :

1) Mettre en place un secrétariat permanent ou une cellule d’animation et de coordination

(différente d’ODRINO ? PROTOS ne pourrait-elle pas jouer ce rôle ?) ;

2) Mise en place d’un comité de sous-bassin GIRE (à partir de représentants des comités

existants mais en veillant à un équilibre entre usagers / collectivités locales / services

de l’Etat / Opérateurs) ;

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111

3) Développer un observatoire du BV Moustiques et des indicateurs vérifiables :

expertises externes, expertise locale à valoriser, SIG qui prend en compte toutes les

fonctions et usages de l’eau, qui dresse l’inventaire des réalisations, ... ;

4) Par la concertation, le comité définit des objectifs et un programme d’actions

concrètes ;

5) Mise en œuvre des actions par les membres du comité ;

6) Suivi et évaluation du programme d’actions par la cellule de coordination ;

7) Communication, sensibilisation et programmes d’éducation à développer par la cellule

de coordination.

Une visibilité de la démarche GIRE à travers des réalisations concrètes est absolument

indispensable. Ce point de vue est également partagé par l’Ingénieur d’ODRINO pour qui la

GIRE est une démarche à long terme mais s’il n’y a pas de résultats visibles, c’est difficile de

« vendre » la démarche auprès des acteurs locaux.

On peut prévoir une période de trois années pour permettre une élaboration du plan GIRE.

Pendant cette période, les activités continuent mais tout en essayant d’intégrer les principes de

la GIRE et en faisant régulièrement référence au comité de sous-bassin.

Ce plan GIRE Moustiques peut constituer une expérience pilote telle que suggérée par le

projet de loi-cadre eau, d’où l’importance d’impliquer les services de l’Etat et les communes.

Remarques :

- Etant donné l’importance de la rivière des Moustiques, on pourrait aussi introduire

dans ce projet la notion de contrat de rivière ;

- Intérêt de renforcer les communes en leur donnant des responsabilités de maître

d’ouvrage ;

- Ce plan GIRE est à mettre en relation avec le projet de plan global de renforcement de

la sécurité alimentaire dans le Nord-Ouest (DDANO) et particulièrement avec le sous-

programme « Maîtrise de l’eau » dans lequel est notamment prévu la construction de

citernes et impluviums, bassins de rétention, lacs collinaires, aménagements de

ravines, barrages, … ;

6.4. Conclusions du chapitre 6

Sans attendre la définition d’un cadre GIRE à l’échelle MACRO, à travers ces trois études

de cas, nous proposons que PROTOS et ses partenaires mènent des expériences pilotes de

GIRE, une à une échelle insulaire, une au niveau d’un sous-bassin versant, une autre à

l’échelon communal.

Ces expériences pourraient constituer autant de tests grandeur nature de ce que pourrait

être la GIRE en Haïti et inspirer les institutions dans l’établissement d’un cadre

organisationnel GIRE définissant les conditions et modalités d’élaboration et d’application

de plans GIRE. Ces propositions veulent être pragmatiques en mettant tout en œuvre pour

assurer une visibilité de la GIRE sur le terrain.

Chaque cas étudié présente des spécificités propres, tant au point de vue des réalités

environnementales qu’au niveau du contexte socio-culturel. Dans deux des trois cas,

PROTOS et ses partenaires sont déjà engagés dans des projets de développement. Il

s’agira de capitaliser au mieux ces projets existants, tout en réorientant et en développant

certains aspects. Dans le troisième cas, les bonnes relations entre CONCERN et PROTOS

sont prometteuses pour faire de l’île de la Gonâve une référence GIRE, tant sur le plan

national qu’international.

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112

7. Conclusions et recommandations

Au terme de cette analyse, nous nous trouvons face à un inquiétant dilemme :

- un pays au bord d’un désastre écologique et humain qui a déjà atteint le point de non-

retour et pour lequel des ONG comme PROTOS ne pourront que s’épuiser face à des

institutions incapables d’assurer un cadre opérationnel et un minimum de sécurité pour

des actions efficaces ;

- malgré toutes les difficultés, un pays où il n’est pas exclu que la GIRE devienne réalité

et que PROTOS et ses partenaires puissent jouer un rôle moteur dans cette voie.

Nous avons résolument opté pour la seconde possibilité, non sans hésitations. Le retrait des

ONG ne ferait que précipiter plus rapidement le pays dans une situation chaotique

irréversible.

A travers les informations fournies par l’équipe d’encadrement PROTOS en Haïti, les

documents consultés (voir biblio) et les rencontres d’acteurs lors des deux missions en

novembre 2005 et février-mars 2006, le principal constat peut se décliner en trois éléments :

- un Etat haïtien dans l’incapacité d’apporter des réponses satisfaisantes aux besoins d’une

population en pleine croissance ;

- une situation d’urgence à gérer avec en priorité l’accès à l’eau ;

- l’absence de structure(s) de coordination du secteur.

C’est essentiellement cette dernière problématique qui a été soulevée par la plupart des

personnes rencontrées et qui régulièrement est affichée dans les différents rapports d’analyse

du secteur de l’eau en Haïti. La présente étude constitue-t-elle un rapport de plus qui renforce

cette constatation ?

Même si cet élément demeure un point essentiel pour la mise en place d’une politique de l’eau

efficace, dès l’instant où on envisage l’analyse sous l’angle de la GIRE, la problématique se

généralise à l’ensemble des domaines et composantes de l’eau à travers les dimensions du

développement durable (aspects environnementaux, techniques, socio-culturels,

économiques).

C’est dans ce sens, qu’au terme de cette analyse, nous souhaitons mettre en exergue les

principaux éléments caractérisant la problématique de l’eau en Haïti et rappeler les principales

recommandations évoquées dans ce rapport.

La République d’Haïti est un petit pays qui cumule de nombreux handicaps : un passé

douloureux, une croissance démographique importante, de fortes pressions sur le sol et sur les

ressources naturelles, des difficultés d’organisation, une situation chaotique et une insécurité

chronique, … Cette situation place le pays dans une position dramatique en rupture avec un

développement durable. Une absence de vision et une difficulté de construire à long terme un

modèle de développement caractérisent la situation d’Haïti où de nombreuses initiatives

revêtent un caractère intérimaire.

Dans le domaine de l’eau, bien que bénéficiant à priori de potentialités (pluviométrie annuelle

de 1.400 mm), les besoins sont loin d’être satisfaits. D’une part, cette eau douce venant du

ciel transite trop rapidement dans les bassins versants avant de se perdre en mer. D’autre part,

la mauvaise organisation des usages accentue les difficultés de satisfaire les besoins des

populations dans un contexte de développement durable.

L’analyse de l’organisation du secteur de l’eau a pu montrer les difficultés institutionnelles

mais tout en dégageant cependant quatre leviers en faveur de la GIRE en Haïti qu’il

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113

conviendrait de valoriser : les travaux relatifs à la préparation du décret sur la gestion de

l’environnement et la reformulation de la politique de l’eau et le projet de loi-cadre, ainsi que

deux rencontres scientifiques l’une consacrée explicitement à la GIRE, l’autre à la gestion des

bassins versants. Par ailleurs, Haïti ne pourra faire l’impasse sur la préoccupante question

relative à l’accroissement démographique de sa population au sein d’un espace proche de

limites de saturation.

Une analyse de la GIRE au niveau MACRO, traduite par l’usage de la méthode SEPO a

permis de mettre en exergue les éléments positifs et négatifs, passés et futurs, en faveur ou

non de la GIRE en Haïti. Même si les échecs et obstacles relevés sont supérieurs aux succès et

potentialités, nous pensons qu’il est toujours possible de mettre en chantier un processus

GIRE, notamment à travers les 5 étapes qui ont été proposées :

- Un libre blanc pour la GIRE en Haïti ;

- Une culture de l’eau à partir d’une mobilisation citoyenne ;

- Un nouveau cadre législatif : un code GIRE ;

- Des outils de planification et de gestion ;

- Des structures d’accompagnement (un observatoire national, un centre de

compétences, des structures de financement, une police de l’eau).

Cette approche au niveau MACRO est sensée s’appuyer sur des institutions fortes capables de

développer un cadre organisationnel performant et de se doter des moyens humains et

financiers nécessaires à la mise en œuvre d’une politique de l’eau. Dans ce sens, la situation

est dans les mains des dirigeants de ce pays, accompagnés par la communauté internationale,

et les ONG sont relativement démunies face à l’inertie étatique.

Aussi, sans attendre l’installation d’un climat favorable à la GIRE, au niveau national, à partir

de trois études de cas, nous avons montré qu’il était possible de tenter des expériences GIRE

en lien avec les réalités de terrain et dans lesquelles, les ONG et PROTOS en l’occurrence

peuvent s’investir. Des démonstrations grandeur nature de ce que pourrait être la GIRE en

Haïti ne sont-elles pas finalement les meilleurs arguments pour en faire une préoccupation

nationale ?

En termes de recommandations, nous voulons rappeler ci-dessous les principaux éléments à

prendre en compte en vue d’un renforcement de la GIRE.

Concernant la gestion des ressources en eau et des milieux :

- mener une politique de rétention d’eau en améliorant le stockage dans des réservoirs

naturels ou en créant des réservoirs artificiels (impluviums) particulièrement dans les

zones de montagnes. Ce genre d’actions devrait être réalisé dès les têtes de bassin, en

profitant de l’altitude et des pentes pour développer une distribution en gravitaire vers

l’aval ;

- utiliser des techniques modernes concernant les usages d’irrigation en vue d’une

utilisation rationnelle de l’eau ;

- prendre en compte les besoins énergétiques du pays en diversifiant les sources tout en

étant moins dépendant de la fourniture de bois de feu et de charbon de bois ;

- élaborer et mettre en œuvre un plan d’occupation des sols et des plans d’urbanisme,

particulièrement dans les villes les plus importantes, en tenant compte de l’accès à

l’eau ;

- développer une politique de protection des bassins versants à travers une gestion

intégrée des milieux ;

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114

Concernant l’organisation du secteur :

- mettre en adéquation les services offerts en réponse aux demandes et aux besoins ;

- élaborer un code de l’eau et veiller au renforcement des institutions ;

- définir une structure organisationnelle et lui donner les moyens de fonctionnement ;

- veiller à une intégration des politiques (aménagement du territoire, urbanisme,

environnement, conservation de la nature, démographie, santé, éducation, …) ;

- favoriser la coopération Sud-Sud, en complément de l’aide internationale Nord-Sud.

Concernant la mise en œuvre de la GIRE :

- privilégier des initiatives en faveur d’expériences de terrain à un niveau local (sous-

bassin) et assurer une visibilité de la démarche à travers la réalisation d’actions

concrètes ;

- veiller à l’encadrement de ces expériences par une structure permanente de

participation et une cellule d’ingénierie sociale spécifiquement chargée de l’animation

et de la coordination des projets.

Concernant le rôle de PROTOS et de ses partenaires :

- différencier les missions de coordination des mission techniques d’appui à la maîtrise

d’ouvrage, à la gestion des infrastructures ou à l’accompagnement direct dans le

fonctionnement des comités d’usagers ;

- les missions de coordination pourraient être assurées par PROTOS, les ONG

partenaires pouvant poursuivre leurs actions ponctuelles, tout en veillant à une

évaluation régulière de celles-ci ;

- dans le cadre de la décentralisation, renforcer les collaborations avec les communes.

Au final, malgré les contraintes et la situation préoccupante d’Haïti, le défi de rendre la GIRE

effective dans ce pays mérite d’être relevé en privilégiant des actions locales dans lesquelles

les ONG pourraient continuer d’apporter leur contribution. Parmi celles-ci, PROTOS et ses

partenaires possèdent un savoir-faire qui mérite d’être valorisé.

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115

Abréviations et Acronymes

AEPA : Approvisionnement en Eau Potable et Assainissement

BAC : Bureau Agricole Communal

BID : Banque Interaméricaine de Développement

BM : Banque Mondiale

CAEP : Comite d’Adduction d’Eau Potable

CAEPA : Comite d’Adduction d’Eau Potable et Assainissement

CAMEP : Centre Autonome Métropolitain d’Eau Potable

CAMO : Comite d’appui a la Maîtrise d’Ouvrage

CARE : Cooperation for American Relief Everywhere

CAR Haïti : Cellule d’appui régionale Haïti

CASEC : Conseil d’administration De Section Communale

COCEP : Comité Communal d’Eau Potable

COCEPA : Comité Communal d’Eau Potable et d’Assainissement

CONADEA : Conseil National de l’Eau et de l’Assainissement

COSEP : Comité de Soutien (et d’encadrement) pour l’Eau Potable

CORDAID : Catholic Organisation for Relief and Development AID

CPH : Comité Protos Haïti

CREPA : Conseil de Régulation de l’Eau Potable et de l'Assainissement

CCI : Cadre de Coopération Intérimaire

CECI : Centre Canadien de Coopération International

CPH : Comité Protos Haïti CREPA : Conseil Régulation de l’Eau Potable

DDA : Direction Départementale Agricole

DIA : Direction des Infrastructures Agricoles

DIEPA : Décennie Internationale de l’Eau Potable et d’Assainissement

DPSIR : Driving Forces, Pressures, States, Impacts, Responses

EPPLS : Entreprise Publique de Promotion de Logements Sociaux

GIRE : Gestion Intégrée des Ressources en Eau

GTIH : Groupe Technologie Intermédiaire d’Haïti

GRET : Groupe de recherche et d'échanges technologiques

GTZ : Gesellschaft fur Technische Zusammenarbeit

ICC : International Child Care

MINUSTAH : Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti

MPP : Mouvement Paysan de Papaye

MTPTC : Ministère des Travaux Publics, Transports et Communications

ODRINO : Organisation du Développement Rural Intégré du Nord Ouest

OMS/OPS : Organisation Mondiale/ Panaméricaine de la Santé

ONEPA : Office Nationale d’Eau Potable et d’Assainissement

ONEV : Observatoire National sur l’Environnement et la Vulnérabilité

PEPA : Plateforme des organisations du secteur eau potable et assainissement

PFPE : Programme de Formulation d’une Politique de l’Eau

POCHEP : Poste Communautaire d’Hygiène et d’Eau Potable

PROTOS : Projectgroep voor Technische OntwikkelingsSamenwerking

SEMANAH : Service Maritime et de Navigation d’Haïti

SIGR : Service d’Irrigation et de Génie Rural

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116

SNEP : Service National d’Eau Potable

SWOT : Strenghts Weaknesses Opportunities Treaths

TPTC : Travaux Publiques Transport et Communication

UEBH : Union Évangélique Baptiste d’Haïti

UE : Union Européenne

UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l'Enfance

URSEP : Unité Reforme du Secteur Eau Potable

USAID : United States Agency of International Development

UTSIG : Unité de Télédétection et de Systèmes d’Information Géographique

WASAMS : Système de Suivi du Secteur de l’Eau Potable et de

l’Assainissement Water and Sanitation Monitoring

System (OMS)

ACDI : Agence Canadienne de Développement International

AEP : Adduction en Eau Potable

AFD : Agence Française de Développement

ASSODLO : Association Haïtienne pour la Maîtrise des Eaux et des

Sols

BDS : Bureau Déconcentré du SNEP

BNC : Banque Nationale Crédit

BNRH : Banque Nationale de la République d’Haïti

ED’H : Electricité d’Haïti

FAES : Fonds d’Assistance Économique et Social

FENU : Fonds des Nations Unies pour l’Équipement

FOKAL : Fondation Connaissance et Liberté

FSE : Fonds Santé et Éducation

GTIH : Groupe de Technologie Intermédiaire d’Haïti

GRET : Groupe de Recherche et Technologie

IHSI : Institut Haïtien de Statistiques et d’informatique

LGL.SA : Lalonde, Girouard, Letendre & Associes

MSPP : Ministère de la Santé Publique et de la Population

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

ONEPA : Office National d’Eau Potable et d’assainissement

OTM : Organisation Tiers Monde

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

POCHEP : Poste Communautaire d’Hygiène et d’Eau potable

SAEP : Système d’Alimentation Eau Potable

SNEP : Service National d’Eau Potable

SNRE : Service National des Ressources en Eau

TPTC : Travaux Publics Transport et Communication

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117

LISTE DES PERSONNES RENCONTREES

Première mission du 2 au 11 novembre 2005

Encadrement de la mission :

Anne COUTTEEL PROTOS [email protected]

Tom D’HAYER PROTOS [email protected]

À Port-au-Prince

Evens EMMANUEL Université QUISQUEYA [email protected]

Labo. Environnement [email protected]

Eric BALTHAZAR Consultant

Pierre Philippe JEAN DG SNEP [email protected]

Sara MATHIEUSSENT Consultante CCI

Kary JEAN JEUNE MARNDR-DIA-SNRE [email protected]

Pierre OGE [email protected]

Yvelt CHERY

Gerrit DESLOOVERE Vice-Consul Belgique

Carine ROENEN Directeur Général CONCERN

Cécile BERUT FONHADI [email protected]

CICDA

Astrel JOSEPH MDE

Yolande POULTRE URSEP [email protected]

Bibliothèque PNUD

A Saut d’Eau

Arsène LUCIEN CONCERN (Saut d’Eau)

A La Gonâve

Equipe CONCERN

Plate-forme EAU

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118

Seconde mission du 22 février au 4 mars 2006-02-25

Encadrement de la mission :

Anne COUTTEEL PROTOS [email protected]

Tom D’HAYER PROTOS [email protected]

Martine HAENTJENS PROTOS

À Port-au-Prince

Evens EMMANUEL Université QUISQUEYA [email protected]

Labo. Environnement [email protected]

À La Gonâve

Laurie RICHARDSON Assistante Direction Responsable Programmes CONCERN

Equipe CONCERN

Plate-forme EAU

Denise CONFIDENT CONCERN (Renforcement structure locale à La Gonâve et Saut

d’eau) – pas rencontrée

A Saut d’Eau

Arsène LUCIEN CONCERN (Saut d’Eau)

Comité Dlo se lavi

A Moustiques

Bruce ROBINSON Ingénieur responsable ODRINO

Equipe ODRINO

Comités d’irrigants

Comités d’eau potable

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119

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Textes législatifs

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fonctionnement et d’organisation des Collectivités Territoriales Haïtiennes (2005)

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version du 11 mai 2005, 23p.

Actes de colloques et séminaires

Colloque International : Gestion Intégrée de l’eau en Haïti (2002)

ACTES

Evens Emmanuel et Paul Vermande (sous la Direction de ), 2002, Gestion Intégrée de l’eau

en Haïti, Actes du Colloque International, Port-au-Prince les 26,27,28 juin 2002, 312 pages

COMMUNICATIONS SPECIFIQUES

Prévision des impacts potentiels des changements climatiques sur les ressources en eau de la

République d’HaïtiLuc BRETOUS, Yvelt CHÉRY, Eduardo PLANOS

Conférence introductive du thème : La gestion durable des système hydriques dans un pays en

développement Professeur Emile TANAWA

L’ingénierie sociale : Une approche nouvelle et performante pour la participation

communautaire dans les projets de développement. Installation d’un réseau d’eau potable

dans quelques quartiers de Port-au-Prince.Dr. Alexandre BRAILOWSKY, Fredy PETITPAS

Le Bélier Hydraulique, une alternative pour l'approvisionnement en eau dans les zones

montagneuses d'Haïti. Patrick VILAIRE Responsable Technique GATAPHY

Regards sur la situation des ressources en eau de la République d’Haïti Evens EMMANUEL

et Per LINDSKOG

Synthèse du Colloque Professeur Emérite Paul VERMANDE

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