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Ann. Kinésithér., 1991, t. 18, nO 7-8, p. 337-343 © Masson, Paris, 1991 MISE AU POINT Analyse biomécanique à partir de l'étude de l'effecteur musculaire par électromyographie intégrée informatisée B. PETIT (1), M. LHOIR (2), G. de BISSCHOP (3), J. DUMOULIN (4). (J) Professeur à l'Institut Provincial de Kinésithérapie et de Nursing (1 P.K.N., 95, rue de l'Espérance, B 6061 Charleroi) et Coordinateur des Recherche de l'Unité de Recherches en Biomécanique et Electromyographie (U.R.B.E., Charleroi). (2) Ingénieur civil Aims - Chargé de cours à l'Institut Supérieur Industriel de la province de Hainaut (lS.lP.H., Charleroi). (3) Chargé de cours l'université Paris V. (4) Professeur honoraire à la faculté libre de Médecine de Lille, membre correspondant de l'Académie nationale de médecine de France. Les auteurs sont membres fondateurs de l'U.R.B.E., elle-même membre de la S.E.R.R. (Société Européenne de Recherche en Rééducation). Électromyographie intégrée Si l'électromyogramme élémentaire capte les potentiels d'une unité motrice à l'aide d'une aiguille électrode (5, 6, 7), l'électromyographie intégrée recueille avec des électrodes cutanées toute activité électrique dans le voisinage de celle-ci, lors d'une contraction musculaire volon- taire ou réflexe, posturale ou dynamique (4, 10). Le but de ce travail n'est pas l'étude des unités motrices normales ou pathologique mais, avec l'aide d'un ordinateur, l'analyse de la biomécani- que musculaire par électromyographie intégrée dans les conditions fonctionnelles ou selon un protocole expérimental. Lors de la contraction musculaire, l'activité électrique intégrée des courants d'action neuro- musculaires est formée d'une addition ou interfé- rence de très nombreux potentiels d'unités motrices dont on ne peut distinguer les éléments constitutifs. Cette activité électrique globale prend la forme des variations de potentiels, de faible am- plitude et irrégulière pour une contraction fai- ble, d'aspect rythmique pseudo-sinusoïdal pour des contractions plus fortes (rythme de Piper). L'intégration correspond à l'addition arithmé- tique des surfaces comprises entre la courbe du signal électrique et la ligne de base. Autrement dit, elle représente l'évolution de la valeur moyenne du signal électrique redressé. Tirés à part: B. PETIT, à l'adresse ci-dessus. Il y a une relation linéaire entre la valeur de l'électromyographie intégrée et la force dévelop- pée par un muscle. Cette relation développée lors du maintien d'une posture permet d'apprécier d'une manière chiffrée cette force musculaire, ce qui n'est pas réalisable d'une manière pratique par les procédés dynamométriques. Nous avons déjà, en 1964, transmis ces données à distance par télémétrie avec l'aide de walkie-talkies modifiés (11, 13). Les applications de l'électromyographie inté- grée couvrent un vaste domaine principalement en rhumatologie, en orthopédie et en physiologie sportive mais notre but se limitera à la recherche fondamentale en biomécanique musculaire son intérêt scientifique est indéniable. Biomécanique Étudier le maintien postural (l'attitude corporelle) et les variations de position du corps humain dans l'espace (le mouvement) implique la connaissance de la grandeur des forces qui équilibrent ce corps en absence de mouvements ou qui produisent les accélérations néces- saires à ce corps en déplacement. Le producteur de ces forces est le muscle. Le muscle est un organe complexe formé de tissus élastiques à simple effet (racourcissement), de comparti- ments où des effets liquidiens confèrent à l'ensemble le comportement d'un amortisseur visqueux, de fibres contractiles formant une machine active (générateur pur de Newton) entièrement asservie à la commande nerveuse et qui peut fournir des forces d'intensités différentes en raison des besoins (9).

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Ann. Kinésithér., 1991, t. 18, nO 7-8, p. 337-343© Masson, Paris, 1991

MISE AU POINT

Analyse biomécanique à partir de l'étude de l'effecteurmusculaire par électromyographie intégrée informatisée

B. PETIT (1), M. LHOIR (2), G. de BISSCHOP (3), J. DUMOULIN (4).(J) Professeur à l'Institut Provincial de Kinésithérapie et de Nursing (1 P.K.N., 95, rue de l'Espérance, B 6061 Charleroi) et

Coordinateur des Recherche de l'Unité de Recherches en Biomécanique et Electromyographie (U.R.B.E., Charleroi). (2) Ingénieurcivil Aims - Chargé de cours à l'Institut Supérieur Industriel de la province de Hainaut (lS.lP.H., Charleroi). (3) Chargé de coursl'université Paris V. (4) Professeur honoraire à la faculté libre de Médecine de Lille, membre correspondant de l'Académie nationalede médecine de France. Les auteurs sont membres fondateurs de l'U.R.B.E., elle-même membre de la S.E.R.R. (Société Européennede Recherche en Rééducation).

Électromyographie intégrée

Si l'électromyogramme élémentaire capte lespotentiels d'une unité motrice à l'aide d'uneaiguille électrode (5, 6, 7), l'électromyographieintégrée recueille avec des électrodes cutanéestoute activité électrique dans le voisinage decelle-ci, lors d'une contraction musculaire volon­taire ou réflexe, posturale ou dynamique (4, 10).

Le but de ce travail n'est pas l'étude des unitésmotrices normales ou pathologique mais, avecl'aide d'un ordinateur, l'analyse de la biomécani­que musculaire par électromyographie intégréedans les conditions fonctionnelles ou selon un

protocole expérimental.Lors de la contraction musculaire, l'activité

électrique intégrée des courants d'action neuro­musculaires est formée d'une addition ou interfé­rence de très nombreux potentiels d'unitésmotrices dont on ne peut distinguer les élémentsconstitutifs.

Cette activité électrique globale prend laforme des variations de potentiels, de faible am­plitude et irrégulière pour une contraction fai­ble, d'aspect rythmique pseudo-sinusoïdal pourdes contractions plus fortes (rythme de Piper).

L'intégration correspond à l'addition arithmé­tique des surfaces comprises entre la courbe dusignal électrique et la ligne de base. Autrementdit, elle représente l'évolution de la valeurmoyenne du signal électrique redressé.

Tirés à part: B. PETIT,à l'adresse ci-dessus.

Il y a une relation linéaire entre la valeur del'électromyographie intégrée et la force dévelop­pée par un muscle. Cette relation développée lorsdu maintien d'une posture permet d'apprécierd'une manière chiffrée cette force musculaire,ce qui n'est pas réalisable d'une manière pratiquepar les procédés dynamométriques.

Nous avons déjà, en 1964, transmis cesdonnées à distance par télémétrie avec l'aide dewalkie-talkies modifiés (11, 13).

Les applications de l'électromyographie inté­grée couvrent un vaste domaine principalementen rhumatologie, en orthopédie et en physiologiesportive mais notre but se limitera à la recherchefondamentale en biomécanique musculaire oùson intérêt scientifique est indéniable.

Biomécanique

Étudier le maintien postural (l'attitude corporelle) etles variations de position du corps humain dans l'espace(le mouvement) implique la connaissance de la grandeurdes forces qui équilibrent ce corps en absence demouvements ou qui produisent les accélérations néces­saires à ce corps en déplacement.

Le producteur de ces forces est le muscle.Le muscle est un organe complexe formé de tissus

élastiques à simple effet (racourcissement), de comparti­ments où des effets liquidiens confèrent à l'ensemble lecomportement d'un amortisseur visqueux, de fibrescontractiles formant une machine active (générateur purde Newton) entièrement asservie à la commande nerveuseet qui peut fournir des forces d'intensités différentes enraison des besoins (9).

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Cette dernière machine est celle dont on·· enregistrel'activité électrique (E.M.G.) (5, 6,7) queJ~onjntègreerkfonction du temps pour en connaître la force dévelop­pée (4, 10).

La biomécanique a besoin de connaître ces forces (envaleur approchée et/ou en valeur absolue) car, outrel'étude de la régulation des postures et du codage dumouvement, elle s'intéresse aussi aux effets mécaniqueset biologiques de ces postures et de ces mouvements surles structures qui les assurent.

On peut étudier la force produite dans des conditionsisométriques : un bon dynamomètre (mécanogramme)peut nous donner une valeur acceptable de la forceproduite dans ces conditions (8). Mais il n'indique en rienle temps mis pour atteindre la valeur maximale ni le délaide couplage électromécanique, délai qui existe entrel'instant où l'activité électrique apparaît à la surface dela fibre musculaire et l'instant où les effets mécaniquesde la constraction des fibres se manifestent.

Or, comme les régulations posturale et motrice sontpilotées par des boucles à rétroaction, on comprendral'importance de mesurer dans l'espace (quels muscles sontconcernés?) et dans le temps (à quels instants agissent­ils ?) le résultat sur l'effecteur musculaire des variationsdu gain de la boucle (9).

Seule l'électromyograhie intégrée permet d'atteindre cesrésultats, à condition que les enregistrements et les calculssoient rapides.

On peut étudier la force produite dans des conditionsde variation de longueur, conditions observées pendantle mouvement.

Seule l'électromyographie intégrée peut nous permettred'analyser les variations de force développée par le muscleau cours du mouvement angulaire de l'articulation :l'étude des relations Force/Angle (indirectement =Force/Longueur) et Force/Temps sont indispensablespour comprendre les biomécanismes intimes et ce pourdes raisons de micro-anatomie et d'histologie qui seraienttrop longues à expliquer dans cet article (8, 9).

On peut étudier les forces produites par les groupesmusculaires synergiques agonistes et antagonistes dumouvement ou de la posture.

L'électromyographie intégrée nous permet alors d'étu­dier la coordination spatio-temporelle des activités mus­culaires, de comparer l'électromyographie intégrée dedeux muscles, c'est-à-dire définir quantitativement laforce d'un muscle par rapport à un autre (grandeursrelatives).

Les résultats de ces études ont des conséquences nonseulement sur la meilleure connaissance des modalités defonctionnement de l'effecteur musculaire, mais aussi surla conception et la réalisation des programmes neuromo­teurs à la source des commandes, sur leur régulation etleur codage (15).

Enfin, il nous sera possible de mieux estimer la grandeurdes contraintes sur lesmatériaux biologiques concernés (8,9) : muscles et articulations.

Il fallait donc concevoir d'une part un appareillaged'acquisition des données performant et sélectif afin de

n'enregistrer que les données utiles et, d'autre part, utiliserl'ordinateur ..'pour.~traiter ces données ,rapidement enfonction des protocoles d'examen.

L'électromyographe informatisé

Il est important de souligner que cet appareil est lerésultat de travaux menés depuis 1988 par une équipepluridisciplinaire réunissant les auteurs de cet article etdeux étudiants dans le cadre de leur travaux de find'études.

Il s'agit de E. Ates (1) et G. Belucci (2) diplômés,respectivement en 1989 et 1990, ingénieurs industriels enélectronique à l'Institut Supérieur Industriel de laProvince de Hainaut (LS.LP.H.).

Ajoutons que l'électromyographique informatisé à étéentièrement conçu et réalisé au laboratoire électroniquede l'LS.LP.H. (Charleroi).

Notre électromyographe dont le fonctionnement estpiloté à partir d'un micro-ordinateur de type pc compati­ble permet d'enregistrer simultanément l'évolution enfonction du temps de 4 paramètres distincts pouvant êtrechoisis parmi les combinaisons possibles suivantes :

- de 1 à 4 canaux électromyographiques (E.M.G.)seuls;

- de 1 à 3 canaux E.M.G. et la force développée parun muscle étudié;

- de 1à 3 canaux E.M.G. et l'angle d'une articulation;- de 1 à 2 canaux E.M.G., la force développée par un

muscle et l'angle d'une articulation.Ces paramètres peuvent être enregistrés pendant des

durées de 10, 20 ou 25 secondes aux choix.Remarquons qu'au moment (avril 91) de la rédaction

de cet article, les capteurs de force et d'angle ne sont pasinstallés, un réexamen des choix effectués initialementétant en cours à la lumière de nouveau produits apparussur le marché.

Lors de l'acquisition, les signaux enregistrés sontamplifiés, puis subissent une conversion analogique­numérique. Les données numériques ainsi produites sontstockées directement dans la mémoire vive du micro­ordinateur pour y être traitées ultérieurement.

Les acquisitions sont déclenchées à partir du micro­ordinateur où un logicien convivial assure la commandede l'électromyographe ainsi que la présentation desrésultats sous diverses formes.

LE LOGICIEL

Le logiciel (en langage C et assembleur) est'très simpled'emploi grâce à une présentation par menus déroulés età une aide en ligne.

Il permet :- de configurer l'électromyographe, c'est-à-dire lui

indiquer avant d'effectuer une acquisition quels sont les

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canaux (E.M.G., force, angle), choisis et leur attribuerun nom (le nom du muscle étudié par exemple);

- de choisir la durée de l'acquisition et de ladéclencher;

- de sauvegarder (et ·de garder) :- une configuration donnée;- un enregistrement, la configuration correspondante

ainsi qu'une ligne de commentaires concernant l'enregis­trement qui avant tout chargement ultérieur renseigneral'utilisateur bien mieux qu'un nom de fichier limité à8 caractères;

- de visualiser, sur écran couleur (interface graphi­que 640 X 350), l'évolution en fonction du temps desdifférents signaux enregistrés, des signaux redressés ou dessignaux intégrés.

La présentation graphique mérite quelques remarques :1. Lors de la visualisation, l'utilisateur peut choisir,

parmi les canaux qui ont été enregistrés, ceux qu'ilsouhaite visualiser. Chaque canal affiché l'est avec sapropre couleur ainsi qu'en bas de l'écran, le nom qui luia été attribué lors de la configuration. L'utilisateur a lapossibilité de choisir l'affichage de la totalité ou d'uneportion choisie d'un enregistrement grâce à une échelledes temps adaptable (effet de loupe).

2. Nous avons volontrairement limité l'effet de loupeafin que les 640 points de l'écran correspondent toujourstous à des mesures réelles (pas d'interpolation entre2 points de mesure). Ceci explique que le plus petitintervalle de temps affichable sur tout l'écran est de240 millisecondes.

3. Dans le même état d'esprit, chaque écran devisualisation est toujours accompagné de l'affichage de labande passante graphique correspondante de manière àce que l'utilisateur ne se laisse pas abuser par ce qu'il voit.

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LE MATÉRIEL

En plus des divers capteurs (électrodes E.M.G. cuta­nées à trois fils, angle, force), il comprend (schéma 1 ­bloc 1) :

- l'électromyographe;- une carte d'entrée-sortie logique insérée dans le

micro-ordinateur;- un micro-ordinateur (80286, 16 MHz).L'électromyographe (schéma 2 - bloc 2) fonctionne

comme suit :

Les signaux provenant des capteurs subissent d'abordune amplification (gain de 1000 pour les signaux E.M.G.)afin d'effectuer une mise à échelle avant conversion.

Chaque canal E.M.G. contient, en outre, un amplifica­teur d'isolement destiné à assurer la sécurité du patient(respect des normes de sécurité LE.C. 601 imposées auxappareils médicaux).

Grâce au choix judicieux et à mise en œuvre adéquatedes circuits (réf. : (1), (2) et (14», nous éliminonsdirectement et efficacement les signaux de mode commun(50 Hz et autres) polluant inévitablement les signauxE.M.G. qui nous intéressent dont la gamme utile desamplitudes s'étend de 200 microvolts à 5 millivolts.

Les signaux utiles sont ensuite filtrés puis présentésà un ensemble de circuits électroniques assurant lasélection des signaux choisis, l'échantillonnage et laconversion analogique numérique (10 bits dont 1 pourle signe).

Notons que la fréquence d'échantillonnage, donc labande passante maximum, dépend de la durée choisie pourl'enregistrement.

En effet, la quantité de mémoire vive disponible pourchaque canal vaut 50 kilooctets et chaque échantillon

ElectroMyographe Carte d'E/S lIicroDrdinateur

SCHÉMA 1. - Bloc 1.

SCHÉMA 2. - Bloc 2.

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nécessite 2 octets. Lors d'une acquisition, on ne peut doncacquérir au maximum que 25 000 échantillons par canal.

D'autre part, le temps d'acquisition minimum de4 échantillons (un échantillon pour chacun des 4 canaux)est de 400 microsecondes (il est limité par le micro­ordinateur lui-même) ce qui conduit au temps minimumd'acquisition de 10 secondes comme annoncé ci-avant età la bande passante maximum de 1 250 Hz.

En étendant le temps d'acquisition à 20 et 25 secondes,on réduit la bande passante maximum possible respective­

,ment à 625 Hz et 500 Hz.L'examen du spectre de signaux analogiques E.M.G.

par analyse spectrale F.F.T., l'évaluation des possibilitésréelles d'affichage sur écran vidéo et les renseignementsque nous avons trouvé dans la littérature (12) nous ontconduits à limiter la bande passante des canaux E.M.G.à 500 Hz quelque soit la durée d'acquisition choisie.

Ajoutons que nous avons prévu un circuit d'amplifica­tion audio des signaux E.M.G. permettant un contrôleauditif du placement correct des électrodes.

Résultats expérimentaux

Afin d'illustrer les possibilités offertes parnotre appareil, nous présentons ci-après quel­ques résultats expérimentaux.

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',L 50 j;.v

Nous avons enregistré simultanément lesE.M.G. globaux des fléchisseurs du poignet etdes doigts (groupeépitrochléen) et de leursantagonistes extenseurs (groupe épicondylien).

Le but était de vérifier une synergie entre cesdeux troupes lors d'une activité de préhensionen force (cette synergie a déjà été décrite parR. Duchenne de Boulogne en 1867).

PROTOCOLE DE L'EXAMEN

- Les électrodes cutanées conventionnellesAg/ AgCI sont fixées après interposition de gelconducteur entre la peau et les électrodes, à 2 cml'une de l'autre sur les régions concernées.

- Pendant les dix secondes de l'enregistre­ment, nous avons demandé 3 contractions(courtes) des extenseurs suivies de repos volon­taire (fig. la, b et c). Les contractions a et c ontété faiblement résistées, la contraction b estd'intensité maximale pour le sujet.

- Nous avons ensuite demandé au sujet deserrer fermement dans la main un objet légeren forme de poignée et d'effectuer 3 alternancesde flexion/extension du poignet, les doigts

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FlO. 1 et 2. - Poignet: extenseurs, doigts libres.

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restant fléchis en maintenant le serrage (fig. 3et 5),. (10 sec. d'enregistrement).

- Les tracés ont été intégrés : la figure 2 estl'E.M.G.i. de lafigure 1, lafigure 4 est l'E.M.G.i.de la figure 3, la figure 6 est l'E.M.G.i. de lafigure 5.

INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS

Lorsque les extenseurs travaillant, sans acti­vité de serrage des doigts, les « bouffées »E.M.G. d'Unités Motrices sont dissociées, bienque l'on constate pendant les courts temps derepos (environ 2 à 3 sec.) qu'une activité légèrede base persiste (50 à 100 microvolts). Les tracés

EMG

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intégrés nous montrent que les intensités de forceentre travail résisté et travail de « base » sonttrès différentes (facteurs 6 environ).

Tout se passe donc comme si le systèmenerveux maintenait une commande sur lesmuscles à un taux qui n~entraîne pas lemouvement mais qui tient les fibres excitées,prêtes à la contraction résistée qui va suivrel'immobilité.

Lors du serrage de l'objet en main, on constateune activité de base simultanée sur les deux

groupes musculaires, les intensités étant compa­rables (environ 125 microvolts) sur l'un et l'autregroupe (tracés E.M.G.i. 4 et 6). L'alternance desmouvements montre une alternance de l'aug-

FIG. 3 et 4. - Fléchisseurs, objet en main.

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mentation de l'activité électrique bien rythmée(comparer les tracés E.M.G.i. 4 et 6) mais lacontraction est beaucoup plus forte sur lesfléchisseurs que sur les extenseurs (facteur 2).

La synergie décrite par Duchenne de Bou­logne s'y retrouve bien.

En effet, la contraction des extenseurs dupoignet est soutenue pendant l'activité de serragedes doigts : son intensité est peu variable lorsdes mouvements de flexion/extension du poi­gnet. Cependant, la contraction des fléchisseursaugmente beaucoup pendant la flexion dupoignet.

Pour comprendre ce phénomène, nous pose­rons deux hypothèses explicatives :

1) L'extension du poignet allonge les fléchis­seurs des doigts : ainsi, les sarcomères de cesderniers ne devront pas se raccourcir trop pourassurer une bonne fermeture des doigts en force.Ceci suppose que ces sarcomères travaillent àleur plateau de meilleur rendement qui corres­pond à une variation de longueur de 2 à2,5 microns. De cette manière, le systèmenerveux ne doit activer qu'un faible nombred'unités motrices pour obtenir la force demandée(confert tracés E.M.G.i. 4 et 6).

2) La flexion du poignet lors du maintien desdoigts fléchis provoque deux phénomènessimultanés :

- l'allongement des extenseurs des doigts etdu poignet. L'extenseur commun des doigts est

donc, préalablement à tout mouvement, étiré parla flexion des doigts. Toute flexion du poignetl'étire davantage. Or un muscle contracté réagità son allongement comme un muscle relâché,c'est-à-dire à la manière d'un matériau visco­élastique. La flexion demandée dans cettemanipulation est assez lente : dès lors, seule lespropriétés élastiques déterminent la résistanceau mouvement. Il faut cependant se souvenir quesi le muscle contracté se comporte bien commeun élastique, un ressort, son cœfficiént de raideurest augmenté par rapport à l'état de repos et ce,proportionnellement à la force de contraction;

- les muscles fléchisseurs du poignet doiventvaincre une résistance élastique déjà considéra­ble par l'état d'étirement de l'extenseur commundes doigts contracté. Cette résistance augmenteencore pendant la flexion où sa croissance estexponentielle (relation tension/longueur). Ungrand nombre des unités motrices des musclesactifs doivent donc être recrutées pour réaliserle mouvement résisté passivement.

CONCLUSION

La contraction simultanée des fléchisseurs desdoigts et des extenseurs du poignet (hypothèse 1)n'est efficace et rentable pour ces mêmesfléchisseurs que lorsque le poignet reste enextension (maintien postural). Or, dans la

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FIG. 5 et 6. - Poignet: extenseurs, objet en main.

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majorité des cas de la vie quotidienne, la fonctionde la main est de tenir et même de tenirfermement. L'organisation synergique est doncadaptée à cette dominante fonctionnelle.

Conclusion générale

L'électromyographe informatisé que nousavons réalisé permet, grâce à ses caractéristiquestechniques, d'effectuer diverses mesures élec­tromyographiques précises. L'intervention d'unmicro-ordinateur facilite le stockage et le traite­ment des résultats grâce à un logiciel convivialet puissant. Il offre, en outre, des possibilitésintéressantes sur les plans pédagogique etdidactique. Signalons pour terminer que ledéveloppement d'une nouvelle version tantmatérielle que logicielle de l'appareil continueà l'I.S.I.P.H. parallèlement à l'utilisation ac­tuelle du premier appareil dans le cadre derecherches menées à l'U.R.B.E. et de l'enseige­ment dispensé à l'I.P.K.N.

Références

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Pour classeret conservervotre collectionde fasciculesUne reliure mobile - sans perforation, sanscollage - qui permet d'inclure et de retirerchaque numéro sans le détériorer.Elle se présente comme un livre relié grenatavec titre en lettres dorées.

Ann. Kinésithér., 1991, t. 18, nO 7-8 343

2. BELLUCCI G .. - Conception et réalisation d'un Électromyo­graphe informatisé. Travail de fin d'études I.S.I.P.H. - An­née académique 1989-1990.

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5. DUMOULIN J., AUCREMANNE Ch. - Précis d'électromyo­

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trodiagnostic neuromusculaire et l'électromyogramme. Ma­loine, Paris, 1964, 136 pages.

7. DUMOULIN J., DE BISSCHOP G. - Electromyographie etélectrodiagnostic. Vitesses de conduction nerveuses. Potentielsévoqués. Maloine, Paris, 1984, 490 pages, 144 figures.

8. DUMOULIN J., DE BISSHOP G., PETIT B., CLAUSES 1.- Précis de mécanothérapie. Maloine, Paris, 1987,

245 pages.9. DUMOULIN J., DE BISSCHOP G., PETIT B., RuM C.

- Kinésiologie et biomécanique. Collection «Les dossiersde kinésithérapie ». Masson Edit., Paris, 1991.

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11. DUMOULIN J., SNEPPE R., CLAUSES 1, DE BISSCHOP G.- Télé-électromyographie. « Électrodiagnostic-électrothé­

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tronique générale, yages 76 à 91 et 97 à 131. Notes internesau département Electronique - LS.LP.H. (1989).

15. PETIT B. - « Psychomotricité et habileté manuelle :réflexions à propos de conceptions récentes ». Ann.Kinésithér., 1989, 16, 227-235.

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