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  • AMOEn direct du toit du monde:

    le reportage de premire main d'un Initi

    sur l'un des sites secrets de la Grande

    Fraternit Blanche.

  • D'un initi anonyme

    En direct du toit du monde:

    le reportage de premire main d'un Initi

    sur l'un des sites secrets de la Grande

    Fraternit Blanche.

    Premire traduction anglaise de l'original allemand:

    Robert Firmage.

    Editions LABUSSIRE

  • Chez le mme diteur

    Dr John Mc Kenna : Antibiotiques, La RvolutionNaturelle

    Chantal et Lionel Clergeaud : L'Argile, Terre de VieYvan Dionis : La Mdecine du Bon SensDr Bruce Goldberg : Secrets de Sant pour une Vie longue

    et heureuseGaston Prost: Dbordez d'nergieChantal et Lionel Clergeaud : 100 Cocktails revitalisants

    pour une Sant toute preuveFrancis Frandeau de Marly: Trait des Influences Cosmo-

    magntiquesScott Cunningham & David Harrington: Secrets et

    Recettes pour un Habitat HeureuxMelita Denning & Osborne Phillips : L'autodfense

    psychiqueTed Andrews: Comment Rencontrer ses Guides Spirituels

    et Travailler avec euxJean-Luc Belleney : Comment Russir sa Vie avec les

    Dessins Psycho-nergtiquesKarine Chateigner : Le Nouveau Livre des EspritsDr Bruce Goldberg : Vies passes, Vies futuresYvan Dionis : La Sant par l'EspritJrme Calmar: L'Eveil selon le TchanRoger Gascon: Les Fantastiques Pouvoirs du DcagoneTony Hogan : N pour GurirStphanie Roberts: 108 Astuces Feng ShuiOri Hofmekler : Le Rgime du GuerrierGeorges Osorio :A l'coute des Grands InitisA.D. du Graal: Des Mgalithes aux Cathdrales

    Demandez le catalogue complet de nos ouvrages :Editions LABUSSIERE - B.P. 85 - F. 71700 TOURNUSInternet: www.editionslabussiere.com

  • 2005 Editions Labussire

    ISBN n 2-84988-022-1

    Toute reproduction, mme partielle, par quelque procd que

    ce soit constituerait une contrefaon sanctionne par les

    articles 425 et suivants du code pnal.

  • CHAPITRE UN

    UN MYSTIQUE ALLEMAND

    SE PRSENTE AU PUBLIC

    C'est au dbut du mois de mai 1940 que l'diteur, enqualit de rdacteur de chef, d'un journal en langueallemande publi dans le Middle West, reut une lettresigne "L'Ermite des Montagnes Rocheuses, Montana", et lutce qui suit :

    "Je suis sans doute le plus vieux lecteur de ce journal,tant g de plus de quatre-vingt quatorze ans. Je rside ici,dans la rgion du sud-ouest du Montana, dans une petiteferme peu prs entirement isole de tout trafic. Et, vraidire, durant toute l'anne, je ne vois pratiquement pasd'trangers, except quand je conduis ma vieille Ford jusqu'la petite ville la plus proche, afin de relever le peu de courrierque je reois. En hiver, cause de la neige, il se passe parfoisplusieurs semaines avant que je puisse m'y rendre. Je parsdonc occasionnellement pied, accompagn de "Philos", mongrand et fidle lvrier russe, en direction de la ville. Enautomne, je fais ordinairement des provisions de conservespour les longs mois d'hiver. Etant donn que je ne relve moncourrier que de temps en temps, je reois par consquent lavaleur de plusieurs semaines de journaux la fois et m'absorbe- au cours des mois d'hiver - jour et nuit dans la lecture. Jesuis compltement seul et, si je mourrais, il est probable quepersonne ne me trouverait, et que je tomberais en poussire icijusqu' ce que quelqu'un me dcouvre fortuitement. Car il n'y

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  • Amo

    a mme pas une route convenable menant jusque chez moi.Lorsque je conduis ma vieille Ford, pendant le printemps, l'tet l'automne, je coupe tout simplement la route principale unpoint particulier, et les traces de mes pneus s'envolentgnralement promptement. - Suis-je rest robuste? Oui. Lesrares personnes qui me connaissent dans la ville voisine, l oje m'approvisionne, me donnent au plus une soixantained'annes. Ces habitants me considrent comme un scientifique,entran aux tudes gologiques. Et il en est bien ainsi. rai tseul durant la majeure partie de ma vie, et le resterai jusqu' lafin - rien que mon "Philos" et moi. - Actuellement, les lecteursse demandent peut-tre quel drle de numro je suis. Dans majeunesse, je quittai l'Allemagne, aprs avoir servi en qualit dejeune officier dans les rgiments de la Garde Royale durant laguerre franco-prussienne qui me valut d'tre bless. Mablessure ne cicatrisa qu'avec la plus grande difficult. J'avaisde l'argent, puisque fils unique de parents dcdssuccessivement peu aprs la fin de la guerre. En fait,j'abandonnai l'Allemagne uniquement afin de trouver ailleursun remde ma blessure. Je parcourus l'Afrique du Nord etparvins en Inde, o je voyageais jusqu' ce que j'atteigne leglorieux Cachemire. Je fis l la connaissance d'un philosopheindien et "Saint Homme", qui m'apprit beaucoup, y compriscomment je pourrais cicatriser moi-mme ma plaie au moyendu pouvoir rsidant en moi. Mais il m'enseigna bien plusencore. Il m'apprit, en outre, voir dans l'avenir et le pass. Jene suis pas autoris crire davantage ce sujet, mais je puisen relater une partie. Etant donn, dans de rcents numros,qu'un grand nombre de prtendues prophties ont ici tpublies, j'ai pens qu'un peu de mon exprience personnellepourrait peut-tre intresser les lecteurs. Je serais heureuxd'crire ce propos de temps autre, mais j'insiste sur unecondition auprs du rdacteur en chef: en aucun cas mes nomet adresse ne seront divulgus. Je lui fais confiance,particulirement depuis que j'ai appris de par ses "Penses etObservations" qu'il semble tre un profond penseur, unphilosophe et, par-dessus tout, un homme de forte inclinationreligieuse. C'est tout pour le moment. Ds que je recevrail'assurance de rdacteur en chef qu'il ne fera pas connatre6

  • Un mystique allemand

    mon adresse, et ce en n'importe quelle circonstance, j'encrirai alors davantage. "

    La teneur de cette lettre fascina l'diteur un degrextraordinaire - d'abord du point de vue d'un journaliste qui serjouit de pouvoir recueillir une documentation intressantepour ses lecteurs, et ensuite, ainsi que l'auteur l'avait faitobserver, parce que l'diteur lui-mme tait attir, depuis desdcennies, par des questions philosophiques. Par consquent,il rpondit son correspondant qu'il pouvait tre assur quepersonne ne dcouvrirait son nom et son adresse. Cet octroine constituait aucunement une faveur spciale. Semblablesgaranties taient offertes par le rdacteur en chef la requtede n'importe quel auteur. Il fut donc des plus surprenant pourl'diteur qu'une telle garantie, donne de tout temps, suivant lesouhait de chaque autre auteur, soit plus tard l'occasion detoutes sortes de suspicions dnues de fondement.

    Et le rdacteur en chef accorda ainsi "l'Ermite" lagarantie qu'il dsirait, car il possdait le mme droit que toutautre auteur, c'est dire celui de garder l'anonymat. Peu aprsil reut la lettre suivante :

    "J'ai reu l'invitation du rdacteur en chef de relaterquelque peu mes expriences au Cachemire. J'ai, en outre, sagarantie qu'il ne fera connatre mon adresse personne. Jecrois et fais confiance au rdacteur en chef, qui ne me connatpas personnellement, bien que je le connaisse, car je l'ai djvisit plusieurs fois en rves et lui ai montr des tatsidaux qu'il a, au rveil, pris pour de simples songes,quoiqu'en ralit ils soient plus que cela. Il a parfois eu lesentiment qu'il se trouvait d'une faon ou d'une autre encontact avec des puissances invisibles ; toutefois, puisqu'il n'enavait aucune certitude, il y pensait, sans plus. Eh bien, je puislui rvler que dans certains cercles philosophiques, au sujetdesquels j'crirai plus tard, il n'est point inconnu, et qu'il estconsidr, dans les dits cercles, comme un homme fort avanc qui, par-dessus tout, a toujours assum les tchesde sa vie sans rcrimination, indiffrent ce que le destin luiavait dj fix. Ce sont des qualits trs importantes pourl'volution humaine. Les hommes n'ambitionnant que lesensationnel, et qui aussitt aprs, ds que celui-ci ne semble

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  • Amo

    plus les satisfaire, se tournent vers n'importe quoi d'autre,papillonnant purement et simplement et l d'un bout l'autre de leurs vies entre d'innombrables thories etperspectives, ne peuvent harmonieusement progresser - maisentravent plutt leur avancement de par leur instabilit.Cependant, c'est une chose totalement diffrente lorsqu'unhomme change grce une transmutation intrieure, sans tresduit par quoi que ce soit de sensationnel. Chacun devrait lefaire. Nul homme ne devrait se permettre de vgter, ni nedevrait s'adonner aux sensations ou chercher uniquement pourson "profit personnel". A prsent que j'ai la garantie dsire, etque je sais que le rdacteur en chef mourrait plutt que dedvoiler mon adresse quiconque, je relaterai la singulirehistoire de ma vie en une srie d'articles par l'intermdiaire du"Coin du Lecteur", pour autant que je le puisse et soisautoris la rvler, car je suis limit du fait qu'une partie dece que je sais et ai appris serait dangereuse divulguer aupublic. Je sens que dans un avenir proche j'changerai cetteexistence terrestre contre une bien plus belle, un processusque nous avons coutume de caractriser de "mort". En ralit,la mort est la vraie naissance de l'me dans sa vritable patrie.Cette "naissance de l'me", appele "mort", nous l'amenonsconsciemment jusqu' la ralisation, en opposition lanaissance terrestre, laquelle se passe pour nousinconsciemment. Ainsi la mort est apparemment plus difficilepour les hommes que la naissance terrestre. J'cris"apparemment", et c'est le cas. Car ds qu'un hommereconnat pour la premire fois que la "mort" est bel et bien lerveil de l'me et de l'esprit, alors la crainte de celle-ci sedissipe compltement. Je souhaite au moins bannir la peur dela mort de chez tous mes compatriotes. Les lecteurs lepercevront d'eux-mmes aprs avoir lu mes messages. Donc,je continuerai rdiger ces crits par pisodes, mais cesseraiimmdiatement au cas o le moindre trouble m'atteindraitpersonnellement de la part de n'importe qui, ce qui tendrait prouver que mon adresse, en fait, est connue. Seul lerdacteur en chef est autoris m'crire - et je ne lui demandeen aucune faon de noter mon adresse, mais de prfrence del'apprendre par coeur. J'aimerais raconter tout ce que j'ai8

  • Un mystique allemand

    expriment mes compatriotes, mais ne souhaite point treembarrass par de la correspondance prive. "

    Le rdacteur en chef n'aurait jamais pens que les"Messages de l'Ermite" - car c'est sous ce titre que ces critsfirent leur apparition - susciteraient, comme ce fut le cas, cegenre de sensation. Ce fut une pluie diluvienne de lettres l'diteur. La majorit consistait en questions personnelles quifurent expdies "l'Ermite". "L'ermite" en fit le compterendu suivant :

    "Merci pour les lettres envoyes. Ce fut une quantitcolossale de courrier, ce qui fit grand bruit dans le petit villageo je ramasse habituellement mes lettres. Tout le mondeplaisanta et me demanda o j'avais insr une annoncematrimoniale, tant donn la rception de tant de courrier d'unseul coup. - Permettez-moi tout de suite de dclarer, denouveau, qu'aucun de mes correspondants ne peut esprer unerponse personnelle de ma part. Ma rsidence doit demeurerignore. Ce fut la condition sous laquelle je commenai crire. Le rdacteur en chef m'en fit la promesse et parconsquent, j'en suis dsol pour lui, il a supporter tout lepoids de la correspondance. Je lui enverrai les lettres avec mesremarques, et lui laisserai le soin soit de retransmettre lesrponses par l'intermdiaire du journal, soit de rpondre auxauteurs en personne. Je crains qu'il ait peu de temps libre pourcette dernire solution. Etant donn ce qui vient d'tre dit ici,le lecteur peut-tre assur qu'il ne recevra jamais, de fait, unmessage direct venant de moi, mais plutt indirectement parl'entremise du rdacteur en chef"

    Peu peu, toutefois, des rflexions d'une naturesouponneuse ou critique commencrent galement se faireentendre. Au nombre de celles-ci, les principales furent :"L'Ermite projette d'aller pcher des mes pour quelquenouvelle secte !" - "Le style d'criture de l'Ermite est le mmeque celui du rdacteur en chef!" - "Pourquoi cet Ermite s'est-il si soudainement manifest parmi nous allemands? Qu'est-cequ'il y a derrire tout cela L'Ermite rpondit lui-mme ces objections comme suit:

    ".. . Avant de faire le compte rendu promis aussi biende mon exprience que de ce que les "Saints Hommes" de

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    ?

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    l'Inde me rvlrent quant la mort, je voudrais expressmentsouligner qu' travers ces sujets de rvlation nulle tentativen'est effectue en aucune faon - ni pour faire de lapropagande pour quoi que ce soit, ni pour quiconque - oubien afin de convertir n'importe qui. La religion laquelleappartient le lecteur ne fait absolument aucune diffrence pourl'Ermite. Peu lui importe, en outre, que l'on croit ou non sonrcit. Il souhaite fournir l'information au lecteur de ce journalpar pur esprit de sympathie pour ses compatriotes, dans lamesure o ceci transmettra, indubitablement, certains unsentiment de paix, qu'ils ont peut-tre longtemps cherch.C'est pourquoi chacun peut et devrait rester fidle sa proprereligion, moins que, dans l'avenir, il le peroive bien plusclairement. "

    Une semaine plus tard, l'Ermite rpondit aux reprochesen question de cette manire:

    "... Parmi les nombreuses lettres qui me sontparvenues par la voie du rdacteur en chef, quelques-unessont vraiment surprenantes, ce qui prouve qu'il est bon que jeme sois prsent mes compatriotes par l'entremise de celui-ci. Avant d'aborder les questions individuelles, je voudraismentionner quelque chose - une requte. Il est tout faitpossible que le rdacteur en chef puisse tre mal compris dansson rle de mdiateur ou que des griefs ne correspondant pasaux faits puissent lui tre reprochs. Pour cette raison,j'aimerais ds prsent demander tous les lecteurs du "Coindu Lecteur" : s'il vous plat, soutenez le rdacteur en chef, carsans lui vous n'auriez jamais entendu parler de moi, et n'enentendriez pas davantage. Je dois utiliser, pour mes messages,quelqu'un qui soit suffisamment avanc pour me comprendreparfaitement. C'est le cas du rdacteur en chef car -ainsi qu'ilsera rapport plus tard - il reoit mes messages non seulementpar courrier, mais aussi par une "autre voie", dont l'explicationici et maintenant nous mnerait trop loin. Dans la mesure o lacommunication par cette "autre voie", entre le rdacteur enchef et moi-mme, a rcemment t amliore, elle pourrait unjour devenir l'unique moyen de mdiation ..."

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  • Un mystique allemand

    L'Ermite aborda comme suit les soupons concernantles "Messages de l'Ermite" composs dans le style d'crituredu rdacteur en chef.

    "... Comme je l'ai dj soulign, je n'aurais jamaiscommenc crire pour le "Coin du Lecteur" si le prsentrdacteur en chef n'avait t un homme compltement familieravec le sujet dont je traite, et qui soit bien assez avanc dansson dveloppement psychique et spirituel pour reproduirecorrectement les brefs messages que je lui envoie. Cependant,du fait que personne ne peut se librer de son propre styled'criture, ces rvlations portent ainsi maintes traces du styled'criture du rdacteur en chef, puisque mes messages doiventtre retravaills par lui afin de les rendre "bons tirer" ..."

    Au reproche : "Pourquoi cet Ermite fait-il sa soudaineapparition parmi nous allemands ? Qu'est-ce que tout celasignifie ? L'Ermite rpondit galement personnellement de lasorte:

    "... Encore une autre remarque : pourquoi me suis-jemis brusquement crire pour le "Coin du lecteur" et pour unjournal allemand ? La raison essentielle en est que nous vivonsdes temps trs graves, et que dans les toutes prochainesannes la race humaine entire fera face bien des heuresdifficiles. Ce journal ayant un trs fort tirage, je crois pouvoirassurer le rconfort de mes proches compatriotes en ouvrantleurs yeux quant la mort. Cela pourrait bien s'avrerconsolateur pour eux s'ils ont appris qu'il n'existe point dechose telle que la mort, que celle-ci est quasi indolore, unprocessus naturel, et qu'ensuite il y a une autre vie. Bien qu'ily ait des reprsentants de toutes nations parmi les "hommesavancs", la majeure partie des rumeurs s'y rapportant netraite que des anglais et des indiens. Mon rcit peut montreraux allemands qu'il est aussi certains de leurs compatriotesparmi ces hommes avancs. Par consquent, chaque homme,rut-il allemand, dtient la possibilit d'tre admis dans lesrangs des hommes avancs, ds que le temps est venu pourcela. J'accompagne ceci de mes rponses certaines lettres etquestions, auxquelles je demande au rdacteur en chef derpondre, conformment mes notes. En conclusion, jesignale de nouveau que je ne resterais en contact avec les

    Il

  • Amo

    lecteurs de ce journal qu'aussi longtemps que le dit rdacteuren chef se chargera du "Coin du lecteur". Je ne peux entretenirdes relations telles que celles qui existent en ce moment entrelui et moi uniquement avec celui qui ne boit, ni ne fume, ni nemange de chair, et ainsi des lecteurs du journal ... "

    Parce qu'il tait contraire aux desseins de l'Ermite defaire le moindre effet "sensationnel", il fut aussi tonn quel'diteur de l'impression produite par ses rvlations dans le"Coin du lecteur" sur les lecteurs d'un journal en langueallemande. Il dcida donc d'interrompre la publication de seslettres durant quelques semaines, mais fut nanmoins dispos rpondre plus amplement aux questions envoyes. C'estpourquoi le rdacteur en chef fit suivre toutes les lettres quiarrivaient l'Ermite, lequel nantit celles-ci de notes marginaleset les rexpdia ensuite au rdacteur en chef pour laredistribution. Ce labeur devint presque excessif pour lerdacteur en chef, qui ne put faire paratre toutes les rponsesdans le "Coin du lecteur", mais dut parfois traiter par lettrescelles qui touchaient des sujets personnels. Lorsque,quelques temps aprs, l'Ermite reprit une fois de plus sesmessages, il s'ensuivit plutt des attaques hostiles sonencontre, que le rdacteur en chef publia galement. A cesattaques suivirent des rponses des lecteurs eux-mmes, etc'est ainsi que s'leva des rangs des lecteurs la suggestionsuivante : une revue spciale devrait tre fonde, que tous lesantagonistes ne seraient pas alors obligs de lire,. L'Ermites'exprima de cette manire quant cette suggestion:

    "... Seul le rdacteur en chef lui-mme peut statuer surcette autre proposition. Comme je l'ai dclar, je ne suis pasattir par de tels vnements terrestres, si ce n'est pourclairer mes compatriotes sur ce que j'ai moi-mmeexpriment. Je fais allusion la suggestion de lancer unepublication spciale, puisque les nombreux problmes que jetraite ne peuvent tre examins dans un journal semblable celui-ci, avec ses nombreuses catgories de lecteurs.Quiconque soutient cette suggestion peut, cet gard,s'adresser au rdacteur en chef Je ne veux rien avoir faireavec ceci. Si, toutefois, le rdacteur en chef dsire se chargerde ce travail supplmentaire, cela le regarde. Cependant, il ne12

  • Un mystique allemand

    faut pas oublier qu'une telle publication spciale coterait del'argent. On ne peut honntement attendre du rdacteur enchef qu'il prenne toute l'opration sa charge et que, desurcrot, il sacrifie son propre argent. Etant donn, maconnaissance, qu'il ne jouit pas spcialement lui-mme debiens terrestres... On ne peut en dire davantage dans unjournal qui est galement lu par des gens qui, peut-tre, nesont pas intresss par ce qui a t exprim ici. Afin dedbattre de toutes ces questions, et d'innombrables autres,avec prcision, une revue spciale serait ncessaire ..."

    Quoique quatre-vingt-dix-neuf pour cent des lecteursfussent du ct de l'Ermite, le un pour cent restant continuad'expdier des lettres dfavorables, lesquelles furent traitespar le rdacteur en chef aussi convenablement que toute autrecorrespondance, et de mme publies, si bien que l'Ermiteinterrompit finalement de lui-mme ses messages avec cettelettre d'adieu:

    "...Parmi les lettres qui me furent envoyes, il en estquelques-unes qui semblent prendre ombrage de mesmessages. Pour cette raison, je dis maintenant adieu au public,du fait qu'il n'est pas opportun que je suscite le moindrescandale de par mes propos. Une telle chose va non seulement l'encontre de mes principes personnels, mais reprsente enoutre un abus de courtoisie envers ce journal et la patience durdacteur en chef Nanmoins, je resterai en contact avec cedernier, et ce n'est qu' travers lui que les lecteurs de cejournal pourront me joindre. Je sais que beaucoup, beaucoupde lecteurs regretteront mon silence. J'aimerais donc denouveau attirer l'attention sur le fait que je suis prt, commeauparavant, crire pour une revue spciale, si le rdacteur enchef consent assumer cette tche, ce pourquoi il reconnatactuellement manquer de moyens matriels. Dans l'hypothseo ceux-ci seraient mis sa disposition - et je serais en mesurede poursuivre mes messages - tout le monde saurait alors quoi s'attendre en ce qui concerne la dite revue et chacunpourrait choisir d'y souscrire ou non. En tout cas, je suis prt donner de brves rponses aux questions complmentairesde lecteurs particuliers, si ces questions sont aptes recevoirune rponse dans un journal comme celui-ci. De telles

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  • Amo

    questions, cependant, doivent tre adresses au rdacteur enchef Je spcifie, encore une fois, que je ne puis tre atteintqu' travers lui, et par nul autre moyen en particulier parceque mes voisins les plus proches, qui vivent tout de mmeloin de moi, me prennent seulement pour un scientifique, etque personne ne sait que je suis rest longtemps en Inde et yai t gradu du Collge des Initis. Mais il ne leur est pasncessaire de le savoir, dans la mesure o je souhaite resterisol, et n'ai point de dsir pour les honneurs et les distinctionsdu monde. Avant de conclure mes messages dans ce journal,je voudrais encore mettre l'accent sur ce qui m'a fait sortirsoudain de ma retraite. Puisque, ainsi que je l'ai dit, je suismoi-mme d'ascendance allemande, je dsirais faire savoir tous les allemands que chez les initis, dont quelques-unsapparaissent de temps en temps ici en Amrique, il estgalement des hommes d'origine allemande - et pasuniquement des anglais et des indiens, comme c'est souventl'impression reue. Nous autres initis nous tenons au-del deces questions d'ascendance, et oeuvrons main dans la mainpour le bien d'un ordre suprieur, lequel est appel la"Fraternit Blanche", et qui jamais ne se mle aux querellespolitiques ou culturelles, mais tente de guider les destines deshommes dans le sens et l'esprit du progrs humain. Lecomment de ceci ncessiterait un long, long article. De parmon origine allemande, j'ai voulu montrer mes compatriotesque nous n'avions pas besoin de nous mettre en rapport avecces initis exclusivement par l'intermdiaire des socitsanglaises, mais qu'un tel contact peut tre aussi obtenu travers des gens d'origine allemande. Qui plus est, je sais quetoute l'humanit - et donc nous allemands, galement -souffrira beaucoup dans les annes venir. Ainsi, l'assuranced'un "initi" peut vous donner la consolation qu'il n'y a pointde mort. Bien que bon nombre d'entre nous aient parcouru lavoie d'autres religions, nous tous, initis, savons qu'il n'estqu'un tat qui nous lve au-dessus de toutes chosesterrestres, et cet tat c'est la "Conscience Christique". Decette faon, il peut tre rpondu la question de beaucoup :quelle relation nous, initis, avons-nous avec le christianisme?A la question de savoir si cette conception ou une autre est14

  • Un mystique allemand

    juste ou non, je rpondrais simplement que la vrit est danschaque voie prise avec ferveur. Ces voies sont peruesdiffremment parce que les porteurs des diverses conceptionsn'apportent pas tous leurs penses et exprience la mmeorientation. Nous connaissons tous les splendeurs et la beautde la musique. Lorsque nous entendons de la mauvaisemusique, cette imperfection ne vient pas de la musique, maispeut-tre bien du piano (soit de l'accord, soit en dehors), oude l'excutant (artiste ou dilettante). Ainsi la musiquedemeure-t-elle toujours le mme art sublime. C'est exactementpareil avec la divine vrit. Elle est toujours en nous, maissouvent comprise et interprte diffremment par des gensdiffremment volus. Par consquent, on ne peut jamais direque telle religion ou orientation est juste et que telle autre esterrone. Non, la divine vrit reste la mme ternellement - etnous pouvons, seulement au moyen de la "ConscienceChristique", surmonter tous les obstacles et empchementsterrestres, et "re-natre".

    Peu aprs, la revue Spciale souhaite fut cre sousforme d'un mensuel en langue allemande "Geistiges Leben".

    L'Ermite n'avait rien faire avec l'dition de cetterevue. Il s'tait prsent retir trop loin de la vie terrestrepour tre intress en quoi que ce soit par ces entreprisescommerciales. C'est pourquoi la responsabilit - y comprisfinancire - reposa entirement sur les paules de l'diteur.

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  • CHAPITRE DEUX

    L'ERMITE ENTEND POUR

    LA PREMIRE FOIS

    PARLER DES "INITIS"

    Lorsque j'arrivais en Inde, ce pays tait bien diffrent dece qu'il est aujourd'hui. Les indiens n'avaient pas encoredvelopp de lien de parent vis--vis des uns ou desautres car, cette poque, il n'tait point de mouvementnationaliste. Il y avait alors de nombreuses rgions en Inde ol'on aurait pu chercher longtemps quelqu'un qui comprennel'anglais.

    Tout d'abord je me laissais porter par le destin, sansbut dfini en tte - mais, malgr tout, j'avais le sentimentintuitif, en dpit de ma ngligence apparente, d'tre men,guid et dirig tant bien que mal. Ce fut en effet le cas, ainsique je le dcouvris beaucoup plus tard, bien que ce fut planifidepuis le dbut. Cependant mes voyages ne furent jamais trsaiss, du fait que je devais changer frquemment lespansements qui recouvraient une plaie rsultant de mablessure de guerre. J'avais subi une blessure profonde lacuisse qui ne voulait pas se refermer. Elle s'ouvrait sans cesseet se mit bientt suppurer. Toutefois, comme j'avaissuffisamment d'argent ma disposition, je pus trouver unserviteur durant mes dplacements, qui me soutint avec une

    17

  • Amo

    fidlit exemplaire. Comme je m'en rendis compte par la suite,il n'tait pas arriv fortuitement dans ma vie. Il devint vitemon professeur vnr. C'tait un homme trs, trs avanc. Ils'teignit voici douze ans au grand ge de 120 ans. Avant sondcs, il me rvla qu'il pourrait facilement vivre pluslongtemps, mais il dsirait permettre aux forces de la naturede suivre leur cours. De nobles tches lui incombaient aprs savie, car toute l'humanit aurait beaucoup, beaucoup endureret souffrir dans les annes venir cause des guerres, desrvolutions et des pidmies.

    Aujourd'hui encore - aprs sa mort - je suis toujoursen contact spirituel avec lui, mon ancien serviteur, devenu parla suite mon professeur. Nommons-le simplement "Sen". Cefut lui qui m'incita crire au rdacteur en chef Car Senportait particulirement les allemands dans son coeur. Commeil me le raconta ultrieurement, il avait dans sa jeunesse tudi(puique fils d'un riche Maharadjah) dans une universitallemande. Au cours de son sjour dans la ville o elle taitsitue, il avait appris aimer et apprcier le peuple et lepaysage allemands. C'est en ce temps que Sen prdit ce qui sepasse actuellement en Europe.

    J'tais dj en Inde depuis deux ans lorsque jedcouvris qui tait vritablement mon serviteur Sen. Voicicomment les choses se passrent : j'acceptai l'invitation d'unanglais, dont je devins l'ami, aller visiter sa rsidence d't Simla, au pied de l'Himalaya. Cette rgion, qui s'estaujourd'hui transforme en une sorte de carrefour du mondeinternational (c'est le sige d't du gouvernement anglo-indien), tait alors fort loigne de son aspect actuel. Mon amitait au service du gouvernement anglo-indien, mais il avaittoutefois beaucoup de loisirs. Ses obligations professionnellesn'taient pas bien urgentes et, exception faite du Pendjab (endirection de l'Afghanistan), une paix relative rgnait cettepoque partout en Inde. Je connus des semaines merveilleuses Simla. Mon ami - donnons-lui le nom de Lionel - tait unlve-tt tout comme moi-mme. C'tait un enchantementindescriptible d'admirer chaque matin les premiers signes dulever du jour dans la nature. La proprit de Lionel se trouvaiten dehors du Simla, l'entre d'une valle longue, tendue,18

  • Les initis

    dont l'arrire-pays semblait tre barr par d'imposants picsmontagneux enneigs, de 6.000 mtres de hauteur, ou plus.

    Un lever de soleil observ partir de cet endroit futparticulirement impressionnant. Comme les toilescommenaient plir, les silhouettes des sommets couronnsde neige l'arrire plan se firent lentement de plus en plusprominentes, aussi lentement qu'une photo se rvle au coursde son dveloppement. Aussi longtemps que le paysage l'avant-plan fut encore voil d'obscurit, les pics montagneuxparurent gigantesques. Alors les champs de neige furentillumins d'un doux vermeil, et tincelrent bientt en unpourpre brillant, jusqu' ce que tout coup ces champs deneige et les glaciers se rvlent pleinement, comme embrass.Et les premiers rayons du soleil frapprent les cimes les plusleves. Puis, peu peu, le crpuscule autour de nouscommena faiblir. Ce furent des minutes exaltantes plusqu'on ne saurait le dire qui nous furent accordes par cetinoubliable lever de soleil glorieux.

    Lionel rompit le premier le silence que notreadmiration avait suscit. Il parla avec enthousiasme de labeaut de la cration. J'en convins avec lui. Nous causmes,d'une manire gnrale, du concept de la beaut, etdcouvrmes ainsi, notre surprise, qu'il n'tait pas si facile declarifier un tel concept. Mon serviteur Sen avait cout notreconversation en silence. Ce matin-l, exceptionnellement,Lionel avait maintes obligations officielles remplir, et medemanda donc, aprs que nous fmes entrs dans la maison,de me distraire en lisant dans la bibliothque aprs le petitdjeuner jusqu' ce qu'il revienne.

    Par consquent, aprs djeuner, je pntrai dans labibliothque, laquelle tait abondamment pourvue. Je m'arrtai un rayon qui, entre autres ouvrages, contenait des copiesrelies de rapports officiels de la Commission Anglaise deSurveillance de l'Himalaya. Je choisis, par curiosit, l'un de cesrapports au hasard, et entrepris de le feuilleter. Il renfermaitde nombreux comptes-rendus individuels d'expditions desurveillance au Cachemire et dans les valles suprieures de laChane du Karakorum, dont les pics sont peu prs toushauts de 8.000 mtres, et souvent plus encore. On y trouve

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  • Amo

    seulement quelques cols montagneux viables. Tandis que jeparcourais le livre, mon attention fut soudain attire parl'expos d'un surveillant officiel qui avait relat uneremarquable exprience. Il s'tait spar de son groupe desurveillance le long d'une valle latrale, et tait ensuite passsans but prcis dans une autre valle, dont l'arrire-plan taitceint d'un paysage montagneux lev d'une extrme et terriblebeaut. La faade de la montagne plongeait pic et taitescarpe sur 2.500 3.000 mtressans la moindre corniche nisaillie. Plus avant, sur le plateau de la montagne, les crtesmontagneuses galement abruptes s'lanaient vers le ciel avecleurs champs blouissants de neige et leurs glaciers. Selon lerapport, la valle dans laquelle le surveillant officiel se trouvaittait aussi une valle leve, qui s'tendait environ 2.000mtres au-dessus du niveau de la mer. Alors qu'ils'abandonnait au ravissement du paysage de cette hautemontagne, il entendit le roulement du tonnerre. Et ensuite,avec la rapidit de la foudre, des nuages dispersss'approchrent de tous cts, voilant les aiguilles les plusleves. D'pais nuages noirs masqurent progressivement lehaut plateau, et les parois rocheuses au-del y disparurent.Les clairs tincellrent terriblement. Le tonnerre clatamaintes et maintes fois contre les parois rocheuses sansinterruption. Il se mit pleuvoir torrents. Le tonnerres'associa au grondement des rochers se fracassant au sol,lequels, librs par la pluie, furent prcipits au milieu desboulis de roches dans les profondeurs. Le surveillant officielavait cherch s'abriter de l'orage sous un affleurement deroche, mais il garda nanmoins les yeux sur les picsmontagneux, puisque les clairs incessants les faisaientmerger encore et encore des tnbres. Une pouvantabletempte de neige devait s'tre dchane au-dessus de lui, carl'on pouvait voir de grandes quantits de neige pure et frache.Ce spectacle fascina tellement le surveillant officiel qu'il sortitses jumelles afin d'observer plus attentivement les sommets.L, la lueur d'un clair, il lui sembla apercevoir, dans lesvertigineuses hauteurs, juste un peu au-dessous de l'un despics suprieurs, deux formes humaines qui paraissaient planerdans les airs. Il pensa tout d'abord s'tre tromp. Mais sa20

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    curiosit veille, il regarda de nouveau travers ses jumelles.En cet instant, l'orage dcrt, et presque aussi rapidementqu'ils taient venus, les nuages commencrent se dissiper.Durant un bref moment le fate fut libr des nuages et le cielbleu resplendit l o le surveillant officiel avait pens voir deshommes. Il orienta ses jumelles une fois de plus vers cetendroit, et parvint encore apercevoir les deux formes qu'ilsuspectait tre des hommes. Et il put alors les voir clairement.Deux hommes, en effet, se dplaaient au loin sur une troitepasserelle, laquelle apparut, vue d'en bas, telle une fine bandequi reliait deux crtes spares par un gouffre. Etant donnqu'il tait impossible, d'en bas, d'attirer l'attention de ces deuxhommes sur leurs vertigineuses hauteurs, et puisque le cielrecommenait s'obscurcir (il se remit tonner), le surveillantofficiel entreprit de rejoindre sa brigade de surveillance.

    Il la retrouva finalement sous une pluie battante,laquelle se transforma par la suite en grle puis en neigefondue. Lorsqu'il raconta ses compagnons ce qu'il avait vu,ils se moqurent purement et simplement de lui. Personne necrut qu'on puisse vivre l sur les flancs escarps des sommetsmontagneux, et mme s'il fut vrai qu'il ait vu quelqu'un, cedevait, en ce cas, tre des chasseurs de la rgion qui s'taientgars on ne sait comment en grimpant. Le surveillant officielconclut son rapport avec ces mots : "Pour autant que j'aie pul'observer grce mes jumelles, les hommes que j'ai vus l-haut n'taient pas des chasseurs, mais ressemblaient davantage des bergers. Bien entendu, ces hommes ne devaient pastravailler en ce lieu, car les troupeaux paissent beaucoup plusbas dans les valles. Plus tard, j'interrogeais nos porteursindignes au sujet de mes observations, et ils m'expliqurentque ce devait probablement tre de Saints Hommes rentrant leur monastre. Plus haut, dans les hautes valles les plusrecules de la montagne, il y a des sanctuaires o les SaintsHommes vivent isols du monde. On dit de certains d'entreeux qu'ils sont dj gs de plusieurs sicles. A ma question :"Que font l les Saints Hommes ?", ils rpondirent que nul nele savait, mais qu'ils pensaient qu'ils "priaient pour l'humanit. "

    Aprs avoir lu ce compte-rendu, je devins songeur.Mon serviteur Sen me trouva en cet tat, et me regarda si

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    trangement, avec un sourire tellement doux, que cela veillames soupons. J'tais sur le point de lui demander ce qu'ilpensait du rapport, quand il rpondit la question que jen'avais pas encore formule: "Oui, il existe de semblablesSaints Hommes. Il y a galement de tels monastres,dissimuls dans les hautes valles de l'Himalaya." Tout d'abordje fus muet d'tonnement, mais je me repris peu peu, etinterrogeai Sen afin de savoir comment il avait fait pour treau courant de ce que j'allais demander. Il sourit encore etrpondit qu'il l'avait "ressenti". A la requte de m'en diredavantage propos de ces Saints Hommes, Sen se prsentaalors comme "l'ami de mon me", envoy vers moi, dans lamesure o ses amis et lui avaient depuis longtemps "peru" enmoi quelqu'un sur le point de "s'veiller psychiquement". Ils'tait fait embaucher par moi comme serviteur afin de m'treproche et de me "surveiller", comme une sorte de "gardien del'me" et de "guide". Et il m'en raconta plus sur lui et lavocation de sa vie, laquelle tait tellement extraordinaire queje ne pouvais me remettre de mon tonnement. Lorsque jedemandai si je pourrais aussi en parler Lionel, Sen rponditqu'il n'y voyait aucune objection, en particulier parce queLionel tait lui-mme l'un de ses "frres", et donc l'un desmiens. J'avais ainsi t conduit et guid sans le savoir. Il mevint galement l'esprit que ma blessure ne me donnait plusautant de souci depuis que Sen avait pris soin du pansement.C'est cette poque que la priode la plus intressante de mavie commena - une priode qui devait donner un nouveausens et une nouvelle raison d'tre mon existence.

    Je demeurais longtemps prs de Simla, dans laproprit de mon ami Lionel. L'air pur de la montagne et lessoins excellents de Sen furent fort salutaires pour ma sant. Jedcouvris que ma blessure ne me posait plus de problme etqu'elle se mettait lentement cicatriser. Tous trois, Lionel,Sen et moi-mme, nous nous asseyions souvent ensemble lesoir au crpuscule et nous nous entretenions des questionsphilosophiques sur le sens de la vie. Lionel avait dj pntrassez profondment l'univers de la pense indienne. Il avait lu,entre autres ouvrages, le "Dzyan" et s'tait procur quelquesexplications intressantes relatives l'histoire de l'origine du22

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    monde, ainsi qu'elle tait enseigne dans ce livre. Les livressacrs indiens contiennent beaucoup plus de descriptionsexplicites relatives l'humanit primordiale que les livresreligieux d'autres confessions (except si nous lisons cesderniers "entre les lignes"). Nous parlions aussi frquemmentdes Saints Hommes de l'Inde et de leur mission. Lors de nosentretiens, je m'aperus incidemment que Sen, qui semblaitbien comprendre la philosophie des Saints Hommes, soulignaitplusieurs fois le fait que le Sauveur du Christianisme passaitparmi eux pour tre "Fils de Dieu" et "Christ", exactementcomme pour les fidles chrtiens. Selon l'opinion desphilosophes indiens, certains fondateurs de religion semanifestent toujours en des poques particulires et en desrgions particulires du monde, et enseignent l'ternelle vrit,adapte l'esprit des temps et conforme aux lieux auxcoutumes des populations o ils apparaissent. L'existence detoutes les religions est par consquent lgitime, mais toujoursuniquement pour ceux qui la religion fut rvle par unfondateur religieux particulier.

    Un soir, Lionel et moi dcidmes d'aller jusqu'auCachemire afin d'essayer d'entrer en contact direct avec l'undes Saints Hommes, puisque Sen nous avait assurs que dansun bref laps de temps, les Saints Hommes traverseraient lavalle du Cachemire jusqu' un lieu de rassemblement prcisdans le haut Himalaya. Nous demandmes Sen commentnous pourrions identifier ces Saints Hommes, et il fit observerque nous n'avions pas nous en soucier le moins du mondeparce qu'une telle rencontre - apparemment due au hasard -serait arrange par l'un des Saints Hommes. Lionel et moipartmes donc pour le Cachemire. Pour la premire fois Senavait requis un cong prolong et ne voyagea donc pas avecnous. Ma blessure tant presque totalement gurie et n'ayantplus besoin de son aide constante, je consentis volontiers cequ'il s'absente durant trois ou quatre semaines. Sen dsirait serendre Bombay. Il promit cependant d'tre de retour dansquatre semaines. Au cas o nous ne serions pas revenus duCachemire ce moment-l, il nous y rejoindrait.

    Le tout premier Saint Homme que je croisai mefascina, sans que je sache qui il tait. Je le rencontrai dans une

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    rue marchande poussiereuse au sein d'un petit village duCachemire. Je me souviens, mme encore maintenant, de cetteentrevue comme si c'tait aujourd'hui. Ce fut un jourinoubliable. Le soleil se montrait dans un ciel serein, mais unvent qui s'abattait des proches glaciers sur les picsmontagneux du Karakorum ne prsageait rien de bon. La nuittait venue, prcdant une grosse pluie torrentielle, et lescrtes tincelaient dans leur vtement de neige frachementtombe, la plus pure qui soit. Elle miroitait et scintillait avecune telle intensit que l'on pouvait difficilement voir. Je metenais auprs d'un marchand indigne, achetant des fruits.Alors que j'avais termin mes emplettes et que je m'en allai, jeheurtai quelqu'un, par inadvertance, qui s'tait approch demoi sans que j'y prenne garde. Je lui prsentai mes excuses etlevai les yeux. Je contemplai un visage qui, quoique tout faitviril et encadr d'une barbe drue, rayonnait cependant d'unebont telle que je n'en avais encore jamais vue sur aucunvisage. Sa physionomie semblait d'une douceur fminine, bienque non dpourvue de virilit. Au contraire, on avait lasensation que les traits de ce visage qui resplendissait sigracieusement et semblait si plein d'esprit, pouvaient devenirsvres, tellement svres que l'on n'avait plus qu' obir. Jene sais combien de temps je fixai ce visage fascinant avant deprendre conscience que je me comportais en fait impoliment.Tandis que j'ouvrais la bouche pour lui prsenter mes excuses,cette personne fit observer - mon plus completahurissement, en langue allemande - "Ca va, mon frre, il n'estpas ncessaire de vous excuser. Je vous ai connu voici fortlongtemps ; assurment, non seulement dans cette vie, maisdans de nombreuses existences. Nous fmes jadis amis, de trsbons amis, sur une autre plante et en des circonstancesdiffrentes". Ce propos me dconcerta tant que je ne sus querpondre. Mon vis--vis s'en aperut, me fit un sourire amical,me salua de la tte et prit cong de moi avec ces mots : "Cen'est pas la dernire fois que nous nous voyons. Nous seronsbien des fois ensemble. J'aurai alors beaucoup vousraconter". Sur ce, il fit demi-tour et s'loigna. Je demeuraiptrifi. Je revins moi seulement lorsque le marchand chezqui je venais de faire mes achats me fit remarquer : "C'est un24

  • Les initis

    Saint Homme. Vous devriez tre heureux qu'il vous aitadress la parole".

    Afin de ne pas perdre de temps, je passerai soussilence comment j'en vins rencontrer encore d'autres SaintsHommes de l'Inde dans les jours et les semaines qui suivirent.En bref, le rsultat de mon voyage au Cachemire fut que je mesentis attir par les Saints Hommes, et ainsi je me retiraibientt dans un des monastres que l'on trouve au sein del'une des hautes valles montagneuses pour y tudier commedisciple du Saint Homme qui me parla en allemand lors denotre premire rencontre. Nous nommerons cet hommeMatre Z. Matre Z tait galement n en Allemagne, avaitperdu ses parents durant les troubles des premires guerresnapoloniennes, et rallia une expdition franaise, o il serendit trs utile. Il voyagea de cette faon d'abord jusqu'enEspagne, puis par la suite avec le corps expditionnairefranais, jusqu'en Egypte, o il fit la connaissance d'un fakir etse joignit lui. Peu aprs la bataille qui se droula non loindes pyramides et le dpart des franais, ce fakir quitta l'Egypteet circula pied travers l'Asie Mineure et la Perse endirection de l'Inde. Par la suite il partit pour l'Afghanistan. L,le fakir quitta le futur Matre Z, et lui indiqua un petit villagedu Cachemire o il rencontrerait un Saint Homme qu'ilsuivrait en tant que disciple.

    Aprs des annes d'tudes les plus ardues, il atteignitenfin la "matrise", et fut connu dans les cercles initiatiquescomme le Matre Z. Matre Z s'tait senti attir vers moi toutd'abord parce que j'tais d'origine allemande et, ensuite, parceque, grce sa connaissance occulte, il dclarait savoir quedans une vie antrieure, sur une autre plante, nous avions td'insparables amis. Aujourd'hui il est toujours en vie, quoiqueselon les conceptions humaines il soit dj trs vieux. Et ildemeurera sur terre durant de nombreuses annes, car il resteencore une somme de travail considrable accomplir en cesjours de tragdie pour la condition humaine. Dans un procheavenir il lui sera ncessaire d'allger une quantitextraordinaire de souffrances et de besoins.

    Mais je m'loigne de mon propos. Mme aprs cespremires rencontres avec Matre Z et divers autres Saints

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    Hommes, je ne me serais peut-tre pas senti enclin de solliciterla permission d'tre admis dans le monastre, si mon ancienserviteur Sen n'tait rapparu quelques semaines plus tard. Jene lui demandai pas de quel genre d'affaire il s'tait occup Bombay. Nous vcmes quelques semaines de plus commepar le pass. Sen ne se hasarda jamais parler de sujets et deproblmes rputs "occultes" ou "spirituels" de son proprechef, mais il dsirait toujours en discuter immdiatement avecmoi ds que je dirigeais nos entretiens dans cette direction.

    Tandis que nous tions assis ensemble, un soir, dans lejardin d'une modeste maison niche au sein d'un petit villagede la valle suprieure du Cachemire - Lionel, Sen et monhumble personne - un merveilleux tat d'me s'emparasoudain de nous, un tat que tout homme exprimente detemps en temps s'il est absolument satisfait intrieurement deson environnement et de lui-mme. Mais cet tat d'me taitpour nous d'une intensit cent fois plus paisible et agrable.L'air tait serein et plein du parfum des fleurs du jardin. Lalune brillait dans le ciel immacul et nous clairait ainsi que leshauts pics neigeux. La sensation de bien-tre qui nousenvahissait tous tait si intense qu'au moment o nous nousregardmes, nos visages nous apparurent transfigurs. Lionelet Sen comme enchants, fixaient d'un regard perdu dans levide le paysage lointain. L'impression de bien-tre intrieurtait tellement forte que je ne fus pas longtemps en mesure deme contenir et criai voix haute : "Oh, comme je me sensheureux, comme je suis heureux 1"

    A mon cri, Lionel et Sen se tournrent vers moi ensouriant et l'un d'eux fit cette rflexion : "Ainsi, vousprouvez aussi cela 1".

    Ils me racontrent alors qu'ils venaient prcisment dese retrouver en mditation avec quelques Saints Hommesindiens qui, ce soir, tenaient leur runion annuelle, laquelletait toujours ouverte par une mditation au profit de la bontdans le monde. J'avais galement peru le sentiment debonheur qui y tait attach, car j'tais l'unisson avec Lionelet Sen qui avaient connaissance de l'assemble et avaientparticip par sympathie ce dbordement de flicit. C'est lepartage de celui qui s'unit une telle mditation universelle.26

  • Les initis

    Ce fut une singulire exprience d'lvation laquelle,je pus souvent prendre part par la suite. Mais ma premireexprience fit vibrer mon corps de mme qu'un courantlectrique et eut un effet de "rdemption" sur mon me et monesprit. J'avais une sensation "d'ouverture d'me" et je me crusapte dans cet tat comprendre le langage des animaux, parlequel ils communiquent leurs impressions qu'ils traduisent enmettant des sons. Mon esprit, toutefois, semblait avoir perdutoutenotion de la gravit terrestre et toute limitation. Quoiqu'il en soit, je pensais pouvoir devenir l'instant"compltement clair" et je m'tonnais d'avoir pu jadis trouvercela aussi difficile considrer. C'est un tat d'extaseintrieure, dans lequel on ressent simultanment une paixintime et un bien-tre lev, un tat absolument indescriptible, nul autre pareil, et je veux vraiment dire : comparable riend'autre.

    Comme cet tat d'me commenait se dissiper, je fisobserver:

    "Ce doit tre vraiment merveilleux d'tre un SaintHomme. Quel dommage que l'on ne puisse raliser une tellechose sur terre".

    "Mais vous le pouvez" rpondit Sen avecbienveillance. "Seulement vous devez d'abord le vouloir".

    "Mais je ne sais mme pas comment dbuter"."Dites-moi que vous le dsirez et je vous conduirai

    jusqu' une cole de semblables Saints Hommes. Car la suite votre vie antrieure, vous y tes prpar".

    Intrieurement, j'tais ravi ; nanmoins, j'hsitais rpondre que je le dsirais. Mon aptitude allemande pour lesbanalits de l'existence se rvla en cette occasion. Je pensaisque je devais, en premier lieu, me rendre Bombay, afin d'yarranger mes affaires personnelles, car je ne pourrais m'enoccuper avant longtemps. Par ailleurs, j'avais toujours unesoeur en Allemagne avec laquelle, en sa qualit d'uniqueparente, je correspondais souvent. Quel motif lui donnerai-jequant au long silence qui pouvait s'en suivre? Bref, toutes cesconsidrations - en ralit des bagatelles qui, l'aide d'un peude bonne volont pouvaient aisment se rsoudre d'elles-

    27

  • Amo

    mmes m'apparurent brusquement des obstaclesconsidrables.

    Sen devait de nouveau avoir lu mes penses puisqu'ilreprit immdiatement :

    "Vous n'avez pas besoin de vous inquiter de quoi quece soit. J'ai tout organis pour vous au cours de mon voyage Bombay. De plus, j'y ai ramass une lettre pour vous aubureau de poste qui contient des nouvelles qui peuventrsoudre l'un de vos soucis majeurs".

    Sur ce, Sen me passa une lettre d'Allemagne, quidevait avoir sjourn longtemps dans le bureau de posteprincipal de Bombay. Je l'ouvris. Elle contenait la nouvelle dudcs de ma soeur.

    "Pourtant j'ai encore beaucoup d'autres dispositionsmineures prendre. Par exemple, informer la banque qu'ellene s'inquite pas si elle n'entend plus parler de moi durant unlong moment, et autres menus problmes similaires".

    "Je l'ai dj fait" rpondit timidement Sen, comme s'ildemandait par avance pardon d'avoir pris cette initiative. "Cefut la raison de mon voyage Bombay".

    "Oui, mais ...""Je sais dj", dit-il en souriant "vous voulez savoir

    comment j'ai pu prvoir tout cela. Eh bien, c'est possible.Vous tes prt. Je sais que vous ressentirez prochainement ledsir de vous retirer du monde".

    "Oui, cependant ne pourrais-je modifier mes plans ?Par exemple, qu'est-ce qui pourrait m'empcher ds prsentde changer d'avis ?"

    "Rien", rpondit Sen avec un sourire. "Mais toutefois,mme si vous changiez de nouveau d'ide maintenant, vous nepersisteriez pas et, au lieu de cela, reviendriez sans tarder ladcision que vous venez de prendre. N'oubliez pas : lorsquequelque chose est mr, la maturit est l. Vous pouvezobstruer le lit d'un ruisseau qui coule dans une valle, et ainsil'empcher de progresser quelque temps, mais vous ne pouvezstopper le cours vivant du ruisseau lui-mme. Ou bien, leseaux du ruisseau grossiront en un lac derrire le barrage quevous aurez construit, et ce lac le fera violemment clater dsqu'il sera assez puissant, ou bien elles chercheront un autre28

  • Les initis

    exutoire. Considrez qu'il en est de mme pour vous. Votredveloppement intrieur a atteint un point o votre ruisseaupeut tre endigu pour un temps plus ou moins long - et ainsi,par exemple, vous pouvez sur-le-champ modifier votreintention - mais soyez certain que la force du ruisseauchercherait sous peu une issue quelque part ailleurs. Mais celane pourrait s'avrer tre aussi agrable pour vous que si vousle dcidez maintenant, o tout est en train de prendre soncours naturel. C'est la consquence de votre bonne volontqui fera que votre progrs spirituel soit en mesure de suivreun sentier paisible, assur du succs total. Nanmoins, faitesce que vous voulez. Chaque homme a son libre arbitre, quenul autre ne peut forcer".

    Aprs une courte pause dans notre conversation, jerpondis:

    "Votre logique est bonne, Sen. Je suis prt tudieret, en fait, je dois vous avouer que non seulement je ne suispoint en colre contre vous pour votre prsomption, maisplutt reconnaissant de m'avoir dlivr de ce qui paraissaittre une entrave il y a seulement un moment. Je suis dispos partir avec vous et vous permettre de me guider, si vouspensez que c'est bien".

    Sur ce, un trange changement fut perceptible chezmon ami Sen. Son visage rayonna d'un clat presquesurnaturel.

    "Merci, merci du fond du coeur ! Vous ne ralisez pasquel singulier service vous m'avez rendu grce votredcision. Vous tiez l'obstacle final de ma progression. Pourdes raisons qui vous sembleraient toutefois inintelligibles, jedevais tout d'abord vous mener jusqu' la voie de laperfection. Avant de l'avoir accompli, il m'tait impossible deprogresser davantage. Mais dans ce processus il ne m'tait paspermis d'exercer la moindre contrainte sur votre dcision. Leseul chemin me restant ouvert tait celui du service, le loyalaccomplissement du devoir. Et ce chemin m'a, en cet instant,conduit vers la libert. Je vous demande maintenant votreconsentement d'tre instruit, et tout obstacle pour tre admisau sein de l'cole de "matrise" des Saints Hommes de laGrande Fraternit Blanche sera cart pour vous".

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  • Amo

    Je donnai joyeusement mon assentiment. Lionel avaitcout notre entretien en silence. Il s'approcha alors de moi,me serra la main et dit :

    "Dsormais vous tes vraiment mon Frre. J'aimeraisvous fliciter d'avoir choisi Sen pour guide. Il fut galement lemien. Bien entendu je n'ai pas jusqu'ici pass tous mes tests etje n'ai, par consquent, pas encore atteint la pleine matrise ;mais j'y parviendrai plus tard, lorsque vous serez peut-tredj bien plus avanc que je ne le suis actuellement".

    "Mais pas sur cette terre, cher Lionel". Sen prit part notre conversation. "Dans quelques annes, vous affronterezla mort dans une mission que vous devrez accomplir pourvotre pays qui sera alors entr en guerre contre celui de notreami. Naturellement, l'inimiti de ces deux nations ne noussparera pas, puisque nous savons fort bien qu'une tellehostilit n'est jamais qu'un phnomne transitoire, engendr etcaus soit par les hommes d'tat et leur diplomatie, soit par lesystme conomique rgnant et les conditions s'y rattachant".

    Lionel m'offrit de nouveau sa main. "Laissons faire ;nous sommes ds maintenant de vrais Frres en esprit! Si jene vous revois pas en ce monde, alors ce sera ailleurs. Noussommes lis l'un l'autre par une amiti que plus rien nepourra jamais briser".

    De nombreuses annes aprs, durant la premireguerre mondiale, Lionel se trouvait sur un croiseur auquell'amiral britannique, Lord Kitchener, donna l'ordre de secharger d'une mission diplomatique destination d'un autrepays. Lorsque ce croiseur fut torpill, Lionel perdit la vie enmme temps que Lord Kitchener et tout l'quipage dubtiment.

    Par consquent, une nouvelle phase de ma vie dbutaqui fit de moi un autre homme, car elle me transformacompltement. L'instruction que je suivis ne fut pas aise, ettout homme ne serait point mme d'y arriver. En fait,quelques hommes et femmes s'engagent dans une telleinstruction, mais l'interrompent ensuite et puis y renoncent.L'crasante majorit de ceux-ci a entrepris ces tudes, poussspar l'inspiration ou l'intuition. Ils se sont apparemment sentisguids, mais n'ont pas rellement compris ce qui leur tait30

  • Les initis

    arriv. Il a t accord uniquement quelques-uns, dont moi,d'acqurir cet enseignement directement de Matre Z et dedemeurer en sa prsence. Semblable privilge est le lot deceux-l seuls qui, en vertu de leur volution et de leurconduite antrieure dans leur vie terrestre et les autresmondes, ont droit une sorte de "garantie" que finalement ilsatteindront leur but. A dfaut, ils n'en conserveront pas moinsde si forts penchants et une telle soif de connaissance qu'ils nequitteront jamais plus le lieu o ils furent instruits. Mais mmes'il arrivait qu'une telle personne retourne dans le monde et luirvle son instruction afin de paratre "importante", ce seraitsans rsultat pour les curieux, car ses descriptions resteraienttoujours tellement incompltes que l'endroit o se droula ladite instruction ne pourrait jamais tre dcouvert ; et si lescurieux s'en approchaient nanmoins accidentellement, ilsseraient alors dtourns par un vnement ou un autre.

    Aprs la conversation entre Lionel, Sen et moi-mmeque je viens de rapporter, plusieurs jours s'coulrent sans quenotre attitude ne laisse transparaitre quoi que ce soit quipermette quiconque de supposer que nous avions conuquelque chose d'extraordinaire. En bref, nous ne primesaucune disposition pour chercher le collge des SaintsHommes. - J'emploie l'expression "Saints" parce que lesindignes font habituellement mention des membres de laFraternit Blanche en ces termes. Nous ne faisions toutsimplement rien, et ce pour la bonne raison qu'il nous semblaitinutile de faire quoi que ce soit pour atteindre notre objectif

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  • CHAPITRE TROIS

    L'ASCENSION JUSQU'AU

    COLLGE DES "INITIS"

    DANS LE HAUT HIMALAYA

    Quelques semaines plus tard, Sen fit irruption dans mamodeste chambre, o j'tais dj allong sur mon lit, entrain de lire. Ma blessure tait presque totalement

    cicatrise. II me demanda avec dfrence s'il pouvaitintroduire l'un de ses bons amis. Lorsque je dis oui, il partit etrevint en compagnie d'un indien qui me fit une excellenteimpression. Son regard tait franc, bienveillant. II taitsimplement mais fort soigneusement vtu et sa voix avait unesonorit apaisante. Bref, c'tait un personnage en qui tout lemonde pouvait et devait placer sa confiance.

    "C'est mont ami, Latah". Sen fit entrer le visiteur. "IIvous apporte un message du Matre Z".

    Je me levai immdiatement d'un bond et avec grandintrt priai l'missaire de me dlivrer le message du Matre Z.

    "Si vous tes prt, Sahib, vous pouvez me suivrejusqu'au site o le Matre Z rsidera pendant une fort longuepriode. Mais emportez des vtements chauds avec vous, carnous devrons voyager par-del les hautes chanesmontagneuses o il fait trs froid la nuit".

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  • Amo

    "Mais vous, cher Latah", dis-je avec un sourire, "vousne semblez pas soucieux de vous protger du froid, car voustes lgrement couvert".

    Latah sourit en retour et rpondit :"Sahib, quand vous aurez vcu en nos lieux d'tudes

    dans les hautes valles montagneuses aussi longtemps que jel'ai fait, vous serez alors aussi aguerri au froid que moi. Lefroid ne m'affecte pas parce que j'ai appris m'entourer, par lepouvoir de ma volont, d'une aura o il ne peut pntrer. Jem'y sens tout fait l'aise, peu importe le froid qu'il fait. Pourle moment, toutefois, vous n'avez point dvelopp de tellesfacults de concentration et devez faire attention ne passubir un quelconque prjudice".

    Nous fmes alors nos prparatifs de dpart, ce qui pritpeu de temps puisque Sen avait prvu cet vnement, et touttait si bien arrang que nous fmes prts pour notre voyagedeux jours aprs l'arrive de Latah.

    Lionel nous dit adieu le jour de notre dpart en meserrant affectueusement la main et en m'assurant:

    "Alors nous nous retrouverons, mon frre, dans unmonde meilleur".

    Cette sparation ne fut pas facile pour moi et rvla laforce des liens tisss entre nous par le destin.

    Nous prmes quatre porteurs avec nous au village danslequel nous avions rsid au cours des dernires semaines.

    Nous nous mmes en route de bonne heure le jour denotre dpart. Nous suivmes le cours d'un ruisseau quis'coulait d'une valle latrale. Une piste tait la seule routedont nous disposions. Nous marchions la file. Venait d'abordLatah, qui faisait fonction de guide ; puis suivaient les quatreporteurs avec notre peu de bagages ; j'arrivais ensuite et Senfermait la marche.

    Le soleil rayonnait plutt chaudement. Il n'y avaitmme pas la plus lgre brise. Aprs avoir grimp cinq heuresenviron, nous traversmes une sorte de col sur la chanemontagneuse, d'o nous pouvions jeter un coup d'oeil enarrire sur la grande valle que nous venions de quitter. Touttait paisible sous le soleil. Les prairies et les versants taientenvahis de tamariniers et de saules, et les cteaux herbeux34

  • L'ascension

    entrelacs de fleurs vivement colores. Juste derrire la valledont nous avions fait l'ascension, les hautes montagnes sedressaient dans le ciel. Les pics taient voils par d'paisnuages qui, curieusement, paraissaient incapables de traverserla vaste valle.

    Aprs avoir apprecie le grandiose paysagemontagneux qui nous tenait sous le charme, nous continumesplus avant. La piste serpentait travers une gorge troite.Celle-ci s'largit tout coup et devant nous s'tendit unecavit montagneuse, galement tisse de fleurs et d'un douxtapis d'herbe. Au-del le monde semblait s'tre arrt. Il meparaissait absolument impossible d'escalader les paroisrocheuses s'levant pic qui, selon mon estimation, sedressaient bien plus de 2.000 mtres vers le ciel. Plus haut setrouvait un plateau, et on ne pouvait voir les pics levs de8.000 mtres qui s'tendaient au loin.

    Nous dcidmes de dresser le camp dans cette vallepour la nuit. Je me demandais pourquoi nous le faisionsmaintenant alors qu'il tait encore si tt. Latah devait avoirdevin mes penses.

    "Nous ne pouvons poursuivre aujourd'hui car nousaurons bientt un gros orage, mme si le ciel est encore peuprs sans nuages".

    Et, en ralit, le ciel, aussi loin que nous pmes le voirdepuis la position avantageuse de notre cavit montagneuse,n'tait obscurci que par quelques cirrus qui s'tiraient traversle bleu du ciel comme de blancs coups de brosse.

    Pourtant, peine avions-nous mont notre vaste tente,dans laquelle nous avions tous les sept pris place, qu'il se mit faire sombre. Le ciel au-dessus de nous tait, en cet instant,couvert d'pais nuages noirs qui avaient l'air de s'enfoncerdans la cavit, car ils avaient dj englouti la partie suprieurede l'abrupte paroi rocheuse. De l o nous nous trouvions, onpouvait voir comment les masses nuageuses noires sefracassaient contre les murailles rocheuses, semblables auxbrisants. Il commena soudain tonner et pleuvoir. Mais iln'y avait pas encore de vent. Nous tions tous dans la tente.Chacun semblait absorb par ses propres penses.

    35

  • Amo

    Brusquement, on put entendre un bruit singulier. Jebondis et courus jusqu' l'entre de la tente. L, je fus frapppar un curieux spectacle. Il pleuvait peine. En bas de la paroirocheuse s'crasait une masse de grosses pierres roules.C'tait un glissement rocheux, ce qui se produit presquequotidiennement dans certaines gorges himalayennes. Mais leglissement rocheux faisait un bruit diffrent de celui quim'avait attir dehors. J'en cherchai la cause du regard etdcouvris qu'elle venait de l'entre de la cavit montagneuse,par laquelle nous venions de passer. Je vis alors une tornadequi avanait directement sur notre tente, mugissante ettourbillonnante. Son vortex s'largissait de plus en plus etparaissait encercler peu prs toute la valle. Pendant cetemps le tonnerre et les clairs continuaient sans cesse.

    Etant donn que la tornade se rapprochait toujours, jeme retournai et criai Sen et Latah :

    "Qu'allons-nous faire? Une trombe arrive sur nous !""Rien" rpondit Sen en souriant."Elle ne nous nuira pas" fit observer Latah, galement

    calme.Je regardai de nouveau autour de moi et m'aperus

    que la tornade avait pris de fort dangereuses proportions.C'tait un simple entonnoir obscur qui semblait descendre duciel. Partout o l'entonnoir passait, les arbres touffus taientbriss comme des allumettes. Tout cela me sembla si prilleuxque je regardai une fois de plus sous la tente, en direction deSen et de Latah. A la lueur ple de l'clairage, je les vis tousdeux assis paisiblement et souriant.

    "Ne craignez rien" me tranquillisa Sen une nouvellefois.

    Tandis que je guettais depuis la tente, la tornade taitdj sur nous. Seules quelques centaines de mtres noussparaient de l'entonnoir tourbillonnant. C'tait pure insanitque de demeurer assis l. Je fus littralement chass de latente. Puis je me sentis saisi fermement par le bras. C'taitLatah. Il me regarda droit dans les yeux et me dit gentimentmais instamment :

    36

  • L'ascension

    "Frre, croyez-vous vraiment que nous ne vousmnerons pas sain et sauf jusqu'au Matre Z ? Restez o voustes. Rien ne vous arrivera".

    En cet instant, il me regarda bien en face.Le son mugissant de la tornade qui me paralysait

    presque se rapprochait de plus en plus. Je restais immobile,comme subjugu. Latah me tenait toujours par le bras.Maintenant, maintenant notre tente devrait tre frappe !Maisbizarrement, rien ne se produisit. Le grondement de la tornadeeut soudain l'air de s'loigner. Au mme moment une aversedferla.

    Je m'assis, quelque peu dconcert, avec les autres.Chose curieuse, mme les quatre porteurs taient rests tout fait sereins et je me sentis, par consquent, d'autant plushonteux de ma couardise.

    Sen devina de nouveau mes penses."Vous ne devez pas avoir honte, frre ! Votre

    comportement ne fut que par trop naturel. Mais alors le ntrel'tait galement ! Lorsque vous serez aussi instruit que Latahet moi le sommes, vous serez ds lors tout aussi calme quenous. Rien en outre ne peut nous arriver, car nous avonsconsacr toute notre existence au Crateur. Comprenez que latotalit de notre vie, tous nos actes, notre conduite entire nesont qu'une seule prire, dans la mesure o nous abandonnonstout Dieu. Cela nous rend invulnrables tous les dsastresde la vie. Aussi longtemps que nous harmonisons notre vieavec Dieu en ce sens - ce en quoi c'est toujours la volont deDieu qui est faite et non la ntre - alors aucun orage ne peutnous affecter, aucun coup de foudre ne peut nous frapper,aucun animal nous attaquer, aucun chasseur ou ennemi nepeut nous atteindre d'une balle ou nous poignarder mort.Quelque chose se produira toujours au bon moment qui nousprotgera. Mais uniquement si nous sommes unis Dieu denotre propre libre-arbitre, et nous sentons ainsi nous-mmesen unit".

    "C'est donc, exactement la mme chose que ce quenous, chrtiens, disons: "Si nous vivons, nous vivons dans leSeigneur. Si nous mourons, nous mourons dans le Seigneur".

    "Prcisment" .37

  • Amo

    "Mais pourquoi la majorit des chrtiens n'ont-ils pasla confiance que vous possdez l'un et l'autre ?"

    "Parce que la plupart des chrtiens n'exprimententpas au-dedans ce que leurs lvres murmurent au-dehors. LeChrist lui-mme ne mettait-il pas souvent en garde contre lefait de ne dire que des mots et d'argumenter sur des conceptsverbaux, plutt que de vivre par-dessus tout selon sesenseignements ? Pourquoi les chrtiens le font-ils donc sirarement ?"

    Je trouvai remarquable que Sen accorde une telleimportance au Christ. Une fois de plus, avant que j'aie puexprimer mon tonnement, Sen expliqua:

    "Vous tes tonn de ma vnration pour le Christ.Nous tous, Initis, Matres, considrons le Christ comme leFils de Dieu. Le coeur secret de chaque religion sur la terreentire est en accord avec la doctrine du Fils de Dieu. Nous,ici en Inde, parcourons simplement un autre sentier qui estplus "illumin" et plus facile comprendre pour nos natures,pour notre environnement, pour nos capacits intellectuelles.Nous suivons les enseignements du Bouddha et de Brahma,lesquels sont cependant, leur niveau le plus profond, lesmmes que ceux du Fils de Dieu. Vous, chrtiens, qui avezreu une communication directe du Fils du Dieu tesfavoriss, et pouvez la comprendre. Pourtant vous laconsidrez comme quantit ngligeable, alors qu'elle est leplus glorieux prsent jamais offert l'homme ! Nous, Initisde toutes religions - car le coeur le plus intime de toutes lesreligions est unique et identique - n'avons qu'une seule opiniondu monde religieux, laquelle nous est commune tous etcorrespond celle du vrai et rel christianisme. Parconsquent, il n'est chez nous, Initis, qu'un royaume de lareligion, indiffrent celle travers laquelle nous sommesparvenus la matrise".

    Aprs un moment de silence, o je pensais ce quej'avais entendu, je fis observer comme me parlant moi-mme: "Mais comment se fait-il que ce soient prcisment leschrtiens qui estiment si peu le plus grand enseignementjamais offert l'homme, tandis que vous, qui vous tes levsdes autres religions jusqu' la religion primordiale, avez38

  • L'ascension

    dcouvert en cette religion primordiale la vraie et relledoctrine du Christ, et honorez ainsi le Christ comme le Fils deDieu bien plus intimement, profondment et sincrement quela majeure partie des chrtiens ?"

    "L'une des raisons principales" expliqua Sen "est quela plupart des chrtiens sont par trop des hommesd'entendement. Entendement et sentiment sont tous deuxncessaires pour conqurir la vritable sagesse et pour lacomprhension des plus pntrantes vrits des enseignementsdu Christ. Vous, les chrtiens de l'entendement, ngligeztoutefois beaucoup trop la vie du sentiment dans votrereligion. L'un et l'autre doivent galement tre exprims l'unisson : entendement et sentiment ! Quand l'un rgne sansl'autre, alors l'quilibre de votre perception est rompu, et vousobtenez une image trompeuse, tout comme lorsque quelqu'unvoit le monde d'une manire inexacte parce qu'il porte deslunettes non adaptes ses yeux. Mais ce que je veux vousdire s'claircira de lui-mme avec le temps".

    "Mme s'il fait encore grand jour" interrompit Latah,"dnons maintenant et reposons-nous ensuite, car demain nousaurons une journe trs, trs puisante devant nous. Etantdonn que nous aurons beau temps demain, nous pourronsprogresser assez loin sur le plateau, l o la voie deviendrarellement difficile, difficile parce que l'air se fera de plus enplus rare et que ce ne sera pas commode, spcialement pourvous, un europen inaccoutum aux montagnes".

    Nous suivmes le conseil de Latah et dnmes.Le repas termin, je sortis de la tente. L'orage avait

    cess et le ciel commenait se dgager. Le soleil tait encorehaut dans le ciel. La partie suprieure de la paroi du plateaudevant nous tait couverte de neige frachement tombe quimiroitait et scintillait au soleil. Dans la valle, on pouvait voir,aux arbres briss et aux buissons dracins, le cheminemprunt par la tornade. A dix mtres approximativement denotre tente, elle avait brusquement tourn droite et devaitalors s'tre dissipe.

    L'air tait tonnamment rafrachi et riche en ozoneaprs l'orage. Je restai debout quelques temps devant la tenteet jouis de la nature et du splendide paysage. Puis je revins

    39

  • Amo

    dans la tente o tous les autres dormaient dj. Ce fut unsommeil merveilleusement tonifiant. Au matin, je m'veillaiplein d'nergie, repos et vigoureux. Il me sembla pouvoirconqurir le monde entier!

    Sen me sourit lorsqu'il perut ma disposition d'esprit.Nos provisions furent vite rassembles, notre tente

    empaquete et nous partmes en direction de l'abrupt murrocheux. Le soleil n'tait pas encore lev et le crpusculeenvahissait la partie suprieure du plateau. On pouvait voirqu'il tait recouvert de neige tombe la veille;

    Notre ascension fut raide et pnible, mais pas aussiimpossible que je l'avais cru. La paroi rocheuse,indubitablement de plus de 2.000 mtres d'altitude, comportaitune piste encaisse que je n'avais pas remarque auparavant.Naturellement, cette piste tait extrmement troite parendroits, et montait contre la paroi de pierre avec un -pic surl'autre versant. Il me sembla durant un certain temps trefortement attir vers les profondeurs, o je demeurerais briset inanim. Quoi qu'il en soit, chaque fois que je subissaissemblable attaque, je sentais les yeux de Latah et de Senbraqus sur moi, tous deux s'tant arrts et regardant dansma direction. C'tait comme si leurs regards me fortifiaient carmon vertige se dissipait immdiatement. En dpit de monsentiment de vitalit du matin, plus nous grimpions, plus j'taispuis. La raret de l'air tait dj perceptible car nousdevions alors tre parvenus une altitude approximative de4.000 mtres.

    Le ciel tait presque serein. Il n'y avait pas de brise, etje percevais une intense dmangeaison sous l'effet des rayonsdu soleil sur ma peau. Il tait au moins deux ou trois heuresde l'aprs-midi lorsque nous atteignmes finalement le plateau,lequel ressemblait une longue valle troite et tait couvertd'herbe. Par endroit il y avait aussi quelques buissons, blottisdans de petites crevasses rocheuses comme un grouped'animaux craintifs essayant de se protger les uns les autres.Le sol de la valle tait plutt rgulier. C'tait une bndictionque de marcher de nouveau sur un tel terrain, en particulierdepuis qu'il n'y avait plus beaucoup de grosses pierres roulesqui tranaient. De temps en temps une valle, au fond de40

  • L'ascension

    laquelle coulait un ruisseau, s'ouvrait sur le versant.L'extrmit de chacune de ces valles latrales tait ferme parles immenses murailles glaces des hauts massifs montagneux.Un norme mur de glace et de neige se dressait en outredevant nous dans le ciel bleu. Les champs de neiges'tendaient dans notre valle, o la neige tombe pendant latempte de la veille n'avait pas compltement fondu. Al'endroit o la valle se terminait en face de nous, devant lemur de glace et de neige, un glacier paraissait merger dansune moraine - un bloc de roches, gravier et sable dposs surle glacier. En tout cas, lorsque nous atteignmes uneminence, nous vmes un gigantesque tas de rochersamoncels l. Il avait l'air d'tre tout fait proche, bien qu'cette altitude les distances soient trompeuses. Il fallait bienprs de trois heures pour arriver jusqu' la moraine glaciale.

    J'tais totalement extnu et fus par consquent fortheureux quand Latah et Sen donnrent enfin le signal de lahalte. J'tais incapable de percevoir la moindre fatigue chezeux ou chez les porteurs, cependant que je pouvais peine metenir sur mes pieds. Je m'tendis afin de me reposer un peu.Lorsque je m'veillai, j'tais allong dans la tente, sous descouvertures. A ma droite et ma gauche se tenaient Latah etSen. Une petite lampe huile brlait, qui rendait toutindistinct, comme au royaume des fantmes.

    Ds que je m'assis, Latah et Sen s'veillrentgalement aussitt.

    "O suis-je" demandai-je dconcert, alors quej'essayais de me rappeler ce que j'avais fait avant d'allerdormir. Puis je me souvins que je m'tais tendu, puis, pourme reposer une fois la moraine atteinte. Je devais m'treendormi tout de suite, et mes amis m'avaient apparemmentport sous la tente, laquelle avait t dresse entre temps, etl, doucement, m'avaient dpos et couvert sans que je m'enaperoive.

    "Avez-vous faim?" me demanda Sen.Comme je rpondai par l'affirmative, il me donna

    quelque chose manger - du pudding et des fruits."Etes-vous trs fatigu ?" s'enquit Latah avec

    bienveillance.41

  • Amo

    Curieusement, je ne ressentais plus aucune lassitude.Je lui dis donc que je n'tais pas fatigu. Au contraire, je mesentais tout fait dispos.

    "Toutefois", fit observer Latah, "il serait bon que voustentiez de vous rendormir, car demain nous devrons franchirle glacier. Nous aurons accomplir cela demain parce quenous n'aurons du beau temps que temporairement, demain etaprs-demain. Lorsque le temps deviendra de nouveaumauvais, nous devrons tre dans l'une des valles latrales quimne jusqu' la haute valle o est situ le sanctuaire deMatre Z".

    Je me rendormis bientt. Nous partmes le matinsuivant avant le lever du soleil. Il faisait froid et le sol taitcompltement gel. Nous avions rapidement dmont la largetente. Le dlicieux th chaud avait encore circul avec lepudding et les fruits, et nous nous rendmes ensuite jusqu' lamoraine.

    Nous voyagemes cette fois tout prs les uns desautres, l'un derrire l'autre, afin de ne pas nous garer dans laprofusion des grosses pierres. De plus, de telles moraines sontles repaires favoris des tigres et des panthres des neiges, et iln'est pas drle d'effrayer soudain l'un de ces fauves quand ilest au repos, ou de le dranger par inadvertance lorsqu'il esten train de chasser ; car bien que cette rgion m'apparut sansvie, elle est nanmoins habite par toutes sortes d'animauxcomme des tigres, ours, loups, lagopdes, renards, une espcede marmottes, aussi bien que livres des neiges et chvressauvages.

    Mais il y avait encore une autre raison ce que jefusse soigneusement escort au milieu du groupe. La cause entait, ainsi que je le dcouvris grce Sen, les prtendushommes des neiges de l'Himalaya. Ici et l j'avais entenduparler de semblables cratures dans les valles du Cachemire,mais j'avais pris ces histoires pour des fables. Je demandai Sen ce qu'il en tait et il me donna l'information suivante:

    "Non, ce n'est pas une fable. Dans les rgionssuprieures des montagnes, de 5.000 ou 6.000 mtres environjusqu'aux pics les plus levs, au-del de 8.000 mtres, existeune race d'hommes, peu nombreux, appels hommes des42

  • L'ascension

    neiges. Ils donnent l'impression d'tre des hommes primaires,dont les cheveux recouvrent tout le corps et qui ont la forcedes anthropodes, menant une vie extrmement primitive.Lorsque quiconque est prudent leur gard et les laisse enpaix, ils ne lui font pas de mal. Au mieux, ils approcherontoccasionnellement quelqu'un afin de l'examiner et de s'entonner. Ils sont fondamentalement inoffensifs. Cependant ilen va diffremment s'ils sont provoqus. Il peut alors se fairequ'ils tombent sur des voyageurs isols ou des groupes entiersde voyageurs dans les valles montagneuses et les tranglent.Heureusement cela se produit exceptionnellement, enparticulier parce que les hommes des neiges sont foncirementcraintifs et ne sont observs que rarement. Ils sont capables desuivre les voyageurs sans se faire voir ; c'est dire qu'ils seglissent sans bruit derrire eux, utilisant le moindre rocherpour couverture. Ils sont, ainsi que je l'ai dit, inoffensifs si onles laisse en paix, et vrai dire serviables mme quand on leura accord une faveur. A cause de leur mfiance et de leurnature rserve, on en sait fort peu sur eux. Ils visitentsouvent nos sites d'tude dans les hautes vallesmontagneuses. Nous leur donnons de la nourriture et sommesamicaux envers eux. Sous peu ils repartent. Si les mles sontcraintifs, les femelles le sont bien davantage. Il estincomprhensible pour les habitants des valles que leshommes des neiges puissent demeurer peu prs totalementnus dans les rgions montagneuses de l'Himalaya sans geler, etqu'ils puissent survivre. Ils attrapent leurs proies en se glissantfurtivement derrire. Celle-ci consiste principalement enlagopdes, livres des neiges et autres. En guise d'armes, ilsportent gnralement de lourdes massues, qui sonthabituellement faites d'normes branches. Ils ont encore pourarmes des fragments de pierre. On prtend qu'ils courent aussivite que les livres des neiges et grimpent comme les chvressauvages". (L'existence de ces hommes des neiges a, soit diten passant, t confirme dans la dernire dcennie parcertaines expditions himalayennes. A des altitudes de plus de8.000 mtres, jamais atteintes auparavant par les hommes,elles trouvrent des traces d'immenses pieds nus, lesquelsfaisaient parfois penser aux pattes d'anthropodes gants).

    43

  • Amo

    Nous continuions marcher tout en bavardant. C etl, des morceaux de rochers taient recouverts de formationsglaces et massives. Enfin nous nous tnmes devant la paroigele du glacier, lequel se dressait au-dessus de nous commeune rivire de glace gante tout coup arrte dans saprogression.

    Je me demandais comment nous pourrions franchir leglacier avec ses champs de neige et de glace, vtus de nosvtements relativement primaires. Mais ce problme sersolut, pour ainsi dire, de lui-mme. La glace du glaciern'tait pas trop raide escalader et s'avra en outre n'avoir quepeu de fissures. Assurment notre ascension fut extrmementfatigante et trs, trs monotone. A un moment donn Latahattira mon attention sur une tache blanche en mouvement.C'tait une panthre des neiges qui traversait le glacier etdisparut ensuite de l'autre ct dans la neige et les grossespierres parpilles.

    Finalement - il me sembla que cela avait dur uneternit - le glacier ne s'leva pas davantage et nous avionsgagn un nouveau plateau, qui se trouvait compltementenseveli sous la neige. Par bonheur le ciel s'tait couvert, sibien que la neige ne rflchissait pas les rayons du soleil, et nenous brlait pas les yeux. Nous parcourmes divers niveauxde terrain, dont aucun n'tait trs lev et pntrmes mainteset maintes fois dans une rgion nouvelle de la valle, chacunesemblable la prcdente. Il devait tre environ quatre heuresde l'aprs-midi lorsqu'il se mit neiger lgrement. C'est cemoment que nous tournmes gauche, et l, un peu au-dessous de nous, se trouvait une construction de pierre isole.Chose remarquable, la neige qui l'encadrait avait fondu etmme le petit lac situ proximit n'tait pas gel.

    Lorsque j'exprimai mon tonnement ce sujet, Senexpliqua que le lac tait aliment par de l'eau chaude et, de cefait, jamais gel. La zone de chaleur s'tendait tout autour dulac. Le sol sur lequel tait rige la construction taitgalement chauff souterrainement, ainsi nous ne glerionspas au cours de la nuit.

    Si on considre le secteur dans lequel elle se tenait, laconstruction de pierre tait trs confortablement meuble. Elle44

  • L'ascension

    possdait trois tables sommairement construites, quelquesbancs et plusieurs couchettes sur lesquelles des couverturestaient tendues. Mme le bois de chauffage avait t empilprt tre brl. J'en fus tonn. Latah expliqua:

    "Nous sommes dj dans la rgion garde par le"sanctuaire" du Matre Z. Il y a de nombreux endroitsanalogues celui-ci dans les valles latrales de la montagne.Ils sont entretenus par le sanctuaire. Mais vous en apprendrezdavantage ce sujet". Nous nous mmes notre aise. Ou dumoins je le fis ; car alors je sentis soudain quel point j'taisrellement las et puis. Bizarrement, jusqu'ici, l'altitude avaitt sans grande consquence sur moi. Mais prsent, alorsque je me reposais, j'eus l'impression d'tre compltementextnu. Je parus manquer tout fait d'nergie. Tout se seraittrs bien pass pour moi si je ne m'tais jamais relev. Je fus,quand je m'y essayai, vaincu par une terrible fatigue laquelleje ne pus rsister.

    Lorsque je m'veillai, je dcouvris que j'avais dormi unjour entier, et que c'tait dj le second jour de notre arrive.Chose curieuse, je fus bientt plein d'entrain et me sentisprofondment rafrachi et revigor, si bien que je crus pouvoirentreprendre n'importe quoi. Je ballai, m'tirai et sautainergiquement du lit, pour y retomber aussitt. J'avais oublique nous nous trouvions entre 6.000 et 7.000 mtresd'altitude.

    Je regardai du ct de Sen qui tait aussi dans lerefuge. Il s'approcha de moi et me demanda comment je mesentais. "Fort bien. Je pensais justement que je pourraisdraciner des arbres ; mais lorsque j'essaie de me lever, jeretombe". "C'est l'air rarfi", me consola Sen. "La raisonpour laquelle vous vous tes rveill si dtendu et vivifi, c'estque le Matre Z est en train de vous donner de la force par"tlthrapie" et vous a magntis dans votre sommeil, crantpar consquent une nouvelle vitalit en vous. Cependant, surson conseil, nous - savoir vous et moi - demeurerons icienviron deux semaines, jusqu' ce que vous soyez acclimat cette altitude. Car le sanctuaire de Matre Z se tient prs dequatre mille pieds au-dessus. Vous ne pourriez supporter cettealtitude sans tre d'abord habitu celle-ci".

    45

  • Amo

    Je ne rpondis pas. J'avais le sentiment d'tre biensoign dans les mains de Sen et dcidai de m'en remettre lui.

    Nous restmes ainsi au moins une semaine, que jepassai en promenades ici et l quand le temps le permettait.Lorsqu'il neigeait et qu'il faisait de l'orage, je me reposaisgnralement. Etrangement, je pouvais toujours m'endormirimmdiatement ds que je m'tendais, sans souci du jour ou dela nuit. Je notais que jour aprs jour j'tais sous l'emprise d'untat d'me de plus en plus gai et enjou. Je me sentaisvraiment trs bien. J'tais heureux dans mon for intrieur etsatisfait dans mon me au-del de toutes limites.

    Sen m'observait et perut ce changement progressifqui s'oprait en moi avec une vive satisfaction, ce qu'il mesembla. Il m'apparut souvent qu'une force de vie circulait enmoi venant d'une quelconque source inconnue, un peu commesi j'avais t charg de vitalit par quelques moyens ignors.

    En rponse ma question sur ce sujet, Sen donnal'explication suivante:

    "Votre observation est correcte. Matre Z vousmagntise continuellement dans votre sommeil".

    "Il doit donc srement avoir beaucoup de temps libre!"fis-je remarquer avec dsinvolture, ce que je regrettai aumoment mme o je l'avais dit.

    Sen se contenta de sourire:"Ne vous en faites pas. En tout cas le procd de

    magntisation est totalement diffrent de ce que vousimaginez. Pour vous magntiser Matre Z n'a pas besoin depenser vous sans cesse. Il vous avait d'ores et dj treintdans son coeur, comme l'un des ntres, et a dcid que vousseriez toujours dans le royaume de ses rayons magntiqueschaque fois que vous vous reposez, ou que vous tes dispos recevoir ces rayons en vous".

    "Je ne peux imaginer comment cela se passe! Car j'aimon libre arbitre, aprs tout, et ne suis pas oblig de consentir tre hypnotis !"

    "Ce n'est pas de l'hypnose, et vous conservez votrelibre arbitre. Mais, dites-moi, pourquoi nous avez-vous suivisjusqu'ici ?"

    46

  • L'ascension

    "Parce que je souhaite tre enrl dans le sanctuaire deMatre Z".

    "Bien! Est-ce de votre plein gr ?""Oui"."En ce cas, et pour commencer, votre inclination est

    votre libre arbitre, et Matre Z nia pas besoin de voushypnotiser. De plus, veuillez noter que nous n'hypnotisonsjamais personne. Pour nous, l'hypnose n'est qu'un champd'tude, lequel prouve les immenses pouvoirs de l'me et del'esprit humain. Mais ce n'est en aucune faon le vhiculed'une pression quelconque. Souvenez-vous que la loisuprieure de chaque investigation occulte, de chaquepntration mystique, de chaque avnement la connaissancede Dieu est celle-ci : le libre arbitre ! Nous ne pourrionsjamais nous l'arroger pour contraindre qui que ce soit - carmme Dieu ne le fait pas ; Dieu, l'existence la plus hautementconcevable, pour qui ce serait une bagatelle, qui n'aurait qu' ypenser pour que cela arrive l"

    "Et cependant je ne puis comprendre" rpondis-je"comment je peux continuellement prendre part aurayonnement de Matre Z s'il ne pense pas moi pendant leprocessus" .

    "Je vous l'expliquerai l'aide d'un exemple. Lorsque leparlement vote une loi, celle-ci entre en vigueurautomatiquement et sur-le-champ, par l'intermdiaire desorganes excutifs de la police et des tribunaux, chaque foisque ces clauses sont troubles ou transgresses, afin deprserver ceux pour qui le parlement a vot la loi. Si unmeurtre tait commis n'importe o, la police - et plus tard lestribunaux - interviendrait sans que le parlement s'occupencessairement personnellement de l'affaire en question. Or,c'est la mme chose avec notre Matre Z. Vous tes leparlement qui a dcid d'tre instruit par Matre Z. Par ceprocd vous avez cr une disposition dans votre libre arbitrequi reste automatiquement prsente aussi longtemps que vousgardez l'intention d'tre form et instruit par Matre Z. MatreZ est, pour ainsi dire, l'organe excutif de votre libre arbitre -la police et les tribunaux dans notre exemple - qui prendautomatiquement effet ds que vous tes bien dispos ou en

    47

  • Amo

    condition de rceptivit l'gard de l'enseignement que votrelibre arbitre a souhait. Votre rceptivit est ainsi toujoursprte, aussi longtemps que votre libre arbitre consent treinstruit. Et le rayonnement du Matre Z est de mme sanscesse prsent aussi longtemps que votre disposition existe,tout comme chaque police et jurisprudence agissentimmdiatement toutes les fois que c'est ncessaire. Est-ce pluscomprhensible pour vous ?"

    "Oui", rpondis-je avec une lgre hsitation, car cequ'il avait dit n'tait pas encore tout fait clair.

    "Bon, en ce cas un autre exemple". Sen reprit soninstruction. "Vous savez que Dieu a engendr toute lacration et que c'est grce au maintien de Sa volont qu'elledure, parce que "c'est bon" ainsi que Dieu l'a Lui-mmedtermin le septime jour quand Il se reposa. Ce septimejour de la cration se poursuit toujours. Dieu est encore "entrain de se reposer", c'est dire que Sa volont, par laquelle lacration prit naissance, dure encore. Nanmoins, il n'est pasncessaire pour cela que Dieu Lui-mme soit inquit par lebien-tre du moindre scarabe, car Il a tabli le cours de la viede toute la cration au travers de l'ordonnance de la loi quicontinue exister simplement par l'intermdiaire de Savolont. L'homme seul n'est pas aussi troitement enchan auprincipe de la loi car il a un esprit conscient. Le Crateur apareillement rgl l'ordonnance de la loi pour les impulsionsde l'me et de l'esprit humains, qui peuvent tre choisies parl'homme lui-mme, de son "choix dlibr", son "libre arbitre".

    C'est galement le cas pour vous. Vous pourriez denouveau changer d'avis aujourd'hui, si vous le dsiriez. Nimoi, ni Latah, ni le Matre Z ne serions irrits contre vouspour cela, mais plutt tristes parce que vous auriez choisi dene pas poursuivre le cours de votre future volution. Maisaucun d'entre nous ne tenterait de vous contraindre. Voyezcombien le pouvoir suprieur de la cration est gnreux,celui du Crateur Lui-mme dans sa mission d'assistance. Quepenseriez-vous du Crateur, ou que penserions-nous nous-mme de quiconque sur terre s'approprierait le pouvoir afin degouverner et de conduire des milliers, voire mme des millionsd'hommes, et de les orienter selon les troites limites de sa48

  • L'ascension

    conception? Une telle chose n'arrive jamais dans nos cerclesd'Initis. Si nous essayions seulement, Dieu nousabandonnerait incontinent ; c'est dire que nous existerionssans Lui et perdrions ainsi notre pouvoir. Veuillez ne jamaisoublier : mme l'Initi, le Matre le plus voulu, ne peut rienaccomplir en mettant son pouvoir personnel excution. Il nepeut raliser toutes choses grandes et merveilleuses que grce sa fusion avec Dieu. De cette faon, pour ainsi dire, Dieuoeuvre travers lu