Alliances de marques : quel profit pour les marques...

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Cet article est disponible en ligne en format HTML à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RFG&ID_NUMPUBLIE=RFG_145&ID_ARTICLE=RFG_145_0163 Alliances de marques : quel profit pour les marques partenaires ? par Jean-jack CEGARRA et Géraldine MICHEL | Lavoisier | Revue française de gestion 2003/4 - n° 145 ISSN 0338-4551 | pages 163 à 174 Pour citer cet article : — Cegarra J.-J. et Michel G., Alliances de marques : quel profit pour les marques partenaires ?, Revue française de gestion 2003/4, n° 145, p. 163-174. Distribution électronique Cairn pour Lavoisier. © Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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Alliances de marques : quel profit pour les marques partenaires ?

par Jean-jack CEGARRA et Géraldine MICHEL

| Lavoisier | Revue française de gestion2003/4 - n° 145ISSN 0338-4551 | pages 163 à 174

Pour citer cet article : — Cegarra J.-J. et Michel G., Alliances de marques : quel profit pour les marques partenaires ?, Revue française de gestion 2003/4, n° 145, p. 163-174.

Distribution électronique Cairn pour Lavoisier.© Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays.La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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La coopération entre

marques est devenue

une pratique courante en

marketing. Les alliances

de marques, et plus

particulièrement les

opérations de co-branding,

peuvent être profitables

pour chacune des marques.

Les conditions de succès

de ces nouvelles formes de

collaboration résident

notamment dans le choix

judicieux de la marque

partenaire, et dans la

pertinence et l’originalité

de l’offre proposée

aux consommateurs.

Les alliances de marques prolifèrent. Ces opéra-tions ne visent pas simplement à développer uneforme d’affinité entre les marques ; elles doivent

être fondées sur une création de valeur partagée qui peutreposer sur la recherche de notoriété, sur l’endossementde nouveaux attributs, sur la mise en avant de l’un descomposants majeurs du produit, ou sur la mise en com-mun de compétences pour le développement de nou-veaux produits (Blackett et Russel, 1999). Les formulessont variées et sont adaptables aux différents stades dedéveloppement des produits concernés (tableau 1).Le développement partagé consiste en une associationau stade de la conception du produit par la mise en com-mun de potentiels de recherche ou de développement.Cette forme d’alliance est fondée sur l’association deplusieurs savoir-faire. Le modèle automobile Smart estl’exemple d’une stratégie monolithique qui consiste àdénommer le produit par un nom indépendant de cha-cune des marques à l’origine du produit, même s’il estici possible d’identifier le « S » de Swatch et le « M » deMercedes dans la nouvelle marque. La stratégie d’en-

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PAR JEAN-JACK CEGARRA,GÉRALDINE MICHEL

Alliances de marques :

quel profitpour les marques partenaires?

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dossement, par contre, doit aboutir à l’iden-tification d’une seule des marques parte-naires. Le nom de la boisson instantanée authé Nestea – produit créé par Nestlé etCoca-Cola – permet, par exemple, d’identi-fier clairement la marque Nestlé.Le comarquage consiste à associer uneseconde marque (marque invitée) à lamarque du producteur du produit ou du ser-vice (marque accueil) sur un ou plusieursproduits. Le comarquage fonctionnel(ingredient branding) permet au fabricantdu produit de tirer profit du capital de lamarque de l’un de ses composants essen-tiels, et de mettre ainsi en avant l’origina-lité du produit (McCarthy et Norris, 1999).C’est ainsi qu’un rasoir Philips intègre la

crème hydratante Nivéa, qu’une mousse auchocolat de la marque Yoplait est élaboréeà partir du chocolat noir Côte d’Or, ouencore que plusieurs marques d’ordina-teurs intègrent le microprocesseur Intel. Lecomarquage symbolique vise essentielle-ment à transférer certains attributs symbo-liques de la marque invitée sur la marqueaccueil. Ce type d’alliance est très utilisédans le secteur automobile où un modèlede véhicule peut faire évoluer son position-nement et son image au gré des marquesqui lui sont associées. Des constructeurscomme Peugeot et Renault ont couram-ment recours à cette pratique. La stratégiede Renault pour la Twingo, par exemple,consiste à décliner plusieurs marques invi-

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Tableau 1LES STRATÉGIES D’ALLIANCES DE MARQUES

Types d’alliances

Développementpartagé

Comarquage

Communicationconjointe

Stades dedéveloppement

du produit

Conception

Dénomination

Communication

Variantes stratégiques

Stratégie monolithique: le produit est dénommé parun nom unique et nouveau, indépendant des deuxmarques.

Stratégie d’endossement: permet à l’une des marquesalliées d’authentifier le produit.

Type fonctionnel: stratégie de marque qui consiste àassocier à la marque du fabricant la marque de l’un deses principaux composants.

Type symbolique: stratégie de marque qui consiste àassocier à la marque du fabricant une seconde marquegénératrice d’attributs symboliques additionnels.

Publicité jointe : deux marques groupent leursressources pour développer une campagne publicitairecommune.

Promotion couplée: les marques s’associent pour mettreen place une opération promotionnelle intermarque.

Source : adapté de Cegarra et Michel (2001).

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tées sur un même modèle (Benetton,Kenzo, Adidas, etc.). Dans le cas de Peu-geot, il s’agit parfois d’associer une mêmemarque invitée (Roland Garros, parexemple) à plusieurs modèles (106, 206,306, etc.).La communication conjointe n’impliqueaucune collaboration au niveau de laconception des produits. Dans cette der-nière forme d’alliances, les marques asso-cient leurs ressources uniquement pourdévelopper une campagne publicitaire oupromotionnelle commune (Grossman,1997). La publicité jointe peut prendre laforme d’une campagne de préconisationd’une marque par une ou plusieurs autres.C’est ainsi que la marque de lessive Ariel aété recommandée par plusieurs marques devêtements, pour grands et petits (New Man,Creeks, Jacadi, etc.). La complémentaritéd’usage de certains produits peut égalementdonner naissance à des associations – telsles céréales Kellogs et le jus d’orange Tro-picana – dans une même campagne publici-taire. Cette complémentarité est égalementà l’origine de campagnes de promotioncouplée, où l’objectif est de générer duchiffre d’affaires incrémental grâce à uneopération limitée dans le temps, comme lavente par lot de deux produits de marquesdifférentes. Les profits escomptés peuventaussi s’envisager à plus longue échéance,comme le montre l’exemple de la carte depaiement Air France/American Express quipermet à son détenteur, lors de chaque utili-sation de celle-ci, d’accumuler des MilesFréquence Plus.Certaines de ces alliances sont donc fon-dées sur des logiques industrielles (c’est lecas du développement partagé). D’autressont davantage orientées vers des objectifsessentiellement marketing : comarquage et

communication conjointe. Ces deux der-niers types de coopération, où la visibilitéde l’alliance entre les marques est un élé-ment fondamental, sont généralementregroupés sous le terme générique de co-branding(Venkatesh et al., 2000). Ce sontces dernières formes d’alliances demarques que nous étudierons plus spécifi-quement dans cet article dont l’objectif estde développer les différentes missions quipeuvent être assignées à des opérations deco-branding, d’une part, et d’identifier lesprécautions à prendre pour en assurer laréussite, d’autre part. Dans une premièrepartie, nous présentons l’intérêt desactions de co-branding pour chacune desmarques partenaires, la marque accueil(marque du concepteur du produit ou ser-vice) et la marque invitée (marque asso-ciée). Dans un second temps, nous définis-sons les conditions de succès de cesalliances qui dépendent du choix du parte-naire et de la pertinence de l’offre propo-sée au consommateur.

I. – LE RÔLE DES ALLIANCES DE MARQUES

Selon les objectifs poursuivis, le caractèrede l’alliance peut être de nature stratégiqueou tactique.

1. Le rôle stratégique d’une alliance de marques

L’alliance peut être un élément essentiel dela politique de marketing d’un produit oud’une gamme de produits à un momentdonné de son cycle de vie. Elle peut per-mettre de mieux couvrir ou d’élargir lacible, d’adapter le positionnement du pro-duit à l’évolution du marché, de pénétrer denouveaux segments de marché.

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Le co-branding comme instrument de ciblage

L’apport d’une marque invitée permetd’élargir la cible du produit du fabricant ens’orientant vers de nouveaux consomma-teurs. Dans le secteur automobile, de nom-breuses séries limitées sont fondées sur l’as-sociation du nom du produit avec unemarque à forte valeur émotionnelle. Prenonsl’exemple de la Renault Twingo/Kenzo.L’alliance entre les marques ne se limite pasà un simple comarquage du produit, maisimplique une participation de la marqueinvitée (Kenzo) à la conception du produit àtravers certains aspects spécifiques dudesign de produit (par exemple, la créationdu tissu des sièges). Cette stratégie est sou-vent utilisée pour des produits qui s’adres-sent à un marché assez large et qui veulentcibler un public spécifique. Ainsi, les diffé-rents segments du marché peuvent êtreciblés d’une manière plus individualisée: laTwingo/Kenzo ne s’adresse pas aux mêmesconsommateurs que la Twingo/Benetton ouencore la Twingo/Adidas. La RenaultTwingo, et plus récemment la Smart, ontbénéficié d’associations (comarquage) avecdiverses marques pour couvrir de façon plusefficace les différents segments de leur mar-ché. Dans un secteur différent de celui del’automobile, citons l’exemple d’Orangina(boisson à l’orange) qui a accueilli desmarques invitées comme Kookaï et PlaySta-tion, ou encore le cas de la marque Fila quia développé des chaussures de sport en sérielimitée avec la marque Ferrari.

Le co-branding comme expression du positionnement

L’alliance de marques peut aussi être utili-sée pour adapter le positionnement du pro-duit à l’évolution du marché. Elle peut soit

le renforcer, soit le faire évoluer (Wash-burn et al., 2000). Ainsi, l’allianceAudi/Mr Propre a pour objectif de renfor-cer le positionnement fondé sur le carac-tère propre et écologique des moteurs desautomobiles Audi. Pour Nissan, sonalliance avec la marque de bonbons Hariboet son personnage Tino a permis de renfor-cer l’image familiale du monospace Nis-san/Tino et de concurrencer ainsi directe-ment la Peugeot 806. Dans le cadre d’unestratégie de cocommunication, Opel adéveloppé plusieurs partenariats publici-taires pour la Corsa qui a été associée danscertaines publicités aux marques Durex(allusion à la sécurité), Sega (la toucheludique), Saupiquet (évocation humoris-tique à l’habitabilité) et World Online (lacaution technologique).Le comarquage et la cocommunicationpermettent de valoriser le positionnementdes marques. Toutefois, lorsque le posi-tionnement est fondé sur des valeursd’usage du produit ou sur certaines carac-téristiques techniques de celui-ci, uncomarquage de type fonctionnel est pluspertinent pour apporter de la valeur à lamarque (par exemple, les sucettes ChupaChups/Orangina).

Le co-branding comme moyen d’accès à de nouveaux marchés

Une opération de co-branding permet aussià la marque invitée d’accéder à de nouveaumarchés sur lesquels elle pourra ensuitedévelopper de nouveaux produits qui béné-ficieront d’un capital de marque déjà acquitgrâce au co-branding (Samu, Krishnan etSmith, 1999). Citons l’exemple de lamarque Nivéa qui peut utiliser son associa-tion avec les rasoirs Philips (rasoirs Phi-lips/Nivéa) pour développer par la suite de

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nouvelles actions et de nouveaux produits àdestinations de cibles masculines sur lemarché des produits de soin pour le visageet pour le corps. Lors d’une stratégie d’ex-tension de marque, le nouveau produit estmieux évalué lorsque la marque en exten-sion est associée à une autre marque qui luipermet de s’intégrer plus facilement dans lanouvelle catégorie de produit (Desai et Kel-ler, 2002). C’est notamment le cas de lamarque Taillefine qui n’aurait jamais pus’étendre vers le marché des biscuits si ellene s’était pas associée à la marque Lu pourlancer une ligne de biscuits allégésLu/Taillefine. Par ailleurs, l’évaluationd’une marque étrangère qui s’internationa-lise est meilleure lorsqu’elle s’allie avecune autre marque locale que lorsqu’ellelance seule son produit sur ce nouveau mar-ché (Voss et Tansuhaj, 1999).

2. Le rôle tactique d’une alliance de marques

Sur un plan tactique, une opération de co-branding peut être utilisée par le détenteurde la marque accueil comme un outil depromotion des ventes. L’alliance peut aussiêtre le moyen, pour la marque invitée, decréer l’événement ou de tirer des revenus dela vente de produits dérivés.

Le co-branding comme instrument publi-promotionnel

En créant un effet de rareté, dû à une sérielimitée identifiable par une marque invitéeapposée sur le produit, le producteur dis-pose d’un excellent moyen de stimulationdes achats. De nombreuses alliances demarques sont conçues dans cette optique,particulièrement dans le secteur automo-bile. Citons, à ce titre, l’exemple de laSmart. Après des débuts difficiles, un

accord de partenariat signé avec la marqueAgnès b. en 2001 a donné naissance à unepremière série limitée, la Smart/Agnès b. Les400 voitures produites ont été vendues enun mois, soit la moitié des ventes men-suelles de l’époque. Plus récemment, uneassociation avec Orange a débouché sur lacréation de la Smart/Orange (série limitée,tirée à 450 exemplaires), modèle disposantd’un certain nombre d’équipements decommunication (téléphone mobile haut degamme, kit main libre, services spécifiquesde l’opérateur et du constructeur) et dont leprix constitue une offre-prix attractivecompte tenu du niveau d’équipement pro-posé. Il arrive aussi que la marque d’auto-mobiles joue le rôle de marque invitée,comme dans le cas des chaussures Fila/Fer-rari. Pour la marque invitée, ce type d’opé-ration de co-branding peut être un bonmoyen de créer l’événement pour le lance-ment d’un nouveau produit, ou pour uneaction de communication sur celui-ci. Parexemple, à l’approche du Salon de l’auto deParis à la rentrée 2002, le lancement de lasérie limitée Renault Clio/Playstation II apermit à Sony de profiter de l’audience dela manifestation, dans le sillage de la voi-ture Clio, pour promouvoir ainsi sa consolevidéo. Dans sa conception, cette forme d’alliance peut s’apparenter à une forme deparrainage.

Le co-branding comme générateur de revenus additionnels

Le co-branding peut également se révélercomme l’un des moyens de profiter du capi-tal de marque pour générer du chiffre d’af-faires additionnel, par la cession de licencesde la marque. Les licences peuvent être lefait d’articles hétéroclites dispersés entrelicenciés, mais elles peuvent aussi être

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structurées dans une offre homogène. Dis-ney lance ainsi Disney Home, un conceptglobal pour la décoration des chambresd’enfants. C’est un concept de produitscoordonnés, tant sur les produits de base(décoration murale, linge de lit, meubles)que sur les accessoires (luminaires,tapis, etc.). Disney Home coordonne lesactivités d’un groupe de licenciés variés :Abélia (papiers peints), Astral (peinture),CTI (linge de maison), Demeyer et JeminiFun House (mobilier en bois et en mousse),Corep (luminaires). C’est également ladémarche de la direction de Roland Garrosqui souhaite permettre aux produits de s’in-tégrer à la griffe tout en enrichissantl’image de celle-ci. La griffe a été lancée en1987 en s’appuyant sur des accords delicences avec trois grandes marques pré-sentes sur le court central depuis de longuesannées : Descamps (serviettes), RayBan(lunettes) et Seiko (montres). Depuis 1996,deux catégories de produits cohabitent : lesproduits développés par les partenaireslicenciés et les produits développés directe-ment par l’équipe de Roland Garros, soit au

total six cents références conçues en colla-boration avec des marques comme Ericsson(téléphones portables), Adidas (chaussuresde sport), Lanvin (panamas et cravattes) ouencore Longchamp (bagages). Mais, si lepartenariat entre Peugeot et Rolland Garrosest un exemple de pérennité et de réussite, ilfaut cependant veiller à ne pas diluer lecapital de la marque par une trop grandehétérogénéité des partenaires qui entraîne lamarque dans des territoires disparates.Les possibilités d’utilisation du co-branding,tant pour la marque accueil que pour lamarque invitée, sont résumées dans letableau 2 :

II. – LES CONDITIONS DE SUCCÈSDES ALLIANCES DE MARQUES

Les alliances de marques peuvent, commenous venons de le montrer, être profitablesaux marques. Pour cela, il faut tout d’abordchoisir un partenaire adéquat et ensuitedévelopper une opération marketing pré-sentant une réelle valeur ajoutée pour lesconsommateurs.

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Tableau 2LES OBJECTIFS DU CO-BRANDING

Pour la marque accueil

– Affiner le ciblage.

– Adapter le positionnement.

– Stimuler les ventes par effetde rareté.

ObjectifsCaractère du co-branding

Stratégique

Tactique

Pour la marque invitée

– Pénétrer de nouveaux marchés.

– Structurer une offre homogèneautour d’un concept.

– Créer un événement.

– Générer du chiffre d’affairesadditionnel par produits dérivés.

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1. Le choix de la marque partenaire

La cohérence entre les marques est un élé-ment déterminant dans le choix du parte-naire. La cohérence entre deux marquess’analyse en termes de compétences etd’image.

La complémentarité des savoir-faire des marques partenaires

Elle est surtout déterminante dans le succèsd’un comarquage fonctionnel. En effet, lamise en commun des compétences desmarques revendique ainsi la supériorité duproduit issu de cette collaboration. L’al-liance de Danone et Motta, dans le lance-ment de la crème glacée Yolka « le yaourtpréféré de ceux qui aiment les glaces » ou« la glace préférée de ceux qui aiment leyaourt », s’appuie sur la complémentaritédes savoir-faire pour offrir un nouveau pro-duit. De même la marque Yoplait, le spécia-liste des produits laitiers, profite de la qua-lité du chocolat Côte d’Or pour fabriquerdes mousses au chocolat. La marque demaïs Géant Vert s’associe avec Petit Navirepour offrir des salades de thon de qualité.En jouant sur la complémentarité demarques qui associent leurs bénéfices spé-cifiques, ce type d’alliance permet de pro-poser des produits qui se différencient de laconcurrence. Il faut toutefois que les deuxpartenaires soient d’un même niveau dequalité. Si une marque est perçue comme demoindre qualité, les deux marques peuventêtre affectées par la réaction négative desconsommateurs tout en sachant que lerisque pour la marque à forte réputation estplus élevé (Rao et Ruekert, 1994).Sous un autre registre les stratégies de com-munication conjointe jouent également surla complémentarité des marques afin dedéfinir des messages qui cherchent à se

démarquer des publicités traditionnelles.C’est ainsi que la marque Brandt recom-mande Skip pour ses machines à laver lelinge. De la même manière, et depuis trèslongtemps, Renault préconise Elf. Plusrécemment, Kellogs et Tropicana ont déve-loppé une campagne publicitaire montrantla complémentarité de leurs produitsconsommés ensemble au petit-déjeuner, etont permis ainsi de mettre leur produit ensituation. La complémentarité des marquesest également un élément déterminant dansle succès des copromotions. C’est le cas deCoca-Cola et Bacardi qui ont réalisé despromotions communes en offrant une bou-teille de Coca-Cola aux acheteurs deBacardi. La multiplication des cartes decrédit associées à des constructeurs auto-mobiles (Visa/Peugeot) ou à des compa-gnies aériennes (American Express/AirFrance) montrent aussi le succès du prin-cipe de l’achat. Le choix du partenaire nedépend pas uniquement de la complémenta-rité des savoir-faire, il doit égalementprendre en compte la cohérence des imagesde marque.

La complémentarité d’image des marques partenaires

Lors d’une alliance de marques, unemarque s’associe avec ses valeurs et sonimage. Les consommateurs peuvent êtretroublés par l’association de marques quiprésentent des caractéristiques différentes.Il est donc primordial que les marques asso-ciées présentent des images cohérentes(Park, Milberg et Walson, 1991). Mais quidit cohérence, ne dit pas forcément simila-rité des images, bien au contraire, pourapporter une valeur ajoutée il faut que lesmarques se complètent et s’enrichissent.Elles doivent donc symboliser des valeurs

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différentes. Les colorations pour cheveuxHaute Collection, par exemple, sont nées dela collaboration originale du spécialiste dela coloration Schwarzkopf et du grand cou-turier Christian Lacroix. La gamme de pro-duits développée et signée par les deuxmarques joue sur leur complémentarité etpropose des couleurs de coloration pourcheveux très tendance. Le succès de l’al-liance Twingo/Benetton est également dû àla complémentarité des images de marque.La marque Twingo est rattachée aux imagesde voiture, colorées, sympathique,moderne, pratique. Tandis que l’image de lamarque Benetton est essentiellement fon-dée sur les idées de multiculturel et multi-colore. De même le succès des biscuits

Lu/Taillefine s’appuie sur la complémenta-rité des deux marques et permet ainsi d’en-richir l’image des partenaires (figure 1).La marque Lu, sans perdre son image degoût, de saveur et de plaisir, est moins asso-ciée à la gourmandise et se voit être ratta-chée à la cible des femmes. À l’inverse,Taillefine renforce son image de produitsallégés. Elle démontre son savoir-faire deproduit diététique dans les biscuits qui luiapportent une image de grignotage.

2. La valeur ajoutée de l’alliance de marques

Le succès d’une alliance de marques s’ap-puie notamment sur une offre pertinenteaux yeux des consommateurs ou sur un

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Figure 1LES BISCUITS ISSUS DE LA COMPLÉMENTARITÉ DES MARQUES LU

ET TAILLEFINE ENRICHISSENT LES MARQUES PARTENAIRES

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mariage de marques inattendu qui peutinterpeller de façon positive les individus.

Une association de marques pertinenteaux yeux des consommateurs

Les alliances de marques ne peuvent êtreraisonnablement envisagées que si ellesreprésentent une réelle innovation ou unavantage substantiel pour les consomma-teurs. La marque de fibres Lycra associéeaux marques Dim et Well permet d’offrirdes collants et sous-vêtements confortables,souples et solides, ce qui explique le succèsde ce comarquage. De même, le tissuMicro-Loft de DuPont de Nemours fournitde la ouate confortable et chaude aux par-kas Aigle et Eider. Les survêtements SergioTacchini ont pu grâce à 3M intégrer le trai-tement antitâche et antipluie Scotchgard,particulièrement adapté pour les athlètes dehaut niveau. Ces innovations qui apportentun avantage réel aux produits sont très lar-gement appréciées par des consommateursde plus en plus exigeants et attentifs auxcaractéristiques des produits. Les consom-mateurs sont ainsi devenus plus sensiblesaux marques-amont qui assurent un béné-fice produit supplémentaire et sont considé-rées comme un gage de différenciationréelle apportée aux produits finis. Le lance-ment de la crème glacée Häagen Dazs/Bai-leys montre, par exemple, comment l’asso-ciation avec une marque de boissonalcoolisée (liqueur de whisky) a permis dedonner naissance à un nouveau parfum deglace pour le plus grand bonheur des ama-teurs de glaces et des amateurs de Baileys.Le succès des voitures Peugeot/RolandGarros qui se sont déclinées sous différentsmodèles de la 106 à la 806 est principale-ment dû au fait que cette alliance répondprécisément à certaines attentes des

consommateurs. L’image de prestige, demodernité, de sportivité de Roland Garrosassociée à la voiture qui est un objet socialpar excellence s’intègre parfaitement dansune attente de personnalisation et d’identifi-cation des individus. En revanche l’échecdes lunettes RayBan/Roland Garros montreque le mariage entre ces deux marquesn’apporte pas de valeur ajoutée auxconsommateurs. Roland Garros ne contri-buait pas à améliorer l’offre de RayBan quisymbolise déjà un certain prestige et unecertaine modernité.Dans le domaine des services, les marquesMobiquid et Alapage.com se sont associéeset mis en commun leur compétence pouroffrir un nouveau service de reconnais-sance sonore. La complémentarité desmarques aboutit ainsi à un service innovantqui permet d’identifier des morceaux demusiques en appelant un numéro de télé-phone spécifique et en plaçant son combinétéléphonique près de l’enceinte. L’allianceentre l’assureur Axa et l’AGIPI (Associa-tion générale interprofessionnelle de pré-voyance et d’investissement) pour la créa-tion de produits d’assurance vie permet lamise en commun de compétences diffé-rentes afin de créer un produit d’une grandequalité pour le client. Comme le montreces différents exemples et contre-exemples, les alliances de marques, quelleque soit leur nature, ne sont justifiées que sielles apportent une valeur ajoutée auxconsommateurs.

Une association de marques inattendue

La stratégie d’alliance de marques ne reposepas systématiquement sur le développementd’un nouveau produit mais peut corres-pondre à la définition d’une communicationcommune. Dans ce cas, les alliances de

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marques vont trouver leur succès dans desmariages inattendus. C’est ainsi que la cam-pagne de communication de la marque Opelassociée à la marque Durex a, par exemple,permis de se démarquer des messages publi-citaires du secteur automobile en définissantcomme slogan « Pour un plaisir avec unmaximum de sécurité, Durex recommandeOpel Corsa ». Les marques sont à larecherche d’un marketing d’adhésion,davantage fondé sur une communauté d’ap-partenance et de références entre la marqueet le consommateur. La maison de coutureIrié n’a ainsi pas craint d’aller voir Procter& Gamble pour proposer d’associer sonnom et celui de sa ligne Irié Wash, lavableen machine, à Ariel Essential. Ce type decocommunication a permis d’affirmer laprésence de la marque de luxe et de diffuserson image au-delà du milieu de la mode. Deson côté le lessivier a trouvé l’occasion defigurer dans des journaux de mode, commeVogue et cette association est un moyen delui redonner un sens plus moderne et fédéra-teur.Le succès d’une alliance de marques résidecertes dans le choix du partenaire et dans lapertinence de l’offre sur le marché, il est tou-tefois essentiel de définir pour chacune desmarques les objectifs de l’opération de co-branding. Chacune des entreprises doit, eneffet, vérifier la cohérence de leurs objectifsrespectifs selon leur statut de marque accueilou de marque invitée (tableau 3).

CONCLUSION

Les alliances de marques, quel que soit letype de collaboration sur lequel elles se fon-dent (conception, dénomination, communi-cation) représentent un outil stratégiquepour les entreprises. Elles permettent eneffet d’élargir la cible et le territoire produitde leurs marques d’une part, et de renforcerou de modifier leur positionnement, d’autrepart. Les mariages entre marques représen-tent également un outil tactique pour créerdes événements publi-promotionnels maisaussi pour apporter des revenus addition-nels générés par des produits dérivés. Lesalliances de marques, plus particulièrementsous la forme de co-branding (comarquageou communication conjointe) présententainsi un certain nombre d’intérêts tant pourla marque accueil que pour la marque invi-tée qui peuvent trouver dans ces opérationsun excellent moyen de faire évoluer leurstratégie marketing. Toutefois, pour êtreune source de valorisation pour la marque,les alliances de marques doivent êtremenées avec soin. Après que l’entreprise aitidentifié les objectifs qu’elle veut assigner àl’opération de co-branding, elle doit choisirde manière judicieuse son partenaire enanalysant la complémentarité des images et des savoir-faire et doit veiller à définirune offre pertinente sur le marché en appor-tant une véritable valeur ajoutée auxconsommateurs.

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