Allaitement - Durham University

22
www.lllfrance.org Hors-Série Les Dossiers de l’Allaitement PUB AMF Sous le parrainage du Ministère de la Santé et de l'INPES Allaitement : faisons-leur confiance ! Vendredi 25 Mars 2011 Centre des Congrès de la Cité des Sciences Paris 19 ème

Transcript of Allaitement - Durham University

www.lllfrance.org

H o r s - S é r i e

Les Dossiers

de l’Allaitement

PUB AMF

Sous le parrainage du Ministère de la Santé et de l'INPES

Allaitement :

faisons-leur confiance !

Vendredi 25 Mars 2011

Centre des Congrès de la Cité des Sciences

Paris 19 ème

H o r s - S é r i e

Les Dossiers

de l’Allaitement

Dans ce numéro hors-série sont édités tous les textes des intervenants

à la 8ème Journée Internationale de l’Allaitement. Ces textes, photographies et illustrations

paraissent sous la responsabilité de leurs auteurset ne peuvent en aucun cas être reproduits en tout ou en partie, sans leur autorisation,

conformément à la législation relative à la propriété littéraire et artistique.

Tirage à 2000 exemplaires, imprimé avec des encres à base végétales sur papier recyclé.

La Leche League

La plus importante organisation mondiale

de soutien à l’allaitement

Association loi 1901 à but non lucratif.

ONG, membre consultant de l’UNICEF

et en relations officielles de travail avec l'OMS.

Un réseau d’animatrices bénévoles formées à l’allaitement vous propose :

- Des réunions mensuellesdans de nombreux départements

- Un répondeur national 7j/7 : 01 39 584 584

- Un site Internet : www.lllfrance.org

- Des livres sur l’allaitement et le maternage

- Une revue trimestrielle « Allaiter aujourd’hui »

- Des revues et brochures destinées aux professionnels de santé

Prix de vente : 10 euros

S o m m a i r e

EDITOLe neuromarketing : ça vous dit ?

James Akré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P.4

---•••---

Allaitement : comportements innés ou compétence à acquérir ?

Dr. Suzanne Colson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P.6

---•••---

Un nouveau paradigme pour la dépression des jeunes mamans.Dr. Kathleen Kendall-Tackett . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P.12

---•••---

Sommeil de l'enfant, allaitement et partage du lit

Dr. Helen Ball . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P.20

---•••---

Les rites de passage du lait humain :

de la synthèse dans le sein à l'estomac du bébé.

Dr. Peter Hartmann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P.26

---•••---

Composition du lait humain pré-terme

Dr. Ylenia Casadio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P.36

---•••---

CONCLUSIONAllaitement et société : Que veut-on vraiment ?

Dr. Patrick de Boisse et Paule Pueyo . . . . . . . . . . . . . . P.42

Directrice de la publicationSylvie Ricochon

-•••-

Responsable des publications de LLL France

Fabienne Auffret

-•••-

Comité de RédactionMyriam Loreau

Roselyne Duché-BancelClaude Didierjean-Jouveau

Françoise Railhet

-•••-Traduction des articles

Françoise Railhet

-•••-MaquetteRadi-Co

06 62 45 25 84 / www.radi-co.fr

Crédits photofr.fotolia.com, www.shutterstock.com,

Joël Pélerin, www.joel-pelerin.com

-•••-

IIllustrationRadi-Co

-•••-

Impressionnord’imprim / www.nordimprim.fr

-•••-

AbonnementsLLL France - Associés médicaux

BP 1878260 L’Etang la Ville

Les Dossiers de l’Allaitementédités par

La Leche League France

Association Loi 1901 - Information et soutien à l’allaitement maternelISSN 1266 - 7994

------------------------------------•••------------------------------------

Membres LLLF : 14 eurosNon membres LLLF : 20 euros

À noter que le hors-série est hors abonnement. Prix de vente : 10 euros

------------------------------------•••------------------------------------

------------------------------------•••------------------------------------

4 5Hors-Série - Les Dossiers de l’Allaitement

8ème Journée Internationale de l’Allaitement

Paris - Mars 2011

ÉditoLe neuromarketing :

ça vous dit ?

Par James Akré

Ex-fonctionnaire de l'OMS,

25 ans de carrière au Département nutrition,

"pour que l'allaitement maternel

redevienne ordinaire".

Bien qu’aujourd’hui j’égare régulièrement mes lunettes,il m’est très facile de me souvenir de pans entiersdes spots publicitaires (surtout ceux mêlant un tonal)que j’ai vus ou entendus dans les années 1950. De ce fait, j’ai trouvé instructif de lire récemment un article sur les « avancées » dans l’utilisation pardes gens du marketing des résultats de la recherchesur le fonctionnement cérébral (1) .

Rien de particulièrement nouveau, me direz-vous ; le mar-keting profite depuis des lustres du travail des spécialistesde la psychologie comportementale dans un seul but : ven-dre le plus efficacement possible. Bien sûr, sauf qu’à pré-sent, ça se corse sérieusement avec l’utilisation – pour lemoment dans les labos uniquement ! – de centaines d’élec-trodes pour mesurer trois paramètres : l’émotion, l’attentionet la mémoire ; et l’utilisation du scanner IRM afin de percerun mystère du cerveau : la prise de décision.

Pour moi, l’anecdote la plus drôle – et aussi la plus parlante –à ce sujet concerne le travail de l’Américain Read Mon-tague, professeur de neuroscience. Il voulait départager lesamateurs de sodas ennemis, Pepsi et Coca, sur la based’une expérience déjà menée dans les années 70 qui avaitdans un premier temps fait goûter à l’aveugle les deuxbreuvages. Résultat ? 75 % des participants disaient avoirpréféré le Pepsi. Dans un deuxième temps, on avait de nou-veau fait goûter les deux boissons, mais cette fois, les par-ticipants savaient s’ils buvaient l’une ou l’autre. Résultat ?Ils affirmaient majoritairement préférer le Coca. Premièreconclusion sommaire : le goût n’est pas le seul paramètreà influencer les habitudes de consommation.

En 2004, le professeur Montague a fait un pas de plus. Ensoumettant 67 sujets à la résonance magnétique, il s’estaperçu que le Coca et le Pepsi activaient des zones céré-brales différentes : le Pepsi excitait plus fortement le cortexpréfrontal ventromédian, impliqué dans le système de ré-compense, tandis que le Coca allumait le cortex préfrontallatéral et l’hippocampe, une zone liée à la mémoire.Deuxième conclusion sommaire : en choisissant Coca-Cola,les consommateurs boivent une image, un souvenir, unemythologie, alors que Pepsi (la pauvre, suis-je tenté de dire)n’a qu’une boisson à leur offrir.

En guise de post-scriptum à cette mise en bouche – jeude mots délibéré – deux citations du professeur Montaguefournissent une solide matière à plus ample réflexion (2) : « Les résultats suggèrent que les humains sont uniques dufait qu’ils laissent les messages culturels l’emporter surleurs instincts biologiques. » « Si les messages culturels ou croyances deviennent suffisamment puissants, ils peuvent tromper les faits oules données. »

Et l’allaitement maternel dans tout ça ? À la lumière de cequi précède, j’estime que cinq observations s’imposent.Premièrement, pour l’allaitement comme pour tout autreacte considéré comme « normal », ce n’est pas tant la na-ture qui le détermine, que la culture. Par contre, là où l’al-laitement demeure sous-pratiqué parce que sous-estimé,l’obstacle premier à un allaitement plus répandu et pluslong, c’est le fait que la société dans son ensemble mé-connaît à la fois les propriétés uniques et spécifiques ànotre espèce du lait humain et ses inéluctables répercus-sions sur la santé tout au long de la vie. Donc, pour quel’allaitement revienne dans le domaine de l’ordinaire, ilnous faut opérer un changement radical dans l’attitude etla conscience de la société tout entière.

Deuxièmement, contrairement à ce qui est généralementadmis, en fin de compte ce ne sont pas les femmes qui al-laitent ; ce sont plutôt les cultures et les sociétés tout en-tières qui le font, ou non. En d’autres termes, les cultureset les sociétés en bloc sont responsables de l’élaborationet de la perpétuation du système fort complexe duquel ré-sulte plus ou moins d’allaitement pour les femmes et lesenfants qui en font partie. Je fonde cette observation surcette unique constante universelle, aussi bien historiqueque géographique : à quelques très rares exceptions près,toutes les mères aiment leurs enfants et veulent ce qu’il ya de meilleur pour eux. En ce qui concerne les comporte-ments alimentaires, le « meilleur » est invariablement unevaleur définie culturellement.

Troisièmement, pour l’allaitement comme pour tout autreacte considéré comme « normal », nous agissons de lafaçon dont nous avons appris à agir. C’est pourquoi j’insiste :si nous voulons en finir avec la prédominance dans unesociété donnée du mode d’alimentation des tout-petits aulait industriel, basé sur le lait d’une espèce totalementétrangère à la nôtre, il nous faut changer cette dernière(société j’entends) dans toute sa complexité structurelle.Et pour y arriver, l’apport d’informations objectives, com-plètes et désintéressées, basées sur les faits scientifiques,est sans aucun doute une condition importante. Mais l’in-formation ne constitue pas pour autant, à elle seule, unecondition suffisante pour faire pencher la balance dans ladirection qui est propre à nous mammifères. Il nous fautagir simultanément dans deux autres domaines : d’une partl’infrastructure intégrée d'éducation, de protection socialeet de santé, de commercialisation, et de consommation,elle-même conditionnée par des attentes et des schémascomportementaux culturellement déterminés ; et, d’autrepart, auprès des femmes, tout d’abord là où elles ont grandicomme filles, ensuite là où elles vivent lorsqu’elles mettentau monde, nourrissent et aident à grandir leurs enfants(c’est dans ce dernier cadre que, depuis plus d’un demi-siècle, La Leche League se distingue brillamment et semontre particulièrement habile et efficace). Comme disaitChateaubriand, « toute révolution qui n’est pas accompliedans les mœurs et dans les idées échoue » (3).

Quatrièmement, nous pouvons nous servir savamment dumodèle commercial cité plus haut afin de modifier sensi-blement l’image qu’aurait même un « produit » familier – le lait maternel en l’occurrence – auprès du grand publicpour doper l’envie du consommateur. (J’appelle ça « l’al-laitement maternel relooké », et je ne plaisante même pasà moitié). Nous pouvons appliquer cette stratégie, d’habi-tude hautement mercantile, à l’allaitement afin de protégeret accroître la part de marché de Dame Nature face à sesconcurrents industriels. Et nous pouvons démarrer en en-terrant, une bonne fois pour toutes, les propos tels que « le sein, c’est plus sain ». L’allaitement maternel est plutôtnormal, ordinaire, de la routine pure, voire une banalité. Enadoptant ce point de vue, nous évitons de donner l’impres-sion que l’alimentation artificielle est la norme et que l’al-laitement maternel est en quelque sorte mieux que lanorme. Au contraire, au départ, tout autre aliment que lelait maternel représente non seulement une médiocrité nu-tritionnelle sans pareil, mais il est d’office une déviance dela norme, impliquant des risques pour la santé et desfemmes et des enfants, avec des séquelles durant la vieentière.

Et cinquièmement, comme suite logique aux précédentspoints, voici un message adressé à nous tous : construi-sons une société, une culture, où l’allaitement maternel vade nouveau de soi ; où les mères de demain sont les filles

d’aujourd’hui, elles-mêmes allaitées ; et où allaiter son en-fant au sein reçoit non seulement l’aval de toutes et detous, mais aussi un soutien actif tant pratique que politique.Faisons en sorte que cet acte universel d’allégeance à nosenfants et à nous-mêmes redevienne la normalité propreà nous et à notre espèce afin que nous vivions en harmonieavec les lois fondamentales qui gouvernent la vie elle-même. Donnons envie aux mères de réagir « comme ça »parce que c’est comme ça qu’elles auront appris. Aprèsquoi, en nous mettant doucement en retrait, nous pourronsdire avec confiance que nos mères et nos bébés sont à lahauteur et auront tout l’appui ordinaire d’un peuple soli-daire des générations actuelles et futures ; et que, fonda-mentalement, nos mères savent allaiter et nos bébéssavent téter. Alors, faisons-leur confiance !

Pour conclure, chères lectrices, chers lecteurs, et revenantau domaine décisionnel individuel, j’aimerais vous posersix questions. Le but est de stimuler votre réflexion sur lameilleure manière de procéder vis-à-vis de la populationen général et des mères en particulier à la lumière de cebref récit :

Comment votre cible prend-elle une décision et pourquoi ?

Comment détecter les besoins (frustrations) de vos cibles ?

Quels leviers de crédibilité utiliser pour construire un message clair, direct et percutant ?

Comment organiser son argumentation pour atteindreimmédiatement le centre de décision ?

Quelles attitudes adopter pour faire face aux objections et obstacles ?

Comment utiliser au mieux les différents langages (voix, mouvements, etc.) pour convaincre ?

Je me permets quand même une question finale pour cloremon propos, et ouvrir le débat : connaissez-vous par ha-sard l’origine de ces six questions ?

Pas vraiment ? D’accord, je vous l’avoue. Je les ai trouvées,texto, dans une critique élogieuse (4) d’un livre qui s’appelle :Neuromarketing : le nerf de la vente !

Le neuromarketing, ça vous dit ?

James Akré, Genève, 16 février 2011

Références1- « Dans la tête de l’acheteur » de Jean Ammann, La Liberté, Fribourg (Suisse), 21 janvier 2011http://www.tsr.ch/docs/histoire-vivante/a-lire/2910490.html/BINARY/histoirevivante_ve210111.pdf (dernière consultation le 11 février 2011).

2- « Coke or Pepsi? It may not be up to the taste buds » par Eric Berger, Houston Chronicle (Texas), 18 octobre 2004http://www.chron.com/disp/story.mpl/metropolitan/2853859.html(dernière consultation le 11 février 2011).

3- Essai historique, politique et moral sur les révolutions anciennes et modernes. Citations de François René, Vicomte de Chateaubriand (1797).

4- Ange Posso de Borgo, Neuromarketing : le livre qui vousmet dans la tête de vos cibles, blog du 3 juillet 2008http://www.concepteur-redacteur-blog.com/2008/07/03/neuromarketing-nerf-de-la-vente-livre-de-patrick-renvoise-christophe-morin/ (dernière consultation le 11 février 2011).Critique à propos de : Patrick Renvoisé & Christophe Morin,Neuromarketing : le nerf de la vente. De Boeck, Brussels, 2005.

6 7Hors-Série - Les Dossiers de l’Allaitement

8ème Journée Internationale de l’Allaitement

Paris - Mars 2011

Allaitement : comportements innés ou compétence à acquérir ? Par le Dr. Suzanne Colson - Grande-Bretagne

Du point de vue de la survie de l’espèce, il est logiquesur un plan évolutionniste que le nouveau-né présente,dès la naissance, un certain nombre de mouvementssimples et innés lui permettant de trouver sa sourced’alimentation, de s’y fixer, et de se nourrir.

Avec l’augmentation au 20e siècle de l’alimentation avecun lait industriel, nous avons oublié la capacité du bébé àtrouver le sein. Et ce qui est plus problématique encore,c’est que les normes liées à l’alimentation avec un lait in-dustriel influencent de façon subtile les conseils donnésaux mères allaitantes. C’est ainsi que la tradition actuelle veut que la mère soitassise pour mettre son bébé au sein (UNICEF UK et al,2008). Le problème spécifique à cette position, c’est qu’elleoblige la mère à lutter contre la gravité en exerçant unepression sur le dos de son bébé pour le maintenir contreelle.

Nos constatations suggèrent que lorsque la mère est as-sise, ou même lorsqu’elle est allongée sur le côté, la gravitééloigne le corps du bébé de celui de sa mère. Pour contre-balancer l’impact de la gravité, la mère doit tenir son bébécontre elle. Et souvent, ce maintien supprime, limite, voiredénature les réflexes innés du bébé pour se nourrir. En fait,ces réflexes peuvent même devenir des barrières (plutôtqu’une aide) pour la prise du sein et pour un bon transfertdu lait (Colson et al, 2008).

1_Le rôle des réflexes primitifs néonatalsNos recherches nous ont permis de constater que, pendantl’allaitement, le bébé utilise 20 réflexes néonatals primitifs(RNPs). Ces RNPs sont des indicateurs de la fonction neu-rologique, et des composantes importantes du BN. Et de façon surprenante, bon nombre de ces 20 RNPs quenous avons observés pendant notre travail ont un doubleimpact : ils peuvent soit aider soit compliquer l’allaitement.

Nous avons également constaté que, de façon inattendue,la position de la mère avait un impact sur le rôle joué parles RNPs. Dès que la mère s’inclinait en arrière, ellesemblait à l’aise, relaxée, et elle se focalisait sur sonbébé ; souvent elle souriait, gloussait, et semblait oublierce qui se passait autour d’elle. De son côté, le bébé trou-vait le sein en utilisant ses réflexes innés, qui semblaientalors s’enchaîner facilement de façon parfaitementadaptée. Étant donné que l’importance de cette réactionest, dans une certaine mesure, fonction de la gravité, lesréflexes du bébé semblaient faciliter ses déplacementsvers le sein, la prise spontanée du sein, ainsi qu’un bontransfert du lait (Colson et al, 2008). En fait, c’est commesi l’allaitement pouvait être transformé par la position dela mère alors qu’il est au départ un mode d’alimentationdépendant de capacités innées.

Dans le BN, la mère ne se met pas assise, elle ne se couchepas sur le côté, elle ne s’allonge pas complètement sur ledos. Au début de la tétée, la mère est en position semi-al-longée, et elle place habituellement son bébé sur son torse,de façon à ce qu’il soit face à son corps, le touchant, étroi-

tement appliqué contre le corps de sa mère ou contre cer-tains éléments environnants (Colson, 2005a et 2005b ;Colson et al, 2008). La modification du mouvement estdans le bassin, et une bonne connaissance de l’anatomiepelvienne aide à comprendre le BN. À partir de nos obser-vations, nous avons formulé une définition scientifique pourla position de la mère pendant les tétées, fondée sur l’im-portance du bassin osseux et sur la nature du soutien dudos.

2_Le rôle du bassin osseuxKapandji (1974), un chirurgien orthopédiste français, a étu-dié et illustré le fonctionnement physiologique et méca-nique complexe des articulations et des muscles dans uncontexte anatomique. Ses explications et ses illustrations,combinées à celles des livres récents destinés aux sages-femmes anglaises, nous permettent de comprendre les dif-férences entre une position verticale et une positionsemi-allongée.

En position assise droite ou très légèrement inclinée en ar-rière, le poids du corps est supporté par les tubérosités desdeux ischions. Dans les positions assises sur les ischions,par exemple lorsqu’on conduit une voiture, qu’on pédalesur un vélo ou qu’on travaille assis devant son ordinateur,le poids du tronc est fermement planté sur une base solide,une chaise ou un siège (Kapandji, 1974). Le poids du corpsrepose sur les deux ischions de façon égale, les cuissessont parallèles au sol, et dans l’idéal, la hauteur du siègepermet aux pieds de reposer à plat sur le sol. Le torse peutse pencher en avant à partir des cuisses lorsque c’est né-cessaire, mais il ne se courbe pas au niveau des épaulesou de la nuque. Kapandji (1974, p. 112) appelle cette pos-ture « position de la dactylo ». Il estime qu’elle constitueune source de tensions, avec un potentiel significatif de fa-tigue musculaire, et qu’elle est l’une des positions les plusdifficiles à maintenir au long cours.

Au contraire, en position semi-allongée, comme par exem-ple dans un fauteuil incliné en arrière pendant qu’on re-garde la télévision, le dos du fauteuil supporte le poids dutronc. Le soutien du squelette pelvien se fait surtout au ni-veau de la surface postérieure du sacrum et du coccyx, etl’appui au niveau des ischions est limité. Kapandji (1974,p. 112) appelle cette posture « position de relaxation ».C’est une posture intermédiaire entre la position assise etla position totalement allongée sur le dos. Kapandji estimeque cette position peut être obtenue avec l’aide de cous-sins ou de chaises spécialement conçues, mais nous avonsconstaté que les mères n’ont pas besoin de matériel spé-cial pour se mettre dans cette position. La figure 1 montrela « position de la dactylo » et la « position de relaxation »,et en illustre les différences.La figure 2 montre ces positions chez des mères en situa-tion réelle. La mère qui donne le biberon, sur la photo duhaut, est assise sur ses ischions, bien droite à 90°, de mêmeque les mères qui allaitent sur les photos de gauche. Surles photos de droite, les mères ont changé de position, ellessont maintenant en position semi-inclinée en arrière, à 35°.

Dr. Suzanne Colson Grande-Bretagne

Sage-femme, 35 ans d'expérience dans le soutien aux mères allaitantes, Doctorat à l’Université Christ Church de Canterbury (Grande-Bretagne),

Lauréate du Prix Akinsanya en 2007 pour l'originalité et l'excellence académique de sa thèse de doctorat sur le Biological Nurturing,

Maître de conférence à l’Université Christ Church de Canterbury.

Allaitement :

comportements innés

ou compétence à acquérir ?

Que se passe-t-il avec l’allaitement lorsque la mère s’incline en arrière ?

Applications cliniques du « Biological Nurturing »

Le nouveau-né humain naît avec la capacité innée de trouver le sein, de le prendre et de téter. Malheureusement,

certains de ses réflexes primitifs peuvent entraver les efforts du bébé pour téter, en fonction de la position adoptée

par la mère. Cette intervention fait le point sur les mécanismes

du « Biological Nurturing » (BN), une nouvelle approche de l’allaitement qui combine le nourrissage biologique

et le maternage corporel. Elle explique comment les praticiens peuvent aider la mère

à favoriser la survenue des réflexes innés d’alimentation, afin qu’ils ne deviennent pas des barrières à l’allaitement.

Figure 2

Position de la dactylo Position de relaxation

Figure 1

9

Allaitement : comportements innés ou compétence à acquérir ? Par le Dr. Suzanne Colson - Grande-Bretagne

Chère SuzanneMon bébé a été mis au sein rapidement après la naissance, il a tété pendant environ 35 minutes, et ça a été fabuleux. La sage-femme était très calme, et elle a simplement mis le bébé sur moi et l’a laissé faire de lui-même, pendant que j’étais allongée etrelaxée ! L’allaitement était quelque chose que je voulais absolument faire, mais j’avais très peur, car j’avais entendu tellement dechoses négatives sur le sujet, et je ne connaissais personne qui ait réussi à allaiter pendant quelque durée que ce soit. Je suissûre que si la sage-femme n’avait pas été aussi naturelle et détendue pour cette première tétée, les choses auraient pu être trèsdifférentes. J’ai été amenée dans ma chambre quelques heures après la naissance, et ça a été horrible. Les infirmières montaientla garde, et elles surveillaient tout ce que je faisais dès que je sortais un sein. C’est là que j’ai entendu encore et encore le mantra« nombril contre nombril, le nez contre le mamelon ». J’avais lu ça avant la naissance, mais je n’avais pas réalisé que c’était vupresque comme une obligation ! Maintenant, je haïssais ces mots. Je me retrouvais en train de les répéter dans ma tête, et à faire attention à bien respecter la consigne. On m’avait également ditde m’asseoir bien droite. Et le moins qu’on puisse dire est que je n’osais pas protester devant une rangée de trois infirmièresplantées en face de moi, en train de me regarder essayer de forcer mon bébé à prendre le sein. Elles disaient que je ne pourraispas rentrer chez moi tant que je n’arriverais pas à le mettre correctement au sein. OK, mais moi je voulais partir de là. J’ai essayéde le laisser trouver tout seul le mamelon à sa façon, et on me l’a immédiatement reproché ! Alors, je vous le dis, j’aurais vraiment aimé qu’on me dise tout simplement qu’il y avait d’autres façons de mettre le bébé au sein !Les membres de l’équipe soignante de la maternité étaient obsédés par l’allaitement, mais ils semblaient incapables d’apporterune aide pratique en dehors des instructions imprimées dans les feuillets distribués par le gouvernement. Maintenant, j’ai appris que, en tant que mère, nous pouvons avoir confiance dans notre instinct, et que notre bébé est habituellementbien équipé pour arriver à se nourrir par lui-même pour peu qu’on lui en offre l’opportunité. J’avais juste besoin que quelqu’unme dise ça à ce moment-là ! Merci encore de m’avoir expliqué le BN, ce qui m’a tellement rassurée et m’a donné bien plus confiance dans ma façon de faire.J’espère que je vais pouvoir transmettre ça à toutes les nouvelles mères avec lesquelles je vais être en contact dans le futur parle biais de mon activité de soutien aux mères.

En revanche, la position inclinée en arrière du BN changeaitimmédiatement les choses. Cela ouvrait le corps de lamère, et donnait au bébé davantage d’espace pour bouger.Plus important encore, le corps de la mère était complète-ment soutenu, et elle avait souvent les deux mains libres,parce qu’elle n’avait plus besoin de soutenir son bébé enle tenant derrière le dos, la nuque et la tête : la gravitémaintenait le bébé contre le corps de la mère. De plus,lorsque la mère met son bébé au sein en position assisedroite, elle peut être confrontée à davantage d’instructionset d’interventions que lorsqu’elle est laissée tranquille avecson bébé pendant qu’ils se découvrent mutuellement,comme le décrit cette mère :

4_Le BN est-il spécifique à une espèce ? Ces premières recherches sur les mécanismes en jeu dansle BN soulèvent des questions intéressantes. Par exemple,les positions et les postures de BN sont-elles spécifiquesà une espèce ? Le petit humain se développe d’abordcomme un quadrupède : il commence par se déplacer enrampant. Il tient en position semi-assise entre 4 et 7 mois,et commence à se tenir debout à environ un an. L’ensemblede ces faits suggèrent un argument développemental pertinent : nos bébés, comme certains de nos cousinsmammifères quadrupèdes, commencent leur vie en sedéplaçant sur le ventre, ou comme ce que j’appelle des « mangeurs frontaux ».

La victoire du petit humain sur la gravité est progressive,ce qui permet de penser que, phylogénétiquement, nosbébés doivent être en position semi-allongée sur le ventrepour se nourrir, confortablement lovés dans les courbes ducorps maternel.

Si le petit humain doit revivre notre histoire phylogénétique,comme le suggère Peiper (1963), alors, pendant la pre-mière année de vie, une position maternelle de BN en po-sition semi-allongée qui permet au nourrisson d’être enposition frontale pour se nourrir pourrait être un choix po-sitionnel spécifique à l’espèce, facilitant le démarrage del’allaitement.

PUB

Hors-Série - Les Dossiers de l’Allaitement8

ème Journée Internationale de l’Allaitement

Paris - Mars 2011

3_Les mécanismes maternels de confortToutes les mères expérimentent une large gamme de dif-ficultés pour assurer leur confort dans les jours qui suiventl’accouchement. Les modifications brutales du volume cor-porel peuvent être un choc important, et souvent, certainesparties du corps sont sensibles ou douloureuses. Si la mèrea eu une césarienne, elle souffrira de douleurs abdominales ;et elle souffrira de douleurs périnéales si elle a eu un ac-couchement instrumental ou une épisiotomie. Une mèrepeut également avoir les mamelonsdouloureux, ou souffrir d’engorgement,et certaines se plaignent de douleursdans la nuque et les épaules. Cela peutêtre dû au fait qu’il est difficile de resteren position assise verticale pendant delongues périodes (Kapandji, 1974).

Par définition, une position semi-inclinée en arrière signifieque toutes les parties du corps de la mère, en particuliersa tête, son cou, ses épaules et tout son torse, sont soute-nues et relaxées. Les mères disent souvent que dèsqu’elles s’assoient, la tension dans la nuque et les épaulesse manifeste à nouveau. Les problèmes de mamelons dou-loureux sont souvent immédiatement soulagés en posi-tion semi-inclinée, probablement parce que la gravitén’éloigne plus le bébé de la poitrine de la mère. Les mèresont également une plus grande liberté de mouvements,dans la mesure où elles ont une ou les deux mains libres.C’est leur corps qui porte le bébé, et non leurs bras.

La figure 1 compare le soutien du corps de la mère en position assise droite et en position de BN semi-inclinée.

Cela veut-il dire que les mères ne devraient jamais mettreleur bébé au sein en position assise droite ? Sur un planpratique, non. Les mères humaines et leurs bébés ont d’im-portantes capacités d’adaptation, et sont capables d’allai-ter et de téter dans de nombreuses positions. Il ne seraitpas bon de dire que la position semi-inclinée en arrière estle seul moyen de mettre un bébé au sein.

Des millions de mères ont visiblement été capables d’al-laiter en position assise. Mais il y a certaines limitations àcette position. Dans notre étude d’observation de pre-mières mises au sein, nous avons constaté que 12 des 27mères qui étaient assises verticalement avaient réussi àmettre leur bébé au sein pour une tétée efficace, mais quela tétée était indolore chez seulement 3 d’entre elles.

Les autres mères ont modifié la position de leur bébé, leurpropre position, ou les deux, pour les tétées suivantes, afind’améliorer leur confort.

Cela veut-il dire que les mères ne devraient jamais mettre leur bébé au sein en position assise droite ?

Sur un plan pratique, non.

Hors-Série - Les Dossiers de l’Allaitement8

ème Journée Internationale de l’Allaitement

Paris - Mars 2011

Allaitement : comportements innés ou compétence à acquérir ? Par le Dr. Suzanne Colson - Grande-Bretagne

5_ConclusionLes résultats de nos recherches ont eu un impact remarquable sur ma pratique. Si vous souhaitez utiliserle BN auprès des mères que vous suivez, voici quelquesrecommandations qui pourront vous aider à le faire.

APPLICATIONS CLINIQUES 1Utiliser le BN pour aider une mère à débuter l’allaitement.

Vous pouvez

1. Expliquer à la mère qu’une position de BN est uneposition qui permet d’avoir le dos soutenu par le dossierdu siège ou du fauteuil. Son confort est prioritaire. Lui direqu’il n’y a pas une seule et unique position « correcte »d’allaitement, et qu’elle peut essayer de mettre son bébéau sein dans la même position qu’elle prend pour regarderla télévision.

2. Expliquer que c’est son corps qui doit soutenir sonbébé, et non son bras ou un coussin. Toutefois, descoussins peuvent parfois être utiles pour soutenir les brasde la mère, le haut de son dos, sa tête ou ses épaules.

3. Expliquer que les mères sacrifient souvent leurconfort personnel pour que leur enfant prenne bien lesein. Cela peut augmenter la fatigue maternelle, et devraitdonc être évité. Lui dire que le fait de vérifier que tout soncorps est bien soutenu constitue une part importante devotre rôle en tant que professionnel.

4. Aider la mère à placer son bébé sur sa poitrine, defaçon à ce que tout le corps du bébé soit soutenu par soncorps à elle, ou par un objet présent près de son corps,comme une couverture, la literie, le lit ou le fauteuil. C’estparticulièrement important pour les cuisses et les pieds dubébé.

5. Expliquer que le bébé utilise souvent des réflexesinnés pour se mettre dans une position similaire à cellequ’il avait dans l’utérus. Cette continuité peut être récon-fortante à la fois pour le bébé et sa mère.

APPLICATIONS CLINIQUES 2Problèmes tels que refus du sein,

mamelons douloureux et engorgement.Vous pouvez

1. Suggérer à la mère d’utiliser le BN lorsque son bébéest en train de dormir. Cela implique de prendre le bébéen train de dormir sans le réveiller, et de le coucher contrele torse de la mère en position de BN. Nous n’avons pasévalué aujourd’hui l’impact de l’état comportemental dubébé. Toutefois, il est bien connu que des actions réflexespeuvent survenir pendant le sommeil, et un chapitre com-plet est consacré au sujet dans mon dernier ouvrage (Col-son, 2010).

2. Utiliser le BN pour rechercher l’existence d’une ankyloglossie avant de prendre le bébé à sa mère poureffectuer une évaluation physique de sa cavité buccale. La gravité amène toujours en avant le menton etla langue du bébé pendant le BN.

OBSERVATIONS GÉNÉRALESVous devez savoir que

1. La position de BN n’est pas une position complète-ment allongée, et les raisons en sont expliquées en détaildans mon dernier ouvrage (Colson, 2010).

2. Elle se pratique habituellement avec une mère et unbébé habillés légèrement, sauf pendant les premièresheures qui suivent la naissance.

3. La position maternelle permet une vaste gamme depositions pour le bébé. Ce dernier peut être approché dusein selon n’importe quel angle (comme les aiguilles d’unependule). Cela signifie que ce n’est pas toujours le mentonqui touche en premier le sein. Toute la zone faciale trigé-minée peut être plaquée contre le sein maternel. La prisedu sein n’est pas toujours asymétrique.

4. Les réflexes et la position du bébé facilitent la prisedu sein, mais pas toujours. Parfois, l’aide de la mère seranécessaire. Pendant la prise spontanée du sein par le bébé,le corps de ce dernier n’est pas toujours placé en lignedroite.

5. La prise du sein peut donner l’impression que lebébé n’a pris que le mamelon. Tant que le transfert dulait est bon et que la tétée n’est pas douloureuse, cetteprise du sein plus superficielle en position de BN est cor-recte.

Références• Colson S. Positions optimales stimulant l’expression des ré-flexes facilitant l’allaitement. Les Dossiers de l’allaitement 2009 ; 79 : 12-19.• Colson S. The Biological NurturingLaid-Back Breastfeeding. DVD 60 minutes. http://www.biologicalnurturing.com/pages/dvd.html• Colson S. Maternal breastfeeding positions, have we got it right ? (1). The Practising Midwife 2005a ; 8, 10 : 24-27.• Colson S. Maternal breastfeeding positions, have we got it right ? (2). The Practising Midwife 2005b ; 8, 11 : 29-32.• Colson S. An introduction to biological nurturing. New angleson breastfeeding. Amarillo, TX. Hale Publishing, 2010.• Colson SD, Meek JH, Hawdon JM. Optimal positions for therelease of primitive neonatal reflexes stimulating breastfeeding. Early Human Development 2008 ; 84 : 441-449.En ligne à cette adresse : http://linkinghub.elsevier.com/re-trieve/pii/S0378378207002423.• Kapandji IA. The physiology of the joints. Vol. 3. The trunk and the vertebral column (2nd ed). Edinburgh : Churchill Livingstone, 1974. En français : Physiologie articulaire. Tome 3. Sixième édition,Maloine, 2007.• Peiper A. Cerebral function in infancy and childhood (3rd ed.).In B. Nagler & H. Nagler (Trans). New York : Consultants Bureau, 1963.• UNICEF UK. Baby Friendly Initiative & the Health PromotionAgency for Northern Ireland. (2008). Teaching breastfeeding skills [videocassette].The Health Promotion Agency for Northern Ireland, 18 OmeauAvenue, Belfast BT2 8HS. Jaquette visible à cette adresse :http://www.healthpromotionagency.org.uk/Resources/breast-feeding/pdfs/Breastfeeding_DVD_Case.pdf

10

PUB

12 13Hors-Série - Les Dossiers de l’Allaitement

8ème Journée Internationale de l’Allaitement

Paris - Mars 2011

Un nouveau paradigme pour la dépression des jeunes mamans.Par le Dr. Kathleen Kendall-Tackett - Etats-Unis

Dr. Kathleen Kendall-TackettEtats-Unis

Psychologue de la santé, consultante en lactation IBCLC, professeur agrégé de clinique pédiatrique

à l’École de médecine de la Texas Tech University (Amarillo, Texas, USA).

Un nouveau paradigme

pour la dépression

des jeunes mamans.

Selon les cultures, 10 à 20 % des nouvelles mères présenteront une dépression du post-partum plus ou moins importante (Kendall-Tackett) ;

certains auteurs estiment même que cela concernejusqu’à 40 à 50 % des femmes.

Dans la mesure où la dépression peut avoir un impact négatif important sur la santé de l’enfant et de la mère, il est nécessaire de la dépister le plus tôt possible afin de la traiter efficacement.

La dépression maternelle peut également avoir un impact négatif sur l’allaitement.

Je souhaite faire ici le point sur les nouvelles connaissances psycho-neuro-immunologiques en rapport avec la dépression,

et exposer leurs implications chez les mères allaitantes.

1_Inflammation et dépressionLa psycho-neuro-immunologie (PNI) est une science enplein essor. Des études récentes ont constaté que l’inflam-mation était l’un des facteurs impliqués dans la pathoge-nèse de la dépression. Maes et al ont été les premiers àconstater un taux plus élevé d’inflammation chez les nou-velles mères lorsqu’elles souffraient de baby blues. Au dé-part, les chercheurs ont considéré que l’inflammationn’était que l’un des facteurs de risque parmi beaucoupd’autres, comme les modifications du mode de vie, lemanque de soutien social, les difficultés de couple, les pro-blèmes socio-économiques, un problème de santé chez lenourrisson, un traumatisme psychologique présent oupassé. Toutefois, les recherches les plus récentes suggè-rent un nouveau paradigme : les stress physiques et psy-chosociaux augmentent le niveau d’inflammation(Coussons-Read ; Kiecolt-Glaser ; Robles). L’inflamma-tion ne serait donc pas un simple facteur de risque,mais LE facteur de risque sous-jacent à tous les autres(Schiepers). Le niveau d’inflammation est significativementplus élevé pendant le dernier trimestre de la grossesse, cequi rend la femme particulièrement vulnérable. En outre,l’adaptation au rôle de mère (manque de sommeil, dou-leur…) augmente le stress, ce qui augmente l’inflamma-tion.

Il reste important d’identifier tous les facteurs de risque dedépression. L’ancien paradigme permet d’identifier cescauses, mais le nouveau paradigme permet de répondre àune question importante : pourquoi les facteurs de stressphysiques ou psychosociaux augmentent-ils le risquede dépression ? Ce nouveau paradigme nous apportede nouvelles perspectives sur les mécanismes par les-quels les facteurs de risque que nous connaissonsaugmentent le risque de dépression. Il apporte égale-ment des pistes qui sont susceptibles de permettre d’in-tervenir pour aider ces mères : intervenir au niveau del’inflammation pourrait améliorer la résilience de la mèrevis-à-vis des facteurs de stress.

2_Allaitement et dépression,L’allaitement a également un rôle majeur à jouer dans l’étatémotionnel de la mère (Groër). Des études ont montré quel’allaitement avait un impact calmant, qu’il abaissait le tauxsanguin des hormones de stress, la réactivité maternelleau stress, et qu’il favorisait un comportement maternant.Il est donc particulièrement important de le préserver, pouraider à protéger la santé mentale de la mère.

3_Facteurs de stress, inflammation, et risque de dépressionAfin de comprendre le rôle de l’inflammation dans la dé-pression, il est utile de connaître le mécanisme des ré-ponses physiologiques au stress. Devant une menace, lesystème nerveux sympathique humain répond par la sé-crétion de catécholamines (adrénaline, noradrénaline, do-pamine) ; l’axe hypothalamo-hypophysaire (AHH) réponden sécrétant de l’hormone corticotrophine (CRH), de la cor-ticostimuline (ACTH) ; le cortex surrénalien sécrète du cor-tisol, et le système immunitaire réagit en augmentant laproduction de cytokines pro-inflammatoires (Groër). Lescytokines sont des protéines qui modulent notre réponseimmunitaire. Les cytokines pro-inflammatoires nous aidentà guérir en cas de blessure, et combattent les infectionsen stimulant la réponse inflammatoire. Ces systèmes sontinter-corrélés : l’inflammation affecte le taux de sérotonineet de catécholamines, augmente la sécrétion de cortisol etcelle de facteurs pro-inflammatoires (Joynt ; Maes ; Schie-pers). L’allaitement abaisse les réponses inflammatoiresen abaissant la sécrétion de cortisol, d’ACTH, d’adrénalineet de noradrénaline.

3_aDépression et dysfonctionnement immunitaire et hypothalamo-hypophysaire,La dépression est corrélée à des anomalies du systèmeimmunitaire. Pendant longtemps, on a pensé que la dé-pression induisait une immunosuppression (Robles ; Kop).Toutefois, les études récentes montrent qu’elle induit plutôtdes dysfonctionnements immunitaires, avec inhibition decertaines réponses, et accentuation d’autres réponses (Kop ;Kiecolt-Glaser). En l’occurrence, elle augmente la produc-tion de cytokines pro-inflammatoires, ainsi que celle deprotéines telles que la protéine C-réactive (CRP). Le niveaud’inflammation peut être plus élevé de 40 à 50 % chez lespersonnes déprimées par rapport aux personnes non dé-primées.

Les principales cytokines pro-inflammatoires sont l’inter-leukine-1béta (IL-1béta), l’interleukine-6 (IL-6), le TNF-alpha, et l’interféron-gamma (Miller). Leur taux augmentependant le dernier trimestre de la grossesse (Maes). Parailleurs, leur augmentation dans certaines limites est nor-male dans certaines circonstances, pour aider à prévenirles infections. Mais une augmentation trop forte induira destroubles tels qu’altération du sommeil, de l’appétit, de l’ac-tivité physique, de la libido, et de la socialisation (Maes). Ilse crée alors un cercle vicieux : l’inflammation augmentele risque de dépression, et la dépression augmente le ni-veau d’inflammation. La dépression peut également in-fluencer l’AHH. Le cortisol a pour rôle de contrôler lesréponses inflammatoires. Cependant, les personnes dépri-mées semblent répondre moins bien au cortisol, ou ont destaux plus bas de cortisol. Une étude de Miller et al sur 72femmes a constaté que celles qui étaient dépriméesavaient des taux plus élevés d’IL-6 et de TNF-alpha, et uneréponse plus faible aux corticoïdes en réponse à un stress,que les femmes qui n’étaient pas déprimées. Groër et Mor-gan ont fait la même constatation.

3_bDépression, inflammation et accouchement prématuré,Un certain nombre d’études ont constaté que la dépressionet le syndrome de stress post-traumatique augmentaientle risque d’accouchement prématuré, et cela peut s’expli-quer par l’existence d’une inflammation. Une étude deGroër et Morgan faisait état d’un poids de naissance si-gnificativement plus bas à 4-6 semaines post-partum chezles bébés de mères déprimées ; les mères avaient par ail-leurs des taux anormalement bas de cortisol. Dans uneautre étude (Patel & Prince), les mères déprimées pendantle dernier trimestre de la grossesse étaient plus nom-breuses à accoucher d’un bébé de petit poids de nais-sance, ce risque étant d’autant plus élevé que ladépression était sévère. Une étude de Dayan et al consta-tait plus du double d’accouchements prématurés chez lesfemmes déprimées.

Les auteurs de ces études soulèvent diverses hypothèsespour expliquer cette relation : augmentation du taux de cor-tisol, qui augmente le taux de CRH, qui déclenche l’accou-chement ; ou augmentation du taux des cytokinespro-inflammatoires, qui accélèrent la maturation du col, etde la prostaglandine E2, qui joue un rôle important dansles contractions utérines. On a en effet constaté un tauxplus élevé de cytokines pro-inflammatoires et un taux plusbas de cytokines anti-inflammatoires chez des femmes en-ceintes souffrant de stress par rapport à d’autres femmesqui n’en souffraient pas (Coussons-Read). Un niveau élevéd’inflammation est corrélé à un risque plus élevé de pré-éclampsie.

La prise de suppléments d’acide docosahexaénoïque(DHA), un acide gras en oméga-3 qui a des propriétés anti-inflammatoires, avait augmenté la durée de la grossessede 6 jours en moyenne chez des femmes afro-américaines(Smuts), une population qui a un risque plus élevé d’ac-couchement prématuré.

15Hors-Série - Les Dossiers de l’Allaitement

8ème Journée Internationale de l’Allaitement

Paris - Mars 2011

Un nouveau paradigme pour la dépression des jeunes mamans.Par le Dr. Kathleen Kendall-Tackett - Etats-Unis

3_cLes troubles du sommeil Le corps humain est génétiquement programmé pour réa-gir d’une façon spécifique lorsqu’il est confronté au stressphysique ou psychologique. La fatigue et les troubles dusommeil sont des facteurs de stress qui augmententle risque de dépression, et qui ont un impact négatifsur la santé, le bien-être et la fonction immunitaire,même chez les personnes non déprimées (Groër ; McE-wen). Les troubles du sommeil augmentent le taux de cor-tisol, de glucose, d’insuline, ainsi que la résistance àl’insuline. Ils sont la règle chez les nouvelles mères, et cer-tains bébés se réveillent longtemps la nuit. Le stress et lestraumatismes psychologiques ont également un impact né-gatif sur le sommeil (Kendall-Tackett).Là aussi se crée un cercle vicieux : lemanque de sommeil favorise la dépres-sion, et la dépression favorise les trou-bles du sommeil. Ross et al notaient queplusieurs facteurs confirment la relationentre dépression et troubles du sommeil :l’insomnie favorise la survenue de dépression ; les troublesdu sommeil sont courants dans la plupart des problèmespsychiatriques ; les traitements qui agissent sur lesrythmes circadiens et le sommeil peuvent traiter les trou-bles de l’humeur.

Des études polysomnographiques ont constaté des diffé-rences dans la qualité du sommeil entre des personnes dé-primées et non déprimées, qui ont également pour résultatque la personne déprimée est plus fatiguée pendant lajournée (Ross). Elles ont également permis de constaterune corrélation entre la latence du sommeil REM (un mar-queur de troubles du sommeil) et les taux d’IL-6 et d’ICAM(molécule d’adhésion intercellulaire, un autre marqueur del’inflammation – Motivala). Une autre étude a constaté unecorrélation positive entre le niveau de fatigue à 4 semainespost-partum et le taux d’IL-1béta (Corwin) ; les auteursestimaient que l’IL-1béta pourrait être indirectement liéeà la dépression via la fatigue maternelle. La privation desommeil est en soi un facteur de stress, qui active l’AHHet la sécrétion de cytokines (Groër). Une étude a fait étatd’une corrélation positive entre la fatigue de la mère, etson niveau de stress et de dépression (Groër), le tout aug-mentant le risque d’infections chez elle et chez le bébé.Les mêmes auteurs constataient que les mères qui étaientstressées, fatiguées et déprimées avaient des taux sé-riques et lactés plus bas de prolactine, et un taux lacté plusélevé de mélatonine, l’hormone qui régule les rythmes cir-cadiens. Dans une étude portant sur 200 femmes à 4-6semaines post-partum, Groër et Morgan constataient queles mères déprimées étaient plus fatiguées, dormaientmoins, avaient des taux anormalement bas de cortisol,et souffraient plus souvent de problèmes de santé ;elles se sentaient plus anxieuses et stressées, etavaient une perception plus négative de leur vécu.

3_dLa douleurLa douleur est un autre facteur de risque pour le stress,l’inflammation et la dépression. Elle est fréquente en post-partum : suites de l’accouchement, difficultés d’allaite-ment… (Ansara ; Kendall-Tackett). Une étude a constatéque les femmes qui avaient les mamelons douloureuxétaient beaucoup plus souvent déprimées que les femmesqui n’avaient pas ce problème (Amir). Après disparition dela douleur, le score d’évaluation de la dépression devenaitsimilaire dans les deux groupes de femmes. Malheureuse-ment, les problèmes de mamelons douloureux sont fréquents,

même chez les femmes d’un niveausocio-économique élevé, catégorie laplus encline à allaiter ; la moitié de cesfemmes souffraient de ce problèmependant les premières semaines (Hein-richs ; McGovern). Un traumatisme psy-chologique, en fragilisant la femme, peut

l’amener à percevoir comme douloureuses des sensationsnormales. La douleur peut être également liée à la surve-nue en post-partum d’une maladie auto-immune. Les re-lations entre la douleur et l’inflammation sont elles aussibidirectionnelles : la douleur augmente le niveau d’inflam-mation, et les cytokines pro-inflammatoires augmentent ladouleur. Une étude a constaté que la substance P, un neu-ropeptide dont le taux est élevé chez les personnes quisouffrent, était augmentée dans le liquide céphalo-rachi-dien des personnes déprimées (Geracioti). Un taux élevéde substance P est corrélé à une baisse du taux de séro-tonine, ce qui augmente le risque de dépression. Par ail-leurs, les cytokines pro-inflammatoires augmentent entreautres la synthèse de la prostaglandine cyclo-oxygénase-2 (COX-2), qui augmente la douleur (Konsman ; Machelska ;Maier ; Simopoulos).

Le manque de sommeil augmente la douleur, lui aussi, etvice-versa, comme on a pu le constater par exemple chezles fibromyalgiques (Roizenblatt). Chez ces personnes, onconstate une baisse de la durée du sommeil delta, ce quiimplique une moins bonne réparation des micro-trauma-tismes musculaires survenus pendant la journée, et uneaugmentation de la douleur. On peut même induire une fi-bromyalgie en laboratoire, en réveillant les personneslorsqu’elles débutent une phase de sommeil delta (Roizen-blatt) : au matin, les sujets ont mal partout, la douleur dis-paraissant après une bonne nuit de sommeil.

Une exception intéressante au phénomène douleur/trou-bles du sommeil est le co-sommeil. Des études polysom-nographiques sur des mères allaitantes qui dorment avecleur bébé ont montré que ces mères passaient moins detemps en sommeil profond que les mères qui ne dormaientpas avec leur enfant, sans que cela ait d’impact négatif surla mère (McKenna & McDade). Le co-sommeil pourraitêtre moins fatigant pour la mère, qui n’a pas besoin de seréveiller complètement pour nourrir son bébé. Le taux plusélevé de prolactine suite aux tétées nocturnes pourrait éga-lement abaisser le niveau de douleur et d’inflammation.Des études sur ce sujet spécifique seraient intéressantes.

Le manque de sommeil favorise la dépression,

et la dépression favorise les troubles du sommeil.

14

3_eLes traumatismes et antécédents de traumatismes,Les traumatismes psychologiques peuvent favoriser la dé-pression. Le syndrome de stress post-traumatique (SSPT)survient lorsqu’une personne a subi un événement par-ticulièrement traumatisant pour elle sur le plan psy-chologique. Le post-partum est, là encore, une périodefavorable au SSPT. L’accouchement peut avoir été très malvécu par la femme, ou réactiver des traumatismes psycho-logiques passés. Un accouchement difficile a souventpour corollaire un démarrage difficile de l’allaitement.Une femme qui a des antécédents de dépression ou deSSPT sera plus vulnérable aux stress, et aura des réponsespro-inflammatoires plus intenses. Le taux de cortisol peutêtre anormalement bas ou élevé ; dans ce dernier cas, lesrécepteurs au cortisol peuvent être moins sensibles (Baker ;Elzinga). Les personnes souffrant de SSPT ont égalementun taux élevé de cytokines (Dallam ; Delahanty ; Kendall-Tackett).

Une étude a constaté que 1,5 % à 6 % (selon les critèresutilisés pour le définir) des femmes souffraient de SSPT liéà leur accouchement (Beck). Par ailleurs, même si unefemme ne remplit pas tous les critères de SSPT, les symp-tômes qu’elle présente peuvent interférer avec son som-meil et favoriser une dépression (Kendall-Tackett). Uneétude a constaté une montée de lait significativement re-tardée chez les femmes qui avaient les taux de cortisol lesplus élevés (Grajeda).

On sait que les sévices subis pendant l’enfance ont unimpact à long terme, et induisent une hypersensibilitépersistante au stress. Cela se manifestera par une ré-ponse inflammatoire plus rapide en réponse au stress(Johnson ; Kendall-Tackett ; Kiecolt-Glaser). Les femmesqui ont subi de tels sévices ont un risque plus élevé de dé-pression, car leur organisme est conditionné à réagir dansce sens.

17Hors-Série - Les Dossiers de l’Allaitement

8ème Journée Internationale de l’Allaitement

Paris - Mars 2011

Un nouveau paradigme pour la dépression des jeunes mamans.Par le Dr. Kathleen Kendall-Tackett - Etats-Unis

16

4_bRéduire l’inflammationLutter contre l’inflammation est un autre axe du traitement.Cela peut se faire par la prise de suppléments d’acidesgras oméga-3. Le rapport des acides gras oméga-6/oméga-3 a considérablement augmenté depuis quelquesdécennies dans l’alimentation des Occidentaux (Kiecolt-Glaser ; Rees). L’alimentation des chasseurs-cueilleursavait un rapport oméga-6/oméga-3 de 2/1 ou 3/1. Il est de15/1 à 17/1 dans l’alimentation courante aux États-Unis,et de 10/1 en Australie et en Nouvelle-Zélande (Rees). Or,les acides gras oméga-6 favorisent les phénomènes in-flammatoires (Bratman), tandis que les acides grasoméga-3 sont de puissants anti-inflammatoires, en parti-culier le DHA (acide docosahexaénoïque) et l’EPA (acide ei-cosapentaénoïque) ; l’ALA, précurseur de ces deuxoméga-3 à longue chaîne, est un acide gras essentiel, maisil n’a aucun impact sur la dépression. Certains estimentque l’augmentation de la consommation d’oméga-6 pour-rait être la raison pour laquelle le taux de dépressions afortement augmenté dans nos pays (Kiecolt-Glaser ; Maes ;Rees). On trouve les oméga-3 dans les poissons gras etdans certaines plantes. Les oméga-6 sont présents dansles huiles végétales et les aliments industriels.

Des études ont constaté que la prise de supplémentsd’oméga-3 abaissait significativement le taux sérique decytokines pro-inflammatoires (Ferrucci ; Kiecolt-Glaser).Les spécialistes estiment qu’une alimentation apportanttrop d’oméga-6 par rapport aux oméga-3 augmente éga-lement le risque de nombreuses pathologies inflamma-toires chroniques et de cancers. Un certain nombred’études de population ont fait état d’une corrélation in-verse entre le taux de certaines pathologies psychiatriqueset la quantité d’oméga-3 apportée par l’alimentation(Miyake ; Noaghiul ; Sublette ; Tanskanen). L’EPA et leDHA pourraient également augmenter la résilience enabaissant les réponses aux stress. Une étude a constatéqu’un rapport oméga-6/oméga-3 élevé était corrélé à uneproduction surabondante de cytokines pro-inflammatoires(Maes).

La prise de suppléments de DHA ou d’EPA s’est avérée ef-ficace contre la dépression chez des enfants comme chezdes adultes, en conjonction avec d’autres mesures (Fran-gou ; Freeman ; Nemets ; Peet ; Robles). L’EPA a un im-pact sur la production de cytokines pro-inflammatoires,mais également sur les eicosanoïdes (prostaglandines, leu-cotriènes et thromboxanes). Le DHA semble ne pas pouvoirà lui seul traiter une dépression (Akabas & Deckelbaum ;Peet), mais il participe à la prévention de la dépression.Dans une étude australienne, toute augmentation de 1 %du taux plasmatique de DHA était corrélée à une baisse de59 % du risque de dépression en post-partum (Rees). Dansune grande étude de population, les femmes qui consom-maient beaucoup de poissons de mer pendant la gros-sesse, et qui avaient un taux lacté élevé de DHA, avaientun taux plus bas de dépression du post-partum (Hibbeln).On a également constaté que les mères qui avaient un tauxélevé de DHA pendant leur grossesse avaient des bébésdont le rythme de sommeil était plus mature pendant lespremiers jours (Cheruku), et qui passaient plus de tempsen sommeil calme ; le fait que le bébé dorme mieux permetà la mère de mieux se reposer.

Un apport suffisant en DHA est particulièrement importantpendant la grossesse et l’allaitement : la femme doit couvrirles importants besoins en DHA du fœtus, en particulier pourle développement de toutes ses structures neurologiques(Akabas & Deckelbaum ; Freeman). Pendant le dernier tri-mestre de la grossesse, le fœtus accumule en moyenne67 mg de DHA/jour (Rees), alors que les apports quotidiensdes femmes australiennes sont d’environ 15 mg/jour,contre 1000 mg/jour chez les femmes japonaises ou nor-végiennes. En cas d’apports insuffisants, le DHA nécessaireau fœtus sera puisé dans les réserves maternelles, et lacarence maternelle s’aggravera à chaque grossesse (Amir ;Rees). On recommande actuellement un apport minimumde 200 à 400 mg/jour. On déconseille souvent aux femmesenceintes de consommer fréquemment du poisson de meren raison de la pollution, mais on peut se procurer des sup-pléments d’EPA et de DHA qui sont testés sur le plan despolluants.

Le millepertuis, une plante couramment utilisée commeantidépresseur, a des propriétés anti-inflammatoiresconnues depuis longtemps (Balch). Les antidépresseurs « classiques » ont également ce type de propriétés, quipeuvent expliquer au moins en partie leur action. Par exem-ple, une étude a constaté une baisse significative du tauxde la protéine C-réactive chez des patients cardiaques dé-primés, après la mise en œuvre d’un traitement par anti-dépresseur IRS (O’Brien). On peut même dire que lesthérapies cognitives ont un effet anti-inflammatoire. Deuxétudes récentes ont montré que les sentiments négatifspouvaient augmenter le taux de cytokines pro-inflamma-toires, en particulier celui d’IL-6 (Kiecolt-Glaser ; Suarez).Le principal objectif des thérapies cognitives est de réduireles émotions négatives (Rupke).

5_ConclusionLes recherches récentes ont démontré que l’inflamma-tion était un facteur clé de la dépression. Les nouvellesmères ont un risque plus élevé de dépression en raisond’un niveau d’inflammation physiologiquement plus élevéen fin de grossesse et pendant le post-partum précoce, eten raison de l’augmentation des facteurs de stress liés àla maternité. Il existe deux principaux types d’actions pourprévenir et traiter la dépression : abaisser le niveau destress, et abaisser le niveau d’inflammation. L’allaitementabaisse le niveau de stress et protège la mère sur leplan émotionnel. L’allaitement protège aussi les bébésvis-à-vis de l’impact négatif d’une dépression mater-nelle. Diverses approches peuvent agir efficacement surla dépression. Des recherches sont nécessaires pour mieuxévaluer l’impact des techniques de lutte contre l’inflam-mation pour la prévention de la dépression.

4_Quelles implications pour la prévention et le traitement ?Selon ce paradigme, prévenir et traiter la dépression ma-ternelle nécessitera d’agir à deux niveaux : réduire lestress maternel, et réduire l’inflammation.

4_aAgir sur le stress,Le premier objectif sera donc d’abaisser le niveau maternelde stress. Et un moyen important d’y parvenir est d’en-courager la mère à allaiter, et de la soutenir dans sonallaitement. Comme cela a été dit ci-dessus, l’allaitementabaisse les réponses au stress (Groër). Cela aide la mère

dans son maternage, etla protège sur le planémotionnel. Une étude aconstaté que l’allaite-ment abaissait le vécunégatif des mères, tan-dis que le don d’un bibe-ron abaissait leur vécupositif (Mezzacappa).Dans une autre étude,

les mères qui allaitaient exclusivement étaient celles quirapportaient le niveau le plus bas pour le stress, la dépres-sion et le ressentiment, et elles avaient une perception pluspositive de leur vécu (Groër). Le taux sérique de prolactineétait inversement corrélé au stress chez les mères qui n’al-laitaient pas, mais ce n’était pas le cas chez les mères al-laitantes. Une autre étude menée plus récemment par cesmêmes auteurs faisait des constatations similaires. Les ré-ponses au stress étaient plus basses après une tétée(Heinrichs), cet impact semblait être en rapport avec lasuccion de l’enfant plus qu’avec l’allaitement en soi. Lesauteurs estimaient que cela permettait à la mère d’êtreplus centrée sur son enfant pendant les tétées, que celaabaissait le taux lacté de cortisol, et limitait le risque del’impact négatif d’un stress sur la lactation. Or, les mèresdéprimées sont plus enclines à sevrer rapidement, et ellesont des taux sériques plus bas de prolactine.

L’allaitement exclusif protège la mère des effets né-fastes du stress sur le système immunitaire (Groër ;Mezzacappa). L’allaitement protège également le bébévis-à-vis de l’impact négatif chez lui d’une dépressionmaternelle (Jones), probablement parce qu’une mère quiallaite doit avoir des contacts physiques étroits et réguliersavec son bébé, tandis qu’une mère qui nourrit son enfantau lait industriel n’a même pas besoin de prendre son en-fant dans les bras pour le nourrir, ce qui favorise le désen-gagement maternel.

La pratique régulière d’un exercice physique est un moyenfiable et sans danger de lutter contre la dépression (Hass-men). Son efficacité a été démontrée y compris chez despersonnes souffrant de dépression importante (Babyak),et les auteurs ont même constaté un taux plus bas de ré-cidive de la dépression chez les personnes faisant del’exercice que chez celles qui prenaient des antidépres-seurs. Il semble également que la pratique régulièred’un exercice physique aide la personne à mieux gérerle stress. C’est un fait important à connaître par les mèresdéprimées, car pratiquer un exercice physique est souventla dernière chose à laquelle elles penseront.

L’allaitement abaissait le vécu négatif des mères, tandis que le don d’un biberonabaissait leur vécu positif

Hors-Série - Les Dossiers de l’Allaitement8

ème Journée Internationale de l’Allaitement

Paris - Mars 2011

Un nouveau paradigme pour la dépression des jeunes mamans.Par le Dr. Kathleen Kendall-Tackett - Etats-Unis

Références• Akabas SR, Deckelbaum RJ. Summary of a workshop on n-3fatty acids: current status of recommendations and future di-rections. Am J Clin Nutr 2006, 83(6 Suppl):1536S-8S.• American Psychiatric Association: Diagnostic and StatisticalManual of Mental Disorders, Text Revision 4th edition. Washing-ton DC, American Psychiatric Association; 2000.• Amir LH, Dennerstein L, Garland SM, Fisher J, Farish S. Psy-chological aspects of nipple pain in lactating women. J Psycho-som Obstet Gynaecol 1996, 17:53-8.• Ansara D, Cohen MM, Gallop R, Kung R, Kung R, Schei B. Pre-dictors of women's physical health problems after childbirth. J Psychosom Obstet Gynaecol 2005, 26:115-25.• Babyak M, Blumenthal JA, Herman S, Khatri P, Doraiswamy M,Moore K, Craighead WE, Baldewicz TT, Krishnan KR. Exercisetreatment for major depression: Maintenance of therapeutic be-nefit at 10 months. Psychosom Med 2000, 62:633-8.• Baker DG, Ekhator NN, Kasckow JW, Dashevsky B, Horn PS,Bednarik L, Geracioti TD Jr. Higher levels of basal serial CSF cor-tisol in combat veterans with posttraumatic stress disorder. AmJ Psychiatry 2005, 162:992-4.• Balch P. Prescription for Herbal Healing. New York: Avery; 2002.• Beck CT. Post-traumatic stress disorder due to childbirth: theaftermath. Nurs Res 2004, 53:216-24.• Bratman S, Girman AM. Handbook of Herbs and Supplementsand Their Therapeutic Uses. St Louis, Mosby; 2003.• Cheruku SR, Montgomery-Downs HE, Farkas SL, Thoman EB,Lammi-Keefe CJ. Higher maternal plasma docosahexaenoicacid during pregnancy is associated with more mature neonatalsleep-state patterning. Am J Clin Nutr 2002, 76:608-13.• Corwin EJ, Bozoky I, Pugh LC, Johnston N. Interleukin-1betaelevation during the postpartum period. Ann Behav Med 2003,25:41-7.• Coussons-Read ME, Okun ML, Schmitt MP, Giese S. Prenatalstress alters cytokine levels in a manner that may endangerhuman pregnancy. Psychosom Med 2005, 67:625-31.• Dallam S. Health issues associated with violence againstwomen. In Handbook of Women, Stress and Trauma. Edited by:• Kendall-Tackett KA. New York: Taylor & Francis; 2005:159-80.• Dayan J, Creveuil C, Marks MN, Conroy S, Herlicoviez M, Drey-fus M, Tordjman S. Prenatal depression, prenatal anxiety, andspontaneous preterm birth: A prospective cohort study amongwomen with early and regular care. Psychosom Med 2006,68:938-46.• Delahanty DL, Dougall AL, Baum A. Neuroendocrine and im-mune alterations following natural disasters and traumaticstress. In Psychoneuroimmunology Volume 2. Third edition. Edi-ted by: Ader R, Felten DL, Cohen N. New York, Academic Press;2001:335-45.• Elzinga BM, Schmahl CG, Vermetten E, van Dyck R, BremnerJD. Higher cortisol levels following exposure to traumatic re-minders in abuse-related PTSD. Neuropsychopharmacology2003, 28:1656-65.• Ferrucci L, Cherubini A, Bandinelli S, Bartali B, Corsi A, Laure-tani F, Martin A, Andres-Lacueva C, Senin U, Guralnik JM. Rela-tionship of plasma polyunsaturated fatty acids to circulatinginflammatory markers. J Clin Endocrinol Metabol 2006, 91:439-46.• Frangou S, Lewis M, McCrone P. Efficacy of ethyl-eicosapen-taenoic acid in bipolar depression: Randomized double-blindplacebo-controlled study. Br J Psychiatry 2006, 188:46-50.• Freeman MP, Hibbeln JR, Wisner KL, Brumbach BH, WatchmanM, Gelenberg AJ. Randomized dose-ranging pilot trial of omega-3 fatty acids for postpartum depression. Acta Psychiatr Scand2006, 113:31-5.• Freeman MP, Hibbeln JR, Wisner KL, Davis JM, Mischoulon D,Peet M, Keck PE Jr, Marangell LB, Richardson AJ, Lake J, StollAL. Omega-3 fatty acids: Evidence basis for treatment and fu-ture research in psychiatry. J Clin Psychiatry 2006, 67:1954-67.• Galea S, Vlahov D, Resnick H, Ahern J, Susser E, Gold J, Bucu-valas M, Kilpatrick D. Trends of probable post-traumatic stressdisorder in New York City after the September 11 terrorist at-tacks. Am J Epidem 2003, 158:514-24.• Geracioti TD Jr, Carpenter LL, Owens MJ, Baker DG, EkhatorNN, Horn PS, Strawn JR, Sanacora G, Kinkead B, Price LH, Ne-meroff CB. Elevated cerebrospinal fluid substance P concentra-

tions in posttraumatic stress disorder and major depression. AmJ Psychiatry 2006, 163:637-43.• Grajeda R, Perez-Escamilla R. Stress during labor and deliveryis associated with delayed onset of lactation among urban Gua-temalan women. J Nutr 2002, 132:3055-60.• Groër M, Davis K, Casey B, Short B, Smith K, Groer S. Neuroen-docrine and immune relationships in postpartum fatigue. MCNAm J Matern Child Nurs 2005, 30:133-8.• Groër MW, Davis MW, Hemphill J. Postpartum stress: Currentconcepts and the possible protective role of breastfeeding. JObstet Gyncol Neonatal Nurs 2002, 31:411-7.• Groër MW, Davis MW, Smith K, Casey K, Kramer V, BukovskyE. Immunity, inflammation and infection in post-partum breastand formula feeders. Am J Reprod Immunol 2005, 54:222-31.• Groër MW, Davis MW. Cytokines, infections, stress, and dys-phoric moods in breastfeeders and formula feeders. J ObstetGynecol Neonatal Nurs 2006, 35:599-607.• Groër MW, Morgan K. Immune, health and endocrine charac-teristics of depressed postpartum mothers. Psychoneuroendo-crinology 2007, 32 : 133-9.• Groër MW. Differences between exclusive breastfeeders, for-mula-feeders, and controls: A study of stress, mood, and endo-crine variables. Biol Res Nurs 2005, 7:106-17.• Hassmen P, Koivula N, Uutela A. Physical exercise and psy-chological well-being: A population study in Finland. Prev Med2000, 30:17-25.• Heinrichs M, Meinlschmidt G, Neumann I, Wagner S, Kir-schbaum C, Ehlert U, Hellhammer DH. Effects of suckling on hy-pothalamicpituitary-adrenal axis responses to psychosocialstress in postpartum lactating women. J Clin Endocrinol Metab2001, 86:4798-4804.• Hibbeln JR. Seafood consumption, the DHA content of mo-thers' milk and prevalence rates of postpartum depression: Across-national, ecological analysis. J Affect Disord 2002, 69:15-29.• Johnson JD, O'Connor KA, Deak T, Spencer RL, Watkins LR,Maier SF. Prior stressor exposure primes the HPA axis. Psycho-neuroendocrinology 2002, 27:353-65.• Jones NA, McFall BA, Diego MA. Patterns of brain electricalactivity in infants of depressed mothers who breastfeed andbottle feed: The mediating role of infant temperament. Biol Psy-chol 2004, 67:103-24.• Joynt KE, Whelan DJ, O'Connor CM. Depression and cardio-vascular disease: Mechanisms of interaction. Biol Psychiatry2003, 54:248-61.• Kendall-Tackett KA. Depression in New Mothers: Causes,Consequences and Treatment Options. Binghamton, HaworthPress; 2005.• Kendall-Tackett KA. Hidden Feelings of Motherhood. 2nd edi-tion. Amarillo, Texas: Hale Publishing; 2005.• Kendall-Tackett KA. Inflammation, Cardiovascular Disease,and Metabolic Syndrome as Sequelae of Violence AgainstWomen: The Role of Depression, Hostility, and Sleep Distur-bance. Trauma Violence Abuse 2007, 8 : 117-26.• Kendall-Tackett KA. Physiological correlates of childhoodabuse: Chronic hyperarousal in PTSD, depression and irritablebowel syndrome. Child Abuse Negl 2000, 24:799-810.• Kendall-Tackett KA. Trauma associated with perinatal events:Birth experience, prematurity, and childbearing loss. In Hand-book of Women, Stress and Trauma. Edited by: Kendall-TackettKA. New York, Taylor & Francis; 2005:53-74.• Kendall-Tackett KA. Treating the Lifetime Health Effects ofChildhood Victimization. Kingston, Civic Research Institute;2003.• Kendall-Tackett KA. A new paradigm for depression in newmothers : the central role of inflammation and how breastfee-ding and anti-inflammatory treatments protect maternal mentalhealth. Int Breastfeed J 2007 ; 2 : 6. • Kiecolt-Glaser JK, Belury MA, Porter K, Beversdoft D, Lemes-how S, Glaser R. Depressive symptoms, omega-6: omega-3 fattyacids, and inflammation in older adults. Psychosom Med 2007,69 : 217-24.• Kiecolt-Glaser JK, Glaser R. Depression and immune function:Central pathways to morbidity and mortality. J Psychosom Res2002, 53:873-6.

18

• Kiecolt-Glaser JK, Loving TJ, Stowell JR, Malarkey WB, Lemes-how S, Dickinson SL, Glaser R. Hostile marital interactions,proinflammatory cytokine production, and wound healing. ArchGen Psychiatry 2005, 62:1377-84.• Konsman JP, Parnet P, Dantzer R. Cytokine-induced sicknessbehaviour: Mechanisms and implications. Trends Neurosci 2002,25:154-9.• Kop WJ, Gottdiener JS. The role of immune system parametersin the relationship between depression and coronary artery di-sease. Psychosom Med 2005, 67:S37-S41.• Machelska H, Mousa SA, Stein C. Pain and immune function.In Psychoneuroimmunology Volume 2. Third edition. Edited by:Ader R, Felten DL, Cohen N. New York: Academic Press;2001:111-21.• Maes M, Bosmans E, Ombelet W. In the puerperium, primipa-rae exhibit higher levels of anxiety and serum peptidase activityand greater immune responses than multiparae. J Clin Psychia-try 2004, 65:71-6.• Maes M, Christophe A, Bosmans E, Lin A, Neels H. In humans,serum polyunsaturated fatty acid levels predict the response ofproinflammatory cytokines to psychologic stress. Biol Psychia-try 2000, 47:910-20.• Maes M, Lin A-H, Ombelet W, Stevens K, Kenis G, deJongh R,Cox J, Bosmans E. Immune activation in the early puerperiumis related to postpartum anxiety and depression symptoms. Psy-choneuroendocrinology 2000, 25:121-37.• Maier SF, Watkins LR. Cytokines for psychologists: Implica-tions of bidirectional immune-to-brain communication for un-derstanding behavior, mood and cognition. Psychol Rev 1998,105:83-107.• McEwen BS. Mood disorders and allostatic load. Biol Psychia-try 2003, 54:200-7.• McGovern P, Dowd B, Gjerdingen D, Gross CR, Kenney S, Ukes-tad L, McCaffrey D, Lundberg U. Postpartum health of employedmothers 5 weeks after childbirth. Ann Fam Med 2006, 4:159-67.• McKenna JJ, McDade T. Why babies should never sleep alone:A review of the co-sleeping controversy in relation to SIDS,bedsharing and breast feeding. Paediatr Respir Rev 2005,6:134-52.• Mezzacappa ES, Katkin ES. Breast-feeding is associated withreduced perceived stress and negative mood in mothers. HealthPsychol 2002, 21:187-93.• Miller GE, Rohleder N, Stetler C, Kirschbaum C. Clinical de-pression and regulation of the inflammatory response duringacute stress. Psychosom Med 2005, 67:679-87.• Miyake Y, Sasaki S, Yokoyama T, Tanaka K, Ohya Y, FukushimaW, Saito K, Ohfuji S, Kiyohara C, Hirota Y, The Osaka Maternaland Child Health Study Group. Risk of postpartum depressionin relation to dietary fish and fat intake in Japan: the Osaka Ma-ternal and Child Health Study. Psychol Med 2006, 36:1727-35.• Motivala SJ, Safati A, Olmos L, Irwin MR. Inflammatory mar-kers and sleep disturbance in major depression. PsychosomMed 2005, 67:187-94.• Nemets H, Nemets B, Apter A, Bracha Z, Belmaker RH. Omega-3 treatment of childhood depression: A controlled, doubleblindpilot study. Am J Psychiatry 2006, 163:1098-1100.• Noaghiul S, Hibbeln JR. Cross-national comparisons of sea-food consumption and rates of bipolar disorders. Am J Psychia-try 2003, 160:2222-7.• O'Brien SM, Scott LV, Dinan TG. Antidepressant therapy andC-reactive protein levels. Br J Psychiatry 2006, 188:449-52.• Patel V, Prince M. Maternal psychological morbidity and lowbirth weight in India. Brit J Psychiatry 2006, 188:284-5.• Peet M, Horrobin DF. A dose-ranging study of the effects ofethyl-eicosapentaenoate in patients with ongoing depressiondespite apparently adequate treatment with standard drugs.Arch Gen Psychiatry 2002, 59:913-9.• Peet M, Stokes C. Omega-3 fatty acids in the treatment of psy-chiatric disorders. Drugs 2005, 65:1051-9.• Rees A-M, Austin M-P, Parker G. Role of omega-3 fatty acidsas a treatment for depression in the perinatal period. Aust N ZJ Psychiatry 2005, 39:274-80.• Robles TF, Glaser R, Kiecolt-Glaser JK. Out of balance: A newlook at chronic stress, depression, and immunity. Curr Dir PsychSci 2005, 14:111-5.

• Roizenblatt S, Moldofsky H, Benedito-Silva AA, Tufik S. Alphasleep characteristics in fibromyalgia. Arthritis Rheum 2001,44:222-30.• Ross LE, Murray BJ, Steiner M. Sleep and perinatal mood di-sorders: A critical review. J Psychiatry Neurosci 2005, 30:247-56.• Rupke SJ, Blecke D, Renfrow M. Cognitive therapy for depres-sion. Am Fam Physician 2006, 73:83-6.• Schiepers OJ, Wichers MC, Maes M. Cytokines and major de-pression. Prog Neuropsychopharmacol Biol Psychiatry 2005,29:201-17.• Seng JS, Oakley DJ, Sampselle CM, Killion C, Graham-Ber-mann S, Liberzon I. Posttraumatic stress disorder and pre-gnancy complications. Obstet Gynecol 2001, 97:17-22.• Simopoulos AP. Omega-3 fatty acids in inflammation and au-toimmune diseases. J Am Coll Nutr 2002, 21:495-505.• Smuts CM, Huang M, Mundy D, Plasse T, Major S, Carlson SE.A randomized trial of docosahexaenoic acid supplementationduring the third trimester of pregnancy. Obstet Gynecol 2003,101:469-79.• Suarez EC, Lewis JG, Krishnan RR, Young KH. Enhanced ex-pression of cytokines and chemokines by blood monocytes toin vitro lipopolysaccharide stimulation are associated with hos-tility and severity of depressive symptoms in healthy women.Psychoneuroendocrinology 2004, 29:1119-28.• Sublette ME, Hibbeln JR, Galfalvy H, Oquendo MA, Mann JJ.Omega-3 polyunsaturated essential fatty acid status as a pre-dictor of future suicide risk. Am J Psychiatry 2006, 163:1100-2.• Tanskanen A, Hibbeln JR, Tuomilehto J, Uutela A, Haukkala A,Viinamaki H, Lehtonen J, Vartiainen E. Fish consumption anddepressive symptoms in the general population of Finland. Psy-chiatr Serv 2001, 52:529-31.

19

PUB

20 21Hors-Série - Les Dossiers de l’Allaitement

8ème Journée Internationale de l’Allaitement

Paris - Mars 2011

Sommeil de l’enfant, allaitement et partage du litPar le Dr. Helen Ball - Grande-Bretagne

1_Le « gentil bébé » et le développement du sommeil« Est-ce que c’est un gentil bébé ? » Cette question, couramment posée aux nouveaux parents dans les débuts de leur parentage, vise en faità savoir si le bébé est « sage », et plus précisément s’il« fait ses nuits ». Les parents dont le bébé est « gentil »sont félicités, tandis que ceux dont le bébé est « difficile » re-çoivent de la sympathie et des conseils sur les moyensd’améliorer son sommeil. Dans notre société occidentale,il semble que le « gentil » bébé, ou le bébé « satisfait », estun bébé « léthargique », et la gestion du sommeil de leurbébé est le principal domaine du parentage sur lequel lesnouveaux parents seront jugés par les autres. Il n’est doncpas étonnant que tout ce qui concerne le sommeil du bébésoit une source d’anxiété et de frustration pour de nombreuxparents.

Les bébés ont un sommeil très différent de celui deleurs parents : ils ne dorment pas uniquement la nuit ; ilsne dorment pas toute la nuit ; ils s’endorment de façon dif-férente, leurs cycles de sommeil sont plus courts, et ils pas-sent beaucoup plus de temps en sommeil paradoxal (REMsleep, Rapid eye movement sleep).Le sommeil est un processus développemental, et nos besoins en matière de sommeil changent au cours de notrevie. La maturation du sommeil de l’enfant se fait pendantles premières années de vie, et l’architecture du sommeildes nourrissons est très différente de celle des adultes. Lesnourrissons dorment pendant une vingtaine d’heures parjour, mais seulement par tranches de 2 à 3 heures. Pendantla première année, la durée totale de sommeil baissejusqu’à environ 15 heures par jour, et les heures de sommeil se regroupent, avec une plage nocturne plus importante au fur et à mesure que le rythme circadien semet en place (Parmelee et al, 1964).

Le sommeil comporte deux phases principales : le sommeilparadoxal et le sommeil non paradoxal. Pendant un cyclede sommeil normal se succèdent des phases de sommeilnon paradoxal léger et profond, et des phases de sommeilparadoxal (appelé aussi sommeil actif). Chez les adultes,l’ensemble d’un cycle dure environ 90 minutes ; chez lesnourrissons, il est plus court, environ 60 minutes. Pendantles périodes de sommeil non paradoxal, le fonctionnementcérébral baisse, alors que pendant le sommeil paradoxal,au contraire, le cerveau travaille sur les informations acquises pendant les heures de veille. Habituellement, unadulte est en phase de sommeil non paradoxal lorsqu’ils’endort, et les premiers cycles de sommeil sont essentiel-lement constitués de sommeil profond, avec peu de som-meil paradoxal. Le temps passé en sommeil paradoxals’allonge progressivement, et il est maximal en fin de nuit.Le schéma adulte de sommeil, qui comprend 15 à 20 %de REM, n’est totalement mis en place qu’à la puberté (Peireno et al, 1983).

Le cerveau du bébé augmente rapidement de volume pendant la première année de vie. Le processus deconnexion entre les neurones prend place pendant le sommeil, et c’est la raison pour laquelle le REM domine

pendant les cycles de sommeil du bébé. Entre la naissanceet 3 mois, un bébé passe 40 à 50 % de son temps de som-meil en REM, et lorsqu’il s’endort, il passe bien 20 minutesen REM avant de s’endormir profondément. Pendant lesommeil paradoxal, le bébé peut se réveiller facilement,alors qu’en sommeil non paradoxal, il dort profondémentet peut souvent être déplacé sans être réveillé.

Tant chez les pédiatres que dans la population générale,les connaissances sur la maturation et la régulation dusommeil chez les bébés sont fondées uniquement sur desétudes effectuées sur des bébés nourris au lait industriel,et qu’on laisse dormir seuls.« Se régler » est le terme utilisé pour décrire la phase pen-dant laquelle le bébé commence à tomber profondémentendormi, puis à rester endormi pendant une période pro-longée (habituellement entre minuit et cinq heures). Aucours des cinquante dernières années, le fait d’encouragerle bébé à dormir sans interruption pendant cette période aété considéré comme un objectif important à atteindre pourles parents. À la fin des années 1950, des chercheurs ontrapporté que 70 % des 160 bébés qu’ils avaient étudiéscommençaient à « faire leurs nuits » à 3 mois (Moore &Ucko, 1957). Cet objectif des nuits « faites » à 3 mois estdevenu une doctrine gravée dans les livres de pédiatrie, etles parents comme les professionnels de santé en sont arrivés à croire que cela représentait l’âge auquel un bébédevait dormir toute la nuit. Dans les pays occidentaux,le fait qu’un bébé se réveille la nuit est l’une des rai-sons les plus courantes pour laquelle les parentsconsultent un professionnel de santé. Mais ce standardde sommeil a été établi à une époque où le taux d’allaite-ment était au plus bas, et où le sommeil solitaire était lanorme pour les bébés (Ball & Klingaman, 2008).

Le fait de se régler, comme d’autres aspects du dévelop-pement du bébé, ne peut pas être séparé des soins donnésau bébé. Il est maintenant clair non seulement que les en-fants commencent à se régler à des âges différents, maisqu’il y a en outre d’importantes différences entre les en-fants allaités et les enfants nourris au lait industriel dansla façon de se régler. De nombreuses études ont montréque l’allaitement est corrélé à une mise en place plus tar-dive du sommeil pendant toute la nuit, avec des réveilsnocturnes plus fréquents, ce qui montre que les normesactuelles de sommeil pour les bébés ne s’appliquent pasaux bébés allaités (Elias et al, 1986). En fait, dans les so-ciétés où tous les bébés sont allaités, le fait que l’enfantse règle est un concept inconnu, et on s’attend à ce que lebébé se réveille la nuit pendant toute sa première annéede vie et au-delà (Ball, 2006).

2_Allaitement et sommeilL’écart entre le souhait des parents de voir leur bébé dormirle plus rapidement possible aux heures qui leur semblentsouhaitables, et les caractéristiques physiologiques desbébés allaités, qui les amènent à se réveiller et à téter fré-quemment jour et nuit, est considéré comme un inconvé-nient de l’allaitement dans les sociétés occidentales (Pinilla& Birch, 1993 ; Marchand & Morrow, 1994). Les étudesqui ont exploré les barrières à l’allaitement ont constaté

que l’un des problèmes mentionnés par les parents étaitleur désir d’avoir un bébé satisfait, qui dorme toute la nuit,et n’ait pas besoin de téter trop souvent. Les parents sem-blent mal préparés au fait que les bébés allaités ont besoinde téter souvent pendant la nuit, et ils interprètent éven-tuellement ce fait comme le signal que le lait maternel nesuffit plus à satisfaire le bébé, ce qui amène à un sevrageprécoce. Des études récentes ont pourtant montré quemême si les bébés allaités se réveillent et tètent plus sou-vent la nuit que les enfants nourris au lait industriel, les pa-rents des enfants allaités arrivent à obtenir au totaldavantage de sommeil (Doan et al, 2007). La perceptionnégative de l’allaitement par rapport au sommeil du bébédoit donc être corrigée.Les bébés allaités se réveillent et tètent plus souvent lanuit que les bébés nourris au lait industriel, et c’est lanorme biologique pour notre espèce. Les nouveau-nés ontun tout petit estomac (de la taille d’une cerise à la nais-sance), et le lait humain est rapidement digéré. Les tétéesnocturnes permettent au bébé d’avoir une nutrition adé-quate (jusqu’au tiers des calories quotidiennes). Les bébésdoublent habituellement leur poids de naissance vers 5 ou6 mois, et la croissance de leur cerveau est très rapide ;cette croissance nécessite un apport calorique important.Le lait humain est riche en sucres, et apporte des caloriesrapidement utilisables pour la croissance cérébrale, maisil est digéré en 90 minutes environ. Les bébés auront doncfaim toutes les 2 à 3 heures.

Lorsque la mère souhaite allaiter, dormir près de sonbébé est un moyen de rendre les tétées nocturnes plusefficaces, et de minimiser les réveils intempestifs chezles parents.

Les mères allaitantes expérimentées savent que le fait deminimiser l’impact des réveils nocturnes pour allaiter leurbébé est important pour faciliter la poursuite de l’allaite-ment pendant de nombreux mois. Un des moyens d’y par-venir est que la mère et le bébé dorment ensemble, ce quipermet au bébé d’avoir facilement accès aux seins de samère, et à la mère d’être dérangée le moins possiblelorsque son bébé a besoin de téter. Plusieurs études pu-bliées ces dix dernières années ont montré une relationtrès claire et forte entre l’allaitement et le partage du lit pa-rental (Ball & Klingaman, 2008). Cette relation est évi-dente, et de nombreuses mères disent que, bien souvent,elles ne font pas attention au nombre de fois où leur bébétète la nuit. Les observations de sommeil partagé chez desenfants allaités montrent qu’ils tètent plus souvent et pluslongtemps que les enfants allaités qui ne dorment pas prèsde leur mère, mais que malgré cela, les mères qui ont l’ha-bitude de dormir avec leur bébé obtiennent autant, sinonplus de sommeil que les mères qui ne dorment pas prèsde leur bébé allaité. Les femmes qui découvrent la facilitéavec laquelle elles peuvent allaiter la nuit lorsqu’elles ontleur bébé dans leur lit disent vouloir allaiter pendant bienplus longtemps qu’elles ne l’auraient fait si elles n’avaientpas le bébé dans leur lit (Ball, 2002 ; Ball, 2003). Alorsqu’en moyenne, 50 % des bébés anglais ont dormi avecleurs parents à un moment ou un autre pendant les troispremiers mois de vie, c’est le cas pour 70 % des bébés al-laités contre le tiers des bébés non allaités (Ball, 2003 ;Blair & Ball, 2004).

Pr. Helen BallGrande-Bretagne

Laboratoire du Sommeil Parent-Enfant, Département d’Anthropologie,

Université de Durham (Angleterre).

Sommeil de l’enfant,

allaitement

et partage du lit

23Hors-Série - Les Dossiers de l’Allaitement

8ème Journée Internationale de l’Allaitement

Paris - Mars 2011

Sommeil de l’enfant, allaitement et partage du litPar le Dr. Helen Ball - Grande-Bretagne

22

mère, et dormait dans l’espace entre ses bras (placés au-dessus de sa tête, sur ou sous l’oreiller de la mère) et sesgenoux (pliés et ramenés jusqu’aux pieds du bébé). Laconstatation de cette position dans de nombreuses étudespermet de penser que cette façon de dormir avec son bébéest un comportement instinctif chez une mère allaitante,destiné à protéger le bébé pendant son sommeil.Lorsqu’une mère allaitante dort ainsi avec son bébé, elledélimite un espace dans lequel le bébé peut dormir à l’abrides limites posées par le corps maternel, protégé des fac-teurs environnementaux potentiellement dangereux telsque les oreillers et couvertures, ou d’une autre personneprésente dans le lit (Ball, 2007 ; Ball & Klingaman, 2008).

La chose la plus importante que doivent retenir les pa-rents qui envisagent de prendre leur bébé dans leur litest que le risque est fonction de QUI dort avec l’enfant,de OÙ et COMMENT se passe le sommeil, et de CE QU’afait cette personne avant de dormir avec le bébé.

Lorsque la mère allaite, le fait de prendre le bébé dans sonlit évite habituellement tous les éventuels facteurs derisque du sommeil dans le lit parental (suffocation, écra-sement, bébé coincé), en raison de la présence et du com-portement de la mère. Mais cela ne sera pas forcément lecas lorsque la mère n’allaite pas. Lorsqu’on compare lesvidéos effectuées au domicile de parents qui prennent leurbébé dans leur lit, les enfants qui ne sont pas allaités sontgénéralement placés plus haut dans le lit, généralementau niveau de la tête des parents, au niveau des oreillersdes parents ou entre ces oreillers. Par contre, les bébés al-laités sont toujours placés sur le matelas, à un niveau plusbas que celui des oreillers. Les mères qui n’allaitent paspassent beaucoup moins de temps face à leur bébé queles mères qui allaitent, elles n’adoptent pas aussi réguliè-rement une position protectrice autour de leur bébé, etleurs cycles de sommeil sont moins synchronisés avec

ceux de leur bébé. Le comportement des pères qui dor-maient avec leur bébé était hautement variable. Certainspères étaient très « en phase » avec leur bébé, et adop-taient avec lui un comportement similaire à celui desmères, tandis que d’autres se détournaient totalement dela dyade mère-enfant, et vivaient leur nuit sans se préoc-cuper des interactions nocturnes mère-enfant (Ball, 2006).Le cycle de réponses hormonales expérimenté par lesmères allaitantes favorise un contact étroit avec leur bébé,augmente la capacité de réponse de la mère, et son lienavec son bébé, d’une façon qui est absente ou diminuéechez les mères qui n’allaitent pas. Les mères allaitantes etleurs bébés qui partagent le même lit le font d’une façondifférente de celle des mères qui n’allaitent pas. Cela im-plique que les futures recherches sur le partage du lit pa-rental devraient prendre en compte le mode d’alimentationdu bébé. Il est également important que les mères allai-tantes soient informées du fait que la consommation d’al-cool ou de drogues (y compris certains médicamentsdisponibles sur ordonnance ou en vente libre en pharma-cie) peut avoir un impact important sur leurs réponses nor-males et leur comportement lorsqu’elles dorment avec leurbébé, et que cette consommation devrait être évitée.

3_Controverse autour du partage du lit parentalPrendre ou non le bébé dans leur lit est une question quese posent de nombreux parents. D’un côté, cela facilite l’al-laitement, qui est bon pour la santé du bébé et de la mère.D’un autre côté, les parents ont peur d’étouffer le bébé s’ilest dans leur lit, ou de la mort subite du nourrisson (MSN).Quand de nouveaux parents se voient exposer ces deuxaspects, les conseils qu’ils recevront pourront leur semblercontradictoires. Les partisans des deux côtés ont à cœurles intérêts des parents et des bébés, mais les contradic-tions dans les messages qui en résultent induisent confu-sion et anxiété chez les parents. Et la façon dont la presserend souvent compte des résultats des études de façon in-correcte ou en sortant les faits de leur contexte n’est pasfaite pour aider les parents (Horsley et al, 2007 ; Morganet al, 2007).

La controverse sur les décès par MSN et/ou les décès ac-cidentels a amené certaines autorités (par exemple lesjuges et les pathologistes) à cataloguer le sommeil de l’en-fant dans le lit parental comme une pratique à haut risque,qui devrait être abandonnée par les parents, et découragéepar les professionnels de santé. Ces recommandations ac-cordent peu ou pas de valeur au contact entre la mère etson enfant pendant le sommeil, et ne prennent pas encompte les bénéfices du partage du lit parental. Cette per-ception est renforcée par les résultats de grandes étudesde population, qui ont calculé le risque de MSN ou de décèsaccidentel en fonction des caractéristiques des bébés quisont décédés par rapport aux bébés du groupe témoin. Cetype d’études a montré que le fait que le bébé dorme à platventre, dans une pièce séparée, qu’il ait la tête recouvertependant le sommeil, ainsi que le tabagisme parental,étaient tous des facteurs de risque potentiellement modi-fiables de mort inattendue chez le bébé. En conséquence,on a recommandé dans de nombreux pays de coucher lebébé sur le dos, de le faire dormir dans la chambre paren-tale pendant les six premiers mois, d’éviter le tabagismematernel pendant la grossesse et en présence du bébé, desupprimer tous les accessoires mous, et de placer les piedsdu bébé contre le fond du berceau (Flemming, 1993 ; Mit-chell, 2009). Ce sont des messages relativement simples,au sujet desquels il n’existe guère de controverse.

Mais la situation est bien plus complexe dans le cas dupartage du lit parental. Les estimations faites pour le risquede MSN chez les bébés qui dorment dans le lit parentalsont très variables, et dépendent des circonstances danslesquelles ce partage du lit se produit. Elles dépendent éga-

lement de la façon dont chaque étude a défini le « partagedu lit parental », certaines études incluant le sommeil surun sofa, et au moins l’une d’entre elles ayant considérécomme des décès liés au partage du lit parental des décèssurvenus alors que le bébé avait été remis dans son ber-ceau. La conséquence de ces définitions différentes estqu’il est impossible de considérer comme fiables lesconclusions des auteurs (ou les manchettes des journaux).En Angleterre, les résultats des études concernant la MSNchez les bébés qui dorment dans le lit parental vont d’uneabsence d’augmentation du risque chez les bébés qui dor-ment avec des parents non-fumeurs, jusqu’à un risque 12fois plus élevé chez les bébés qui dorment sur un canapéavec un parent fumeur (Blair et al, 1999). L’étude la plusrécente effectuée en Angleterre sur le sommeil de l’enfantdans le lit parental et la MSN a montré que les bébés quiétaient décédés pendant qu’ils dormaient avec un parentétaient en fait dans des conditions à haut risque, commele sommeil sur un canapé, ou avec un parent ayantconsommé de l’alcool ou des drogues (Blair et al, 2009).Les auteurs de cette étude concluaient que dire aux pa-rents de ne pas prendre leur bébé dans leur lit était sim-pliste, et pouvait faire plus de mal que de bien. « Lesparents des jeunes enfants ont besoin de les nourrir pen-dant la nuit, éventuellement plusieurs fois par nuit, et sinous diabolisons cette pratique, cela risque d’induire despratiques à plus haut risque. Il serait préférable d’informerles parents sur les circonstances qui peuvent induire unrisque pour le bébé » (Blair et al, 2009).

Aucune des études actuellement publiées sur la MSN n’afourni de données sur ce risque chez les bébés dormantdans le lit parental selon leur mode d’alimentation. Tantque des données sur le sujet n’auront pas été collectées,il sera impossible de savoir si le partage du lit parental enrapport avec l’allaitement constitue un risque pour lesbébés. Toutefois, en cas d’éventuelle augmentation durisque, il est peu probable que cette augmentation soit im-portante dans la mesure où, d’après un certain nombred’études, le risque de MSN est plus élevé chez les enfantsnourris au lait industriel que chez les enfants allaités. Unerécente méta-analyse de toutes les études publiées sur lesavantages et les risques liés au partage du lit parentalconcluait que les bénéfices du lit parental sur le plan del’allaitement étaient évidents, tandis que les preuves surses risques étaient ambiguës (Horsley et al, 2007).

4_Éviter les situations dangereusesLe sommeil des mères allaitantes et de leurs bébés dor-mant dans le même lit présente certaines caractéristiquesimportantes. La mère et le bébé qui ont l’habitude de dor-mir ensemble pour faciliter les tétées nocturnes dormentà proximité l’un de l’autre, face à face la majorité de la nuit,et ont des rythmes de sommeil synchronisés (il semble queles cycles de sommeil de la mère se réduisent de 90 à 60minutes pour se caler sur ceux de son bébé – McKennaet al, 2007). Des mères allaitantes ont été étudiées alorsqu’elles dormaient avec leur bébé dans un lit d’hôpitalétroit, dans un lit à deux places en laboratoire de sommeil,et à leur domicile dans un lit dont la taille allait du lit d’unepersonne au lit de 1,80 m de large. Dans tous les cas, lamère dormait sur le côté, face à son bébé, et enroulée au-tour de lui. Le bébé était placé au niveau des seins de la

Il n’existe pas de message standard concernantle partage du lit parental qui soit adapté à toutes les familles et à toutes les situations. Les parents doivent prendre en compte le pouret le contre dans leur situation spécifique, afin de faire un choix informé.

Ne jamais dormir avec son bébé sur un canapé ou un fauteuil.

Ne jamais dormir avec son bébé après avoir bu de l’alcool.

Ne jamais dormir avec son bébé après avoir consommé des drogues (légales ou illégales) ou des médicaments (comme certains produits « spécial nuit » contre le rhume) qui affectent le niveau de conscience pendant le sommeil.

Savoir que prendre son bébé dans son lit lorsqu’un parent fume (ou que la mère fumaitpendant la grossesse) augmente le risque de MSN.

Réfléchir au fait de prendre le bébé dans son lit en ayant à l’esprit la sécurité du bébé (éviter les interstices, les surfaces molles, éloigner le bébé des oreillers, ne pas emmailloter ou habiller trop chaudement le bébé).

Veiller à ce que les autres personnes dormant dans le lit soient au courant de la présence du bébé, et ne pas permettre à d’autres jeunes enfants de dormir près d’un bébé.

Les points les plus importants dont il faut se souvenir lorsqu’une mère dort avec son bébé sont :

25Hors-Série - Les Dossiers de l’Allaitement

8ème Journée Internationale de l’Allaitement

Paris - Mars 2011

Sommeil de l’enfant, allaitement et partage du litPar le Dr. Helen Ball - Grande-Bretagne

5_Où trouver des informations utilesLe feuillet d’information de La Leche League GB, Safe Sleep and the Breastfed Baby.www.lllgbbooks.co.uk/shopping/go_shopping/booklets_and_information_sheets/single_information_sheets/safe_sleep_and_the_breastfed_baby_information_sheet/

Le feuillet de l’UNICEF, Partager un lit avec votre bébé.www.babyfriendly.org.uk/pdfs/french/sharingbedleaflet_french.pdf

National Childbirth Trust. Position Statement, Co-sleeping and bed-sharing. www.nct.org.uk/press-office/position-statements/transitionparenthood

Royal College of Midwives. Bed-sharing and Co-sleeping: Position Statement No. 8.www.rcm.org.uk/professional/docs/PS%208%20Bed%20sharing.doc

Le protocole de l’Academy of Breastfeeding Medicine sur le sommeil partagé et l’allaitement. www.lllfrance.org/Textes-de-l-Academy-of-Breastfeeding-Medecine/Recommandation-sur-le-sommeil-partage-et-l-allaitement.html

Nathalie Roques. Dormir avec son bébé. L’Harmattan, 2003.

Nathalie Roques. Dormir avec mon bébé… en toute sécurité. http://cododo.free.fr/brochure.pdf

Claude Didierjean-Jouveau. Partager le sommeil de son enfant. Jouvence, 2005.

James McKenna. Des bébés de l’âge de pierre à l’époque de la conquête spatiale. 6e Journée Internationale de l’Allaitement. Dossiers de l’allaitement hors-série, 2005, p. 18-26.

24

Références1. Parmelee AH, Wenner WH, Schulz HR. Infant sleep patterns :from birth to 16 weeks of age. J Pediatr 1964 ; 65(4) : 576-82.2. Peireno P, Algarin C, Uauy R. Sleep-wake states and their regulatory mechanisms throughout early human development. J Pediatr 2003 ; 143(4) : 70-9.3. Moore T and Ucko C. Night waking in early infancy. Arch Dis Child 1957 ; 32: 333-42.4. Ball H & K Klingaman. Breastfeeding and mother-infant sleepproximity : implications for infant care. In Evolutionary Medicineand Health: New Perspectives. 2008. Eds. WR Trevathan, EOSmith, JJ McKenna. OUP: New York.5. Elias MF et al. Sleep/wake patterns of breast-fed infants inthe first 2 years of life. Pediatrics 1986 ; 77(3) : 322-9.6. Ball HL. 2006. Night-time infant care: cultural practice, evo-lution, and infant development. In Childrearing and infant careissues: a cross-cultural perspective. 2006. Pranee LiamputtongMelbourne, Australia : Nova. 47-61.7. Pinilla T and Birch LL. Help me make it through the night: be-havioral entrainment of breast-fed infants' sleep patterns. Pediatrics 1993; 91(2): 436-44.8. Marchand L and Morrow MH. Infant feeding practices: understanding the decision-making process. Fam Med 1994 ; 26 (5) : 319-324.9. Doan T, Gardiner A, Gay CL, Lee KA. Breast-feeding increasessleep duration of new parents. J Perinat Neonatal Nurs 2007 ; 21(3) : 200-6.10. Ball, H. L. (2002). Reasons to bed-share: why parents sleep with their infants. Journal of Reproductive and Infant Psychology 20(4): 207-222.

11. Blair PS and Ball HL. The prevalence and characteristics associated with parent–infant bed-sharing in England. Arch Dis Child 2004 ; 89 : 1106-10.12. Ball HL. Breastfeeding, bed-sharing and infant sleep. Birth 2003 ; 30(3) : 181-8.13. Morgan KH, Groer MW, Smith LJ. The controversy about whatconstitutes safe and nurturant infant sleep environments.J Obst Gynecol Neonat Nurs 2006 ; 35 : 684-91.14. Horsley T, CliffordT, Barrowman N, et al. Benefits and harmsassociated with the practice of bed sharing. Arch Pediatr Adolesc Med 2007 ; 161: 237-45.15. Fleming PJ. Understanding and preventing sudden infantdeath syndrome. Curr Opin Pediatr 1994 ; 6 : 158-62.16. Mitchell EA. Risk factors for SIDS. BMJ 2009 ; 339 : b3466. 17. Blair PS, Fleming PJ, et al. Babies sleeping with parents :case-control study of factors influencing the risk of the suddeninfant death syndrome. BMJ 1999 ; 319 : 1457-61.18. Blair PS, Sidebotham P, et al. Hazardous cosleeping envi-ronments and risk factors amenable to change : case-controlstudy of SIDS in South West England. BMJ 2009 ; 339 : b3666. 19. McKenna JJ, Ball HL, Gettler LT. Mother-infant cosleeping,breastfeeding and sudden infant death syndrome : what biolo-gical anthropology has discovered about normal infant sleepand pediatric sleep medicine. Yearbook of Physical Anthropology 2007 ; 50 : 133-61.20. Ball HL. Parent-infant bed-sharing behavior : effects of feeding type, and presence of father. Human Nature 2006 ; 17(3) : 301-18.

On sait que la cohabitation mère-enfant et les tétées fréquentesdès les premiers jours favorisent un bon démarrage de l’allaite-ment. En cas de cohabitation mère-enfant pendant le séjour en maternité,le nouveau-né est habituellement mis dans un berceau près du litde sa mère pendant ses périodes de sommeil. L’objectif de cetteétude était d’évaluer l’impact de trois pratiques de sommeil partagésur l’allaitement, et sur la sécurité du nouveau-né.

L’étude a porté sur des mères en bonne santé, qui souhaitaient al-laiter, qui avaient accouché par voie basse et à terme d’un enfanten bonne santé, et qui n’avaient pas reçu d’analgésiques opiacéspendant les 24 heures précédentes. Elles ont été réparties par tirageau sort en trois groupes : sommeil de l’enfant dans un berceauplacé à côté du lit de la mère (T, 20 mères), dans un berceau placéen « side-car » (G1, 23 mères), ou dans le lit de la mère accolé àun lit d’enfant (G2, 18 mères). Elles ont été filmées pendant les deuxpremières nuits de leur séjour en maternité. Elles ont égalementrépondu à un questionnaire semi-structuré. Les vidéos ont été ana-lysées sur une période standard de 4 heures, pour observation despratiques d’allaitement et de la sécurité du nouveau-né.

La fréquence nocturne des mises au sein était significativementplus élevée dans les groupes G1 et G2 que dans le groupe T. Aucunimpact négatif sur le plan de la sécurité de l’enfant n’a été constaté,mais on observait une fréquence plus élevée de situations poten-tiellement à risque pour l’enfant (voies aériennes supérieures re-couvertes) lorsque celui-ci était dans le lit maternel par rapport auxautres lieux de sommeil. Toutefois, le nourrisson qui s’est retrouvéle plus souvent dans une situation potentiellement à risque était unbébé randomisé dans le groupe G2, mais que la mère avait souhaitéfaire dormir dans un berceau séparé, tous les épisodes de situationpotentiellement à risque étant survenus pendant que l’enfant étaitdans le berceau. Par ailleurs, les situations potentiellement à risqueont été définies à partir des vidéos, et non à partir d’une observationdirecte, ce qui pouvait amener à surestimer la fréquence de ces si-tuations lorsque l’enfant était dans le lit maternel, en raison de l’an-gle de prise de vue (un enregistrement a filmé une infirmière venuevoir une mère à un moment où son bébé semblait être dans unesituation potentiellement à risque, qui n’a pas semblé trouver la si-tuation inquiétante). Il n’y avait aucune différence entre les troisgroupes sur le plan de la durée de sommeil de la mère ou de l’en-fant, de l’aide apportée par l’équipe soignante, ou du niveau ma-ternel de satisfaction.

Le fait que le nourrisson dorme tout près de sa mère pendantle séjour en maternité facilite les tétées nocturnes, et donc ledémarrage de l’allaitement. Les berceaux en « side-car » fa-vorisent efficacement l’allaitement pendant la nuit, tout en pré-servant la sécurité du nouveau-né. Cette étude présente deslimitations, en particulier le nombre élevé de mères qui ont étéexclues en raison des critères stricts d’inclusion. D’autresétudes seraient nécessaires pour évaluer à plus long termel’impact de l’utilisation d’un berceau en side-car en maternité,y compris chez des mères à risque élevé de sevrage précoce.

Impact du lieu de sommeil du nouveau-né en maternitéRandomised trial of infant sleep location on the postnatal ward. Ball HL, Ward-Platt MP, Heslop E, Leech SJ, Brown KA. Arch Dis Chid 2006 ; 91 : 1005-10.

26 27Hors-Série - Les Dossiers de l’Allaitement

8ème Journée Internationale de l’Allaitement

Paris - Mars 2011

Le rite de passage du lait humain : de la synthèse dans le sein maternel à l’estomac du bébéPar le Pr. Peter Hartmann - Australie

Pr. Peter Hartmann,Australie

Département des Sciences Biomédicales, Biomoléculaires et Chimiques, M310. Université d’Australie-Occidentale, Perth, Australie-Occidentale.

35 Stirling Highway, Crawley WA 6009 Australia

Les rites de passage du lait humain :

de la synthèse dans

le sein maternel

à l’estomac du bébé

Pour se reproduire, les animaux doivent non seulementdonner naissance à une nouvelle génération, mais également trouver le moyen de nourrir correctementleurs petits. Chaque espèce a développé des stratégies pour ce faire.Les mammifères (= porteurs de mamelles) se caractérisentpar la sécrétion, par des glandes spéciales, d’un liquidedestiné à nourrir les petits après leur naissance. L’utilisationde ce terme pour donner son nom à toute une espèce estinhabituelle, dans la mesure où il caractérise une fonctionqui n’existe que chez les femelles. Il existe actuellementplus de 4 000 espèces de mammifères, vivant sur les cinqcontinents et dans les mers. Pond attribue la diversité decet habitat à l’avantage que constitue la lactation : la mèreproduit elle-même ce qui est nécessaire pour nourrir sonpetit, au lieu de dépendre de l’environnement pour le faire.L’origine évolutionnaire de cette spécificité est difficile àétablir. Oftedal et Vorbach ont développé des théories innovantes sur l’apparition des glandes mammaires et ledéveloppement de la lactation.

1_Origine du lait :une perspective historiqueAu fil des millénaires, de nombreuses hypothèses ont étéfaites à propos de l’origine du lait maternel.Dans la Grèce antique, on avait constaté que les femmesn’avaient pas de règles pendant la grossesse et l’allaite-ment, et que de nombreuses femmes expérimentaient dessensations abdominales (contractions utérines) lorsqu’ellesmettaient leur bébé au sein. Hippocrate, puis Galien, enconclurent qu’il existait une connexion entre l’utérus et lesseins, et qu’après la naissance, le sang menstruel était dé-rivé vers les seins pour nourrir le bébé. Cette anciennecroyance reste encore vivace dans l’expression « la montéelaiteuse ». L’anatomiste italien Gasparo Aselli (1627) estimait que lelait dérivait directement du chyle, après avoir observé lacouleur de ce liquide (une émulsion lipidique provenant dusystème digestif, absorbé par le système lymphatique). Ilen avait déduit que le chyle était amené aux seins par lesvaisseaux lymphatiques. Cette théorie fut battue en brèchepar les travaux d’Astley Cooper en 1840. Et dès 1778, VonHaller avait émis la théorie selon laquelle le lait est fabriquéà partir de substances présentes dans le sang maternel.

Lorsque l’idée selon laquelle le lait était fabriqué par laglande mammaire à partir de composants provenant dusang maternel a été largement acceptée, le débat s’est fo-calisé sur les mécanismes de la production lactée. On ad’abord pensé que la glande mammaire ne faisait que filtrerle sang pour en retenir les composants nécessaires. Maisau 19e siècle, on constata que le lait contenait des molé-cules qui n’étaient pas présentes dans le sang, et on enconclut que la glande mammaire synthétisait certains descomposants du lait. La compréhension des mécanismesde la production lactée est ensuite restée stationnaire pen-dant plus d’un siècle, en raison de la conviction erronéeselon laquelle le réflexe d’éjection du lait constaté pendantla stimulation du sein était la phase de synthèse active dulait, cette synthèse étant supposée très basse en dehorsdes périodes de stimulation. Au vu des connaissances ac-

tuelles, cela reviendrait à dire que la phase d’activation sé-crétoire survient au moins à chaque tétée, et qu’elle devraitêtre suffisamment spectaculaire pour produire 500 ml delait en moins de 10 secondes chez la truie ! Dans les années 1950, les spécialistes acceptaient globa-lement le fait que le réflexe d’éjection du lait représentaitl’expulsion du lait stocké dans les seins, et non le résultatd’une synthèse accélérée du lait pendant la tétée, mêmesi cette conception de synthèse accélérée reste encore envigueur chez certains professionnels de santé.

C’est en 1915 que Gaines établit une distinction claireentre la sécrétion lactée et l’éjection du lait, la premièreétant probablement continue, et la seconde discontinue. Ilconclut par ailleurs que l’expulsion du lait était causée parune contraction musculaire augmentant la pression dansla glande mammaire. Il constata également que l’anesthé-sie de la mère abaissait la quantité de lait reçue par le petit,et en déduisit l’existence d’un arc réflexe impliquant le sys-tème nerveux central. En 1941, les observations d’Ely etPetersen permirent d’affirmer le rôle de l’hypophyse pos-térieure dans le réflexe d’éjection. Ils constatèrent égale-ment que le stress inhibait le réflexe d’éjection. Les étudeshistologiques de Richardson mirent en évidence l’exis-tence de cellules myoépithéliales autour des alvéolesmammaires. Et en 1942, Gunther décrivit pour la premièrefois avec exactitude la physiologie du réflexe d’éjection, af-firmant qu’il était la résultante de l’activation d’un réflexeneuro-hormonal, ce qui fut confirmé par les travaux deNewton et Newton sur le réflexe d’éjection et le rôle del’ocytocine.

La première mention d’un engorgement lors de la montéede lait après la naissance avait été faite par Cadogan en1748. Toutefois, le moment de cette montée de lait variaitd’une femme à l’autre, et certaines femmes réussissaientà allaiter sans avoir eu de montée de lait visible. La com-paraison entre le moment où la montée de lait devient cli-niquement visible et le moment où surviennent desmodifications de certains marqueurs de l’activation sécré-toire (baisse du taux lacté de sodium et augmentation dutaux de lactose) a permis de constater que l’activation sé-crétoire précède la montée de lait. En fait, il semblerait quela montée de lait soit un phénomène d’hyperactivation dela sécrétion, cette dernière devant ensuite baisser pours’adapter aux besoins du nourrisson.

Au contraire de ce qui est observé chez d’autres mammi-fères, c’est après l’accouchement que l’activation sécré-toire survient chez l’espèce humaine, et seule une faiblequantité de colostrum (~30 ml/24 heures) est sécrétéependant les 30-40 premières heures post-partum. Et aucontraire d’autres petits mammifères, le nouveau-né humain naît avec des réserves énergétiques facilementmobilisables, qui lui permettront d’attendre la survenued’une production lactée abondante. La graisse constitue àla naissance seulement 2 % de la masse corporelle du por-celet, mais plus de 10 % chez le nouveau-né humain.L’avantage de ce délai entre l’accouchement et l’activationsécrétoire est que cela permet au bébé d’acquérir une so-lide protection au niveau de ses muqueuses, grâce au tauxélevé d’anticorps présents dans le faible volume de colostrum.

2_Origine de la lactation :de nouvelles théories Oftedal pose l’hypothèse d’une approche multifonctionnelleayant amené à un développement progressif de la capacitéà allaiter. Il considère que la lactation est une caractéris-tique des mammifères, mais qu’elle a évolué en tant quefacteur en rapport avec la reproduction bien avant l’exis-tence des mammifères. Les glandes mammaires dériventde glandes ancestrales apocrines-like associées aux folli-cules pileux. Le rôle initial de leur sécrétion semblait êtrede procurer un climat humide et des facteurs antimicro-biens au niveau de la coquille des œufs. Les monotrèmes(mammifères ovipares) tels que les échidnés ou l’ornitho-rynque pondent des œufs dont la coquille est souple et per-méable, et ils excrètent du lait au niveau de glandestubulaires simples, organisées en plaques mammo-pilo-sébacées. Par la suite, ces sécrétions sont devenues unesource importante de nutrition pour les petits après leuréclosion, apportant des protéines qui remplaçaient cellesde l’œuf. Cette hypothèse semble confirmée par la perteprogressive de la fonction des vitellogénines, les protéinesqui transportent les nutriments du jaune de l’œuf.

Vorbach s’est penché sur la synergie métabolique et mo-léculaire entre le système immunitaire, la composition dulait et la régulation de la lactation. Nous savons que le laitmaternel protège les bébés vis-à-vis de nombreuses ma-ladies, et cela aussi est un indice : le lait de la mère n’estpas seulement une source de nutriments, c’est égalementun facteur de protection. Il semble que nombre des com-posants protecteurs du lait ont évolué à partir des enzymesantibactériennes sécrétées par les glandes cutanées pourprotéger la peau contre certaines agressions. De ce pointde vue, il est possible que la fonction primaire de la sécré-tion lactée ait été de protéger le petit de l’espèce, l’évolu-tion vers un produit également nutritif étant survenue parla suite. La xanthine oxydoréductase (XOR) et le lysozymesont des enzymes qui ont d’importantes propriétés antimi-crobiennes, mais elles ont également un rôle clé dans larégulation des composants nutritionnels du lait, et Vorbachet al estiment que la XOR a joué un rôle central dans le dé-veloppement de la lactation. Un autre point en faveur decette théorie est le rôle majeur du NF-kappa dans l’inflam-mation et dans la lactation, démontré par un certain nombred’études (Cao, Brisken, Nishimori, Friedrichsen, Terzidou).

29Hors-Série - Les Dossiers de l’Allaitement

8ème Journée Internationale de l’Allaitement

Paris - Mars 2011

Le rite de passage du lait humain : de la synthèse dans le sein maternel à l’estomac du bébéPar le Pr. Peter Hartmann - Australie

28

fréquence des tétées, et la quantité de lait absorbée àchaque tétée. Ce mécanisme fonctionne très bien tantqu’on laisse l’enfant réguler lui-même ses apports, etil semble que les problèmes d’obésité qui surviennentsont liés au fait que les parents estiment savoir mieuxque l’enfant ce qu’il doit consommer. Une étude de Kentet al a constaté des différences très importantes dans lafréquence quotidienne des tétées chez des bébés exclusi-vement allaités : de 5 à 17 tétées, 58 % des bébés étantallaités la nuit. Si les vaches laitières sont traites deux fois par jour, le veaulaissé avec sa mère tète enmoyenne cinq fois par jour(Odde). Le porcelet tète toutes les50 à 60 minutes, pendant 2 à 5minutes (Smith). La hase allaiteses petits une fois par jour, pen-dant 2 à 5 minutes, pendant les-quelles jusqu’à 250 ml de lait sontabsorbés par les petits (Zarrow).La fréquence des tétées estdonc hautement variable suivant les espèces, mais ellepeut également l’être entre les individus d’une mêmeespèce. Il doit donc y avoir des mécanismes régulant laproduction lactée afin de l’adapter à ces variations.

5_Marqueurs de la différenciation sécrétoire,et de l’activation sécrétoireLa glande mammaire est une glande exocrine qui se ca-ractérise par de longues périodes de quiescence, entre-coupées de périodes d’activité importante, qui débutent defaçon assez brutale avec la lactogenèse qui survient dansles jours qui suivent l’accouchement. On sait depuis long-temps que des modifications surviennent dans la glandemammaire pendant la grossesse. Toutefois, le concept delactogenèse en deux stades (le premier étant la sécrétionlimitée de colostrum en fin de grossesse, le second l’ap-parition d’une production lactée abondante) a été émispour la première fois en 1973, suite à des recherches surdes espèces laitières. On a donc commencé à parler destade I et de stade II de la lactogenèse, mais ces termesne correspondent pas réellement à la réalité, qui est quela mise en route de la lactation constitue une cascaded’évènements. Le premier stade de la lactation se situependant la grossesse, lorsque les cellules épithélialesmammaires commencent à se différencier en lactocytes,qui auront la capacité de synthétiser des molécules spéci-fiques du lait (lactose, caséine…). Le second stade estl’apparition d’une production lactée abondante. Il seraitdonc nécessaire de remplacer les termes de stade I et IIde la lactogenèse par « différenciation sécrétoire » et « activation sécrétoire ».

Les premières études sur le sujet ont recherché l’impactd’injections locales de prolactine. Puis on a compris qu’onpouvait obtenir de meilleurs résultats par le biais d’étudeshistologiques et biochimiques. Et on a alors constaté ques’il fallait attendre l’accouchement pour voir débuter uneproduction lactée abondante, il existait des signes cytolo-giques, immunologiques et biochimiques démontrantl’existence d’une différenciation sécrétoire pendant la se-conde moitié de la grossesse.Au début des années 1950, des études utilisant des tra-ceurs isotopiques ont montré que du carbone 14 était in-corporé dans les acides gras présents dans la glandemammaire de lapines gestantes. Folley et Greenbaum ontconstaté que le taux de phosphatases alcalines dans laglande mammaire de rates était multiplié par 10 en fin de

grossesse, ce taux restant élevé pendant la lactation, pourdiminuer lors de l’involution mammaire. Pendant les an-nées suivantes, le laboratoire de Folley a développé destechniques biochimiques d’études, qui ont permis d’impor-tantes avancées dans nos connaissances sur la différenciationet l’activation sécrétoires. Les études in vivo de Linzell,avec transplantation d’une glande mammaire sur le coud’une chèvre, vascularisée par anastomose, ont permis demesurer les différences de composition entre le sang en-trant et le sang sortant. Récemment, les études de l’équipede Neville ont examiné les modifications de l’expression

des gènes mammaires pen-dant la gestation et la lacta-tion chez la souris ; celaconcerne littéralement desmilliers de gènes. Toutefois,ces études sont délicates etcoûteuses.

La plupart des techniques uti-lisées pour étudier la lactation

chez les espèces laitières et chez les animaux de labora-toire ne peuvent pas être utilisées chez la femme. Toute-fois, les jonctions serrées sont relativement perméablespendant la grossesse, et le lactose (un sucre spécifique dulait) qui passe dans le sang et est excrété dans les urinespeut être utilisé comme marqueur indirect de la différen-ciation sécrétoire chez la femme. À partir de la quantité to-tale de lactose excrétée dans les urines sur une période de24 heures, et du taux de lactose présent dans le colostrum,il a été possible d’estimer à ~30 ml/jour la sécrétion decolostrum. Les méthodes utilisées pour mesurer les tauxdes divers composants du lait de vache utilisent des vo-lumes importants de lait, mais il a été nécessaire de mettreau point des techniques nécessitant un faible volume delait (< 1 ml) pour les études sur le lait humain. On peutainsi demander aux mères d’exprimer un peu de colostrumet de lait pendant la période d’activation de la sécrétion,afin de suivre l’évolution du taux des marqueurs de cetteactivation (taux de lactose, de citrate, de sodium, de pro-téines…).

3_Durée d’allaitement et croissance du petitPour déterminer les changements environnementaux suscep-tibles de mettre en péril la survie des plus de 4 000 espècesde mammifères vivant sur notre planète, il est capital demieux comprendre comment s’est développée la capacitéà allaiter. L’étude de la lactation chez les différents mam-mifères fournit des éléments très importants pour percevoirl’historique du développement de la capacité de lactation,et son utilité. Les mammifères ont des schémas de lacta-tion très variés, qui représentent une composante centralede leur adaptation évolutive. Notre espèce a appris à do-mestiquer certaines espèces de mammifères pour leur lait,et à sélectionner progressivement les espèces « supé-rieures » de ce point de vue. Mais la femme ne peut êtreconsidérée ni comme un mammifère « sauvage », nicomme un mammifère « domestiqué », et comprendre laphysiologie de la lactation dans notre espèce pose doncun certain nombre de problèmes. Nous avons choisi decomparer les différentes composantes de la lactation entredes espèces très différentes : le quokka (un petit marsupial)et la hase (deux espèces sauvages), la truie et la vache(deux espèces élevées par l’homme), et la femme.

Chez le quokka, comme chez tous les marsupiaux, la lac-tation peut être divisée en quatre phases. Le petit naît ex-trêmement immature, et il sera allaité pendant environ 300jours ; pendant les 70 premiers jours, il reste attaché à samamelle en permanence ; entre 70 et 180 jours, il resteen permanence dans la poche maternelle, et tète à volonté ;entre 180 et 200 jours, il sort de plus en plus souvent dela poche, et après 200 jours, il passe l’essentiel de sontemps hors de la poche, mais y retourne régulièrementpour téter (Miller ; Shield ; Trott). Le petit quokka doubleson poids de naissance en trois jours, et au moment du se-vrage, son poids de naissance a été multiplié par 5600 (fe-melles) à 6700 (mâles). Par contre, le poids au moment dusevrage est seulement quatre à six fois plus élevé que lepoids de naissance chez les lapereaux, les porcelets, lesveaux et le petit humain.

Si la femelle quokka donne naissance à un seul petit à lafois, la hase a en moyenne six petits à chaque portée.LLespetits sont très immatures et restent dans un nid. Ils dou-blent leur poids de naissance en six à sept jours, ils com-mencent à consommer d’autres aliments au bout d’environtrois semaines, et ils sont sevrés à 4-5 semaines (Cowie).Pendant la durée d’allaitement d’un seul petit quokka, lahase peut allaiter et sevrer trois portées. D’un point de vueécologique, il semble que la durée de la lactation est hau-tement corrélée aux conditions environnementales. Lequokka vit dans un environnement désertique, et il estcapital que la femelle puisse élever un petit dans desconditions où les ressources alimentaires sont très limitéespendant de longues périodes.

La truie sauvage construit un nid pour ses petits, et ils yrestent environ deux semaines. Ils sont sevrés au boutd’environ huit semaines (Hartmann ; Smith). Le porceletdouble son poids de naissance en une semaine, et dansles élevages, on le sèvre habituellement au bout de troissemaines, pour que la truie puisse rapidement être à nou-veau fécondée. Chez la vache laitière en revanche, la pro-duction lactée est le facteur de sélection, et le veau n’existeque pour déclencher cette production. L’objectif est d’ob-tenir un veau tous les ans. Le veau est déjà bien mature àla naissance, et peut se déplacer au bout de quelques mi-nutes. Il double son poids de naissance en environ 36 jours,et si le petit reste avec sa mère, il est allaité pendant six àhuit mois (Coates, Grondahl).

On pourrait estimer que les pratiques d’allaitement en vigueur dans les tribus de cueilleurs-chasseurs représen-tent « la norme » pour l’espèce humaine, mais cela neprend pas en compte le fait que chez Homo sapiens, l’alimentation est également porteuse de symboles et demythes, et qu’elle sera fortement influencée par la culture.Et cette culture a également un impact sur l’allaitement.Par exemple, le colostrum est considéré comme « mauvais »dans de nombreuses sociétés traditionnelles. Le bébé humain double son poids de naissance en moyenne à 15semaines pour les garçons, et 18 semaines pour les filles,et sa croissance est beaucoup plus lente que celle des au-tres mammifères. La durée de l’allaitement est très variable,y compris dans les sociétés traditionnelles : jusqu’à 6 anschez les aborigènes australiens (Thomson), mais seule-ment quelques mois chez les Hottentots (Wickes). On peuttoutefois estimer que la durée moyenne de l’allaitementdans l’espèce humaine est de 3 à 4 ans. Normalement, lepetit est sevré lorsqu’il est capable de consommer et dedigérer une quantité suffisante des aliments consomméspar les adultes.

4_La fréquence des tétéesIl existe également des différences inter-espèces sur leplan de la fréquence des tétées. L’observation des !Kung amontré que le bébé tétait très souvent, mais pendant peude temps (Konner & Worthman). La première interventionpour modifier la fréquence des tétées a été initiée en 1748par Cadogan (Rendle-Short), qui recommandait de res-treindre cette fréquence pour abaisser le risque d’obésité.Cette restriction a été de plus en plus souvent recomman-dée avec le temps, et elle a joué un rôle significatif dans ledéclin de l’allaitement ; une fréquence suffisante de misesau sein est en effet nécessaire pour entretenir la productionlactée (Daly). L’appétit du bébé devrait déterminer la

Quokka

Hase

Vache

Truie

Fig. 1 Proportions des diverses immunoglobulines dans le colostrum chez les lapines, les truies, les vaches, et les femmes.

Lapines Truies

Vaches Femmes

IgG IgA IgM0%

50%

100%

IgG IgA IgM0%

50%

100%

IgG IgA IgM0%

50%

100%

IgG IgA IgM0%

50%

100%

L’appétit du bébé devrait déterminer la fréquence des tétées.

Fig. 2 L’activation sécrétoire précède l’impression de « montée de lait ». Le moment où la femme commence à percevoir la « montée de lait » (ligne bleue) après un accouchement normal est comparé avec les modification du taux de lactose(ligne orange) et de sodium (ligne verte) dans le lait pendant les 5 premiers jours post-partum. Le nombre de femmes pour chaque point des courbes a été calculé à partir du pourcentage du nombre total (n = 107) de mères. On a fait la moyenne de tous les taux de lactose et de sodium mesurés dans les échantillons de lait obtenus à partir des seins droit et gauche de chaque femme, et on a exprimé cette moyenne en pourcentage du taux maximum de lactoseet de sodium pendant les 5 jours (adapté à partir de Kulski et Hartmann).

Prop

ortio

n de

mèr

es (%

)La

ctos

e (%

du

taux

max

imal

)

Sodi

um (%

du

taux

max

imal

)

« Montée de lait »

Lactose

Sodium

1

Post-partum (jours)

0

20

40

60

80

100

2 3 4 5

31Hors-Série - Les Dossiers de l’Allaitement

8ème Journée Internationale de l’Allaitement

Paris - Mars 2011

Le rite de passage du lait humain : de la synthèse dans le sein maternel à l’estomac du bébéPar le Pr. Peter Hartmann - Australie

que, au contraire de ce qui est observé chez d’autres mam-mifères, une faible quantité de colostrum (~30 ml/24heures) est sécrétée pendant les 30-40 premières heurespost-partum.

Les études sur des animaux vierges et ovariectomisés ontmontré qu’il était possible d’induire une lactation simplementen stimulant les glandes mammaires par la traite régulière,à partir du moment où l’hypophyse était fonctionnelle(Cowie). On a également constaté que des femmes arri-vaient à allaiter un bébé adopté (Brown) en stimulant leursseins (succion du bébé ou expression du lait). La grossessen’est donc pas un pré-requis pour le démarrage d’une lac-tation. Ces faits doivent nous rappeler que nous sommesencore loin de comprendre tous les mécanismes physio-logiques et biochimiques impliqués dans le fonctionnementde la glande mammaire.

7_Succion et réflexe d’éjection du laitLe réflexe d’éjection du lait est un réflexe neuro-hormonalqui induit la sécrétion d’ocytocine par l’hypophyse posté-rieure, cette dernière provoquant (entre autres) la contractiondes cellules myoépithéliales entourant les ascini mam-maires, et donc l’éjection du lait. Ce réflexe est présentchez tous les mammifères. L’ocytocine est même l’une deshormones les plus répandues dans le monde animal, et ontrouve des formes très proches d’ocytocine chez les rep-tiles, les poissons, les oiseaux et les mammifères (Argiolas& Gessa). Chez les femmes, les truies, les hases et lesquokkas, le petit obtiendra très peu de lait en l’absence du

réflexe d’éjection, alors que le pis de la vache contient desciternes qui stockent du lait facilement disponible. Le rôlemajeur de l’ocytocine dans l’éjection du lait a été démontréà la fois par l’observation du comportement du petit au sein(modification de la succion), et par des études en labora-toire. Le fait que le réflexe d’éjection soit nécessaire ausuccès de l’allaitement permet de penser que son appari-tion a joué un rôle central dans le développement fonction-nel de la glande mammaire.

Quel que soit leur degré d’immaturité, les petits de tous lesmammifères sont capables de téter très rapidement aprèsleur naissance. Cette capacité est particulièrement remar-quable lorsqu’on constate le degré majeur d’immaturité dupetit quokka (environ celle d’un embryon humain de 10 se-maines). Si, au départ, la sécrétion lactée avait pour objectifde fournir aux œufs un environnement favorable (hypo-thèse d’Oftedal), et que le lait était produit par des glandesau niveau de la peau du ventre, et gouttait le long des poils,le fait qu’elle se soit peu à peu centralisée au niveau deglandes bien dissociées et pourvues d’un mamelon rendaitla sécrétion lactée inefficace pour l’hydratation des œufs.Oftedal estime que cela peut avoir encouragé l’évolutionvers la viviparité, tandis que la composition du lait évoluaitpour s’adapter aux besoins du petit après la naissance. Laseule exception reste celle des monotrèmes australiens,comme le platypus, dont la femelle sécrète toujours du laitau niveau de plaques mammo-pilo-sébacées, le petit léchant ce lait qui coule le long des poils.

Une succion efficace est indispensable à la survie du petit.Elle a été étudiée chez diverses espèces, selon des mé-thodes variées (German & Crompton), mais les rôles res-pectifs de la succion et de la compression restent discutés.La succion au sein ou sur une tétine a été étudiée chez lebébé humain et chez de jeunes animaux. Les modalitésdes premières études étaient assez artificielles, et les pro-cédés mis en œuvre pouvaient donc interférer avec la suc-cion normale. Récemment, Geddes et al ont évalué lasuccion au sein par échographie, selon une méthode per-mettant d’obtenir de meilleures images des structuresorales du bébé, du mamelon, des canaux lactifères, et duflot de lait. Les auteurs ont constaté l’existence d’une dé-pression intra-buccale de base, qui fait que l’enfant resteau sein même s’il fait une pause. Lorsque le bébé tète ac-tivement, la langue s’abaisse, la dépression augmente, lelait coule au niveau du palais mou, et il est dirigé vers lepharynx. Les auteurs n’ont pas observé de mouvement pé-ristaltique de la langue, et ils ont conclu que la dépressionsemble jouer un rôle majeur dans la sortie du lait.

La complémentarité morphologique entre les structuresorales du bébé et le mamelon maternel est également unpoint intéressant. Les glandes mammaires de la plupartdes mammifères ont un mamelon proéminent que le petitprend en bouche pour téter, et tous les mammifères ontdes structures faciales semblables. Il semble que l’appari-tion de glandes mammaires nanties de mamelons a coïn-cidé avec le développement de l’aspect nutritionnel de lalactation. Même un petit aussi immature à la naissanceque le quokka est capable de se déplacer vers le mamelonmaternel et de le prendre (Cannon), une compétence innéedes petits mammifères, constatée également chez le nou-veau-né humain (Widstrom).

6_Contrôle endocrine de la différenciation et de l’activation sécrétoireEn 1938, Folley et Young ont montré que la prolactineseule ne permettait pas d’induire une sécrétion lactée chezdes animaux dont on avait supprimé l’hypophyse. La pro-lactine était efficace uniquement en présence d’autres hor-mones hypophysaires. Ils ont donc émis l’idée d’uncomplexe hormonal lactogène, et ont suggéré que le complexehormonal nécessaire pour induire la lactation pouvait êtredifférent de celui nécessaire pour maintenir la lactation.

Les études de l’équipe de Lyons ont apporté les fondationsde nos connaissances actuelles. Elles étaient effectuéessur des souris vierges à qui on avait enlevé l’hypophyse,les ovaires, et les surrénales. Diverses combinaisons d’hor-mones leur étaient ensuite injectées afin d’évaluer leur im-pact sur le développement de la glande mammaire. Cesétudes ont montré que l’œstrogène, l’hormone de crois-sance et la déoxycorticostérone stimulaient la croissanceductale. Si on ajoutait de la progestérone et de la prolac-tine, on obtenait une croissance lobulo-alvéolaire, et la sup-pression de l’hormone de croissance, de l’œstrogène et dela progestérone déclenchait la production lactée. In vitro,on a fait des constatations similaires, sauf que dans ce cas,il était nécessaire de rajouter de l’insuline pour obtenir ledéveloppement lobulo-alvéolaire.

La présence de prolactine chez les animaux a été démon-trée dans les années 1950 et 1960. Toutefois, on estimaitque la prolactine n’existait pas dans l’espèce humaine,parce qu’on n’arrivait pas à l’isoler à partir de l’hypophyse,et parce que l’hormone de croissance humaine avait uneactivité prolactine-like. Toutefois, Pasteels avait déjà concluque la prolactine humaine était distincte de l’hormone decroissance. Il a fallu près de dix ans pour que Bryant etGreenwood confirment l’existence de la prolactine grâceà une technique de radio-immunologie.

Dans toutes les espèces étudiées jusqu’à ce jour, l’œstro-gène, la progestérone et la prolactine sont nécessaires pour

la différenciation sécrétoire, ainsi que d’autres hormones(hormone de croissance, glucocorticoïdes et insuline). Lesétudes chez la femme ont montré une augmentation nettedu taux urinaire de lactose à environ 20 semaines de gros-sesse, même s’il existait d’importantes variations entre lesfemmes. Cette augmentation du taux urinaire de lactoseétait corrélée à une augmentation du taux sanguin de pro-lactine, mais pas au taux d’œstrogène, de progestérone,ou d’hormone lactogène placentaire. Il est donc possibleque l’augmentation du taux de prolactine soit responsablede la différenciation sécrétoire chez la femme.

La baisse du taux d’œstrogène en post-partum semble êtrele principal facteur déclenchant de l’activation sécrétoire :des doses pharmacologiques d’œstrogène inhibent la syn-thèse du lait, et on a même recommandé à une époquel’utilisation de diéthylstilbestrol pour supprimer la montéede lait. On sait maintenant toutefois, grâce aux études deKuhn en 1969, que la chute du taux de progestérone estle principal facteur déclenchant chez les rates. Si cettechute survient juste avant la parturition chez de nombreuxmammifères, elle ne survient qu’après la sortie du placentachez la femme, et l’activation sécrétoire est donc retardée.Par ailleurs, Neifert et al ont constaté que cette activationétait inhibée chez les femmes qui présentaient une réten-tion placentaire, et que l’élimination des fragments placen-taires déclenchait cette activation. Or, la présence du fœtusest nécessaire pour que le placenta sécrète de l’œstro-gène, mais pas pour la sécrétion de progestérone, ce quiconfirme le rôle de la chute du taux de progestérone dansl’activation sécrétoire.

L’administration de bromocriptine (qui inhibe la sécrétionde prolactine) inhibe l’activation sécrétoire chez la femme,et l’administration de produits qui augmentent le taux deprolactine (comme la dompéridone) augmente la produc-tion lactée. On peut donc penser que la prolactine est né-cessaire à l’activation sécrétoire. Au contraire de ladifférenciation sécrétoire, l’activation sécrétoire doit êtreétroitement couplée avec la naissance, afin de pouvoirnourrir le bébé lorsqu’il sera né. Nous avons vu plus haut

Fig. 3 La chute du taux de progestérone et l’activation sécrétoire sont retardées chez la femme par rapport à la rate. Les modifications du taux de progestérone dans le sang (ligne bleu clair) etde lactose (ligne bleu foncé) dans le lait humain sont comparées avec les modifications du taux de progestérone dans le sang (ligne discontinue orange foncé) et de lactose dans le lait (ligne dis-continue orange clair) chez la rate. Chez les femmes, des échantillons de sécrétions mammaires ont été obtenues entre 4 jours avant et 5 jours après un accouchement normal, et le taux moyenà chaque prélèvement a été calculé en faisant la moyenne des valeurs retrouvées pour les 2 seins chez chaque femme (n = 12). Pour les rates, le taux sérique de progestérone et le taux lacté delactose ont été mesurés après césarienne, et on en a fait la moyenne à chaque moment du suivi (2 jours avant la mise bas à 5 jours après celle-ci). Le zéro en abscisse représente le moment de lanaissance, et les valeurs négatives représentent les jours avant la naissance (adapté à partir de Nicholas et Hartmann, et de Kulski et al).

Taux

de

prog

esté

rone

(µg/

l)

Rate - Lactose

Rate - Prog

Femme - Prog

-4

Moment (jours)

0

20

40

60

80

100

-5 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6

120

Taux

gla

ndul

aire

de

lact

ose

(mg/

g de

tiss

u)Ta

ux d

e la

ctos

e da

ns le

lait

(g/1

00 m

l)

0

1

2

3

4

5

6

Femme - Lactose

30

Joël Pélerin

33Hors-Série - Les Dossiers de l’Allaitement

8ème Journée Internationale de l’Allaitement

Paris - Mars 2011

Le rite de passage du lait humain : de la synthèse dans le sein maternel à l’estomac du bébéPar le Pr. Peter Hartmann - Australie

9_Un liquide multifonctionnelFabriquer du lait est coûteux en énergie pour la mère.Or, la nature recherche toujours l’économie. On peutdonc penser que la capacité à allaiter présentait desavantages majeurs pour les mammifères, avantagesamplement suffisants à justifier la dépense énergé-tique chez la mère. Une souris excrète dans son lait unequantité de lipides équivalente à son poids pendant l’allai-tement d’une portée. Même chez la femme, alors que lacroissance du petit humain est particulièrement lente, lalactation représente environ 30 % du métabolisme basal.La lactation est capitale pour la survie des petits mammi-fères, et la possibilité, pour la mère, de fournir à son petitune alimentation optimale en quantité comme en qualité,y compris dans des circonstances défavorables, est indis-cutablement un avantage important.

Les nouveau-nés des mammifères ont un système immu-nitaire immature, et le lait de leur mère est égalementconçu pour compenser cette immaturité. Il existe un trans-fert placentaire d’anticorps maternels chez la femme et lahase, mais pas chez la truie, la vache, ou le quokka (Bram-bell, Yadav). L’essentiel des immunoglobulines que rece-vront le porcelet et le veau leur sont transférées via lecolostrum pendant les deux premiers jours de vie, alorsque ce transfert se poursuivra jusqu’à 170-220 jours post-partum chez le quokka. Si les IgG sont les principales im-munoglobulines dans le colostrum de vache et de truie, cesont les IgA sécrétoires dans le colostrum et le lait defemme. On peut estimer qu’un bébé de 4 mois exclusive-ment allaité reçoit environ 75 mg d’IgAs par kg et par jour,alors qu’un adulte fabrique en moyenne 40 mg d’IgAs parkg et par jour (Hanson). Le lait humain contient de trèsnombreux composants qui ont une activité immunocom-pétente, agissant selon des mécanismes variés et syner-giques ; certains d’entre eux ont également une actionanti-inflammatoire, ou sont des prébiotiques. Ce systèmede défense protège également la glande mammaire : saufchez les vaches laitières et chez les femmes occidentales,les infections de la glande mammaire lactante sont excep-tionnelles, y compris chez les truies dans les élevages in-tensifs. L’immaturité immunologique pourrait s’être développéeparce que le petit est protégé contre de nombreux germespendant la vie intra-utérine, et pour éviter les réactions im-munologiques maternelles vis-à-vis du tissu étranger queconstitue le fœtus (Goldman). À la naissance, la proximitéde l’anus favorise la colonisation du nouveau-né par la floreintestinale maternelle, et le lait apportera ensuite des élé-ments qui favoriseront la prolifération de cette flore com-mensale.

Le lait contient également des éléments qui facilitentle métabolisme du bébé. Il apporte de nombreuses en-zymes (la lipase stimulée par les sels biliaires étant la plusétudiée), des hormones et des facteurs de croissance (pro-lactine, insuline, prostaglandines, hormone de croissance…).De nombreux composants du lait humain ont un doublerôle, nutritionnel et immunitaire. La caséine du lait humainest facilement digérée en acides aminés, mais égalementen peptides qui transportent le calcium sous une forme fa-cilement assimilable ; par ailleurs, certaines fractions dela caséine bloquent la fixation de certains germes patho-

gènes sur leur cellule cible. La lactoferrine fixe le fer etaugmente sa biodisponibilité, et sa digestion libère la lac-toferricine, un peptide bactéricide. Le lactose favorise l’ab-sorption du calcium, et son hydrolyse favorise la croissancedes bifidobactéries et des lactobacilles.

La quantité et la composition du lait sont globalement sta-bles chez les mammifères, et sont peu influencées par l’alimentation maternelle. Chez les mammifères placen-taires, la production lactée de la mère augmente en ré-ponse aux besoins du petit, et la mère a la capacitéphysiologique de produire nettement plus de lait quece qui est habituellement nécessaire (Janssens & Ter-nouth). Chez la femme, la lactation semble affectée uni-quement en cas de déshydratation majeure (Morrison). Nila malnutrition (Lonnerdal), ni les maladies courantes (Lon-nerdal, Zavaleta) ne semblent avoir d’impact significatifsur la quantité ou la qualité du lait. Le taux lacté de la plu-part des minéraux est plus ou moins indépendant des ap-ports maternels. À l’exception de la vitamine B12, il en vade même des vitamines hydrosolubles. En revanche, letaux lacté des vitamines liposolubles est affecté par l’ali-mentation maternelle. En fait, de tous les composants dulait, les acides gras sont les plus nettement corrélés à l’ali-mentation maternelle, même si les variations de leurs tauxrestent dans certaines limites. Par exemple, il existe unerelation étroite entre le taux lacté d’acides gras à chaînemoyenne et celui d’acide oléique. La protéine PPAR gammajoue un rôle majeur dans le contrôle de la composition deslipides lactés ; des souris chez qui ce gène n’était pas actifproduisaient un lait « toxique » en raison de son contenuen acides gras oxydés pro-inflammatoires (Wan).

8_La sécrétion lactéeDiamond a confirmé la théorie d’Aristote selon laquelle lenombre de mamelles est étroitement corrélé au nombre depetits par portée, la majorité des femelles mammifères ayantdeux fois plus de mamelles que le nombre moyen de petitspar portée. Cela permet de penser que la mère a la capacitéde produire nettement plus de lait que nécessaire pour nour-rir ses petits. On a en effet constaté que des femmes pou-vaient allaiter plusieurs enfants en même temps (Saint).Dewey & Lonnerdal ont constaté que le fait de tirer le laiten plus des tétées augmente la production lactée, et quelorsque la mère cesse de tirer son lait, le bébé ne consommepas plus de lait qu’auparavant même si davantage de lait

est disponible. On a longtemps pensé que laproduction lactée était fonction de la nutritionmaternelle, parce qu’on avait constaté quec’était le cas chez les vaches laitières et lestruies, ainsi que chez certains animaux de la-boratoire. Mais une étude a montré que desmères gambiennes malnutries produisaientautant de lait que des mères anglaises biennourries (Prentice), et l’on sait maintenantque la lactation chez la femme est peu affec-tée par le statut nutritionnel maternel.

Pendant les soixante dernières années, nous avons faitd’énormes progrès dans notre compréhension de la syn-thèse et de la sécrétion du lait humain. La complexité dela composition du lait est absolument remarquable, etadaptée au petit de chaque espèce. Il contient des com-posants nutritifs de base (protéines, lipides et glucides)sous une forme particulièrement digeste, ainsi que denombreux minéraux, éléments-traces et vitamines né-cessaires à la croissance du petit, afin de couvrir tous sesbesoins nutritionnels. Il apporte en outre des composantsimmunocompétents, et de nombreux facteurs bioactifs(facteurs de croissance, hormones, enzymes…). Le laithumain contient environ 130 oligosaccharides différents, etle lait de vache contient plus de 600 acides gras différents.Même s’il existe d’importantes différences entre les laits dediverses espèces, certains composants sont retrouvés dansle lait de la plupart des mammifères.

Les composants prélevés dans le sang passent dans le laitpar voie transcellulaire ou paracellulaire. Neville et al ontsubdivisé la voie transcellulaire en quatre mécanismes : exo-cytose à partir de l’appareil de Golgi (certaines protéines spé-cifiques au lait, lactose, oligosaccharides, citrate, calcium,phosphate) ; sécrétion de globules lipidiques (triacylglycérols,protéines des globules lipidiques, vitamines liposolubles) ;sécrétion des ions, du glucose, du calcium, de l’eau à traversla membrane apicale ; et la pinocytose des immunoglobu-lines, et probablement de diverses hormones. Le passageparacellulaire permet la diffusion limitée de certains com-posants sanguins (leucocytes, sodium, protéines plasma-tiques). Le passage paracellulaire est relativement facilependant la grossesse et en cas de mastite, mais il l’est trèspeu pendant le cours normal de la lactation.

Si la composition du lait varie de façon importante chez lesmarsupiaux, elle change relativement peu une fois la lacta-tion installée chez la plupart des mammifères euthériens (oumammifères placentaires). Le taux de protéines varie consi-

dérablement suivant les espèces : 9 g/l chez la femme,contre 32 g/l chez la vache, et 60 g/l en milieu de lactationchez la femelle quokka (Jensen). Le principal glucide du laitde la plupart des mammifères est le lactose, dont le taux estlà aussi très variable : traces dans le lait de l’otarie à fourrure,plus de 80 g/l chez certains primates. Par ailleurs, le lait decertaines espèces contient un taux élevé d’oligosaccharides(en moyenne 13 g/l chez la femme - Coppa). Dans de nom-breuses espèces, le taux lacté de lipides augmente au fur età mesure que la glande mammaire est drainée, ce qui renddifficile la détermination du taux moyen de lipides. Toutefois,on estime que ce taux va de moins de 10 g/l chez certainsprimates, à plus de 500 g/l chez certains phoques.

80 à 90 % des protéines lactées sont synthétisées par laglande mammaire au niveau du réticulum endoplasmique.D’autres, comme l’albumine ou les IgAs passent du sang aulait par endocytose. Les protéines peuvent être divisées endeux grands groupes : les caséines, et les protéines du petitlait. Si 80 % des protéines du lait de vache sont de la ca-séine, c’est le cas de seulement 17 % des protéines du laithumain, le taux le plus bas parmi tous les mammifères (Lon-nerdal). La kappa-caséine a un rôle essentiel pour stabiliserles autres fractions de caséine dans la suspension colloïdaleque constituent les micelles de caséine. Ces dernièrescontiennent également un taux élevé de phosphate de cal-cium. On peut estimer que l’évolution du gène de la kappa-caséine a permis la formation de micelles de caséine et lasécrétion de quantités significatives de protéines nutrition-nelles, permettant d’apporter au petit suffisamment d’acidesaminés, de phosphate et de calcium. Les micelles sont dé-naturées dans l’estomac. La caséine du lait de vache formede gros caillots fermes, dont la digestion lente permettra unapport prolongé de nutriments entre les tétées qui sont es-pacées. En revanche, la caséine du lait humain forme descaillots fins, dont la digestion est facile et rapide, ce qui estadapté à un mammifère devant téter fréquemment. L’alpha-lactalbumine est une protéine spécifique aux mammifères,dérivée du lysozyme (Hayssen). C’est la principale protéinedu lait humain. La bêta-lactoglobuline est la principale pro-téine lactée chez la vache, la truie et les marsupiaux, alorsqu’elle est absente chez la femme et la hase.

Le lactose est le principal sucre lacté chez la femme, la truie,la vache et la hase, et il régule la phase aqueuse du lait parson impact osmotique au niveau de l’appareil de Golgi où ilest synthétisé. Chez de nombreux mammifères, le démar-rage de la lactation est associé à une augmentation de lasynthèse de lactose, corrélée à une augmentation du volumede lait. La presque totalité des lipides lactés est sous formede globules lipidiques. Le lait humain contient plus de 200acides gras différents, mais seulement 7 % sont présents àun taux supérieur à 1 % du taux total des acides gras. Lacomposition exacte des triglycérides lactés est le plus sou-vent spécifique à chaque espèce (Martin, Beckienridge).L’acide palmitique est plus facilement absorbé par le bébésous forme de monoglycéride que sous forme d’acide graslibre (Innis). Dans le lait humain, l’acide palmitique est pré-férentiellement estérifié en position sn-2 par les lipases pan-créatiques, ce qui lui permettra, après hydrolyse des deuxautres acides gras portés par le triglycéride, de se retrouversous forme de monoglycéride au niveau de l’intestin dubébé.

32

Des mères gambiennesmalnutries produisaient

autant de lait que des mères anglaises

bien nourries

Hors-Série - Les Dossiers de l’Allaitement8

ème Journée Internationale de l’Allaitement

Paris - Mars 2011

Le rite de passage du lait humain : de la synthèse dans le sein maternel à l’estomac du bébéPar le Pr. Peter Hartmann - Australie

10_ConclusionUn mode efficace de reproduction et d’élevage des petits estun facteur déterminant dans la sélection des espèces. Lesétudes sur les espèces domestiquées sont faussées par lesmodifications physiologiques induites par la sélection dansun but économique (obtenir un maximum de lait, ou le plusgrand nombre d’animaux par an). Celles sur les espèces sau-vages sont rares. Chez la femme, il existe encore peu dedonnées sur le volume de la production lactée et sur la com-position du lait. De nombreuses études comparent divers pa-ramètres chez les enfants allaités ou non allaités. Mais lesnormes pour la croissance et la physiologie des bébés enbonne santé sont larges, et relativement peu utiles pour éva-luer la plupart des nombreux paramètres de la lactation hu-maine.

Le fait que de très nombreux macronutriments du lait hu-main ont également des rôles non nutritionnels montre queces composants du lait ont évolué à partir de molécules ap-partenant au système immunitaire inné. On peut donc penserque la lactation avait au départ un rôle essentiellementprotecteur, et que la composition du lait a par la suiteévolué pour développer également un rôle nutritionnel.Dans la mesure où les glandes mammaires semblent avoirévolué à partir de glandes ayant une réponse inflammatoire,le fait que le lait contienne un certain nombre de facteursanti-inflammatoires semble être une contradiction. Toutefois,la prévention des lésions tissulaires que peut induire l’in-flammation, ainsi que la prévention des dégâts que peuventinduire les germes pathogènes et les toxines, et ce grâceaux multiples facteurs immunoprotecteurs du lait, représen-tent un avantage majeur pour les petits mammifères.

Références• Pang WW & Hartmann PE. Initiation of Human Lactation: Secretory Differentiation and Secretory Activation. J Mammary Gland Biol Neoplasia 2007 ; 12 : 211–21.• McClellan HL, Miller SJ and Hartmann PE. Evolution of lactation: Nutrition v. protection with special reference to fivemammalian species. Nutrition Research Reviews 2008 ; 21(02) : 97-116 (2008).

Ainsi que :• Anderson SM, Rudolph MC, McManaman JL, Neville MC(2007). Key stages in mammary gland development. Secretoryactivation in the mammary gland: it’s not just about milk proteinsynthesis! Breast Cancer Res 9(1):204.• Argiolas A & Gessa GL (1991). Central functions of oxytocin.Neurosci Biobehav Rev 15, 217–231.• Brambell FWR (1970). The Transmission of Passive Immunityfrom Mother to Young. Amsterdam: North-Holland PublishingCompany.• Brawand D, Wahli W & Kaessmann H (2008). Loss of egg yolkgenes in mammals and the origin of lactation and placentation.PLoS Biol 6, e63.• Breckenridge WC, Marai L & Kuksis A (1969). Triglyceridestructure of human milk fat. Can J Biochem 47, 761–769.• Brisken C (2002). Hormonal control of alveolar developmentand its implications for breast carcinogenesis. J MammaryGland Biol Neoplasia 7, 39–48.• Brown RE. Relactation: an overview (1997). Pediatrics 60(1):116–20.• Bryant GD, Greenwood FC. The concentrations of human pro-lactin in plasma measured by radioimmunoassay: experimentaland physiological modifications. In: Wolstenholme GEW, KnightJ, editors. Lactogenic hormones. Edinburgh: Churchill Livings-tone; 1972. p. 197–206.• Cannon JR, Bakker HR, Bradshaw SD, et al (1976). Gravity asthe sole navigational aid to the newborn quokka. Nature 259, 42.• Cao Y, Bonizzi G, Seagroves TN, et al (2001). IKKa provides anessential link between RANK signaling and cyclin D1 expressionduring mammary gland development. Cell 107, 763–775.• Coates DB, Mannetje L & Seifert GW (1987). Reproductive per-formance and calf growth to weaning of Hereford and BelmontRed cattle in subtropical, subcoastal Queensland. Aust J ExpAgric 27, 1–10.• Coppa G, Gabrielli O, Pierani P, et al (1993). Changes in carbo-hydrate composition in human milk over 4 months of lactation.Pediatrics 91, 637–641.• Cowie AT (1969). Variations in the yield and composition ofthe milk during lactation in the rabbit and the galactopoietic effect of prolactin. J Endocrinol 44, 437–450.• Cowie AT, Forsyth IA, Hart IC (1980). Hormonal control of lactation. Monogr Endocrinol 15:I–XIV, 1–275.• Cowie AT, Knaggs GS, Tindal JS, Turvey A (1968). The milkingstimulus and mammary growth in the goat. J Endocrinol40(2):243–52.• Daly SE, Owens RA & Hartmann PE (1993). The short-tem syn-thesis and infant-regulated removal of milk in lactating women.Exp Physiol 78, 209–220. • Dewey KG & Lonnerdal B (1986). Infant self-regulation ofbreast milk intake. Acta Paediatr Scand 75, 893–898.• Diamond JM (1987). Evolutionary adaptations. Aristotle’stheory of mammalian teat number is confirmed. Nature 325, 200.• Ely F, Petersen WE (1941). Factors involved in the ejection ofmilk. J Dairy Sci 24(3):211–23.• Folley SJ, Greenbaum AL (1947). Changes in the arginase andalkaline phosphatase contents of the mammary gland and liverof the rat during pregnancy, lactation and mammary involution.Biochem J 41(2):261–9.• Folley SJ, Young FG (1938). The effect of anterior pituitary ex-tracts on established lactation in the cow. Proc R Soc Lond Ser B Biol Sci 126(842):45–76.• Folley SJ. The physiology and biochemistry of lactation. Edinburgh: Oliver and Boyd; 1956 (2):249–59.• Friedrichsen S, Harper CV, Semprini S, et al. (2006) Tumor ne-crosis factor-a activates the human prolactin gene promoter vianuclear factor-kB signaling. Endocrinology 147, 773–781.• Gaines WL, Sanmann FP (1927). The quantity of milk presentin the udder of the cow at milking time. Am J Physiol 80(3):691–701.• Geddes DT, Kent JC, Mitoulas LR, et al (2008). Tongue movement and intra-oral vacuum in breastfeeding infants. Early Hum Dev 84, 471–477.• German RZ & Crompton AW (2000). The ontogeny of feedingin mammals. In Feeding Form, Function and Evolution in Tetra-pod Vertebrates, pp. 449 – 457. [K Schwenk, editor]. San Diego, CA: Academic Press.

34

• Goldman AS, Chheda S & Garofalo R (1998). Evolution of im-munologic functions of the mammary gland and the postnataldevelopment of immunity. Pediatr Res 43, 155–162.• Grondahl AM, Skancke EM, Mejdell CM, et al (2007). Growthrate, health and welfare in a dairy herd with natural sucklinguntil 6–8 weeks of age: a case report. Acta Vet Scand 49, 16.• Gunther M. Lactation in women (1942). Can Med Assoc J 47(5):410–14.• Hanson L (2004). Immunobiology of Human Milk: How Breast-feeding Protects Babies. Amarillo, TX: Pharmasoft Publishing.• Hartmann PE, McCauley I, Gooneratne AD, et al (1984). Inadequacies of sow lactation: survival of the fittest. In Sympo-sia of the Zoological Society of London, Physiological Strategiesin Lactation, vol. 51, pp. 301–326 [M Peaker, RG Vernon and CHKnight, editors]. London: Academic Press.• Hayssen V & Blackburn D (1985). a-Lactalbumin and the origins of lactation. Evolution 39, 1147–1149.• Innis SM, Quinlan P & Diersen-Schade D (1993). Saturatedfatty acid chain length and positional distribution in infant for-mula: effects on growth and plasma lipids and ketones in pi-glets. Am J Clin Nutr 57, 382–390.• Janssens PA & Ternouth JH (1987). The transition from milkto forage diets. In Nutrition of Herbivores, pp. 281–305 [JB Hacker and JH Ter-nouth, editors]. Sydney: Academic Press Australia.• Jensen RG (1995). Handbook of Milk Composition. San Diego, CA: Academic Press.• Kent JC, Mitoulas LR, Cregan MD, et al (2006). Volume and fre-quency of breastfeedings and fat content of breast milk throu-ghout the day. Pediatrics 117, e387–e395.• Konner M & Worthman C (1980). Nursing frequency, gonadalfunction, and birth spacing among !Kung huntergatherers.Science 207, 788–791.• Kuhn NJ (1969). Progesterone withdrawal as the lactogenictrigger in the rat. J Endocrinol 44(1):39–54.• Kulski JK, Hartmann PE, Martin JD, Smith M (1978). Effects ofbromocriptine mesylate on the composition of the mammarysecretion in non-breast-feeding women. Obstet Gynecol 52 (1):38–42.• Kulski JK, Hartmann PE (1981). Changes in human milk com-position during the initiation of lactation. Aust J Exp Biol Med Sci;59(1):101–14.• Kulski JK, Smith M, Hartmann PE (1977). Perinatal concentra-tions of progesterone, lactose and alpha-lactalbumin in themammary secretion of women. J Endocrinol;74(3):509–10.• Linzell JL (1960). Transplantation of mammary glands. Nature 188:596–8.• Lonnerdal B (1986). Effects of maternal dietary intake onhuman milk composition. J Nutr 116, 499–513.• Lonnerdal B, Woodhouse LR & Glazier C (1987). Compartmen-talization and quantitation of protein in human milk. J Nutr 117, 1385–1395.• Lonnerdal B, Zavaleta N, Kusunoki L, et al (1996). Effect ofpostpartum maternal infection on proteins and trace elementsin colostrum and early milk. Acta Paediatr 85, 537–542.• Lyons W (1942). The direct mammotrophic action of lactogenichormone. Proc Soc Exp Biol Med 51:308–11.• Lyons WR (1958). Hormonal synergism in mammary growth.Proc R Soc Lond Ser B Biol Sci 149(936):303–25.• Martin JC, Bougnoux P, Antoine JM, et al (1993). Triacylglycerolstructure of human colostrum and mature milk. Lipids 28, 637–643.• Miller S (2005). The Composition of the Milk of the Quokka(Setonix brachyurus) and its Consumption by the Joey. PhD The-sis, The University of Western Australia, Crawley, WA, Australia.• Morrison SD (1952). Human Milk: Yield, Proximate Principlesand Inorganic Constituents. Farnham Royal, Bucks: Common-wealth Agricultural Bureaux.• Neifert MR, McDonough SL, Neville MC (1981). Failure of lac-togenesis associated with placental retention. Am J Obstet Gynecol 140(4):477–8.• Neville MC, McFadden TB, Forsyth I (2002). Hormonal regula-tion of mammary differentiation and milk secretion. J Mammary Gland Biol Neoplasia 7(1):49–66.• Neville MC. Determinants of milk volume and composition. A.Lactogenesis in women: a cascade of events revealed by milkcomposition. In: Jensen RG, editor. Handbook of milk composi-tion. San Diego: Academic; 1995. p. 87–98.

• Newton M, Newton NR (1948). The let-down reflex in humanlactation. J Pediatr 33(6):698–704.• Nicholas KR, Hartmann PE (1981). Progesterone control of theinitiation of lactose synthesis in the rat. Aust J Biol Sci; 34(4):435–43.• Nishimori K, Young LJ, Guo Q, et al (1996). Oxytocin is requiredfor nursing but is not essential for parturition or reproductivebehavior. Proc Natl Acad Sci US A 93, 11699–11704.• Odde KG, Kiracofe GH & Schalles RR (1985). Suckling behaviorin range beef calves. J Anim Sci 61, 307–309.• Oftedal OT (2002). The mammary gland and its origin duringsynapsid evolution. J Mammary Gland Biol Neoplasia 7, 225–252.• Oftedal OT (2002). The origin of lactation as a water sourcefor parchment-shelled eggs. J Mammary Gland Biol Neoplasia 7, 253–266.• Pasteels JL (1963). Morphological and experimental researchon prolactin secretion. Arch Biol (Liege) 74:439–553.• Pond C (1984). Physiological and ecological importance ofenergy storage in the evolution of lactation: evidence for a com-mon pattern of anatomical organization of adipose tissue inmammals. In Symposia of the Zoological Society of London,Physiological Strategies in Lactation, vol. 51, pp. 1–29 [M Pea-ker, RG Vernon and CH Knight, editors]. London: Academic Press.• Prentice A, Paul A, Prentice A, et al (1986). Cross-cultural dif-ferences in lactational performance. In Human Lactation 2, Ma-ternal and Environmental Factors, pp. 13–44 [M Hamosh andAS Goldman, editors]. New York: Plenum Press.• Rendle-Short M & Rendle-Short J (1966). The Father of ChildCare. Life of William Cadogan (1711–1797). Bristol: John Wright and Sons Ltd.• Richardson KC (1949). Contractile tissues in the mammarygland, with special reference to myoepithelium in the goat. Proc R Soc Lond Ser B Biol Sci 136(882):30–45.• Saint L, Maggiore P & Hartmann PE (1986). Yield and nutrientcontent of milk in eight women breast-feeding twins and onewoman breast-feeding triplets. Br J Nutr 56, 49–58.• Shield J (1968). Reproduction of the quokka, Setonix brachyu-rus, in captivity. J Zool (Lond) 155, 427–444.• Smith N (1994). Biochemical and physiological investigationsof parturition and lactation in the pig. PhD Thesis, The Universityof Western Australia, Crawley, WA, Australia.• Terzidou V, Lee Y, Lindstrom T, et al (2006). Regulation of thehuman oxytocin receptor by nuclear factor-kB and CCAAT/en-hancer-binding protein-b. J Clin Endocrinol Metab 91, 2317–2326.• Thomson D (1983). Children of the Wilderness. Melbourne: Currey O’Neil.• Trott JF, Simpson KJ, Moyle RLC, et al (2003). Maternal regu-lation of milk composition, milk production, and pouch youngdevelopment during lactation in the tammar wallaby (Macropuseugenii). Biol Reprod 68, 929–936.• Tucker HA (2000). Hormones, mammary growth, and lactation:a 41- year perspective. J Dairy Sci 83(4):874–84.• Vorbach C, Capecchi MR & Penninger JM (2006). Evolution ofthe mammary gland from the innate immune system? Bioessays 28, 606–616.• Vorbach C, Harrison R & Capecchi MR (2003). Xanthine oxi-doreductase is central to the evolution and function of the innateimmune system. Trends Immunol 24, 512–517. • Vorbach C, Scriven A & Capecchi MR (2002). The housekeepinggene xanthine oxidoreductase is necessary for milk fat dropletenveloping and secretion: gene sharing in the lactating mam-mary gland. Genes Dev 16, 3223–3235.• Wan Y, Saghatelian A, Chong LW, et al (2007). Maternal PPARgprotects nursing neonates by suppressing theproduction of inflammatory milk. Genes Dev 21, 1895–1908.• Wickes IG (1953). A history of infant feeding. I. Primitive peo-ples; ancient works; Renaissance writers. Arch Dis Child 28, 151–158.• Widstrom AM, Ransjo-Arvidson AB, Christensson K, et al(1987). Gastric suction in healthy newborn infants. Effects oncirculation and developing feeding behaviour. Acta Paediatr Scand 76, 566–572.• Yadav M, Eadie M & Stanley NF (1972). The thymus glands ofa marsupial, Setonix brachyurus (quokka) and their role in im-mune responses. VI. Maternal transfer of immunoglobulins. Aust J Exp Biol Med Sci 50, 347–356.• Zarrow MX, Denenberg VH & Anderson CO (1965). Rabbit: fre-quency of suckling in the pup. Science 150, 1835–1836.• Zavaleta N, Lanata C, Butron B, et al (1995). Effect of acutematernal infection on quantity and composition of breast milk.Am J Clin Nutr 62, 559–563.

35

Joël Pélerin

36 37Hors-Série - Les Dossiers de l’Allaitement

8ème Journée Internationale de l’Allaitement

Paris - Mars 2011

Composition du lait humain pré-termePar le Dr. Ylenia Casadio - Australie

Dr. Ylenia Casadio,Australie

Département des Sciences Biomédicales, Biomoléculaires et Chimiques, Université d’Australie-Occidentale, Perth, Australie-Occidentale.

Composition

du lait humain pré-terme

Les prématurés et leurs besoins nutritionnels spécifiques : nouvelles techniques d’analyse de la composition du lait,

et nouveaux protocoles pour pasteuriser, mesurer et enrichir le lait humain pour une utilisation optimale en néonatalogie.

1_Composition du lait humain pré-terme et besoins du prématuréLe lait humain a un profil nutritionnel spécifiquementadapté aux bébés humains (Figure 1), et à ce titre, sescomposants agissent en synergie, et sont dans leur globa-

lité à l’origine des propriétés bénéfiques du laithumain (1, 2). Ses trois principaux macronutri-ments sont les protéines, les lipides et les glu-cides, les autres nutriments incluant l’azote nonprotéique, les minéraux, les éléments-traces,les vitamines et les cellules (3).

Les composants du lait soit sont synthétisés parles cellules épithéliales de la glande mammaire, soit pro-viennent de la circulation sanguine maternelle (1). Lorsqu’une mère accouche prématurément, la cascaded’évènements qui se déroulent pendant la grossesse etdans les jours qui suivent l’accouchement, à savoir la dif-férenciation de la glande mammaire et l’activation de sasécrétion, est interrompue, et l’activation de la sécrétionsurvient avant que la glande mammaire y soit totalementpréparée. De plus, le climat hormonal dans lequel se trouveune mère qui accouche prématurément est très différentde celui d’une mère qui accouche à terme. En résultat, la composition du lait des mères qui accou-chent prématurément est nettement différente de celle dulait de mères qui accouchent à terme (5). De nombreusesétudes ayant comparé le lait de mères ayant accouché àterme et de mères ayant accouché prématurément ontconstaté que le lait pré-terme avait un taux de protéinesplus élevé, un profil très différent d’acides gras, et un tauxplus élevé d’électrolytes (sodium et potassium). Pour com-pliquer encore les choses, diverses études ont montré quela composition et la densité nutritionnelle du lait pré-termevariaient en fonction du degré de prématurité de l’enfant,et de plus d’une mère à l’autre (5-7).

Le mécanisme physiologique précis à l’origine de cesdifférences reste encore mal connu. On a suggéré quece taux plus élevé de protéines est lié au fait que, en casd’accouchement prématuré, le délai pour la fermeture desjonctions étroites entre les cellules épithéliales mammairesest plus important. Cela permet le passage dans le laitd’une quantité plus importante de protéines et d’autrescomposants à partir de la circulation sanguine maternelle(5-8).

La différence entre le lait pré-terme et le lait à terme esttrès importante, surtout lorsqu’on regarde quels sont lesbesoins nutritionnels du prématuré. Les prématurés nais-sent avec des réserves énergétiques plus basses, un rapport organes / muscles plus élevé, un turnover de lasynthèse protéique plus élevé, et une production endogènelimitée de facteurs de croissance et d’enzymes intestinales(9). En conséquence, le rapport protéines / énergie dulait qui sera donné aux prématurés est particulière-ment important, et il est nécessaire de l’ajuster soi-gneusement afin de permettre à ces enfants unecroissance comparable à celle observée in utero chezdes enfants de même âge gestationnel (10-12).

2_Les protéines du lait humainLes protéines présentes dans le lait humain peuvent engros être classées selon leur propriétés nutritionnelles, im-munologiques, ou développementales (Tableau 1), bienque la plupart de ces protéines aient plusieurs fonctionsbiologiques (13, 14). Par exemple, le principal rôle de lacaséine est d’apporter à l’enfant des acides aminés essen-tiels et des minéraux. Son second rôle apparaît lorsqu’elleest digérée en peptides bioactifs de plus petite taille,comme par exemple les caséinomorphines, qui jouerontalors un autre rôle biologique, comme antibactériens ouopiacés.

Le taux total de protéines et le profil de ces protéines varient beaucoup en fonction du moment de la lactation,et il existe également d’importantes variations d’une mèreà l’autre. Globalement, le taux total de protéines est leplus élevé dans le colostrum, il baisse de façon impor-tante pendant le premier mois, puis se stabilise, etbaissera ensuite lentement pendant la poursuite de lalactation (15). Cette évolution est constatée chez lesmères qui ont accouché prématurément comme chezcelles qui ont accouché à terme (4, 16). De plus, le pour-centage des diverses protéines change également pendantla lactation. Par exemple, des protéines nutritionnellestelles que la bêta-caséine et l’alpha-lactalbumine sont pré-sentes à un faible taux dans le colostrum et dans le lait detransition, mais leur taux augmente au fil des jours (Figure2). Au contraire, le taux de protéines immunoprotectricestelles que la lactoferrine et les IgA sécrétoires est élevépendant les premiers jours, mais ce taux baisse avec letemps (15-17).

Il est intéressant de noter que même si cette évolutiongénérale est constatée chez toutes les mères, il existed’importantes variations entre les mères (16-19). Lesmères qui ont accouché prématurément ont non seulementun taux lacté plus élevé de protéines que les mères qui ontaccouché à terme, mais on observe aussi une plus grandevariabilité de ces taux, et cette variabilité est égalementfonction du degré de prématurité (17, 19). Cela est illustrédans la Figure 3, sur laquelle on montre l’évolution du tauxde protéines totales, le taux de lactoferrine et celui des IgAschez trois mères ayant accouché prématurément (20).Alors que cette évolution du taux de protéines suit la ten-dance générale chez la première mère, ces taux sont beau-coup plus fluctuants chez les deux autres. Cela met enévidence les considérables variations qui peuvent existerentre les mères. En conséquence, caractériser la com-position protéique du lait humain et les variationsd’une mère à l’autre est extrêmement important, nonseulement pour comprendre les mécanismes physio-logiques corrélés à l’accouchement prématuré, maiségalement pour déterminer les composants nutrition-nels et immunologiques qui seront bénéfiques pourl’enfant prématuré.

Figure 1. Composition du lait de différentes espèces de mammifères. Les concentrations relatives de lipides, protéines et glucides sont données en pourcentage du volume total (4).

Tableau 1. Protéines du lait humain classées selon leur taux et leur fonction

Figure 2. Modifications relatives des taux des protéines nutritionnelles et immunoprotectrices pendant la lactation

Figure 3. Taux lacté total de protéines et taux de lactoferrine et d’IgAs chez trois mères de prématurés entre le 10 e et le 60 e jour de lactation.

La composition du lait des mères qui accouchent prématurément est nettement

différente de celle du lait de mères qui accouchent à terme.

% Lactose

% Protéines

% Lipides

% d

u vo

lum

e to

tal

Ane

Femme

Vach

eRate

Renne

Baleine

Phoq

ue

Mod

ifica

tions

rela

tives

des

taux

lact

és d

es p

roté

ines

Jours post-partum

Protéines immunoprotectrices

Protéines nutritionnelles

Jours post-partum

Prot

éine

s (g

/l)

Prot

éine

s im

mun

opro

tect

rices

(g/l)Mère 1 Mère 2 Mère 3

Protéines totales Lactoferrine IgAs

Abondant Moins abondant

Nutri

tionn

elIm

mun

olog

ique

sDé

velo

ppem

enta

l

Caséine (sous-unités β et κ)α-lactalbuminesérum albumine

LipaseAmylase

Butyrophilline*Apolipoprotéines*

IgAsLactoferrineLysozyme

HaptocorrineLactadhérine*

Mucines*ImmunoglobulinesLactoperoxydase

Cytokines (interleukines)

IgAsLactoferrineLysozyme

Hormones (leptine, insuline)

Facteurs de croissance (EGF, TGF-b, IGF)

α-antitrypsine

39Hors-Série - Les Dossiers de l’Allaitement

8ème Journée Internationale de l’Allaitement

Paris - Mars 2011

Composition du lait humain pré-termePar le Dr. Ylenia Casadio - Australie

3_Utilisation clinique du lait humainLe lait humain est généralement considéré comme l’éta-lon-or pour l’alimentation des enfants admis dans les ser-vices de néonatalogie (11, 12, 21, 22). Toutefois, le laithumain, dans un tel contexte clinique, subira un certainnombre de traitements avant d’arriver au prématuré. Cestraitements incluent l’expression du lait, son stockage, sapasteurisation et son enrichissement. Il est capital que cestraitements n’altèrent pas de façon significative les propriétés bioactives du lait humain au détriment du bébéprématuré.

La meilleure source de lait humain pour un prématuré estle lait de sa propre mère. En l’absence de lait maternel, lelait humain provenant de don-neuses est considéré comme laseconde meilleure option (23).Une contamination microbiennepeut survenir pendant l’expres-sion et la collecte du lait, raisonpour laquelle le lait provenant dedonneuses est habituellement pasteurisé afin d’éviter decontaminer le prématuré avec des bactéries. La techniquede pasteurisation la plus courante est la méthode Holder,à savoir le chauffage du lait à 62,5°C pendant 30 minutes.Il a été démontré que cette méthode peut dénaturer desprotéines lactées importantes, et qu’elle peut donc affecterleur bioactivité (24). Des études récentes ont montré qu’on pouvait abaisser efficacement la charge bactérienne tout en préservant lespropriétés immunologiques importantes des protéines lac-tées en abaissant la température de pasteurisation, ou enutilisant d’autres techniques de pasteurisation, telle quel’utilisation d’ultrasons (24, 25). De nombreuses autresétudes sont nécessaires afin de tester ces nouvelles tech-nologies, avant de pouvoir les utiliser largement dans leslactariums.

Il persiste des incertitudes sur l’adéquation du lait humainpour la nutrition des prématurés, que ce soit du lait à termeou du lait pré-terme. Il est actuellement courant d’enrichirle lait tiré par la mère, ou le lait provenant d’un lactarium,avant de le donner aux prématurés, afin d’augmenter lerapport protéines / apport calorique (23, 26, 27). Toutefois,en raison des importantes variations dans la compositiondu lait humain, il y aura également d’importantes variationsdans la composition du lait enrichi (4, 16-19), et le lait reçupar le prématuré pourra être insuffisamment ou trop enrichi(28-30).

Certains ont donc suggéré d’individualiser l’enrichisse-ment, afin d’adapter le lait qui sera donné aux besoins spécifiques de chaque prématuré. Une telle méthode d’enrichissement personnalisé nécessite le suivi du tauxd’azote dans le sang du bébé, et d’adapter l’enrichissementdu lait en fonction de ce taux (28, 29). On peut égalementquantifier les macronutriments du lait humain, et ajouterla quantité de produit d’enrichissement nécessaire pourobtenir le résultat souhaité (30, 31). Le taux de macronu-triments du lait peut être déterminé par un laboratoire debiochimie, mais cette méthode est trop longue pour êtreutilisée dans un contexte clinique (30). Le CreamatocritPlus ® peut également être utilisé pour mettre en évidencela crème du lait, et donc mesurer le taux de lipides du lait,mais il ne permet pas d’estimer le taux de protéines dansles échantillons de lait (32). Récemment, la fiabilité d’unanalyseur de lait humain (HMA, développé par Miris AB,

une entreprise suédoise – www.miris.se/en/), qui utilisela spectroscopie infrarouge, a été validée en comparant lesrésultats obtenus à ceux obtenus par un laboratoire, et ilpeut donner simultanément les taux de lipides, de pro-téines et de lactose (33).

Il existait des différences minimes mais significatives entreles résultats retrouvés par cet analyseur et les résultatsobtenus par le laboratoire, mais cela peut s’expliquer parles différences entre les principes chimiques utilisés parles méthodes de dosages biochimiques, et les standardsutilisés pour calibrer l’analyseur. L’impact éventuel de cesfaibles différences sur le plan clinique reste à déterminer,et d’autres études sont nécessaires sur l’usage de cet ana-lyseur en pratique clinique.

4_ConclusionLe lait des mères qui ont accouché prématurémentpeut être considéré comme un produit différent decelui des mères qui ont accouché à terme.

En conséquence, caractériser le lait pré-terme sur le planbiochimique est d’une importance considérable, non seu-lement pour comprendre les mécanismes physiologiquesde la lactation après un accouchement prématuré, maiségalement pour connaître les composants nutritionnels etimmunologiques qui seront bénéfiques pour l’enfant pré-maturé.

Connaître les taux des protéines du lait pré-terme et leurvariabilité permettra de mieux contrôler l’apport en acidesaminés, et apportera des informations essentielles sur lesprotéines protectrices et développementales que reçoit leprématuré (9). De plus, l’acquisition de ces connaissancesest également capitale pour améliorer les stratégies d’ali-mentation des prématurés.

38

La meilleure source de lait humain pour un prématuré

est le lait de sa propre mère.

Évaluation d’un analyseur à infrarouges pour déterminer la composition du lait maternelEvaluation of a mid-infrared analyzer for the determination of the macronutrient composition of human milk. Casadio YS, Williams TM, Lai CT et al. J Hum Lact 2010 ; 26(4) : 376-83.

Pour cette étude, on a utilisé des échantillons de lait provenant de 13 mères ayant accouché à terme, et de 7 mères ayant accouché prématurément, exprimés à divers stades de la lactation.

On a constitué 30 pools de 100 ml de lait en regroupant les échantillons. Danschaque pool (lait A), on a prélevé un premier aliquot de 20 ml de lait, qui a étédilué de moitié avec de l’eau désionisée (soit 40 ml pour chaque échantillon– lait B). Un second aliquot de 50 ml a été prélevé, et centrifugé pour séparerles lipides ; on a prélevé 25 ml de lait totalement écrémé (lait C) ; le reste dulait et la crème ont été ensuite mélangés pour obtenir 30 aliquots de 25 ml(lait D). Le reste (30 ml) de chaque pool a été analysé tel quel. Au total, 120échantillons de compositions très différentes ont été préparés à partir despools de lait, et analysés par le Miris HMA (chaque échantillon étant analyséà plusieurs reprises), ainsi que par des méthodes traditionnelles de laboratoire(MTL).

Il existait des différences légères mais statistiquement significatives entre lesrésultats donnés par le Miris HMA et les MTL. Ces dernières retrouvaient untaux de lipides un peu plus bas que le Miris HMA : 2,8 g/100 ml en moyennepour les 120 échantillons, contre 3,1 g/100 ml pour le Miris HMA ; il en étaitde même pour le taux de protéines (respectivement 1,1 et 1,3 g/100 ml), lepourcentage de solides (10 % contre 10,1 %), et la valeur énergétique (54,9contre 56,6 kcal/100 ml). En revanche, le taux de lactose était plus élevé avecles MTL : 6 contre 5,6 g/100 ml. Les différences les plus importantes entreles deux méthodes étaient constatées dans les échantillons de lait D, quiétaient les plus concentrés. Les variations entre les diverses mesures pour

un même échantillon étaient de 1,3 % pour les lipides, de 4 % pour les pro-téines, de 0,8 % pour le lactose, et de 0,6 % pour le pourcentage total de so-lides.

Les légères différences constatées dans les taux retrouvés par le Miris HMAet les MTL étaient probablement en rapport avec les différences dans les deuxméthodes d’analyse. La méthode traditionnelle de dosage des lipides couvre98 à 99 % des lipides du lait humain, et il est donc compréhensible que leMiris HMA, qui mesure 100 % de ces lipides, donne un taux plus élevé. LesMTL utilisent une méthode de calcul calibrée à partir des protéines du lait devache. Or, le lait humain contient 25 % d’azote non protéique, contre 6 % pourle lait de vache. Là encore, il est donc normal que le Miris HMA retrouve untaux plus élevé d’azote que les MTL. Le lait humain contient environ 12 g/ld’oligosaccharides, et certains d’entre eux ont pu interférer avec le dosagedu lactose par les MTL (ces dernières utilisant une hydrolyse enzymatique),augmentant artificiellement ce taux par rapport à celui constaté par le MirisHMA. Les différences de résultat entre ces deux méthodes sont toutefois tropbasses pour avoir un impact pratique.

En conclusion, le Miris HMA s’avère une méthode efficace pour évaluerl’apport en macronutriments réalisé par un échantillon de lait humain.Avant analyse, il est nécessaire de chauffer le lait à 40°C, et de bien l’homogénéiser. Ces résultats doivent être vérifiés par d’autres analyses. Il est également nécessaire de mener des études sur son utilisation ennéonatalogie dans le cadre d’un enrichissement du lait maternel en fonc-tion de la composition précise de chaque échantillon de lait maternel.

Fiabilité d’une nouvelle centrifugeuse pour la mesure du crématocriteAccuracy of a user-friendly centrifuge for measuring creamatocrits on mothers’ milk in the clinical setting. PP Meier, JL Engstrom, JL Zuleger et al. Breastfeed Med 2006 ; 1(2) : 79-87.

Le crématocrite est une technique qui, sur un principe similaire à celui del’hématocrite, permet d’apprécier le taux de lipides du lait humain. Celui-ci est placé dans des tubes capillaires, qui sont centrifugés, et on peut ensuitelire sur une échelle le crématocrite (hauteur des lipides / hauteur totale dulait). Le crématocrite du lait humain se situe habituellement entre 3 et 10 %.On déduit ensuite l’apport calorique réalisé par le lait à l’aide d’une table deconversion. Les auteurs ont évalué la fiabilité d’un tout nouvel appareil léger,peu encombrant, et très simple à utiliser, par rapport aux techniques « clas-siques » de détermination du crématocrite.

Le Creamatocrit Plus® (commercialisé par Medela), est une petite centrifu-geuse qui ne pèse qu’environ 1 kg, peut fonctionner sur piles, et centrifuge lelait en seulement 3 minutes. Il est équipé d’un lecteur automatique qui lit au-tomatiquement le crématocrite, et calcule l’apport calorique du lait.

12 mères dont l’enfant était hospitalisé dans un service de néonatalogie ontdonné 36 échantillons de lait. Leurs enfants étaient nés depuis en moyenne19,8 jours, à en moyenne 31 semaines d’âge gestationnel. Toutes ces mèrestiraient quotidiennement au moins 120 ml de plus que ce qui était nécessairepour couvrir les besoins de leur bébé. Pour chaque mère, 3 échantillons ontété recueillis en une fois, selon le protocole suivant : 20 ml de lait de débutde tétée pris sur un sein, 20 ml de lait de fin de tétée recueillis au même sein,et 20 ml de lait total, prélevés sur l’ensemble du lait exprimé à partir de l’autresein. Chacun de ces échantillons a été réparti en : une fraction pour rechercheimmédiate du crématocrite (pour cette étude), une fraction pour mesure enlaboratoire du taux de lipides, de protéines, de lactose et de calories, et deux

autres fractions qui ont été congelées pour d’autres analyses. Deux chercheurs ont mesuré le crématocrite indépendamment l’un de l’autreselon deux méthodes différentes. Pour chaque échantillon de lait, chacun d’en-tre eux a rempli 4 tubes à hématocrites ; 2 tubes ont été centrifugés avec leCreamatocrit Plus®, le crématocrite et l’apport calorique étant mesurés parl’appareil, et 2 tubes ont été centrifugés dans une centrifugeuse standard, lecrématocrite étant lu avec une échelle adaptée, et l’apport calorique étant en-suite calculé.

Comme prévu, et comme cela avait été constaté par d’autres études, il existaitd’importantes différences entre le taux de lipides du lait de début et de fin detétée (7,09 ± 3,09 % pour le lait de début de tétée, 12,82 ± 3,93 % pour lelait de fin de tétée), ainsi que d’une femme à l’autre. Les différences au niveaudes résultats obtenus par les deux méthodes de mesure des crématocritesétaient inférieures à 2 %. Il existait également un niveau très élevé de corré-lation entre le taux de lipides mesuré par les crématocrites et celui mesurépar les techniques standard de laboratoire, les différences n’étant pas signi-ficatives. Le taux de lipides du lait était de 46,74 ± 20,90 g/l dans le lait dedébut de tétée, pour un apport calorique de 787,91 ± 203,44 kcal/l, ces chif-fres étant respectivement de 80,11 ± 27,79 g/l et 1107,38 ± 260,44 kcal/ldans le lait de fin de tétée.

Le Creamatocrit Plus® est un appareil fiable, permettant de mesurer fa-cilement et rapidement le taux de lipides et de calories du lait humain.D’autres études sont nécessaires pour évaluer l’impact des conditionsde stockage du lait sur son crématocrite.

Hors-Série - Les Dossiers de l’Allaitement8

ème Journée Internationale de l’Allaitement

Paris - Mars 2011

Composition du lait humain pré-termePar le Dr. Ylenia Casadio - Australie

Références1. Neville MC. Physiology of lactation. Clin Perinatol 1999 ; 26 : 251-79.2. Oftedal OT, Iverson SJ. Phylogenic variation in the gross com-position of milks. In : Jensen RG, ed. Handbook of Milk Compo-sition. London : Academic Press Inc. ; 1995 : 749-89.3. Riordan J. The biological specificity of breastmilk. In : Riordan J, ed. Breastfeeding and human lactation. Massachusetts : Jones and Bartlett Publishers ; 2005 : 97-136.4. Mitoulas LR, Kent JC, Cox DB, Owens RA, Sherriff JL, Hartmann P. Variation in fat, lactose and protein in human milkover 24h and throughout the first year of lactation. Brit J Nutr 2002 ; 88 : 29-37.5. Anderson GH. The effect of prematurity on milk compositionand its physiologial basis. Federation Proc 1984 ; 43 : 2438-2442.6. Anderson GH, Atkinson SA, Bryan MH. Energy and macronu-trient content of human milk during early lactation from mothersgiving birth prematurely and at term. Am J Clin Nutr 1981 ; 34 : 258-65.7. Atkinson SA. Effects of gestational stage at delivery on humanmilk components. In : Jensen RG, ed. Hanbook of Milk Compo-sition. London : Academic Press Inc. ; 1995 : 222-37.8. Nguyen D-Ai, Neville MC. Tight junction regulation in themammary gland. J Mammary Gland Biol. 1998 ; 3 : 233-46.9. Wight NE, Morton JA, Kim JH. Best Medicine : Human Milk inthe NICU. Amarillo, Texas : Hale Publishing 2008.10. Schanler RJ, Atkinson SA. Human milk. In : Tsang RC, UauyR, Koletzko B, Zlotkin SH, eds. Nutrition of the Preterm Infant :Scientific Basis and Practical Guidelines. Cincinatti, Ohio : Digital Educational Publishing ; 2005 : 333-56.11. King C. Nutritional requirements. In : Jones E, King C, eds.Feeding and Nutrition in the Preterm Infant. Edinburgh : Elsevier, Churchill Livingstone ; 2005 : 15-29.12. King C. Ensuring nutritional adequacy of human milk-fedpreterm babies. In : Jones E, King C, eds. Feeding and Nutritionin the Preterm Infant. Edinburgh : Elsevier, Churchill Livingstone ; 2005 : 31-51.13. Álvarez MJL. Proteins in human milk. Breastfeeding Reviews 2007 ; 15 : 5-16.14. Lönnerdal B. Bioactive proteins in human milk : Mecha-nisms of action. J Pediatr 2010 ; 156 : S26-S29.15. Czank C, Mitoulas L, Hartmann PE. Human milk composition :Nitrogen and energy content In : Hartmann PE, Hale T, eds. Haleand Hartmann's Textbook of Human Lactation. Amarillo, TX : Hale Publishing ; 2007 : 75-88.16. Weber A, Loui A, Jochum F, Bührer C, Obladen M. Breast milkfrom mothers of very low birthweight infants : variability in fatand protein content. Acta Paediatr 2001 ; 90 : 772-75.17. Montagne P, Cuilliere ML, Mole C, Bene MC, Gilbert F. Immu-nological and nutritional composition of human milk in relationto prematurity and mother parity during the first 2 weeks of lac-tation. J Pediatr Gastroenterol Nutr 1999 ; 29 : 75-80.

18. Lemons JA, Moye L, Hall D, Simmons M. Differences in thecomposition of preterm and term human milk during early lac-tation. Pediatric Res 1982 ; 16 : 113-17.19. Bauer J, Gerss J. Longitudinal analysis of macronutrientsand minerals in human milk produced by mothers of preterminfants. Clinical Nutrition. 2010, doi : 10.1016/j.clnu.2010.08.00320. Lai CT. Production and composition of milk from 10 - 60 daysof lactation in mothers who delivered prematurely. Perth : Biochemistry, The University of Western Australia ; 2007.21. The American Academy of Pediatrics Workshop on Breast-feeding. Breastfeeding and the use of human milk Pediatrics1999 ; 100 : 1035-39.22. King C, Jones E. Benefits of preterm milk for the human in-fant. In : Jones E, King C, eds. Feeding and Nutrition in the Pre-term Infant. Edinbrugh : Elsevier, Churchill Livingstone ; 2005 : 1-13.23. Wight NE. Donor human milk for preterm infants. J Perinatol 2001 ; 21 : 249-54.24. Czank C, Prime DK, Hartmann B, Simmer K, Hartmann PE.Retention of the immunological proteins of pasteurized humanmilk in relation to pasteurizer design and practice. Pediatric Res 2009 ; 66 : 374-79.25. Czank C, Simmer K, Hartmann PE. Simultaneous pasteuri-zation and homognization of human milk by combining heat andultrasound : effect on milk quality. J Dairy Res 2010 ; 77 : 183-189. DOI : 10.1017/S002202990999048326. Schanler RJ. Mother's own milk, donor human milk, and pre-term formulas in the feeding of extremely premature infants. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2007 ; 45 : S175-S177.27. Bhatia J. Human milk and the premature infant. J Perinatol 2007 ; 27 : S71-S74.28. Arslanoglu S, Moro GE, Ziegler EE. Adjustable fortification ofhuman milk fed to preterm infants : does it make a difference?J Perinatol 2006 ; 26 : 614-21.29.Arslanoglu S, Moro GE, Ziegler EE. Preterm infants fed forti-fied human milk receive less protein than they need. J Perinatol. 2009 ; 29 : 489-92.30. Polberger S, Räihä NCR, Juvonen P, Moro GE, Minoli I, WarmA. Individualized protein fortification of human milk for preterminfants : Comparison of ultrafiltered human milk protein and abovine whey fortifier. J Pediatr Gastroenterol Nutr 1999 ; 29 : 332-38.31. Moro GE, Minoli I, Ostrom M, et al. Fortifiction of human milk :evaluation of a novel forification scheme and of a new fortifier.J Pediatr Gastroenterol Nutr 1995 ; 20 : 162-72.32. Meier PP, Engstrom JL, Zuleger JL, et al. Accuracy of a user-friendly centrifuge for measuring creamatocrits on mother'smilk in the clinical setting. Breastfeeding Medicine 2006 ; 1 : 79-86.33. Casadio YS, Williams TM, Lai CT, Olsson SE, Hepworth AR,Hartmann PE. Evaluation of a Mid-Infrared Anayzer for the De-termination of the Macronutrient Composition of Human Milk.J Hum Lact. 2010 ; 26(4) : 376-83.

40

PUB

42

ConclusionPar Patrick de Boisse - pédiatre,

et Paule Pueyo - juriste

Allaitement et société :

Que veut-on vraiment ?

L’allaitement représente la façon la plus simple et la plus naturelle pour qu’un enfant s’épanouisse dans son contexte familial.

Et pourtant…

L’évolution de la société de consommation, la nécessairemais si difficile égalité hommes-femmes, la contrainte dela reprise du travail à 10 semaines post-partum, la non-culture intra-familiale de l’allaitement, l’absence d’infor-mation des futurs couples, les discours contradictoires enmaternité et après, l’insuffisante formation du personnelsoignant et des médecins, expliquent le piètre taux d’allai-tement en France à 6 mois.

L’utilisation (interdite mais toujours en vigueur) de l’expres-sion « lait maternisé », peu respectueuse pour les femmes,a convaincu les générations des années 60 à 90 en pleinelibération. Le lait industriel aurait-il eu le même « succès »si le respect de cette brave bête pas si folle l’avait fait nommer logiquement « lait dévachisé » ?!Les aliments lactés diététiques pour nourrisson ne devraient être utilisés que lorsque l’allaitement est non désiré, ou véritablement contre-indiqué. Ou en relais, maisle plus tard possible. Car ils ne contiendront jamais tousles composants du lait de femme, notamment les acidesgras indispensables au bon développement du cerveau.

Impact de l’allaitement sur la santé

Beaucoup de soi-disant contre-indications à l’allaitementn’en sont pas (je pense au tabagisme de la mère). Et beau-coup d’allaitements sont arrêtés de manière injustifiée ense basant sur le Vidal, alors qu’en fait, une grosse majoritéde médicaments sont compatibles avec l’allaitement. Et àl’inverse, de nombreuses bonnes indications à l’allaitementsont méconnues (malformations digestives, urinaires ou autres, retards de croissance de toutes causes, préma-turité…).

Quant aux avantages de l’allaitement prolongé au-delà de6 mois, ils sont étudiés et publiés, mais très peu connusdes femmes :

- Peu d’obésité infantile et à l’adolescence ;

- Peu d’allergies graves à 10 ans ;

- Quotient intellectuel augmenté, notamment chez lesanciens prématurés ;

- Meilleure psychomotricité, moins d’hospitalisations,moins de prescriptions d’antibiotiques ;

- Moins d’infections respiratoires ou digestives, notamment en cas d’accueil en crèche ;

- Meilleur contact mère-enfant ;

- Économies pour la famille (1500 € d’économie pour six mois d’allaitement exclusif) ;

- Meilleure récupération post-natale pour la mère ;

- Meilleur avenir à très long terme pour les anciens prématurés ou hypotrophes ;

- Moins de cancers du sein et de l’ovaire pour les femmes pour une année

d’allaitement, même en plusieurs fois.

Pour que les femmes puissent faire un choix vraimentéclairé, il faudrait une meilleure information, et ce dèsl’école (pourquoi ne pas inscrire l’allaitement au pro-gramme de SVT - Sciences de la Vie et de la Terre ?). Etaussi pendant la grossesse, où le rôle de la consultationprénatale pédiatrique est primordial, en complément del’entretien du 4e mois.

Repousser la reprise du travail

Mais la difficulté majeure que rencontrent les jeunes ma-mans pour prolonger l’allaitement se situe au niveau del’obligation de reprendre le travail à 10 semaines. Que fairepour repousser cette échéance fatale ?Il est difficile de de-mander aux entreprises de financer cette période de 2 à 6mois, même si des études faites aux Etats-Unis montrentque pour 1 dollar investi par l’entreprise dans le soutien àl’allaitement, celle-ci en récupère 4. Donner des arrêts ma-ladies ? C’est discutable, et les médecins sont persécutéss’ils aident leurs patientes… Il existe pourtant une solutionsimple et qui ne coûterait rien à la société : anticiper sur laretraite (débat politiquement incorrect mais « humaniste-ment » essentiel).

La jeune mère pourrait comptabiliser et percevoir troismois de retraite après les fatidiques dix semaines postna-tales, et travailler trois mois de plus à l’heure de cetteéchéance.Cela serait juste vis-à-vis des salariés du secteurprivé, et aurait aussi l’avantage de lutter contre le travailau noir.

Pour les mères non engagées dans une voie profession-nelle au moment de l’accouchement, une base de soutienfinancier pourrait être calculée et adaptée individuelle-ment.Cela permettrait à la plupart des jeunes accouchéesde mettre en place leur allaitement et l’attachement fami-lial. Cela devrait bien sûr passer par un choix politique, unediscussion au parlement, où malheureusement, peu defemmes sont présentes…

BibliographieAllaitement maternel et développement durable,Éditions Gramond, 2010

PUB