ALIX, LE 9e ART DE JACQUES MARTIN

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1 DOSSIER PÉDAGOGIQUE ALIX, LE 9 e ART DE JACQUES MARTIN Du 19 février au 19 avril 2020

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

ALIX, LE 9e ART DE JACQUES MARTIN Du 19 février au 19 avril 2020

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

Le dossier pédagogique est un dossier d’accompagnement pour les visites scolaires et

périscolaires (maternelle, élémentaire, collège). Cet outil pratique vous permettra de visiter

l’exposition Alix, l’art de Jacques Martin en autonomie. Il présente des contenus sur l’exposition

et des questionnements pédagogiques.

Vous pouvez vous rendre à l’exposition en amont pour préparer votre visite : Les enseignants

bénéficient Le dossier pédagogique de l’exposition peut être complété par le dossier pédagogique sur Alix

Origines. Alix Origines est une bande dessinée contemporaine pour les plus jeunes qui raconte

l’enfance d’Alix. Ce dossier comprend des contenus sur Alix, la BD ainsi que des éléments

historiques autour de l’album Alix Origines, des suggestions d’activités et ressources en lien avec

les programmes scolaires.

Vous pouvez aussi utiliser le livret-jeu à destination des enfants à partir de 7 ans.

Le dossier pédagogique Alix Origines et le livret-jeu sont disponibles sur le site internet de la

ville de Versailles.

En fonction du niveau scolaire des élèves et de ses objectifs pédagogiques, l’enseignant peut privilégier

certaines notions, ainsi qu’un choix de documents adaptés.

o Cycle 2 : durée conseillée 1h

o Cycle 3 / collège : durée conseillée 1h30

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SOMMAIRE

PRESENTATION DE L’EXPOSITION……………………………………………..……………. p. 4

LA BD : INTRODUCTION AU NEUVIEME ART…………………………………………... p. 13

PROPOSITIONS PÉDAGOGIQUES AUTOUR DE L’EXPOSITION………………….. p. 23

RESSOURCES COMPLEMENTAIRES…………………………………………………………. p. 26

INFORMATIONS PRATIQUES…………………………………………………………………… p. 32

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PRÉSENTATION DE L’EXPOSITION

Rétrospective Alix

Alix, le célèbre personnage romain créé par Jacques Martin en 1948, prend ses quartiers d’hiver

à Versailles, dans le cadre d’une exposition conçue en partenariat avec le Festival BD

d’Angoulême et regroupant plus de 350 dessins originaux.

Alsacien de naissance, Jacques Martin s’installe à Bruxelles en 1946, l’année de la naissance du

journal Tintin. Il rejoint ensuite l’hebdomadaire des 7 à 77 ans, et en 1948 apparaît un tout

nouveau personnage : Alix.

Alix, héros légendaire du journal Tintin pendant 40 ans

Au crépuscule de la république romaine, le jeune aventurier d’origine gauloise voyage avec son

jeune compagnon Enak tout autour de la Méditerranée, en Asie mineure, en Gaule, en Afrique,

en Grèce, et même jusqu’en Chine. Inspiré par les historiens du XIXe siècle, passionné par

Flaubert et Yourcenar, Jacques Martin écrit et dessine les aventures d’Alix en s’appuyant sur une

documentation très riche. Il représente ainsi un monde complexe, avec en toile de fond la

rivalité entre César et Pompée mais aussi la vision d’un idéal perdu, incarné par la défunte

civilisation grecque…

Toujours droit et vaillant, Alix ne tarde pas à refléter les préoccupations de son auteur et à

révéler de nombreuses aspérités, parfois assez éloignées des canons de la bande dessinée

franco-belge de son époque. Plutôt que de créer un héros qui ne serait qu’édifiant pour le jeune

lecteur, Jacques Martin préfère en effet confronter son personnage au réel et à des choix parfois

compliqués, à des conflits humains dont Alix ne sort pas toujours grand vainqueur.

350 dessins originaux et documents rares

Deux ans après avoir été présentée à Angoulême à l’occasion des 70 ans d’Alix, l’exposition

s’invite pendant 2 mois à l’Espace Richaud. Cette grande rétrospective est consacrée à l’art de

Jacques Martin, et plus précisément aux années 1948-1988, pendant lesquelles l’auteur

dessine et écrit seul la série.

A travers plus de 350 planches originales et documents rares, le visiteur découvrira l’esthétique

de Jacques Martin et les spécificités d’Alix, prolongée dès le début des années 1950 par la

création du personnage contemporain de Guy Lefranc, sans oublier les multiples collaborations

de Jacques Martin au journal Tintin.

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Assurant pendant plusieurs années la chronique automobile et aéronautique de

l’hebdomadaire, l’auteur est également de 1954 à 1972 l’un des piliers du Studio Hergé,

travaillant aux côtés du créateur de Tintin sur différents albums tout en continuant à publier

ses propres séries. Jacques Martin a ainsi réalisé une œuvre qui court sur plus de 60 ans, et dont

certaines pièces d’exception seront exposées à Versailles.

Alix aujourd’hui : Les héritiers de Jacques Martin à Versailles

L’exposition rétrospective, permettra aussi de découvrir le travail réalisé autour du personnage

d’Alix repris sous un nouveau crayonné : Alix Senator (par Valérie Mangin et Thierry Démarez)

ou encore des planches originales du dernier opus d’Alix sorti en fin d’année 2019 (Alix chez les

Helvètes) sur une idée de Jacques Martin, développé par Mathieu Breda avec au dessin Marc

Jailloux. Les plus jeunes découvriront la BD Alix Origines (Marc Bourgne, Laurent Libessart).

Ces auteurs, dessinateurs seront invités lors de week-end pour des rencontres, dédicaces

(programme complet sur www.versailles.fr)

Des monnaies et des bustes d’après l’antique ainsi qu’un espace de lecture au centre de la

rotonde complètent le propos de l’exposition.

Autour de l’exposition

Animations

♦ Atelier en famille (enfants de 6-11 ans) les jeudi 20 février et jeudi 9 avril de 10h à 12h

♦ Stage d’initiation à la BD pour les 12-17 ans les lundi 6 avril et mardi 7 avril de 10h à 12h

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L’auteur : Jacques Martin, créateur phare du journal Tintin et des Studios Hergé

Jacques Martin et Alix en bref Né de l’imagination de Jacques Martin le 16 septembre 1948 dans les pages du journal Tintin pour un essai sans suite, le personnage d’Alix a non seulement poursuivi sa carrière, mais aussi suscité la création d’un véritable univers qui s’enrichit aujourd’hui encore. Né en 1921, Jacques Martin, a réalisé le scénario et les dessins de la série Les aventures d’Alix à partir de 1948. Le rythme de parution est tout d’abord relativement lent (10 albums en 23 ans) jusqu’en 1972 : Jacques Martin travaille aux Studios Hergé et collabore aux nouvelles versions des « Aventures de Tintin ». En décembre 1972, il quitte les Studios Hergé pour se consacré pleinement à sa propre production. Dès lors, le rythme de publication s’accélère et les séries se multiplient, d’autant que Martin est le créateur d’autres héros : le détective Lefranc à partir de 1954, Jhen (période du Moyen-Âge) à partir de 1978, Arno (époque napoléonienne) à partir de 1983 ou encore Orion (sur l’antiquité grecque) à partir de 1990. Jacques Martin assure seul scénario et dessins pour Alix, jusqu’en 1988 où il s’entoure d’une équipe, en particulier pour la réalisation des dessins. Jacques Martin, est l’un des principaux représentants de la ligne claire, avec Hergé et Jacobs. Ce style graphique se caractérise par un trait linéaire et continu, sans ombre ni volume. Biographie Né à Strasbourg en 1921, Jacques Martin découvre très tôt la bande dessinée. Il fait ses premiers dessins ; la plupart représentant des avions (son père était aviateur, il meurt quand Jacques Martin a 11 ans) ou des personnages moyenâgeux. Cette passion pour le dessin naît en même temps qu'un goût immodéré pour l’Histoire. Désireux d'entrer aux Beaux-Arts, dans l'optique de faire du dessin un métier, il ne parvient toutefois pas à concrétiser ce rêve. En effet, sa mère et ses tuteurs officiels l’orientent d’autorité vers les Arts et Métiers, où il reçoit un enseignement purement technique. Cette première formation n’est sûrement pas étrangère à la rigueur obstinée dont Jacques Martin a fait preuve tout au long de son œuvre et qui a probablement contribué à en faire l’un des trois principaux représentants de l’école dite « de Bruxelles », les deux autres étant Hergé et Jacobs. La critique a légitimement rapproché le travail de ces trois auteurs qui, en plus de s’être beaucoup fréquentés et d’avoir collaboré en maintes occasions, partagent un idéal artistique fait de réalisme, de probité et de minutie. Une demi-génération sépare Jacques Martin de ses

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2 aînés. Il ne commence à publier qu'à partir de 1946, dans l'hebdomadaire Bravo où il crée, un peu par hasard, Monsieur Barbichou. Durant les trois années qui suivent, il multiplie les collaborations éphémères avec des publications bruxelloises et wallonnes conjuguant l'art de la bande dessinée et celui de l'illustration. Dans l'impossibilité de faire face à tous ses engagements, il se fait assister pour les décors et la mise en couleur de ses bandes dessinées par un graphiste nommée Leblicq. C'est de cette association que naît le pseudonyme Marleb, obtenu par contraction de Martin et de Leblicq. Cette collaboration prend fin au bout d'un an, mais Jacques Martin continue d’utiliser ce patronyme masqué. Dès 1946, Jacques Martin conçoit un projet de journal pour jeunes qu'il baptise Jaky. Malheureusement le numéro un de l'hebdomadaire Tintin est sur le point de sortir, réunissant une impressionnante brochette de grands auteurs. Jaky échoue au fond d'un tiroir. Tout en poursuivant ses collaborations à Bravo et à Story, Jacques Martin pose sa candidature au Journal de Tintin. C'est en 1948, qu'il crée le personnage d'Alix, le proposant aussitôt à Raymond Leblanc, futur directeur du Journal de Tintin. Alix l'intrépide paraît en feuilleton dans le journal des 7 à 77 ans, à partir du 16 septembre 1948. En 1950, Jacques Martin engage à ses côtés un jeune assistant (pour le lettrage et le coloriage), Roger Leloup, qui deviendra lui-même un auteur de bandes dessinées, en créant le personnage de Yoko Tsuno. Par la suite, c'est au tour de Michel Demarets de venir les rejoindre. Les trois premières aventures du jeune héros romain se succèdent à un rythme soutenu, sans aucune interruption. Après Alix l'intrépide, Le Sphinx d'Or et l'Ile maudite font la joie des lecteurs. Mais à l'issue du troisième titre de la série, Jacques Martin délaisse provisoirement Alix pour s'attacher à une intrigue résolument contemporaine mettant en scène un reporter. Face aux insistances de son éditeur de l'époque, Jacques Martin transpose Alix et Enak dans le vingtième siècle, ce qui donne le tandem Lefranc-Jeanjean. Alix étant d'origine gauloise, son alter ego moderne ne pouvait être qu'un Franc, d'où son nom. A partir de la publication de La Grande menace (1953), les récits d'Alix et de Lefranc paraissent en alternance. En 1953, Hergé propose à Jacques Martin de collaborer à ses studios. Refusant d'abandonner ses deux assistants, Jacques Martin est intégré avec Leloup et Demarets dans l'équipe du père de Tintin. La participation de Jacques Martin dure dix-neuf années pendant lesquelles il travaille sur plusieurs histoires de Tintin avec entre autres Bob de Moor, sans pour autant abandonner Alix et Lefranc puisque ceux-ci connaissent respectivement sept et trois aventures nouvelles. Au cours de la décennie suivante, celle qui suit la séparation avec les studios, Jacques Martin crée à une cadence supérieure, publiant neuf titres dans la série Alix (du Prince du Nil à L'Empereur de Chine) et quatre dans celle de Lefranc (Des Portes de l'Enfer à L'Arme absolue), et en créant deux nouvelles séries Jhen et Arno. Entre-temps, Jacques Martin a changé d'éditeur. C'est ainsi qu'Alix et Lefranc passent chez Casterman avant d'être rejoints par Jhen. En 1984, Jacques Martin reçoit l'insigne de Chevalier des Arts et des Lettres, en ouverture d'une exposition consacrée à Alix, à la Chapelle de la Sorbonne. En 1986, les éditions Casterman restituent la version originale de la première aventure d'Alix, Alix l'intrépide, en grand format,

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pour célébrer les quarante ans de bande dessinée de Jacques Martin. L'année suivante, paraît un autre album géant intitulé L'Odyssée d'Alix. En mars 1989, Le Cheval de Troie s'est vu décerner une BD d'or au premier Salon Européen de la Bande Dessinée de Grenoble. Parallèlement, l’auteur crée de nouvelles collections avec un personnage évoluant dans la Grèce antique. Ainsi sera publiée aux éditions Orix la collection Les voyages d’Orion. Un autre personnage verra aussi le jour : Kéos, dessiné par Jean Pleyers, dans les albums Osiris (Bagheera 1992) et Cobra (Helyode 1993). Chez l’éditeur Glénat, Jacques Martin a poursuivi avec le dessinateur Jacques Denoël la série Arno qu’il avait créé dans les années 80 avec André Juillard. En 1999, Kéos intègre le catalogue Casterman. À cette occasion les deux premiers albums sont réédités et Le veau d’or, dessiné en 1994, publié pour la première fois. A l’âge de 82 ans, Jacques Martin inaugure une nouvelle série Loïs, mise en images par Olivier Pâques. « Sans doute aurais-je entrepris cette nouvelle aventure plus tôt, avoue Jacques Martin, mais nul n’ignore les problèmes oculaires qui ont mis un terme à mes activités de dessinateur. Il m’a donc fallu un certain temps, non seulement pour gérer cette nouvelle situation affectant mes séries existantes, mais encore pour trouver le collaborateur idéal à lancer sur une série pour laquelle il n’existait pas de références dans mon œuvre. ». Ayant formé autour de lui une équipe de jeunes dessinateurs, Jacques Martin a eu pour souci de leur faire poursuivre les séries qu’il a créées. Le 21 janvier 2010, l’auteur s’est éteint en Suisse. Les Albums d’Alix par Jacques Martin 1948 -1949 : Alix l’intrépide 1949-1950 : Le Sphinx d’or 1950-1951 : L’Île maudite 1955-1956 : La Tiare d’Oribal 1957-1959 : La Griffe noire 1962-1963 : Les Légions perdues 1966-1967 : Le Dernier Spartiate 1967-1968 : Le Tombeau étrusque 1969 : Le Dieu sauvage 1971-1972 : Lorix le grand 1973 : Le Prince du Nil 1974 : Le Fils de Spartacus 1976 : Le Spectre de Carthage 1977 : Les Proies du volcan 1979 : L’Enfant grec 1981 : La Tour de Babel 1982 : L’Empereur de Chine 1985 : Vercingétorix 1988 : Le Cheval de Troie Suivront de 1996 à 2009, 9 albums dont Jacques Martin a réalisé le scénario puis, de 2010 à 2017, 8 albums par d’autres auteurs et scénaristes.

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Les Aventures d’Alix

Les lieux, l’époque

Les aventures d’Alix se déroulent de 53 av. JC à 45 av. J.-C. Durant cette période, il parcourt une grande partie du bassin méditerranéen, largement sous domination romaine. Il va même jusqu’en Chine et le long des côtes atlantiques de l’Afrique. Découvrez la carte interactive des voyages du héros au cours des 18 premiers tomes de son aventure : https://www.lhistoire.fr/carte/les-voyages-dalix Quelques personnages…

Alix : Fils d’Astorix, gaulois, mercenaire de Rome, vendu par un officier romain à des marchands phéniciens. Esclave des Parthes à Khorsabad, Alix, libéré, sera adopté par Honorus Galla Gracchus, gouverneur de Rhodes, celui-là même qui fit son malheur. Alix est un gallo-romain, c’est-à-dire un jeune Gaulois empreint de la culture Romaine et se présente comme un véritable modèle d'intégration. Il devient l’agent de César dès le Sphinx d’or, voire plus ensuite, une sorte d’homme de confiance. Il est adolescent et a une personnalité assez stéréotypée : il est droit, fidèle et aventureux. On peut dater sa naissance vers 68 av. J.-C. Il est polyglotte : il parle celte, le grec, le latin, le phénicien et même le langage des loups. Enak : Peu bavard, Enak est un orphelin. Il rencontre Alix en 1956 dans le Sphinx d'Or et ne devait à l'origine ne faire qu'une petite apparition et disparaître définitivement, mais les lecteurs de Tintin par des lettres de protestations en décidèrent autrement. Enak est le compagnon d'Alix et depuis ils ne se quittent plus et c'est même un véritable couple. Martin laisse un doute sur ses origines (Le Prince du Nil, 1972), il serait le descendant de la Famille Menkharâ et donc le légitime prétendant d'un trône d'Egypte. Petit à petit, le personnage d’Enak, d’abord timoré et émotif, s’affirme et devient plus actif. C’est aussi un excellent archer.

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César : Il est un des rares personnages historiques d’Alix, même s'il n'est pas vraiment un ami à proprement parler, il est quand même un proche. Personnage bien pratique pour développer une histoire parce qu'il est un acteur important de la Rome antique et qu'il connaît tous les grands de ce monde, César fait des apparitions ponctuelles çà et là au fil des albums. Dès le premier album, il pose leurs relations : « Je suis le consul Jules César et je viens ici en ami ». Mais même si Alix est ami de César, il peut éprouver des doutes quant à ses agissements et passe dans le camp de Pompée : « Il se trouvait que César défendait, à ce moment-là, le parti du juste. Cette fois c’est toi mais je suis certain que cette affaire sert parfaitement tes intérêts.»

Arbacès : « le marchand le plus habile mais aussi le moins scrupuleux de Trébizonde ». Grec d'origine, Prince Egyptien, Vizir du Royaume d'Oribal, il cumule toutes les fonctions les plus grandes et a toutes les caractéristiques de l'intrigant ambitieux, cruel et fourbe. Il est l’agent de Pompée, au départ mais préfère très vite jouer sa carte personnelle. Tous les moyens lui sont bons pour parvenir à ses fins.

Horatius : Autre militaire romain, ami d'Alix. Il apparaît pour la première fois dans La Griffe noire. C'est un général issu de la plèbe et rejeté par une partie de la noblesse. Fidèle au parti de César, il est la vertu même : fiable, courageux et respectueux de la parole donnée… Obligé d'épouser la fille d'Hermia - après un chantage machiavélique - celui-ci préféra mourir dans un incendie lors de la cérémonie de mariage plutôt qu'affronter l'humiliation...

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Galva : Alix rencontre le centurion Galva lorsqu'il poursuit le mage maléfique qui sème la terreur à l'aide de sa "griffe noire". Il le retrouve par hasard en Gaule lorsqu'il tente d'y rapporter l'épée de Brennus, dans Les Légions perdues. A partir de là, leurs routes se croiseront souvent. Ami fidèle, Galva est avant tout un soldat. Lorsque César, dont les intérêts sont pour une fois opposés à ceux d'Alix, lui demande d'arrêter le jeune homme, Galva n'hésite pas à accomplir sa mission. Tout juste y met-il moins de cœur et d'entrain que d'habitude. On ne peut pas deviner si la fuite d'Alix est possible grâce à sa chance et à son astuce, ou si, peut-être, Galva décide de toujours lui laisser une longueur d'avance...jusqu'à ce que César se calme et change d'avis. Promu général et chargé, encore une fois, de rattraper Alix et Enak, mais cette fois pour les protéger, Galva manque pourtant à son devoir en traînant un peu en route, car il est amateur des plaisirs de la vie. Parvenus à la frontière de la Germanie, il retrouve les jeunes gens saufs mais blessés et se reproche amèrement de n'avoir pas été plus discipliné.

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Alix aujourd’hui : Les héritiers de Jacques Martin

L’œuvre de Jacques Martin se poursuit après sa mort en 2010 et la 38e aventure d’Alix, Les

Helvètes, est publiée en 2019 par Mathieu Breda au scénario et Marc Jailloux aux dessins.

L’univers d’Alix s’étoffe dès 1996 avec la série Les voyages d’Alix, qui permet de découvrir

l’histoire et la géographie de l’Antiquité, et s’inspire des dessins de Jacques Martin, restant

fidèle à la ligne claire.

Cet univers grandit à nouveau en 2012 avec la parution d’un Alix vieilli dans Alix Senator réalisé

par Valérie Mangin au scénario et Thierry Démarrez aux dessins. Âgé d’environ 50 ans, Alix est

sénateur, a perdu plusieurs proches et se retrouve père sous le règne d’Auguste. Selon Valérie

Mangin, c’est un Alix « plus complexe et plus humain. Plus sombre aussi ».

Si Alix Senator présente un Alix qui a vieilli avec ses lecteurs, restait à s’adresser aux plus jeunes,

en s’intéressant aux jeunes années de ce personnage créé il y a plus de 70 ans. C’est ce que

propose Alix Origines développé par Marc Bourgne au scénario et Laurent Libessart aux dessins.

En 61 avant J.-C., un jeune Gaulois du nom d’Alix sauve un louveteau d’une mort certaine avant

d’apprendre qu’il doit quitter sa famille pour faire son éducation initiatique auprès de son

oncle. Trois ans plus tard, en 58 avant J.-C. : les Helvètes déferlent sur la Gaule, pourchassés

par les légions de César. Fils d’un chef éduen, Alix se retrouve, à dix ans, plongé dans les luttes

de pouvoir qui menacent sa famille.

Des monnaies et des bustes d’après l’Antique

Les monnaies sont à ce jour un des meilleurs moyens pour identifier, dater et tirer des enseignements d’une découverte archéologique. Elles ont aussi été, à l’époque où se déroulent les aventures d’Alix, avant et après les instruments d’échanges économiques complexes. Les Grecs ont été les premiers à se servir de monnaies régulièrement et les drachmes font l’objet d’imitations un peu partout : dans le monde celte, en Gaule, en Espagne, en Afrique et en Orient (surtout après les conquêtes d’Alexandre). Les Romains émettent plus tard, mais leur modèle tend à s’imposer dans toutes leurs possessions et zones d’influence.

Quelques images des bustes d’après l’antique présentés dans l’exposition :

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LA BD : INTRODUCTION

AU NEUVIEME ART

Lexique

Album : livre contenant une bande dessinée.

Aplat teinte plate appliquée de façon uniforme, sans ombre ni dégradé

Bleu : épreuve tiré au format de parution, où le dessin est reproduit dans un ton très pâle

(souvent bleu). La mise en couleur est traditionnellement réalisée non pas sur une planche

originale, mais sur cette épreuve.

Bulle (ou ballon, ou phylactère) espace délimité par un trait, qui renferme les paroles que

prononcent les personnages.

Cadrage : choix d’un angle de vue et du plan définissant la grosseur du sujet dans la case (gros

plan, plan moyen, plan large, etc.)

Case (ou vignette) : unité de base de la narration en bande dessinée, elle consiste en un dessin

encadré, généralement isolé par du blanc et comprenant (ou non) des inscriptions verbales

(bulle ou narratif)

Crayonné : état de la planche avant l’encrage. Le dessinateur exécute d’abord ses dessins au

crayon, les précisant et les corrigeant jusqu’à ce qu’il en soit satisfait. Il les repasse ensuite à

l’encre de chine.

Comic : généralement utilisé aux États-Unis pour désigner une bande dessinée. La bande

dessinée ayant eu du mal à se faire reconnaître comme un art à part entière, le terme a une

connotation d'illustrés pour enfant aux Etats-Unis.

Découpage : distribution du scénario dans une suite de cases qui forment une séquence

narrative. Le découpage détermine le contenu de chaque image.

Éllipse : moment plus ou moins long qui n’est pas montré entre deux cases.

Fanzine : publication réalisé bénévolement par des auteurs amateurs. Les fanzines informent

sur la bande dessinée et publient des auteurs débutants.

Idéogramme : signe graphique qui symbolise une idée ou un sentiment.

Lettrage : forme des lettres composant le texte placé dans les bulles ou les narratifs. Action de

tracer ces lettres, à la plume ou au Rotring.

Manga : nom donné, au Japon, à la bande dessinée, mais aussi au dessin d’humour et aux films

d’animation. Le terme signifie à peu près : image grotesque, dérisoire.

Mise en page : organisation des cases dans la planche. Définit la forme, la superficie et

l’emplacement de chacun des cadres.

Narratif (ou récitatif) : espace encadré accueillant un commentaire sur l’action ou une

intervention du narrateur.

Onomatopée : assemblage de lettres imitant un bruit, un son (exemples, bang, clic-clac,

splatch…)

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Planche : nom donné à une page de bande dessinée. La planche originale est la feuille sur

laquelle a travaillé le dessinateur.

Scénariste : personne qui imagine l’histoire, et qui fournit au dessinateur le découpage ainsi

que les dialogues. Le dessinateur peut être son propre scénariste.

Strip : bande horizontale composée d’une ou plusieurs cases. Le strip peut être une unité ou un

« étage » au sein d’une planche.

Synopsis : résumé du scénario

Quelques repères historiques

Les débuts de la B.D.

Certains ont fait remonter les origines de la bande dessinée à Lascaux, aux fresques

égyptiennes ou à la tapisserie de Bayeux. Sans aller si loin, on considère que les premières

associations de texte et d'images pouvant être qualifiées de bandes dessinées datent du début

du XIXe siècle avec les œuvres de Rodolphe Topffer.

Extrait d'une bande de Topffer

Ce dernier a conscience de créer un mode d'expression nouveau et donne une première

définition de la B.D. : « [Elle] est d'une nature mixte et se compose d'une série de dessins au

trait, chacun de ces dessins est accompagné d'une ou deux lignes de texte. Le dessin sans ce

texte n'aurait qu'une signification obscure ; le texte sans le dessin ne signifierait rien. »

Les appellations qui désignent la B.D. ont considérablement varié, et sont toujours assez

diverses. Jusqu'à la fin des années 50, le public parlait plus volontiers d’« illustrés » que de «

bandes dessinées ». Ce dernier terme apparaît vraiment dans les années 1940 et viendrait des

États-Unis (de l'anglais « comic strip »), où beaucoup de gags en une bande, comme celui de

Calvin et Hobbes, étaient publiés dans la presse. Il tarde à s'implanter en France où les

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dessinateurs travaillent par planche et non par bande. On parle aussi de « figuration narrative

» ou « art séquentiel ».

Par ailleurs, les termes varient beaucoup suivant les pays : comics aux États-Unis (parce que les

premières B.D. étaient toutes comiques), historieta (petite histoire) en Espagne, fumetti

(petites fumées, à cause des ballons !) en Italie, manga (de man : imprécision, légèreté et ga :

esquisse, illustration) au Japon etc.

En France, le dessinateur Christophe crée dans les années 1890 la famille Fenouillard, le sapeur

Camembert, le savant Cosinus, en gardant toujours ce principe du texte illustré par une image

(d'où le nom d'« illustrés »). Il découvre et utilise, largement avant le cinéma qui n'est pas

encore né, de nombreux cadrages comme les plans américains et moyens, le travelling, le

panoramique, la plongée, la caméra subjective... Bref, il commence à construire le langage

graphique.

C’est aux USA que la B.D. se répand vraiment, surtout grâce à la presse (les journaux américains

se font concurrence dans ce domaine, elle s’adresse donc plus aux adultes qu’aux enfants) : en

1896, The Yellow Kid est la première série publiée et connaît un énorme succès. C'est dans cette

B.D. que l'on voit pour la première fois apparaître les ballons (ou bulles, ou phylactères). C'est

aussi la première série à héros de la B.D.

La bande dessinée américaine se développe ensuite dans les « comic books », petits fascicules

d'une trentaine de pages. Superman naît en 1938.

En Europe, c’est surtout dans les revues pour enfants que la B.D. se développe, et ce

timidement car ces journaux sont très conservateurs. La série Zig et Puce d'Alain Saint-Ogan,

qui débute en 1925, est la première à n'utiliser que les bulles pour faire s'exprimer les

personnages : la présence de texte sous l'image faisait en effet plus sérieux et les éditeurs

hésitaient à laisser les auteurs s'en passer.

Dans les années 1930, la bande dessinée américaine envahit la France avec un énorme succès

: elle est vive, nerveuse, pleine d'action, malgré les traductions qui atténuent ses aspects trop

hardis, voire censurent textes et dessins (n'oublions pas que, dans son pays d'origine, elle

s'adressait essentiellement aux adultes).

L’école franco-belge

En 1929, c'est la naissance de Tintin, qui connait un succès international. Hergé influence

énormément la bande dessinée européenne, à la fois au niveau graphique et narratif. Surtout,

il amène deux éléments fondamentaux :

- Le scénario bâti de bout en bout : par exemple, dans « Les cigares du Pharaon » et

surtout « Le lotus bleu » où la construction de l'histoire est précise et élaborée.

- La documentation

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Le Lotus bleu (c) Casterman

En 1938, naissent Spirou et son journal, qui devient une pépinière d'auteurs de premier plan :

Franquin (Gaston Lagaffe), Morris (Lucky Luke), Jijé (Valhardi, Jerry Spring), Peyo (Johan et

Pirlouit, les Schtroumpfs), Tillieux (Gil Jourdan), Roba (Boule et Bill), Charlier (Buck Danny), et

bien d'autres.

Le journal de Tintin naît en 1946 et publie lui aussi des auteurs et des séries phares de la bande

dessinée : Jacobs (Blake et Mortimer), Cuvelier (Corentin), Martin (Alix), Tibet (Chick Bill, Ric

Hochet), Graton (Michel Vaillant), etc...

Il y a une différence entre le journal de Spirou et celui de Tintin : le premier est plus axé sur

l'humour, le second sur l'aventure (Hergé a un droit de regard sur ce qui passe dans le journal

et il est très réticent devant l'ironie, la violence, etc... Pour lui, les héros de B.D. doivent être

positifs).

Notons que Spirou et Tintin, ces deux grands journaux de B.D. pour enfants, sont belges. Un

autre grand hebdomadaire de bande dessinée existe en France : Vaillant, qui deviendra Pif

Gadget. Il publie lui aussi de grandes signatures : Poïvet (Les pionniers de l'espérance), Arnal

(Pif le chien, Placid et Muzo), Cézard (Arthur le fantôme), Gillon (Fils de Chine), Tabary (Richard

et Charlie, Totoche), Gotlib (Nanar et Jujube, Gai-Luron), etc... Cette production pourtant riche

laissera moins de trace dans l'histoire de la bande dessinée, sans doute à cause d'une politique

de production d'albums quasi inexistante.

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La B.D. : Des années 1960 à aujourd’hui

Dans les années 1960, la B.D. commence à grandir, notamment grâce à l'évolution du journal

Pilote. Pilote est né en 1959, fondé par Goscinny, Charlier et Uderzo : deux scénaristes et un

dessinateur.

Qu'amène Pilote dans le monde de la B.D. de l'époque ?

♦ Il vise un public d'adolescents et non plus d'enfants

♦ Il donne à la B.D. un de ses personnages les plus connus : Astérix

♦ Il accueille des auteurs parmi les plus grands : Greg, Gotlib, Cabu, Fred, Druillet, Alexis,

Brétécher, Tardi, Bilal, tous ceux qui feront le renom de la B.D. française

♦ Il va évoluer en même temps que son lectorat et donner naissance à la bande dessinée

adulte

Après 1968, des revues éclosent un peu partout (Charlie Mensuel, Métal Hurlant, Fluide

glacial,...), les auteurs abordent librement les thèmes les plus variés : politiques, sociaux, etc.

A suivre naît en 1978 et propose une B.D. plus proche de la littérature (le roman graphique). Il

fait sortir les dessinateurs du standard de l'album en 44 pages en leur laissant créer de longs

récits, ce qui est une révolution, publie des auteurs étrangers comme Hugo Pratt, Manara,

Torrès. Parallèlement, la B.D. française s'impose et se diffuse beaucoup à l'étranger. Et

beaucoup d'auteurs étrangers rêvent de se faire publier en France !

Le secteur de la Bande Dessinée explose littéralement dans les années 80, en terme de

production comme de vente. Dans cette période, on voit aussi diminuer largement la lecture

du journal et augmenter celle des albums.

Ces dernières années, la B.D. bénéficie d'une croissance exceptionnelle et compte dans les

meilleures ventes de l'édition française.

La création d’une bande dessinée : de l’idée à l’album

La création d'une bande dessinée comporte plusieurs étapes.

L'ensemble des tâches se subdivise en deux grands domaines : l'écriture

du scénario (rôle du scénariste) et la réalisation graphique des planches

(rôle du dessinateur) à laquelle on peut rajouter l'éventuelle mise en

couleur. Il existe beaucoup d'auteurs complets qui assument l'ensemble

de ces tâches, mais on trouve très souvent une équipe : le duo classique

scénariste-dessinateur, souvent un(e) coloriste, et parfois maintenant

un graphiste chargé de créer certains éléments du dessin sur

informatique.

Notons qu'il y a des différences dans la façon de travailler, suivant les systèmes, les auteurs, les

pays.

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♦ Le synopsis : C’est un texte donnant la description générale de l'histoire, un résumé

assez détaillé, en deux ou trois pages, de l'intrigue du début à la fin. Il sert souvent à

présenter l'histoire au rédacteur-en-chef ou à l'éditeur.

♦ Le scénario : C'est le découpage planche par planche, case par case du récit. Il décrit

tout ce que le dessinateur a besoin de savoir pour dessiner l'histoire : les personnages,

leur situation, les ambiances, les actions, les dialogues.

♦ La recherche de documentation : Les auteurs, pour présenter un travail crédible et

exempt d'erreur, ont besoin de se livrer à des recherches de documentation. Ces

recherches peuvent passer par la lecture d'ouvrages sur le contexte historique ou social,

l'architecture, les habillements et uniformes, les véhicules, outils, armes, bref sur tous

les éléments dont on a besoin de restituer la réalité. Beaucoup d'auteurs de bandes

dessinées se constituent ainsi de véritables bibliothèques sur les thèmes dont ils traitent

dans leurs bandes dessinées. Internet devient aussi une source majeure d'informations.

♦ Recherches graphiques et crayonnés : Un dessinateur a également besoin de faire des

recherches purement graphiques et va donc réaliser avant la planche proprement dite

nombre de croquis et de crayonnés plus ou moins poussés (ainsi nommés, bien sûr,

parce qu'ils sont généralement réalisés au crayon) :

Il va faire des études : quels visages donner aux personnages, comment rendre tel habit,

tel objet, telle matière, telle attitude, tel décor. Pour faciliter leur travail, certains

dessinateurs construisent des maquettes des lieux où se situe l'action, voire de certains

personnages.

Le dessinateur va ensuite faire des essais de mise en scène des cases et de mise en page

des planches, organiser l'enchaînement des cases entre elles, faire le « montage » de la

planche. En effet, quand un lecteur ouvre une bande dessinée, il appréhende

globalement la page, et ne se focalise sur la succession des cases qu'ensuite. Il étudie

souvent plusieurs possibilités et réalise plusieurs versions de sa planche, comme dans

l'exemple ci-dessous.

Le dessinateur va, enfin, bâtir le contenu de chaque case. Et chacune de ces cases peut

être plus ou moins travaillée.

♦ La réalisation de la planche : Une fois qu'il est satisfait de ses recherches, le dessinateur

passe à la réalisation d'un crayonné poussé de la planche dans sa version définitive. Il

procède ensuite à l'encrage, c'est-à-dire qu'il repasse les contours du dessin à l'encre

de chine. Il y a pour cela deux possibilités :

Il passe directement le crayonné à l'encre, gommant ensuite le crayon encore visible.

Il utilise une table lumineuse, y place le crayonné et par-dessus une feuille blanche, et

redessine la planche à l'encre en suivant le crayonné par transparence.

Il existe plusieurs outils pour encrer : plume, pinceau, rotring, feutre, fusain, et il est

bien sûr possible de mélanger toutes ces techniques suivant les effets désirés. Notons

enfin que l'auteur réalise généralement sa planche à un format supérieur à celui de

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parution, ce qui permet de fignoler les détails et améliore le rendu. La taille des planches

originales varie suivant les dessinateurs, et peut atteindre un mètre de hauteur.

♦ La mise en couleur : Elle peut être faite par le dessinateur lui-même, ou par un(e)

coloriste. La mise en couleur peut aussi être effectuée par un studio spécialisé.

L'inconvénient : une standardisation et un manque d'originalité. La couleur peut en

effet jouer énormément dans la façon dont on va ressentir une planche et son

ambiance. Un peu de technique : Classiquement, la couleur se mettait rarement

directement sur la planche : on fait un tirage de celle-ci en bleu clair (une couleur qui

ne se verra pas à l'impression) et au format de publication. C'est sur ce « bleu » que le

coloriste va travailler. Ainsi, au moment de l'impression, il suffira de superposer la

planche au trait noir, le bleu des couleurs, et éventuellement le texte s'il a été fait à

part. Mais il arrive de plus en plus souvent que certains auteurs, faisant eux-mêmes

leurs couleurs, travaillent en « couleur directe » : la couleur est posée directement sur

la planche. C'est plus risqué, mais le résultat peut être superbe ! Il devient fréquent

aussi que la mise en couleur se fasse par informatique, la planche étant scannée, voire

composée directement par l'auteur sur ordinateur.

♦ Le lettrage : Ce qu'on appelle le lettrage, c'est le texte dans les bulles. Le dessinateur et

le lettreur peuvent être deux personnes différentes. Il y a plusieurs techniques de

lettrage. On peut faire appel à un lettreur qui va remplir les bulles à la main (une écriture

manuelle est toujours préférable à une écriture « à la machine », souvent désagréable).

Pour cela, le lettreur dispose généralement de reproductions des planches dont les

bulles sont numérotées, le dessinateur devant calculer la taille des bulles en fonction

du texte qu'elles doivent contenir.

Les genres littéraires

La bande dessinée est une forme littéraire qui peut, en tant que neuvième art et à l’instar du

cinéma, adopter tous les genres existants dans la littérature ou encore dans la peinture.

Polymorphes et complexes, les œuvres de bande dessinée peuvent combiner plusieurs genres.

C’est alors à nous de retrouver les fondamentaux de ces genres traditionnels à travers les

albums de BD.

Dans Alix, plusieurs genres cohabitent ainsi : l’aventure, le récit historique et même le

fantastique.

L’aventure

Dans le roman d’aventures, le récit s’appuie sur l’action et le suspense. Le héros est confronté à des situations dangereuses ou effrayantes et doit tenter de s’en sortir traversant de nombreuses péripéties. Il met en scène des héros positifs, confrontés à des situations dramatiques et rocambolesques qu’ils devront dépasser pour atteindre leur but. On retrouve

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particulièrement le rythme effréné du roman d’aventure dans le cycle d’Arbacès qui couvre les quatre premières aventures d’Alix publiées entre 1948 et 1956 (1948 -1949 : Alix l’intrépide, 1949-1950 : Le Sphinx d’or, 1950-1951 : L’Île maudite, 1955-1956 : La Tiare d’Oribal). Les 4 premiers albums d’Alix sont très différents graphiquement les uns des autres, mais ce qu’on retrouve est le danger qui guette, des ennemis, des péripéties, des animaux hostiles et un grand méchant qui est au cœur des aventures, Arbacès. Cela est emblématique de la BD de l’époque : le héros a toujours un antagoniste. Pour de jeunes lecteurs néanmoins, la première confrontation avec Alix peut avoir quelque chose de déconcertant : on a affaire à un héros qui se voit confier des missions qu’il est (souvent) incapable de remplir, vite dépassé par des événements qu’il ne maîtrise pas. Alix est un héros déchiré entre idéalisme, foi dans la civilisation incarnée par Rome, et impuissance lucide face au monde tel qu’il est. Loin d’être infaillible, Alix doit s’accommoder de forces qui le dépassent et accepter de se conformer à un ordre établi contre lequel il ne peut agir qu’en marge. Plusieurs personnages sont ainsi victimes d’un destin tragique sous les yeux d’un Alix qui ne peut rien faire pour les aider (les généraux de La Griffe Noire, Agérix dans Les Légions perdues, Marah dans La Tour de Babel). Les conclusions de nombre des aventures d’Alix sont souvent décevantes et mélancoliques et montrent un certain fatalisme et pessimisme. Cela reflète notamment l’époque où Jacques Martin a créé et fait évoluer le personnage, quatre décennies de tensions politiques et sociales (conflits liées à la décolonisation, mouvements de protestation de la jeunesse à l’échelle planétaire, guerre froide, crises pétrolières etc.). Assez vite, Jacques Martin décide de s’affranchir de ce modèle pour monter l’aventure autrement. Le récit historique

Alix est une bande dessinée historique, un genre que Jacques Martin a inaugurée et qui

témoigne des rapports ambigus entre la fiction et l’Histoire. L’auteur veut apporter du savoir

historique au lecteur en lui montrant les réalités historiques de cette époque antique.

Le récit navigue entre la défaite de Carrhes face aux Parthes, dans l’actuelle Turquie, en 53 av.

J.-C., et la mort de Pompée entre 48 av. J.-C., sur les côtes égyptiennes. Ces cinq années

correspondent au conflit entre César et Pompée, qui se rejoue dans la série entre Alix et

Arbacès – jusqu’à la mort de ce dernier à la fin de La Tiare d’Oribal. Alix côtoie donc les

personnages les plus marquants de l’époque : César et Pompée, leurs lieutenants,

Vercingétorix, Octave (le futur empereur Auguste) et sa sœur Lydia. Alix est le fils d’Astorix,

gaulois, mercenaire de Rome, vendu par un officier romain à des marchands phéniciens.

Esclave des Parthes à Khorsabad, Alix, libéré, est adopté par Honorus Galla Gracchus,

gouverneur de Rhodes. Cette histoire l’inscrit dans le mythe de la résistance gauloise, forgé

ultérieurement dans une France gaullienne portée et illustrée par le succès des aventures

d’Astérix et d’Obélix. Alix, éduqué comme un citoyen romain, défend une implacable fatalité :

la Gaule doit absolument être conquise par les Romains. Elle doit s’agréger à une puissance

salvatrice et civilisatrice. Cette petite histoire croise sans cesse la grande Histoire, cadre ou

décor voire prétexte pour contempler les civilisations connectées par Rome, de l’Empire parthe

à Alexandrie, de Carthage à la Chine.

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Jacques Martin écrit et dessine les aventures d’Alix en s’appuyant sur une documentation très

riche. Jacques Martin trouve d’abord son inspiration dans les livres d’histoire. Parfois, il puise

directement aux sources antiques, sans passer par le filtre des historiens modernes, et les pages

d’Alix sont émaillées de citations plus ou moins directes de grands historiens grecs et romains :

Tacite, Suétone et Plutarque. Son œuvre est aussi empreinte de l’influence de grands romans

historiques : Les Derniers Jours de Pompéi de Bulwer-Lytton (1834), Salammbô de Flaubert

(1862), Ben-Hur de Lewis Wallace (1880), Quo Vadis ? de Henry Sienkiewicz, Mémoires

d’Hadrien de Yourcenar (1951) etc. Enfin, pour dessiner sa Rome antique, Jacques Martin

emprunte beaucoup aux peintres académiques du XIXe siècle qui ont cherché à redonner vie à

une Antiquité largement fantasmée, notamment le peintre néo-classique David et ses émules

(voir également les œuvres dans la section du dossier « ressources complémentaires).

Cela donne lieu à une vision à la fois rigoureuse et fantasmée de l’Antiquité romaine. Cela relève

de choix de l’auteur tant dans l’esthétique que dans le propos, mais aussi des limitations de la

documentation. Par exemple, dans Alix l’intrépide, le jeune Gaulois combat dans une panoplie

de gladiateur tout à fait hétéroclite, faite de pièces d’équipement qui ont certes existé mais

sans jamais avoir été associées. Le spectacle se déroule dans un impressionnant amphithéâtre

de pierre. Or, à l’époque, Rome ne dispose d’aucun monument de ce genre et doit se contenter

de structures en bois temporaires montées et démontées au gré des besoins. Il faut attendre

la construction de l’amphithéâtre Flavien, connu aujourd’hui sous le nom de Colisée, entre 70

et 80 ap. J.-C., pour que Rome soit dotée, comme d’autres villes de l’Empire avant elle, de son

propre amphithéâtre pérenne. De même, lorsque Jacques Martin prend conscience, dans les

années 1970, que la Rome de César est de briques et non de marbre comme il l’avait rêvée, il

ne peut se résoudre à objectiver la ville qu’il a toujours admirée et sublimée. Par ailleurs, en

dépit de ses recherches, Jacques Martin n’est pas prisonnier de sa documentation et ne

s’interdit pas certains anachronismes délibérés, par exemple en s’inspirant de la forteresse

turque de Kydna pour en faire une place forte gauloise ou en faisant d’Alix un anti-esclavagiste

ce qui est hautement improbable pour l’époque. L’esclavage est une réalité majeure de

l’Antiquité grecque et romaine, et Jacques Martin fait ici un anachronisme idéologique où Alix

prend la défense de l’homme dégradé.

Cela n’empêche pas que la série Alix soit tout de même considérée par les historiens et les

professeurs comme une excellente introduction à l’histoire et au monde latin.

L’exposition comporte plusieurs panneaux décrivant le peuple gaulois (origine, territoire) et la

vie en Gaule (pouvoir politique, armes, habitat).

Le fantastique

Dans les aventures d’Alix, on voit enfin surgir l’étrange, le fantastique, l’effrayant et

l’apocalyptique. Dans les premières aventures d’Alix, le fantastique n’est qu’apparent et repose

toujours sur une explication rationnelle. Jacques Martin introduit dans ses histoires des

artefacts improbables ou anachroniques mais assez rationnels : la poudre dans Le Sphinx d’Or,

les miroirs ardents et les puissantes balistes dans L’Île maudite etc. A partir de La Griffe noire,

où se manifestent les pouvoirs hypnotiques de Rafa, le fantastique occupe de temps à autre

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une place dans les intrigues avec des objets comme la tiare d’Oribal, l’épée de Brennus, la

statue du Dieu sauvage, le manteau de Tanit, l’orichalque etc. Par exemple, la tiare d’Oribal

contient un poison qui cause la folie de celui qui s’en pare indûment. Un autre exemple

remarquable est celui des savents prisonniers de L’Enfant grec. Ils préfèrent mourir plutôt que

de voir se réaliser leur sombre prédiction : la découverte d’une énergie capable d’anéantir

toute vie sur terre, symbolisée par un curieux champignon atomique, incarnant les craintes de

Jacques Martin et de ses contemporains, celles de la disparition de toute idée de civilisation.

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PROPOSITIONS PÉDAGOGIQUES AUTOUR DE

L’EXPOSITION : SELON LE NIVEAU

Autour de la figure du héros

♦ Découvrir des représentations de figures héroïques et comparer avec la représentation

d’Alix (héros paradoxal et souvent impuissant)

♦ Par exemple, montrer que les mythes gréco-romains et leurs héros sont encore

aujourd’hui une source d’inspiration pour d’autres formes d’expressions telles que la

bande dessinée, le cinéma, la publicité, etc.

♦ Repérer que les valeurs défendues par Alix permettent de questionner notre époque.

Autour du travail des auteurs

♦ A partir de l’observation des dessins et documents exposés, comprendre les volontés

artistiques des différents dessinateurs des aventures d’Alix (Jacques Martin (décor

théâtral, perspective), Laurent Libessart (fluidité du dessin et cadrage original), Marc

Jailloux et Thierry Démarez)

♦ Observer l’évolution du style de Jacques Martin dans le temps en comparent deux

planches d’époques différentes

♦ Aborder la question de la fascination pour une époque ou un pays. Recenser les raisons

d’une possible fascination (géographique, culturelle, historique, etc.).

♦ Ecrire une histoire en s’inspirant d’Alix : à l’époque de l’antiquité, récit d’aventures en

BD etc.

Autour du portrait d’Alix ♦ Etudier la notion de portrait : définition, portrait physique ou portrait moral ♦ Travailler sur la description d’Alix ♦ Repérer les indices contenus dans différentes planches sur son caractère ♦ Evoquer la place du personnage dans la société : esclave d'origine gauloise devenu

citoyen romain et proche de César, puis sénateur

La scénographie Observer les choix d’accrochage, le choix du lieu et ce que cela peut évoquer et faire ressentir.

L’exposition en général Chercher tout au long du parcours les différentes caractéristiques du personnage et ce qui nous montre son époque.

L’époque romaine ♦ Travail de recherches dans l’exposition sur la vie quotidienne à l’époque

d’Alix : les vêtements, la nourriture, les jeux, les chiffres romains…

♦ Mener une recherche documentaire sur l’antiquité : mode de vie,

construction de l’empire romain

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♦ Réfléchir sur la notion de conquête à partir de l’Empire romain et sur la cohabitation

entre les peuples (notamment romain et gaulois)

Autour de la narration

♦ La construction du récit historique

♦ La construction du récit d’aventures

Autour de la création d’une bande dessinée

♦ Travailler sur la forme littéraire de la BD : s’approprier le lexique à partir de l’observation

de documents de l’exposition, comprendre les spécificités du genre, lire des planches

de B.D. et les interpréter.

♦ Remplis ta bulle : Choisir une planche de l’exposition Alix dont les bulles sont vides et

laisser libre cours à l’imagination des élèves. Exemple de planche :

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Autour des ressources complémentaires ♦ Faire décrire aux élèves ce qu’ils voient dans les tableaux et les comparer avec les cases

ou couvertures d’Alix ♦ Lire avec les élèves les extraits de romans proposés et les commenter ensemble

Vous pouvez aussi utiliser le parcours-jeu à destination des enfants à partir de 7 ans.

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RESSOURCES COMPLÉMENTAIRES

Histoire de l’art

Jean-Léon Gérôme, Ave Caesar, morituri te salutant (1859)YALE UNIVERSITY ART GALLERY ; Case 7 page 8 des Légions perdues

Jacques-Louis David, Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard (1800-1803) PHOTO © RMN-GRAND

PALAIS (CHÂTEAU DE VERSAILLES) / GÉRARD BLOT

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Littérature

Salammbô de Gustave Flaubert, 1862 « Chapitre 1 LE FESTIN

C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar.

Les soldats qu'il avait commandés en Sicile se donnaient un grand festin pour célébrer le jour anniversaire de la

bataille d'Eryx, et comme le maître était absent et qu'ils se trouvaient nombreux, ils mangeaient et ils buvaient en

pleine liberté.

Les capitaines, portant des cothurnes de bronze, s'étaient placés dans le chemin du milieu, sous un voile de

pourpre à franges d'or, qui s'étendait depuis le mur des écuries jusqu'à la première terrasse du palais ; le commun

des soldats était répandu sous les arbres, où l'on distinguait quantité de bâtiments à toit plat, pressoirs, celliers,

magasins, boulangeries et arsenaux, avec une cour pour les éléphants, des fosses pour les bêtes féroces, une prison

pour les esclaves.

Des figuiers entouraient les cuisines ; un bois de sycomores se prolongeait jusqu'à des masses de verdure, où des

grenades resplendissaient parmi les touffes blanches des cotonniers ; des vignes, chargées de grappes, montaient

dans le branchage des pins : un champ de roses s'épanouissait sous des platanes ; de place en place sur des gazons,

se balançaient des lis ; un sable noir, mêlé à de la poudre de corail, parsemait les sentiers, et, au milieu, l'avenue

des cyprès faisait d'un bout à l'autre comme une double colonnade d'obélisques verts.

Le palais, bâti en marbre numidique tacheté de jaune, superposait tout au fond, sur de larges assises, ses quatre

étages en terrasses. Avec son grand escalier droit en bois d'ébène, portant aux angles de chaque marche la proue

d'une galère vaincue, avec ses portes rouges écartelées d'une croix noire, ses grillages d'airain qui le défendaient

en bas des scorpions, et ses treillis de baguettes dorées qui bouchaient en haut ses ouvertures, il semblait aux

soldats, dans son opulence farouche, aussi solennel et impénétrable que le visage d'Hamilcar.

Lionel Royer, Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César (1899). MUSÉE CROZATIER © LUC OLIVIER

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Le Conseil leur avait désigné sa maison pour y tenir ce festin ; les convalescents qui couchaient dans le temple

d'Eschmoûn, se mettant en marche dès l'aurore, s'y étaient traînés sur leurs béquilles. A chaque minute, d'autres

arrivaient. Par tous les sentiers, il en débouchait incessamment, comme des torrents qui se précipitent dans un

lac. On voyait entre les arbres courir les esclaves des cuisines, effarés et à demi nus ; les gazelles sur les pelouses

s'enfuyaient en bêlant ; le soleil se couchait, et le parfum des citronniers rendait encore plus lourde l'exhalaison

de cette foule en sueur.

Il y avait là des hommes de toutes les nations, des Ligures, des Lusitaniens, des Baléares, des Nègres et des fugitifs

de Rome. On entendait, à côté du lourd patois dorien, retentir les syllabes celtiques bruissantes comme des chars

de bataille, et les terminaisons ioniennes se heurtaient aux consonnes du désert, âpres comme des cris de chacal.

Le Grec se reconnaissait à sa taille mince, l'Egyptien à ses épaules remontées, le Cantabre à ses larges mollets. Des

Cariens balançaient orgueilleusement les plumes de leur casque, des archers de Cappadoce s'étaient peint avec

des jus d'herbes de larges fleurs sur le corps, et quelques Lydiens portant des robes de femmes dînaient en

pantoufles et avec des boucles d'oreilles. D'autres, qui s'étaient par pompe barbouillés de vermillon, ressemblaient

à des statues de corail.

Ils s'allongeaient sur les coussins, ils mangeaient accroupis autour de grands plateaux, ou bien, couchés sur le

ventre, ils tiraient à eux les morceaux de viande, et se rassasiaient appuyés sur les coudes, dans la pose pacifique

des lions lorsqu'ils dépècent leur proie. Les derniers venus, debout contre les arbres, regardaient les tables basses

disparaissant à moitié sous des tapis d'écarlate, et attendaient leur tour.

Les cuisines d'Hamilcar n'étant pas suffisantes, le Conseil leur avait envoyé des esclaves, de la vaisselle, des lits ; et

l'on voyait au milieu du jardin, comme sur un champ de bataille quand on brûle les morts, de grands feux clairs où

rôtissaient des boeufs. Les pains saupoudrés d'anis alternaient avec les gros fromages plus lourds que des disques,

et les cratères pleins de vin, et les canthares pleins d'eau auprès des corbeilles en filigrane d'or qui contenaient

des fleurs. La joie de pouvoir enfin se gorger à l'aise dilatait tous les yeux çà et là, les chansons commençaient.

D'abord on leur servit des oiseaux à la sauce verte, dans des assiettes d'argile rouge rehaussée de dessins noirs,

puis toutes les espèces de coquillages que l'on ramasse sur les côtes puniques, des bouillies de froment, de fève

et d'orge, et des escargots au cumin, sur des plats d'ambre jaune. »

Ben Hur de Lewis Wallace, 1880 « CHAPITRE PREMIER

Le Jébel es Zubleh est une chaîne de montagnes peu élevée, longue d’environ cinquante kilomètres. Du haut des

rochers de grès rouge qui la composent, la vue ne découvre au levant, si loin qu’elle peut s’étendre, que le désert

d’Arabie. Les sables, charriés par l’Euphrate, s’amoncellent au pied de la montagne, qui forme ainsi un rempart

sans lequel les pâturages de Moab et d’Ammon feraient, eux aussi, partie du désert. Une vallée, partie de

l’extrémité du Jébel et se dirigeant de l’est au nord, pour de- venir le lit du Jabok, traverse la route romaine, qui

n’est plus aujourd’hui qu’un simple sentier, suivi par les pèlerins qui se rendent à la Mecque.

Un voyageur venait de sortir de cette vallée. Il paraissait avoir quarante-cinq ans. Sa barbe, jadis du plus beau noir,

commençait à s’argenter. Son visage, à demi caché par le kefieh, mouchoir rouge qui recouvrait sa tête, était brun

comme du café brûlé, et ses yeux, qu’il levait par moments, étaient grands et foncés. Il portait les vêtements

flottants en usage dans l’Orient, mais on ne pouvait en distinguer les détails, car il était assis sous une tente en

miniature, disposée sur le dos d’un grand chameau blanc.

C’était un animal digne d’admiration, que ce chameau. Sa couleur, sa hauteur, la largeur de son pied, sa bosse

musculeuse, son long col de cygne, sa tête, large entre les yeux et terminée par un museau si mince, qu’il aurait

tenu dans un bracelet de femme, son pas égal et élastique, tout prouvait qu’il était de cette pure race syrienne

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dont l’origine remonte aux jours de Cyrus et, par conséquent, absolument sans prix. Une frange rouge s’étalait sur

son front, des chaînes de bronze, terminées par des sonnettes d’argent, entouraient son cou, mais il n’avait ni

brides, ni licol, pour le conduire.

En franchissant l’étroite vallée, le voyageur avait dépassé la frontière d’El Belka, l’ancien Ammon. C’était le matin.

Devant lui montait le soleil, noyé dans une brume légère, et s’étendait le désert. Ce n’était point encore le désert

de sable, mais la région où la végétation commence à s’étioler, où le sol est jonché de blocs de granit et de pierres

brunes ou grises, entre lesquelles croissent de maigres mimosas et des touffes d’alfa.

De route ou de sentier, plus trace. Une main invisible sem- blait guider le chameau ; il allongeait son pas et, la tête

tendue vers l’horizon, il aspirait, par ses narines dilatées, des bouffées de vent du désert. La litière où se reposait

le voyageur se balan- çait sur son dos, comme un navire sur les flots. Parfois un par- fum d’absinthe embaumait

l’air. Des alouettes et des hirondelles s’envolaient devant eux et des perdrix blanches fuyaient à tire d’aile, avec de

petits cris éperdus, tandis que de temps à autre un renard ou une hyène précipitait son galop, pour considérer de

loin ces intrus. À leur droite s’élevaient les collines du Jébel, enveloppées d’un voile gris perle qui prenait aux rayons

du so- leil levant des teintes violettes, d’une incomparable intensité. Au dessus de leur sommet le plus élevé un

vautour planait, en décrivant de grandes orbes. Mais rien de tout cela n’attirait l’attention du voyageur. Son regard

était fixé sur l’espace ; il semblait, comme sa monture, obéir à un mystérieux appel.

Pendant deux heures, le dromadaire fila tout droit dans la direction de l’orient ; si rapide était son allure, que le

vent lui- même ne l’aurait pas dépassé. Le paysage changeait peu à peu. Le Jébel ne paraissait plus être, à l’horizon

occidental, qu’un simple ruban bleu. Les pierres diminuaient. Du sable, rien que du sable, ici uni comme une plage,

là ondulé comme des vagues, ou bien encore s’élevant en longues dunes. Le soleil, débarrassé maintenant des

brumes qui l’entouraient à son lever, réchauffait la brise, jetait sur la terre une lumière blanche, aveuglante, et

faisait flamboyer l’immense voûte du ciel.

Deux autres heures passèrent encore. Plus trace de végétation sur le sable durci, qui se fendait sous les pas du

dromadaire. On ne voyait plus le Jébel, et l’ombre, qui jusqu’alors les avait suivis, s’inclinait maintenant vers le nord

et courait sur la même ligne qu’eux ; cependant le voyageur ne paraissait pas songer à s’arrêter encore.

À midi, le dromadaire fit halte de son propre mouvement. Son maître se redressa, comme s’il s’éveillait, considéra

le soleil, puis scruta attentivement tous les points de l’horizon. Satisfait de son inspection, il croisa ses mains sur sa

poitrine, baissa la tête et se mit à prier silencieusement. Quand il eut terminé sa prière, il ordonna au dromadaire

de s’agenouiller, en poussant ce ikh, ikh guttural, déjà familier, sans doute, aux chameaux favoris de Job. Lentement

l’animal obéit. Le voyageur posa un pied sur son cou frêle ; un instant plus tard, il se trouvait debout sur le sable. »

Les derniers jours de Pompéi de Edward Bulwer-Lytton, 1834 « Chapitre 1

Les deux élégants de Pompéi

« Hé ! Diomède bonne rencontre ! Soupez-vous chez Glaucus cette nuit ? »

Ainsi parlait un jeune homme de petite taille vêtu d’une tunique aux plis lâches et efféminés dont l’ampleur

témoignait de sa noblesse non moins que de sa fatuité.

« Hélas ! non cher Claudius : il ne m’a pas invité, répondit Diomède, homme d’une stature avantageuse et d’un

âge déjà mûr. Par Pollux, c’est un mauvais tour qu’il me joue. On dit que ses soupers sont les meilleurs de Pompéi.

– Assurément, quoiqu’il n’y ait jamais assez de vin pour moi. Ce n’est pas le vieux sang grec qui coule dans ses

veines, car il prétend que le vin lui rend la tête lourde le lendemain matin.

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– Il doit y avoir une autre raison à cette parcimonie, dit Diomède, en relevant les sourcils ; avec toutes ses

imaginations et toutes ses extravagances il n’est pas aussi riche, je suppose, qu’il affecte de l’être ; et peut-être

aime-t-il mieux épargner ses amphores que son esprit.

– Raison de plus pour souper chez lui pendant que les sesterces durent encore. L’année prochaine nous trouverons

un autre Glaucus.

– J’ai oui dire qu’il était aussi fort ami des dés.

– Ami de tous les plaisirs ; et puisqu’il se plaît à donner des soupers, nous sommes tous de ses amis.

– Ah ! ah ! Claudius voilà qui est bien dit. Avez-vous jamais vu mes celliers par hasard ?

– Je ne le pense pas, mon bon Diomède.

– Alors vous souperez avec moi quelque soir. J’ai des muraenae d’une certaine valeur dans mon réservoir et je

prierai l’édile Pansa de se joindre à vous.

– Oh ! pas de cérémonie avec moi : Persicos odi apparatus ; je me contente de peu. Mais le jour décline ; je vais

aux bains et vous ?

– Je vais chez le questeur pour affaire d’État ensuite au temple d’Isis. Vale.

– Fastueux impertinent mal élevé, murmura Claudius en voyant son compagnon s’éloigner et en se promenant à

pas lents. Il croit, en parlant de ses fêtes et de ses celliers, nous empêcher de nous souvenir qu’il est le fils d’un

affranchi ; et nous l’oublierons, en effet, lorsque nous lui ferons l’honneur de lui gagner son argent au jeu : ces

riches plébéiens sont une moisson pour nous autres nobles dépensiers. »

En s’entretenant ainsi avec lui-même, Claudius arriva à la voie Domitienne, qui était encombrée de passants et de

chars de toute espèce et qui déployait cette exubérance de vie et de mouvement qu’on rencontre encore de nos

jours dans les rues de Naples.

Les clochettes des chars, à mesure qu’ils se croisaient avec rapidité, sonnaient joyeusement aux oreilles de

Claudius, dont les sourires et les signes de tête manifestaient une intime connaissance avec les équipages les plus

élégants et les plus singuliers : dans le fait aucun oisif n’était plus connu à Pompéi.

« C’est vous, Claudius ! Comment avez-vous dormi sur votre bonne fortune ? » cria d’une voix plaisante et bien

timbrée un jeune homme qui roulait dans un char bizarrement et splendidement orné : on voyait sculptés en relief

sur la surface de bronze, avec l’art toujours exquis de la Grèce, les jeux olympiques ; les deux chevaux qui traînaient

le char étaient de race parthe et de la plus rare ; leur forme délicate semblait dédaigner la terre et aspirer à fendre

l’air ; et cependant à la plus légère impulsion du guide, qui se tenait derrière le jeune maître de l’équipage, ils

s’arrêtaient immobiles comme s’ils étaient subitement transformés en pierre sans vie mais ayant l’apparence de

la vie semblables aux merveilles de Praxitèle qui paraissaient respirer. Leur maître lui-même possédait ces belles

et gracieuses lignes dont la symétrie servait de modèle aux sculpteurs d’Athènes ; son origine grecque se révélait

dans ses cheveux dorés et retombant en boucles, ainsi que dans la parfaite harmonie de ses traits. Il ne portait pas

la toge qui du temps des empereurs avait cessé d’être le signe distinctif des Romains et que ceux, qui affichaient

des prétentions à la mode, regardaient comme ridicule ; mais sa tunique resplendissait des plus riches couleurs de

la pourpre de Tyr et les fibule, les agrafes, au moyen desquelles elle était soutenue, étincelaient d’émeraudes. Son

cou était entouré d’une chaîne d’or qui descendait en se tordant sur la poitrine et présentait une tête de serpent ;

de la bouche de ce serpent sortait un anneau en forme de cachet du travail le plus achevé ; les manches de sa

tunique étaient larges et garnies aux poignets de franges d’or. Une ceinture brodée de dessins arabes et de même

matière que les franges ceignait sa taille et lui servait en guise de poches à retenir son mouchoir, sa bourse, son

style et ses tablettes.

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« Mon cher Glaucus, dit Claudius, je me réjouis de voir que votre perte au jeu n’a rien changé à votre façon d’être.

En vérité vous avez l’air d’être inspiré par Apollon ; votre figure est rayonnante de bonheur : on vous prendrait

pour le gagnant et moi pour le perdant.

– Eh ! qu’y a-t-il donc dans le gain ou dans la perte de ces viles pièces de métal qui puisse altérer notre esprit, mon

cher Claudius ? Par Vénus, tant que jeunes encore, nous pouvons orner nos cheveux de guirlandes, tant que la

cithare réjouit nos oreilles avides de sons mélodieux tant que le sourire de Lydie ou de Chloé précipite dans nos

veines notre sang prompt à s’y répandre, nous serons heureux de vivre sous ce brillant soleil et le mauvais temps

lui-même deviendra le trésorier de nos joies. Vous savez que vous soupez avec moi cette nuit ?

– Qui a jamais oublié une invitation de Glaucus ? – Mais où allez-vous maintenant ?

– Moi ? J’avais le projet de visiter les bains mais j’ai encore une heure devant moi.

– Alors, je vais renvoyer mon char et marcher avec vous. Là, là, mon Phylias, ajouta-t-il tandis que sa main caressait

le cheval à côté duquel il descendait et qui, hennissant doucement et baissant les oreilles, reconnaissait

joyeusement cette courtoisie ; mon Phylias c’est un jour de fête pour toi ! N’est-ce pas un beau cheval, ami

Claudius ?

– Digne de Phébus, répliqua le noble parasite, ou digne de Glaucus. »

Pour aller plus loin

Sur Alix : J. Martin, T. Groensteen, Avec Alix, Casterman, 1984 (réédition avec mises à jour en 2002), L’Histoire Hors-Série, Les mondes d’Alix, Février-Mars 2018. Sur la Gaule : L’Histoire n°439, septembre 2017, Les Gaulois, une civilisation majeure. Pour une approche générale de la Gaule, les ouvrages de Christian Goudineau ou de Jean-Louis Brunaux. De ce dernier, on pourra consulter avec profi t Les Gaulois, Guide Belles Lettres des civilisations, 2018 (dernière édition) ou L’enquête Gauloise, (dessins de Nicoby), La Revue dessinée, 2017. Parmi les musées, le Musée d’Archéologie nationale, place Charles-de-Gaulle, 78100 Saint-Germain-en-Laye. https://musee-archeologienationale.fr/

Sur la bande dessinée : Benoît Peeters, Lire la bande dessinée, Champs Arts, Flammarion, 2010 ; Thierry Groensteen, La bande dessinée, Les Essentiels Milan Jean-Benoît Durand, BD mode d’emploi, castor Doc Flammarion

Revue Dada n°162, La Bande dessinée : un 9e art, Cité internationale de la bande

dessinée et de l’image, février 2011.

Un dossier, sur une thématique différente d’Alix, mais donnant de nombreux conseils sur l’utilisation de la BD en classe au cycle 3 : https://www.sne.fr/document/la-bd-en-classe-dossier-enseignant/

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INFORMATIONS PRATIQUES

Visiter l’exposition

Du 19 février au 19 avril 2020

Espace Richaud – 78 boulevard de la Reine – 78 000 Versailles

Horaires : mercredi au dimanche, de 12h à 19h (dernier accès à 18h30)

Tarif : 5 euros / Entrée libre pour les moins de 26 ans

Accessible aux personnes à mobilité réduite

Transports

RER C Versailles Château Rive-Gauche (direct depuis Paris)

SNCF Versailles Rive Droite (départ Paris Saint-Lazare)

SNCF Versailles Chantiers (départ Paris Montparnasse)

Autobus 171 Versailles Place d’armes (direct depuis Pont de Sèvres)

Autoroute A13 sortie « Versailles Centre »

Autour de l’exposition

Atelier en famille (enfants de 6-11 ans) : jeudis 20 février et 9 avril (vacances scolaires zone C),

de 10h à 12h - La présence d’au moins un accompagnant (parent ou autre) est obligatoire

Stage d’initiation à la BD pour les 12-17 ans : lundi 6 et mardi 7 avril (vacances scolaires zone

C), de 10h à 12h

Réservation par mail : [email protected]

Tarif : 8€ par enfant et par date. Nombre de places limité.

Sur place : librairie éphémère " Le Comptoir de la BD "

Dimanche 23 février 2020 15h et 17h : découverte du travail des scénaristes et dessinateurs,

héritiers de Jacques Martin : Rencontre et dédicace

Mathieu Breda (scénariste) et Marc Jailloux (dessin) aux commandes notamment du dernier

opus d’Alix chez les Helvètes (sorti en fin d’année 2019) seront à l’Espace Richaud pour deux

sessions de dédicaces exceptionnelles !

Toutefois le nombre de dédicaces étant limité, merci de bien vouloir prendre connaissance des

conditions d’accès.