Alge Bre Chap 11

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11 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes On se limite pour ce chapitre à l’étude des formes bilinéaires et quadratiques définies sur un espace vectoriel réel ou complexe. On désigne pour ce chapitre par E un espace vectoriel réel ou complexe de dimension finie ou non. On notera K le corps de réels ou des complexes, en précisant quand cela sera nécessaire s’il s’agit de R ou C. Par scalaire on entend réel ou complexe. L’étude des formes quadratiques sur un corps quelconque de caractéristique différente de 2 sera reprise plus loin. 11.1 Formes linéaires On rappelle la définition suivante déjà donnée au paragraphe 8.4. Définition 11.1 Une forme linéaire sur E est une application linéaire de E dans K. Exemple 11.1 Si E est un espace vectoriel de dimension n et B =(e j ) 1j n une base de E, alors la j -ième projection : p j : x = n X i=1 x i e i 7x j j est un entier compris entre 1 et n, est une forme linéaire sur E. Exemple 11.2 Si E est un espace vectoriel de dimension n, B =(e j ) 1j n une base de E et α 1 2 , ··· n des scalaires, alors l’application : : x = n X i=1 x i e i 7α 1 x 1 + α 2 x 2 + ··· + α n x n est une forme linéaire sur E. En fait toutes les formes linéaires sur E de dimension n sont de la forme précédente. En effet, tout vecteur x de E s’écrit x = n j =1 x j e j et pour tout forme linéaire sur E, on a : (x)= ˆ n X j =1 x j e j ! = n X j =1 x j (e j )= n X j =1 α j x j 161

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11

Formes bilinéaires et quadratiques réellesou complexes

On se limite pour ce chapitre à l’étude des formes bilinéaires et quadratiques définies sur unespace vectoriel réel ou complexe.

On désigne pour ce chapitre par E un espace vectoriel réel ou complexe de dimension finieou non.

On notera K le corps de réels ou des complexes, en précisant quand cela sera nécessaire s’ils’agit de R ou C. Par scalaire on entend réel ou complexe.

L’étude des formes quadratiques sur un corps quelconque de caractéristique différente de 2sera reprise plus loin.

11.1 Formes linéairesOn rappelle la définition suivante déjà donnée au paragraphe 8.4.

Définition 11.1 Une forme linéaire sur E est une application linéaire de E dans K.

Exemple 11.1 Si E est un espace vectoriel de dimension n et B = (ej)1≤j≤n une base de E,alors la j-ième projection :

pj : x =n∑

i=1

xiei 7→ xj

où j est un entier compris entre 1 et n, est une forme linéaire sur E.

Exemple 11.2 Si E est un espace vectoriel de dimension n, B = (ej)1≤j≤n une base de E etα1, α2, · · · , αn des scalaires, alors l’application :

` : x =n∑

i=1

xiei 7→ α1x1 + α2x2 + · · ·+ αnxn

est une forme linéaire sur E.

En fait toutes les formes linéaires sur E de dimension n sont de la forme précédente. En

effet, tout vecteur x de E s’écrit x =n∑

j=1

xjej et pour tout forme linéaire ` sur E, on a :

` (x) = `

(n∑

j=1

xjej

)=

n∑j=1

xj` (ej) =n∑

j=1

αjxj

161

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162 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

en notant αj = ` (ej) pour tout entier j compris entre 1 et n.La matrice ligne :

L = (α1, α2, · · · , αn) = (` (e1) , ` (e2) , · · · , ` (en))

est tout simplement la matrice de ` dans la base B = (ej)1≤j≤n de E et on a :

∀x ∈ E, ` (x) = L · x = (α1, α2, · · · , αn)

x1

x2...

xn

=

n∑j=1

αjxj.

Ce résultat peut aussi s’exprimer sous la forme :

∀x ∈ E, ` (x) =n∑

j=1

αjpj (x) =

(n∑

j=1

αjpj

)(x)

où pj désigne, pour j compris entre 1 et n, la projection x 7→ xj.On peut donc écrire, une base B de E étant donnée, toute forme linéaire ` sur E sous la

forme :

` =n∑

j=1

αjpj

où les αj ∈ K sont uniquement déterminés par αj = ` (ej) pour tout entier j compris entre 1et n.

Nous avons donc montré le résultat suivant.

Théorème 11.1 Si E est un espace vectoriel de dimension n et B = (ej)1≤j≤n une base de E,alors l’ensemble de toutes les formes linéaires sur E est un espace vectoriel de dimension n debase (p1, · · · , pn) .

On rappelle que si on dispose d’une base B d’un espace vectoriel E dire qu’une famille(v1, · · · , vp) d’éléments de E est libre (ou que ces éléments sont linéairement indépendants)équivaut à dire que les vecteurs colonnes X1, · · · , Xp formés des composantes de ces vecteursdans la base B sont linéairement indépendants dans Kn. On peut donc parler de formes linéaireslinéairement indépendantes.

On rappelle également que pour montrer que le système (X1, · · · , Xp) est libre dans Kn, ilsuffit d’extraire de la matrice (X1, · · · , Xp) un déterminant d’ordre p non nul (ce qui imposebien sur que p ≤ n).

Dire que le système (X1, · · · , Xp) est libre dans Kn équivaut aussi à dire que la matrice(X1, · · · , Xp) est de rang p. Comme une matrice et sa transposée ont même rang, il revient au

même de calculer le rang de la matrice transposée

tX1...

tXp

.

On retiendra que des formes linéaires `1, · · · , `p définies sur E, de base B = (ej)1≤j≤n , par :

∀x ∈ E, `i (x) =n∑

j=1

αi,jxj (1 ≤ i ≤ p)

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Formes linéaires 163

sont linéairement indépendantes si, et seulement si la matrice :

A =

L1...

Lp

=

α11 α12 · · · α1n

α21 α22 · · · α2n... . . . ...

αp1 αp2 · · · αpn

est de rang p (Li est la matrice de `i dans la base B de E), ce qui revient à dire qu’on peut enextraire un déterminant d’ordre p non nul.

Exercice 11.1 Montrer que les formes linéaires (`j)1≤j≤3 définies sur K5 par :

`1 (x) = x1 + x2 + x3 + x4 + x5

`2 (x) = 3x1 − 2x3 + 2x4 + x5

`3 (x) = 3x2 + x3 + 3x4

sont linéairement indépendantes.

Solution 11.1 Il s’agit de vérifier que la matrice :

A =

L1

L2

L3

=

1 1 1 1 13 0 −2 2 10 3 1 3 0

est de rang 3, ce qui résulte de :∣∣∣∣∣∣

1 1 13 0 −20 3 1

∣∣∣∣∣∣= 12 6= 0.

Remarque 11.1 La somme de deux formes linéaires sur E est une forme linéaire, mais engénéral le produit de deux formes linéaires sur E n’est pas une forme linéaire.

Exercice 11.2 Soient `1 et `2 deux formes linéaires sur E. Montrer que l’application `1`2 estune forme linéaire sur E si, et seulement si, l’une de ces deux formes est l’application nulle.

Solution 11.2 Il est clair que si l’une de ces deux formes est l’application nulle, alors `1`2 estune forme linéaire sur E.Réciproquement supposons que `1`2 soit linéaire. On a alors pour tout scalaire λ et tous vecteursx, y dans E :

`1 (x) `2 (x) + λ`1 (y) `2 (y) = (`1`2) (x) + λ (`1`2) (y)

= (`1`2) (x + λy) = `1 (x + λy) `2 (x + λy)

= (`1 (x) + λ`1 (y)) (`2 (x) + λ`2 (y))

= `1 (x) `2 (x) + λ (`1 (x) `2 (y) + `1 (y) `2 (x)) + λ2`1 (y) `2 (y)

et le polynôme :

`1 (y) `2 (y) λ2 + (`1 (x) `2 (y) + `1 (y) `2 (x)− `1 (y) `2 (y)) λ

est identiquement nul, ce qui équivaut à :

`1 (y) `2 (y) = 0 et `1 (x) `2 (y) + `1 (y) `2 (x)− `1 (y) `2 (y) = 0

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164 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

ou encore à :`1 (y) `2 (y) = 0 et `1 (x) `2 (y) + `1 (y) `2 (x) = 0

pour tous x, y dans E.Si `1 6= 0, il existe alors y ∈ E tel que `1 (y) 6= 0, donc `2 (y) = 0 et `1 (y) `2 (x) = 0 pour toutx ∈ E, ce qui équivaut à `2 = 0.

Exercice 11.3 Déterminer le noyau de la forme linéaire définie sur l’espace K3 par :

` : v =

xyz

7→ x− y

Solution 11.3 Ce noyau est :

ker (`) ={v ∈ K3 | x = y

}

=

v =

xxz

= xv1 + zv2 | (x, y) ∈ K2

où on a noté v1 =

110

et v2 =

001

. Les vecteurs v1 et v2 étant linéairement indépendants,

ce noyau est le plan vectoriel engendré par v1 et v2.

De manière plus générale, on donne la définition suivante.

Définition 11.2 On appelle hyperplan de E, le noyau d’une forme linéaire non nulle sur E.

Sur E, de base B = (ej)1≤j≤n , un hyperplan et donc l’ensemble des vecteurs x =n∑

j=1

xjej

tels que :α1x1 + α2x2 + · · ·+ αnxn = 0

où les scalaires αj ne sont pas tous nuls.De plus une forme linéaire non nulle ` étant surjective (exercice 8.8), le théorème du rang

nous dit que, pour pour E de dimension n, on a :

dim (ker (`)) = n− 1.

Réciproquement si H est un sous-espace de dimension n−1 dans E de dimension n, il admetune base (ei)1≤i≤n−1 qui peut se compléter en une base (ei)1≤i≤n de E et H est le noyau de lan-ième projection :

pn : x =n∑

j=1

xjej 7→ xn.

Nous avons donc montré le résultat suivant.

Théorème 11.2 Sur un espace vectoriel E de dimension n un hyperplan est un sous-espacede E de dimension n− 1.

Les supplémentaires d’un hyperplan dans E de dimension finie sont donc des droites. En faitce résultat est général.

Page 5: Alge Bre Chap 11

Formes bilinéaires 165

Théorème 11.3 Si H est un hyperplan d’un espace vectoriel E, il existe alors une droite Dtelle que E = H ⊕D.

Démonstration. On a H = ker (`) où ` est une forme linéaire non nulle sur E. Il existedonc un vecteur non nul a dans E tel que ` (a) = 0. En désignant par D = Ka la droite dirigéepar a, on a alors E = H ⊕ D. En effet, si x ∈ H ∩ D, il existe un scalaire λ tel que x = λaet ` (x) = λ` (a) = 0 nous donne λ = 0. On a donc H ∩ D = {0} . De plus pour tout vecteur

x ∈ E, le vecteur y = x − ` (x)

` (a)a est dans H = ker (`) et avec x = y +

` (x)

` (a)a, on déduit que

x ∈ H + D. On a donc E = H + D et E = H ⊕D.Réciproquement un sous-espace vectoriel H de E supplémentaire d’une droite D est le noyau

de la forme linéaire ` qui associe à tout vecteur x de E sa projection sur D, c’est donc unhyperplan.

On a donc le résultat suivant.

Théorème 11.4 Un hyperplan de E est un sous-espace de E supplémentaire d’une droite.

11.2 Formes bilinéairesDéfinition 11.3 Une forme bilinéaire sur E est une application :

ϕ : E × E → K(x, y) 7→ ϕ (x, y)

telle que pour tout x dans E l’application y 7→ ϕ (x, y) est linéaire et pour tout y dans El’application x 7→ ϕ (x, y) est linéaire.

Définition 11.4 On dit qu’une forme bilinéaire ϕ sur E est symétrique si ϕ (y, x) = ϕ (x, y)pour tous x, y dans E.

Définition 11.5 On dit qu’une forme bilinéaire ϕ sur E est anti-symétrique (ou alternée) siϕ (y, x) = −ϕ (x, y) pour tous x, y dans E.

Remarque 11.2 Une application symétrique ϕ de E2 dans K est bilinéaire si, et seulementsi, l’une des deux applications y 7→ ϕ (x, y) (pour tout x dans E) ou x 7→ ϕ (x, y) (pour tout ydans E) est linéaire.

Exemple 11.3 Si `1 et `2 sont deux formes linéaires sur E, alors l’application :

(x, y) 7→ `1 (x) `2 (y)

est une forme bilinéaire sur E.

Exemple 11.4 Si E est l’espace C0 ([a, b] ,R) des fonctions continues de [a, b] dans R, alorsl’application :

ϕ : (f, g) 7→∫ b

a

f (t) g (t) dt

est une forme bilinéaire.

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166 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

Exemple 11.5 Si `1, · · · , `p sont des formes linéaires sur E et (αij)1≤i,j≤p une famille descalaires, alors l’application :

(x, y) 7→∑

1≤i,j≤p

αij`i (x) `j (y)

est une forme bilinéaire.

Nous verrons un peu plus loin que, sur un espace de dimension n, toutes les formes bilinéairessont de la forme précédente.

On notera Bil (E) l’ensemble de toutes les formes bilinéaires sur E.On vérifie facilement que Bil (E) est un espace vectoriel.

Exercice 11.4 Montrer que toute forme bilinéaire ϕ sur E s’écrit de manière unique commesomme d’une forme bilinéaire symétrique et d’une forme bilinéaire alternée.

Solution 11.4 Soit ϕ une forme bilinéaire sur E. Les applications ϕ1 et ϕ2 définies sur E2

par : {ϕ1 (x, y) = 1

2(ϕ (x, y) + ϕ (y, x))

ϕ2 (x, y) = 12(ϕ (x, y)− ϕ (y, x))

sont bilinéaires, la forme ϕ1 étant symétrique et ϕ2 étant alternée. Et on a bien ϕ = ϕ1 + ϕ2.Réciproquement si ϕ = ϕ1 + ϕ2 avec ϕ1 bilinéaire symétrique et ϕ2 bilinéaire alternée, on aalors : {

ϕ (x, y) = ϕ1 (x, y) + ϕ2 (x, y)ϕ (y, x) = ϕ1 (y, x) + ϕ2 (y, x) = ϕ1 (x, y)− ϕ2 (x, y)

et ϕ (x, y) + ϕ (y, x) = 2ϕ1 (x, y) , ϕ (x, y)−ϕ (y, x) = ϕ2 (x, y) , ce qui prouve l’unicité de ϕ1 etϕ2.

En désignant par Bil s (E) [resp. Bila (E)] le sous-ensemble de Bil (E) constitué des formesbilinéaires symétriques [resp. alternées] sur E, on vérifie facilement que Bil s (E) et Bila (E) sontdes sous-espaces vectoriels de Bil (E) et l’exercice précédant nous dit que Bil (E) est sommedirecte de Bil s (E) et Bila (E) , soit :

Bil (E) = Bil s (E)⊕ Bila (E)

11.3 Expression matricielle des formes bilinéaires (en di-mension finie)

Comme pour les applications linéaires, les matrices nous serviront à décrire une forme bili-néaire dans le cas des espaces de dimension finie.

Pour ce paragraphe E est un espace vectoriel de dimension n et on désigne par B = (ei)1≤i≤n

une base de E.

Tout vecteur x ∈ E s’écrit de manière unique sous la forme x =n∑

j=1

xjej. On associe à un tel

x le vecteur colonne X =

x1

x2...

xn

de Kn.

Page 7: Alge Bre Chap 11

Expression matricielle des formes bilinéaires (en dimension finie) 167

Plaçons nous tout d’abord sur E = R2 (ou C2) muni de sa base canonique (e1, e2) . Si ϕ estune forme bilinéaire sur E, on a alors pour tous vecteurs x = x1e1 + x2e2 et y = y1e1 + y2e2

dans E :

ϕ (x, y) = ϕ (x1e1 + x2e2, y)

= x1ϕ (e1, y) + x2ϕ (e2, y)

= x1ϕ (e1, y1e1 + y2e2) + x2ϕ (e2, y1e1 + y2e2)

= x1 (y1ϕ (e1, e1) + y2ϕ (e1, e2)) + x2 (y1ϕ (e2, e1) + y2ϕ (e2, e2))

En désignant par A la matrice :

A =

(ϕ (e1, e1) ϕ (e1, e2)ϕ (e2, e1) ϕ (e2, e2)

)

on remarque que :

AY =

(ϕ (e1, e1) ϕ (e1, e2)ϕ (e2, e1) ϕ (e2, e2)

) (y1

y2

)

=

(y1ϕ (e1, e1) + y2ϕ (e1, e2)y1ϕ (e2, e1) + y2ϕ (e2, e2)

)

et :

tX (AY ) = (x1, x2)

(y1ϕ (e1, e1) + y2ϕ (e1, e2)y1ϕ (e2, e1) + y2ϕ (e2, e2)

)

= ϕ (x, y) .

Le produit des matrices étant associatif, cela s’écrit :

ϕ (x, y) = tXAY

Le cas d’une forme bilinéaire sur un espace de dimension n se traite de manière analogue.

Définition 11.6 La matrice d’une forme bilinéaire ϕ dans la base B = (ei)1≤i≤n de E est lamatrice carrée d’ordre n :

A = ((ϕ (ei, ej)))1≤i,j≤n .

Théorème 11.5 Soit ϕ une forme bilinéaire sur E et A la matrice de ϕ dans la base B. Pourtous vecteurs x, y dans E, on a :

ϕ (x, y) = tXAY

Démonstration. En utilisant la bilinéarité de ϕ, on a :

ϕ (x, y) = ϕ

(n∑

i=1

xiei, y

)=

n∑i=1

xiϕ (ei, y)

=n∑

i=1

xiϕ

(ei,

n∑j=1

yjej

)=

n∑i=1

xi

n∑j=1

yjϕ (ei, ej)

et avec :

AY =

(n∑

j=1

yjϕ (ei, ej)

)

1≤i≤n

Page 8: Alge Bre Chap 11

168 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

tXAY = tX (AY ) =n∑

i=1

xi

n∑j=1

yjϕ (ei, ej)

on a le résultat annoncé.On retiendra que l’expression d’une forme bilinéaire ϕ dans une base est :

ϕ (x, y) = tXAY =n∑

i=1

xi

n∑j=1

aijyj =∑

1≤i,j≤n

aijxiyj

où on a posé aij = ϕ (ei, ej) pour i, j compris entre 1 et n.Réciproquement une telle fonction sur E2 définit bien une forme bilinéaire sur E.Ce résultat peut aussi s’exprimer comme suit.

Théorème 11.6 Une application ϕ de E × E dans K est une forme bilinéaire sur E si, etseulement si, et seulement si, il existe une matrice A = ((aij))1≤i,j≤n dans Mn (K) et desformes linéaires `1, · · · , `n linéairement indépendantes telles que :

∀ (x, y) ∈ E × E, ϕ (x, y) =∑

1≤i,j≤n

aij`i (x) `j (x) .

Démonstration. Si ϕ est bilinéaire, on a dans une base B = (ei)1≤i≤n de E, pour tous x, ydans E :

ϕ (x, y) =∑

1≤i,j≤n

aijxiyj =∑

1≤i,j≤n

aij`i (x) `j (x)

où (`i)1≤i≤n est la base duale de B.Et la réciproque est claire.L’application qui associe à une forme bilinéaire ϕ sur un espace vectoriel E de dimension n

sa matrice dans une base donnée de E réalise un isomorphisme de Bil (E) sur l’espace Mn (K)des matrices carrées d’ordre n. Cet espace étant de dimension n2, on en déduit que :

dimK (Bil (E)) = n2.

Théorème 11.7 Une forme bilinéaire ϕ sur E est symétrique [resp. alternée] si, et seulementsi, sa matrice A dans une quelconque base B de E est symétrique [resp. alternée].

Démonstration. Si ϕ est symétrique [resp. alternée], on a en particulier ϕ (ei, ej) = ϕ (ej, ei)[resp. ϕ (ei, ej) = −ϕ (ej, ei)] pour tous i, j compris entre 1 et n, ce qui signifie que la matriceA de ϕ dans B est symétrique [resp. alternée].

Réciproquement si cette matrice est symétrique [resp. alternée], on a alors pour tous x, ydans E :

ϕ (y, x) = tY AX = t(

tY AX)

= tX tAY = tXAY = ϕ (x, y)

resp. ϕ (y, x) = tY AX = t(

tY AX)

= tX tAY = − tXAY = −ϕ (x, y)

(le produit matriciel T = tY AX étant un scalaire, on a bien tT = T ).Le sous-espace Bil s (E) de Bil (E) formé des formes bilinéaires symétriques sur E est donc

isomorphe au sous-espace de Mn (K) formé des matrices symétriques, cet espace étant de

dimensionn (n + 1)

2, il en résulte que :

dim (Bil s (E)) =n (n + 1)

2.

Avec Bil (E) = Bil s (E)⊕ Bila (E) , on déduit que :

dim (Bila (E)) = n2 − n (n + 1)

2=

n (n− 1)

2

Page 9: Alge Bre Chap 11

Expression matricielle des formes bilinéaires (en dimension finie) 169

Exercice 11.5 Montrer que chacune des applications ϕ qui suivent est bilinéaire et calculer samatrice dans la base canonique de Rn.

1. n = 2, ϕ (x, y) = x1y1 − 2x2y2.

2. n = 3, ϕ (x, y) = x1y1 − x1y2 − x2y2 − 2x2y3 − x3y1 − 2x3y3.

3. n = 3, ϕ (x, y) = 2x1y1 − 3x2y2 − x3y3.

Solution 11.5 La bilinéarité de chacune de ces applications est évidente. Les matrices respec-tives dans les bases canoniques sont :

A1 =

(1 00 −2

), A2 =

1 −1 00 −1 −2−1 0 −2

, A3 =

2 0 00 −3 00 0 −1

La première et la troisième sont symétriques, mais pas la deuxième.

Exercice 11.6 Soit A =

1 2 32 3 43 4 5

. Déterminer la forme bilinéaire ϕ sur R3 de matrice A

dans la base canonique.

Solution 11.6 On a :

ϕ (x, y) = tXAY =(

x1 x2 x3

)

1 2 32 3 43 4 5

y1

y2

y3

= x1 (y1 + 2y2 + 3y3) + x2 (2y1 + 3y2 + 4y3) + x3 (3y1 + 4y2 + 5y3)

Exercice 11.7 Déterminer dans la base canonique B = (e1, e2, e3) de R3 la matrice de la forme

bilinéaire symétrique ϕ telle que pour v1 =

121

, v2 =

−120

, v3 =

101

, on ait :

ϕ (v1, v1) = 5, ϕ (v1, v2) = 0, ϕ (v1, v3) = −1,

ϕ (v2, v2) = 1, ϕ (v2, v3) = 4, ϕ (v3, v3) = 0.

Solution 11.7 Comme :

det (v1, v2, v3) =

∣∣∣∣∣∣

1 −1 12 2 01 0 1

∣∣∣∣∣∣= 2 6= 0

B′ = (v1, v2, v3) est une base de R3.En désignant, pour tous vecteurs x, y dans R3, par

(x′j

)1≤j≤3

et(y′j

)1≤j≤3

les coordonnées deces vecteurs dans la base B′, on a (en supposant que ϕ existe) :

ϕ (x, y) = ϕ (x′1v1 + x′2v2 + x′3v3, y′1v1 + y′2v2 + y′3v3)

= x′1y′1ϕ (v1, v1) + x′2y

′2ϕ (v2, v2) + x′3y

′3ϕ (v3, v3)

+ (x′1y′2 + x′2y

′1) ϕ (v1, v2) + (x′1y

′3 + x′3y

′1) ϕ (v1, v3)

+ (x′2y′3 + x′3y

′2) ϕ (v2, v3)

= 5x′1y′1 + x′2y

′2 − (x′1y

′3 + x′3y

′1) + 4 (x′2y

′3 + x′3y

′2)

Page 10: Alge Bre Chap 11

170 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

Par ailleurs, avec :

v1 = e1 + 2e2 + e3

v2 = −e1 + 2e2

v3 = e1 + e3

on déduit que :

e1 = v1 − v2 − v3

e2 = 12(v1 − v3)

e3 = −v1 + v2 + 2v3

et :

ϕ (e1, e1) = 16, ϕ (e2, e2) =7

4, ϕ (e3, e3) = 26,

ϕ (e1, e2) =11

2, ϕ (e1, e3) = −21, ϕ (e2, e3) = −6

ce qui permet de définir ϕ dans la base canonique et montre l’unicité d’une telle forme.Réciproquement, on vérifie que cette application bilinéaire convient.

L’exercice précédent peut se résoudre de façon plus efficace en utilisant la formule de chan-gement de base donnée par le résultat qui suit.

Théorème 11.8 Soient B1 et B2 deux bases de E et P la matrice de passage de B1 à B2. Si A1

et A2 sont les matrices d’une forme bilinéaire ϕ sur E dans les bases B1 et B2 respectivement,on a alors :

A2 = tPA1P.

Démonstration. Pour x ∈ E, on note respectivement X1 et X2 les vecteurs colonnes formésdes composantes de x dans les bases B1 et B2 respectivement. Pour tous vecteurs x, y dans E,on a alors :

ϕ (x, y) = tX1A1Y1 = t (PX2) A1 (PY2)

= tX2

(tPA1P

)Y2

ce qui signifie exactement que A2 = tPA1P du fait de l’unicité de la matrice de ϕ dans la baseB2.

Exercice 11.8 Reprendre l’exercice 11.7 en utilisant le théorème précédent.

Solution 11.8 La matrice de passage de B à B′ est :

P =

1 −1 12 2 01 0 1

et la matrice de ϕ dans B′ :

A′ =

ϕ (v1, v1) ϕ (v1, v2) ϕ (v1, v3)ϕ (v1, v2) ϕ (v2, v2) ϕ (v2, v3)ϕ (v1, v3) ϕ (v2, v3) ϕ (v3, v3)

=

5 0 −10 1 4−1 4 0

Il en résulte que la matrice de ϕ dans B est :

A = tP−1A′P−1

Page 11: Alge Bre Chap 11

Expression matricielle des formes bilinéaires (en dimension finie) 171

avec :

P−1 =

1 12

−1−1 0 1−1 −1

22

ce qui donne :

A =

1 −1 −112

0 −12

−1 1 2

5 0 −10 1 4−1 4 0

1 12

−1−1 0 1−1 −1

22

=

16 112

−21112

74

−6−21 −6 26

.

Définition 11.7 Le discriminant dans une base B = (ei)1≤i≤n de E d’une forme bilinéaireϕ est le déterminant de la matrice A = ((ϕ (ei, ej)))1≤i,j≤n de ϕ dans cette base. On le note∆B (ϕ) .

En utilisant le théorème 11.8, on déduit que si B1 et B2 sont deux bases de E et P la matricede passage de B1 à B2, on a alors pour toute forme bilinéaire ϕ sur E :

∆B2 (ϕ) = (det (P ))2 ∆B1 (ϕ)

Exercice 11.9 Soient E, F deux espaces vectoriels, u une application linéaire de E dans F etϕ une forme bilinéaire sur F.

1. Montrer que l’application ψ définie sur E2 par :

∀ (x, y) ∈ E2, ψ (x, y) = ϕ (u (x) , u (y))

est bilinéaire.2. En supposant E et F de dimension finie et en désignant par B1 une base de E, B2 une

base de F, A la matrice de u dans les bases B1 et B2 et par B la matrice de ϕ dans labase B2, déterminer la matrice de ψ dans la base B1.

3. On suppose ici que E est de dimension n ≥ 1 et que ϕ est une forme bilinéaire sur E.On appelle matrice de Gram d’une famille (xi)1≤i≤n de vecteurs de E, la matrice :

G (x1, · · · , xn) = ((ϕ (xi, xj)))1≤i,j≤n

et le déterminant de cette matrice, noté g (x1, · · · , xn) , est appelé déterminant de Gramde la famille (xi)1≤i≤n .

(a) En désignant par B = (ei)1≤i≤n une base de E, montrer que :

g (x1, · · · , xn) = (detB (x1, · · · , xn))2 ∆B (ϕ)

(b) Montrer que pour tout endomorphisme u de E, on a :

g (u (x1) , · · · , u (xn)) = (det (u))2 g (x1, · · · , xn)

Solution 11.9

Page 12: Alge Bre Chap 11

172 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

1. Pour x [resp. y] fixé dans E, l’application y 7→ ϕ (u (x) , u (y)) [resp. x 7→ ϕ (u (x) , u (y))]est linéaire comme composée de deux applications linéaires. L’application ψ est donc bili-néaire sur E.

2. On note, pour tout vecteur x de E, X le vecteur colonne formé des composantes de xdans la base B1. Pour x, y dans E, on a :

ϕ (u (x) , u (y)) = t (AX) B (AY ) = tX(

tABA)Y

et en conséquence tABA est la matrice de ψ dans la base B1.

3.

(a) Soient u ∈ L (E) défini par u (ei) = xi pour tout i compris entre 1 et n et ψ la formebilinéaire définie sur E2 par :

∀ (x, y) ∈ E2, ψ (x, y) = ϕ (u (x) , u (y))

On a :

∆B (ψ) = det(((ψ (ei, ej)))1≤i,j≤n

)

= det(((ϕ (u (ei) , u (ej))))1≤i,j≤n

)

= det(((ϕ (xi, xj)))1≤i,j≤n

)

= g (x1, · · · , xn)

et avec la question 2. on a aussi :

∆B (ψ) = det(

tABA)

= (det (A))2 det (B)

= (detB (x1, · · · , xn))2 ∆B (ϕ)

(b) On a :g (u (x1) , · · · , u (xn)) = (detB (u (x1) , · · · , u (xn)))2 ∆B (ϕ)

avec :detB (u (x1) , · · · , u (xn)) = det (u) detB (x1, · · · , xn)

ce qui donne :

g (u (x1) , · · · , u (xn)) = (det (u))2 (detB (x1, · · · , xn))2 ∆B (ϕ)

= (det (u))2 g (x1, · · · , xn)

11.4 Formes quadratiquesDéfinition 11.8 On appelle forme quadratique sur E une application q définie de E dans Kpar :

∀x ∈ E, q (x) = ϕ (x, x)

où ϕ est une forme bilinéaire.

Remarque 11.3 Il est facile de vérifier que l’ensemble Q (E) des formes quadratiques sur Eest un espace vectoriel.

Page 13: Alge Bre Chap 11

Formes quadratiques 173

Remarque 11.4 A priori, il n’y a pas unicité des formes bilinéaires associées à une formequadratique. Par exemple sur R2, les formes bilinéaires ϕ et ψ définies par :

{ϕ (x, y) = x1y1 + x2y2

ψ (x, y) = x1y1 + x1y2 − x2y1 + x2y2

définissent la même forme quadratique :

q (x) = ϕ (x, x) = x21 + x2

2

= ψ (x, x) = x21 + x1x2 − x2x1 + x2

2

L’unicité de ϕ est assurée par le résultat suivant.

Théorème 11.9 Si q est une forme quadratique sur E, il existe alors une unique forme bili-néaire symétrique ϕ telle que q (x) = ϕ (x, x) pour tout x ∈ E.

Démonstration. La forme quadratique q est définie par q (x) = ϕ0 (x, x) pour tout x ∈ E,où ϕ0 est une forme bilinéaire sur E. L’application ϕ définie sur E × E par :

ϕ (x, y) =1

2(ϕ0 (x, y) + ϕ0 (y, x))

est bilinéaire et symétrique avec ϕ (x, x) = q (x) pour tout x ∈ E, ce qui prouve l’existence deϕ.

Comme ϕ est bilinéaire et symétrique, on a pour x, y dans E :

q (x + y) = ϕ (x + y, x + y) = ϕ (x, x) + 2ϕ (x, y) + ϕ (y, y)

= q (x) + 2ϕ (x, y) + q (y)

de sorte que :

ϕ (x, y) =1

2(q (x + y)− q (x)− q (y))

ce qui prouve l’unicité de ϕ.

Définition 11.9 Avec les notations du théorème qui précède, on dit que ϕ est la forme polairede la forme quadratique q.

On retiendra l’expression de cette forme polaire :

∀ (x, y) ∈ E2, ϕ (x, y) =1

2(q (x + y)− q (x)− q (y))

En écrivant que : {q (x + y) = q (x) + 2ϕ (x, y) + q (y)q (x− y) = q (x)− 2ϕ (x, y) + q (y)

on déduit que cette forme polaire est aussi définie par :

∀ (x, y) ∈ E2, ϕ (x, y) =1

4(q (x + y)− q (x− y))

On notera aussi que pour tout scalaire λ et tout vecteur x, on a :

q (λx) = ϕ (λx, λx) = λ2ϕ (x, x) = λ2q (x)

ce qui se traduit en disant que q est une fonction homogène de degré 2.

Page 14: Alge Bre Chap 11

174 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

Remarque 11.5 L’application qui associe à une forme quadratique q sa forme polaire ϕ réa-lise un isomorphisme d’espaces vectoriels de Q (E) sur l’espace Bil s (E) des formes bilinéaires

symétriques sur E. Pour E de dimension n, Q (E) est de dimensionn (n + 1)

2.

Remarque 11.6 De cet isomorphisme, on déduit aussi que deux formes bilinéaires symétriquesϕ1 et ϕ2 sur E sont égales si, et seulement si, ϕ1 (x, x) = ϕ2 (x, x) pour tout x ∈ E.

Dans le cas des espaces vectoriels de dimension finie on peut utiliser les matrices pour définirles formes quadratiques.

Définition 11.10 Soit E un espace vectoriel de dimension n et B une base de E. Si q est uneforme quadratique sur E de forme polaire ϕ, on dit alors que la matrice de ϕ dans la base Best la matrice de q dans cette base.

En reprenant les notations du paragraphe 11.3, une forme quadratique est définie sur E debase B par :

q (x) = ϕ (x, x) = tXAX =∑

1≤i,j≤n

aijxixj

et comme aij = aji, cela peut s’écrire :

q (x) =n∑

i=1

aiix2i + 2

∑1≤i<j≤n

aijxixj

Réciproquement une fonction q ainsi définie est une forme quadratique sur E de matriceA = ((aij))1≤i,j≤n dans la base B.

Le choix d’une base de E permet donc de réaliser un isomorphisme d’espaces vectoriels deQ (E) sur l’espace des polynômes homogènes de degré 2 à n variables.

Exercice 11.10 Déterminer la matrice et la forme polaire de la forme quadratique q définiedans la base canonique de K3 par :

q (x) = x21 + 3x2

2 + 5x23 + 4x1x2 + 6x1x3 + 2x2x3.

Solution 11.10 La matrice de q dans la base canonique est :

A =

1 2 32 3 13 1 5

et sa forme polaire est définie par :

ϕ (x, y) = tXAY =(

x1 x2 x3

)

1 2 32 3 13 1 5

y1

y2

y3

= x1y1 + 3x2y2 + 5x3y3 + 2 (x1y2 + x2y1) + 3 (x1y3 + y1x3) + x2y3 + x3y2

Exercice 11.11 Soient `1, `2 deux formes linéaires indépendantes sur E.

1. Montrer que l’application q définie sur E par :

∀x ∈ E, q (x) = `1 (x) `2 (x)

est une forme quadratique et déterminer sa forme polaire.

Page 15: Alge Bre Chap 11

Formes quadratiques 175

2. Montrer que q peut s’écrire comme différence de deux carrés de formes linéaires indépen-dantes.

3. On suppose que E = Kn. Donner la matrice de q dans la base canonique de E.

Solution 11.11

1. L’application ϕ définie sur E2 par :

∀x ∈ E2, ϕ (x, y) =1

2`1 (x) `2 (y) +

1

2`1 (y) `2 (x)

est bilinéaire symétrique et q (x) = ϕ (x, x) pour tout x ∈ E. Donc q est une formequadratique de forme polaire ϕ.

2. On a :q (x) =

1

4(`1 (x) + `2 (x))2 − 1

4(`1 (x)− `2 (x))2

les formes linéaires `′1 =1

2(`1 + `2) et `′2 =

1

2(`1 − `2) étant indépendantes puisque `1, `2

le sont. En effet si α`′1 + β`′2 = 0, on a alors (α + β) `1 + (α− β) `2 = 0, donc α + β =α− β = 0 et α = β = 0.

3. Pour E = Kn, notons dans la base canonique :

`1 (x) =n∑

j=1

αjxj

`2 (x) =n∑

j=1

βjxj

On a alors :

q (x) =

(n∑

j=1

αjxj

)(n∑

j=1

βjxj

)

=∑

1≤i,j≤n

αiβjxixj =n∑

i=1

αiβix2i +

∑1≤i<j≤n

(αiβj + αjβi) xixj

ce qui signifie que la matrice de q est :

A =1

2((αiβj + αjβi))1≤i,j≤n =

1

2

(tL1L2 + tL2L1

)

où L1 =(

α1 · · · αn

)et L2 =

(β1 · · · βn

)sont les matrices de `1, `2 dans la base

canonique de Kn.On peut aussi écrire, en remarquant que t (α) = (α) pour α réel ou complexe, que :

ϕ (x, y) =1

2(`1 (x) `2 (y) + `1 (y) `2 (x))

=1

2((L1X) (L2Y ) + (L1Y ) (L2X))

=1

2

(t (L1X) (L2Y ) + t (L2X) (L1Y )

)

=1

2

((tX tL1

)(L2Y ) +

(tX tL2

)(L1Y )

)

=1

2

(tX

(tL1L2 + tL2L1

)Y

)

Page 16: Alge Bre Chap 11

176 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

et la matrice A de ϕ, ou de q, est :

A =1

2

(tL1L2 + tL2L1

).

Ou encore revenir à la définition de la matrice A = ((aij))1≤i,j≤n de q dans la basecanonique (ei)1≤i≤n :

aij = ϕ (ei, ej) =1

2(`1 (ei) `2 (ej) + `1 (ej) `2 (ei))

=1

2(αiβj + αjβi)

Exercice 11.12 Soit L une matrice ligne à n colonnes. Montrer que la matrice A = tLLest une matrice carrée symétrique et que la forme quadratique q de matrice A dans la basecanonique de Kn est le carré d’une forme linéaire.

Solution 11.12 Si L =(

α1 α2 · · · αn

), on a alors :

A =

α1

α2...

αn

(α1 α2 · · · αn

)= ((αiαj))1≤i,j≤n

ce qui défini bien une matrice symétrique d’ordre n.La forme quadratique q de matrice A est alors définie par :

q (x) = tXAX = tX(

tLL)X = t (LX) (LX) = (LX)2

avec LX = ` (x) où ` est la forme linéaire de matrice L dans la base canonique de Kn. On adonc q = `2.

Exercice 11.13 Soient p un entier naturel non nul, `1, · · · , `p des formes linéaires sur E etλ1, · · · , λp des scalaires. Montrer que l’application q définie sur E par :

∀x ∈ E, q (x) =

p∑j=1

αj`2j (x)

est une forme quadratique et déterminer sa forme polaire.

Solution 11.13 L’application ϕ définie sur E2 par :

∀x ∈ E2, ϕ (x, y) =

p∑j=1

αj`j (x) `j (y)

est bilinéaire symétrique et q (x) = ϕ (x, x) pour tout x ∈ E.

Nous allons voir que sur un espace de dimension finie toute forme quadratique peut se mettresous la forme indiquée par l’exercice précédent.

L’utilisation des dérivées partielles peut être intéressante pour déterminer rapidement laforme polaire d’une forme quadratique sur Rn.

Page 17: Alge Bre Chap 11

Formes quadratiques 177

Exercice 11.14 Montrer que si q est une forme quadratique sur Rn, alors sa forme polaire ϕest donnée par :

ϕ (x, y) =1

2

n∑j=1

∂q

∂xj

(x) yj =1

2

n∑i=1

∂q

∂yi

(y) xi

Solution 11.14 En notant A = ((aij))1≤i,j≤n la matrice de q dans la base canonique, on a :

q (x) =n∑

i=1

aiix2i + 2

∑1≤i<j≤n

aijxixj =∑

1≤i,j≤n

aijxixj

et la forme polaire de q est définie par :

ϕ (x, y) =∑

1≤i,j≤n

aijxiyj.

Pour tout entier k compris entre 1 et n, on a alors :

∂q

∂xk

(x) =∂

∂xk

(n∑

i=1

xi

n∑j=1

aijxj

)=

n∑i=1

∂xk

(xi

n∑j=1

aijxj

)

=∂

∂xk

(xk

n∑j=1

akjxj

)+

n∑i=1i6=k

∂xk

(xi

n∑j=1

aijxj

)

=n∑

j=1

akjxj + xkakk +n∑

i=1i 6=k

xiaik =n∑

j=1

akjxj +n∑

i=1

aikxi

=n∑

j=1

ajkxj +n∑

i=1

akixi = 2n∑

i=1

aikxi

(les égalités akj = ajk sont justifiées par la symétrie de la matrice A). On en déduit alors que :

ϕ (x, y) =∑

1≤i,j≤n

aijxiyj =n∑

j=1

(n∑

i=1

aijxi

)yj

=1

2

n∑j=1

∂q

∂xj

(x) yj

Par symétrie, on a la deuxième formule.Par exemple, la forme polaire de la forme quadratique q définie dans la base canonique de R3

par :q (x) = x2

1 + 3x22 + 5x2

3 + 4x1x2 + 6x1x3 + 2x2x3.

est donnée par :

ϕ (x, y) =1

2((2x1 + 4x2 + 6x3) y1 + (4x1 + 6x2 + 2x3) y2 + (10x3 + 6x1 + 2x2) y3)

= (x1 + 2x2 + 3x3) y1 + (2x1 + 3x2 + x3) y2 + (5x3 + 3x1 + x2) y3

qui est bien le résultat obtenu à l’exercice 11.10.

Page 18: Alge Bre Chap 11

178 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

11.5 Théorème de réduction de Gauss

11.5.1 Cas des espaces de dimension 2

On désigne par E un K-espace vectoriel de dimension 2, B = (e1, e2) une base de E et pourtout vecteur v de E, on note x, y les coordonnées de v dans cette base, soit v = xe1 + ye2.

Dans cette base, une forme quadratique q s’écrit sous la forme :

q (v) = ax2 + 2bxy + cy2

La matrice de cette forme quadratique dans la base B est donc :

A =

(a bb c

).

On suppose que q 6= 0, soit (a, bc) 6= (0, 0, 0) .– Si a 6= 0, on a :

q (v) = a

(x +

b

ay

)2

ay2

où δ = ac− b2 est le déterminant de A. Il y a alors deux possibilités :– soit δ = 0 et :

q (v) = a

(x +

b

ay

)2

= a`21 (v)

où `1 : v 7→ x +b

ay est une forme linéaire non nulle

– soit δ 6= 0 et :

q (v) = a

(x +

b

ay

)2

ay2 = a`2

1 (v) +δ

a`22 (v)

où `1 : v 7→ x +b

ay et `2 : v 7→ y sont deux formes linéaires indépendantes puisque∣∣∣∣

1 0ba

1

∣∣∣∣ = 1 6= 0.

– Si a = 0 et c 6= 0, on a :

q (v) = 2bxy + cy2 = c

(y +

b

cx

)2

cx2

où δ = −b2 est encore le déterminant de A et il y a deux possibilités :– soit b = 0 et :

q (v) = cy2 = c`21 (v)

où `1 : v 7→ y est une forme linéaire non nulle– soit b 6= 0 et :

q (v) = c

(y +

b

cx

)2

cx2 = a`2

1 (v) +δ

a`22 (v)

où `1 : v 7→ y +b

cx et `2 : v 7→ x sont deux formes linéaires indépendantes.

Page 19: Alge Bre Chap 11

Théorème de réduction de Gauss 179

– Si a = 0 et c = 0, on a alors b 6= 0 et :

q (x, y) = 2bxy =b

2

((x + y)2 − (x− y)2) =

b

2`21 (v)− b

2`22 (vy)

où `1 : v 7→ x + y et `2 : v 7→ x − y sont deux formes linéaires indépendantes puisque∣∣∣∣1 11 −1

∣∣∣∣ = −2 6= 0.

On a donc montré le résultat suivant.

Théorème 11.10 Toute forme quadratique non nulle q sur K-espace vectoriel E de dimension2 peut s’écrire sous la forme q = λ1`

21 où λ1 est un scalaire non nul et `1 une forme linéaire non

nulle ou q = λ1`21 + λ2`

22 où λ1, λ2 sont deux scalaires non nuls et `1, `2 deux formes linéaires

indépendantes.

Ce résultat se généralise dans le cas des espaces de dimension n comme on le verra auparagraphe suivant. Quand on a trouvé une telle décomposition, on dit qu’on a réduit la formequadratique, sous-entendu sous forme de combinaison linéaire de carrés de formes linéairesindépendantes.

Si q est une forme quadratique sur E = R2, on notera q (x, y) pour q (v) , où v =

(xy

)∈ R2.

Exercice 11.15 Réduire les formes quadratiques définies sur R2 par :

q1 (x, y) = x2 − 6xy + 5y2

q2 (x, y) = xy

Solution 11.15 On a :

q1 (x, y) = (x− 3y)2 − 4y2

q2 (x, y) =1

4(x + y)2 − 1

4(x− y)2

On peut remarquer qu’une telle décomposition n’est pas unique. Par exemple, pour q2, onpeut aussi écrire :

q2 (x, y) =

(1

2x +

1

2y

)2

−(

1

2x− 1

2y

)2

11.5.2 Cas des espaces de dimension n ≥ 1

Commençons par un exemple.

Exercice 11.16 En s’inspirant de la méthode exposée au paragraphe précédent, réduire la formequadratique q définie sur R3 par :

q (x) = x21 + x2

2 + x23 + 2x1x3 + 2x2x3.

Solution 11.16 On regroupe les termes contenant x1 pour l’écrire comme le début d’un carré,soit :

x21 + 2x1x3 = (x1 + x3)

2 − x23

ce qui donne :q (x) = (x1 + x3)

2 + x22 + 2x2x3.

Page 20: Alge Bre Chap 11

180 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

On utilise ensuite la méthode développée pour le cas n = 2 à la forme q′ définie sur R2 parq′ (x2, x3) = x2

2 + 2x2x3, soit :

q′ (x2, x3) = (x2 + x3)2 − x2

3

ce qui donne :

q (x) = (x1 + x3)2 + (x2 + x3)

2 − x23 = `2

1 (x) + `22 (x)− `2

2 (x)

les formes `1, `2 et `3 étant indépendantes puisque :∣∣∣∣∣∣

1 0 00 1 01 1 1

∣∣∣∣∣∣= 1 6= 0.

La démonstration du théorème qui suit s’inspire de cette méthode.Si E est un K-espace vectoriel de dimension n ≥ 1, on notera B = (ei)1≤i≤n une base de E

et pour tout vecteur x de E, x1, · · · , xn désignent les coordonnées de x dans cette base, soit

x =n∑

i=1

xiei. On associe toujours à ce vecteur x de E le vecteur colonne X = (xi)1≤i≤n dans Kn.

Théorème 11.11 Pour toute forme quadratique non nulle q sur E, il existe un entier p comprisentre 1 et n, des scalaires non nuls λ1, · · · , λp et des formes linéaires `1, · · · , `p indépendantesdans E∗ tels que :

∀x ∈ E, q (x) =

p∑j=1

λj`2j (x)

Démonstration. On procède par récurrence sur n ≥ 1. Pour n = 1, il n’y a rien à montreret pour n = 2 c’est fait.

On suppose le résultat acquis au rang n− 1 et on se donne une forme quadratique non nulleq définie dans une base B d’un espace vectoriel E de dimension n ≥ 3 par :

q (x) =n∑

i=1

aiix2i + 2

∑1≤i<j≤n

aijxixj

Supposons tout d’abord que cette expression contient au moins un terme carré, c’est-à-direqu’il existe un indice i compris entre 1 et n tel que aii 6= 0. Quitte à effectuer une permutationsur les vecteurs de base, on peut supposer que a11 6= 0. En regroupant les termes contenant x1,on écrit que :

a11x21 + 2

n∑j=2

a1jx1xj = a11

(x2

1 + 2x1

n∑j=2

a1j

a11

xj

)

= a11

(x1 +

n∑j=2

a1j

a11

xj

)2

−(

n∑j=2

a1j

a11

xj

)2

et :

q (x) = a11

(x1 +

n∑j=2

a1j

a11

xj

)2

+ q′ (x′)

= a11`21 (x) + q′ (x′)

Page 21: Alge Bre Chap 11

Théorème de réduction de Gauss 181

où `1 (x) = x1 +n∑

j=2

a1j

a11

xj, q′ est une forme quadratique définie sur le sous espace vectoriel H

de E engendré par e2, · · · , en et x′ =n∑

i=2

xiei si x =n∑

i=1

xiei.

Si q′ = 0, on a alors q = a11`21 avec a11 et `1 non nuls.

Si q′ 6= 0, l’hypothèse de récurrence nous dit qu’il existe un entier p compris entre 2 et n,des scalaires non nuls λ2, · · · , λp et des formes linéaires indépendantes `2, · · · , `p définies sur Htels que :

∀x′ ∈ H, q′ (x′) =

p∑j=2

λj`2j (x′)

et en prolongeant les formes linéaires `2, · · · , `n à E (en posant `j (x) = `j (x′)), on a :

q (x) = a11`21 (x) +

p∑j=2

λj`2j (x)

ce qui donne une décomposition de q comme combinaison linéaire de carrés de formes linéaires.Il reste à vérifier que les formes `1, `2, · · · , `p sont linéairement indépendantes dans E∗.

L’égalitép∑

j=1

λj`j équivaut à dire quep∑

j=1

λj`j (x) = 0 pour tout x ∈ E. Prenant x = e1, on

a `1 (x) = 1 et `j (x) = 0 pour j compris entre 2 et p, ce qui donne λ1 = 0 etp∑

j=2

λj`j (x′) = 0

pour tout x′ ∈ H, ce qui équivaut àp∑

j=2

λj`j = 0 et la nullité de tous les λj puisque le système

(`2, · · · , `p) est libre dans H∗. On a donc le résultat annoncé.Il reste enfin à traiter le cas où q est sans facteurs carrés, c’est-à-dire le cas où tous les

coefficients aii sont nuls. Comme q est non nulle, il existe deux indices i < j tels que aij 6= 0.Quitte à effectuer une permutation sur les vecteurs de base, on peut supposer que a12 6= 0. Onregroupe alors dans l’expression de q tous les termes contenant x1 et x2 que l’on fait apparaîtrecomme fragment d’un produit de deux formes linéaires, soit :

Q = a12x1x2 + x1

n∑j=3

a1jxj + x2

n∑j=3

a2jxj

=

(a12x1 +

n∑j=3

a2jxj

)(x2 +

n∑j=3

a1j

a12

xj

)−

(n∑

j=3

a2jxj

)(n∑

j=3

a1j

a12

xj

)

ce qui donne :

q (x) = 2∑

1≤i<j≤n

aijxixj

= 2Q + 2∑

3≤i<j≤n

aijxixj

= 2L1 (x) L2 (x) + q′ (x′)

où L1 (x) = a12x1 +n∑

j=3

a2jxj, L2 (x) = x2 +n∑

j=3

a1j

a12

xj et q′ est une forme quadratique définie

sur le sous espace vectoriel H de E engendré par e3, · · · , en et x′ =n∑

i=3

xiei si x =n∑

i=1

xiei.

Page 22: Alge Bre Chap 11

182 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

En écrivant que :

2L1 (x) L2 (x) =1

2(L1 (x) + L2 (x))2 − 1

2(L1 (x) + L2 (x))2

=1

2`21 (x)− 1

2`22 (x) ,

on a :q (x) =

1

2`21 (x)− 1

2`22 (x) + q′ (x′)

Si q′ = 0, on a alors q =1

2`21 −

1

2`22, les formes linéaires `1 et `2 étant indépendantes puisque

la matrice :A =

(A1

A2

)=

(a12 1 α13 . . . α1n

a12 −1 α23 · · · α2n

)

est de rang 2 car le déterminant extrait∣∣∣∣

a12 1a12 −1

∣∣∣∣ = −2a12 est non nul.

Si q′ 6= 0, l’hypothèse de récurrence nous dit qu’il existe un entier p compris entre 3 et n,des scalaires non nuls λ3, · · · , λp et des formes linéaires indépendantes `3, · · · , `p définies sur Htels que :

∀x′ ∈ H, q′ (x′) =

p∑j=3

λj`2j (x′)

et en prolongeant les formes linéaires `3, · · · , `n à E, on a :

q (x) =1

2`21 (x)− 1

2`22 (x) +

p∑j=2

λj`2j (x)

ce qui donne une décomposition de q comme combinaison linéaire de carrés de formes linéaires.Il reste à vérifier que les formes `1, `2, · · · , `p sont linéairement indépendantes dans E∗.

L’égalitép∑

j=1

λj`j équivaut à dire quep∑

j=1

λj`j (x) = 0 pour tout x ∈ E. Prenant x = e1 et

x = e2, on obtient λ1a12 + λ2a21 = 0 et λ1 − λ2 = 0, ce qui équivaut à λ1 = λ2 = 0 puisque

a21 6= 0 etp∑

j=3

λj`j (x′) = 0 pour tout x′ ∈ H, ce qui équivaut àp∑

j=3

λj`j = 0 et la nullité de tous

les λj puisque le système (`3, · · · , `p) est libre dans H∗. On a donc le résultat annoncé.On peut remarquer que cette démonstration est constructive, c’est-à-dire qu’elle fournit un

algorithme permettant d’obtenir une réduction en combinaison linéaire de carrés.Une telle décomposition est appelée réduction de Gauss, ou plus simplement réduction, de

la forme quadratique q.

Exercice 11.17 Réduire la forme quadratique définie sur R3 par :

q (x) = x21 + 3x2

2 + 5x23 + 4x1x2 + 6x1x3 + 2x2x3.

Solution 11.17 On a :

q (x) = (x1 + 2x2 + 3x3)2 − x2

2 − 4x23 − 10x2x3

= (x1 + 2x2 + 3x3)2 − (x2 + 5x3)

2 + 21x23

Exercice 11.18 Réduire la forme quadratique définie sur R3 par :

q (x) = x1x2 + 2x1x3 + 2x1x4 + x2x3 + 4x2x4 + 2x3x4

Page 23: Alge Bre Chap 11

Théorème de réduction de Gauss 183

Solution 11.18 On a :

q (x) = x1x2 + 2x1x3 + 2x1x4 + x2x3 + 4x2x4 + 2x3x4

= (x1 + x3 + 4x4) (x2 + 2x3 + 2x4)− 2x23 − 8x2

4 − 8x3x4

= (x1 + x3 + 4x4) (x2 + 2x3 + 2x4)− 2 (x3 + 2x4)2

=1

4(x1 + x2 + 3x3 + 6x4)

2 − 1

4(x1 − x2 − x3 + 2x4)

2 − 2 (x3 + 2x4)2

Exercice 11.19 Soit q la forme quadratique définie sur Rn par :

q (x) =n∑

i=1

x2i +

∑1≤i<j≤n

xixj.

1. Donner la matrice de q dans la base canonique de Rn.

2. Réduire q dans les cas n = 2, n = 3 et n = 4.

Solution 11.191. On a :

A =1

2

2 1 · · · 1

1 2. . . 1

... . . . . . . 11 · · · 1 2

2.

(a) Pour n = 2, on a :

q (x) = x21 + x2

2 + x1x2 =

(x1 +

1

2x2

)2

+3

4x2

2.

(b) Pour n = 3, on a :

q (x) = x21 + x2

2 + x23 + x1x2 + x1x3 + x2x3

=

(x1 +

1

2x2 +

1

2x3

)2

+3

4

(x2

2 + x23

)+

1

2x2x3

=

(x1 +

1

2x2 +

1

2x3

)2

+3

4

(x2

2 + x23 +

2

3x2x3

)

=

(x1 +

1

2x2 +

1

2x3

)2

+3

4

(x2 +

1

3x3

)2

+2

3x2

3

(c) Pour n = 4, on a :

q (x) = x21 + x2

2 + x23 + x2

4 + x1x2 + x1x3 + x1x4 + x2x3 + x2x4 + x3x4

=

(x1 +

1

2x2 +

1

2x3

)2

+3

4

(x2

2 + x23

)+

1

2x2x3

=

(x1 +

1

2x2 +

1

2x3

)2

+3

4

(x2

2 + x23 +

2

3x2x3

)

=

(x1 +

1

2x2 +

1

2x3 +

1

2x4

)2

+3

4

(x2 +

1

3x3 +

1

3x4

)2

+2

3

(x3 +

1

4x4

)2

+5

8x2

4

Page 24: Alge Bre Chap 11

184 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

Exercice 11.20 On considère à nouveau la forme quadratique q définie sur Rn par :

q (x) =n∑

i=1

x2i +

∑1≤i<j≤n

xixj

avec n ≥ 3.

1. Écrire q sous la forme :q (x) = `2

1 (x) + q1 (x′)

où `1 est une forme linéaire sur Rn et q1 une forme quadratique sur Rn−1 en notantx′ = (x2, x3, · · · , xn) .

2. Écrire q1 sous la forme :

q1 (x) =3

4`22 (x) + q2 (x′′)

où `2 est une forme linéaire sur Rn−1 et q2 une forme quadratique sur Rn−2 en notantx′′ = (x3, · · · , xn) .

3. Montrer que pour tout p compris entre 1 et n− 1, on peut écrire q sous la forme :

q (x) = `21 (x) +

3

4`22 (x) + · · ·+ p + 1

2p`2p (x) +

p + 2

2p + 2qp+1 (x)

avec :

`1 (x) = x1 +1

2

n∑j=2

xj

`2 (x) = x2 +1

3

n∑j=3

xj

...

`p (x) = xp +1

p + 1

n∑j=p+1

xj

et :

qp+1 (x) =n∑

i=p+1

x2i +

2

p + 2

∑p+1≤i<j≤n

xixj

4. Réduire q.

Solution 11.20

1. On a :

q (x) = x21 + x1

n∑j=2

xj +n∑

i=2

x2i +

∑2≤i<j≤n

xixj

=

(x1 +

1

2

n∑j=2

xj

)2

− 1

4

(n∑

j=2

xj

)2

+n∑

i=2

x2i +

∑2≤i<j≤n

xixj

=

(x1 +

1

2

n∑j=2

xj

)2

+3

4

n∑i=2

x2i +

1

2

∑2≤i<j≤n

xixj

= `21 (x) + q1 (x′)

Page 25: Alge Bre Chap 11

Théorème de réduction de Gauss 185

avec :

`1 (x) = x1 +1

2

n∑j=2

xj

et :

q1 (x′) =3

4

n∑i=2

x2i +

1

2

∑2≤i<j≤n

xixj

2. On a :

q1 (x′) =3

4x2

2 +1

2x2

n∑j=3

xj +3

4

n∑i=3

x2i +

1

2

∑3≤i<j≤n

xixj

=3

4

(x2 +

1

3

n∑j=3

xj

)2

− 1

12

(n∑

j=3

xj

)2

+3

4

n∑i=3

x2i +

1

2

∑3≤i<j≤n

xixj

=3

4

(x2 +

1

3

n∑j=3

xj

)2

+2

3

n∑i=3

x2i +

1

3

∑3≤i<j≤n

xixj

=3

4`22 (x) + q2 (x′′)

avec :

`2 (x) = x2 +1

3

n∑j=3

xj

et :

q2 (x′′) =2

3

n∑i=3

x2i +

1

3

∑3≤i<j≤n

xixj

3. Le résultat est vrai pour p = 1. Supposons le acquis pour p compris entre 1 et n− 2. Ona alors :

qp+1 (x) =n∑

i=p+1

x2i +

2

p + 2

∑p+1≤i<j≤n

xixj

= x2p+1 +

2

p + 2xp+1

n∑j=p+2

xj +n∑

i=p+2

x2i +

2

p + 2

∑p+2≤i<j≤n

xixj

=

(xp+1 +

1

p + 2

n∑j=p+2

xj

)2

− 1

(p + 2)2

(n∑

j=p+2

xj

)2

+n∑

i=p+2

x2i +

2

p + 2

∑p+2≤i<j≤n

xixj

= `2p+1 (x) + Qp+2 (x)

avec :

`p+1 (x) = xp+1 +1

p + 2

n∑j=p+2

xj

Page 26: Alge Bre Chap 11

186 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

et :

Qp+2 (x) =

(1− 1

(p + 2)2

) n∑i=p+2

x2i +

2

p + 2

(1− 1

p + 2

) ∑p+2≤i<j≤n

xixj

=(p + 1) (p + 3)

(p + 2)2

n∑i=p+2

x2i +

2 (p + 1)

(p + 2)2

∑p+2≤i<j≤n

xixj

=(p + 1) (p + 3)

(p + 2)2

(n∑

i=p+2

x2i +

2

p + 3

∑p+2≤i<j≤n

xixj

)

=(p + 1) (p + 3)

(p + 2)2 qp+2 (x)

Ce qui donne :

q (x) = `21 (x) +

3

4`22 (x) + · · ·+ p + 1

2p`2p (x) +

p + 2

2p + 2`2p+1 (x)

+p + 2

2p + 2Qp+2 (x)

= `21 (x) +

3

4`22 (x) + · · ·+ p + 1

2p`2p (x) +

p + 2

2p + 2`2p+1 (x)

+p + 2

2p + 2

(p + 1) (p + 3)

(p + 2)2 qp+2 (x)

= `21 (x) +

3

4`22 (x) + · · ·+ p + 1

2p`2p (x) +

p + 2

2p + 2`2p+1 (x)

+p + 3

2p + 4qp+2 (x)

soit le résultat au rang p + 1.

4. Faisant p = n− 1, on a :

q (x) = `21 (x) +

3

4`22 (x) + · · ·+ n

2 (n− 1)`2n−1 (x) + +

n + 1

2nqn (x)

avec qn (x) = x2n = `2

n (x) , soit :

q (x) =n∑

p=1

p + 1

2p`2p (x)

avec :

`p (x) = xp +1

p + 1

n∑j=p+1

xj

pour p compris entre 1 et n (pour p = n, la sommen∑

j=p+1

est nulle).

Le théorème 11.11 nous fournit aussi une expression intéressante de la forme polaire de laforme quadratique q comme nous allons le voir avec le théorème qui suit.

Pour la suite de ce paragraphe, q désigne une forme quadratique non nulle sur E et q =p∑

j=1

λj`2j une réduction de Gauss de cette forme quadratique où p est un entier compris entre 1

et n, λ1, · · · , λp sont des scalaires non nuls et `1, · · · , `p des formes linéaires indépendantes.On notera ϕ la forme polaire de q.

Page 27: Alge Bre Chap 11

Théorème de réduction de Gauss 187

Théorème 11.12 Avec les notations qui précèdent, la forme polaire ϕ de q est alors définiepar :

∀ (x, y) ∈ E × E, ϕ (x, y) =

p∑j=1

λj`j (x) `j (y)

Démonstration. Il est clair que ϕ est une forme bilinéaire symétrique sur E et pour tout

x ∈ E, on a ϕ (x, x) =p∑

j=1

λj`2j (x) = q (x) , ce qui signifie que ϕ est la forme polaire de q.

Les formes linéaires `1, · · · , `p étant linéairement indépendantes dans l’espace vectoriel E∗ =L (E,K) des formes linéaires sur E, elles peuvent se compléter en une base de cet espace (quion le sait est de dimension n), c’est-à-dire qu’il existe des formes linéaires `p+1, · · · , `n (dans lecas où p ≤ n− 1) telles que (`1, · · · , `n) soit une base de E∗.

La réduction de Gauss du théorème 11.11 peut alors s’écrire :

∀x ∈ E, q (x) =n∑

j=1

λj`2j (x)

où on a posé λp+1 = · · · = λn = 0 dans le cas où p ≤ n− 1.

Théorème 11.13 Étant donnée une base (`i)1≤i≤n de l’espace vectoriel E∗ des formes linéairessur E, il existe une base (fi)1≤i≤n de E telle que :

`i (fj) = δij (1 ≤ i, j ≤ n)

où les δij sont définis par :

δij =

{1 si i = j0 si i 6= j

(symboles de Kronecker).

Démonstration. En notant, pour tout entier i compris entre 1 et n et tout vecteur x ∈ E :

`i (x) = αi1x1 + · · ·+ αinxn

l’expression de `i dans la bas B = (ei)1≤i≤n , la matrice Q = ((αij))1≤i,j≤n est inversible puisqueles `i forment une base de E∗ (la ligne i de Q est la matrice de `i dans la base B). En notantF1, · · · , Fn les colonnes de la matrice Q−1, l’égalité QQ−1 = In s’écrit :

Q (F1, · · · , Fn) = (QF1, · · · , QFn) = (E1, · · · , En)

où (Ei)1≤i≤n est la base canonique de Kn. On a donc, pour tout entier j compris entre 1 et n :

QFj = Ej

En remarquant que pour tout x ∈ E, on a :

QX =

α11x1 + · · ·+ α1nxn...

αn1x1 + · · ·+ αnnxn

=

`1 (x)...

`n (x)

Page 28: Alge Bre Chap 11

188 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

et en désignant par fj le vecteur de E de composantes Fj dans la base B, les égalités QFj = Ej

se traduisent par :

`1 (fj)...

`n (fj)

= Ej =

δ1j...

δnj

et on a bien `i (fj) = δij pour tous i, j compris entre 1 et n.Dans la situation du théorème précédent, on dit que (`i)1≤i≤n est la base duale de (fi)1≤i≤n

ou que (fi)1≤i≤n est la base anté-duale de (`i)1≤i≤n .Le théorème de réduction de Gauss peut alors se traduire matriciellement comme suit.

Théorème 11.14 Avec les notations qui précèdent, il existe une base (fi)1≤i≤n de E danslaquelle la matrice de q est diagonale de la forme :

D =

λ1 0 · · · 0

0 λ2. . . ...

... . . . . . . 00 · · · 0 λn

(les p premiers λi sont non nuls et les suivants sont nuls).

Démonstration. Partant de la réduction de Gauss q =p∑

j=1

λj`2j avec 1 ≤ p ≤ n et les λi

tous non nuls, on complète (`1, · · · , `p) en une base (`i)1≤i≤n de E∗ et on construit une base(fi)1≤i≤n de E telle que `i (fj) = δij pour tous i, j compris entre 1 et n.

En posant λp+1 = · · · = λn = 0 dans le cas où p ≤ n− 1, la forme polaire ϕ de q est définie

par ϕ (x, y) =n∑

k=1

λk`k (x) `k (y) et pour i, j compris entre 1 et n, on a :

ϕ (fi, fj) =n∑

k=1

λk`k (fi) `k (fj) = λi`i (fj) =

{λi si i = j0 si i 6= j

ce qui donne le résultat annoncé.Une telle base (fi)1≤i≤n est dite orthogonale pour la forme quadratique q (cette définition

sera précisée un peu plus loin).Comme une matrice symétrique définit une unique forme quadratique dans la base canonique

de E = Kn, on déduit de tout ce qui précède, en utilisant la formule de changement de basepour les formes quadratiques, le corollaire qui suit.

Corollaire 11.1 Si A est une matrice symétrique d’ordre n à coefficients dans K, il existealors une matrice inversible P telle que la matrice tPAP soit diagonale.

Démonstration. En gardant toujours les mêmes notations, la matrice P = Q−1 de colonnesf1, · · · , fn est la matrice de passage de la base canonique de Kn à la base (fi)1≤i≤n et la matriceD de q dans cette base est diagonale et s’écrit D = tPAP.

Avec l’exercice qui suit nous résumons sur un exemple une première méthode permettantd’obtenir une base orthogonale pour q. Nous verrons un peu plus loin comment faire l’économiedu calcul des formes linéaires complétant (`1, · · · , `p) en une base de E∗.

Page 29: Alge Bre Chap 11

Théorème de réduction de Gauss 189

Exercice 11.21 Soit A =

1 2 32 3 43 4 5

.

1. Déterminer la forme quadratique q sur R3 (ou C3) ayant pour matrice A dans la basecanonique.

2. Déterminer deux formes linéaires indépendantes `1 et `2 telles que q = `21 − `2

2.

3. Déterminer une forme linéaire `3 (aussi simple que possible) telle que (`1, `2, `3) soit unebase L (R3,R) .

4. Déterminer une base (f1, f2, f3) de R3 telle que `i (fj) = δij pour tous i, j compris entre1 et 3.

5. Déterminer une base de R3 orthogonale pour q et une matrice inversible P telle queD = tPAP soit diagonale.

Solution 11.21 On note x, y, z les coordonnées d’un vecteur v de R3 et q (x, y, z) pour q (v) .

1. La forme q est définie par :

q (x, y, z) = x2 + 3y2 + 5z2 + 2 (2xy + 3xz + 4yz) .

2. On a la réduction de Gauss q = `21 − `2

2 avec :{

`1 (x, y, z) = x + 2y + 3z`2 (x, y, z) = y + 2z

3. On peut prendre `3 définie par :`3 (x, y, z) = z

(`1, `2, `3) est bien une base L (R3,R) puisque :∣∣∣∣∣∣

1 2 30 1 20 0 1

∣∣∣∣∣∣= 1 6= 0

4. Il s’agit d’inverser la matrice :

Q =

1 2 30 1 20 0 1

Pour ce faire on résout le système :

x + 2y + 3z = x′

y + 2z = y′

z = z′

ce qui donne :

x = x′ − 2y′ + z′

y = y′ − 2z′

z′ = z

et f1, f2, f3 sont les colonnes de :

P = Q−1 =

1 −2 10 1 −20 0 1

Page 30: Alge Bre Chap 11

190 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

5. La base (f1, f2, f3) est alors orthogonale pour q, ce qui signifie que la matrice de q danscette base est diagonale. Précisément, on a :

D = tPAP =

1 0 00 −1 00 0 0

ce qui peut aussi se vérifier par le calcul :

tPAP =

1 0 0−2 1 01 −2 1

1 2 32 3 43 4 5

1 −2 10 1 −20 0 1

=

1 0 00 −1 00 0 0

.

Exercice 11.22 Soit q la forme quadratique définie sur Rn par :

q (x) = x21 + 2

n−1∑i=2

x2i + 2

∑1≤i<j≤n

xixj

avec n ≥ 3.

1. Donner la matrice de q dans la base canonique de Rn.

2. Réduire q dans le cas n = 3.

3. Déterminer une base orthogonale pour q dans le cas n = 3.

4. Traiter le cas général.

Solution 11.22

1. On a :

A =

1 1 1 · · · 11 2 1 · · · 1... . . . . . . . . . ...1 · · · 1 2 11 · · · 1 1 0

2. Pour n = 3, on a :

q (x) = x21 + 2x2

2 + 2 (x1x2 + x1x3 + x2x3)

= (x1 + x2 + x3)2 + x2

2 − x23

= `21 (x) + `2

2 (x)− `23 (x)

avec :

`1 (x) = x1 + x2 + x3

`2 (x) = x2

`2 (x) = x3

formes linéaires indépendantes.3. On résout le système :

x1 + x2 + x3 = y1

x2 = y2

x3 = y3

Page 31: Alge Bre Chap 11

Théorème de réduction de Gauss 191

ce qui donne :

x1 = y1 − y2 − y3

x2 = y2

x3 = y3

et :

f1 =

100

, f2 =

−110

, f3 =

−101

pour base q-orthogonale. La matrice de q dans cette base est :

D =

1 0 00 1 00 0 −1

4. Pour n ≥ 3, on a :

q (x) = x21 + 2

n−1∑i=2

x2i + 2

∑1≤i<j≤n

xixj

=

(n∑

i=1

xi

)2

−(

n∑i=2

xi

)2

+ 2n−1∑i=2

x2i + 2

∑2≤i<j≤n

xixj

= `21 (x) +

n−1∑i=2

x2i − x2

n =n−1∑i=1

`2i (x)− `2

n (x)

avec :

`1 (x) =n∑

i=1

xi

`i (x) = xi (2 ≤ i ≤ n)

formes linéaires indépendantes.Pour trouver une base q-orthogonale, on résout le système :

n∑i=1

xi = y1

xi = yi (2 ≤ i ≤ n)

ce qui donne :

x1 = y1 −n∑

i=2

yi

xi = yi (2 ≤ i ≤ n)

et :

P =

1 −1 −1 · · · −10 1 0 · · · 0... . . . . . . . . . ...0 · · · 0 1 00 · · · 0 0 1

est la matrice de passage de la base canonique (ei)1≤i≤n à une base q-orthogonale (fi)1≤i≤n .On a donc : {

f1 = e1

fi = ei − e1 (2 ≤ i ≤ n)

Page 32: Alge Bre Chap 11

192 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

et la matrice de q dans la base (fi)1≤i≤n est :

D =

1 0 0 · · · 00 1 0 · · · 0... . . . . . . . . . ...0 · · · 0 1 00 · · · 0 0 −1

.

Exercice 11.23 Soit q la forme quadratique définie sur R3 par :

q (x) = x2 + (1 + a) y2 +(1 + a + a2

)z2 + 2xy − 2ayz

1. Donner la matrice A de q dans la base canonique de R3.

2. Calculer le déterminant de A.

3. Pour quelles valeurs de A la forme q est-elle non dégénérée ?4. Réduire q et donner son rang et sa signature en fonction de a.

5. Déterminer une base orthogonale pour q.

6. En déduire une matrice inversible P telle que D = tPAP soit diagonale.

Solution 11.23

1. La matrice de q dans la base canonique de R3 est :

A =

1 1 01 1 + a −a0 −a 1 + a + a2

.

2. On a :det (A) = a

(1 + a2

)

3. La forme q est dégénérée si, et seulement si, a = 0.

4. On a :q (x) = (x + y)2 + a (y − z)2 +

(1 + a2

)z2

Pour a = 0, q est de rang 2 et de signature (2, 0) .Pour a 6= 0, q est de rang 3 et de signature (3, 0) pour a > 0 et (2, 1) pour a < 0.

5. Dans tous les cas, il s’agit de résoudre le système :

x + y = αy − z = βz = γ

Ce système a pour solution :

x = α− β − γy = β + γz = γ

ce qui donne pour base q-orthogonale :

f1 =

100

, f2 =

−110

, f3 =

−111

Page 33: Alge Bre Chap 11

Orthogonalité, noyau et rang 193

6. La matrice de q dans la base (f1, f2, f3) est :

D = tPAP =

1 0 00 a 00 0 1 + a2

où :

P =

1 −1 −10 1 10 0 1

11.6 Orthogonalité, noyau et rangPour ce paragraphe, ϕ est une forme bilinéaire symétrique sur un espace vectoriel E et q la

forme quadratique associée.

Définition 11.11 On dit que deux vecteurs x, y de E sont orthogonaux relativement à ϕ siϕ (x, y) = 0.

Exemple 11.6 Sur R2 ou R3 le produit scalaire usuel :

(x, y) 7→ x · y = x1y1 + x2y2 ou (x, y) 7→ x · y = x1y1 + x2y2 + x3y3

définit une forme bilinéaire symétrique et la définition de l’orthogonalité correspond bien à celleétudiée au Lycée.

Définition 11.12 Si X est une partie non vide E, l’orthogonal de X relativement à ϕ est lesous-ensemble de E formé des vecteurs orthogonaux à tous les vecteurs de X.

L’orthogonal d’une partie non vide X de E est notée X⊥ et on a :

X⊥ = {y ∈ E | ∀x ∈ X, ϕ (x, y) = 0} .

Exemple 11.7 Pour X = {0} , on a X⊥ = E.

Les propriétés suivantes se déduisent immédiatement de la définition.

Théorème 11.15 Soient X,Y deux parties non vide de E.

1. X⊥ est un sous-espace vectoriel de E.

2. X ⊂ (X⊥)⊥

.

3. Si X ⊂ Y, alors Y ⊥ ⊂ X⊥.

Comme, pour toute partie non vide X de E, X⊥ est un sous-espace vectoriel de E, l’inclusionX ⊂ (

X⊥)⊥ sera stricte pour X non sous-espace vectoriel.Pour le produit scalaire usuel sur E = R2, on a E⊥ = {0} . En effet si y ∈ E⊥, il est en

particulier orthogonal à lui même, donc y · y = y21 + y2

2 = 0 et y1 = y2 = 0, soit y = 0.Mais de manière général un vecteur peut être orthogonal à lui même sans être nécessairement

nul.Considérons par exemple la forme bilinéaire symétrique ϕ définie sur R2 par :

ϕ (x, y) = x1y1 − x2y2

Un vecteur x est orthogonal à lui même si, et seulement si, x21 − x2

2 = 0, ce qui équivaut àx2 = ±x1.

Page 34: Alge Bre Chap 11

194 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

Définition 11.13 On dit qu’un vecteur x de E est isotrope relativement à ϕ s’il est orthogonalà lui même.

Définition 11.14 L’ensemble des vecteurs isotropes de E, relativement à ϕ, est le cône isotropede ϕ.

Le cône isotrope de ϕ est donc le sous-ensemble de E :

Cϕ = {x ∈ E | q (x) = ϕ (x, x) = 0} .

On dit aussi que Cϕ est le cône isotrope de la forme quadratique q et on le note alors Cq ouq−1 {0} .

Définition 11.15 Le noyau de ϕ est l’orthogonal de E.

En notant ker (ϕ) le noyau de ϕ, on a :

ker (ϕ) = E⊥ = {y ∈ E | ∀x ∈ E, ϕ (x, y) = 0}

et ce noyau est un sous-espace vectoriel de E.On dit aussi que ker (ϕ) est le noyau de la forme quadratique q et on le note alors ker (q) .

Lemme 11.1 Le noyau de ϕ est contenu dans son cône isotrope, soit :

ker (ϕ) ⊂ Cϕ.

Démonstration. Si x ∈ ker (ϕ) , il est orthogonal à tout vecteur de E et en particulier àlui même, ce qui signifie qu’il est dans le cône isotrope de ϕ.

Exercice 11.24 Déterminer le noyau et le cône isotrope de la forme bilinéaire symétrique ϕdéfinie sur R3 par :

ϕ (x, y) = x1y1 + x2y2 − x3y3

Solution 11.24 Dire que y est dans le noyau de ϕ signifie que ϕ (x, y) = 0 pour tout vecteurx de R3, ce qui équivaut à ϕ (ei, y) = 0 pour chacun des vecteurs de base canonique e1, e2, e3.Le noyau de ϕ est donc l’ensemble des solutions du système linéaire :

ϕ (e1, y) = y1 = 0ϕ (e2, y) = y2 = 0ϕ (e3, y) = −y3 = 0

soit :ker (ϕ) = {0} .

Le cône isotrope de ϕ est formé des vecteurs x tels que x21 + x2

2 − x23 = 0, et on reconnaît là

l’équation d’un cône de R3 (figure 11.1).

Exercice 11.25 Déterminer le noyau et le cône isotrope de la forme bilinéaire symétrique ϕdéfinie sur R3 par :

ϕ (x, y) = x1y1 − x3y3

Page 35: Alge Bre Chap 11

Orthogonalité, noyau et rang 195

Fig. 11.1 – Cône : x21 + x2

2 − x23 = 0

Solution 11.25 Dire que y est dans le noyau de ϕ signifie que ϕ (x, y) = 0 pour tout vecteurx de R3, ce qui équivaut à ϕ (ei, y) = 0 pour chacun des vecteurs de base canonique e1, e2, e3.Le noyau de ϕ est donc l’ensemble des solutions du système linéaire :

ϕ (e1, y) = y1 = 0ϕ (e2, y) = 0 = 0ϕ (e3, y) = −y3 = 0

soit :

ker (ϕ) =

y =

0y2

0

| y2 ∈ R

c’est donc la droite vectorielle dirigée par e2.Le cône isotrope de ϕ est formé des vecteurs x tels que x2

1 − x23 = 0, soit :

Cϕ =

x =

x1

x2

x1

| (x1, x2) ∈ R2

x =

x1

x2

−x1

| (x1, x2) ∈ R2

et il contient bien le noyau. Ce cône isotrope est la réunion de deux plans.

Exercice 11.26 Soient F,G deux sous-espaces vectoriels de E. Montrer que :

(F + G)⊥ = F⊥ ∩G⊥ et (F ∩G)⊥ ⊃ F⊥ + G⊥

Page 36: Alge Bre Chap 11

196 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

Solution 11.26 Si x ∈ (F + G)⊥ , on a alors ϕ (x, y + z) = 0 pour tous vecteurs y ∈ F etz ∈ G et en particulier :

{ ∀y ∈ F, ϕ (x, y) = ϕ (x, y + 0) = 0∀z ∈ G, ϕ (x, z) = ϕ (x, 0 + z) = 0

ce qui nous dit que x ∈ F⊥ ∩G⊥.Réciproquement si x ∈ F⊥ ∩G⊥, on a alors ϕ (x, y) = ϕ (x, z) = 0 pour tous vecteurs y ∈ F etz ∈ G et conséquence ϕ (x, y + z) = 0 pour ces vecteurs y, z, ce qui nous dit que x ∈ (F + G)⊥ .Si x = u + v ∈ F⊥ + G⊥ avec u ∈ F⊥ et v ∈ G⊥, on a alors pour tout y ∈ F ∩G :

ϕ (x, y) = ϕ (u, y) + ϕ (v, y) = 0

et x ∈ (F ∩G)⊥ .L’égalité (F ∩G)⊥ = F⊥ + G⊥ n’est pas assurée en général. Par exemple pour F,G supplé-mentaires dans E, on a F ∩ G = {0} et (F ∩G)⊥ = {0}⊥ = E n’est en général pas égal àF⊥ + G⊥.

Dans le cas où E est de dimension finie, en désignant par A la matrice de ϕ dans une baseB et u l’endomorphisme de E ayant A pour matrice dans cette base, le noyau de ϕ est égal aunoyau de u.

Théorème 11.16 Soient E un espace vectoriel de dimension n, B = (ei)1≤i≤n une base de E,A la matrice de la forme bilinéaire ϕ dans la base B et u l’endomorphisme de E de matrice Adans la base B. On a alors :

ker (ϕ) = ker (u) .

Démonstration. Un vecteur x est dans le noyau de ϕ si, et seulement si, il est orthogonalà tout vecteur de E, ce qui équivaut à dire du fait de la linéarité à droite de ϕ que x estorthogonal à chacun des vecteurs de la base B, soit :

x ∈ ker (ϕ) ⇔ (∀i ∈ {1, 2, · · · , n} , ϕ (x, ei) = 0)

ce qui revient à dire les coordonnées x1, x2, · · · , xn de x dans la base B sont solutions du systèmelinéaire de n équations à n inconnues :

ϕ

(n∑

j=1

xjej, ei

)=

n∑j=1

xjϕ (ej, ei) =n∑

j=1

ϕ (ei, ej) xj = 0 (1 ≤ i ≤ n)

Ce système s’écrit AX = 0 où A = ((ϕ (ei, ej)))1≤i,j≤n où A est la matrice de ϕ dans B et X levecteur colonne formé des composantes de x dans cette base. Ce système est encore équivalent àu (x) = 0, où u l’endomorphisme de E de matrice A dans B, ce qui revient à dire que x ∈ ker (u) .

On retiendra qu’en dimension finie, le noyau de ϕ se calcule en résolvant le système AX = 0,en utilisant les notations du théorème précédent.

Ce résultat peut aussi se montrer comme suit. Dire que x ∈ ker (ϕ) équivaut à dire queϕ (y, x) = 0 pour tout y ∈ E, soit à tY AX = 0 pour tout Y ∈ Kn et prenant Y = AX, on at (AX) AX = 0. Mais pour Z ∈ Kn, on a tZZ =

n∑i=1

z2i et tZZ = 0 équivaut à Z = 0. Donc

AX = 0 pour x ∈ ker (ϕ) . La réciproque est évidente.

Page 37: Alge Bre Chap 11

Orthogonalité, noyau et rang 197

Définition 11.16 On dit que la forme bilinéaire symétrique ϕ (ou de manière équivalente laforme quadratique q) est non dégénérée si son noyau est réduit à {0} .

Du théorème précédent, on déduit qu’en dimension finie, une forme bilinéaire symétrique estnon dégénérée si, et seulement si, sa matrice dans une quelconque base de E est inversible, cequi équivaut à dire que son déterminant est non nul.

Comme pour les applications linéaires, on peut définir le rang d’une forme quadratique àpartir de la dimension de son noyau.

Définition 11.17 Si E est de dimension finie égale à n, le rang de ϕ (ou de q) est l’entier :

rg (q) = n− dim (ker (q)) .

Du théorème précédent, on déduit qu’en dimension finie le rang d’une forme quadratique estégal à celui de sa matrice dans une quelconque base.

Exercice 11.27 On note B = (ei)1≤i≤n la base canonique de Rn et on désigne par q la formequadratique définie dans cette base par :

q (x) =n∑

i=1

x2i +

∑1≤i<j≤n

xixj.

1. Déterminer la matrice de q dans la base B.

2. Déterminer le noyau et le rang de q.

3. On suppose que n = 2.

(a) Effectuer la décomposition en carrés de Gauss de q.

(b) En déduire une base q-orthogonale de R2.

(c) Écrire la matrice de q dans cette base.

4. On suppose que n = 3.

(a) Effectuer la décomposition en carrés de Gauss de q.

(b) En déduire une base q-orthogonale de R2.

(c) Écrire la matrice de q dans cette base.

5. On suppose que n ≥ 4 et on note f1 = e1.

(a) Déterminer l’orthogonal relativement à q de e1. On notera H cet orthogonal.(b) Pour tout j compris entre 2 et n, on note fj = e1 + · · ·+ ej−1 − jej.

Montrer que (fj)2≤j≤n est une base de H.

(c) Calculer Afj pour tout j compris entre 2 et n.

(d) Montrer que B′ = (fj)1≤j≤n est une base q-orthogonale de Rn.

(e) Écrire la matrice de q dans la base B′.(f) En déduire une décomposition de q comme combinaison linéaire de carrés de formes

linéaires indépendantes.

Solution 11.27

Page 38: Alge Bre Chap 11

198 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

1. A =

1 12

· · · 12

12

. . . . . . ...... . . . . . . 1

212· · · 1

21

.

2. x ∈ ker (q) ⇔ Ax = 0 ⇔ x1 + · · ·xj−1 + 2xj + xj+1 + · · · + xn = 0 pour 1 ≤ j ≤ n. En

ajoutant toutes ces équations on obtientn∑

j=1

xj = 0 qui retranchée à l’équation j donne

xj = 0. On a donc ker (q) = {0} et rang (q) = n.

3. Pour n = 2, on a :

(a) q (x) = x21 + x2

2 + x1x2 =

(x1 +

1

2x2

)2

+3

4x2

2.

(b) En résolvant le système

{x1 +

1

2x2 = a

x2 = bpour (a, b) = (1, 0) et (a, b) = (0, 1) , on

obtient la base q-orthogonale : f1 =

(10

), f2 =

( −12

1

).

(c) La matrice de q dans cette base est D =

(1 00 3

4

).

4. Pour n = 3, on a :

(a)

q (x) = x21 + x2

2 + x23 + x1x2 + x1x3 + x2x3

=

(x1 +

1

2x2 +

1

2x3

)2

+3

4

(x2

2 + x23 +

2

3x2x3

)

=

(x1 +

1

2x2 +

1

2x3

)2

+3

4

(x2 +

1

3x3

)2

+2

3x2

3.

(b) En résolvant le système :

x1 +1

2x2 +

1

2x3 = a

x2 +1

3x3 = b

x3 = c

pour (a, b) = (1, 0, 0) , (0, 1, 0) et (0, 0, 1) on obtient la base q-orthogonale :

f1 =

100

, f2 =

−1

2

10

, f3 =

−1

3

−13

1

(c) La matrice de q dans cette base est D =

1 0 00 3

40

0 0 23

.

5.

Page 39: Alge Bre Chap 11

Orthogonalité, noyau et rang 199

(a) x ∈ {e1}⊥ ⇔ ϕ (x, e1) = 0 ⇔ txAe1 = 0 ⇔ (x1, · · · , xn)

112...12

= 0. Une équation

de H est donc : 2x1 + x2 + · · ·+ xn = 0.

(b) Les coordonnées de fj dans B sont données par :

x1 = · · · = xj−1 = 1, xj = −j, xj+1 = · · · = xn = 0

et :2x1 + x2 + · · ·+ xn = 2 + (j − 2)− j = 0.

Les vecteurs fj sont bien dans H et ils sont libres, donc forment une base.

(c) Afj =1

2

2 1 · · · 1

1. . . . . . ...

... . . . . . . 11 · · · 1 2

1...1−j0...0

=1

2

0...0

−j − 1−1...−1

← j

(d) Pour 2 ≤ i < j, on a :

ϕ (fi, fj) =1

2(1, · · · , 1,−i, 0, · · · , 0)

0...0

−j − 1−1...−1

= 0

et on sait déjà que f1 est q-orthogonal aux fj pour j ≥ 2.

(e) On a q (fj) =j (j + 1)

2et la matrice de q dans B′ est :

D =1

2

2 0 · · · · · · 0

0 6. . . ...

... . . . 12. . . ...

... . . . . . . 00 · · · · · · 0 n (n + 1)

(f) L’expression de q dans B′ est :

q (x) =1

2

n∑j=1

j (j + 1) x′2j =1

2

n∑j=1

j (j + 1) `2j (x)

Page 40: Alge Bre Chap 11

200 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

avec X ′ = P−1X où :

P =

1 1 1 · · · 1

0 −2 1...

... 0 −3. . . ...

...... . . . 1

0 0 0 0 −n

est la matrice de passage de B à B′. Pour n = 5, on a :

P−1 =

1 12

12

12

12

0 −12−1

6−1

6−1

6

0 0 −13− 1

12− 1

12

0 0 0 −14

− 120

0 0 0 0 −15

et pour n ≥ 4, la ligne 1 de P−1 est :(

1 12

12· · · 1

2

)

et la ligne j ≥ 2 est :(

0, · · · , 0,−1

j,− 1

j (j + 1), · · · ,− 1

j (j + 1)

).

On a donc :

`1 (x) = x1 +1

2x2 + · · ·+ 1

2xn

`j (x) =1

jxj +

1

j (j + 1)xj+1 + · · ·+ 1

j (j + 1)xn

`n (x) =1

nxn

ou encore :

q (x) =1

2

n−1∑j=1

1

j (j + 1)((j + 1) xj + xj+1 + · · ·+ xn)2 +

n + 1

2nx2

n.

En dimension finie la réduction de Gauss d’une forme quadratique nous permet d’obtenirson rang et son noyau.

Pour la suite de ce paragraphe, q désigne une forme quadratique non nulle sur un espace

vectoriel E de dimension n et q =p∑

j=1

λj`2j la réduction de Gauss de cette forme quadratique

où p est un entier compris entre 1 et n, λ1, · · · , λp sont des scalaires non nuls et `1, · · · , `p desformes linéaires indépendantes.

On a vu que la forme polaire de q est définie par :

ϕ (x, y) =

p∑j=1

λj`j (x) `j (y) .

Page 41: Alge Bre Chap 11

Orthogonalité, noyau et rang 201

Théorème 11.17 Avec les notations qui précèdent, on a :

rg (q) = p

et :ker (q) = {x ∈ E | `1 (x) = `2 (x) = · · · = `p (x) = 0}

Démonstration. À la réduction de Gauss q =p∑

j=1

λj`2j est associée une base (fi)1≤i≤n de E

dans laquelle la matrice de q est diagonale de la forme :

D =

λ1 0 · · · 0

0 λ2. . . ...

... . . . . . . 00 · · · 0 λn

où les p premiers λi sont non nuls et les suivants nuls (théorème 11.14). Il en résulte querg (q) = rg (D) = p et ker (q) est de dimension n− p.

Comme les formes linéaires `1, `2, · · · , `p sont linéairement indépendantes, l’espace vectoriel :

F = {x ∈ E | `1 (x) = · · · = `p (x) = 0}

est de dimension n− p. De plus pour tout x ∈ F et y ∈ E, on a :

ϕ (x, y) =

p∑j=1

λj`j (x) `j (y) = 0

ce qui signifie que F est contenu dans le noyau de q.Ces espaces étant de même dimension, on a l’égalité F = ker (q) .Le résultat précédent nous permet de simplifier la recherche d’une base q-orthogonale (fi)1≤i≤n

de E en se passant de compléter le système libre (`i)1≤i≤n en une base du dual de E.Dans le cas où p = n, la forme q est non dégénérée et une telle base q-orthogonale se calcule

en résolvant les n systèmes linéaires :

`i (fj) =

{1 si i = j0 si i 6= j

(1 ≤ i, j ≤ n)

ce qui revient à inverser la matrice Q = ((αij))1≤i,j≤n , où les αij sont définis par :

`i (x) = αi1x1 + · · ·+ αinxn

(les `i étant exprimés dans une base canonique donnée de E).Dans le cas où 1 ≤ p ≤ n− 1, on détermine tout d’abord une base (fp+1, · · · , fn) du noyau

de q en résolvant le système linéaire de p équations à n inconnues :

`i (x) = 0 (1 ≤ i ≤ p)

Ces vecteurs sont deux à deux orthogonaux puisque orthogonaux à tout vecteur de E.Il suffit ensuite de résoudre les p systèmes linéaires :

`i (fj) = δij =

{1 si i = j0 si i 6= j

(1 ≤ i, j ≤ p)

Page 42: Alge Bre Chap 11

202 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

ce qui fournit une famille q-orthogonale (f1, · · · , fp) formée de vecteurs non nuls. Pour j fixéentre 1 et p, le système linéaire `i (fj) = δij où i varie de 1 à p a des solutions puisque la matricede ce système est de rang p et deux solutions de ce système diffèrent d’un élément du noyau deq.

La famille (fi)1≤i≤n est alors une base q-orthogonale de E (exercice : vérifier qu’on a bienune base).

Dans la pratique, on résout d’abord le système :

`1 (x) = b1...

`p (x) = bp

où b = (b1, · · · , bp) est un élément quelconque de Kp. La valeur b = 0 nous donne une basedu noyau de q, puis les valeurs successives b = (1, 0, · · · , 0) , b = (0, 1, 0, · · · , 0) , · · · , b =(0, · · · , 0, 1) nous permettent de déterminer des vecteurs f1, · · · , fp.

Exercice 11.28 Soit q la forme quadratique définie sur R3 par :

q (x) = x2 + (1 + a) y2 +(1 + a + a2

)z2 + 2xy − 2ayz

1. Donner la matrice A de q dans la base canonique de R3.

2. Calculer le déterminant de A.

3. Pour quelles valeurs de A la forme q est-elle non dégénérée ?4. Réduire q et donner son rang en fonction de a.

5. Déterminer une base orthogonale pour q.

6. En déduire une matrice inversible P telle que D = tPAP soit diagonale.

Solution

1. La matrice de q dans la base canonique de R3 est :

A =

1 1 01 1 + a −a0 −a 1 + a + a2

.

2. On a :det (A) = a

(1 + a2

)

3. La forme q est dégénérée si, et seulement si, a = 0.

4. On a :q (x) = (x + y)2 + a (y − z)2 +

(1 + a2

)z2

Pour a = 0, q est de rang 2.Pour a 6= 0, q est de rang 3.

5. Dans tous les cas, il s’agit de résoudre le système :

x + y = αy − z = βz = γ

Page 43: Alge Bre Chap 11

Signature d’une forme quadratique réelle en dimension finie 203

Ce système a pour solution :

x = α− β − γy = β + γz = γ

ce qui donne pour base q-orthogonale :

f1 =

100

, f2 =

−110

, f3 =

−111

6. La matrice de q dans la base (f1, f2, f3) est :

D = tPAP =

1 0 00 a 00 0 1 + a2

où :

P =

1 −1 −10 1 10 0 1

11.7 Signature d’une forme quadratique réelle en dimen-sion finie

Pour ce paragraphe, q est une forme quadratique non nulle a priori sur un espace vectorielréel E de dimension finie égale à n ≥ 1 et on note ϕ sa forme polaire.

Théorème 11.18 Il existe un unique couple (s, t) d’entiers naturels tel que pour toute base(ei)1≤i≤n de E qui est orthogonale relativement à q, le nombre de vecteurs ei tels que q (ei) > 0est égal à s et le nombre de vecteurs ei tels que q (ei) < 0 est égal à t. De plus, on a s+t = rg (q) .

Démonstration. Soient B = (ei)1≤i≤n et B′ = (e′i)1≤i≤n deux bases q-orthogonales de Etelles que :

q (ei) > 0 (1 ≤ i ≤ s)q (e′i) > 0 (1 ≤ i ≤ s′)q (ei) < 0 (s + 1 ≤ i ≤ s + t)q (e′i) < 0 (s′ + 1 ≤ i ≤ s′ + t′)q (ei) = 0 (s + t + 1 ≤ i ≤ n)q (e′i) = 0 (s′ + t′ + 1 ≤ i ≤ n)

où s, t, s′, t′ sont des entiers compris entre 0 et n avec la convention que la condition correspon-dante sur le signe de q (ei) ou q (e′i) n’a pas lieu quand l’encadrement de l’indice i n’a pas desens.

Considérant les matrices de q dans chacune de ces bases, on voit que nécessairement on as + t = s′ + t′ = rg (q) .

On désigne par F le sous-espace vectoriel de E engendré par {e1, · · · , es} (F = {0} pours = 0) et par G′ celui engendré par

{e′s′+1, · · · , e′n

}(G′ = {0} pour s′ = n). En supposant que

s ≥ 1, on a alors :

∀x ∈ F \ {0} , q (x) =s∑

i=1

λix2i > 0

Page 44: Alge Bre Chap 11

204 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

et :

∀x ∈ G′, q (x) =n∑

i=s′+1

λ′ix2i ≤ 0

et en conséquence F ∩ G′ = {0} . Ce dernier résultat étant encore valable pour s = 0. On endéduit alors que :

dim (F ⊕G′) = dim (F ) + dim (G′)

= s + n− s′ ≤ n

et s ≤ s′.En permutant les rôles joués par s et s′, on montre de même que s′ ≤ s. On a donc s = s′

et t = t′ puisque s + t = s′ + t′ = rg (q) .

Définition 11.18 Le couple (s, t) d’entiers naturels défini par le théorème précédent est appelésignature de q et on le note sgn (q) .

Une forme quadratique q est donc de signature (s, t) si, et seulement si, elle admet uneréduction de Gauss de la forme :

q =s∑

j=1

λj`2j −

s+t∑j=s+1

λj`2j

où les λj sont tous strictement positifs (pour s = 0 la première somme n’existe pas et s = n c’estla deuxième qui n’existe pas). En définissant les formes linéaires Lj par Lj (x) = `j

(√λjx

),

on a la décomposition :

q =s∑

j=1

L2j −

s+t∑j=s+1

L2j

et à cette décomposition est associée une base q-orthogonale de E dans laquelle la matrice deq est :

D =

Is 0 00 −It 00 0 0

où Ir est la matrice identité d’ordre r. Les blocs diagonaux Is, −It ou 0 n’existent pas si s = 0,s = n ou s + t = n.

Définition 11.19 On dit que la forme bilinéaire symétrique ϕ (ou de manière équivalente laforme quadratique q) est positive [resp. définie positive] si q (x) ≥ 0 [resp. q (x) > 0] pour toutx dans E [resp. dans E \ {0}].

Une forme quadratique non nulle est donc positive [resp. définie positive] si, et seulement si,sa signature est (s, 0) [resp. (n, 0)] où s est compris entre 1 et n.

On définit de manière analogue les formes quadratiques négative [resp. définie négative] etune forme quadratique non nulle est négative [resp. définie positive] si, et seulement si, sasignature est (0, t) [resp. (0, n)] où t est compris entre 1 et n.

Exercice 11.29 On dit qu’une forme quadratique q sur E est définie si q (x) 6= 0 pour toutx ∈ E \ {0} . Montrer que si q est une forme quadratique définie (au sens de la définition quivient d’être donnée) sur un espace vectoriel réel E de dimension finie, alors elle est positive ounégative.

Page 45: Alge Bre Chap 11

Signature d’une forme quadratique réelle en dimension finie 205

Solution 11.28 Dans une base q−orthogonale B = (ei)1≤i≤n , la matrice de q est, a priori, de

la forme D =

Is 0 00 −It 00 0 0

. Si p = s + t < n, on a alors q (ep+1) 6= 0 avec ep+1 6= 0, ce qui

contredit le caractère définie de q. La forme q est donc de rang p = n.Supposons que 1 ≤ s ≤ n− 1. On a alors q (es) = 1, q (es+1) = −1 et :

q (es + es+1) = q (es) + q (es+1) = 1− 1 = 0

avec es + es+1 6= 0, ce qui contredit encore le caractère définie de q. On a donc s = 0 et q estdéfinie négative ou s = 0 et q est définie positive.On peut aussi dire que, pour n ≥ 2, la fonction continue q de Rn dans R transforme le connexeRn \ {0} en un connexe de R∗ et en conséquence q (Rn \ {0}) est contenu dans R−,∗ ou R+,∗.

À partir d’une réduction de Gauss, q =p∑

j=1

λj`2j , on déduit que q est positive [resp. définie

positive] si, et seulement si, tous les λj sont strictement positifs [resp. p = n et tous les λj

sont strictement positifs]. En effet, la condition suffisante est évidente et pour la conditionnécessaire, en supposant λ1 < 0 (on peut toujours s’y ramener) et en désignant par (ei)1≤i≤n

une base q-orthogonale de E déduite de cette réduction de Gauss, on a q (e1) = λ1 < 0 et qn’est pas positive.

Exercice 11.30 Soit q la forme quadratique positive définie sur R3 par :

q (x, y, z) = 2x2 + y2 + z2 + 2xy − 2xz.

1. Calculer la matrice de q dans la base canonique de R3.

2. Donner une expression réduite de cette forme et en déduire le rang et la signature de q.

Solution 11.29

1. On a :

A =

2 1 −11 1 0−1 0 1

2. On a :

q (x, y, z) = 2(x2 + xy − xz

)+ y2 + z2

= 2

((x +

1

2y − 1

2z

)2

− 1

4y2 − 1

4z2 +

1

2yz

)+ y2 + z2

= 2

(x +

1

2y − 1

2z

)2

+1

2(y + z)2 .

q est de rang 2 et de signature (2, 0) .

Une définition équivalente de la signature qu’une forme quadratique est donnée par le théo-rème qui suit.

La démonstration de ce théorème nécessite les lemmes suivants.

Lemme 11.2 Soit F un sous-espace vectoriel de E. La restriction de q à F est non dégénéréesi, et seulement si, F ∩ F⊥ = {0} .

Page 46: Alge Bre Chap 11

206 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

Démonstration. Dire que la restriction de q à F est non dégénérée équivaut à dire que :

{x ∈ F | ∀y ∈ F, ϕ (x, y) = 0} = {0}et ce ensemble est justement F ∩ F⊥ (c’est aussi le noyau la restriction de q à F ).

Lemme 11.3 Soit F un sous-espace vectoriel de E. Si la restriction de q à F est non dégénéréeon a alors E = F ⊕ F⊥.

Démonstration. Laissée au lecteur.

Théorème 11.19 En désignant par P [resp. N ] l’ensemble de tous les sous-espaces vectorielsF de E tels que la restriction de q à F soit définie positive [resp. définie négative] (P ou Npeut être vide), la signature (s, t) de q est donnée par :

s =

{0 si P = ∅maxF∈P

dim (F ) si P 6= ∅

et :

t =

{0 si N = ∅maxF∈N

dim (F ) si N 6= ∅

Démonstration. Notons :

s′ =

{0 si P = ∅maxF∈P

dim (F ) si P 6= ∅

et :

t′ =

{0 si N = ∅maxF∈N

dim (F ) si N 6= ∅

Par définition de la signature de q, on a s ≤ s′ et t ≤ t′.Si P = ∅, on a alors s = s′ = 0.Si P 6= ∅, on peut trouver F ∈ P tel que dim (F ) = s′ et on a nécessairement dim (F ) ≤ s.

En effet si dim (F ) > s, on désigne par (e1, · · · , es′) une base q-orthogonale de F et on peutcompléter cette base en une base (e1, · · · , en) de E qui est aussi q-orthogonale puisque larestriction de q à F est non dégénérée (elle est définie positive) et E = F ⊕F⊥. Comme F ∈ Pest de dimension maximale, la restriction de q à F⊥ est négative et la signature de q est (s′, t′)avec s′ > s, ce qui n’est pas possible. On a donc s′ ≤ s et s = s′.

On montre de manière analogue que t = t′.

Si q est définie positive, on a donc une réduction de Gauss q =n∑

j=1

λj`2j où tous les λj sont

strictement positifs et la matrice de q dans une base q-orthogonale adaptée à cette réductionest diagonale de termes diagonaux λ1, λ2, · · · , λn. En notant D cette matrice, on a det (D) =n∏

k=1

λk > 0. La matrice de q dans une autre base de Rn s’écrivant A = tPDP avec P inversible,

on a det (A) = (det (P ))2 det (D) > 0.L’utilisation des mineurs principaux de la matrice de q dans une quelconque base de Rn nous

permet de savoir si une forme quadratique est définie positive ou non.On rappelle que si A = ((aij))1≤i,j≤n est une matrice carrée d’ordre n, les mineurs principaux

de A sont les déterminants des matrices extraites Ak = ((aij))1≤i,j≤k où k est un entier comprisentre 1 et n.

Page 47: Alge Bre Chap 11

Quadriques dans Rn ou Cn 207

Théorème 11.20 Soit q une forme quadratique non nulle sur un espace vectoriel réel E dedimension n de matrice A = ((aij))1≤i,j≤n dans une base (ei)1≤i≤n . La forme q est définiepositive si, et seulement si, tous les mineurs principaux de A sont strictement positifs.

Démonstration. Supposons q définie positive sur E. Pour k compris entre 1 et n, la matriceAk = ((aij))1≤i,j≤k est la matrice de la forme quadratique qk égale à la restriction de q au sous-espace vectoriel Ek de E engendré par les vecteurs e1, · · · , ek. Cette forme qk étant définiepositive comme q, il en résulte que det (Ak) > 0.

Pour la réciproque, on raisonne par récurrence sur la dimension n ≥ 1 de E.Pour n = 1, le résultat est évident puisque E = Re1 est une droite vectoriel et q s’écrit

q (x) = q (x1e1) = λx21 avec λ = q (e1) = det (A) .

Supposons le résultat acquis pour tous les espaces de dimension au plus égal à n et soit qune forme quadratique sur un espace E de dimension n + 1. On se donne une base (ei)1≤i≤n+1

de E et on suppose que tous les mineurs principaux de la matrice A = ((aij))1≤i,j≤n+1 de qdans cette base sont strictement positifs. En désignant par H le sous-espace vectoriel de Eengendré par les vecteurs e1, · · · , en, la matrice extraite An = ((aij))1≤i,j≤n est la matrice de laforme quadratique qn égale à la restriction de q à H. Tous les mineurs principaux de An étantstrictement positifs, cette forme q1 est définie positive sur H.

La restriction de q à H étant définie positive et q non dégénérée (det (A) 6= 0), la signaturede q ne peut être que (n, 1) ou (n + 1, 0) (par définition de la signature). Si cette signature est

(n, 1) , cela signifie qu’on a une décomposition de Gauss de la forme q =n∑

j=1

λj`2j − λn+1`

2n où

tous les λj sont strictement positifs et la matrice de q dans une base q-orthogonale adaptéeà cette réduction est diagonale de termes diagonaux λ1, λ2, · · · , λn,−λn+1. En notant D cette

matrice, on a det (D) = −λn+1

n∏k=1

λk < 0, ce qui contredit det (D) = (det (P ))2 det (A) > 0. La

signature de q est donc (n + 1, 0) et q est définie positive.

11.8 Quadriques dans Rn ou Cn

Pour ce paragraphe, K désigne encore le corps de réels ou des complexes. (ou un corpscommutatif de caractéristique différente de 2).

Pour n ≥ 2, on munit l’espace vectoriel Kn de sa base canonique et les coordonnées d’unvecteur X de Kn sont notées x1, · · · , xn.

Pour n = 2 [resp. n = 3] et K = R les coordonnées seront notées x, y [resp. x, y, z].

Définition 11.20 On appelle quadrique dans Kn toute partie C de Kn définie par :

C =

{X ∈ Kn |

n∑i=1

aiix2i + 2

∑1≤i<j≤n

aijxixj +n∑

i=1

bixi + c = 0

}

où c, les aij et les bi sont des scalaires avec (a11, · · · , ann) 6= 0.

On dit aussi que C est la courbe d’équation :

P (X) =n∑

i=1

aiix2i + 2

∑1≤i<j≤n

aijxixj +n∑

i=1

bixi + c = 0

dans la base canonique.On notera aussi C = P−1 {0} où P est une fonction polynomiale de degré 2 sur Kn.

Page 48: Alge Bre Chap 11

208 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

Remarque 11.7 Une telle courbe peut être vide comme le montre l’exemple de :

P (X) = x2 + y2 + 1

dans R2.

Exemple 11.8 Pour P (X) = x2 + y2 dans R2, C est réduit à {0} .Pour P (X) = x2 + y2 − 1 dans R2, C est le cercle de centre 0 et de rayon 1.Pour P (X) = x2 dans K2, C est la droite d’équation x = 0.Pour P (X) = xy dans K2, C est la réunion des droites d’équations respectives x = 0 et y = 0.

On peut remarquer que le polynôme P s’écrit P = q + `+ c, où q est une forme quadratique,` une forme linéaire et c une constante.

En désignant par A et L les matrices de q et ` dans la base canonique de Kn, on a :

P (X) = tXAX + LX + c

Pour tout X0 dans Kn, on a pour tout X dans Kn, en désignant par ϕ la forme polaire deq :

P (X + X0) = q (X + X0) + ` (X + X0) + c

= q (X) + 2ϕ (X,X0) + ` (X) + ` (X0) + q (X0) + c

l’application X 7→ ϕ (X, X0) étant une forme linéaire sur Kn.

Définition 11.21 On dit que la quadrique C = P−1 {0} est à centre s’il existe un uniqueélément X0 dans Kn tel que P (X + X0) = q (X) + d pour tout X dans Kn, où d est uneconstante.

Théorème 11.21 La quadrique C = P−1 {0} est à centre si, et seulement si, la forme quadra-tique q est non dégénérée.

Démonstration. Dire que C est à centre revient à dire qu’il existe un unique X0 dans Kn

tel que pour tout X dans Kn, on ait 2ϕ (X, X0) + ` (X) = 0, soit :

∀X ∈ Kn, 2 tX0AX + LX = 0

c’est-à-dire :∀X ∈ Kn,

(2 tX0A + L

)X = 0

ce qui équivaut à 2 tX0A + L = 0 ou à 2 tAX0 = 2AX0 = − tL (la matrice A de q estsymétrique) X0 étant unique.

En définitive, C est à centre si, et seulement si, l’équation 2AX0 = − tL a une uniquesolution, ce qui équivaut à dire que A est inversible. En effet, pour A inversible, la solution est

X0 = −1

2A−1 tL et pour A non inversible, l’ensemble des solutions de ce système est soit vide

soit infini puisque pour toute solution X0, l’ensemble X0+ker (A) , avec dim (ker (A)) ≥ 1, nousdonne une infinité de solutions. Et A inversible signifie que q non dégénérée.

Page 49: Alge Bre Chap 11

Quadriques dans Rn ou Cn 209

Remarque 11.8 Si la quadrique C est à centre de centre X0, en effectuant le changement devariable X ′ = X −X0 (on ramène l’origine en X0), on a :

P (X) = P ((X −X0) + X0) = q (X −X0) + d = q (X ′) + d

=n∑

i=1

aii (x′i)

2+ 2

∑1≤i<j≤n

aijx′ix′j + d

Tenant compte du fait que pour tout X ′ ∈ Kn on a q (X ′) = q (−X ′) , on déduit que :

(X = X0 + X ′ ∈ C) ⇔ P (X) = P (X ′ + X0) = q (X ′) + d = 0

⇔ q (−X ′) + d = P (−X ′ + X0) = 0

⇔ (X0 −X ′ ∈ C)

ce qui se traduit en disant que le centre X0 est un centre de symétrie pour C.Remarque 11.9 Le système linéaire permettant de déterminer le centre, quand il est unique,est donné par :

2n∑

j=1

aijxj + bi = 0 (1 ≤ i ≤ n)

Dans Rn, on a :

∂xk

P (X) =∂

∂xk

( ∑1≤i,j≤n

aijxixj +n∑

i=1

bixi + c

)

=∂

∂xk

(n∑

i=1

xi

n∑j=1

aijxj +n∑

i=1

bixi + c

)

=n∑

j=1

akjxj +n∑

i=1

xiaik + bk

=n∑

j=1

akjxj +n∑

i=1

akixi + bk

= 2n∑

j=1

akjxj + bk (1 ≤ k ≤ n)

et notre système linéaire s’éccrit simplement :

∂xk

P (X) = 0 (1 ≤ k ≤ n)

Exemple 11.9 Dans R2 la quadrique d’équation y−x2 = 0 n’est pas à centre puisque la formequadratique q : (x, y) 7→ −x2 est dégénérée. Cette quadrique du plan R2 est une parabole.

Exemple 11.10 Considérons dans R2 la quadrique d’équation :

x2 + y2 − 2xy − 8 (x + y) + 16 = 0

La forme quadratique q de matrice A =

(1 −1−1 1

)est dégénérée (det (A) = 0) et donc n’est

pas à centre. En effectuant le changement de variable x′ = x − y, y′ = x + y, cette équation

s’écrit (x′)2 − 8y′ + 16 = 0, soit y′ =1

8(x′)2 − 16 et C est une parabole.

Page 50: Alge Bre Chap 11

210 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

En définitive, si C est une quadrique à centre, en plaçant l’origine au centre, cette conique àune équation de la forme :

q (X) = α

où q est une forme quadratique non dégénérée et α une constante.Le théorème de réduction de Gauss nous permet d’écrire q comme combinaison linéaire de

n carrés de formes linéaires, ce qui revient à dire qu’il existe une base de Kn dans laquelle l’ex-

pression de q est q (X) =n∑

i=1

λiy2i , les scalaires λi étant non nuls et dans cette base (orthogonale

pour q), une équation de C est :n∑

i=1

λiy2i = α.

11.9 Quadriques dans Rn

Dans le cas des quadratiques à centre réelles, en désignant par (s, t) la signature de q avecs + t = n, il existe une base de Rn dans laquelle une équation de C est :

s∑i=1

y2i −

n∑i=s+1

y2i = α.

avec la convention ques∑

i=1

= 0 pour s = 0 etn∑

i=s+1

= 0 pour t = 0.

En particulier dans le plan R2, on a les possibilités suivantes en désignant par x, y les coor-données de X dans une base q-orthogonale, l’origine étant ramenée au centre de la quadrique :

– x2 + y2 = ±α = β pour q de signature (2, 0) ou (0, 2) et C est vide pour β < 0, réduite à{(0, 0)} pour β = 0 ou une ellipse pour β > 0 ;

– x2 − y2 = α pour q de signature (1, 1) et C est une hyperbole.

Exemple 11.11 Considérons dans R2 la quadrique d’équation :

x2 + y2 + 4xy + 4 (x + y)− 8 = 0.

La forme quadratique q est non dégénérée puisque sa matrice dans la base canonique est :

A =

(1 22 1

)

a pour déterminant det (A) = −3 6= 0.Son centre est solution du système linéaire :

∂P

∂xP (X) = 2x + 4y + 4 = 0

∂P

∂yP (X) = 2y + 4x + 4 = 0

soit : {x + 2y = −22x + y = −2

Page 51: Alge Bre Chap 11

Quadriques dans Rn 211

ce qui donne X0 = −2

3(1, 1) .

Le changement de variables X ′ = X −X0, soit x′ = x +2

3, y′ = y +

2

3donne :

(x′ − 2

3

)2

+

(y′ − 2

3

)2

+ 4

(x′ − 2

3

)(y′ − 2

3

)+ 4

(x′ − 2

3+ y′ − 2

3

)− 8 = 0

soit :(x′)2 + (y′)2 + 4x′y′ =

32

3comme prévu.La réduction de Gauss donne :

(x′ + 2y′)2 − 3(y′)2 =32

3

et C est une hyperbole.

En restant dans R2, une quadrique C a une équation de la forme :

ax2 + 2bxy + cy2 + dx + ey + f = 0

Si la forme quadratique q est dégénérée et non nulle, elle est de rang 1, ce qui équivaut à dire que

la matrice A =

(a bb c

)est de rang 1 et il existe un réel non nul λ tel que

(bc

)= λ

(ab

)

et l’équation de C devient :

a(x2 + 2λxy + λ2y2

)+ dx + ey + f = 0

soit :a (x + λy)2 + dx + ey + f = 0

Si a = 0, on a l’équation :dx + ey + f = 0

qui définit une droite si (e, d) 6= (0, 0) , l’ensemble vide si (e, d) = (0, 0) et f 6= 0 ou R2 toutentier si (e, d) = (0, 0) et f = 0.

Pour a 6= 0, on distingue alors deux cas de figure.Soit e = λd et notre équation devient :

(x + λy)2 +d

a(x + λy) +

f

a= 0

soit : (x + λy +

d

2a

)2

=d2 − 4af

4a2

ce qui définit la réunion de deux droites si d2 − 4af > 0 (les droites d’équations x + λy =√d2 − 4af − d

2aet x+λy = −

√d2 − 4af + d

2a), une droite si d2−4af = 0 (la droite d’équation

x + λy = − d

2a) ou l’ensemble vide si d2 − 4af < 0.

Soit e 6= λd et le changement de variable x′ = x + λy, y′ = dx + ey nous donne l’équationa (x′)2 + y′ + f = 0, ce qui définit une parabole (le changement de variable est validé par∣∣∣∣

1 λd e

∣∣∣∣ = e− λd 6= 0).

En définitive, dans une base adaptée, une quadrique de R2 a une équation de l’une des formessuivantes :

Page 52: Alge Bre Chap 11

212 Formes bilinéaires et quadratiques réelles ou complexes

– x2 + y2 = β ;– x2 − y2 = α ;– dx + ey + f = 0 ;– x2 = α ;– ax2 + y + f = 0.