Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

182
  1

Transcript of Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

Page 1: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 1/182

 

 

1

Page 2: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 2/182

 

 Alfred HITCHCOCK 

QUATRE MYSTERES

C'EST tout spécialement pour la  jeunesse qu'Alfred Hitchcock a écrit celivre passionnant.

Cinq objets sans rapport entre euxdisparaissent. Pourquoi?

Sept pendules en bon état de marcheindiquent sept heures différentes. Quefaut-il en conclure?

Trois chasseurs de fauves semblentavoir tiré sur un collectionneur de timbres.Comment?

Un auteur de romans policiersdisparaît d'une maison hermétiquementclose. Est-ce possible?

Voilà quatre énigmes ourdies,commentées, discutées, piégées par AlfredHitchcock; le maître du mystère en personne.

En face de lui, quatre garçons dont le

sort dépend de l'ingéniosité avec laquelleils répondront aux questions étranges quivont leur être posées...

2

Page 3: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 3/182

 

3

Page 4: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 4/182

 

QUATRE MYSTERES 

4

Page 5: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 5/182

 

DU MÊME AUTEUR 

Liste des volumes en version française

Les titres 

1. Quatre Mystères (Alfred Hitchcock’s solve-them-yourself mysteries ? )2. Au rendez-vous des revenants (The Secret of Terror Castle, Robert Arthur, 1964)3. Le perroquet qui bégayait (The Mystery of the Stuttering Parrot , Robert Arthur, 1964)4. La momie qui chuchotait (The Mystery of the Whispering Mummy, Robert Arthur, 1965)5. Le Chinois qui verdissait (The Mystery of the Green Ghost , Robert Arthur, 1965)6. L’arc en cielpris la fuite (The Mystery of the Vanishing Treasure, Robert Arthur et William

Arden, 1966)7. Le spectre des chevaux de bois (The Secret of Skeleton Island , Robert Arthur, 1966)8. treize buste pour Auguste (The Mystery of the Fiery Eye, Robert Arthur, 1967)9. Une araignée appelée à régner (The Mystery of the Silver Spider , Robert Arthur, 1967)10. Les douze pendules de Théodule (The Mystery of the Screaming Clock , Robert Arthur, 1968)11. Le trombone du diable (The Mystery of the Moaning Cave, William Arden, 1968)12. Le crâne qui crânait (The Mystery of the Talking Skull , Robert Arthur et William Arden, 1969)13. L’ombre qui éclairait tout (The Mystery of the Laughing Shadow, William Arden, 1969)14. Le dragon qui éternuait (The mystery of the coughing dragon, Nick West, 1970)15. Le chat qui clignait de l'oeil (The Secret of the Crooked Cat , William Arden, 1970)16. L’aigle qui n’avait plus qu’une tête (The Mystery of the Flaming Footprints, M V Carey, 1971)

17. Le lion qui claquait des dents (The Mystery of the Nervous Lion, Nick West, 1971)18. Le serpent qui fredonnait (The Mystery of the Singing Serpent , M V Carey, 1971)19. Le tableau se met à table (The Mystery of the Shrinking House, William Arden, 1972)20. Le journal qui s'effeuillait (The Secret of Phantom Lake, William Arden, 1972)21. L’insaisissable home des neiges (The Mystery of Monster Mountain, M V Carey, 1972)22. Le miroir qui glaçait (The Secret of the Haunted Mirror , M V Carey, 1972)23. Le testament énigmatique (The Mystery of the Dead Man's Riddle, William Arden, 1972)24. La Mine qui ne payait pas de mine (The Mystery of Death Trap Mine, M V Carey, 1976)25. Le démon qui dansait la gigue (The Mystery of the Dancing Devil , William Arden, 1976)26. L’épée qui se tirait (Mystery of the Headless Horse, William Arden, 1977)27. L’éditeur qui méditait (The Mystery of the Magic Circle, M V Carey, 1977)

28. La Saisie des sosies (The Mystery of the Deadly Double, William Arden, 1978)29. L’épouvantable épouvantail (The Mystery of the Sinister Scarecrow, M V Carey, 1979)30. le requin qui resquillait (The Secret of Shark Reef , William Arden, 1979)31. L’aveugle qui en mettait plein la vue (The Mystery of the Scar-Faced Beggar , M V Carey,

1981)32. Le flibustier piraté (The Mystery of the Purple Pirate, William Arden, 1982)33. La baleine emballée (The Mystery of the Kidnapped Whale, M V Carey, 1983)34. Le drakkar hagard (The Mystery of the Creep-Show Crooks, William Arden, 1985)35. Les caisses à la casse ( Hot Wheels, William Arden, 1989)36. Envolée, la volaille ! (Murder To Go, Megan Stine et H. William Stine, 1989)37. L'ânesse qui se pavanait (An Ear For Trouble, Marc Brandel, 1989)

38. Silence, on tue ! (Thriller Diller, Megan Stine et H. William Stine, 1989)

5

Page 6: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 6/182

 

ALFRED HITCHCOCK 

QUATRE MYSTERES

TEXTE FRANÇAIS DE VLADIMIR VOLKOFFILLUSTRATIONS DE JACQUES POIRIER 

HACHETTE281

6

Page 7: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 7/182

 

L'ÉDITION

ORIGINALE DE CE ROMAN, ,A PARU EN LANGUE ANGLAISE,

CHEZ RANDOM HOUSE,  NEW YORK ,SOUS LE TITRE :

ALFRED HITCHCOCK'S SOLVE-THEM-YOURSELF MYSTERIES

(c) Random House, 1963

et  Librairie Hachette, 1965.

Tous droits de traduction, de reproductionet d'adaptation réservés pour tous pays.

7

Page 8: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 8/182

 

 Je vais préciser quelques points qui demeurent encore obscurs.

8

Page 9: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 9/182

 

 INFO

Les Trois Jeunes Détectives 

 Les Trois Jeunes Détectives (The Three Investigators) est une série de romans policiersaméricains pour la jeunesse.

Ayant eu plusieurs auteurs écrivant leur aventures (l'auteur principal et créateur étantRobert Arthur), l'édition française de Bibliothèque Verte nomme comme auteur AlfredHitchcock, qui « présente » la série, comme il prêtait son nom à des recueils de nouvelles

 policières ou d'angoisse. Ces œuvres utilisaient son nom pour mieux attirer l'attention.

Les personnages

Hannibal Jones ( Jupiter Jones en version originale), Peter Crentch ( Peter Crenshaw) etBob Andy ( Robert « Bob » Andrews) sont un trio de jeunes adolescents vivant dans la villefictive de Rocky en Californie. Ils travaillent comme détectives privés dans leur temps libre. Sefaisant connaître comme  Les trois jeunes détectives, ils enquêtent dans des affaires allant dusurnaturel jusqu'au sombres intrigues criminelles.

Les trois jeunes détectives en détail

Étant bien entendu au nombre de trois, leur symbole est le point d'interrogation. Ils ontleur propre carte de visite qui a trois points d'interrogation consécutifs, ce qui attire trèssouvent les questions des gens à qui ils les montrent, demandant ce qu'ils signifient, parfois sic'est dû à leur propre doute en leurs capacités. Ils répondent toujours que cela représente lemystère et les énigmes qu'ils ont à résoudre. Leur devise : « Détections en tout genre » (ouselon le volume, « Enquêtes en tout genre », etc.)

• Hannibal Jones : Détective en chef. Le chef de la bande, il est très intelligent etne s'en cache pas. Il a un problème de surpoids qui attire parfois les moqueries, ce qu'il déteste.Orphelin, il vit avec sa tante Mathilda et son oncle Titus qui s'occupent d'une brocante nommée

 Le Paradis de la Brocante (The Jones Salvage Yard ). Plus jeune, certains comme Skinny Norris le surnommaient « Gros Plein de Soupe » mais il déteste ce surnom.

• Peter Crentch : Détective adjoint. Le sportif de la bande, il est physiquementfort, ce qui est toujours utile. Malgré cela, il a tendance à être peureux. Il peut tout de mêmemontrer du courage en cas d'urgence. Son père travaille au cinéma pour les effets spéciaux.Son expression favorite en cas de grande pression est « Mazette ».

• Bob Andy : S'occupe des archives et recherches. Fluet, portant lunettes etsouvent plongé dans les livres, il est un peu l'archétype du nerd. Son père est journaliste et samère est décrite comme jeune et jolie.

9

Page 10: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 10/182

 

Personnages secondaires 

• Alfred Hitchcock : Le célèbre cinéaste fut le premier client des détectives, puisdevint une sorte de mentor pour eux pendant les trente premiers volumes, « préfaçant »chacune de leurs aventures (travail de l'auteur, bien sûr) et retrouvant les héros à la fin pour 

discuter de l'affaire et de son dénouement. La maison d'édition Random House payait pour utiliser légalement son nom. À sa « vraie » mort en 1980, les Hitchcock demandèrent encore

 plus d'argent; il fut remplacé par un personnage fictif, Hector Sebastian. Les dernières éditionsaméricaines ont changé les volumes de sorte que Hitchcock n'apparaisse plus et soit remplacé

 par Hector Sebastian.• Hector Sebastian : Un ancien détective devenu écrivain, auteur de romans best-

sellers. Il prit la place de Hitchcock dans la série dès  L'aveugle qui en mettait plein la vue.• Titus Jones : Oncle de Hannibal et propriétaire du Paradis de la Brocante, c'est

un petit homme moustachu jovial, qui préfère acheter pour son affaire des objets qui le passionnent personnellement plutôt que des choses pratiques.

• Mathilda Jones : Tante de Hannibal et femme de Titus, c'est une femme forteet sévère mais qui malgré son apparence dure, a un fond très bon (dans certains volumes de laversion française, elle s'appelle Mathilde).

• Warrington : Chauffeur bbritanique de la Rolls Royce dont Hannibal a gagnél'usage pendant trente jours à un concours (jusqu'à ce que son usage soit finalement étendu).Homme droit et distingué, il va parfois personnellement aider les détectives.

• Samuel Reynolds : Commissaire de la police de Rocky. Ayant d'abord unecertaine antipathie pour les héros, il finit par reconnaître leur talent et leur fournit même unecarte signée qui les désigne comme auxiliaires de la police. Reynolds intervient souvent pour arrêter les criminels que les trois jeunes détectives débusquent.

• Hans et Konrad : Deux Bavarois physiquement très forts qui travaillent au

  Paradis de la Brocante pour les Jones. Ils sont aussi sympathiques que musclés et sonttoujours prêts à aider les héros.• Skinny Norris : Jeune voyou d'une famille aisée, il est toujours à mettre des

 bâtons dans les roues des trois jeunes détectives dont il prend plaisir à se moquer. Il va parfois jusqu'à collaborer avec des criminels, plus par idiotie que délinquance. Il est grand, maigre (cequi lui vaut son surnom de « Skinny » signifiant « maigre » en anglais et a un long nez.

• Huganay : Criminel français distingué, Huganay se spécialise dans le vold'objets d'arts.

Auteurs 

• Robert Arthur (aussi créateur)• William Arden•  Nick West• Mary Virginia Carey

Hitchcock lui-même n'a rien écrit dans la série, ni même les préfaces qui sont «signées » de lui (ce ne sont que des travaux des auteurs). D'abord intitulée  Alfred Hitchcock and the Three Investigators en version originale, elle devint simplement The Three

 Investigators dès le volume 30 (  L'aveugle qui en mettait plein la vue), après la mort

d'Hitchcock.

10

Page 11: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 11/182

 

Notes

Chaque couverture de volume montre la silhouette de la tête d'Alfred Hitchcock,comme dans les débuts de ses films.

• Dans la version originale, la plupart des titres commençaient par les mots « Themystery of... » ou « The secret of... ». La plupart des titres en version française tentent, eux, defaire des jeux de mots.

• Les derniers volumes montrent les protagonistes plus âgés et ayant plus de préoccupations d'adolescents. Cela a commencé dans la partie appelée Crimebusters en versionoriginale.

• La série est particulièrement populaire en Allemagne. Les acteurs ayant participé à des versions audio y sont des vedettes. Deux films produits en Allemagne ont

d'ailleurs été tournés.

11

Page 12: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 12/182

 

Introduction

Bonjour.

Alfred Hitchcock vous souhaite la bienvenue dans son bureau derecherches, enquêtes et filatures, et présente aujourd'hui à Son public

une invention tout à fait spéciale.Il s'agit d'un livre bourré d'angoisse et de mystère, mais le tout

dans le genre « petit bricoleur », ou « débrouillez-vous Vous-mêmes » — du moins pour ceux d'entre vous qui aiment à jauger leurs capacitésdétectives à l'aide de bons indices solides sous la dent.

Quant à ceux qui préfèrent galoper aux chausses du malfaiteur enrugissant : «Taïaut, Taïaut! », ils n'ont qu'à me laisser faire. Galopezautant qu'il vous plaira : les indices, je m'en | charge. Je les ramasserai

après vous et je les mettrai en ordre, grâce à des interventions que jeme permettrai de faire de temps en temps, au cours du récit.

Un dernier mot. Certains parmi mes plus chauds partisans ontinventé un jeu. Toute la famille se réunit et chacun lit une page de monlivre, à tour de rôle et à haute voix. Aussitôt que l'un des auditeurs croitavoir décelé un indice, il pousse un grand cri et marque un point. Lalecture s'arrête et la discussion commence pour savoir s'il s'agit d'unvrai indice et ce qu'il signifie.

Voilà un excellent moyen de passer le temps en société Mais quevous en fassiez l'épreuve ou non, je vous supplie de ne transgresser en

12

Page 13: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 13/182

 

rien le code le plus strict des- amateurs d'énigmes. Une lois que vousavez terminé un récit, n'en révélez le secret à personne.

Vous vous donnez bien la peine de lire chaque histoire de bout en bout? Vos petits amis n'ont qu'à faire comme vous.

ALFRED  HITCHCOCK 

13

Page 14: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 14/182

 

TABLE

14

Page 15: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 15/182

 

Le mystère des cinq larcins 16

***

Le mystère des sept pendules 48

***

Le mystère de la chambre forte 76

***

Le mystère de l'homme qui s'évapora 137

***

 

LE MYSTÈRE DES CINQ LARCINS

15

Page 16: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 16/182

 

--------------------------------------------------------------------------------------

ALFRED HITCHCOCK : Permettez-moi de prendre un instant la parole.

 Je suppose que vous aimez le cirque? Quand j'étais petit garçon — eh! oui, si curieux que cela vous paraisse, cela m'est arrivé, à moiaussi —, tous les garçons corrects de mon âge rêvaient de s'engager dans un cirque ou de devenir détective : comme Sherlock Holmes. Moi,  je ne suis jamais parvenu à me décider et vous savez comment j'aitourné .plus tard. Laissons cela. Quant à vous, vous pouvez faire les

deux à la fois sans quitter votre fauteuil. Vous n'avez qu'à ouvrir l'œil  pour trouver des indices, tandis que Jerry Mason enquête sur...

--------------------------------------------------------------------------------------

LE MYSTÈRE DES CINQ, LARCINS

JERRY venait à peine de quitter la grand-route lorsqu'il sentit quequelque chose n'allait pas au cirque Clanton vers lequel il se dirigeait.Il s'approchait des roulottes et des tentes par-derrière et pouvaitconstater que rien n'avait changé depuis que, une heure plus tôt, ilétait parti pour poster en ville la lettre recommandée que luiavait confiée son oncle Frank.

Et pourtant, il sentait bien que quelque chose n'allait pas. Jerryétait grand et mince, avec des cheveux blonds et rebelles. Sa

  passion était de débrouiller les situations confuses... Il s'arrêta etexamina le petit cirque en détail.

Au fond, se dressait la grande tente bariolée où le spectacle avaitlieu tous les jours, en matinée et en soirée. Une oriflamme portant lesmots CIRQUE CLANTON flottait paresseusement au sommet du mâtcentral. Jerry ressentait un mouvement

16

Page 17: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 17/182

 

de fierté chaque fois qu'il l'apercevait. C'était la première fois queses parents lui permettaient d'accompagner le cirque en tournée. C'étaitaussi la première année que le cirque appartenait à son oncle Frank quil'avait racheté, avec ses économies, à M. Claypole Clanton, l'ancien propriétaire.

Dans un cirque, le travail ne manque pas, et Jerry avait pour mission de donner un coup de main à tous ceux qui en avaient besoin.En particulier, il aidait son oncle dans la comptabilité et était même

autorisé à paraître sur la piste avec les clowns, par faveur spéciale.Maintenant, après tout un été passé avec le cirque, il se prenait

 pour un véritable enfant de la balle et aurait aimé se voir traité commetel par tous ses camarades, qui le tenaient encore pour un « bleu ».

Minutieusement, Jerry observait le cirque. A côté de la grandetente de spectacle, il y avait celle de la parade, bleue et blanche, et celledes animaux, toute rouge. Puis, la tente-cuisine et la tente-dortoir.Enfin les camions et les roulottes qui transportaient de ville en ville ce

 petit monde à part que formait le cirque Clanton.

17

Page 18: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 18/182

 

Bien sûr, ce n'était qu'un tout petit cirque, mais Jerry étaitconvaincu que c'était le meilleur des États-Unis.Trente-sept roulottes en plus ou moins bon état s'alignaient sur 

deux rangs devant la grande tente. Jerry les avait comptées dès le premier jour. Lorsqu'il y avait assez de place, on les rangeait en cerclemais ici, à Green City, comme le terrain était étroit, on avait dû lesgarer le long de la route. Chaque équipe avait sa propre remorque.Jerry et son oncle se partageaient celle qui servait aussi de caisse de

location.Jerry se remit lentement en marche, toujours préoccupé. Il n'avaitrien pu déceler d'extraordinaire, et pourtant le sentiment d'inquiétudequi s'était emparé de lui ne le quittait pas.

Tout à coup, il comprit.C'était le silence.A cette heure-ci, par une claire matinée d'août, le cirque aurait dû

n'être que vacarme. Martèlement des maillets sur les

 

18

Page 19: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 19/182

 

  piquets des tentes, rugissement rauque d'un lion, barrissementd'un éléphant, bourdonnement des conversations, une douzaine de bruits caractéristiques auraient dû retentir de tous côtés, en prévisiondu spectacle de l'après-midi.

Au lieu de cela, le silence. Ou presque.On entendait quelques bruits, bien sûr, mais si peu!...Et ce silence incomplet avait quelque chose de menaçant. De

tendu. De presque effrayant.En approchant de la première roulotte, Jerry vit que bon nombre

des occupants se tenaient dehors et regardaient tous dans la mêmedirection, vers la grande tente ou peut-être vers la roulotte de son onclequi était garée à côté.

M. Fissel se tenait près de son véhicule et paraissait préoccupé.M. Fissel était contorsionniste et faisait mettre sur ses affiches :  Fissel,l'homme qui fait des nœuds. A ce moment précis, il se tenait debout sur les mains, les jambes ramenées en arrière, si bien que ses pieds lui pendaient par-dessus les épaules et se balançaient de part et d'autre deson menton. Il avait trente ans de métier et ne cessait de s'exercer pour conserver la forme.

« Monsieur Fissel, demanda Jerry avec anxiété, qu'est-il arrivé?

Y a-t-il un malheur? »M. Fissel hocha la tête pour montrer qu'il n'en savait rien. Puis,

lentement, il dénoua ses membres et se remit debout. Jerry pressa le pas.

De l'autre côté de la route, se trouvait le camion d'Anderson lecowboy, spécialiste du lasso. Le gaillard s'entraînait en visant un poteau, à bonne distance. Jerry fut stupéfait de voir que le cowboymanquait son but et ramenait la corde sans même paraître s'apercevoir 

de son échec. Lui non plus, il ne quittait pas des yeux la roulotte dudirecteur. Jerry se rappela avoir entendu dire que la femme d'Andersonétait à l'hôpital, et qu'il lui envoyait tout son salaire.

Après celle du cowboy était garée la roulotte d'Imo et Jimo, lesdeux jongleurs japonais, toujours silencieux, toujours graves, qui, lesmassues à la main, en oubliaient de jongler, tant ils paraissaient préoccupés.

19

Page 20: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 20/182

 

En face d'eux, Ahmed et Abdullah, les acrobates égyptiens, préparaient leur numéro. Abdullah était debout, les jambes largementécartées. Il portait en équilibre sur sa tête une perche d'aluminium,longue de deux mètres, épaisse de dix centimètres, terminée par desembouts de caoutchouc. Au sommet de la perche, la tête en bas,oscillait Ahmed. Jerry approchait lorsque Ahmed perdit l'équilibre ettomba. Il fit un saut périlleux en l'air et atterrit sur les pieds. La perche,elle, s'abattit avec un bruit sourd presque sur les orteils d'Abdullah.

Devant tant de maladresse, le petit homme basané se seraitd'ordinaire mis à jurer dans une langue rauque et sifflante - de l'arabe, peut-être, mais, en tout cas, fort peu littéraire. Aujourd'hui, il ne dit pasun mot. Il ramassa seulement sa perche et, la tenant solidement d'uneseule main, il tourna les yeux vers la tente centrale, comme les autres.

Devant la roulotte suivante — d'un gabarit peu courant — setenaient le géant Grossomodo — taille : 2,47 mètres; pointure : 54 — et le major Microbe — taille : 1,14 mètre; poids : 20,5 kilos.Grossomodo avait une longue figure à l'expression perpétuellement perplexe; Microbe portait des diamants à tous les doigts et s'habillaitavec le raffinement d'un petit mannequin. Les mauvaises langues ducirque disaient qu'il était criblé de dettes, tant il achetait de vêtements

et de bijoux; en effet, il ne portait jamais un costume plus de deuxmois.

Personne n'avait jamais vu le major paraître en public sans sa petite canne en bois poli, à manche recourbé, qui lui servait à attirer l'attention des gens en leur accrochant l'avant-bras. En ce moment, ils'était suspendu par ce moyen au coude de Grossomodo.

« Grosse barrique, lui criait-il de sa petite voix flûtée, veux-tu melever! Je ne vois rien!

- Il n'y a rien à voir », bougonna Grossomodo tout en arrondissantses deux paumes réunies pour que le major pût grimper.

Sur les épaules du géant, Microbe s'installa comme sur unmirador et se maintint en équilibre en se tenant aux rudes cheveux deson partenaire.

 

20

Page 21: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 21/182

 

« Qu'est-il arrivé? demanda Jerry. Y a-t-il eu un accident? »Grossomodo secoua la tête négativement, si bien que le major 

faillit tomber.« Tiens-toi tranquille, grosse bête! hurla-t-il. Tu veux me tuer? »Ils ne cessaient de se quereller, mais voyageaient toujours

ensemble et étaient malheureux l'un sans l'autre.« C'est Jerry, fit le géant. — Je vois bien que c'est Jerry. J'ai des yeux! » répliqua le nain,

tout en regardant Jerry de haut en bas.Cela lui faisait toujours plaisir de pouvoir toiser les gens. « Nous

avions entendu quelqu'un crier, expliqua-t-il à Jerry. Mais quand noussommes sortis,, c'était fini.

 — Je parie qu'il y a encore eu un vol, marmonna Grossomodo. Sic'est ça, je m'en vais, je démissionne, vu?

 — Pas avant que j'aie retrouvé ma canne, répliqua le major. Ma plus jolie canne, ma canne porte-bonheur! Et toi, il faut qu'on te rendetes chaussures. Tes belles chaussures de chez le bottier.

 — Moi, je démissionne, répéta le géant. Tant pis pour la canneet les chaussures. »

Jerry poursuivait son chemin. Quelle mauvaise nouvelle pour son

oncle, si Grossomodo et Microbe prenaient sérieusement la décision dequitter le Cirque! Le public les aimait beaucoup.

Le garçon allait prendre le pas gymnastique lorsqu'il s'entenditappeler. Il fit volte-face et aperçut une petite vieille souriante, le visagetout ridé et les yeux pétillants, qui se tenait derrière lui, à moitié cachée par un camion. C'était For-tunata, la diseuse de bonne aventure, vêtuede sa robe bariolée de bohémienne. Sur le poing, elle portait son perroquet, qui s'appelait M. Coco. Il penchait la tête de côté et son œil

rond était fixé sur Jerry.« Tracas, tracasseries! cria-1-il soudain. — Tais-toi donc, lui répondit Fortunata. Tu n'es qu'un oiseau.

Mais pour ce qui est des tracas, ça ne m'étonnerait pas si nous enavions encore. Il est arrivé malheur à Mme Winifred.

 — La charmeuse de serpents? Est-elle malade? demandajerry.

21

Page 22: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 22/182

 

 — Tracas, tracasseries ! répéta le perroquet.

  — Si elle était malade, elle crierait moins fort, fit Fortunata,qui ne souriait plus. Mme Winifred n'est pas contente du tout. Elledoit être chez votre oncle, en ce moment. Je crois qu'on a encore voléquelque chose.

 — Encore! J'espère bien que non! s'écria Jerry. Je vais voir si je peux aider oncle Frank. »

II partit au pas de course vers la roulotte de son oncle. Cheminfaisant, il passa devant les Six Ferdinand volants, et le mélancolique

Espadon; les uns, au lieu de faire leur numéro de voltige, l'autre au lieud'avaler ses sabres, regardaient la roulotte de tête. Jerry s'y précipita,tout haletant.

M. Frank Mason siégeait derrière son bureau. Son visage, tanné par les intempéries, paraissait grave. En face de lui, était assise MmeWinifred, petite bonne femme boulotte qu'on appelait la Reine desserpents. Sur ses affiches, on la voyait entourée de tous les reptiles dela jungle, mais, dans la vie quotidienne, c'était une brave personne qui

adorait tricoter des chandails 

22

Page 23: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 23/182

 

 pour ses amis. En ce moment, il est vrai, un serpent s'enroulaitsur son bras gauche comme un énorme bracelet et lui caressait la jouede sa tête triangulaire.

« Jerry! s'écria Mme Winifred. L'avez-vous vue? Savez-vous oùest ma chère petite Belle?

- Belle? » répéta Jerry.Il essayait de se rappeler une personne portant ce nom.« Mais oui, Belle, ma ravissante petite Belle, toute blanche, toute

mouchetée, ma plus vieille amie, ma plus chère compagne. On me l'a prise! On me l'a enlevée! »

Mme Winifred affectait toujours de parler de ses serpents commede personnes humaines.

« Volée! dit Jerry, en se laissant tomber sur une chaise. En êtes-vous sûre?

- C'est précisément la question que je posais à Mme Winifred », bougonna oncle Frank.

Il se pencha en avant :« Winifred, vous le savez, un serpent passe par une fente

minuscule. Peut-être Belle...- Non, non! C'est impossible! cria Mme Winifred. Il n'y a qu'une

fenêtre solidement grillagée. Quelqu'un a coupé le grillage pour voler Belle. Allez voir vous-même. »

Frank Mason et Jerry se levèrent.« C'est ce que nous avons de mieux à faire, dit l'oncle de Jerry.

Restez ici, Winifred, et calmez-vous. Nous retrouverons Belle si c'esthumainement possible. »

Laissant la charmeuse de serpents dans la roulotte-bureau, ilssortirent par-derrière, sans prêter attention à tous les regards fixés sur 

eux.« Jerry, fit M. Mason sérieusement, tout en marchant vers une

roulotte vert olive, sur laquelle était écrit en grosses lettres le nom deMADAME WINIFRED, la situation devient critique. Avons-nous unfou parmi nous? Il y a cinq jours, on volait la plus belle paire dechaussures de Grossomodo; la nuit suivante, la canne porte-bonheur dumajor. La nuit d'après, le meilleur lasso d'Anderson disparaît. Hier,Espadon ne retrouve plus l'un de ses

23

Page 24: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 24/182

 

sabres. Et aujourd'hui, un serpent prend la clef des champs. Je nevois aucune logique dans tout cela. »

Jerry ne répondit pas. Qui pouvait voler un assortiment pareild'objets sans valeur réelle? Jerry pensait aussi à un autre larcin, dontson oncle n'avait pas parlé. Un diamant, appelé « la Flamme verte »,avait été volé cinq jours plus tôt au musée de Millerton, justementquand le cirque Clanton y donnait une représentation. Et la Flammeverte valait près de 100000 dollars...

Sans prêter attention à la partie avant de la roulotte de MmeWinifred, aménagée en un appartement, ma foi fort confortable, oncleFrank passa dans la partie arrière, où l'on accédait en franchissant deux portes, l'une en métal, l'autre en grillage serré. Derrière la deuxième porte se trouvaient sept ou huit cages de verre dans lesquelles desserpents de diverses couleurs se tenaient lovés. L'un d'eux, un gros python, dressa la tête.

« Elle a raison, dit M. Frank. Belle n'aurait pu s'échapper.Winifred enferme toujours ses petits amis à clef. Mais regarde legrillage de la fenêtre de ventilation : il a été découpé. »

L'unique fenêtre était petite — 40 centimètres de côté — et ellese trouvait tout au fond de la roulotte, sous le toit. Le grillage avait été

découpé le long des bords.« Regardons de l'extérieur », dit M. Mason.Ils sortirent de la roulotte et virent que la fenêtre se trouvait

 placée nettement au-dessus de la tête de M. Mason.« Grimpe et jette un coup d'œil! » commanda l'oncle en se

 préparant à faire la courte échelle à son neveu.A ce moment, Jerry s'écria :« Regarde! »

Là, par terre, à l'aplomb de la fenêtre, on voyait une empreinte de pied dans le sable. C'était une empreinte énorme, presque deux fois plus longue et plus large qu'une empreinte normale.

« Grossomodo, murmura M. Frank. Il est venu ici hier soir...- A moins que..., fit Jerry, qui ne savait plus que penser. Laisse-

moi chercher d'autres indices. »Avec l'aide de son oncle, il se hissa jusqu'à la fenêtre. Le grillage

avait été découpé sur les côtés et à la partie inférieure,

 

24

Page 25: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 25/182

 

de façon à pouvoir être repoussé à l'intérieur. Jerry introduisit satête et ses épaules dans la roulotte. En bas, hors de sa portée, setrouvaient les cages. L'une d'elles était vide. A part cela, tout paraissaiten ordre.

Jerry retira sa tête et se laissa glisser à terre.« Grossomodo n'aurait jamais pu passer ses épaules par cette

ouverture, remarqua-1-il. D'ailleurs, il a peur des serpents.- Et Microbe? Il aurait pu passer, lui, et se pencher à

l'intérieur.- Mais ses bras auraient été trop courts. Il n'aurait jamais pu

atteindre Belle.- La canne! s'écria M. Mason. Il accroche toujours les gens avec

sa canne. Il aurait fort bien pu accrocher Belle par le milieu ducorps et la soulever. Le géant et le nain auraient travaillé ensemble.

- Mais, oncle Frank, protesta Jerry, puisqu'on a volé une des paires de chaussures de Grossomodo et la canne de Microbe! C'estquelqu'un d'autre qui a pu utiliser ces accessoires pour détourner nossoupçons ! »

M. Mason se mordait la lèvre en silence. Ces vols absurdesavaient créé une atmosphère de suspicion et d'anxiété qui pesait lourd

sur le petit monde du cirque Clanton.« Tu as peut-être raison, admit-il. Mais il se peut aussi que

Grossomodo et le major aient menti en nous disant qu'ils avaient étévolés.

- Et le lasso d'Anderson? Et l'espadon du Sabre... je veux dire lesabre d'Espadon?

- Microbe aurait fort bien pu se glisser dans les camions pour dérober ces objets. Je parie que le sabre a servi à découper le grillage.

Et le lasso a pu être utilisé pour attacher la malle ou la caissedans laquelle on a caché Belle.

- Mais pour quoi faire? demanda Jerry, qui n'avait pas envie queGrossomodo et le major fussent coupables.

- Je n'en sais rien. Peut-être pour brouiller les idées dudétective de cette compagnie d'assurances qui enquête sur le vol dudiamant de Millerton. Nous apprendrons le motif quand nous

25

Page 26: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 26/182

 

 Avec l'aide de son onde, il se hissa jusqu'à la fenêtre.

26

Page 27: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 27/182

 

aurons retrouvé le serpent. Je vais faire fouiller tout le cirque,centimètre par centimètre. Et je vais soigner particulièrement laroulotte du major et de son géant.

- Ne leur montrez pas que vous les soupçonnez, oncle Frank,conseilla Jerry. Grossomodo menace déjà de démissionner. Il est danstous ses états.

- Nous sommes tous dans tous nos états, repartit M. Mason en prenant la direction du bureau. Si nous ne retrouvons pas Belle, nousaurons quantité de désertions. Peut-être n'aurons-nous plus de quoiassurer un spectacle. Alors, adieu les économies que j'ai investies dansce cirque. »

Dans la roulotte, ils retrouvèrent Mme Winifred qui roucoulaitquelque chose au serpent enroulé sur son bras gauche. Elle leva lesyeux, pleine d'espoir :

« Vous avez retrouvé Belle?- Pas encore, répondit Mason. De quelle taille était-elle?- 177 centimètres de pied en cap, si on peut dire qu'elle a un

 pied et un cap, répondit Mme Winifred. 9 centimètres de diamètre et le plus charmant caractère de serpent que j'aie jamais rencontré. Bien sûr,elle se fait vieille maintenant et je ne peux plus m'en servir pour mon

numéro, mais je l'aime toujours beaucoup.- Nous allons retourner le cirque de fond en comble pour la

retrouver, déclara M. Mason. Rentrez chez vous et préparez-vous pour le spectacle.

- Je vais baigner Hercule, mon gros python, réponditMme Winifred. Et je ferai cuire des œufs pour mes petits chéris. »

Elle sortit. M. Mason poussa un profond soupir.« Jerry, veux-tu aller me chercher Parker, le détective? Nous

allons prendre Jake Ferrel et deux autres hommes de confiance pour fouiller tous les coffres, toutes les valises, toutes les barriques où onaurait pu cacher Belle.

- J'y vais, oncle Frank. Je pourrai vous aider à fouiller?- Je regrette, mon garçon. J'aurai besoin de toi à la caisse.

 N'oublie pas de casser la croûte avant de revenir. »Jerry sortit de la roulotte. Le soleil brillait et l'atmosphère du

cirque Clanton avait changé de nouveau. Le bruit main-

27

Page 28: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 28/182

 

tenant ne manquait plus, mais il trahissait la nervosité des artistes.Tout le monde savait la nouvelle : on discutait ferme sur lasignification de ce nouveau larcin. Les gens du voyage sontsuperstitieux : Jerry savait bien que, si l'on commençait à dire que lecirque Clanton portait malheur, M. Mason serait définitivement ruiné.

C'est alors que Jerry décida de résoudre l'énigme. Il ne savait pasencore comment il allait s'y prendre, mais il ne doutait pas de laréussite.

-------------------------------------------------------------------------------------

ALFRED HITCHCOCK  :  Hum! hum! Cela ne se fait pas, de

lire par-dessus l'épaule des gens. Mais, voyez-vous, je constate que Jerry vient de décider de percer le mystère des cinq larcins et je medemande si vous n 'allez pas essayer de le percer avant lui. Bien sûr, sivous en avez déjà deviné le fin mot, je n'aurai pas l'air très malin. Dureste, l'expérience des émissions-mystères que je fais à la télévisionm'a appris à redouter les imaginations juvéniles... Mais enfin, enadmettant que vous ne soyez pas encore tout à fait prêts à passer lesmenottes aux vrais coupables, vous auriez tout intérêt à prêter une

attention soutenue à ce qui va suivre. Et vous pourriez peut-être aussirelire ce qui précède. Il y a déjà eu deux indices, ma foi, fort curieux...

-------------------------------------------------------------------------------------

Jerry trouva M. Parker dans la tente-cuisine. Le détective de lacompagnie d'assurances accompagnait le cirque dans ses déplacementsdepuis la disparition de la Flamme verte à Millerton, la semaine

 précédente.Parker était un petit homme mince et chauve. Il se faisait passer 

 pour un journaliste qui menait une enquête sur la vie des cirques.« Dites donc, mon garçon! s'écria-t-il dès qu'il eut aperçu Jerry.

J'ai une proposition à vous faire. Vous êtes tout le temps à tourner dansle cirque, vous entendez les gens discuter. Vous avez peut-être déjàvotre petite idée sur le bonhomme qui a volé la Flamme verte dans lemusée de Millerton. Moi, ajouta-t-il en soupirant, je n'arrive pas à faire

 bavarder vos camarades. Ils

28

Page 29: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 29/182

 

ont dû deviner qui j'étais. Mais si vous m'aidez à retrouver lediamant, je veux bien partager la récompense avec vous. Cinq milledollars, ça vous dit quelque chose? »

Si Parker avait été un bon détective, il se serait aperçu que la plupart des artistes du cirque Clanton considéraient Jerry comme un bleu, pas du tout comme un camarade. Il ne gagnerait leur confiancequ'en restant parmi eux assez de temps pour devenir un ancien ou alorsen accomplissant un exploit quelconque qui leur montrerait qu'il faisait partie de la maison. De son côté, si c'était vraiment l'un des artistes quiavait volé la Flamme verte, Jerry voulait que le voleur fût découvert, pour laver la réputation des autres.

« Pourquoi êtes-vous si sûr que le coupable soit l'un des artistes?demanda Jerry.

- C'est évident, répondit Parker. Écoutez-moi. A Millerton, votreterrain est à cinq cents mètres du musée. Samedi dernier, pendant quevous montiez vos tentes, quelqu'un a grimpé jusqu'à une fenêtre dudeuxième étage, en s'aidant du lierre qui couvre le mur. Il a brisé lavitrine où la Flamme verte était exposée. Elle était enchâssée dans ungrand pectoral hindou en or et il y avait aussi dans la vitrine d'autreséchantillons d'art oriental. Mais le voleur n'a pris que le pectoral,

  parce que le diamant était le seul objet de valeur qu'il pût espérer vendre. Voilà qui indique du bon travail de professionnel : un amateur se serait bourré les poches.

- Résultats : vous-même et la police, vous vous êtesempressés de conclure que le coupable était l'un de nos artistes,répliqua Jerry. Les policiers sont venus et nous ont tous fouillés. Ilsont mis le cirque sens dessus dessous. Nous avons étéobligés de supprimer la, matinée, oncle Frank a perdu beaucoup

(l'argent et nous étions tous drôlement furieux!- Sauf l'un de vous, qui avait drôlement peur, repartit Parker.

Quelqu'un a bien extrait la pierre du pectoral, puisque la police l'aretrouvé, sans le diamant, dans les buissons derrière vos lentes.Évidemment, un diamant, c'est plus facile à cacher qu'ungrand pectoral d'or. Si je suis encore là, c'est que la

29

Page 30: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 30/182

 

 police n'a pas trouvé le diamant, et que je suis sûr qu'il n'est pasloin!

- Je crains bien que vous n'ayez raison, reconnut Jerrymalgré lui. Je vous aiderai si vous...

- C'est gentil de votre part! s'écria Parker.- Laissez-moi finir. Je vous aiderai à retrouver le diamant si vous

nous aidez à retrouver Belle.- Belle? Qui est Belle?- Un des serpents de Mme Winifred.- Un serpent? Dites donc! Je n'ai pas envie de me faire piquer 

 par une de vos sales bêtes.- Aucun de nos serpents n'est venimeux, monsieur Parker.

Quelqu'un a volé Belle, comme on a volé les souliers du géant, lacanne du nain, le lasso du cowboy et le sabre de l'avaleur de sabres.

- Un petit farceur qui s'amuse ! répondit Parker. Ces choses-là,ça ne me regarde pas. Je suis un détective pour hommes. Pas undétective pour serpents.

- Écoutez, monsieur Parker. Mon oncle va faire fouiller lecirque pour retrouver Belle. Il voudrait que vous l'aidiez. Cela vous permettra de chercher encore une fois votre diamant. Puisque vous êtes

détective, vous penserez peut-être à des cachettes que les amis de mononcle auraient négligées.

- Si vous le prenez comme ça..., hésita Parker, en se grattant lementon. Voulez-vous me décrire le disparu?

- 177 centimètres de long, 9 centimètres de diamètre, moucheténoir sur blanc, charmant caractère, répondit Jerry. C'est un vieuxserpent qui retombe en enfance.

- Hum! fit Parker, en regardant autour de lui. Un vol de serpent!

Jamais vu ça. Où peut-on cacher un serpent? Dans un pneu derechange, peut-être, ou dans un tuyau à incendie?

- Plutôt dans une boîte, une caisse, une malle, un panier, répliquaJerry. De toute façon, oncle Frank veut que vous fouilliez tout. Vousferiez mieux d'aller le voir tout de suite. »

Le détective obéit et Jerry déjeuna tristement. Le cuisinier, unancien hercule, faisait des commentaires moroses sur la situation :

30

Page 31: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 31/182

 

« Voilà maintenant qu'ils se mettent à voler des serpents! Et il

 paraît qu'il va y avoir encore une fouille.- Il faut bien que l'on retrouve Belle, dit Jerry.- En tout cas, ils ne vont pas la chercher dans mes cubes de

glace, grommela le cuisinier. Le commissaire m'a cassé toute ma glace,à Millerton. Et quelqu'un m'a pris un panier plein d'œufs durs. Jerry,mon garçon, j'ai vu de bons cirques ruinés pour moins que cela. »

Jerry repartit dans la direction de la roulotte-bureau. Il était siabsorbé dans ses pensées qu'il ne prêta aucune attention à l'activité qui

régnait autour de lui, jusqu'au moment où une main lui toucha lecoude.

« Jerry!Tiens, Fortunata! »C'était la bohémienne, M. Coco toujours perché sur son bras, qui

avait arrêté le jeune garçon.« Tracas, tracasseries ! cria le perroquet. 

31

Page 32: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 32/182

 

- Nous le savons bien sans toi, répliqua Fortunata. Viens avecmoi, Jerry. M. Coco te dira la bonne aventure. »

A l'intérieur de la petite tente de Fortunata, se trouvait une tablede bois sur laquelle reposaient six cages. Dans chacune des cages, onapercevait une boîte renfermant une pile de bouts de papier soigneusement plies.

« II faut donner la pièce à M. Coco, dit Fortunata en souriant.Horoscope gratis ne vaut rien. »

Jerry trouva une pièce dans sa poche. L'oiseau la prit dans le becet la jeta dans un bol vert. Puis il suivit une rampe qui montait vers lessix cages. Il s'apprêtait à entrer-dans celle du milieu lorsque Fortunatasiffla. Aussitôt, le perroquet courut jusqu'à la dernière cage, y choisitun papier et le rapporta à Jerry. Jerry, perplexe, lut le message suivant :

 Pour réussir, pense droit.« Une prédiction agréable? demanda Fortunata, ses yeux noirs

tout brillants.- C'est certainement un très bon conseil, répondit Jerry en

hésitant. Mais dans la situation actuelle, je ne crois pas qu'il puisse meservir à grand-chose.

- M. Coco donne toujours des conseils utiles. Penses-y

comme il faut, Jerry. »

-------------------------------------------------------------------------------------

ALFRED HITCHCOCK  :   Pardonnez mon intervention. Jevous propose de vous arrêter cinq minutes pour réfléchir. Quelquechose me dit que M. Coco et Fortunata s'efforcent de communiquer un secret à Jerry. Bien sûr, mais lequel?...

 Revenons à notre histoire.

-------------------------------------------------------------------------------------

La roulotte-bureau de location était vide. Jerry se laissa tomber dans le fauteuil de son oncle, saisit un morceau de papier et un crayon pour mettre ses pensées en ordre, comme il aimait à le faire. Aprèsquelques instants, il relut ce qu'il venait d'inscrire noir sur blanc :

32

Page 33: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 33/182

 

OBJETS VOLÉS

1. Un diamant de grande valeur.2. Une paire de chaussures de géant.3. La canne d'un nain.4. Un lasso.5. Un sabre. -6. Un serpent.

QUESTIONS

  Est-ce la même personne qui a volé ces objets? Dansl'affirmative, pourquoi? Quel rapport entre un diamant et le reste? Peut-être y a-t-il un rapport entre certains objets mais pas entre lesautres?

Réflexion faite, Jerry ajouta :

Un panier d'œufs durs aurait aussi été volé.

Cela rendait les choses encore plus confuses. Probablement lesœufs avaient-ils été simplement dérobés par un affamé.

Jerry était prêt à donner sa langue au chat lorsque son oncle entra.Il paraissait fort ennuyé.

« Nous n'avons pas trouvé le serpent, fit-il. Pourtant, nous avonsregardé partout. Ce Parker est un imbécile. Il voulait fouiller les pneusde rechange, la grosse caisse de l'orchestre et les bassines sur lesquelles

les éléphants se tiennent en équilibre. Le cuisinier a failli le rosser quand il s'est avisé de plonger son nez dans la farine et le sucre en poudre. »

M. Mason eut un petit rire sec. Mais il reprit gravement :« Jerry, je ne sais pas ce que nous allons faire. Tout le inonde est

si nerveux... Enfin, pour l'instant, il faut se préparer pour la matinée... »A ce moment, on frappa à la porte. Jake Farrell, un grand

rouquin, entra. Sur sa figure sympathique, on lisait une expression

étrange.

33

Page 34: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 34/182

 

« Ça y est, c'est retrouvé, fit-il.- Qui? Belle? demanda M. Mason.- Non, pas Belle. Les autres choses. Les chaussures, la canne et le

reste.- Où cela?- Le tout était enterré derrière la tente-cuisine. Venez voir. »

Cependant le public commençait déjà à arriver. Les gensachetaient des friandises, écoutaient la parade, visitaient la

ménagerie.M. Mason et Jerry suivirent Farrel jusqu'à la tente-cuisine. Un

groupe d'hommes gardaient les yeux fixés sur un morceau de toileétendu par terre. Farrel la souleva et découvrit une fosse-dans laquellese trouvait une caisse étroite, toute noire, qui ressemblait à un cercueilen miniature. Le couvercle était transpercé par le sabre de l'avaleur desabres, enfoncé jusqu'à la garde.

« Diable! » s'écria M. Mason.Déjà, Farrel ramenait la caisse, arrachait le sabre, soulevait le

couvercle...Jerry se haussa sur la pointe des pieds pour mieux voir et sentit un

frisson d'horreur lui descendre le long du dos.

Dans le petit cercueil, on voyait les chaussures de Grossomodoréduites en lambeaux. Par-dessus, des morceaux de la canne du major Microbe. A côté, un lasso dans la boucle duquel avait été passée une  poupée de chiffons. Sur le bras de la poupée, on avait dessinégrossièrement un serpent, si bien que, de toute évidence, elle figuraitMme Winifred.

On aurait dit que la personne qui avait enterré ces objets en voulaità la vie même de leurs propriétaires.

« Cachez cela! commanda Frank Mason qui avait blêmi. Et n'en parlez à personne. »

Farrell enveloppa la caisse dans la toile.« Trop tard, grommela-t-il. On nous a vus déterrer le trésor et, à

l'heure qu'il est, tout le cirque doit être au courant.- Alors, que les hommes retournent à leur travail. Venez, Farrell.

Il faut que nous discutions la situation. Jerry, prépare-toi pour lamatinée.

 

34

Page 35: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 35/182

 

- Oui, oncle Frank », dit Jerry, qui ne pensait qu'au bizarrecontenu de la caisse. Il aurait aimé parler un instant à son oncle.Personne n'avait remarqué que, de tout ce qui avait été volé, seuleBelle manquait encore. Quelqu'un avait enterré le reste de telle façonqu'il serait sûrement retrouvé. Le serpent, non. Pourquoi? Le voleur désirait-il que la boîte noire et son contenu fussent découverts? Jerry pensait que oui. Mais dans quel dessein? Le résultat obtenu ne seraitqu'un mécontentement général encore plus poussé.

Quelqu'un essayait-il donc de ruiner le cirque? Était-ce là le motde l'énigme?

Tout en réfléchissant, Jerry se rendit à la tente des clowns. TomClick, le clown en chef, l'homme le mieux payé du cirque, était en trainde se maquiller. Il traitait Jerry de haut mais amicalement.

« Tu es en retard, mon garçon, remarqua-1-il.- Oui, monsieur Click », répondit Jerry.Il endossa un costume de clown, blanc et rouge, puis il

35

Page 36: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 36/182

 

commença à se maquiller. Il mit du rouge sur son nez, des cercles  blancs autour des yeux, se fit de grosses lèvres rouges cernées de blanc.

« L'année prochaine, je pourrai encore faire le clown, monsieur Click? demanda-t-il.

- Hum! fit M. Click, en se mettant sur la tête une perruque où des pétards étaient dissimulés. Y aura-t-il une année prochaine? »

Il glissa un canard vivant dans sa poche.« On ne parle plus que du cercueil. Beaucoup d'entre nous

  pensent que le cirque est ensorcelé et se préparent à partir.Grossomodo, Microbe, Mme Winifred, Anderson... »

Jerry acheva de se maquiller en silence. Il était persuadé que lecoupable avait autre chose en tête que la sorcellerie.

La musique familière retentit à ses oreilles et il courut avec lesautres clowns pour participer à la parade. Pendant une heure, il n'eut plus le temps de penser : il faisait la roue et toutes sortes d'exercices àquoi il excellait.

Lorsque les clowns eurent fini leur numéro, ils se retirèrent defaçon à pouvoir aider leurs camarades, le cas échéant. En effet, latradition du cirque Clanton voulait que si un incident quelconque

survenait pendant un numéro, les clowns vinssent aussitôt à larescousse en attirant sur eux l'attention du public.

Ce jour-là, tout alla de travers. Les animaux eux-mêmesdevenaient nerveux par contagion. La vieille Mom, chef de file deséléphants, ne voulut pas danser et les autres éléphants l'imitèrent. Leslions se battirent entre eux : il fallut les séparer.

Imo et Jimo, les jongleurs japonais, qui se lançaient des torchesenflammées -- ils auraient pu faire ce tour-là les yeux fermés —,

 perdirent leur assurance, et Imo se brûla grièvement.Jerry fit la roue sur la piste pour leur permettre de se retirer.

Ahmed et Abdullah entrèrent en courant et leurs acrobaties stupéfièrentle public... jusqu'au moment où, subissant les effets de la nervositégénérale, ils manquèrent leur grand numéro, celui où Ahmed se tenaitla tête en bas sur une perche d'aluminium qu'Abdullah portait sur satête à lui. Ahmed n'était pas encore en position qu'il perdait déjàl'équilibre et tombait à terre. Le

36

Page 37: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 37/182

 

 Le cylindre d'aluminium s'abattit sur lui avec un bruit mat.

37

Page 38: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 38/182

 

cylindre d'aluminium s'abattit sur lui, avec un bruit mat.Jerry se dit que cette chute lui rappelait quelque chose... Puis,

avec les autres clowns, il essaya de distraire le public.Les Égyptiens sortirent en s'injuriant. Tom Click vint jouer une

 pantomime où il figurait à lui tout seul deux lutteurs : il y mettait tantde talent qu'on croyait voir son invisible adversaire...

Le filet fut installé pour les Ferdinand volants qui commencèrent par redresser la situation en réussissant leur numéro aérien. Tout àcoup, Signor Ferdinand manqua de rattraper sa femme qui faisait undouble saut périlleux arrière. Elle tomba dans le filet.

Le filet avait été mal attaché et céda sous le poids. La foule poussa un cri de terreur. Aussitôt la signera Ferdinand bondit sur ses  pieds, pour montrer qu'elle n'était pas blessée et les clowns se précipitèrent de nouveau pour faire diversion. Les Ferdinand, vexés etfurieux, quittèrent la piste.

« L'année prochaine, ils ne reviendront pas!» souffla Tom Click àJerry qui faisait semblant de le gifler.

Les pétards cachés sous la perruque éclatèrent. Tom poursuivit :« Ça va mal, mon garçon. On vient de me dire que le cowboy est

déjà parti. Grossomodo et Microbe ont voulu prendre la poudre

d'escampette aussi, mais ton oncle les a retenus : il veut les fairearrêter. »

Machinalement, Jerry fit la roue. Grossomodo et Microben'avaient rien à voir dans tout cela : il en était sûr. Tous les événementsqui avaient eu lieu portaient la marque d'un esprit astucieux, ingénieux,tortueux comme un serpent...

Tortueux comme un serpent! Mais les serpents ne sont pastoujours tortueux...

Tout à coup, toutes les pensées qui trottaient dans la cervelle deJerry retombèrent en place, comme les différentes pièces d'un puzzle.

Il comprenait maintenant ce que signifiaient :

un cercueil en miniature,une paire de chaussures et une canne volées, 

38

Page 39: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 39/182

 

un serpent disparu,un géant et un nain qui s'énervaient et voulaient démissionner 

immédiatement,un panier d'ceufs durs volatilisés,la prophétie de M. Coco,et un bruit sourd qu'il avait entendu deux fois ce jour-là.

Tout cela avait un sens. Mais il fallait agir avant qu'il ne fût troptard.

D'un bond, Jerry revint au centre de la piste où Tom Click faisaitl'étonné sous les feux d'artifice qui sortaient de sa chevelure.

« J'ai quelque chose d'urgent à faire! » souffla Jerry au clown enchef.

Sans attendre de réponse, il fit la roue jusqu'à la sortie desartistes.

Une fois dehors, il se remit debout et courut vers les véhicules.Le terrain était presque vide, mais de la roulotte de Grossomodo

et de Microbe provenaient des cris. Le nain et le géant se tenaientdehors et apostrophaient quelqu'un qui se trouvait à l'intérieur.

Jerry ne s'arrêta pas.

De l'autre côté de la route, il vit les Ferdinand volants qui, l'air sinistre, se préparaient à partir. Le camion du cowboy avait disparu.

Mais la roulotte bleue, toute luisante, qui intéressait Jerry n'avait pas encore bougé.

Pourtant deux hommes avaient déjà pris place dans la cabine duvéhicule qui la remorquait, et le conducteur venait de mettre le moteur en marche. Jerry fit le tour de la roulotte, si bien que les deux hommesne pouvaient plus le voir. Il y avait une porte de derrière. Pourvu

qu'elle ne fût pas fermée à clef! Jerry tourna la poignée, la portières'ouvrit. La roulotte se mettait déjà en mouvement, lorsque Jerrygrimpa à l'intérieur et se mit à fouiller dans les accessoires rangés. àl'arrière. Il vit ce qu'il cherchait, et s'en empara. L'objet était lourd etincommode à porter. Jerry le saisit à deux bras, sauta dehors

39

Page 40: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 40/182

 

et remonta la route au pas de course. Il espérait que les deuxhommes ne le verraient pas.

Mais ils le virent.L'automobile s'arrêta.Les portières s'ouvrirent.Les deux hommes se précipitèrent à la poursuite de Jerry.

Furieux, ils l'appelaient à grands cris, mais le garçon ne s'arrêta pas.Portant toujours son fardeau, il courait de toutes ses forces.

Grossomodo et le major Microbe étaient encore devant leur roulotte et discutaient rageusement avec quelqu'un. Jerry se précipitavers eux, tandis que ses poursuivants gagnaient du terrain.

« Grossomodo ! cria Jerry en rassemblant tout ce qui lui restait desouffle. Au secours... »

II était sur le point de se mettre sous la protection du géant étonnélorsque l'un des poursuivants le plaqua au sol. Jerry tomba. L'objet qu'il portait vola loin de lui, sa tête heurta quelque chose de dur et il perditconnaissance.

40

Page 41: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 41/182

 

ALFRED HITCHCOCK  :   Excellente occasion pour que je fasse une apparition. Pendant que Jerry reprend ses esprits, dites-moidonc si vous avez résolu le Mystère des cinq larcins. Je crains bien quevous ne répondiez oui et, à vous parler franchement, je n'aime pasbeaucoup les jeunes gens qui se montrent plus astucieux que moi.Quant à ceux d'entre vous qui cherchent encore laborieusement, jeleur conseille de méditer ceci. Il n'y avait qu'un motif pour voler Belle. Il y en avait deux pour voler les chaussures, la canne, le lasso et le sabre. Un serpent n'est pas toujours tortueux. Et n'oubliez pas le bruit mat... Suffit. J'en ai déjà trop dit. Si vous êtes pressé, en avant toute! Jevous promets de ne plus réapparaître avant la fin.

--------------------------------------------------------------------------------------

CONCLUSION

Jerry ouvrit les yeux et vit que son oncle l'aidait à s'asseoir.Farrell se tenait auprès d'eux. Jerry battit des paupières. Sa tête luifaisait mal. Un peu plus loin, Grossomodo tenait fermement les deux

hommes qui avaient poursuivi le garçon.« Jerry, comment te sens-tu? demanda M. Mason.- Ça va, dit Jerry, en se frottant la tête. Excepté cette bosse.- Alors, dit M. Mason d'un ton grave, en aidant Jerry à se lever,

tu pourrais peut-être nous donner quelques explications. Ces deuxmessieurs affirment que tu leur as volé un de leurs accessoires et quec'est toi aussi qui as subtilisé les chaussures de Grossomodo, la canne

du major et le reste. Est-ce que tu t'es vraiment livré à ces enfantillagessans penser aux conséquences ?

 — Non, oncle Frank, répondit Jerry solennellement. J'ai pris ceci — il indiquait l'accessoire que tenait maintenant JakeFarrell—, mais j'étais obligé. Je crois que j'ai compris tout ce qui s'est passé.

- Alors dépêche-toi de nous l'expliquer, dit M. Mason un peu plus doucement.

- Je vais commencer par le commencement, proposa Jerry. En

réalité, c'est tout simple.

41

Page 42: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 42/182

 

  — Simple? s'écria Frank Mason. Nous verrons cela. Allonsdiscuter dans la roulotte. Grossomodo, amène-moi ces deux-là. »

Les deux hommes protestèrent en se débattant, mais Grossomodoles tenait chacun d'une main et les fit entrer de force dans la roulotte.Jerry, son oncle, Parker et le major les suivirent. Grossomodo ferma la porte et s'y adossa. Les deux hommes se taisaient, l'air accablé.

« Tout a commencé il y a cinq jours, à Millerton, dit Jerry, le jour où la Flamme verte a été volée.

- Je le savais! s'écria Parker, mais Mason le fit taire d'un coupd'œil.

- Le cirque se trouvait sur un terrain proche du musée, poursuivit Jerry. Quelqu'un a grimpé jusqu'au second étage, en s'aidantdu lierre. Le vol a visiblement été commis par un ou des voleursexpérimentés...

- Précisément ce que je disais! interrompit Parker.- La police de Millerton nous a tout -de suite soupçonnés, peut-

être simplement parce que nous ne sommes pas du pays, et s'est mise àfouiller nos tentes et nos roulottes. Cette fouille a terrifié le voleur. Ildevait cacher le diamant immédiatement dans un endroit où jamaisaucun policier ne penserait à le chercher. Pas dans sa propre roulotte,

 bien sûr, parce que si on l'y retrouvait, le voleur serait découvert. Alorsil a enlevé le diamant de sa monture, a jeté la monture et a caché lediamant.

- Où ça? demanda Farrell, l'œil sombre.- J'y arrive, répondit Jerry. Mais laissez-moi d'abord parler des

autres vols. La nuit après la disparition de la Flamme verte, les souliersde Grossomodo furent volés, ce qui l'ennuya beaucoup.

- Je crois bien! grommela le géant. Ma plus jolie paire de «

liaussures. }e l'ai payée cent dollars au bottier.- La nuit suivante, poursuivit Jerry, le major ne retrouva |)lus

sa canne.- Ma canne porte-bonheur! piailla Microbe. La canne qui ne m'a

  pas quitté depuis que je suis artiste! Elle vaut plus que «le l'argent.Si jamais je rencontre le coquin qui me l'a cassée, M lui tords le cou! »

42

Page 43: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 43/182

 

Il serrait ses petits poings d'un air comique, mais personne nesourit.

« Puis on vola le sabre d'Espadon et le meilleur lasso d'Anderson,reprit Jerry. C'était absurde.

- Pas du tout, répliqua Parker. Ces objets ont servi auvoleur pour enlever Belle.

- Mais non, répondit Jerry. Ou bien, s'ils lui ont servi, ce n'estqu'après coup. Il avait de meilleures raisons pour voler des objetsaussi hétéroclites. D'abord, il voulait mettre tout le monde mal àl'aise. C'est pour cela qu'il a enterré le tout dans un cercueil enminiature. Pour faire accroire aux gens que quelqu'un essayaitd'ensorceler le cirque. »

Jerry regarda les visages sourcilleux qui l'entouraient. Le petitminois du major Microbe lui-même était devenu un masque de perplexité.

« Voyez-vous, reprit Jerry, depuis le début, le voleur voulaitenlever le serpent de Mme Winifred, Belle. Les voleurs, devrais-jedire, car il est évident que pour voler Belle il fallait deux hommes, l'unfaisant la courte échelle à l'autre. Mais en outre, il fallait que, aprèsavoir enlevé Belle, ils pussent quitter le cirque sans éveiller de

soupçons. En volant les chaussures et les autres objets, ils créaient uneatmosphère telle que certains de nos camarades nous ont abandonnésd'eux-mêmes : cela leur permettait donc de partir, eux aussi, sans êtresoupçonnés. De plus, personne ne pouvait deviner que Belle seule étaitimportante. Tout le monde a pensé ce que les voleurs voulaient quenous pensions, c'est-à-dire que Belle faisait simplement partie d'unesérie d'objets sans lien logique. C'était là la seconde raison.

 — Un instant! s'écria Frank Mason. Tu veux dire qu'il y a un

rapport entre le vol du diamant et celui de Belle? »Jerry secoua la tête affirmativement si fort que sa bosse

recommença à lui faire mal.a J'en suis persuadé, fit-il. Surtout depuis que je sais, grâce au

cuisinier, qu'un panier d'œufs durs a disparu le même jour que lediamant. »

L'étonnement se répandit sur les traits de Farrell.

43

Page 44: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 44/182

 

« Attends! Je crois que j'ai compris, s'écria-t-il. Winifred donne

des œufs à manger à ses serpents, vous l'avez tous vue faire rouler sesœufs : alors, les serpents croient qu'ils sont vivants et les avalent. »Les autres inclinèrent la tête, mais sans comprendre. Farrell

 poursuivit :« Prenons quelqu'un qui aurait volé un diamant. Il sait qu'il va

être fouillé dans quelques instants. Il faut qu'il cache le diamant dansun endroit où personne ne le cherchera mais où lui, plus tard, pourraaller le récupérer. Il constate que la roulotte où se trouve Belle n'est pas

gardée. Il pense aux serpents. Il dérobe des œufs durs à la cuisine en profitant de la confusion générale et... »Farrell regarda Jerry :« A toi d'achever, mon garçon, puisque c'est toi qui as trouvé le

 pot aux rosés.- Je pense, reprit Jerry, que les voleurs ont creusé un trou 

44

Page 45: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 45/182

 

dans un œuf dur et qu'ils y ont introduit le diamant après l'avoir extrait de sa monture. Puis, ils ont donné l'œuf à Belle qu'ils avaientchoisie parce qu'elle avait exactement la taille qu'il fallait pour entrer dans la cachette qu'ils avaient en tête.

- Je veux bien être pendu, dit Frank Mason, si j'ai jamais entendu parler d'une histoire pareille. Cacher un diamant dans un serpent! Maiston raisonnement a l'air logique.

- Bien sûr, ajouta Farrell. Et plus tard, il a fallu qu'ilsvolent le serpent sans exciter de soupçons. Alors, ils ont dérobé lesautres objets pour nous brouiller les idées. Maintenant, Jerry, il te resteà nous dire où est dissimulée Belle. »

Jerry lui prit des mains la perche d'aluminium dont Ahmed etAbdullah, les acrobates égyptiens, se servaient pour leur numéro. «Cette perche a deux mètres de long et dix centimètres d'épaisseur, dit-il. Belle a 177 centimètres de long et 9 de diamètre. Ne trouvez-vous pas que cette perche est bien lourde et mal équilibrée, pour un tubed'aluminium? Le bruit qu'elle faisait en tombant et le message de M.Coco m'ont mis sur la piste. A moins que je ne me trompe, noustrouverons donc... » Avec un effort il arracha l'embout de caoutchoucet souleva la perche. Alors tout le monde put voir le serpent disparu

glisser lentement hors du tube et retomber sans vie sur le sol.Ahmed et Abdullah bondirent vers la porte. Mais Grosso-modo

n'avait nulle intention de les laisser passer et ils furent rapidementréduits à l'impuissance. Mason ramassa le serpent.

« Pauvre Belle! fit-il. La voilà morte. Asphyxiée, je suppose. Ilest vrai qu'elle n'en avait plus pour longtemps à vivre, de toute façon.  Nous ferons cadeau d'un autre serpent à Mme Winifred. Et nousn'aurons pas de difficulté à vérifier ton hypothèse, Jerry.

- Si vous ne vous êtes pas trompé, jeune homme, dit Parker d'unton important, je compte vous donner une part de la récompense que jevais toucher pour avoir retrouvé le diamant. Vous aurez dix pour cent.

- Vous moquez-vous de nous? cria Farrell. C'est Jerry qui a résolul'énigme. S'il y a récompense, elle est pour lui tout entière! »

II se tourna vers Jerry et lui tendit sa large main.

45

Page 46: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 46/182

 

« Ça t'aidera à finir tes études, lui dit-il. En attendant, tu es le bienvenu parmi nous. Tu n'es plus un bleu, mon garçon, mais notrecamarade. Désormais, tu fais partie du cirque Clanton ! »

II broya la paume de Jerry dans la sienne et Jerry n'aurait pusouhaiter de plus belle récompense.

-------------------------------------------------------------------------------------

ALFRED HITCHCOCK  :   J'aime bien avoir le dernier mot.C'est pourquoi, avant de ranger le Mystère des cinq larcins au nombredes affaires classées, je vous dirai que Jerry ne s'était pas trompé :l'autopsie révéla que le système digestif de la malheureuse Belle

contenait effectivement le diamant disparu. Les serpents, voyez-vous,digèrent très lentement...

On apprit qu'Ahmed et Abdullah étaient, en réalité, des voleurs professionnels qui opéraient dans toute l'Europe. Pendant la saisond'été, ils jouaient les acrobates Égyptiens dans des cirques pour sedonner une couverture et, en hiver, pratiquaient leur véritable métier.

Si vous me demandez pourquoi ils n'ont pas repris le diamant aussitôt après avoir enlevé Belle, je vous répondrai que, de toute

évidence, ils ne voulaient pas que l'on pût retrouver Belle avec uneincision dans l'estomac, car alors on aurait pu deviner tout le stratagème. Ils étaient obligés de quitter le cirque en emportant Belleet sans avoir éveillé de soupçons.

Maintenant, le fameux bruit sourd. Eh bien, Jerry a vu Ahmed et  Abdullah échouer deux fois dans leur numéro. Il a pensé tout d'abord que c'était par nervosité, mais à chaque fois, il a eu une impressiond'étrange té. Tout à coup, après le deuxième échec, il constate que la

  perche, en tombant, rend un son sourd au lieu de la vibrationmétallique normale! Il y avait donc à l'intérieur quelque chose de mouqui étouffait le son et déséquilibrait par la même occasion la perche, sibien qu'Ahmed cl Abdullah ne pouvaient plus faire leur numéro.

 Le reste, je crois, est évident. Plus de questions? Ah! si. Fortunata, M. Coco et leur prédiction? Jerry n'apprit 

 jamais w la vieille bohémienne en savait plus qu'elle ne voulait l'admettre. Il pensa que, en réalité, elle avait tout compris, mais que

les traditions

46

Page 47: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 47/182

 

de sa race lui interdisaient de dénoncer qui que ce fût. C'est pourquoielle avait me d'un procédé détourné pour mettre Jerry sur la bonne piste. Car enfin, lorsque vous pensez à un serpent enroulé dans unemalle, une valise ou une grosse caisse, l'idée ne vous vient pas qu'il  pourrait aussi bien être allongé et caché dans une tige crème.

Maintenant, en voilà assez. Passons, si vous le voulez bien,à l'affaire suivante.

-------------------------------------------------------------------------------------

47

Page 48: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 48/182

 

48

Page 49: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 49/182

 

LE MYSTERE DES SEPT PENDULES

-------------------------------------------------------------------------------------

ALFRED HITCHCOCK  :   Le saviez-vous? Le temps est élastique. Quelquefois, vous le voyez ramper à la vitesse d'un escargot allant chez son dentiste. Quelquefois, il fonce comme un satellite sur l'orbite. Il lui arrive aussi de marcher à reculons.

Ci-dessous, par exemple...

 Détectives, à vos indices.'  Nous allons résoudre ensemble.

-------------------------------------------------------------------------------------

LE MYSTERE DES, SEPT PENDULES

IL  ÉTAIT six heures et demie du soir. M. Peter Perkins,  journaliste spécialisé dans les devinettes, cryptogrammes et jeuxd'esprit divers de  L'Étoile du Dimanche, se rendait chez l'horloger Fritz Sandoz. Fritz, un vieux petit bonhomme d'origine suisse, réparaitmiraculeusement montres, horloges et pendules. Peter et lui étaient liésd'amitié depuis des années.

Le journaliste descendit l'allée qui menait chez l'horloger cl

 poussa la porte de derrière.Il ne frappa pas, car Fritz était sourd. Muet aussi d'ailleurs, .1 lasuite d'un accident qui lui était arrivé dans sa jeunesse. Mais il avaitéquipé sa porte d'une serrure spéciale. Elle s'ouvrait si vous tourniez la poignée trois fois à droite, quatre fois à gauche et deux fois à droite.Peter connaissait la combinaison. H entra dans une pièce obscure etappela très fort : « Fritz? Fritz?... »

49

Page 50: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 50/182

 

Une voix rugit, tout près de son oreille :« Je te tiens ! »D'énormes mains agrippèrent M. Perkins et l'entraînèrent dans

l'arrière-boutique brillamment éclairée.« J'ai capturé l'assassin, prononça une voix de basse. Il revenait

sur les lieux du crime. »Peter Perkins battit des paupières pour accommoder ses yeux.Devant lui se tenait l'inspecteur Grull, de la police locale. Plus

loin, deux hommes se penchaient vers un objet étendu sur le sol, au  pied d'une grande horloge de campagne qui faisait partie de lacollection de Fritz Sandoz.

Avec un mouvement d'horreur, Peter Perkins comprit ce queregardaient ces hommes : ce n'était pas un objet mais le corps de sonvieil ami, le merveilleux petit réparateur de pendules, Fritz.

Le regard de Peter revint se fixer sur la face de bouledogue del'inspecteur Grull qui le considérait sans aménité.

« Lâche-le, Snider, commanda Grull, c'est Peter Perkins, l'hommeaux devinettes. Un empoisonneur public, mais pas un assassin.

- Mais il est entré par la porte de derrière, protesta le policier quitenait Perkins. Et vous aviez dit, inspecteur, que je devais

capturer le criminel qui reviendrait sûrement sur les lieux du ...- Ça va, dit brutalement Grull. File aider les autres. Quant à

vous, Perkins — il fixait sur le journaliste un regard d'acier -pourquoivous introduisiez-vous subrepticement ici?

- Je ne m'introduisais pas subrepticement, répondit le journalisteavec dignité. Je venais voir mon ami Fritz. Nous devions inventer desénigmes ensemble.

- Inventer des énigmes? répéta Grull en fronçant les sourcils.

- Oui, Fritz était très fort. Il appartenait, comme moi, à laSociété nationale des amateurs de devinettes.

Très bien, fit Grull. Mais, dans le cas présent, il ne s'agit pas dedevinettes. Il s'agit d'un assassinat. Et, cette fois, vous ne viendrez pasmettre votre nez dedans. Compris? »

50

Page 51: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 51/182

 

Grull faisait allusion à quelques affaires pour lesquelles Perkinslui avait fait des suggestions. Certaines de ces suggestions s'étaientrévélées excellentes, ce qui n'avait servi qu'à rendre Grull plushargneux.

« Qui l'a tué? demanda Peter. Qui a tué Fritz? »Il essayait d'empêcher sa voix de trembler mais n'y parvenait pas

tout à fait.« Je suis là pour l'apprendre, répliqua Grull. C'est arrivé la nuit

 passée. Sandoz était ici, en train de remonter ses pendules. Donc ildevait être minuit, heure à laquelle il avait l'habitude de le faire. »

Peter inclina la tête : c'était exact.« Quelqu'un est entré, grâce à une double clef, je suppose,

 puisque la porte n'a pas été forcée. Fritz, qui était sourd, n'a rienentendu. L'assassin s'est glissé derrière lui et l'a frappé à la tête. Voilàce que nous savons. C'est là-dessus que nous allons nous fonder pour capturer l'assassin.

- C'est sûrement quelqu'un qui le connaissait, dit Peter. Quelqu'unqui savait que Fritz n'avait pas confiance dans les banques et conservaittout son argent dans le tiroir secret de son bureau. Il n'avait pasd'ennemis : donc il a sûrement été tué pour son argent?

 — Belle déduction! Nous l'avons faites avant vous, grogna Grull.D'autant plus que les tiroirs du bureau ont été forcés. Mais essayezdonc de vous mettre dans la tête que nous n'avons aucun besoin denous faire aider par des amateurs farfelus dans votre genre! Prenez la porte et... Non. Allez donc plutôt vous asseoir dans le bureau pour lecas où j'aurais des questions à vous poser. Ne touchez à rien. »

Des questions, Perkins aurait aimé en poser lui-même. Mais ilconnaissait le caractère de Grull. Il passa donc en silence dans le petit

atelier qui donnait dans l'arrière-boutique.C'était une petite pièce encombrée de pendules. On y voyait .inssi

un tabouret, un fauteuil et-le bureau qui servait d'établi, ci dont lestiroirs, comme le disait Grull, avaient été forcés. I ,r magasin lui-mêmeoù Fritz vendait ses horloges se trouvait MU le devant de la maison, au bout d'un couloir.

51

Page 52: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 52/182

 

Peter Perkins déposa son chapeau sur le bureau et s'assit dans lefauteuil en se plaçant de façon à voir ce qui se passait dans l'arrière- boutique : là se trouvait l'étonnante collection de vieilles pendules queFritz avait patiemment rassemblées.

Le premier sentiment de Perkins avait été tout de stupéfaction etde douleur. Le deuxième fut une exigence de justice : le coupabledevait expier son crime. Grull ne s'était pas montré amical, mais il étaittout de même un policier consciencieux, encore qu'il détestât lesamateurs. Si Perkins avait des suggestions sérieuses à faire, Grulll'écouterait.

Des indices, il fallait d'abord en chercher dans l'atelier où Perkinsse trouvait. L'assassin y avait passé quelques minutes, pour forcer lestiroirs qui contenaient l'argent, cet argent que Peter avait tant de foissupplié Fritz de mettre à la banque.

Assis sans bouger, Peter commença à passer la pièce en revue. Ilexamina les étagères sur lesquelles se trouvaient les pendules déjàréparées. Il détailla le tableau hérissé de petits crochets auxquels pendaient toutes sortes de montres. Il regarda l'établi du pauvre Fritz.Les outils étaient disposés dessus. On y voyait aussi une penduleélectrique à laquelle l'horloger avait été en train de travailler. Or, Fritz

était un homme très soigneux. Il rangeait toujours son ouvrage quand ill'avait terminé. De toute évidence, il avait été interrompu en pleintravail.

Le regard de Peter allait se déplacer plus loin, mais la sensationd'une certaine bizarrerie le ramena sur la pendule. Qu'avait-elle decurieux, cette pendule? Rien, et pourtant...

Tout à coup Peter comprit.La pendule marchait à l'envers !

Les yeux fixés sur les deux aiguilles qui remontaient le tempsdans leur rotation à rebours, Peter Perkins sentit un frisson particulier.C'était... c'était tellement contre nature! Une pendule marchant àl'envers dans le magasin de Fritz Sandoz qui avait mis toute sa fierté àrendre les pendules ponctuelles et fidèles !

Le phénomène était si étrange que Peter Perkins sentit qu'ilsignifiait nécessairement quelque chose.

52

Page 53: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 53/182

 

Tout à coup, Peter comprit.

53

Page 54: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 54/182

 

Oui, mais quoi?

--------------------------------------------------------------------------------------ALFRED HITCHCOCK : Question judicieuse. Je .peux vous le

dire en confidence, cette pendule qui marche à l'envers signifiequelque chose d'important. Peut-être avez-vous déjà déduit tout cequ'on peut déduire d'une pendule qui marche vers hier et non pas versdemain?

 Dans le cas contraire, n'oubliez pas d'y réfléchir.--------------------------------------------------------------------------------------

Peter Perkins suivit des yeux l'aiguille des minutes. Puis il tira desa poche un bloc-notes et un crayon. Il griffonna deux petits dessins endonnant un titre à chacun :

Puis il se leva et s'approcha de l'établi. Il se pencha pour examiner la pendule en détail. Elle était très vieille, probablement l'unedes premières pendules électriques jamais faites. L’étiquette portait lenom de Mme Murphy, ce qui expliquait pas mal de choses. MmeMurphy était une voisine de Fritz et lui .importait souvent du bouillonchaud ou d'autres mets qu'elle avait préparés elle-même. Pour elle,Fritz pouvait accepter de réparer une pendule électrique : il ne l'auraitfait pour personne d'autre, car il les détestait : il n'aimait que la bonnevieille mécanique pleine de ressorts et d'engrenages.

Un tournevis avait été posé à côté de la pendule. On aurait <iiique Fritz lui-même venait de le mettre là. Peter se sentit convaincu queFritz était en train de régler cette pendule-ci précisément, au momentoù il avait été interrompu. Tout à coup, il lève les yeux et voit l'intrus, peut-être un pistolet à la main.

54

Page 55: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 55/182

 

Et il met le mécanisme en marche. Mais à l'envers. Pourquoi?Sous l'effet de la surprise? Ou de propos délibéré? Fritz Sandozconnaissait l'horlogerie à fond, il savait tout ce qu'on peut faire avecune pendule, il...

« Perkins! »Le journaliste sursauta. L'inspecteur Grull rugissait dans son

oreille :« Perkins, je vous avais dit de ne rien toucher!... — Je n'ai rien touché du tout, répondit Péter. Mais regardez :

avez-vous vu cette pendule qui marche à l'envers? »Grull jeta un coup d'œil à la machine folle.« Et alors? fit-il. Elle est détraquée et Fritz devait la réparer.

Allez attendre dans l'autre pièce. Les spécialistes des empreintesdigitales vont travailler ici. »

Peter ne discuta pas. Il réintégra la vaste arrière-boutique quicontenait la collection de Sandoz ou, comme disait l'horloger lui-même, « sa famille ». Le journaliste s'installa dans un coin, pour negêner personne.

La pièce bourdonnait d'activité. L'équipe technique était arrivée.Un photographe prenait des clichés de la pièce et du malheureux Fritz,

étendu au pied de la grande horloge de campagne, à l'endroit où il avaitété abattu. On recouvrit l'horloger d'un drap et on l'emporta. Lesspécialistes des empreintes s'affairaient. Peter était sûr qu'ils netrouveraient rien. L'inspecteur Grull donnait des ordres. D'autresinspecteurs et des agents en uniforme entraient et sortaient. Au moins,ils se donnaient beaucoup de mal.

Peter Perkins était abîmé dans ses pensées lorsque l'une deshorloges fit entendre son carillon argentin. Peter attendit les autres.

Fritz les 'réglait toujours si parfaitement que tous les carillonssonnaient en même temps.

Chose étrange, ils ne sonnèrent pas. Peter chercha celui qu'il avaitentendu et, soudain, retint son souffle...

Plusieurs parmi les merveilleuses horloges de Fritz Sandoz nedonnaient pas l'heure juste. Et, qui plus est, elles ne donnaient pastoutes la même heure fausse !

55

Page 56: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 56/182

 

C'était simplement incroyable. Aussi incroyable que la pendulequi marchait à rebours. Une soudaine émotion s'empara de Peter. Leshorloges qui indiquaient une heure fausse n'indiquaient-elles pas autrechose en même temps? Leurs erreurs ne composaient-elles pas unmessage?

De plus en plus séduit par.son hypothèse, il examina les horlogesde plus près. Il y en avait de toutes sortes dans la pièce. Celles qui luifaisaient face étaient toutes de hautes horloges rustiques. A la dernièrede la rangée Fritz avait donné le surnom de « Monsieur le Temps » àcause de sa taille et de sa vétusté. C'était à son pied que l'horloger setrouvait étendu lorsque Peter était entré dans la pièce.

Les trois premières horloges de la rangée donnaient l'heure juste.Puis venaient les horloges déréglées. Puis, de nouveau, deux horlogesexactes.

Peter tira encore une fois son bloc-notes et son crayon et dessinarapidement ce qui suit :

Le journaliste regarda longuement son dessin, puis il le remitdans sa poche. Les horloges déréglées signifiaient quelque chose, maisquoi? Il n'en savait rien.

" Il se rejeta en arrière sur sa chaise, concentrant ses pensées.Tout en dessinant, il s'était aperçu que toutes les horloges de

 

56

Page 57: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 57/182

 

la pièce étaient arrêtées, à l'exception des douze horloges decampagne. Cela voulait dire que Fritz Sandoz n'avait pas eu le tempsde les remonter la veille; elles étaient arrivées à bout de ressort.

Perkins essaya de reconstituer les événements.Fritz ferme sa boutique à six heures, comme d'habitude. Il se

 prépare un petit souper dans son logement et, vers sept heures, ils'installe dans son atelier, comptant y rester jusqu'à minuit, à moinsqu'un ami comme Peter ne vienne lui rendre visite.

Minuit approche. Fritz commence à remonter les horloges, arriveau pied de « Monsieur le Temps » et tombe abattu par l'assassin quis'est introduit dans le magasin. En d'autres termes, Fritz avait été tué àminuit.

A la vérité, Peter Perkins ne croyait pas que les choses s'étaient passées ainsi.

Il était sûr que Fritz avait été en train de travailler dans son atelier quand l'inconnu était entré par surprise. Probablement le voleur avait-ilun pistolet. Il avait menacé Fritz. Fritz avait mis la pendule électriqueen marche, à rebours. Puis l'inconnu avait forcé Fritz à remonter une partie des horloges pour que la police crût que l'assassinat avait eu lieuà minuit. Fritz, qui connaissait l'homme et qui savait sa propre vie en

danger, avait délibérément déplacé les aiguilles de certaines horloges,tout en les remontant. Il l'avait fait dans un effort désespéré pour laisser un message que quelqu'un pourrait lire. Puis le voleur l'avait abattu,avait cambriolé le bureau et était sorti par la porte de derrière sans êtrevu.

Aucun doute là-dessus : l'assassin s'était procuré un excellentalibi pour minuit. Mais si cette hypothèse était exacte, commentdécouvrirait-on jamais à quelle heure véritablement le malheureux

Fritz avait été tué ?

-------------------------------------------------------------------------------------

ALFRED HITCHCOCK  :   Je voudrais vous faire une petite  suggestion. En admettant que la théorie de Peter soit vraie — et  j'avoue qu'elle m'inspire confiance — la pendule électrique s'est mise àmarcher dans le sens contraire très peu de temps avant l'assassinat.

Mais êtes-vous

57

Page 58: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 58/182

 

capable de lire l'heure juste sur une pendule qui marche àreculons? Plus précisément, comment pouvez-vous déterminer l'heureoù elle s'est mise à marcher à reculons ?

-------------------------------------------------------------------------------------

Après avoir mûrement réfléchi, Peter Perkins parvint à se faireune idée très claire de la tactique de l'assassin, qui avait laissé de faux

indices pour induire les enquêteurs en erreur. I Maintenant, il fallaitconvaincre l'inspecteur Grull...

Mais l'inspecteur Grull n'avait pas la moindre intention d'écouter les théories d'amateur. Quelques heures plus tard, lorsque l'activitéfébrile du début de l'enquête se fut un peu apaisée, il sortit de l'atelier etse laissa tomber dans un fauteuil, à côté de Perkins.

« Nous trouverons l'assassin, dit-il sombrement. Voici 1 commentd'après moi, les choses se sont passées...

Inspecteur..., commença Peter.

58

Page 59: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 59/182

 

  — Ne m'interrompez pas, Perkins! rugit Grull. Avez-vousseulement compris que vous êtes notre suspect n° 1 ?

 — Moi? s'écria le journaliste avec indignation. — Oui, vous. Mais comme je n'arrive pas à m'imaginer que vous

 puissiez tuer quelqu'un, je cherche ailleurs. Et pourtant! Le voleur était un familier de Fritz, connaissait ses habitudes et l'existence de cetargent. Il venait ici assez souvent pour pouvoir relever uneempreinte de la clef d'entrée et s'en faire faire un double. Cela neme plaît guère, mais il est clair que l'assassin est quelqu'un quihabite et travaille dans le voisinage immédiat.

 — Je suis de votre avis, dit Peter.  — Bien. Or Fritz a été tué hier, à minuit, nous le savons

 puisqu'il remontait justement ses hor...  — Monsieur l'inspecteur, recommença Peter, je voulais

 justement... — Je vous ai dit de ne pas m'interrompre! tonna Grull. Fritz a été

tué à minuit, hier. Ce matin, Mme Murphy a remarqué qu'il n'ouvrait pas son magasin. Le croyant malade, elle lui a apporté du potage, cesoir. Comme il ne venait pas ouvrir, elle nous a appelés au téléphone.Voilà comment nous avons découvert l'assassinat. Remarquez que mes

hommes n'ont pas chômé. Je me suis procuré une liste de cinqindividus demeurant dans ce pâté de maisons, connaissant Fritz delongue date et ayant des ennuis d'argent. Je suis à peu près sûr que l'und'eux est le coupable. »

Grull montra à Perkins une liste écrite au crayon, que l'autre sehâta de graver dans sa mémoire. Les noms suivants y figuraient :

Jack Harrison, peintre,

Thomas Fentriss, bijoutier,Bill Lawden, épicier,Joseph Finchly, coiffeur,Bob Rogers, serrurier.

« D'après moi, reprit Bill, ce serait ou bien Rogers, qui a montéune nouvelle serrure le mois dernier et aurait très bien

59

Page 60: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 60/182

 

 pu conserver une clef de rechange, ou Lawden, l'épicier, qui faitdes livraisons ici plusieurs fois par semaine. Mais les autres viennentsouvent aussi et auraient pu se procurer une empreinte de la serrure.Harrison a repeint le magasin il y a trois mois. Finchly était le coiffeur de Fritz et ils avaient donc l'occasion de bavarder. Fentriss faisait faire par Fritz des réparations trop difficiles pour lui. N'importe lequel descinq peut avoir tué Sandoz. Pour lui c'étaient des amis, fit remarquer Peter, mal à l'aise.

  — Quand il s'agit de gros sous, adieu l'amitié! dit Grull. Ilsont tous besoin d'argent, pour diverses raisons. Je vais les interroger moi-même et celui qui n'aura pas d'alibi pour minuit sera notre homme.

  — Écoutez, Grull, essaya Perkins encore une fois, ne voyez-vous pas que l'assassin...

  — Perkins, occupez-vous de vos devinettes et laissez lesmeurtres aux experts, conseilla Grull. Maintenant, rentrez chez vous. »

M. Perkins prit son chapeau et sortit, l'esprit préoccupé. Siseulement Grull voulait l'écouter! Mais non : inutile de lui expliquer que l'assassin voulait faire accroire à la police que l'assassinat avait étécommis à minuit, alors qu'en réalité il avait été commis bien avant.Grull ne ferait que grogner de mépris si Peter commençait à lui parler 

de pendules tournant à rebours et d'horloges déréglées. Si Peter pouvaitdéchiffrer le message... Hélas! il ne le pouvait pas. Pas encore.

Peter rentra dans son petit appartement et, avant de se coucher,  passa une heure à étudier les dessins qu'il avait rapportés. Aucuneinspiration ne lui vint.

Il dormit mal parce que son esprit restait préoccupé. PourtantPeter Perkins était très fort pour deviner les énigmes, mais celle-ci...

Celle-ci concernait un assassin véritable, ce qui changeait tout...

-------------------------------------------------------------------------------------

ALFRED HITCHCOCK  :  Hum! hum! Je me demande si vousavez saisi au vol le très important indice qui se trouve dans les pages

60

Page 61: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 61/182

 

que vous venez de lire. Peut-être l'avez-vous manqué ? Tiens,tiens! Il va falloir que vous donniez votre démission de détective.

  Enfin, ne soyez pas trop contrit. Peter Perkins n'a rienremarqué non plus.

-------------------------------------------------------------------------------------

Le lendemain, dans son petit bureau de journaliste, Peter semontra fort distrait. Il lut à peine les devinettes et les histoires drôlesque lui envoyaient ses lecteurs pour qu'il les publiât. Vers midi, iltéléphona à l'inspecteur Grull.

« Pardonnez-moi, inspecteur. Je voudrais savoir si vos cinqsuspects vous ont appris quelque chose.

 — Non, répondit Grull d'un ton maussade. Ils ont tous un alibi pour minuit. Et même à partir de dix heures. Je ne suis pas arrivé à enfaire se couper un seul.

  — C'est que, commença Peter, voyez-vous, je pense que... — Perkins, je suis occupé! » répliqua Grull en raccrochant.

Perkins raccrocha aussi, le cœur lourd. Si seulement il pouvait  bavarder de cette affaire avec quelqu'un! Avec un autre ferventd'énigmes, qui lui fournirait un point de vue tout neuf... Lui, Perkins, sesentait trop près de toute cette histoire, trop directement touché.

Distraitement, il ouvrit une lettre et la parcourut.Elle contenait un cryptogramme, d'ailleurs excellent. Et elle était

signé Daniel Grull junior.Peter sursauta.

Daniel Grull junior! C'était sûrement le fils de l'inspecteur Grull.Et un amateur d'énigmes par surcroît!

Le journaliste nota l'adresse, saisit son chapeau et sortit du bureauen courant. Un taxi l'emmena chez l'inspecteur en dix minutes.

Dans le jardinet qui s'étendait devant la maison, un jeune garçonélancé et bien bâti ratissait les feuilles mortes.

Peter monta vivement l'allée.« Daniel Grull? demanda-1-il.

 — Bonjour, monsieur Perkins, répondit le garçon. Votre photo

61

Page 62: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 62/182

 

dans le journal est très ressemblante : vous voyez, je vous aireconnu. Avez-vous reçu mon cryptogramme?

 — Oui, et je compte le publier, dit Peter. Mais je viens vous voir  pour quelque chose de beaucoup plus important. »

En quelques mots, il raconta à Daniel l'histoire de FritzSandoz et des horloges déréglées.

« Vous voyez, acheva-t-il, je suis sûr qu'il a essayé de nous laisser un message en déplaçant les aiguilles de ces horloges. »

Le garçon acquiesça de la tête.Regardez donc ce croquis, dit Perkins. Il y a sûrement un

code quelconque. Fritz était très fort pour les codes et il pensait

 probablement que je serais capable, moi, de lire celui-ci. Mais il y atrop peu de chiffres pour qu'on puisse décoder. Peut-être allez-vousremarquer un détail que j'ai laissé passer... »

Le garçon fronça les sourcils.« Sûr que c'est un code », murmura-t-il.Tout préoccupé, il s'assit sur le perron et Peter l'imita. Ils

examinèrent ensemble le croquis représentant les mystérieuseshorloges. Enfin Daniel leva les yeux.

« Savez-vous, dit-il, ces aiguilles me font penser aux signaux desémaphore. Cela doit être une idée baroque, mais...  — Pas du tout! s'écria Peter en lui saisissant le bras. Le

sémaphore, bien sûr! Fritz, dans sa jeunesse, a été militaire en Suisse,dans un régiment de transmissions. Le sémaphore, il connaissaitsûrement cela! Mais moi, je ne le connais pas. Je n'ai étudié que lescodes secrets.

 — Monsieur Perkins, je dois me tromper, répondit Daniel Grull.

Je suis scout, je connais le sémaphore et la position de ces

62

Page 63: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 63/182

 

aiguilles ne signifie rien pour moi. Quelques lettres au hasard etquelques figures qui ne sont même pas des lettres.

  — Évidemment, Daniel! » Les yeux de Peter Perkins brillaient d'émotion. « Les aiguilles n'indiquent plus l'heure qu'ellesindiquaient au inoment où Fritz les a mises en place. Elles ont avancé.Pour lire son message, il faudrait que nous sachions quand lesaiguilles ont été réglées et que nous calculions leur position initiale.

  — Alors, cela doit être impossible, soupira le garçon.M. Sandoz a eu une bonne idée, mais il n'a pas pensé que son messageserait sérieusement difficile à lire.

  — Mais si, Daniel, il y a pensé! cria Perkins. C'est pour cela qu'il a mis en marche l'horloge électrique à rebours.Dites-moi : que vous indique une horloge arrêtée?

  — Oh! C'est facile, monsieur Perkins. Elle m'indique l'heure juste deux fois toutes les vingt-quatre heures.

 — Et une horloge qui marche à reculons, avec une régularité,une précision parfaites, mais toujours vers le passé, que vous donne-t-elle?

 — Je n'en sais rien, dit Daniel en ouvrant de grands yeux. Est-cequ'il y a des horloges qui marchent à l'envers?

  — Les plus anciennes pendules électriques, oui. Elles avaientdes moteurs si rudimentaires qu'on pouvait les faire tourner dansun sens ou dans l'autre. Maintenant, regardez ceci. »

Peter montra au garçon le premier croquis qu'il avait fait ce soir-là.

« Ainsi donc, au moment où la pendule inversée marquait 12 h10, il était en réalité 6 h 40.

  — Et si la pendule inversée indiquait l'heure juste quand

63

Page 64: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 64/182

 

elle a commencé à tourner en sens inverse, ajouta Peter, à chaqueminute qui passe, il y a deux minutes de plus de différence entre l'heurequ'elle indique et l'heure juste.

 — Hum ! oui, acquiesça le garçon qui réfléchissait. Mais lesdeux pendules avancent vers un point où elles vont se rencontrer, quicorrespondra à une heure juste, et où elles passeront deux fois toutesles vingt-quatre heures si on compte deux minutes pour une.

 — Autrement dit, si nous continuons à faire tourner en arrière lesaiguilles de la pendule inversée et en avant celles de la pendulequi marche dans le bon sens, le point où elles indiqueront la mêmeheure correspondra au moment où la pendule inversée a démarré ou, end'autres termes, l'heure approximative de l'assassinat de Fritz! s'écriaPeter. Non, attendez une minute.

  — Quelque chose qui ne colle pas, monsieur Perkins?demanda Daniel.

 — Nous avons fait une erreur, gémit Perkins. Puisqu'une penduleavance et l'autre recule, les aiguilles indiqueront la même heure toutesles six heures, soit quatre fois par jour. Deux de

 

64

Page 65: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 65/182

 

ces moments correspondront à la position des aiguillestelle qu'elle était à l'instant où la pendule inversée s'est mise enmarche ; les deux autres moments comporteront un écart de six heures.

- Alors, soupira Daniel, nous n'y arriverons jamais. »Peter Perkins réfléchit longuement, le visage contracté. Puis ses

traits se détendirent graduellement.« Je crois que j'y suis, fit-il. Tous les suspects ont un alibi après

dix heures du soir et nous sommes sûrs que le crime ne peut avoir étécommis qu'après six heures du soir puisque c'est l'heure où Fritz afermé boutique. Cela signifie que le crime se situe entre six et dixheures. D'accord?

- D'accord, monsieur Perkins.- Alors calculons quand viendra le moment où les aiguilles des

deux pendules indiqueront la même heure — à condition qu'ellestournent encore, bien entendu. Si c'est une heure entre six et dix, noussaurons que c'est celle que nous cherchons. Si c'est une heure entre dixet six, nous décalons de six heures et nous retombons sur nos pieds.

- C'est cela, fit Daniel après un moment. Il faut bien calculer avant de comprendre, mais je crois que je vois. Ce serait plus facile sinous avions deux pendules et que nous fassions tourner les aiguilles

 pour de vrai. Voulez-vous que nous prenions nos deux montres? Nous  pourrions les mettre d'abord à l'heure portée sur votre croquis et  puis faire tourner vos aiguilles dans le bons sens, les miennes dansle sens contraire jusqu'à ce que...

- Ce serait possible, interrompit Peter. Mais cela ira encore plusvite si nous faisons un peu de calcul mental. La pendule inverséerecule à partir de 12 h 10. La pendule juste avance à partir de 6 h40. La différence entre elles est de... laissez-moi compter... cinq

heures trente minutes. Soit trois cent trente minutes. Elles serencontreront - c'est-à-dire qu'elles indiqueront la même heure — dans précisément deux fois moins de minutes. Trois cent trente divisé  par deux fait cent soixante-cinq, soit deux heures quarante-cinqminutes. Ajoutons deux heures quarante-cinq minutes à 6 h 40 et nousobtiendrons... un instant...

65

Page 66: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 66/182

 

nous obtiendrons 9 h 25. Ou bien retranchons deux heuresquarante-cinq minutes de 12 h 10 et nous obtiendrons... je ne metrompe pas?... oui, nous obtenons également 9 h 25. En d'autres termes,les deux pendules indiqueront la même heure à 9 h 25, moment quis'insère parfaitement dans la période que nous avions délimitée entre 6et 10. Par conséquent...

- Par conséquent, s'écria le garçon, M. Sandoz a mis la penduleen marche à reculons à 9 h 25, le soir où on l'a tué!

- Exactement. A cette heure-là, les deux pendules se présentaientcomme ceci. »

Moment où l'assassin apparut.Moment où la pendule inversée se met en marche à rebours.

« Maintenant, reprit M. Perkins, nous savons à quel moment Fritza déplacé les aiguilles des horloges. Admettons que cinq minutes sesoient écoulées entre ce moment-là et celui où l'assassin fait sonapparition. Il devait clone être neuf heures et demie quand Fritz acommencé à remonter ses horloges et à écrire un message avec leursaiguilles.

- Et il était 6 h 45 quand vous les avez vues et dessinées,enchaîna Daniel. On le voit sur votre deuxième croquis1. La différence

entre 9 h 30 et 6 h 45 est de deux heures quarante-cinq. Nous n'avons  plus qu'à ajouter deux heures quarante-cinq minutes aux heuresindiquées par chaque horloge et nous aurons les positions indiquées par M. Sandoz quelques instants avant qu'il ne fût tué.

- Ce qui nous prendra deux secondes... »Cela leur en prit plus que cela. Mais, au bout de quelque temps,

ils eurent sous les yeux un nouveau croquis fait par Peter :

1. Voir page [50].

66

Page 67: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 67/182

 

QUATRE MYSTERES

Comment Sandoz avait disposé les aiguilles.

Sous chaque horloge, M. Perkins ajouta une petite silhouettefaisant des signaux, conformément à la position des aiguilles.

« Voilà. Cela signifie-t-il quelque chose?Et comment, monsieur Perkins! En code sémaphore, cela veut

dire... »

Sous chaque silhouette, Daniel traça une lettre au crayon.

Le journaliste écarquilla les yeux et avala sa salive avec quelquedifficulté.

« Daniel, déclara-t-il, vous venez d'écrire le nom de l'un dessuspects qui figurent sur la liste de votre père. Vous avez résolul'énigme. Mais maintenant, il va falloir que, vous et moi, nous persuadions votre père que nous avons raison et qu'il doit tenter uneméthode très peu orthodoxe pour contraindre l'assassin à avouer. Car,voyez-vous, nous ne ferons jamais admettre à un tribunal que le

merveilleux message du malheureux Fritz soit un témoignagelégalement valable. »

-------------------------------------------------------------------------------------

ALFRED HITCHCOCK : Ne boudez pas, je vous en prie. Nousne vous avons pas oublié. Si nous avons omis le nom même del'assassin, c'est pour vous donner le plaisir de le découvrir par vos

 propres moyens. Je ne doute pas que la question des horloges ne soit  pour vous claire comme

67

Page 68: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 68/182

 

de l'eau de roche. Pour ma part, il m'a suffi de quatre

explications pour la comprendre. Ah! Vous affirmez que vous ne connaissez pas la signalisation par sémaphore.. Je déplore qu'un aspect important de votre éducationait été aussi lamentablement négligé. Mais ce n'est pas une raison pour vous abriter derrière votre ignorance.

  Il y a encore un indice que Peter Perkins n'a toujours pasremarqué et qui ne requiert aucune connaissance spéciale dansl'utilisation. Si vous voulez vous entraîner à la détection, relisez donc

ce récit depuis le début.Ou alors, si vous préférez la facilité, lisez ce qui suit : vous ytrouverez la conclusion de notre petit imbroglio.

--------------------------------------------------------------------------------------CONCLUSION

Une étrange réunion se tint, ce soir-là, dans l'arrière-boutique de

Fritz Sandoz. L'inspecteur Grull était accompagné d'une demi-douzainede policiers. Les cinq suspects étaient là : Jack Harrison, Bill Lawden,

68

Page 69: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 69/182

 

Joseph Finchly, Bob Rogers et Thomas Ftn-triss. A l'arrière-plan, toutsurexcité, se tenait Daniel Grull. Enfin il y avait Peter Perkins.

Mais Peter était méconnaissable. Il portait une longue robe blanche, un énorme turban et une fausse barbe des plus réalistes : ilavait loué le tout chez un costumier.

C'était lui qui avait eu l'idée de cette réunion. D'abord Danielavait persuadé son père de prêter attention à leurs calculs. Ensuite M.Perkins lui-même avait expliqué à l'inspecteur que tout en possédant lenom de l'assassin, ils ne disposaient d'aucune preuve. Après de longuesdiscussions, Grull avait donné son accord.

Peter, sous son déguisement, était installé devant une petite table.Les suspects étaient assis en face de lui, en demi-cercle. Les policiersgardaient la porte.

« Écoutez-moi, vous autres, commença Grull d'un ton rogue.Vous avez tous été volontaires pour nous aider à trouver l'assassin deFritz Sandoz, parce que vous étiez, tous les cinq, ses amis. Le princeAli que nous avons parmi nous — il désignait le journaliste déguisé --est un spirite. La nuit passée, il a reçu un message de Fritz. Le messagelui disait que les horloges qu'il avait remontées le soir de son assassinatnous apprendraient le nom de l'assassin. Mais lorsque nous arrivâmes

ici, toutes les horloges s'étaient arrêtées. »C'était vrai. On n'entendait plus un seul tic-tac. La police n'avait

 pas remonté les horloges de Fritz.« C'est pourquoi, poursuivit l'inspecteur, le prince Ali va essayer 

de reprendre contact avec l'esprit de Fritz Sandoz ce soir, pour apprendre de lui le nom du meurtrier. »

Il y eut quelques mouvements trahissant un certain malaise parmile petit groupe de suspects, mais aucun d'entre eux ne protesta.

L'assassin, Peter le savait, devait se rappeler qu'il avait vu Sandozmodifier la position des aiguilles. En ce moment, le coupable tremblaitsûrement en se demandant ce que ce geste avait bien pu signifier.

« Maintenant, dit Grull, nous allons éteindre les lumières et passer au prince Ali la direction des opérations. »

69

Page 70: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 70/182

 

70

Page 71: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 71/182

 

Peter Perkins ferma les yeux, comme s'il se concentrait. Tout àcoup, toutes les lumières s'éteignirent et il fit noir comme dans un four.Pendant une bonne minute, Perkins ne dit rien. Puis, d'une voixsépulcrale :

« Fritz Sandoz, êtes-vous là? Votre esprit est-il présent? »On n'entendit rien que le souffle un peu rauque des autres

occupants de la pièce. L'un d'entre eux toussota nerveusement.« Fritz Sandoz, reprit Peter, de votre vivant vous étiez muet. Si

vous ne pouvez toujours pas parler, nous ne nous étonnerons pas.Révélez-nous votre présence d'une autre façon. Êtes-vous parminous?»

Très, très lentement, au-dessus de leurs têtes, le mot O-U-Iapparut, faible lueur bleue inscrite dans l'air.

On entendit un halètement angoissé. Le mot disparut.« Votre assassin est-il parmi nous? » demanda Peter.De nouveau le mot O-U-I apparut dans les airs, luminescent et

 bleu.Quelqu'un étouffa un cri.« Avez-vous été assassiné à minuit, il y a deux jours? »Cette fois les lettres N-O-N apparurent dans la nuit.

« Avez-vous été assassiné à neuf heures et demie? »O... U... I...« Nous avez-vous laissé un message contenant le nom de

l'assassin, en modifiant la position des aiguilles des horloges lorsqu'ilvous força à les remonter? »

O... U... I...L'un des assistants respirait trop vite, trop fort...« Les horloges se sont arrêtées. Donnez-nous son nom encore une

fois, par un autre procédé. »Une chaise craqua dans l'obscurité, comme si quelqu'un se

 préparait à se lever.Pendant un bon moment rien ne se passa.Puis sur le verre de l'une des horloges de campagne, apparut la

luminescence bleue de la lettre F. Elle lut suivie d'un I, d'un N, d'un C,d'un H, d'un L cl d'un Y.

71

Page 72: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 72/182

 

Le nom tout entier luisait dans la nuit :F-I-N-C-H-L-Y.« Non! hurla une voix. Non, ce n'est pas moi! »On entendit des pas précipités, des cris.a Lumière! » rugit Grull.Les lampes s'allumèrent et tout le monde put voir Finchly, le

coiffeur, qui luttait avec un policier gardant la porte.« II était sur le point de me dénoncer, pleurnicha Finchly. Il avait

appris que j'organisais des jeux de hasard dans mon arrière-boutique etil allait me dénoncer.

- Ça va, ça va, dit Grull. Emmenez-le au commissariat. Je penseque notre petite séance de spiritisme est terminée. »

Quelques heures plus tard, l'inspecteur tapait fièrement sur l'épaule de son fils et faisait un grand sourire à Perkins.

« C'est dit : Daniel va faire des études de criminologie, déclara-t-il. Mais comment diable, Peter, l'idée vous est-elle venue de faire écrireces mots sur des bouts de tissu tenus en l'air par mes hommes et de lesfaire éclairer par Daniel, avec une lampe ultra-violette?

- C'est tout simple, répondit Peter. C'est un truc qui se pratiquedans les « trains fantômes » des fêtes foraines. De la peinture

lumineuse éclairée à l'ultra-violet, c'est vraiment impressionnant. Or, je m'étais fait couper les cheveux par Finchly des dizaines de fois et jesavais à quel point il était superstitieux. Savez-vous qu'il porte une patte de lapin sur lui et qu'il n'ouvre jamais son salon un vendreditreize?

« Aussi m'étais-je dit qu'avec un assassinat sur la conscience, ilne tiendrait pas devant notre petite séance.

- Et vous aviez raison! s'écria Grull. Peter, le jour où vous aurez

une théorie, soumettez-la-moi : je vous écouterai. Oui, mon vieux, jevous écouterai! »

Et il administra dans le dos du journaliste une tape si cordiale quele turban du « prince Ali » en tomba à terre.

Mais Peter comprit que c'était un compliment.

72

Page 73: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 73/182

 

ALFRED HITCHCOCK  :   La prochaine fois que vous rencontrerez un fantôme, n'y prêtez pas attention. Ce ne sera probablement qu'un peu de peinturelumineuse oubliée en l'air...

S'il vous reste des doutes sur le fonctionnement de l'ingénieux message île FritzSandoz, procurez-vous quelques pendules  autant que

 possible, ne choisissez pas celles auxquelles vos parents tiennent le plus — et   suivez les déductions de Peter Perkins et 'de Daniel Grull en faisant tourner lesaiguilles, comme ils le suggéraient. Je pense que vous   constaterez que tout marche

 parfaitement. Si par hasard, vous découvrez une erreur quelconque, ce sera la fautedes correcteurs d'épreuves...

 Ah! vous voulez que nous parlions de ce fameux indice que Peter n'avait pas vu.Vraiment, vous y tenez?... C'est si simple que je ne sais fuis si je dois... Enfin, il faut bien en passer par là.

  Retournez en arrière et faites l'effort de remarquer que sept horloges, précisément sept, avaient été utilisées pour coder le message. Or nu seul suspect avait un nom de sept lettres. Rien de plus facile,

 

73

Page 74: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 74/182

 

  par conséquent, que de trouver que c'était Finchly. Cen'est pas votre avis ?

  Évidemment, vous auriez pu ne pas penser à compter Leshorloges déréglées. Mais alors, le titre de notre histoire... Voilà, vous y êtes! Le  principal indice était là, sous votre nez, depuis le début.

Mais on ne remarque jamais l'évidence, n'est-il pas vrai? Passons donc à l'histoire suivante.

-------------------------------------------------------------------------------------

74

Page 75: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 75/182

 

75

Page 76: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 76/182

 

LE MYSTERE DE LA CHAMBREFORTE

-------------------------------------------------------------------------------------

ALFRED HITCHCOCK : Maintenant vous avez eu le temps devous mettre en train pour notre chasse aux criminels. C'est pourquoi je serai bref dans la présentation des noirs forfaits qui nous attendent.  Dans quelques instants, vous allez, faire connaissance avec unmilliardaire qui habite un château hanté, qui collectionne les timbreset dont le passe-temps favori est de se faire détester.

Certains d'entre vous, me dit-on, se plaisent à deviner 

tout de go le dénouement des histoires énigmatiques, dans les livres,au cinéma, à la télévision. C'est là une habitude que je réprouve. Mais si vous insistez vraiment, alors je vous défie haut et clair de deviner toutes les retorses astuces que vous trouverez dans :

-------------------------------------------------------------------------------------

LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE FORTE

1

JAMAIS Andy Adams n'oublierait cette voix terrible, métallique,appelant au secours. Andy, qui dormait ferme, s'était réveillé, lescouvertures entortillées autour de lui et l'angoisse au cœur. « Au

secours ! criait la voix. Au secours !... » II semblait à Andy, encoremal réveillé, que c'était la voix d'un géant enfermé dans la mêmechambre que lui.

« Il m'a tué! hurlait la voix, tandis qu'Andy tâchait dereprendre pleinement conscience. Je soupçonne la v... »

Ici la voix sembla s'enrayer. Puis elle reprit, chaque motcoûtant un effort effroyable : « Je soupçonne la v... »

Le cri s'acheva dans un râle. On entendit encore : « 1-aaa-vvv...»,

 puis plus rien.

76

Page 77: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 77/182

 

En tâtonnant dans l'obscurité, Andy trouva le cordon de la lampe.Il alluma et ne reconnut pas la pièce où il se trouvait. Au-dessus de lui,émergeant du mur, il aperçut le haut-parleur d'où provenait la voix,cependant qu'il se posait à lui-même une question absurbe :

« La v..., la v...? La vermine? Sans doute, il y a des rats et dessouris dans ce vieux château, mais comment pourraient-ils avoir tuéquelqu'un? »

En même temps, il s'efforçait de se rappeler où il se trouvait etcomment il y était venu.

Tout à coup, la mémoire lui revint.« C'était le seul authentique château hanté d'Amérique! » avait dit

Paul Adams.Sqn fils Andy, presque aussi grand que M. Adams, mais maigre

comme un échalas, avait jeté autour de lui un regard circulaire, partagéentre la crainte et la curiosité. Ils se trouvaient dans une vaste pièce, ausol de pierre, avec un plafond à poutres apparentes. A un bout de lasalle, dans une immense cheminée, un feu de bois flambait à grand bruit.

Le sol était jonché de peaux d'animaux : zèbres, lions, tigres,girafes. Des têtes naturalisées hérissaient les murs : buffles, sangliers,

tigres, lions, chamois, léopards, etc.Jamais Andy n'avait pensé se trouver dans une salle comme celle-

ci.Jusqu'à neuf heures du soir, ce jour-là, qui était la veille de la fête

de Merci-Donnant1, la vie avait été parfaitement ordinaire. Sa mèreétant à Philadelphie auprès de sa sœur malade, il s'était trouvé seul à lamaison avec son père. Ils avaient joué aux échecs. Andy avait gagnéune partie, il en avait perdu une autre et il était bien décidé à remporter 

la belle quand le téléphone avait sonné.Paul Adams, détective spécialisé dans les faux, les escroqueries et

l'authentification de documents anciens, testaments et autres,

1. En anglais Thanksgiving Day,   journée d'action de grâces célébréetraditionnellement aux États-Unis le quatrième jeudi de novembre.

77

Page 78: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 78/182

 

était allé répondre au téléphone, puis il était revenu, l'oreille basse.« Il faut qu'on y aille, fiston, avait-il dit. J'ai essayé de refuser mais

il n'y avait pas moyen. Prends quelques affaires : nous en avons peut-être pour plusieurs jours. »

Partir en mission avec son père! Andy était si ému qu'il fourra pêle-mêle son pyjama, sa brosse à dents et son linge de rechange dansun sac de voyage.

Après une heure de route à travers la campagne du Sud de la Nouvelle-Angleterre, on était arrivé à la plus étrange maison qu'Andyeût jamais vue. Ne comportant qu'un seul étage, elle avait la forme d'unU à angles droits; elle était construite en énormes blocs de pierregrossièrement taillés et paraissait avoir des siècles. A chacune desextrémités de l'U se dressait une tour carrée. Le plus surprenant, c'étaitque des douves pleines d'eau, larges de dix mètres, et que l'on ne pouvait traverser qu'au moyen d'un pont-levis, entouraient le château.

Pour M. Adams et son fils, le pont-levis avait été abaissé, si bienqu'ils purent aller garer leur voiture dans l'espace situé entre les deuxailes du bâtiment. Puis Robin, un petit homme en veste rouge et culotterouge étroite — de toute évidence, un valet —, les avait fait entrer dansle grand salon.

Et voilà que le père d'Andy annonçait que cette maison était unvrai château, hanté de surcroît!

Le garçon n'eut pas le temps d'examiner toute la salle. Un hommeétonnamment gros, la tête complètement chauve, venait de faire sonapparition. C'était M. Mayfair, le maître de maison. Il s'avançait versles visiteurs, installé dans un fauteuil roulant équipé de batteries et d'unmoteur électrique.

Le fauteuil s'arrêta. Le maître des lieux, qui avait la face grosse et

rouge, toisa les visiteurs d'un regard méprisant de ses petits yeux.« Alors le fameux détective, c'est vous? fit-il en prononçant non

 pas à la façon des Américains, mais à celle des Britanniques. Je nevous trouveras une tête de détective, moi. Et vous vous appelez PaulAdams! Ce n'est pas un nom pour un détective, ça! » 

78

Page 79: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 79/182

 

Andy sentit la moutarde lui monter au nez, mais son père demeuracalme. Tirant sa pipe, le détective, solide et trapu, considéra froidementle gros bonhomme dans son fauteuil roulant.

« Sherlock Holmes m'irait peut-être mieux, reconnut-il. Et vous, «Crumshaw la Goutte-au-nez » vous conviendrait très bien! »

Un instant, Andy crut que le gros homme allait exploser. Il étaitdevenu rouge comme une betterave, il s'était gonflé comme un dindonfurieux. Puis, tout à coup, il éclata de rire.

« Vous ferez l'affaire! s'écria-t-il. Mais pourquoi avez-vouséprouvé le besoin d'amener votre gamin avec vous? »

II jeta sur Andy un regard d'une telle intensité que le garçon sesentit frissonner des pieds à la tête.

« Mon fils, rectifia Paul Adams, en tirant sur sa pipe. Vousm'aviez dit qu'il s'agissait de timbres dans votre affaire. Andy est philatéliste. Je l'ai amené à titre d'expert.

- Vraiment! » fit le gros homme, en articulant ce mot comme uneinsulte. Pendant un moment, il ne dit plus rien et l'on put entendre lefeu qui pétillait et la bise de novembre qui ululait dans les nombreuxchênes du parc. Enfin M. Mayfair reprit d'un ton plus civil : « Eh bien, je suis ravi de rencontrer un confrère. Vous spécialisez-vous dans une

 branche quelconque, monjeuneami?- Oui, monsieur, répondit Andy. Dans les commémoratifs

américains.- Moi, je me spécialise dans les raretés et les erreurs les plus

chères. J'ai le plaisir de posséder au moins un exemplaire et quel que-fois jusqu'à six de tous les timbres importants dans ce domaine. »

Tout en parlant, il faisait saillir sa lèvre inférieure d'un air arrogant. Andy comprit que l'homme mettait ses connaissances à

l'épreuve.«Je vous demande pardon, répondit le garçon. Je pense que vous

oubliez le 1 cent carmin de la Guyane anglaise, datant de 1856.- Qu'a-t-il de particulier, celui-là? demanda le maître des lieux,

en baissant son énorme tête, comme un taureau qui va charger.- Il est si rare qu'on n'en connaît qu'un seul exemplaire.

 

79

Page 80: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 80/182

 

80

Page 81: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 81/182

 

Le catalogue Scott l'estime à 50 000 dollars, mais on dit que le propriétaire actuel ne veut pas le vendre. Or je sais que ce n'est pasvous. Donc, monsieur, vous ne possédez pas vraiment tous les timbresimportants.

- Vous avez raison ! » tonna le gros homme.Ses joues s'empourprèrent de nouveau. Il saisit une cravache en

 peau de rhinocéros et fouetta rageusement la table.« Non, je ne l'ai pas! rugit-il. Je donnerais n'importe quoi pour 

l'avoir. Un million de dollars, s'il fallait. Et cet imbécile ne veut pas levendre. Mais un jour, je l'aurai, ou je ne m'appelle plus NigelMayfair!»

II administra encore une demi-douzaine de coups de cravache à latable, puis, haletant, il lança un regard furibond à Paul Adams.

« Je sais ce que vous êtes en train de vous dire, vous, le fin limier,grogna-t-il. Vous êtes en train de vous dire que je ne m'appelle pas  Nigel Mayfair pour de bon. Juste. N'empêche que, tôt ou tard, je posséderai ce timbre de Guyane. Et alors, mon cher monsieur, je seraile premier collectionneur du monde. »

Il reprit difficilement haleine et poussa un rugissement :« Henderson! Où diable êtes-vous fourré? J'ai besoin devous! »

Un homme de haute taille, vêtu d'un costume de tweed, le visagesouriant, parut.

« Me voici, fit-il.- Henderson, grogna Nigel Mayfair, vous voyez ce gars-là? C'est

Adams, le détective que vous m'avez conseillé de convoquer. Adams,Herbert Henderson est mon homme de loi — ce que nous appelons unavoué, en Grande-Bretagne. Enfin, il fait partie de mon écurie de juristes. »

Ils se serrèrent la main. Puis le blond homme de loi serrafermement la main d'Andy.

« Ravi de vous voir tous les deux, fit-il. Comptez-vous mettre M.Adams au courant dès maintenant, monsieur? demanda-1-il à M.Mayfair.

 — Allez au diable, répondit aimablement le gros homme. Je veuxque le détective fasse d'abord connaissance de toute la vermine qui vitsur mon dos. Où est Pardo?

 

81

Page 82: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 82/182

 

- A votre service, monsieur. »Un homme trapu et rougeaud, portant un très beau costume,

descendit l'escalier de pierre couvert d'un tapis qui menait au premier étage.

« Pardo! rugit Nigel Mayfair. Voici M. Adams, le détective. Ilm'aidera à faire mettre en prison l'un des occupants de cette maison. Amoins que je ne les écrabouille tous d'ici là.

  — Bien, monsieur, dit Pardo, qui avait, lui aussi, l'accent britannique.

- Pardo est mon chien d'attaque, mon garde du corps et monchauffeur, expliqua M. Mayfair. Cela n'empêche qu'il est peut-êtreaussi le chacal qui a eu l'audace de me voler... Pardo! où 'sont ma belle-sœur et cet avorton de beau-fils dont j'ai hérité pour mes péchés?

- Mlle Lavinia et M. Reginald seront là dans un instant,monsieur, répondit Pardo, du ton d'un domestique bien stylé, mais enlançant à M. Mayfair un regard brûlant de haine. Ils sont en train des'habiller afin de se rendre à une réception que M. Howard Lawerdydonne à l'occasion de la fête de Merci-Donnant, qui tombe demain. Ilsseraient désireux que je les conduise en voiture. Dois-je le faire,monsieur, ou dois-je leur appeler un taxi?

  — Conduisez-les! hurla le gros homme. Que voulez-vous quecela me fasse, quel moyen de locomotion ils prendront pour aller chezce coquin? Le seul fait qu'ils y courent contre ma volonté... Ah ! lesvoilà ! »

Il fit pivoter son fauteuil et Andy put voir une jeune femme, d'unegrande beauté, vêtue d'une robe de soirée et de fourrures de prix,descendre l'escalier. Un jeune homme en smoking, pâle et maussade,l'accompagnait. La dernière marche descendue, ils s'arrêtèrent. Nigel

Mayfair les considérait d'un regard incendiaire.« Ainsi vous y allez tout de même! fit-il. Alors que je le

soupçonne d'être de connivence avec le gredin qui m'a volé! Alors qu'iln'est lui-même qu'un fripon, une crapule, un escroc! »

La jeune femme haussa les épaules.« Mon cher Nigel, dit-elle, vous vous couvrez de ridicule.

82

Page 83: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 83/182

 

Howard est un homme charmant. Vous l'enviez parce qu'il a tuéde plus gros gibiers que vous et qu'il se connaît mieux en timbres. —  Ne me poussez pas trop loin, Lavinia, grogna Mayfair. J'ai fait à votresœur la faveur de l'épouser : cela ne vous donne pas le droit de me parler sur ce ton.

- Ici, répliqua sa belle-sœur, nous sommes en Amérique.Vous n'êtes plus un. tyranneau régnant sur un petit royaume plongédans la terreur. Je n'avais pas encore l'intention de vous l'annoncer,mais puisque l'occasion s'en présente... Sous peu, j'aurai quitté votregrotesque château fort pour de bon. Je vais épouser Howard Lawerdy.»

M. Mayfair aspira beaucoup d'air. Andy s'attendait à uneexplosion, mais elle ne vint pas. Dans le silence, ce fut Reggie, le beau-fils, qui parla.

« Et moi, fit-il, je partirai avec ma tante. Ah! j'y pense... Demain j'ai un rallye automobile. Je vous le signale à toutes fins utiles. Bonnenuit, beau-père adoré. Faites de beaux cauchemars.

- Demain, vous serez peut-être en prison », répliqua le groshomme.

Sans se retourner, la tante et le neveu quittèrent la salle, suivis dePardo, le chauffeur.

« Alors elle épouse Lawerdy! grommela Mayfair, en regardantl'homme de loi. C'est peut-être elle qui m'a volé ces timbres pour lui etil a décidé de la récompenser. Ou alors c'est cet avorton de Reggie, par affection pour sa tante... Ils me haïssent tous les deux. Tout le mondedans cette maison me déteste. Vous m'entendez, Adams? Qui meconnaît ne peut rne souffrir. Vous aussi, vous me détesterez. Vousverrez. »

Le gros homme s'apitoyait si ridiculement sur lui-même qu’Andy

 pensa que son père allait éclater de rire. Mais le détective se retint.« On peut dire que vous y mettez du vôtre », remarqua-t-il.Mayfair le toisa sans aménité.« Pas d'impertinences, mon bonhomme! dit-il sèchement. Je vous

 paie pour faire mon travail. Gardez vos distances ! 

83

Page 84: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 84/182

 

- Andy, fit M. Adams en se tournant vers son fils, je pense,

réflexion faite, que je ne vais pas me charger de l'affaire de M.Mayfair. Prenons la voiture et rentrons.- Non! rugit le maître des lieux avec une puissance telle que son

rugissement emplit la salle. Vous êtes bien susceptibles, vousautres Américains! Venez dans mon bureau et mettons-nous autravail. D'ailleurs, ajouta-t-il en voyant que le détectivehésitait, je compte bien que vous allez me facturer, outre vos services,ceux de votre expert. »

Andy jeta à son père un regard si intense que M. Adams se mit àrire malgré lui. Jusqu'ici, le travail de son père avait paru fortmystérieux à Andy mais maintenant, puisqu'il s'agissait de timbres, ilallait peut-être pouvoir lui donner un coup de main?...

« D'accord, dit enfin le détective. Montrez-moi le chemin..— Henderson, dit M. Mayfair, je vous appellerai quand j'aurai besoin de vous. »Le gros homme fit pivoter son fauteuil et fonça vers une porte. Le

 juriste fit un signe de tête encourageant à Andy et à son père,

84

Page 85: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 85/182

 

tout en se laissant tomber sur un divan recouvert d'une peau deléopard.

« S'il commence à crier trop fort, je viendrai à la rescousse,chuchota-t-il. Il arrive à M. Mayfair de... de s'énerver un peu. »

II

Andy, qui accompagnait son père, se trouva dans une pièce  beaucoup plus petite que la précédente. Mais les murs étaient •également en pierre grossière et tapissés de peaux d'animaux. Desarmures entières se dressaient sur des chevalets; aux murs, «ni voyaitsix têtes naturalisées -- rien que six: un lion, un tigre, un chamois, unléopard noir, un buffle et un ours grizzly. Au zoo, Andy avait vu desspécimens vivants de ces espèces, mais ceux-là avaient dû être desgéants. Naturalisés, ils semblaient encore prêts à bondir sur lesspectateurs et à les déchiqueter.

« Fermez la porte! » commanda Nigel Mayfair. 

85

Page 86: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 86/182

 

Andy obéit.Le gros homme, du bout de sa cravache en peau de rhinocéros,

indiqua deux chaises. Le père et le fils s'assirent. Paul Adams tiraittranquillement sur sa pipe, tandis qu'Andy tremblait de surexcitation,encore qu'il s'efforçât d'imiter son père et de paraître calme.

« Cette cravache, dit Mayfair sans quitter son fauteuil roulant, aété faite dans la peau d'un rhinocéros que j'ai tué moi-même. Les têtes  proviennent également de mes chasses. Personne n'en a de plusgrosses, cette crapule de Lawerdy peut dire ce qu'il veut. S'il en a, c'estqu'il a triché : des indigènes auront pris le gibier au piège, ou quelquechose dans ce goût-là. »

M. Mayfair était sur le point de se mettre en colère, mais il secalma.

« Je vais commencer par vous parler de moi, déclara-t-il. Je veuxque vous me compreniez. C'est important de comprendre à quel genred'homme on a affaire. Pas votre avis, le détective? - C'est utile »,acquiesça M. Adams.

Andy écoutait, l'oreille tendue, les yeux grands ouverts.« Bon, reprit Mayfair. Moi, j'ai été collectionneur toute ma vie.

J'ai commencé dans un taudis, dans les bas quartiers de Londres. Ce

n'était pas joli, de mon temps. Pas tellement plus joli maintenant,d'ailleurs. Mais enfin, ça vous forme la jugeote. »

II montra les dents : c'était, pensa Andy, sa façon de sourire.« C'est à cette époque-là qu'on m'a surnommé Crumshaw la

Goutte-au-nez, reprit le gros homme. J'étais enrhumé tout le temps et  j'avais le nez qui coulait. Je ramassais des bouteilles vides. Je lesnettoyais et je les vendais un demi-cent  pièce. Lorsque j'eus réuni assezd'argent, crac! me voilà parti pour l'Afrique du Sud. Je trouve un poste

dans une compagnie minière qui travaillait dans les diamants. J'inventeun procédé inédit pour faire sortir les diamants de la mine, encontrebande. Je n'avais pas vingt et un ans, j'étais millionnaire. Alors je pris un nouveau nom : Nigel Mayfair. Je trouvais que cela faisait plusaristocratique... »

Les yeux de Nigel Mayfair vrillaient ceux de Paul Adams.

86

Page 87: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 87/182

 

« Oui, monsieur, c'est comme je vous le dis. Lorsque je fusdevenu Nigel Mayfair, gentleman et milliardaire, je me mis àcollectionner de l'argent. J'en collectionnai beaucoup. Vous savez ceque c'est qu'un collectionneur : il ne tient pas toujours compte desraffinements de la loi. Pas vrai? »

De nouveau, il montra les dents, dans un sourire de requin.« Lorsque j'eus collectionné assez d'argent, je me mis à

collectionner du gros gibier. Les grandes chasses, à l'époque, c'était passionnant. J'épousai une noble dame anglaise, la veuve d'un duc. Nous étions très heureux ensemble, mais il a fallu qu'un tigre la dévoreaux Indes, et que je me retrouve encombré de son avorton de fils,Reggie, et de sa sœur, Lavinia Ramier, que vous avez vus. Ils vivent àmes crochets et me méprisent parce que je suis né dans un taudis et euxdans un château. Ensuite, j'attrape une maladie tropicale. Me voilàimpotent pour le restant de mes jours. Les toubibs me disent que leclimat de la Nouvelle-Angleterre me fera du bien : je m'installe ici.Comme je voulais montrer à Reggie et à Lavinia ce que l'argent peut procurer, je fais un saut au pays et je m'achète un château fort : celui oùvous êtes. Il s'appelait Cragie Castle. Il est arrivé au complet, fantômecompris. Du reste, je ne l'ai pas encore vu, ce fantôme! La traversée l'a

 peut-être incommodé. »Les yeux de M. Mayfair luisaient de satisfaction et sa voix s'était

transformée en une sorte de ronronnement.« Eh oui! J'ai acheté un château fort. Pas immense, mais

authentique. Et vieux. Il s'est dressé à la frontière entre l'Angleterre etl'Ecosse pendant quatre siècles! Il a changé de propriétaires unedouzaine de fois ! Le sang a souvent ruisselé sur ces dalles, du tempsque les Écossais et les Anglais se faisaient la guerre. »

Il racontait cela si joyeusement qu'Andy jeta un coup d'œil à ses pieds, se demandant vaguement s'ils ne baignaient pas dans une marede sang. Son père lui fit un clin d'œil qui signifiait : qu'il parle tant qu'il voudra. Souvent, M. Adams avait dit à son fils que, plus unhomme parlait, plus on pouvait recueillir d'indications sur soncaractère, sa personnalité et même le fonctionnement de sonintelligence.

 

87

Page 88: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 88/182

 

« J'ai donc ramené toutes les pierres ici et je les ai lait remettreles unes sur les autres. Le château Cragie avait un pont-levis. J'aigardé le pont-levis et j'ai fait faire de vraies douves. Bien sûr, j'aiajouté l'électricité, un ascenseur, ce genre de choses. Néanmoins, jesuis le seul homme du monde à vivre, aux États-Unis d'Amérique, àl'intérieur d'un véritable château hanté encerclé de douves. Posséder quelque chose que personne ne possède, c'est une grandesatisfaction. Mon garçon - il s'adressait maintenant à Andy —, vous pouvez me croire sur parole. Puisque vous êtes collectionneur, voussavez le plaisir que vous éprouvez à posséder un timbre qui manqueà vos amis. Donc, maintenant que je suis impotent et réduit à

collectionner des timbres, j'aurai ceux que personne n'a. Les plusnombreux, les meilleurs et les plus rares ! »Pour ponctuer cette déclaration, M. Mayfair administra au

dallage un grand coup de sa cravache de rhinocéros.« Je pense que nous vous avons compris, dit alors Paul Adams

en rangeant sa pipe. Mais je ne suis... nous ne sommes toujours guèrerenseignés sur vos difficultés. »

Andy se sentit tout fier d'entendre son père corriger « je ne suis

» en « nous ne sommes ».« C'est juste, reconnut Nigel Mayfair. Voulez-vous soulever cette peau de zèbre, sur ce mur? »

II la désignait de sa cravache. Le détective obéit. Sous la peaude zèbre, Andy aperçut, à sa grande surprise, une imposante paroid'acier, interrompue par une porte dont le bas atteignait le sol, sans lemoindre jeu. Il sembla à Andy que la serrure était particulièrementcompliquée.

« Ouvrez! grogna le gros homme. J'ai déverrouillé à votrearrivée. Et allumez donc! Vous avez, le commutateur à côté devous.»

M. Adams tira la poignée. La porte pivota.Ce faisant, elle découvrit une chambre forte de deux mètres de

large sur deux mètres cinquante de profondeur et deux de haut. Lesmurs étaient d'acier. Au milieu, on voyait un petit bureau et unechaise. Tout autour couraient des étagères, supportant des dizaines

d'albums reliés en cuir.

88

Page 89: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 89/182

 

« Voilà mon trésor. J'y entre avec mon fauteuil, dit NigelMayfair. La valeur des timbres qui s'y trouvent dépasse le million de

dollars. Aucun danger d'incendie ou de cambriolage. Si une arméeentière équipée de chalumeaux voulait entrer, elle le regretterait. » IIricana. « Des gaz toxiques empliraient immédiatement la chambre forteet aussi cette salle. Qui plus est, la combinaison consiste en un mot desix lettres que personne sur terre ne connaît que moi. Six lettres. Pasune chance sur un million pour qu'un voleur la découvre. Et pourtant... — ici il recommença à cogner par terre avec sa cravache — quelqu'unl'a découverte! Quelqu'un qui fait partie de la maison est entré dans

cette chambre forte et a volé mes petits trésors les plus chéris!- Calmez-vous, monsieur, dit sèchement Adams. Je comprends

votre émotion, mais votre énervement ne vous avance à rien.- Sans doute, avoua le gros homme en faisant un effort sur lui-

même pour reprendre son calme. Mais vous n'êtes probablement pascapable de comprendre, tout détective que vous êtes. On m'a volé, moi, Nigel Mayfair! On m'a pris quelques-uns des timbres que j'aimais le plus. Dérober un objet de collection, c'est bien autre chose que de

voler de l'argent, monsieur! » 

89

Page 90: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 90/182

 

Adams ne répondit rien. Après un instant clé silence, M. Mayfair reprit :

« Bien sûr, on ne m'a volé qu'une demi-douzaine de timbres.Vingt ou trente mille dollars, quoi. Mais c'est quelqu'un dans la maisonqui a fait cela! Lavinia, peut-être. Ou Reggie. Ou Pardo, ou Henderson.Ou Robin. Ou mon cuisinier français. Non, pas celui-là : il ne rêve quede cuisine. Mais enfin, c'est quelqu'un de la maison. Et le voleur a dûvendre son butin à ce maudit Lawerdy qui est mon voisin, le seul que  j'aie. Ou alors Lavinia a pu les prendre et lui en faire cadeau. Entémoignage d'amour. Pouah ! »

II se racla la gorge de façon répugnante et fixa les yeux sur Andy.« Je ne vais pas voir mes trésors tous les jours, dit-il. Quelquefois

des semaines se passent sans que j'entre dans la chambre forte. J'aurais pu ne rien remarquer pendant tout le temps qu'il fallait au voleur pour me dépouiller complètement. Seulement, il y a quelques jours, deuxgars m'ont fait savoir qu'ils possédaient quelques-uns des fameuxtimbres commémoratifs de Dag Hammarskjôld, les quatre cents, avecdes erreurs, vous voyez ce que je veux dire?

- Bien sûr, monsieur, répondit Andy. Plusieurs personnes enavaient. Quelqu'un, dans le Midlle West, en avait collé sur des lettres.

Et un collectionneur de la région en avait toute une feuille qu'il estimaitun bon prix.

 — Effectivement, dit Mayfair. Mais je lui ai proposé de doubler toutes les enchères qui se présenteraient et j'aurais fini par posséder unefeuille entière de la première erreur importante aux États-Unis depuisles avions à l'envers sur le 24 cents « Poste aérienne » de 1918. Maissavez-vous ce qui est arrivé? »

Sa voix s'était muée en véritable mugissement. Andy connaissait

 parfaitement l'histoire, mais M. Mayfair ne lui laissa pas le temps derépondre.

« Cet imbécile de ministre des Postes de Washington! tonnait-il,tout en abattant la cravache sur le sol presque à chaque mot. Il a décidéde faire imprimer des millions de commémoratifs Hammarskjôld avecl'erreur originale, pour que tout le monde

90

Page 91: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 91/182

 

 puisse en avoir. « Une collection de timbres n'est pas une loterie!» a-t-il déclaré. Impudent personnage, va! Il m'a privé de cette chanceque j'avais de me procurer une feuille entière d'erreurs originales, quiaurait valu une fortune dans quelque temps. Maintenant, je n'envoudrais pour rien au monde dans ma maison. Mais le résultat — ilcriait toujours le plus fort qu'il pouvait et les veines de ses tempessaillaient de façon alarmante — le résultat, c'est que j'ai consulté monalbum d'erreurs et de raretés. Et j'ai constaté que j'avais été volé. Alors j'ai commencé à devenir fou. Je ne sais pas qui c'est, mais je veux sa peau! Je veux qu'il soit châtié, qu'il paie, qu'il souffre... »

La voix de M. Mayfair s'éraillait. M. Adams était sur le point dese précipiter à son secours lorsque la porte s'ouvrit : Pardo, Hendersonet le valet Robin, pâle et terrifié, entrèrent en courant.

« Laissez-moi faire, monsieur », dit Pardo en s'approchant dugros homme.

M. Mayfair ouvrit la bouche pour pousser un cri de fureur, maisPardo lui fit immédiatement boire le contenu d'une petite fiole.

« Cela lui fera du bien, monsieur Adams, dit Henderson. C'estun .tranquillisant, pour son cœur et ses nerfs. Cette histoire de timbresl'a vraiment bouleversé. D'abord sa déconvenue avec les erreurs du

timbre Hammarskjôld, et puis ce vol ! » Nigel Mayfair reprenait son état normal. Sa respiration était

encore difficile, mais son teint revenait du pourpre à l'écarlateordinaire.

« Merci, Pardo, fit-il. Vous avez effectué la livraison? — La livraison, monsieur?- Oui, vous avez emmené madame et ce cher Reginald chez mon

honorable voisin, à sa réception?

  — Oui, monsieur. Il semble s'agir d'une réceptionnombreuse et bruyante, du style américain. M. Lawerdy se propose deramener madame et M. Reginald lui-même. Si monsieur n'a pas besoinde moi, j'irai m'occuper de la voiture. Il faut que je règle le carburateur.

- Vous allez commencer par me coucher, dit M. Mayfair. Etmoi, je vais commencer par écrire une lettre au président

91

Page 92: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 92/182

 

des États-Unis pour lui dire ce que je pense de son ministre desPostes. Il va la sentir passer ! Adams !

- Oui?- Nous finirons demain matin. Demandez tout ce que vous

voudrez à Robin. Pardo, direction la chambre !- Oui, monsieur. »Le volumineux garde du corps s'approcha de la cloison et appuya

sur un bouton. Ce qu'Andy avait pris pour de la pierre se révéla êtreune porte adroitement camouflée, qui glissa et découvrit un petitascenseur où Nigel Mayfair s'engouffra avec son fauteuil sans jeter unseul regard derrière lui.

« Messieurs, je vous souhaite le bonsoir », dit Pardo en fermant la porte, derrière laquelle il disparut avec son maître.

Lorsqu'ils furent hors de vue, Andy constata soudain qu'il nerespirait presque pas, tant l'atmosphère avait été tendue. L'explosion defureur de M. Mayfair avait passé comme un orage.

L'homme de loi, Henderson, alla à la chambre forte, ferma,verrouilla. Puis il éteignit la lumière.

« II était sérieusement ému, remarqua-t-il, pour partir en laissantson trésor à la merci du premier venu!... Vous êtes témoins : j'ai tout

fermé. Croyez-moi : il ne me soupçonne pas moins que les autresoccupants de ce ridicule château fort. »

Haussant un sourcil, M. Henderson se tourna vers Andy.« Comment trouvez-vous M. Nigel Mayfair? demanda-t-il.- Il ne me plaît pas, répondit Andy. Il n'a cessé de se vanter 

d'avoir passé sa vie à mentir, à escroquer et à voler.- Ou pire, fit Henderson.- De toute façon, dit Paul Adams, la soirée sera probablement

  plus tranquille. Vous pourriez peut-être me donner quelques précisions, monsieur Henderson.

- Volontiers.- Et toi, mon garçon, dit le détective en souriant, tu devrais aller 

te coucher. Je monte dans un instant. Il n'y aura plus grand-chose d'intéressant ce soir, je suppose. »

II se trompait. Oh! comme il se trompait! Mais cela, personnen'en saurait rien, avant une heure.

92

Page 93: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 93/182

 

-------------------------------------------------------------------------------------ALFRED HITCHCOCK  :  Je commence à en avoir assez de me taire.

 J'ai été vraiment très discret jusqu'ici. En conséquence, pendant qu'Andy va secoucher, vous allez me permettre de reprendre sommairement quelques pointsque j'ai remarqués.

 Primo, notez le caractère de M. Nigel Mayfair,' né Crumshaw la Goutte-au-nez. Visiblement, il ne saurait supporter qu'un autre possède ce qu'il ne

 possède pas lui-même. Observation subtile, peut-être, mais à ne pas négliger.

 Elle va devenir très importante par la suite.Secundo, je m'adresse aux philatélistes.. Vous aurez déduit sans difficultéla date à laquelle se déroule cette affaire. Les erreurs du quatre centscommémoratif Dag Hammarsko'ld situent l'époque. Notez que novembre est unmois venteux et froid, dans le Sud de la Nouvelle-Angleterre. J'espère que vousavez pris bonne note de l'intensité du vent de cette nuit-là. Remarquez aussi quela plupart des arbres du parc étaient des chênes. Qu'est-ce que les chênes,demanderez-vous, ont donc de si particulier? Eh bien, on fait d'excellentsmeubles en chêne. Les chênes produisent des glands. Les chênes ne perdent pasleurs feuilles à la même époque que les autres arbres, mais seulement à la fin del'automne.

 

93

Page 94: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 94/182

 

  L'écorce du chêne est utilisée par les tanneurs. Vous voyezce que je veux dire ?

--------------------------------------------------------------------------------------

III

Robin, le valet, conduisit Andy le long d'un large escalier, jusqu'àsa chambre, située au premier étage. C'était une vaste pièce; lesmeubles paraissaient très anciens; il y avait deux lits en bois sculpté.Le pyjama d'Andy était étalé sur l'un d'eux; celui de M. Adams, sur l'autre.

« Ce soir, monsieur dormira dans un lit où des rois ont dormi, ditle valet. Pas des rois d'Angleterre, mais des rois tout de même. Lemoindre meuble que possède M. Mayfair a été acheté dans quelquecour d'Europe. Où il marche, des rois ont marché. Où il s'assied, desrois se sont assis. La pensée lui en est agréable... »

Coucher dans un lit où un roi — plusieurs rois peut-être -avaientdormi ! Cela devait faire une drôle de sensation !

Andy alla à une fenêtre — il y en avait plusieurs — et regarda.

Une des ailes du château se dressait, énorme et sombre, à sa gauche.Au premier, on voyait de la lumière. A droite Andy distinguait l'aile estdu château où toute une rangée de fenêtres était illuminée.

Le vent s'acharnait sur les chênes du parc, de l'autre côté du fossél'on voyait un foyer lumineux apparaître et disparaître sur la gauche,tout au bout de l'aile ouest, mais à une distance considérable.

« Quelle est cette lumière, Robin? demanda Andy, ne sachant tropcomment s'y prendre pour faire parler un valet de chambre.

  — C'est la fenêtre de M. Henderson, monsieur. Il occupe ladernière chambre de l'aile ouest. M. Mayfair occupe l'aile est à lui toutseul.

- Non, je voulais dire la lumière qu'on voit au loin.- Celle-ci? C'est la résidence de M. Howard Lawerdy, qui donne

une réception ce soir. M. Lawerdy et M. Mayfair étaient 

94

Page 95: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 95/182

 

de grands amis et même des associés, il fut un temps. Mais, jeregrette de le dire, ils sont devenus ennemis. Monsieur prendra-t-il un bain chaud? »

Andy penchait pour l'affirmative. Il n'hésita plus lorsqu'il vit quela chambre avait une salle de bain particulière qui comportait une baignoire de marbre rosé presque aussi vaste qu'une piscine et équipéed'accessoires en or massif.

« Quelle température désire monsieur? » demanda le valet, enouvrant les robinets.

Andy ne s'était jamais préoccupé de la température de son bain :trop chaud, trop froid, ou juste à point, il n'en savait pas plus. Mais il prit un air dégagé pour répondre :

« Comme vous voudrez, Robin. »Cela le gênait de voir un homme fait l'aider à prendre son bain.« Dites-moi, Robin, fit-il, M. Mayfair a-t-il tué lui-même tous les

animaux qui sont en bas?- Oh! non, monsieur. »Robin tira une immense serviette d'une armoire et la plia

commodément.« Mlle Rainier, sa belle-sœur, en a tué quelques-uns. Son beau-

fils, M. Reginald, en a tué aussi. Un ou deux ont été abattus par Pardoet j'ai l'honneur d'être représenté par une espèce de panthère, petite par la taille, mais grande par la rareté.

- Alors, dit Andy tout surpris, tout le monde, dans cette maisonchasse le gros gibier?

Tout le monde sauf le chef, monsieur.- Le chef?- Le cuisinier, monsieur. M. Henderson lui-même n'est pas sans

expérience. Toutefois, il s'en est tenu aux chevreuils. »Andy n'aurait pas voulu paraître trop fouineur mais enfin, on est

détective ou on ne l'est pas. A force de poser des questions, il pourrait peut-être apprendre quelque chose qui tendrait service à son père?

« Robin, demanda-t-il, est-il vrai que tout le monde déteste M.Mayfair? »

 

95

Page 96: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 96/182

 

Le valet s'éclaircit la voix.« M. Mayfair ne fait guère d'efforts pour se rendre sympathique,

monsieur, fit-il.- Vous le détestez, vous? Et Pardo? et tout le monde?- Si M. Mayfair n'avait pas déjà fait allusion à cette situation,

répondit le valet avec dignité, je ne me serais certes pas permis d'en parler. Néanmoins, c'est exact. Nous le détestons tous dufond de notre cœur. Mlle Rainier et M. Reginald inclus.

- Mais alors! s'écria Andy. Pourquoi restez-vous avec lui? Vousêtes en Amérique, vous êtes libres.

- Les choses ne sont pas aussi simples qu'il semble à monsieur. Ilarrive que l'on fasse... dirons-nous un faux pas? C'est très facile,surtout lorsqu'on est réduit au désespoir. M. Mayfair conserve dansune petite cassette d'acier des papiers compromettants qui nousobligent tous à le servir fidèlement. La cassette se trouve dans lachambre forte que monsieur a vue.

- Vous voulez dire qu'il vous fait chanter?- Je ne me permettrais pas d'employer un mot pareil,

monsieur.- M. Henderson aussi? » demanda Andy. Robin fit oui de la tête.

« Et Mlle Rainier? Et Reggie?- Mlle Rainier et M. Reginald sont pauvres et criblés de

dettes. M. Mayfair les nourrit, mais ne veut pas les laisser partir. De plus, il ne leur rend pas une petite propriété que Mme Mayfair leur avait laissée, et qui les mettait à leur aise. Monsieur désire-t-il que  je revienne l'essuyer lorsqu'il aura fini son bain? Ou que je reste pour l'aider à se frotter le dos?

- Ça, alors, non! éclata Andy. Je peux encore me débarbouiller 

tout seul. Euh... vous pouvez disposer, ajouta-t-il, répétant uneexpression qu'il avait entendue dans un film.

- Bien, monsieur. Bonne nuit, monsieur. »Robin sortit sans bruit et Andy poussa un soupir de soulagement.

Il n'aurait pas aimé avoir tout le temps des domestiques autour de lui.Mais le bain dans la baignoire de marbre aux robinets d'or 

l'amusa. Il y resta longtemps, car il était sûr de ne plus 

96

Page 97: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 97/182

 

97

Page 98: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 98/182

 

  jamais avoir l'occasion 'de « baigner » dans un luxe pareil.Lorsqu'il finit par s'écrouler sur l'un des deux énormes lits, ils'endormit aussitôt après avoir éteint.

Il dormait à poings fermés lorsque la voix du géant l'éveilla.« Au secours, criait-elle. Au secours!... »Andy se dressa dans son lit, se débattant pour se libérer de ses

couvertures et faisant des efforts pour ouvrir les yeux.« II m'a tué! hurla la voix, si métallique, si transformée, qu'Andy

ne la reconnut même pas. Je soupçonne la v... »La voix s'enraya. Puis reprit, lentement, articulant à grand peine :« Je soupçonne la v... »Un halètement encore, puis le silence. Le dernier mot s'étirait en

un lll-aaa-vvv sans signification.A tâtons, Andy trouva le commutateur. Il regarda autour de lui la

chambre inconnue, s'efforçant de se rappeler où il se trouvait etcomment il y était arrivé.

Tout à coup la mémoire lui revint; il quitta le lit d'un bond. Celuide son père n'avait pas été défait. Andy courut à la porte, l'ouvrit, se précipita dans le couloir. Au bout, il vit M. Adams ouvrir une porte etdisparaître. Il courut après lui.

« Papa! appelait-il. Papa!... »Apparemment, son père ne l'entendait pas. La porte se referma.

Andy l'ouvrit et entra. Il se trouva dans une chambre immense, avec denombreuses fenêtres, les murs couverts de tapisseries anciennes. M.Adams se tenait auprès d'un lit à baldaquin dans lequel M. Mayfair gisait sur le flanc, tout haletant, les yeux clos, une main posée encoresur les boutons de l'interphone dans le micro duquel il venait de crier etqui communiquait avec toutes les autres pièces du château. La lampe

de chevet était allumée; quelques papiers se trouvaient répandus sur l'oreiller...

Paul Adams se retourna.« Andy, dit-il, quelqu'un a tiré sur Mayfair. Assis dans son lit,

avec sa lampe, quelle cible! Il est peut-être en train de mourir. Il nousfaut un médecin. »

Il se pencha vers l'interphone et cria :

98

Page 99: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 99/182

 

« Robin! Pardo! Arrivez immédiatement! »Puis il se redressa. Son regard alla à la fenêtre, suivi par celui

d'Andy. La vitre de la fenêtre centrale avait été traversée par trois balles, qui y avaient ouvert trois petits trous bien ronds autour desquelsrayonnaient des craquelures. Fasciné, Andy s'approcha de la fenêtre.Regardant par l'un des trous, il vit, droit devant lui, les lumières de larésidence de M. Lawerdy, qui apparaissaient et disparaissaientalternativement.

« Papa... », commença-t-il en se retournant.Mais avant qu'il eût eu le temps de parler, Pardo se précipita dans

la pièce, les mains dégouttantes d'huile. Robin le suivit; il endossait saveste rouge tout en marchant. M. Henderson arriva aussitôt aprèsRobin, il finissait d'enfiler sa robe de chambre par-dessus son pyjamaet n'avait qu'une pantoufle.

Sèchement, Paul Adams donna des ordres :« Robin, téléphonez au médecin de M. Mayfair. Il vit encore, si

 peu que ce soit. Henderson, allez voir ce qui se passe dans le parc :c'est probablement de là qu'on a tiré. Moi, je me charge d'appeler la police. Andy, retourne au lit. »

Andy était sur le point de répondre qu'il savait, lui, d'où les coups

de feu provenaient. Mais lorsque son père parlait de ce ton-là, il était préférable de ne pas discuter.

« Bien, papa! » fit-il.Et il prit la direction de sa chambre.Ce ne fut qu'une fois dans son lit qu'il comprit quel genre de «

vermine-» avait essayé de tuer M. Mayfair,Grièvement blessé, le maître de maison avait essayé de confier à

l'interphone le nom de l'homme qu'il soupçonnait. Il avait essayé de

dire : « Je soupçonne Lawerdy », mais n'avait pu aller plus loin que :«Je soupçonne Law... »

Puis, une autre idée vint à Andy. Peut-être M. Mayfair avait-ilvoulu dire : «Je soupçonne Lavinia », ou même, puisqu'il se plaisait àappeler ainsi Reggie : «Je soupçonne l'avorton...»

Entre les trois « vermines » possibles, Andy ne parvint pas à faireun choix ce soir-là. Fut-ce malgré toutes ses émotions ou à caused'elles? Il s'endormit profondément.

 

99

Page 100: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 100/182

 

-------------------------------------------------------------------------------------

-ALFRED HITCHCOCK  :  Permettez-moi de vous interrompre

un instant, pour vous demander si vous avez remarqué certain indicequi, s'il ne prouve la culpabilité de personne, innocente à coup sûr unou plusieurs suspects. Or, en éliminant un nombre suffisant de suspects, celui qui reste sera notre homme.

Si vous n'avez rien remarqué, cela ne vous fera aucun mal derelire les dernières pages. En mettant les choses au pire, vous

recueillerez Lou-/nurs le bénéfice d'un exercice de lecture et ce livrevous paraîtra d'autant plus long.

  Réflexion faite, il serait peut-être utile de reprendre toutel'affaire depuis le début, à la lumière des événements qui viennent d'être contés. /c n'avais pas l'intention de vous en parler, mais,emporté par un élan de générosité, je veux bien vous révéler qu'unindice extrêmement significatif a fait une brève appantion au début denotre histoire et qu'on ne le verra plus.

 J'en ai déjà trop dit. Faites un petit effort de votre côté.--------------------------------------------------------------------------------------

100

Page 101: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 101/182

 

IV

Lorsque Andy s'éveilla, le soleil était levé depuis longtemps. M.Adams avait visiblement dormi dans son lit, mais il n'y était plus. Lamontre d'Andy lui apprit qu'il était 9 h 30. On avait peut-être déjàrésolu la double énigme des timbres dérobés et de l'assassinat de M.Mayfair?

Se débarbouiller, se brosser les dents, enfiler ses vêtements, futl'affaire d'une minute. Andy bondit dans le couloir, s'arrêta. Tout au bout, vla porte de la chambre de M. Mayfair était ouverte.

Irrésistiblement attiré, il approcha sans bruit. Arrivé au niveau dela porte, il constata que la chambre était vide. On avait emmené M.Mayfair, probablement dans un hôpital. Si la porte n'avait pas étéouverte, Andy ne serait pas entré, mais, dans les circonstances présentes, il n'hésita pas.

Le dossier du lit, qui était en bois sculpté, avait été traversé par une balle : ce coup-là, apparemment, n'avait pas fait mouche. Il avaitsans doute été tiré à l'instant où M. Mayfair roulait sur le flanc pour crier dans l'interphone.

Un fil noir avait -été fixé au point d'impact d'une part ei, à l'autreextrémité, au troisième trou de la vitre.

L'ordre des trous était facile à déterminer.La première balle, en perforant le carreau, avait provoqué des

fêlures tout autour de l'impact. La seconde balle avait également provoqué des fêlures, mais elles s'arrêtaient lorsqu'elles rencontraientles fendillements occasionnés par la première balle Les fendillementsde la troisième s'arrêtaient dès leur intersection avec les fêlures de la

seconde.Andy comprit aussitôt à quoi servait le fil. En alignant les deux

trous faits par la même balle sur une seule droite, on avait essayé dedéterminer la trajectoire du projectile.

Andy se pencha de façon que son œil se trouvât placé au niveaudu fil. Son regard passa par le trou de la vitre et, comme il s'y étaitattendu, alla se placer sur la terrasse d'une importai ni bâtisse en briques et bois qui se trouvait à quelques centaine'.

101

Page 102: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 102/182

 

de mètres de là, au sommet d'une petite colline : la résidence deM. Howard Lawerdy.

Andy s'approcha de la fenêtre et considéra le paysage avecattention.

Le vent de la soirée précédente s'était apaisé. On pouvait voir untronçon du fossé de dix mètres de large qui entourait le château. L'eauscintillait au soleil. Plus loin régnait une rangée de chênes, plantés àintervalles égaux; ensuite venait une muraille de pierre; enfin, troiscents mètres plus loin, le manoir Lawerdy.

La balle avait passé entre deux chênes, profitant d'un intervalle dequelque deux mètres.

Au cours de sa trajectoire, elle avait rasé — à 1,50 mètre prèsenviron — l'angle de l'aile ouest du château. Andy examina l'aile ouest, pour s'assurer qu'il ne se trompait pas, que le coup de feu n'avait puêtre tiré de là.

La fenêtre la plus proche du coin, celle de M. Henderson, étaitentrouverte, mais de là l'angle de tir aurait été tout autre. A la rigueur,s'il y avait eu un rebord... Mais il n'y avait pas de rebord. Non, ce coupde feu-là n'avait pu être tiré de cet endroit, pas plus que d'aucun autre

de la maison ou des dépendances, ni de la terrasse, ni de la pelouse, nidu parterre qui séparait le bâtiment du fossé.

Tout à coup, Andy eut une émotion. A l'extrémité de l'aile ouest,il venait d'apercevoir la partie inférieure d'une échelle appuyée contrele bâtiment, de toute évidence contre l'extrémité même de cette aile.Bien sûr, personne n'aurait pu se tenir au haut de cette échelle et tirer,tout simplement parce que le tireur se serait trouvé alors derrière lecoin et n'aurait même pas pu voir.la fenêtre de M. Mayfair. Mais Andy

avait une autre idée, si singulière qu'il se demanda si son père l'avaiteue aussi? Si l'idée était bonne, cela transformait la situation!

En toute hâte, Andy courut retrouver son père et faillit renverser Robin dans l'escalier.

« Robin! s'écria-t-il en retenant le valet pour l'empêcher detomber. Savez-vous où est mon père?

102

Page 103: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 103/182

 

 L’ordre des trous était facile à déterminer 

103

Page 104: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 104/182

 

104

Page 105: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 105/182

 

- M. Adams est dans la bibliothèque, monsieur, réponditRobin. Je crois savoir qu'il prend des notes.

- A-t-il résolu l'affaire?- Je ne le pense pas, dit Robin, qui ne semblait pas en être attristé

outre mesure. La police est là et nous avons tous été interrogés.Cependant, mon impression personnelle est que ces messieurs nagentcomplètement.

- Merci, Robin. »Andy courut vers la porte que le valet lui avait indiquée.Mais, en passant, il en vit une autre qui n'était pas complètement

fermée et s'arrêta.A l'intérieur, un officier de police qu'il connaissait, le lieutenant

Dick Fields, interrogeait un homme de haute taille, le nez busqué, lescheveux abondants et noirs : M. Howard Lawerdy, pensa Andy.

Bien sûr, le garçon n'avait pas l'habitude d'écouter aux portes.Mais, pour l'instant, ne menait-il pas une enquête? N'y avait-il pas safonction officielle, lui qui avait été amené là comme expert? De plus, la porte était entrouverte... Andy s'accroupit et se mit à nouer et à dénouer son lacet de chaussure, l'oreille tendue.

« Voyons, monsieur Lawerdy, disait le lieutenant Fields d'unevoix lasse, cette carabine a été repêchée du fossé par mes hommes.C'est une arme de chasse, de fabrication belge, à lunette. Elle doit être précise jusqu'à cinq cents mètres.

- Jusqu'à mille, répondit Lawerdy sans se laisser démonter. Lalunette est extraordinaire. Vous avez l'impression que l'objectif setrouve à trois mètres. La carabine m'appartient, je la reconnais parfaitement. Elle se trouvait au râtelier, avec quelques autres. C'est là

qu'on a dû la voler.- A quel moment? En avez-vous une idée?- Pas la moindre. La salle où j'entrepose mes armes est au bout

de la maison. Il m'arrive de passer des journées sans y entrer. Lacarabine a pu être empruntée hier, ou bien il y a un jour ou deux. Jesuppose que l'usager l'a jetée dans le fossé pour ne pas courir un risqueinutile en la remettant à sa place. J'avais une réception : mes invités se promenaient un peu partout.

105

Page 106: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 106/182

 

- Peut-être vous êtes-vous absenté vous-même quelquesinstants, monsieur Lawerdy? Peut-être vous êtes-vous servi vous-même de votre carabine?

- Pour tuer le vieux Mayfair? Ah! non, lieutenant. Tirer unhomme au gîte, calmement assis dans son lit, cela ne se fait pas. Cen'est pas sport. D'ailleurs, je n'ai pas quitté mes invités : vous lesavez fort bien puisque vous vous êtes renseigné sur ce point.

- Pourtant, vous êtes l'ennemi de M. Mayfair.- Erreur. Il me déteste peut-être, mais j'aurais plutôt tendance à

l'admirer. Il sort vraiment de l'ordinaire! En fait, il est furieux parceque j'épouse Mlle Rainier. Je me suis même installé dans la région pour n'être pas séparé d'elle.

- Vous n'auriez pas par hasard acheté des timbres à M. Mayfair?- Des timbres dont il prétend qu'ils lui ont été volés? Non.- Je vous remercie, dit le lieutenant Fields en soupirant.

Mademoiselle Rainier!- Oui, lieutenant? »Andy reconnut la voix de la belle jeune femme qu'il avait entre-

vue la veille.

« Avez-vous quelque chose à ajouter à votre déposition d'hier?- Rien. Je n'ai pas tiré sur Nigel. Remarquez que j'aurais pu le

faire et que j'en ai souvent éprouvé la tentation. Mais il se trouve que jen'ai pas quitté les autres invités un moment.

Tout de même, à trois cents mètres, vous n'auriez éprouvé aucunedifficulté à abattre un homme avec cette carabine de chasse à lunette?

- Aucune, mon cher lieutenant, aucune. Je vous ferai volontiersune démonstration de mes capacités, si vous le désirez.

- Ce ne sera pas nécessaire, mademoiselle. A vous, monsieur Reginald Whitford.

- Dites donc, mon vieux, répondit Reggie de sa voix languide,vous ne croyez pas que nous sommes en train de perdre notre temps?Moi, non plus, je n'ai pas tiré sur le vieux bonze, mais j'aurais pu lefaire et je l'aurais probablement fait si j'y avais pensé. Mon alibi est lemême : j'étais avec toute la bande.

106

Page 107: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 107/182

 

Maintenant faites un petit effort de gentillesse et laissez-moidéjeuner : j'ai un rallye automobile cet après-midi. »

Visiblement, l'interrogatoire s'achevait. Andy partit comme uneflèche pour la bibliothèque. Il y trouva son père, assis à un bureau sur lequel était posée une feuille de papier.

« Papa! cria Andy. M. Mayfair est-il déjà...? Est-il encore...?- Il est à la clinique, répondit M. Adams. Il n'a pas sa conscience.

Il y a cinquante chances sur cent pour qu'il en réchappe. Même alors, ilne parlera pas avant plusieurs jours.

- Et tu ne sais vraiment pas quelle « vermine » l'a blessé? »demanda Andy.

Aussitôt après il rougit, sentant qu'il venait de dire une sottise.« Cette histoire de « vermine » nous rendra fous, la police et moi,

répondit le détective sans s'étonner. Tiens, voilà le lieutenant Fields.Du nouveau, Dick? »

Le lieutenant, jeune officier de police sanglé dans son uniforme,venait d'entrer.

« Rien du tout! » fit-il en s'asseyant.

107

Page 108: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 108/182

 

A ce moment, Robin entra avec un plateau sur lequel il apportaitdeux tasses de calé, un verre de lait, deux œufs mollets et une pile detoasts. Il plaça le café devant les deux hommes et le reste devant Andy.

« Je me suis permis de servir monsieur », fit-il.Andy trouva que c'était une excellente initiative et attaqua son

repas avec voracité, pendant que le policier et le détective discutaientde l'affaire.

« Il faut que nous arrêtions le coupable le plus vite possible, Paul,dit Dick en sirotant son café. Sinon, pensez à ce que diront les  journaux! Un vrai château avec douves et pont-levis, une chambreforte, un philatéliste milliardaire, un coup de feu dans la nuit. Lavictime tente de dénoncer son assassin et parvient seulement à articuler lav... Vous voyez d'ici les manchettes.

- Cette chambre forte, murmure M. Adams, le sourcil froncé... Ilfaudrait absolument arriver à l'ouvrir. Autrement, nous ne saurons pasce qui a été volé. En outre, il pourrait y avoir un indice à l'intérieur.

- Robin m'a assuré que M. Mayfair y conservait des papiers quiauraient pu causer des ennuis à son personnel, intervint Andy. Ilfait chanter tous ses domestiques, si bien qu'ils le serventfidèlement tout en le détestant.

- Précisément, acquiesça le lieutenant Fields. M. Mayfair n'est pas ce qu'on appelle un homme très délicat. Mais je, pense quenous ne parviendrons pas à ouvrir cette chambre forte, à moins qu'il nenous en livre la combinaison.

- Un mot de six lettres que Mayfair est seul à connaître, dit M.Adams en tirant sur sa pipe. Nous pourrions essayer cent mille motssans trouver le bon. Et pourtant, malgré toute l'astuce de Mayfair,quelqu'un l'a deviné ou l'a découvert. Nous n'avons qu'à en faire autant.

Timbre! » dit tout à coup Andy.Les deux hommes le regardèrent.« Je veux dire, expliqua-t-il en avalant une bouchée de toast, que

le mot « timbre » a six lettres et que M. Mayfair s'intéresse auxtimbres. Ce pourrait être le mot de la combinaison.

108

Page 109: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 109/182

 

- Bonne idée, fils, dit M. Adams en secouant la tête, mais nousy avons déjà pensé. De même qu'à  Helena, le prénom de sa premièrefemme, à Castel, à Manoir, à Cragie, et à beaucoup d'autres.Aucun résultat.

- Il va falloir laisser la chambre forte de côté, dit le lieutenantFields. De toute façon, si nous arrêtons l'assassin, nous tiendrons levoleur du même coup. Apparemment votre arrivée ici, hier soir, aaffolé notre homme. Perdant son sang-froid, il a résolu de tuer Mayfair  pour déjouer votre enquête.

- Je n'en suis pas sûr, fit le détective, en fronçant encore plus lessourcils. Peut-être le voleur avait-il déjà l'intention de le tuer hier soir et a-t-il opéré sans se soucier de ma présence.

Tu veux dire qu'il avait choisi la soirée d'hier à cause de laréception de M. Lawerdy? demanda Andy. C'était une occasion pour Mlle Rainier et pour Reggie qui pouvaient ainsi quitter le château sansexciter de soupçons. A la faveur du remue-ménage d'une grande soirée,il leur aurait été facile de s'éclipser sans que leur absence soitremarquée. Même chose pour M. Lawerdy qui a pu tirer lui-même.

- Précisément, dit le détective, content des déductions de sonfils. Plusieurs suspects en scène et beaucoup de confusion pour 

 brouiller la piste. Mon cher Dick, il s'agit d'un crime prémédité. Je nevois aucune trace d'improvisation. Regardez : j'ai ici un plan du terrainet j'y ai porté la trajectoire de la balle. »

V

M. Adams plaça une feuille de papier au milieu de la table. Andyet le lieutenant Fields se penchèrent dessus.

« C'est clair, dit le lieutenant. Lawerdy, Reggie ou Mlle Rainier,n'est-ce pas?

- C'est évident. Mais comment choisir entre nos trois «vermines »?

- Papa! s'écria Andy. L'échelle. Elle est portée sur toncroquis. Là, à l'extrémité de l'aile ouest.

109

Page 110: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 110/182

 

- Et alors, demanda le détective.-J'ai une idée! explosa Andy. Est-ce que nous pourrions

l'.essayer? C'est à propos de l'échelle.- Paul, ton fils est en train de suivre tes traces, remarqua le

lieutenant Fields. Qu'il nous montre en quoi consiste son idée, quellequ'elle soit.

- Bien sûr, fit le détective en vidant les restes de sa tasse de caféet en frappant sur l'épaule d'Andy. Allons-y, liston. »

Une minute plus tard, ils furent sur la terrasse qui se trouvaitderrière la salle des gardes du château. Ils contournèrent l'aile ouest etdécouvrirent une lourde échelle à coulisse, appuyée à une fenêtre dusecond étage.

« Cela fait une semaine qu'elle y est, précisa Paul Adams. Unmaçon devait remettre du ciment sur l'appui de la fenêtre; puis il esttombé malade et n'a pas terminé son travail. Alors, ton idée ?

- Il faut poser l'échelle par terre, dit Andy. Je n'étais pas sûr quec'était une échelle à coulisse, mais c'en est bien une. Elle doit fairequinze mètres.

- Exact. Dick, veux-tu nous aider? Il faudra nous mettre à trois pour la bouger. »

L'échelle était lourde. En la redressant, ils faillirent la laisser tomber, la rattrapèrent à grand peine et retendirent précipitamment.Andy tira la corde qui permettait de mettre en place la rallonge del'échelle.

« Maintenant, fit-il, haletant, il faut la poser perpendiculairementau fossé.

- Saperlipopette! s'écria Dick Fields, plein d'admiration.Dis donc, Paul, ni toi ni moi n'avons songé que l'échelle aurait pu

servir de pont. Nous avons pensé à d'autres choses mais pas au pont!Ton fils nous montre que nous ne sommes pas aussi malins que nousl'imaginions.

- Je me plais à le reconnaître », dit M. Adams.Ils poussèrent alors l'échelle de telle façon que, le fossé n'ayant

que dix mètres de large, elle prit appui solidement sur les deux rives.

110

Page 111: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 111/182

 

« Qu'est-ce qui t'a fait penser à cela, Andy? Demanda M. Adams.

- Une fois, aux actualités, j'ai vu des pompiers se servir d'une échelle comme d'un pont jeté par-dessus une rue pour sauver unefemme d'une maison en feu. Je me le suis rappelé. Maintenant,regarde.»

Il traversa légèrement le fossé dans un sens puis dans l'autre,sautant d'échelon en échelon avec une agilité de chamois, grâce à seschaussures à semelle de caoutchouc.

« Vous voyez? s'écria-t-il. Il n'est pas nécessaire que le coupable

soit allé à la réception. N'importe qui dans la maison aurait pu traverser le fossé, se glisser chez M. Lawerdy pour voler la carabine, tirer sur M.Mayfair, revenir, jeter la carabine dans le fossé, remettre l'échelle en place, et jouer l'innocent.

- Voilà des migraines en perspective, Dick, fit M. Adams enriant. De nouveaux suspects. Tout le tremblement, quoi !

- Remettons l'échelle en place, proposa le lieutenant Fields.Vois-tu, Andy, ajouta-t-il pendant qu'ils s'efforçaient tous les trois

de soulever l'échelle, le danger, lorsqu'on fait des déductions, 

111

Page 112: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 112/182

 

c'est qu'on a tendance à en faire une bonne et, ensuite, à s'arrêter.On est si content de soi qu'on ne cherche pas les défauts de son propresystème ni les autres possibilités. »

Avec un grand choc, l'échelle reprit sa place, contre l'appui de lafenêtre et le policier s'épousseta les mains.

« Ton idée est bonne, Andy, elle est très bonne. Mais allons plusloin. Nous avons eu quelque difficulté à déplacer cette échelle, n'est-ce pas? Et nous étions trois!

- Oui, monsieur... »Aussitôt, Andy se sentit au désespoir. Comment avait-il pu

négliger une objection aussi évidente?« Vous voulez dire que, même à supposer qu'un seul homme ait

été capable de déplacer cette échelle, il aurait eu besoin de beaucoup detemps, surtout la nuit? Personne dans la maison n'aurait pris un telrisque, d'autant plus que papa et moi, nous avons vu Robin, Pardo etM. Henderson en haut, deux ou trois minutes après les coups de feu.

- Tu y es, mon garçon. »Mais Andy eut aussitôt une autre idée. Aujourd'hui, elles

 pleuvaient. Une fois qu'il avait commencé son enquête, plus moyend'arrêter le mécanisme mental qui les fournissait.

« Supposons que tout le personnel soit d'accord, dit-il. Tous lestrois, complices! Ils auraient pu enlever et remettre l'échellerapidement et n'importe lequel des trois aurait pu tirer les coups defeu : ce sont tous de bons tireurs.

- Diable! s'écria Fields. Paul, voilà encore une idée quenous n'avons pas prise en considération. Si ce garçon avaitquelques années de plus, je le mettrais directement à l'école de la police. Ses idées, même fausses, sont intéressantes.

- Et celle-là? demanda Andy, presque agressif. Elle est fausseaussi ?

- Il se peut qu'elle soit vraie, répondit son père. En tout cas, elleest riche de possibilités. Mais n'oublie pas que M. Mayfair soupçonnaitquelqu'un. Il avait probablement de bonnes raisons pour cela. Il aessayé de nous dire de qui il s'agissait. C'est là tout le sens du message« vermine ».

112

Page 113: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 113/182

 

Pour quelques instants, Andy s'avoua battu. Mais, bientôt après, ilse ressaisit et posa aux deux hommes un nouveauproblème.

« Peut-être, fit-il, M. Mayfair voulait-il dire «je soupçonne lavaletaille ». Ce serait bien dans sa manière de parler ainsi de Pardo, deRobin et peut-être même de M. Henderson. Et nous aurions lav tout demême. »

Le lieutenant Fields se mit à rire. M. Adams inclina la tête ensigne d'assentiment :

« Andy, si tu plaidais pour l'accusé, nous ne parviendrions jamaisà le faire condamner, quel qu'il fût. Mais il y a encore une raison pour laquelle ton idée, si ingénieuse qu'elle soit, n'est pas recevable. En toutcas, pas dans les circonstances d'hier soir. Vois-tu pourquoi? »

Andy réfléchit un moment. Il songea à l'obscurité, à la façon dontles lumières avaient apparu et disparu à cause de la bourrasque quiagitait les branches des chênes, et il comprit.

« Tu veux dire, papa, que c'était facile pour moi de courir sur cette échelle en plein jour, mais que, la nuit, par tempête, personne ne pourrait le faire sans risquer de poser le pied entre les échelons et de secasser une jambe ou de tomber dans l'eau. On serait obligé de ramper,ce qui serait beaucoup plus long. Les complices n'auraient pas pu se

 présenter si vite après ton appel, chez M. Mayfair.« Tu y es, dit M. Adams, très content de son fils. Tu as compris la

méthode. Dans une demi-heure, nous avons tous rendez-vous dans lachambre de M. Mayfair et nous allons essayer, le lieutenant Fields etmoi, d'obtenir les aveux du coupable. Tu assisteras à la scène et tuobserveras les suspects. »

--------------------------------------------------------------------------------------

ALFRED HITCHCOCK  :   Eh bien, vous ne voyez pas comment on pourrait perfectionner les brillantes idées d'Andy?...

 Laissez-moi vous dire que, au point où nous en sommes, il ne vous manque plus rien pour résoudre l'énigme de l'assassinat manqué de M. Mayfair.

  Pensez à une rangée de chênes. A un gros homme assis dans sonlit,

113

Page 114: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 114/182

 

éclairé par une lampe de chevet, cible parfaite. A une nuit de novembre,au vent qui se lamente et qui hurle. A une chambre forte dotée d'unecombinaison de six lettres. Pensez-y ferme à cette combinaison car, damquelques instants, une question de vie ou de mort y sera suspendue. Pensez à des

échelles, à des haut-parleurs, à un homme qui voulait posséder les timbres les plus rares du monde. Puis attaquez la suite de notre récit. Vous y trouverez un candidat assassin

démasqué, un retournement de la situation, et une devinette fantastique dont dépendra la vie d'un être humain.--------------------------------------------------------------------------------------

CONCLUSION

VI

Andy Adams se tenait adossé au mur de la chambre de M. NigelMayfair.

La chambre, si vaste qu'elle fût, paraissait pleine de monde.M. Adams se tenait près de la fenêtre criblée de balles. Le

lieutenant Fields, près de la porte qui donnait sur le couloir et qu'il

avait fermée à clef. Pardo, Robin et un gros homme en bonnet blanc decuisinier étaient rangés de l'autre côté du lit; ils paraissaient agressifsou peut-être effrayés. M. Henderson, accoudé au mur à côté d'Andy,réfléchissait profondément tout en fumant. Mlle Ramier, la seulefemme, s'était installée avec une nonchalance royale dans un fauteuil,non loin du détective. M. Lawerdy se tenait auprès d'elle. Reggie, le beau-fils, se vautrait dans un autre fauteuil, les jambes étendues et lesmains dans les poches.

« Messieurs, madame, commença le lieutenant Fields, cetteréunion fait officiellement partie de l'enquête que je mène concernantla tentative d'assassinat dont M. Mayfair a été l'objet. M. Adams nousfera profiter de quelques idées qu'il a eues, grâce au fait qu'il était dansla maison au moment où le crime a été commis. Avez-vous desquestions à poser? »

Personne n'en avait. Reggie bougea comme s'il avait eul'intention de dire quelque chose, puis y renonça. M. Adams prit la

 parole.

114

Page 115: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 115/182

 

« Tout d'abord, commença-t-il, je vous demanderai de prêter attention au fil tendu entre le lit et la fenêtre. Il détermine la trajectoiredes balles tirées contre M. Mayfair. Deux de ces balles l'ont atteint.Monsieur Lawerdy, voulez-vous prendre la ligne de mire?

- Volontiers. »Le grand homme brun vint placer son œil au niveau du fil et

regarda longuement.« La trajectoire, dit-il en se redressant, passe entre deux chênes et

aboutit à ma terrasse, à trois cents mètres d'ici.- Avez-vous un commentaire à formuler?- Oui, répondit Lawerdy avec un sourire oblique. J'ai mes

félicitations à vous présenter.- Comment dois-je les prendre? — Comme vous voudrez. »M. Lawerdy sourit et regagna sa place.« Mademoiselle Rainier, dit le détective en se tournant vers la

 jeune femme, avez-vous un commentaire à formuler?

115

Page 116: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 116/182

 

- Je ne peux que m'associer à celui de Howard. Toutes mesfélicitations.

- Et vous, Reggie? demanda M. Adams en s'adressant au jeunehomme. Avez-vous quelque chose à dire? »

Reggie ne prit pas la peine de se lever. Il eut un sourire de biais.« Si vous comptez que je vais vous aider, vous vous trompez,

déclara-t-il. Le vieux bonze est en train de mourir : il n'a que ce qu'ilmérite. Il passait son temps à nous terroriser. Vous ne pouvez rien  prouver contre Howard, ma chère tante ou moi : nous étions à laréception tous les trois et nous avons eu autant d'occasions de tirer cescoups de feu les uns que les autres. De plus (et, à ces mots, Andy,stupéfait, vit Reggie sourire largement), votre histoire ne tient pasdebout; seulement vous n'aurez jamais l'astuce de vous en apercevoir.

- Point de vue constructif, fit observer M. Adams. Vousconnaissez tous les derniers mots de M. Mayfair, qui ont été « jesoupçonne  Law... », ce qui pouvait signer indifféremment  Lawerdy, Lavinia ou l'avorton, c'est-à-dire vous, mon cher monsieur Reggie. »

En prononçant ces mots, le détective dévisageait successivementchacun des trois suspects. Aucun d'eux ne baissa les yeux ou ne perdit

son calme. Le cœur d'Andy battait anxieusement. Comment son pèreferait-il pour choisir un coupable parmi les trois suspects? C'étaitimpossible.

« Vous aviez tous un mobile, poursuivit le détective. Vous,monsieur Lawerdy, vous désiriez peut-être protéger votre fiancée.Vous, mademoiselle Rainier, vous avez peut-être volé les timbres etvous n'aviez pas envie d'aller en prison. Vous, jeune Reggie, vousaviez le même motif.

- Motif? ricana le jeune homme. J'en avais des dizaines, demotifs, môssieu le détective. Je n'ai qu'un regret : c'est den'avoir pas réussi à trouver la combinaison qui ouvre la fameusechambre forte. Il y a longtemps que je serais parti en emportant ses précieux timbres.

- Néanmoins, reprit Paul Adams en jetant un bref regard à sonfils, je pense être à même de prouver, de façon presque décisive, quevous êtes tous les trois... innocents. »

116

Page 117: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 117/182

 

Il attendit que l'émotion se fût un peu apaisée et poursuivit : « Lanuit dernière, un vent d'ouest soufflait en tempête et secouait durementles arbres. Lorsque j'ai regardé par cette fenêtre après l'attentat, j'ai vules lumières de votre résidence, monsieur Lawerdy, paraître etdisparaître. Le vent s'acharnait sur les chênes qui se trouvent de l'autrecôté du fossé avec tant de puissance que, la moitié du temps, cettefenêtre n'était certainement pas visible de votre terrasse. Un tireur d'élite, quelles que fussent ses capacités, aurait-il pu espérer toucher unhomme à trois cents mètres par grand vent, alors que les branches d'unchêne, chargées de feuilles mortes, s'agitaient sans cesse, dans sa lignede mire?

- Évidemment non, répondit Lawerdy. Je me demandais si vousy penseriez. Premièrement, il aurait été impossible d'estimer l'effet duvent. Deuxièmement, le mouvement des feuillages aurait faussé lecoup d'œil. Troisièmement, il se pouvait fort bien que les branchesfassent dévier les balles elles-mêmes. Personne n'aurait putoucher Mayfair de ma terrasse, hier soir.

- Eh bien ! dit Reggie, admiratif malgré lui. Vous autres, les policiers, vous êtes tout de même moins stupides que je ne le pensais.

- Un instant! fit Pardo, le chauffeur garde du corps, en s'avançant

et en plaçant son œil au niveau du fil. Si ce coup de feu n'est pas venude la terrasse, il est venu de nulle part, car il ne peut provenir d'aucune fenêtre de cette maison. C'est un coup de feu qui tombe duciel !

- En un certain sens, oui, acquiesça le détective. Il m'asuffi de me dire cela pour comprendre comment les choses se sont  passées. Veuillez, tous, vous écarter du lit. Vous allez voir une reconstitution du crime d'hier soir. »

Il ouvrit la fenêtre, vérifia que tous les spectateurs s'étaientécartés, puis installa un gros oreiller blanc bien en évidence sur le lit etretourna à la fenêtre pour faire un signal avec son mouchoir. Un instant plus tard, Andy voyait un des spectacles les plus inattendus de sa vie.

Tous les assistants regardaient par les fenêtres voisines

117

Page 118: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 118/182

 

de celle que les balles avaient traversée. Ils poussèrent un cri de

stupéfaction, lorsqu'ils virent apparaître une échelle à l'extrémité del'aile ouest.C'était l'échelle qu'Andy avait remarquée plus tôt. Maintenant elle

s'inclinait non pas vers le mur mais au contraire en s'en éloignant. Acalifourchon sur le dernier échelon, était installé un policier enuniforme, une carabine à la main.

Andy s'attendait que l'échelle tombât. Mais elle ne tomba pas. Enregardant attentivement, il vit qu'une corde reliait l'échelon supérieur àla dernière fenêtre de l'aile ouest. L'échelle continua à s'incliner si bienque son sommet se trouva à quatre mètres environ de la maison; alorselle s'arrêta, maintenue en position par une corde qui devait êtreattachée à un point fixe quelconque à l'intérieur.

Qui aurait jamais pu imaginer une échelle appuyée contre levide?

Une fois en place, le policier, les pieds rivés aux échelons, épaulason fusil et fit feu.

118

Page 119: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 119/182

 

Une détonation retentit et l'on vit le duvet de l'oreiller transpercé

voler en l'air, comme un petit geyser.La balle avait frappé exactement à l'endroit où, la veille au soir,M. Mayfair avait été assis dans son lit.

Quelqu'un attira de nouveau l'échelle vers la maison et le policier descendit au sol, mais personne ne s'en souciait plus : tous gardaient lesyeux fixés sur Paul Adams.

« Voyez-vous, reprit le détective, un coup de feu pouvait très bien provenir du ciel tout en ayant l'air de provenir d'ailleurs; plus

 particulièrement, monsieur Lawerdy, de votre terrasse. Mais puisque jesavais qu'il ne pouvait provenir de votre terrasse, je n'avais plus qu'àtrouver d'où il était venu. Je finis donc par remarquer que le sommet decette échelle, s'il s'éloignait un peu du mur, se trouverait précisémentsur la trajectoire de la balle. A si petite distance, même par grand vent,il ne fallait pas être un tireur particulièrement expérimenté pour être sûr de son coup.

- Mais alors ce serait... », commença Pardo.

119

Page 120: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 120/182

 

Soudain tous les regards se tournèrent vers M. Henderson qui setenait debout, accoudé à une porte, près d'Andy.

« Ce serait M. Henderson, dit le détective d'un ton grave.Monsieur Henderson, la fenêtre contre laquelle l'échelle est appuyéedonne dans un couloir, à côté de votre chambre. Dans votre chambremême, nous avons trouvé une rallonge de fil électrique, très solidecomme toutes ces rallonges, et qui porte des traces indiquant qu'elle aété attachée à quelque chose de chaud, par exemple le tuyau duradiateur qui se trouve juste sous la fenêtre. En vous aidant de cetterallonge, vous avez pu, vous tenant sur l'échelle, vous repousser dans levide et tirer de votre perchoir sur M. Mayfair.

« Personne n'aurait pu faire la même chose sans dépasser le lapsde trois minutes qui s'est écoulé entre le moment où les coups de feuont été tirés et celui où vous vous êtes présenté. Vous, en revanche,vous n'aviez qu'à jeter la carabine dans le fossé, à tirer sur la rallonge  pour rapprocher de nouveau l'échelle de la fenêtre, à grimper àl'intérieur et à venir nous rejoindre. De plus, si quelqu'un d'autre quevous avait tiré du même endroit, vous n'auriez pas manqué d'entendreles détonations et vous nous l'auriez signalé.

- Mais M. Henderson ne fait pas partie de la « vermine! » s'écria

tout à coup Andy.Puis, rouge de confusion, il porta la main à sa bouche comme

 pour s'empêcher de parler. Mais il était trop tard.« Tu veux dire, Andy, que son nom ne commence pas par lav. fit

le détective. Mais, ne l'oublie pas, M. Mayfair est Anglais. Et lesAnglais appellent leurs hommes de loi des avoués. C'esi sous ce titrequ'il nous a présenté Henderson. Le voilà, ton lav! M. Mayfair essayaitde dire : «Je soupçonne l'avoué. »

Andy avala sa salive. Le vent, le chêne plein de feuilles mortes,le mot « avoué », l'échelle qu'il avait tenue lui-même en équilibre, àtrois mètres de l'aile ouest : il avait eu tous les indices entre les mainset il n'avait pas su en déduire la signification. Jamais il ne seraitdétective.

Il fut tout surpris de sentir que M. Henderson entourait ses

120

Page 121: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 121/182

 

épaules d'un bras vigoureux tandis qu'un objet dur et froid entraiten contact avec le creux de son dos.

« Pas de chance! dit M. Henderson. Se laisser duper par une petite bise! Et moi qui étais si fier de mon stratagème. Autrement, jen'aurais jamais poussé Mayfair à vous faire venir, Adams. Mais je vousimaginais comme un petit bonhomme tout voûté, à moitié aveugled'avoir déchiffré des documents poussiéreux et, en suggérant à Mayfair de vous engager, je lui démontrais qu'il avait tort de me soupçonner.Ce qui me donnait le temps de mettre au point mon plan pour le tuer.Dommage que tout cela n'ait pas marché. Enfin, étant donné lescirconstances, je crois que le moment est venu pour moi de prendrecongé. »

A la surprise d'Andy, la porte qui se trouvait derrière lui s'ouvrit.Avant que quiconque ait eu le temps de bouger, l'avoué fit un pas enarrière tout en tirant le garçon après lui et claqua la porte.

Tous les deux se trouvaient dans un ascenseur qui descendaitrapidement.

VII

« L'ascenseur privé de Mayfair, expliqua Henderson. Toi, mongarçon, ne te débats pas. J'ai un pistolet et m'en servirai si tu m'yforces. Si tu restes calme, tu n'as rien à craindre. »

L'ascenseur s'arrêta en douceur. La porte s'ouvrit. Henderson poussa Andy devant lui, le maintenant toujours fermement, puis lui fittraverser le bureau de M. Mayfair de façon à pouvoir verrouiller lalourde porte qui en fermait l'issue.

« II n'y a pas d'autre entrée. Cette porte est en bon chêne. Cela

nous donne cinq minutes de tranquillité. »Il saisit le poignet d'Andy et lui tordit le bras derrière le dos.« Ne bouge pas si tu tiens à garder tes deux bras intacts. »Andy obéit. La face contre le mur, il devina que Henderson

faisait jouer la combinaison de la chambre forte. Le garçon ne s'était  pas trompé, car, un instant après, la porte d'acier pivota. L'avouéalluma l'électricité, poussa Andy dans la chambre forte

121

Page 122: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 122/182

 

et le fit asseoir dans le fauteuil qu'il poussa tout contre le bureau,si bien que le garçon était immobilisé.

« Maintenant, mon petit, dit Henderson, si tu essaies de bouger,  j'ai tout le temps de t'abattre. Si tu obéis, tu as une chance d'enréchapper. »

II montra à Andy le pistolet automatique qu'il tenait, puis le glissadans sa poche.

Sans cesser de surveiller le garçon, l'avoué s'empara de plusieursalbums de cuir qui se trouvaient sur l'étagère inférieure. Andy ne bougeait pas. Il savait que Henderson aurait largement le temps desaisir son pistolet avant que lui, Andy, n'ait trouvé celui de se lever.

Le souffle court, le fils du détective suivait des yeux le criminel.« Bien sûr, fit observer celui-ci, j'ai eu tort de voler ces quelques

timbres. Mais j'avais besoin d'argent de poche. Maintenant je vais fairele travail proprement, comme prévu. »

Tout en fredonnant un petit air, l'avoué parcourut rapidement lesalbums. Il arrachait les petits sachets de cellophane qui contenaient lestimbres les plus rares et les fourrait dans une enveloppe. L'enveloppe pleine, il la mit dans sa poche et se retourna. Toute l'opération ne luiavait pas pris une minute.

« Et voilà, annonça-t-il. Au catalogue, ils valent au moins trois'cent mille dollars. J'en tirerai bien cent mille en Europe. Bon. Il vafalloir que je te quitte. Désolé d'avoir à te laisser tout seul ici. Ah! un petit détail encore. »

Il prit une cassette d'acier sur une étagère.« Mayfair gardait là-dedans des documents désagréables pour 

moi et pour les autres. Tout le monde sera ravi d'apprendre que jecompte brûler le contenu.

- Vous ne pourrez pas sortir, dit Andy, en essayant d'affermir savoix. Écoutez! Ils sont déjà en train d'attaquer la porte du bureau àcoups de hache.

- Exact. Mais je prendrai le risque de sortir tout de même. Vois-tu, mon cher Andy, je compte t'enfermer ici. Tu as assez .d'air pour cinq ou six heures et personne ne peut découvrir la

122

Page 123: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 123/182

 

combinaison en moins de temps. Si la police accepte de melaisser partir en me donnant quatre heures d'avance, je téléphonerai la

combinaison à ton père. Sinon... Sinon, eh bien, lorsqu'on t'aura tiré delà, cela te sera complètement égal. »

II fit un pas vers la porte de la chambre forte, puis s'arrêta, bienqu'on entendît les coups de hache qui martelaient la porte du bureau.

« Mon garçon, reprit Henderson, tu m'es sympathique et j'ai del'admiration pour ton père qui a déjoué mes plans. C'est pourquoi jevais m'offrir le luxe d'un geste sportif à ton égard. Je vais te fournir quelques indices pour te permettre de trouver le mot qui ouvrira celle

chambre. Moi, j'y suis parvenu autrement : sous le coup d'uneinspiration subite. Toi, tu auras tout le temps de faire de savantesdéductions. Maintenant, écoute-moi attentivement.

« En classe, si tu fais du français, tu as sûrement dû étudier une pièce appelée  Le Cid, d'un nommé Corneille. Dans cette pièce, DonDiègue dit au comte que la valeur du second a bien

123

Page 124: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 124/182

 

rempli la place du premier. Il va falloir que tu te rappellescomment elle était, cette valeur, car tout dépend d'elle. « Imaginemaintenant que tu trouves la même valeur à ce menu qu'il fautconsommer à la deuxième heure : tomates en rondelles, ignames en  purée, marmelade, bouillon de légumes, rosbif et escalopes. Si turésous cette énigme, tu auras un indice pour découvrir le mot qui ouvrecette chambre. Tourne-le en avant, en arrière, à l'envers, à l'endroit et latête en bas. Cela te semble un peu compliqué? Vraiment, c'est tout ceque je peux pour toi. J'ai beaucoup de chemin à faire pour trouver unecachette. Si notre sympathique Mayfair ne meurt pas, il fera tout aumonde pour se venger de moi. »

Sur ces mots, il claqua la lourde porte d'acier et Andy entendit lecliquetis sourd de la combinaison.

Le garçon se trouvait seul, dans une chambre étanche où - àmoins que son père ne réussît à le sauver — il suffoquerait dansquelques heures.

Andy repoussa le fauteuil en prenant appui sur le bureau, et bondit vers la porte. Il saisit la poignée et se mit à la tourner de toutesses forces. La panique s'emparait de lui. Son cœur battait à se rompre.Ses poumons ne trouvaient plus d'air. Déjà, il étouffait.

Puis il fit un effort sur lui-même. Il se contraignit à reprendre soncalme. Il y avait assez d'air pour plusieurs heures, surtout s'il ne bougeait pas trop. Son père trouverait sûrement le moyen d'ouvrir lachambre forte. Aucun doute là-dessus.

Andy refusa d'admettre qu'il n'en était pas du tout sûr. Il revintau bureau, s'assit. Sur le bureau traînaient les albums où M.Henderson avait prélevé les pièces rares. Andy les voyait à peine. Ilessayait de reconstituer très exactement les paroles de M. Henderson.

Que signifiait l'énigme imaginée par l'avoué?Un vers français tiré de cette pièce,   Le Cid, qu'Andy avait

 justement au programme cette année-là. Il en avait même appris desscènes entières, par cœur... «Votre... valeur a bien rempli ma place... »Grande? Belle? Forte? Non.

Tout à coup, il se souvint. 

124

Page 125: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 125/182

 

« Votre rare valeur a bien rempli ma place... » Rare. Qu'est-ceque cela voulait dire? Rien du tout. Il est vrai que les devinettes neveulent jamais rien dire tant qu'on ne connaît pas la réponse.

La réponse de cette devinette-là pouvait lui sauver la vie. Il prit donc un morceau de papier et écrivit :

« Votre rare valeur a bien rempli ma place. »Et, plus bas, le menu absurde proposé par M. Henderson.

MENU

tomates en rondelles,ignames en purée,marmelade, bouillon de légumes,rosbif,escalopes.

Il regarda le texte attentivement. Ce texte qui, apparemment, nevoulait rien dire. Il n'y avait même pas un seul mot de six lettres. Et cemenu, d'après Henderson, avait la même valeur que celle de Don

Gorrnas...Tout à coup, des larmes emplirent les yeux d'Andy. A propos de

menu, c'était le jour de Merci-Donnant. Si tout s'était passénormalement, M. Adams et son fils auraient dû être en train, en cemoment, de faire rôtir eux-mêmes, la dinde traditionnelle, puisqueMme Adams n'était pas là... Andy ne put se retenir de pleurer.

A cet instant, la voix de son père résonna à ses oreilles. « Andy!Andy, m'entends-tu? »

II regarda autour de lui sans comprendre.La chambre forte était toujours fermée. La voix provenait d'une

 petite boîte grillagée qui se trouvait sur le bureau : c'était un haut- parleur, comme M. Mayfair en avait fait installer dans toute sa maison pour demeurer en communication constante avec son personnel.

125

Page 126: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 126/182

 

« Andy, si tu m'entends, appuie sur le bouton rouge del'interphone et réponds-moi. Puis lâche le bouton pour m'entendre. »Andy ne se le fit pas dire deux fois. « Oui, papa, je t'entends.

- C'est encore une chance. Écoute-moi, fils. Nous avonsconclu un marché avec Henderson. Nous lui donnons quatre heuresd'avance, après quoi il me téléphone la combinaison. Tu comprends?Tu ne cours aucun risque. Tu n'as qu'à rester très calme pendant quatreheures. L'air ne te manquera pas d'ici là.

- Ne t'inquiète pas pour moi, papa, dit Andy, aussi fermementqu'il put.

- En attendant, nous allons essayer de découvrir la combinaison.- Papa ! » interrompit Andy.Il transmit à son père les indices que Henderson lui avait donnés :

le vers français et le menu absurde. Il y eut un long silence. Puis M.Adams répondit, sans conviction :

« Cela n'a pas l'air de signifier grand-chose. Mais nous allonsdemander à un expert de la police de décoder ce texte. En attendant,garde ton calme. Nous n'allons pas cesser de travailler et je vais te parler toutes les cinq minutes. Tu sais que nous ne pouvons pas tenter de découper la porte au chalumeau, n'est-ce pas?

- Oui, papa. J'ai entendu ce qu'a dit M. Mayfair. Des gaztoxiques se répandraient partout.

 — Précisément. Alors essaie de tuer le temps en feuilletant lacollection de timbres. Et surtout, pas de panique. »

Pas de panique, facile à dire! Andy jeta un regard aux mursd'acier qui l'entouraient et crut les voir se rapprocher lentement pour l'écraser... L'air lui manquait... Son cœur battait la chamade, la sueur lui trempait le front... Tout à coup, épouvanté, il bondit sur le bouton

rouge :« Papa! Papa! — Oui, Andy? »Il avait été sur le point de demander : « Et si M. Henderson ne

téléphone pas? » Mais il connaissait la réponse et il était inutile demoulin à son père qu'il avait peur.

126

Page 127: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 127/182

 

« Rien. Je voulais seulement entendre ta voix.

- Je suis là, Andy. Mlle Rainier et Reggie nous aident à chercher des mots que M. Mayfair aurait pu utiliser pour sa combinaison.

- Quelle chance! »En lui-même, Andy était sûr que Mlle Rainier et Reggie ne

trouveraient rien. Mayfair s'était bien gardé de donner une seuleindication qui permît à quiconque de percer son secret. Et pourtant,Henderson avait réussi! Donc, c'était possible. Mais quel rapport avec Le Cid?

Votre rare valeur a hien rempli ma place... Tomates enrondelle!,, ignames en purée, marmelade, bouillon de légume!,, rosbif,escalopes...

Ces mots ne quittaient plus le cerveau d'Andy. Ils y tournaient enrond, pleins d'ironie. Et ils n'avaient aucun sens!

Pour ne pas rester à ne rien faire, Andy prit le premier album reliéque Henderson avait abandonné. Sur la couverture, en hautes lettresd'or, figurait l'inscription suivante :

 

127

Page 128: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 128/182

 

 ERREURS ET RARETÉS Collection

de M. Nigel Mayfair 

Andy ouvrit l'album. La première page portait en titre :

Guyane anglaise1 cent carmin

1856

Plus bas, un emplacement était réservé pour le timbre et sonenveloppe protectrice. La partie inférieure de la page était consacrée àl'histoire de ce timbre, le plus rare du monde, dont l'unique exemplaireconnu avait été découvert tout d'abord par un garçon nommé Vaughan,qui l'avait vendu pour un dollar cinquante, et qui valait maintenant 50000 dollars.

Mais, de toute évidence, ce timbre n'avait jamais été la propriétéde M. Mayfair. Il appartenait à quelqu'un d'autre qui ne voulait pas s'enséparer. Ainsi donc, si M. Mayfair lui avait tout de même réservé une page, c'était qu'il avait fermement résolu de s'en emparer un jour, par 

n'importe quel moyen...Andy passa aux pages suivantes. Elles étaient presque vides : les «

erreurs » triangulaires du cap de Bonne-Espérance, les cinq piècesrares de l'île Maurice, la collection complète des timbres provisoiresémis en 1861 par chacun des États confédérés d'Amérique, desvingtaines d'autres pièces de grande valeur, M. Henderson avait toutemporté.

Désolé d'avoir manqué cette occasion de contempler des timbres

qu'on ne trouvait que chez les collectionneurs les plus fortunés, Andy prit un autre album et se força à l'examiner. Il lui fut plus facile ainsid'oublier les minutes qui passaient et l'air qui s'épuisait.

L'album qu'il avait choisi contenait une collection complète destimbres commémoratifs américains. A n'importe quel autre moment,Andy aurait été passionné; mais, pour cette fois, il ne

 

128

Page 129: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 129/182

 

129

Page 130: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 130/182

 

 put s'y intéresser pendant longtemps. Il repoussa l'album, songeantà la fureur avec laquelle M. Mayfair avait parlé du ministre des Postes,qui avait fait paraître une nouvelle édition des « erreurs Hammarskjôld» avec ce résultat que, maintenant, elles n'étaient plus des raretés dutout.

Comme il repoussait l'album, son regard tomba sur la feuille de papier où il avait écrit ce vers du Cid et cet inconcevable menu. Alors-- peut-être parce qu'il venait de penser à des timbres rares -- ilremarqua soudain que le deuxième mot du vers était rare. Or, M.Henderson avait dit que son menu devait être consommé à la deuxièmeheure et qu'un adjectif semblable s'appliquait au menu et à la valeur. Lemoins qu'on pût dire, justement, c'était que le menu en question n'était pas commun...

Aussitôt, les premières lettres de chacune des lignes du menusemblèrent s'aligner spontanément pour former un mot :

Votre rare valeur a bien rempli ma place.

MENU

Tomates en rondelles,Ignames en purée,Marmelade,Bouillon de légumes,R osbif,Escalopes.

Lorsqu'il eut résolu l'énigme, Andy en déduisit le mot, le mot

unique que M. Mayfair n'aurait jamais pu oublier, le mot auquel il  pensait sans arrêt, le mot qu'il avait certainement utilisé commecombinaison pour sa chambre forte.

Andy appuya si violemment sur le bouton rouge qu'il se fit malau pouce.

« Papa! Papa! »Sans parvenir à cacher sa surexcitation, il exposa ses déductions à

son père.

130

Page 131: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 131/182

 

« Bravo, mon garçon! Nous allons essayer. Ne sois pas trop déçu

si cela ne fonctionne pas. »Andy attendit, le souffle coupé. Il avait raison. Il en était certain. Ilfallait qu'il eût raison.

Mais la porte ne s'ouvrait pas... Elle aurait dû déjà être ouverte... Ils'était trompé! Il enfonça le bouton rouge.

« Papa! cria-t-il, que se passe-t-il?- Je regrette, mon garçon, répondit le détective en prenant grand

soin de rester maître de sa voix. Ton mot n'a pas l'air de convenir... »

Andy se retint pour ne pas sangloter. Il ne parvenait pas àretrouver sa respiration. Il n'y avait plus d'air. Andy suffoquait.Un instant, le malheureux garçon faillit se jeter sur la lourde porte

d'acier et la marteler de ses poings comme s'il pouvait compter l'ouvrir ainsi. La voix de son père l'arrêta, ou plutôt le souvenir de cette voixqui, un jour, avait dit :

« Mon fils, rappelle-toi toujours que, plus la situation où l'on setrouve est critique, plus il est important de garder son sang-froid et de

ne pas céder à la panique. » 

131

Page 132: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 132/182

 

Respirant avec peine, il serra les poings et se força à réfléchir. M.Henderson avait encore dit autre chose. Qu'était-ce? Une sorte de mode

d'emploi du rébus...« Tourne-le en avant, en arrière, à l'envers, à l'endroit et la tête en bas... »

« Oui! cria Andy. A l'envers!... »Il enfonça une fois de plus le bouton rouge.« Papa, appela-t-il, papa!- Oui, mon fils?- Papa, essaie encore le mot que je t'ai donné mais, cette fois, à

l'envers.- A l'envers? Mais... Enfin, bon. Nous allonsessayer. »

Andy entendait son propre cœur tictaquer comme une pendule àmesure que les secondes passaient.

La pendule semblait tictaquer de plus en plus vite, de plus en plusfort, jusqu'au moment où...

Lentement, la lourde porte pivota. Comme une flèche, Andy se

 précipita dans les bras de son père qui l'étreignit. 

132

Page 133: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 133/182

 

« Papa! s'écria-t-il. Papa, j'avais tellement peur de me tromper !- Et moi donc! », dit M. Adams, en refusant de se laisser aller à

l'émotion qui le gagnait.Par-dessus son épaule, il ajouta :« Dick, tu peux te mettre en chasse. Henderson a une demi-heure

d'avance tout au plus.- J'ai déjà téléphoné pour qu'on mette les barrages routiers en

 place, répondit le lieutenant. Allez donc dans la bibliothèque, tous lesdeux. Vous y serez tranquilles. »

Dans la bibliothèque, M. Adams passa son bras autour desépaules d'Andy.

« Mon fils, déclara-t-il, tu as agi en vrai détective. Tu as analyséle caractère de Mayfair et c'est ainsi que tu as résolu une énigme sur laquelle nous nous étions tous cassé les dents. Maintenant, veux-tum'expliquer exactement comment tu en es arrivé à trouver le mot quiouvrait la serrure? »

Andy réussit à sourire.« Eh bien, papa... »Ce ne fut pas sans quelque vanité qu'il expliqua à son père

comment il avait résolu le rébus qui donnait les mots timbre rare.

« Or, conclut-il, M. Mayfair voulait être le premier partout. Ilvoulait posséder des choses que personne ne possédait. Par exemple, leseul château fort ou le seul vrai fossé des États-Unis.

- C'est juste.- Mais il existe un timbre qui est unique au monde, un timbre de

la Guyane anglaise. Et M. Mayfair ne le possédait pas. Alors, comme j'avais les indices que m'avait donnés M. Henderson, il m'était faciled'imaginer M. Mayfair passant son temps à gémir sur ce timbre qu'il

ne pouvait se procurer. Il devait y penser tout le temps. Et ce timbreavait un nom en six lettres : Guyane. Il est donc logique que ce soit lemot qui ouvrait la chambre forte.

- Tu as eu raison. Seulement, il fallait lire le mot encommençant par la fin?

133

Page 134: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 134/182

 

- Oui, papa, parce que M. Mayfair a l'esprit tortueux. Écrire lesmots à l'envers, c'est tout à lait dans son genre. D'ailleurs M.Henderson m'avait aiguillé là-dessus.

- Peut-être, jeune Adams, dit le détective. Mais tu as joliment suutiliser l'aiguillage! »

Paul Adams n'appelait son fils par son patronyme que lorsqu'ilétait tout particulièrement satisfait de lui.

« De sorte que, acheva-t-il, j'ai bien envie de changer un de ces jours le nom de ma firme d'enquêtes et filatures. Au lieu d'Adams toutcourt, nous pourrions mettre Adams et fils, qu'en dis-tu?

 — Ça me plairait assez... », répondit le fils, en souriant jusqu'auxoreilles.

-------------------------------------------------------------------------------------

ALFRED HITCHCOCK : Nous terminerons sur cet accord parfait. Il est inutile de revenir sur les indices qui ont tous été dépouillés. Mais vous voudriez

 peut-être savoir ce qu'il advint de M. Henderson, après sa brillante évasion.  Je suis heureux de vous signaler qu'il tint parole et fit savoir, par 

télégramme, le nom de la combinaison. La police ne le captura pasimmédiatement. Il s'était réfugié dans un village voisin où il s'était déjà composé,au moyen d'une fausse barbe, le personnage d'un auteur de romans policiers quin'écrivait que la nuit. Il fut tout de même pris en janvier 1963.

 A cette époque, en effet, le prix des timbres augmenta aux États-Unis. M. Henderson se rendit à la poste et, cédant à ses instincts de collectionneur, achetades feuilles entières de nouveaux timbres. Le postier en parla au lieutenant 

 Fields. Peu de temps après, M. Henderson était sous les verrous et passait auxaveux.

 Homme de loi et philatéliste indélicat, M. Henderson avait commis une

  petite escroquerie qui l'avait mis à la merci de M. Mayfair-. Son digneemployeur voulut alors l'obliger à dérober le fameux timbre de la Guyaneanglaise. Il préféra voler ceux de M. Mayfair lui-même.

Sans nul doute, il méritait d'être sévèrement puni, ne fût-ce que pour inciter à la prudence les petits garçons qui ont tendance à confondre lescollections de timbres de leurs amis avec les leurs propres...

 Néanmoins, lorsque M. Mayfair fut rétabli et que l'on eut appris

134

Page 135: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 135/182

 

que certains de ses timbres à lui avaient déjà été volés à d'autrescollectionneurs, il préféra retirer la plainte pour vol qu'il avait déposée contre son homme de loi.

 Reste, évidemment, la tentative d'assassinat qui n'a pas encore  fait l'objet d'un procès, et risque de coûter gros à notre Môssieu Henderson...

 Je ne peux donc rien vous dire de définitif concernant le destinde ce gentleman, sinon, bien entendu, qu'il s'est pourvu d'un excellent avocat.

135

Page 136: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 136/182

 

136

Page 137: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 137/182

 

LE MYSTÈRE DE L'HOMMEQUI S'ÉVAPORA

-------------------------------------------------------------------------------------

ALFRED HITCHCOCK  :  J'ai beaucoup de respect pour lesauteurs de romans policiers. Après tout, c'est grâce à eux que j'ai pu faire mes Films. Malgré cela, je ne me sens jamais tout à fait à monaise avec eux. Ils ont l'imagination active et quelque peu sinistre. Jen'en ai pas encore rencontré un seul qui ne m'ait regardé comme s'il se préparait à me donner le râle du gros cadavre de son prochain roman.

 Heureusement, leurs activités criminelles se limitent généralement auxcrimes littéraires. Mais lorsqu'un auteur de romans policiers se trouvemêlé à l'une de ses propres inventions, alors des choses étrangescommencent à arriver, comme vous allez sans doute vous enapercevoir.

Certes, les indices ne manquent pas. Mais les recueillerez-vous àtemps pour résoudre:

-------------------------------------------------------------------------------------

LE MYSTÈRE DE L'HOMME QUI S'ÉVAPORA

DEPUIS qu'il savait lire — ou presque —Jeff Landrum adorait leshistoires policières, quelles qu'elles fussent. Du moins, il l'avait cru.

Maintenant, il avait fait connaissance avec un genre de roman policier qu'il n'aimait pas du tout : le genre de romans où il se trouvaitêtre l'un des personnages. Ou plutôt, l'une des victimes...

Désespérément, Jeff mordillait la corde qui ligotait les poignetsde son ami. Jeff avait peur, mais il refusait de l'avouer. Il y avait biendix minutes que le garçon mordillait le chanvre, espérant dénouer lenœud, et il le sentait faiblir. « Dépêche-toi, Jeff! »

Ce n'était qu'un chuchotement, car il ne fallait pas que

l'homme qui veillait à l'extérieur pût entendre.

137

Page 138: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 138/182

 

« Nous n'avons guère de temps. »Jeff ne répondit pas. C'eût été perdre une seconde. Pour sa taille,

Jeff était un peu grassouillet, mais il n'avait jamais été mou : avecl'énergie d'un fox-terrier, il continuait à ronger la corde, bien que seslèvres et sa langue fussent tout écorchées par le frottement contre lechanvre grossier.

D'ailleurs, maintenant que la corde était humide de salive, elledevenait moins rugueuse et moins glissante. Rageusement, Jeff y plongea ses incisives. Et il sentit que le nœud cédait.

« Bravo! reprit la voix. Encore un petit effort. »Jeff tira. Le nœud se défaisait.Mais avant que le garçon eût eu le temps d'en faire plus, le

geôlier entra. Il marcha directement vers l'endroit où Jeff et son amiétaient étendus sur le sol, au pied de la bibliothèque. Il se pencha verseux...

Jeff sentit le cœur lui manquer. Maintenant, d'un moment àl'autre, cette fantastique histoire dans laquelle il s'était empêtré,arriverait à son dénouement...

Elle avait commencé où il était naturel qu'elle commençât : aucongrès des Ecrivains policiers américains.

Cette association groupait la plupart des écrivains policiersaméricains et était connue sous le sigle E. P. A.

Pendant des années, Jeff avait lu des histoires policières sans sesoucier de savoir à quoi ressemblaient les gens qui les écrivaient. S'il pensait jamais à eux, il les imaginait comme d'étranges personnageshabitant des manoirs solitaires, portant de grosses lunettes, passantleurs journées devant leur machine à écrire et se levant de temps àautre pour consulter, dans leur bibliothèque, je ne sais quel antique

volume sur les poisons rares.Ce ne fut donc pas sans surprise que Jeff apprit que son

  professeur d'anglais, M. Howard Matthews, écrivait des nouvelles policières.

M. Matthews avait les cheveux blonds, les yeux marron, tout  pétillants, et ne nécessitant aucune espèce de lunettes. Il avaii étéchampion de saut en hauteur de son université, était marié à unecharmante jeune femme et avait trois filles bruyantes et

138

Page 139: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 139/182

 

139

Page 140: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 140/182

 

espiègles. En classe, il aimait raconter des histoiresdrôles.

Dès que Jeff eut appris que certaines des nouvelles qui, plus quetoute autre, lui faisaient dresser les cheveux sur la tête, et qui étaientsignées du sinistre pseudonyme « Zébédée Mohr » avaient, en réalité,été composées par M. Matthews, il décida qu'il pouvait fort bien enécrire une, lui aussi.

Il se mit aussitôt à l'ouvrage et trouva que c'était bien plusdifficile qu'il ne s'y était attendu. Mais, comme il ne manquait pasd'obstination, au bout d'un mois il eut terminé quelque chose quiressemblait à une vraie nouvelle, encore qu'il sentît que son œuvren'était pas parfaitement au point. Il la montra tout de même en classed'anglais et le résultat final fut que M. Matthews l'invita à aller avec luià New York pour assister au congrès des E. P. A.

Jeff partit donc, très impressionné.Il fut étonné de voir qu'une association d'écrivains policiers

ressemblait à n'importe quelle autre association. Il y en avait de petitset de grands, de gros, même de barbus. Ils paraissaient tous très gentils.Pourtant, à entendre certaines de leurs conversations, au coursdesquelles ils discutaient de nouveaux procédés pour assassiner les

gens et faire disparaître les cadavres, on avait aussitôt envie de prévenir la police.

Le plus passionnant pour Jeff, ce fut de rencontrer des écrivainsqui, jusque-là, n'avaient été que des noms pour lui et qui, maintenant,devenaient des personnes réelles. Erle Stanley Gardner, le père del'illustre Perry Mason, se trouva être un homme de loi, solide et trapu.Il raconta à Jeff que, dans sa jeunesse, il avait réussi à prouver l'innocence d'un de ses clients, un Chinois. Il y avait gagné l'estime de

toute la communauté chinoise et une expérience qui lui avait servi plustard pour écrire ses livres.

Ellery Queen, écrivain aussi célèbre, se révéla sous la forme dedeux hommes qui travaillaient en équipe. Jeff oublia leurs vrais nomset les baptisa, dans son esprit, l'un M. Ellery, l'autre M. Queen.

Le Grand Merlini, qui ne s'appelait pas du tout Merlini et

140

Page 141: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 141/182

 

qui écrivait des livres sur la magie, était tout de même unmagicien, car lorsque Jeff lui serra la main, celle de Merlini resta dansla sienne! Très sérieusement, le Grand Merlini lui fit remarquer qu'ilavait la poigne vigoureuse et redemanda sa main, qui était postiche.Puis il tira de sa poche un mouchoir qui se transforma en un œuf d'oùsortirent des mètres et des mètres de ruban de couleur.

A ce moment, on annonça que, dans la salle voisine, un expert dela police new-yorkaise faisait une conférence sur l'identification deséchantillons sanguins. Jeff pensa que ce sujet pouvait être intéressant,mais M. Matthews lui prit le bras et le guida vers l'escalier qui menait àl'excellent restaurant français, au rez-de-chaussée, où ils avaientdéjeuné.

« J'écris des romans d'aventures, Jeff, expliqua M. Matthews, et je n'ai pas besoin de renseignements aussi techniques. D'autre part, je pense que tu aimeras rencontrer Harley Newcomb. Il prend un café en bas.

 — Harley Newcomb ! »Jeff avait souvent entendu son père mentionner ce nom !

Landrum était un fervent lecteur de Newcomb.« C'est le monsieur qui écrit des histoires qui se passent toujours

dans des chambres closes, n'est-ce pas? — Fermées à clef, ou scellées. Ou dans d'autres endroits où il

semble impossible qu'un crime puisse être commis. Newcomb est unexcellent écrivain. Il n'aime qu'une chose au monde : écrire. On amême du mal à le faire venir à ces congrès ou à lui faire rencontrer desamis. Regarde : il est assis à la table, là-bas. Et encore en traind'écrire!»

A l'autre bout de la salle, Jeff vit un petit homme aux cheveux

 blancs et longs, attablé dans un coin et occupé à griffonner dans uncarnet.

« Mais c'est le locataire du pavillon de Tom Higgins ! s'écriaJeff.

 — Exact. Il est presque notre voisin, à Laketown. Mais il nefréquente personne parce qu'il ne veut pas que l'on sache que c'est lui lecélèbre Harley Newcomb. Il craint qu'on ne le dérange dans sontravail.»

141

Page 142: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 142/182

 

Comme ils approchaient, Harley Newcomb leva les yeux et lesregarda à travers ses lunettes à monture dorée, d'un modèle démodé.

« Tiens! Bonjour, Howard, fit-il. Je vous ai aperçu en haut, il mesemble.

 — Oui, Harley, répondit M. Matthews, tout en présentant Jeff.Vous écrivez toujours? ajouta-t-il en montrant le carnet.

  — Bien sûr, bien sûr! s'écria l'écrivain. Mais asseyez-vousdonc, l'un et l'autre. Il est temps que je m'arrête. C'est une mauvaisehabitude que j'ai prise, d'écrire partout où je vais. »

Il tapota le carnet et se pencha en avant.« Mon cinquantième livre! dit-il fièrement. Et qui plus est, l'un

des plus énigmatiques que j'aie jamais écrits. — Étant donné la qualité du reste, Harley, ce n'est pas peu dire ! — Voici la situation, dit le petit homme, en se penchant encore

vers ses auditeurs, ses yeux brillant derrière ses lunettes. Lehéros est seul dans sa villa. La villa est en pierre; les murs, épais; lesol, en ciment. Pas de cheminée.

« Le héros téléphone à un de ses amis pour lui dire qu'il est entrain de faire des expériences de magie. Dans un vieux livre, il a trouvéun procédé de sorcellerie pour faire disparaître les gens. Tout à coup, il

crie : « Au secours, au secours !  Je rétré « cis... » La communicationest coupée. »

L'écrivain gloussa et regarda Jeff.« Et après? demanda-t-il. Que pensez-vous qu'il arrive?  — Je ne sais pas, monsieur, répondit Jeff. Le sujet est très

impressionnant. A moins qu'il ne s'agisse d'une plaisanterie?...  — Une plaisanterie! se récria Harley Newcomb, choqué. Mes

histoires sont toujours sérieuses. Voici ce qui se passe ensuite. L'ami

se rend à la villa, avec des policiers. La porte est fermée à clef del'intérieur. Des planches sont clouées sur toutes les fenêtres, clouéesde l'intérieur. On abat la porte à la hache et on voit qu'elle aussiétait bouchée avec des planches clouées. Toute la villa a étéhermétiquement fermée de l'intérieur : une souris ne pourrait sortir.Il n'y a pas de trappes ni d'issues dérobées. Rien de ce genre-là. Et pourtant l'homme a disparu.

 

142

Page 143: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 143/182

 

Complètement. Il s'est évaporé d'une chambre que personne ne pouvait quitter!

 — Ça alors! dit Jeff, ébahi. Où prenez-vous vos idées, monsieur  Newcomb ?

 — Partout, répondit l'écrivain en glissant le carnet dans sa poche.Celle-ci, je l'ai prise dans une conversation que j'aie eue avecquelqu'un que je connais. C'était... Un moment. Nous sommesaujourd'hui le vingt et un et c'était le premier : il n'y a donc que troissemaines que je travaille à mon livre. Mais je pense l'avoir terminéavant la fin du mois. »

Il se leva précipitamment.« II faut que je rentre, dit-il. Je viens d'avoir une nouvelle idée. Je

vais probablement écrire toute la nuit. Venez me voir le mois prochain,Matthews, et amenez votre jeune ami. »

Sur ces mots, le petit homme à cheveux blancs s'éclipsa.« II serait temps que nous partions aussi, Jeff, dit le professeur.

 Nous avons deux heures de route. »En rentrant à Laketown, Jeff ne cessa de bavarder de ce qu'il

avait vu et entendu ce soir-là. Tout avait été si passionnant!« Monsieur Matthews, demanda-t-il, croyez-vous que je pourrais

vraiment écrire une histoire qui serait publiée? — Certainement, Jeff, si tu es prêt à passer plusieurs années à

apprendre le métier. Certains écrivains ont commencé très tôt. RobertBloch, que tu as vu, et qui est l'auteur de  Psychose, a commencé sacarrière professionnelle à dix-sept ans. Et puis, tu connais, bien sûr, Frankenstein.

  — Je crois bien. C'est une histoire formidable! J'ai vu le filmà la télévision.

  — Si difficile qu'il soit de le croire, mon cher Jeff, l'histoirea été écrite par une jeune femme de dix-neuf ans. Donc, tu vois, tu astes chances. »

Pendant le reste du voyage, Jeff se demanda s'il avait vraiment lavocation d'un auteur de romans policiers ou simplement celle d'unlecteur. Heureusement pour lui, il ne savait pas qu'il allait sous peuvivre une aventure plus énigmatique, plus fantastique que toutes cellesqu'il avait lues.

 

143

Page 144: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 144/182

 

144

Page 145: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 145/182

 

La semaine qui suivit le congrès, Jeff n'eut guère le temps de lire.Outre ses études, il s'occupait de la vente annuelle de l'Associationsportive. Cette vente, qui servait à alimenter la caisse de l'association,avait toujours lieu en dehors de la ville, dans une grange. Plusieursmilliers de personnes y venaient pour acheter n'importe quoi, depuis unréfrigérateur d'occasion jusqu'à une paire de chaussures d'enfant. Maisil fallait rappeler aux gens de préparer leurs dons et ensuite aller leschercher, tout cela plusieurs semaines d'avance.

Jeff avait prospecté le quartier qui lui avait été affecté. On luiavait promis des vêtements, des livres, de vieux outils, des postes deradio, des meubles en mauvais état, deux réfrigérateurs et même trois balles de foin. Des camionneurs se chargeraient des articles les pluslourds, mais M. Matthews avait offert à Jeff de venir le samedi avec savoiture pour l'aider à transporter le reste.

L'arrière de la voiture et le coffre furent remplis de cartonscontenant des vêtements, des souliers de toutes les pointures et detoutes les formes, des outils et des livres. Puis on partit pour la fermede Tony Higgins. Tony possédait la seule grange vaste et vide à proximité de la ville, si bien que la vente avait toujours lieu chez lui.

Au moment où la voiture s'engagea dans le chemin qui conduisait

à la grange, Jeff se rappela que l'écrivain auquel il avait été présenté,Harley Newcomb, habitait un pavillon construit par Tony.

« Je me demande, fit-il, si M. Newcomb a fini le livre dont ilnous a parlé.

- Probablement, répondit M. Matthews. Il nous a dit qu'il auraitterminé pour la fin du mois et nous sommes le trente. Il nous a invités àvenir le voir. Nous pourrions faire un saut lorsque nous auronsdéchargé la voiture et, s'il a terminé, il nous racontera des anecdotes

extraordinaires. Il a connu Conan Doyle, le « père » de Sherlock Holmes. »

Après avoir contourné un bouquet d'arbres, la voiture s'arrêtadans la cour de la ferme où habitaient Tony Higgins et sa femme. Lacour était pleine de poussière; les bâtiments semblaient prêts

 

145

Page 146: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 146/182

 

Tony Higgins était en train de scier un madrier 

146

Page 147: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 147/182

 

147

Page 148: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 148/182

 

à tomber en ruine. Deux boucs attachés à des arbres chevrotèrenten apercevant les visiteurs. Le fermier lui-même, un homme trapu, laquarantaine passée, portant une combinaison plus qu'usagée et unechevelure que le coiffeur n'avait pas touchée depuis longtemps, leva lesyeux et fit un signe de bienvenue.

Tony Higgins était en train de scier un madrier qui, apparemment,allait lui servir à redresser le toit d'un appentis sous lequel s'abritait soncamion à l'allure préhistorique. Pour l'instant, l'angle du toit reposaitsur un bout de bois trop court qui, à son tour, était soutenu par le cricdu camion, lequel cric n'aurait pas atteint la hauteur nécessaire sans unsocle composé de quelques briques.

Si l'on y pensait, l'ensemble expliquait fort bien pourquoi lagrande grange de M. Higgins était toujours vide et libre pour la vente.Tony, en effet, n'aimait guère à se fatiguer. Aussi avait-il cessé, depuislongtemps, de s'occuper sérieusement de ses terres. Par conséquent, iln'avait rien à mettre dans la grange.

« jour, fit-il en se redressant lentement. Beau temps... — Très beau, reconnut M. Matthews. Nous pouvons mettre la

marchandise dans la grange, Jeff et moi? — A votre aise, répondit Tony. Je vous aurais bien aidés, mais j'ai

un travail important à faire. »M. Matthews fit un clin d'œil à Jeff.« Cela se voit, Tony ! »Le professeur et Jeff commencèrent tous les deux à porter les

cartons dans la grange qui sentait encore le foin et la poussière.D'autres ramasseurs étaient venus avant eux, si bien qu'il y avait déjàune montagne d'objets hétéroclites qu'il faudrait trier et mettre en place pour la vente.

« Tony va faire un joli petit boni cette année! » remarqua M.Matthews en riant.

Au lieu de payer à M. Higgins la location de la grange,l'Association sportive lui laissait tout ce qui n'avait pas été vendu. Il"restait toujours quelques habits, des outils, un vieux poste de radio,quelquefois une machine à laver qu'on pouvait réparer, des lits, desmeubles, etc.

148

Page 149: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 149/182

 

« Je me demande ce que Tony peut bien faire de tout le rebut quilui reste, dit Jeff, en allant chercher un: autre chargement dans lavoiture. Pensez-vous qu'il le vend?

 — Bien sûr, répondit M. Matthews. Tony aime cent fois mieuxrester assis à rafistoler une vieille machine que travailler laterre. Sa femme rapièce les vieux vêtements et ils les revendent aussi.Quelquefois ils ont un vrai coup de chance! Il arrive que quelqu'undonne de beaux vêtements d'il y a trente ou même cinquante ans.Personne ne veut les acheter. Alors Tony les enferme dans son grenier.Or, tous les directeurs de tournées théâtrales savent que, s'ils ont  besoin de costumes, ils ont de grandes chances d'en trouver ici.Tony se fait, du reste, payer un bon prix. Tous ces petits revenus lui  permettent de vivre. On ne le dirait pas à le voir, mais ses voisinsle savent bien : ce gaillard-là flaire un dollar à deux kilomètres ! »

Lorsqu'ils eurent fini de décharger la voiture, M. Higgins leur fit «au revoir » de la main.

« J'aurais bien aimé vous aider, remarqua-1-il, si je n'avais pas étési occupé.

  — Nous reviendrons! lui cria M. Matthews en démarrant.Maintenant, ajouta-t-il en s'adressant à Jeff, nous allons contourner le

 petit bois et faire un saut chez Harley Newcomb. »Par la route, le pavillon se trouvait à quatre cents mètres. Il était

situé à l'écart, entouré d'arbres; cet isolement sylvestre garantissait lasolitude dont l'écrivain avait besoin.

« Monsieur Matthews, s'écria Jeff, lorsque la voiture roula dansl'allée, regardez ! Sa boîte à lettres est pleine !

  — Hum! Oui. »Ils descendirent de voiture et le professeur se retourna pour 

regarder la grosse boîte à lettres si pleine de journaux et de revues queson couvercle en restait entrouvert.

« Et son lait! Il ne l'a pas pris non plus », remarqua Jeff.M. Matthews constata que trois bouteilles de lait, pleines, étaient

déposées devant la porte.« II doit être absent, dit le professeur. Nous allons frapper tout de

même. »

149

Page 150: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 150/182

 

Il suivit le sentier de gravier qui menait à l'entrée du pavillon,solide petite bâtisse de pierre. II y avait un gros heurtoir sur la porte etM. Matthews s'en servit sans ménagement.

Il n'y eut pas de réponse. Le professeur frappa encore une fois.« Regarde par la fenêtre, Jeff! » fit-il.Jeff s'approcha d'une fenêtre et essaya de jeter un coup d'ceil à

l'intérieur. Il poussa un cri de surprise qui fit accourir M. Matthews.Quelqu'un avait cloué des planches sur la fenêtre, de l'intérieur, à

deux centimètres l'une de l'autre environ. En regardant par lesinterstices, on ne voyait guère que l'obscurité et, en tout cas, aucunsigne de M. Newcomb.

M. Matthews et Jeff firent le tour du pavillon qui n'avait qu'un rez-de-chaussée. Toutes les fenêtres avaient été bouchées de l'intérieur. La porte principale et la porte de derrière étaient toutes les deux fermées àclef.

« Jeff, commanda M. Matthews, va chercher Tony Higgins! Dis-lui d^'apporter sa clef et une hache. Nous serons peut-être obligésd'enfoncer la porte. Je crains que quelque chose de grave ne soitarrivé.»

Le professeur n'avait pas fini de parler que Jeff courait déjà. Il

 passa devant le garage, construction-dé bois, toute branlante, que Tonyn'avait jamais achevée. La voiture de M. Newcomb y était abritée :donc l'écrivain n'était pas parti.

Jeff suivait le sentier. Il traversa le petit bois, longea un étang,traversa un ruisseau et se précipita dans la cour de derrière de la fermede Tony. Des poules se sauvèrent en caquetant.

« Monsieur Higgins! cria Jeff. Vite! Vite! M. Newcomb adisparu.»

Tony Higgins se redressa avec une vivacité surprenante.« Disparu? Sans payer son loyer? Il n'a pas le droit de me faire ça ! — Nous avons peur que quelque chose ne lui soit arrivé. Voulez-

vous apporter votre clef et une hache? Vite, s'il vous plaît! »Effrayé à son tour, le fermier saisit une hache qui était enfoncée

dans un billot.

150

Page 151: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 151/182

 

« J'ai la clef dans mon trousseau, fit-il, en exhibant un énorme

trousseau de clefs, de toutes les formes et de toutes les dimensions.Qu'est-il arrivé au scribouillard?

- Nous n'en savons rien. Le pavillon est tout cloué de l'intérieur.» Courant ensemble — le fermier, à dire vrai, ne courait pas

très vite —, ils arrivèrent au pavillon. M. Matthews essayait devoir à l'intérieur par l'une des fenêtres.

« Je ne l'aperçois toujours pas, annonça-t-il, Tony, tachezd'ouvrir la porte.

- Ça, je ne vais pas me le faire dire deux fois! répondit M.Higgins. C'est marqué dans le contrat qu'il n'a pas le droit de partir sansme régler son loyer d'avance. »

II fouilla dans son énorme trousseau et finit par trouver une clef qui fit jouer la serrure. Il tira violemment la poignée, mais la porte necéda pas.

« C'est quelque chose de pas catholique ! bougonna le fermier. La porte ne bouge pas plus qu'un rocher. Et voyez : il y a des clous qui

dépassent. » 

151

Page 152: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 152/182

 

Il les montra. Jeff vit à son tour les pointes aiguës qui dépassaient

du vantail.« II a dû clouer la porte aussi, supposa Jeff.- Autrement dit, il va falloir la défoncer, répondit M. Matthews,

qui paraissait très sombre.- Eh! attendez! protesta Higgins. Les portes, ça coûte de

l'argent, de la bonne argent.- Il faut bien que nous entrions. Quelque chose est arrivé à

Harley Newcomb. C'est évident. Quand l'avez-vous vu pour la

dernière fois, Tony?- Pour la dernière fois? »Le fermier se gratta le menton et fronça le sourcil en faisant un

effort pour se rappeler.« Ça devait être le mois dernier... Il y a six semaines environ. Il

m'avait téléphoné pour me dire qu'il y avait une fuite dans un tuyau.Comme il n'aimait pas être dérangé, je n'allais jamais le voir sans qu'ilait téléphoné.

- Six semaines? Nous, nous l'avons vu en ville, il y a dix jours.

152

Page 153: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 153/182

 

On dirait qu'il n'a pas pris son courrier  et  son lait depuisune semaine.

  — Attendez voir... Trois bouteilles de lait. Il en prenaitune tous les deux jours. Ça ferait six jours. Oui, près d'une semaine,monsieur Matthews.

 — Il semble donc que quelque chose lui soit arrivé trois joursaprès son retour. Peut-être est-il à l'intérieur, malade ou alors... Detoute façon, il faut entrer. Cassez un carreau, Tony, si vous ne voulez pas défoncer la porte.

 — Bon, d'accord. Une vitre, c'est moins cher qu'une porte », ditM. Higgins.

Il s'approcha de la première fenêtre et, d'un coup du talon de lahache, il brisa un carreau. Puis il martela les planches épaisses qui setrouvaient derrière. En une douzaine de coups, elles commencèrent àcéder.

« Elles sont solidement fixées, remarqua-t-il entre deux han. Çavient tout de même. Il y a déjà un bout de décloué. Maintenant, en poussant, on pourra se glisser à l'intérieur. Vous passez le premier,monsieur Matthews.

 — Entendu, dit le professeur. Repoussez les planches. » Tandis

que le fermier repoussait les planches et les maintenait dans cette  position, M. Matthews se glissa à l'intérieur. Puis il tira les  planches à lui pour élargir l'ouverture, de façon que Jeff et TonyHiggins pussent entrer à leur tour.

A l'intérieur, la pénombre régnait, car toutes les fenêtres étaientclouées. Jeff battit des yeux pour s'habituer à l'obscurité. M. Matthewsappela d'une voix forte :

« Harley!... Ho! Harley! »

Pas de réponse.« Allumons ! » dit le professeur.Il fit jouer un commutateur. Rien ne se produisit. Il faisait

toujours aussi sombre. Seulement, comme les yeux de Jeff s'accommodaient, il put distinguer une collection de masquesdiaboliques des mers du Sud suspendus aux murs. On aurait cru desdémons qui le regardaient d'un air furibond. Tout un mur était tapisséde livres. Le milieu de l'une des étagères était libre et trois

153

Page 154: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 154/182

 

crânes humains, un grand, un moyen et un tout petit, souriaientlà-haut d'un air sinistre.

« Je n'aime pas du tout ça, fit Tony Higgins, à voix basse. Vrai devrai, je n'aime pas du tout ça.

 — Venez. Il est peut-être dans la chambre », dit M. Matthews.Il entra dans la chambre. Outre la petite cuisine et la salle de bain,

il n'y avait pas d'autre pièce. Tony Higgins suivit. Jeff avisa deux bougies et un briquet sur une table. Il alluma les bougies et les leva pour mieux voir.

Les flammes vacillantes faisaient courir d'étranges ombres àtravers la pièce. Au-dessus de javelots entrecroisés, les masques sur lesmurs semblaient loucher et grimacer.

Tenant toujours les bougies à bout de bras, Jeff s'approcha d'ungrand bureau sur lequel se trouvait une machine à écrire. Près de lamachine, un grand livre, ouvert. Visiblement, c'était une édition trèsancienne, et le texte était en latin. Jeff ne comprenait pas le latin, maisil comprit fort bien ce qui était dactylographié sur la feuille de papier engagée dans la machine. En tout et pour tout, il n'y avait qu'une seuleligne, et cette ligne disait :

« Au secours! Au secours. 'Je rétrécis... » C'était tout. Mais cela

donnait la chair de poule. « Monsieur Matthews! » appela Jeff d'unevoix faible. Le professeur et Tony Higgins sortirent de la chambre àcoucher. « II n'y a personne, disait M. Matthews, et les fenêtres sontclouées comme ailleurs.

  — Et moi, je vous dis, répliquait le fermier, que celui qui acloué ces planches sur ces fenêtres et ces portes est sûrement encore àl'intérieur. Même un chat ne pourrait pas sortir.

 — Et pourtant Harley Newcomb est sorti! repartit le professeur.

Merci de nous éclairer, Jeff. Mais tu es bien pâle... — C'est... c'est le message, sur la machine, bégaya Jeff. Et le...

le livre. Il est si vieux et tout en latin... »M. Matthews lut les quelques mots dactylographiés, puis examina

le livre.« Oui, c'est du latin, fit-il. Le volume a au moins quatre

154

Page 155: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 155/182

 

cents ans d'âge. Je ne comprends pas le texte mot à mot, mais ils'agit... il s'agit d'un charme, d'une formule magique pour fairedisparaître un homme. »

Jeff avala péniblement sa salive. C'était ce qu'il craignait.« Je vais appeler la police », dit M. Matthews.Il se dirigea vers le téléphone, prit le récepteur et forma un

numéro. Il attendit un moment, puis se pencha pour regarder le filtéléphonique.

Il avait été coupé.« Quelqu'un a coupé le fil et enlevé les fusibles ! » remarqua

sombrement M. Matthews.Tout à coup son regard se fixa sur le sol, derrière la chaise où

l'écrivain avait dû être assis pour taper à la machine. Jeff regarda aussi.On voyait sur le sol une grande tache rouge de forme irrégulière.

« Du sang..., haleta le garçon.- Non, dit M. Matthews. De l'encre rouge. Voici la bouteille qui

a été renversée. Puisque l'encre est sèche, cela a dû arriver il y a  plusieurs jours, une semaine probablement. Mais regarde ici : unetrace de semelles. Comme si Harley s'était levé de sa chaise, avaitmarché dans l'encre et était parti en courant.

- Voilà une autre trace, dit Tony, qui avait pris une bougie à Jeff et qui se penchait vers le sol, deux mètres plus loin. Et en voilàencore une. Et une autre. Et encore deux. Il y en a six en tout. Maisregardez-les, monsieur Matthews, regardez-les bien et dites-moi si j'aila berlue. »

Le professeur et Jeff se penchèrent aussi sur les traces rouges,faites par quelqu'un qui avait marché dans l'encre à un moment où elleétait encore humide.

Tout à coup, Jeff sentit ses cheveux se hérisser...La première empreinte était celle d'un homme de taille normale.

La seconde ne comportait pas de talon : la semelle seule avait porté sur le sol, comme si l'homme avait été en train de courir. Mais elle étaitdéjà plus petite que la première.

Quant aux autres empreintes, elles allaient en s'amenuisant; ladernière paraissait avoir été faite par le pied d'un enfant.

155

Page 156: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 156/182

 

156

Page 157: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 157/182

 

« Il se sauvait! dit Tony Higgins, sa pomme d'Adam montant etdescendant et sa voix devenue basse et rauque. Il se sauvait vers lachambre et il devenait de plus en plus petit tout en se sauvant. Etaprès... après il a disparu. Évaporé! »

Ils s'entre-regardèrent et Jeff dut faire un effort sur lui-même pour que sa voix ne tremblât pas.

« Monsieur Matthews, fit-il. Vous rappelez-vous l'histoire que M. Newcomb nous a racontée au congrès? Il y avait un homme enfermédans un pavillon et il disparaissait en faisant de la magie. Son histoire...son histoire s'est réalisée! »

--------------------------------------------------------------------------------------

ALFRED HITCHCOCK :Je ne vous dérange pas? Je croyais de mon devoir de vous signaler que plusieurs indices

 significatifs vous ont déjà été fournis concernant l'étrange Mystère del'homme qui s'évapora. Indices subtils, il est vrai. Si vous n'avez pas lamoindre idée sur la façon dont un homme a pu sortir d'un pavillon fermé de l'intérieur ou sur la manière dont une vieille formule magique pouvait le faire rétrécir jusqu’ 'à disparition complète, ne perdez pas

le moral ! La police ne se montrera pas plus douée que vous.  Il est vrai que les policiers n'ont plus guère l'occasion de

résoudre ce genre de problèmes.

--------------------------------------------------------------------------------------

M. Matthews alla à la ferme pour appeler la police, tandis queTony et Jeff restaient à monter la garde devant le pavillon vide. Ni l'un

ni l'autre ne voulut demeurer à l'intérieur. Tony bougonna plusieursremarques sur la malhonnêteté de Harley Newcomb qui avait disparusans payer son loyer, mais n'eut même pas le courage de se mettrevraiment en colère. Plusieurs fois aussi, il fit le tour du pavillon en leregardant d'un œil fixe et en secouant la tête, comme s'il s'était attenduà découvrir une porte qu'il n'avait encore jamais vue. Jeff l'accompagnadans ces rondes, mais regarder ne servait à rien. Le pavillon restait telqu'il était : en bonne grosse pierre, avec un toit à auvent, et sans la

moindre trace d'effraction.

157

Page 158: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 158/182

 

M. Matthews revint, bientôt suivi de la voiture de police. Dèsque les policiers eurent compris de quoi il s'agissait, ils appelèrent lacaserne par radio et, avant peu, cinq voitures de police arrivaientensemble et des agents en uniforme envahissaient le pavillon.

Ils enlevèrent les planches que Tony avait déclouées mais ilslaissèrent tout le reste en place pour pouvoir photographier etexaminer à loisir. Jeff put ainsi suivre une vraie enquête policière jusqu'au soir.

Les policiers tapotaient les murs avec des marteaux, pour trouver une issue dérobée, tiraient sur les planches qui recouvraientles fenêtres, rampaient sur le toit pour s'assurer que les tuiles

n'avaient pas été déplacées.Ils apprirent que les planches clouées sur les portes et sur lesfenêtres provenaient d'un grand tas qui se trouvait derrière le garageque Tony n'avait pas achevé de construire. Les clous avaient été prisdans une boîte abandonnée près des planches. Le marteau aussi avaitété ramassé là : Tony l'y avait laissé pour le cas où, un jour, il auraitenvie de terminer le garage. N'importe qui, donc, aurait pu se servir des outils et du matériel. Pas d'indices de ce côté-là.

L'enquête en resta là. Il était évident que personne ne pouvaitsortir d'un pavillon devenu hermétique, pas même un chat. Et pourtant Harley Newcomb avait disparu. La police aurait bien aimétrouver une porte dérobée ou une trappe dans le toit, mais elle n'entrouva pas. Tony Higgins répétait s

ans cesse d'un ton plaintif :« Je vous dis, les gars, qu'il n'y a pas de trappes secrètes ni

aucune ânerie de cette espèce. Je le sais, puisque j'ai construit ce

 pavillon .moi-même, avec mon ouvrier Joe Caruso, il y a cinq ou sixans. De la bonne pierre, du bon mortier pour les murs; du bon béton  pour le sol, un bon toit qui n'a jamais coulé. Et aussitôt que le pavillon a été fini, M. Newcomb est venu l'habiter et il ne l'a plusquitté. Je n'ai pas eu le moindre ennui avec lui. Pas une fois. Etmaintenant voilà qu'il s'évapore sans payer son loyer ! La magie, çadevrait être interdit. »

158

Page 159: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 159/182

 

Les policiers n'étaient guère satisfaits de cette explication maisils se révélèrent incapables de découvrir la moindre trace de Harley Newcomb. Si le célèbre écrivain ne s'était pas évaporé, comme le prétendait Higgins, sa disparition n'en était que plus mystérieuse.

Finalement, les policiers admirent que Harley Newcomb avaitdisparu exprès, pour se faire de la publicité, mais personne n'en crutun mot. Le plus incrédule fut M. Matthews.

« Ils disent des sottises, Jeff, déclara-t-il, en ramenant le garçonà la maison, à la fin de l'après-midi. Harley détestait la publicité. Ilfaisait des efforts pour l'éviter.

 — Alors vous pensez que... que la formule magique a vraiment

opéré? — Certainement pas ! répondit le professeur d'un ton moinsassuré qu'il ne l'eût voulu. A te parler franc, je ne sais que penser. Nous serions nettement plus avancés si nous avions la moindre idéede la façon dont il est sorti du pavillon ou dont son cadavre .— jen'aime pas du tout parler ainsi du pauvre Newcomb — en a été retiré.

 — Vous pensez que... — Je ne sais pas. J'espère que non. Mais c'est possible. En tout

cas, si je suis sûr d'une chose, c'est que le responsable de toutcela n'est pas Harley mais quelqu'un d'autre. Et pourtant, je ne luiconnaissais pas un ennemi au monde.

 — Peut-être essayait-il de mettre en pratique l'idée dont il nousavait parlé? supposa Jeff. Il voulait être sûr qu'elle était viable et ils'est blessé.

  — Alors nous aurions retrouvé une trace, un indicequelconque. A dire vrai, la tête me tourne. Allons dormir : la nuit

 porte conseil. Tu sais que la police n'a pas retrouvé le roman qu'ilétait en train d'écrire. On a téléphoné à New York, et son éditeur arépondu qu'il n'avait rien reçu. Comprends-tu ce que cela veut dire?

  — N... non, répondit Jeff. Je n'ai pas l'impression decomprendre.

 — Cela veut dire que son manuscrit a été volé. Or, à quoi peut-il servir de voler un manuscrit policier inachevé?

 

 — Je ne vois pas à quoi, en effet.

159

Page 160: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 160/182

 

 — Moi non plus. A moins que ce manuscrit ne contienne le secretde la disparition de Harley Newcomb... Te voici chez toi, Jeff. Je terevois lundi, au collège. La police aura peut-être découvertquelque chose d'ici là. »

Mais, lundi, la police n'avait rien trouvé. Harley Newcomb n'avait pas reparu. La police s'en tenait à sa théorie : l'écrivain voulait de la publicité.

L'attitude des journaux fut tout autre. Ceux de New York commeles journaux locaux publièrent des reportages et des photos quidonnaient à toute l'histoire un air de magie noire. Les titres étaient groset suggestifs. Ils étaient libellés ainsi :

UN ÉCRIVAIN CÉLÈBRE SE SERAIT-IL VOLATILISÉ?

REVIVANT SON ROMAN, UN ÉCRIVAIN DISPARAITD'UNE CHAMBRE HERMÉTIQUEMENT CLOSE.

RÉTRÉCISSEMENT D'UN ÉCRIVAIN A 100 POUR 100GRÂCE A UNE ANCIENNE FORMULE MAGIQUE.

Le vieux livre de magie rédigé en latin, les crânes sur l'étagère, lesmasques et les javelots, tout cela était fort photogénique. Lds comptesrendus de la presse ne se privaient pas d'insinuer que des chosesétranges et diaboliques s'étaient produites dans le pavillon.

Il y eut des photos des empreintes qui rapetissaient, des photos dumessage dactylographié, même des photos de Jeff, de M. Matthews etde Tony Higgins.

Jeff n'en finissait plus de raconter son aventure à tous ses amis.

Chacun brûlait de curiosité, si bien que beaucoup de citadins deLaketown et même des habitants de New York vinrent voir le pavillon.La police fut obligée d'envoyer un agent pour diriger la circulation etun autre pour monter la garde devant le pavillon et empêcher lesamateurs de curiosités d'emporter des souvenirs.

M. Higgins commença à faire des patrouilles avec un fusil dechasse :

160

Page 161: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 161/182

 

« S'il ne revient pas me payer son loyer, déclarait-il, tout ce qui

est dans le pavillon m'appartient. Personne n'emportera rien. Pas mêmeun clou. »Trois jours plus tard, la presse commençait à parler d'autre chose

et la police, incapable de découvrir quoi que ce fût, se réfugiait une foisde plus derrière sa théorie publicitaire. Mais les gens n'en venaient pasmoins visiter le « pavillon mystérieux » comme on l'appelaitmaintenant.

Tony Higgins, toujours astucieux lorsqu'il s'agissait de gagner un

  peu d'argent, demanda à un cousin de l'aider à poser une énorme pancarte rédigée en ces termes :

POUR UN DOLLAR VISITEZ LE PAVILLON MYSTÉRIEUX

AVEC SON APPEL AU SECOURSSES EMPREINTES ROUGES

L'ÉNIGME DU SIÈCLE

POUR UN DOLLAR!

161

Page 162: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 162/182

 

En outre, M. Higgins fit un petit escalier, pour que les visiteurs pussent accéder aisément au trou pratiqué dans la fenêtre. Mais au resterien ne fut touché. Le cousin montait la garde à l'intérieur, pour empêcher les vols; M. Higgins lui-même faisait sentinelle à l'extérieur et exigeait un dollar par curieux.

A la fin de la semaine, ses voisins estimaient qu'il avait dû gagner au moins deux cents dollars et hochaient la tête adrnirativement devantl'astuce de Tony.

Peu à peu, l'émotion générale s'affaiblissait, mais Jeff, si occupéqu'il fût, ne pouvait cesser de penser à la bizarre « évaporation » de M. Newcomb. Après tout, Jeff avait eu une part dans la découverte de ladisparition proprement dite : pourquoi ne résoudrait-il pas l'énigmequ'elle posait?

Un indice lui vint à l'esprit. Un indice qu'il avait oublié et que la police ne connaissait pas.

Le jour même, après la classe, il fit un saut à bicyclette chez lelieutenant de police chargé de l'affaire.

M. Newcomb, expliqua Jeff, avait parlé à M. Matthews et à lui-même du nouveau livre qu'il écrivait et avait précisé que l'idée lui enétait venue à la suite d'une conversation avec quelqu'un qu'il

connaissait. Il avait même daté cette conversation du premier du mois.« Vous comprenez? demanda Jeff. Si vous arriviez à découvrir 

qui a donné l'idée à M. Newcomb, vous pourriez peut-être trouver comment il a fait pour disparaître du pavillon? »

L'officier sourit avec indulgence.« Merci d'essayer de nous aider, fiston, dit-il. Mais écoute bien.

M. Newcomb a disparu exactement de la façon dont le héros de sonlivre devait disparaître. Oui?

- Oui, fit Jeff de la tête.- Alors il est évident que l'ensemble relève d'un plan destiné à

attirer l'attention sur le livre lorsqu'il paraîtra. Un truc de publicité, pur et simple.

- Mais le livre a disparu aussi, insista Jeff. Il n'était pasdans le pavillon et l'éditeur ne l'a pas reçu.

- Parce que M. Newcomb, où qu'il se trouve, est en train de 

162

Page 163: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 163/182

 

le finir, répondit l'officier de police. Tu verras. Un de ces jours, lelivre sera publié et M. Newcomb réapparaîtra pour recueillir les fruitsde son astuce publicitaire. C'est fort ennuyeux que les gens invententtoujours de nouveaux trucs pour se faire de la place dans les journaux.»

Jeff s'en alla, abattu mais non pas convaincu. Il alla voir M.Matthews qu'il trouva occupé à corriger des copies, et à qui il exposason idée.

« Bien calculé, Jeff, apprécia le professeur. J'avais oublié ce point. Mais puisque nous pouvons dater la conversation avec-précisionet que nous savons que Harley Newcomb n'allait pratiquement jamaisnulle part, sauf le premier du mois, jour où il venait en ville pour fairedes achats, tu pourrais peut-être réussir toi-même à découvrir qui lui adonné sa fameuse idée et en quoi elle consistait. Si nous savionscomment il a fait pour quitter le pavillon, nous serions bien près derésoudre le mystère tout entier. Tu pourrais poser des questions autour de toi d'un air naturel, sans exciter trop de curiosité.

- Des tas de gens pensent que M. Newcomb s'est réellementévaporé, qu'il s'est rétréci à cent pour cent, dit Jeff. A cause desempreintes.

- Je le sais bien, mais, pour ma part, je ne crois toujours pas à la

magie noire. Bonne chance, Jeff. Fais-moi signe si tu découvresquelque chose. »

Jeff sortit, prit sa bicyclette et partit dans la direction de la ville,tout pensif. Qui pouvait se rappeler une conversation qui avait eu lieu près de six semaines plus tôt?

Jeff alla d'abord voir M. Martine, épicier, fournisseur habituel deM. Newcomb. M. Martino était un gros Italien jovial, équipé d'unemoustache en guidon de vélo. Il écouta attentivement les questions que

lui posa Jeff.« Si nous avons bavardé? demanda-t-il. Oui, oui, nous avons

causé, lui et moi. Il m'a dit qu'il était pressé. Il voulait rentrer pour écrire. Il avait une nouvelle idée. Sensationnelle. Tu y vois plus clair,maintenant, Jeff?

- A quelle heure était-ce? » s'empressa de demander Jeff. 

163

Page 164: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 164/182

 

Visiblement, M. Newcomb tenait déjà son idée au moment où ilétait venu à l'épicerie.

« Après déjeuner. Vers trois heures ou trois heures et demie.Difficile à dire.

- Merci beaucoup! » s'écria Jeff, en partant au pas de course. Il serendit ensuite à la poste où le vieux M. Rogers, maigre

et chauve, mit un certain temps à le comprendre.« Hum! fit enfin le postier en se tiraillant l'oreille. Quand ai-je vu

l'écrivain pour la dernière fois? Voyons, voyons... Je crois qu'il aenvoyé une lettre recommandée... Je vais voir dans mon registre. »

Jeff attendit, le cœur battant, pendant que M. Rogers feuilletaitses livres.

« Voilà, voilà. Le premier du mois dernier. A une heure trente. — Est-ce qu'il vous a parlé de ce qu'il écrivait ou de quelque

chose de ce genre? »Le postier secoua négativement la tête, si bien que ses lunettes à

monture dorée glissèrent sur son nez.« II était très pressé. Il voulait faire partir cette lettre le plus vite

 possible. Le destinataire, c'était une librairie de New York spécialiséedans je ne sais quels vieux bouquins.

- Merci ! » fit Peter et il se dépêcha de poursuivre son enquête.Sauf erreur, M. Newcomb. avait commandé ce jour-là le livre

de magie que l'on avait retrouvé sur son bureau. En d'autrestermes, il tenait déjà son idée et réunissait les éléments qui lui permettraient de l'exploiter. Il avait donc parlé à quelqu'un plus tôtdans la matinée. Mais à qui?

Jeff passa chez le libraire, chez le pharmacien, à la compagniedes téléphones où M. Newcomb était allé payer sa note. Partout on lui

dit que M. Newcomb avait été très pressé. Il avait conseillé au librairede faire venir son nouveau livre dès qu'il sortirait : le livre devait êtreencore meilleur que les précédents. La visite au libraire avait été faite àonze heures du matin.

Jeff ne savait plus à qui s'adresser. Il était allé rendre visite àtoutes les personnes que M. Newcomb voyait ordinairement.

164

Page 165: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 165/182

 

Peut-être l'écrivain avait-il rencontré quelqu'un dans la rue?Quelqu'un qu'on n'avait aucune chance de retrouver?

Perdant courage, Jeff rentra à la maison. Ses parents étaient allés passer la soirée chez des amis. Il dîna donc seul, fit ses devoirs et semit au lit de bonne heure.

Couché dans l'obscurité, les mains nouées derrière la tête, ilcherchait toujours. Avec qui M. Newcomb avait-il été en train decauser ce jour-là lorsque sa merveilleuse idée lui était venue? Quelleautre personne en ville avait-il pu aller voir?

Soudain, Jeff se mit sur son séant.

« Bien sûr! s'écria-t-il. C'est évident. C'est sûrement lui. »Sans réfléchir un instant, il se dépêcha de s'habiller. Ses parents

ne rentreraient pas avant une heure ou deux. Il arracha une feuille de papier dans un carnet et griffonna :

 J'ai été obligé de sortir, mais je serai bientôt de retour. Ne vousinquiétez pas. Bons baisers.

165

Page 166: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 166/182

 

Il plaça le papier sur son lit et sortit en refermant la porte, sanssonger que lorsque ses parents verraient la porte fermée, ils lecroiraient endormi et n'iraient pas prendre connaissance dumessage.

Il décrocha sa bicyclette, alluma le phare, descendit les marchesdu perron. Un instant plus tard, il pédalait de toutes ses forces dans ladirection de la maison de M. Matthews, qui se trouvait à l'extérieur dela ville.

En remontant l'allée qui conduisait à la villa, il vit que lesfenêtres de la salle de séjour étaient encore éclairées. Le professeur était assis à son bureau, occupé à corriger les compositionstrimestrielles. Mme Matthews et les petites filles devaient dormir. Jeff frappa légèrement au carreau. M. Matthews s'approcha de la fenêtre,reconnut son visiteur et le fit entrer.

a Monsieur Matthews, dit Jeff tout haletant, je crois savoir à quiM. Newcomb a parlé ce jour-là et à qui il a peut-être emprunté sonidée.

Tiens, tiens! fit M. Matthews. Tu as découvert quelque chosecet après-midi?

 — Non, mais j'ai raisonné. Il faut que je pose une question àTony Higgins, monsieur Matthews. Nous pourrions peut-être y aller 

maintenant?- Maintenant? Mais il est tard!- Bien sûr qu'il est tard, mais si j'ai raison, nous tenons l'indice

qui nous manque! Je n'arriverai pas à m'endormir sans savoir si j'ai tortou raison.

 — Je vois, dit M. Matthews en riant, et en mettant son veston.Dans ce cas, pas d'hésitation; allons voir Tony et pose-lui ta question.Mais ne compte pas sur lui pour se rappeler quelque chose qui est

arrivé il y a plus d'un mois. »Ils montèrent en voiture et partirent pour la ferme de Tony. Le

 professeur était bien tenté de demander à Jeff en quoi consistait sonidée, mais le garçon était si ému et avait si grande envie de lui enréserver la surprise, que M. Matthews ne posa pas de question directe.Il demanda seulement:

« Tu penses peut-être que quelqu'un est venu voir Harley Newcomb ce jour-là et qu'il a demandé son chemin à Tony?

166

Page 167: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 167/182

 

- Pas tout à fait », répondit Jeff.Jeff mourait d'envie de confier son idée à M. Matthews, mais

aussi du désir de le surprendre. Réflexion faite, il se tut.En approchant de la ferme, le professeur et son élève virent une

lumière briller du côté du pavillon de l'écrivain.« Monsieur Matthews! s'écria Jeff. Il y a quelqu'un dans le

 pavillon. A cette heure-ci !- Juste, dit le professeur en prenant l'allée. C'est Tony, je

suppose. Il doit être en train de transformer le pavillon en musée pour  pouvoir le faire visiter tout l'été. Il gagnera pas mal d'argent... »

M. Matthews arrêta la voiture. Ils descendirent tous les deux. Jeff contenait à peine son impatience. Par la fenêtre, ils virent TonyHiggins, toujours vêtu de sa vieille combinaison, circuler dans le pavillon.

« En, Tony! appela M. Matthews. On peut entrer? »Le fermier approcha de la fenêtre et regarda à l'extérieur, en

 battant des paupières pour mieux voir :« Un dollar par personne! annonça-t-il. Homme, femme ou

enfant, c'est pareil... Oh! c'est vous, monsieur Matthews. Vous et Jeff.Bon, bon. Vous devez avoir le droit d'entrer sans payer.

- Vous êtes trop aimable. »Le professeur se glissa par la fenêtre, suivi de Jeff. « Comment

marche votre syndicat d'initiative, Tony? demanda M. Matthews. Ondit que vous avez beaucoup de touristes.

- Pas mal, pas mal. Mais il faut les surveiller pour qu'ilsn'emportent rien. C'est fatigant. »

Jeff regarda autour de lui avec curiosité. Peu de choses avaientchangé depuis le jour où le mystère avait été découvert. Tony avait

seulement placé des plaques de verre protectrices sur les empreintesrouges et des cordes le long de la bibliothèque et autour desempreintes, pour empêcher les visiteurs d'en approcher. En outre, ilavait changé la disposition des crânes humains qui, auparavant, setrouvaient sur l'étagère. Maintenant il y en avait un à côté de lamachine à écrire, un autre sur le grand dictionnaire de M. Newcomb, letroisième n'avait pas bougé. Enfin, M. Higgins

 

167

Page 168: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 168/182

 

avait ajouté un ou deux masques particulièrement diaboliques. «J'ai juste un peu arrangé les choses, dit Tony, en voyant ses visiteursregarder autour d'eux. Pour que ce soit plus intéressant. Je voulais quemes touristes en aient pour leur argent.

- Et si M. Newcomb revient? demanda M. Matthews.- Il ne reviendra pas, répondit le fermier sans hésiter. Je veux

dire que s'il avait eu l'intention de revenir, il l'aurait déjà fait.Je vais vous dire, moi, ce qui s'est passé : sa formule magique s'estdétraquée, et il s'est complètement évaporé à l'heure qu'il est.

- J'espère bien que non, répondit le professeur. Mais Jeff a unequestion à vous poser. Vas-y, mon garçon. Demande à Tony ce que tuvoulais savoir. »

Un instant, Jeff hésita. Tout à coup, il lui sembla qu'il était fortsot d'essayer de trouver la clef du mystère tout seul. Mais il avait déjàsa question sur la langue et ne put la retenir :

« Monsieur Higgins, vous avez parlé à M. Newcomb le premier du mois, n'est-ce pas? »

Aussitôt, le professeur claqua des doigts :a Mais bien sûr, Tony! Vous disiez que vous ne l'aviez pas vu de

  plusieurs semaines mais vous lui avez parlé ce jour-là. Vous, le

 propriétaire de ce pavillon, vous n'auriez sûrement pas oublié de venir chercher votre mois de loyer!

 — Et, en causant avec lui, vous lui avez donné une idée, ajoutaJeff. Une idée pour un nouveau livre. Vous êtes le seul qui ayez pu lefaire puisque, lorsqu'il est arrivé en ville, il se préparait déjà à écrire. »

La face hâlée de Tony Higgins s'assombrit de colère. Ses yeux brillèrent et sa bouche se crispa.

« Parbleu, oui, je lui ai donné une idée. J'étais venu le matin, pour 

toucher mon chèque. Il tournait dans ce pavillon comme un fauve encage. «J'ai un livre à écrire, qu'il me dit, « et pas d'idée. » II lui fallaitun système inédit pour sortir d'une pièce fermée à clef. «Je donneraiscinq cents dollars « pour une idée », qu'il me dit! »

A mesure que le fermier parlait, son visage s'empourprait 

168

Page 169: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 169/182

 

169

Page 170: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 170/182

 

davantage et ses yeux brillaient d'un éclat de plus en plus furieux.Ses grandes mains s'ouvraient et se fermaient. Jeff avait entendu direque Tony pouvait être violent à ses heures, mais c'était la première foisqu'il le voyait ainsi.

« Et alors, vous lui avez donné une idée? demanda M. Matthewscalmement, comme pour apaiser le fermier.

- Vous parlez que je lui en ai donné une, d'idée! Je lui ai donnéune idée hors concours. Oui, monsieur, hors concours! Et il m'a ditqu'il y penserait, mais qu'elle avait déjà sûrement été utilisée. Commec'était son métier de savoir ces choses-là, je l'ai laissé. Et puis,voilà qu'à la fin du mois, je viens le voir pour lui demander ce qu'il en pensait, et je le vois en train de taper à lamachine. Je jette un coup d'ceil, et je m'aperçois qu'il l'utilise à  plein, mon idée! A fond, quoi, je lui demande les cinq cents dollarset il me répond qu'elle en vaut à peine cinquante.

- Et alors, Tony, qu'avez-vous fait? demanda M. Matthews, plusdoucement encore, tandis que Jeff, de plus en plus angoissé, voyait lafureur croissante du fermier.

- J'ai exigé les cinq cents! rugit Tony. Il m'a dit quec'était absurde. Alors je lui ai fait voir si c'était si absurde que

ça.- Comment? demanda le professeur, essayant de distraire le

fermier de sa colère.- Je m'en vais vous le faire voir, à vous aussi ! » tonna

M. Higgins.Avant que M. Matthews n'eût le temps de l'éviter, le poing de

Tony l'atteignait au menton et l'envoyait rouler sur le sol.Il fallait du renfort, vite. Jeff bondit vers la fenêtre, mais Tony le

saisit par la ceinture et le jeta à terre.Pour quelques minutes, le garçon perdit connaissance.

--------------------------------------------------------------------------------------

ALFRED HITCHCOCK  :   Brave Jeff! C'est tout de même très biend'avoir pensé à cette chose si simple, que la personne qu'on voit généralement le

 premier du mois est le propriétaire du logement qu'on habite.

170

Page 171: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 171/182

 

 Et vous? Vous gui connaissiez l'avarice de Tony, avez-vous pensé qu'il ne pouvait laisser passer le premier du mois sans aller toucher son loyer?

Si oui, vous devez être sérieusement en avance sur nous, vous connaissezle secret du pavillon hermétique, de l'homme qui s'évapora et des empreintes

rouges. Nous vous avons donné tant d'indices... El pourtant, vous pourriez encore vous tromper.Un point est clair : Jeff aurait dû confier ses déductions à M. Matthews,

car apparemment Tony doit être en train de préparer quelque chose de fort désagréable pour Jeff et son professeur...

 Lisez la suite et vous verrez de quoi il s'agit. En même temps, vous pourrezvérifier l'exactitude de vos déductions.

--------------------------------------------------------------------------------------

CONCLUSION

Jeff, encore tout hébété, ouvrit les yeux. Il lui fallut plusieurssecondes pour comprendre où il était et ce qui s'était passé. Puis ilessaya de s'asseoir et retomba aussitôt en s'écriant : « Aïe! » Sa tête fui

faisait mal. Ses poignets et ses chevilles aussi. La tête, parce qu'ill'avait cognée en tombant; les poignets parce que ses bras étaientattachés derrière son dos; les chevilles parce qu'elles étaient attachéeselles aussi, avec une corde grossière.

Il était étendu par terre, sur le flanc, au pied des étagères delivres. M. Matthews, ligoté aussi, était auprès de lui.

« Jeff, tu n'es pas blessé? demanda le professeur, inquiet.- Je ne crois pas. C'est Tony Higgins qui nous a garrottés?

- Ficelés comme des saucissons, répondit M. Matthews. Ilnous a attachés et il est parti en disant qu'il allait revenir.- Que... que croyez-vous qu'il compte faire de nous?

demanda jeff, en essayant de paraître courageux.- Je préfère ne pas tenter de pronostics. Si c'était un homme

raisonnable, je pourrais lui parler. Mais il n'est pas raisonnable du tout.Tu as vu dans quelle fureur il s'est mis en racontant que Newcomb luiavait refusé de l'argent.

- J'ai vu, dit Jeff.

171

Page 172: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 172/182

 

- Je vais essayer tout de même, mais je ne pense pas qu'ilm'écoute. Jeff, j'ai fait mon possible pour détendre le nœud autour demes poignets. Si je te tourne le dos, tu pourrais essayer decontinuer avec tes dents.

- Je tâcherai, monsieur Matthews. »Le professeur roula sur le flanc et Jeff se tortilla jusqu'au moment

où il put voir sous son nez les poignets attachés de M. Matthews. Tonyavait fait un gros nœud bien serré et Jeff craignait que leur projet neréussisse pas, mais ce n'est guère une raison pour perdre du temps. Ilsaisit un bout de corde dans ses dents et commença à la mordiller,comme un petit chien qui jouerait avec une pantoufle.

Ses dents glissaient; la corde meurtrissait ses lèvres. Il essaya denouveau. Cette fois-ci, il s'assura une meilleure prise sur la corde. Iltirait dessus désespérément lorsque des pas lourds retentirent dehors.

Higgins revenait!Toutefois, il n'entra pas. Il poussait une brouette. On entendait le

gravier crisser sous la roue. Tony s'arrêta. Il y eut un bruit métalliquesuivi d'un martèlement sourd, sur du bois. Puis, après un moment, uncliquetis imprévu : celui d'un cric d'automobile.

« Que fait-il? » chuchota Jeff.

Les deux prisonniers se trouvaient face au mur et ne pouvaientrien voir par la fenêtre ouverte.

« Je n'en sais rien, Jeff. Mords toujours. Il va peut-être nousdonner le temps de nous libérer. »

Furieusement, Jeff reprit le nœud entre ses dents.Dehors, le cliquetis, lent et méthodique, retentissait toujours. Le

cric montait. Puis il y eut un bruit nouveau : un grincement de madriersaccompagnait chaque déclic.

Que se passait-il? Jeff n'en avait pas la moindre idée. Il mâchaittoujours. Cinq minutes passèrent, puis dix. Enfin il sentit que le nœudcédait légèrement.

« Vite, Jeff! chuchota le professeur. Il ne doit plus nous rester  beaucoup de temps. »

Le cliquetis et les grincements avaient cessé. Tony Higgins 

172

Page 173: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 173/182

 

marchait dehors. Les lèvres et la langue de Jeff étaient à vif. Maismaintenant la torde, toute mouillée, ne glissait plus et offrait moins derésistance.

Rageusement, Jeff plongea ses dents dans le nœud et tira. Il sentitque le bout de la corde venait.

« Très bien! encourageait M. Matthews. Encore un effort. »Une dernière fois, Jeff mordit : le nœud se défaisait. A ce

moment, Higgins se laissa lourdement glisser par la fenêtre, et sedirigea vers ses prisonniers.

M. Matthews s'était empressé de rouler sur le dos pour cacher sesmains presque libres. Jeff l'avait imité. Le fermier se pencha vers eux,sinistre :

« Ça va, vous deux? Je vais pouvoir m'occuper de vous... »Jeff écoutait à peine : son regard s'était fixé sur l'un des quatre

angles de la pièce, à la hauteur où le toit aurait dû reposer sur le mur.Comme la pièce n'avait pas de plafond, la charpente était apparente etJeff, à sa grande surprise, put voir que le toit avait été soulevé d'unetrentaine de centimètres. On voyait une large fente entre le bord du toitet le mur.

M. Matthews s'en aperçut aussi et il parla aussitôt, pour gagner 

du temps.« C'est donc là votre secret! s'écria-t-il. Tony, vous êtes très

malin. Pas d'issues dérobées. Simplement le toit que l'on soulève un peu, de façon qu'un homme puisse se glisser dans l'interstice, aprèsavoir cloué portes et fenêtres de l'intérieur. Puis on abaisse le toit ettout paraît normal. Nous aurions dû y penser. Bien sûr, un toit atoujours l'air solidement fixé à la maison qu'il recouvre, mais il arrivequ'il tienne surtout par son propre poids... »

Un instant, sa ruse réussit. Tony Higgins ricana.a Précisément, fit-il. Mon ouvrier Joe a fait toute la maçonnerie.

C'était un fameux maçon. Et moi, je faisais la charpente. Les clous ontcommencé à me manquer quand je suis arrivé à cet angle-ci. C'étaittrop fatigant d'aller en ville en chercher d'autres. Alors j'ai laissé cecoin comme il était. Je me disais bien qu'un cric de camion soulèveraitle madrier sans difficulté

173

Page 174: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 174/182

 

et j'avais raison. Voilà l'idée que j'ai donnée à M. Newcomb. Et il

a dit qu'elle était absurde!»De nouveau, son visage s'assombrit de colère.« Mais il ne le dit plus, maintenant. J'ai dupé tout le monde,

 police comprise. — Vous nous avez tous bernés, reconnut M. Matthews. Mais ces

empreintes qui diminuaient...? Comment vous y êtes vous pris?  — Facile. J'ai toutes sortes de chaussures, de toutes les

dimensions, qui restent de la vente. J'ai pris l'une de celles de M.

 Newcomb et plusieurs chaussures d'enfants, de taille différente. Je lesai trempées dans l'encre et j'ai fait les empreintes. Et j'ai tapé lemessage sur la machine. Pensez à tout ce qu'ont raconté les journauxsur l'homme qui s'évapora!... »

Il riait aux éclats.« Je ne me suis jamais autant amusé de nia vie. Tous ces gens qui

venaient, qui se cassaient la tête pour trouver la solution... - Qui était sisimple, admit le professeur. Mais qu'avez-vous fait de Harley

 Newcomb?

174

Page 175: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 175/182

 

- Il est encore dans mon grenier, que je tiens toujours fermé àclef, à cause des costumes que j'y garde. Le livre dont il m'a volél'idée est avec lui. J'attendais pour voir si quelqu'un devineraitque c'était moi qui avais tout cloué, qui étais sorti par la fente sous letoit et qui avais remis le toit en place. Comme personne n'a deviné, je peux mettre mes projets à exécution! »

Il avait dit cette dernière phrase d'un ton si froid, si menaçant, queJeff frissonna.

« Écoutez-moi, Tony, dit M. Matthews. Pour l'instant, vousn'avez causé de tort sérieux ni à M. Newcomb ni à nous. Relâchez-nous, relâchez-le, et vous vous en tirerez sans trop de dommage.

- Que je vous relâche? demanda Higgins, stupéfait. Vous quiconnaissez mon secret et qui gâteriez toutes mes affaires? J'ai l'air fou,ou quoi?

- Tony, vous feriez mieux d'y réfléchir à deux fois, avant de...- C'est tout réfléchi, rugit le fermier. D'abord, je voulais

seulement cacher M. Newcomb assez longtemps pour lui montrer ceque valait mon idée et pour lui apprendre à ne pas tromper les gens.Mais ensuite les curieux ont commencé à vouloir visiter le pavillonmystérieux et j'ai vu que je ne pouvais pas relâcher Newcomb.

Pensez-y. En moins d'une semaine, j'avais gagné quatre centsdollars. Je ne vais quand même pas me laisser saboter moncommerce!

- Écoutez-moi, Tony... »Le fermier fit taire M. Matthews en criant un bon coup : « C'est

vous qui allez m'écouter! Pas question pour Newcomb de me tarir ma  petite mine d'or. Pour vous deux, non plus. Non, monsieur. Aucontraire, vous allez me l'alimenter. Quand on aura trouvé ce pavillon

tout cloué de nouveau, quand on sera entré dedans à coups de hache,quand on vous y aura découverts tous les deux, ce sera, pour tout de bon, le plus grand mystère du siècle. Combien pariez-vous que je feraidu cent dollars par jour? Près de mille par semaine.

- Qu'entendez-vous par : « on nous y découvrira tous les deux?» répliqua M. Matthews. 

175

Page 176: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 176/182

 

176

Page 177: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 177/182

 

Jeff, qui aurait aimé poser la même question, sentit sa bouchedevenir sèche et un frémissement lui descendre le long du dos, lorsqu'ilvit Tony exhiber deux cordes, dont chacune se terminait par un nœudcoulant.

« J'entends qu'on vous trouvera suspendus à ces poutres que vousvoyez au-dessus de vos têtes, répondit Tony. Pas moyen non plus desavoir comment vous êtes entrés, qui vous a pendus ou comment celuiqui a fait le coup est ressorti. Une mine d'or, je vous dis, pour le restantde mes jours! Quand même je le voudrais, je ne pourrais plus vousrelâcher maintenant : cela me coûterait trop d'argent. Maintenant, assezcausé. A vous, professeur. »

II se pencha sur M. Matthews. Jeff ferma les yeux pour ne pas voir ce qui allait suivre.

Il eut tort, car, ainsi, il ne vit pas le professeur couché sur le dosramener brusquement ses genoux contre sa poitrine et puis lancer les pieds en avant de toutes ses forces, sans être en rien gêné par les liensqui maintenaient ses chevilles.

Tony Higgins reçut ce formidable coup en plein estomac. Jeff ouvrit les yeux à temps pour voir le fermier catapulté en arrière aller donner de la nuque contre le mur et glisser au sol, assommé.

M. Matthews se mit sur son séant. Pendant sa conversation avecTony, il avait réussi à terminer le travail de Jeff. Il tira donc un canif desa poche, trancha les liens de ses pieds et courut ligoter les poings etles chevilles de M. Higgins au moyen des nœuds coulants que celui-ciavait si soigneusement préparés.

Un instant après, Jeff était libre lui aussi. La tête lui tournait un peu de la peur qu'il avait eue.

« Ça alors ! fit-il lorsqu'il put parler. Mais c'est que M. Higgins se

 préparait à nous... nous... — Exactement, dit M. Matthews, en se frottant les poignets pour 

rétablir la circulation. Si son plan avait réussi, je suis sûr qu'il auraitfait faire des mannequins en cire à notre ressemblance et qu'il les auraitsuspendus à notre place pour donner la chair de poule aux touristes desannées à venir. Personne,

 

177

Page 178: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 178/182

 

  je pense, n'aurait résolu le mystère. Son stratagème était d'unesimplicité véritablement diabolique.

Tout cela, pour avoir un pavillon mystérieux ! Pour gagner un peu d'argent sans travailler!

- Je pense que Tony n'est pas normal lorsque l'argent est en cause.Pouvoir en gagner tant si facilement! Il en a perdu la boussole. Nousavons eu de la chance qu'il se soit penché sur-moi comme il a fait, car,autrement, je n'aurais pas eu raison de lui. Je suis surtout fort des

cuisses et des jarrets et il m'a donné l'occasion d'utiliser mes muscles! »Tony Higgins reprenait peu à peu son souffle. Il aspirait l'air par 

longues goulées, tout en frissonnant. M. Matthews l'observait avecvigilance.

« Jeff, je sais que tu n'as pas encore ton permis, mais que tu saisconduire. Pour cette fois, je te permets de prendre ma voiture et dedescendre en ville. Demande à ton père de téléphoner à la police. Moi, je vais garder Tony. Ton père pourrait te ramener ici et vous iriez tous

les deux libérer M. Newcomb qui 

178

Page 179: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 179/182

 

est toujours dans son grenier. Il sera content de vousvoir, j'imagine.

- Bien, monsieur Matthews! » dit Jeff, en se dirigeantvers la fenêtre.

Tout en se glissant à l'extérieur, il prit une décision : il n'écrirait jamais de romans policiers; il se contenterait d'en lire. Les écrivains,décida-t-il, couraient trop de risques!

--------------------------------------------------------------------------------------

ALFRED HITCHCOCK : Tony Higgins est actuellement logé et nourriaux frais de l'État, ce qui le ravit. D'autant plus qu'on lui a expliqué quels impôtsil aurait dû payer s'il avait gagné mille dollars par semaine, ce qui l'a fait 

 sérieusement réfléchir.  Harley Newcomb est parti, pour l'Angleterre : les toits y tiennent 

 solidement sur les maisons, qui ont des siècles d'âge. M. Newcomb, voyez-vous,ne croit plus aux maisons modernes.

Quant, à vous, veuillez noter que, dans cette affaire, nous avons joué le

 jeu. Nous vous avons dit à quel point Tony aimait l'argent et nous avons préciséqu'il était propriétaire de la maison habitée par 

179

Page 180: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 180/182

 

 Harley Newcomb. Vous auriez donc pu déduire facilement qu'il mentait en indiquant la date où il avait vu le disparu pour la dernière fois. Nous avons mentionné les chaussures de pointures diverses quiétaient à la disposition de Tony et, nous vous avons même montré lecric supportant un toit. Si vous avez déduit que Tony était l'hommeauquel M. Newcomb avait parlé le premier du mois, vous êtes bon pour servir d'auxiliaires temporaires occasionnels de la police. Si vousen avez conclu qu'il était l'auteur de la disparition, vous serez promusofficiers de police adjoints. Si vous avez également résolu le mystèredes empreintes qui allaient en rétrécissant, vous ferez des officiers de police acceptables. Au cas où vous auriez pénétré le secret du toit et du cric, nommez-vous commissaires .sans tarder. En revanche, si tous

ces points vous ont échappé... Hein? Vous dites? Qu'ils ont aussiéchappé à la police? Je le sais bien. C'est tout à fait regrettable...

 Au moment de terminer ce Mystère de l'homme qui s'évapora, je soupçonne fort certains d'entre vous d'être déçus parce que la magienoire n'y jouait, en réalité, aucun rôle. Voilà donc pour vous uneexcellente leçon. Sachez qu'il n'y a pas de magie et que les tours les plus surprenants s'expliquent toujours de la façon la plus simple.

 Il faut maintenant que je vous dise adieu. J'espère que vous avez

  pris plaisir à notre petite excursion au pays des énigmes, et del'angoisse.

 En, outre, j'espère que vous garderez scrupuleusement pour vousles quatre clefs de nos quatre mystères. Comme je vous le disais dansmon introduction : vous avez pris la peine de -me lire, vos amis n'ont qu'à faire comme vous. 

180

Page 181: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 181/182

 

181

Page 182: Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères

5/11/2018 Alfred Hitchcock 1 Quatre mystères - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres 182/182