ALFRED LACROIX · 2014. 4. 24. · ALFRED LACROIX 1863-1948 par A. CHERMETTE. Evoquer la haute...

13

Transcript of ALFRED LACROIX · 2014. 4. 24. · ALFRED LACROIX 1863-1948 par A. CHERMETTE. Evoquer la haute...

  • V

    ils indiquent un climat donné . Leur étude sera granulométrique et morphosco-pique. Elle montre, par exemple, que les sables éoliens sont fins, homométri-ques et striés (ce dernier caractère leur donne un aspect mat) . Les sables d erivières sont mal triés et luisants .

    Les galets de moraines sont anguleux et mal triés . Les galets de rivière ssont moins anguleux. Les galets marins sont homométriques et arrondis . On vadonc étudier en laboratoire les dimensions, l'arrondi et l'applatissement de sgalets .

    Les minéraux argileux formés par altération des granites seront de natur edifférente suivant le climat régnant . L'illite se forme en climat tempéré et l akaolinite en climat tropical humide .

    Ceci nous montre l'importance de la sédimentologie en paléoclimatologie .Ses résultats s'associent à ceux de la paléontologie pour nous aider à reconsti-tuer les climats passés .

    CONCLUSION

    Chaque climat marque de ses stigmates la surface de la terre . Ces stigmatessont longs à s'effacer mais rien n'est définitif, les transformations sont conti-nuelles . Heureusement pour le paléoclimatologue, dans une dépression ou dan sune grotte, une accumulation de sédiment va nous permettre de « lire » ce stémoins des climats vécus par la région étudiée .

    Pour conclure on peut dire que la terre est un livre qui s'offre à la lectur ede tous . Encore faut-il apprendre à lire .

    ALFRED LACROIX1863-194 8

    par A . CHERMETTE .

    Evoquer la haute figure d'Alfred LACROIX, c'est relater la vie d'un savantrenommé qui illustra grandement notre pays pendant près de soixante-dix an set dont le nom demeure étroitement attaché à tout ce qui a trait à la scienc eminéralogique . Il n'est guère possible en effet de parler de minéraux sans s eréférer à l'oeuvre immense de cet homme de haute conscience, de noble caractèr eet de forte volonté dont la carrière extraordinairement féconde fut tout entièr evouée à la recherche et à l'étude des minéraux .

    François, Antoine, Alfred LACROIX est né à Mâcon le 4 février 1863 dans un efamille de médecins et de pharmaciens vivant depuis longtemps sur les bord sde la Saône. Son grand-père, Antoine dit Tony LACROIX, né à Saint-Laurent(Ain) le 11 juin 1803 et mort à Mâcon le 14 septembre 1884 et son père François ,Pierre, dit Francisque LACROIX, né à Mâcon le 11 novembre 1835 et décédéà Cluny le 6 octobre 1905 avaient fait leurs études de pharmacie . Ils avaienttous deux un fort penchant pour les sciences naturelles .

    A Paris, Tony LACROIX avait suivi les cours du chimiste Nicolas VAUQUELINau Muséum qui le voyant s'intéresser aussi vivement à la minéralogie l'avait pri sen amitié et en avait fait son préparateur . Mais en 1828, Tony LACROIX avait dûrevenir à Mâcon pour ouvrir une pharmacie dans une maison fort ancienne, ruePhilibert-Laguiche, tout en conservant l'amour de la chimie et plus encore dela minéralogie . Dans son officine un vaste local abritait de hautes vitrines dan slesquelles se trouvait sa collection de minéraux, souvenir de VAUQUELIN, ains i

    BULLETIN DE LA SOCIETE LINNEENNE DE LYON, 49e année, n" 4, avril 1980 .

  • V I

    que les objets en bronze de l'époque gallo-romaine qui devaient plus tard émer-veiller les regards d'un petit-fils attentif .

    Francisque LACROIX, fils de Tony et père d'Alfred, avait été aussi pharma-cien et chimiste à Mâcon depuis 1861 . Au cours de ses randonnées minéralogique sdans la région de Mâcon, Tony LACRoIx découvrit en 1841 dans la mine de manga-nèse de Romanèche un minéral qui ne se rapportait à aucun autre . Il en confi al'étude au minéralogiste Armand DUFRENOY qui y reconnut une espèce nouvelle .Tony LACROIX proposa de l'appeler « Lamartinite » en l'honneur du poète, so ncompatriote dont il était l'ami . Mais DUFRENOY jugea imprudent de lui donnerle nom de LAMARTINE, attendu que le poète-député venait de prononcer le 18 aoû t1842 un violent discours contre le gouvernement . Pourtant dans une lettre d u3 janvier 1843, conservée aux Archives de l'Académie de Mâcon, LAMARTINE avai técrit à Dessertaux «quant à la pierre, je suis très fier d'avoir mon nom sur u nélément. C'est plus solide qu'un journal » .

    En fin de compte, le nouveau minéral, qui est un arséniate de fer fut appel éarséniosidérite par DUFRENOY .

    Dès sa plus tendre enfance, Alfred LACROIX se trouva imprégné des goût sde son grand-père auprès duquel il aimait à se trouver et dont il contemplait le svitrines toutes pleines de merveilleux cailloux .

    Plus tard, Alfred LACROIX se plaira à raconter comment enfant il s'amusai tà constriure des châteaux avec de jolis cubes de pyrite de Barcelonnette décou-verts dans les vitrines de son aïeul à la grande joie de ce dernier, qui fut ains ison premier maître en minéralogie et fit jaillir en son esprit cette flamme degrand collectionneur qui ne s'éteindra qu'avec lui .

  • vi i

    Elève de 4' au Lycée de Mâcon, il maniait déjà le chalumeau et dévorait le souvrages de BERZELIUS, de HAUY, de PISANI et de DUFRENOY, commençant à reco n-naître les faciès des minéraux au retour de la classe quotidienne . Pendant le svacances, il accompagnait son grand-père dans de longues excursions à traver sle Charolais, le Mâconnais, l'Autunois, l'Auvergne en rapportant une ampl emoisson de minéraux . Ses premières récoltes eurent lieu sur les déblais desmines de manganèse de Romanèche, alors en pleine exploitation, non loin d eMâcon .

    A l'âge de seize ans, il publie sa première note dans la Feuille des Jeune sNaturalistes. Deux ans plus tard, à sa sortie de la classe de rhétorique, il demanda ,sur le conseil du minéralogiste Ferdinand GONNARD à faire partie de la Sociét éMinéralogique de France qui venait d,'être fondée en 1878 .

    Le 10 mars 1881, il y était reçu par son Président, Ch . FRIEDEL, qui acceptai tde publier dans le Bulletin de la Société une petite note du jeune minéralogist esur la mélanite de Lantignié, une de ses premières récoltes dans le Beaujolais .

    Alfred LACROrx quittait le Lycée de Mâcon en août 1881 avec le grade d eBachelier ès Lettres et ès Sciences . Les deux années suivantes, il faisait sonstage de pharmacie à Mâcon tout en envoyant trois nouvelles notes à la Sociétéde Minéralogie au cours de l'année 1883 .

    En octobre 1883, Alfred LAcRoIx arrive à Paris et s'inscrit à l'Ecole de Phar-macie mais dès le 8 novembre, il se précipite à la séance de rentrée de la Sociét édont il est membre depuis deux ans. Son émotion est grande de se trouver a umilieu des maîtres de la minéralogie française, inconnus pour lui mais qu il'accueillent avec bienveillance . Il se rend ensuite au Muséum et se présente a u

    BULLETIN DE LA SOCIETE LINNEENNE DE LYON, 49i' année, n^ 4, avril 1980 .

  • Professeur Alfred DES CLOIZEAUX auquel il offre de beaux échantillons de micro-cline de l'Autunois, des minéraux de manganèse de Romanèche et diverse sautres pièces provenant de ses récoltes .

    Le Professeur, agréablement surpris de voir avec quelle aisance le jeun ehomme reconnaissait de nombreuses pièces de sa collection personnelle le pren den amitié et le fait venir souvent dans son laboratoire, lui permettant ainsi d ecombler ses lacunes en cristallographie, le prenant même comme secrétaire .

    LACROIx fait un jour la connaissance d'un russe, KOKSCHAROW, fils du célèbr ecristallographe russe, qui le conduit au Collège de France pour assister au cour sde Ferdinand FouQuÉ, alors le maître de la pétrographie, brillamment assist épar Michel-Auguste LÉVY . Après les cours qui ont lieu à neuf heures du matin ,FouQuÉ entraîne dans son laboratoire ceux des auditeurs qui désirent travail-ler avec lui . LAcRoIx est, bien entendu, de ceux-là et c'est pour lui une grand ejoie que de pouvoir s'initier aux méthodes nouvelles d'examen des minérau xet des roches en lumière polarisée . Il suit encore les cours de Ch . FRIEDEL à laSorbonne et de MALLARD à l'Ecole des Mines .

    De généreuses subventions versées par la Ville de Paris, permettent à cetteheureuse époque aux jeunes étudiants d'entreprendre des voyages à l'étranger .C 'est ainsi quavec allégresse, LACROix se voit proposer un voyage en Ecoss ependant les mois d'août et de septembre 1884 par FouQuÉ qui avait été frapp épar son ardeur et son enthousiasme .

    Ce devait être le premier d'une longue série de voyages lointains qui allaien tintervenir d'une manière décisive dans la vie scientifique de LACROIx . Il allai têtre ainsi de 1884 à 1887, pendant les vacances, chargé de mission successivemen ten Irlande, en Norvège, en Suède, à l'île de Gotland, en Italie, en Sardaigne, àl'île d'Elbe .Dans les armoires s'entassaient des dizaines de milliers de lames minces soigneu-sement étiquetées, les collections de roches et tous les souvenirs rapportés d eses nombreuses missions lointaines. Il avait entièrement réorganisé et enrichid'une masse énorme de matériaux nouveaux la Galerie de Minéralogie d uMuséum .

    L'heure de la retraite devait sonner le le octobre 1936 sans nullement arrêterson activité . Mais le 22 octobre 1944, un événement douloureux allait le frapperd'une manière irrémédiable, la perte de la compagne bien-aimée qui l'avait tou-jours accompagné . Alfred LACROIx s'enveloppa alors d'une tristesse silencieus eet s'efforça de travailler encore . Il devait venir à pied une dernière fois à so nlaboratoire le 12 mars 1948 puis s'éteindre le 16 mars dans sa 86 année san spostérité .

    L'oeuvre d'Alfred LACROIx est tellement vaste que l'on ne peut dans un ecourte notice qu'en faire ressortir les caractères essentiels . Il est possible d el'expliquer par sa vaste intelligence, sa puissance de travail et les condition sparticulièrement favorables dans lesquelles il fut placé au cours de sa vie .

    Dès son enfance à Mâcon il fut initié par son grand-père, son premier maître ,à la minéralogie qui s' imposa à lui comme une passion impérieuse et exclusive .A son arrivée à Paris à l'âge de 20 ans, il eu le rare privilège d'être pris enaffection par trois grands savants de l'époque, Alfred DES CLOIZEAUx, Ferdi-nand FouQuÉ, Auguste-Michel LÉvY dont il fréquentait les laboratoires, se tenan tau courant de leurs préoccupations scientifiques .

  • IX

    Il peut, au cours de ses voyages, perfectionner par des observations sur leterrain ses connaissances minéralogiques et lithologiques et rapporter une mois -son imposante de minéraux et de roches qui vont enrichir les collections duCollège de France et du Muséum .

    Il peut admirer les richesses incomparables du British Museum, étudier le scollections de BERZELIUS à Stockholm et contracter des amitiés avec les savant sde ces divers pays, amis de FouQuÉ et de DES CLOIZEAUx .

    Bien que la maîtrise du jeune minéralogiste s'affirmât de plus en plus, i ln'avait pas abandonné ses études de pharmacie et reçut même le 17 décembre1887 le diplôme de Pharmacien de Première Classe . Mais l'heure du choix étaitarrivée et FouQuÉ le lui fit comprendre sans ambages . LACROIX veut-il tenir unepharmacie comme son grand-père et son père, ou bien veut-il se consacrer exclu-sivement à la minéralogie. Bien entendu, LACROIX opta pour la minéralogi e« j'avais compris », devait-il écrire dans ses notes personnelles .

    FouQuÉ l'avait d'ailleurs fait nommer en novembre préparateur au Collèg ede France « Je crois encore entendre ses paroles si émouvantes et si vraies, di tLACROIx : Travaillez en paix mon ami, sans autre souci que vos recherches . Lesannées que vous passez ici sont précieuses, elles seront les meilleures de votrevie » .

    LACROIX devait travailler avec acharnement dans le laboratoire de FouQu Éen suivant scrupuleusement les consignes de son maître et commençant à réuni rla masse considérable d'observations et d'idées qui font aujourd'hui notreadmiration .

    Il termine entre temps la préparation de sa licence ès sciences et part, avan tde passer l'examen, en mission du Ministère de l'Instruction Publique et d uMuséum aux Etats-Unis et au Canada où il visite les Montagnes Rocheuses, lacôte atlantique et la région des Lacs . Il était brillamment reçu à son retour .

    Il avait été nommé ensuite en 1890 Chargé de Conférences de Pétrographi eà la Faculté des Sciences et répétiteur à l'Ecole pratique des Hautes Etude sdans le Laboratoire de FouQuÉ où il dirige avec succès les travaux de pétrogra-phie des candidats à l'agrégation .

    Comme FouQuÉ le lui avait prédit, les dix années que LACROIX passa a uCollège de France furent des années très précieuses pendant lesquelles il putfaire la preuve de son savoir . Mais il devait aussi y trouver le bonheur .

    Il ne tarda pas en effet à devenir le fiancé de Mademoiselle CatherineFouQuÉ, l'aînée des filles de son maître. Il l'épouse le 6 juin 1893 aussitôt aprèsla soutenances de sa thèse car la conquête du Doctorat était la condition impéra-tive mise par Ferdinand FouQuÉ à son mariage.

    Ce mariage devait être une union parfaite de deux personnalités en plein ecommunion de coeur et de pensée . LACROIX trouva en son épouse une compagn ed'élite, dévouée, une collaboratrice de tous les instants, l'accompagnant pendan ttoutes ses missions même les plus périlleuses . Notre fidèle souvenir doit le stenir tous deux étroitement associés .

    Le l er avril 1893, Alfred LACROIx, âgé de trente ans, succédait à DES CLoIzEAuxau Muséum, occupant la chaire de minéralogie illustrée par DAUBENTON, DOLOMIEU,HAUY, Alexandre BRONGNIART, DUFRENOY .

    Il devait pendant quarante-trois ans occuper cette chaire avec un éclatdigne de ses prédécesseurs et faire du laboratoire de minéralogie du Muséu mun centre de Recherches de grand rayonnement à travers le monde .

    Il y travaillait au milieu des portraits de ses « grands anciens », l'abb éHAUY, DOLOMIEU, DES CLOIZEAUx, Auguste-Michel LÉvY et le très cher FouQuÉ .BULLETIN DE LA SOCIETE LINNEENNE DE LYON, 49e année, n' 4, avril 1980 .

  • X

    Ces trois hommes exercèrent une influence considérable sur LACROIx . Ils secomplétaient de la plus heureuse façon, FouQuÉ, chimiste et minéralogiste, Miche lLÉVY, géologue enthousiaste attiré par les synthèses brillantes, DES CLOizEnu xpassionné surtout par la cristallographie géométrique et l ' optique des cristaux .

    Alfred Lncxoix eut encore la chance insigne de pouvoir entreprendre d enombreux voyages dans les différentes parties du monde et de retrouver à leu rplace les minéraux et les roches qu'il avait d'abord étudié dans son laboratoire .Ces missions lointaines lui permettaient aussi d'enrichir le Muséum des pièce sles plus rares et les plus belles .

    Une de ses premières tâches avait été en effet de régénérer la collectio nde minéralogie du Muséum demeurée en demi-sommeil depuis Charle sBRONGNIART. Par ses récoltes personnelles d'abord, puis par les dons qu'il savai tsusciter et par les matériaux envoyés par ses nombreux correspondants il n ecessa durant quarante ans d'enrichir et de rendre plus attrayante notre Galeri edu Muséum, inscrivant lui-méme au Catalogue la nature et l'origine des échan-tillons nouvellement acquis .

    Un de ses soucis majeurs fut de faire ressortir les richesses de la Franc emétropolitaine et de la France d'Outre-Mer que les traités généraux de l'époqu eet les collections publiques tendaient à faire connaître comme fort pauvres e nminéraux . Alfred LACROIx s'attacha à démontrer que cette pauvreté n'était qu'ap-parente et que la France ne le cédait en rien aux pays les plus réputés au poin tde vue de leur intérêt minéralogique .

    Ce fut l'origine de ses deux plus grands ouvrages, la « Minéralogie de l aFrance et ses colonies » et la « Minéralogie de Madagascar » . Le premier ouvragemagistral en cinq volumineux tomes paru de 1892 à 1913 constitue un répertoir eminutieux de toutes nos richesses minérales . Les minéraux y sont décrits nonseulement avec leurs propriétés physiques et chimiques mais encore avec leu rrôle dans la nature et leurs conditions de gisement permettant d'éclaircir leu rorigine . Véritable bible que tout collectionneur ne cesse de consulter et qui n' ad'équivalent en aucun autre pays, ce monumental ouvrage doit faire date dan sl'histoire de la minéralogie . Il est encore tellement recherché aujourd'hui qu edeux réimpressions intégrales en ont été faites dans les vingt dernières années .

    Une des préoccupations dominantes d'Alfred LACROix fut aussi d'enrichi rla collection en matériaux provenant des territoires français d'Outre-Mer don tla minéralogie était si peu connue .

    Son attention fut spécialement attirée sur Madagascar dont il entrepri tl'étude avec une volonté tenace . Durant quinze ans, il étudia les matérieux d etoutes sortes accumulés dans son laboratoire avec l'aide du Général Galliéni ,Gouverneur de Madagascar, et la collaboration intelligente d'administrateurs ,d'officiers et de colons avant de pouvoir lui-même visiter un jour la Grande Il edont il aimait à évoquer le charme ressenti au cours de ses longues randonnée sen filanzane dans la brousse malgache . Il devait en résulter un monumenta louvrage en trois tomes sur la « Minéralogie de Madagascar » paru en 1922 et1923 et réunissant un nombre prodigieux d'observations .

    La carrière extraordinairement brillante de ce grand homme de Science qu efut Alfred LACROrx devait être marquée par un moment crucial qui allait laisse rune trace profonde dans le domaine de la Physique du Globe . Le 8 mai 1902, levieux volcan de la Montagne Pelée à la Martinique, éteint depuis des siècles ,avait eu un réveil tragique, anéantissant en quelques secondes la ville de Saint -Pierre située à ses pieds et ensevelissant sous ses décombres ses 28 000 habitant sasphyxiés par la nuée ardente issue du volcan .

  • X I

    Ce phénomène terrifiant était inconnu dans l'histoire du volcanisme . L'Aca-démie des Sciences et le Ministère des Colonies décidèrent aussitôt d'envoyersur place une mission chargée d'étudier les circonstances de la catastrophe .LACROIX qui avait visité en 1896 l'île volcanique de Théra, dans l'archipel deSantorin sous la conduite de FOUQUG et qui connaissait fort bien aussi le volca-nisme du Vésuve était tout désigné pour diriger cette mission . Il quitta Saint -Nazaire le 9 juin et séjourna à la Martinique du 23 juin au 1`0'' août . A peineétait-il de retour en France, le 16 août, après avoir visité le volcan de la Guade-loupe qu'une nouvelle éruption meurtière avait lieu le 30 août . Le Ministre de sColonies d'alors, Gaston DOUMERGUE, demanda à Alfred LACROIx de retourne rlà-bas . Il demeura alors du 1". octobre 1902 au 13 mars 1903 en compagnie d eMadame LACROIX .

    3 . A . LACROIX au milieu de ses élèves dans le laboratoire de minéralogi eau Muséum d'Histoire naturelle de Paris .

    Il eut à sa disposition l'aviso « Le Jouffroy » et ses observations furent d equalité exceptionnelle attendu qu'elles permirent de savoir comment se formen tles dômes et les nuées ardentes . Toutes les conséquences en furent exposées dan sdeux magnifiques ouvrages richement illustrés de photographies dont les plu sbelles sont signées A. & C. LACROIX .

    Ces ouvrages eurent le grand mérite de fournir l'explication d'un phéno-mène jusqu'alors inconnu dans le domaine de la vulcanologie et apportant à l aPhysique du Globe des clartés nouvelles du plus haut intérêt .

    BULLETIN DE LA SOCIETE LINNEENNE DE LYON, 49e année, n° 4, avril 1980 .

  • XII

    De ce fait, le « philosophe des minéraux et des roches» comme l'avait appel éPierre TERMIER devint l'homme des volcans, ne disait-il pas « les volcans sont d emes amis » . Il a bien défini à la Martinique le type de volcan peléen deven uclassique depuis et caractérisé par un dôme à pente raide dominé par la montéed'une aiguille de lave presque solide . Le dégagement des gaz est rendu trè sdifficile par la viscosité de la lave obstruant les sorties, il est brusque, intermit-tent et forme les nuées ardentes .

    La nuée ardente qui dévasta Saint-Pierre était un panache de gaz de cendre set de blocs incandescents à haute températrue dévalant le flanc du volcan à un evitesse de plus de 1 000 km à l'heure détruisant tout sur son passage, toute vie o uoeuvre humaine . C'est de loin le type d'éruption le plus catastrophique .

    Au cours de sa dernière mission à la Martinique, Alfred LAcROIX a p uobserver de près dix-sept éruptions de ces nuages denses dont une particulière -ment violente le 25 janvier 1903 à la tombée du jour . Il put l'observer en compa-gnie de Madame LACROIx, montés sur le toit de la casemate qui leur servait d erefuge en cas de danger .

    Tous deux du reste ne devaient jamais se départir du plus inaltérable sang-froid. Au cours de la visite du volcan de La Soufrière de Saint-Vincent, petit eîle au Sud de la Martinique, ils avaient assisté à un formidable jet de vapeuret de boue qui par bonheur les épargna ainsi que leurs compagnons . Ce qu idevait faire dire plus tard non sans humour à LACROIX « nous avons eu beaucoupde chance que ce jour-là le tir du volcan ait été bien réglé verticalement » .

    L'étape la plus passionnante de la vie scientifique d'Alfred LACR.OIx devai têtre sans conteste l'observation de l'édification sur le dôme de la Montagn ePelée d'une aiguille s'allongeant avec une intensité variable arrivant à croîtr ede 60 m en quatre jours pour atteindre une hauteur finale de 250 m malgréd'incessants éboulements .

    Les séjours de LACROIx à la Martinique et les observations qu'il en rapport acontribuèrent certainement à consacrer sa célébrité . Il fut élu Membre de l'Aca-démie des Sciences le 11 janvier 1904. Il aimait plaisamment à dire « je sui sentré à l'Institut sous l'irrésistible poussée d'un volcan » .

    lI devait du reste voir beaucoup d'autres volcans . En 1906, il assiste à uneviolente éruption du Vésuve, en 1911 à celle de l'Etna, il étudie le Piton de laFournaise dans l'île de La Réunion au cours d'une remarquable mission à Mada-gascar .

    Infatigable, il parcourt en 1913 la Guinée, le Soudan, l'archipel de Los a ularge de Conakry, où il étudie la remarquable série des syénites néphéliniques àvilliaumite. Il convient de souligner à ce propos que l'éruption de la Montagn ePelée lui avait fait découvrir les pays tropicaux vers lesquels son attention ulté-rieure devait être plus spécialement orientée .

    Il devait à maintes reprises intervenir auprès de l'Administration colonial epour démontrer que toute tentative de mise en valeur d'un pays neuf devai têtre précédée de son étude scientifique complète et plus spécialement de l'étud ede son sol car « les découvertes ne se font pas à volonté et sont généralement l erésultat d'un long effort » .

    Il se préoccupa également du sort de chercheurs coloniaux et c'est grâce àl 'appui de son autorité que le statut des Géologues coloniaux put voir le jou rà la veille de la dernière guerre mondiale .

    A partir de 1914 le rythme de ses voyages se ralentit . C'est la guerre et i lvient d'être nommé, le 8 juin, Secrétaire Perpétuel de l'Académie des Sciences,

  • poste qu'il occupa avec le plus complet dévouement et le plus parfait désintéres-sement pendant trente-quatre ans jusqu'à sa mort en 1948 .

    L'importance de ses charges ne lui laissait guère le temps de faire de grand svoyages . Il représente toutefois l'Académie au 3' Congrès Panpacifique d eTokyo en 1926 et une seconde fois au Congrès scientifique du Pacifique tenu àJava en 1929 . Ce sera pour lui l'occasion de parcourir les pays de l'Est asiatiqu eet de connaitre en particulier les Indes Néerlandaises avec leurs nombreu xvolcans .

    Parallèlement, malgré les crédits restreints qui lui étaient alloués, A .LACROix a pu équiper le Laboratoire de Minéralogie du Muséum de l'outillagepropre aux recherches minéralogiques modernes et en faire un centre de recher-ches de grand rayonnement ouvert à tous .

    4 . A . LACROIX dans son laboratoir edu Muséum d'Histoire naturelle .

    Novateur, il a complètement renouvelé la conception un peu étriquée de laMinéralogie qu'on se faisait avant lui . Il se plaisait à dire que la minéralogie es tsituée à un carrefour où convergent les sciences mathématiques physiques, chimi-ques et naturelles . Mais, naturaliste avant tout, il voit dans le minéral un compos é« ayant sa raison d'être dans la nature et qui ne doit pas être étudié exclusive -ment en dehors des conditions de milieu dans lesquelles il s'est formé » .

    Ainsi LACROix en vient à replacer les minéraux dans les roches qui lescontiennent en rapprochant géologie et minéralogie « l'union de la géologie e tde la minéralogie doit être intime, disait-il . Elle est indispensable et constituemieux qu'un mariage de raison . Seule, elle peut conduire à des notions d'origine ,but suprême des sciences naturelles » .

    Minéralogiste, LACxorx fut aussi pétrographe et géologue . Ses séjours dan sles pays tropicaux l'ont amené à l'étude des phénomènes de latéritisation de sBULLETIN DE LA SOCIETE LINNEENNE DE LYON, 49, année, n" 4, avril 1980 .

  • XIV

    roches sous les climats tropicaux . C'est lui qui a précisé le mécanisme de l aformation des latérites par une concentration des hydrates de fer et d'alumin eau cours de l'altération uniforme des roches silicatées de ces pays .

    L'étude des roches terrestres devait normalement le conduire à celle desroches d'origine extra-terrestres, les météorites et les tectites dont il a considé-rablement augmenté les collections du Muséum qui figurent aujourd'hui parm iles grandes collections mondiales .

    Il a plus particulièrement recherché les fragments de ces roches provenantde chutes nouvelles survenues dans les territoires d'Outre-Mer. Les mystérieu-ses tectites, fragments de verre fondu de couleur noire ou verte que l'on trouveà la surface du globe en Indonésie, en Australie, en Thaïlande, en Côte-d'Ivoir ese seraient formées d'après LACROIX dans l'atmosphère terrestre par oxydatio nviolente et à haute température d'un type de météorites formées essentiellemen tde silicium et de métaux légers instables en présence de l'oxygène .

    Très attaché à la genèse des minéraux et des roches, A . LACROIx était toutnaturellement amené à se pencher plus spécialement sur la catégorie des roche sdites métamorphiques qui dérivent des transformations subies par les roche séruptives et par les roches sédimentaires .

    Ses études sur le métamorphisme ont surtout porté sur les Pyrénées o ùl'étude des minéraux formés au niveau des auréoles de contact a retenu touteson attention et l'a conduit à des résultats devenus rapidement classiques . Sesrecherches sur la formation des minéraux et des roches devaient le conduirevers la réalisation d'expériences synthétiques, comme en avaient déjà entrepri sses maîtres FouQUÉ et Michel LÉvy de 1878 à 1881, mais l'insuffisance de crédit sne lui permit pas de s'engager à fond dans cette voie . Il se contenta donc deporter son attention sur des synthèses plus accessibles accidentellement pro -duites dans la nature .

    Les scories des anciennes mines du Laurium, exploitées en Grèce du temp sde Périclès, encore riches en plomb et jetées à la mer ont donné lieu sous l'in-fluence de l'eau de mer agissant depuis plus de deux mille ans à la formation denombreux minéraux oxydés . LACxorx y a découvert plusieurs espèces nouvelles .

    Il a pu identifier des minéraux formés aux dépens de cadavres dans de scercueils très anciens . Il a encore analysé soigneusement ces curieux tubes creuxet irréguliers de sable fondu que l'on trouve dans les dunes sur le trajet de l afoudre et qu'on dénomme fulgurites au Sahara .

    Ses études sur la composition des roches et de tous les produits émis par le svolcans sont devenus classiques de même que ses travaux de classificaiton de sroches éruptives. Les incendies souterrains des houillères du Massif Centra ldevaient lui permettre d'étudier la formation de silicates lors de la recristallisa-tion de roches fondues .

    La prodigieuse activité de A . LAcxorx ne s'est pas bornée à la minéralogi ecar il avait aussi un goût marqué pour l'Histoire des Sciences . Ses fonctions deSecrétaire Perpétuel de l'Académie des Sciences lui fournirent l'occasion de bros-ser de main de maître les portraits des membres disparus de la Compagnie, mai sses recherches historiques s'étendirent à la vie et à l'oeuvre des grands natura-listes français .

    Sous le titre de « Figures de Savants » il publia de 1932 à 1938 un ensembl ede quatre volumes avec photographies et autographes dans lesquels il nous révèl eles figures si attachantes de HAuY, de Déodat DoLOMtEu . Outre les savants de l amétropole il s'attache tout particulièrement à faire connaître les figures d enaturalistes ayant travaillé dans les colonies françaises à la fin du xvttr' siècle

  • XV

    et jusqu'au début du xrxa siècle . On retrouve là son souci de réserver une larg epart à la recherche scientifique dans les territoires d'Outre-Mer .

    « L'histoire de la Science, disait-il, ne saurait être séparée de l'histoire de ssavants » . Toujours d'une scrupuleuse honnêteté scientifique, il estimait qu'u ndes rôles de l'histoire des Sciences était de « rendre à tout travailleur la justic equi lui est due » .

    Pour dessiner ces « Figures de Savants » il employait selon ses propres termes« la bonnne méthode des sciences naturelles, celle qui consiste à ne néglige raucun détail en fouillant le sujet sous tous ses aspects afin de bien situer l epersonnage dans le temps et dans l'espace » .

    Ses études sur les volcans l'amenèrent à aider puissamment l'organisation e nFrance des Instituts de Physique du Globe et le développement des recherche sgéophysiques dans les territoires d'Outre-Mer et tout spécialement à la Marti -nique .

    Il a encore largement travaillé à l'extension des bibliothèques et des Archive stant du Muséum que de l'Académie des Sciences . On lui doit en particulier uninventaire général des périodiques scientifiques appartenant aux bibliothèque sde Paris qui a rendu les plus grands services .

    La riche personnalité d'Alfred LACROIX se caractérise avant tout par un eprodigieuse puissance de travail et par un feu sacré si affectueusement entre -tenu par une compagne fidèle qui le suivit partout au cours de sa longue carrière .LACROIx avait un véritable tempérament de naturaliste servi par un don excep-tionnel d'observation, une prodigieuse mémoire et une merveilleuse intelligence .

    « Ses livres, a dit Pierre TERMIER en lui remettant le 28 avril 1919 la médaill eGAUDRY décernée par la Société Géologique de France, sont de véritables trésor sd'observations minutieuses et délicates, faites avec un tel soin et une tell econscience qu 'elles paraissent presque toujours définitives » .

    Il était l'ennemi des extrapolations hâtives, conservant toujours une extrêm eprudence dans l'interprétation de ses résultats, et ennemi de tout conformisme .

    La plus grande liberté était laissée à ses élèves pourvu qu'ils travaillent ave cardeur. Ses leçons étaient une riche mine de documents, d'observations et d'idées.

    Dans son laboratoire, sa plus grande joie était de travailler au milieu de sesélèves à proximité de ses collections de roches entretenues avec amour . Sa bell esilhouette penchée sur le microscope est inoubliable pour tous ceux qui l'on tconnu .

    Assidu aux séances de la Société de Minéralogie, dont il fut cinq foi sPrésident, il se plaisait à y présenter et à y décrire minutieusement les plusbeaux minéraux de la France d'Outre-Mer, principalement de Madagascar .

    LACROrx était un homme d'une haute conscience et d'une grande largeur devues, courageux, équitable, doué d'une grande finesse d'esprit, maniant l'ironi esans méchanceté, créant autour de lui une franche cordialité s'alliant fort bienavec la dignité de son attitude.

    Il aimait la simplicité et la sincérité, n'appréciant guère les manifestation sextérieures imposées par ses fonctions comme le prouve ce dernier témoignagede modestie de sa part « je rappelle que je veux être inhumé sans cérémoni ed'aucune sorte en présence des miens seulement . Cela ne veut pas dire que j esuis indifférent vis-à-vis de mes confrères, élèves et amis, mais je n'attache qu epeu de prix aux manifestations ultérieures . Je leur demande seulement de m eBULLETIN DE LA SOCIETE LINNEENNE DE LYON, 49, année, n° 4, avril 1980 .

  • XV I

    conserver une petite place dans leur souvenir ce qui peut se faire sans quitterson travail et sa vie normale » .

    Son unique préoccupation fut de travailler, ce qu'il fit jusqu'à ses dernier sjours et ce qui fut aussi sa suprême consolation quand sa prodigieuse vitalit éeut été cruellement ébranlée par la disparition de sa vigilante compagne .

    L'oeuvre de LACROlx nous remplit d'admiration par sa précocité et so nétendue . Il avait déjà rédigé plus de 60 publications avant d'obtenir sa licenceès sciences . Il lui est même arrivé plus tard de présenter 36 communications enune seule année . Il avait découvert plus de 40 minéraux, ces chiffres sont évo-cateurs d'une puissance de travail peu commune .

    La bibliographie de ses travaux, achevée par lui-même avant sa mort, - i len avait même corrigé les épreuves - comprend 664 titres sans compter sesgrands ouvrages bien connus telle « La Minéralogie de la France », « La Minéra-logie de Madagascar », la splendide monographie sur la Montagne Pelée .

    Les honneurs ne manquèrent pas à ce créateur passionné dont les travau xeurent un retentissement considérable . A peine âgé de trente ans, il occupait l achaire de minéralogie au Muséum ; entré à l'Académie à quarante-et-un an, i len fut le Secrétaire Perpétuel dix ans plus tard et le demeura pendant trente -quatre ans .

    Il était membre des plus célèbres académies, Docteur Honoris Causa des Uni-versités les plus illustres, titulaire de médailles renommées, entre autres celle d ePENROSE, de la Société Géologique d'Amérique qui, avant lui n'avait été décerné eque deux fois . Il fut promu Grand Officier de la Légion d'Honneur en 1935 .

    Alfred LACROIx honora grandement notre pays . Son oeuvre solide comme l egranite est celle d'un des plus grands représentants de la pensée française .

    Lyon, octobre 1979 .A. CHERME11E .

    BIBLIOGRAPHI ETraité de Zoologie publié sous la direction de Pierre-P. GRASSÉ, membre de

    l'Institut . - Tome VIII, Insectes : Thorax - Abdomen, Fascicule II par J .BITSCH et R. MATSUDA. - Masson éd . Paris - New York - Barcelone - Milan .Dernier paru dans la collection bien connue qui porte le nom de Traité de Zoologie ,

    cet ouvrage comporte en réalité deux parties distinctes . R . MATSUDA y traite la morpho-logie du thorax et des appendices thoraciques et J . BrrscH décrit l'abdomen et les geni-talia . Le plan suivi est le même dans les deux parties . Après un ex posé de la structur egénérale, vient une étude particulière de chacun des ordres de puis les protoures et le scollemboles jusqu'aux odonates. Il est impossible de résumer en quelques lignes ce s600 pages . 297 dessins et schémas complètent le texte, accompagnés chacun d'une légend epermettant au lecteur de suivre les descriptions. Le texte est concis mais toujour sparfaitement compréhensible et cet ouvrage répond à son but : faire le point sur no sconnaissances actuelles concernant le thorax et l'abdomen des insectes . La somme en estconsidérable . Il ne s'agit pas là d'un livre à l'usage des entomologistes systématicien smais à celui des zoologistes qui trouveront dans ce remar quable ouvrage le renseigne -ment précis dont ils auront besoin . Présentation et typographie sont soignées . Un indexalphabétique détaillé permet de trouver rapidement, soit le terme anatomique, soit l'ordr ed'insectes que l'on recherche . Une très abondante bibliographie met en valeur la richess edes connaissances qui y sont contenues .

    J . VIALLIER .

    N'' d'inscription à la C .P .P .P . : 52 199Le Gérant : Marc TERREAUX

    Imp . TERREAUX Frères, 157-159, rue Léon-Blum, 69 - Villeurbanne