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ALEXANDRE YERSIN (1863-1943) — UN TÉMOIGNAGE PHOTOGRAPHIQUE

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ALEXANDRE YERSIN

(1863-1943) — UN

TÉMOIGNAGE

PHOTOGRAPHIQUE

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Préface

Depuis 2015 l’Association des Admirateurs du Dr Alexandre Yersin en Suisse (AAAYS)

participe sur place à la sauvegarde (identifier, inventorier, numériser) du patrimoine Yersin

conservé à l’Institut Pasteur de Nha Trang au Vietnam, non seulement dans le but de sa

conservation à long terme, mais aussi avec l’objectif de sa mise en valeur, notamment

par des conférences, expositions, ainsi que par la création à moyen terme d’une

bibliothèque virtuelle.

La présente exposition de photos fait suite à une première exposition qui a eu lieu du 17

au 24 mars 2018 à Hô-Chi-Minh-Ville Saïgon dans le cadre de la Semaine de Francophonie

et en commémoration du 75ème anniversaire de la mort du photographe.

En 1890 Alexandre Yersin (1863-1943), médecin d’origine suisse, naturalisé français, est un

chercheur confirmé de l’Institut Pasteur de Paris, et une brillante carrière lui est promise.

Mais l’attrait du grand large et son besoin intarissable de liberté et d’indépendance lui

font quitter la France pour l’Indochine.

Yersin passera le reste de sa vie dans ce qui est aujourd’hui le Vietnam. Il sera tour à tour

médecin, navigateur, explorateur, cartographe, ethnologue, microbiologiste, éleveur,

agronome, puis botaniste, météorologue, astronome, spécialiste de T.S.F., et aussi

photographe !

Il consacrera sa vie à la santé des hommes et des animaux.

Il est aujourd’hui citoyen d’honneur du Vietnam.

L’Ambassade du Vietnam en Suisse est heureuse de pouvoir présenter, en collaboration

avec l’AAAYS et la Ville de Morges, un choix de photos prises par le Dr Yersin en Indochine,

entre 1892 et 1941. Les photos présentées sont des impressions de fichiers numériques

restaurés, obtenus à partir des originaux conservés à l’Institut Pasteur de Paris (Musée

Pasteur et Service des archives), au Musée Yersin à Nha Trang, et par la famille de feu

Yvonne Bastardot-Yersin à Colombier-sur-Morges.

Le choix de photos est complété par quatre posters explicatifs (biographie du

photographe, le photographe en tant que tel, les techniques photographiques utilisées,

le travail de restauration).

Nous remercions l’AAAYS pour son engagement, ainsi que la Ville de Morges pour la

généreuse mise à disposition se son Espace 81, et souhaitons à tous les visiteurs beaucoup

de plaisir dans la découverte de ce magnifique témoignage photographique.

Pham Hai Bang, Ambassadeur du Vietnam en Suisse

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Introduction

L’invention de la photographie est imputable à Joseph « Nicéphore » Niépce (1765-1833),

inventeur, photographe et ingénieur français, et date vraisemblablement de 1824, bien

qu’il ait réussi en 1816 à réaliser le premier négatif, sans toutefois pouvoir le fixer. En 1824 il

place des pierres lithographiques recouvertes de bitume au fond d’une chambre obscure

et obtient pour la première fois au monde, l’image fixée d’un paysage. Il faut un temps

de pose extrêmement long de plusieurs jours en plein soleil !

En 1929 Niépce s’associe avec Louis Daguerre (1787-1851), artiste et décorateur français.

Le but de l'association est de commercialiser les fruits de sa nouvelle découverte, à parts

égales, Niépce apportant son invention, et Daguerre ses relations et son « industrie ». Mais

Niépce meurt prématurément en 1833 et il reviendra à Daguerre de présenter seul la

découverte du premier à l'Académie des sciences le 9 janvier 1839, par l’intermédiaire de

François Arago (1786-1853). Le daguerréotype est breveté et le brevet de Daguerre est

acquis par le gouvernement français, ce qui permettra à l'Académie, en publiant les

détails du procédé le 19 août 1839, d'en doter libéralement le monde entier. Rappelons

que le daguerréotype est un procédé uniquement positif ne permettant aucune

reproduction de l'image.

De son côté William Henry Fox Talbot (1800-1877), homme de sciences britannique et autre

pionnier de la photographie, commença à s'intéresser aux images obtenues avec une

chambre noire en 1833. Il expérimente, dès 1834, le dessin photogénique, premier

procédé photographique qui permet d’obtenir des images négatives sur papier. Ce

procédé ne sera réellement divulgué par son inventeur qu’à la suite de l’introduction du

daguerréotype, en janvier 1839. Mais Talbot est aussi l’inventeur du calotype, ou

talbotype, qu'il breveta en 1841. Ce procédé photographique permettait d’obtenir de

multiples images positives sur papier à partir d'un seul négatif. Talbot mena ses recherches

en parallèle avec celles de Daguerre. Après l’annonce de l’invention du daguerréotype

en 1839, il tenta de faire reconnaître l’antériorité de ses travaux. Il n’y parvint pas, mais son

procédé du négatif-positif devint la base de la photographie argentique moderne.

L’émotion suscitée par les révélations publiques du 19 août 1839 est sans doute

comparable à l’enthousiasme provoqué en 1969 par le premier débarquement de

cosmonautes sur la lune, et peut-être que même cette comparaison n’est pas assez forte.

En effet le grand Nadar (1820-1910), Félix Tournachon de son vrai nom, écrivait à propos

de l’invention du daguerréotype :

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« Eclatant à l’imprévu, au maximum de l’imprévu, en dehors de tout ce qui pouvait

s’attendre, déroutant tout ce qu’on croyait connaître et même le supposable, la nouvelle

découverte se présentait assurément, comme elle reste, la plus extraordinaire dans la

pléiade des inventions qui font déjà de notre siècle interminé le plus grand des siècles

scientifiques ».

Quand Alexandre Yersin naît en 1863, le célèbre Nadar, caricaturiste, écrivain, aéronaute

et photographe français, a déjà publié à partir de 1854 une série de portraits

photographiques de personnalités contemporaines, dont, entre autres, Charles

Baudelaire, Hector Berlioz, Sarah Bernhardt, Jean-Baptiste Camille Corot, Gustave

Courbet, Gustave Doré, Alexandre Dumas, Victor Hugo, Émile Zola, Franz Liszt, Édouard

Manet, Guy de Maupassant, Gérard de Nerval, Jacques Offenbach, Gioacchino Rossini,

George Sand, Jules Verne et Richard Wagner. Nul doute que Yersin a dû en voir passer…

Mais l'avènement de la photographie, invention des plus incroyables pour l'époque,

représente aussi un événement anthropologique majeur. Soudain, la documentation de

toute chose devient possible, la réalité transportable d'un lieu à l'autre par ce témoignage

sûr. Du reste, on ne se privera pas du désir insatiable de « rendre compte », à travers la

photographie. On le fera dans les espaces les plus divers de la connaissance : inventaires

des monuments, photographie exotique ou anthropologique, topographie, photographie

de reportage, chronophotographie, ainsi que la pluralité de formes de la photographie

scientifique.

Ainsi la photographie, en documentant le monde et en éternisant l'instant et les êtres, se

positionne dans les divers espaces de la société et y positionne ceux qui la pratiquent,

ceux qu'elle donne à voir, ceux qui la regardent ou la font circuler. Elle offre, renforce ou

ratifie des statuts sociaux et des espaces sociétaux. C’est aussi sous cet angle qu’il faut

aborder des productions aussi diverses que la carte de visite, la carte postale, la

photographie d'art et le portrait officiel.

Nous venons de citer la photographie d’art, mais il faut savoir qu’aux débuts de la

photographie tout le monde ne l’entendait pas de cette oreille-là. Non, il faudra vaincre

les préjugés, réticences, rivalités de toute sorte pour permettre à la photographie de

s’imposer en tant qu’expression artistique. Il faudra des hommes forts et passionnés pour

convaincre. Frédéric Dillaye (1848-1914), fonctionnaire au ministère des finances, puis

journaliste, écrivain et photographe, dont plusieurs de ses fameux ouvrages sur la

technique photographique se trouvent dans la bibliothèque du Dr Yersin à Nha Trang,

s’exprimait ainsi en 1896 :

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« La Photographie, en dehors de toutes ses

applications connues et courantes, est un art ;

donc il y a lieu de chercher à établir son

esthétique particulière. J’ai la satisfaction de

penser que je ne m’étais point trompé, puisque

plusieurs manifestations publiques en faveur de

l’Art photographique ont surgi, éclatantes et

affirmatives. Plus n’est besoin de discuter si la

photographie est un art : L’Art photographique

existe … Toutefois, si la photographie est un art,

on ne saurait admettre que tous ceux qui se

servent de la chambre noire fassent ou puissent

faire œuvre d’art, pas plus que nous

n’admettons, ni ne saurions admettre, que tous

ceux qui touchent du piano, pétrissent de la

terre glaise ou mélangent des couleurs soient

des musiciens, des sculpteurs ou des peintres.

Pour être de ceux-ci il faut, tout d’abord,

posséder des aptitudes sensorielles particulières

et développer, ensuite, ces aptitudes par des

études préalables et spéciales ».

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Yersin le photographe

« J'ai essayé de faire quelques

photographies à bord ; je t'envoie la moins

mauvaise qui représente un voilier dans le

détroit de Messine ; c'est un petit instantané

sans valeur ; j'espère t'envoyer mieux depuis

Aden. Il y a en particulier à bord un type de

clergyman anglais tout à fait à la Töpffer ; je

le guette pour le prendre un de ces jours ; il y

a aussi un vieux docteur type du savant, que

je prendrai aussi. Tout cela distrait et fait

passer le temps ».

(Yersin, lettre « en mer » du 29 décembre

1892 à sa mère)

« Je fais toujours de la photographie avec le

vérascope ; c'est un charmant passe-temps

et en même temps une chose utile, car

certains documents photographiques ne

sont pas sans valeur ».

(Yersin, lettre du 6 mai 1915 à sa sœur Emilie)

Il est possible de dater avec grande précision le début des essais photographiques de

Yersin en suivant les citations à ce propos dans la correspondance avec sa mère.

Contrairement à ce qui a pu être affirmé cette correspondance démontre que Yersin

n’avait pas encore d’appareil photographique lors de son premier voyage long-courrier

sur l’OXUS, parti de Marseille le 21 septembre 1890. N’écrit-il pas à sa mère, le 29 septembre

1890 depuis la Mer Rouge :

« Dans l'après-midi, un peu avant d'arriver à Ismaïlia, nous voyons se dérouler sur le bord

du canal une immense caravane avec chameaux et Arabes. J'ai regretté alors de ne pas

savoir photographier. Le coup d'œil en valait la peine ».

Ainsi il se contente d’abord d’acheter des photos, mais il se plaint aussi des prix élevés

demandés à Manille et Saïgon pour se faire faire un portrait !

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Le 30 décembre 1890, à bord du Volga, Yersin écrit à sa mère :

« Quant à la photographie, je tâcherai de la faire faire à Manille au prochain voyage. A

Saigon il n'y a rien de bon et c'est excessivement cher ».

Puis de Saïgon il récrit le 9 janvier 1891, toujours à sa mère :

« A propos de la photographie, on m'a demandé à Manille un prix si exorbitant que j'ai dit

au photographe qu'il était un voleur et que je suis parti ».

Dans les albums que conserve la famille Bastardot nous avons retrouvé un certain nombre

de ces photos achetées, dont les magnifiques photos du canal de Suez (inauguré en 1869)

prises par Hippolyte Arnoux, photographe et éditeur français. On ne sait pas grand-chose

de sa biographie, si ce n’est qu’il travaille en Egypte dès les années 1860, et ce jusqu’en

1890 environ. Il succombe rapidement à l’orientalisme (monuments du Caire, curiosités

archéologiques, portraits ethnographiques en studio), mais consacre néanmoins une part

importante de sa production à la photographie du canal de Suez.

Dans ses lettres à sa mère et à sa sœur on retrouve la trace précise d’un certain nombre

de photos qui nous sont connues, notamment celles du rebelle ou pirate annamite Thouk

présentées dans cette exposition.

Yersin va apprendre à photographier de manière professionnelle. Il ne va pas seulement

photographier, mais aussi développer et agrandir. C’est en octobre 1892, soit après sa

première expédition dans le « Hinterland Moï » (de Nha Trang à Stung Treng), qu’il

professionnalise ses techniques avec l’aide du photographe de l’Institut Pasteur de Paris,

un certain Bourais !

Voici ce qu’il écrit à sa mère depuis Paris le 24 octobre 1892 :

« Entre-temps je me suis beaucoup occupé de photographie. Grâce à Burais j'aurai

bientôt un stock de clichés tous prêts pour des projections, si je dois donner des

conférences. J'ai fait un tirage de positifs pour le Capitaine Cupet. Je suis allé me

commander un appareil photographique à main qui ne sera prêt que dans un mois ».

Il utilise d’abord des appareils de photos prêtés par Albert Calmette (1863-1933) et par le

chancelier de Quy Nhon, mais il reçoit son premier appareil propre de la part d’Emile Roux

(1853-1933) le 14 avril 1892, alors qu’il est déjà en pleine expédition.

Dès la fin de 1894 Yersin possède 3 appareils photographiques, dont un photo-jumelle («

quel luxe » dit-il) ! Les marques des appareils ne nous sont pas connues.

A partir de 1897 le terme de « photographie » disparaît ou se fait rare dans la

correspondance de Yersin, parce que la photographie est un élément passé dans sa

routine quotidienne et qu’en tant que telle elle ne le préoccupe plus, excepté les

nouveautés, toujours les nouveautés !

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Il va faire l’acquisition d’un Appareil « Vérascope Richard », qui lui permettra de prendre

des vues stéréoscopiques. Le 2 novembre 1913 il écrit à sa sœur Emilie :

« Je fais venir de Paris un vérascope pour pouvoir prendre des clichés de ces magnifiques

fleurs et aussi de mes poules ».

Et puis il se met à la photographie en couleur. A ce propos il écrit le 1er mars 1914 à sa

sœur :

« J'ai fait pas mal de clichés photographiques au vérascope Richard pendant ce mois.

J'ai essayé des autochromes Lumière, mais c'est très délicat et difficile à cause de la

température élevée ; je tâcherai de t'envoyer mes productions lorsqu'elles seront à peu

près satisfaisantes ».

Pendant ses explorations, de 1892 à 1894, Yersin a eu le souci d’établir une documentation

ethnographique écrite et complétée par des photos. C’est à cette époque qu’il est en

relation avec Auguste Pavie (1847-1925), explorateur, diplomate et haut fonctionnaire

français en poste à Bangkok, et avec le capitaine Pierre Paul Cupet (1859-1907), officier,

explorateur dans le cadre de la « Mission Pavie » et auteur principal de la première carte

d’Indochine parue en 1895 (avec mention des contributions de Yersin).

Dans ce contexte il vaut la peine de mentionner l’extrait suivant d’une lettre envoyée à

sa mère le 17 juillet 1892 depuis Bangkok :

« Je n’ai pas besoin de te dire que Mr Pavie m’a reçu avec beaucoup d’affabilité. C’est

un homme d’une haute valeur et qui a mérité le beau poste qu’il occupe ; avec cela il

serait difficile de trouver quelqu’un de plus simple et de plus modeste. Je lui ai remis mon

rapport de voyage ; après en avoir pris connaissance, il m’a dit qu’il l’enverrait au

gouverneur général, M. de Lanessan, et au ministère des Affaires étrangères. J’ai donc dû

préparer ces copies. Il m’a de plus proposé de joindre mon récit de voyage à ceux de sa

mission que l’on est en train d’imprimer en ce moment à Paris. Tu comprends que j’ai

accepté avec plaisir. Il m’a fallu aussi préparer un résumé pour la Société de géographie

de Paris, un autre pour la résidence de Nha Trang et la résidence supérieure du Tonkin,

faire des copies de ma carte pour tous ces rapports etc. J’ai encore à tirer des positifs de

mes photographies et à achever toutes ces écritures. Tu vois que la besogne ne me

manque pas et que j’en ai encore en perspective. Je rentrerai à Saigon dans 7 à 8 jours

et de là je vais immédiatement écrire à Marseille pour demander mon remplaçant.

Bangkok est une ville curieuse et intéressante ; elle est bâtie sur les bords d’une

rivière, le Mé-nam ; il y a un grand nombre de pagodes au toit pointu qui sont vraiment

bizarres; je tâcherai de te rapporter quelques photographies. Nous sommes

malheureusement dans la mauvaise saison ; il pleut pendant une grande partie de la

journée en sorte qu’il est difficile de courir ; je n’en ai d’ailleurs pas eu le temps

jusqu’aujourd’hui à cause de mon travail. Ce soir il y aura un grand dîner au consulat à

cause du 14 juillet ; il réunira les Français qui habitent Bangkok ».

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Il vaut la peine de rappeler que les photos

justement mentionnées ci-dessus ont été

présentées en diapositives [n.d.l.r. positifs sur

plaques de verre] lors de la seule et unique

conférence que Yersin ait donné à Morges le

vendredi 16 décembre 1892. Dans le compte-

rendu de la conférence paru dans l’édition de

l’Ami de Morges du 21.12.1892 on peut lire :

« Ajoutons que l’exposition captivante de M.

Yersin a été illustrée par des projections

lumineuses que nous devons au concours

désintéressé de l’Union chrétienne des jeunes

gens de Lausanne qui a bien voulu prêter son

instrument, afin de diminuer les frais et d’assurer

une recette plus considérable à l’œuvre des

Ecoles enfantines ».

Mais dans sa lettre du 12 décembre à sa mère Yersin trouvait à redire. Il écrit :

« Pour les projections, pourquoi ne s’est-on pas adressé à M. Dufour [n.d.l.r. Henri Dufour]

qui se serait fait certainement un plaisir de prêter au moins sa lanterne à projection de 3

mèches (pétrole) ; qui que ce soit, à Morges, d’un peu intelligent aurait su la faire

marcher ; le format de mes clichés est le format habituel de 8½ sur 10 cm je crois ; toutes

les lanternes sont disposées pour ce format. Je partirai de Paris jeudi soir, comme je te l’ai

déjà annoncé, et devrai y être de nouveau mardi matin ».

Le 23 novembre 1892 Yersin avait écrit à sa mère depuis Paris :

« Voilà à peu près mes projets au sujet de Morges : y venir entre le 10 et le 17 décembre

pour y donner la séance promise, répéter à Lausanne, peut-être à Genève ?? puis rentrer

à Paris d'où je partirai directement pour Marseille le 22 ou 23 décembre ; je suis obligé de

partir de là à cause de mes préparatifs. Les bénéfices de la soirée de Morges seraient pour

l'école enfantine ; je demanderai seulement qu'on me rembourse mon voyage, soit une

centaine de francs. A Lausanne je m'entendrai avec M. H. Dufour, à Genève il n'a encore

été question de rien ; j'aurais à peu près une trentaine de photographies pour projection ».

Yersin va se servir de la photographie jusque vers la fin de sa vie. Les photos que nous

présentons dans le cadre de cette exposition ont été prise durant une période allant de

1892 à 1941. Il documentera tout ce qui lui tient à cœur : paysages, les moïs [n.d.l.r.

« sauvages », en fait les représentants des minorités ethniques, par rapport aux annamites

ou vietnamiens] et leurs habitations, les pêcheurs et leurs familles, sa maison, son jardin, ses

orchidées et fougères, ses plantations et leurs animaux, ses poules, et autres sujets. La

photo servira aussi à documenter les expériences de mesure du spectre solaire.

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Les photos sur lesquelles il figure sont plutôt rares, ce qui s’explique par sa nature timide et

modeste, presque pudique, du moins lorsqu’il s’agit de se mettre en scène publiquement.

Il a réalisé un nombre de clichés stéréoscopiques absolument remarquables par leur

qualité photographique et leur valeur documentaire, et il a également réalisé des

autochromes, mais dont il ne subsiste plus grand-chose, sinon quelques vues

stéréoscopiques très intéressantes.

A Nha Trang nous avons retrouvé deux carnets remplis de notes concernant les

photographies prises, avec de nombreux détails techniques concernant la durée

d’exposition, l’ouverture du diaphragme et le type de pellicule et/ou de papier utilisé.

Au verso de nombreuses photos on retrouve ces détails techniques ou d’autres

commentaires. Dans les albums de la famille Bastardot les légendes des photos sont écrites

de la main de Yersin.

L’exposition

Le but de cette exposition est triple :

➢ commémorer le 75ème anniversaire de la mort d’Alexandre Yersin – enfant de Morges

et citoyen d’honneur du Vietnam -,

➢ présenter un choix de photos représentatif de l’œuvre photographique du Dr Yersin, et

➢ profiter de cette occasion pour attirer l’attention du public sur les travaux de

sauvegarde du patrimoine Yersin au Vietnam entrepris depuis 2015 par l’Association

des Admirateurs du Dr Alexandre Yersin en Suisse ( AAAYS / www.yersin-la-peste.ch ) en

collaboration avec les autorités vietnamiennes.

Il s’agit de travaux qui demandent à des bénévoles passionnés de la patience, de

l’endurance et une certaine résistance aux conditions climatiques tropicales assez

difficiles selon la saison. Parmi les travaux déjà réalisés il faut mentionner la numérisation

d’environ 180 photos stéréoscopiques sur lames de verre, ainsi que d’environ 250 photos

sur papier.

Avec ces 430 photos il y avait déjà moyen de faire une belle exposition. L’AAAYS a eu la

chance de pouvoir mettre sur pied une exposition de photos prises par le Dr Yersin en

collaboration avec le Consulat général de Suisse à Ho-Chi-Minh-Ville au printemps 2018,

ceci dans le cadre de la semaine de francophonie. Ce ne sont pas moins de 70 photos

qui ont pu être présentées avec succès du 17 au 24 mars dans une belle salle de l’Institut

d’échanges culturels avec la France (IDECAF) à Ho-Chi-Minh-Ville (Saïgon).

Il y a environ une année l’ambassade du Vietnam en Suisse contactait l’AAAYS en

exprimant le désir d’organiser également une manifestation en Suisse à l’occasion du

75ème anniversaire de la mort du Dr Yersin. L’AAAYS proposa de préparer une exposition

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de photos. Le choix de Morges s’imposait. Encore fallait-il trouver des locaux appropriés.

Sensible à ce projet qui semblait s’inscrire dans la continuité de l’exposition Yersin à Morges

en 2016 le Service culturel de la Ville de Morges accepta de mettre à disposition sa galerie

Espace81.

Quant au choix des photos il nous est apparu opportun de prendre également en

considération les collections de l’Institut Pasteur de Paris (Musée Pasteur et Service des

archives) et de la famille de feu Yvonne Bastardot-Yersin à Colombier-sur-Morges,

collections qui renferment plusieurs centaines de photographies prises par le Dr Yersin.

Pour l’exposition nous avons retenu 67 photos selon des critères avant tout esthétiques,

mais aussi qualitatifs (état général, résolution), sachant que de toute façon la restauration

numérique des photos pouvait prendre jusqu’à une, voire deux heures. Aussi a-t-il fallu

veiller à prendre en considération les thèmes photographiques principaux du Dr Yersin, tels

qu’ils lui tenaient à cœur. C’est la raison pour laquelle les photos sont présentées par

thème et groupées en 17 sections :

A Maison et jardin du Dr Yersin

Photo A-01 : Alexandre Yersin. Maison du

Dr Yersin vue du jardin. Original sur papier,

avec annotations au verso, début 1909.

Coll. de la famille Bastardot, Colombier-

sur-Morges.

Photo A-02 : Alexandre Yersin. Jardin du Dr

Yersin vu de la maison. Original sur papier,

avec annotations recto et verso, 1909.

Coll. de la famille Bastardot, Colombier-

sur-Morges.

Photo A-03 : Alexandre Yersin. Le poulailler

des pondeuses. Original sur plaque de

verre stéréoscopique (15 / P.p. 2, juillet

1914). Musée Yersin, Institut Pasteur de

Nha Trang.

Photo A-04 : Alexandre Yersin. Enfants

jouant dans la cour de la maison du Dr

Yersin. Original sur papier. Musée Yersin,

Institut Pasteur de Nha Trang.

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B Portraits

Photo B-01 : Alexandre Yersin. Deux garçonnets. Original sur plaque de verre

stéréoscopique. Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha Trang.

Photo B-02 : Alexandre Yersin. Deux jeunes filles du

village de pêcheurs. Original sur plaque de verre

stéréoscopique. Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha

Trang.

Photo B-03 : Alexandre Yersin. Portrait de jeune homme,

N° 5, AF 15, mars 1915. Vérascope Richard. Original sur

plaque de verre stéréoscopique, noir et blanc.

Colorisation 2018. Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha

Trang.

Photo B-04 : Alexandre Yersin. Portrait de jeune fille, N°

14, AF 26, mars 1915. Vérascope Richard. Original sur

plaque de verre stéréoscopique, noir et blanc.

Colorisation 2018. Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha

Trang.

Photo B-05 : Alexandre Yersin. Femme âgée. Vitra –

février 1939. Original sur plaque de verre

stéréoscopique. Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha

Trang.

Photo B-06 : Alexandre Yersin. Les employés de la maison du Dr Yersin (cuisinier, jardinier et

deux boys). Original sur plaque de verre stéréoscopique. Musée Yersin, Institut Pasteur de

Nha Trang.

C La digue

Photo C-01 : Alexandre Yersin. Réfection de la digue –

1915. Original sur plaque de verre stéréoscopique.

Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha Trang.

Photo C-02 : Alexandre Yersin. Vue en direction sud, à

180° de C-04. Reconstruction de la digue de protection,

1915. Original sur plaque de verre stéréoscopique.

Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha Trang.

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ALEXANDRE YERSIN (1863-1943) – UN TÉMOIGNAGE PHOTOGRAPHIQUE – 25 .10. AU 18.11.2018

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Photo C-03 : Alexandre Yersin. Vue sur le talus en contre-bas de la maison du Dr Yersin.

Reconstruction de la digue de protection, 1915. Original sur plaque de verre

stéréoscopique (No. IP_38512_st2132). Musée Pasteur, Institut Pasteur de Paris.

Photo C-04 : Alexandre Yersin. Vue sur le village de pêcheurs de Xom Con. Reconstruction

de la digue de protection, 1915. Original sur plaque de verre stéréoscopique. Musée

Yersin, Institut Pasteur de Nha Trang.

Photo C-05 : Alexandre Yersin. Vue sur le village de pêcheurs de Xom Con. Reconstruction

de la digue de protection, 1915. Original sur plaque de verre stéréoscopique. Musée

Yersin, Institut Pasteur de Nha Trang.

Photo C-06 : Alexandre Yersin. Digue en construction en 1914. Vittachrom. Original sur

plaque de verre stéréoscopique. Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha Trang.

D Xom Con, le village de pêcheurs

Photo D-01 : Alexandre Yersin. Panorama . 21 janvier 1938. Vérascope - Film Agfa

Vérichrom. Original sur papier Crumière contraste. Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha

Trang.

Photo D-02 : Alexandre Yersin. Rendez-vous à la borne-

fontaine. 28 janvier 1938. Original sur plaque de verre

stéréoscopique. Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha

Trang.

Photo D-03 : Alexandre Yersin. Groupe de femmes au

village de pêcheurs. Original sur plaque de verre

stéréoscopique. Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha

Trang.

Photo D-04 : Alexandre Yersin. Une famille du village de pêcheurs. Film Kodak panatomic.

Objectif Orthométar - Contax. Original sur papier Crumière contraste. 15 février 1938.

Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha Trang.

E Les pêcheurs

Photo E-01 : Alexandre Yersin. Sampan rentrant de la pêche. Original sur plaque de verre

stéréoscopique (N° 22 - RJ. 10 - décembre 1914). Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha

Trang.

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ALEXANDRE YERSIN (1863-1943) – UN TÉMOIGNAGE PHOTOGRAPHIQUE – 25 .10. AU 18.11.2018

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Photo E-02 : Alexandre Yersin. Groupe d’enfants et sampans du village de pêcheurs.

Original sur plaque de verre stéréoscopique. Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha Trang.

Photo E-03 : Alexandre Yersin. Vente des poissons. Original sur plaque de verre

stéréoscopique. Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha Trang.

Photo E-04 : Alexandre Yersin. Famille en barque. Vue en direction des temples Cham du

Po Nagar. Original sur plaque de verre stéréoscopique. Musée Yersin, Institut Pasteur de

Nha Trang.

F Orchidées

Photo F-01 : Alexandre Yersin. Orchidée. Autochrome.

Original sur plaque de verre stéréoscopique. Musée

Yersin, Institut Pasteur de Nha Trang.

Photo F-02 : Alexandre Yersin. Orchidée. Autochrome.

Original sur plaque de verre stéréoscopique. Musée

Yersin, Institut Pasteur de Nha Trang.

Photo F-03 : Alexandre Yersin. Arbre sur lequel le Dr Yersin a placé des orchidées (Laelia ou

Odontoglossum). Original sur plaque de verre stéréoscopique. Musée Yersin, Institut

Pasteur de Nha Trang.

Photo F-04 : Alexandre Yersin. Jardin du Dr Yersin. Serre à orchidées. Original sur plaque de

verre stéréoscopique (No. IP 38427_st2060). Musée Pasteur, Institut Pasteur de Paris.

Photo F-05 : Alexandre Yersin. Orchidée (Rhincostylis coelestis). Vitra. Original sur plaque

de verre stéréoscopique (cliché 1915). Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha Trang.

Photo F-06 : Alexandre Yersin. Orchidée (Oncidium crispum grandiflorum) 1910-1940. Vitra.

Original sur plaque de verre stéréoscopique. Couleur comme l’original ! Musée Yersin,

Institut Pasteur de Nha Trang.

G Hon Ba

Photo G-01 : Alexandre Yersin. Panorama de la plantation de Suoi Giao, avec vue sur le

massif du Hon Ba. Pris depuis sa maison de Suoi Giao. Fusion de trois originaux sur plaques

de verre stéréoscopiques (Nos. IP 38611_st2242, 38575_st2203 et 38573_st2201). Musée

Pasteur, Institut Pasteur de Paris.

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ALEXANDRE YERSIN (1863-1943) – UN TÉMOIGNAGE PHOTOGRAPHIQUE – 25 .10. AU 18.11.2018

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Photo G-02 : Alexandre Yersin. Station d’altitude du Hon

Ba. Chalet du Dr Yersin (à gauche) et deux paillotes.

Original sur plaque de verre stéréoscopique (No. IP

st2185). Musée Pasteur, Institut Pasteur de Paris.

Photo G-03 : Alexandre Yersin. Station d’altitude du Hon

Ba. Déboisement sur le plateau de 1400m. Duong

surveille les Moïs. Original sur plaque de verre

stéréoscopique. Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha

Trang.

Photo G-04 : Alexandre Yersin. Ambiance d’orage sur la forêt primaire du Hon Ba. Original

sur plaque de verre stéréoscopique. Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha Trang.

Photo G-05 : Alexandre Yersin. Station d’altitude du Hon Ba. Observatoire météo.

Guilleminot. Original sur plaque de verre stéréoscopique. Musée Yersin, Institut Pasteur de

Nha Trang.

H Plantations

Photo H-01 : Alexandre Yersin. Institut Pasteur de Nha Trang – Station d’élevage de Suoi

Giao – Départ des troupeaux pour le pâturage. Original sur papier. Musée Yersin, Institut

Pasteur de Nha Trang.

Photo H-02 : Alexandre Yersin. Institut Pasteur de

Nha Trang – Plantation de Suoi Giao – Arbres à

caoutchouc (Hevea brasiliensis). Autochrome.

Original sur plaque de verre stéréoscopique.

Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha Trang.

Photo H-03 : Alexandre Yersin. Institut Pasteur de

Nha Trang – Plantation de Suoi Giao – Une vue

de la plantation. Autochrome. Original sur

plaque de verre stéréoscopique. Musée Yersin,

Institut Pasteur de Nha Trang.

Photo H-04 : Alexandre Yersin. Au verso : « No. 2 - Station de Diom. Les essais de Barat au

1er plan. Les 100 hectares plantés à Diom. Photo fate le 1-11-41 ». Equipe se rendant au

travail. Original sur papier. Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha Trang.

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ALEXANDRE YERSIN (1863-1943) – UN TÉMOIGNAGE PHOTOGRAPHIQUE – 25 .10. AU 18.11.2018

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I La peste (Hong Kong et Nha Trang)

Photo I-01 : Alexandre Yersin. Légende manuscrite de Yersin : « Hong Kong – Grande

paillotte formant un des trois hôpitaux pour les pestiférés. A gauche on aperçoit une partie

de ma maison ». Original sur papier albuminé (No. IP 39371). 1894. Service des archives.

Institut Pasteur de Paris.

Photo I-02 : Alexandre Yersin. Légende manuscrite de Yersin : « Hong Kong – Quartier de

Taipingshang – Rue murée et évacuée à cause de nombreux cas de peste ». Original sur

papier albuminé (No. IP 39368). 1894. Service des archives. Institut Pasteur de Paris.

Photo I-03 : Alexandre Yersin. Linhs de garde au village pestiféré des pêcheurs. Original sur

plaque de verre stéréoscopique. Vers 1900. Musée Yersin, Institut Pasteur de Nha Trang.

J Explorations - Plateau du Lang Bian

Photo J-01 : Alexandre Yersin. La

montagne Lang Bian avec son profil

classique qu’on voit depuis Dalat. Original

sur plaque de verre stéréoscopique (No. IP

38468_st2040). Musée Pasteur, Institut

Pasteur de Paris.

Photo J-02 : Alexandre Yersin. Vue latérale

de la montagne Lang Bian depuis la

plaine de Dankia. Original sur plaque de

verre stéréoscopique (No. IP

38615_st2246). Musée Pasteur, Institut

Pasteur de Paris.

Photo J-03 : Alexandre Yersin. Légende manuscrite de Yersin : « Village de Dankia et

montagne Lang Bian ». Original sur papier albuminé (No. IP 11625). 1894. Service des

archives, Institut Pasteur de Paris.

Photo J-04 : Alexandre Yersin. Légende manuscrite de Yersin : « Moïs du Lang Bian – Aspect

du plateau ». Original sur papier albuminé (No. IP 38784). 1894. Service des archives, Institut

Pasteur de Paris.

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ALEXANDRE YERSIN (1863-1943) – UN TÉMOIGNAGE PHOTOGRAPHIQUE – 25 .10. AU 18.11.2018

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K Souvenirs de Saïgon

Photo K-01 : Alexandre Yersin. Légende

manuscrite de Yersin : « L’hôpital de

Saïgon ». Original sur papier. Coll. de la

famille Bastardot, Colombier-sur-Morges.

Photo K-02 : Alexandre Yersin. Légende

manuscrite de Yersin : « Voyage en Indo-

Chine, 1890-1892. Cochinchine – Les

acteurs devant le théâtre annamite ».

Original sur papier. Coll. de la famille

Bastardot, Colombier-sur-Morges.

Photo K-03 : Alexandre Yersin. Légende manuscrite de Yersin : « Voyage en Indo-Chine,

1890-1892. Cochinchine – Quartier annamite à Saïgon ». Original sur papier. Coll. de la

famille Bastardot, Colombier-sur-Morges.

L Souvenirs du Cambodge

Photo L-01 : Alexandre Yersin. Légende

manuscrite de Yersin : « Fête à Pnom Penh

(Cambodge) ». Original sur papier. Coll.

de la famille Bastardot, Colombier-sur-

Morges.

Photo L-02 : Alexandre Yersin. Légende

manuscrite de Yersin : « Voyage en Indo-

Chine, 1890-1892. Cambodge – Scène de

chasse ». Original sur papier. Coll. de la

famille Bastardot, Colombier-sur-Morges.

Photo L-03 : Alexandre Yersin. Légende manuscrite de Yersin : « Village cambodgien ».

Original sur papier. Coll. de la famille Bastardot, Colombier-sur-Morges.

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ALEXANDRE YERSIN (1863-1943) – UN TÉMOIGNAGE PHOTOGRAPHIQUE – 25 .10. AU 18.11.2018

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M Paysages mythiques

Photo M-01 : Alexandre Yersin. Légende manuscrite de Yersin : « Voyage en Indo-Chine,

1890-1892. Cochinchine – Rapides du Don Naï à Trian ». Original sur papier. Coll. de la

famille Bastardot, Colombier-sur-Morges.

Photo M-02 : Alexandre Yersin. Légende

manuscrite de Yersin : « Paysage en

Cochinchine ». Paillotes et cocotiers se

reflétant dans l’eau. Original sur papier.

Coll. de la famille Bastardot, Colombier-

sur-Morges.

Photo M-03 : Alexandre Yersin. Légende

manuscrite de Yersin : « Annam – Tours

Kiames [Cham] près de Quinhone ».

Original sur papier. Coll. de la famille

Bastardot, Colombier-sur-Morges.

N Regards sur la société indochinoise

Photo N-01 : Alexandre Yersin. Légende

manuscrite de Yersin : « Voyage en Indo-Chine,

1890-1892. Cochinchine - Groupe d’Annamites ».

Original sur papier. Coll. de la famille Bastardot,

Colombier-sur-Morges.

Photo N-02 : Alexandre Yersin. Légende

manuscrite de Yersin : « Voyage en Indo-Chine,

1890-1892. Cochinchine - Un mandarin ». Original

sur papier. Coll. de la famille Bastardot, Colombier-

sur-Morges.

Photo N-03 : Alexandre Yersin. Légende

manuscrite de Yersin : « Voyage en Indo-Chine,

1890-1892. Cochinchine - Une résidence française

». Original sur papier. Coll. de la famille Bastardot,

Colombier-sur-Morges.

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ALEXANDRE YERSIN (1863-1943) – UN TÉMOIGNAGE PHOTOGRAPHIQUE – 25 .10. AU 18.11.2018

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O Explorations – Minorités ethniques - I

Photo O-01 : Alexandre Yersin. Légende manuscrite de

Yersin : « Types de guerriers Sedang ». Original sur papier

albuminé (No. IP 10691). 1894. Service des archives,

Institut Pasteur de Paris.

Photo O-02 : Alexandre Yersin. Légende manuscrite de

Yersin : « Moïs Ma – Groupe d’hommes ». Original sur

papier albuminé (No. IP 8648). Musée Pasteur, Institut

Pasteur de Paris.

Photo O-03 : Alexandre Yersin. Légende manuscrite de

Yersin : « Moïs Bahnars – Orchestre de gongs ». Original

sur papier albuminé (No. IP 10689). 1894. Service des

archives, Institut Pasteur de Paris.

Photo O-04 : Alexandre Yersin. Légende manuscrite de Yersin : « Moïs Bihs – Fille, femmes

et enfants de M’Siao ». Original sur papier albuminé (No. IP 8671). Musée Pasteur, Institut

Pasteur de Paris.

P Explorations – Minorités ethniques - II

Photo P-01 : Alexandre Yersin. Légende

manuscrite de Yersin : « Annam – char à

boeufs ». Original sur papier. Coll. de la

famille Bastardot, Colombier-sur-Morges.

Photo P-02 : Alexandre Yersin. Légende

manuscrite de Yersin : « Moïs Ma – Groupe

regardant mon éléphant ». Original sur

papier (No. IP 8639). Musée Pasteur,

Institut Pasteur de Paris.

Photo P-03 : Alexandre Yersin. Légende manuscrite de Yersin : « Un village des Moïs Ma ».

Original sur papier albuminé (No. IP 8646). 1893. Musée Pasteur, Institut Pasteur de Paris.

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Q Thouk, le rebelle annamite

Photo Q-01 : Alexandre Yersin. Légende manuscrite de Yersin : « Thouk, un chef de rebelles

Annamites ». Original sur papier albuminé (No. IP 8653). 1893. Musée Pasteur, Institut

Pasteur de Paris.

Photo Q-02 : Alexandre Yersin. Légende manuscrite de Yersin : « Exécution de Thouk, chef

rebelle Annamite ». Original sur papier albuminé (No. IP 8654). 1893. Musée Pasteur, Institut

Pasteur de Paris.

***

Le choix de photos présenté illustre bien le professionnalisme du Dr Yersin. Il choisit ses sujets

préférés, avec simplicité, pudeur, tendresse même. Le cadrage est parfait et n’a été

modifié dans aucune photo. Yersin aime les couleurs, mais avant tout le jeu de la lumière

et de l’ombre. Et quel souci de bien documenter et de témoigner !

Yersin apprend en autodidacte, avec patience, persévérance, mais toujours avec

humilité. S’il n’est que rarement satisfait, c’est qu’il est habité de la certitude que tout est

perfectible. Mais nul mépris pour ce qui n’est pas abouti, car il connaît le but et les moyens

d’y arriver. Le 30 novembre 1914 il écrit à sa sœur :

« Je t'adresse aujourd'hui, comme échantillon recommandé, quelques photos en couleurs

que tu pourras examiner au moyen de ton stéréoscope. Ce n'est pas ce que j'ai de

meilleur ; ce sont tous des clichés médiocres et que je n'ai pas gardés pour ma collection

; ils te donneront cependant une idée de ce que l'on peut obtenir avec des plaques

autochromes Lumière et le vérascope Richard ».

L’exposition commence avec la maison et le jardin du Dr Yersin à Nha Trang, parce que

cet endroit fut son port d’attache et son havre de paix pendant plus de 50 ans. Il avait

découvert Nha Trang et sa somptueuse baie en 1891 en cabotant entre Saïgon et

Haïphong en tant que médecin de bord des Messageries maritimes. Nha Trang fut le point

de départ de toutes ses explorations, entre 1891 et 1894. Il y touchait barre au retour de

chacune d’elles pour reprendre un nouvel élan. Après la découverte du bacille de la

peste en 1894 à Hong Kong [Photos I-01 à I-03] c’est à Nha Trang qu’il fonde, en 1895, le

deuxième Institut Pasteur d’Indochine. Il transforme en maison d’habitation un ancien

blockhaus situé sur une mince bande de sable à l’embouchure de la rivière Song Cai, juste

à côté du pauvre village de pêcheurs de Xom Con, dont les habitations primitives,

paillottes de bambou et de chaume, s’alignent à la suite de sa maison [Photo D-01].

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Cette habitation étrange, d’un modèle unique, sera son ermitage jusqu’à son dernier jour.

C’était un cube de brique de cinq mètres environ de côté, haut de deux étages au-dessus

du rez-de-chaussée. Yersin entoure chacun des étages d’une large véranda. Une seule

pièce à chaque étage : la salle à manger au rez-de-chaussée, et, en annexe, le réduit où

il met ses instruments de physique, son cabinet de travail au premier et sa chambre au

second [Photo A-01]. Sur la terrasse, d’où on découvre un des plus beaux panoramas du

rivage et de la rade [Photo A-02], il fait construire en 1909 une coupole pour sa lunette

astronomique [Photo C-03].

Et désormais l’observatoire du Dr Yersin qui domine les constructions du pays fait partie du

paysage. C’est lui que le voyageur aperçoit le premier, dominant les arbres du voisinage,

soit qu’il arrive par voie de mer, soit qu’il vienne du nord par la Route Mandarine. Contre

la mer, qui effrite de ses coups de bélier les avancées de sa demeure, Yersin opposera

plus tard une digue protégée par des enrochements artificiels [Photos C-01 à C-06].

Yersin se sent bien en compagnie des humbles, et ils le lui rendent bien. Marguerite Gallois-

Ducrest, fille de Robert Gallois (administrateur de la plantation de Suoi Giao, puis de

l’Institut Pasteur de N ha Trang) et filleule du Dr Yersin se souvient :

« Le petit village [Photos D-01 à D-04] se considérait élu, préféré, protégé par le Grand

Homme qui savait tout, tout sauf guérir la lèpre, ce qu’il ferait un jour … évidemment ! Les

« nhos » (petits enfants) rieurs, coquins, bruyants, qui envoyaient en l’air avec leur pied nu

un bout de chiffon enfilé dans une sapèque, s’amusaient près de ses plates-bandes [Photo

A-04]. Il ne se fâchait jamais : un signe de la main les éloignait quand « ça suffisait ». Il était

bien le seul européen dont on ne se moquait pas, qui n’avait comme surnom que ce «

Monsieur Nam [M. cinq galons, car Yersin était colonel dans le corps de santé des troupes

coloniales ] » respecté. Les langoustes, poissons charnus, crabes et crevettes ne lui

manquèrent jamais ».

En 1913 Yersin construit un poulailler pour 18 poules et un coq. A ce propos l’échange

épistolaire avec sa sœur Emilie est intéressant. D’ailleurs Emilie fournira à son frère des

poussins de race Leghorn, qui s’acclimateront très bien et permettront d’améliorer la

productivité des races locales. Le 2 novembre 1913 Yersin écrit à sa sœur : « Je fais venir

de Paris un vérascope pour pouvoir prendre des clichés de ces magnifiques fleurs et aussi

de mes poules » [Photo A-03].

A travers la galerie de portraits [Photos B-01 à B-06] on découvre à quel point Yersin était

proche de ses voisins les pêcheurs. Malgré toute l’admiration et tout le respect qu’ils lui

vouaient on devine leur complicité !

Les pêcheurs allaient trouver le Docteur Yersin pour se faire soigner leurs bobos et Yersin

partait à leur rencontre, participait à leur vie à travers son appareil photographique, lui

qui de son enfance lémanique avait gardé un attachement certain à la vie au bord de

l’eau et sur l’eau [Photos E-01 à E-04].

Le Dr Yersin aimait les fleurs, mais tout particulièrement les orchidées qu’il avait

découvertes durant ses explorations. Même plus tard il partait souvent en excursion dans

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la forêt sauvage pour en rapporter de nouvelles espèces qu’il acclimatait ensuite sur des

arbres, puis dans sa serre à orchidées [Photos F-01 à F-06].

Dès 1895 Yersin eut besoin d’animaux pour la production de vaccins et d’antisérums (1500

à 2000 têtes de bétail entre 1930 et 1940). Mais pour loger et nourrir ses animaux il avait

besoin d’étables et de pâturages [Photo H-01]. Aussi fallait-il trouver les moyens financiers

d’entretenir un laboratoire et une ferme à long terme, p.ex. en vendant des matières

premières, mais lesquelles ? Yersin, en tant que véritable entrepreneur, pressentant l’avenir

du caoutchouc dans l’industrie automobile occidentale, fait office de pionnier en

décidant de créer dès 1898 une plantation d’arbres à caoutchouc (Hevea brasiliensis) à

Suoi Giao, à 20 km de Nha Trang [Photos H-02 et H-03].

Vue les fluctuations du cours du caoutchouc (surproduction) et les difficultés

d’approvisionnement en quinine (médicament anti-malarien) pendant la première guerre

mondiale Yersin crée une station d’altitude au Hon Ba (1500 mètres), pour y acclimater

l’arbre à quinine ou quinquina (Cinchona succirubra et ledgeriana). Ceci nécessite la

construction d’une piste de 30 km à travers la forêt primaire à partir de Suoi Giao [Photos

G-01-G-05] ! Plus tard il déplacera ses plantations de quinquinas dans la région plus sèche

de Dalat (Dran, Diom, Djiring, Petit Lang Bian), région qu’il a découverte en 1893 [Photos

J-01 à J-04 et Photo H-04]. A Suoi Giao d’autres plantations (dont des aréquiers ou palmiers

de bétel, kapokiers ou bois coton, teks, caféiers) viendront compléter celles des arbres à

caoutchouc (la plantation de Suoi Giao aura une superficie totale de 1200 ha en 1914).

Mais faisons un petit retour en arrière en pénétrant dans la deuxième salle. On y présente

d’abord de belles photos de la première prise de contacte de Yersin avec la réalité

indochinoise. Il s’agit de souvenirs de son arrivée à Saïgon [Photos K-01 à K-03], de visites

au Cambodge [Photos L-01 à L-03], de paysages qu’on appelle mythiques, parce qu’ils

revêtent une signification symbolique. En effet l’eau des rapides de Trian rappelle à

l’homme ses limites par rapport aux éléments de la nature [Photo M-01]. L’élégante

cocoteraie de Cochinchine nous rappelle que pour survivre l’humanité a besoin de terres

fertiles, d’eau et de plantes nourricières [Photo M-02]. Les temples Cham ont à plusieurs

reprises retenus l’attention du Dr Yersin, que ce soient ceux de Quinhone ou ceux de Nha

Trang (Po Nagar). La parenté architecturale de ces édifices avec les temples khmères du

Cambodge est évidente. Au Vietnam les Chams sont une minorité ethnique, dont la

religion présente des courants hindouistes, bouddhistes et musulmans. Yersin, homme de

vertu, était un protestant de l’Eglise libre de Morges, mais arrivé en Indochine il avait eu la

pudeur de ne plus pratiquer sa religion. Intérieurement resté fidèle à ses origines, il

respectait la religion majoritairement bouddhiste de la population locale dans laquelle il

s’était fondu. Ceci explique pourquoi aujourd’hui encore Yersin est considéré comme un

boddhisattva et vénéré par la communauté bouddhiste de la région de Nha Trang.

Dans cette Indochine coloniale il n’avait pas échappé au Dr Yersin qu’une minorité

occidentale essayait, avec plus ou moins de succès, de conduire une majorité asiatique

très attachées à ses valeurs et ses traditions. Dans pareil système l’homme blanc devait à

tout prix s’allier avec les puissants de la majorité pour mieux maîtriser le peuple. Un groupe

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de notables annamites est réuni autour d’un mandarin, dont la longueur des ongles

montre qu’il est un lettré qui ne travaille pas de ses mains [Photos N-01 et N-02]. Si ce

dernier est acquis à la cause de l’homme blanc ses soldats n’ont alors plus qu’à protéger

les résidents français [Photo N-03].

Dans ses trois grandes explorations de 1892 à 1894 il s’agissait pour Yersin, en pénétrant

dans l’arrière-pays largement inexploré, de repérer des voies navigables, de trouver les

sources des grands fleuves, d’étudier des tracés de nouvelles routes, et d’apprendre à

connaître les populations de ces régions inexplorées et leur environnement pour en étudier

les particularités ethnographiques, géographiques et topographiques, afin de pouvoir en

estimer les ressources économiques. L’arrière-pays montagneux qu’il découvre est habité

par des populations sauvages, belliqueuses et indépendantes – les Moïs. Equipé d’un

chronomètre et d’un théodolite Yersin parcourt à pied des milliers de kilomètres. Il

affrontera le tigre, le cobra, les coups et blessures, le paludisme, la dysenterie, les sangsues,

le chaud, le froid, l’humidité, la fatigue et les privations. Il vaccinera les enfants contre la

variole, jouera le médiateur entre tribus en guerre (il achètera même un éléphant pour

ramener la paix entre deux villages), ira à la chasse, rédigera notes de voyage et

comptes-rendus assortis de photos, et dessinera des cartes précises de régions encore

inconnues [Photos O-01 à O-04 et P-01 à P-03].

Le 24 juin 1893 Yersin se lance à la poursuite de 30 rebelles annamites (pirates) qui ont

prévu de tuer le gouverneur annamite de Phan Ran, de s’emparer des armes du poste et

de massacrer les Français qui s’y trouvent ! Il finit par rejoindre les pirates durant la nuit et

dans la bagarre qui s’ensuit Yersin reçoit un coup de sabre à la main gauche qui lui fait

une « assez jolie entaille entre le pouce et l'index », et en plus un coup de crosse de fusil à

la jambe droite, qui pendant plusieurs jours lui rend la marche impossible. Le chef des

rebelles, un certain Thouk, lui arrache son revolver et lui tire quatre fois dessus sans le

toucher ! Et Yersin de conclure : « En somme il résulte pour moi de cette affaire que j'y ai

perdu un fusil et un revolver ; je ne crois pas que l'on m'en tienne compte : le gouverneur

général sera très ennuyé de cet essai de rébellion dans le Sud alors qu'il chante bien haut

que l'Annam est absolument pacifié ; il cherchera donc à étouffer l'affaire et même la

niera au besoin. Je ne regrette d'ailleurs pas ce que j'ai fait ; c'était mon devoir bien net

et je suis heureux d'avoir réussi à disperser la bande sans verser de sang et d'avoir fait

avorter ses projets contre Phan Ran » (lettre du 7 juillet 1893 de Yersin à sa mère).

Thouk est arrêté le 5 juillet 1893 par des miliciens annamites et le 7 Yersin va faire sa

photographie [Photo Q-01]. Le 17 juillet Yersin écrit à sa mère : « On a aujourd'hui coupé

la tête à Thouk ; j'y ai assisté pour prendre quelques instantanés : en réalité c'est horrible.

La tête est tombée au 4ème coup de sabre ; Thouk n'a d'ailleurs pas bronché ; ces

Annamites meurent avec un sang-froid vraiment impressionnant » [Photo Q-02].

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Bibliographie

Beaugé Gilbert, Pelen Jean-Noël. Photographie, ethnographie, histoire. Présentation. In:

Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d'ethnologie, n°2-4/1995. Photographie,

ethnographie, histoire. pp. 7-17; doi : https://doi.org/10.3406/mar.1995.1560

https://www.persee.fr/doc/mar_0758-4431_1995_num_23_2_1560

Dillaye Frédéric. La théorie, la pratique et l’art en photographie. La pratique en

photographie – avec le procédé au gélatino-bromure d’argent. Librairie illustrée Jules

Tallandier. Paris, 1896. ETH-Bibliothek Zürich : Rar 1976 :1. http://dx.doi.org/10.3931/e.rara-

14816

Marguerite Gallois-Ducrest. Monsieur Nam et la petite Marguerite – Une ambiance, une

silhouette, souvenirs d’enfance auprès de Monsieur Yersin. Paris 1994.

Noël Bernard. Yersin – Pionnier-Savant-Explorateur – 1863-1943. Editions La Colombe. Paris

1955.

Lettres de Yersin à sa mère et à sa sœur. Service des archives de l’Institut Pasteur de Paris.

Remerciements

L’AAAYS remercie très sincèrement :

L’ambassade du Vietnam en Suisse pour son soutien financier et organisationnel,

La Ville de Morges pour la mise à disposition de son Espace81,

L’Institut Pasteur de Nha Trang, la famille de feu Yvonne Bastardot-Yersin, ainsi que l’Institut

Pasteur de Paris pour la mise à disposition de leurs collections photographiques,

La Fondation Bolle à Morges, et en particulier son conservateur, M. Salvatore Gervasi, pour

ses précieux conseils et son aide professionnelle dans le montage des photos,

Tous ceux qui par leurs conseils ou leur aide ont, de loin ou de près, participé à cette

aventure photographique.

Association des Admirateurs du Dr Alexandre Yersin en Suisse (AAAYS) / 07.09.2018

Pour plus d’informations, notamment sur le programme annexe de l’exposition :

www.yersin-la-peste.ch