Alchimie

Opuscule de Zécaire 1567

Les revues dites scientifiques réduisent souvent l’alchimie aux clichés que sont la transmutation des métaux (le plomb en or), la pierre philosophale et l’élixir de longue vie.

L’alchimie est pourtant à la fois l’ancêtre, le précurseur et la passerelle, la transition vers la chimie moderne. Les premiers chimistes utilisaient la méthode expérimentale des alchimistes, les instruments des alchimistes, les symboles des alchimistes.

Plusieurs ouvrages m'ont permis de rédiger cet article, sommaire bien sûr, sur un sujet aussi vaste que l'Alchimie : - le Dictionnaire historique de François-Xavier de Feller (1818) ; - le Dictionnaire de la Conversation et de la lecture (1833) ; - Là-bas de Joris-Karl Huysmans (1891) ; - le faiseur d'or Nicolas Flamel de Léo Larguier (1936) - Le Matin des magiciens de Louis Pauwells et Jacques Bergier (1960) ; - l’Apocalypse de Jean & la pierre de sang de Pierre Beauclerc (1999)

"Que l'Alchimie doive sa naissance à l'Egypte cette mere commune des Sciences & qu'elle ait été cultivée par les hiérophantes ou prêtres de la nation, est un fait avoué unanimement : 1° l'étymologie la plus naturelle du mot Alchimie est tirée de celui que l'Egypte portoit en arabe el-kimyâ ou Al-Kímíyã soit el Khem "le (pays) Noir, le limon"...

"Hermès Trismégiste, c'est-à-dire Trois fois Grand … vers l'an 1900 avant J.C. … personnage réel ou fabuleux, et regardé comme le père des chimistes, alchimistes, chercheurs de la pierre philosophale, magnétiseurs, et autres partisans de la philosophie occulte."

Dionysos aurait donné à Midas roi de Phrygie (715-676) le pouvoir de changer en or tout ce qu'il touchait, ce qui fait de lui … un des premiers alchimistes occidentaux !

Un édit impérial chinois de 144 avant J.C. menace d'exécution publique tous ceux qui seront surpris en flagrant délit de contrefaire l'or … C’est pourtant en 140 avant notre ère, que débute l'alchimie en Chine avec les travaux de Wei Bo Yang et son manuel de "l'union des trois principes" ...

Ce sont des alchimistes chinois qui découvrent la poudre à canon au Ier siècle et la boussole magnétique au IIIème siècle.

Vers 60 (?) après J.C., un mystérieux personnage (peut-être Simon le Magicien) offre à Néron un gobelet en "verre déformable" incassable : Néron le fait exécuter pour que les souffleurs de verre de Rome ne soient pas ruinés ...

Après 280, Dioclétien fit brûler tous les livres de Chimie des Egyptiens parce qu'ils tiroient de cet art des moyens de se révolter … De même, il fit rechercher et brûler tous les livres de Rome révélant les secrets pour faire de l'or : il craignait que leurs connaissances permettent à l'initié d'acquérir des empires !

Illustration des « magiciens » d'Éphèse convertis par St Paul, à l'autodafé de leurs livres. Illustration de la Bible par Gustave Doré, vers 1866

Au IVème siècle, apparaît le texte grec de la tabula smaragdina ou table d’émeraude

Texte français

En 340, œuvre de Pappus, un des derniers grands mathématiciens de l'Ecole d'Alexandrie ...

Après 700, l'alchimie est transmise d'Alexandrie (Egypte) au monde islamique :

Khalid ibn Yazid dit Khalid (660 ?-704 ?), prince initié à l'alchimie par Moriénus, disciple de l'Alexandrin Stéphanos ... Sa légende est rapportée dans La Composition d'alchimie de Robert de Chester.

Abu ‘Abd Allah Jãbir ibn Hayyãn al-Sufi dit GEBER (né en 721), "roi des Arabes et prince des philosophes", est envoyé en Arabie où il étudie le Coran, les mathématiques et l'alchimie ... Il devient alchimiste à la cour du calife Haroun-al-Rachid !

Son ouvrage Alchimie, est imprimé vers 800

Ouvrage de 1531

Au Xème siècle, texte arabe de la tabula smaragdina, traduction du texte grec du IVème siècle

La Tradition veut que l'Alchimie apparaîsse seulement après 1100 en Europe, ce qui coïnciderait avec la deuxième invasion musulmane (en effet, en 1147, les Almohades s'emparent de l'Espagne, et notamment de Séville dont ils font leur capitale !)

Gérard de Crémone (1114 ?-1187) traduit en latin 70 ouvrages arabes … dont 3 traités d'alchimie (dont l'ouvrage de Geber Le Livre des 70) …

En 1217, première manifestation officielle de Michael Scot, Docteur ès Sciences, à Tolède ...

Certaines constructions médiévales, comme la cathédrale de Chartes (1194-1220), témoignent de l'habitude de transmettre par l'architecture le message de l'alchimie.

Mosaïque sur le sol de la cathédrale de Sienne

En 1260, le pape nomme Albert le Grand (1193-1280) à l'évéché de Ratisbonne dont les finances sont au plus bas :

Albert rétablit mystérieusement la situation économique ; on murmure aussitôt qu'"Albert comme tout philosophe alchimiste sait faire de l'or quand la situation l'exige." ; c'est cet évènement qui marque le début de sa réputation de sorcier (en fait d'alchimiste) ...

En 1261, Albert découvre des traités inconnus d'Aristote !

En 1262, Albert réalise ses plus étonnantes expériences scientifiques, encouragé par le pape Urbain IV, lequel se passionne pour ses recherches !

En 1264, Albert est en Alsace, dans la région minière de Colmar, haut lieu alchimique ...

On lui attribuera plus tard des traités de magie comme le Grand Albert …

Raymond (Ramon) Lull(e) (1232 ou 1235 ?-1316), né à Palma de Majorque, d'une famille des plus nobles. Théologien, philosophe, alchimiste, mystique catalan, surnommé le Docteur illuminé ; en 1275, il présente son Ars magna...

Fourneau de Lulle plus connu sous le nom d’athanor

Arnaud de Villeneuve (1235-1311 ou 1313) exerce à Montpellier la médecine et la chirurgie, mais s'intéresse aussi à l'astrologie, à l'alchimie, à la magie ... Vers 1270 « L'alchimiste Grifolino d'Arezzo est mis au bûcher par l’Inquisition. »

En 1316, le cardinal Francesco Caetani (1256-1317) est accusé de consulter des nécromanciens (dans des buts alchimiques)

« Jacques Duèze (1244-1334), devenu pape sous le nom de Jean XXII (1316-1334), passe pour alchimiste et on lui attribue plusieurs traités parmi lesquels l'Art transmutatoire des métaux et l'Elixir des philosophes …

Il lance pourtant une bulle contre les alchimistes : Les alchimistes nous trompent et promettent ce qu'ils n'ont pas. … Nous ordonnons que ces hommes quittent pour toujours le pays … nous voulons que, pour les punir, on donne aux pauvres leur or véritable. … Si des personnes du clergé sont compromises parmi les alchimistes, elles ne trouveront point grâce et seront privées de la dignité ecclésiastique. »

Un Edit de Charles V le Sage (1338-1380), roi de France de 1364 à 1380, interdit à son tour, sous peine de la prison et de la hart (corde), les travaux spagyriques (alchimie ... ) et ordonne la destruction des laboratoires alchimiques ...

Nicolas Flamel (env. 1330-1418) aurait fait dans sa jeunesse un rêve étrange au cours duquel un ange lui montrait un livre extraordinaire ... Il aurait ensuite dans la réalité acquis cet ouvrage, un livre ancien, signé Abraham le Juif pour 2 florins : il y découvre des images (7 ou 3 fois 7 feuillets), gravures ... qui retracent quelques unes des opérations du Grand Œuvre (et des textes alchimiques) ... Pendant des années, il essaie avec sa femme Pernelle de déchiffrer le précieux volume ... ne pouvant y parvenir, il décide de faire le pélerinage de saint-Jacques de Compostelle, où il rencontre un certain maître Canches, savant (kabbaliste) juif converti au catholicisme et qui lui fournit des clefs d'interprétation ... ce qui lui permet, une fois revenu à Paris, d'effectuer la transmutation des métaux en or "avec la pierre rouge" … le lundi 17 janvier et le jeudi 25 avril 1382 … "

Une des figures de l’ouvrage d’Abraham le juif

En 1440, Fauceby, Kirkehy et Ragy, 3 alchimistes, obtiennent du roi d'Angleterre Henri VI l'autorisation de fabriquer dans ses états de l'or et de l'élixir de longue vie !

En 1444, le même Henri VI accorde les mêmes privilèges à John Cobler, Thomas Traffard et Thomas Asheton !

Thomas Norton (1447-1477), encore très jeune, étudie l'alchimie et correspond avec George Ripley (1415-1490) qui l'initie à l'Art royal …

A 28 ans, il fabrique le "grand élixir rouge" (la pierre philosophale) : un serviteur la lui vole !

Plus tard, il fabrique l'"élixir de vie" : l'épouse de William Canynges, le maçon (architecte) le lui vole !

En 1477, il écrit son œuvre majeure qu'Elias Ashmole publiera en 1652 dans son Theatrum chimicum …

"L'Alchimie fut interdite à Venise en 1488."

En 1510, De occulta philosophia de Heinrich Cornelius Agrippa von Nettesheim

Philipus Theophrastus Aureolus Bombastus von Hohenheim plus connu sous le nom de Paracelse (1493-1541), pionnier de la médecine « moderne », ouvre aussi la voie à l’analyse (al)chimique de la matière …

"Bonaventure Des Périers … son Cymbalum Mundi (1537) est composé de 4 articles … Dès que ce livre parut en 1538, il fut brûlé par arrêt du parlement, et censuré par la Sorbonne."

En 1545, Ars magna de Jérôme Cardan

"Sous le règne de Jean-Georges, successeur de Joachim (après 1570) … on fit bâtir sur le Werder une maison pour les alchimistes … "

"En 1575, le duc Jules de Brunswick de Luxembourg fit brûler dans une cage de fer une femme alchimiste, Marie Ziglerin, convaincue d’avoir trompé ce prince en lui promettant la recette de la préparation de l’or."

"Léonard Fioravanti, médecin et alchimiste, nait à Bologne vers 1520 … l'université de Bologne le proclama docteur ; le pape le nomma chevalier, et il reçut de l'empereur le titre de comte … Specchio, ou Miroir de la science universelle, 1584. Fioravanti fut bien accueilli des princes et des souverains, et mourut comblé de richesses le 4 septembre 1588."

Bernard Palissy (vers 1510-1589 ou 1590), plus connu pour ses émaux et ses céramiques, publie ses traités pratiques sur les terres, sur leurs usages dans la construction des vaisseaux, sur la préparation du sel commun dans les marais salans, sur les glaces, sur les émaux & sur le feu, ses raisonnemens sur l'Alchimie, les métaux, leur génération, leur composition, la nature de leurs principes & sur les propriétés chimiques de plusieurs autres corps, de l'eau, des sels …

Vers la chimie « moderne »

Jean-Baptiste Van Helmont (1577-1644), disciple de Paracelse, transforma dit-on du mercure en or, et inaugura la nouvelle science des gaz.

Isaac Newton (1642-1725) a laissé sous forme de notes de laboratoires le témoignage de ses activités hermétiques.

Brandt (1674-1768) découvrit le phosphore en 1669 … en cherchant la pierre philosophale.

Le 15 août 1741, la Royal Society (fondée en 1660 et comptant parmi ses membres des personnages illustres tels Newton) écrit à un de ses membres John Winthrop le félicitant de "son extraordinaire savoir dans les très profonds mystères de la très secrète Science Hermétique"

"Nicolas Lenglet du Fresnoy, abbé … Depuis plusieurs années, s'appliquait à la chimie, et l'on prétend même qu'il cherchait la pierre philosophale. Parvenu à l'âge de 82 ans, il périt d'une manière funeste, le 16 janvier 1755 : il rentra chez lui sur les 6 heures du soir, et s'étant mis à lire un livre nouveau, il s'endormit et tomba dans le feu. Ses voisins accoururent trop tard pour le secourir. Il avait la tête presque toute brûlée lorsqu'on le tira du feu."

Giuseppe Balsamo dit Alexandre comte de Cagliostro (1743 -ou 1749 ?- à Palerme - 1795 près de Rome) stupéfie l'Europe par ses connaissances alchimiques vers 1780 et pendant 7 ans : d’autres voient en lui un charlatan !

En 1782, Nicolas Appert (1749-1841) met en bouteille des petits pois qu'il mange 18 mois plus tard !

Il redécouvre ainsi la fermeture hermétique dite "d'Hermès", bien connue des initiés !

"Mirabeau (1749-1791), dans sa Monarchie prussienne, parle en plusieurs endroits du goût des philosophes modernes, des princes (notamment en Allemagne) … pour tenter de découvrir la médecine universelle, de faire le grand œuvre … … Dès lors, dit-il, on vit reparaître en Europe les folies de l'Asie, de la Chine, la médecine universelle, l'art de faire de l'or et des diamans, le breuvage de l'immortalité, etc."

Le révérend Alexander Ayton (1816-1909) un des plus grands alchimistes du XIXème siècle, est aussi membre de l'August Order of Light, puis de la Golden Dawn ...

"Les faits de transmutation relevés au XVIIème et XVIIIème siècles ont été étudiés avec rigueur par leur principal historien Karl-Christoph Schmieder, dans son Histoire de l'Alchimie, publiée à Halle en 1832."

En 1856, l'Alchimie et les Alchimistes de Louis Figuier (Hachette)

En 1897, dans Comment on devient alchimiste, François Jollivet-Castelot … donne des conseils pratiques : achat d'un four électrique, d'un bec Bunsen, d'un chalumeau ...

Eugène CANSELIET (1899-1982), qui ne serait autre que Fulcanelli, à qui l’on doit le Mystère des cathédrales en 1926 et les Demeures philosophales en 1930, retient une définition de la pratique relevée sur un frontispice de composition mythologique.

Le mot Alchimie est orthographiée sans voyelle finale et ses lettres ont été mises en correspondance avec les initiales des mots de la légende :

Ars Laboriosa Convertens Humiditate Ignea Metalla In

Soit L'art difficile changeant, par l'humidité ignée, les métaux en mercure. Il s'agit naturellement du mercure philosophal …

Eugène CANSELIET

Dans le Matin du 2 décembre 1931 : « L’alchimiste moderne était un escroc. Le Russe Zbigniew Dunikowski, 42 ans, marchant sur les traces des alchimistes antiques, prétendait avoir trouvé le moyen d’extraire de la terre l’or et les métaux qu’elle contient … »

Corentin Louis KERVRAN (1901-1983) ingénieur et scientifique Maître de conférences de l’Université de Paris dont les derniers travaux s’apparentent à l’alchimie.

A suivre …