Alain de Libera - « Où va la philosophie médiévale ? Collège de France 

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    Collge deFranceO va la philosophie mdivale ? | Alain de Libera

    O va la philosophiemdivale ?Leon inaugurale prononce le jeudi 13 fvrier 2014

    Alain de Libera

    Jean Jolivet

    Texte intgral

    The only duty we owe to history is to rewrite it1.

    Quand on a une fois got la philosophie moderne, il est assez difficile desapprivoiser avec celle des Scholastiques. Tout y respire la rudesse et la barbarie.Les questions les plus abstraites et les plus inutiles, celles dont on naurait jamais

    d saviser, sont accumules les unes sur les autres : et loin que lexpression rparele fond des choses, elle y ajoute un nouveau dsagrment, par sa tristesse et son

    obscurit La peine dun voyageur qui traverse des campagnes arides et incultesnest pas plus grande que celle dun esprit raisonnable qui est oblig par devoir de

    se donner aux Scholastiques, de lire [] les vingt et un volumes in-folio dAlbert leGrand [] ou les dix-sept attribus saint Thomas dAquin2.

    Monsieur lAdministrateur,

    Mesdames, Messieurs les Professeurs,Chers collgues,Chers amis,Voil ce qui vous attend. Ou, plutt, voil ce que serait partir daujourdhui notrecommun destin, nous qui avons au moins une fois got la philosophie moderne , moi qui suis oblig par le devoir de ma charge de me donner aux Scholastiques , vous que le dsir de savoir conduirait une nouvelle fois peut-tre dans cette vnrableenceinte ; oui, voil ce qui nous rassemblerait si le diagnostic pos en 1737 dans sonHistoire critique de la philosophiepar Andr-Franois Boureau-Deslandes, commissairegnral de la marine et membre de lAcadmie de Berlin, tait fond. Obscurit, tristesse,ennui : redoutable trio qui, il faut lavouer, hlas, rsume bien lopinion que lon eutlongtemps, et nagure encore, de la philosophie au Moyen ge.

    On dira que lavis de lauteur de LArt de ne point sennuyeret des Rflexions sur lesgrands hommes qui sont morts en plaisantantne saurait clore laffaire3. Sans doute. Mais

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    [] le roi Louis vient dordonner que les livres [des Nominaux] restent sous clefs et

    enchans dans les bibliothques, pour quil ny soit plus regard []. Ne diriez-vous pas queces pauvres livres sont des furieux ou des possds du dmon, quil a fallu lier pour quils nese jettent pas sur les passants7?

    Cette nouvelle disposition du roi fut accueillie avec acclamation, et elle produisit les effetsordinaires ; les nominaux ntant plus perscuts ne tardrent pas tomber dans loubli8.

    il est loin dtre isol. Ds 1735, le marquis Le Gendre de Saint-Aubin brossait, dans sonTrait de lopinion, lidentique portrait dun ge philosophique irrmdiablement gt parlabus de la logique4. Certes, sous sa plume, on sy ennuyait moins que sous celle deDeslandes : on y voyait les deux sectes divisant le pripattisme, les nominaux et lesralistes, se faire la guerre jusqu lextravagance , livrer de vritables batailles , exciter la fureur par les disputes les plus vaines , au point que, pour faire cesser enfinles dsordres en France , Louis XI faisait enchaner les livres des Nominaux, avec

    dfense de les ouvrir . Le Gendre commente : Quel triomphe pour un parti vainqueur ![] cet enchanement dans les bibliothques tait une invention admirable pour jouir desa victoire. Les Scotistes, libres, feuillets, combls dhonneur, vooient ct deux, leursennemis honteusement enchans. Un livre en toise un autre, lun est dans les honneurs,lautre est dans les fers : on savait crire en 1700. On nen tait pas pour autant meilleurhistorien. Le rcit que Le Gendre fait de la crise parisienne de 1474 et de ldit de Senlisqui, le 1ermars, y met un terme provisoire, est approximatif5, peu prcis sur les livresenchans6, et incomplet il oublie le dnouement : labrogation de la mesure, sept ansplus tard ; surtout, il ignore lclat de rire qui saisit les contemporains. Le 25 fvrier 1475,Robert Gaguin (1433/34-1501), ministre gnral des Trinitaires, crit Guillaume Fichet(1433-apr. 1476) :

    Lierplutt que lire: belle anagramme. Mais, disais-je, aprs le rire des humanistes vientlabrogation : nous sommes en France. Le prvt de Paris, Jean dEstouteville, crit Monsieur le Recteur, et MM. de notre mre lUniversit de Paris , que le roi la chargde faire dclouer et dfermer tous les livres des Nominaux et de faire savoir dansles collges que chacun y tudierait dsormais qui il voudrait .Un des premiers historiens modernes de lUniversit de Paris, Eugne Dubarle,commente, en 1829 :

    On pourrait ajouter : et avec euxtous les scolastiques ladhsion un monde social,culturel et politique nouveau, quelque nom quon lui donnt : humanisme, Renaissance,Rforme, ayant scell le rejet de lancienne manire de pense, labandon des faux savoirsmdivaux au profit, dira-t-on, de la vraie science ou de la thologie vaine au profit de lavraie foi. Le problme est que tout le monde ne saccorde pas sur la fin du Moyen ge, etquil ne suffit pas que son temps soit rput rvolu pour quon en soit sorti. Noussommes encore plus scolastiques que nous ne pensons , crit en plein XVIIIesicle labbde Condillac, dans le Cours dtudes rdig pour Ferdinand de Bourbon, petit-fils dePhilippe V9, avant de prciser que par scolastique, il entend ce mlange confus de philo-sophie et de thologie , canonis en mme temps que saintThomas par Jean XXII le18 juillet 1323.Depuis le XVIIIe sicle, lhistoire a progress. Notre Moyen ge nest plus celui deCondillac, moins encore celui de Deslandes et Le Gendre. Il est moins obscur, moinsconfus, moins triste, moins ennuyeux. Mais, quest-ce au faitque ce Moyen ge ? NotreMoyen ge ? Certes, pas un nouveau Moyen ge , ni lobjet vite nomin, plus viteoubli, dun courant dairdu temps quon appellerait nouveau mdivisme . Le Moyenge que je dis ntre est celui que je tiens de mes matres la VeSection de lcolepratique des hautes tudes : Paul Vignaux, qui y enseignait lHistoire des thologiesmdivales ; Jean Jolivet, les Religions et les Philosophies dans le christianisme et lislamau Moyen ge. Cest aussi celui du prdcesseur de Paul Vignaux la section des Sciencesreligieuses, tienne Gilson, directeur dtudes dHistoire des doctrines et des dogmes,avant dtre lu une chaire dHistoire de la philosophie du Moyen ge au Collge deFrance et dy prononcer, le 5 avril 1932, une leon inaugurale intituleLe Moyen ge et lenaturalisme antique, o il rendait hommage aux deux savants dont lesprit de sonpropre enseignement ne cesserait, disait-il, de porter la marque , bien quaucun des

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    deux ne ft mdiviste : le philosophe, sociologue et ethnologue Lucien Lvy-Bruhl etHenri Bergson10.Le Moyen ge ou, plutt, lesMoyen ge quun tudiant pouvait, la fin des annes 1960,dcouvrir dans les livres dtienne Gilson, qui avait quitt le Collge de France ds 1950,ou dans les sminaires de Paul Vignaux, tenus en Sorbonne jusquen 1976, taient enralit bien diffrents : Gilson, engag depuis la fin des annes 1920 dans le dbat sur la philosophie chrtienne , suscit par la clbre formule dmile Brhier : on ne peut

    pas plus parler dune philosophie chrtienne que dune mathmatique chrtienne oudune physique chrtienne11, considrait que le progrs vers la vrit mtaphysiqueplusieurs fois dcrit par Thomas dAquin trouvait sa place dans lconomie divine dusalut ; Vignaux, qui navait cess de travailler sur le rapport entre philosophiechrtienne et thologie de lhistoire12, avait depuis les annes 1930 pris ses distances aveclunivers gilsonien, et proposait ses tudiants de dpasser la thologie de lhistoire de laphilosophie, exprime dans la notion gilsonienne de philosophie chrtienne , grce une rflexion sur l tre historique de lhomme , impliquant une philosophie de lareligion portant sur le christianisme mme . Philosophie chrtienne ou philosophie de lareligion : lcart tait maximalentre les deux Moyen ge, mais cest cette diffrence quiinstruisait, et plus encore, si on la mesurait laune de la philosophie alors en train dese faire . Lpoque tait, il faut lavouer, gnreuse : Derrida, Foucault, Deleuze, Lyotard,

    mais aussi Vuillemin, Granger et dautres offraient aux historiens de la philosophie enherbe de quoi questionner leur pratique ; lhistoire proprement dite ntant pas en reste,avec les Duby ou les Le Goff, le Moyen ge souvrait pour eux, par quelque ct quilslabordassent, dans lhorizon de cette diversit rebelle que Vignaux assignait commeobjet premier l historien qui a reu une formation philosophique13.Diversit rebelle : lalliance des deux termes flattait loreille. Mais tait-ce le fin mot delhistoire ? Gilson avait eu un successeur, non mdiviste, au Collge de France : MartialGueroult. DansHistoire et technologie des systmes philosophiques, sa leon inaugurale,prononce le 4 dcembre 1951, lauteur de Lvolution et la structure de la doctrine de lascience chez Fichte(1930), rejetant les catgories historiographiques alors usuelles, tellesque ralisme , idalisme ou criticisme , caractrisait par lide de structures toute philosophie, entendue la fois comme monument singulier et systme individuel de

    preuves dmontrant des vrits structures non pas gnrales, mais individualises , indissociables des contenus qui leur taient adhrents14.Structure : un concept tait l qui semblait ouvrir une voie nouvelle, permettantdarracher les tudes mdivales aux schmas historiographiques hritscontradictoirement du XVIIIeet du XIXe sicle. La somme thologique rige, dun gestepanofskyen, en cathdrale du savoir, le formalisme scolastique, sa technicit ne seprtaient-ils pas mieux que tout la description que Gueroult faisait de la ralisation de ladouble fin de la philosophie construire un monument, dmontrer une vrit lorsquil voquait la soumission des lois immanentes inhrentes aux formes danslesquelles la pense philosophante senferme tout en les instituant , lois et formes quisimpos[e]nt malgr lui au sujet15 ? la fin des annes 1960, le temps semblait venupour un jeune mdiviste de revisiter le Moyen ge avec les outils conceptuels de sa

    gnration, de confronter la diversit, quelle ft ou non rebelle, et la structure, quelle ftgnrale ou individualise.Cest ce que jentrepris ds 1975, date de mon entre au CNRS, dans le Centre dtudes desreligions du Livre fond par Paul Vignaux, le mdiviste, par Georges Vajda, lhbrasant,et par Henri Corbin, lislamologue. Je continuai sur cette voie lcole pratique deshautes tudes, et luniversit de Genve, ma seconde patrie philosophique, jusqu ceque lAssemble des professeurs du Collge de France me ft, en 2012, linsigne honneurde mlire cette chaire dHistoire de la philosophie mdivale, qui peu de chose prs un adjectif la place dun substantif reprend lintitul qui fut celui dtienne Gilson.Ce rapprochement crase y compris stylistiquement : en des temps o les idiolectes etles manies syntaxiques dvastaient la prose franaise, Gilson avait en effet, alors bienseul, maintenu les exigences de la phrase bien faite, de la pense claire et du color

    rhythmicus, instillant du Chateaubriand dans Duns Scot, l o tant dautres secontentaient de mettre du Trissotin dans Vadius. Si crasant soit-il, ce rapprochement,

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    nanmoins, oblige, comme mobligent la confiance et le gnreux soutien prodigus parClaudine Tiercelin, titulaire de la chaire de Mtaphysique et philosophie de laconnaissance, lgard de qui les tudes mdivales ont une double dette, pour sestravaux novateurs, dabord, sur Duns Scot lui-mme ou sur Duns Scot et Peirce16, pour lerle quelle a jou, ensuite, dans la recration de cette chaire. Cest pour moi un grandprivilge de pouvoir contribuer prsent, ses cts, la dfense dune certaine ide de laphilosophie rigoureuse et de la mtaphysique. Mes remerciements sadressent aussi

    Pierre Corvol, Michel Zink, Antoine Compagnon et Jean-Nol Robert, Paul Veyne,enfin : leurs conseils ou leur amiti mont port, des poques diverses, durant les moisdifficiles.Mesdames, Messieurs, on vient au Moyen ge avec des questions, pour, finalement, endcouvrir dautres. Aprs plus de quarante ans denseignement et de recherche, javoueavoir abandonn la plupart de celles de mes prdcesseurs : philosophie chrtienne, tho-logie de lhistoire, philosophie de la religion. Une autre, en revanche, sest impose moiavec une acuit croissante : comment fairede lhistoire en philosophie mdivale ? ladifficult tenant 1 la nature de lobjet : la pense mdivale, que lon dit dchire entrela raison et la foi ce que Durkheim appelait le drame de la scolastique , 2 au statutde la discipline elle-mme : lhistoire de la philosophie, conteste aussi bien par les philo-sophes que par les historiens.

    cela je rpondrai aujourdhui simplement quon ne peut faire dhistoire de laphilosophie mdivale sans faire de philosophie mdivale. La chaire qui vient dtrerecre nest pas un cnotaphe. Lobjet existe, et ne demande qu vivre. Sagissant dephilosophie, nen dplaise Deslandes ou Le Gendre, le Moyen ge nest pas la pluslongue parenthse de lhistoire de la pense humaine. Il est vrai quil trane en longueur :il est mme plus long encore quon pourrait le croire17; il est vrai aussi que, tout en tantcentral, il est relativement loin de tout : mais ses limites, prcisment, sont variables, ouplutt dpendent de la vision que lon a et de lhistoire et de la philosophie.Quand commence la philosophie mdivale ? Quand finit-elle ? On dira : cela va de soi,elle commence et finit avec le Moyen ge. Cest faux. Ou plutt, cela dpend de la rponseque lon fait dautres questions. Le Moyen ge de lhistorien a, si jose dire, longtempscommenc la chute de Rome, en 476, avec labdication de Romulus Augustule, dernier

    empereur romain dOccident, pour sachever en 1453 avec la prise de Constantinople parMehmed II et la chute de lEmpire romain dOrient. Cette fin du Moyen ge, vnementpolitique et religieux interne la fois la romanit (Romanitas) et la chrtient(Christianitas), marquait aussi culturellement le dbut dune priode de renouveau, de Renaissance , tisonne par lexil des humanistes byzantins en Italie, selon le scnarioconstruit par Michelet, entre un deuil et un coup de foudre, dans ses cours du Collge deFrance de 1840-184118. Condillac, qui nemploie pas encore le mot majuscule deRenaissance, mais ceux de naissance, de renaissance et de rvolution, quil suffitdentendre ensembleavec leurs minuscules pour arriver Michelet, juge tout autrementque lui lintrusion de ces Grecs, dont lafflux fait la fortune des langues mortes audtriment des vivantes, ruinant les espoirs quavaient suscits bien plus tt un Dante, unPtrarque et un Boccace : Les Grecs, crit-il dans son cours de logique, ces Grecs

    auxquels on attribue la renaissance des lettres, se rpandirent en Italie comme un nuage,et interceptrent la lumire qui venoit de se montrer19. On le voit, il ny a pas de priodisation historique pure : lhistoire politique se lietroitement lhistoire culturelle, et celle-ci lhistoire littraire, qui sur la mme tramepeut tisser deux rcits de sens oppos. Il en va, videmment, de mme pour lhistoire de laphilosophie. Dans la seconde dition de La Philosophie au Moyen ge, Gilson pose lapremire borne la prise de contact de la religion chrtienne avec la philosophie, auIIesicle de notre re, ds quil y eut des convertis de culture grecque 20. Le rcit quisensuit emprunte donc les trois chemins qui soffrent a priori retenons le terme auxchrtiens, peine ont-ils rencontrphilosophia: condamnation , absorption dans lareligion nouvelle , utilisation aux fins de lapologtique . Ce scnario mriterait delongs commentaires, le temps mimpose daller directement au mien.

    La philosophie mdivale ne peut souvrir que sur un vnementpour la philosophie: enloccurrence, la fermeture de lcole noplatonicienne dAthnes en 529 par lempereur

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    chrtien Justinien, qui provoque lexil en Perse des derniers philosophes paens, deDamascius et Simplicius Isidore de Gaza. La mme anne, lcole dAlexandrie, lautrecole noplatonicienne encore en activit, amorce, avec Jean Philopon, un virage vers lechristianisme qui sera rapidement achev par ses successeurs. Fermeture, exil,conversion : voil le premier pisode. Quel est le dernier ? Pour Ernest Renan, le mondebascule quand, le 4 avril 1497, Nicolas Lonicus Thomoeus monte dans la chaire dePadoue pour enseigner Aristote en grec21 : la cration dune chaire de philosophie

    mancipe de la tutelle du latin arabis des scolastiques, de leurs catgoriesdcharnes et de leur jargon sauvage , voil qui marquerait la fin du Moyen ge enphilosophie. La thse est prcise il ne manque que lhoraire du cours , elle estexcessive ; mais elle attire lattention sur un point essentiel : lentre du grec, et du mmecoup de la Grce, alors orientale, en Europe. Un autre pisode possible serait la crationde chaires de grec et dhbreu sans oublier celle de mathmatique au Collge deFrance en 1530. Un troisime, aux datations variables : la monte en puissancescientifiquedes langues vulgaires. Un dernier, qui les runit tous, labandon conjoint dulatin, dAristote et de la Loi religieuse : Giordano Bruno sy essaie en 1584 dans le Spacciodella bestia trionfante LExpulsion de la bte triomphante22. Le bcher du Campo defiori lui rpond le 17 fvrier 1600.Revenons au commencement. Pour qui la fermeture de lcole dAthnes est-elle un

    vnement ? Pour nous. Pas pour les chrtiens orientaux, ni pour les Latins. Pas pour leschrtiens orientaux, qui depuis longtemps ont donn le baptme la philosophie, enfaisant de la philosophie selon le Christ la vraie philosophie, quil sagisse de la viechrtienne comme telle ou de sa forme parfaite, la vie monastique23.Pas pour les Latins,qui depuis longtemps peuvent dire avec Augustin : Verus philosophus est amator Dei. Toute frontire est poreuse. Tout vnement cache un processus. La philosophie tantpour les Byzantins, et de l pour les juifs et les musulmans, la science trangre trangre au nous de la communaut religieuse , faire lhistoire de la philosophiemdivale, cest faire lhistoire dune srie dacculturations philosophiques. Qui dit acculturation dit appropriation , assimilation active, dun mot : translatio, quisignifie la fois transfert et traduction ; qui dit acculturation dit aussi concurrence,comptition, rejet, refus.

    Le tournant spatial (spatial turn) opr en histoire24

    est aussi important pour unmdiviste que le tournant linguistique et le tournant cognitiviste enphilosophie25. La gographie historique des savoirs doit prendre le pas sur les dcoupagestraditionnels de lhistoire de la philosophie. Ce qui slabore actuellement chez leshistoriens au titre des Lieux de savoir, en loccurrence, et entre autres, ltude de laproduction et de la circulation des savoirs, celle des pratiques de sociabilit ou desconditions matrielles du travail intellectuel, ne peut non plus demeurer hors champ.Cest cela que renvoie, dans mes livres, lexpression carolingienne translatio studiorum.Faire lhistoire de la philosophie mdivale, cest dabord faire lhistoire des textesphilosophiques de lAntiquit, de leurs formes et et de leurs genres, de leur survie, de leurdiffusion, de leur transmission, de leur reproduction, de leur lecture ; cest sintresseraux traductions et aux traducteurs, la constitution des corpus, la formation des

    canons, aux institutions, aux communauts, aux groupes sociaux, aux individualits quidune manire quelconque y contribuent ; cest sintresser aux relations que ces acteursentretiennent ; leur fonction dans la socit ou dans les glises ; leur idologie. Entrela fermeture de lcole dAthnes et la monte en chaire de Leonico Tomeo, il ny a pasquun Moyen ge . Il y a plusieurs continuations de lAntiquit tardive, plusieurschangements de langues du grec au latin, du grec au syriaque, du syriaque larabe, delarabe lhbreu, de larabe au latin, de lhbreu au latin, mais aussi du latin au grec et dulatin lhbreu , il y a plusieurs phases de ruptures, de ramnagements ou de refontes,plusieurs renaissances, retours ou interruptions, en toutes sortes de milieux ou despacesgographiques, culturels, religieux, institutionnels, en Orient, en Occident, en terredIslam, en pays de Chrtient, dont lhistorien de la philosophie doit la fois prserverles caractristiques propres et saisir les ressemblances de famille : un lve

    dOlympiodore ou dtienne dAthnes au VIe

    sicle nest pas un coltre parisien du XIIe

    ,mais, par-del la diversit des lieux, des milieux et des idiomes, tous deux ont un

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    formidable point commun : ils lisent les mmes textes philosophiques : les CatgoriesdAristote, lIsagogede Porphyre. Ils sont philosophiquement plus proches que ne le sontde nous ceux qui rputent aujourdhui inutile la lecture de tout article de philosophiedatant de plus de dix ans .La tche impose lhistorien de la philosophie mdivale peut paratre exorbitante. Unechose est sre, il ne pourra sen acquitter pleinement en se contentant dopposer reconstruction historique et reconstruction rationnelle ou textualisme et

    contextualisme26

    . Rapporte la distinction opre par Quentin Skinner en 196927

    ,lhistoire de la philosophie mdivale telle que je la conois occupe une place originale.Elle a affaire des textes, mais ce nest pas un textualisme au sens skinnrien du terme une thorie du texte seul (tout le texte, rien que le texte) , puisquelle naborde pasle texte sans son contexte ; elle nest pas non plus un contextualisme pur et sans nuance,pour lequel ltude des conditions contextuelles de la production des noncs suffirait en reconstituer le sens dorigine. Je rejoins sur ce point Skinner, comme je le rejoinsdans lanalyse des divers mythes auxquels est, selon lui, expos lhistorien du texteseul : 1 le mythe des doctrines, qui impose rtrospectivement un auteur un cahier descharges thorique dfini par un ensemble de thmes obligs (mandatory themes), fixspar lhistorien : a pack of tricks we play on the dead ; 2o lanachronisme paranticipation (the mythology of prolepsis), qui confond la signification quune uvre

    pouvait avoir pour son auteur avec la porte quelle a acquise aprs coup ; 3 le mythede la cohrence , qui oblige linterprte neutraliser les antinomies, les contradictionsou les divergences qui travaillent une uvre pratique qui mvoque la mthodedexgse symphonique ou concordiste que les philosophes de lAntiquit tardiveappliquaient la lecture dAristote et de Platon, que la scolastique a applique Aristoteseul, puis la scolastique tardive et la noscolastique Thomas dAquin ; 4 enfin, le mythede linfluence, auquel, en 199928, jai tent dopposer les notions de traage et de traabilit .La mme anne, dans LArt des gnralits, un livre consacr aux thories delabstraction, jutilisai pour la premire fois lexpression archologie philosophique29,par laquelle je dfinis aujourdhui lensemble de mon travail, auparavant prsent sous lesappellations connexes d histoire des corpus et d histoire des rseaux30 . Le mot

    archologieimpliquait une rfrence Foucault qui rclame une explication. Cest Kantqui a introduit lexpression dans la rponse une question mise au concours parlAcadmie de Berlin : Quels sont les progrs rels de la mtaphysique en Allemagnedepuis le temps de Leibniz et de Wolf ? Il y risquait cet oxymore : une histoire apriori31, dont Foucault se souvenait sans aucun doute en frappant, ds la prface deLesMots et les Choses, son propre a priorihistorique32 leffet, devait-il avouer par lasuite, un peu criant33. Cest en tout cas lui qui, polmiquant avec George Steiner34, arelanc lide kantienne dune histoire philosophante de la philosophie entenduecomme philosophische Archologie, autrement dit, dans son interprtation, commel histoire de ce qui rend ncessaire une certaine forme de pense . Cest ce sens que jereprends dans mon propre travail.Jusquo peut-on suivre la fois Gueroult et Foucault conceptuellement et

    narrativement ? La question me prit et me tient encore. Cest pourquoi, tout encontinuant de chercher Paris des structures en histoire, je commenai de regarderailleurs : vers lautre pays du rugby, lAngleterre Oxford, en loccurrence, o de 1935 1941 avait enseign un philosophe qui tait aussi, au sens propre du terme, unarchologue, je veux parler de Robin George Collingwood. Gardant pour lavenir laconfrontation de sa thorie des prsuppositions absolues avec les lois et les formes de Gueroult, dune part, lpistm de Foucault, dautre part dont,avouons-le, je redoutais alors (mais plus maintenant) lissue , jempruntai au philosopheanglais de quoi pratiquer ce que je voyais comme une version pragmatique dustructuralisme en histoire, caractrise, premirement, par labandon des problmesprennes gnraux au bnfice de complexes de questions et de rponses particuliers ettransitoires ; deuximement, par ladoption de la mthode du constructive reenactment,

    rsume par la formule : Toute histoire est une remise en acte , a reenactmentou,comme le traduit Ricur35, la reffectuation dune pense passe en tant

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    quexprime dans une action passe . (All history is a reenactment of past thought asexpressed in past action36). Le reenactmentest la version anglaise et archologique dece que Heidegger appelle phnomnologiquement objectivation dans unecomprhension vivante ( in lebendigem Verstehen ) jy reviendrai. Lareffectuation constructive a une dimension structurale originale, quun structuralistedira trop faible, et un non-structuraliste, trop forte. Cest celle du complex of questionsand answers. Elle permet de ne pas sincliner avec Lvi-Strauss devant la puissance et

    linanit de lvnement37

    , comme dans une file de condolances, en se htant vers lasortie : la structure. De lvnement de pense, en tant quvnement, on ne peut dire comme le suggrait, en nos jeunes annes, certaine lecture de Du miel aux cendres quil ny a rien dire sinon quil est arriv38. Il peut, de fait, tre remis en acte, et par lredonner penser. Lintressant est quil ne revient pas seul. Si lon suit Collingwood,toute pense appartenant un complexe de questions et de rponses, la tche duphilosophe archologue, en tant quarchologue, ne peut se borner exhumer une thsepour ltudier, lvaluer, la discuter de manire atomistique : il doit reffectuer sonquestionnaire dorigine de manire holistique et, littralement, repenser cette pensedans et avec lensemble auquel elle appartient39. Larchologie philosophique rclame defaire siens non seulement les vocables et les questions dun philosophe mais, au-del, leurorganisation, leur structure le mot est de Collingwood 40. Quest-ce, de fait, quun

    complexe questions-rponses, un CQR ? Ce nest ni plus ni moins quun QCM, unquestionnaire choix multiples : la diffrence est quau lieu dy rpondre ouiou nonenmettant une croix dans une case, tel un croyant sans signature, on rpond par deux sriesdarguments, textuels (per auctoritatem), puis rationnels (per rationem). Cest donc bienlensemble questions-rponses lui-mme qui doit tre reffectu, tout lensemble, sicompliqu ou intriqu soit-il, pour, le cas chant, tre ensuite lobjet dune prise deposition, dune rfutation ou dune critique ponctuelle, voire globale.On dira : cest infaisable ! Cest pourtant ce quun mdiviste fait la plupart du temps, etmme trois fois, pour chaque pense quil ravive : une premire fois, en ditant le textequi contient lensemble questions-rponses larchive mdivale est largement indite ;une deuxime, en le traduisant le lectorat latiniste tend samenuiser ; une troisime,en lanalysant conceptuellement ce qui est le but du jeu, quoi quen disent ceux qui

    opposent, selon moi de manire trop rigide, culture du commentaire et culture delargument, philosophie (ou histoire) continentale e t philosophie (ou histoire) analytique41 . Les trois activits : diter, analyser, traduire, sont mentalementindissociables, et toutes trois sont requises. diter, cest dabord copier. Transcrire unmanuscrit, cest comme lire une partition invisible dans la concatnation des signes et desabrviations couchs sur le parchemin. Cest entrer, aussi, dans la duredune uvre. Il ya des invariants en histoire : mme si le portable a remplac le calame, on ne transcrit pasplus vite aujourdhui quhier un folio de 25 !16 centimtres. Le trajet qui va de lil lamain est le premier geste du reenactement: on ne peut diter une phrase sans repenserune pense y compris en se trompant.Les mdivaux sont les plus vieux disciples de Collingwood. Il suffit de jeter un coup dilsur un texte philosophique ou thologique du Moyen ge tardif pour voir quil est la

    plupart du temps compos dun ensemble de questions et de rponses, articul sur la basede structures argumentatives prcises correspondant des pratiques pdagogiques biendfinies, donnant elles-mmes lieu des genres littraires solidaires, mais varis :questions disputes, par exemple, ou questions quodlibtales la forme universitaire dutournoi, la question adresse au matre qui sy risque, tant pose par nimporte qui (aquolibet) sur nimporte quoi (de quolibet) la liste serait longue. En mergent le formatdisputationnel, agonistique, les dynamiques de conflit et dalliance entre acteursconcrets et actants abstraits qui apparentent la marche du concept un mouvementsocial.Les trente dernires annes ont vu un accroissement vertigineux de larchive, amplifi parles nouveaux moyens de reproduction, de stockage et de mise en circulation des donnes.Cette formidable accumulation de textes, dauteurs, de thmes, dvnements est-elle

    encore exploitable conceptuellement ? On peut en douter. un certain stade degooglisationdes donnes, la diversit rebelle ne donne plus penser : elle sature la

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    vue.La question nest pas nouvelle. Un tenant de lemplotment, ce quon appelle la mise enintrigue qui, selon le mot de Ricur, introduit un premier dcalage pistmique entrelvnement tel quil est survenu et lvnement tel quil est racont, enregistr, [et]communiqu42, dira que le champ vnementiel objectif dans lequel le narrateur traceun itinraire est de toute faon divisible linfini : le danger pour lhistorien de laphilosophie mdivale nest donc pas dune autre nature aujourdhui quil y a un ou,

    plutt, deux sicles ctait et cela reste, comme lcrit Paul Veyne, d tre aspir par legouffre de linfinitsimal , sil cesse de voir les vnements dans leurs intrigues 43.Dautres sinterrogeront sur la diversit elle-mme, suivant Arthur Oncken Lovejoy(1873-1962) dansLa Grande Chane de ltre(The Great Chain of Being), luvre qui, en1933, a jet les bases de lhistoire des ides 44. Dans ce trs beau livre la formuleest de Pierre Bourdieu, dans son cours sur ltat45, le philosophe amricain remontant ce quil nomme unit-ideas , savoir les units lmentaires qui entrent dans laconstitution des systmes philosophiques ( the elements, the primary and persistent orrecurrent dynamic units, of the history of thought), explique que les incrments denouveaut absolue sont bien plus rares quon ne le suppose , que la tche de lhistorienest donc dabord didentifier les facteurs dynamiques persistants , les ides quiproduisent des effets dans lhistoire de la pense hypothses, prsupposs implicites

    ou incompltement explicits, habitus mentaux plus ou moins inconscients, motifsdialectiques , qui sont luvre dans la pense dun individu ou dune gnration, enfinprincipes surtout quil faut traquer dans toutes les provinces de lhistoire danslesquelles ils figurent quelque degr important, que ces provinces aient pour nomphilosophie, science, littrature, art, religionoupolitique46. Lhistoire de la philosophieest une affaire de PRINCIPES telle est la prmisse que lARCHOlogie philosophiqueemprunte la trop dcrie histoire des ides47.Que lon tienne pour la mise en intrigue ou pour la qute des ides lmentaires ou pourles deux, laccumulation des donnes nest pas, en tout cas, une difficult en soi : larchivenest pas un dpt mort, cest une nergie fossile. Cest l quil faut chercher ce quirend possible, voire, si lon suit Foucault, ncessaire une certaine forme de pense .Lhistoire-narration quimpose, mon sens, lnergie de larchive mdivale est une

    histoire du troisime type o, au-del des acteurs, des individus, des groupes, desclasses et des forces en conflit , interviennent deux-mmes, titre dactants, lesprincipes, les distinctions, les schmes ou les structures conceptuelles et argumentatives.Les invariants ont une histoire. Les structures se transforment. Les vnementseux-mmes ont une dure.La forme de pense dont je moccupe est larticulation moderne des notions de sujet,dagent, de moi et de personne. Le thme principal de mon enseignement au Collge deFrance sera donc cette archologie du sujet , dont la publication de Naissance du sujeten 2007, deLa Qute de lidentiten 2008 et, ce matin mme, deLa Double Rvolution, apos les fondements48. Comment et pourquoi le sujet , substance ou substrat passif,chose porteuse daccidents dans lontologie dAristote, est-il devenu, sous le nom de je ,sujet humain daction ? Telle est la question directrice, ouverte par la critique

    nietzschenne de la superstition logique et de la routine grammairienne qui nousfont attribuer nos actions, comme autant de prdicats, un sujet suppos savoir(selon lemot de Lacan, un peu remani). Tel est aussi le point o larchologie philosophiquecroise la route de ce que Heidegger a labor sous le titre de destruction critique (kritische Destruktion) et de dconstruction (Abbau) dconstructiondont il faudrabien faire un jour lhistoire pour, en modernes frres Lumire, la dconstruire sontour49. La chose, dire vrai, ne date pas dhier. Cest le cours fribourgeois du semestredt 1920, Phnomnologie de lintuition et de lexpression, qui propose la premirelaboration vritable de la notion de dconstruction , laquelle a aujourdhui conquis lemonde, aprs avoir conquis les dpartements deFrench Studiesnord-amricains, puis lesministres parisiens50.Partant dun diagnostic pos sur la situation philosophique contemporaine pour

    laborer phnomnologiquement une thorie de la formation des conceptsphilosophiques (eineTheorie der philosophischen Begriffsbildung), Heidegger donne

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    Que veut dire que lhomme soit sujet ? Que signifie sujet ? Comment en vient-on poserde cette manire ltre de lhomme ? (Was heit, der Mensch sei Subjekt ? Was bedeutet Subjekt ? Wie kommt es zu dieser Ansetzung des menschlichen Seins ?)

    Comment et par quel chemin en est-on venu ce renversement des concepts fondamentauxde la philosophie, et que signifie-t-il ? (Wie und auf welchem Wege kam es zu dieser

    Umkehrung der Fundamentalbegriffe der Philosophie, und was bedeutet sie53?)

    une description prcise de lAbbau comme libration , qui induit une certaineconception de lhistoire et des conditions de possibilit de la Geistesgeschichte ou histoire intellectuelle . Les philosophies historiques comme on dit les vnementshistoriques nont le statut de faits que dans une saisie philosophique vivante (inlebendiger philosophischer Erfassung). Pareille saisie, qui rpond un dsir daller aularge , ins Freie , de se librer de lhistoire dite pigonale , qui additionne les systmes et les points de vue , saccomplit par lAbbau. La dconstruction vise

    se librer dune tradition inauthentique qui simpose nous51

    , ramener les concepts obstructifs leur origine, pour dsobstruer le chemin qui conduit auxchoses mmes52. Cest un acte philosophique qui sinscrit dans lhorizon pratique dunecertaine forme de philosophie : la phnomnologie.Dans les annes 1930-1940, la rupture avec la phnomnologie tant consomme, ladestruction de lontologie traditionnelle cde la place l histoire de ltre (Geschichtedes Seins). Le mot-cl nest plus celui de retour lorigine, mais ceux de changement,mutation, permutation, transformation : Wandeln et Verwandlung. Le cours dusemestre dt 1934 Logik als die Frage nach dem Wesen der Sprache/La Logiquecomme question sur lessence de la langue, primitivement annonc sous le titreDer Staatund die Wissenschaft/Ltat et la Science(que ceux qui ont des oreilles entendent !) demande :

    Cette question est celle de larchologie du sujet. La rponse de Heidegger renvoie lapermutation (Verwandlung), au complet renversement de sens quont connu au seuil dela modernit les mots subiectumet obiectum, au revirement (Umkehrung) qui leur aconfr une signification exactement oppose celle quils avaient au Moyen ge lesscolastiques appelant subiectumla chose extramentale, que nous appelons aujourdhuiprcisment objet , et obiectumla reprsentation mentale, que nous disons prsent subjective . Do une seconde question :

    Cest derechef ce dont senquiert larchologie du sujet. Quelle rponse apporte-t-elle ? Lecours de cette anne, intitulInventio subiecti. Linvention du sujet moderne, en donneraune premire approximation, tout en entamant la critique archologique de la thsepropose en 1941 par Heidegger dans La Mtaphysique comme histoire de ltre, selonlaquelle cest avec Descartes que,pour la premire fois, subiectumet ego, subjectit etgot (Ichheit), ont acquis une signification identique54.Stat Roma pristina nomine, nomina nuda tenemus: la Rome dantan nest plus quunnom ; nous ne gardons que des noms vides, crivait vers 1140 Bernard de Cluny dans LeMpris du monde(De contemptu mundi). Je nen crois rien. Roma, Rome ou bien, dEco,Rosa, la rose, demeure certes par son nom, mais ce nom nest pas vide : il y a des pensesentre les mots et les roses.Lhistoire du sujet pensant sinscrit dans le trac dun quadrilatre mdival o secomposent, sappellent ou senchanent quatre questions. Deux ont directement trait lapense : 1 Qui pense ?autrement dit : Qui est celui qui pense en moi ? moi-mme (mySelf), comme le dira Locke, ou a ou il ; auf Deutsch: es, comme le dirontLichtenberg, puis Schelling, reformulant le cogitocartsien sous la forme impersonnelledun Es denkt in mir : il pense en moi, comme on dit Es regnet bei mir : il pleutchez moi ; 2 Quel est lesujet de la pense ?autrement dit : quest cela, la chose, la res,das Ding, laliquid, qui pense en moi55? Ces deux formulations, que lon peut ou nonjuger quivalentes, sont solidaires des deux autres questions du quadrilatre, aussi vieillesque la philosophie : Qui suis-je ?Quest-ce que lhomme ?Dans leur entre-implication, lesquatre peuvent servir de formulaire pour questionner la question du sujet de lapense, et cerner son a priorihistorique56 . Cette structure, ou plutt ce schmethorique , ne sest pas mis en place de lui-mme ni demble. La question du sujet de la

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    Annexes

    pense a chang plusieurs fois de sens, comme les notions dsignes par le terme sujet. Ilen va de mme des trois autres questions. Tout au long du Moyen ge tardif, cequestionnaire sest allong. Il a volu en liaison avec lvolution des modles de la "#$%(me). Pourquoi ? Parce que : 1 de nouvelles questionssont apparues au cours de deuxgrandes polmiques aux XIIIeet XIVesicles : les polmiques averrostes sur lunit delintellect et les polmiques thomistes sur lunit ou la pluralit des formessubstantielles57 ; 2 la psychologie a subi des changements profonds comme, au

    XIVesicle, la substitution de la notion d intellection ou de connaissance intuitive dusingulier celle, aristotlicienne, de perception sensible ; 3 la science de lme,centre par leDe animasur lintellect, lexercice de la pense et de la connaissance, a vucrotre la part dvolue lanalyse des motions (attribues par Aristote, au compos corps-intellect : le &'()!)58).Do unproblme nouveau: y a-t-il un sujet unique de la pense, de la perception et desmotions ?Problme dont une version alternative est : Qui dit je dans je pense , je perois , jprouve59 ?Est-ce le mme sujet qui dit je dans je pense , jevois et jai mal ? Est-ce toujours le mme je ? De qui ou de quoi sagit-il chaquefois ? de lme ? du corps ? du compos ? de la personne comme sujet de lunion de lmeet du corps ? Ce nouveau problme fait un lien entre le Moyen ge tardif et lgeclassique, entre les polmiques averrostes et un nouvel ensemble de discussions : les

    polmiques cartsiennes . Cest le problme de lunit de lhomme. Avec lui, lequestionnaire sallonge encore.En demandant si lhomme, corps et me, est un tre (un) par accident (ens per accidens)ou un tre (un) par soi (ens per se), les matres du XIVesicle formulent la question quisera au centre des polmiques dclenches contre Descartes par les aristotlicienscalvinistes dUtrecht en 164160. Laxe Averros-Descartes est capital pour lhistoire dusujet-agent. Suivre cet axe, cest btir plusieurs intrigues . Lautoroute heideggriennede lhistoire de ltre nest pas le seul chemin que doit emprunter larchologie. Il y adautres itinraires. Larchologie du sujet ne saurait tre la simple mise en rcit de LA(pr)histoire du sujet cartsiano-kantien dans LA tradition scolastique ou mme antique et mdivale . Sil y a dautres itinraires, cest quil y a dautres destinations:Reid, plutt que Descartes, Brentano plutt que Kant, donc aussi dautres traditions, que

    lon dcouvrira mesure.O va la philosophie mdivale ? Elle va l o est la philosophie. Elle est l o va laphilosophie. Elle est devenue mdivale, pass le Moyen ge ; elle tait seulementphilosophie quand le Moyen ge tait encore saeculum modernorum, sicle , cest--dire re des Modernes , pour ceux qui y vivaient. Aujourdhui, elle va l o doitaller celle ou celui qui veut relater, cest--dire mettre en relation, son histoire : Cordoueou Vienne, mais aussi Paris ou dimbourg, les deux nouvelles Athnes, lunefranaise, sous les Valois, lautre, britannique, lors du Scottish Enlightment61. Lenqutesur les dynamiques spatiales de la philosophie moderne , mene dans le cadre de laSociology of Philosophies62, peut tre reprise mutatis mutandis par le mdiviste.Larchologie du sujet nous entranera, en tout cas, dans lespace comme dans le temps,du concile de Chalcdoine (451) la philosophie cossaise du XVIIIesicle, la philosophie

    autrichienne du XIXe

    et pour finir, je lespre, la dconstruction de la dconstruction un Tahafut-at-Tahafut,uneDestructio destructionisdu troisime millnaire, un projetaverroste pour le post-postmodernisme. Le voyage sera long. Les voyages forment lavieillesse : le voyageur est, malgr tout, un peu press par le temps.Sa hte de commencer na donc dgal, Monsieur lAdministrateur, Mesdames, Messieurs,chers collgues, chers amis, que le dsir de servir dignement linstitution qui, soixante-quatre ans aprs le dpart dtienne Gilson, a fait le choix inattendu, mais exaltant pourson rcipiendaire, de recrer, au Collge de France, une chaire dHistoire de laphilosophie mdivale.

    Les enregistrements audio et vido de la leon inaugurale sont disponibles sur le site duCollge de France : http://www.college-de-france.fr/site/alain-de-libera/

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    Notes

    1. Notre seul devoir envers lhistoire est de la rcrire. O. Wilde, La critique est un art , Intentions,

    trad. de P. Nel, Paris, Le Livre de poche, 2000, p. 145-146.

    2.A.-F. Boureau-Deslandes,Histoire critique de la philosophie o lon traite de fon origine, de fes progrs& des diverfes rvolutions qui lui font arrives jufqu notre tems , t. III, Amsterdam, Franois Changuion,

    1756, p. 269-270.3.Dans leNouveau Dictionnaire historique ou histoire abrge de tous les hommes qui se sont fait un nompar des talens, des vertus, des forfaits, des erreurs etc. ; depuis le commencement du monde jusqu nosjours, t. III, Caen, G. Le Roi, 6 ed. 1786, p. 158-159, Louis Mayeul Chaudon (1737-1817) dresse un portraitnuanc de lhomme et de luvre.

    4. G.-C. Le Gendre de Saint-Aubin, Trait de lopinion ou Mmoires pour servir lhistoire de lesprithumain, t. I, Paris, Briasson-Vienne, Briffaut, 1735, p. 141-142.

    5.Cf. Z. Kaluza, Les tapes dune controverse. Les nominalistes et les ralistes parisiens de 1339 1482 ,inA. Le Boulluec (d.),La Controverse religieuse et ses formes, Paris, d. du Cerf, 1995, p. 297-317.

    6.V. Le Clerc,Discours sur ltat des Lettres, inV. Le Clerc et E. Renan,Histoire littraire de la France au

    XIVesicle, t. I, Paris, Michel Lvy, 2ed. 1865, p. 358-359, rappelle que lenchanement tait la fois une

    prcaution gnrale contre le vol ( avec les fortes serrures et lanathme ) et, quelquefois seulement, une punition inflige aux ouvrages suspects. Sur les libri incatenati, cf., prsent, M.-H. Jullien de

    Pommerol, Livres dtudiants, bibliothques de collges et duniversits , inA. Vernet (dir.),Histoire desbibliothques franaises, t. I : Les Bibliothques mdivales du VIesicle 1530, Paris, Promodis, 1989,p. 93-111.

    7.Je cite la traduction de Amable-Guillaume-Prosper Brugire de Barante (1782-1866), in : Histoire desducs de Bourgogne de la maison de Valois, t. XII, Paris, 1824-1826, p. 167-168. Jean-Baptiste-Louis Crvier(1693-1765), Histoire de lUniversit, t. IV, Paris, 1761, p. 364, est plus prs de loriginal latin, quon peutlire dit par L. Thuasne, dans Roberti Gaguini Epistole et orationes, t. I, Paris, mile Bouillon, 1903,

    p. 248-249.

    8.E. Dubarle,Histoire de lUniversit, depuis son origine jusqu nos jours, t. I, Paris, J. L. J. Brire, 1829,p. 311. Dans le Discours sur ltat des Lettres, premier tome de lHistoire littraire de la France au

    XIVesicle, crite quatre mains avec Ernest Renan (op. cit., p. 359), Victor Le Clerc persifle : Seule dansluniversit la nation dAllemagne reut avec une grande joie cette autorisation de lire [les livres desnominaux] ; mais peut-tre les lut-on moins alors que lorsquils taient dfendus et clous .

    9. Cf. Condillac, Histoire moderne, livre VIII, chapitre VII, De la scholastique, et par occasion, de la

    manire denseigner les arts et les sciences, uvres compltes, t. XII, Paris, Lecointe & Durey & Tourneux,1822, p. 279-303.

    10.. Gilson, Le Moyen ge et le naturalisme antique , Archives dhistoire doctrinale et littraire duMoyen ge, no7, 1932, p. 5-6.

    11.. Brhier, Y a-t-il une philosophie chrtienne ? Revue de mtaphysique et de morale, vol. 38, no2,1931, p. 162 [p. 133-162]. Sur la controverse, voir G. B. Sadler, The 1930s French Christian Philosophy

    Debates : Relevance, Present Condition, Brief History and Main Positions, Catholic University of AmericaPress, 2011.

    12. Pour une vue prcise du dbat Vignaux-Gilson, de sa gense, de sa nature et de ses enjeux, voirP. Vignaux, Philosophie chrtienne et thologie de lhistoire , in:De saint Anselme Luther, Paris, Vrin,coll. tudes de philosophie mdivale , 1976, p. 55-68.

    13.Cf. P. Vignaux,Philosophie au Moyen ge, Paris, Vrin,3ed. 2004, p. 94-95 : Lhistorien qui a reuune formation philosophique doit craindre de trop unifier, de systmatiser ; il faut quil laisse voir la

    diversit rebelle.

    14.M. Gueroult, Leon inaugurale au Collge de France. Chaire dhistoire et technologie des systmesphilosophiques, Paris, Collge de France, 1952, p. 24 et 33. Cf. C. Giolito,Histoires de la philosophie avecMartial Gueroult, Paris, LHarmattan, 1999, p. 136.

    15.M. Gueroult,Leon inaugurale au Collge de France, op. cit., p. 23.

    16. Cf. Linfluence scotiste dans le projet peircien dune mtaphysique comme science , Revue des

    sciences philosophiques et thologiques, vol. 83, no1, 1999, p. 117-134.

    17.Cf. J. Le Goff, Un long Moyen ge, Paris, Tallandier, 2004.

    18.Cf. J. Michelet, Cours au Collge de France, d. par P. Viallaneix avec la collaboration dO. A. Haac etI. Tieder, Paris, Gallimard, 1995, 2 vol. Sur les circonstances, le sens et la porte de linvention de la Renaissance , voir le livre de Lucien Febvre, Michelet et la Renaissance, Paris, Flammarion, 1992, quireprend les cours donns en 1942-1943 au Collge de France. Cf., en outre, C. Gaspard, Les cours de

    Michelet au Collge de France (1838-1851) , in:Le Cours magistral XVe

    -XXe

    sicle.Histoire de lducation,no120, 2008, p. 99-112.

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    19.Condillac, Cours dtudes, VI, XX, 1, in: uvres philosophiques, t. II, Paris, PUF, coll. Corpus gnraldes philosophes franais , 1948, p. 173. Cf., dans le mme sens, Histoire moderne, livre IX, De lItalie,chapitre IX,De ltat des arts et des sciences en Italie, depuis le Xesicle jusqu la fin du XVesicle, uvrescompltes, t. XII, op. cit., p. 431-432.

    20.. Gilson,La Philosophie au Moyen ge. Des origines patristiques la fin du XIVesicle, Paris, Payot,1999 (1re d. 1944), p. 9, avec, sur les mmes problmes de priodisation, selon le philosophe ou selonlhistorien (cette fois sur la continuit/coupure XIIIe-XIVesicle), la recension de Lucien Febvre, Histoire

    des ides, histoire des socits. Une question de climat , Annales. conomies, socits, civilisations, no2,

    1946 (1re

    anne), p. 158-161.21.E. Renan, Averros et laverrosme, Paris, Michel Lvy, 2ed. 1865, p. 385. En 1497, le Snat vnitiencre, de fait, une chaire pour Tomeo, afin quil y enseigne Aristote partir du texte grec. Cf. D. De Bellis, La vita e lambiente di Niccol Leonico Tomeo , Quaderni per la storia dellUniversit di Padova, no13,1980, p. 37-75. Rappelons qu lpoque Padoue tait, selon le mot de Renan, le Quartier latin de Venise .

    22. Cf. G. Bruno, Spaccio della bestia trionfante, d. de G. Aquilecchia, intro. de N. Ordine (GiordanoBruno, uvres compltes, V/1-2), Paris, Belles Lettres, 1999.

    23. Cf. A.-M. Malingrey, Philosophia. tude dun groupe de mots dans la littrature grecque, desprsocratiques au IVesicle aprs J.-C., Paris, Klincksieck, 1961 ; avec le commentaire dA. Guillaumont,Revue de lhistoire des religions, vol. 164, no2, 1963, p. 244-246.

    24.Cf. A. Torre, Un tournant spatial en histoire ? Paysages, regards, ressources , Annales. Histoire,

    sciences sociales, no5, 2008 (63eanne), p. 1127-1144.

    25.Le tournant linguistique a aussi eu une importance capitale pour les mdivistes : inaugur par

    louvrage pionnier de J. Jolivet, Arts du langage et thologie chez Ablard, Paris, Vrin, 1969, il reste un desaxes majeurs de la recherche en philosophie mdivale. Cf. I. Rosier-Catach, La Parole efficace. Signe,rituel, sacr, Paris, Seuil, coll. Des travaux , 2004.

    26.Sur ces notions, cf. R. Rorty, Quatre manires dcrire lhistoire de la philosophie , in G. Vattimo(d.), Que peut faire la philosophie de son histoire ?, Paris, Seuil, 1989, p. 58-94.

    27.Q. Skinner, Meaning and understanding in the history of ideas , History and Theory, vol. 8, no1,1969, p. 3-53.

    28.A. de Libera, Le relativisme historique. Thorie des complexes questions-rponses et traabilit ,Les tudes philosophiques, no4, 1999, p. 479-494.

    29.Javais cependant, ds 1996, utilis le terme archologiquepour dfinir la mthode et la vise de mesrecherches sur les universaux. Cf. La Querelle des universaux. De Platon la fin du Moyen ge, Paris,Seuil, 1996, p. 26-27 [2ed., coll. Points , 2014, p. 29-30] : Notre conception de lhistoire ne sacrifiera

    pas [] au mouvement rtrograde du vrai. Ce qui nous importe est dordre archologique: nous voulons

    expliquer comment la pense mdivale a rencontr le rseau de concepts, dobjets thoriques et deproblmes dont elle a tir, comme une de ses figures possibles, le problme des universaux ; comment ceque lhistoriographie appelle le nominalisme et le ralisme sest constitu ; sur quels schmesconceptuels rcurrents les philosophes mdivaux ont bti leur comprhension de la pense aristotlicienneet forg leur reprsentation du platonisme.

    30. Cf. A. de Libera, Archologie et reconstruction. Sur la mthode en histoire de la philosophiemdivale , in collectif, Un sicle de philosophie, 1900-2000, Paris, Gallimard/Centre Pompidou, coll. Folio Essais , 2000, p. 552-587.

    31. Cf. I. Kant, ber die von der Knigl. Akademie der Wissenschaften zu Berlin fr das Jahr 1791

    ausgesetzte Preisfrage : Welches sind die wirklichen Fortschritte, die die Metaphysik seit Leibnitzens undWolfs Zeiten in Deutschland gemacht hat ?, in: Gesammelte Schriften, Berlin, Walter de Gruyter, t. XX,1942, p. 341 ; trad. fr. : Quels sont les progrs de la mtaphysique en Allemagne depuis le temps de Leibnizet de Wolf ?, uvres philosophiques, t. III, Paris, Gallimard, coll. Bibliothque de la Pliade , 1986,p. 1284.

    32.Sur cette notion, voir J.-F. Courtine, Foucault lecteur de Husserl. La priori historique et le quasi-transcendantal , Giornale di Metafisica, no29, 2007, p. 211-232.

    33.Cf. M. Foucault,LArchologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 167-168.

    34.Foucault rpond The Mandarin of the Hour Michel Foucault , The New York Times Book Review,no8, 28 fvrier 1971, p. 23-31. Voir, pour tout cela, Foucault rpond , Dits et crits, t. II, 1976-1988,no100, Paris, Gallimard, coll. Quarto , 2001, p. 219 sq.

    35.Cf. P. Ricur,La Mmoire, lhistoire, loubli, Paris, Seuil, coll. LOrdre philosophique , 2000, p. 366et 495-496 (sur Collingwood et la reffectuationdu pass dans le prsent).

    36.Cf. W. H. Dray, History as Re-Enactment : R. G. Collingwoods Idea of History, Oxford, Clarendon

    Press, 1999, p. 150. La formule de Dray combine les deux ides majeures de Collingwood : le reenactmentetla thse, rcurrente, selon laquelle All history is the history of thought. Sur la gense de ces thses, cf.R. G. Collingwood,An Autobiography, Londres/Oxford/New York, Oxford University Press, 1970 ; trad. fr.

    de G. Le Gaufey, Toute histoire est histoire dune pense. Autobiographie dun philosophe archologue,Paris, EPEL, coll. Des sources , 2010.

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    37. C. Lvi-Strauss, Du miel aux cendres (Mythologiques, t. II), Paris, Plon, 1966, p. 408 : Pour treviable, une recherche tout entire tendue vers les structures commence par sincliner devant la puissance etlinanit de lvnement.

    38.C. Backs-Clment, Lvnement : port disparu , Communications, no18, 1972, p. 154 [p. 145-155].

    39.Sur le reenactment, voir R. G. Collingwood, The Idea of History, d. et intro. de J. Van der Dussen,Oxford, Oxford University Press, 1993, p. 282-302. Sur la philosophie de lhistoire de Collingwood, lerelativisme historique et le reenactment, cf. C. Kobayashi et M. Marion, La philosophie de lhistoire deCollingwood : rationalit, objectivit et anti-ralisme , in C. Nadeau (d.), La Philosophie de lhistoire au

    XXesicle. Hommages offerts Maurice Lagueux, Qubec, Presses de lUniversit Laval, 2007, p. 119-164.

    40.Le terme structureintervient ds la description canonique des CQR et la mise en place de la distinctionentre logique propositionnelle et logique de questions et de rponses dans An Autobiography,op. cit., p. 37 ; trad. de Le Gaufey, p. 60-61.

    41.Pour un point de vue quilibr, voir P. Engel, Retour aval , Les tudes philosophiques, no4, 1999,p. 453-463 ; C. Panaccio, Philosophie analytique et histoire de la philosophie , inP. Engel (dir.),Prcisde philosophie analytique, Paris, PUF, 2000, p. 325-344 ; K. Mulligan, Sur lhistoire de lapprocheanalytique de lhistoire de la philosophie : de Bolzano et Brentano Bennett et Barnes , inJ.-M. Vienne(d.),Philosophie analytique et histoire de la philosophie , Paris, Vrin, 1997, p. 61-103 et, plus rcemment,T. Sorell et G. A. J. Rogers (dir.), Analytic Philosophy and History of Philosophy, Oxford, Oxford University

    Press, 2005.

    42.P. Ricur, Le retour de lvnement , Mlanges de lcole franaise de Rome. Italie et Mditerrane,vol. 104, no1, 1992, p. 29 [p. 29-35].

    43. Cf. P. Veyne, Comment on crit lhistoire. Essai dpistmologie, Paris, Seuil, coll. LUnivershistorique , 1996, p. 53.

    44.A. Lovejoy, The Great Chain of Being. A Study of the History of an Idea. The William James Lecturesdelivered at Harvard University, 1933, Cambridge (Mass.)/Londres, Harvard University Press, 2001[22etirage] ; 1red. 1936, 2ed. 1964. En 1940, Lovejoy a fond leJournal of the History of Ideas .

    45.P. Bourdieu,Sur ltat. Cours au Collge de France (1989-1992), Paris, Seuil, 2012, p. 472-473.

    46.A. Lovejoy, The Great Chain of Being, op. cit., p. 15, avec la critique de Q. Skinner, Meaning andunderstanding in the history of ideas , op. cit., p. 9.

    47.Pour une dfense de Lovejoy, cf. C. Knight, Unit-ideas unleashed: a reinterpretation and defence ofLovejovian methodology in the history of ideas ,Journal of the Philosophy of History , no6, 2012, p. 1-23.

    48. A. de Libera, Archologie du sujet, t. I, Naissance du sujet, Paris, Vrin, 2007 ; t. II, La Qute delidentit, Paris, Vrin, 2008 ; t. III/1, La Double Rvolution, Paris, Vrin, 2014.

    49.

    Le premier film des frres Louis et Auguste Lumire prsent au public, LArroseur arros (1895),durait 49 secondes : une dconstruction de la dconstruction sera plus gourmande.

    50. Destruktion apparat ds les premiers Grundprobleme der Phnomenologie, cours donn parM. Heidegger Fribourg lors du semestre dhiver 1919/20, d. Hans-Helmuth Gander, Francfort, VittorioKlostermann, 1993, Gesamtausgabe(GA) 58, p. 139 (pour Abbauen , cf. p. 147).

    51.Cf. M. Heidegger, Phnomenologie der Anschauung und des Ausdrucks. Theorie der philosophischenBegriffsbildung, dit par Claudius Strube, Francfort, Vittorio Klostermann, 1993, GA 59, p. 5.

    52.Selon les expressions utilises dans le cours marbourgeois du semestre dhiver 1923/24, Einfhrung indie phnomenologische Forschung, 20, d. Friedrich-Wilhelm von Hermann, Francfort, VittorioKlostermann, 1994 (2ed. 2006), GA 17, p. 118 ;Introduction la recherche phnomnologique, trad. fr. deA. Boutot, Paris, Gallimard, 2013, p. 135.

    53. Cf. Logik als die Frage nach dem Wesen der Sprache, dit par G. Seubold, Francfort, VittorioKlostermann, 1998, GA 38, p. 145 ; trad. fr. de F. Bernard, La Logique comme question en qute de la pleine

    essence du langage, Paris, Gallimard, 2008, p. 172.54. Cf. Die Metaphysik als Geschichte des Seins, in : Nietzsche, t. II, dit par B. Schillbach, Francfort,

    Vittorio Klostermann, 1997, GA 6.2, p. 434 ; La mtaphysique en tant quhistoire de ltre , in:Nietzsche,t. II, trad. fr. de P. Klossowski, Paris, Gallimard, 1971, p. 348. Pour une formulation plus fine de cette thse,englobant la fois Kant et Leibniz, voir les secondsGrundprobleme der Phnomenologie, d. F.-W. vonHermann, Francfort, Vittorio Klostermann, 1975, GA 24, p. 178 ; trad. de J.-F. Courtine, Les Problmesfondamentaux de la phnomnologie, Paris, Gallimard, 1985, p. 159.

    55.Autrement dit : Ce Je, ou cet Il, ou ce Cela (la chose) qui pense , ce sujet transcendantal despenses = x que, selon Kant, nous connaissons seulement par les penses qui sont ses prdicats .

    56.Ce schme est introduit dans A. de Libera,Naissance du sujet, op. cit., p. 188-208. Il est repris dans id.,La Qute de lidentit, op. cit., p. 22, 31, 199, 253 et 367.

    57.Voir ibid., p. 205-228. Sur les interventions du Magistre contre lunit de la forme substantielle dansles annes 1270-1280, voir L. Bianchi, Censure et libert intellectuelle luniversit de Paris

    (XIIIe

    -XIVe

    sicles), Paris, Belles Lettres, 1999, p. 21-52.58. Sur ce thme, cf. H. Lagerlund and M. Yrjnsuuri (d.), Emotions and Choice from Boethius to

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    Descartes, Dordrecht/Boston/Londres, Kluwer (srie Studies in the History of Philosophy of Mind ,vol. 1), 2002 ; S. Knuuttila (d.),Emotions in Ancient and Medieval Philosophy , Oxford, Clarendon Press,2004.

    59.Cf. J.-B. Brenet, Moi qui pense, moi qui souffre. Lidentit du compos humain dans lanti-averrosmede Pierre dAuriole et Grgoire de Rimini , inO. Boulnois (d.), Gnalogies du sujet, de saint Anselme Malebranche, Paris, Vrin, coll. Bibliothque dhistoire de la philosophie , 2007, p. 151-169. Surlaverrosme latin, cf. J.-B. Brenet,Les Possibilits de jonction. Averros Thomas Wylton, Berlin/Boston,

    De Gruyter, coll. Scientia Graeco-Arabica , 2013.

    60.Sur la querelle dUtrecht, cf. A. de Libera, La Double Rvolution, op. cit., p. 87-133.

    61.Sur dimbourg, Athnes britannique et Ville-monde , voir S. Van Damme, toutes voiles vers lavrit. Une autre histoire de la philosophie au temps des Lumires, Paris, Seuil, coll. LUnivershistorique , 2014, p. 163-169 et 173-195.

    62. Cf. R. Collins, The Sociology of Philosophies: A Global Theory of Intellectual Change , Cambridge(Mass.), Harvard University Press, 1998.

    Auteur

    Alain de Libera

    Professeur au Collge de France, chaire dHistoire de la philosophie mdivale

    Collge de France,

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    Collge de France, (n.d.) (gnr le 24 juillet 2014). Disponible sur Internet : . ISBN : 9782722603363.

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    DE LIBERA, Alain. O va la philosophie mdivale ? Leon inaugurale prononce le jeudi 13 fvrier 2014.Nouvelle dition [en ligne]. Paris : Collge de France, (n.d.) (gnr le 24 juillet 2014). Disponible surInternet : . ISBN : 9782722603363.

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