Aïkido Mag 2012/06

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AïKiDO magazine juin 2012 marc bachraty F édération F rançaise d’ A ïkido A ïkibudo et A ffinitaires rencontre aïkido club daumesnil kinomichi jean-pierre cortier entretien alice feneyrols l’union de l’efficacité et de l’harmonie

description

Le magazine de la Fédération d'Aïkido, d'Aïkibudo et Affinitaires. Numéro de juin 2012.

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AïKiDOmagazine

juin 2012

marc bachraty

F é d é r a t i o n F r a n ç a i s e d ’ A ï k i d o A ï k i b u d o e t A f f i n i t a i r e s

rencontreaïkido club daumesnil

kinomichijean-pierre cortier

entretienalice feneyrols

l’union de l’efficacité et de l’harmonie

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éditorial

AÏKIDO MAGAZINE juin 2012 est édité par la FFAAA, 11, rue Jules Vallès 75011 Paris - Tél: 01 43 48 22 22 - Fax: 01 43 48 87 91 www.aikido.com.fr - Email : [email protected]

Directeur de la publication : Maxime Delhomme - Directrice administrative : Sylvette Douche. Réalisation : Ciné Horizon. Toutes reproductions interdites sans autorisation préalable.

Style

La voie n'est rien mais rien n’est sans la voie, pour reprendre l'expression du Taoqui irrigue aussi tous les arts martiaux japonais et, plus subtilement encore,l'Aïkido. Expliquer, écrire est alors si difficile que le plus simple serait de dire quetout est dans la pratique et qu’elle se suffira bien à elle-même. Mais même si c'estle chemin qui compte le plus, il faut une direction pour qu'il y ait du mouvement.L’image figée est le contraire de l’Aïkido. Vivre est, en soi, suffisant mais incomplet.Vouloir donner un sens à sa vie lui donne une tout autre allure. Une première accroche consisterait à vouloir progresser et nous pensons tous àfranchir les étapes des dans. C'est une forme de compétition dont la stimulationn'est pas vaine si elle reste mesurée. Cette mesure est d'abord le travail de la fédé-ration qui a la charge, difficile et périlleuse, de l'organiser. Cet encadrement externe n'a pourtant de sens que si chacun, dans son for intérieur,préserve sa joie sans l'assécher par son ambition. Il faut, de soi-même, savoirconnaître son grade pour le remplir pleinement, plutôt que de vouloir le faire valoirpar les autres, ce qui ne serait que décoratif. Ce que cela nous amène à penser denous-mêmes, dans notre rapport aux autres, est peut-être la meilleure leçon à tirerde l'enseignement de l'Aïkido. Il ne s'agit pas seulement de devenir un animal stra-tégique car, bien au-delà de l'art du combat, l'idée est de le rendre vain. Pour soi-même autant qu'aux autres, rappeler que l'humanité c'est au plus vite apprendre àse passer des rapports de force car « Le plus fort n'est jamais assez fort pour êtretoujours le maître » (Jean-Jacques Rousseau), quels quesoient sa puissance et son grade. Le courage nécessairen'est ni bravade ni abandon de poste mais l'engagementcontinu à esquiver la discordance pour trouver un apai-sement qui ne sera pas celui de la déliquescence. Au-delà de l'union des énergies que traduit le mot Aïkido, lesJaponais ont un mot, wafu, pour décrire tout ce qui est de« style japonais », c'est-à-dire l'essence même de leurculture et donc ce qu'il faut à une société. Or, le premierdes idéogrammes dans cette expression est tout simple-ment celui de l'harmonie.L'harmonie qui gouverne au dessus de tout, voilà qui sepasse de galons.Tout simplement, il n'est pas interdit d'avoir du style.

Maxime DelhommePrésident de la FFAAA

FÊTE DE L’AÏKIDO23 & 24 juin 2012

à l’Institut du Judo - 21-25, avenue de la Porte de Châtillon - 75014 ParisMétro : Porte de Vanves (ligne 13) - Porte d’Orléans (ligne 4) - Tramway : T3 - Jean Moulin

Carte blanche cette année à Christian Tissier et Paul Mullerpour un week-end fêtant la diversité de l’Aïkido français, avec l’Aïkibudo et le Kinomichi

Cours samedi et dimanche de 10h à 16h 30Conférence sur l’histoire de l’Aïkido par Stanley Pranin samedi de 17h 30 à 20h

Soirée dansante à partir de 21h

FFAAA, une fédération pour tous les aïkidokas - Informations : www.aikido.com.fr

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Louis Clériot nous a quittés le 17 février 2012, à l’âge de 88 ans

Pionnier des arts martiaux en France, il a consacré sa vie à sa passion et auservice des autres. En lisant sa biographie, ceux qui ne le connaissaientpas, pourront apprécier à quel point il fut efficace et important pour ledéveloppement de notre discipline. Ceux qui le connaissaient se souvien-dront d’un maître attentionné et exigeant et d’un bénévole infatigable auservice de l’Aïkido. Ils se souviendront aussi de son caractère entier, bourru qui s’accommodait bien à sa personnalité. Ses amis, ses prochesacceptant l’inéluctable échéance d’une vie bien remplie préfèreront, auxlarmes et à la tristesse, la joie de l’avoir connu et tant reçu. Il me consi-dérait comme son fils et c’est à ce titre qu’avec Jacqueline et Marianne, aunom de nous tous, je le prie de continuer à veiller sur nous. En 1947, il com-mence l’étude du Judo à St-Ouen avec M. Landra, mais ce n’est qu’en 1958qu’il découvre l’Aïkido grâce à un ami judoka, Charles Sebban. Deux autresamis judoka et aïkidoka, Michel Berreur et Daniel Breton commencent à lefaire travailler sérieusement. Au retour de maître HirooMochizuki en France, il travaillepresque chaque jour avec luidans le quartier des Halles àParis, dans un club où s’entraî-naient également Alain Floquetet Gabriel Michaud. Par la suite,il assiste maître Mochizuki dansles stages que celui-ci dirige en

province. En 1973, au moment de la création de l’UNA, il est désignépour faire partie des 5 experts des trois écoles formant cette asso-ciation afin de diffuser la méthode nationale. A partir de 1967, ilassure la trésorerie et le secrétariat général de l’Aïkido placé sousla tutelle du Judo (FFJDA). Au premier Congrès de la F.I.A. à Tokyoen 1976, il représente la France. Après une interruption de 4 ans, ilparticipe à la création de la FFAAA et redevient secrétaire général,poste qu’il quitte pour des raisons personnelles en 1984. Membrede la Commission des Grades de la FFAAA, il est nommé co-secré-taire de la Commission Spécialisée des Grades Aïkido (CSGA)depuis sa création (commission paritaire FFAAA et FFAB). A ce titre, il par-ticipe à l’élaboration du règlement intérieur de la Commission Spécialiséedes Grades, travail qui a permis en partie d’aboutir à la création de l’UFA. Enseignant infatigable, 7e dan, il était encore aujourd’hui sur les tatamisdans le club qu’il a créé à Paris dans le 14e arrondissement.

Christian Tissier shihan, 7e dan

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Stages des techniciens - été 2012-Boulouris avec P. Muller 7e dan, du 24-06 au 1er-07. Rens.: 0388701547.-Hartzviller avec Michel Erb 5e dan, du 7 et 8 Juillet. Rens.: +33 671922024.-Andernos avec Philippe Léon 6e dan, du 7 au 12 juillet. Rens.: 0556368641 - 0611149091.-Saint-Just d’Ardèche avec Alain Guerrier 7e dan, du 7 au 15 juillet. Rens.: 0663061400.-Cranves-Sales avec Marc Bachraty 5e dan, du 7 au 10 juillet et du 12 au 15 juillet. Rens.: 0634421038-0616422865.-Valmeinier avec Luc Mathevet 6e dan, du 8 au 15 juillet. Rens.: 0479595369.-Noirmoutier avec Joel Roche 6e dan, du 12 au 15 juillet. Rens.: 0241487566.-Fouesnant avec Patrick Bénézi 7e dan, du 12 au 20 juillet. Rens.: 0611401931.-Sorles-le-Chateau avec Arnaud Waltz 6e dan, du 14 au 20 juillet. Rens.: 0327621495. -Paulhaguet avec Pascal Norbelly 6e dan, 14 au 21 Juillet. Rens.: www.aikidobonneuil.com.-Porto-Vecchio avec Christian Mouza 6e dan, du 16 au 21 Juillet. Rens.: 0608162488.-Saint-Pierre d'Oléron avec Franck Noel 7e dan, 23 juillet au 4 août. Rens.: 0561261031 - 0563335170.-Biscarrosse avec Alain Verdier 6e dan et Alain Guillabert 5e dan, du 28 juillet au 2 août.Rens.: 0616181047 et 0556120794.-Séte avec Gilbert Maillot 5e dan, 28 juillet au 3 août. Rens.: 0615200696.-Autrans avec Bernard Palmier 7e dan, du 28 juillet au 4 août. Rens.: 0618330701.-Roquebrune avec Christian Tissier 7e dan, du 29 juillet au 3 août. Rens.: 0143282990.-Berck-sur-Mer avec Bruno Zanotti 6e dan, du 29 Juillet au 4 août. Rens.: 0608215226.

INFOS-STAGES

MISE A JOUR BASE DE DONNEESLa mise en service de notre nouvelle base de données, depuis septembre 2011, vous permet désormais, moyennant vos identifiant et mot de passe,de pouvoir gérer directement les informations concernant votre club. Vous pourrez ainsi mettre à jour les rubriques concernant : l’adresse des cours,les jours et heures d’entraînement, l’enseignant et toutes autres informations utiles qui seront automatiquement reprises par notre site fédéral.Chaque club disposera, avec ce nouvel outil, d’une géolocalisation.Vous pourrez renouveler ou saisir la fiche de renseignements pour vos nouveaux licenciés et disposer ainsi de la possibilité d’établir une communi-cation automatisée avec vos adhérents. Pour activer le compte de votre club, il suffira de vous connecter sur notre site www.aikido.com.fr, de cliquersur le nouveau bouton prévu à cet effet « ESPACE FFAAA » et de suivre toutes les indications audio-vidéo qui vous seront fournies en ligne.Votre identifiant est le numéro qui vous sera attribué au moment de votre affiliation, et le mot de passe sera automatiquement délivré dans votreboîte mail (ou celle du club) lorsque, pour la première connexion, vous cliquerez sur « Mot de passe oublié ? ».

-Evian avec Gilbert Maillot 5e dan, du 4 au 10 août et du 11 au 17 aoüt. Rens.: 0615200696.-St-Jean-de-monts avec Irène Lecocq 6e dan et Catherine David 5e dan, du 4 au 11 août.Rens.: 0632069486.-Roquebrune avec Christian Tissier 7e dan, du 5 au 10 août. Rens.: 0143282990.-Wégimont avec Christian Tissier 7e dan, du 11 au 18 août. Rens.: 0143282990.-Estavar avec Franck Noël 7e dan, du 13 au 18 août. Rens.: 0468731334.-Die avec Luc Mathevet 6e dan, du 18 au 24 aôut. Rens.: 0475482948.-Vincennes avec Patrick Bénézi 7e dan, du 20 au 26 août. Rens.: 0611401931.-Lons-le-Saunier avec Michel Erb 5e dan, 25 et 26 août. Rens.: +33 671922024.-Schwindratzheim avec Paul Muller 7e dan, du 25 au 30 août. Rens.: [email protected].

Stage national enseignants et futurs enseignants-Sablé-sur-Sarthe avec Bernard Palmier 7e dan et Arnaud Waltz 6e dan, du 27 au 31 août.Rens.: FFAAA, 11, rue Jules Vallès, 75011 Paris.

Stage international -Le Vigan avec Hiroshi Ikeda shihan 7e dan, du 18 au 26 aôut. Rens.: 0687428828.

Louis Clériot 7e dan, avec les sensei Mochizuki, le doshu Moriteru Ueshiba et Christian Tissier.

Toutes les infos sur le site fédéralwww.aikido.com.fr

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Quand et comment en êtes-vousvenu à enseigner l’Aïkido ?

Durant la saison 1986-87, alors queje m’entraînais depuis deux ans à Vincennesau Cercle Tissier, il s’est trouvé que certainsclubs se sont libérés et Christian Tissier m’ademandé, ainsi qu’à d’autres, si nous étionsintéressés pour les reprendre. C’est ainsique j’ai commencé à enseigner en septem-bre 1987 au club Daumesnil avec six débu-tants, là où j’avais commencé l’Aïkidoquelques années auparavant. La sectionAïkido du club Daumesnil avait été créée en1965 au sein de la FFJDA par Rémy Pierrard,un ancien élève de Mochizuki Minoru senseï,avant de rejoindre la FFAAA en 1983. Le pro-fesseur en était Christian Sortant.Commençait alors pour le jeune 1er dan quej’étais, il y a 25 ans maintenant, une aventurefaite de rencontres, d’échanges et de com-munications qui, aujourd’hui encore, necesse de m’enrichir humainement et techni-quement. Aujourd’hui nous comptons envi-

ron vingt-cinq adhérents dont cinq 3e dan,deux 2e dan et six 1er dan.

Comment organisez-vous votreenseignement ?

Les cours ont lieu deux soirs par

semaine. Mon enseignement en début desaison vise avant tout à accueillir les débu-tants dans les meilleures conditions. Pourcela, la première heure de cours leur estentièrement consacrée et les anciens sont làpour travailler avec eux ; ce qui permet à la

aïkido club daumesniljean-pierre israël

A deux pas du célèbre marché d’Aligre, Paris 12e,, Jean-Pierre Israel 5e dan, fête 25 ans d’enseignement à l’Aïkido club Daumesnil.

Rencontre avec un technicien passionné.

passion transmission

RENCONTRE

Pour Jean-Pierre Israel, 5e dan,

toutes lestechniquesdoivent êtreenseignées

avec lamême

intensité,avec ou sans

armes.

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plupart d’entre eux de progresser plus rapi-dement et d’être mis en confiance grâce àl’approche amicale et bienveillante des gra-dés. Il est important qu’ils comprennent dèsle début que la compétition et la confronta-tion sont étrangères à l’Aïkido. Nous sommeslà pour partager, progresser ensemble etnon pour nous mesurer les uns aux autres.Chaque enseignant est, à ce jour, bienconscient que c’est dans le rajeunissementdes pratiquants, dans l’apport de sang neufque réside l’avenir de notre discipline. Pourconsolider cette approche, l’un de mesélèves 2e dan, Pierre Bugnon, assure tous lessamedis matin, et cela depuis de nom-breuses années, un entraînement dirigéd’une heure trente qui leur est égalementdédié. La deuxième heure de cours estdavantage axée sur un travail « tout grade »qui a pour objectif l’approfondissement desprincipes et des techniques, à travers unepratique à la fois plus fluide et plus dyna-mique. Enfin une demi-heure par semaineest réservée au travail des armes, ken et jo.

Y a-t-il des formes et des tech-niques que vous privilégiez ?

Chaque pratiquant cultive certaine-ment des préférences en termes de tech-niques et je n’échappe, bien sûr, pas à la règle.L’enseignant, lui, a le devoir et la responsabilitéde transmettre l’intégralité des techniques afinde mettre en valeur toute la richesse et toutel’étendue de l’Aïkido. Il y a une progression àrespecter dans la présentation des techniqueset cette progression est liée au niveau des pra-tiquants. Ainsi pour un débutant la découvertede ikkyo est bien plus fondamentale que cellede yonkyo, principe qui retrouvera cependanttoute sa pertinence à un stade ultérieur de lapratique. Toutefois chaque technique biencomprise renferme en elle-même l’ensembledes principes et peut donc servir de base audéveloppement d’un cours.

A quel momentle professeur se sent-ilefficace dans sa transmis-sion ? A quel moment a-t-il réussi ?

Accueillir desdébutants, les voir enquelques années de pra-tique réussir le 1er dan,puis, plus tard, encore ledeuxième ou le troisièmedan est, indéniablement,une source de satisfaction.Chaque enseignant doit seconfronter régulièrement àses résultats et constam-ment tenter d’améliorerson enseignement par lerenouvellement desapproches pédagogiqueset la diversité des formesproposées. Et c’est le va-et-vient continuel entrel’enseignement et la pra-tique qui permet de pré-senter un Aïkido non routi-nier ou mécanique. En tantqu’élève de ChristianTissier, j’ai la chanced’avoir accès à un Aïkidoqui évolue sans cesse, cequi m’empêche de m’ins-taller dans une pratiqueconfortable et sans sur-prise. Pouvoir restituer ettransmettre, du moins enpartie, cet esprit de renou-veau est de ma responsa-bilité. Toutefois le retourconstant et régulier sur lesformes de base constitueégalement un des aspects incontournablesde l’enseignement. Certains de mes élèves qui sont devenus des

amis viennent au club Daumesnil depuis denombreuses années. Ce sont des personnesqui, malgré leurs obligations profession-nelles, sociales et familiales ont décidé deréserver deux soirs par semaine à la pratiquede l’Aïkido. Autrement dit, l’Aïkido est devenupour eux aussi une passion dont ils appré-cient pleinement la valeur formatrice. Il estclair alors que je me sens tout à fait comblé,justifié et récompensé dans mon rôle d’en-seignant.

Vous êtes professeur donc égale-ment pratiquant ; quelles sont vos sourcesen Aïkido ?

J’ai commencé l’Aïkido un peu parhasard, simplement désireux de pratiquerun art martial, car il m’apparaissait alors queles arts martiaux japonais recélaient en euxdes qualités formatrices dépassant de loin

Toujours beaucoup de pratiquants sur le tatami, dontFranck Jeannet 3e dan, webmaster du club.

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une simple activité sportive, aussi respecta-ble soit-elle. C’est ainsi que j’ai franchi laporte du club Daumesnil en 1983 où j’ai eupendant deux ans pour enseignant Christian

Sortant. Toutefois, celui-ci devait quitter leclub Daumesnil en 1985 pour reprendre celuide Rosny-sous-bois. Par ailleurs, j’étaisdécidé à m’entraîner davantage et j’avais

entendu parler de Christian Tissier que je neconnaissais que de réputation ou encore àtravers ses livres, je me suis ainsi retrouvé auclub de Vincennes en septembre 1985. J’ai

été, dès le début, fortement impressionnépar l’énergie, le rythme et le dynamisme quiy régnaient. J’étais fasciné par un Aïkido quidégageait tant de puissance et d’élégance.

Que dire également de la rigueur technique,de la clarté des explications et de l’enthou-siasme communicatif de Christian Tissier ?Malgré sa notoriété, Christian Tissier rested’une grande simplicité et demeure toujourstrès accessible. J’ai su alors que j’avaistrouvé ma place et suis resté depuis ce jourson élève. J’ai également étudié auprès desdifférents intervenants du Cercle Tissier àVincennes, formés dans le même esprit, cha-cun apportant sa propre lecture de l’ensei-gnement. Ils ont très certainement contribuéà approfondir ma compréhension et à enri-chir ma pratique. Bien sûr, il y a eu égale-ment les grands experts japonais. Je pensenotamment à Yamaguchi senseï dont l’Aïkidom’apparaissait alors et m’apparaît encoreaujourd’hui comme plutôt inaccessible, Endosenseï et sa pratique très sereine, tout enrelâchement. Christian Tissier, ainsi que certains expertsjaponais, bien que de sensibilités différentes,nous présentent les formes les plus aboutiesde notre art à ce jour. Ils nous proposent unedirection à suivre et préservent ainsi le lienentre l’Aïkido moderne et la tradition.

L’idée que l’on se fait de l’Aïkido etde sa représentation actuelle vous semble-t-elle convenir à sa réalité ?

Il me semble que pour beaucoupde personnes extérieures au monde des artsmartiaux, l’Aïkido véhicule l’image d’une dis-cipline non-violente teintée d’une philoso-phie zen. Et sans doute cette image est-elleune des facettes de l’Aïkido.

RENCONTRE

aïkido club daumesniljean-pierre israël

Pratiquer l’Aïkido c’est se sentir plus intensémentvivant, d’où le plaisir et la joie qui en découlent…

Ils se sont tousengagés avecbonheur sur lavoie de l’harmonie, etmême, pour certains, dansl’union descœurs, commeAnne 1er dan et Christophe 3e dan, (ci-contre).

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Toutefois, seuls les pratiquants savent com-bien la tache est rude et nécessite beaucoupde temps, d’investissement, de travail et desueur. Il faut des années pour se construiredes formes de corps et bien d’autres annéesencore pour les habiter pleinement. Dans undojo, la non-violence n’est pas qu’une théo-rie. Elle suppose au contraire une grandemaîtrise qui ne peut s’exprimer qu’à traversune technique sans faille et un esprit serein.La contrainte, que ce soit une saisie ou uneattaque, doit être, en Aïkido, résolue harmo-nieusement et non par la force. Cela passepar une adéquation idéalement parfaite à lasituation et cette acceptation ne peut s’ac-tualiser qu’à travers un relâchement destensions, aussi bien physiques que mentales,car toute tension est le signe d’un refus sou-vent lié à la peur. Parvenir à ce relâchementdans l’action, lié bien sûr à une certaine toni-cité qui exprime une intention claire, est, àmon sens, quelque chose de fondamental,un défi permanent qui se représente àchaque instant de façon toujours nouvelle.

Que demandez-vous et qu’atten-dez-vous personnellement de l’Aïkido ?

Il y a, selon moi, un lien très netentre l’Aïkido et les traditions spirituellesorientales qui ont toutes pour dénominateurcommun la pratique de la vigilance, de l’atten-tion, du retour à l’instant présent, à l’ici etmaintenant.En cela, le travail exigeant que nous exerçonssur le corps, nous aide à revenir à la sensa-tion, à la réalité de l’instant. Et, à travers l’ap-prentissage des techniques, d’autres qualitésse développent progressivement. Ainsi appa-raissent la prise de conscience du centre, laverticalité, le relâchement dans l’action, lavision…La recherche du geste pur, de l’attitude justeillustre aussi les deux dimensions à la foismartiale et artistique de l’Aïkido. Revenir àl’essentiel, épurer chaque déplacement,chaque geste pour arriver à la quintessencede l’expression est une quête sans fin qui semanifeste par toujours plus de puissance, deplénitude et de beauté dans l’action.L’Aïkido que nous pratiquons véhicule et a tou-jours véhiculé cet esprit de recherche qui, bienque s’exprimant à travers des formes et dessensibilités différentes, nous réunit tous sur lamême voie.Pratiquer l’Aïkido c’est se sentir plus intensé-ment vivant, d’où le plaisir et la joie qui endécoulent et qui nous font sans cesse repren-dre le chemin du dojo. u

Propos recueillis par Albert Wrac’h

Traditionnellement, tori et uké sont les rôles respectifs que chacun des deuxpartenaires vont occuper alternativement au cours de la pratique. Certainestraductions des mots tori et uké en français, proposent entre autres, pour lepremier, l’idée de « prendre ou d’attraper » et pour le second celle de «recevoir ou d’accepter ». On peut donc penser que tori est celui qui prendquelque chose à uké et que uké est celui qui reçoit quelque chose de tori. Voilà bien une forme paradoxale d’échange qui veut que ce que l’un prendl’autre le reçoive. Traditionnellement, au cours des affrontements guerriers, les plus fortsaffirment par la force leur pourvoir sur les plus faibles. Dans la pratique desarts martiaux qui développent une dimension compétitive et où l’attaquepermet de marquer des points, comme en Judo sportif ou en Karaté, la vic-toire pour l’un et la défaite pour l’autre se jouent sous la forme euphémiséedu scénario sportif. Dans ce cadre, tori est celui qui initie l’attaque et ukécelui qui est projeté ou touché au cours de cette attaque. Autrement dit, toriportant son attaque met uké dans l’obligation de subir les effets de celle-ci. Dans la pratique de l’Aïkido où la dimension d’apaisement est prédominante, les chosess’inversent. Tori n’est plus celui qui attaque mais celui qui se défend contre l’attaqued’un uké qui finit toujours quand même par être celui qui tombe.Quelle que soit l’option mise en œuvre, offensive ou défensive, il semblerait que tori etuké incarnent respectivement les rôles de gagnant et perdant d’un duel. Cette concep-tion très réductrice ne rend pas compte de la complexité de la relation qui unit tori etuké dans la pratique de l’Aïkido.Si l’on se situe uniquement dans le registre de la recherche de l’efficacité martiale, pouravoir une chance de répondre de manière adaptée à une attaque, il vaut mieux antici-per les actions de celui qui porte l’attaque que de répondre trop tard. Ainsi tori seraitcelui qui anticipe en prenant l’attaque de uké et en la retournant contre celui-ci et ukécelui qui reçoit la monnaie de sa pièce, si l’on peut l’exprimer ainsi. Cependant, la proposition d’O sensei Morihei Ueshiba va plus loin que l’idée de self-défense. Dans la pratique de l’Aïkido il n’y a ni perdant ni gagnant, techniquement c’estun jeu à somme nulle qui se joue. Pour comprendre cette assertion, il nous faut envi-sager la pratique de l’Aïkido comme un moment d’échange au cours duquel la média-tion technique modifie le rapport à la violence de tori et uké.Avant qu’O senseï Morihei Ueshiba propose une nouvelle manière de vivre et penser lagestion des conflits, tori et uké demeuraient les deux faces d’une même pièce qui, pardéfinition, étaient vouées à se tourner le dos éternellement. Pour dépasser cette situa-

tion, il a fallu imaginer une forme demédiation qui les conduise à se ren-contrer pour progressivement setransformer mutuellement.En Aïkido une dynamique d’échanges’instaure, tori prend une part de ceque uké lui donne pour la lui retour-ner. Au cours de la pratique, l’expres-sion statique des forces antagonistesse métamorphose en une libre circu-lation des tensions. Se donne à voiralors une forme gestuelle ou dominela continuité des actions.Ainsi, loin de se limiter à un jeu derôles qui viserait à mettre en scènel’éternelle combat mythique du bienet du mal, le rapport tori-uké consti-tuerait une forme d’expression mar-tiale où il serait plus question desublimer la violence en lui offrant desmodes de circulation acceptables quede la domestiquer.

Arnaud Waltz 6e dan

LE SENS DES MOTSTori et uké

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Comment avez-vous débuté lapratique de l’Aïkido ?

A l’époque je voulais pratiquer un artmartial, un copain avait débuté l’Aïkido avecson père un an auparavant et m’a proposé devenir au club. C’était une reprise pour son pèreaprès quelques années d’arrêt et il en a profitépour proposer à son fils de pratiquer avec lui. J’ai fait un cours d’essai et j’ai tout de suiteaccroché : la convivialité au sein du club, ledynamisme du professeur, l’aspect tradition-nel du dojo m’ont immédiatement fait unebonne et forte impression.De plus, certains aspects comme le port duhakama, la variété des types de pratiques (àgenoux, contre plusieurs partenaires, auxarmes, etc.), et le respect de l’étiquette tran-chaient avec les cours pour ados proposés àl’époque dans ma ville (en Judo ou Karaté) quiétaient beaucoup plus axés sur le sport et lejeu que sur la pratique d’un art martial.C’était au club de Carrières-sur-Seine (78),dans lequel je pratique encore actuellement.J’ai débuté avec Fabrice Polteau qui assuraitles cours et que j’ai suivi jusqu’au 1er kyu.Après quelques années, le dojo fut repris parPascal Durchon qui m’a formée du 1er kyu au 3e dan.

Le changement de professeur a-t-il eu un impact sur votre parcours ?

Le changement de professeur m’a

permis de m’investir réellement dans la disci-pline. En effet, cela permet de réaliser que, sil’on continue, on peut alors pratiquer pour soiet non pas en suivant le professeur de manièrepassive. Ce fut l’occasion pour moi de m’ins-crire dans la discipline au sens de la disci-pline de soi et d’interroger les habitudes structurées avec son (ses) précédent(s)professeur(s)... de savoir ce que l’on va garder,ce que l’on veut changer ou améliorer.Le professeur nous accompagne dans cettedémarche, mais cela ne doit pas remplacer untravail personnel.Chaque professeur, à travers son parcours, sapersonnalité, montre, enseigne, certainesfacettes de la discipline, le changement per-met d’en appréhender son aspect multi-dimensionnel.

Cela vous a-t-il permis un inves-tissement dans la pratique à l’échelle de laFFAAA ?

Avant le 1er dan je n’allais que trèspeu en stage, et uniquement à des stages pri-vés organisés par mon club. Le fait de devoiraller en stage fédéral m’a poussée à sortir demon dojo et m’a permis de voir, par le contactavec une grande variété de pratiquants et detechniciens, que la richesse de la FFAAA estd’être une fédération organisée autour de plu-sieurs formes de pratique, ce qui permet cettepluralité d’expressions au sein d’une même discipline. J’ai commencé, et je continue, à me déplaceren France et à l’étranger pour aller pratiqueren stage, notamment dans plusieurs ligues en dehors de l’Ile-de-France (Centre,

Alice Feneyrols, 3e dan, ne se ménage pas pour explorer, sans relâche, auJapon comme en Ile-de-France, sa disciplinepréférée, dans laquelleelle puise l’énergie équilibrante pour mener àbien ses missions et engagements.Entretien avec une artiste martiale en béton.

ENTRETIEN

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alice feneyrols

énergie concrète

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Languedoc-Roussillon, Basse-Normandie,Lorraine, Aquitaine...), j’ai ainsi une vision pluslarge, plus nationale de la pratique de l’Aïkidoen France.Cela a développé chez moi la volonté de m’in-vestir dans l’une de ces ligues. J’avais déjàsuivi la formation de l’École des cadres en Ile-de-France. Puis, en suivant l’École des cadresde mon professeur, dans la ligue Centre, j’aiappris à apprécier l’Aïkido d’un point de vuetechnique et pédagogique à une échellehumaine où chacun se connait depuis desannées et se respecte, ce qui me convient. Au-delà de l’aspect découverte, c’est devenu unlieu d’investissement, de formation continuece qui m’a permis de préparer et d’obtenir leBE en novembre dernier. De fil en aiguille cela m’a amenée à tisser desliens forts avec cette région et à proposer decréer le site web de la ligue.

Vous semble-t-il important departiciper à la vie de sa ligue, de son club ?

Je crois qu’il est important d’avoirdes lieux pour s’investir. C’est, selon moi, l’unedes composantes essentielles pour pouvoiravoir une pratique de cœur qui va au-delàd’une logique de consommation. C’est aussipourquoi cela me semble normal d’investir etsoutenir les structures fédérales qui font senspour soi dans son parcours d’aïkidoka, que cesoit à l’échelle locale, régionale, ou nationale.Participer à la vie d’un club est un investisse-ment différent de celui qui se fait au seind’une ligue ou à l’échelle nationale. Par analogie à mon expérience profession-nelle, lorsque l’on a un diplôme d’ingénieur onaura beaucoup plus de libertés dans une PME,mais l’on doit également faire la plupart deschoses soi-même, ou en effectif réduit, etchercher des affaires futures à gérer pourpouvoir continuer à couvrir les charges etdégager un peu de bénéfice. Alors qu’au seind’un grand groupe, on aura une forme desécurité, dans le sens où il y a, dans l’entre-prise, des personnes dédiées pour chercherde nouveaux projets dont on sera en chargepar la suite, cependant la contrepartie est quel’on doit se plier aux exigences du groupe ensuivant sa politique. En même temps, cela permet alors de faireune analyse des manques, des besoins et demettre en place un plan d’actions en accordavec le rapport qu’ont les individus avec leurenvironnement. C’est donc riche tant sur l’as-pect culturel que sur le travail d’adaptationque cela demande !

Et qu’en est-il de la pratique àl’étranger ?

Comme à l’échelle régionale, on

retrouve dans la pratique à l’étranger unaspect multiculturel. J’ai pu voir commentl’enseignant doit s’adapter à des publics diffé-rents. L’élargissement du spectre à un niveauinternational permet de percevoir les écartsd’un pays à l’autre. On ne met pas l’accent surles mêmes points concernant la pratique enAngleterre, Allemagne ou Pologne... Il en estde même sur les représentations de l’Aïkido,tant sur le plan technique que des valeurs.L’absence de structure fédérale ou leur fai-blesse dans beaucoup de pays étrangers est,selon moi, un frein important au développe-ment de la discipline.

Vous parlez de l’Aïkido en Franceet à l’étranger. L’Aïkido est un art martialjaponais, vous intéressez-vous à sa cultured’origine ?

Effectivement, par l’intermédiairede mon professeur, Pascal Durchon, j’ai lachance de profiter du contact privilégié qu’il aavec Inaba senseï, maître de Kenjutsu etd’Aïkido, ancien directeur du Shiseikan àTokyo. Tout en conservant le lien avec l’Aïkido,je m’investis dans la pratique du sabre et l’en-seigne depuis cette année au dojo de Puteaux(92) tout en continuant de me former. C’est à lafois une discipline à part entière et aussiquelque chose d’omniprésent dans les ensei-gnements que j’ai reçus. Cela donne égale-ment une autre dimension à ma pratique del’Aïkido. Le sabre crée un autre rapport vis-à-vis de son partenaire, qui abolit les rapports deforce et de poids. C’est une chance car celapermet en quelque sorte de redistribuer lescartes et de tirer le meilleur parti de l’interac-tion voire de la confrontation. Il y a tout un travail sur la spontanéité et laprise de décision en sabre qui va influencerfortement la pratique en Aïkido. L’avantagedans la pratique du ken est que l’on développedes qualités de vision et d’anticipation plusrapidement, à mon avis, qu’en Aïkido. Dansune logique d’économie, on a tous intérêt,homme comme femme, à mettre des straté-gies en place pour avoir accès à l’enseigne-ment en limitant les coûts.

Vous pratiquez l’Aïkido et leKenjutsu en contact avec des maîtres japo-nais, avez-vous eu l’occasion de pratiquerau Japon ?

Dans le cadre mes études je devaiseffectuer un séjour à l’étranger pour validermon diplôme d’ingénieur. Le but de ce type deséjour est, notamment, l’ouverture à d’autrescultures. Naturellement, mon choix s’estporté vers le Japon, ce qui m’a permis d’allerpratiquer tous les jours au Shiseikan à Tokyodurant deux mois.

Pour Alice Feneyrols, au Shiseikan de Tokyo comme dans son dojo francilien, l’art martial doit se pratiquer avec la même énergie.

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Le dojo du Shiseikan se trouve au sein d’unparc d’environ 700 ha, au cœur de Tokyo, entreYoyogi et Harajuku. C’est impressionnantlorsque l’on s’y rend car on a du mal à imagi-ner qu’il y a un endroit avec l’équivalent d’unbois dans le centre d’une des plus importantesmétropoles du monde. L’atmosphère y estvraiment particulière car comme on est dansun cadre de nature et que l’on n’entend plusles bruits de la ville on a le sentiment d’êtrecoupé de celle-ci. Pratiquer dans ce parc et ausein du Shiseikan m’a permis d’avoir un accèsprivilégié à une culture traditionnelle àlaquelle je n’aurais pas pu accéder en tant que

simple touriste. Ce fut formateur sur plusieursplans : - d’une part sur le plan linguistique, l’immersiontotale en milieu non-francophone vous force àparler anglais. En parallèle, j’ai pu suivre une ini-tiation au japonais,

- d’autre part, sur l’aspect culturel, de nom-breuses manifestations avaient lieu dans le parcdurant mon séjour (théâtre Nô, démonstrationsd’arts martiaux, cérémonies shinto, etc.),- enfin, sur le plan des arts martiaux, pouvoirpratiquer tous les jours l’Aïkido et le Kenjutsu« à la source » m’a permis de progresser et j’aipu également être initiée à d’autres voiestelles que le Kendo et le Kyudo.La pratique de l’Aïkido et du Kenjutsu au seindu Shiseikan, imprégnée de culture tradition-nelle, se fait en harmonie avec la nature avecdes entraînements en extérieur et suivant lerythme des saisons. L’enseignement est aussi

bien commun avec des temps collectifs oùtout le monde fait la même chose comme lorsdu misogi keiko (purification), ou bien demanière plus traditionnelle en « one to one »,ce qui dans l’ensemble est assez différent descours collectifs en Europe.

L’enseignement individuel permet de sensibi-liser directement chaque élève à la relationavec l’autre comme lors d’un cours particulier.On a alors accès en direct à l’expérience duprofesseur « de la main à la main » et demanière adaptée à chacun. Ce fut une forma-tion très enrichissante et privilégiée. J’ai eul’occasion de partir pratiquer six semaines auJapon, en avril 2012, afin d’approfondir mesconnaissances et de donner une autre dimen-sion à mon expérience aussi bien en tant quepratiquante que de jeune enseignante. C’estavec un grand plaisir que j’ai pu me replongerdans la culture japonaise.

Vos études et votre expérience entant qu’ingénieur vous permettent-ellesd’avoir un autre regard sur la discipline enarmes et en Aïkido?

D’un point de vue pratique, on pour-rait faire un parallèle entre le BTP (Bâtiment etTravaux Publics), avec la résistance des maté-riaux et les contraintes qui sont appliquéessur les articulations lors de la pratique del’Aïkido. Il existe plusieurs types de bétons uti-lisés dans les travaux publics, en règle géné-rale on coule la forme de béton souhaitéedans un coffrage de bois et, une fois sèche, onpeut l’installer dans la construction à l’endroitsouhaité.Pour simplifier, dans certains cas on exerceune contrainte sur cette dalle de béton (lors ducoulage/séchage ou bien une fois celle-ci ter-minée), et l’on obtient du béton pré-contraint.Ce type de béton est conçu car il sera plusrésistant à la charge qui lui sera appliqué parrapport à un béton classique.On exerce donc une contrainte au préalableafin que la structure puisse supporter lacharge. En Aïkido, pour pouvoir être capablede préserver ses articulations et son corpsdans le temps, il faut s’efforcer de faire cetexercice de « pré-contrainte » suivant lacharge que l’on va être capable de supporter.Que ce soit par l’échauffement, les étirementsou la pratique des techniques de base afin dese préparer physiquement et mentalement àune pratique intensive.Cette qualité de préparation en amont de lapratique permet de prendre la bonne décisionau bon moment afin de pouvoir activer toutesses potentialités, physiques et mentales. Celam’a permis de prendre conscience de l’atten-tion particulière qu’il faut porter à son corpsd’en respecter le fonctionnement et lescontraintes, développant une forme de res-ponsabilité vis-à-vis de soi-même et desautres. Dans ce cadre, la pratique avec un par-tenaire demande un effort d’attention etd’adaptation par rapport au niveau d’exigencedemandé.

Flexibilité, anticipation et adaptation, fondamentaux de l’Aïkido.

L’Aïkido me donne une chance, par la pratique dans un lieu de préparation spécifique,de développer une attitude proactive, tant sur leplan professionnel que personnel…

alice feneyrols

ENTRETIEN

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Irimi vient de « iru » entrer et « mi » le corps. C’est donc littéralement l’ac-tion d’entrer en avançant. Plus qu’une simple entrée, il s’agit aussi, sansdoute, de pénétrer avec le corps un espace, comme cela peut être le caslorsqu’on lance une attaque au poing par exemple. Ce déplacement permetde porter une attaque ou bien d’être l’amorce d’un pivot tel qu’un tenkan ouun henka.Au-delà du simple déplacement, irimi peut aussi être entenducomme un principe d’action. Il s’agit d’aller à la rencontre de l’attaque afin,non pas de poser une protection entre soi et l’autre, mais bien de pénétrer aucœur de l’attaque de uké. Nous trouvons ici une des caractéristiques qui faitla différence entre une pratique d’autodéfense et la pratique de l’Aïkido.Schématiquement, lorsqu’on apprend à se défendre, on nous demande, dansun premier temps, de parer ou bloquer une attaque afin de pouvoir, dans unsecond temps, riposter. En Aïkido, il s’agit d’anticiper l’attaque, non pour réa-gir à cette dernière, mais pour agir dans le même temps que uké. Par le prin-cipe d’irimi, tori pénètre au cœur de l’attaque de uké. Momentanément, ukéet tori semblent faire la même chose en se projetant l’un sur l’autre, à cette différenceprès que l’entrée de tori possède en elle la possibilité de poursuivre par un tenkan ou unhenka qui prolongera l’attaque de uke au-delà de la limite prévue et construira ainsi sondéséquilibre. Autrement dit, en Aïkido pour s’en sortir il faut entrer…

Ce vocable est formé de deux termes. Le premier « te » signifie littéralement la mainet le second « gatana », le sabre, qui pour ne pas simplifier les choses prend un « k »(katana) quand il est employé seul et remplace ce dernier par un « g » (gatana) lorsqu’ils’assemble avec un autre terme. L’assemblage de ces deux vocables pourrait donc être interprété comme « la mainsabre ». Dans la pratique de l’Aïkido à mains nues, Kisshomaru Ueshiba nous expliqueque « la main est utilisée de la même manière que lorsqu’elle tient un sabre ».Dans sa fonction guerrière l’arme décuple le pouvoir d’action de celui qui la possède. Si la lame existait véritablement, nous serions en mesure de trancher et transpercernotre partenaire. Mais ce n’est pas le cas. Dans la pratique de l’Aïkido à mains nues, lamain demeure vide et définitivement incapable de couper quoi que ce soit. Alors pour-quoi un tel concept ? Le pouvoir d’action de piquer et de couper disparaît avec le sabre absent. Seuledemeure l’idée de l’arme. Au pouvoir de destruction de cette dernière se substitue lafragilité apparente de la main vide. Mais si l’on imagine la mystérieuse présence dusabre, la main n’est plus simplement l’extrémité du bras, elle se prolonge dans unelame imaginaire qui, en devenant virtuelle, perd sa fonction destructrice. La main enlégère extension, les doigts écartés, semi-tendus, ne s’accroche plus à une arme capa-ble d’ôter la vie mais, selon Kisshomaru Ueshiba, devient « le véhicule servant à proje-ter et diriger le ki », cette forme d’énergie vitale considérée dans la culture japonaisecomme source de toute vie.Loin d’évoquer la toute-puissance d’une main armée, tegatana, d’une certainemanière, nous inviterait donc à prêter attention, au cours de notre étude de l’Aïkido, àla nécessité de chercher à partir du sabre pour en partir.

Arnaud Waltz 6e dan

LE SENS DES MOTS

Tegatana

IrimiFaites-vous un lien entre votreexpérience professionnelle et votre expé-rience en tant qu’aïkidoka ?

Les outils acquis lors de la forma-tion que j’ai suivie pour préparer le BE m’ontpermis de faire un pont entre l’Aïkido et monexpérience professionnelle. Donner des coursamène à s’interroger sur la façon dont on vas’y prendre pour faire qu’un groupe de per-sonnes ayant des cursus, des vécus diffé-rents, puisse intégrer des techniques, desméthodes.D’un point de vue professionnel, en tant quemanager on est face à ce type de situationassez fréquemment. Il faut être capable dedétecter et d’évaluer les compétences de sescollaborateurs, afin qu’ils puissent faire res-sortir le meilleur d’eux-mêmes et le mettre auservice de l’entreprise.Comme à l’entraînement où l’on évitera d’allertrop souvent vers des partenaires conciliants,un bon manager s’entourera de personnes quile complètent, et non qui lui ressemblent, il seretrouvera alors avec une équipe assez hété-rogène à gérer. S’il l’intègre comme un défi àrelever, qu’il leur donne le goût de la difficultéet du dépassement de soi, de cette confronta-tion des différences pourra se dégager une « plus-value » professionnelle, voire person-nelle.Parmi les qualités à développer, comme dansla pratique de l’Aïkido, on trouve celles baséessur une gestion permanente jouant entre coo-pération et rivalité sur deux niveaux :- la gestion de soi-même et de ses potentiels,être capable de se confronter aux problèmessans stimuler de blocage intérieur.- la confrontation aux difficultés, aux pro-blèmes sans stimuler de blocage « extérieur »,dans sa relation à l’autre.Dans le BTP on est amené à agir sur plusieursfronts : aussi bien sur le terrain avec leséquipes, que chez le client et/ou son patron àqui l’on doit rendre des comptes, ou bien aubureau pour la partie administrative. Ce sonttoutes ces composantes qui constituent l’inté-rêt et la complexité de ce métier.L’art martial, de part son travail d’adaptation,de flexibilité, d’anticipation, de gestion de lapression physique et mentale, de vision et deprise de décision, me permet de me préparer,d’anticiper et de mener à bien les différentesmissions qui m’incombent.L’Aïkido me donne une chance, par la pratiquedans un lieu de préparation spécifique, dedévelopper une attitude proactive tant sur leplan professionnel que personnel, ce qui mepermet de tendre vers la capacité à être sûr desoi, sans jamais être sûr d’être sûr… u

Propos recueillis par Céline Rigodon

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Quels sont les points remarqua-bles qui vous viennent à l’esprit quand vouspensez à l’Aïkido ?

Pendant longtemps, je n’ai pasvraiment saisi le sens de l’Aïkido. Fallait-ilconsidérer cette discipline comme un artmartial de paix visant, lors d’une confronta-tion, à ce qu’il n’y ait ni vainqueur ni vaincu ?En tant de pratiquant, quel type de relationcherchons-nous à réaliser avec le partenaireou l’adversaire ? Tout cela a été très difficile àappréhender pour moi. Ce n’a été qu’au prixde nombreuses heures de réflexion et d’an-nées passées sur les tatamis à transpirer… Je n’ai intégré que progressivement cespoints fondamentaux auxquels se réfère

notre art martial et qui se nomment : sens del’effort, partage, amélioration de soi, empa-thie, bienveillance, altruisme, générosité.Globalement, on attache volontiers une valeurde mansuétude à l’Aïkido, art martial que l’onqualifie parfois de « budo du pardon », mais,pour moi, une autre démarche émerge : cellequi consiste à nous mettre en capacité d’éta-blir en relation harmonieuse - de façonimmédiate et intuitive - à l’autre comme s’ilne pouvait exister d’autre alternative possibleà cette relation et sans que cette relation soitimposée. Cette quête de spontanéité, desimultanéité et d’unisson avec autrui consti-tue vraiment, à mon sens, un des pointsremarquables dont est porteur l’Aïkido. Je dis

L’Aïkido de MarcBachraty, mélangede vitesse, de puissance et de maîtrise dans l’exécution des techniques.

Marc Bachraty, 5e dan, DTR de la ligue Languedoc-Roussillon,aujourd’hui un des techniciens dont l’enseignement est desplus recherchés, tant en France qu’ailleurs dans le monde.

l’efficace harmonie

aïkidomarc bachraty

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souvent, avec sincérité, que je suis parfoisgêné dans ma pratique par le fait d’avoirrarement la satisfaction de me trouver dansune plénitude de relation, qui réunirait toutce que notre art martial requiert de qualitésmorales, mentales, psychologiques et, biensûr également, de qualités de cœur. Je sou-haiterais tant que, dans le laps de temps quedure l’échange martial sur le tatami, il mesoit permis, plus fréquemment, de vivre cetteperfection de concordance harmonieuseentre tori et uke. Ma recherche personnelleporte en grande partie sur cette question. Demon point de vue, la réalité de l’Aïkido se situedans la relation réussie avec l’autre, une rela-tion dans laquelle on ne s’étudie pas à traversl’autre, une relation par laquelle les « choses» se révèlent à nous, parce que c’est le bonmoment. On est, à la fois, le mouvement etdans le mouvement. On ne théorise pas. Onn’analyse plus. Aujourd’hui, en matière d’Aïkido, je ressens lebesoin d’être moins analytique et davantagedans la spontanéité de l’action. Pour moi,l’Aïkido est le seul art martial où il est permisde se préoccuper de soi et, tout à la fois, deprendre soin de l’autre. C’est tout de mêmeassez méritoire ! Dans notre pratique, nouscoopérons plutôt que nous combattons.L’Aïkido peut, sans nul doute, nous conduire àfaçonner des relations justes en toutes situa-tions, à produire une volonté commune denous retrouver sur un même point d’accord.Dans la résolution des conflits, il faut égale-ment insister sur la notion de bienveillance. Il s’agit de veiller à introduire de la compré-hension fraternelle, du sens, de la cohérencedans le règlement juste et pacifique deséventuels différends et, pour ce faire, êtreattentionné à la manière dont nos pensées,

actions et motivations se manifestent. Autotal, l’Aïkido est, pour moi, un chemin quipermet de développer des qualités moralesainsi que de se maîtriser et de se mobiliserpour le bien d’autrui.

Quel a été pour vous le déclen-cheur de votre engagement dans l’Aïkido ?

Enfant, j’étais assez intrépide etdurant mon adolescence, je faisais beaucoupde sport, mais je me souviens que tout lemonde me reprochait mon manque de matu-rité tant à l’école que dans la vie. Je crois quel’Aïkido m’a permis d’atténuer ce comporte-ment et de mieux ordonner mes pensées. Ilm’a aussi aidé à prendre de la distance avecl’esprit de compétition et sensibilisé profon-

dément à des valeurs comme l’humilité, lacourtoisie, le respect envers soi et envers lesautres.Ensuite, ma rencontre avec Christian Tissiera été déterminante. Sa vision de l’Aïkido, sarigueur, sa précision dans la pratique m’ontparticulièrement stimulé. Sa tonicité et sondynamisme m’ont également fortementimpressionné. Ce mélange de vitesse, depuissance et de maîtrise lors de l’exécutionde ses techniques me fascinait. ChristianTissier est une personnalité vraiment « incarnée », en ce sens qu’il n’a pas besoind’être autre chose que lui-même notammentpour être entendu et suivi aujourd’hui par desmilliers de personnes dans le monde.

J’ai certainement voulu suivre son chemin.

Le corps, la détermination, l’éner-gie, l’esprit… dans quel ordre la techniqued’Aïkido s’organise-t-elle ?

C’est, bien sûr, d’abord le corps etles sens qui se coordonnent ou qui appren-nent à se coordonner avec l’esprit. La suite secompose d’un ensemble de compréhension,d’application et de réactivité. C’est, globale-ment, une alliance de tous ces éléments quifait la technique. Une once d’énergie et dedétermination finit de construire le moded’action.Sur le terrain strict de l’apprentissage, l’ap-préhension de la technique est un chemine-ment. L’adage bien connu dit : « Lorsque

l’élève est prêt, le maître vient ». Notre senseïa beau nous expliquer les techniques, c’est ànous de nous les approprier par le truche-ment du corps et de nos schémas mentaux.Tout cela est bien évidemment conditionnépar notre histoire personnelle, notre culture,nos expériences, etc. Associée au travailtechnique, la pensée donne vie au mouve-ment. A chacun d’y mettre ensuite sessaveurs et de cultiver son jardin.

L’Aïkido, n’est-ce pas fondamenta-lement et principalement le mouvement ?

Dans notre discipline, tout n’estque mouvement et vibration. L’Aïkido cherchesimplement à retrouver l’expression de la vie,

Dans notre discipline, tout n’est que mouvement etvibration. L’Aïkido cherche simplement à retrouver l’expression de la vie, à ne pas, notamment, entraver la marche naturelle du corps…

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à ne pas notamment entraver la marchenaturelle du corps… Le but est de retrouverla spontanéité du geste. En Aïkido, le mouve-ment ne laisse pas la place à la gesticulationni à la dispersion de l’énergie. La mobilité destechniques se doit d’être la plus pertinentepossible. Outre les composantes connues,telles que les principes d’irimi, tenkan, enkaet les atémis pour générer les mouvements,un certain nombre de qualités doivent être

présentes : la solidité des appuis au sol, unjuste rapport à l’espace, une tonicité appro-priée, un bon dosage de force engagé, unéquilibre bien construit.

Vers quelle technique va votrepréférence ?

J’apprécie beaucoup sankyo.D’abord pour son esthétisme, mais aussipour son mode opératoire en spirale. J’aimeégalement sankyo parce que c’est une tech-nique souvent contraignante, longue à met-tre en place, notamment lorsqu’on la réaliseen ura sur katate dori.Kote gaeshi me plaît aussi beaucoup pour sasoudaineté et la précision qu’elle exige auniveau des angles à prendre. Cette technique

m’intéresse particulièrement parce qu’elleest utilisée dans la plupart des arts martiaux,mais sans doute pas avec autant de rigueurni une compréhension aussi fine aveclaquelle nous pouvons l’aborder en Aïkido.

N’y a t il pas des points d’Aïkidoque la pratique actuelle délaisse trop ?

Oh oui, bien sûr. Je pense surtoutau travail à genoux que la plupart des aïki-

doka « boudent » ou répugnent à pratiquer.On me dit souvent que j’aime ce travail dessuwari wasa, mais je suis comme tout lemonde. Je confesse que je n’en tire pas unplaisir suprême. Cette particularité tech-nique est inscrite dans notre cursus d’aïki-doka. Je crois qu’il est utile de faire ce travailà genoux qui, en réalité, nous est profitable.Les suwari wasa permettent le développe-ment de nombreuses qualités : retrouver laconscience et le replacement de son centre,fortifier ses hanches, renforcer ses cuisses,travailler les articulations des chevilles, desorteils, acquérir une bonne coordination.Sur cette question des points d’Aïkido que lapratique délaisse trop, j’observe aussi queles élèves, d’une manière générale, travail-

lent trop haut. C’est comme s’ils ne voulaientpas se donner la peine de descendre surleurs jambes. Je me souviens de séancesd’armes avec Christian Tissier au cours des-quelles on exécutait les suburi devant lemiroir très bas, très près du sol. Je me sou-viens aussi de stages, menés par PatrickBénézi, durant lesquels l’on faisait des allerset retours en large fente avant avec de grandsécarts de jambes. On trempait le kimono... Jepense qu’il faudrait sans doute que l’onremette plus souvent à l’honneur ce type deséance où l’on ne compte pas ses gouttes desueur, où l’on retrouve le plaisir de repousserses limites et l’humilité d’accepter d’être fati-gué après l’effort. Une certaine nonchalanceplan-plan nuit certainement à l’Aïkido. Quandd’aventure elle s’installe dans les cours, lesjeunes pratiquants peuvent avoir envie dedélaisser les tatamis et de se tourner versd’autres disciplines. C’est dommage.

L’efficacité doit-elle s’éclipserderrière le style pour rester dans l’Art pur ?

Efficacité et pureté de l’Art : noussommes attachés à ces deux aspects enAïkido. En effet, nous mettons en avant, d’unepart, l’efficacité de notre technique et, d’autrepart, une certaine prise de hauteur vis-à-visde cette efficacité. L’Aïkido propose unedémarche de dépassement et de transcen-dance de la violence, à l’intérieur d’une pra-tique qui se confronte concrètement sur letatami à la violence. La conception de l’effica-cité, propre à notre art martial, constitue aussi

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Efficacité et pureté de l’Art : nous sommes attachés à ces deux aspects en Aïkido. En effet, nous mettonsen avant, d’une part, l’efficacité de notre technique et,d’autre part, une certaine prise de hauteur vis-à-visde cette efficacité…

aïkidomarc bachraty

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sa finalité principale, laquelle se trouve résu-mée à merveille dans le fameux précepte del’école d’étiquette d’Ogasawara : « Le but detoute étiquette est de cultiver votre esprit detelle manière que, même lorsque vous êtestranquillement assis, l’idée ne puisse mêmepas venir au plus grossier des hommes d’oservous attaquer. »1 Voila l’efficacité suprêmepour l’aïkidoka ! Nous ne nous inscrivons pasdans une quête de capacité optimum de des-truction de l’adversaire, dans une optique decombat du type UFC ou MMA, par exemple. Lestyle de l’Aïkido est le reflet de son projet quiest un projet clément et conciliateur.

Est-ce qu’avec une arme à la mainon pratique un autre Aïkido, un autre artmartial ?

Les armes sont les racines del’Aïkido. Il ne faut pas oublier, par exemple,que notre garde hamni provient directementde la pratique du sabre ! Par sa spécificité etsa nature, le travail des armes peut nousapporter une meilleure compréhension destechniques que nous utilisons. De plus, il meten lumière une facette de la pratique qui esthors d’âge et hors catégorie de sexe et depoids. Pour l’aïkidoka, c’est un apport com-plémentaire qui permet de développer ou deperfectionner le rythme, le côté incisif desmouvements, la rapidité de décision, la jus-tesse de l’esquive, la précision de l’attaque, lamaîtrise de l’action portée sur le partenaire.En ce qui me concerne, je ne vois que desavantages à travailler le sabre. Je pensemême que, lors des passages de grades, ondevrait accorder davantage de temps à l’éva-luation des techniques d’armes, alors qu’ac-tuellement cette évaluation ne dure qu’une àdeux minutes. Je sais que, pour ma part, lanature et la vraie fonction des techniquesd’Aïkido m’ont été expliquées par le sabre.

Où se trouve pour vous le secretdu ki, de l’énergie ?

Le ki est une notion très abstraite.Emprunté à la philosophie chinoise et mêléau shintoïsme, ce concept désigne, notam-ment pour les Japonais, le rapport étroit quiles relie aux forces de la nature. Le ki, c’est,pour une bonne partie, l’écoute des sensa-tions corporelles par lesquelles on capte sonenvironnement en même temps que la façondont on se positionne. Pour nous, aïkidoka, ilest à trouver principalement en réconciliantnotre corps à notre esprit par l’intermédiairede la pensée et en construisant un lien avecnotre partenaire. Le ki est, sans doute,d’abord, une attention portée aux « choses »et ,ensuite, une acceptation permettant deles vivre, en les laissant s’écouler sansentrave, avec fluidité. Ne pas contrer, ne paslutter, aller dans le même sens. La traditionenseigne que le siège du ki réside dans lehara. Pour moi, cela reste encore un terri-

toire à explorer. Si nous voulons appréhenderle ki, nous devons certainement nous mon-trer « poreux » et rejoindre cet état que l’onappelle mushin, qui permet une très grandelucidité aux évènements. Je pense quel’Aïkido est une discipline martiale, mais,avant tout, un état d’être. Se mettre en réso-nance avec soi, avec autrui et avec son envi-ronnement. Je crois que la grande force del’Aïkido, c’est d’avoir intégré ces notionsessentielles. En Aïkido, nous tentons donc, avec les exer-cices que nous exécutons, d’aller à la ren-contre de cette force, de l’apprivoiser, de lacoordonner avec le partenaire. Une attentionà la fluidité de l’action est nécessaire à tra-vers trois notions essentielles : ki musubi,kokyu et ki no nagare. Ma recherche actuelleme porte à appréhender le ki au travers duma-ai, qui est fortement lié à la notion derythme, de cadence, mais aussi à investirpleinement cet espace dans lequel la relationà l’autre se produit et à me rendre progressi-vement capable d’agir spontanément et avecjustesse. Avant tout, le ki est une expériencesubjective intime. Je pense que nous pou-vons tenter de l’approcher également parl’attitude correcte, le relâchement, la médita-tion, la respiration. Pendant la pratique del’Aïkido, je ne fais jamais allusion au ki carl’idée que je me fais de lui tient davantage del’intuition personnelle que d’une vérité incon-testée. En matière de ki, s’il y a un mystère àdévoiler, il est à trouver dans la somme detous les efforts fournis sur le tatami et dansnotre expérience personnelle. Sur ce sujet, jerejoins la parole du Bouddha : « N’accepteque ce que tu as vérifié par toi-même». u

Propos recueillis par Céline Rigodon

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Dans son dojo ou comme ci-dessus avec ses élèves d’HEC, l’ambiance, avec Marc Bachraty, est au partage dans la bonne humeur.

1- C. Tissier, Aïkido Fondamental, tome 1, Ed. Sedirep.

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Amour de la culture japonaise et passion pour les tatamis se confondent chez Jean-Pierre Cortier.

À 64 ans, le plus ancien élève de Masamichi Noro, quicomptabilise cinquante années d’Aïkido et de Kinomichi,

a fait de ces deux disciplines un art… de vivre.

kinomichijean-pierre cortier

Les arts martiaux sont en quelquesorte, chez vous, l’histoire d’une vie… déter-minante ?

J’ai effectivement rencontrél’Aïkido très jeune, au début des années 1960,alors que j’étais adolescent. Les choses,ensuite, sont allées relativement vite. En1964, j’ai obtenu ma première ceinture noired’Aïkido Yosekan budo, confirmée deuxannées plus tard par maître Noro. Celui-ci,en effet, ne reconnaissait pas ce gradedécerné par la fédération française, en tantque tel. Il m’invita alors à passer un nouvelexamen, où maître Asaï en personne me ser-vit de partenaire. C’est ainsi que j’ai obtenuma ceinture noire shodan relevant du centremondial de l’Aïkido, l’Aïkikaï de Tokyo. À mon

tour, en 1969, je suis devenu enseignantd’Aïkido au Budo Collège de Bruxelles, avantd’ouvrir mon propre dojo à Roubaix, puis àLille. Depuis lors, je n’ai jamais cessé de fré-quenter les tatamis, comme instructeur etélève, « Cesse d’être débutant et tu as fini deprogresser » nous enseigne un proverbe chi-nois. Passionné par la forge, je suis égale-ment 4e dan de Iaï do, l’escrime japonaise.J’ai eu le privilège d’être gradé dans cettediscipline par Naka Kura, le plus grand escri-meur japonais qu’ait connu le XXe siècle.

Au cours de ces cinquante annéesconsacrées à l’Aïkido, d’abord, puis auKinomichi, au-delà des tatamis votre ren-contre avec Masamichi Noro, dès 1961, a été

déterminante… Masamichi Noro, envoyé en Europe

diffuser l’art de l’Aïkido par son fondateur,Morihei Ueshiba, était un génie de la disci-pline. Comme tous ses élèves de l’époque, jel’observais avec le regard un peu crédule duprofane. Tous, nous le trouvions d’une élé-gance rare dans son hakama immaculé cein-turé de rouge et de blanc. Mais ma premièreexpérience des tapis avec lui fut, si j’ose dire,cuisante… Il me fit un shiho nage d’une telle

la jouissance du mouvement

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puissance et d’une telle précision que je meretrouvai cloué au sol, perdant mêmeconnaissance quelques secondes… Commeje l’ai progressivement et finalement vitecompris, avec maître Noro nous passionsd’un Aïkido centré sur la self-défense à l’art - au sens propre - du mouvement, proche duballet, notamment dans la légendaire spiraledont il est l’auteur. Julien Naessens, direc-teur du Budo Collège, dojo mythique, le plusgrand d’Europe à l’époque, avait assisté àcette scène… Il m’interpella et m’expliquaque les formes que j’avais apprisesjusqu’alors n’étaient pas les formes pures del’Aïkido. Il devint à l’instant même mon pro-fesseur au côté de celui auquel je suis restéfidèle : maître Noro, expert de ce dojo presti-gieux. C’est dans ce « temple » des arts mar-tiaux que j’ai eu la chance de pratiquer avecles plus grands maîtres de la discipline :Tamura, Asaï, Kobayashi, Tohei… Tous, sansexception, m’ont amené à porter un regarddifférent sur l’Aïkido, car ils avaient chacunune pratique qui leur était propre. Mais, mal-gré cela, j’ai toujours préféré le sourire per-manent de maître Noro, sa conception del’enseignement et, surtout, sa spirale.

Justement, cette spirale… ellereste une figure emblématique du génie deMasamichi Noro et de son importantecontribution aux arts martiaux ?

Elle est fondamentale. J’utilisesouvent la métaphore de l’eau et de la mon-

tagne pour évoquer ce mouvement créé parnotre senseï : l’eau ne franchit pas la mon-tagne par son sommet, elle la contourne etcontinue de couler. La spirale projette, certes,mais par son effet de rotation elle contourneégalement. Ce mouvement a la même effica-cité qu’un affrontement, mais sans caractèrefrontal direct et avec beaucoup plus d’élé-gance… C’est en quelque sorte ici que leKinomichi prend sa source. En effet, si jepense que le Kinomichi, créé en 1979 parmaître Noro, est une sensibilité de l’Aïkido, ils’en distingue cependant par sa non-agressi-vité, sa recherche constante de la beauté dugeste et, surtout, sa philosophie : « Votre par-tenaire est plus important que vous ». C’estun principe que je me suis toujours imposédans la vie. Respecter l’autre, ce qu’il est auplus profond de lui, être en harmonie avecson entourage plutôt que de se consacrer àsa seule personne, comme si la vie commen-çait et finissait avec nous. Ce sont d’ailleursdes préceptes que l’on retrouve dans letaoïsme, philosophie à laquelle m’ont initiémaître Julien Naessens et son épouse,Louise, qui fut l’une des pionnières del’Aïkido.

Comment s’est opérée votre tran-sition de l’Aïkido vers le Kinomichi ?

D’abord, je tiens à préciser que j’aiadoré l’Aïkido, cette recherche perpétuelle du

mouvement répété, répété et répété encore « Apprenez que l’Aïkido c’est tous les jours »,nous intimait maître Noro, jusqu’au jour où,alors même que l’on croit l’avoir obtenu, ilnous échappe subitement. Comme leconscient et le subconscient, la mémoire ducorps est bien différente de la mémoire intel-lectuelle…Le passage de l’Aïkido au Kinomichi a étésimple. Masamichi Noro était mon maître. Ilétait un génie de l’Aïkido. Je n’avais pas dequestion à me poser : en 1979, il part vers leKinomichi, je pars avec lui… commequelques-uns d’entre nous. Il se trouve aussique j’adhérais totalement à cette disciplinedans toutes ses composantes : l’art du geste,« Soyez beau », disait maître Noro ; l’art de laspirale et du souffle ; l’art de la séduction « Soyez sexy » et l’art de l’élégance, « Souriezen permanence dans votre mouvement, lais-sez s’exprimer tout votre corps ». La transi-tion s’est faite en douceur. Avec le Kinomichi,nous abandonnions toute dualité et restionsà l’écoute du corps. Ces principes expéri-mentés et développés sur le tatami méritentd’ailleurs qu’on en fasse une lecture élargie :si, dans notre vie, nous étions plus attentifs àl’autre, à l’évidence notre société s’en porte-rait mieux. C’est ce que j’essaie de faire, moi-même, au quotidien… Par ailleurs, maîtreNoro, comédien né, nous amenait plus loinencore : nous pratiquions dans la joie, nous

souriions, nous riionsmême. « Souriez dansvotre technique, nousrépétait-il, commevous devez sourire à lavie et être optimiste ».La force de vie trans-mise à ses élèves est leplus précieux desenseignements demaître Noro.Personnellement, celam’aide dans ma quête,

dans ma recherche du bonheur.

Avez-vous rencontré dans leKinomichi d’autres spécificités techniquesessentielles ?

L’Aïkido se caractérise par l’attaqueou la saisie, alors que dans le Kinomichi onne parle que de contact et de formes d’ap-proche. Pourquoi vouloir vaincre à tout prix ?Pourquoi vouloir tout manger ? Pourquoi nepas manger, plutôt, et laisser manger ?Chercher l’harmonie avec l’autre, sans dua-lité, mais aussi l’unité avec soi-même, l’unitécorps et esprit… C’est ce qu’on appelle le kitaï no ichi, notion prédominante dans la pen-sée de maître Noro.

La beauté du geste comme du sentiment sont au cœur del’art de Masamichi Noro,comme nous le montre Jean-Pierre Cortier, pratiquantici avec Catherine Auffret etFrançois Forni.

la jouissance du mouvement

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La seconde spécificité est la poussée. EnAïkido, la poussée vient des hanches, dans leKinomichi elle part du pied. « Votre esprit estdans votre orteil », disait Albert Einstein.Autant il est possible de bouger les hanchessans bouger les pieds, autant il est impossiblede bouger les pieds sans qu’instantanémentles hanches ne suivent. Dès mes débuts enKinomichi, cette différence m’est apparuetout aussi déterminante que la saisie devenue

contact : par cette poussée du pied, tout lecorps prenait vie. Le mouvement se mettaitau service du corps.

Sur un plan plus philosophiquecette fois, quelle est, selon vous, la princi-pale caractéristique du Kinomichi ?

Dans le Kinomichi, on ne peut pastricher. Si notre mouvement n’est pas juste,on le ressent immédiatement. Le corps netriche pas. Il faut sans cesse répéter, lutteravec soi-même pour obtenir cette osmose,cette jouissance du mouvement des deuxpartenaires en un. Si nous suivons cette règledans notre vie, il nous est impossible de tri-cher, ni avec nous-mêmes, ni avec l’autre.Pour y parvenir, nous devons travailler avecla volonté de vouloir gagner tout en respec-

tant l’autre. Obéir à cette règle d’honneur dusamouraï d’entreprendre, d’aller de l’avant ycompris lorsque la lutte est difficile. On peuttricher avec les mots, pas avec notre corps.

Technique et philosophie sontfinalement étroitement liées…

Oui, car, au final, que nous enseignele Kinomichi ? Que la vie est plus importanteque tout. Mais encore faut-il l’aborder avec

générosité et humilité. Nous avons tout àapprendre de la technique, comme du sensque nous apportons à notre existence. Lorsd’un grand stage à Salins-les-Bains dirigé parmaître Noro, je devais assurer le derniercours de la journée. Quelques minutes avantqu’il ne commence, maître Noro m’appela etme dit : « Faites ce que les gens vous deman-dent ». Je ne compris pas tout de suite le sensde ses propos. Ce n’est que dans le déroule-ment du cours, en observant la réaction desparticipants, que je saisis toute la richesse deces mots : c’est à nous, enseignants, de nousmettre à la portée des autres et non d’essayerde démontrer que nous sommes les meil-leurs, si tant est qu’on le soit. Pourquoi tant degens veulent-ils se montrer supérieurs ?Pourquoi, au contraire, ne pas prêcher la gen-tillesse et l’affabilité ?Au-delà, les cinq S qui forment le socle duKinomichi ont tous une signification pro-fonde : S, comme sourire (c’est aussi l’accueil,accepter l’autre tel qu’il est) ; S, comme sexy(c’est l’élégance du corps et du cœur) ; S,comme souffle (ce sont l’énergie, la force devie, se battre non pas contre les autres, maisavec soi-même) ; S, comme spirale (l’art ausens propre, la divine comédie, l’harmonieentre le yinet le yang ) et, enfin, S, comme spi-ritualité : de formation shintoïste, forme debouddhisme japonais, maître Noro ne nousparlait jamais de spiritualité, mais il nousenseignait la tolérance. Toutes les couleursde peau étaient représentées sur le tatami,toutes les religions y coexistaient en totaleharmonie. Il y a par ailleurs au Korindo dojo,centre international du Kinomichi à Paris etprénom de la maman de maître Noro, commedans tous les autres dojos où l’on pratique cetart, une totale égalité entre les femmes et leshommes.

Finalement, que retenez-vous deces trente-trois années de pratique duKinomichi ?

Je me plais à penser que tous nousdevrions mettre en pratique dans notre vieles techniques qui ont cours sur le tatami etles principes qui y prévalent. Comme tout unchacun, j’ai traversé des périodes difficiles,au cours desquelles je me suis laissé gagnerpar l’inquiétude. J’augmentais alors la pra-tique et je retrouvais cette part de séréniténécessaire pour prendre les bonnes déci-sions et faire les bons choix. Cinquante ans, au total, de pratique, ce sontcinquante ans de vie consacrée à tenter demettre en œuvre, sur et au-delà des tatamis,l’enseignement de Masamichi Noro.

Propos recueillis par Nathalie Hausser

l’eau ne franchit pas la montagne par son sommet, elle la contourne et continue de couler.La spirale projette, certes, mais par son effet derotation elle contourne également…

kinomichijean-pierre cortier

La pratique avec armes du Kinomichis’inspire directement de l’Aïkido,

la saisie est, elle, devenue contact.

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Découverte du réelJean-Lucien JazarinPhilosophie et science, spiritualité et rationalité,connaissance et amour, tout est passé au cribled'une inlassable quête de la vérité, un dialoguesavoureux, profond, léger ou grave, ardu oulyrique entre maître et disciple, entre Orient etOccident, entre le soi et le moi, entre vous… etvous.C’est le troisième ouvrage de celui qui dirigea le Collège de ceintures noires de Judo.Les Éditions de l’Éveil, 420 pages, 17€

LA PRATIQUE DU ZENBernie Glassman, Taizan Maezumi

Depuis plus de trente ans, Maezumi Roshi, maître des deuxécoles zen Rinzai et Soto, nous invite à trouver le dharma à l'en-

droit même où nous nous tenons. La pratique du zen est un ouvrage remarquable, rassemblant deprécieux enseignements sur lesquels s'est appuyée toute unegénération d'enseignants et de pratiquants zen à travers le

monde. Il aborde chaque aspect critique de la pratique du zen : laméditation préliminaire, le shikantaza (simple assise), la nature

des koan, le travail sur mu, les retraites, les chants, etc.Éditions Véga, 216 pages, 20€

LE ZEN, son histoire, son enseignement, son impact sur l’humanitéOshoLe zen n’est ni une religion, ni un dogme, ni une croyance. Le zen n’est pas même unequête, un questionnement ; il n’est pas philosophique. L’approche fondamentale du zen,c’est que tout est comme il se doit, rien ne manque. En ce moment précis, tout est parfait. Osho est l’un des mystiques contemporains parmi les plus connus et les plus provocateursdu XXe siècle. Sa sagesse est légendaire, tout comme son habileté à guider son auditoirevers une compréhension en utilisant l’humour et l’art des conteurs traditionnels. Dans celivre, Osho entraîne le lecteur dans un voyage vers la compréhension de concepts philoso-phiques complexes.Éditions Véga, 144 pages et dvd de 45mn, 17€

LE ZEN ET NOUSKarlfried Graf Dürckheim

Ce livre constitueune introductionfondamentale àla connaissancedu zen et à lapratique de sesexercices. Grâce

à ses rencontres avec les maîtres japo-nais et à sa longue expérience de psy-chothérapeute, l’auteur réussit à créerun pont entre l’Orient et l’Occident et àfaire de l’enseignement du zen uneréponse aux aspirations de l’hommeoccidental.Karlfried Graf Dürckheim (1896–1988), docteur en philosophie et docteur enpsychologie, rencontre le zen pendantson séjour au Japon (1937 à 1947). Il pra-tique zazen la méditation sans objet, et letir à l’arc (Kyudo) avec Kenran UmejiRoshi.A son retour du Japon, Karlfried GrafDürckheim écrit : « Face au zen deuxattitudes sont possibles : on peut soit seconvertir au bouddhisme, soit accueilliret réaliser ce qu’il renferme d’universel-lement humain. Seule m’importe laseconde attitude. »Le Courrier du Livre, 156 pages, 14€

ZEN TOUT SIMPLEMENTDavid ScottCe livre joliment illustré explique comment intégrer les prin-cipes habituellement associés au bouddhisme zen —simpli-cité, équilibre et sentiment d’unité avec la nature— dans la viede tous les jours. Faites le vide dans votre esprit et détendez-vous grâce à la méditation et aux techniques de respiration,apprenez à gérer vos émotions telles que la peur et la colère.Guy Trédaniel éditeur, 160 pages, 19,80€

PAYSAGES DU CINEMA JAPONAIS150 films pour le 15e anniversaire de la MCJPCette pro gram ma tion « spé cial 15e anni ver saire » de 150 films,pré sen tée en 2 par ties et décli née en 15 thé ma ti ques pen danthuit mois de mai à décem bre 2012, a été conçue pour tous lespublics. Elle est une invi ta tion à décou vrir la société et la culture

japo nai ses à tra vers le cinéma. Les amou reux du Japon appré cie ront de voir ou revoir quel ques grands clas si ques(Mizoguchi, Kurosawa, Ozu, Naruse) en pro ve nance d’une ciné ma to gra phie qui fut l’égale d’Hollywood à deux repri sesdans son his toire. À ces œuvres du patri moine mon dial se join dront des films rares de réa li sa teurs déjà fami liers des ciné -phi les (Keisuke Kinoshita, Kihachi Okamoto, Kirio Urayama, Nobuo Nakagawa), mais aussi « d’auteurs-sur pri ses » (KôzôSaeki, Kunio Watanabe, Seiji Hisamatsu) comme il en existe encore beau coup au Japon. Du 2 mai au 28 juillet 2012 - Maison de la Culture du Japon à Paris

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Quand on parle de vous, vousfaites figure de piliers fondateurs del’Aïkibudo. Vous avez commencé les artsmartiaux au début des années 1960 par leJudo, vous vous êtes dirigés vers l’AïkidoYoseikan, vous avez passé votre 1er dan en1969. Comment vous êtes-vous rencontrés ?

André Tellier : Nous nous sommesrencontrés en 1969, alors que nous venionstout juste d’avoir notre 1er dan. Pendant unmois, du 15 juillet au 15 août, je suis allé sui-vre un stage intensif d’Aïkido Yoseikan avecHiroo Mochizuki. Parmi les stagiaires setrouvait un petit homme très brun qui devien-dra l’un de mes amis les plus chers : EdmondRoyo.

Edmond Royo : En réalité, je croisque c’est surtout au cours de deux semainesde stage à Beauvallon, en 1971, sous la hou-lette d’Alain Floquet, que nous nous sommesvraiment liés d’amitié et que nous avons tousles deux senti l’envie d’accompagner celuiqui allait être notre senseï. Ensuite, nousavons partagé des moments inoubliables, unnombre incalculable de stages au cours des-quels, pendant les pauses, on continuait depratiquer ensemble dans le camping. C’est

d’ailleurs comme ça qu’André m’a fait décou-vrir le Kendo !

Comment êtes-vous venus à lapratique de l’Aïkibudo ? Qu’est-ce qui vous amené vers cette pratique ?

E.R. : Tout jeune, je faisais beau-coup de sport, de la gymnastique notam-ment. A l’armée, j’ai fait de l’haltérophilie etj’ai découvert le Judo que j’ai continué depratiquer à mon retour à Tarbes.Malheureusement, une double fracture tibiapéroné m’a empêché de poursuivre ce sportet je me suis tourné vers l’Aïkido-Yoseikan.Pour le reste, ce sont les rencontres qui ontété déterminantes, celle de Hiroo Mochizukid’abord, puis celle d’Alain Floquet auquel jesuis resté fidèle.

A.T. : C’est mon grand frère quej’admirais qui m’a d’abord initié au Judoquand j’avais huit ans. Ensuite, une rencontrefut déterminante : celle de l’unique poste detélévision dans ma campagne normande, en1956, au milieu d’une auberge. Un vieux bon-homme barbichu, à genoux sur le toit d’ungratte-ciel, faisait voltiger de jeunes acro-bates en jupe noire qui se relevaient appa-

remment sans dommage et revenaient à l’at-taque... J’ai rêvé de ces images pendant huitlongues années, jusqu’à ce que je découvrel’Aïkido Yoseikan.

Vous avez donc été les témoins etmême les acteurs de l’évolution del’Aïkibudo, de l’Aïkido Yoseikan à notre pra-tique actuelle. Qu’est-ce qui a évolué,qu’est-ce qui a changé ?

A.T. : L’Aïkido Yoseikan que j’aid’abord pratiqué se limitait aux te hodokiainsi qu’aux techniques appliquées enchika ma. C’était une pratique très sta-tique. La révélation fut la rencontre avecHiroo Mochizuki puis Alain Floquet qui pra-tiquaient un art très fluide, dépourvu debrutalité. Le génie d’Alain Floquet, sa sen-sibilité, son intimité avec les trois derniersgrands maîtres, Minoru Mochizuki, YoshioSugino, Tokimune Takeda lui ont permis decréer un art totalement original, l’Aïkibudo.Pour lui, son art original existe très tôt, son « adoption » par les trois senseï en est lareconnaissance. Pour nous, il nous fallaitsuivre l’évolution du maître, acquérir uneperception plus fine des sensations, une

AÏKIBUDO

piliers d’aïkibudoEdmond Royo 6e dan et André Tellier 6e dan, difficile d’évoquer l’unsans l’autre tant leurs parcours sont parallèles. Ils ont connu toutel’évolution de l’Aïkibudo, des années 1960 à aujourd’hui, en jouant unrôle actif dans cette histoire. Entretien croisé.

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harmonisation de la force physique dans lemouvement...

E.R. : Comme le dit très bien André,notre évolution est liée à celle d’un homme,Alain Floquet. Pendant les premières années« nous nous cherchions ». Pour ma part, dansles années 1970, je me rendais dès que je lepouvais à Paris pour pratiquer parfois avecHiroo Mochizuki, parfois avec Alain Floquetqui lui-même construisait quelque chose,cherchait. Progressivement, autour de cequ’il avait reçu de l’Aïkido Yoseikan et grâceaux apports extérieurs qui venaient du Katori,du Daïto ryu, du Kendo et même son expé-rience de terrain en tant que policier, Alain estparvenu à construire quelque chose qui avaitune entité particulière. Par exemple, la formede kamae que nous avons en Aïkibudo estdirectement liée aux postures que l’onretrouve dans le Katori. Nos formes de corpsont donc évolué, influencées par la pratiquedes armes. De la même façon, nos immobili-sations avec les deux mains libres sont issuesde l’expérience d’Alain dans la police où, pourdes nécessités de terrain, on doit être capable

de contrôler quelqu’un au sol tout en gardantles deux mains disponibles. Par conséquent,les immobilisations que l’on pouvait voir dansles années 1970 où l’on tenait avec les mainsle partenaire au sol ont disparu. On est passéd’une période où les différents courants aïki,même s’ils avaient des identités spécifiques,tentaient de travailler ensemble. Mais c’étaitcontre nature. Progressivement, avec la créa-tion du CERA, en 1974, la pratique d’AlainFloquet a vraiment suivi une évolution spéci-fique, elle a une âme qui lui est propre, uncontenu particulier et en même temps, ellecontinue d’évoluer, d’avancer car avec letemps, les sensations continuant de s’affiner.La vraie force de l’Aïkibudo, c’est qu’AlainFloquet parvient à garder l’unité technique deson groupe, la cohérence technique de sapratique et emmène l’ensemble des prati-quants dans sa propre évolution. C’est vrai-ment exceptionnel !

Et aujourd’hui, qu’est-ce qui voussemble essentiel dans la pratique del’Aïkibudo ?

E.R. : Avoir une bonne forme decorps, être droit tout en conservant une atti-tude naturelle. J’ai toujours dit à mes élèveset je dis toujours : « Regardez-vous travailler !Quand vous faites une technique, vous devezla pratiquer sans effort, ne pas avoir de

contraintes ou des blocages dus à la pré-sence de votre partenaire ».

A.T. : C’est la fluidité dans le mouve-ment qui me paraît essentielle. Les prati-quants perçoivent souvent la techniquecomme la finalité. C’est en fait le mouvement,

la dynamique qui caractérisent notre pratique,non pas des torsions de poignets ou de coudesque pratique, sans le savoir, n’importe quelgamin qui chahute dans une cour de récréa-tion. Le jeune maître Alain Floquet m’avait dità mon passage de 2e dan : « Une technique estbonne si elle est belle et efficace. »

Y a-t-il des techniques que vousaffectionnez particulièrement ?

A.T. : Quelle drôle de question ! Elleferait référence au Judo où chaque compéti-teur a un « spécial » qu’il travaille... Quand jepratiquais le judo, j’affectionnais soto makikomi qui m’a permis de marquer de trèsbeaux ippon en compétition. Cette techniquem’apportait une sensation de plénitude cor-porelle, un véritable plaisir éprouvé dansl’exécution de la projection. En Aïkibudo, il n’y a pas de compétition, doncil n’y a pas lieu d’avoir une « botte secrète » !La richesse de notre pratique tient, entreautres, à sa diversité et selon les étapes deson évolution, on aborde les techniques diffé-remment : à une époque, j’affectionnaistoutes les formes de koshi nage que j’appli-quais aussi bien en enchaînement sur shihonage, tenbin nage, yuki chigae et même kotegaeshi qui me posait problème ; à une autreépoque, je pratiquais irimi qui était souvent lethème central de mes cours. La pratique du

wa no seishin m’a mis sur la voie du mouve-ment et du te no michibiki, m’a fait percevoirla sensation du ma aï et l’efficacité de la flui-dité. Après, j’ai su faire kote gaeshi !Aujourd’hui, je redécouvre le plaisir de prati-quer et d’enseigner l’art du sutemi.

Bio express

Edmond Royo, né à Tarbes en 1933, 3e dan de Kendo (1995), 3e dan de Katori shinto ryu (2001), 6e dan d’Aïkibudo (1991). Brevet d’Etat 2e degré,médaillé d’or de la Jeunesse et des Sports (2001) et médaillé de bronze des médaillés de la Jeunesse et des Sports (2008).Actuellement Délégué Technique Inter Régional Aïkibudo Région Midi-Pyrénées et profes-seur au club de Tarbes.

André Tellier, né à Blangy-sur-Bresle en 1941, 1er dan de Kendo, 2e dan de Katori Shinto Ryu(1986) et 6e dan d’Aïkibudo (1991). Brevet d’Etat 2e degré. Diplôme de lettre de félicitationsde la FFJDA (1971), médaillé de bronze de la Jeunesse et des Sports (1992), tsuba d’or, com-pagnon de la fondation du CERA (2011).Participe au livre d’Alain Floquet Pensées en mouvement en 2006. Actuellement ConseillerTechnique Inter-Régional. u

C’est la fluidité dans le mouvement qui meparaît essentielle. Les pratiquants perçoivent souvent la technique comme la finalité. C’est en fait le mouvement, la dynamique qui caractérisent notre pratique…

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Bref, j’apprécie toutes ces techniques quim’apportent à la fois le plaisir d’une sensa-tion et le plaisir de l’enseigner.

E.R. : Pour ma part, j’affectionneparticulièrement les sutemi. J’ai dû adaptermes mouvements à ma taille et à mon poidstout en appliquant la technique telle qu’ondoit l’enseigner. Il m’était facile d’engagerl’esquive dans le déplacement et, dans lemême mouvement, coller au partenaire etm’élancer pour l’entraîner dans la chute.Lorsqu’on maîtrise ces sensations, le restedevient facile. À présent, j’évite de le faire caravec une prothèse de hanche et quatre visdans une jambe, c’est risqué... mais ça nem’empêche pas de continuer. Je ne sauraisdire si je préfère une technique plutôt qu’une

autre en Aïkibudo. Par contre, en Judo, j’ai-mais morote seoi nage, tai otoshi et hanegoshi qui me permettaient de me placerfacilement sous le partenaire pour engagerla projection.

Manifestement, votre attache-ment à l’Aïkibudo est lié à l’attachement à unmaître. Qu’est-ce qui vous a séduit chez lui ?

E. R. : Son exigence, son indépen-dance et sa simplicité. Dès notre premièrerencontre, j’ai été surpris par sa personna-lité. Au cours d’un stage à Réquista, dans lesgorges du Tarn, en 1970, je lui avais dit : « Siun jour vous venez à Tarbes, vous êtes invitéà déjeuner chez moi. » En décembre 1971, jeme présentai au 2e dan. Le jury était forméd’Alain Floquet assisté des responsablesrégionaux et professeurs de clubs. Après

l’entraînement du samedi après-midi, nousétions tous réunis et la question était desavoir chez quel responsable le maître et lesassistants allaient manger. Simple prati-quant, je n’étais pas concerné mais c’estalors que j’entendis quelqu’un me dire : « Monsieur Royo, votre invitation de Réquistatient toujours ? » Et nous voilà partis, maîtreFloquet et moi, plantant là ces messieurs.Dans la voiture, il me dit : « Monsieur Royo, àvous moins qu’à un autre, je ne pourrai fairede fleur ! ».Le soir, après souper, j’ai passé mon 2e dan…il ne m’a rien laissé passer et fut sévère avecmoi. Mais cela a servi à me mettre un peudans le rang, car les responsables del’époque admettaient difficilement que les

plus jeunes progressent trop vite. Ces mes-sieurs ne lui pardonnèrent pas ce camou-flet… et ça lui a d’ailleurs valu quelques tra-cas par la suite.

A.T. : Edmond a tout dit ! Peut-êtrepeut-on ajouter une aura exceptionnelle.Comme l’a dit un jour Alain Roinel dans votrerevue, on le sentait vraiment habité par lebudo. Pour moi, l’événement vraiment mar-quant fut d’assister, en 1969, à un passage degrades où, à force de patience, de gentillesse,et de pédagogie, il parvint à obtenir d’un can-

didat, qui était beaucoup plus âgé que moi,une prestation que personne n’aurait pu ima-giner. Ce fut véritablement, et très tôt, unmaître dans son domaine, parvenant à obte-nir des gens le meilleur de ce qu’ils peuventdonner. J’ai l’air d’enfoncer des portesouvertes mais, à cette époque, Alain Floquetn’avait pas 30 ans ! C’était, avec HirooMochizuki, des gamins généreux, bourrés detalent, incroyablement séduisants dont le butétait de transmettre leurs connaissances.

Est-ce qu’on peut dire alors del’Aïkibudo qu’il s’agit d’une école ?

A.T. : Oui, l’Aïkibudo, c’est uneécole. Alain Floquet en est le maître fonda-teur. Nous pratiquons un art spécifique oùs’enseignent des techniques spécifiquesavec un esprit, une « philosophie » particuliè-rement originaux. Dans cet art, il ne peut pasy avoir de « courants », de « tendances ».

Chacun, dans sa région, s’efforce de prati-quer selon la forme originale que l’onretrouve dans toutes les régions.

Oui mais le terme école a parfoisune connotation équivoque, ce n’est pas unpeu dangereux de parler d’école ?

E.R. : Pas du tout. Pour moi,

Garder de l’humilité, de la simplicité, le port du hakama n’est pas une clé vers une

quelconque illumination ou la découverte des secrets d’un gourou…

Plusieurs décennies de pratique et de fidélité à une voie ont forgé une amitié martiale authentique, entre deux grands budoka.

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l’Aïkibudo est avant tout une école de vie. Ellem’a appris à être plus attentif à touteschoses, plus concentré, plus détendu. Avecl’Aïkibudo, j’ai appris à économiser les gesteset surtout les paroles, c’est important quandon doit expliquer un mouvement. J‘ai surtoutappris à ne pas parler pour ne rien dire. Aufur et à mesure que l’on pratique, on sent quetout devient plus simple et plus facile. On enarrive à se comporter de la même façon dansla vie avec soi-même et avec les autres. Il n’ya aucune raison d’être en conflit ou d’encréer. C’est le principe de l’aïki… et si ça nousaide dans la vie, si ça nous permet de vivremieux, c’est que c’est formateur, c’est doncune école. Mais ceci est également vraiquelle que soit l’activité. Je pratique aussi leKendo, c’est également une école, elle esttrès complémentaire avec l’Aïkibudo. Touteactivité, si on s’y engage, on s’y épanouit, ons’y forme, peut devenir une école.

A.T. : Le terme école n’a rien d’oc-culte. Un maître fonde une école. Il formedes disciples. Ces disciples s’efforcent dereproduire au mieux la technique, la forme decorps, la « philosophie » du maître, chacunavec ses caractéristiques physiques et men-tales nécessairement différentes de celles dumaître. Mais ces différences sont transmisesaux élèves, aux disciples de seconde généra-tion… et peuvent devenir des styles voire desschismes après la mort du maître. Les disci-ples sont alors susceptibles de fonder à leurtour une école, un « courant », à moins qu’ilsne soient contraints (ou capables) de s’unifierdans une fédération pour préserver collégia-

lement ce qu’ils ont reçu au départ... Dans lecas de l’Aïkibudo, c’est le maître MochizukiMinoru qui a dit à son disciple que son art étaitdevenu si original, si spécifique qu’il devaitporter un autre nom ce qui fut fait avec l’ap-probation du senseï.

Dans l’Aïkibudo, il y a donc un rôleclé, c’est celui de transmettre ce que l’on areçu. A partir de quand peut-on enseigner ?

E.R. : Il est difficile d’être précis, ledébut sera différent en fonction de chacun.On peut penser que pour commencer àenseigner, il faudrait avoir, au moins, unniveau de 2e dan. Quand on explique unetechnique, il faut pouvoir associer la paroleau geste. On peut arriver à enseigner sansces conditions. Mais en ce qui me concerne,j’ai commencé avec des élèves en apprenantau fur et à mesure.

A.T. : Dès qu’on éprouve le besoinde transmettre, qu’on se sent prêt à êtreremis en cause, à essuyer des échecs, àdécouvrir que sa technique ne marche pasavec quelqu’un qui ne sait pas qu’il faut selaisser faire... je plaisante ! On peut ensei-gner quand on se sent apte techniquement,qu’on se sent assez fort pour jouer un rôle deleader et assez fort pour ne pas transmettreson Aïkibudo mais l’Aïkibudo. Peut-être aussiquand son maître en a implicitement donnél’autorisation.

E.R. : Je pense aussi qu’il ne fautpas se faire d’illusion ni tromper les élèves.Quand on devient professeur, il faut conti-nuer à se comporter simplement, correcte-

ment sans se croire supérieur aux autres.Pour pouvoir enseigner, il faut d’abord prati-quer, faire face à ses propres difficultés, avoirbeaucoup de volonté et ne jamais arrêter.C’est en fait une charge très lourde.

Quel conseil pourriez-vous don-ner à des jeunes qui veulent continuer dansle temps la pratique de l’Aïkibudo ?

A.T. : Avoir un petit grain de folie, unpeu d’humilité et beaucoup d’orgueil. Il nepeut pas y avoir de pratique égoïste d’un artmartial. On reçoit beaucoup de ceux qui nousont précédés, il faut le rendre à ceux qui noussuivent. Ce sont les générations d’élèves quenous avons formées qui nous ont hissés auniveau où nous sommes.

E.R. : Garder de l’humilité, de lasimplicité, le port du hakama n’est pas uneclé vers une quelconque illumination ou ladécouverte des secrets d’un gourou. Il fautfaire preuve simplement de volonté, de persévérance, être prêt à donner beaucoupde soi, de son temps, être prêt à partir loin dechez soi pour évoluer. Bref, il faut être passionné. u

Propos recueillis par Jean-Marc Papadacci, Président du CERA

Infos stages :

Du 16 au 20 juillet et du 23 au 27 juillet : Temple-sur-Lot,

informations : Centre Lembrun – 05 53 40 50 50.

Du 30 juillet au 03 août : Lagord (17),

informations : M. Azzopardi 06 80 71 88 78.

AÏKIBUDO

Les techniques doivent être travaillées avec un engagement total comme le montrent André Tellier et Edmond Royo.

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