AIDES Rapport Discrim

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2015 VIH / HÉPATITES LA FACE CACHÉE DES DISCRIMINATIONS

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2015

VIH  HEacutePATITESLA FACE CACHEacuteE

DES DISCRIMINATIONS

2015

VIH  HEacutePATITESLA FACE CACHEacuteE

DES DISCRIMINATIONS

glossaire

ACSAcquisition drsquoune compleacutementaire santeacute

AerasConvention pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo

AMEAide meacutedicale drsquoEacutetat

ANRSAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites

CEDHCour europeacuteenne des droits de lrsquohomme

CEPSComiteacute eacuteconomique des produits de santeacute

CHOGCentre hospitalier de lrsquoouest guyanais

CHVCollectif heacutepatites virales

CISSCollectif inter-associatif sur la santeacute

CLDCongeacute de longue dureacutee

CMUCouverture maladie universelle

CMU-CCouverture maladie universelle compleacutementaire

CorevihComiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH

CNSConseil national du sida

CSPCode de santeacute publique

ENACREacutecole nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois

ENMEacutecole nationale de la magistrature

HASHaute autoriteacute de santeacute

InpesInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute

InseeInstitut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques

InVSInstitut de veille sanitaire

ISTInfection sexuellement transmissible

IVGInterruption volontaire de grossesse

MdMMeacutedecins du Monde

PVVIHPersonne vivant avec le VIH

TrodTest rapide drsquoorientation diagnostique

RdRReacuteduction des risques

VHCVirus de lrsquoheacutepatite C

VIHVirus de lrsquoimmunodeacuteficience humaine

Depuis le deacutebut de lrsquoeacutepideacutemie les discriminations et les exclusions sociales agrave lrsquoencontre des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) restent nombreuses Ces comportements sont alimenteacutes par la peur de la contamination et des scheacutemas associeacutes au VIH faisant de cette maladie encore largement tabou une veacuteritable sanction sociale Elle constitue un facteur suppleacutementaire drsquoexclusion quand elle touche particuliegraverement des populations marginaliseacutees et deacutejagrave stigmatiseacutees (hommes homosexuels usagers de drogues personnes prostitueacuteeshellip)

Les discriminations agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont une reacutealiteacute qursquoil convient de deacutenoncer et de sanctionner parce qursquoelles entravent lrsquoaccegraves aux droits et renforcent lrsquoexclusion sociale

Malgreacute les progregraves theacuterapeutiques les personnes vivant avec le VIH rencontrent encore de nombreux obstacles juridiques et factuels pour acceacuteder agrave leurs droits fondamentaux (accegraves aux soins accegraves agrave lrsquoemploi et agrave la formation etc) Souvent meacuteconnues et sous-estimeacutees ces difficulteacutes ont un impact majeur sur la vie quotidienne et lrsquoeffectiviteacute des droits de ces personnes

Entraves agrave lrsquoaccegraves aux soins discriminations lieacutees agrave lrsquoeacutetat de santeacute dans le domaine de lrsquoemploi deacuteni du droit agrave la liberteacute drsquoaller et venir en Guyane autant drsquoactes et de situations qursquoil convient de combattre

Le preacutesent rapport devrait participer agrave rendre visible les difficulteacutes releveacutees dans diffeacuterents domaines de la vie quotidienne Sa diffusion devrait permettre aux acteurs de mieux identifier et prendre en compte ces situations pour contribuer agrave lrsquoeacutegaliteacute en faveur des PVVIH Crsquoest dans cet esprit que le Deacutefenseur des droits a participeacute agrave la reacutedaction du rapport de lrsquoassociation AIDES et au-delagrave srsquoest engageacute agrave lutter contre les discriminations et les mesures drsquoexclusion agrave lrsquoencontre des PVVIH

Ce rapport qui nous permet de disposer drsquoune photographie des difficulteacutes rencontreacutees par les personnes vivant avec le VIH constitue un point drsquoappui pour changer les regards Je souhaite vivement qursquoil encourage agrave mobiliser des acteurs et qursquoil favorise la mise en œuvre de mesures concregravetes pour lutter contre le non-accegraves aux droits et les discriminations agrave lrsquoeacutegard des personnes vivant avec le VIH

Jacques Toubon Deacutefenseur des droits

Lrsquoeacutepideacutemie de sida et la lutte contre ce fleacuteau ont plus de 30 ans Trois deacutecennies de preacutevention de recherche drsquoincitation au deacutepistage et de combat pour les droits et contre la seacuterophobie La lutte contre le sida et les heacutepatites se construit et se megravene pour et avec les personnes exposeacutees aux risques mais aussi pour et avec les personnes vivant avec ces maladies Alors que la recherche avance et que les outils qui permettront drsquoen finir avec ces eacutepideacutemies sont connus cet horizon restera vague tant que la socieacuteteacute nrsquoeacutevoluera pas de mecircme et que les discriminations persisteront

Ce premier rapport laquo VIH heacutepatites la face cacheacutee des discriminations raquo de lrsquoassociation AIDES legraveve le voile sur des discriminations bien reacuteelles dans lrsquoaccegraves aux droits fondamentaux des personnes seacuteropositives au VIH et aux heacutepatites le droit agrave la santeacute le droit agrave la proprieacuteteacute le droit agrave lrsquoinstruction et au travail la liberteacute drsquoaller et venir Elles sont le fait de lrsquoEacutetat de lrsquoadministration de la socieacuteteacute dans son ensemble Elles sont le reflet de peurs et preacutejugeacutes qui reacuteduisent inlassablement les personnes agrave leur seacuteropositiviteacute Depuis plusieurs anneacutees les associations recensent documentent et attaquent sans relacircche ces discriminations Des victoires majeures ont eacuteteacute gagneacutees

Je me souviens des anneacutees 90 de ces situations heacutelas pas si rares ougrave des conjoints de personnes deacuteceacutedeacutees du sida se trouvaient du jour au lendemain agrave la rue sans droit sur le logement et les biens communs sans droits sur lrsquohistoire mecircme du couple Le PACS puis le mariage pour tous ont eacuteteacute conquis parce que le VIH a deacutemontreacute cruellement la neacutecessaire reconnaissance des couples de mecircme sexe Trop longtemps deacutenonceacutee hautement symbolique je pense aussi agrave lrsquointerdiction des soins funeacuteraires pour les personnes seacuteropositives au VIH ou agrave une heacutepatite qui sera bientocirct leveacutee et crsquoest par lagrave une discrimination jusque dans la mort qui ne sera plus

Ce rapport deacutemontre qursquoil reste encore un long chemin agrave parcourir Trop de situations restent injustifieacutees dans un Eacutetat de droit Il nrsquoest pas acceptable que des personnes seacuteropositives soient exclues drsquoun tregraves grand nombre drsquoemplois dans lrsquoarmeacutee la gendarmerie la police ou chez les sapeurs-pompiers Il nrsquoest pas concevable que des barrages soient installeacutes au sein mecircme du territoire franccedilais empecircchant les personnes drsquoacceacuteder aux soins neacutecessaires agrave leur survie Il nrsquoest pas admissible enfin que les personnes vivant avec le VIH soient confronteacutees agrave des refus de soins de la part de soignants ceux-lagrave mecircme qui sont supposeacutes ecirctre les mieux informeacutes Ces refus de soins soulignent que la peur du VIH devient trop souvent la peur de la personne seacuteropositive

Jrsquoai eacuteteacute teacutemoin des diffeacuterentes peacuteriodes de lrsquoeacutepideacutemie des anneacutees de cendre de lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies et de lrsquoespoir qursquoelles ont susciteacutees En tant que journaliste je me suis attacheacutee agrave informer sur le VIH et les heacutepatites sur les discriminations dont sont victimes les personnes vivant avec ou exposeacutees aux risques Je me suis engageacutee au cocircteacute des associations et je le fais de nouveau aujourdrsquohui en soutenant ce rapport car le combat contre les discriminations continue et il peut ecirctre gagneacute

Le rapport laquo VIH heacutepatites la face cacheacutee des discriminations raquo est une nouvelle brique agrave lrsquoeacutedifice

Claire Chazal

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F1

laquo Ce qursquoon est incapable de changer il faut au moins le deacutecrire raquo expliquait Rainer Werner Fassbinder On aurait tort drsquointerpreacuteter cette phrase du cineacuteaste allemand comme une forme de renoncement Au contraire il faut y voir la deacutemonstration qursquoil y a face agrave lrsquoinjustice toujours quelque chose agrave entreprendre et qursquoagrave deacutefaut de reacuteussir agrave balayer lrsquoinjustice on doit avoir le courage de la deacutenoncer Crsquoest dans cet esprit ndash le refus du renoncement allieacute agrave la volonteacute de changement ndash que ce premier rapport a eacuteteacute voulu et reacutealiseacute Notre place dans le champ social comme dans celui de la santeacute est particuliegravere Elle nous permet drsquoobserver de faire connaicirctre de deacutenoncer drsquoagir drsquoidentifier des problegravemes et drsquoy apporter seule ou avec drsquoautres des solutions Elle est aussi particuliegravere du fait des personnes communauteacutes et groupes qui font AIDES et de celles et ceux auxquels nous nous adressons Ce rapport est agrave notre image

Reacutealiseacute agrave partir de situations individuelles dont nous avons eacuteteacute saisi drsquoinitiatives que nous avons prises parfois avec des partenaires de dossiers de fond dont nous sommes partie prenante ce document nrsquoest pas un rapport drsquoactiviteacute Crsquoest un panorama souvent glaccedilant de dysfonctionnements qui perdurent de lacunes administratives de failles juridiques drsquoabus de pouvoir de discriminations institutionnaliseacutees dont le lit est bien cette faccedilon particuliegravere et deacutetestable de consideacuterer le VIHsida comme une maladie laquo agrave part raquo Un regard laquo agrave part raquo qui ne fait que renvoyer les personnes qui vivent avec le VIH agrave la marge Notre rapport est un eacutetat des lieux sans concession des visages multiples de la seacuterophobie aujourdrsquohui en France Glaccedilant il lrsquoest agrave deux titres la nature mecircme des faits que nous deacutenonccedilons et le fait que notre eacutetat des lieux ne soit heacutelas pas exhaustif

Afin de permettre agrave chacun-e de comprendre la diversiteacute des problegravemes et de mieux en saisir leurs enjeux nous avons retenu quatre thegravemes Lrsquoun porte sur des dispositions administratives contestables celles qui excluent des personnes vivant avec le VIH de certaines professions celles qui restreignent leurs carriegraveres ou leur accegraves agrave des formations Le deuxiegraveme est consacreacute au droit agrave la santeacute pour tous et toutes qui reste trop souvent bafoueacute comme nous lrsquoavons deacutemontreacute avec notre campagne contre les refus de soins dont sont victimes les personnes vivant avec le VIH Nous avons aussi traiteacute de la liberteacute drsquoaller et venir celle des personnes malades sur le territoire franccedilais en Guyane preacuteciseacutement Lagrave-bas des dispositions administratives empecircchent certaines drsquoentre elles de se rendre dans des lieux de soins Enfin est abordeacutee lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves aux meacutedicaments Elle est remise en cause par lrsquoincapaciteacute drsquoavoir une politique raisonneacutee des tarifs et de la juste reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation meacutedicale comme lrsquoa prouveacute la crise des prix des antiviraux agrave action directe contre le virus de lrsquoheacutepatite C Plutocirct que la reacutegulation tarifaire crsquoest la seacutelection des malades qui a eacuteteacute retenue Pour la premiegravere fois depuis longtemps ce sont des critegraveres financiers qui ont pris lrsquoascendant sur des critegraveres meacutedicaux Il nous a sembleacute important de revenir agrave la charge contre les freins en matiegravere de droit de proprieacuteteacute et drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dont sont victimes les personnes vivant avec une maladie chronique dont celles seacuteropositives au VIH

En 1990 (deacutejagrave ) des speacutecialistes du droit deacutefendaient lrsquoideacutee que le sida devait drsquoun point de vue juridique laquo ecirctre envisageacute dans sa banaliteacute raquo Ce que nous deacutemontrons ici crsquoest qursquoil nrsquoen est rien en 2015 De fait crsquoest lrsquoexceptionnaliteacute qui demeure Seacuteropositif-ve je ne peux pas ecirctre juge ni prendre les armes au service de mon pays Vivant avec le VIH mon lot sera de connaicirctre les pires obstacles pour emprunter acceacuteder agrave la proprieacuteteacute etc Tout est agrave lrsquoencan Et comme si cela ne suffisait pas agrave ces exceptions au droit commun srsquoajoutent les refus de soins les entraves agrave la liberteacute de circulation etc

Ces pheacutenomegravenes ne sont pas reacutecents et ont eacuteteacute deacutenonceacutes depuis longtemps notamment par le Conseil national du sida et des heacutepatites virales dans plusieurs avis degraves les anneacutees 90 Lrsquoeacutepideacutemie de VIH a agi degraves son apparition comme un reacuteveacutelateur des discriminations des ineacutegaliteacutes ou des difficulteacutes drsquoaccegraves aux droits et agrave la santeacute pour de nombreux groupes Des discriminations ineacutegaliteacutes encore alimenteacutees aujourdrsquohui par les peurs les repreacutesentations les exigences insultantes de protection vis-agrave-vis des personnes seacuteropositives Il est drsquoailleurs frappant de voir agrave quel point le droit pour ne parler que de lui est resteacute agrave la traicircne de la science Les avanceacutees scientifiques ont eacuteteacute majeures dans le VIH bouleversant la vie des personnes (les tritheacuterapies le traitement comme preacuteventionhellip) ameacuteliorant la qualiteacute de vie augmentant la dureacutee de vie On pouvait espeacuterer que cette nouvelle donne scientifique et meacutedicale se traduirait par une nouvelle chance pour les personnes vivant avec le VIH une chance drsquoen finir avec le regard laquo agrave part raquo une chance de voir les lois et regraveglements seacuterophobes abrogeacutes Ce nrsquoest toujours pas le cas

Nous nrsquoavons collectivement plus drsquoexcuse agrave ne rien faire Agrave AIDES nous lrsquoavons compris et y travaillons depuis des anneacutees Drsquoautres aussi notamment le Conseil national du sida et des heacutepatites virales Certains de ses avis celui de 1993 sur la confidentialiteacute en prison pour ne citer que celui-ci ont constitueacute des eacutetapes majeures dans la lutte contre les discriminations Notre engagement porte drsquoailleurs ses fruits comme le pointent dans ce rapport les avanceacutees que nous avons obtenues Mais il reste beaucoup agrave faire tant agrave deacutenoncer tant agrave transformer Crsquoest pour nous une grande fierteacute que ce rapport le premier du genre soit fait en collaboration avec le Deacutefenseur des droits Crsquoest une reconnaissance de la pertinence de notre approche et de la justesse de nos combats lrsquoassurance de pouvoir compter sur un allieacute de poids dans la lutte contre les discriminations Crsquoest aussi un signal envoyeacute agrave chacun-e drsquoentre nous il ne faut plus subir il faut deacutenoncer les discriminations seacuterophobes ainsi ensemble nous contribuerons agrave y mettre fin Lrsquoacircpreteacute des situations rapporteacutees dans ce rapport pourra surprendre Nous nrsquoavons ni noirci le tableau ni forceacute le trait Pas besoin tout ce qui est dit ici est vrai Ce que lrsquoon peine agrave changer seul il faut au moins le deacutecrire

Aureacutelien Beaucamp Preacutesident de AIDES

LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL 8

1 Travail seacuteropositiviteacute et discriminations une histoire aussi vieille que lrsquoeacutepideacutemie 1111 Les meacutetiers preacutetendument interdits aux PVVIH

le poids des repreacutesentations et des ideacutees reccedilues 1112 La persistance de formations et de meacutetiers

juridiquement interdits 11

droit applicable 12

2 Formations emplois en finir avec les derniers interdits 1421 Lrsquoeacutecole nationale du cirque une exclusion vite abrogeacutee 1422 Magistrature une interdiction depuishellip 1958 1423 Armeacutee un bastion sans VIH 16

231 Eacutevaluation de lrsquoaptitude agrave servir quelques repegraveres 16232 VIH et aptitude agrave servir des consignes drsquoun autre temps 17233 Un couperet qui concerne toutes les forces armeacutees

et les formations affeacuterentes 18234 Police nationale sapeurs-pompiers une exclusion

qui deacutepasse largement le champ de lrsquoarmeacutee 21

LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT 22

refus de soins 25

droit applicable 25

1 Un testing pour objectiver les refus de soins 2711 Meacutethodologie 27

111 Qursquoest-ce qursquoun testing 27112 Le protocole drsquoenquecircte 27113 Limites de lrsquoeacutetude 30

12 Des reacutesultats accablants 30121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou

de discriminations 32122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations

en fonction des speacutecialiteacutes 33123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations

en fonction de lrsquointerlocuteur-trice 34124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations

en fonction des villes 34125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave souligner 34126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutes 34

13 Perspectives la neacutecessiteacute de renforcer lrsquoarsenal juridique 35

difficulteacute drsquoaccegraves aux traitements 36

droit applicable 36

1 Le cas des traitements innovants contre lrsquoheacutepatite C 3611 Des traitements innovants agrave prix tregraves eacuteleveacutes 3612 VHC qui soigner 37

121 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexperts 37122 Les recommandations restrictives de la HAS 37123 Rationnement et exclusion les justifications discutables

avanceacutees par la HAS 38124 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicales 39

2 Plaidoyer pour un laquo juste prix raquo 3921 Les enjeux en cause 3922 Les objectifs 40

secret meacutedical au profit des mineurs 41

droit applicable 41

1 Sexualiteacute et santeacute sexuelle des mineur-e-s 4211 La laquo majoriteacute sexuelle raquo un concept sans valeur juridique 4212 Lrsquoacircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle une reacutealiteacute contrasteacutee 42

121 Donneacutees concernant la population geacuteneacuterale 42122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle 43

2 Deacutepistage soins eacutemancipation de lrsquoautoriteacute parentale du constat de terrain agrave la modification de la loi 4421 Permettre de deacutepister les mineur-e-s avec ou sans lrsquoaccord

des parents 4422 La neacutecessiteacute drsquoanonymiser la prise en charge 45

LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUX SERVICES PUBLICS 46

droit applicable 49

1 La Guyane les paradoxes drsquoun territoire prioritaire dans la lutte contre le VIH sida 4911 Des indicateurs de santeacute tregraves deacutefavorables 4912 La Guyane deacutepartement franccedilais le plus toucheacute par lrsquoinfection VIH 5013 Offre de santeacute reacutepartition geacuteographique en inadeacutequation

avec les besoins 502 Les controcircles routiers permanents 52

21 Des lois drsquoexception en Outre-mer au nom de la lutte contre lrsquoorpaillage et lrsquoimmigration illeacutegale 52

22 Des mesures qui affectent largement au-delagrave des cibles 5323 Les impacts deacutefavorables sur lrsquoaccegraves agrave la santeacute 53

231 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire 53

232 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicales 5424 Des contentieux pour obtenir la suppression de ces barrages 54

241 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircte 55242 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute

drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense 55

LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute 56

droit applicable 59

1 Un parcours du combattant pour les personnes toucheacutees par une maladie chronique 60

2 Vers le droit agrave lrsquooubli adapteacute pour le VIH et les maladies chroniques 6121 Le VIH aujourdrsquohui un risque tregraves limiteacute pour les compagnies

drsquoassurance 6122 Comment changer la donne 62

PARTIE 1

PARTIE 2

PARTIE 3

PARTIE 4

1LE droIT   Agrave LrsquoINSTrUcTIoN   

ET AU TrAVAIL

AIDES a plus de 30 ans aujourdrsquohui et son investissement en faveur du droit agrave lrsquoins-truction et agrave lrsquoemploi des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) est aussi ancien Ce combat a eacutevolueacute de bien des maniegraveres et pourtant les difficulteacutes semblent rester les mecircmes discriminations agrave lrsquoembauche deacutefaut de visibiliteacute de la seacuteropositiviteacute au travail discriminations de la part de collegravegues et parfois de la hieacuterarchie quels que soient la taille de lrsquoentreprise le secteur public ou priveacute etc Degraves 1992 les guides Droit et Sida de AIDES consacrent de tregraves grandes parties de leur contenu agrave lrsquoemploi En 2000 lrsquoassociation lance lrsquoenquecircte laquo Entre contraintes eacuteconomiques et volonteacutes sociales quelle place pour les personnes seacuteropositives le point de vue des acteurs de lrsquoentreprise raquo suivi des enquecirctes laquo AIDES et toi raquo et laquo VIH heacutepatites et vous raquo qui portent en particulier sur les ressources lrsquoaccegraves et le maintien dans lrsquoemploi des PVVIH

11 LES MEacuteTIERS PREacuteTENDUMENT INTERDITS AUX PVVIh LE POIDS DES REPREacuteSENTATIONS ET DES IDEacuteES REccedilUES

Le combat continu de AIDES en la matiegravere porte aussi sur les meacutetiers juridiquement interdits et ceux dont on suppose agrave tort qursquoils le sont agrave partir drsquoideacutees reccedilues et preacuteten-dus risques La brochure laquo VIH-sida et milieu du travail guide de sensibilisation raquo eacutediteacutee en 2001 par AIDES avec le soutien de lrsquoAssociation de gestion du fonds pour lrsquoinsertion professionnelle des personnes handicapeacutees (AGEFIPH) ainsi que du ministegravere de lrsquoEm-ploi et de la Solidariteacute eacutenumeacuterait comme exemples des meacutetiers faussement interdits

Cadre en fonction de responsabiliteacute en raison des absences possibles Les meacutetiers de la restauration et meacutetiers de bouche en raison de la fatigue du contact avec le public et du laquo risque de transmission par le biais des aliments raquo

Le secteur de lrsquoenfance et de lrsquoeacuteducation en raison du laquo risque de transmission aupregraves des enfants raquo

Le secteur meacutedical idem ci-dessus (enfants et adultes) Le secteur du bacirctiment et des travaux publics et plus largement les meacutetiers laquo physiques raquo agrave cause de la fatigue

Le secteur social les personnes seacuteropositives seraient laquo deacutepressives raquo il faut donc eacuteviter le contact avec le public

Les meacutetiers du nettoyage et les hocirctes de caisse agrave cause des horaires deacutecaleacutes et de la fatigue

Les meacutetiers avec du relationnel ou de la communication car les personnes seacuteropositives seraient laquo deacutepressives raquo

etcCes ideacutees reccedilues identifieacutees sur la base de formations agrave lrsquoinitiative de AIDES aupregraves drsquoopeacuterateurs drsquoinsertion teacutemoignent laquo du manque drsquoinformation principalement sur les effets des traitements et lrsquoeacutetat des repreacutesentations concernant les personnes toucheacutees raquo

12 LA PERSISTANCE DE fORMATIONS ET DE MEacuteTIERS jURIDIqUEMENT INTERDITS

Au-delagrave de ces repreacutesentations et ideacutees reccedilues lrsquoaccegraves agrave certaines formations et agrave certains emplois est encore juridiquement interdit en contradiction directe avec les principes du droit franccedilais Sans preacutetendre agrave une approche exhaustive AIDES srsquoest par-ticuliegraverement pencheacutee ces derniers mois sur trois cas les arts du cirque la magistrature et lrsquoarmeacutee franccedilaise Afin de conforter son analyse dans la perspective drsquoune eacutevolution du droit applicable elle a saisi en octobre 2015 le Deacutefenseur des droits agrave ce sujet

11

VIH des conditions deacutefavorables drsquoaccegraves et de maintien dans lrsquoemploi 1

Depuis une quinzaine drsquoanneacutees les pro-gregraves theacuterapeutiques ont permis agrave un nombre croissant de PVVIH de poursuivre durablement une activiteacute professionnelle comme le deacutemontrent les rapports drsquoex-perts successifs sur leur prise en charge meacutedicale Des associations ont aussi œuvreacute pour le deacuteveloppement de pro-grammes speacutecifiques drsquoaccegraves agrave lrsquoinsertion professionnelle et agrave lrsquoemploi comme par exemple Ikambere ou BasiliadeNeacuteanmoins le VIH demeure en soi un facteur de fragilisation des parcours pro-fessionnels et de paupeacuterisation y com-pris pour des personnes initialement bien inseacutereacutees dans lrsquoemploi Le taux de PVVIH ayant un emploi est infeacuterieur agrave celui de la population geacuteneacute-rale (57 versus 64 enquecircte ANRS-Vespa 2 2013) Entre 2003 et 2011 lrsquoaugmentation de leur taux de chocircmage est significative de maniegravere geacuteneacuterale (+4 ) et forte sur des publics speacutecifiques (femmes migrantes +10 ) Lrsquoenquecircte laquo VIH Heacutepatites et vous raquo (AIDES 2011) souligne un risque drsquoecirctre sans emploi 5 fois plus eacuteleveacute pour les PVVIH que pour la population geacuteneacuterale Si plus des deux tiers des PVVIH ayant perdu leur emploi depuis lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute souhaitent retravailler elles rencontrent des difficulteacutes drsquoac-cegraves quels que soient les secteurs public comme priveacute Plus le nombre drsquoanneacutees de vie avec le VIH augmente plus le taux drsquoemploi diminue La stigmatisation et la discrimination sont toujours preacutesentes dans le milieu professionnel 62 des PVVIH main-tiennent le secret sur leur eacutetat de santeacute au travail Les personnes peinent souvent agrave eacutevaluer le risque de parler ou pas de leur pathologie

1 Sources Enquecircte ANRS-Vespa 2 (BEH ndeg 2627 du 2 juillet 2013 premiers reacutesultats de lrsquoenquecircte ANRS-Vespa 2) IRDES Enquecircte laquo VIH Heacutepatites et vous raquo (EUSD du 18 au 23 octobre 2010) Focus emploi AIDES 2011 Rapport drsquoexperts et recommandations pour la prise en charge meacutedicale des PVVIH laquo Morlat raquo 2013 Chapitre laquo conditions de vie raquo p 440 et s

1TrAVAIL SEacuteroPoSITIVITEacute  ET dIScrImINATIoNS   

UNE HISToIrE AUSSI VIEILLE  qUE LrsquoEacutePIdEacutemIE 

mdashLes stigmatisations et les discriminations associeacutees au VIH ou aux heacutepatites existent dans le milieu professionnel aussi bien dans le secteur public que priveacute Elles peuvent srsquoinscrire dans les relations individuelles mais elles sont aussi parfois structurelles voire reacuteglementaires Ainsi lrsquoaccegraves agrave certaines formations et agrave certains emplois est refuseacute aux personnes vivant avec le VIH alors mecircme que les progregraves theacuterapeutiques ont deacutemontreacute leur efficaciteacute tant en matiegravere de reacuteduction des effets indeacutesirables que sur lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute

En matiegravere de droit du travail les textes de droit inter-national et de droit franccedilais sont tregraves nombreux et inter-disent les discriminations lieacutees agrave lrsquoeacutetat de santeacuteLes refus drsquoaccegraves agrave un emploi ou agrave une formation les licenciements fondeacutes sur lrsquoeacutetat de santeacute ou le handicap sont consideacutereacutes comme discriminatoires et peuvent faire lrsquoobjet de sanctions preacutevues dans diffeacuterents textes (Code peacutenal Code civil etc) Malgreacute lrsquoexistence de dis-positifs leacutegaux les discriminations lieacutees agrave lrsquoeacutetat de santeacute demeurent nombreuses dans le milieu professionnelEn 2014 13 des saisines du Deacutefenseur des droits en matiegravere de discriminations interviennent au titre du cri-tegravere de lrsquoeacutetat de santeacute notamment pour des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi (refus drsquoembauche agrave lrsquoannonce de la maladie) ou des difficulteacutes de maintien dans lrsquoemploi (refus des employeurs de mettre en place des ameacutena-gements raisonnables) Selon le 6e baromegravetre sur le res-senti des discriminations dans lrsquoemploi du Deacutefenseur des droits et de lrsquoOrganisation internationale du travail (OIT) lrsquoeacutetat de santeacute est source de pressions dans le monde professionnel Parmi les personnes deacuteclarant avoir eacuteteacute victimes de discrimination 12 estiment que celle-ci eacutetait lieacutee agrave leur eacutetat de santeacute La situation des personnes vivant avec le VIH reste difficile en particulier dans la sphegravere professionnelle en raison drsquoune grande meacutecon-naissance de la maladie de lrsquoimage neacutegative et tenace de la seacuteropositiviteacute Lutter contre les discriminations et les preacutejugeacutes concilier maladie chronique et emploi informer les personnes et les employeurs simplifier et ameacuteliorer les dispositifs de maintien dans lrsquoemploi des personnes malades sont autant de deacutefis agrave relever

Droit international Les engagements de la France aux niveaux europeacuteen et international sur le droit du travail sont nombreux Le Pacte international relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et culturels (PIDESC) adopteacute dans le cadre des Nations unies le 16 deacutecembre 1966 entreacute en vigueur en France le 4 feacutevrier 1981 pose notamment un principe de non-discrimination pour la jouissance des droits qursquoil eacutenonce (article 2-2deg) le droit au travail (article 6) le droit de toute personne agrave un niveau de vie suffisant (article 11-1deg) et le droit agrave lrsquoeacuteducation (article 13) Ce dernier article preacutecise que le droit agrave lrsquoeacuteducation inclut lrsquoensei-gnement primaire obligatoire et accessible gratuitement agrave tous lrsquoenseignement secondaire sous ses diffeacuterentes formes y compris lrsquoenseignement secondaire technique et professionnel geacuteneacuteraliseacute et accessible agrave tous lrsquoensei-gnement supeacuterieur accessible agrave tous en pleine eacutegaliteacute

Selon la convention 111 de lrsquoorganisation internationale du travail de 1958 contre les discriminations dans lrsquoem-ploi et les professions ratifieacutee par la France et entreacutee en vigueur en avril 1981 la Reacutepublique srsquoengage notam-ment agrave lrsquoarticle 3 agrave laquo a) srsquoefforcer drsquoobtenir la collaboration des organisa-

tions drsquoemployeurs et de travailleurs et drsquoautres organismes approprieacutes pour favoriser lrsquoacceptation et lrsquoapplication de cette politique

b) promulguer des lois et encourager des programmes drsquoeacuteducation propres agrave assurer cette acceptation et cette application

c) abroger toute disposition leacutegislative et modifier toute disposition ou pratique administratives qui sont incompatibles avec ladite politique

d) suivre ladite politique en ce qui concerne les emplois soumis au controcircle direct drsquoune autoriteacute nationale

e) assurer lrsquoapplication de ladite politique dans les acti-viteacutes des services drsquoorientation professionnelle de formation professionnelle et de placement soumis au controcircle drsquoune autoriteacute nationale raquo

Lrsquoarticle 1 de cette convention preacutecise que lrsquoaccegraves agrave lrsquoem-ploi inclut lrsquoaccegraves agrave la formation en vue drsquoacceacuteder agrave cet emploiLe droit europeacuteen interdit eacutegalement les discriminations agrave raison de lrsquoeacutetat de santeacute dans le champ de lrsquoemploiAgrave lrsquoorigine de nombreuses eacutevolutions jurisprudentielles dans de nombreux pays europeacuteens dont la France la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales (CEDH) du 4 novembre 1950 entreacutee en vigueur en France le 21 sep-tembre 1970 en son article 14 pose de mecircme un principe de non-discrimination laquo La jouissance des droits et liber-teacutes reconnus dans la preacutesente Convention doit ecirctre assu-reacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance ou toute autre situation raquo Bien que la CEDH ne proclame pas de droits en matiegravere eacutecono-mique et sociale il reacutesulte de la combinaison de lrsquoarticle 1er du protocole ndeg 1 (qui garantit le respect du droit de proprieacuteteacute et plus largement drsquoapregraves la Cour les droits patrimoniaux) de lrsquoarticle 2 du protocole ndeg 1 (qui garan-tit le droit agrave lrsquoinstruction) et de lrsquoarticle 14 de la CEDH un principe de non-discrimination en matiegravere de droits sociaux et de droit agrave lrsquoinstructionLa charte sociale europeacuteenne du 18 octobre 1961 entreacutee en vigueur en France le 8 avril 1973 garantit le droit au travail (article 1) le droit agrave la formation professionnelle (article 10) et le droit de toute personne agrave la protection contre la pauvreteacute et lrsquoexclusion sociale (article 30) La jouissance de tous ces droits est en outre compleacuteteacutee par une clause geacuteneacuterale de non-discriminationCes principes internationaux et europeacuteens ont enfin eacuteteacute rappeleacutes en 2000 par la Directive europeacuteenne CE ndeg 200078CE portant sur la creacuteation drsquoun cadre geacuteneacute-ral en faveur de lrsquoeacutegaliteacute de traitement en matiegravere drsquoem-ploi Cette directive srsquoimpose agrave lrsquoensemble des pays membres de lrsquoUnion Europeacuteenne

Droit franccedilaisSi les textes internationaux sont nombreux et preacutecis sur le droit agrave la formation et agrave lrsquoemploi sans discrimination le droit franccedilais nrsquoest pas en reste Le droit au travail reconnu par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 est un droit agrave valeur constitutionnelle Il est garanti sans discrimination dans le Code peacutenal ainsi que dans le Code civil agrave travers le droit au respect de la vie priveacutee et speacuteci-fiquement dans le Code du travail

Preacuteambule de la Constitution de 1946Chacun a le devoir de travailler et le droit drsquoobtenir un emploi Nul ne peut ecirctre leacuteseacute dans son travail ou son emploi en raison de ses origines de ses opinions ou de ses croyancesLa Nation garantit lrsquoeacutegal accegraves de lrsquoenfant et de lrsquoadulte agrave lrsquoinstruction agrave la formation professionnelle et agrave la culture Lrsquoorganisation de lrsquoenseignement public gratuit et laiumlque agrave tous les degreacutes est un devoir de lrsquoEacutetatFidegravele agrave sa mission traditionnelle la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge agrave la liberteacute de srsquoadministrer eux-mecircmes et de geacuterer deacutemocratique-ment leurs propres affaires eacutecartant tout systegraveme de colonisation fondeacute sur lrsquoarbitraire elle garantit agrave tous lrsquoeacutegal accegraves aux fonctions publiques et lrsquoexercice indi-viduel ou collectif des droits et liberteacutes proclameacutes ou confirmeacutes ci-dessus

Code peacutenal Interdiction des discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi

article 225-1Constitue une discrimination toute distinction opeacutereacutee entre les personnes physiques agrave raison de leur origine de leur sexe de leur situation de famille de leur grossesse de leur apparence physique de leur patronyme de leur lieu de reacutesidence de leur eacutetat de santeacute de leur handicap de leurs caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de leurs mœurs de leur orientation ou identiteacute sexuelle de leur acircge de leurs opinions politiques de leurs activiteacutes syndicales de leur appartenance ou de leur non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une race ou une religion deacutetermineacutee

article 225-2 La discrimination deacutefinie aux articles 225-1 et 225-1-1 commise agrave lrsquoeacutegard drsquoune personne physique ou morale est punie de trois ans drsquoemprisonnement et de 45 000 euros drsquoamende lorsqursquoelle consiste 3deg Agrave refuser drsquoembaucher agrave sanctionner ou agrave licencier une personne 5deg Agrave subordonner une offre drsquoemploi une demande de stage ou une peacuteriode de formation en entreprise agrave une condition fondeacutee sur lrsquoun des eacuteleacutements viseacutes agrave lrsquoarticle 225-1 ou preacutevue agrave lrsquoarticle 225-1-1

article 225-3 Les dispositions de lrsquoarticle preacuteceacutedent ne sont pas appli-cables 1deg Aux discriminations fondeacutees sur lrsquoeacutetat de santeacute lors-qursquoelles consistent en des opeacuterations ayant pour objet la preacutevention et la couverture du risque deacutecegraves des risques portant atteinte agrave lrsquointeacutegriteacute physique de la personne ou des risques drsquoincapaciteacute de travail ou drsquoinvaliditeacute 2deg Aux discriminations fondeacutees sur lrsquoeacutetat de santeacute ou le handicap lorsqursquoelles consistent en un refus drsquoembauche ou un licenciement fondeacute sur lrsquoinaptitude meacutedicalement constateacutee soit dans le cadre du titre IV du livre II du Code du travail soit dans le cadre des lois portant dispositions statutaires relatives agrave la fonction publique

Code civil Respect de la vie priveacutee

article 9 Chacun a droit au respect de sa vie priveacutee

Code du travail Interdiction des discriminations dans lrsquoemploi

article l1132-1Aucune personne ne peut ecirctre eacutecarteacutee drsquoune proceacutedure de recrutement ou de lrsquoaccegraves agrave un stage ou agrave une peacuteriode de formation en entreprise aucun salarieacute ne peut ecirctre sanctionneacute licencieacute ou faire lrsquoobjet drsquoune mesure discri-minatoire directe ou indirecte telle que deacutefinie agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations notam-ment en matiegravere de reacutemuneacuteration au sens de lrsquoarticle L3221-3 de mesures drsquointeacuteressement ou de distribution drsquoactions de formation de reclassement drsquoaffectation de qualification de classification de promotion profes-sionnelle de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine de son sexe de ses mœurs de son orientation ou identiteacute sexuelle de son acircge de sa situation de famille ou de sa grossesse de ses carac-teacuteristiques geacuteneacutetiques de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation ou une race de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales ou mutualistes de ses convictions religieuses de son apparence physique de son nom de famille de son lieu de reacutesidence ou en raison de son eacutetat de santeacute ou de son handicap

Obligation drsquoameacutenagement raisonnable permettant le maintien dans lrsquoemploi

article 6 sexies de la loi ndeg 83-634 du 13 juillet 1983 dite le pors Afin de garantir le respect du principe drsquoeacutegaliteacute de traitement agrave lrsquoeacutegard des travailleurs handicapeacutes les employeurs viseacutes agrave lrsquoarticle 2 prennent en fonction des besoins dans une situation concregravete les mesures appro-prieacutees pour permettre aux travailleurs mentionneacutes aux 1deg 2deg 3deg 4deg 9deg 10deg et 11deg de lrsquoarticle L323-3 du Code du travail drsquoacceacuteder agrave un emploi ou de conserver un emploi correspondant agrave leur qualification de lrsquoexercer et drsquoy progresser ou pour qursquoune formation adapteacutee agrave leurs besoins leur soit dispenseacutee sous reacuteserve que les charges conseacutecutives agrave la mise en œuvre de ces mesures ne soient pas disproportionneacutees notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les deacutepenses supporteacutees agrave ce titre par lrsquoemployeur

article l5213-6 du code du travailAfin de garantir le respect du principe drsquoeacutegaliteacute de traite-ment agrave lrsquoeacutegard des travailleurs handicapeacutes lrsquoemployeur prend en fonction des besoins dans une situation concregravete les mesures approprieacutees pour permettre aux travailleurs mentionneacutes aux 1deg agrave 4deg et 9deg agrave 11deg de lrsquoar-ticle L5212-13 drsquoacceacuteder agrave un emploi ou de conserver un emploi correspondant agrave leur qualification de lrsquoexercer ou drsquoy progresser ou pour qursquoune formation adapteacutee agrave leurs besoins leur soit dispenseacuteeCes mesures sont prises sous reacuteserve que les charges conseacutecutives agrave leur mise en œuvre ne soient pas dis-proportionneacutees compte tenu de lrsquoaide preacutevue agrave lrsquoarticle L5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les deacutepenses supporteacutees agrave ce titre par lrsquoemployeurLe refus de prendre des mesures au sens du premier ali-neacutea peut ecirctre constitutif drsquoune discrimination au sens de lrsquoarticle L1133-3

DROIT APPLICABLE

12 13PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Le VIH et ses conseacutequences sur la vie des personnes concerneacutees ne sauraient affec-ter a priori lrsquoaptitude agrave exercer la profession de magistrat Exclure les PVVIH de maniegravere geacuteneacuterale apparaicirct disproportionneacute et injustifieacute au regard de lrsquoactiviteacute en cause Lrsquoinfection est aujourdrsquohui laquo controcircleacutee raquo chez la plupart drsquoentre elles et en particulier chez celles contamineacutees apregraves 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies Cette condition anteacuterieure agrave lrsquoapparition du virus preacutevue par une ordonnance de 1958 pour drsquoautres pathologies fait subsister une exigence anachronique discriminante et stigmatisante Forte de ces constats AIDES interpelle donc le directeur de lrsquoENM la direction des ser-vices judiciaires le ministegravere de la Santeacute et la garde des Sceaux Dans un courrier en date de 11 feacutevrier 2014 cette derniegravere indique partager notre ana-lyse sur cette discrimination anachronique Elle propose de modifier en conseacutequence lrsquoarticle 16-5deg de lrsquoordonnance statutaire des magistrats afin que les conditions drsquoap-titude physique rejoignent celles applicables agrave lrsquoensemble de la fonction publique Les conditions seraient donc similaires agrave celles exigeacutees pour des concours comparables et en particulier celles de lrsquoEacutecole nationale drsquoadministration Elle entend proceacuteder agrave cette modification dans une prochaine loi organique relative au statut de la magistratureAu moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport cette modification nrsquoest toujours pas opeacutereacutee Elle est cependant bien preacutevue par lrsquoarticle 4 du projet de loi organique relatif agrave lrsquoindeacutepen-dance et lrsquoimpartialiteacute des magistrats et agrave lrsquoouverture de la magistrature sur la socieacuteteacute deacuteposeacute par Christiane Taubira le 31 juillet 2015 au Parlement laquo La condition drsquoaptitude physique est eacutegalement modifieacutee pour lrsquoaligner sur celle preacutevue pour les concours de la fonction publique raquo Lrsquoeacutetude drsquoimpact de lrsquoarticle constate lrsquoobsolescence de la condition drsquoaptitude physique en preacutecisant que laquo Cette reacutedaction date de la version initiale de lrsquoordonnance statutaire Agrave la diffeacuterence des dispositions similaires du statut geacuteneacuteral des fonctionnaires preacuteciteacute cet article nrsquoa pas eacuteteacute modifieacute depuis 1958 raquo De mecircme que AIDES puis la ministre dans sa reacuteponse lrsquoeacutetude drsquoimpact reconnaicirct lrsquoinconstitutionnaliteacute de cette conditionLe projet de loi preacutevoit que les mots laquo et ecirctre reconnus indemnes ou deacutefinitive-ment gueacuteris de toute affection donnant droit agrave un congeacute de longue dureacutee raquo soient remplaceacutes par les mots laquo compte tenu des possibiliteacutes de compensation du handi-cap raquo Le statut de magistrat srsquoalignerait en ce sens sur le statut applicable pour la fonction publiqueAgrave lrsquooccasion de lrsquoexamen de ce texte programmeacute agrave lrsquoautomne 2015 AIDES sera vigi-lante agrave ce que cette modification aboutisse

21 LrsquoEacuteCOLE NATIONALE DU CIRqUE UNE EXCLUSION VITE ABROGEacuteE

En mai 2014 une infirmiegravere scolaire constate sur le dossier de candidature agrave lrsquoEacutecole nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois (ENACR) une demande surprenante lrsquoeacutecole exige une seacuterologie VIH Une telle demande laisse preacutesumer que les PVVIH ne seraient pas admises agrave cette formation et agrave cette activiteacute Lrsquoinfirmiegravere prend contact avec AIDES afin de se renseigner sur le bien-fondeacute et la leacutegaliteacute de cette demande Lrsquoinfirmiegravere scolaire interpelle aussi le journal Causette qui rend compte de lrsquoaffaire dans un article publieacute en juin 2014 et rapporte des eacutechanges avec des responsables de lrsquoENACR pour le moins confus et marqueacutes par des repreacutesentations sur les modes de transmission et les pratiques des eacutetudiants Lrsquoeacutecole reconnaicirct cependant une mala-dresse laquo le test ne sera plus obligatoire mais fortement conseilleacute raquo 2 Causette comme AIDES sont drsquoaccord sur un point cela ne change rien ou si peuhellip Une telle eacutevolution induit une suspicion pour les candidats qui ne preacutesenteraient pas ce test seacuterologique et maintient le preacutesupposeacute qursquoecirctre porteur du VIH nrsquoest pas compatible avec les activiteacutes circassiennesAIDES interpelle alors le ministegravere de la Jeunesse et des Sports lrsquoOrdre des meacutedecins lrsquoinspection acadeacutemique de Seine-Saint-Denis et bien sucircr lrsquoENACR et son meacutedecin reacutefeacuterent Les courriers deacutenoncent laquo la suspicion induite agrave lrsquoeacutegard des candidats seacutero-positifs raquo qui laquo sous-entend qursquoil y aurait des risques reacuteels de contamination dans les activiteacutes circassiennes ce qui constitue une discrimination aveacutereacutee en raison de lrsquoeacutetat de santeacute raquo Se refusant agrave deacutenoncer sans proposer de solution cette lettre invite agrave une ren-contre des diffeacuterent-e-s acteurs-trices concerneacute-e-s afin de faire eacutevoluer les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoENACRCette rencontre nrsquoaura pas lieu Le 26 juin le matin mecircme de la reacuteception du courrier envoyeacute par AIDES le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem alors ministre de la Jeunesse et des Sports prend contact avec AIDES pour demander des renseignements compleacute-mentaires Le mecircme jour lrsquoeacutecole annonce la fin de cette condition pour candidater consideacuterant que la demande est disproportionneacutee et injustifieacutee Lrsquoeacutecole regrette de nrsquoavoir pu srsquoexpliquer de vive voix Constateacutee en mai 2014 avec un retrait de la condition discriminatoire en juin de la mecircme anneacutee agrave peine un mois plus tard cette situation a eacuteteacute geacutereacutee avec une tregraves grande reacuteactiviteacute que AIDES tient agrave saluer

22 MAGISTRATURE UNE INTERDICTION DEPUIShellip 1958

Dans le cadre de ses actions de preacutevention et de soutien aupregraves des PVVIH des mili-tant-e-s de AIDES ont eacuteteacute interrogeacute-e-s en 2013 par une personne craignant de ne pouvoir candidater agrave lrsquoEacutecole nationale de la magistrature (ENM) du fait de son statut seacuterologique Une demande similaire a eacuteteacute adresseacutee au siegravege de AIDES en feacutevrier 2015 Apregraves veacuterification il srsquoavegravere en effet que lrsquoarticle 16 de lrsquoordonnance ndeg 58-1270 du 22 deacutecembre 1958 sur le statut de magistrat exige de laquo remplir les conditions drsquoaptitu-des physiques neacutecessaires agrave lrsquoexercice des fonctions et ecirctre reconnu indemne ou deacutefi-nitivement gueacuteri de toute affection donnant droit agrave un congeacute de longue dureacutee (CLD) raquo Lrsquoaptitude physique requise pour assurer les fonctions de magistrat conditionne eacutegale-ment lrsquoentreacutee agrave lrsquoENM Or le laquo deacuteficit immunitaire grave et acquis raquo donne droit au CLD les PVVIH sont donc toutes exclues de la magistratureSelon AIDES cette situation constitue une discrimination agrave lrsquoemploi agrave lrsquoencontre des PVVIH prohibeacutee par le droit franccedilais et en contradiction directe avec lrsquoalineacutea 18 du Preacuteambule de la constitution de 1946 sur lrsquoaccegraves de tous et toutes les citoyen-ne-s agrave la fonction publique

Comment avez-vous eu connaissance de la dispo-sition leacutegale excluant la candidature des personnes vivant avec le VIH de lrsquoeacutecole nationale de la magistra-ture (ENM) Crsquoest en preacuteparant mon dossier drsquoaccegraves agrave lrsquoENM que jrsquoai pris connaissance de la reacutefeacuterence agrave cette disposition du statut [de magistrat] alors que mon projet eacutetait tregraves avanceacute et que la preacutesentation agrave ce concours eacutetait deacuteter-mineacutee comme eacutetant mon choix professionnel deacutefinitif

Comment avez-vous perccedilu cette condition par rapport agrave votre situation personnelle Jrsquoai eacuteteacute sideacutereacute par cette disposition et jrsquoai chercheacute agrave savoir agrave quelle date elle avait eacuteteacute prise Le fait que les termes employeacutes eacutemanent drsquoun temps ougrave la question du VIH nrsquoexistait pas mrsquoa laisseacute perplexe Je me suis senti humilieacute et jeteacute au ban de la socieacuteteacute

Quel impact cette information a pu avoir sur vos choix drsquoeacutetudes et drsquoorientations professionnelles Depuis un an eacutepoque agrave laquelle jrsquoai pris connais-sance de cette situation je suis totalement deacutesorienteacute et

jrsquoai suspendu toute deacutemarche En effet mecircme si la Chan-cellerie dit que cette discrimination nrsquoa plus cours nous nrsquoavons aucune assurance de cela Je nrsquoai pas voulu ris-quer drsquoecirctre en porte agrave faux avec drsquoun cocircteacute une reacuteussite agrave lrsquoentreacutee et de lrsquoautre un rejet pour inaptitude meacutedicale dans de telles conditions que je nrsquoaurais pu expliquer agrave mon entourage

Si la loi organique sur le statut de magistrat eacutetait effec-tivement voteacutee mettant fin agrave lrsquoexclusion des personnes vivant avec le VIH comptez-vous passer le concours de lrsquoENM Je nrsquoattends que cela Je ne pense qursquoagrave cela et le temps me paraicirct bien long Mes projets actuellement suspendus seraient immeacutediatement reacuteactiveacutes Le seul lien drsquoespoir qui me tient a eacuteteacute la lecture sur votre site de lrsquoexistence de votre deacutemarche aupregraves de Madame Taubira dans le cadre drsquoun cas similaire au mien ainsi que la formulation des promesses de la garde des Sceaux agrave votre association Jrsquoai peur qursquoelle quitte la Chancelle-rie avant de reacutealiser sa promesse

Teacutemoignage

2 Dr K-POTE laquo Aux Arts du cirque on jongle avec le sida et le droit raquo Causette 4 juin 2014

14 15PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2FormATIoNS ET EmPLoIS   

EN FINIr AVEc LES INTErdITS mdash

Selon lrsquoarticle 28 de lrsquoinstruction de 2003 relatif aux cotations des pathologies dans lrsquoarmeacutee vivre avec le VIH en bonne santeacute et sans traitement serait moins laquo grave raquo au regard de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute que vivre avec le VIH en bonne santeacute et avec traitement

23 LrsquoARMEacuteE UN BASTION SANS VIh

Lrsquointerdiction drsquointeacutegrer de nombreux corps de lrsquoarmeacutee par des PVVIH a eacuteteacute identifieacutee en juillet 2015 apregraves qursquoune personne ait contacteacute lrsquoassociation AIDES alors qursquoelle srsquoeacutetait vu refuser lrsquoaccegraves agrave la marine nationale Lrsquoarticle L 4132-1 du Code de la deacutefense dispose que laquo Nul ne peut ecirctre militaire (hellip) 3deg Srsquoil ne preacutesente les aptitudes exigeacutees pour lrsquoexercice de la fonction raquo Lrsquoaptitude est eacuteva-lueacutee selon lrsquoinstruction ndeg 2100DEFDCSSAASTAME du 1er octobre 2003 relative agrave la deacutetermination de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir Cette instruction fixe des regravegles unifieacutees visant agrave eacutevaluer le profil meacutedical du candidat

231 Eacutevaluation de lrsquoaptitude agrave servir quelques repegraveresLe systegraveme deacutefini par lrsquoinstruction de 2003 relative agrave la deacutetermination de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir se base sur sept profils deacutetailleacutes nommeacutes chacun par une lettre de lrsquoacronyme Sigycop Pour chacun de ses profils des coefficients sont attribueacutes et visent agrave noter lrsquoeacutetat de santeacute la graviteacute de potentielles infections et des seacutequelles (tableau 1)

Le coefficient 0 correspond agrave une eacutevaluation meacutedicale initiale par un meacutedecin geacuteneacutera-liste il nrsquoest que transitoire Les coefficients de 1 agrave 6 eacutetablissent une eacutechelle progres-sive 1 correspondant agrave lrsquoaptitude pour laquo tous les emplois des armeacutees mecircme les plus peacutenibles raquo 6 correspondant agrave lrsquoinaptitude totale

Lrsquoarticle 10 de lrsquoinstruction explique que le profil meacutedical est eacutetabli agrave lrsquoaide du tableau 2 sur lequel les coefficients doivent ecirctre associeacutes par le meacutedecin habiliteacute au sigle corres-pondant Ce profil est ensuite compareacute aux profils drsquoaptitudes minimales deacutefinis pour chaque corps de lrsquoarmeacutee par diffeacuterents textes regraveglementaires afin de deacuteterminer si le candidat est eacuteligibleAinsi pour la marine nationale dans le cadre de la situation pour laquelle AIDES a eacuteteacute saisie lrsquoarticle 4 de lrsquoarrecircteacute du 21 mai 2012 fixant les conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants et pour la sous-cription drsquoun contrat au titre de la marine nationale deacutefinit le profil meacutedical deacutetailleacute dans le tableau 2

232 VIh et aptitude agrave servir une eacutevaluation drsquoun autre tempsOutre ce cadre meacutethodologique sur lrsquoaptitude meacutedicale lrsquoinstruction de 2003 attribue pour un nombre important de pathologies des notes pour tout ou partie des lettres de lrsquoacronyme La cotation concernant le VIH est deacutefinie agrave lrsquoarticle 28 de lrsquoinstruc-tion (tableau 3)

Cet article appelle de nombreux commentaires Drsquoabord le VIH nrsquoest ici consideacutereacute qursquoau regard de lrsquolaquo eacutetat geacuteneacuteral raquo de la personne sans conseacutequence sur le reste du profil meacutedi-cal Cet eacutetat geacuteneacuteral est associeacute agrave des coefficients allant de 3 agrave 5 Lrsquoarticle 8 de lrsquoinstruc-tion preacutecise lrsquoimplication de ces coefficients par rapport agrave la lettre G Coefficient 3 I 3 et G 3 entraicircnent une restriction appreacuteciable de lrsquoentraicircnement notamment lrsquoentraicircnement physique au combat et limite lrsquoeacuteventail des emplois en particulier ceux de combattants au contact direct avec lrsquoennemi Coefficient 4 Attribueacute agrave lrsquoun des sigles S I ou G ce coefficient exempte de tout entraicirc-nement physique au combat Il limite lrsquoaffectation des sujets ainsi classeacutes agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Coefficient 5 Attribueacute agrave lrsquoun des sigles S I G ou O il reacuteduit lrsquoaptitude agrave des emplois seacutedentaires eacuteventuellement adapteacutes

Cet article est eacutegalement surprenant au regard des distinctions qursquoil fait des diffeacuterentes phases de lrsquoinfection agrave VIH et de la gradation appliqueacutee Ainsi vivre avec le VIH en bonne santeacute et sans traitement serait moins laquo grave raquo au regard de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute que vivre avec le VIH en bonne santeacute et avec traitement Cette distinction prend lrsquoexact contre-pied des donneacutees de la science et des recommandations meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles

En effet les traitements actuels permettent de reacuteduire consideacuterablement la charge virale dans le sang au point qursquoelle devient indeacutetectable Dans ces conditions les per-sonnes sont non contaminantes Ils permettent aussi de vivre en bonne santeacute sur du long terme et dans des conditions similaires aux personnes seacuteroneacutegatives Ainsi les PVVIH en France se voient proposer des traitements degraves qursquoelles sont deacutepisteacutees et une tregraves large majoriteacute les accepte Certes il est possible de vivre avec le VIH sans traite-ment et sans laquo symptocircmes raquo mais agrave de rares exceptions pregraves cette situation ne peut pas durer et en tout eacutetat de cause la charge virale reste deacutetectable et les personnes restent contaminantes

laquo Un traitement curatif ou prophylactique au long cours ne saurait constituer agrave lui seul un motif drsquoeacutelimination que dans la mesure ougrave il entraicircnerait un absenteacuteisme iteacuteratif etou prolongeacute raquo et alors que ce nrsquoest pas le cas pour les traitements actuels du VIH lrsquoexclusion de nombreux postes des personnes seacuteropositives sur la base de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir nrsquoest pas proportionneacutee Elle constitue en ce sens une discrimination condamnable au regard des textes internationaux ratifieacutes par la France du Preacuteambule de la constitution de 1946 et du droit interne

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010482 1010485 1010483 1010483 1010481

Tableau 2 ndash Profil meacutedical Sigycop applicable aux officiers navigants de la marine nationale

Le Sigycop correspond au profil meacutedical dun individu eacutetabli par un meacutedecin militaire lui permettant de deacuteterminer son aptitude agrave inteacutegrer larmeacutee franccedilaise

Tableau 3 ndash Article 28 de lrsquoinstruction de 2003 Infection par le VIH

16 17

Tableau 1 ndash Reacutefeacuterentiel Sigycop 2003

sigle coefficient profil meacutedical concerneacute

S 1 agrave 1010486 Ceinture scapulaire et membres supeacuterieurs

I 1 agrave 1010486 Ceinture pelvienne et membres infeacuterieurs

G 1 agrave 1010486 Eacutetat geacuteneacuteral

Y 1 agrave 1010486 Yeux et vision (sens chromatique exclu)

C 1 agrave 1010486 Sens chromatique

O 1 agrave 1010486 Oreilles et audition

P 1010480 agrave 1010485 Psychisme

a) Infection agrave VIH asymptomatique sans traitement avec une immuniteacute cellulaire satisfaisante selon avis speacutecialiseacute 1010483 G

b) Infection agrave VIH asymptomatique sans traitement avec une immuniteacute cellulaire perturbeacutee (infeacuterieur agrave 500 CD4mm3) 1010483 G

c) Infection agrave VIH asymptomatique traiteacutee 4 G

d) Infection agrave VIH symptomatique 1010485 G

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Ainsi le systegraveme de notation retenu par lrsquoarmeacutee surprend en ce qursquoil se fonde sur des repreacutesentations invalideacutees depuis plusieurs anneacutees et contraires aux recommanda-tions meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles Au regard de la distinction opeacutereacutee ici sur la prise ou non de traitements les coefficients donneacutes en conseacutequence nrsquoont pas de sens Plus globalement lrsquoensemble du reacutefeacuterentiel proposeacute est largement inadapteacute et principalement au regard des eacuteleacutements sur lesquels il se base Il serait plus pertinent drsquoappreacutecier lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de la personne au regard de lrsquoeacutevolution de sa charge virale dans le temps et son eacutetat de santeacute

233 Un couperet qui concerne toutes les forces armeacutees et les formations affeacuterentesLes conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants de la marine nationale et pour la souscription drsquoun contrat au titre de la marine nationale exigent donc a minima un eacutetat geacuteneacuteral de santeacute corres-pondant agrave G 2 La seacuteropositiviteacute au VIH impliquant un coefficient minimum de 3 exclut donc de fait lrsquoensemble des candidat-e-s seacuteropositifs-ves Cette exclusion va cependant beaucoup plus loin que ce seul corps drsquoarmeacutee sont eacutega-lement concerneacutees lrsquoarmeacutee de terre et lrsquoarmeacutee de lrsquoair Alors qursquoen France plus de 79 des PVVIH sont sous traitement crsquoest une tregraves large majoriteacute drsquoentre elles qui se voient attribuer le coefficient G 4 et donc lrsquoinaptitude deacuteclareacutee pour tout entraicircnement physique au combat lrsquoaffectation srsquoen trouvant limiteacutee agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Cette note exclue aussi les personnes drsquoun nombre consideacuterable de formations mili-taires dont lrsquoEacutecole polytechnique comme illustreacute par la circulaire ndeg 273424DEFRH-ATFFSSLM relative agrave lrsquoadmission en classes preacuteparatoires agrave lrsquoenseignement supeacuterieur et en classes preacuteparatoires aux grandes eacutecoles des lyceacutees de la Deacutefense rele-vant de lrsquoarmeacutee de terre pour lrsquoanneacutee scolaire 2015-2016 Le Sigycop des eacutecoles militaires correspond au Sigycop minimal pour inteacutegrer les diffeacute-rents corps (tableau 4)

eacutecoles S I G Y C O P textes de reacutefeacuterence

Eacutecole polytechnique 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483 2

Instruction ndeg 13074 DEF DPAG du 27 deacutecembre 1982 modifieacutee (BOC p 5317 BOEM 620-4141 81421)

Eacutecole speacuteciale militaire de Saint-Cyr (scientifique litteacuteraire sciences eacuteconomiques et sociales)

2 2 2 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 23 deacutecembre 2009 (JO ndeg 22 du 27 janvier 2010 texte ndeg 12 BOC 7 2010 BOEM 311-022 77011)Instruction ndeg 812DEFRH-ATPRHLEG du 15 septembre 2014 (BOC ndeg 50 du 10 octobre 2014 texte 18 BOEM 31221 620-4121)

Eacutecole navale 2 2 2 5 1010483 20

ou 1010481

Arrecircteacute du 21 mai 2012 (JO ndeg 136 du 13 juin 2012 texte ndeg 20 signaleacute au BOC 362012 BOEM 3212)

Instruction ndeg 102DEFEMMRHPRH du 5 deacutecembre 2011 modifieacute (BOC ndeg 5 du 27 janvier 2012 texte 10 BOEM 32615 620-4162)

Eacutecole de lrsquoair 2 2 2 5 2 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 27 juillet 2011 modifieacute (JO ndeg 184 du 10 aoucirct 2011 texte ndeg 1 signaleacute au BOC 442011 BOEM 76812)

Eacutecole nationale supeacuterieure de techniques avanceacutees 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483

0 ou 1010481

Arrecircteacute du 18 janvier 2011 modifieacute (JO ndeg122 du 26 mai 2011 texte ndeg 4 signaleacute au BOC 292011 BOEM 8106)

Eacutecole nationale supeacuterieure des ingeacutenieurs de lrsquoinfrastructure militaire

1010483 1010483 1010483 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 26 avril 2012 (JO ndeg 108 du 8 mai 2012 texte ndeg 30 signaleacute au BOC 332012 BOEM 50833)

Tableau 4 ndash Sigycop minimal requis pour les eacutecoles militaires 4

Le Code de lrsquoaviation civile est le seul code dont lrsquoassocia-tion ait connaissance qui exclut directement les PVVIH laquo La positiviteacute au VIH est cause drsquoinaptitude raquo Celle-ci vaut pour les pilotes ou les controcircleurs aeacuteriens Cepen-dant cette inaptitude ne se veut pas systeacutematique ce code preacutevoit une possible reconnaissance de lrsquoaptitude au cas par cas sous certaines conditions Lrsquoarrecircteacute du 16 mai 2008 relatif aux critegraveres et condi-tions de deacutelivrance des attestations drsquoaptitude meacutedicale neacutecessaires pour assurer les services du controcircle de la circulation aeacuterienne preacutecise ainsi qursquolaquo un candidat preacute-sentant une infection VIH comportant des symptocircmes drsquoaffection eacutevolutive telle que le sida une lymphadeacuteno-pathie chronique lieacutee au VIH ou une atteinte du systegraveme nerveux central doit ecirctre deacuteclareacute inapte Toutefois la deacuteclaration drsquoaptitude peut ecirctre envisageacutee au renouvel-lement et agrave la revalidation pour les individus preacutesentant une reacuteaction positive asymptomatique pour le VIH raquo De mecircme pour les pilotes lrsquoaptitude peut ecirctre accordeacutee sous certaines conditions et sous reacuteserve de controcircles freacutequents laquo la survenue drsquoun sida ou du complexe appa-renteacute au sida [devient alors] cause drsquoinaptitude raquo

Enfin concernant le personnel navigant lrsquoarrecircteacute de 2007 relatif aux conditions drsquoaptitude physique preacutecise que le laquo personnel navigant commercial doit ecirctre exempt de toute affection chronique eacutevolutive raquo avant de compleacute-ter laquo Une aptitude par deacuterogation peut ecirctre demandeacutee au conseil meacutedical de lrsquoaeacuteronautique civile qui juge en fonction des reacutesultats des examens cliniques et biolo-giques de lrsquointeacuteresseacute montrant un eacutetat de lrsquoaffection compatible avec le service aeacuterien et le cas eacutecheacuteant une bonne toleacuterance au traitement raquoLes textes de lrsquoaviation civile se distinguent en ce sens que srsquoil exclut a priori le critegravere drsquoaptitude ne reacuteside pas dans la seacuteropositiviteacute en tant que telle mais sur lrsquoeacutetat de santeacute geacuteneacuteral Ils reacutesultent il faut le souligner de mobi-lisations et contentieux 3 agrave lrsquoencontre des dispositions preacuteceacutedemment en vigueur en particulier lrsquoarrecircteacute minis-teacuteriel du 5 juillet 1984 qui preacutevoyait que laquo les affections eacutevolutives susceptibles de conduire agrave une inaptitude ulteacuterieure sont eacuteliminatoires raquo

3 Notamment la Deacutelibeacuteration de la Halde du 6 feacutevrier 2006 et lrsquoarrecirct du Conseil drsquoEacutetat du 28 juin 2006 4 httpwwwformationterredefensegouvfrPJDocumentsDecouverteODFLyceesDocuments20141203_DEF_RH-AT_F_FS_SLM_Circulaire_273424_admission_CPES_CPGEpdf

Lrsquoaviation civile lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute plutocirct que la seacuteropositiviteacute

18 19PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Les discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et international Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacute

Cette mecircme exclusion des PVVIH existe aussi dans la gendarmerie nationale Sachant que dans la gendarmerie nationale lrsquoinaptitude est prononceacutee pour les candidats seacutero-positifs en qualiteacute de musicien choriste ou agent technique et administratif le carac-tegravere discriminatoire et disproportionneacute des classifications pour inaptitude est illustreacute sans que drsquoautres commentaires soient utiles (tableau 5)Dans le cadre de la reacutedaction de ce rapport AIDES nrsquoa pas pu encore recenser de maniegravere exhaustive les corps desquels les PVVIH seraient exclues agrave raison de leur eacutetat de santeacute La question que AIDES pose en revanche est celle des postes et corps ouverts aux personnes seacuteropositives la liste est certainement plus limiteacuteehellip Lrsquoassociation sou-haite pour lrsquoheure mettre en lumiegravere une exclusion une discrimination structurelle touchant agrave toutes les forces armeacutees et lieacutee agrave un reacutefeacuterentiel inadapteacute anachronique eacutechappant aux donneacutees scientifiques et meacutedicales contemporaines

Remarque en 2015 les forces armeacutees comptent 207 689 postes (120 031 pour lrsquoarmeacutee de terre 38 874 pour la marine nationale 48 784 pour lrsquoarmeacutee de lrsquoair) 5 Lrsquoeffectif de la gendarmerie nationale srsquoeacutelegraveve agrave 98 115 personnes 6 la police nationale agrave 144 858 7 et les sapeurs-pompiers agrave 244 900 8 Une part importante de ces postes est fermeacutee aux PVVIH

234 Police nationale sapeurs-pompiers une exclusion qui deacutepasse largement le champ de lrsquoarmeacutee

Srsquoil a une vocation militaire le profil meacutedical Sigycop srsquoapplique et creacutee des exclusions systeacutematiques de PVVIH dans de nombreux autres emplois publics Ainsi lrsquoexclusion constateacutee pour lrsquoarmeacutee sur la base des coefficients G 3 et G 4 se retrouve dans drsquoautres secteurs notamment la police nationale En effet depuis une tregraves reacutecente modification de lrsquoarrecircteacute du 2 aoucirct 2010 relatif aux conditions drsquoaptitudes physiques particuliegraveres pour lrsquoaccegraves aux emplois de certains corps de fonctionnaires par un arrecircteacute du 10 juin 2015 le profil G 2 exclut lrsquoensemble des PVVIH de la police nationale (tableau 6)

De mecircme lrsquoarrecircteacute du 6 mai 2000 fixant les conditions drsquoaptitude meacutedicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions drsquoexercice de la meacutede-cine professionnelle et preacuteventive au sein des services deacutepartementaux drsquoincendie et de secours deacutefinit diffeacuterents profils Les PVVIH sous traitement ne sont eacuteligibles qursquoau profil E qui correspond agrave une activiteacute non opeacuterationnelle voire un reclassement dans un autre corps cadre drsquoemplois ou emploi Ces discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et interna-tional Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacutePour chaque cas ayant eacuteteacute rapporteacute agrave AIDES lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour mieux documenter les situations des personnes ainsi que les implications collectives Lrsquoas-sociation a systeacutematiquement alerteacute les autoriteacutes concerneacutees afin de travailler avec elles agrave une eacutevolution des textes AIDES a aussi saisi le Deacutefenseur des droits agrave lrsquoautomne 2015 dans le cadre de sa mission constitutionnelle de laquo veille au respect des droits et liberteacutes raquoAIDES ne preacutetend pas avoir identifieacute toutes les exclusions seacuterophobes existantes Si des personnes ont connaissance de situations similaires elles sont inviteacutees agrave contacter les associations qui les aideront agrave saisir le Deacutefenseur des droits

corps statut drsquoappartenance

ou formation concerneacuteeprofil meacutedical requis

Officier de gendarmerie (OG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale candidat au cycle de formation donnant accegraves au grade drsquoaspirant (AGIV)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Officier du corps technique et administratif de la gendarmerie nationale (OCTAGN)

S I G Y C O P

1010483 1010483 1010483 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie (SOG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave exercer les attributions drsquoagent de police judiciaire adjoint (GAV APJA)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Sous-officier du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (CSTAGN) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave occuper un emploi particulier (GAV EP)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie recruteacute pour servir en qualiteacute de musicien de lrsquoorchestre ou de choriste de la garde reacutepublicaine

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010483 1010485 1010484 10104820

ou 1010481

Tableau 5 ndash Sigycop minimal pour la gendarmerie nationale

5 Chiffres cleacutes de la Deacutefense eacutedition 2015 6 httpwwwgendarmerieinterieurgouvfrNotre-InstitutionNos-moyensEffectifs 7 httpwwwladocumentationfrancaisefrvarstoragerapports-publics134000185pdf 8 httpwwwpompiersfraccueilles-sapeurs--pompiersles-statistiques

20 21

Tableau 6 ndash Sigycop minimal requis pour les fonctionnaires actifs de la police nationale

S I G Y C O P

1010482 1010482 1010482 1010483 1010482 1010482 1010482

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2LE droIT Agrave LA SANTEacute   ET LE PrINcIPE   

drsquoEacutegALITEacute dE TrAITEmENT

Le droit agrave la protection de la santeacuteLa loi relative aux droits des personnes malades et agrave la qualiteacute du systegraveme de santeacute du 4 mars 2002 dite laquo loi Kouchner raquo reacuteaffirme degraves lrsquoexposeacute des motifs le droit agrave la pro-tection de la santeacute comme un droit agrave valeur constitutionnelle reconnu par lrsquoalineacutea 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 laquo La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les conditions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacute-rielle le repos et les loisirs raquo Ce droit a eacuteteacute consacreacute par plusieurs deacutecisions du Conseil constitutionnel (notamment CC 23 juillet 1999 ndeg 99-416) Le droit agrave la protection de la santeacute est eacutegalement garanti par des textes internationaux ratifieacutes par la France Il lrsquoest indirectement par lrsquoarticle 3 de la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales interdisant la tor-ture et les traitements inhumains ou deacutegradants et par lrsquoarticle 8 de ladite Convention proteacutegeant le droit agrave la vie priveacutee et familiale Ce droit est aussi proteacutegeacute directement par la Charte de lrsquoOrganisation mondiale de la Santeacute du 27 juillet 1946 laquo La possession du meilleur eacutetat de santeacute qursquoil est capable drsquoatteindre constitue lrsquoun des droits fondamen-taux de tout ecirctre humain quelles que soient sa race sa religion ses opinions politiques sa conduite eacuteconomique raquoSur ces bases lrsquoarticle 1 de la loi de 2002 introduit un droit agrave la protection de la santeacute en faveur de toute personne sans discrimination laquo La mise en œuvre de ce droit passe par le deacuteveloppement de la preacutevention lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins les plus approprieacutes agrave son eacutetat de santeacute la continuiteacute des soins la seacutecuriteacute sanitaire raquo

Extraits du Code de santeacute publique

article l1110-1 Le droit fondamental agrave la protection de la santeacute doit ecirctre mis en œuvre par tous moyens disponibles au beacuteneacutefice de toute personne Les professionnels les eacutetablissements et reacuteseaux de santeacute les organismes drsquoassurance maladie ou tous autres organismes par-ticipant agrave la preacutevention et aux soins et les autoriteacutes sanitaires contribuent avec les usagers agrave deacutevelopper la preacutevention garantir lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins neacutecessiteacutes par son eacutetat de santeacute et assurer la continuiteacute des soins et la meilleure seacutecu-riteacute sanitaire possible

article l1110-3 Aucune personne ne peut faire lrsquoobjet de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention ou aux soins

article l1110-5 Toute personne a compte tenu de son eacutetat de santeacute et de lrsquourgence des interventions que celui-ci requiert le droit de recevoir les soins les plus approprieacutes et de beacuteneacuteficier des theacuterapeutiques dont lrsquoefficaciteacute est reconnue et qui garantissent la meilleure seacutecuriteacute sanitaire au regard des connaissances meacutedicales aveacutereacutees Les actes de preacutevention drsquoin-vestigation ou de soins ne doivent pas en lrsquoeacutetat des connaissances meacutedicales lui faire courir de risques disproportionneacutes par rapport au beacuteneacutefice escompteacute

article l1411-1-1 Lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins des populations fragiliseacutees constitue un objectif prioritaire de la politique de santeacuteLes programmes de santeacute publique mis en œuvre par lrsquoEacutetat ainsi que par les collectiviteacutes territoriales et les organismes drsquoassurance maladie prennent en compte les difficulteacutes speacutecifiques des populations fragiliseacutees

25

DROIT APPLICABLE

rEFUS dE SoINS

Le droit agrave la santeacute et le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement bien que proteacutegeacutes par des textes agrave valeurs constitutionnelle et internationale peinent parfois agrave trouver une traduction effective Dans le champ du VIH sida et des heacutepatites virales les exemples sont leacutegions Sans preacutetendre agrave lrsquoexhaustiviteacute AIDES retient pour 2015 trois expressions drsquoatteintes agrave ces droits fondamentaux Drsquoabord des personnes seacuteropositives au VIH sont confronteacutees agrave des refus de soins en raison de leur statut seacuterologique Ensuite des personnes infecteacutees par le virus de lrsquoheacutepatite C sont eacutecarteacutees de lrsquoaccegraves aux nouveaux traitements innovants Enfin les personnes mineures ne peuvent acceacuteder agrave tous les moyens de preacutevention et de deacutepistage disponibles actuellement Ces sujets constituent les trois axes de ce chapitre

Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de comparer les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique

Bien que lrsquoaccegraves aux soins sans discrimination soit garanti par des dispositions leacutegales sans ambiguiumlteacute dans les faits des entraves existent Lrsquoexistence mecircme des refus de soins ne fait pas consensus la plupart des professionnel-le-s de santeacute tendant agrave nier ou au moins agrave minimiser le pheacutenomegravene que les personnes concerneacutees rapportent pourtant de maniegravere reacutecurrente Le deacuteficit drsquoeacutetudes officielles ne permet pas drsquoen objectiver la nature et lrsquoampleur En France seules quelques enquecirctes meneacutees par des associations et des institutions documentent ces pheacutenomegravenes mais essentiel-lement cibleacutees sur des motivations drsquoordre social Il srsquoagit drsquoeacutetudes concernant des beacuteneacuteficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) de la CMU compleacutementaire (CMU-C) de lrsquoaide meacutedicale drsquoEacutetat (AME) et de lrsquoaide agrave lrsquoacquisition drsquoune compleacute-mentaire santeacute (ACS) 11 Les discriminations dans le champ meacutedical agrave lrsquoencontre des PVVIH sont notamment documenteacutees par Sida Info Service qui a meneacute cinq enquecirctes agrave ce sujet et agrave travers les enquecirctes ANRS-VespaPourtant des cas reacutecurrents de refus de soins ou de discriminations sont rappor-teacutes par des PVVIH Ils concernent principalement lrsquoaccegraves agrave des soins dentaires ou gyneacutecologiques dans un contexte ougrave les mesures de preacutecaution standard drsquohygiegravene ont eacuteteacute maintes fois rappeleacutees par diverses instances publiques scientifiques et professionnellesAfin drsquoobjectiver ces refus trop souvent minimiseacutes AIDES a meneacute un testing en avril 2015 agrave lrsquooccasion de deacutebats autour du projet de loi de modernisation de notre sys-tegraveme de santeacute susceptible de renforcer les moyens de lutte contre les refus de soins Cette enquecircte vise agrave saisir lrsquoampleur et documenter les refus de soins laquo sur le vif raquo agrave lrsquoencontre des PVVIH

11 MEacuteThODOLOGIE

111 qursquoest-ce qursquoun testing Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de com-parer toutes choses eacutegales par ailleurs les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique Si lrsquoune des personnes est traiteacutee diffeacuteremment de lrsquoautre alors cette diffeacuterence est imputeacutee agrave lrsquounique caracteacuteristique qui les distingue

112 Le protocole drsquoenquecircteAfin de parvenir agrave eacutetablir lrsquoexistence de traitements discriminatoires dans lrsquoaccegraves aux soins dentaires ou gyneacutecologiques des PVVIH AIDES a recouru agrave une opeacuteration de tes-ting srsquoappuyant sur lrsquoobservation de prises de rendez-vous teacuteleacutephoniques

Les testeur-se-sLes appels teacuteleacutephoniques sont reacutealiseacutes par 44 testeur-se-s tous militant-e-s de AIDES Chaque testeur-se doit jouer un personnage en srsquoappuyant sur une identiteacute fictive qui se reacutepartit selon quatre profils

Hommefemme Seacuteropositif-ve au VIH ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH

Les diffeacuterentes lois sur la santeacute rarement remises en causes se sont depuis inscrites dans la continuiteacute Elles positionnent le droit agrave la santeacute pour tous et toutes comme une finaliteacute des politiques de santeacute jusqursquoau dernier projet de loi preacutesenteacute par Marisol Touraine ministre des Affaires sociales de la Santeacute et des Droits des femmes qui rap-pelle dans la version initiale de lrsquoarticle 1er laquo Elle [la politique de santeacute] tend agrave assurer la promotion de conditions de vie favorables agrave la santeacute lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute de la population la reacuteduction des ineacutegaliteacutes sociales et territoriales de santeacute et agrave garantir la meilleure seacutecuriteacute sanitaire possible et lrsquoaccegraves effectif de la population agrave la preacutevention et aux soins raquo 9

Les dispositions speacutecifiques aux refus de soinsLe droit agrave la santeacute est un eacuteleacutement fondamental des droits de lrsquohomme Si les textes qui rappellent ce principe sont nombreux il reste que ce droit nrsquoest pas acquis pour tous et toutes en particulier pour les personnes en situation de vulneacuterabiliteacute Au-delagrave des dif-ficulteacutes drsquoaccegraves aux soins les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) peuvent ecirctre expo-seacutees agrave des pratiques illeacutegales de refus de soins qui portent atteinte au droit agrave la santeacute Mecircme si les refus de soins ne sont pas geacuteneacuteraliseacutes les reacutesultats de nombreux testing montrent leur reacutecurrence Le droit actuel permet-il de lutter efficacement contre ces pratiques illeacutegales les reacuteponses juridiques sont-elles suffisantes Lrsquoencadrement juri-dique des refus de soins est eacuteclateacute entre Code peacutenal Code de la santeacute publique Code de la consommation et Code de deacuteontologie meacutedicale ce qui ne rend pas visible cet enjeuLe rapport du Deacutefenseur des droits remis au Premier Ministre en mars 2014 sur laquo Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME raquo a permis de montrer lrsquoinefficaciteacute de lrsquoencadrement juridique actuel La loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (HPST) a mis en place une proceacutedure particuliegravere de signalement des refus de soins complexe et peu effective instances compeacutetentes et modaliteacutes de saisines multiples difficulteacutes des usager-e-s agrave faire valoir leurs droits rareteacute des signalements et manque de mobilisation des ins-tances en charge du traitement des signalements Crsquoest pourquoi il est neacutecessaire de renforcer les droits des patient-e-s pour une meilleure connaissance des lois et voies de recours existants de mettre en œuvre un accompagnement des victimes dans le cadre des proceacutedures de conciliation ou les recours en justice et de mieux qualifier les refus de soins illeacutegaux pour en faciliter lrsquoidentification

Exemple de deacutecision du Deacutefenseur des droits Le Deacutefenseur a eacuteteacute saisi drsquoune reacuteclamation relative au refus de proceacuteder agrave lrsquoextraction de dents de sagesse en raison de la seacuteropositiviteacute de la patiente Celle-ci pensant que le chirurgien accegravederait agrave son dossier informatique de suivi au sein du mecircme hocircpital nrsquoa pas indiqueacute sa maladie lors de la consultation preacuteopeacuteratoire Apregraves avoir appris la seacuteropositiviteacute de la reacuteclamante le mis en cause a annuleacute lrsquoopeacuteration preacutevue en propo-sant une date trois mois plus tard inacceptable pour cette derniegravere Afin de justifier le refus des soins le mis en cause a invoqueacute lrsquoapplication drsquoun protocole speacutecifique pour la prise en charge drsquoun patient seacuteropositif Lrsquohocircpital dans lequel exerccedilait le mis en cause a deacutementi lrsquoexistence drsquoun tel protocole Dans le cadre de cette deacutecision le Deacutefenseur des droits a donc recommandeacute la mise en œuvre de sanctions disciplinaires agrave lrsquoeacutegard du meacutedecin et a informeacute de sa deacutecision le ministegravere de la Santeacute le conseil national de lrsquoordre des chirurgiens-dentistes ainsi que le conseil deacutepartemental de lrsquoordre des meacutedecinsDeacutecision MLD-2011-94 du 13 janvier 2012 10

1 UN TESTINg PoUr objEcTIVEr  

LES rEFUS dE SoINS mdash

9 Au moment de la reacutedaction de ce rapport la reacutedaction deacutefinitive de lrsquoarticle 1er nrsquoest pas connue 10 httpwwwdefenseurdesdroitsfrfractionsprotection-des-droits-libertesdecisiondecision-mld-2011-94-du-13-janvier-2012-

relative-un

11 MEacuteDECINS DU MONDE Testing sur les refus de soins des meacutedecins geacuteneacuteralistes pour les beacuteneacuteficiaires de la Couverture Maladie Universelle ou de lrsquoAide Meacutedicale Eacutetat dans 10 villes de France 2006 DEacuteFENSEUR DES DROITS Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME 2014 FONDS CMU-DIES Analyse des attitudes de meacutedecins et de dentistes agrave lrsquoeacutegard des patients beacuteneacuteficiant de la CMUC dans 6 villes du Val-de-Marne 2006 FONDS CMU-IRDES Les refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMUC agrave Paris 2009 FONDS CMU-IRDES Analyse territoriale des obstacles agrave lrsquoaccegraves aux soins des beacuteneacuteficiaires de la CMUC dans les deacutepartements de lrsquoOrne et de la Niegravevre 2012 CISS Droits des malades Refus de soins aux beacuteneacuteficiaires de la CMUC de lrsquoAME et de lrsquoACS 2015

26 27PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Rouen

Evreux

Pontoise

Chacircteauroux

ParisStrasbourg

Auxerre

Dijon

Lyon

Marseille

Gap

Clermont-ferrandPuy-en-Velay

Toulouse

Niort

Angoulegraveme

Cahors

Bourg-en-Bresse

Tours

Colmar

Lrsquoeacutechantillon repreacutesentatif de lrsquoeacutetude comprend 100766810076680 cabinets dentaires et 100766510076691007668 cabinets de gyneacutecologie

Le sceacutenarioUn mecircme cabinet dentaire ou de gyneacutecologie est appeleacute deux fois pour une prise de rendez-vous par deux testeur-se-s diffeacuterent-e-s qui ont des caracteacuteristiques sociodeacute-mographiques similaires Les prises de rendez-vous gyneacutecologiques sont effectueacutees uniquement par des femmes Dans le premier cas le-la testeur-se annonce sa seacutero-positiviteacute au VIH dans le second cas lrsquoautre testeur-se ne dit rien Seule la mention du statut seacuterologique diffeacuterencie ces deux personnes Un script eacutetabli en concertation avec des militant-e-s des PVVIH et des professionnel-le-s de santeacute (meacutedecins speacutecia-listes en chirurgie dentaire en gyneacutecologie et de santeacute publique) reacuteuni-e-s au sein drsquoun groupe de pilotage a permis drsquoeacutetablir

Une feuille de route pour chaque testeur-se proposant des reacuteponses concregravetes aux eacuteventuelles questions que pourrait susciter la demande de rendez-vous (iden-titeacute motifs de la demande orientations adresse teacuteleacutephone numeacutero de seacutecuriteacute sociale etc)

La conduite agrave tenir en cas de mise en attente ou drsquoheacutesitations agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute

Le choix du motif de la consultation deacutetartrage ou frottis Il est important de choisir un acte meacutedical susceptible de provoquer des saignements mais simple ne justifiant pas une orientation vers un-e meacutedecin speacutecialiste ou vers un service drsquourgences et ou un plateau technique particulier

Les eacutechanges teacuteleacutephoniques sont enregistreacutes leur contenu est retranscrit dans une base de donneacutees pour recueillir de faccedilon standardiseacutee les reacuteponses apporteacutees par les praticien-ne-s Des seacuteances de deacutebriefing ainsi qursquoun guide meacutethodologique sont mis agrave disposition des testeur-se-s

Remarque lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute au VIH drsquoembleacutee lors de la prise de ren-dez-vous est justifieacutee par les teacutemoignages de certaines PVVIH qui trop souvent expo-seacutees agrave la stigmatisation et la discrimination de la part de professionnel-le-s de santeacute preacutefegraverent eacuteviter un refus frontal de la ou du meacutedecin dans son cabinet Elle est eacutegale-ment approuveacutee par les professionnel-le-s de santeacute du groupe de pilotage au regard de leur expeacuterience

Constitution de lrsquoeacutechantillon geacuteographiqueLa meacutethodologie de lrsquoenquecircte srsquoappuie sur une technique drsquoeacutechantillonnage aleacuteatoire de maniegravere agrave garantir une seacutelection repreacutesentative des chirurgiens-dentistes et des gyneacutecologues en France Afin de deacutefinir les villes dans lesquelles est reacutealiseacutee lrsquoeacutetude plusieurs eacutetapes sont retenues

Un classement des reacutegions en fonction de leur incidence au VIH (faible moyenne eacuteleveacutee)

Une seacutelection de trois reacutegions par niveau drsquoincidence Une identification pour chaque reacutegion seacutelectionneacutee drsquoun deacutepartement agrave haute densiteacute meacutedicale et drsquoun deacutepartement agrave faible densiteacute meacutedicale pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Un choix des chefs-lieux de chacun de ces deacutepartements comme ville pour effectuer lrsquoenquecircte

Pour les trois plus grandes villes de France (Paris Lyon Marseille) un deacutecoupage par arrondissement selon le niveau de richesse (eacuteleveacute moyen faible) est reacutealiseacute Au total 20 villes sont seacutelectionneacutees La base de sondage est reacutealiseacutee agrave partir de plusieurs sources de donneacutees lrsquoInstitut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques (Insee) pour le nombre drsquohabi-tants lrsquoInstitut de veille sanitaire (InVS) pour lrsquoincidence du VIH lrsquoObservatoire natio-nal de la deacutemographie des professions de santeacute et lrsquoAtlas de la deacutemographie meacutedicale en France pour la densiteacute meacutedicale deacutepartementale respectivement pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Constitution de lrsquoeacutechantillon meacutedicalLe testing vise les seul-e-s speacutecialistes secteurs 1 et 2 chirurgiens-dentistes et gyneacuteco-logues Ainsi deux bases de sondage sont reacutealiseacutees

Lrsquoune agrave partir de lrsquoensemble des chirurgiens-dentistes conventionneacute-e-s pour les soins dentaires classiques preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Lrsquoautre agrave partir de lrsquoensemble des gyneacutecologues conventionneacute-e-s avec les speacuteciali-teacutes meacutedicale etou obsteacutetrique preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Pour lrsquoensemble des secteurs geacuteographiques 2 297 chirurgiens-dentistes et 290 gyneacute-cologues sont recenseacute-e-s Afin de creacuteer un eacutechantillon repreacutesentatif de ces professions 30 des chirurgiens-dentistes et 60 des gyneacutecologues sont tireacute-e-s au sort agrave lrsquoaide drsquoun programme de tri aleacuteatoire

Moins de 45 000 habitants

45 000 agrave 200 000 habitants

Plus de 200 000 habitants

les 20 villes selectionneacutees

pour le testing aupregraves des cabinets

dentaires et gyneacutecologiques

29PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 1

laquo Pour vous ce sera 21h raquo laquo Je ne prends pas de nouveaux patients raquo

laquo Eh bien on mettra deux paires de gants raquo

laquo Vous me remplirez un questionnaire meacutedical avant le rdv raquo

laquo Je le note dans le carnet de rdv raquo

laquo Les gens comme voushellip raquo

laquo Je nrsquoai pas le mateacuteriel adapteacute raquo

laquo Ok mais vous viendrez avec toutes vos analyses raquo

laquo Je ne pratique pas le deacutetartrage raquo

laquo Le deacutetartrage crsquoest 150 euros raquo

laquo Vous serez mieux soigneacute agrave lrsquohocircpital raquo

laquo Je nrsquoai pas eacuteteacute formeacute au vih raquo

laquo Heuhellip veuillez patienter raquo

Bonjour je souhaite un rendez-vous

pour un deacutetartrage et je suis seacuteropo

la face cacheacutee des refus

de soins chez les dentistes

envers les personnes vih+

Florilegravege des verbatims des cabinets dentaires agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute par ordre de citation

Le motif le plus souvent invoqueacute par les cabinets dentaires est celui des ameacutenagements ou des horaires speacutecifiques requis pour les personnes seacuteropositives Vient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute

Peacuteriode drsquoenquecircteLe testing est reacutealiseacute sur une peacuteriode courte du 7 au 10 avril 2015 pour garantir la confi-dentialiteacute de lrsquoopeacuteration et assurer un environnement comparable entre les diffeacuterents appels (actualiteacute meacutediatique et politique etc) Une fois la semaine de testing passeacutee les rendez-vous pris sont annuleacutes afin de ne pas peacutenaliser les laquo vrais raquo malades et les meacutedecins dans la gestion des rendez-vous meacutedicaux

Eacutechantillon finalParmi les 570 cabinets dentaires et les 154 cabinets de gyneacutecologie contacteacutes par teacuteleacute-phone durant la peacuteriode drsquoenquecircte pour une prise de rendez-vous un certain nombre sont exclus en raison de non-reacuteponses aux appels de non-conformiteacute de la speacutecialiteacute de fermeture ou de congeacutes Lrsquoeffectif final des praticien-ne-s retenu-e-s srsquoeacutelegraveve agrave 440 pour les chirurgiens-dentistes et 116 pour les gyneacutecologues Lors des appels il est pos-sible de relever la fonction des reacutepondant-e-s dans la majoriteacute des cas (praticien-ne-s ou secreacutetaires meacutedicaux-ales) Ainsi les interlocuteur-trice-s dans les cabinets dentaires sont des secreacutetaires meacutedicaux-les dans 764 des cas (n=336) et des chirurgiens-den-tistes dans 193 des cas (n=85) Pour les cabinets de gyneacutecologie la reacutepartition eacutetait de 802 de secreacutetaires meacutedicaux-les (n=93) et 78 de gyneacutecologues (n=9)

113 Limites de lrsquoeacutetudeCette opeacuteration de testing comporte des limites qui sont autant de pistes pour ameacutelio-rer encore ce type drsquoenquecirctes et leur donner un cadre leacutegalLa premiegravere limite tient agrave la classification a posteriori des motifs des refus de soins En effet la liste exhaustive des motifs de refus ainsi que la combinaison de plusieurs motifs eacutetaient difficiles agrave anticiper La deuxiegraveme limite concerne la perception des testeur-se-s quant aux reacuteponses four-nies par les dentistesgyneacutecologues Ainsi la notion de subjectiviteacute permise par la non-cateacutegorisation a priori des reacuteponses a probablement induit une sous-deacuteclaration de certains refus Les retours drsquoexpeacuteriences des PVVIH qui pointent des refus frontaux dans les cabinets des praticien-ne-s apregraves un rendez-vous fixeacute preacutealablement au teacuteleacute-phone laissent augurer eacutegalement drsquoune sous-eacutevaluation de ces pratiquesLa troisiegraveme limite est celle du champ de lrsquoenquecircte Seule la seacuteropositiviteacute au VIH a eacuteteacute testeacutee il est pourtant neacutecessaire drsquoeacutetendre aux personnes vivant avec une heacutepatite virale chronique ou co-infecteacutees par le VIH et les heacutepatites virales De plus les repreacutesen-tations sociales eacuteconomiques et morales associeacutees agrave la pathologie VIH (CMU ou AME preacutecariteacute pratiques sexuelles usages de drogues etc) peuvent geacuteneacuterer des cumuls de motifs de refusEt enfin la taille de lrsquoeacutechantillon des professionnel-le-s ne permet pas de reacutealiser des analyses statistiques pousseacutees notamment par ville et de conclure agrave drsquoeacuteventuelles dynamiques locales de discrimination

12 DES REacuteSULTATS ACCABLANTS

Parmi les reacuteponses des chirurgiens-dentistes et de leur secreacutetariat meacutedical agrave lrsquoan-nonce de la seacuteropositiviteacute le motif le plus souvent invoqueacute est celui des ameacutena-gements ou des horaires speacutecifiques qui seraient requis soit eacutenonceacutes comme tels soit mis en eacutevidence par comparaison des reacuteponses faites aux personnes supposeacutees seacuteroneacutegatives Il est important de rappeler que le Haut conseil de la santeacute publique a publieacute en 2007 un avis laquo ne recommandant pas lrsquoinstauration drsquoun ordre de pas-sage pour tout patient porteur des virus VHC VHB ou VIH lors drsquoactes invasifs meacutedico-chirurgicaux En revanche il considegravere comme une prioriteacute lrsquoapplication des preacutecautions standard et le respect des mesures de preacutevention (hellip) raquo LrsquoOrdre natio-nal des chirurgiens-dentistes a drsquoailleurs redit lors de la parution de ce testing que laquo les patients doivent tous beacuteneacuteficier drsquoune mecircme chaicircne de deacutecontamination et de steacuterilisation raquoVient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute surcharge de travail pas de nou-veaux-elles patient-e-s deacutelais de rendez-vous trop importants etc non eacutevoqueacutee pour les testeur-se-s nrsquoannonccedilant pas de seacuteropositiviteacute au VIHPour les gyneacutecologues ou leur secreacutetariat meacutedical les testeuses seacuteropositives sont accepteacutees sous reacuteserve de la preacutesentation de leur dossier meacutedical et du rappel de la pathologie au moment de la consultation Lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute est aussi avanceacute agrave plusieurs reprises Tous ces motifs sont ensuite cateacutegoriseacutes

Figure 2

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS30

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins

121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou de discriminationsUne cateacutegorisation est opeacutereacutee en fonction des dispositions juridiques existantes Les dispositions leacutegales eacutetant tregraves geacuteneacuterales et impreacutecises crsquoest la reacutefeacuterence agrave la circu-laire CNAMTS CIR-332008 relative aux refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMU-C qui a eacuteteacute retenue Ce texte donne une deacutefinition concregravete des refus de soins incluant laquo la fixation tardive inhabituelle et abusive drsquoun rendez-vous lrsquoorien-tation reacutepeacuteteacutee et abusive vers un autre confregravere lrsquoattitude et le comportement dis-criminatoire du professionnel de santeacute etc raquo Certains praticien-ne-s ont pu eacutevoquer plusieurs motifsAinsi des refus de soins directs ou deacuteguiseacutes et des traitements diffeacuterentiels non fon-deacutes sont constateacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH lors drsquoune demande de rendez-vous pour un deacutetartrage ou un frottisParmi les refus de soins on distingue deux cateacutegories Les refus directs Il srsquoagit de refus directement imputables au VIH annonceacutes comme tels ou sous couvert drsquoune autre raison non formuleacutee aupregraves de la personne supposeacutee seacuteroneacutegative Les refus deacuteguiseacutes Il srsquoagit de refus dont les preacutetextes avanceacutes sont douteux et contraires au Code de deacuteontologie meacutedicale Ils peuvent ecirctre cateacutegoriseacutes en deux types de refus

Les strateacutegies de deacutecouragement horaires contraignants deacutepassements drsquohono-raires assurance de la solvabiliteacute financiegravere etc

Les reacuteorientations vers des confregraveres ou des services hospitaliers sous preacutetexte drsquoun manque de connaissance de la pathologie et de sa prise en charge de mateacute-riel non adapteacute ou la dangerositeacute des soins qui suggegraverent une meilleure prise en charge laquo ailleurs raquo

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins (voir page 25) Ces dispariteacutes de traitement sont soit annonceacutees de maniegravere explicite lors de la prise de rendez-vous soit mises en eacutevidence par la confrontation des reacuteponses faites au-agrave la testeur-se seacuteropositif-ve au VIH et agrave son binocircme ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH On distingue trois cateacutegories

La meacuteconnaissance de la pathologie qui aboutit agrave de mauvaises pratiques dans la relation avec le ou la patiente

La divulgation du statut seacuterologique en dehors drsquoun dossier meacutedical ce qui est une atteinte au secret meacutedical

Lrsquoexistence de protocoles speacutecifiques drsquohygiegravene pour les PVVIH (steacuterilisation dureacutee des soins etc) agrave lrsquoencontre des mesures de preacutecautions standard recommandeacutees qui teacutemoignent drsquoun manque de connaissance ou drsquoapplication des regravegles fonda-mentales drsquohygiegravene et de steacuterilisation mais aussi une meacuteconnaissance des modes de contamination Ces mesures doivent ecirctre garanties systeacutematiquement et sans compromis quel que soit le statut seacuterologique des personnes et ce drsquoautant qursquoon estime entre 30 000 et 50 000 le nombre de personnes contamineacutees par le VIH en France qui lrsquoignorent (pour 150 000 PVVIH soit 20 agrave 30 )

32 33

30 refus de soins

deacuteguiseacutes

36 refus de soins

directs

168 pratiques

discriminatoires

cabinet dentaire

ViH SrsquoabStenir

17 refus de soins

directs

43 refus de soins

deacuteguiseacutes

172 pratiques

discriminatoires

cabinet de gyneacutecologie

ViH SrsquoabStenir

122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des speacutecialiteacutes

Figure 3 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 4 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

336 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

168 de pratiques discriminatoires

6 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

172 de pratiques discriminatoires

Cabinets de gyneacutecologie

Cabinets dentaires

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Dans le cadre du projet de loi Santeacute AIDES a construit plusieurs amendements afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutealiteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits

Les reacutesultats de ce testing prouvent qursquoil existe une veacuteritable meacuteconnaissance du VIH et de ses modes de transmission aboutissant agrave des attitudes neacutegatives et discrimi-natoires Ces comportements trahissent les repreacutesentations des professionnel-le-s vis-agrave-vis de cette maladieinfection et sur le respect des fondements deacuteontologiques des professions du soin

13 PERSPECTIVES LA NEacuteCESSITEacute DE RENfORCER LrsquoARSENAL jURIDIqUE

Les constats de AIDES confirment la neacutecessiteacute drsquoaller plus loin contre les refus de soins que la seule disposition initialement envisageacutee dans le projet de loi Santeacute Actuelle-ment ce sont aux ordres professionnels des soignant-e-s de mesurer lrsquoimportance et la nature des pratiques de ces refus En conseacutequence plusieurs amendements ont eacuteteacute construits avec Meacutedecins du Monde (MdM) afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutea-liteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits Les amendements formulent cinq propo-sitions visant agrave

Eacutelargir la deacutefinition leacutegale des refus de soins agrave toute pratique discriminante ou strateacutegie de dissuasion menant in fine au renoncement aux soins des patient-e-s

Donner une base leacutegale au testing autour drsquoun cahier des charges preacutecis et y inclure les associations de malades

Impliquer lrsquoensemble des acteurs-trices de santeacute dans le pilotage de lrsquoObserva-toire deacutedieacute aux refus de soins preacutevu par le projet de loi Santeacute agrave commencer par les associations de malades mais aussi les ordres professionnels et les organismes drsquoassurance maladie

Ameacutenager la charge de la preuve de sorte que comme dans lrsquoensemble du droit de la non-discrimination ce soit au-agrave la professionnel-le de santeacute de prouver qursquoil nrsquoy a pas eu de traitement discriminatoire lorsqursquoune personne exprime des eacuteleacutements de fait laissant supposer lrsquoexistence drsquoune discrimination

Permettre aux patient-e-s drsquoecirctre accompagneacute-e-s etou repreacutesenteacute-e-s par des associations durant les recours en justice ou les proceacutedures de conciliation lors-qursquoils-elles sont confronteacute-e-s agrave des refus de soins

Ces amendements srsquoappuient sur divers rapports institutionnels et parlementaires ils srsquoinspirent aussi de lrsquoarticle initial sur les refus de soins de la loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (Loi HPST) preacutesenteacutee par Roselyne Bachelot alors ministre de la Santeacute en 2008 Ces propositions ont cependant eacuteteacute escamoteacutees au fil des lectures agrave lrsquoAssembleacutee nationale et au SeacutenatAinsi gracircce agrave ce testing agrave ses retombeacutees meacutediatiques et agrave la mobilisation des mili-tant-e-s de AIDES les lignes ont commenceacute agrave bouger Drsquoune part lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes a vivement reacuteagi et drsquoautre part un amendement agrave lrsquoarticle 19 du projet de loi Santeacute a eacuteteacute voteacute au Seacutenat proposant que lrsquoeacutevaluation de lrsquoexistence des refus de soins soit confieacutee au Deacutefenseur des droits Au moment de la reacutedaction de ce rapport la formulation finale de lrsquoattribution de cette eacutevaluation au Deacutefenseur des droits ou aux diffeacuterents Ordres nrsquoest pas connue

Concernant lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes un rapprochement avec AIDES srsquoest opeacutereacute rapidement afin drsquoeacutetudier les moyens agrave mettre en œuvre pour lutter effica-cement contre les refus de soins Degraves lrsquoannonce des reacutesultats lrsquoOrdre a immeacutediatement reacuteagi et condamneacute ce type de comportement laquo Nul ne peut faire lrsquoobjet de discrimina-tions dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins raquo rappelant que laquo les chirurgiens-den-tistes qui ne respectent pas ce principe fondamental leacutegal et deacuteontologique srsquoexposent agrave des poursuites tant devant les juridictions disciplinaires que peacutenales raquo

123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction de lrsquointerlocuteur-trice

Les refus de soins ou les pratiques discriminatoires sont plus souvent pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les que par les praticien-ne-s voire inexistants srsquoagissant des gyneacutecologuesDans les cabinets dentaires une majoriteacute de secreacutetaires meacutedicaux-les opposent des refus de soins directs aux PVVIH ils-elles sont 78 agrave opposer des refus indirects versus 22 des chirurgiens-dentistes Srsquoagissant de traitements diffeacuterentieacutes entre les PVVIH et leur binocircme supposeacute seacuteroneacutegatif 824 sont eacutemis par des secreacutetaires meacutedicaux-les versus 186 par des dentistesLes refus de soins ou discriminations sont majoritairement pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les Ce constat reacutevegravele soit un manque de formation et de connaissance du VIH qui aboutit agrave des mauvaises pratiques avec le ou la patiente soit lrsquoexistence de directives donneacutees par des praticien-ne-s quant agrave la prise en charge de certain-e-s patient-e-s dont les PVVIH En teacutemoignent les mises en attente majoritairement du fait des secreacutetaires meacutedicaux-les Il est probablement plus facile de donner des ins-tructions agrave son secreacutetariat que drsquoassumer individuellement la responsabiliteacute drsquoun refus

124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des villesMalgreacute des effectifs parfois limiteacutes de chirurgiens-dentistes et de gyneacutecologues par ville les reacutesultats de ce testing preacutesentent une dispariteacute des pheacutenomegravenes de refus de soins et de discriminations sur le territoire national Il nrsquoy a a priori pas de lien entre le lieu drsquoinstallation et lrsquoineacutegaliteacute des pratiques Lrsquoattitude neacutegative des professionnel-le-s agrave lrsquoencontre des PVVIH paraicirct davantage reposer sur des logiques individuelles que sur la deacutemographie meacutedicale ou lrsquoincidence locale du VIH Les reacutesultats du testing ne suggegraverent pas drsquoinfluence de lrsquoenvironnement sur les pratiques des professionnel-le-s On relegraveve que Bourg-en-Bresse Chacircteauroux et le seiziegraveme arrondissement de Paris trois lieux qui preacutesentent une deacutemographie meacutedicale quantitativement contras-teacutee se deacutetachent en matiegravere de proportion de refus de soins ou de pratiques discri-minatoires avec plus de 70 des chirurgiens-dentistes contacteacute-e-s concerneacute-e-s Agrave lrsquoinverse les speacutecialistes du treiziegraveme arrondissement de Marseille et de la ville de Pontoise nrsquoopposent aucun comportement discriminatoirePour les gyneacutecologues dont le nombre est insuffisant en France avec de veacuteritables ineacute-galiteacutes drsquoaccegraves sur le territoire 12 lrsquoeffet des villes semblent jouer un rocircle a minima Pour certaines villes dont la densiteacute meacutedicale pour cette speacutecialiteacute est tregraves faible un nombre limiteacute de professionnel-le-s a eacuteteacute contacteacute empecircchant toute conclusion Cependant il est important de noter que des PVVIH ont pu ecirctre confronteacutees agrave 100 de refus de rendez-vous dans certaines villes

125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave soulignerDe nombreux-ses praticien-ne-s et leur secreacutetariat meacutedical attribuent des rendez-vous aux PVVIH sans eacutevoquer aucun des motifs jugeacutes discriminatoires Pour pregraves de la moitieacute des cabinets dentaires (496 ) et plus de 4 cabinets de gyneacutecologie sur 5 (768 ) les pratiques de soins lrsquoaccueil et la communication sont en tout point conformes agrave la deacuteontologie meacutedicale (figures 5 et 6) Certains ont aussi fait preuve de bienveillance avec une approche globale de la prise en charge meacutedicale de la personne

126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutesLes logiques de preacutecaution occupent une place eacutevidente dans les arguments opposeacutes aux PVVIH au meacutepris de la loi de la deacuteontologie meacutedicale et des recommandations drsquohygiegravene De nos jours les refus de soins ou discriminations agrave leur eacutegard sont drsquoautant plus inacceptables que les mesures de preacutecaution standard ont eacuteteacute maintes fois rappe-leacutees par diverses instances publiques et scientifiques Ces mesures sont conccedilues pour preacutevenir le risque de transmission du VIH du ou de la patiente au personnel meacutedical et inversement et drsquoun ou drsquoune patiente agrave lrsquoautre Ceci est drsquoautant plus important qursquoen-viron un quart des PVVIH ignorent qursquoelles en sont atteintes et peuvent en toute bonne foi ne pas informer le ou la professionnel-le de santeacute de leur seacuterologie Les mesures de preacutecaution standard doivent ecirctre garanties systeacutematiquement dans tous les cabinets meacutedicaux et pour chaque patient-e quel que soit son eacutetat de santeacute

12 Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins Atlas de la deacutemographie meacutedicale en France situation au 1er janvier 2014

768

34 35PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 5 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 6 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

496

41 000 euroLe prix facial sur le marcheacute franccedilais du premier des traitements hautement actifs contre le VHC pour trois mois Sa combinaison avec drsquoautres meacutedicaments peut coucircter plus de 100766500 000 euro selon la dureacutee du traitement

12 VhC qUI SOIGNER

Crsquoest dans ce contexte que le principe drsquoune mise sous traitement seacutelective est acteacute par le ministegravere de la Santeacute Des critegraveres sont eacutetablis pour deacutefinir qui doit acceacuteder prioritai-rement aux nouveaux traitements innovants contre le VHC Ce choix et ses traductions opeacuterationnelles sont supposeacutes concilier le droit agrave la protection de la santeacute la santeacute publique et des populations mais aussi lrsquoeacutequilibre des finances publiques et la peacuteren-niteacute du systegraveme de protection sociale franccedilais Des recommandations drsquoexpert-e-s pour la mise sous traitement ont eacuteteacute fixeacutees courant 2014 mais finalement restreintes par un avis de la HAS ensuite en 2015 Ceci alors que la socieacuteteacute franccedilaise drsquoheacutepatologie a elle-mecircme confirmeacute en juin de la mecircme anneacutee les recommandations drsquoaccegraves eacutelargies de 2014

101048110104821010481 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexpertsDes recommandations ont drsquoabord eacuteteacute proposeacutees en mai 2014 dans un Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C dit rapport Dhumeaux Ce rapport a eacuteteacute commandeacute par la ministre de la Santeacute en janvier 2013 agrave lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) et lrsquoAssociation franccedilaise pour lrsquoeacutetude du foie (AFEF) De nombreux-ses praticien-ne-s universitaires et des repreacutesentant-e-s drsquoassociations drsquousager-e-s du systegraveme de santeacute sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux ont participeacute agrave son eacutelaboration Ainsi pour les personnes vivant avec une heacutepatite C les recommandations de mise sous trai-tement reposent notamment sur lrsquoavancement de la maladie crsquoest-agrave-dire les stades de fibrose supeacuterieurs ou eacutegaux agrave 2 13 qui indiquent lrsquoeacutetat drsquoavancement de lrsquoimpact du virus sur le foie Les experts ont par ailleurs distingueacute certaines populations pour lesquelles la mise sous traitement est preacuteconiseacutee quel que soit le stade de fibrose

Les patient-e-s ayant des manifestations extra-heacutepatiques seacutevegraveres Les patient-e-s en attente de transplantation heacutepatique ou reacutenale (pour tenter drsquoeacuteradiquer le virus avant la transplantation)

Au cas par cas les femmes ayant un deacutesir de grossesse Les personnes co-infecteacutees VIH-VHC Les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse Les personnes deacutetenues (avec lrsquoobjectif dans ces deux derniegraveres populations drsquoune reacuteduction du risque de transmission) 14

Si le rapport Dhumeaux propose une seacutelection des patient-e-s notamment au regard du prix il inscrit ces recommandations dans une perspective de ralentissement de lrsquoeacutepi-deacutemie et se distingue en ce sens de la HAS

101048110104821010482 Les recommandations restrictives de la hASLa HAS contribue laquo agrave la reacutegulation du systegraveme de santeacute raquo et a donc comme mission drsquolaquo assurer agrave tous les patients et usagers un accegraves peacuterenne et eacutequitable agrave des soins aussi efficaces sucircrs et efficients que possible raquo 15 Les recommandations eacutetablies par la HAS srsquoimposent aux professionnel-le-s meacutedicaux-cales Contrairement agrave la perspective du rapport Dhumeaux la HAS ne considegravere pas que laquo les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC [soient] reacuteunies raquo Elle en tire les conseacutequences et ne recommande qursquolaquo une strateacutegie de traitement des patients dans lrsquoobjectif drsquoune gueacute-rison virologique individuelle raquo avec des recommandations de stade de fibrose plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux Ainsi la HAS limite lrsquoaccegraves aux traitements innovants aux stades de fibrose du foie F2 seulement sous certaines conditions drsquoeacutevolution F3 et F4 ainsi qursquoagrave tous les stades pour certaines populations personnes co-infecteacutees VIH et VHC personnes atteintes de cryoglobulineacutemie mixte systeacutemique et symptomatique personnes atteintes de lym-phome B associeacute au VHC 16 La HAS eacutecarte en revanche des populations cibleacutees par le rapport drsquoexperts Dhumeaux notamment les usager-e-s de drogues et les personnes deacutetenues qui relegraveveraient drsquoune approche non speacutecifique et donc du cadre geacuteneacuteral La France est assez isoleacutee en Europe sur des recommandations de traitement et de non traitement arrecircteacutees sur les stades de fibrose

11 DES TRAITEMENTS INNOVANTS Agrave PRIX TREgraveS EacuteLEVEacuteS

Les limites eacuteconomiques agrave la prescription notamment sur la base de recommandations deacutefinies par la Haute autoriteacute de santeacute (HAS) sont notamment mises en lumiegravere par les prix des nouveaux traitements contre le VHC Aujourdrsquohui diffeacuterents traitements inno-vants contre le VHC les antiviraux agrave action directe sont sur le marcheacute Ils repreacutesentent des avanceacutees theacuterapeutiques majeures offrant un taux de gueacuterison virologique tregraves eacuteleveacute avec des dureacutees de traitements courtes et des effets indeacutesirables limiteacutes Si les associations investies dans le champ de la lutte contre les heacutepatites virales ndash Collectif Heacutepatites Virales (CHV) SOS heacutepatites TRT-5 Comegravede Meacutedecins du Monde (MdM) Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) AIDES ndash saluent lrsquoespoir drsquoune fin proche de lrsquoeacutepideacutemie de VHC elles se sont rapidement alarmeacutees sur le prix de ces nouveaux traitements Sur le marcheacute franccedilais le prix facial du premier de ces traitements hautement actifs contre le VHC (Sovaldisofosbuvir) a eacuteteacute fixeacute agrave 41 000 euro pour trois mois de traitement Ce traitement ne srsquoutilise jamais seul mais en association avec drsquoautres Certaines combinaisons peuvent coucircter plus de 100 000 euro selon la dureacutee (des traitements de six mois sont parfois neacutecessaires)Alors que la France meacutetropolitaine compte plus de 200 000 personnes vivant avec le VHC de tels prix constituent clairement un deacutefi pour les finances publiques et la peacuterenniteacute drsquoun systegraveme de santeacute solidaire En conseacutequence et pour la premiegravere fois en France ce prix participe agrave ce que lrsquoon peut consideacuterer comme un rationnement avec des mises sous traitement sur la base drsquoavis et de dispositions restrictifs

Meacutedicaments quels prix Le prix du meacutedicament nrsquoest pas libre il est fixeacute par convention entre le laboratoire lrsquoexploitant et le Comiteacute eacuteconomique des produits de santeacute (CEPS) sur la base de cri-tegraveres deacutefinis agrave lrsquoarticle L162-16-4 du Code de santeacute publique laquo La fixation de ce prix tient compte principalement de lrsquoameacutelioration du service meacutedical rendu (SMR) appor-teacutee par le meacutedicament le cas eacutecheacuteant des reacutesultats de lrsquoeacutevaluation meacutedico-eacutecono-mique des prix des meacutedicaments agrave mecircme viseacutee theacuterapeutique des volumes de vente preacutevus ou constateacutes ainsi que des conditions preacutevisibles et reacuteelles drsquoutilisation du meacutedi-cament raquo Agrave cela srsquoajoute aussi la coheacuterence avec les conditions de commercialisation preacutevues dans les grands Eacutetats europeacuteens Seul le prix facial est public crsquoest-agrave-dire le prix rembourseacute par lrsquoassurance maladie Le CEPS et les laboratoires peuvent neacutegocier des dispositifs de remises drsquoougrave un prix reacuteel diffeacuterent (voire tregraves diffeacuterent) de ce prix facial Les dispositifs de remises et le prix reacuteel nrsquoeacutetant pas publics les prescripteurs et usager-e-s nrsquoont connaissance que du prix facial

Le droit agrave la protection de la santeacute interdit toute forme de discriminations dans lrsquoaccegraves aux soins Cependant si les discriminations sont interdites lrsquouniversaliteacute de lrsquoaccegraves agrave certains soins et traitements nrsquoest pas pour autant garantie Crsquoest le cas des nouveaux traitements contre le virus de lrsquoheacutepatite C (VHC) dont le prix exorbitant a forceacute agrave deacutefinir des critegraveres de seacutelection des patient-e-s et agrave renoncer agrave lrsquoaccegraves universel

Bien que fondamental le droit agrave la protec-tion de la santeacute sans discrimination (voir page 25) peut connaicirctre certaines limites agrave son effectiviteacute en particulier sur le plan financier Il deacutepend en effet des choix opeacutereacutes au regard des deacutepenses publiques de lrsquoEacutetat et de la seacutecuriteacute sociale et notamment par rapport aux prix des meacutedicaments et des produits de santeacute Lrsquoarticle 8 du Code de deacuteontologie meacutedi-cale (R4127-8 du Code de santeacute publique) preacutecise que laquo Dans les limites fixeacutees par la loi le meacutedecin est libre de ses pres-criptions qui seront celles qursquoil estime les plus approprieacutees en la circonstance Il doit sans neacutegliger son devoir drsquoassistance morale limiter ses prescriptions et ses actes agrave ce qui est neacutecessaire agrave la qualiteacute agrave la seacutecuriteacute et agrave lrsquoefficaciteacute des soins Il doit tenir compte des avantages des incon-veacutenients et des conseacutequences des diffeacute-rentes investigations et theacuterapeutiques possibles raquo Si la liberteacute de prescription est ici recon-nue elle connaicirct donc certaines limites leacutegales dont celle imposeacutee par lrsquoarticle L162-2-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo Les meacutedecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions drsquoobserver dans le cadre de la leacutegislation et de la reacuteglementation en vigueur la plus stricte eacuteconomie compatible avec la qualiteacute la seacutecuriteacute et lrsquoefficaciteacute des soins raquo ce notamment sur la base des laquo recomman-dations ou avis meacutedico-eacuteconomiques de la Haute autoriteacute de santeacute raquo

13 Stades de fibrose F0 pas de fibrose F1 fibrose leacutegegravere F2 fibrose modeacutereacutee F3 fibrose seacutevegravere F4 cirrhose14 Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C 2014 p 25015 httpwwwhas-santefrportailjcmsfc_1249599frla-has16 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf

36 37

DROIT APPLICABLE

1  LE cAS dES TrAITEmENTS INNoVANTS 

coNTrE LrsquoHEacutePATITE c mdash

dIFFIcULTEacuteS drsquoAccEgraveS  AUx TrAITEmENTS

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

38 39

Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

59

40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

Rejoignez AIDES sur les reacuteseaux sociaux facebookcomaides assoAIDES

Page 2: AIDES Rapport Discrim

2015

VIH  HEacutePATITESLA FACE CACHEacuteE

DES DISCRIMINATIONS

glossaire

ACSAcquisition drsquoune compleacutementaire santeacute

AerasConvention pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo

AMEAide meacutedicale drsquoEacutetat

ANRSAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites

CEDHCour europeacuteenne des droits de lrsquohomme

CEPSComiteacute eacuteconomique des produits de santeacute

CHOGCentre hospitalier de lrsquoouest guyanais

CHVCollectif heacutepatites virales

CISSCollectif inter-associatif sur la santeacute

CLDCongeacute de longue dureacutee

CMUCouverture maladie universelle

CMU-CCouverture maladie universelle compleacutementaire

CorevihComiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH

CNSConseil national du sida

CSPCode de santeacute publique

ENACREacutecole nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois

ENMEacutecole nationale de la magistrature

HASHaute autoriteacute de santeacute

InpesInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute

InseeInstitut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques

InVSInstitut de veille sanitaire

ISTInfection sexuellement transmissible

IVGInterruption volontaire de grossesse

MdMMeacutedecins du Monde

PVVIHPersonne vivant avec le VIH

TrodTest rapide drsquoorientation diagnostique

RdRReacuteduction des risques

VHCVirus de lrsquoheacutepatite C

VIHVirus de lrsquoimmunodeacuteficience humaine

Depuis le deacutebut de lrsquoeacutepideacutemie les discriminations et les exclusions sociales agrave lrsquoencontre des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) restent nombreuses Ces comportements sont alimenteacutes par la peur de la contamination et des scheacutemas associeacutes au VIH faisant de cette maladie encore largement tabou une veacuteritable sanction sociale Elle constitue un facteur suppleacutementaire drsquoexclusion quand elle touche particuliegraverement des populations marginaliseacutees et deacutejagrave stigmatiseacutees (hommes homosexuels usagers de drogues personnes prostitueacuteeshellip)

Les discriminations agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont une reacutealiteacute qursquoil convient de deacutenoncer et de sanctionner parce qursquoelles entravent lrsquoaccegraves aux droits et renforcent lrsquoexclusion sociale

Malgreacute les progregraves theacuterapeutiques les personnes vivant avec le VIH rencontrent encore de nombreux obstacles juridiques et factuels pour acceacuteder agrave leurs droits fondamentaux (accegraves aux soins accegraves agrave lrsquoemploi et agrave la formation etc) Souvent meacuteconnues et sous-estimeacutees ces difficulteacutes ont un impact majeur sur la vie quotidienne et lrsquoeffectiviteacute des droits de ces personnes

Entraves agrave lrsquoaccegraves aux soins discriminations lieacutees agrave lrsquoeacutetat de santeacute dans le domaine de lrsquoemploi deacuteni du droit agrave la liberteacute drsquoaller et venir en Guyane autant drsquoactes et de situations qursquoil convient de combattre

Le preacutesent rapport devrait participer agrave rendre visible les difficulteacutes releveacutees dans diffeacuterents domaines de la vie quotidienne Sa diffusion devrait permettre aux acteurs de mieux identifier et prendre en compte ces situations pour contribuer agrave lrsquoeacutegaliteacute en faveur des PVVIH Crsquoest dans cet esprit que le Deacutefenseur des droits a participeacute agrave la reacutedaction du rapport de lrsquoassociation AIDES et au-delagrave srsquoest engageacute agrave lutter contre les discriminations et les mesures drsquoexclusion agrave lrsquoencontre des PVVIH

Ce rapport qui nous permet de disposer drsquoune photographie des difficulteacutes rencontreacutees par les personnes vivant avec le VIH constitue un point drsquoappui pour changer les regards Je souhaite vivement qursquoil encourage agrave mobiliser des acteurs et qursquoil favorise la mise en œuvre de mesures concregravetes pour lutter contre le non-accegraves aux droits et les discriminations agrave lrsquoeacutegard des personnes vivant avec le VIH

Jacques Toubon Deacutefenseur des droits

Lrsquoeacutepideacutemie de sida et la lutte contre ce fleacuteau ont plus de 30 ans Trois deacutecennies de preacutevention de recherche drsquoincitation au deacutepistage et de combat pour les droits et contre la seacuterophobie La lutte contre le sida et les heacutepatites se construit et se megravene pour et avec les personnes exposeacutees aux risques mais aussi pour et avec les personnes vivant avec ces maladies Alors que la recherche avance et que les outils qui permettront drsquoen finir avec ces eacutepideacutemies sont connus cet horizon restera vague tant que la socieacuteteacute nrsquoeacutevoluera pas de mecircme et que les discriminations persisteront

Ce premier rapport laquo VIH heacutepatites la face cacheacutee des discriminations raquo de lrsquoassociation AIDES legraveve le voile sur des discriminations bien reacuteelles dans lrsquoaccegraves aux droits fondamentaux des personnes seacuteropositives au VIH et aux heacutepatites le droit agrave la santeacute le droit agrave la proprieacuteteacute le droit agrave lrsquoinstruction et au travail la liberteacute drsquoaller et venir Elles sont le fait de lrsquoEacutetat de lrsquoadministration de la socieacuteteacute dans son ensemble Elles sont le reflet de peurs et preacutejugeacutes qui reacuteduisent inlassablement les personnes agrave leur seacuteropositiviteacute Depuis plusieurs anneacutees les associations recensent documentent et attaquent sans relacircche ces discriminations Des victoires majeures ont eacuteteacute gagneacutees

Je me souviens des anneacutees 90 de ces situations heacutelas pas si rares ougrave des conjoints de personnes deacuteceacutedeacutees du sida se trouvaient du jour au lendemain agrave la rue sans droit sur le logement et les biens communs sans droits sur lrsquohistoire mecircme du couple Le PACS puis le mariage pour tous ont eacuteteacute conquis parce que le VIH a deacutemontreacute cruellement la neacutecessaire reconnaissance des couples de mecircme sexe Trop longtemps deacutenonceacutee hautement symbolique je pense aussi agrave lrsquointerdiction des soins funeacuteraires pour les personnes seacuteropositives au VIH ou agrave une heacutepatite qui sera bientocirct leveacutee et crsquoest par lagrave une discrimination jusque dans la mort qui ne sera plus

Ce rapport deacutemontre qursquoil reste encore un long chemin agrave parcourir Trop de situations restent injustifieacutees dans un Eacutetat de droit Il nrsquoest pas acceptable que des personnes seacuteropositives soient exclues drsquoun tregraves grand nombre drsquoemplois dans lrsquoarmeacutee la gendarmerie la police ou chez les sapeurs-pompiers Il nrsquoest pas concevable que des barrages soient installeacutes au sein mecircme du territoire franccedilais empecircchant les personnes drsquoacceacuteder aux soins neacutecessaires agrave leur survie Il nrsquoest pas admissible enfin que les personnes vivant avec le VIH soient confronteacutees agrave des refus de soins de la part de soignants ceux-lagrave mecircme qui sont supposeacutes ecirctre les mieux informeacutes Ces refus de soins soulignent que la peur du VIH devient trop souvent la peur de la personne seacuteropositive

Jrsquoai eacuteteacute teacutemoin des diffeacuterentes peacuteriodes de lrsquoeacutepideacutemie des anneacutees de cendre de lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies et de lrsquoespoir qursquoelles ont susciteacutees En tant que journaliste je me suis attacheacutee agrave informer sur le VIH et les heacutepatites sur les discriminations dont sont victimes les personnes vivant avec ou exposeacutees aux risques Je me suis engageacutee au cocircteacute des associations et je le fais de nouveau aujourdrsquohui en soutenant ce rapport car le combat contre les discriminations continue et il peut ecirctre gagneacute

Le rapport laquo VIH heacutepatites la face cacheacutee des discriminations raquo est une nouvelle brique agrave lrsquoeacutedifice

Claire Chazal

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F1

laquo Ce qursquoon est incapable de changer il faut au moins le deacutecrire raquo expliquait Rainer Werner Fassbinder On aurait tort drsquointerpreacuteter cette phrase du cineacuteaste allemand comme une forme de renoncement Au contraire il faut y voir la deacutemonstration qursquoil y a face agrave lrsquoinjustice toujours quelque chose agrave entreprendre et qursquoagrave deacutefaut de reacuteussir agrave balayer lrsquoinjustice on doit avoir le courage de la deacutenoncer Crsquoest dans cet esprit ndash le refus du renoncement allieacute agrave la volonteacute de changement ndash que ce premier rapport a eacuteteacute voulu et reacutealiseacute Notre place dans le champ social comme dans celui de la santeacute est particuliegravere Elle nous permet drsquoobserver de faire connaicirctre de deacutenoncer drsquoagir drsquoidentifier des problegravemes et drsquoy apporter seule ou avec drsquoautres des solutions Elle est aussi particuliegravere du fait des personnes communauteacutes et groupes qui font AIDES et de celles et ceux auxquels nous nous adressons Ce rapport est agrave notre image

Reacutealiseacute agrave partir de situations individuelles dont nous avons eacuteteacute saisi drsquoinitiatives que nous avons prises parfois avec des partenaires de dossiers de fond dont nous sommes partie prenante ce document nrsquoest pas un rapport drsquoactiviteacute Crsquoest un panorama souvent glaccedilant de dysfonctionnements qui perdurent de lacunes administratives de failles juridiques drsquoabus de pouvoir de discriminations institutionnaliseacutees dont le lit est bien cette faccedilon particuliegravere et deacutetestable de consideacuterer le VIHsida comme une maladie laquo agrave part raquo Un regard laquo agrave part raquo qui ne fait que renvoyer les personnes qui vivent avec le VIH agrave la marge Notre rapport est un eacutetat des lieux sans concession des visages multiples de la seacuterophobie aujourdrsquohui en France Glaccedilant il lrsquoest agrave deux titres la nature mecircme des faits que nous deacutenonccedilons et le fait que notre eacutetat des lieux ne soit heacutelas pas exhaustif

Afin de permettre agrave chacun-e de comprendre la diversiteacute des problegravemes et de mieux en saisir leurs enjeux nous avons retenu quatre thegravemes Lrsquoun porte sur des dispositions administratives contestables celles qui excluent des personnes vivant avec le VIH de certaines professions celles qui restreignent leurs carriegraveres ou leur accegraves agrave des formations Le deuxiegraveme est consacreacute au droit agrave la santeacute pour tous et toutes qui reste trop souvent bafoueacute comme nous lrsquoavons deacutemontreacute avec notre campagne contre les refus de soins dont sont victimes les personnes vivant avec le VIH Nous avons aussi traiteacute de la liberteacute drsquoaller et venir celle des personnes malades sur le territoire franccedilais en Guyane preacuteciseacutement Lagrave-bas des dispositions administratives empecircchent certaines drsquoentre elles de se rendre dans des lieux de soins Enfin est abordeacutee lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves aux meacutedicaments Elle est remise en cause par lrsquoincapaciteacute drsquoavoir une politique raisonneacutee des tarifs et de la juste reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation meacutedicale comme lrsquoa prouveacute la crise des prix des antiviraux agrave action directe contre le virus de lrsquoheacutepatite C Plutocirct que la reacutegulation tarifaire crsquoest la seacutelection des malades qui a eacuteteacute retenue Pour la premiegravere fois depuis longtemps ce sont des critegraveres financiers qui ont pris lrsquoascendant sur des critegraveres meacutedicaux Il nous a sembleacute important de revenir agrave la charge contre les freins en matiegravere de droit de proprieacuteteacute et drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dont sont victimes les personnes vivant avec une maladie chronique dont celles seacuteropositives au VIH

En 1990 (deacutejagrave ) des speacutecialistes du droit deacutefendaient lrsquoideacutee que le sida devait drsquoun point de vue juridique laquo ecirctre envisageacute dans sa banaliteacute raquo Ce que nous deacutemontrons ici crsquoest qursquoil nrsquoen est rien en 2015 De fait crsquoest lrsquoexceptionnaliteacute qui demeure Seacuteropositif-ve je ne peux pas ecirctre juge ni prendre les armes au service de mon pays Vivant avec le VIH mon lot sera de connaicirctre les pires obstacles pour emprunter acceacuteder agrave la proprieacuteteacute etc Tout est agrave lrsquoencan Et comme si cela ne suffisait pas agrave ces exceptions au droit commun srsquoajoutent les refus de soins les entraves agrave la liberteacute de circulation etc

Ces pheacutenomegravenes ne sont pas reacutecents et ont eacuteteacute deacutenonceacutes depuis longtemps notamment par le Conseil national du sida et des heacutepatites virales dans plusieurs avis degraves les anneacutees 90 Lrsquoeacutepideacutemie de VIH a agi degraves son apparition comme un reacuteveacutelateur des discriminations des ineacutegaliteacutes ou des difficulteacutes drsquoaccegraves aux droits et agrave la santeacute pour de nombreux groupes Des discriminations ineacutegaliteacutes encore alimenteacutees aujourdrsquohui par les peurs les repreacutesentations les exigences insultantes de protection vis-agrave-vis des personnes seacuteropositives Il est drsquoailleurs frappant de voir agrave quel point le droit pour ne parler que de lui est resteacute agrave la traicircne de la science Les avanceacutees scientifiques ont eacuteteacute majeures dans le VIH bouleversant la vie des personnes (les tritheacuterapies le traitement comme preacuteventionhellip) ameacuteliorant la qualiteacute de vie augmentant la dureacutee de vie On pouvait espeacuterer que cette nouvelle donne scientifique et meacutedicale se traduirait par une nouvelle chance pour les personnes vivant avec le VIH une chance drsquoen finir avec le regard laquo agrave part raquo une chance de voir les lois et regraveglements seacuterophobes abrogeacutes Ce nrsquoest toujours pas le cas

Nous nrsquoavons collectivement plus drsquoexcuse agrave ne rien faire Agrave AIDES nous lrsquoavons compris et y travaillons depuis des anneacutees Drsquoautres aussi notamment le Conseil national du sida et des heacutepatites virales Certains de ses avis celui de 1993 sur la confidentialiteacute en prison pour ne citer que celui-ci ont constitueacute des eacutetapes majeures dans la lutte contre les discriminations Notre engagement porte drsquoailleurs ses fruits comme le pointent dans ce rapport les avanceacutees que nous avons obtenues Mais il reste beaucoup agrave faire tant agrave deacutenoncer tant agrave transformer Crsquoest pour nous une grande fierteacute que ce rapport le premier du genre soit fait en collaboration avec le Deacutefenseur des droits Crsquoest une reconnaissance de la pertinence de notre approche et de la justesse de nos combats lrsquoassurance de pouvoir compter sur un allieacute de poids dans la lutte contre les discriminations Crsquoest aussi un signal envoyeacute agrave chacun-e drsquoentre nous il ne faut plus subir il faut deacutenoncer les discriminations seacuterophobes ainsi ensemble nous contribuerons agrave y mettre fin Lrsquoacircpreteacute des situations rapporteacutees dans ce rapport pourra surprendre Nous nrsquoavons ni noirci le tableau ni forceacute le trait Pas besoin tout ce qui est dit ici est vrai Ce que lrsquoon peine agrave changer seul il faut au moins le deacutecrire

Aureacutelien Beaucamp Preacutesident de AIDES

LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL 8

1 Travail seacuteropositiviteacute et discriminations une histoire aussi vieille que lrsquoeacutepideacutemie 1111 Les meacutetiers preacutetendument interdits aux PVVIH

le poids des repreacutesentations et des ideacutees reccedilues 1112 La persistance de formations et de meacutetiers

juridiquement interdits 11

droit applicable 12

2 Formations emplois en finir avec les derniers interdits 1421 Lrsquoeacutecole nationale du cirque une exclusion vite abrogeacutee 1422 Magistrature une interdiction depuishellip 1958 1423 Armeacutee un bastion sans VIH 16

231 Eacutevaluation de lrsquoaptitude agrave servir quelques repegraveres 16232 VIH et aptitude agrave servir des consignes drsquoun autre temps 17233 Un couperet qui concerne toutes les forces armeacutees

et les formations affeacuterentes 18234 Police nationale sapeurs-pompiers une exclusion

qui deacutepasse largement le champ de lrsquoarmeacutee 21

LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT 22

refus de soins 25

droit applicable 25

1 Un testing pour objectiver les refus de soins 2711 Meacutethodologie 27

111 Qursquoest-ce qursquoun testing 27112 Le protocole drsquoenquecircte 27113 Limites de lrsquoeacutetude 30

12 Des reacutesultats accablants 30121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou

de discriminations 32122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations

en fonction des speacutecialiteacutes 33123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations

en fonction de lrsquointerlocuteur-trice 34124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations

en fonction des villes 34125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave souligner 34126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutes 34

13 Perspectives la neacutecessiteacute de renforcer lrsquoarsenal juridique 35

difficulteacute drsquoaccegraves aux traitements 36

droit applicable 36

1 Le cas des traitements innovants contre lrsquoheacutepatite C 3611 Des traitements innovants agrave prix tregraves eacuteleveacutes 3612 VHC qui soigner 37

121 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexperts 37122 Les recommandations restrictives de la HAS 37123 Rationnement et exclusion les justifications discutables

avanceacutees par la HAS 38124 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicales 39

2 Plaidoyer pour un laquo juste prix raquo 3921 Les enjeux en cause 3922 Les objectifs 40

secret meacutedical au profit des mineurs 41

droit applicable 41

1 Sexualiteacute et santeacute sexuelle des mineur-e-s 4211 La laquo majoriteacute sexuelle raquo un concept sans valeur juridique 4212 Lrsquoacircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle une reacutealiteacute contrasteacutee 42

121 Donneacutees concernant la population geacuteneacuterale 42122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle 43

2 Deacutepistage soins eacutemancipation de lrsquoautoriteacute parentale du constat de terrain agrave la modification de la loi 4421 Permettre de deacutepister les mineur-e-s avec ou sans lrsquoaccord

des parents 4422 La neacutecessiteacute drsquoanonymiser la prise en charge 45

LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUX SERVICES PUBLICS 46

droit applicable 49

1 La Guyane les paradoxes drsquoun territoire prioritaire dans la lutte contre le VIH sida 4911 Des indicateurs de santeacute tregraves deacutefavorables 4912 La Guyane deacutepartement franccedilais le plus toucheacute par lrsquoinfection VIH 5013 Offre de santeacute reacutepartition geacuteographique en inadeacutequation

avec les besoins 502 Les controcircles routiers permanents 52

21 Des lois drsquoexception en Outre-mer au nom de la lutte contre lrsquoorpaillage et lrsquoimmigration illeacutegale 52

22 Des mesures qui affectent largement au-delagrave des cibles 5323 Les impacts deacutefavorables sur lrsquoaccegraves agrave la santeacute 53

231 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire 53

232 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicales 5424 Des contentieux pour obtenir la suppression de ces barrages 54

241 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircte 55242 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute

drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense 55

LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute 56

droit applicable 59

1 Un parcours du combattant pour les personnes toucheacutees par une maladie chronique 60

2 Vers le droit agrave lrsquooubli adapteacute pour le VIH et les maladies chroniques 6121 Le VIH aujourdrsquohui un risque tregraves limiteacute pour les compagnies

drsquoassurance 6122 Comment changer la donne 62

PARTIE 1

PARTIE 2

PARTIE 3

PARTIE 4

1LE droIT   Agrave LrsquoINSTrUcTIoN   

ET AU TrAVAIL

AIDES a plus de 30 ans aujourdrsquohui et son investissement en faveur du droit agrave lrsquoins-truction et agrave lrsquoemploi des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) est aussi ancien Ce combat a eacutevolueacute de bien des maniegraveres et pourtant les difficulteacutes semblent rester les mecircmes discriminations agrave lrsquoembauche deacutefaut de visibiliteacute de la seacuteropositiviteacute au travail discriminations de la part de collegravegues et parfois de la hieacuterarchie quels que soient la taille de lrsquoentreprise le secteur public ou priveacute etc Degraves 1992 les guides Droit et Sida de AIDES consacrent de tregraves grandes parties de leur contenu agrave lrsquoemploi En 2000 lrsquoassociation lance lrsquoenquecircte laquo Entre contraintes eacuteconomiques et volonteacutes sociales quelle place pour les personnes seacuteropositives le point de vue des acteurs de lrsquoentreprise raquo suivi des enquecirctes laquo AIDES et toi raquo et laquo VIH heacutepatites et vous raquo qui portent en particulier sur les ressources lrsquoaccegraves et le maintien dans lrsquoemploi des PVVIH

11 LES MEacuteTIERS PREacuteTENDUMENT INTERDITS AUX PVVIh LE POIDS DES REPREacuteSENTATIONS ET DES IDEacuteES REccedilUES

Le combat continu de AIDES en la matiegravere porte aussi sur les meacutetiers juridiquement interdits et ceux dont on suppose agrave tort qursquoils le sont agrave partir drsquoideacutees reccedilues et preacuteten-dus risques La brochure laquo VIH-sida et milieu du travail guide de sensibilisation raquo eacutediteacutee en 2001 par AIDES avec le soutien de lrsquoAssociation de gestion du fonds pour lrsquoinsertion professionnelle des personnes handicapeacutees (AGEFIPH) ainsi que du ministegravere de lrsquoEm-ploi et de la Solidariteacute eacutenumeacuterait comme exemples des meacutetiers faussement interdits

Cadre en fonction de responsabiliteacute en raison des absences possibles Les meacutetiers de la restauration et meacutetiers de bouche en raison de la fatigue du contact avec le public et du laquo risque de transmission par le biais des aliments raquo

Le secteur de lrsquoenfance et de lrsquoeacuteducation en raison du laquo risque de transmission aupregraves des enfants raquo

Le secteur meacutedical idem ci-dessus (enfants et adultes) Le secteur du bacirctiment et des travaux publics et plus largement les meacutetiers laquo physiques raquo agrave cause de la fatigue

Le secteur social les personnes seacuteropositives seraient laquo deacutepressives raquo il faut donc eacuteviter le contact avec le public

Les meacutetiers du nettoyage et les hocirctes de caisse agrave cause des horaires deacutecaleacutes et de la fatigue

Les meacutetiers avec du relationnel ou de la communication car les personnes seacuteropositives seraient laquo deacutepressives raquo

etcCes ideacutees reccedilues identifieacutees sur la base de formations agrave lrsquoinitiative de AIDES aupregraves drsquoopeacuterateurs drsquoinsertion teacutemoignent laquo du manque drsquoinformation principalement sur les effets des traitements et lrsquoeacutetat des repreacutesentations concernant les personnes toucheacutees raquo

12 LA PERSISTANCE DE fORMATIONS ET DE MEacuteTIERS jURIDIqUEMENT INTERDITS

Au-delagrave de ces repreacutesentations et ideacutees reccedilues lrsquoaccegraves agrave certaines formations et agrave certains emplois est encore juridiquement interdit en contradiction directe avec les principes du droit franccedilais Sans preacutetendre agrave une approche exhaustive AIDES srsquoest par-ticuliegraverement pencheacutee ces derniers mois sur trois cas les arts du cirque la magistrature et lrsquoarmeacutee franccedilaise Afin de conforter son analyse dans la perspective drsquoune eacutevolution du droit applicable elle a saisi en octobre 2015 le Deacutefenseur des droits agrave ce sujet

11

VIH des conditions deacutefavorables drsquoaccegraves et de maintien dans lrsquoemploi 1

Depuis une quinzaine drsquoanneacutees les pro-gregraves theacuterapeutiques ont permis agrave un nombre croissant de PVVIH de poursuivre durablement une activiteacute professionnelle comme le deacutemontrent les rapports drsquoex-perts successifs sur leur prise en charge meacutedicale Des associations ont aussi œuvreacute pour le deacuteveloppement de pro-grammes speacutecifiques drsquoaccegraves agrave lrsquoinsertion professionnelle et agrave lrsquoemploi comme par exemple Ikambere ou BasiliadeNeacuteanmoins le VIH demeure en soi un facteur de fragilisation des parcours pro-fessionnels et de paupeacuterisation y com-pris pour des personnes initialement bien inseacutereacutees dans lrsquoemploi Le taux de PVVIH ayant un emploi est infeacuterieur agrave celui de la population geacuteneacute-rale (57 versus 64 enquecircte ANRS-Vespa 2 2013) Entre 2003 et 2011 lrsquoaugmentation de leur taux de chocircmage est significative de maniegravere geacuteneacuterale (+4 ) et forte sur des publics speacutecifiques (femmes migrantes +10 ) Lrsquoenquecircte laquo VIH Heacutepatites et vous raquo (AIDES 2011) souligne un risque drsquoecirctre sans emploi 5 fois plus eacuteleveacute pour les PVVIH que pour la population geacuteneacuterale Si plus des deux tiers des PVVIH ayant perdu leur emploi depuis lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute souhaitent retravailler elles rencontrent des difficulteacutes drsquoac-cegraves quels que soient les secteurs public comme priveacute Plus le nombre drsquoanneacutees de vie avec le VIH augmente plus le taux drsquoemploi diminue La stigmatisation et la discrimination sont toujours preacutesentes dans le milieu professionnel 62 des PVVIH main-tiennent le secret sur leur eacutetat de santeacute au travail Les personnes peinent souvent agrave eacutevaluer le risque de parler ou pas de leur pathologie

1 Sources Enquecircte ANRS-Vespa 2 (BEH ndeg 2627 du 2 juillet 2013 premiers reacutesultats de lrsquoenquecircte ANRS-Vespa 2) IRDES Enquecircte laquo VIH Heacutepatites et vous raquo (EUSD du 18 au 23 octobre 2010) Focus emploi AIDES 2011 Rapport drsquoexperts et recommandations pour la prise en charge meacutedicale des PVVIH laquo Morlat raquo 2013 Chapitre laquo conditions de vie raquo p 440 et s

1TrAVAIL SEacuteroPoSITIVITEacute  ET dIScrImINATIoNS   

UNE HISToIrE AUSSI VIEILLE  qUE LrsquoEacutePIdEacutemIE 

mdashLes stigmatisations et les discriminations associeacutees au VIH ou aux heacutepatites existent dans le milieu professionnel aussi bien dans le secteur public que priveacute Elles peuvent srsquoinscrire dans les relations individuelles mais elles sont aussi parfois structurelles voire reacuteglementaires Ainsi lrsquoaccegraves agrave certaines formations et agrave certains emplois est refuseacute aux personnes vivant avec le VIH alors mecircme que les progregraves theacuterapeutiques ont deacutemontreacute leur efficaciteacute tant en matiegravere de reacuteduction des effets indeacutesirables que sur lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute

En matiegravere de droit du travail les textes de droit inter-national et de droit franccedilais sont tregraves nombreux et inter-disent les discriminations lieacutees agrave lrsquoeacutetat de santeacuteLes refus drsquoaccegraves agrave un emploi ou agrave une formation les licenciements fondeacutes sur lrsquoeacutetat de santeacute ou le handicap sont consideacutereacutes comme discriminatoires et peuvent faire lrsquoobjet de sanctions preacutevues dans diffeacuterents textes (Code peacutenal Code civil etc) Malgreacute lrsquoexistence de dis-positifs leacutegaux les discriminations lieacutees agrave lrsquoeacutetat de santeacute demeurent nombreuses dans le milieu professionnelEn 2014 13 des saisines du Deacutefenseur des droits en matiegravere de discriminations interviennent au titre du cri-tegravere de lrsquoeacutetat de santeacute notamment pour des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi (refus drsquoembauche agrave lrsquoannonce de la maladie) ou des difficulteacutes de maintien dans lrsquoemploi (refus des employeurs de mettre en place des ameacutena-gements raisonnables) Selon le 6e baromegravetre sur le res-senti des discriminations dans lrsquoemploi du Deacutefenseur des droits et de lrsquoOrganisation internationale du travail (OIT) lrsquoeacutetat de santeacute est source de pressions dans le monde professionnel Parmi les personnes deacuteclarant avoir eacuteteacute victimes de discrimination 12 estiment que celle-ci eacutetait lieacutee agrave leur eacutetat de santeacute La situation des personnes vivant avec le VIH reste difficile en particulier dans la sphegravere professionnelle en raison drsquoune grande meacutecon-naissance de la maladie de lrsquoimage neacutegative et tenace de la seacuteropositiviteacute Lutter contre les discriminations et les preacutejugeacutes concilier maladie chronique et emploi informer les personnes et les employeurs simplifier et ameacuteliorer les dispositifs de maintien dans lrsquoemploi des personnes malades sont autant de deacutefis agrave relever

Droit international Les engagements de la France aux niveaux europeacuteen et international sur le droit du travail sont nombreux Le Pacte international relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et culturels (PIDESC) adopteacute dans le cadre des Nations unies le 16 deacutecembre 1966 entreacute en vigueur en France le 4 feacutevrier 1981 pose notamment un principe de non-discrimination pour la jouissance des droits qursquoil eacutenonce (article 2-2deg) le droit au travail (article 6) le droit de toute personne agrave un niveau de vie suffisant (article 11-1deg) et le droit agrave lrsquoeacuteducation (article 13) Ce dernier article preacutecise que le droit agrave lrsquoeacuteducation inclut lrsquoensei-gnement primaire obligatoire et accessible gratuitement agrave tous lrsquoenseignement secondaire sous ses diffeacuterentes formes y compris lrsquoenseignement secondaire technique et professionnel geacuteneacuteraliseacute et accessible agrave tous lrsquoensei-gnement supeacuterieur accessible agrave tous en pleine eacutegaliteacute

Selon la convention 111 de lrsquoorganisation internationale du travail de 1958 contre les discriminations dans lrsquoem-ploi et les professions ratifieacutee par la France et entreacutee en vigueur en avril 1981 la Reacutepublique srsquoengage notam-ment agrave lrsquoarticle 3 agrave laquo a) srsquoefforcer drsquoobtenir la collaboration des organisa-

tions drsquoemployeurs et de travailleurs et drsquoautres organismes approprieacutes pour favoriser lrsquoacceptation et lrsquoapplication de cette politique

b) promulguer des lois et encourager des programmes drsquoeacuteducation propres agrave assurer cette acceptation et cette application

c) abroger toute disposition leacutegislative et modifier toute disposition ou pratique administratives qui sont incompatibles avec ladite politique

d) suivre ladite politique en ce qui concerne les emplois soumis au controcircle direct drsquoune autoriteacute nationale

e) assurer lrsquoapplication de ladite politique dans les acti-viteacutes des services drsquoorientation professionnelle de formation professionnelle et de placement soumis au controcircle drsquoune autoriteacute nationale raquo

Lrsquoarticle 1 de cette convention preacutecise que lrsquoaccegraves agrave lrsquoem-ploi inclut lrsquoaccegraves agrave la formation en vue drsquoacceacuteder agrave cet emploiLe droit europeacuteen interdit eacutegalement les discriminations agrave raison de lrsquoeacutetat de santeacute dans le champ de lrsquoemploiAgrave lrsquoorigine de nombreuses eacutevolutions jurisprudentielles dans de nombreux pays europeacuteens dont la France la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales (CEDH) du 4 novembre 1950 entreacutee en vigueur en France le 21 sep-tembre 1970 en son article 14 pose de mecircme un principe de non-discrimination laquo La jouissance des droits et liber-teacutes reconnus dans la preacutesente Convention doit ecirctre assu-reacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance ou toute autre situation raquo Bien que la CEDH ne proclame pas de droits en matiegravere eacutecono-mique et sociale il reacutesulte de la combinaison de lrsquoarticle 1er du protocole ndeg 1 (qui garantit le respect du droit de proprieacuteteacute et plus largement drsquoapregraves la Cour les droits patrimoniaux) de lrsquoarticle 2 du protocole ndeg 1 (qui garan-tit le droit agrave lrsquoinstruction) et de lrsquoarticle 14 de la CEDH un principe de non-discrimination en matiegravere de droits sociaux et de droit agrave lrsquoinstructionLa charte sociale europeacuteenne du 18 octobre 1961 entreacutee en vigueur en France le 8 avril 1973 garantit le droit au travail (article 1) le droit agrave la formation professionnelle (article 10) et le droit de toute personne agrave la protection contre la pauvreteacute et lrsquoexclusion sociale (article 30) La jouissance de tous ces droits est en outre compleacuteteacutee par une clause geacuteneacuterale de non-discriminationCes principes internationaux et europeacuteens ont enfin eacuteteacute rappeleacutes en 2000 par la Directive europeacuteenne CE ndeg 200078CE portant sur la creacuteation drsquoun cadre geacuteneacute-ral en faveur de lrsquoeacutegaliteacute de traitement en matiegravere drsquoem-ploi Cette directive srsquoimpose agrave lrsquoensemble des pays membres de lrsquoUnion Europeacuteenne

Droit franccedilaisSi les textes internationaux sont nombreux et preacutecis sur le droit agrave la formation et agrave lrsquoemploi sans discrimination le droit franccedilais nrsquoest pas en reste Le droit au travail reconnu par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 est un droit agrave valeur constitutionnelle Il est garanti sans discrimination dans le Code peacutenal ainsi que dans le Code civil agrave travers le droit au respect de la vie priveacutee et speacuteci-fiquement dans le Code du travail

Preacuteambule de la Constitution de 1946Chacun a le devoir de travailler et le droit drsquoobtenir un emploi Nul ne peut ecirctre leacuteseacute dans son travail ou son emploi en raison de ses origines de ses opinions ou de ses croyancesLa Nation garantit lrsquoeacutegal accegraves de lrsquoenfant et de lrsquoadulte agrave lrsquoinstruction agrave la formation professionnelle et agrave la culture Lrsquoorganisation de lrsquoenseignement public gratuit et laiumlque agrave tous les degreacutes est un devoir de lrsquoEacutetatFidegravele agrave sa mission traditionnelle la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge agrave la liberteacute de srsquoadministrer eux-mecircmes et de geacuterer deacutemocratique-ment leurs propres affaires eacutecartant tout systegraveme de colonisation fondeacute sur lrsquoarbitraire elle garantit agrave tous lrsquoeacutegal accegraves aux fonctions publiques et lrsquoexercice indi-viduel ou collectif des droits et liberteacutes proclameacutes ou confirmeacutes ci-dessus

Code peacutenal Interdiction des discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi

article 225-1Constitue une discrimination toute distinction opeacutereacutee entre les personnes physiques agrave raison de leur origine de leur sexe de leur situation de famille de leur grossesse de leur apparence physique de leur patronyme de leur lieu de reacutesidence de leur eacutetat de santeacute de leur handicap de leurs caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de leurs mœurs de leur orientation ou identiteacute sexuelle de leur acircge de leurs opinions politiques de leurs activiteacutes syndicales de leur appartenance ou de leur non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une race ou une religion deacutetermineacutee

article 225-2 La discrimination deacutefinie aux articles 225-1 et 225-1-1 commise agrave lrsquoeacutegard drsquoune personne physique ou morale est punie de trois ans drsquoemprisonnement et de 45 000 euros drsquoamende lorsqursquoelle consiste 3deg Agrave refuser drsquoembaucher agrave sanctionner ou agrave licencier une personne 5deg Agrave subordonner une offre drsquoemploi une demande de stage ou une peacuteriode de formation en entreprise agrave une condition fondeacutee sur lrsquoun des eacuteleacutements viseacutes agrave lrsquoarticle 225-1 ou preacutevue agrave lrsquoarticle 225-1-1

article 225-3 Les dispositions de lrsquoarticle preacuteceacutedent ne sont pas appli-cables 1deg Aux discriminations fondeacutees sur lrsquoeacutetat de santeacute lors-qursquoelles consistent en des opeacuterations ayant pour objet la preacutevention et la couverture du risque deacutecegraves des risques portant atteinte agrave lrsquointeacutegriteacute physique de la personne ou des risques drsquoincapaciteacute de travail ou drsquoinvaliditeacute 2deg Aux discriminations fondeacutees sur lrsquoeacutetat de santeacute ou le handicap lorsqursquoelles consistent en un refus drsquoembauche ou un licenciement fondeacute sur lrsquoinaptitude meacutedicalement constateacutee soit dans le cadre du titre IV du livre II du Code du travail soit dans le cadre des lois portant dispositions statutaires relatives agrave la fonction publique

Code civil Respect de la vie priveacutee

article 9 Chacun a droit au respect de sa vie priveacutee

Code du travail Interdiction des discriminations dans lrsquoemploi

article l1132-1Aucune personne ne peut ecirctre eacutecarteacutee drsquoune proceacutedure de recrutement ou de lrsquoaccegraves agrave un stage ou agrave une peacuteriode de formation en entreprise aucun salarieacute ne peut ecirctre sanctionneacute licencieacute ou faire lrsquoobjet drsquoune mesure discri-minatoire directe ou indirecte telle que deacutefinie agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations notam-ment en matiegravere de reacutemuneacuteration au sens de lrsquoarticle L3221-3 de mesures drsquointeacuteressement ou de distribution drsquoactions de formation de reclassement drsquoaffectation de qualification de classification de promotion profes-sionnelle de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine de son sexe de ses mœurs de son orientation ou identiteacute sexuelle de son acircge de sa situation de famille ou de sa grossesse de ses carac-teacuteristiques geacuteneacutetiques de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation ou une race de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales ou mutualistes de ses convictions religieuses de son apparence physique de son nom de famille de son lieu de reacutesidence ou en raison de son eacutetat de santeacute ou de son handicap

Obligation drsquoameacutenagement raisonnable permettant le maintien dans lrsquoemploi

article 6 sexies de la loi ndeg 83-634 du 13 juillet 1983 dite le pors Afin de garantir le respect du principe drsquoeacutegaliteacute de traitement agrave lrsquoeacutegard des travailleurs handicapeacutes les employeurs viseacutes agrave lrsquoarticle 2 prennent en fonction des besoins dans une situation concregravete les mesures appro-prieacutees pour permettre aux travailleurs mentionneacutes aux 1deg 2deg 3deg 4deg 9deg 10deg et 11deg de lrsquoarticle L323-3 du Code du travail drsquoacceacuteder agrave un emploi ou de conserver un emploi correspondant agrave leur qualification de lrsquoexercer et drsquoy progresser ou pour qursquoune formation adapteacutee agrave leurs besoins leur soit dispenseacutee sous reacuteserve que les charges conseacutecutives agrave la mise en œuvre de ces mesures ne soient pas disproportionneacutees notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les deacutepenses supporteacutees agrave ce titre par lrsquoemployeur

article l5213-6 du code du travailAfin de garantir le respect du principe drsquoeacutegaliteacute de traite-ment agrave lrsquoeacutegard des travailleurs handicapeacutes lrsquoemployeur prend en fonction des besoins dans une situation concregravete les mesures approprieacutees pour permettre aux travailleurs mentionneacutes aux 1deg agrave 4deg et 9deg agrave 11deg de lrsquoar-ticle L5212-13 drsquoacceacuteder agrave un emploi ou de conserver un emploi correspondant agrave leur qualification de lrsquoexercer ou drsquoy progresser ou pour qursquoune formation adapteacutee agrave leurs besoins leur soit dispenseacuteeCes mesures sont prises sous reacuteserve que les charges conseacutecutives agrave leur mise en œuvre ne soient pas dis-proportionneacutees compte tenu de lrsquoaide preacutevue agrave lrsquoarticle L5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les deacutepenses supporteacutees agrave ce titre par lrsquoemployeurLe refus de prendre des mesures au sens du premier ali-neacutea peut ecirctre constitutif drsquoune discrimination au sens de lrsquoarticle L1133-3

DROIT APPLICABLE

12 13PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Le VIH et ses conseacutequences sur la vie des personnes concerneacutees ne sauraient affec-ter a priori lrsquoaptitude agrave exercer la profession de magistrat Exclure les PVVIH de maniegravere geacuteneacuterale apparaicirct disproportionneacute et injustifieacute au regard de lrsquoactiviteacute en cause Lrsquoinfection est aujourdrsquohui laquo controcircleacutee raquo chez la plupart drsquoentre elles et en particulier chez celles contamineacutees apregraves 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies Cette condition anteacuterieure agrave lrsquoapparition du virus preacutevue par une ordonnance de 1958 pour drsquoautres pathologies fait subsister une exigence anachronique discriminante et stigmatisante Forte de ces constats AIDES interpelle donc le directeur de lrsquoENM la direction des ser-vices judiciaires le ministegravere de la Santeacute et la garde des Sceaux Dans un courrier en date de 11 feacutevrier 2014 cette derniegravere indique partager notre ana-lyse sur cette discrimination anachronique Elle propose de modifier en conseacutequence lrsquoarticle 16-5deg de lrsquoordonnance statutaire des magistrats afin que les conditions drsquoap-titude physique rejoignent celles applicables agrave lrsquoensemble de la fonction publique Les conditions seraient donc similaires agrave celles exigeacutees pour des concours comparables et en particulier celles de lrsquoEacutecole nationale drsquoadministration Elle entend proceacuteder agrave cette modification dans une prochaine loi organique relative au statut de la magistratureAu moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport cette modification nrsquoest toujours pas opeacutereacutee Elle est cependant bien preacutevue par lrsquoarticle 4 du projet de loi organique relatif agrave lrsquoindeacutepen-dance et lrsquoimpartialiteacute des magistrats et agrave lrsquoouverture de la magistrature sur la socieacuteteacute deacuteposeacute par Christiane Taubira le 31 juillet 2015 au Parlement laquo La condition drsquoaptitude physique est eacutegalement modifieacutee pour lrsquoaligner sur celle preacutevue pour les concours de la fonction publique raquo Lrsquoeacutetude drsquoimpact de lrsquoarticle constate lrsquoobsolescence de la condition drsquoaptitude physique en preacutecisant que laquo Cette reacutedaction date de la version initiale de lrsquoordonnance statutaire Agrave la diffeacuterence des dispositions similaires du statut geacuteneacuteral des fonctionnaires preacuteciteacute cet article nrsquoa pas eacuteteacute modifieacute depuis 1958 raquo De mecircme que AIDES puis la ministre dans sa reacuteponse lrsquoeacutetude drsquoimpact reconnaicirct lrsquoinconstitutionnaliteacute de cette conditionLe projet de loi preacutevoit que les mots laquo et ecirctre reconnus indemnes ou deacutefinitive-ment gueacuteris de toute affection donnant droit agrave un congeacute de longue dureacutee raquo soient remplaceacutes par les mots laquo compte tenu des possibiliteacutes de compensation du handi-cap raquo Le statut de magistrat srsquoalignerait en ce sens sur le statut applicable pour la fonction publiqueAgrave lrsquooccasion de lrsquoexamen de ce texte programmeacute agrave lrsquoautomne 2015 AIDES sera vigi-lante agrave ce que cette modification aboutisse

21 LrsquoEacuteCOLE NATIONALE DU CIRqUE UNE EXCLUSION VITE ABROGEacuteE

En mai 2014 une infirmiegravere scolaire constate sur le dossier de candidature agrave lrsquoEacutecole nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois (ENACR) une demande surprenante lrsquoeacutecole exige une seacuterologie VIH Une telle demande laisse preacutesumer que les PVVIH ne seraient pas admises agrave cette formation et agrave cette activiteacute Lrsquoinfirmiegravere prend contact avec AIDES afin de se renseigner sur le bien-fondeacute et la leacutegaliteacute de cette demande Lrsquoinfirmiegravere scolaire interpelle aussi le journal Causette qui rend compte de lrsquoaffaire dans un article publieacute en juin 2014 et rapporte des eacutechanges avec des responsables de lrsquoENACR pour le moins confus et marqueacutes par des repreacutesentations sur les modes de transmission et les pratiques des eacutetudiants Lrsquoeacutecole reconnaicirct cependant une mala-dresse laquo le test ne sera plus obligatoire mais fortement conseilleacute raquo 2 Causette comme AIDES sont drsquoaccord sur un point cela ne change rien ou si peuhellip Une telle eacutevolution induit une suspicion pour les candidats qui ne preacutesenteraient pas ce test seacuterologique et maintient le preacutesupposeacute qursquoecirctre porteur du VIH nrsquoest pas compatible avec les activiteacutes circassiennesAIDES interpelle alors le ministegravere de la Jeunesse et des Sports lrsquoOrdre des meacutedecins lrsquoinspection acadeacutemique de Seine-Saint-Denis et bien sucircr lrsquoENACR et son meacutedecin reacutefeacuterent Les courriers deacutenoncent laquo la suspicion induite agrave lrsquoeacutegard des candidats seacutero-positifs raquo qui laquo sous-entend qursquoil y aurait des risques reacuteels de contamination dans les activiteacutes circassiennes ce qui constitue une discrimination aveacutereacutee en raison de lrsquoeacutetat de santeacute raquo Se refusant agrave deacutenoncer sans proposer de solution cette lettre invite agrave une ren-contre des diffeacuterent-e-s acteurs-trices concerneacute-e-s afin de faire eacutevoluer les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoENACRCette rencontre nrsquoaura pas lieu Le 26 juin le matin mecircme de la reacuteception du courrier envoyeacute par AIDES le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem alors ministre de la Jeunesse et des Sports prend contact avec AIDES pour demander des renseignements compleacute-mentaires Le mecircme jour lrsquoeacutecole annonce la fin de cette condition pour candidater consideacuterant que la demande est disproportionneacutee et injustifieacutee Lrsquoeacutecole regrette de nrsquoavoir pu srsquoexpliquer de vive voix Constateacutee en mai 2014 avec un retrait de la condition discriminatoire en juin de la mecircme anneacutee agrave peine un mois plus tard cette situation a eacuteteacute geacutereacutee avec une tregraves grande reacuteactiviteacute que AIDES tient agrave saluer

22 MAGISTRATURE UNE INTERDICTION DEPUIShellip 1958

Dans le cadre de ses actions de preacutevention et de soutien aupregraves des PVVIH des mili-tant-e-s de AIDES ont eacuteteacute interrogeacute-e-s en 2013 par une personne craignant de ne pouvoir candidater agrave lrsquoEacutecole nationale de la magistrature (ENM) du fait de son statut seacuterologique Une demande similaire a eacuteteacute adresseacutee au siegravege de AIDES en feacutevrier 2015 Apregraves veacuterification il srsquoavegravere en effet que lrsquoarticle 16 de lrsquoordonnance ndeg 58-1270 du 22 deacutecembre 1958 sur le statut de magistrat exige de laquo remplir les conditions drsquoaptitu-des physiques neacutecessaires agrave lrsquoexercice des fonctions et ecirctre reconnu indemne ou deacutefi-nitivement gueacuteri de toute affection donnant droit agrave un congeacute de longue dureacutee (CLD) raquo Lrsquoaptitude physique requise pour assurer les fonctions de magistrat conditionne eacutegale-ment lrsquoentreacutee agrave lrsquoENM Or le laquo deacuteficit immunitaire grave et acquis raquo donne droit au CLD les PVVIH sont donc toutes exclues de la magistratureSelon AIDES cette situation constitue une discrimination agrave lrsquoemploi agrave lrsquoencontre des PVVIH prohibeacutee par le droit franccedilais et en contradiction directe avec lrsquoalineacutea 18 du Preacuteambule de la constitution de 1946 sur lrsquoaccegraves de tous et toutes les citoyen-ne-s agrave la fonction publique

Comment avez-vous eu connaissance de la dispo-sition leacutegale excluant la candidature des personnes vivant avec le VIH de lrsquoeacutecole nationale de la magistra-ture (ENM) Crsquoest en preacuteparant mon dossier drsquoaccegraves agrave lrsquoENM que jrsquoai pris connaissance de la reacutefeacuterence agrave cette disposition du statut [de magistrat] alors que mon projet eacutetait tregraves avanceacute et que la preacutesentation agrave ce concours eacutetait deacuteter-mineacutee comme eacutetant mon choix professionnel deacutefinitif

Comment avez-vous perccedilu cette condition par rapport agrave votre situation personnelle Jrsquoai eacuteteacute sideacutereacute par cette disposition et jrsquoai chercheacute agrave savoir agrave quelle date elle avait eacuteteacute prise Le fait que les termes employeacutes eacutemanent drsquoun temps ougrave la question du VIH nrsquoexistait pas mrsquoa laisseacute perplexe Je me suis senti humilieacute et jeteacute au ban de la socieacuteteacute

Quel impact cette information a pu avoir sur vos choix drsquoeacutetudes et drsquoorientations professionnelles Depuis un an eacutepoque agrave laquelle jrsquoai pris connais-sance de cette situation je suis totalement deacutesorienteacute et

jrsquoai suspendu toute deacutemarche En effet mecircme si la Chan-cellerie dit que cette discrimination nrsquoa plus cours nous nrsquoavons aucune assurance de cela Je nrsquoai pas voulu ris-quer drsquoecirctre en porte agrave faux avec drsquoun cocircteacute une reacuteussite agrave lrsquoentreacutee et de lrsquoautre un rejet pour inaptitude meacutedicale dans de telles conditions que je nrsquoaurais pu expliquer agrave mon entourage

Si la loi organique sur le statut de magistrat eacutetait effec-tivement voteacutee mettant fin agrave lrsquoexclusion des personnes vivant avec le VIH comptez-vous passer le concours de lrsquoENM Je nrsquoattends que cela Je ne pense qursquoagrave cela et le temps me paraicirct bien long Mes projets actuellement suspendus seraient immeacutediatement reacuteactiveacutes Le seul lien drsquoespoir qui me tient a eacuteteacute la lecture sur votre site de lrsquoexistence de votre deacutemarche aupregraves de Madame Taubira dans le cadre drsquoun cas similaire au mien ainsi que la formulation des promesses de la garde des Sceaux agrave votre association Jrsquoai peur qursquoelle quitte la Chancelle-rie avant de reacutealiser sa promesse

Teacutemoignage

2 Dr K-POTE laquo Aux Arts du cirque on jongle avec le sida et le droit raquo Causette 4 juin 2014

14 15PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2FormATIoNS ET EmPLoIS   

EN FINIr AVEc LES INTErdITS mdash

Selon lrsquoarticle 28 de lrsquoinstruction de 2003 relatif aux cotations des pathologies dans lrsquoarmeacutee vivre avec le VIH en bonne santeacute et sans traitement serait moins laquo grave raquo au regard de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute que vivre avec le VIH en bonne santeacute et avec traitement

23 LrsquoARMEacuteE UN BASTION SANS VIh

Lrsquointerdiction drsquointeacutegrer de nombreux corps de lrsquoarmeacutee par des PVVIH a eacuteteacute identifieacutee en juillet 2015 apregraves qursquoune personne ait contacteacute lrsquoassociation AIDES alors qursquoelle srsquoeacutetait vu refuser lrsquoaccegraves agrave la marine nationale Lrsquoarticle L 4132-1 du Code de la deacutefense dispose que laquo Nul ne peut ecirctre militaire (hellip) 3deg Srsquoil ne preacutesente les aptitudes exigeacutees pour lrsquoexercice de la fonction raquo Lrsquoaptitude est eacuteva-lueacutee selon lrsquoinstruction ndeg 2100DEFDCSSAASTAME du 1er octobre 2003 relative agrave la deacutetermination de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir Cette instruction fixe des regravegles unifieacutees visant agrave eacutevaluer le profil meacutedical du candidat

231 Eacutevaluation de lrsquoaptitude agrave servir quelques repegraveresLe systegraveme deacutefini par lrsquoinstruction de 2003 relative agrave la deacutetermination de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir se base sur sept profils deacutetailleacutes nommeacutes chacun par une lettre de lrsquoacronyme Sigycop Pour chacun de ses profils des coefficients sont attribueacutes et visent agrave noter lrsquoeacutetat de santeacute la graviteacute de potentielles infections et des seacutequelles (tableau 1)

Le coefficient 0 correspond agrave une eacutevaluation meacutedicale initiale par un meacutedecin geacuteneacutera-liste il nrsquoest que transitoire Les coefficients de 1 agrave 6 eacutetablissent une eacutechelle progres-sive 1 correspondant agrave lrsquoaptitude pour laquo tous les emplois des armeacutees mecircme les plus peacutenibles raquo 6 correspondant agrave lrsquoinaptitude totale

Lrsquoarticle 10 de lrsquoinstruction explique que le profil meacutedical est eacutetabli agrave lrsquoaide du tableau 2 sur lequel les coefficients doivent ecirctre associeacutes par le meacutedecin habiliteacute au sigle corres-pondant Ce profil est ensuite compareacute aux profils drsquoaptitudes minimales deacutefinis pour chaque corps de lrsquoarmeacutee par diffeacuterents textes regraveglementaires afin de deacuteterminer si le candidat est eacuteligibleAinsi pour la marine nationale dans le cadre de la situation pour laquelle AIDES a eacuteteacute saisie lrsquoarticle 4 de lrsquoarrecircteacute du 21 mai 2012 fixant les conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants et pour la sous-cription drsquoun contrat au titre de la marine nationale deacutefinit le profil meacutedical deacutetailleacute dans le tableau 2

232 VIh et aptitude agrave servir une eacutevaluation drsquoun autre tempsOutre ce cadre meacutethodologique sur lrsquoaptitude meacutedicale lrsquoinstruction de 2003 attribue pour un nombre important de pathologies des notes pour tout ou partie des lettres de lrsquoacronyme La cotation concernant le VIH est deacutefinie agrave lrsquoarticle 28 de lrsquoinstruc-tion (tableau 3)

Cet article appelle de nombreux commentaires Drsquoabord le VIH nrsquoest ici consideacutereacute qursquoau regard de lrsquolaquo eacutetat geacuteneacuteral raquo de la personne sans conseacutequence sur le reste du profil meacutedi-cal Cet eacutetat geacuteneacuteral est associeacute agrave des coefficients allant de 3 agrave 5 Lrsquoarticle 8 de lrsquoinstruc-tion preacutecise lrsquoimplication de ces coefficients par rapport agrave la lettre G Coefficient 3 I 3 et G 3 entraicircnent une restriction appreacuteciable de lrsquoentraicircnement notamment lrsquoentraicircnement physique au combat et limite lrsquoeacuteventail des emplois en particulier ceux de combattants au contact direct avec lrsquoennemi Coefficient 4 Attribueacute agrave lrsquoun des sigles S I ou G ce coefficient exempte de tout entraicirc-nement physique au combat Il limite lrsquoaffectation des sujets ainsi classeacutes agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Coefficient 5 Attribueacute agrave lrsquoun des sigles S I G ou O il reacuteduit lrsquoaptitude agrave des emplois seacutedentaires eacuteventuellement adapteacutes

Cet article est eacutegalement surprenant au regard des distinctions qursquoil fait des diffeacuterentes phases de lrsquoinfection agrave VIH et de la gradation appliqueacutee Ainsi vivre avec le VIH en bonne santeacute et sans traitement serait moins laquo grave raquo au regard de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute que vivre avec le VIH en bonne santeacute et avec traitement Cette distinction prend lrsquoexact contre-pied des donneacutees de la science et des recommandations meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles

En effet les traitements actuels permettent de reacuteduire consideacuterablement la charge virale dans le sang au point qursquoelle devient indeacutetectable Dans ces conditions les per-sonnes sont non contaminantes Ils permettent aussi de vivre en bonne santeacute sur du long terme et dans des conditions similaires aux personnes seacuteroneacutegatives Ainsi les PVVIH en France se voient proposer des traitements degraves qursquoelles sont deacutepisteacutees et une tregraves large majoriteacute les accepte Certes il est possible de vivre avec le VIH sans traite-ment et sans laquo symptocircmes raquo mais agrave de rares exceptions pregraves cette situation ne peut pas durer et en tout eacutetat de cause la charge virale reste deacutetectable et les personnes restent contaminantes

laquo Un traitement curatif ou prophylactique au long cours ne saurait constituer agrave lui seul un motif drsquoeacutelimination que dans la mesure ougrave il entraicircnerait un absenteacuteisme iteacuteratif etou prolongeacute raquo et alors que ce nrsquoest pas le cas pour les traitements actuels du VIH lrsquoexclusion de nombreux postes des personnes seacuteropositives sur la base de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir nrsquoest pas proportionneacutee Elle constitue en ce sens une discrimination condamnable au regard des textes internationaux ratifieacutes par la France du Preacuteambule de la constitution de 1946 et du droit interne

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010482 1010485 1010483 1010483 1010481

Tableau 2 ndash Profil meacutedical Sigycop applicable aux officiers navigants de la marine nationale

Le Sigycop correspond au profil meacutedical dun individu eacutetabli par un meacutedecin militaire lui permettant de deacuteterminer son aptitude agrave inteacutegrer larmeacutee franccedilaise

Tableau 3 ndash Article 28 de lrsquoinstruction de 2003 Infection par le VIH

16 17

Tableau 1 ndash Reacutefeacuterentiel Sigycop 2003

sigle coefficient profil meacutedical concerneacute

S 1 agrave 1010486 Ceinture scapulaire et membres supeacuterieurs

I 1 agrave 1010486 Ceinture pelvienne et membres infeacuterieurs

G 1 agrave 1010486 Eacutetat geacuteneacuteral

Y 1 agrave 1010486 Yeux et vision (sens chromatique exclu)

C 1 agrave 1010486 Sens chromatique

O 1 agrave 1010486 Oreilles et audition

P 1010480 agrave 1010485 Psychisme

a) Infection agrave VIH asymptomatique sans traitement avec une immuniteacute cellulaire satisfaisante selon avis speacutecialiseacute 1010483 G

b) Infection agrave VIH asymptomatique sans traitement avec une immuniteacute cellulaire perturbeacutee (infeacuterieur agrave 500 CD4mm3) 1010483 G

c) Infection agrave VIH asymptomatique traiteacutee 4 G

d) Infection agrave VIH symptomatique 1010485 G

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Ainsi le systegraveme de notation retenu par lrsquoarmeacutee surprend en ce qursquoil se fonde sur des repreacutesentations invalideacutees depuis plusieurs anneacutees et contraires aux recommanda-tions meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles Au regard de la distinction opeacutereacutee ici sur la prise ou non de traitements les coefficients donneacutes en conseacutequence nrsquoont pas de sens Plus globalement lrsquoensemble du reacutefeacuterentiel proposeacute est largement inadapteacute et principalement au regard des eacuteleacutements sur lesquels il se base Il serait plus pertinent drsquoappreacutecier lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de la personne au regard de lrsquoeacutevolution de sa charge virale dans le temps et son eacutetat de santeacute

233 Un couperet qui concerne toutes les forces armeacutees et les formations affeacuterentesLes conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants de la marine nationale et pour la souscription drsquoun contrat au titre de la marine nationale exigent donc a minima un eacutetat geacuteneacuteral de santeacute corres-pondant agrave G 2 La seacuteropositiviteacute au VIH impliquant un coefficient minimum de 3 exclut donc de fait lrsquoensemble des candidat-e-s seacuteropositifs-ves Cette exclusion va cependant beaucoup plus loin que ce seul corps drsquoarmeacutee sont eacutega-lement concerneacutees lrsquoarmeacutee de terre et lrsquoarmeacutee de lrsquoair Alors qursquoen France plus de 79 des PVVIH sont sous traitement crsquoest une tregraves large majoriteacute drsquoentre elles qui se voient attribuer le coefficient G 4 et donc lrsquoinaptitude deacuteclareacutee pour tout entraicircnement physique au combat lrsquoaffectation srsquoen trouvant limiteacutee agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Cette note exclue aussi les personnes drsquoun nombre consideacuterable de formations mili-taires dont lrsquoEacutecole polytechnique comme illustreacute par la circulaire ndeg 273424DEFRH-ATFFSSLM relative agrave lrsquoadmission en classes preacuteparatoires agrave lrsquoenseignement supeacuterieur et en classes preacuteparatoires aux grandes eacutecoles des lyceacutees de la Deacutefense rele-vant de lrsquoarmeacutee de terre pour lrsquoanneacutee scolaire 2015-2016 Le Sigycop des eacutecoles militaires correspond au Sigycop minimal pour inteacutegrer les diffeacute-rents corps (tableau 4)

eacutecoles S I G Y C O P textes de reacutefeacuterence

Eacutecole polytechnique 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483 2

Instruction ndeg 13074 DEF DPAG du 27 deacutecembre 1982 modifieacutee (BOC p 5317 BOEM 620-4141 81421)

Eacutecole speacuteciale militaire de Saint-Cyr (scientifique litteacuteraire sciences eacuteconomiques et sociales)

2 2 2 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 23 deacutecembre 2009 (JO ndeg 22 du 27 janvier 2010 texte ndeg 12 BOC 7 2010 BOEM 311-022 77011)Instruction ndeg 812DEFRH-ATPRHLEG du 15 septembre 2014 (BOC ndeg 50 du 10 octobre 2014 texte 18 BOEM 31221 620-4121)

Eacutecole navale 2 2 2 5 1010483 20

ou 1010481

Arrecircteacute du 21 mai 2012 (JO ndeg 136 du 13 juin 2012 texte ndeg 20 signaleacute au BOC 362012 BOEM 3212)

Instruction ndeg 102DEFEMMRHPRH du 5 deacutecembre 2011 modifieacute (BOC ndeg 5 du 27 janvier 2012 texte 10 BOEM 32615 620-4162)

Eacutecole de lrsquoair 2 2 2 5 2 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 27 juillet 2011 modifieacute (JO ndeg 184 du 10 aoucirct 2011 texte ndeg 1 signaleacute au BOC 442011 BOEM 76812)

Eacutecole nationale supeacuterieure de techniques avanceacutees 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483

0 ou 1010481

Arrecircteacute du 18 janvier 2011 modifieacute (JO ndeg122 du 26 mai 2011 texte ndeg 4 signaleacute au BOC 292011 BOEM 8106)

Eacutecole nationale supeacuterieure des ingeacutenieurs de lrsquoinfrastructure militaire

1010483 1010483 1010483 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 26 avril 2012 (JO ndeg 108 du 8 mai 2012 texte ndeg 30 signaleacute au BOC 332012 BOEM 50833)

Tableau 4 ndash Sigycop minimal requis pour les eacutecoles militaires 4

Le Code de lrsquoaviation civile est le seul code dont lrsquoassocia-tion ait connaissance qui exclut directement les PVVIH laquo La positiviteacute au VIH est cause drsquoinaptitude raquo Celle-ci vaut pour les pilotes ou les controcircleurs aeacuteriens Cepen-dant cette inaptitude ne se veut pas systeacutematique ce code preacutevoit une possible reconnaissance de lrsquoaptitude au cas par cas sous certaines conditions Lrsquoarrecircteacute du 16 mai 2008 relatif aux critegraveres et condi-tions de deacutelivrance des attestations drsquoaptitude meacutedicale neacutecessaires pour assurer les services du controcircle de la circulation aeacuterienne preacutecise ainsi qursquolaquo un candidat preacute-sentant une infection VIH comportant des symptocircmes drsquoaffection eacutevolutive telle que le sida une lymphadeacuteno-pathie chronique lieacutee au VIH ou une atteinte du systegraveme nerveux central doit ecirctre deacuteclareacute inapte Toutefois la deacuteclaration drsquoaptitude peut ecirctre envisageacutee au renouvel-lement et agrave la revalidation pour les individus preacutesentant une reacuteaction positive asymptomatique pour le VIH raquo De mecircme pour les pilotes lrsquoaptitude peut ecirctre accordeacutee sous certaines conditions et sous reacuteserve de controcircles freacutequents laquo la survenue drsquoun sida ou du complexe appa-renteacute au sida [devient alors] cause drsquoinaptitude raquo

Enfin concernant le personnel navigant lrsquoarrecircteacute de 2007 relatif aux conditions drsquoaptitude physique preacutecise que le laquo personnel navigant commercial doit ecirctre exempt de toute affection chronique eacutevolutive raquo avant de compleacute-ter laquo Une aptitude par deacuterogation peut ecirctre demandeacutee au conseil meacutedical de lrsquoaeacuteronautique civile qui juge en fonction des reacutesultats des examens cliniques et biolo-giques de lrsquointeacuteresseacute montrant un eacutetat de lrsquoaffection compatible avec le service aeacuterien et le cas eacutecheacuteant une bonne toleacuterance au traitement raquoLes textes de lrsquoaviation civile se distinguent en ce sens que srsquoil exclut a priori le critegravere drsquoaptitude ne reacuteside pas dans la seacuteropositiviteacute en tant que telle mais sur lrsquoeacutetat de santeacute geacuteneacuteral Ils reacutesultent il faut le souligner de mobi-lisations et contentieux 3 agrave lrsquoencontre des dispositions preacuteceacutedemment en vigueur en particulier lrsquoarrecircteacute minis-teacuteriel du 5 juillet 1984 qui preacutevoyait que laquo les affections eacutevolutives susceptibles de conduire agrave une inaptitude ulteacuterieure sont eacuteliminatoires raquo

3 Notamment la Deacutelibeacuteration de la Halde du 6 feacutevrier 2006 et lrsquoarrecirct du Conseil drsquoEacutetat du 28 juin 2006 4 httpwwwformationterredefensegouvfrPJDocumentsDecouverteODFLyceesDocuments20141203_DEF_RH-AT_F_FS_SLM_Circulaire_273424_admission_CPES_CPGEpdf

Lrsquoaviation civile lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute plutocirct que la seacuteropositiviteacute

18 19PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Les discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et international Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacute

Cette mecircme exclusion des PVVIH existe aussi dans la gendarmerie nationale Sachant que dans la gendarmerie nationale lrsquoinaptitude est prononceacutee pour les candidats seacutero-positifs en qualiteacute de musicien choriste ou agent technique et administratif le carac-tegravere discriminatoire et disproportionneacute des classifications pour inaptitude est illustreacute sans que drsquoautres commentaires soient utiles (tableau 5)Dans le cadre de la reacutedaction de ce rapport AIDES nrsquoa pas pu encore recenser de maniegravere exhaustive les corps desquels les PVVIH seraient exclues agrave raison de leur eacutetat de santeacute La question que AIDES pose en revanche est celle des postes et corps ouverts aux personnes seacuteropositives la liste est certainement plus limiteacuteehellip Lrsquoassociation sou-haite pour lrsquoheure mettre en lumiegravere une exclusion une discrimination structurelle touchant agrave toutes les forces armeacutees et lieacutee agrave un reacutefeacuterentiel inadapteacute anachronique eacutechappant aux donneacutees scientifiques et meacutedicales contemporaines

Remarque en 2015 les forces armeacutees comptent 207 689 postes (120 031 pour lrsquoarmeacutee de terre 38 874 pour la marine nationale 48 784 pour lrsquoarmeacutee de lrsquoair) 5 Lrsquoeffectif de la gendarmerie nationale srsquoeacutelegraveve agrave 98 115 personnes 6 la police nationale agrave 144 858 7 et les sapeurs-pompiers agrave 244 900 8 Une part importante de ces postes est fermeacutee aux PVVIH

234 Police nationale sapeurs-pompiers une exclusion qui deacutepasse largement le champ de lrsquoarmeacutee

Srsquoil a une vocation militaire le profil meacutedical Sigycop srsquoapplique et creacutee des exclusions systeacutematiques de PVVIH dans de nombreux autres emplois publics Ainsi lrsquoexclusion constateacutee pour lrsquoarmeacutee sur la base des coefficients G 3 et G 4 se retrouve dans drsquoautres secteurs notamment la police nationale En effet depuis une tregraves reacutecente modification de lrsquoarrecircteacute du 2 aoucirct 2010 relatif aux conditions drsquoaptitudes physiques particuliegraveres pour lrsquoaccegraves aux emplois de certains corps de fonctionnaires par un arrecircteacute du 10 juin 2015 le profil G 2 exclut lrsquoensemble des PVVIH de la police nationale (tableau 6)

De mecircme lrsquoarrecircteacute du 6 mai 2000 fixant les conditions drsquoaptitude meacutedicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions drsquoexercice de la meacutede-cine professionnelle et preacuteventive au sein des services deacutepartementaux drsquoincendie et de secours deacutefinit diffeacuterents profils Les PVVIH sous traitement ne sont eacuteligibles qursquoau profil E qui correspond agrave une activiteacute non opeacuterationnelle voire un reclassement dans un autre corps cadre drsquoemplois ou emploi Ces discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et interna-tional Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacutePour chaque cas ayant eacuteteacute rapporteacute agrave AIDES lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour mieux documenter les situations des personnes ainsi que les implications collectives Lrsquoas-sociation a systeacutematiquement alerteacute les autoriteacutes concerneacutees afin de travailler avec elles agrave une eacutevolution des textes AIDES a aussi saisi le Deacutefenseur des droits agrave lrsquoautomne 2015 dans le cadre de sa mission constitutionnelle de laquo veille au respect des droits et liberteacutes raquoAIDES ne preacutetend pas avoir identifieacute toutes les exclusions seacuterophobes existantes Si des personnes ont connaissance de situations similaires elles sont inviteacutees agrave contacter les associations qui les aideront agrave saisir le Deacutefenseur des droits

corps statut drsquoappartenance

ou formation concerneacuteeprofil meacutedical requis

Officier de gendarmerie (OG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale candidat au cycle de formation donnant accegraves au grade drsquoaspirant (AGIV)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Officier du corps technique et administratif de la gendarmerie nationale (OCTAGN)

S I G Y C O P

1010483 1010483 1010483 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie (SOG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave exercer les attributions drsquoagent de police judiciaire adjoint (GAV APJA)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Sous-officier du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (CSTAGN) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave occuper un emploi particulier (GAV EP)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie recruteacute pour servir en qualiteacute de musicien de lrsquoorchestre ou de choriste de la garde reacutepublicaine

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010483 1010485 1010484 10104820

ou 1010481

Tableau 5 ndash Sigycop minimal pour la gendarmerie nationale

5 Chiffres cleacutes de la Deacutefense eacutedition 2015 6 httpwwwgendarmerieinterieurgouvfrNotre-InstitutionNos-moyensEffectifs 7 httpwwwladocumentationfrancaisefrvarstoragerapports-publics134000185pdf 8 httpwwwpompiersfraccueilles-sapeurs--pompiersles-statistiques

20 21

Tableau 6 ndash Sigycop minimal requis pour les fonctionnaires actifs de la police nationale

S I G Y C O P

1010482 1010482 1010482 1010483 1010482 1010482 1010482

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2LE droIT Agrave LA SANTEacute   ET LE PrINcIPE   

drsquoEacutegALITEacute dE TrAITEmENT

Le droit agrave la protection de la santeacuteLa loi relative aux droits des personnes malades et agrave la qualiteacute du systegraveme de santeacute du 4 mars 2002 dite laquo loi Kouchner raquo reacuteaffirme degraves lrsquoexposeacute des motifs le droit agrave la pro-tection de la santeacute comme un droit agrave valeur constitutionnelle reconnu par lrsquoalineacutea 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 laquo La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les conditions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacute-rielle le repos et les loisirs raquo Ce droit a eacuteteacute consacreacute par plusieurs deacutecisions du Conseil constitutionnel (notamment CC 23 juillet 1999 ndeg 99-416) Le droit agrave la protection de la santeacute est eacutegalement garanti par des textes internationaux ratifieacutes par la France Il lrsquoest indirectement par lrsquoarticle 3 de la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales interdisant la tor-ture et les traitements inhumains ou deacutegradants et par lrsquoarticle 8 de ladite Convention proteacutegeant le droit agrave la vie priveacutee et familiale Ce droit est aussi proteacutegeacute directement par la Charte de lrsquoOrganisation mondiale de la Santeacute du 27 juillet 1946 laquo La possession du meilleur eacutetat de santeacute qursquoil est capable drsquoatteindre constitue lrsquoun des droits fondamen-taux de tout ecirctre humain quelles que soient sa race sa religion ses opinions politiques sa conduite eacuteconomique raquoSur ces bases lrsquoarticle 1 de la loi de 2002 introduit un droit agrave la protection de la santeacute en faveur de toute personne sans discrimination laquo La mise en œuvre de ce droit passe par le deacuteveloppement de la preacutevention lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins les plus approprieacutes agrave son eacutetat de santeacute la continuiteacute des soins la seacutecuriteacute sanitaire raquo

Extraits du Code de santeacute publique

article l1110-1 Le droit fondamental agrave la protection de la santeacute doit ecirctre mis en œuvre par tous moyens disponibles au beacuteneacutefice de toute personne Les professionnels les eacutetablissements et reacuteseaux de santeacute les organismes drsquoassurance maladie ou tous autres organismes par-ticipant agrave la preacutevention et aux soins et les autoriteacutes sanitaires contribuent avec les usagers agrave deacutevelopper la preacutevention garantir lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins neacutecessiteacutes par son eacutetat de santeacute et assurer la continuiteacute des soins et la meilleure seacutecu-riteacute sanitaire possible

article l1110-3 Aucune personne ne peut faire lrsquoobjet de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention ou aux soins

article l1110-5 Toute personne a compte tenu de son eacutetat de santeacute et de lrsquourgence des interventions que celui-ci requiert le droit de recevoir les soins les plus approprieacutes et de beacuteneacuteficier des theacuterapeutiques dont lrsquoefficaciteacute est reconnue et qui garantissent la meilleure seacutecuriteacute sanitaire au regard des connaissances meacutedicales aveacutereacutees Les actes de preacutevention drsquoin-vestigation ou de soins ne doivent pas en lrsquoeacutetat des connaissances meacutedicales lui faire courir de risques disproportionneacutes par rapport au beacuteneacutefice escompteacute

article l1411-1-1 Lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins des populations fragiliseacutees constitue un objectif prioritaire de la politique de santeacuteLes programmes de santeacute publique mis en œuvre par lrsquoEacutetat ainsi que par les collectiviteacutes territoriales et les organismes drsquoassurance maladie prennent en compte les difficulteacutes speacutecifiques des populations fragiliseacutees

25

DROIT APPLICABLE

rEFUS dE SoINS

Le droit agrave la santeacute et le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement bien que proteacutegeacutes par des textes agrave valeurs constitutionnelle et internationale peinent parfois agrave trouver une traduction effective Dans le champ du VIH sida et des heacutepatites virales les exemples sont leacutegions Sans preacutetendre agrave lrsquoexhaustiviteacute AIDES retient pour 2015 trois expressions drsquoatteintes agrave ces droits fondamentaux Drsquoabord des personnes seacuteropositives au VIH sont confronteacutees agrave des refus de soins en raison de leur statut seacuterologique Ensuite des personnes infecteacutees par le virus de lrsquoheacutepatite C sont eacutecarteacutees de lrsquoaccegraves aux nouveaux traitements innovants Enfin les personnes mineures ne peuvent acceacuteder agrave tous les moyens de preacutevention et de deacutepistage disponibles actuellement Ces sujets constituent les trois axes de ce chapitre

Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de comparer les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique

Bien que lrsquoaccegraves aux soins sans discrimination soit garanti par des dispositions leacutegales sans ambiguiumlteacute dans les faits des entraves existent Lrsquoexistence mecircme des refus de soins ne fait pas consensus la plupart des professionnel-le-s de santeacute tendant agrave nier ou au moins agrave minimiser le pheacutenomegravene que les personnes concerneacutees rapportent pourtant de maniegravere reacutecurrente Le deacuteficit drsquoeacutetudes officielles ne permet pas drsquoen objectiver la nature et lrsquoampleur En France seules quelques enquecirctes meneacutees par des associations et des institutions documentent ces pheacutenomegravenes mais essentiel-lement cibleacutees sur des motivations drsquoordre social Il srsquoagit drsquoeacutetudes concernant des beacuteneacuteficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) de la CMU compleacutementaire (CMU-C) de lrsquoaide meacutedicale drsquoEacutetat (AME) et de lrsquoaide agrave lrsquoacquisition drsquoune compleacute-mentaire santeacute (ACS) 11 Les discriminations dans le champ meacutedical agrave lrsquoencontre des PVVIH sont notamment documenteacutees par Sida Info Service qui a meneacute cinq enquecirctes agrave ce sujet et agrave travers les enquecirctes ANRS-VespaPourtant des cas reacutecurrents de refus de soins ou de discriminations sont rappor-teacutes par des PVVIH Ils concernent principalement lrsquoaccegraves agrave des soins dentaires ou gyneacutecologiques dans un contexte ougrave les mesures de preacutecaution standard drsquohygiegravene ont eacuteteacute maintes fois rappeleacutees par diverses instances publiques scientifiques et professionnellesAfin drsquoobjectiver ces refus trop souvent minimiseacutes AIDES a meneacute un testing en avril 2015 agrave lrsquooccasion de deacutebats autour du projet de loi de modernisation de notre sys-tegraveme de santeacute susceptible de renforcer les moyens de lutte contre les refus de soins Cette enquecircte vise agrave saisir lrsquoampleur et documenter les refus de soins laquo sur le vif raquo agrave lrsquoencontre des PVVIH

11 MEacuteThODOLOGIE

111 qursquoest-ce qursquoun testing Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de com-parer toutes choses eacutegales par ailleurs les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique Si lrsquoune des personnes est traiteacutee diffeacuteremment de lrsquoautre alors cette diffeacuterence est imputeacutee agrave lrsquounique caracteacuteristique qui les distingue

112 Le protocole drsquoenquecircteAfin de parvenir agrave eacutetablir lrsquoexistence de traitements discriminatoires dans lrsquoaccegraves aux soins dentaires ou gyneacutecologiques des PVVIH AIDES a recouru agrave une opeacuteration de tes-ting srsquoappuyant sur lrsquoobservation de prises de rendez-vous teacuteleacutephoniques

Les testeur-se-sLes appels teacuteleacutephoniques sont reacutealiseacutes par 44 testeur-se-s tous militant-e-s de AIDES Chaque testeur-se doit jouer un personnage en srsquoappuyant sur une identiteacute fictive qui se reacutepartit selon quatre profils

Hommefemme Seacuteropositif-ve au VIH ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH

Les diffeacuterentes lois sur la santeacute rarement remises en causes se sont depuis inscrites dans la continuiteacute Elles positionnent le droit agrave la santeacute pour tous et toutes comme une finaliteacute des politiques de santeacute jusqursquoau dernier projet de loi preacutesenteacute par Marisol Touraine ministre des Affaires sociales de la Santeacute et des Droits des femmes qui rap-pelle dans la version initiale de lrsquoarticle 1er laquo Elle [la politique de santeacute] tend agrave assurer la promotion de conditions de vie favorables agrave la santeacute lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute de la population la reacuteduction des ineacutegaliteacutes sociales et territoriales de santeacute et agrave garantir la meilleure seacutecuriteacute sanitaire possible et lrsquoaccegraves effectif de la population agrave la preacutevention et aux soins raquo 9

Les dispositions speacutecifiques aux refus de soinsLe droit agrave la santeacute est un eacuteleacutement fondamental des droits de lrsquohomme Si les textes qui rappellent ce principe sont nombreux il reste que ce droit nrsquoest pas acquis pour tous et toutes en particulier pour les personnes en situation de vulneacuterabiliteacute Au-delagrave des dif-ficulteacutes drsquoaccegraves aux soins les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) peuvent ecirctre expo-seacutees agrave des pratiques illeacutegales de refus de soins qui portent atteinte au droit agrave la santeacute Mecircme si les refus de soins ne sont pas geacuteneacuteraliseacutes les reacutesultats de nombreux testing montrent leur reacutecurrence Le droit actuel permet-il de lutter efficacement contre ces pratiques illeacutegales les reacuteponses juridiques sont-elles suffisantes Lrsquoencadrement juri-dique des refus de soins est eacuteclateacute entre Code peacutenal Code de la santeacute publique Code de la consommation et Code de deacuteontologie meacutedicale ce qui ne rend pas visible cet enjeuLe rapport du Deacutefenseur des droits remis au Premier Ministre en mars 2014 sur laquo Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME raquo a permis de montrer lrsquoinefficaciteacute de lrsquoencadrement juridique actuel La loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (HPST) a mis en place une proceacutedure particuliegravere de signalement des refus de soins complexe et peu effective instances compeacutetentes et modaliteacutes de saisines multiples difficulteacutes des usager-e-s agrave faire valoir leurs droits rareteacute des signalements et manque de mobilisation des ins-tances en charge du traitement des signalements Crsquoest pourquoi il est neacutecessaire de renforcer les droits des patient-e-s pour une meilleure connaissance des lois et voies de recours existants de mettre en œuvre un accompagnement des victimes dans le cadre des proceacutedures de conciliation ou les recours en justice et de mieux qualifier les refus de soins illeacutegaux pour en faciliter lrsquoidentification

Exemple de deacutecision du Deacutefenseur des droits Le Deacutefenseur a eacuteteacute saisi drsquoune reacuteclamation relative au refus de proceacuteder agrave lrsquoextraction de dents de sagesse en raison de la seacuteropositiviteacute de la patiente Celle-ci pensant que le chirurgien accegravederait agrave son dossier informatique de suivi au sein du mecircme hocircpital nrsquoa pas indiqueacute sa maladie lors de la consultation preacuteopeacuteratoire Apregraves avoir appris la seacuteropositiviteacute de la reacuteclamante le mis en cause a annuleacute lrsquoopeacuteration preacutevue en propo-sant une date trois mois plus tard inacceptable pour cette derniegravere Afin de justifier le refus des soins le mis en cause a invoqueacute lrsquoapplication drsquoun protocole speacutecifique pour la prise en charge drsquoun patient seacuteropositif Lrsquohocircpital dans lequel exerccedilait le mis en cause a deacutementi lrsquoexistence drsquoun tel protocole Dans le cadre de cette deacutecision le Deacutefenseur des droits a donc recommandeacute la mise en œuvre de sanctions disciplinaires agrave lrsquoeacutegard du meacutedecin et a informeacute de sa deacutecision le ministegravere de la Santeacute le conseil national de lrsquoordre des chirurgiens-dentistes ainsi que le conseil deacutepartemental de lrsquoordre des meacutedecinsDeacutecision MLD-2011-94 du 13 janvier 2012 10

1 UN TESTINg PoUr objEcTIVEr  

LES rEFUS dE SoINS mdash

9 Au moment de la reacutedaction de ce rapport la reacutedaction deacutefinitive de lrsquoarticle 1er nrsquoest pas connue 10 httpwwwdefenseurdesdroitsfrfractionsprotection-des-droits-libertesdecisiondecision-mld-2011-94-du-13-janvier-2012-

relative-un

11 MEacuteDECINS DU MONDE Testing sur les refus de soins des meacutedecins geacuteneacuteralistes pour les beacuteneacuteficiaires de la Couverture Maladie Universelle ou de lrsquoAide Meacutedicale Eacutetat dans 10 villes de France 2006 DEacuteFENSEUR DES DROITS Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME 2014 FONDS CMU-DIES Analyse des attitudes de meacutedecins et de dentistes agrave lrsquoeacutegard des patients beacuteneacuteficiant de la CMUC dans 6 villes du Val-de-Marne 2006 FONDS CMU-IRDES Les refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMUC agrave Paris 2009 FONDS CMU-IRDES Analyse territoriale des obstacles agrave lrsquoaccegraves aux soins des beacuteneacuteficiaires de la CMUC dans les deacutepartements de lrsquoOrne et de la Niegravevre 2012 CISS Droits des malades Refus de soins aux beacuteneacuteficiaires de la CMUC de lrsquoAME et de lrsquoACS 2015

26 27PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Rouen

Evreux

Pontoise

Chacircteauroux

ParisStrasbourg

Auxerre

Dijon

Lyon

Marseille

Gap

Clermont-ferrandPuy-en-Velay

Toulouse

Niort

Angoulegraveme

Cahors

Bourg-en-Bresse

Tours

Colmar

Lrsquoeacutechantillon repreacutesentatif de lrsquoeacutetude comprend 100766810076680 cabinets dentaires et 100766510076691007668 cabinets de gyneacutecologie

Le sceacutenarioUn mecircme cabinet dentaire ou de gyneacutecologie est appeleacute deux fois pour une prise de rendez-vous par deux testeur-se-s diffeacuterent-e-s qui ont des caracteacuteristiques sociodeacute-mographiques similaires Les prises de rendez-vous gyneacutecologiques sont effectueacutees uniquement par des femmes Dans le premier cas le-la testeur-se annonce sa seacutero-positiviteacute au VIH dans le second cas lrsquoautre testeur-se ne dit rien Seule la mention du statut seacuterologique diffeacuterencie ces deux personnes Un script eacutetabli en concertation avec des militant-e-s des PVVIH et des professionnel-le-s de santeacute (meacutedecins speacutecia-listes en chirurgie dentaire en gyneacutecologie et de santeacute publique) reacuteuni-e-s au sein drsquoun groupe de pilotage a permis drsquoeacutetablir

Une feuille de route pour chaque testeur-se proposant des reacuteponses concregravetes aux eacuteventuelles questions que pourrait susciter la demande de rendez-vous (iden-titeacute motifs de la demande orientations adresse teacuteleacutephone numeacutero de seacutecuriteacute sociale etc)

La conduite agrave tenir en cas de mise en attente ou drsquoheacutesitations agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute

Le choix du motif de la consultation deacutetartrage ou frottis Il est important de choisir un acte meacutedical susceptible de provoquer des saignements mais simple ne justifiant pas une orientation vers un-e meacutedecin speacutecialiste ou vers un service drsquourgences et ou un plateau technique particulier

Les eacutechanges teacuteleacutephoniques sont enregistreacutes leur contenu est retranscrit dans une base de donneacutees pour recueillir de faccedilon standardiseacutee les reacuteponses apporteacutees par les praticien-ne-s Des seacuteances de deacutebriefing ainsi qursquoun guide meacutethodologique sont mis agrave disposition des testeur-se-s

Remarque lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute au VIH drsquoembleacutee lors de la prise de ren-dez-vous est justifieacutee par les teacutemoignages de certaines PVVIH qui trop souvent expo-seacutees agrave la stigmatisation et la discrimination de la part de professionnel-le-s de santeacute preacutefegraverent eacuteviter un refus frontal de la ou du meacutedecin dans son cabinet Elle est eacutegale-ment approuveacutee par les professionnel-le-s de santeacute du groupe de pilotage au regard de leur expeacuterience

Constitution de lrsquoeacutechantillon geacuteographiqueLa meacutethodologie de lrsquoenquecircte srsquoappuie sur une technique drsquoeacutechantillonnage aleacuteatoire de maniegravere agrave garantir une seacutelection repreacutesentative des chirurgiens-dentistes et des gyneacutecologues en France Afin de deacutefinir les villes dans lesquelles est reacutealiseacutee lrsquoeacutetude plusieurs eacutetapes sont retenues

Un classement des reacutegions en fonction de leur incidence au VIH (faible moyenne eacuteleveacutee)

Une seacutelection de trois reacutegions par niveau drsquoincidence Une identification pour chaque reacutegion seacutelectionneacutee drsquoun deacutepartement agrave haute densiteacute meacutedicale et drsquoun deacutepartement agrave faible densiteacute meacutedicale pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Un choix des chefs-lieux de chacun de ces deacutepartements comme ville pour effectuer lrsquoenquecircte

Pour les trois plus grandes villes de France (Paris Lyon Marseille) un deacutecoupage par arrondissement selon le niveau de richesse (eacuteleveacute moyen faible) est reacutealiseacute Au total 20 villes sont seacutelectionneacutees La base de sondage est reacutealiseacutee agrave partir de plusieurs sources de donneacutees lrsquoInstitut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques (Insee) pour le nombre drsquohabi-tants lrsquoInstitut de veille sanitaire (InVS) pour lrsquoincidence du VIH lrsquoObservatoire natio-nal de la deacutemographie des professions de santeacute et lrsquoAtlas de la deacutemographie meacutedicale en France pour la densiteacute meacutedicale deacutepartementale respectivement pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Constitution de lrsquoeacutechantillon meacutedicalLe testing vise les seul-e-s speacutecialistes secteurs 1 et 2 chirurgiens-dentistes et gyneacuteco-logues Ainsi deux bases de sondage sont reacutealiseacutees

Lrsquoune agrave partir de lrsquoensemble des chirurgiens-dentistes conventionneacute-e-s pour les soins dentaires classiques preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Lrsquoautre agrave partir de lrsquoensemble des gyneacutecologues conventionneacute-e-s avec les speacuteciali-teacutes meacutedicale etou obsteacutetrique preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Pour lrsquoensemble des secteurs geacuteographiques 2 297 chirurgiens-dentistes et 290 gyneacute-cologues sont recenseacute-e-s Afin de creacuteer un eacutechantillon repreacutesentatif de ces professions 30 des chirurgiens-dentistes et 60 des gyneacutecologues sont tireacute-e-s au sort agrave lrsquoaide drsquoun programme de tri aleacuteatoire

Moins de 45 000 habitants

45 000 agrave 200 000 habitants

Plus de 200 000 habitants

les 20 villes selectionneacutees

pour le testing aupregraves des cabinets

dentaires et gyneacutecologiques

29PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 1

laquo Pour vous ce sera 21h raquo laquo Je ne prends pas de nouveaux patients raquo

laquo Eh bien on mettra deux paires de gants raquo

laquo Vous me remplirez un questionnaire meacutedical avant le rdv raquo

laquo Je le note dans le carnet de rdv raquo

laquo Les gens comme voushellip raquo

laquo Je nrsquoai pas le mateacuteriel adapteacute raquo

laquo Ok mais vous viendrez avec toutes vos analyses raquo

laquo Je ne pratique pas le deacutetartrage raquo

laquo Le deacutetartrage crsquoest 150 euros raquo

laquo Vous serez mieux soigneacute agrave lrsquohocircpital raquo

laquo Je nrsquoai pas eacuteteacute formeacute au vih raquo

laquo Heuhellip veuillez patienter raquo

Bonjour je souhaite un rendez-vous

pour un deacutetartrage et je suis seacuteropo

la face cacheacutee des refus

de soins chez les dentistes

envers les personnes vih+

Florilegravege des verbatims des cabinets dentaires agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute par ordre de citation

Le motif le plus souvent invoqueacute par les cabinets dentaires est celui des ameacutenagements ou des horaires speacutecifiques requis pour les personnes seacuteropositives Vient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute

Peacuteriode drsquoenquecircteLe testing est reacutealiseacute sur une peacuteriode courte du 7 au 10 avril 2015 pour garantir la confi-dentialiteacute de lrsquoopeacuteration et assurer un environnement comparable entre les diffeacuterents appels (actualiteacute meacutediatique et politique etc) Une fois la semaine de testing passeacutee les rendez-vous pris sont annuleacutes afin de ne pas peacutenaliser les laquo vrais raquo malades et les meacutedecins dans la gestion des rendez-vous meacutedicaux

Eacutechantillon finalParmi les 570 cabinets dentaires et les 154 cabinets de gyneacutecologie contacteacutes par teacuteleacute-phone durant la peacuteriode drsquoenquecircte pour une prise de rendez-vous un certain nombre sont exclus en raison de non-reacuteponses aux appels de non-conformiteacute de la speacutecialiteacute de fermeture ou de congeacutes Lrsquoeffectif final des praticien-ne-s retenu-e-s srsquoeacutelegraveve agrave 440 pour les chirurgiens-dentistes et 116 pour les gyneacutecologues Lors des appels il est pos-sible de relever la fonction des reacutepondant-e-s dans la majoriteacute des cas (praticien-ne-s ou secreacutetaires meacutedicaux-ales) Ainsi les interlocuteur-trice-s dans les cabinets dentaires sont des secreacutetaires meacutedicaux-les dans 764 des cas (n=336) et des chirurgiens-den-tistes dans 193 des cas (n=85) Pour les cabinets de gyneacutecologie la reacutepartition eacutetait de 802 de secreacutetaires meacutedicaux-les (n=93) et 78 de gyneacutecologues (n=9)

113 Limites de lrsquoeacutetudeCette opeacuteration de testing comporte des limites qui sont autant de pistes pour ameacutelio-rer encore ce type drsquoenquecirctes et leur donner un cadre leacutegalLa premiegravere limite tient agrave la classification a posteriori des motifs des refus de soins En effet la liste exhaustive des motifs de refus ainsi que la combinaison de plusieurs motifs eacutetaient difficiles agrave anticiper La deuxiegraveme limite concerne la perception des testeur-se-s quant aux reacuteponses four-nies par les dentistesgyneacutecologues Ainsi la notion de subjectiviteacute permise par la non-cateacutegorisation a priori des reacuteponses a probablement induit une sous-deacuteclaration de certains refus Les retours drsquoexpeacuteriences des PVVIH qui pointent des refus frontaux dans les cabinets des praticien-ne-s apregraves un rendez-vous fixeacute preacutealablement au teacuteleacute-phone laissent augurer eacutegalement drsquoune sous-eacutevaluation de ces pratiquesLa troisiegraveme limite est celle du champ de lrsquoenquecircte Seule la seacuteropositiviteacute au VIH a eacuteteacute testeacutee il est pourtant neacutecessaire drsquoeacutetendre aux personnes vivant avec une heacutepatite virale chronique ou co-infecteacutees par le VIH et les heacutepatites virales De plus les repreacutesen-tations sociales eacuteconomiques et morales associeacutees agrave la pathologie VIH (CMU ou AME preacutecariteacute pratiques sexuelles usages de drogues etc) peuvent geacuteneacuterer des cumuls de motifs de refusEt enfin la taille de lrsquoeacutechantillon des professionnel-le-s ne permet pas de reacutealiser des analyses statistiques pousseacutees notamment par ville et de conclure agrave drsquoeacuteventuelles dynamiques locales de discrimination

12 DES REacuteSULTATS ACCABLANTS

Parmi les reacuteponses des chirurgiens-dentistes et de leur secreacutetariat meacutedical agrave lrsquoan-nonce de la seacuteropositiviteacute le motif le plus souvent invoqueacute est celui des ameacutena-gements ou des horaires speacutecifiques qui seraient requis soit eacutenonceacutes comme tels soit mis en eacutevidence par comparaison des reacuteponses faites aux personnes supposeacutees seacuteroneacutegatives Il est important de rappeler que le Haut conseil de la santeacute publique a publieacute en 2007 un avis laquo ne recommandant pas lrsquoinstauration drsquoun ordre de pas-sage pour tout patient porteur des virus VHC VHB ou VIH lors drsquoactes invasifs meacutedico-chirurgicaux En revanche il considegravere comme une prioriteacute lrsquoapplication des preacutecautions standard et le respect des mesures de preacutevention (hellip) raquo LrsquoOrdre natio-nal des chirurgiens-dentistes a drsquoailleurs redit lors de la parution de ce testing que laquo les patients doivent tous beacuteneacuteficier drsquoune mecircme chaicircne de deacutecontamination et de steacuterilisation raquoVient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute surcharge de travail pas de nou-veaux-elles patient-e-s deacutelais de rendez-vous trop importants etc non eacutevoqueacutee pour les testeur-se-s nrsquoannonccedilant pas de seacuteropositiviteacute au VIHPour les gyneacutecologues ou leur secreacutetariat meacutedical les testeuses seacuteropositives sont accepteacutees sous reacuteserve de la preacutesentation de leur dossier meacutedical et du rappel de la pathologie au moment de la consultation Lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute est aussi avanceacute agrave plusieurs reprises Tous ces motifs sont ensuite cateacutegoriseacutes

Figure 2

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS30

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins

121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou de discriminationsUne cateacutegorisation est opeacutereacutee en fonction des dispositions juridiques existantes Les dispositions leacutegales eacutetant tregraves geacuteneacuterales et impreacutecises crsquoest la reacutefeacuterence agrave la circu-laire CNAMTS CIR-332008 relative aux refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMU-C qui a eacuteteacute retenue Ce texte donne une deacutefinition concregravete des refus de soins incluant laquo la fixation tardive inhabituelle et abusive drsquoun rendez-vous lrsquoorien-tation reacutepeacuteteacutee et abusive vers un autre confregravere lrsquoattitude et le comportement dis-criminatoire du professionnel de santeacute etc raquo Certains praticien-ne-s ont pu eacutevoquer plusieurs motifsAinsi des refus de soins directs ou deacuteguiseacutes et des traitements diffeacuterentiels non fon-deacutes sont constateacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH lors drsquoune demande de rendez-vous pour un deacutetartrage ou un frottisParmi les refus de soins on distingue deux cateacutegories Les refus directs Il srsquoagit de refus directement imputables au VIH annonceacutes comme tels ou sous couvert drsquoune autre raison non formuleacutee aupregraves de la personne supposeacutee seacuteroneacutegative Les refus deacuteguiseacutes Il srsquoagit de refus dont les preacutetextes avanceacutes sont douteux et contraires au Code de deacuteontologie meacutedicale Ils peuvent ecirctre cateacutegoriseacutes en deux types de refus

Les strateacutegies de deacutecouragement horaires contraignants deacutepassements drsquohono-raires assurance de la solvabiliteacute financiegravere etc

Les reacuteorientations vers des confregraveres ou des services hospitaliers sous preacutetexte drsquoun manque de connaissance de la pathologie et de sa prise en charge de mateacute-riel non adapteacute ou la dangerositeacute des soins qui suggegraverent une meilleure prise en charge laquo ailleurs raquo

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins (voir page 25) Ces dispariteacutes de traitement sont soit annonceacutees de maniegravere explicite lors de la prise de rendez-vous soit mises en eacutevidence par la confrontation des reacuteponses faites au-agrave la testeur-se seacuteropositif-ve au VIH et agrave son binocircme ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH On distingue trois cateacutegories

La meacuteconnaissance de la pathologie qui aboutit agrave de mauvaises pratiques dans la relation avec le ou la patiente

La divulgation du statut seacuterologique en dehors drsquoun dossier meacutedical ce qui est une atteinte au secret meacutedical

Lrsquoexistence de protocoles speacutecifiques drsquohygiegravene pour les PVVIH (steacuterilisation dureacutee des soins etc) agrave lrsquoencontre des mesures de preacutecautions standard recommandeacutees qui teacutemoignent drsquoun manque de connaissance ou drsquoapplication des regravegles fonda-mentales drsquohygiegravene et de steacuterilisation mais aussi une meacuteconnaissance des modes de contamination Ces mesures doivent ecirctre garanties systeacutematiquement et sans compromis quel que soit le statut seacuterologique des personnes et ce drsquoautant qursquoon estime entre 30 000 et 50 000 le nombre de personnes contamineacutees par le VIH en France qui lrsquoignorent (pour 150 000 PVVIH soit 20 agrave 30 )

32 33

30 refus de soins

deacuteguiseacutes

36 refus de soins

directs

168 pratiques

discriminatoires

cabinet dentaire

ViH SrsquoabStenir

17 refus de soins

directs

43 refus de soins

deacuteguiseacutes

172 pratiques

discriminatoires

cabinet de gyneacutecologie

ViH SrsquoabStenir

122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des speacutecialiteacutes

Figure 3 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 4 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

336 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

168 de pratiques discriminatoires

6 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

172 de pratiques discriminatoires

Cabinets de gyneacutecologie

Cabinets dentaires

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Dans le cadre du projet de loi Santeacute AIDES a construit plusieurs amendements afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutealiteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits

Les reacutesultats de ce testing prouvent qursquoil existe une veacuteritable meacuteconnaissance du VIH et de ses modes de transmission aboutissant agrave des attitudes neacutegatives et discrimi-natoires Ces comportements trahissent les repreacutesentations des professionnel-le-s vis-agrave-vis de cette maladieinfection et sur le respect des fondements deacuteontologiques des professions du soin

13 PERSPECTIVES LA NEacuteCESSITEacute DE RENfORCER LrsquoARSENAL jURIDIqUE

Les constats de AIDES confirment la neacutecessiteacute drsquoaller plus loin contre les refus de soins que la seule disposition initialement envisageacutee dans le projet de loi Santeacute Actuelle-ment ce sont aux ordres professionnels des soignant-e-s de mesurer lrsquoimportance et la nature des pratiques de ces refus En conseacutequence plusieurs amendements ont eacuteteacute construits avec Meacutedecins du Monde (MdM) afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutea-liteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits Les amendements formulent cinq propo-sitions visant agrave

Eacutelargir la deacutefinition leacutegale des refus de soins agrave toute pratique discriminante ou strateacutegie de dissuasion menant in fine au renoncement aux soins des patient-e-s

Donner une base leacutegale au testing autour drsquoun cahier des charges preacutecis et y inclure les associations de malades

Impliquer lrsquoensemble des acteurs-trices de santeacute dans le pilotage de lrsquoObserva-toire deacutedieacute aux refus de soins preacutevu par le projet de loi Santeacute agrave commencer par les associations de malades mais aussi les ordres professionnels et les organismes drsquoassurance maladie

Ameacutenager la charge de la preuve de sorte que comme dans lrsquoensemble du droit de la non-discrimination ce soit au-agrave la professionnel-le de santeacute de prouver qursquoil nrsquoy a pas eu de traitement discriminatoire lorsqursquoune personne exprime des eacuteleacutements de fait laissant supposer lrsquoexistence drsquoune discrimination

Permettre aux patient-e-s drsquoecirctre accompagneacute-e-s etou repreacutesenteacute-e-s par des associations durant les recours en justice ou les proceacutedures de conciliation lors-qursquoils-elles sont confronteacute-e-s agrave des refus de soins

Ces amendements srsquoappuient sur divers rapports institutionnels et parlementaires ils srsquoinspirent aussi de lrsquoarticle initial sur les refus de soins de la loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (Loi HPST) preacutesenteacutee par Roselyne Bachelot alors ministre de la Santeacute en 2008 Ces propositions ont cependant eacuteteacute escamoteacutees au fil des lectures agrave lrsquoAssembleacutee nationale et au SeacutenatAinsi gracircce agrave ce testing agrave ses retombeacutees meacutediatiques et agrave la mobilisation des mili-tant-e-s de AIDES les lignes ont commenceacute agrave bouger Drsquoune part lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes a vivement reacuteagi et drsquoautre part un amendement agrave lrsquoarticle 19 du projet de loi Santeacute a eacuteteacute voteacute au Seacutenat proposant que lrsquoeacutevaluation de lrsquoexistence des refus de soins soit confieacutee au Deacutefenseur des droits Au moment de la reacutedaction de ce rapport la formulation finale de lrsquoattribution de cette eacutevaluation au Deacutefenseur des droits ou aux diffeacuterents Ordres nrsquoest pas connue

Concernant lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes un rapprochement avec AIDES srsquoest opeacutereacute rapidement afin drsquoeacutetudier les moyens agrave mettre en œuvre pour lutter effica-cement contre les refus de soins Degraves lrsquoannonce des reacutesultats lrsquoOrdre a immeacutediatement reacuteagi et condamneacute ce type de comportement laquo Nul ne peut faire lrsquoobjet de discrimina-tions dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins raquo rappelant que laquo les chirurgiens-den-tistes qui ne respectent pas ce principe fondamental leacutegal et deacuteontologique srsquoexposent agrave des poursuites tant devant les juridictions disciplinaires que peacutenales raquo

123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction de lrsquointerlocuteur-trice

Les refus de soins ou les pratiques discriminatoires sont plus souvent pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les que par les praticien-ne-s voire inexistants srsquoagissant des gyneacutecologuesDans les cabinets dentaires une majoriteacute de secreacutetaires meacutedicaux-les opposent des refus de soins directs aux PVVIH ils-elles sont 78 agrave opposer des refus indirects versus 22 des chirurgiens-dentistes Srsquoagissant de traitements diffeacuterentieacutes entre les PVVIH et leur binocircme supposeacute seacuteroneacutegatif 824 sont eacutemis par des secreacutetaires meacutedicaux-les versus 186 par des dentistesLes refus de soins ou discriminations sont majoritairement pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les Ce constat reacutevegravele soit un manque de formation et de connaissance du VIH qui aboutit agrave des mauvaises pratiques avec le ou la patiente soit lrsquoexistence de directives donneacutees par des praticien-ne-s quant agrave la prise en charge de certain-e-s patient-e-s dont les PVVIH En teacutemoignent les mises en attente majoritairement du fait des secreacutetaires meacutedicaux-les Il est probablement plus facile de donner des ins-tructions agrave son secreacutetariat que drsquoassumer individuellement la responsabiliteacute drsquoun refus

124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des villesMalgreacute des effectifs parfois limiteacutes de chirurgiens-dentistes et de gyneacutecologues par ville les reacutesultats de ce testing preacutesentent une dispariteacute des pheacutenomegravenes de refus de soins et de discriminations sur le territoire national Il nrsquoy a a priori pas de lien entre le lieu drsquoinstallation et lrsquoineacutegaliteacute des pratiques Lrsquoattitude neacutegative des professionnel-le-s agrave lrsquoencontre des PVVIH paraicirct davantage reposer sur des logiques individuelles que sur la deacutemographie meacutedicale ou lrsquoincidence locale du VIH Les reacutesultats du testing ne suggegraverent pas drsquoinfluence de lrsquoenvironnement sur les pratiques des professionnel-le-s On relegraveve que Bourg-en-Bresse Chacircteauroux et le seiziegraveme arrondissement de Paris trois lieux qui preacutesentent une deacutemographie meacutedicale quantitativement contras-teacutee se deacutetachent en matiegravere de proportion de refus de soins ou de pratiques discri-minatoires avec plus de 70 des chirurgiens-dentistes contacteacute-e-s concerneacute-e-s Agrave lrsquoinverse les speacutecialistes du treiziegraveme arrondissement de Marseille et de la ville de Pontoise nrsquoopposent aucun comportement discriminatoirePour les gyneacutecologues dont le nombre est insuffisant en France avec de veacuteritables ineacute-galiteacutes drsquoaccegraves sur le territoire 12 lrsquoeffet des villes semblent jouer un rocircle a minima Pour certaines villes dont la densiteacute meacutedicale pour cette speacutecialiteacute est tregraves faible un nombre limiteacute de professionnel-le-s a eacuteteacute contacteacute empecircchant toute conclusion Cependant il est important de noter que des PVVIH ont pu ecirctre confronteacutees agrave 100 de refus de rendez-vous dans certaines villes

125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave soulignerDe nombreux-ses praticien-ne-s et leur secreacutetariat meacutedical attribuent des rendez-vous aux PVVIH sans eacutevoquer aucun des motifs jugeacutes discriminatoires Pour pregraves de la moitieacute des cabinets dentaires (496 ) et plus de 4 cabinets de gyneacutecologie sur 5 (768 ) les pratiques de soins lrsquoaccueil et la communication sont en tout point conformes agrave la deacuteontologie meacutedicale (figures 5 et 6) Certains ont aussi fait preuve de bienveillance avec une approche globale de la prise en charge meacutedicale de la personne

126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutesLes logiques de preacutecaution occupent une place eacutevidente dans les arguments opposeacutes aux PVVIH au meacutepris de la loi de la deacuteontologie meacutedicale et des recommandations drsquohygiegravene De nos jours les refus de soins ou discriminations agrave leur eacutegard sont drsquoautant plus inacceptables que les mesures de preacutecaution standard ont eacuteteacute maintes fois rappe-leacutees par diverses instances publiques et scientifiques Ces mesures sont conccedilues pour preacutevenir le risque de transmission du VIH du ou de la patiente au personnel meacutedical et inversement et drsquoun ou drsquoune patiente agrave lrsquoautre Ceci est drsquoautant plus important qursquoen-viron un quart des PVVIH ignorent qursquoelles en sont atteintes et peuvent en toute bonne foi ne pas informer le ou la professionnel-le de santeacute de leur seacuterologie Les mesures de preacutecaution standard doivent ecirctre garanties systeacutematiquement dans tous les cabinets meacutedicaux et pour chaque patient-e quel que soit son eacutetat de santeacute

12 Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins Atlas de la deacutemographie meacutedicale en France situation au 1er janvier 2014

768

34 35PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 5 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 6 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

496

41 000 euroLe prix facial sur le marcheacute franccedilais du premier des traitements hautement actifs contre le VHC pour trois mois Sa combinaison avec drsquoautres meacutedicaments peut coucircter plus de 100766500 000 euro selon la dureacutee du traitement

12 VhC qUI SOIGNER

Crsquoest dans ce contexte que le principe drsquoune mise sous traitement seacutelective est acteacute par le ministegravere de la Santeacute Des critegraveres sont eacutetablis pour deacutefinir qui doit acceacuteder prioritai-rement aux nouveaux traitements innovants contre le VHC Ce choix et ses traductions opeacuterationnelles sont supposeacutes concilier le droit agrave la protection de la santeacute la santeacute publique et des populations mais aussi lrsquoeacutequilibre des finances publiques et la peacuteren-niteacute du systegraveme de protection sociale franccedilais Des recommandations drsquoexpert-e-s pour la mise sous traitement ont eacuteteacute fixeacutees courant 2014 mais finalement restreintes par un avis de la HAS ensuite en 2015 Ceci alors que la socieacuteteacute franccedilaise drsquoheacutepatologie a elle-mecircme confirmeacute en juin de la mecircme anneacutee les recommandations drsquoaccegraves eacutelargies de 2014

101048110104821010481 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexpertsDes recommandations ont drsquoabord eacuteteacute proposeacutees en mai 2014 dans un Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C dit rapport Dhumeaux Ce rapport a eacuteteacute commandeacute par la ministre de la Santeacute en janvier 2013 agrave lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) et lrsquoAssociation franccedilaise pour lrsquoeacutetude du foie (AFEF) De nombreux-ses praticien-ne-s universitaires et des repreacutesentant-e-s drsquoassociations drsquousager-e-s du systegraveme de santeacute sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux ont participeacute agrave son eacutelaboration Ainsi pour les personnes vivant avec une heacutepatite C les recommandations de mise sous trai-tement reposent notamment sur lrsquoavancement de la maladie crsquoest-agrave-dire les stades de fibrose supeacuterieurs ou eacutegaux agrave 2 13 qui indiquent lrsquoeacutetat drsquoavancement de lrsquoimpact du virus sur le foie Les experts ont par ailleurs distingueacute certaines populations pour lesquelles la mise sous traitement est preacuteconiseacutee quel que soit le stade de fibrose

Les patient-e-s ayant des manifestations extra-heacutepatiques seacutevegraveres Les patient-e-s en attente de transplantation heacutepatique ou reacutenale (pour tenter drsquoeacuteradiquer le virus avant la transplantation)

Au cas par cas les femmes ayant un deacutesir de grossesse Les personnes co-infecteacutees VIH-VHC Les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse Les personnes deacutetenues (avec lrsquoobjectif dans ces deux derniegraveres populations drsquoune reacuteduction du risque de transmission) 14

Si le rapport Dhumeaux propose une seacutelection des patient-e-s notamment au regard du prix il inscrit ces recommandations dans une perspective de ralentissement de lrsquoeacutepi-deacutemie et se distingue en ce sens de la HAS

101048110104821010482 Les recommandations restrictives de la hASLa HAS contribue laquo agrave la reacutegulation du systegraveme de santeacute raquo et a donc comme mission drsquolaquo assurer agrave tous les patients et usagers un accegraves peacuterenne et eacutequitable agrave des soins aussi efficaces sucircrs et efficients que possible raquo 15 Les recommandations eacutetablies par la HAS srsquoimposent aux professionnel-le-s meacutedicaux-cales Contrairement agrave la perspective du rapport Dhumeaux la HAS ne considegravere pas que laquo les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC [soient] reacuteunies raquo Elle en tire les conseacutequences et ne recommande qursquolaquo une strateacutegie de traitement des patients dans lrsquoobjectif drsquoune gueacute-rison virologique individuelle raquo avec des recommandations de stade de fibrose plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux Ainsi la HAS limite lrsquoaccegraves aux traitements innovants aux stades de fibrose du foie F2 seulement sous certaines conditions drsquoeacutevolution F3 et F4 ainsi qursquoagrave tous les stades pour certaines populations personnes co-infecteacutees VIH et VHC personnes atteintes de cryoglobulineacutemie mixte systeacutemique et symptomatique personnes atteintes de lym-phome B associeacute au VHC 16 La HAS eacutecarte en revanche des populations cibleacutees par le rapport drsquoexperts Dhumeaux notamment les usager-e-s de drogues et les personnes deacutetenues qui relegraveveraient drsquoune approche non speacutecifique et donc du cadre geacuteneacuteral La France est assez isoleacutee en Europe sur des recommandations de traitement et de non traitement arrecircteacutees sur les stades de fibrose

11 DES TRAITEMENTS INNOVANTS Agrave PRIX TREgraveS EacuteLEVEacuteS

Les limites eacuteconomiques agrave la prescription notamment sur la base de recommandations deacutefinies par la Haute autoriteacute de santeacute (HAS) sont notamment mises en lumiegravere par les prix des nouveaux traitements contre le VHC Aujourdrsquohui diffeacuterents traitements inno-vants contre le VHC les antiviraux agrave action directe sont sur le marcheacute Ils repreacutesentent des avanceacutees theacuterapeutiques majeures offrant un taux de gueacuterison virologique tregraves eacuteleveacute avec des dureacutees de traitements courtes et des effets indeacutesirables limiteacutes Si les associations investies dans le champ de la lutte contre les heacutepatites virales ndash Collectif Heacutepatites Virales (CHV) SOS heacutepatites TRT-5 Comegravede Meacutedecins du Monde (MdM) Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) AIDES ndash saluent lrsquoespoir drsquoune fin proche de lrsquoeacutepideacutemie de VHC elles se sont rapidement alarmeacutees sur le prix de ces nouveaux traitements Sur le marcheacute franccedilais le prix facial du premier de ces traitements hautement actifs contre le VHC (Sovaldisofosbuvir) a eacuteteacute fixeacute agrave 41 000 euro pour trois mois de traitement Ce traitement ne srsquoutilise jamais seul mais en association avec drsquoautres Certaines combinaisons peuvent coucircter plus de 100 000 euro selon la dureacutee (des traitements de six mois sont parfois neacutecessaires)Alors que la France meacutetropolitaine compte plus de 200 000 personnes vivant avec le VHC de tels prix constituent clairement un deacutefi pour les finances publiques et la peacuterenniteacute drsquoun systegraveme de santeacute solidaire En conseacutequence et pour la premiegravere fois en France ce prix participe agrave ce que lrsquoon peut consideacuterer comme un rationnement avec des mises sous traitement sur la base drsquoavis et de dispositions restrictifs

Meacutedicaments quels prix Le prix du meacutedicament nrsquoest pas libre il est fixeacute par convention entre le laboratoire lrsquoexploitant et le Comiteacute eacuteconomique des produits de santeacute (CEPS) sur la base de cri-tegraveres deacutefinis agrave lrsquoarticle L162-16-4 du Code de santeacute publique laquo La fixation de ce prix tient compte principalement de lrsquoameacutelioration du service meacutedical rendu (SMR) appor-teacutee par le meacutedicament le cas eacutecheacuteant des reacutesultats de lrsquoeacutevaluation meacutedico-eacutecono-mique des prix des meacutedicaments agrave mecircme viseacutee theacuterapeutique des volumes de vente preacutevus ou constateacutes ainsi que des conditions preacutevisibles et reacuteelles drsquoutilisation du meacutedi-cament raquo Agrave cela srsquoajoute aussi la coheacuterence avec les conditions de commercialisation preacutevues dans les grands Eacutetats europeacuteens Seul le prix facial est public crsquoest-agrave-dire le prix rembourseacute par lrsquoassurance maladie Le CEPS et les laboratoires peuvent neacutegocier des dispositifs de remises drsquoougrave un prix reacuteel diffeacuterent (voire tregraves diffeacuterent) de ce prix facial Les dispositifs de remises et le prix reacuteel nrsquoeacutetant pas publics les prescripteurs et usager-e-s nrsquoont connaissance que du prix facial

Le droit agrave la protection de la santeacute interdit toute forme de discriminations dans lrsquoaccegraves aux soins Cependant si les discriminations sont interdites lrsquouniversaliteacute de lrsquoaccegraves agrave certains soins et traitements nrsquoest pas pour autant garantie Crsquoest le cas des nouveaux traitements contre le virus de lrsquoheacutepatite C (VHC) dont le prix exorbitant a forceacute agrave deacutefinir des critegraveres de seacutelection des patient-e-s et agrave renoncer agrave lrsquoaccegraves universel

Bien que fondamental le droit agrave la protec-tion de la santeacute sans discrimination (voir page 25) peut connaicirctre certaines limites agrave son effectiviteacute en particulier sur le plan financier Il deacutepend en effet des choix opeacutereacutes au regard des deacutepenses publiques de lrsquoEacutetat et de la seacutecuriteacute sociale et notamment par rapport aux prix des meacutedicaments et des produits de santeacute Lrsquoarticle 8 du Code de deacuteontologie meacutedi-cale (R4127-8 du Code de santeacute publique) preacutecise que laquo Dans les limites fixeacutees par la loi le meacutedecin est libre de ses pres-criptions qui seront celles qursquoil estime les plus approprieacutees en la circonstance Il doit sans neacutegliger son devoir drsquoassistance morale limiter ses prescriptions et ses actes agrave ce qui est neacutecessaire agrave la qualiteacute agrave la seacutecuriteacute et agrave lrsquoefficaciteacute des soins Il doit tenir compte des avantages des incon-veacutenients et des conseacutequences des diffeacute-rentes investigations et theacuterapeutiques possibles raquo Si la liberteacute de prescription est ici recon-nue elle connaicirct donc certaines limites leacutegales dont celle imposeacutee par lrsquoarticle L162-2-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo Les meacutedecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions drsquoobserver dans le cadre de la leacutegislation et de la reacuteglementation en vigueur la plus stricte eacuteconomie compatible avec la qualiteacute la seacutecuriteacute et lrsquoefficaciteacute des soins raquo ce notamment sur la base des laquo recomman-dations ou avis meacutedico-eacuteconomiques de la Haute autoriteacute de santeacute raquo

13 Stades de fibrose F0 pas de fibrose F1 fibrose leacutegegravere F2 fibrose modeacutereacutee F3 fibrose seacutevegravere F4 cirrhose14 Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C 2014 p 25015 httpwwwhas-santefrportailjcmsfc_1249599frla-has16 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf

36 37

DROIT APPLICABLE

1  LE cAS dES TrAITEmENTS INNoVANTS 

coNTrE LrsquoHEacutePATITE c mdash

dIFFIcULTEacuteS drsquoAccEgraveS  AUx TrAITEmENTS

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

38 39

Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

59

40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

Rejoignez AIDES sur les reacuteseaux sociaux facebookcomaides assoAIDES

Page 3: AIDES Rapport Discrim

Depuis le deacutebut de lrsquoeacutepideacutemie les discriminations et les exclusions sociales agrave lrsquoencontre des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) restent nombreuses Ces comportements sont alimenteacutes par la peur de la contamination et des scheacutemas associeacutes au VIH faisant de cette maladie encore largement tabou une veacuteritable sanction sociale Elle constitue un facteur suppleacutementaire drsquoexclusion quand elle touche particuliegraverement des populations marginaliseacutees et deacutejagrave stigmatiseacutees (hommes homosexuels usagers de drogues personnes prostitueacuteeshellip)

Les discriminations agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont une reacutealiteacute qursquoil convient de deacutenoncer et de sanctionner parce qursquoelles entravent lrsquoaccegraves aux droits et renforcent lrsquoexclusion sociale

Malgreacute les progregraves theacuterapeutiques les personnes vivant avec le VIH rencontrent encore de nombreux obstacles juridiques et factuels pour acceacuteder agrave leurs droits fondamentaux (accegraves aux soins accegraves agrave lrsquoemploi et agrave la formation etc) Souvent meacuteconnues et sous-estimeacutees ces difficulteacutes ont un impact majeur sur la vie quotidienne et lrsquoeffectiviteacute des droits de ces personnes

Entraves agrave lrsquoaccegraves aux soins discriminations lieacutees agrave lrsquoeacutetat de santeacute dans le domaine de lrsquoemploi deacuteni du droit agrave la liberteacute drsquoaller et venir en Guyane autant drsquoactes et de situations qursquoil convient de combattre

Le preacutesent rapport devrait participer agrave rendre visible les difficulteacutes releveacutees dans diffeacuterents domaines de la vie quotidienne Sa diffusion devrait permettre aux acteurs de mieux identifier et prendre en compte ces situations pour contribuer agrave lrsquoeacutegaliteacute en faveur des PVVIH Crsquoest dans cet esprit que le Deacutefenseur des droits a participeacute agrave la reacutedaction du rapport de lrsquoassociation AIDES et au-delagrave srsquoest engageacute agrave lutter contre les discriminations et les mesures drsquoexclusion agrave lrsquoencontre des PVVIH

Ce rapport qui nous permet de disposer drsquoune photographie des difficulteacutes rencontreacutees par les personnes vivant avec le VIH constitue un point drsquoappui pour changer les regards Je souhaite vivement qursquoil encourage agrave mobiliser des acteurs et qursquoil favorise la mise en œuvre de mesures concregravetes pour lutter contre le non-accegraves aux droits et les discriminations agrave lrsquoeacutegard des personnes vivant avec le VIH

Jacques Toubon Deacutefenseur des droits

Lrsquoeacutepideacutemie de sida et la lutte contre ce fleacuteau ont plus de 30 ans Trois deacutecennies de preacutevention de recherche drsquoincitation au deacutepistage et de combat pour les droits et contre la seacuterophobie La lutte contre le sida et les heacutepatites se construit et se megravene pour et avec les personnes exposeacutees aux risques mais aussi pour et avec les personnes vivant avec ces maladies Alors que la recherche avance et que les outils qui permettront drsquoen finir avec ces eacutepideacutemies sont connus cet horizon restera vague tant que la socieacuteteacute nrsquoeacutevoluera pas de mecircme et que les discriminations persisteront

Ce premier rapport laquo VIH heacutepatites la face cacheacutee des discriminations raquo de lrsquoassociation AIDES legraveve le voile sur des discriminations bien reacuteelles dans lrsquoaccegraves aux droits fondamentaux des personnes seacuteropositives au VIH et aux heacutepatites le droit agrave la santeacute le droit agrave la proprieacuteteacute le droit agrave lrsquoinstruction et au travail la liberteacute drsquoaller et venir Elles sont le fait de lrsquoEacutetat de lrsquoadministration de la socieacuteteacute dans son ensemble Elles sont le reflet de peurs et preacutejugeacutes qui reacuteduisent inlassablement les personnes agrave leur seacuteropositiviteacute Depuis plusieurs anneacutees les associations recensent documentent et attaquent sans relacircche ces discriminations Des victoires majeures ont eacuteteacute gagneacutees

Je me souviens des anneacutees 90 de ces situations heacutelas pas si rares ougrave des conjoints de personnes deacuteceacutedeacutees du sida se trouvaient du jour au lendemain agrave la rue sans droit sur le logement et les biens communs sans droits sur lrsquohistoire mecircme du couple Le PACS puis le mariage pour tous ont eacuteteacute conquis parce que le VIH a deacutemontreacute cruellement la neacutecessaire reconnaissance des couples de mecircme sexe Trop longtemps deacutenonceacutee hautement symbolique je pense aussi agrave lrsquointerdiction des soins funeacuteraires pour les personnes seacuteropositives au VIH ou agrave une heacutepatite qui sera bientocirct leveacutee et crsquoest par lagrave une discrimination jusque dans la mort qui ne sera plus

Ce rapport deacutemontre qursquoil reste encore un long chemin agrave parcourir Trop de situations restent injustifieacutees dans un Eacutetat de droit Il nrsquoest pas acceptable que des personnes seacuteropositives soient exclues drsquoun tregraves grand nombre drsquoemplois dans lrsquoarmeacutee la gendarmerie la police ou chez les sapeurs-pompiers Il nrsquoest pas concevable que des barrages soient installeacutes au sein mecircme du territoire franccedilais empecircchant les personnes drsquoacceacuteder aux soins neacutecessaires agrave leur survie Il nrsquoest pas admissible enfin que les personnes vivant avec le VIH soient confronteacutees agrave des refus de soins de la part de soignants ceux-lagrave mecircme qui sont supposeacutes ecirctre les mieux informeacutes Ces refus de soins soulignent que la peur du VIH devient trop souvent la peur de la personne seacuteropositive

Jrsquoai eacuteteacute teacutemoin des diffeacuterentes peacuteriodes de lrsquoeacutepideacutemie des anneacutees de cendre de lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies et de lrsquoespoir qursquoelles ont susciteacutees En tant que journaliste je me suis attacheacutee agrave informer sur le VIH et les heacutepatites sur les discriminations dont sont victimes les personnes vivant avec ou exposeacutees aux risques Je me suis engageacutee au cocircteacute des associations et je le fais de nouveau aujourdrsquohui en soutenant ce rapport car le combat contre les discriminations continue et il peut ecirctre gagneacute

Le rapport laquo VIH heacutepatites la face cacheacutee des discriminations raquo est une nouvelle brique agrave lrsquoeacutedifice

Claire Chazal

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F1

laquo Ce qursquoon est incapable de changer il faut au moins le deacutecrire raquo expliquait Rainer Werner Fassbinder On aurait tort drsquointerpreacuteter cette phrase du cineacuteaste allemand comme une forme de renoncement Au contraire il faut y voir la deacutemonstration qursquoil y a face agrave lrsquoinjustice toujours quelque chose agrave entreprendre et qursquoagrave deacutefaut de reacuteussir agrave balayer lrsquoinjustice on doit avoir le courage de la deacutenoncer Crsquoest dans cet esprit ndash le refus du renoncement allieacute agrave la volonteacute de changement ndash que ce premier rapport a eacuteteacute voulu et reacutealiseacute Notre place dans le champ social comme dans celui de la santeacute est particuliegravere Elle nous permet drsquoobserver de faire connaicirctre de deacutenoncer drsquoagir drsquoidentifier des problegravemes et drsquoy apporter seule ou avec drsquoautres des solutions Elle est aussi particuliegravere du fait des personnes communauteacutes et groupes qui font AIDES et de celles et ceux auxquels nous nous adressons Ce rapport est agrave notre image

Reacutealiseacute agrave partir de situations individuelles dont nous avons eacuteteacute saisi drsquoinitiatives que nous avons prises parfois avec des partenaires de dossiers de fond dont nous sommes partie prenante ce document nrsquoest pas un rapport drsquoactiviteacute Crsquoest un panorama souvent glaccedilant de dysfonctionnements qui perdurent de lacunes administratives de failles juridiques drsquoabus de pouvoir de discriminations institutionnaliseacutees dont le lit est bien cette faccedilon particuliegravere et deacutetestable de consideacuterer le VIHsida comme une maladie laquo agrave part raquo Un regard laquo agrave part raquo qui ne fait que renvoyer les personnes qui vivent avec le VIH agrave la marge Notre rapport est un eacutetat des lieux sans concession des visages multiples de la seacuterophobie aujourdrsquohui en France Glaccedilant il lrsquoest agrave deux titres la nature mecircme des faits que nous deacutenonccedilons et le fait que notre eacutetat des lieux ne soit heacutelas pas exhaustif

Afin de permettre agrave chacun-e de comprendre la diversiteacute des problegravemes et de mieux en saisir leurs enjeux nous avons retenu quatre thegravemes Lrsquoun porte sur des dispositions administratives contestables celles qui excluent des personnes vivant avec le VIH de certaines professions celles qui restreignent leurs carriegraveres ou leur accegraves agrave des formations Le deuxiegraveme est consacreacute au droit agrave la santeacute pour tous et toutes qui reste trop souvent bafoueacute comme nous lrsquoavons deacutemontreacute avec notre campagne contre les refus de soins dont sont victimes les personnes vivant avec le VIH Nous avons aussi traiteacute de la liberteacute drsquoaller et venir celle des personnes malades sur le territoire franccedilais en Guyane preacuteciseacutement Lagrave-bas des dispositions administratives empecircchent certaines drsquoentre elles de se rendre dans des lieux de soins Enfin est abordeacutee lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves aux meacutedicaments Elle est remise en cause par lrsquoincapaciteacute drsquoavoir une politique raisonneacutee des tarifs et de la juste reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation meacutedicale comme lrsquoa prouveacute la crise des prix des antiviraux agrave action directe contre le virus de lrsquoheacutepatite C Plutocirct que la reacutegulation tarifaire crsquoest la seacutelection des malades qui a eacuteteacute retenue Pour la premiegravere fois depuis longtemps ce sont des critegraveres financiers qui ont pris lrsquoascendant sur des critegraveres meacutedicaux Il nous a sembleacute important de revenir agrave la charge contre les freins en matiegravere de droit de proprieacuteteacute et drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dont sont victimes les personnes vivant avec une maladie chronique dont celles seacuteropositives au VIH

En 1990 (deacutejagrave ) des speacutecialistes du droit deacutefendaient lrsquoideacutee que le sida devait drsquoun point de vue juridique laquo ecirctre envisageacute dans sa banaliteacute raquo Ce que nous deacutemontrons ici crsquoest qursquoil nrsquoen est rien en 2015 De fait crsquoest lrsquoexceptionnaliteacute qui demeure Seacuteropositif-ve je ne peux pas ecirctre juge ni prendre les armes au service de mon pays Vivant avec le VIH mon lot sera de connaicirctre les pires obstacles pour emprunter acceacuteder agrave la proprieacuteteacute etc Tout est agrave lrsquoencan Et comme si cela ne suffisait pas agrave ces exceptions au droit commun srsquoajoutent les refus de soins les entraves agrave la liberteacute de circulation etc

Ces pheacutenomegravenes ne sont pas reacutecents et ont eacuteteacute deacutenonceacutes depuis longtemps notamment par le Conseil national du sida et des heacutepatites virales dans plusieurs avis degraves les anneacutees 90 Lrsquoeacutepideacutemie de VIH a agi degraves son apparition comme un reacuteveacutelateur des discriminations des ineacutegaliteacutes ou des difficulteacutes drsquoaccegraves aux droits et agrave la santeacute pour de nombreux groupes Des discriminations ineacutegaliteacutes encore alimenteacutees aujourdrsquohui par les peurs les repreacutesentations les exigences insultantes de protection vis-agrave-vis des personnes seacuteropositives Il est drsquoailleurs frappant de voir agrave quel point le droit pour ne parler que de lui est resteacute agrave la traicircne de la science Les avanceacutees scientifiques ont eacuteteacute majeures dans le VIH bouleversant la vie des personnes (les tritheacuterapies le traitement comme preacuteventionhellip) ameacuteliorant la qualiteacute de vie augmentant la dureacutee de vie On pouvait espeacuterer que cette nouvelle donne scientifique et meacutedicale se traduirait par une nouvelle chance pour les personnes vivant avec le VIH une chance drsquoen finir avec le regard laquo agrave part raquo une chance de voir les lois et regraveglements seacuterophobes abrogeacutes Ce nrsquoest toujours pas le cas

Nous nrsquoavons collectivement plus drsquoexcuse agrave ne rien faire Agrave AIDES nous lrsquoavons compris et y travaillons depuis des anneacutees Drsquoautres aussi notamment le Conseil national du sida et des heacutepatites virales Certains de ses avis celui de 1993 sur la confidentialiteacute en prison pour ne citer que celui-ci ont constitueacute des eacutetapes majeures dans la lutte contre les discriminations Notre engagement porte drsquoailleurs ses fruits comme le pointent dans ce rapport les avanceacutees que nous avons obtenues Mais il reste beaucoup agrave faire tant agrave deacutenoncer tant agrave transformer Crsquoest pour nous une grande fierteacute que ce rapport le premier du genre soit fait en collaboration avec le Deacutefenseur des droits Crsquoest une reconnaissance de la pertinence de notre approche et de la justesse de nos combats lrsquoassurance de pouvoir compter sur un allieacute de poids dans la lutte contre les discriminations Crsquoest aussi un signal envoyeacute agrave chacun-e drsquoentre nous il ne faut plus subir il faut deacutenoncer les discriminations seacuterophobes ainsi ensemble nous contribuerons agrave y mettre fin Lrsquoacircpreteacute des situations rapporteacutees dans ce rapport pourra surprendre Nous nrsquoavons ni noirci le tableau ni forceacute le trait Pas besoin tout ce qui est dit ici est vrai Ce que lrsquoon peine agrave changer seul il faut au moins le deacutecrire

Aureacutelien Beaucamp Preacutesident de AIDES

LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL 8

1 Travail seacuteropositiviteacute et discriminations une histoire aussi vieille que lrsquoeacutepideacutemie 1111 Les meacutetiers preacutetendument interdits aux PVVIH

le poids des repreacutesentations et des ideacutees reccedilues 1112 La persistance de formations et de meacutetiers

juridiquement interdits 11

droit applicable 12

2 Formations emplois en finir avec les derniers interdits 1421 Lrsquoeacutecole nationale du cirque une exclusion vite abrogeacutee 1422 Magistrature une interdiction depuishellip 1958 1423 Armeacutee un bastion sans VIH 16

231 Eacutevaluation de lrsquoaptitude agrave servir quelques repegraveres 16232 VIH et aptitude agrave servir des consignes drsquoun autre temps 17233 Un couperet qui concerne toutes les forces armeacutees

et les formations affeacuterentes 18234 Police nationale sapeurs-pompiers une exclusion

qui deacutepasse largement le champ de lrsquoarmeacutee 21

LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT 22

refus de soins 25

droit applicable 25

1 Un testing pour objectiver les refus de soins 2711 Meacutethodologie 27

111 Qursquoest-ce qursquoun testing 27112 Le protocole drsquoenquecircte 27113 Limites de lrsquoeacutetude 30

12 Des reacutesultats accablants 30121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou

de discriminations 32122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations

en fonction des speacutecialiteacutes 33123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations

en fonction de lrsquointerlocuteur-trice 34124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations

en fonction des villes 34125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave souligner 34126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutes 34

13 Perspectives la neacutecessiteacute de renforcer lrsquoarsenal juridique 35

difficulteacute drsquoaccegraves aux traitements 36

droit applicable 36

1 Le cas des traitements innovants contre lrsquoheacutepatite C 3611 Des traitements innovants agrave prix tregraves eacuteleveacutes 3612 VHC qui soigner 37

121 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexperts 37122 Les recommandations restrictives de la HAS 37123 Rationnement et exclusion les justifications discutables

avanceacutees par la HAS 38124 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicales 39

2 Plaidoyer pour un laquo juste prix raquo 3921 Les enjeux en cause 3922 Les objectifs 40

secret meacutedical au profit des mineurs 41

droit applicable 41

1 Sexualiteacute et santeacute sexuelle des mineur-e-s 4211 La laquo majoriteacute sexuelle raquo un concept sans valeur juridique 4212 Lrsquoacircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle une reacutealiteacute contrasteacutee 42

121 Donneacutees concernant la population geacuteneacuterale 42122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle 43

2 Deacutepistage soins eacutemancipation de lrsquoautoriteacute parentale du constat de terrain agrave la modification de la loi 4421 Permettre de deacutepister les mineur-e-s avec ou sans lrsquoaccord

des parents 4422 La neacutecessiteacute drsquoanonymiser la prise en charge 45

LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUX SERVICES PUBLICS 46

droit applicable 49

1 La Guyane les paradoxes drsquoun territoire prioritaire dans la lutte contre le VIH sida 4911 Des indicateurs de santeacute tregraves deacutefavorables 4912 La Guyane deacutepartement franccedilais le plus toucheacute par lrsquoinfection VIH 5013 Offre de santeacute reacutepartition geacuteographique en inadeacutequation

avec les besoins 502 Les controcircles routiers permanents 52

21 Des lois drsquoexception en Outre-mer au nom de la lutte contre lrsquoorpaillage et lrsquoimmigration illeacutegale 52

22 Des mesures qui affectent largement au-delagrave des cibles 5323 Les impacts deacutefavorables sur lrsquoaccegraves agrave la santeacute 53

231 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire 53

232 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicales 5424 Des contentieux pour obtenir la suppression de ces barrages 54

241 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircte 55242 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute

drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense 55

LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute 56

droit applicable 59

1 Un parcours du combattant pour les personnes toucheacutees par une maladie chronique 60

2 Vers le droit agrave lrsquooubli adapteacute pour le VIH et les maladies chroniques 6121 Le VIH aujourdrsquohui un risque tregraves limiteacute pour les compagnies

drsquoassurance 6122 Comment changer la donne 62

PARTIE 1

PARTIE 2

PARTIE 3

PARTIE 4

1LE droIT   Agrave LrsquoINSTrUcTIoN   

ET AU TrAVAIL

AIDES a plus de 30 ans aujourdrsquohui et son investissement en faveur du droit agrave lrsquoins-truction et agrave lrsquoemploi des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) est aussi ancien Ce combat a eacutevolueacute de bien des maniegraveres et pourtant les difficulteacutes semblent rester les mecircmes discriminations agrave lrsquoembauche deacutefaut de visibiliteacute de la seacuteropositiviteacute au travail discriminations de la part de collegravegues et parfois de la hieacuterarchie quels que soient la taille de lrsquoentreprise le secteur public ou priveacute etc Degraves 1992 les guides Droit et Sida de AIDES consacrent de tregraves grandes parties de leur contenu agrave lrsquoemploi En 2000 lrsquoassociation lance lrsquoenquecircte laquo Entre contraintes eacuteconomiques et volonteacutes sociales quelle place pour les personnes seacuteropositives le point de vue des acteurs de lrsquoentreprise raquo suivi des enquecirctes laquo AIDES et toi raquo et laquo VIH heacutepatites et vous raquo qui portent en particulier sur les ressources lrsquoaccegraves et le maintien dans lrsquoemploi des PVVIH

11 LES MEacuteTIERS PREacuteTENDUMENT INTERDITS AUX PVVIh LE POIDS DES REPREacuteSENTATIONS ET DES IDEacuteES REccedilUES

Le combat continu de AIDES en la matiegravere porte aussi sur les meacutetiers juridiquement interdits et ceux dont on suppose agrave tort qursquoils le sont agrave partir drsquoideacutees reccedilues et preacuteten-dus risques La brochure laquo VIH-sida et milieu du travail guide de sensibilisation raquo eacutediteacutee en 2001 par AIDES avec le soutien de lrsquoAssociation de gestion du fonds pour lrsquoinsertion professionnelle des personnes handicapeacutees (AGEFIPH) ainsi que du ministegravere de lrsquoEm-ploi et de la Solidariteacute eacutenumeacuterait comme exemples des meacutetiers faussement interdits

Cadre en fonction de responsabiliteacute en raison des absences possibles Les meacutetiers de la restauration et meacutetiers de bouche en raison de la fatigue du contact avec le public et du laquo risque de transmission par le biais des aliments raquo

Le secteur de lrsquoenfance et de lrsquoeacuteducation en raison du laquo risque de transmission aupregraves des enfants raquo

Le secteur meacutedical idem ci-dessus (enfants et adultes) Le secteur du bacirctiment et des travaux publics et plus largement les meacutetiers laquo physiques raquo agrave cause de la fatigue

Le secteur social les personnes seacuteropositives seraient laquo deacutepressives raquo il faut donc eacuteviter le contact avec le public

Les meacutetiers du nettoyage et les hocirctes de caisse agrave cause des horaires deacutecaleacutes et de la fatigue

Les meacutetiers avec du relationnel ou de la communication car les personnes seacuteropositives seraient laquo deacutepressives raquo

etcCes ideacutees reccedilues identifieacutees sur la base de formations agrave lrsquoinitiative de AIDES aupregraves drsquoopeacuterateurs drsquoinsertion teacutemoignent laquo du manque drsquoinformation principalement sur les effets des traitements et lrsquoeacutetat des repreacutesentations concernant les personnes toucheacutees raquo

12 LA PERSISTANCE DE fORMATIONS ET DE MEacuteTIERS jURIDIqUEMENT INTERDITS

Au-delagrave de ces repreacutesentations et ideacutees reccedilues lrsquoaccegraves agrave certaines formations et agrave certains emplois est encore juridiquement interdit en contradiction directe avec les principes du droit franccedilais Sans preacutetendre agrave une approche exhaustive AIDES srsquoest par-ticuliegraverement pencheacutee ces derniers mois sur trois cas les arts du cirque la magistrature et lrsquoarmeacutee franccedilaise Afin de conforter son analyse dans la perspective drsquoune eacutevolution du droit applicable elle a saisi en octobre 2015 le Deacutefenseur des droits agrave ce sujet

11

VIH des conditions deacutefavorables drsquoaccegraves et de maintien dans lrsquoemploi 1

Depuis une quinzaine drsquoanneacutees les pro-gregraves theacuterapeutiques ont permis agrave un nombre croissant de PVVIH de poursuivre durablement une activiteacute professionnelle comme le deacutemontrent les rapports drsquoex-perts successifs sur leur prise en charge meacutedicale Des associations ont aussi œuvreacute pour le deacuteveloppement de pro-grammes speacutecifiques drsquoaccegraves agrave lrsquoinsertion professionnelle et agrave lrsquoemploi comme par exemple Ikambere ou BasiliadeNeacuteanmoins le VIH demeure en soi un facteur de fragilisation des parcours pro-fessionnels et de paupeacuterisation y com-pris pour des personnes initialement bien inseacutereacutees dans lrsquoemploi Le taux de PVVIH ayant un emploi est infeacuterieur agrave celui de la population geacuteneacute-rale (57 versus 64 enquecircte ANRS-Vespa 2 2013) Entre 2003 et 2011 lrsquoaugmentation de leur taux de chocircmage est significative de maniegravere geacuteneacuterale (+4 ) et forte sur des publics speacutecifiques (femmes migrantes +10 ) Lrsquoenquecircte laquo VIH Heacutepatites et vous raquo (AIDES 2011) souligne un risque drsquoecirctre sans emploi 5 fois plus eacuteleveacute pour les PVVIH que pour la population geacuteneacuterale Si plus des deux tiers des PVVIH ayant perdu leur emploi depuis lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute souhaitent retravailler elles rencontrent des difficulteacutes drsquoac-cegraves quels que soient les secteurs public comme priveacute Plus le nombre drsquoanneacutees de vie avec le VIH augmente plus le taux drsquoemploi diminue La stigmatisation et la discrimination sont toujours preacutesentes dans le milieu professionnel 62 des PVVIH main-tiennent le secret sur leur eacutetat de santeacute au travail Les personnes peinent souvent agrave eacutevaluer le risque de parler ou pas de leur pathologie

1 Sources Enquecircte ANRS-Vespa 2 (BEH ndeg 2627 du 2 juillet 2013 premiers reacutesultats de lrsquoenquecircte ANRS-Vespa 2) IRDES Enquecircte laquo VIH Heacutepatites et vous raquo (EUSD du 18 au 23 octobre 2010) Focus emploi AIDES 2011 Rapport drsquoexperts et recommandations pour la prise en charge meacutedicale des PVVIH laquo Morlat raquo 2013 Chapitre laquo conditions de vie raquo p 440 et s

1TrAVAIL SEacuteroPoSITIVITEacute  ET dIScrImINATIoNS   

UNE HISToIrE AUSSI VIEILLE  qUE LrsquoEacutePIdEacutemIE 

mdashLes stigmatisations et les discriminations associeacutees au VIH ou aux heacutepatites existent dans le milieu professionnel aussi bien dans le secteur public que priveacute Elles peuvent srsquoinscrire dans les relations individuelles mais elles sont aussi parfois structurelles voire reacuteglementaires Ainsi lrsquoaccegraves agrave certaines formations et agrave certains emplois est refuseacute aux personnes vivant avec le VIH alors mecircme que les progregraves theacuterapeutiques ont deacutemontreacute leur efficaciteacute tant en matiegravere de reacuteduction des effets indeacutesirables que sur lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute

En matiegravere de droit du travail les textes de droit inter-national et de droit franccedilais sont tregraves nombreux et inter-disent les discriminations lieacutees agrave lrsquoeacutetat de santeacuteLes refus drsquoaccegraves agrave un emploi ou agrave une formation les licenciements fondeacutes sur lrsquoeacutetat de santeacute ou le handicap sont consideacutereacutes comme discriminatoires et peuvent faire lrsquoobjet de sanctions preacutevues dans diffeacuterents textes (Code peacutenal Code civil etc) Malgreacute lrsquoexistence de dis-positifs leacutegaux les discriminations lieacutees agrave lrsquoeacutetat de santeacute demeurent nombreuses dans le milieu professionnelEn 2014 13 des saisines du Deacutefenseur des droits en matiegravere de discriminations interviennent au titre du cri-tegravere de lrsquoeacutetat de santeacute notamment pour des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi (refus drsquoembauche agrave lrsquoannonce de la maladie) ou des difficulteacutes de maintien dans lrsquoemploi (refus des employeurs de mettre en place des ameacutena-gements raisonnables) Selon le 6e baromegravetre sur le res-senti des discriminations dans lrsquoemploi du Deacutefenseur des droits et de lrsquoOrganisation internationale du travail (OIT) lrsquoeacutetat de santeacute est source de pressions dans le monde professionnel Parmi les personnes deacuteclarant avoir eacuteteacute victimes de discrimination 12 estiment que celle-ci eacutetait lieacutee agrave leur eacutetat de santeacute La situation des personnes vivant avec le VIH reste difficile en particulier dans la sphegravere professionnelle en raison drsquoune grande meacutecon-naissance de la maladie de lrsquoimage neacutegative et tenace de la seacuteropositiviteacute Lutter contre les discriminations et les preacutejugeacutes concilier maladie chronique et emploi informer les personnes et les employeurs simplifier et ameacuteliorer les dispositifs de maintien dans lrsquoemploi des personnes malades sont autant de deacutefis agrave relever

Droit international Les engagements de la France aux niveaux europeacuteen et international sur le droit du travail sont nombreux Le Pacte international relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et culturels (PIDESC) adopteacute dans le cadre des Nations unies le 16 deacutecembre 1966 entreacute en vigueur en France le 4 feacutevrier 1981 pose notamment un principe de non-discrimination pour la jouissance des droits qursquoil eacutenonce (article 2-2deg) le droit au travail (article 6) le droit de toute personne agrave un niveau de vie suffisant (article 11-1deg) et le droit agrave lrsquoeacuteducation (article 13) Ce dernier article preacutecise que le droit agrave lrsquoeacuteducation inclut lrsquoensei-gnement primaire obligatoire et accessible gratuitement agrave tous lrsquoenseignement secondaire sous ses diffeacuterentes formes y compris lrsquoenseignement secondaire technique et professionnel geacuteneacuteraliseacute et accessible agrave tous lrsquoensei-gnement supeacuterieur accessible agrave tous en pleine eacutegaliteacute

Selon la convention 111 de lrsquoorganisation internationale du travail de 1958 contre les discriminations dans lrsquoem-ploi et les professions ratifieacutee par la France et entreacutee en vigueur en avril 1981 la Reacutepublique srsquoengage notam-ment agrave lrsquoarticle 3 agrave laquo a) srsquoefforcer drsquoobtenir la collaboration des organisa-

tions drsquoemployeurs et de travailleurs et drsquoautres organismes approprieacutes pour favoriser lrsquoacceptation et lrsquoapplication de cette politique

b) promulguer des lois et encourager des programmes drsquoeacuteducation propres agrave assurer cette acceptation et cette application

c) abroger toute disposition leacutegislative et modifier toute disposition ou pratique administratives qui sont incompatibles avec ladite politique

d) suivre ladite politique en ce qui concerne les emplois soumis au controcircle direct drsquoune autoriteacute nationale

e) assurer lrsquoapplication de ladite politique dans les acti-viteacutes des services drsquoorientation professionnelle de formation professionnelle et de placement soumis au controcircle drsquoune autoriteacute nationale raquo

Lrsquoarticle 1 de cette convention preacutecise que lrsquoaccegraves agrave lrsquoem-ploi inclut lrsquoaccegraves agrave la formation en vue drsquoacceacuteder agrave cet emploiLe droit europeacuteen interdit eacutegalement les discriminations agrave raison de lrsquoeacutetat de santeacute dans le champ de lrsquoemploiAgrave lrsquoorigine de nombreuses eacutevolutions jurisprudentielles dans de nombreux pays europeacuteens dont la France la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales (CEDH) du 4 novembre 1950 entreacutee en vigueur en France le 21 sep-tembre 1970 en son article 14 pose de mecircme un principe de non-discrimination laquo La jouissance des droits et liber-teacutes reconnus dans la preacutesente Convention doit ecirctre assu-reacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance ou toute autre situation raquo Bien que la CEDH ne proclame pas de droits en matiegravere eacutecono-mique et sociale il reacutesulte de la combinaison de lrsquoarticle 1er du protocole ndeg 1 (qui garantit le respect du droit de proprieacuteteacute et plus largement drsquoapregraves la Cour les droits patrimoniaux) de lrsquoarticle 2 du protocole ndeg 1 (qui garan-tit le droit agrave lrsquoinstruction) et de lrsquoarticle 14 de la CEDH un principe de non-discrimination en matiegravere de droits sociaux et de droit agrave lrsquoinstructionLa charte sociale europeacuteenne du 18 octobre 1961 entreacutee en vigueur en France le 8 avril 1973 garantit le droit au travail (article 1) le droit agrave la formation professionnelle (article 10) et le droit de toute personne agrave la protection contre la pauvreteacute et lrsquoexclusion sociale (article 30) La jouissance de tous ces droits est en outre compleacuteteacutee par une clause geacuteneacuterale de non-discriminationCes principes internationaux et europeacuteens ont enfin eacuteteacute rappeleacutes en 2000 par la Directive europeacuteenne CE ndeg 200078CE portant sur la creacuteation drsquoun cadre geacuteneacute-ral en faveur de lrsquoeacutegaliteacute de traitement en matiegravere drsquoem-ploi Cette directive srsquoimpose agrave lrsquoensemble des pays membres de lrsquoUnion Europeacuteenne

Droit franccedilaisSi les textes internationaux sont nombreux et preacutecis sur le droit agrave la formation et agrave lrsquoemploi sans discrimination le droit franccedilais nrsquoest pas en reste Le droit au travail reconnu par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 est un droit agrave valeur constitutionnelle Il est garanti sans discrimination dans le Code peacutenal ainsi que dans le Code civil agrave travers le droit au respect de la vie priveacutee et speacuteci-fiquement dans le Code du travail

Preacuteambule de la Constitution de 1946Chacun a le devoir de travailler et le droit drsquoobtenir un emploi Nul ne peut ecirctre leacuteseacute dans son travail ou son emploi en raison de ses origines de ses opinions ou de ses croyancesLa Nation garantit lrsquoeacutegal accegraves de lrsquoenfant et de lrsquoadulte agrave lrsquoinstruction agrave la formation professionnelle et agrave la culture Lrsquoorganisation de lrsquoenseignement public gratuit et laiumlque agrave tous les degreacutes est un devoir de lrsquoEacutetatFidegravele agrave sa mission traditionnelle la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge agrave la liberteacute de srsquoadministrer eux-mecircmes et de geacuterer deacutemocratique-ment leurs propres affaires eacutecartant tout systegraveme de colonisation fondeacute sur lrsquoarbitraire elle garantit agrave tous lrsquoeacutegal accegraves aux fonctions publiques et lrsquoexercice indi-viduel ou collectif des droits et liberteacutes proclameacutes ou confirmeacutes ci-dessus

Code peacutenal Interdiction des discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi

article 225-1Constitue une discrimination toute distinction opeacutereacutee entre les personnes physiques agrave raison de leur origine de leur sexe de leur situation de famille de leur grossesse de leur apparence physique de leur patronyme de leur lieu de reacutesidence de leur eacutetat de santeacute de leur handicap de leurs caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de leurs mœurs de leur orientation ou identiteacute sexuelle de leur acircge de leurs opinions politiques de leurs activiteacutes syndicales de leur appartenance ou de leur non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une race ou une religion deacutetermineacutee

article 225-2 La discrimination deacutefinie aux articles 225-1 et 225-1-1 commise agrave lrsquoeacutegard drsquoune personne physique ou morale est punie de trois ans drsquoemprisonnement et de 45 000 euros drsquoamende lorsqursquoelle consiste 3deg Agrave refuser drsquoembaucher agrave sanctionner ou agrave licencier une personne 5deg Agrave subordonner une offre drsquoemploi une demande de stage ou une peacuteriode de formation en entreprise agrave une condition fondeacutee sur lrsquoun des eacuteleacutements viseacutes agrave lrsquoarticle 225-1 ou preacutevue agrave lrsquoarticle 225-1-1

article 225-3 Les dispositions de lrsquoarticle preacuteceacutedent ne sont pas appli-cables 1deg Aux discriminations fondeacutees sur lrsquoeacutetat de santeacute lors-qursquoelles consistent en des opeacuterations ayant pour objet la preacutevention et la couverture du risque deacutecegraves des risques portant atteinte agrave lrsquointeacutegriteacute physique de la personne ou des risques drsquoincapaciteacute de travail ou drsquoinvaliditeacute 2deg Aux discriminations fondeacutees sur lrsquoeacutetat de santeacute ou le handicap lorsqursquoelles consistent en un refus drsquoembauche ou un licenciement fondeacute sur lrsquoinaptitude meacutedicalement constateacutee soit dans le cadre du titre IV du livre II du Code du travail soit dans le cadre des lois portant dispositions statutaires relatives agrave la fonction publique

Code civil Respect de la vie priveacutee

article 9 Chacun a droit au respect de sa vie priveacutee

Code du travail Interdiction des discriminations dans lrsquoemploi

article l1132-1Aucune personne ne peut ecirctre eacutecarteacutee drsquoune proceacutedure de recrutement ou de lrsquoaccegraves agrave un stage ou agrave une peacuteriode de formation en entreprise aucun salarieacute ne peut ecirctre sanctionneacute licencieacute ou faire lrsquoobjet drsquoune mesure discri-minatoire directe ou indirecte telle que deacutefinie agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations notam-ment en matiegravere de reacutemuneacuteration au sens de lrsquoarticle L3221-3 de mesures drsquointeacuteressement ou de distribution drsquoactions de formation de reclassement drsquoaffectation de qualification de classification de promotion profes-sionnelle de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine de son sexe de ses mœurs de son orientation ou identiteacute sexuelle de son acircge de sa situation de famille ou de sa grossesse de ses carac-teacuteristiques geacuteneacutetiques de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation ou une race de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales ou mutualistes de ses convictions religieuses de son apparence physique de son nom de famille de son lieu de reacutesidence ou en raison de son eacutetat de santeacute ou de son handicap

Obligation drsquoameacutenagement raisonnable permettant le maintien dans lrsquoemploi

article 6 sexies de la loi ndeg 83-634 du 13 juillet 1983 dite le pors Afin de garantir le respect du principe drsquoeacutegaliteacute de traitement agrave lrsquoeacutegard des travailleurs handicapeacutes les employeurs viseacutes agrave lrsquoarticle 2 prennent en fonction des besoins dans une situation concregravete les mesures appro-prieacutees pour permettre aux travailleurs mentionneacutes aux 1deg 2deg 3deg 4deg 9deg 10deg et 11deg de lrsquoarticle L323-3 du Code du travail drsquoacceacuteder agrave un emploi ou de conserver un emploi correspondant agrave leur qualification de lrsquoexercer et drsquoy progresser ou pour qursquoune formation adapteacutee agrave leurs besoins leur soit dispenseacutee sous reacuteserve que les charges conseacutecutives agrave la mise en œuvre de ces mesures ne soient pas disproportionneacutees notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les deacutepenses supporteacutees agrave ce titre par lrsquoemployeur

article l5213-6 du code du travailAfin de garantir le respect du principe drsquoeacutegaliteacute de traite-ment agrave lrsquoeacutegard des travailleurs handicapeacutes lrsquoemployeur prend en fonction des besoins dans une situation concregravete les mesures approprieacutees pour permettre aux travailleurs mentionneacutes aux 1deg agrave 4deg et 9deg agrave 11deg de lrsquoar-ticle L5212-13 drsquoacceacuteder agrave un emploi ou de conserver un emploi correspondant agrave leur qualification de lrsquoexercer ou drsquoy progresser ou pour qursquoune formation adapteacutee agrave leurs besoins leur soit dispenseacuteeCes mesures sont prises sous reacuteserve que les charges conseacutecutives agrave leur mise en œuvre ne soient pas dis-proportionneacutees compte tenu de lrsquoaide preacutevue agrave lrsquoarticle L5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les deacutepenses supporteacutees agrave ce titre par lrsquoemployeurLe refus de prendre des mesures au sens du premier ali-neacutea peut ecirctre constitutif drsquoune discrimination au sens de lrsquoarticle L1133-3

DROIT APPLICABLE

12 13PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Le VIH et ses conseacutequences sur la vie des personnes concerneacutees ne sauraient affec-ter a priori lrsquoaptitude agrave exercer la profession de magistrat Exclure les PVVIH de maniegravere geacuteneacuterale apparaicirct disproportionneacute et injustifieacute au regard de lrsquoactiviteacute en cause Lrsquoinfection est aujourdrsquohui laquo controcircleacutee raquo chez la plupart drsquoentre elles et en particulier chez celles contamineacutees apregraves 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies Cette condition anteacuterieure agrave lrsquoapparition du virus preacutevue par une ordonnance de 1958 pour drsquoautres pathologies fait subsister une exigence anachronique discriminante et stigmatisante Forte de ces constats AIDES interpelle donc le directeur de lrsquoENM la direction des ser-vices judiciaires le ministegravere de la Santeacute et la garde des Sceaux Dans un courrier en date de 11 feacutevrier 2014 cette derniegravere indique partager notre ana-lyse sur cette discrimination anachronique Elle propose de modifier en conseacutequence lrsquoarticle 16-5deg de lrsquoordonnance statutaire des magistrats afin que les conditions drsquoap-titude physique rejoignent celles applicables agrave lrsquoensemble de la fonction publique Les conditions seraient donc similaires agrave celles exigeacutees pour des concours comparables et en particulier celles de lrsquoEacutecole nationale drsquoadministration Elle entend proceacuteder agrave cette modification dans une prochaine loi organique relative au statut de la magistratureAu moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport cette modification nrsquoest toujours pas opeacutereacutee Elle est cependant bien preacutevue par lrsquoarticle 4 du projet de loi organique relatif agrave lrsquoindeacutepen-dance et lrsquoimpartialiteacute des magistrats et agrave lrsquoouverture de la magistrature sur la socieacuteteacute deacuteposeacute par Christiane Taubira le 31 juillet 2015 au Parlement laquo La condition drsquoaptitude physique est eacutegalement modifieacutee pour lrsquoaligner sur celle preacutevue pour les concours de la fonction publique raquo Lrsquoeacutetude drsquoimpact de lrsquoarticle constate lrsquoobsolescence de la condition drsquoaptitude physique en preacutecisant que laquo Cette reacutedaction date de la version initiale de lrsquoordonnance statutaire Agrave la diffeacuterence des dispositions similaires du statut geacuteneacuteral des fonctionnaires preacuteciteacute cet article nrsquoa pas eacuteteacute modifieacute depuis 1958 raquo De mecircme que AIDES puis la ministre dans sa reacuteponse lrsquoeacutetude drsquoimpact reconnaicirct lrsquoinconstitutionnaliteacute de cette conditionLe projet de loi preacutevoit que les mots laquo et ecirctre reconnus indemnes ou deacutefinitive-ment gueacuteris de toute affection donnant droit agrave un congeacute de longue dureacutee raquo soient remplaceacutes par les mots laquo compte tenu des possibiliteacutes de compensation du handi-cap raquo Le statut de magistrat srsquoalignerait en ce sens sur le statut applicable pour la fonction publiqueAgrave lrsquooccasion de lrsquoexamen de ce texte programmeacute agrave lrsquoautomne 2015 AIDES sera vigi-lante agrave ce que cette modification aboutisse

21 LrsquoEacuteCOLE NATIONALE DU CIRqUE UNE EXCLUSION VITE ABROGEacuteE

En mai 2014 une infirmiegravere scolaire constate sur le dossier de candidature agrave lrsquoEacutecole nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois (ENACR) une demande surprenante lrsquoeacutecole exige une seacuterologie VIH Une telle demande laisse preacutesumer que les PVVIH ne seraient pas admises agrave cette formation et agrave cette activiteacute Lrsquoinfirmiegravere prend contact avec AIDES afin de se renseigner sur le bien-fondeacute et la leacutegaliteacute de cette demande Lrsquoinfirmiegravere scolaire interpelle aussi le journal Causette qui rend compte de lrsquoaffaire dans un article publieacute en juin 2014 et rapporte des eacutechanges avec des responsables de lrsquoENACR pour le moins confus et marqueacutes par des repreacutesentations sur les modes de transmission et les pratiques des eacutetudiants Lrsquoeacutecole reconnaicirct cependant une mala-dresse laquo le test ne sera plus obligatoire mais fortement conseilleacute raquo 2 Causette comme AIDES sont drsquoaccord sur un point cela ne change rien ou si peuhellip Une telle eacutevolution induit une suspicion pour les candidats qui ne preacutesenteraient pas ce test seacuterologique et maintient le preacutesupposeacute qursquoecirctre porteur du VIH nrsquoest pas compatible avec les activiteacutes circassiennesAIDES interpelle alors le ministegravere de la Jeunesse et des Sports lrsquoOrdre des meacutedecins lrsquoinspection acadeacutemique de Seine-Saint-Denis et bien sucircr lrsquoENACR et son meacutedecin reacutefeacuterent Les courriers deacutenoncent laquo la suspicion induite agrave lrsquoeacutegard des candidats seacutero-positifs raquo qui laquo sous-entend qursquoil y aurait des risques reacuteels de contamination dans les activiteacutes circassiennes ce qui constitue une discrimination aveacutereacutee en raison de lrsquoeacutetat de santeacute raquo Se refusant agrave deacutenoncer sans proposer de solution cette lettre invite agrave une ren-contre des diffeacuterent-e-s acteurs-trices concerneacute-e-s afin de faire eacutevoluer les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoENACRCette rencontre nrsquoaura pas lieu Le 26 juin le matin mecircme de la reacuteception du courrier envoyeacute par AIDES le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem alors ministre de la Jeunesse et des Sports prend contact avec AIDES pour demander des renseignements compleacute-mentaires Le mecircme jour lrsquoeacutecole annonce la fin de cette condition pour candidater consideacuterant que la demande est disproportionneacutee et injustifieacutee Lrsquoeacutecole regrette de nrsquoavoir pu srsquoexpliquer de vive voix Constateacutee en mai 2014 avec un retrait de la condition discriminatoire en juin de la mecircme anneacutee agrave peine un mois plus tard cette situation a eacuteteacute geacutereacutee avec une tregraves grande reacuteactiviteacute que AIDES tient agrave saluer

22 MAGISTRATURE UNE INTERDICTION DEPUIShellip 1958

Dans le cadre de ses actions de preacutevention et de soutien aupregraves des PVVIH des mili-tant-e-s de AIDES ont eacuteteacute interrogeacute-e-s en 2013 par une personne craignant de ne pouvoir candidater agrave lrsquoEacutecole nationale de la magistrature (ENM) du fait de son statut seacuterologique Une demande similaire a eacuteteacute adresseacutee au siegravege de AIDES en feacutevrier 2015 Apregraves veacuterification il srsquoavegravere en effet que lrsquoarticle 16 de lrsquoordonnance ndeg 58-1270 du 22 deacutecembre 1958 sur le statut de magistrat exige de laquo remplir les conditions drsquoaptitu-des physiques neacutecessaires agrave lrsquoexercice des fonctions et ecirctre reconnu indemne ou deacutefi-nitivement gueacuteri de toute affection donnant droit agrave un congeacute de longue dureacutee (CLD) raquo Lrsquoaptitude physique requise pour assurer les fonctions de magistrat conditionne eacutegale-ment lrsquoentreacutee agrave lrsquoENM Or le laquo deacuteficit immunitaire grave et acquis raquo donne droit au CLD les PVVIH sont donc toutes exclues de la magistratureSelon AIDES cette situation constitue une discrimination agrave lrsquoemploi agrave lrsquoencontre des PVVIH prohibeacutee par le droit franccedilais et en contradiction directe avec lrsquoalineacutea 18 du Preacuteambule de la constitution de 1946 sur lrsquoaccegraves de tous et toutes les citoyen-ne-s agrave la fonction publique

Comment avez-vous eu connaissance de la dispo-sition leacutegale excluant la candidature des personnes vivant avec le VIH de lrsquoeacutecole nationale de la magistra-ture (ENM) Crsquoest en preacuteparant mon dossier drsquoaccegraves agrave lrsquoENM que jrsquoai pris connaissance de la reacutefeacuterence agrave cette disposition du statut [de magistrat] alors que mon projet eacutetait tregraves avanceacute et que la preacutesentation agrave ce concours eacutetait deacuteter-mineacutee comme eacutetant mon choix professionnel deacutefinitif

Comment avez-vous perccedilu cette condition par rapport agrave votre situation personnelle Jrsquoai eacuteteacute sideacutereacute par cette disposition et jrsquoai chercheacute agrave savoir agrave quelle date elle avait eacuteteacute prise Le fait que les termes employeacutes eacutemanent drsquoun temps ougrave la question du VIH nrsquoexistait pas mrsquoa laisseacute perplexe Je me suis senti humilieacute et jeteacute au ban de la socieacuteteacute

Quel impact cette information a pu avoir sur vos choix drsquoeacutetudes et drsquoorientations professionnelles Depuis un an eacutepoque agrave laquelle jrsquoai pris connais-sance de cette situation je suis totalement deacutesorienteacute et

jrsquoai suspendu toute deacutemarche En effet mecircme si la Chan-cellerie dit que cette discrimination nrsquoa plus cours nous nrsquoavons aucune assurance de cela Je nrsquoai pas voulu ris-quer drsquoecirctre en porte agrave faux avec drsquoun cocircteacute une reacuteussite agrave lrsquoentreacutee et de lrsquoautre un rejet pour inaptitude meacutedicale dans de telles conditions que je nrsquoaurais pu expliquer agrave mon entourage

Si la loi organique sur le statut de magistrat eacutetait effec-tivement voteacutee mettant fin agrave lrsquoexclusion des personnes vivant avec le VIH comptez-vous passer le concours de lrsquoENM Je nrsquoattends que cela Je ne pense qursquoagrave cela et le temps me paraicirct bien long Mes projets actuellement suspendus seraient immeacutediatement reacuteactiveacutes Le seul lien drsquoespoir qui me tient a eacuteteacute la lecture sur votre site de lrsquoexistence de votre deacutemarche aupregraves de Madame Taubira dans le cadre drsquoun cas similaire au mien ainsi que la formulation des promesses de la garde des Sceaux agrave votre association Jrsquoai peur qursquoelle quitte la Chancelle-rie avant de reacutealiser sa promesse

Teacutemoignage

2 Dr K-POTE laquo Aux Arts du cirque on jongle avec le sida et le droit raquo Causette 4 juin 2014

14 15PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2FormATIoNS ET EmPLoIS   

EN FINIr AVEc LES INTErdITS mdash

Selon lrsquoarticle 28 de lrsquoinstruction de 2003 relatif aux cotations des pathologies dans lrsquoarmeacutee vivre avec le VIH en bonne santeacute et sans traitement serait moins laquo grave raquo au regard de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute que vivre avec le VIH en bonne santeacute et avec traitement

23 LrsquoARMEacuteE UN BASTION SANS VIh

Lrsquointerdiction drsquointeacutegrer de nombreux corps de lrsquoarmeacutee par des PVVIH a eacuteteacute identifieacutee en juillet 2015 apregraves qursquoune personne ait contacteacute lrsquoassociation AIDES alors qursquoelle srsquoeacutetait vu refuser lrsquoaccegraves agrave la marine nationale Lrsquoarticle L 4132-1 du Code de la deacutefense dispose que laquo Nul ne peut ecirctre militaire (hellip) 3deg Srsquoil ne preacutesente les aptitudes exigeacutees pour lrsquoexercice de la fonction raquo Lrsquoaptitude est eacuteva-lueacutee selon lrsquoinstruction ndeg 2100DEFDCSSAASTAME du 1er octobre 2003 relative agrave la deacutetermination de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir Cette instruction fixe des regravegles unifieacutees visant agrave eacutevaluer le profil meacutedical du candidat

231 Eacutevaluation de lrsquoaptitude agrave servir quelques repegraveresLe systegraveme deacutefini par lrsquoinstruction de 2003 relative agrave la deacutetermination de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir se base sur sept profils deacutetailleacutes nommeacutes chacun par une lettre de lrsquoacronyme Sigycop Pour chacun de ses profils des coefficients sont attribueacutes et visent agrave noter lrsquoeacutetat de santeacute la graviteacute de potentielles infections et des seacutequelles (tableau 1)

Le coefficient 0 correspond agrave une eacutevaluation meacutedicale initiale par un meacutedecin geacuteneacutera-liste il nrsquoest que transitoire Les coefficients de 1 agrave 6 eacutetablissent une eacutechelle progres-sive 1 correspondant agrave lrsquoaptitude pour laquo tous les emplois des armeacutees mecircme les plus peacutenibles raquo 6 correspondant agrave lrsquoinaptitude totale

Lrsquoarticle 10 de lrsquoinstruction explique que le profil meacutedical est eacutetabli agrave lrsquoaide du tableau 2 sur lequel les coefficients doivent ecirctre associeacutes par le meacutedecin habiliteacute au sigle corres-pondant Ce profil est ensuite compareacute aux profils drsquoaptitudes minimales deacutefinis pour chaque corps de lrsquoarmeacutee par diffeacuterents textes regraveglementaires afin de deacuteterminer si le candidat est eacuteligibleAinsi pour la marine nationale dans le cadre de la situation pour laquelle AIDES a eacuteteacute saisie lrsquoarticle 4 de lrsquoarrecircteacute du 21 mai 2012 fixant les conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants et pour la sous-cription drsquoun contrat au titre de la marine nationale deacutefinit le profil meacutedical deacutetailleacute dans le tableau 2

232 VIh et aptitude agrave servir une eacutevaluation drsquoun autre tempsOutre ce cadre meacutethodologique sur lrsquoaptitude meacutedicale lrsquoinstruction de 2003 attribue pour un nombre important de pathologies des notes pour tout ou partie des lettres de lrsquoacronyme La cotation concernant le VIH est deacutefinie agrave lrsquoarticle 28 de lrsquoinstruc-tion (tableau 3)

Cet article appelle de nombreux commentaires Drsquoabord le VIH nrsquoest ici consideacutereacute qursquoau regard de lrsquolaquo eacutetat geacuteneacuteral raquo de la personne sans conseacutequence sur le reste du profil meacutedi-cal Cet eacutetat geacuteneacuteral est associeacute agrave des coefficients allant de 3 agrave 5 Lrsquoarticle 8 de lrsquoinstruc-tion preacutecise lrsquoimplication de ces coefficients par rapport agrave la lettre G Coefficient 3 I 3 et G 3 entraicircnent une restriction appreacuteciable de lrsquoentraicircnement notamment lrsquoentraicircnement physique au combat et limite lrsquoeacuteventail des emplois en particulier ceux de combattants au contact direct avec lrsquoennemi Coefficient 4 Attribueacute agrave lrsquoun des sigles S I ou G ce coefficient exempte de tout entraicirc-nement physique au combat Il limite lrsquoaffectation des sujets ainsi classeacutes agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Coefficient 5 Attribueacute agrave lrsquoun des sigles S I G ou O il reacuteduit lrsquoaptitude agrave des emplois seacutedentaires eacuteventuellement adapteacutes

Cet article est eacutegalement surprenant au regard des distinctions qursquoil fait des diffeacuterentes phases de lrsquoinfection agrave VIH et de la gradation appliqueacutee Ainsi vivre avec le VIH en bonne santeacute et sans traitement serait moins laquo grave raquo au regard de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute que vivre avec le VIH en bonne santeacute et avec traitement Cette distinction prend lrsquoexact contre-pied des donneacutees de la science et des recommandations meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles

En effet les traitements actuels permettent de reacuteduire consideacuterablement la charge virale dans le sang au point qursquoelle devient indeacutetectable Dans ces conditions les per-sonnes sont non contaminantes Ils permettent aussi de vivre en bonne santeacute sur du long terme et dans des conditions similaires aux personnes seacuteroneacutegatives Ainsi les PVVIH en France se voient proposer des traitements degraves qursquoelles sont deacutepisteacutees et une tregraves large majoriteacute les accepte Certes il est possible de vivre avec le VIH sans traite-ment et sans laquo symptocircmes raquo mais agrave de rares exceptions pregraves cette situation ne peut pas durer et en tout eacutetat de cause la charge virale reste deacutetectable et les personnes restent contaminantes

laquo Un traitement curatif ou prophylactique au long cours ne saurait constituer agrave lui seul un motif drsquoeacutelimination que dans la mesure ougrave il entraicircnerait un absenteacuteisme iteacuteratif etou prolongeacute raquo et alors que ce nrsquoest pas le cas pour les traitements actuels du VIH lrsquoexclusion de nombreux postes des personnes seacuteropositives sur la base de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir nrsquoest pas proportionneacutee Elle constitue en ce sens une discrimination condamnable au regard des textes internationaux ratifieacutes par la France du Preacuteambule de la constitution de 1946 et du droit interne

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010482 1010485 1010483 1010483 1010481

Tableau 2 ndash Profil meacutedical Sigycop applicable aux officiers navigants de la marine nationale

Le Sigycop correspond au profil meacutedical dun individu eacutetabli par un meacutedecin militaire lui permettant de deacuteterminer son aptitude agrave inteacutegrer larmeacutee franccedilaise

Tableau 3 ndash Article 28 de lrsquoinstruction de 2003 Infection par le VIH

16 17

Tableau 1 ndash Reacutefeacuterentiel Sigycop 2003

sigle coefficient profil meacutedical concerneacute

S 1 agrave 1010486 Ceinture scapulaire et membres supeacuterieurs

I 1 agrave 1010486 Ceinture pelvienne et membres infeacuterieurs

G 1 agrave 1010486 Eacutetat geacuteneacuteral

Y 1 agrave 1010486 Yeux et vision (sens chromatique exclu)

C 1 agrave 1010486 Sens chromatique

O 1 agrave 1010486 Oreilles et audition

P 1010480 agrave 1010485 Psychisme

a) Infection agrave VIH asymptomatique sans traitement avec une immuniteacute cellulaire satisfaisante selon avis speacutecialiseacute 1010483 G

b) Infection agrave VIH asymptomatique sans traitement avec une immuniteacute cellulaire perturbeacutee (infeacuterieur agrave 500 CD4mm3) 1010483 G

c) Infection agrave VIH asymptomatique traiteacutee 4 G

d) Infection agrave VIH symptomatique 1010485 G

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Ainsi le systegraveme de notation retenu par lrsquoarmeacutee surprend en ce qursquoil se fonde sur des repreacutesentations invalideacutees depuis plusieurs anneacutees et contraires aux recommanda-tions meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles Au regard de la distinction opeacutereacutee ici sur la prise ou non de traitements les coefficients donneacutes en conseacutequence nrsquoont pas de sens Plus globalement lrsquoensemble du reacutefeacuterentiel proposeacute est largement inadapteacute et principalement au regard des eacuteleacutements sur lesquels il se base Il serait plus pertinent drsquoappreacutecier lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de la personne au regard de lrsquoeacutevolution de sa charge virale dans le temps et son eacutetat de santeacute

233 Un couperet qui concerne toutes les forces armeacutees et les formations affeacuterentesLes conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants de la marine nationale et pour la souscription drsquoun contrat au titre de la marine nationale exigent donc a minima un eacutetat geacuteneacuteral de santeacute corres-pondant agrave G 2 La seacuteropositiviteacute au VIH impliquant un coefficient minimum de 3 exclut donc de fait lrsquoensemble des candidat-e-s seacuteropositifs-ves Cette exclusion va cependant beaucoup plus loin que ce seul corps drsquoarmeacutee sont eacutega-lement concerneacutees lrsquoarmeacutee de terre et lrsquoarmeacutee de lrsquoair Alors qursquoen France plus de 79 des PVVIH sont sous traitement crsquoest une tregraves large majoriteacute drsquoentre elles qui se voient attribuer le coefficient G 4 et donc lrsquoinaptitude deacuteclareacutee pour tout entraicircnement physique au combat lrsquoaffectation srsquoen trouvant limiteacutee agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Cette note exclue aussi les personnes drsquoun nombre consideacuterable de formations mili-taires dont lrsquoEacutecole polytechnique comme illustreacute par la circulaire ndeg 273424DEFRH-ATFFSSLM relative agrave lrsquoadmission en classes preacuteparatoires agrave lrsquoenseignement supeacuterieur et en classes preacuteparatoires aux grandes eacutecoles des lyceacutees de la Deacutefense rele-vant de lrsquoarmeacutee de terre pour lrsquoanneacutee scolaire 2015-2016 Le Sigycop des eacutecoles militaires correspond au Sigycop minimal pour inteacutegrer les diffeacute-rents corps (tableau 4)

eacutecoles S I G Y C O P textes de reacutefeacuterence

Eacutecole polytechnique 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483 2

Instruction ndeg 13074 DEF DPAG du 27 deacutecembre 1982 modifieacutee (BOC p 5317 BOEM 620-4141 81421)

Eacutecole speacuteciale militaire de Saint-Cyr (scientifique litteacuteraire sciences eacuteconomiques et sociales)

2 2 2 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 23 deacutecembre 2009 (JO ndeg 22 du 27 janvier 2010 texte ndeg 12 BOC 7 2010 BOEM 311-022 77011)Instruction ndeg 812DEFRH-ATPRHLEG du 15 septembre 2014 (BOC ndeg 50 du 10 octobre 2014 texte 18 BOEM 31221 620-4121)

Eacutecole navale 2 2 2 5 1010483 20

ou 1010481

Arrecircteacute du 21 mai 2012 (JO ndeg 136 du 13 juin 2012 texte ndeg 20 signaleacute au BOC 362012 BOEM 3212)

Instruction ndeg 102DEFEMMRHPRH du 5 deacutecembre 2011 modifieacute (BOC ndeg 5 du 27 janvier 2012 texte 10 BOEM 32615 620-4162)

Eacutecole de lrsquoair 2 2 2 5 2 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 27 juillet 2011 modifieacute (JO ndeg 184 du 10 aoucirct 2011 texte ndeg 1 signaleacute au BOC 442011 BOEM 76812)

Eacutecole nationale supeacuterieure de techniques avanceacutees 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483

0 ou 1010481

Arrecircteacute du 18 janvier 2011 modifieacute (JO ndeg122 du 26 mai 2011 texte ndeg 4 signaleacute au BOC 292011 BOEM 8106)

Eacutecole nationale supeacuterieure des ingeacutenieurs de lrsquoinfrastructure militaire

1010483 1010483 1010483 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 26 avril 2012 (JO ndeg 108 du 8 mai 2012 texte ndeg 30 signaleacute au BOC 332012 BOEM 50833)

Tableau 4 ndash Sigycop minimal requis pour les eacutecoles militaires 4

Le Code de lrsquoaviation civile est le seul code dont lrsquoassocia-tion ait connaissance qui exclut directement les PVVIH laquo La positiviteacute au VIH est cause drsquoinaptitude raquo Celle-ci vaut pour les pilotes ou les controcircleurs aeacuteriens Cepen-dant cette inaptitude ne se veut pas systeacutematique ce code preacutevoit une possible reconnaissance de lrsquoaptitude au cas par cas sous certaines conditions Lrsquoarrecircteacute du 16 mai 2008 relatif aux critegraveres et condi-tions de deacutelivrance des attestations drsquoaptitude meacutedicale neacutecessaires pour assurer les services du controcircle de la circulation aeacuterienne preacutecise ainsi qursquolaquo un candidat preacute-sentant une infection VIH comportant des symptocircmes drsquoaffection eacutevolutive telle que le sida une lymphadeacuteno-pathie chronique lieacutee au VIH ou une atteinte du systegraveme nerveux central doit ecirctre deacuteclareacute inapte Toutefois la deacuteclaration drsquoaptitude peut ecirctre envisageacutee au renouvel-lement et agrave la revalidation pour les individus preacutesentant une reacuteaction positive asymptomatique pour le VIH raquo De mecircme pour les pilotes lrsquoaptitude peut ecirctre accordeacutee sous certaines conditions et sous reacuteserve de controcircles freacutequents laquo la survenue drsquoun sida ou du complexe appa-renteacute au sida [devient alors] cause drsquoinaptitude raquo

Enfin concernant le personnel navigant lrsquoarrecircteacute de 2007 relatif aux conditions drsquoaptitude physique preacutecise que le laquo personnel navigant commercial doit ecirctre exempt de toute affection chronique eacutevolutive raquo avant de compleacute-ter laquo Une aptitude par deacuterogation peut ecirctre demandeacutee au conseil meacutedical de lrsquoaeacuteronautique civile qui juge en fonction des reacutesultats des examens cliniques et biolo-giques de lrsquointeacuteresseacute montrant un eacutetat de lrsquoaffection compatible avec le service aeacuterien et le cas eacutecheacuteant une bonne toleacuterance au traitement raquoLes textes de lrsquoaviation civile se distinguent en ce sens que srsquoil exclut a priori le critegravere drsquoaptitude ne reacuteside pas dans la seacuteropositiviteacute en tant que telle mais sur lrsquoeacutetat de santeacute geacuteneacuteral Ils reacutesultent il faut le souligner de mobi-lisations et contentieux 3 agrave lrsquoencontre des dispositions preacuteceacutedemment en vigueur en particulier lrsquoarrecircteacute minis-teacuteriel du 5 juillet 1984 qui preacutevoyait que laquo les affections eacutevolutives susceptibles de conduire agrave une inaptitude ulteacuterieure sont eacuteliminatoires raquo

3 Notamment la Deacutelibeacuteration de la Halde du 6 feacutevrier 2006 et lrsquoarrecirct du Conseil drsquoEacutetat du 28 juin 2006 4 httpwwwformationterredefensegouvfrPJDocumentsDecouverteODFLyceesDocuments20141203_DEF_RH-AT_F_FS_SLM_Circulaire_273424_admission_CPES_CPGEpdf

Lrsquoaviation civile lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute plutocirct que la seacuteropositiviteacute

18 19PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Les discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et international Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacute

Cette mecircme exclusion des PVVIH existe aussi dans la gendarmerie nationale Sachant que dans la gendarmerie nationale lrsquoinaptitude est prononceacutee pour les candidats seacutero-positifs en qualiteacute de musicien choriste ou agent technique et administratif le carac-tegravere discriminatoire et disproportionneacute des classifications pour inaptitude est illustreacute sans que drsquoautres commentaires soient utiles (tableau 5)Dans le cadre de la reacutedaction de ce rapport AIDES nrsquoa pas pu encore recenser de maniegravere exhaustive les corps desquels les PVVIH seraient exclues agrave raison de leur eacutetat de santeacute La question que AIDES pose en revanche est celle des postes et corps ouverts aux personnes seacuteropositives la liste est certainement plus limiteacuteehellip Lrsquoassociation sou-haite pour lrsquoheure mettre en lumiegravere une exclusion une discrimination structurelle touchant agrave toutes les forces armeacutees et lieacutee agrave un reacutefeacuterentiel inadapteacute anachronique eacutechappant aux donneacutees scientifiques et meacutedicales contemporaines

Remarque en 2015 les forces armeacutees comptent 207 689 postes (120 031 pour lrsquoarmeacutee de terre 38 874 pour la marine nationale 48 784 pour lrsquoarmeacutee de lrsquoair) 5 Lrsquoeffectif de la gendarmerie nationale srsquoeacutelegraveve agrave 98 115 personnes 6 la police nationale agrave 144 858 7 et les sapeurs-pompiers agrave 244 900 8 Une part importante de ces postes est fermeacutee aux PVVIH

234 Police nationale sapeurs-pompiers une exclusion qui deacutepasse largement le champ de lrsquoarmeacutee

Srsquoil a une vocation militaire le profil meacutedical Sigycop srsquoapplique et creacutee des exclusions systeacutematiques de PVVIH dans de nombreux autres emplois publics Ainsi lrsquoexclusion constateacutee pour lrsquoarmeacutee sur la base des coefficients G 3 et G 4 se retrouve dans drsquoautres secteurs notamment la police nationale En effet depuis une tregraves reacutecente modification de lrsquoarrecircteacute du 2 aoucirct 2010 relatif aux conditions drsquoaptitudes physiques particuliegraveres pour lrsquoaccegraves aux emplois de certains corps de fonctionnaires par un arrecircteacute du 10 juin 2015 le profil G 2 exclut lrsquoensemble des PVVIH de la police nationale (tableau 6)

De mecircme lrsquoarrecircteacute du 6 mai 2000 fixant les conditions drsquoaptitude meacutedicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions drsquoexercice de la meacutede-cine professionnelle et preacuteventive au sein des services deacutepartementaux drsquoincendie et de secours deacutefinit diffeacuterents profils Les PVVIH sous traitement ne sont eacuteligibles qursquoau profil E qui correspond agrave une activiteacute non opeacuterationnelle voire un reclassement dans un autre corps cadre drsquoemplois ou emploi Ces discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et interna-tional Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacutePour chaque cas ayant eacuteteacute rapporteacute agrave AIDES lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour mieux documenter les situations des personnes ainsi que les implications collectives Lrsquoas-sociation a systeacutematiquement alerteacute les autoriteacutes concerneacutees afin de travailler avec elles agrave une eacutevolution des textes AIDES a aussi saisi le Deacutefenseur des droits agrave lrsquoautomne 2015 dans le cadre de sa mission constitutionnelle de laquo veille au respect des droits et liberteacutes raquoAIDES ne preacutetend pas avoir identifieacute toutes les exclusions seacuterophobes existantes Si des personnes ont connaissance de situations similaires elles sont inviteacutees agrave contacter les associations qui les aideront agrave saisir le Deacutefenseur des droits

corps statut drsquoappartenance

ou formation concerneacuteeprofil meacutedical requis

Officier de gendarmerie (OG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale candidat au cycle de formation donnant accegraves au grade drsquoaspirant (AGIV)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Officier du corps technique et administratif de la gendarmerie nationale (OCTAGN)

S I G Y C O P

1010483 1010483 1010483 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie (SOG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave exercer les attributions drsquoagent de police judiciaire adjoint (GAV APJA)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Sous-officier du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (CSTAGN) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave occuper un emploi particulier (GAV EP)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie recruteacute pour servir en qualiteacute de musicien de lrsquoorchestre ou de choriste de la garde reacutepublicaine

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010483 1010485 1010484 10104820

ou 1010481

Tableau 5 ndash Sigycop minimal pour la gendarmerie nationale

5 Chiffres cleacutes de la Deacutefense eacutedition 2015 6 httpwwwgendarmerieinterieurgouvfrNotre-InstitutionNos-moyensEffectifs 7 httpwwwladocumentationfrancaisefrvarstoragerapports-publics134000185pdf 8 httpwwwpompiersfraccueilles-sapeurs--pompiersles-statistiques

20 21

Tableau 6 ndash Sigycop minimal requis pour les fonctionnaires actifs de la police nationale

S I G Y C O P

1010482 1010482 1010482 1010483 1010482 1010482 1010482

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2LE droIT Agrave LA SANTEacute   ET LE PrINcIPE   

drsquoEacutegALITEacute dE TrAITEmENT

Le droit agrave la protection de la santeacuteLa loi relative aux droits des personnes malades et agrave la qualiteacute du systegraveme de santeacute du 4 mars 2002 dite laquo loi Kouchner raquo reacuteaffirme degraves lrsquoexposeacute des motifs le droit agrave la pro-tection de la santeacute comme un droit agrave valeur constitutionnelle reconnu par lrsquoalineacutea 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 laquo La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les conditions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacute-rielle le repos et les loisirs raquo Ce droit a eacuteteacute consacreacute par plusieurs deacutecisions du Conseil constitutionnel (notamment CC 23 juillet 1999 ndeg 99-416) Le droit agrave la protection de la santeacute est eacutegalement garanti par des textes internationaux ratifieacutes par la France Il lrsquoest indirectement par lrsquoarticle 3 de la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales interdisant la tor-ture et les traitements inhumains ou deacutegradants et par lrsquoarticle 8 de ladite Convention proteacutegeant le droit agrave la vie priveacutee et familiale Ce droit est aussi proteacutegeacute directement par la Charte de lrsquoOrganisation mondiale de la Santeacute du 27 juillet 1946 laquo La possession du meilleur eacutetat de santeacute qursquoil est capable drsquoatteindre constitue lrsquoun des droits fondamen-taux de tout ecirctre humain quelles que soient sa race sa religion ses opinions politiques sa conduite eacuteconomique raquoSur ces bases lrsquoarticle 1 de la loi de 2002 introduit un droit agrave la protection de la santeacute en faveur de toute personne sans discrimination laquo La mise en œuvre de ce droit passe par le deacuteveloppement de la preacutevention lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins les plus approprieacutes agrave son eacutetat de santeacute la continuiteacute des soins la seacutecuriteacute sanitaire raquo

Extraits du Code de santeacute publique

article l1110-1 Le droit fondamental agrave la protection de la santeacute doit ecirctre mis en œuvre par tous moyens disponibles au beacuteneacutefice de toute personne Les professionnels les eacutetablissements et reacuteseaux de santeacute les organismes drsquoassurance maladie ou tous autres organismes par-ticipant agrave la preacutevention et aux soins et les autoriteacutes sanitaires contribuent avec les usagers agrave deacutevelopper la preacutevention garantir lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins neacutecessiteacutes par son eacutetat de santeacute et assurer la continuiteacute des soins et la meilleure seacutecu-riteacute sanitaire possible

article l1110-3 Aucune personne ne peut faire lrsquoobjet de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention ou aux soins

article l1110-5 Toute personne a compte tenu de son eacutetat de santeacute et de lrsquourgence des interventions que celui-ci requiert le droit de recevoir les soins les plus approprieacutes et de beacuteneacuteficier des theacuterapeutiques dont lrsquoefficaciteacute est reconnue et qui garantissent la meilleure seacutecuriteacute sanitaire au regard des connaissances meacutedicales aveacutereacutees Les actes de preacutevention drsquoin-vestigation ou de soins ne doivent pas en lrsquoeacutetat des connaissances meacutedicales lui faire courir de risques disproportionneacutes par rapport au beacuteneacutefice escompteacute

article l1411-1-1 Lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins des populations fragiliseacutees constitue un objectif prioritaire de la politique de santeacuteLes programmes de santeacute publique mis en œuvre par lrsquoEacutetat ainsi que par les collectiviteacutes territoriales et les organismes drsquoassurance maladie prennent en compte les difficulteacutes speacutecifiques des populations fragiliseacutees

25

DROIT APPLICABLE

rEFUS dE SoINS

Le droit agrave la santeacute et le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement bien que proteacutegeacutes par des textes agrave valeurs constitutionnelle et internationale peinent parfois agrave trouver une traduction effective Dans le champ du VIH sida et des heacutepatites virales les exemples sont leacutegions Sans preacutetendre agrave lrsquoexhaustiviteacute AIDES retient pour 2015 trois expressions drsquoatteintes agrave ces droits fondamentaux Drsquoabord des personnes seacuteropositives au VIH sont confronteacutees agrave des refus de soins en raison de leur statut seacuterologique Ensuite des personnes infecteacutees par le virus de lrsquoheacutepatite C sont eacutecarteacutees de lrsquoaccegraves aux nouveaux traitements innovants Enfin les personnes mineures ne peuvent acceacuteder agrave tous les moyens de preacutevention et de deacutepistage disponibles actuellement Ces sujets constituent les trois axes de ce chapitre

Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de comparer les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique

Bien que lrsquoaccegraves aux soins sans discrimination soit garanti par des dispositions leacutegales sans ambiguiumlteacute dans les faits des entraves existent Lrsquoexistence mecircme des refus de soins ne fait pas consensus la plupart des professionnel-le-s de santeacute tendant agrave nier ou au moins agrave minimiser le pheacutenomegravene que les personnes concerneacutees rapportent pourtant de maniegravere reacutecurrente Le deacuteficit drsquoeacutetudes officielles ne permet pas drsquoen objectiver la nature et lrsquoampleur En France seules quelques enquecirctes meneacutees par des associations et des institutions documentent ces pheacutenomegravenes mais essentiel-lement cibleacutees sur des motivations drsquoordre social Il srsquoagit drsquoeacutetudes concernant des beacuteneacuteficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) de la CMU compleacutementaire (CMU-C) de lrsquoaide meacutedicale drsquoEacutetat (AME) et de lrsquoaide agrave lrsquoacquisition drsquoune compleacute-mentaire santeacute (ACS) 11 Les discriminations dans le champ meacutedical agrave lrsquoencontre des PVVIH sont notamment documenteacutees par Sida Info Service qui a meneacute cinq enquecirctes agrave ce sujet et agrave travers les enquecirctes ANRS-VespaPourtant des cas reacutecurrents de refus de soins ou de discriminations sont rappor-teacutes par des PVVIH Ils concernent principalement lrsquoaccegraves agrave des soins dentaires ou gyneacutecologiques dans un contexte ougrave les mesures de preacutecaution standard drsquohygiegravene ont eacuteteacute maintes fois rappeleacutees par diverses instances publiques scientifiques et professionnellesAfin drsquoobjectiver ces refus trop souvent minimiseacutes AIDES a meneacute un testing en avril 2015 agrave lrsquooccasion de deacutebats autour du projet de loi de modernisation de notre sys-tegraveme de santeacute susceptible de renforcer les moyens de lutte contre les refus de soins Cette enquecircte vise agrave saisir lrsquoampleur et documenter les refus de soins laquo sur le vif raquo agrave lrsquoencontre des PVVIH

11 MEacuteThODOLOGIE

111 qursquoest-ce qursquoun testing Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de com-parer toutes choses eacutegales par ailleurs les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique Si lrsquoune des personnes est traiteacutee diffeacuteremment de lrsquoautre alors cette diffeacuterence est imputeacutee agrave lrsquounique caracteacuteristique qui les distingue

112 Le protocole drsquoenquecircteAfin de parvenir agrave eacutetablir lrsquoexistence de traitements discriminatoires dans lrsquoaccegraves aux soins dentaires ou gyneacutecologiques des PVVIH AIDES a recouru agrave une opeacuteration de tes-ting srsquoappuyant sur lrsquoobservation de prises de rendez-vous teacuteleacutephoniques

Les testeur-se-sLes appels teacuteleacutephoniques sont reacutealiseacutes par 44 testeur-se-s tous militant-e-s de AIDES Chaque testeur-se doit jouer un personnage en srsquoappuyant sur une identiteacute fictive qui se reacutepartit selon quatre profils

Hommefemme Seacuteropositif-ve au VIH ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH

Les diffeacuterentes lois sur la santeacute rarement remises en causes se sont depuis inscrites dans la continuiteacute Elles positionnent le droit agrave la santeacute pour tous et toutes comme une finaliteacute des politiques de santeacute jusqursquoau dernier projet de loi preacutesenteacute par Marisol Touraine ministre des Affaires sociales de la Santeacute et des Droits des femmes qui rap-pelle dans la version initiale de lrsquoarticle 1er laquo Elle [la politique de santeacute] tend agrave assurer la promotion de conditions de vie favorables agrave la santeacute lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute de la population la reacuteduction des ineacutegaliteacutes sociales et territoriales de santeacute et agrave garantir la meilleure seacutecuriteacute sanitaire possible et lrsquoaccegraves effectif de la population agrave la preacutevention et aux soins raquo 9

Les dispositions speacutecifiques aux refus de soinsLe droit agrave la santeacute est un eacuteleacutement fondamental des droits de lrsquohomme Si les textes qui rappellent ce principe sont nombreux il reste que ce droit nrsquoest pas acquis pour tous et toutes en particulier pour les personnes en situation de vulneacuterabiliteacute Au-delagrave des dif-ficulteacutes drsquoaccegraves aux soins les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) peuvent ecirctre expo-seacutees agrave des pratiques illeacutegales de refus de soins qui portent atteinte au droit agrave la santeacute Mecircme si les refus de soins ne sont pas geacuteneacuteraliseacutes les reacutesultats de nombreux testing montrent leur reacutecurrence Le droit actuel permet-il de lutter efficacement contre ces pratiques illeacutegales les reacuteponses juridiques sont-elles suffisantes Lrsquoencadrement juri-dique des refus de soins est eacuteclateacute entre Code peacutenal Code de la santeacute publique Code de la consommation et Code de deacuteontologie meacutedicale ce qui ne rend pas visible cet enjeuLe rapport du Deacutefenseur des droits remis au Premier Ministre en mars 2014 sur laquo Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME raquo a permis de montrer lrsquoinefficaciteacute de lrsquoencadrement juridique actuel La loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (HPST) a mis en place une proceacutedure particuliegravere de signalement des refus de soins complexe et peu effective instances compeacutetentes et modaliteacutes de saisines multiples difficulteacutes des usager-e-s agrave faire valoir leurs droits rareteacute des signalements et manque de mobilisation des ins-tances en charge du traitement des signalements Crsquoest pourquoi il est neacutecessaire de renforcer les droits des patient-e-s pour une meilleure connaissance des lois et voies de recours existants de mettre en œuvre un accompagnement des victimes dans le cadre des proceacutedures de conciliation ou les recours en justice et de mieux qualifier les refus de soins illeacutegaux pour en faciliter lrsquoidentification

Exemple de deacutecision du Deacutefenseur des droits Le Deacutefenseur a eacuteteacute saisi drsquoune reacuteclamation relative au refus de proceacuteder agrave lrsquoextraction de dents de sagesse en raison de la seacuteropositiviteacute de la patiente Celle-ci pensant que le chirurgien accegravederait agrave son dossier informatique de suivi au sein du mecircme hocircpital nrsquoa pas indiqueacute sa maladie lors de la consultation preacuteopeacuteratoire Apregraves avoir appris la seacuteropositiviteacute de la reacuteclamante le mis en cause a annuleacute lrsquoopeacuteration preacutevue en propo-sant une date trois mois plus tard inacceptable pour cette derniegravere Afin de justifier le refus des soins le mis en cause a invoqueacute lrsquoapplication drsquoun protocole speacutecifique pour la prise en charge drsquoun patient seacuteropositif Lrsquohocircpital dans lequel exerccedilait le mis en cause a deacutementi lrsquoexistence drsquoun tel protocole Dans le cadre de cette deacutecision le Deacutefenseur des droits a donc recommandeacute la mise en œuvre de sanctions disciplinaires agrave lrsquoeacutegard du meacutedecin et a informeacute de sa deacutecision le ministegravere de la Santeacute le conseil national de lrsquoordre des chirurgiens-dentistes ainsi que le conseil deacutepartemental de lrsquoordre des meacutedecinsDeacutecision MLD-2011-94 du 13 janvier 2012 10

1 UN TESTINg PoUr objEcTIVEr  

LES rEFUS dE SoINS mdash

9 Au moment de la reacutedaction de ce rapport la reacutedaction deacutefinitive de lrsquoarticle 1er nrsquoest pas connue 10 httpwwwdefenseurdesdroitsfrfractionsprotection-des-droits-libertesdecisiondecision-mld-2011-94-du-13-janvier-2012-

relative-un

11 MEacuteDECINS DU MONDE Testing sur les refus de soins des meacutedecins geacuteneacuteralistes pour les beacuteneacuteficiaires de la Couverture Maladie Universelle ou de lrsquoAide Meacutedicale Eacutetat dans 10 villes de France 2006 DEacuteFENSEUR DES DROITS Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME 2014 FONDS CMU-DIES Analyse des attitudes de meacutedecins et de dentistes agrave lrsquoeacutegard des patients beacuteneacuteficiant de la CMUC dans 6 villes du Val-de-Marne 2006 FONDS CMU-IRDES Les refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMUC agrave Paris 2009 FONDS CMU-IRDES Analyse territoriale des obstacles agrave lrsquoaccegraves aux soins des beacuteneacuteficiaires de la CMUC dans les deacutepartements de lrsquoOrne et de la Niegravevre 2012 CISS Droits des malades Refus de soins aux beacuteneacuteficiaires de la CMUC de lrsquoAME et de lrsquoACS 2015

26 27PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Rouen

Evreux

Pontoise

Chacircteauroux

ParisStrasbourg

Auxerre

Dijon

Lyon

Marseille

Gap

Clermont-ferrandPuy-en-Velay

Toulouse

Niort

Angoulegraveme

Cahors

Bourg-en-Bresse

Tours

Colmar

Lrsquoeacutechantillon repreacutesentatif de lrsquoeacutetude comprend 100766810076680 cabinets dentaires et 100766510076691007668 cabinets de gyneacutecologie

Le sceacutenarioUn mecircme cabinet dentaire ou de gyneacutecologie est appeleacute deux fois pour une prise de rendez-vous par deux testeur-se-s diffeacuterent-e-s qui ont des caracteacuteristiques sociodeacute-mographiques similaires Les prises de rendez-vous gyneacutecologiques sont effectueacutees uniquement par des femmes Dans le premier cas le-la testeur-se annonce sa seacutero-positiviteacute au VIH dans le second cas lrsquoautre testeur-se ne dit rien Seule la mention du statut seacuterologique diffeacuterencie ces deux personnes Un script eacutetabli en concertation avec des militant-e-s des PVVIH et des professionnel-le-s de santeacute (meacutedecins speacutecia-listes en chirurgie dentaire en gyneacutecologie et de santeacute publique) reacuteuni-e-s au sein drsquoun groupe de pilotage a permis drsquoeacutetablir

Une feuille de route pour chaque testeur-se proposant des reacuteponses concregravetes aux eacuteventuelles questions que pourrait susciter la demande de rendez-vous (iden-titeacute motifs de la demande orientations adresse teacuteleacutephone numeacutero de seacutecuriteacute sociale etc)

La conduite agrave tenir en cas de mise en attente ou drsquoheacutesitations agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute

Le choix du motif de la consultation deacutetartrage ou frottis Il est important de choisir un acte meacutedical susceptible de provoquer des saignements mais simple ne justifiant pas une orientation vers un-e meacutedecin speacutecialiste ou vers un service drsquourgences et ou un plateau technique particulier

Les eacutechanges teacuteleacutephoniques sont enregistreacutes leur contenu est retranscrit dans une base de donneacutees pour recueillir de faccedilon standardiseacutee les reacuteponses apporteacutees par les praticien-ne-s Des seacuteances de deacutebriefing ainsi qursquoun guide meacutethodologique sont mis agrave disposition des testeur-se-s

Remarque lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute au VIH drsquoembleacutee lors de la prise de ren-dez-vous est justifieacutee par les teacutemoignages de certaines PVVIH qui trop souvent expo-seacutees agrave la stigmatisation et la discrimination de la part de professionnel-le-s de santeacute preacutefegraverent eacuteviter un refus frontal de la ou du meacutedecin dans son cabinet Elle est eacutegale-ment approuveacutee par les professionnel-le-s de santeacute du groupe de pilotage au regard de leur expeacuterience

Constitution de lrsquoeacutechantillon geacuteographiqueLa meacutethodologie de lrsquoenquecircte srsquoappuie sur une technique drsquoeacutechantillonnage aleacuteatoire de maniegravere agrave garantir une seacutelection repreacutesentative des chirurgiens-dentistes et des gyneacutecologues en France Afin de deacutefinir les villes dans lesquelles est reacutealiseacutee lrsquoeacutetude plusieurs eacutetapes sont retenues

Un classement des reacutegions en fonction de leur incidence au VIH (faible moyenne eacuteleveacutee)

Une seacutelection de trois reacutegions par niveau drsquoincidence Une identification pour chaque reacutegion seacutelectionneacutee drsquoun deacutepartement agrave haute densiteacute meacutedicale et drsquoun deacutepartement agrave faible densiteacute meacutedicale pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Un choix des chefs-lieux de chacun de ces deacutepartements comme ville pour effectuer lrsquoenquecircte

Pour les trois plus grandes villes de France (Paris Lyon Marseille) un deacutecoupage par arrondissement selon le niveau de richesse (eacuteleveacute moyen faible) est reacutealiseacute Au total 20 villes sont seacutelectionneacutees La base de sondage est reacutealiseacutee agrave partir de plusieurs sources de donneacutees lrsquoInstitut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques (Insee) pour le nombre drsquohabi-tants lrsquoInstitut de veille sanitaire (InVS) pour lrsquoincidence du VIH lrsquoObservatoire natio-nal de la deacutemographie des professions de santeacute et lrsquoAtlas de la deacutemographie meacutedicale en France pour la densiteacute meacutedicale deacutepartementale respectivement pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Constitution de lrsquoeacutechantillon meacutedicalLe testing vise les seul-e-s speacutecialistes secteurs 1 et 2 chirurgiens-dentistes et gyneacuteco-logues Ainsi deux bases de sondage sont reacutealiseacutees

Lrsquoune agrave partir de lrsquoensemble des chirurgiens-dentistes conventionneacute-e-s pour les soins dentaires classiques preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Lrsquoautre agrave partir de lrsquoensemble des gyneacutecologues conventionneacute-e-s avec les speacuteciali-teacutes meacutedicale etou obsteacutetrique preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Pour lrsquoensemble des secteurs geacuteographiques 2 297 chirurgiens-dentistes et 290 gyneacute-cologues sont recenseacute-e-s Afin de creacuteer un eacutechantillon repreacutesentatif de ces professions 30 des chirurgiens-dentistes et 60 des gyneacutecologues sont tireacute-e-s au sort agrave lrsquoaide drsquoun programme de tri aleacuteatoire

Moins de 45 000 habitants

45 000 agrave 200 000 habitants

Plus de 200 000 habitants

les 20 villes selectionneacutees

pour le testing aupregraves des cabinets

dentaires et gyneacutecologiques

29PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 1

laquo Pour vous ce sera 21h raquo laquo Je ne prends pas de nouveaux patients raquo

laquo Eh bien on mettra deux paires de gants raquo

laquo Vous me remplirez un questionnaire meacutedical avant le rdv raquo

laquo Je le note dans le carnet de rdv raquo

laquo Les gens comme voushellip raquo

laquo Je nrsquoai pas le mateacuteriel adapteacute raquo

laquo Ok mais vous viendrez avec toutes vos analyses raquo

laquo Je ne pratique pas le deacutetartrage raquo

laquo Le deacutetartrage crsquoest 150 euros raquo

laquo Vous serez mieux soigneacute agrave lrsquohocircpital raquo

laquo Je nrsquoai pas eacuteteacute formeacute au vih raquo

laquo Heuhellip veuillez patienter raquo

Bonjour je souhaite un rendez-vous

pour un deacutetartrage et je suis seacuteropo

la face cacheacutee des refus

de soins chez les dentistes

envers les personnes vih+

Florilegravege des verbatims des cabinets dentaires agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute par ordre de citation

Le motif le plus souvent invoqueacute par les cabinets dentaires est celui des ameacutenagements ou des horaires speacutecifiques requis pour les personnes seacuteropositives Vient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute

Peacuteriode drsquoenquecircteLe testing est reacutealiseacute sur une peacuteriode courte du 7 au 10 avril 2015 pour garantir la confi-dentialiteacute de lrsquoopeacuteration et assurer un environnement comparable entre les diffeacuterents appels (actualiteacute meacutediatique et politique etc) Une fois la semaine de testing passeacutee les rendez-vous pris sont annuleacutes afin de ne pas peacutenaliser les laquo vrais raquo malades et les meacutedecins dans la gestion des rendez-vous meacutedicaux

Eacutechantillon finalParmi les 570 cabinets dentaires et les 154 cabinets de gyneacutecologie contacteacutes par teacuteleacute-phone durant la peacuteriode drsquoenquecircte pour une prise de rendez-vous un certain nombre sont exclus en raison de non-reacuteponses aux appels de non-conformiteacute de la speacutecialiteacute de fermeture ou de congeacutes Lrsquoeffectif final des praticien-ne-s retenu-e-s srsquoeacutelegraveve agrave 440 pour les chirurgiens-dentistes et 116 pour les gyneacutecologues Lors des appels il est pos-sible de relever la fonction des reacutepondant-e-s dans la majoriteacute des cas (praticien-ne-s ou secreacutetaires meacutedicaux-ales) Ainsi les interlocuteur-trice-s dans les cabinets dentaires sont des secreacutetaires meacutedicaux-les dans 764 des cas (n=336) et des chirurgiens-den-tistes dans 193 des cas (n=85) Pour les cabinets de gyneacutecologie la reacutepartition eacutetait de 802 de secreacutetaires meacutedicaux-les (n=93) et 78 de gyneacutecologues (n=9)

113 Limites de lrsquoeacutetudeCette opeacuteration de testing comporte des limites qui sont autant de pistes pour ameacutelio-rer encore ce type drsquoenquecirctes et leur donner un cadre leacutegalLa premiegravere limite tient agrave la classification a posteriori des motifs des refus de soins En effet la liste exhaustive des motifs de refus ainsi que la combinaison de plusieurs motifs eacutetaient difficiles agrave anticiper La deuxiegraveme limite concerne la perception des testeur-se-s quant aux reacuteponses four-nies par les dentistesgyneacutecologues Ainsi la notion de subjectiviteacute permise par la non-cateacutegorisation a priori des reacuteponses a probablement induit une sous-deacuteclaration de certains refus Les retours drsquoexpeacuteriences des PVVIH qui pointent des refus frontaux dans les cabinets des praticien-ne-s apregraves un rendez-vous fixeacute preacutealablement au teacuteleacute-phone laissent augurer eacutegalement drsquoune sous-eacutevaluation de ces pratiquesLa troisiegraveme limite est celle du champ de lrsquoenquecircte Seule la seacuteropositiviteacute au VIH a eacuteteacute testeacutee il est pourtant neacutecessaire drsquoeacutetendre aux personnes vivant avec une heacutepatite virale chronique ou co-infecteacutees par le VIH et les heacutepatites virales De plus les repreacutesen-tations sociales eacuteconomiques et morales associeacutees agrave la pathologie VIH (CMU ou AME preacutecariteacute pratiques sexuelles usages de drogues etc) peuvent geacuteneacuterer des cumuls de motifs de refusEt enfin la taille de lrsquoeacutechantillon des professionnel-le-s ne permet pas de reacutealiser des analyses statistiques pousseacutees notamment par ville et de conclure agrave drsquoeacuteventuelles dynamiques locales de discrimination

12 DES REacuteSULTATS ACCABLANTS

Parmi les reacuteponses des chirurgiens-dentistes et de leur secreacutetariat meacutedical agrave lrsquoan-nonce de la seacuteropositiviteacute le motif le plus souvent invoqueacute est celui des ameacutena-gements ou des horaires speacutecifiques qui seraient requis soit eacutenonceacutes comme tels soit mis en eacutevidence par comparaison des reacuteponses faites aux personnes supposeacutees seacuteroneacutegatives Il est important de rappeler que le Haut conseil de la santeacute publique a publieacute en 2007 un avis laquo ne recommandant pas lrsquoinstauration drsquoun ordre de pas-sage pour tout patient porteur des virus VHC VHB ou VIH lors drsquoactes invasifs meacutedico-chirurgicaux En revanche il considegravere comme une prioriteacute lrsquoapplication des preacutecautions standard et le respect des mesures de preacutevention (hellip) raquo LrsquoOrdre natio-nal des chirurgiens-dentistes a drsquoailleurs redit lors de la parution de ce testing que laquo les patients doivent tous beacuteneacuteficier drsquoune mecircme chaicircne de deacutecontamination et de steacuterilisation raquoVient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute surcharge de travail pas de nou-veaux-elles patient-e-s deacutelais de rendez-vous trop importants etc non eacutevoqueacutee pour les testeur-se-s nrsquoannonccedilant pas de seacuteropositiviteacute au VIHPour les gyneacutecologues ou leur secreacutetariat meacutedical les testeuses seacuteropositives sont accepteacutees sous reacuteserve de la preacutesentation de leur dossier meacutedical et du rappel de la pathologie au moment de la consultation Lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute est aussi avanceacute agrave plusieurs reprises Tous ces motifs sont ensuite cateacutegoriseacutes

Figure 2

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS30

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins

121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou de discriminationsUne cateacutegorisation est opeacutereacutee en fonction des dispositions juridiques existantes Les dispositions leacutegales eacutetant tregraves geacuteneacuterales et impreacutecises crsquoest la reacutefeacuterence agrave la circu-laire CNAMTS CIR-332008 relative aux refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMU-C qui a eacuteteacute retenue Ce texte donne une deacutefinition concregravete des refus de soins incluant laquo la fixation tardive inhabituelle et abusive drsquoun rendez-vous lrsquoorien-tation reacutepeacuteteacutee et abusive vers un autre confregravere lrsquoattitude et le comportement dis-criminatoire du professionnel de santeacute etc raquo Certains praticien-ne-s ont pu eacutevoquer plusieurs motifsAinsi des refus de soins directs ou deacuteguiseacutes et des traitements diffeacuterentiels non fon-deacutes sont constateacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH lors drsquoune demande de rendez-vous pour un deacutetartrage ou un frottisParmi les refus de soins on distingue deux cateacutegories Les refus directs Il srsquoagit de refus directement imputables au VIH annonceacutes comme tels ou sous couvert drsquoune autre raison non formuleacutee aupregraves de la personne supposeacutee seacuteroneacutegative Les refus deacuteguiseacutes Il srsquoagit de refus dont les preacutetextes avanceacutes sont douteux et contraires au Code de deacuteontologie meacutedicale Ils peuvent ecirctre cateacutegoriseacutes en deux types de refus

Les strateacutegies de deacutecouragement horaires contraignants deacutepassements drsquohono-raires assurance de la solvabiliteacute financiegravere etc

Les reacuteorientations vers des confregraveres ou des services hospitaliers sous preacutetexte drsquoun manque de connaissance de la pathologie et de sa prise en charge de mateacute-riel non adapteacute ou la dangerositeacute des soins qui suggegraverent une meilleure prise en charge laquo ailleurs raquo

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins (voir page 25) Ces dispariteacutes de traitement sont soit annonceacutees de maniegravere explicite lors de la prise de rendez-vous soit mises en eacutevidence par la confrontation des reacuteponses faites au-agrave la testeur-se seacuteropositif-ve au VIH et agrave son binocircme ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH On distingue trois cateacutegories

La meacuteconnaissance de la pathologie qui aboutit agrave de mauvaises pratiques dans la relation avec le ou la patiente

La divulgation du statut seacuterologique en dehors drsquoun dossier meacutedical ce qui est une atteinte au secret meacutedical

Lrsquoexistence de protocoles speacutecifiques drsquohygiegravene pour les PVVIH (steacuterilisation dureacutee des soins etc) agrave lrsquoencontre des mesures de preacutecautions standard recommandeacutees qui teacutemoignent drsquoun manque de connaissance ou drsquoapplication des regravegles fonda-mentales drsquohygiegravene et de steacuterilisation mais aussi une meacuteconnaissance des modes de contamination Ces mesures doivent ecirctre garanties systeacutematiquement et sans compromis quel que soit le statut seacuterologique des personnes et ce drsquoautant qursquoon estime entre 30 000 et 50 000 le nombre de personnes contamineacutees par le VIH en France qui lrsquoignorent (pour 150 000 PVVIH soit 20 agrave 30 )

32 33

30 refus de soins

deacuteguiseacutes

36 refus de soins

directs

168 pratiques

discriminatoires

cabinet dentaire

ViH SrsquoabStenir

17 refus de soins

directs

43 refus de soins

deacuteguiseacutes

172 pratiques

discriminatoires

cabinet de gyneacutecologie

ViH SrsquoabStenir

122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des speacutecialiteacutes

Figure 3 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 4 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

336 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

168 de pratiques discriminatoires

6 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

172 de pratiques discriminatoires

Cabinets de gyneacutecologie

Cabinets dentaires

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Dans le cadre du projet de loi Santeacute AIDES a construit plusieurs amendements afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutealiteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits

Les reacutesultats de ce testing prouvent qursquoil existe une veacuteritable meacuteconnaissance du VIH et de ses modes de transmission aboutissant agrave des attitudes neacutegatives et discrimi-natoires Ces comportements trahissent les repreacutesentations des professionnel-le-s vis-agrave-vis de cette maladieinfection et sur le respect des fondements deacuteontologiques des professions du soin

13 PERSPECTIVES LA NEacuteCESSITEacute DE RENfORCER LrsquoARSENAL jURIDIqUE

Les constats de AIDES confirment la neacutecessiteacute drsquoaller plus loin contre les refus de soins que la seule disposition initialement envisageacutee dans le projet de loi Santeacute Actuelle-ment ce sont aux ordres professionnels des soignant-e-s de mesurer lrsquoimportance et la nature des pratiques de ces refus En conseacutequence plusieurs amendements ont eacuteteacute construits avec Meacutedecins du Monde (MdM) afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutea-liteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits Les amendements formulent cinq propo-sitions visant agrave

Eacutelargir la deacutefinition leacutegale des refus de soins agrave toute pratique discriminante ou strateacutegie de dissuasion menant in fine au renoncement aux soins des patient-e-s

Donner une base leacutegale au testing autour drsquoun cahier des charges preacutecis et y inclure les associations de malades

Impliquer lrsquoensemble des acteurs-trices de santeacute dans le pilotage de lrsquoObserva-toire deacutedieacute aux refus de soins preacutevu par le projet de loi Santeacute agrave commencer par les associations de malades mais aussi les ordres professionnels et les organismes drsquoassurance maladie

Ameacutenager la charge de la preuve de sorte que comme dans lrsquoensemble du droit de la non-discrimination ce soit au-agrave la professionnel-le de santeacute de prouver qursquoil nrsquoy a pas eu de traitement discriminatoire lorsqursquoune personne exprime des eacuteleacutements de fait laissant supposer lrsquoexistence drsquoune discrimination

Permettre aux patient-e-s drsquoecirctre accompagneacute-e-s etou repreacutesenteacute-e-s par des associations durant les recours en justice ou les proceacutedures de conciliation lors-qursquoils-elles sont confronteacute-e-s agrave des refus de soins

Ces amendements srsquoappuient sur divers rapports institutionnels et parlementaires ils srsquoinspirent aussi de lrsquoarticle initial sur les refus de soins de la loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (Loi HPST) preacutesenteacutee par Roselyne Bachelot alors ministre de la Santeacute en 2008 Ces propositions ont cependant eacuteteacute escamoteacutees au fil des lectures agrave lrsquoAssembleacutee nationale et au SeacutenatAinsi gracircce agrave ce testing agrave ses retombeacutees meacutediatiques et agrave la mobilisation des mili-tant-e-s de AIDES les lignes ont commenceacute agrave bouger Drsquoune part lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes a vivement reacuteagi et drsquoautre part un amendement agrave lrsquoarticle 19 du projet de loi Santeacute a eacuteteacute voteacute au Seacutenat proposant que lrsquoeacutevaluation de lrsquoexistence des refus de soins soit confieacutee au Deacutefenseur des droits Au moment de la reacutedaction de ce rapport la formulation finale de lrsquoattribution de cette eacutevaluation au Deacutefenseur des droits ou aux diffeacuterents Ordres nrsquoest pas connue

Concernant lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes un rapprochement avec AIDES srsquoest opeacutereacute rapidement afin drsquoeacutetudier les moyens agrave mettre en œuvre pour lutter effica-cement contre les refus de soins Degraves lrsquoannonce des reacutesultats lrsquoOrdre a immeacutediatement reacuteagi et condamneacute ce type de comportement laquo Nul ne peut faire lrsquoobjet de discrimina-tions dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins raquo rappelant que laquo les chirurgiens-den-tistes qui ne respectent pas ce principe fondamental leacutegal et deacuteontologique srsquoexposent agrave des poursuites tant devant les juridictions disciplinaires que peacutenales raquo

123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction de lrsquointerlocuteur-trice

Les refus de soins ou les pratiques discriminatoires sont plus souvent pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les que par les praticien-ne-s voire inexistants srsquoagissant des gyneacutecologuesDans les cabinets dentaires une majoriteacute de secreacutetaires meacutedicaux-les opposent des refus de soins directs aux PVVIH ils-elles sont 78 agrave opposer des refus indirects versus 22 des chirurgiens-dentistes Srsquoagissant de traitements diffeacuterentieacutes entre les PVVIH et leur binocircme supposeacute seacuteroneacutegatif 824 sont eacutemis par des secreacutetaires meacutedicaux-les versus 186 par des dentistesLes refus de soins ou discriminations sont majoritairement pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les Ce constat reacutevegravele soit un manque de formation et de connaissance du VIH qui aboutit agrave des mauvaises pratiques avec le ou la patiente soit lrsquoexistence de directives donneacutees par des praticien-ne-s quant agrave la prise en charge de certain-e-s patient-e-s dont les PVVIH En teacutemoignent les mises en attente majoritairement du fait des secreacutetaires meacutedicaux-les Il est probablement plus facile de donner des ins-tructions agrave son secreacutetariat que drsquoassumer individuellement la responsabiliteacute drsquoun refus

124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des villesMalgreacute des effectifs parfois limiteacutes de chirurgiens-dentistes et de gyneacutecologues par ville les reacutesultats de ce testing preacutesentent une dispariteacute des pheacutenomegravenes de refus de soins et de discriminations sur le territoire national Il nrsquoy a a priori pas de lien entre le lieu drsquoinstallation et lrsquoineacutegaliteacute des pratiques Lrsquoattitude neacutegative des professionnel-le-s agrave lrsquoencontre des PVVIH paraicirct davantage reposer sur des logiques individuelles que sur la deacutemographie meacutedicale ou lrsquoincidence locale du VIH Les reacutesultats du testing ne suggegraverent pas drsquoinfluence de lrsquoenvironnement sur les pratiques des professionnel-le-s On relegraveve que Bourg-en-Bresse Chacircteauroux et le seiziegraveme arrondissement de Paris trois lieux qui preacutesentent une deacutemographie meacutedicale quantitativement contras-teacutee se deacutetachent en matiegravere de proportion de refus de soins ou de pratiques discri-minatoires avec plus de 70 des chirurgiens-dentistes contacteacute-e-s concerneacute-e-s Agrave lrsquoinverse les speacutecialistes du treiziegraveme arrondissement de Marseille et de la ville de Pontoise nrsquoopposent aucun comportement discriminatoirePour les gyneacutecologues dont le nombre est insuffisant en France avec de veacuteritables ineacute-galiteacutes drsquoaccegraves sur le territoire 12 lrsquoeffet des villes semblent jouer un rocircle a minima Pour certaines villes dont la densiteacute meacutedicale pour cette speacutecialiteacute est tregraves faible un nombre limiteacute de professionnel-le-s a eacuteteacute contacteacute empecircchant toute conclusion Cependant il est important de noter que des PVVIH ont pu ecirctre confronteacutees agrave 100 de refus de rendez-vous dans certaines villes

125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave soulignerDe nombreux-ses praticien-ne-s et leur secreacutetariat meacutedical attribuent des rendez-vous aux PVVIH sans eacutevoquer aucun des motifs jugeacutes discriminatoires Pour pregraves de la moitieacute des cabinets dentaires (496 ) et plus de 4 cabinets de gyneacutecologie sur 5 (768 ) les pratiques de soins lrsquoaccueil et la communication sont en tout point conformes agrave la deacuteontologie meacutedicale (figures 5 et 6) Certains ont aussi fait preuve de bienveillance avec une approche globale de la prise en charge meacutedicale de la personne

126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutesLes logiques de preacutecaution occupent une place eacutevidente dans les arguments opposeacutes aux PVVIH au meacutepris de la loi de la deacuteontologie meacutedicale et des recommandations drsquohygiegravene De nos jours les refus de soins ou discriminations agrave leur eacutegard sont drsquoautant plus inacceptables que les mesures de preacutecaution standard ont eacuteteacute maintes fois rappe-leacutees par diverses instances publiques et scientifiques Ces mesures sont conccedilues pour preacutevenir le risque de transmission du VIH du ou de la patiente au personnel meacutedical et inversement et drsquoun ou drsquoune patiente agrave lrsquoautre Ceci est drsquoautant plus important qursquoen-viron un quart des PVVIH ignorent qursquoelles en sont atteintes et peuvent en toute bonne foi ne pas informer le ou la professionnel-le de santeacute de leur seacuterologie Les mesures de preacutecaution standard doivent ecirctre garanties systeacutematiquement dans tous les cabinets meacutedicaux et pour chaque patient-e quel que soit son eacutetat de santeacute

12 Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins Atlas de la deacutemographie meacutedicale en France situation au 1er janvier 2014

768

34 35PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 5 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 6 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

496

41 000 euroLe prix facial sur le marcheacute franccedilais du premier des traitements hautement actifs contre le VHC pour trois mois Sa combinaison avec drsquoautres meacutedicaments peut coucircter plus de 100766500 000 euro selon la dureacutee du traitement

12 VhC qUI SOIGNER

Crsquoest dans ce contexte que le principe drsquoune mise sous traitement seacutelective est acteacute par le ministegravere de la Santeacute Des critegraveres sont eacutetablis pour deacutefinir qui doit acceacuteder prioritai-rement aux nouveaux traitements innovants contre le VHC Ce choix et ses traductions opeacuterationnelles sont supposeacutes concilier le droit agrave la protection de la santeacute la santeacute publique et des populations mais aussi lrsquoeacutequilibre des finances publiques et la peacuteren-niteacute du systegraveme de protection sociale franccedilais Des recommandations drsquoexpert-e-s pour la mise sous traitement ont eacuteteacute fixeacutees courant 2014 mais finalement restreintes par un avis de la HAS ensuite en 2015 Ceci alors que la socieacuteteacute franccedilaise drsquoheacutepatologie a elle-mecircme confirmeacute en juin de la mecircme anneacutee les recommandations drsquoaccegraves eacutelargies de 2014

101048110104821010481 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexpertsDes recommandations ont drsquoabord eacuteteacute proposeacutees en mai 2014 dans un Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C dit rapport Dhumeaux Ce rapport a eacuteteacute commandeacute par la ministre de la Santeacute en janvier 2013 agrave lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) et lrsquoAssociation franccedilaise pour lrsquoeacutetude du foie (AFEF) De nombreux-ses praticien-ne-s universitaires et des repreacutesentant-e-s drsquoassociations drsquousager-e-s du systegraveme de santeacute sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux ont participeacute agrave son eacutelaboration Ainsi pour les personnes vivant avec une heacutepatite C les recommandations de mise sous trai-tement reposent notamment sur lrsquoavancement de la maladie crsquoest-agrave-dire les stades de fibrose supeacuterieurs ou eacutegaux agrave 2 13 qui indiquent lrsquoeacutetat drsquoavancement de lrsquoimpact du virus sur le foie Les experts ont par ailleurs distingueacute certaines populations pour lesquelles la mise sous traitement est preacuteconiseacutee quel que soit le stade de fibrose

Les patient-e-s ayant des manifestations extra-heacutepatiques seacutevegraveres Les patient-e-s en attente de transplantation heacutepatique ou reacutenale (pour tenter drsquoeacuteradiquer le virus avant la transplantation)

Au cas par cas les femmes ayant un deacutesir de grossesse Les personnes co-infecteacutees VIH-VHC Les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse Les personnes deacutetenues (avec lrsquoobjectif dans ces deux derniegraveres populations drsquoune reacuteduction du risque de transmission) 14

Si le rapport Dhumeaux propose une seacutelection des patient-e-s notamment au regard du prix il inscrit ces recommandations dans une perspective de ralentissement de lrsquoeacutepi-deacutemie et se distingue en ce sens de la HAS

101048110104821010482 Les recommandations restrictives de la hASLa HAS contribue laquo agrave la reacutegulation du systegraveme de santeacute raquo et a donc comme mission drsquolaquo assurer agrave tous les patients et usagers un accegraves peacuterenne et eacutequitable agrave des soins aussi efficaces sucircrs et efficients que possible raquo 15 Les recommandations eacutetablies par la HAS srsquoimposent aux professionnel-le-s meacutedicaux-cales Contrairement agrave la perspective du rapport Dhumeaux la HAS ne considegravere pas que laquo les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC [soient] reacuteunies raquo Elle en tire les conseacutequences et ne recommande qursquolaquo une strateacutegie de traitement des patients dans lrsquoobjectif drsquoune gueacute-rison virologique individuelle raquo avec des recommandations de stade de fibrose plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux Ainsi la HAS limite lrsquoaccegraves aux traitements innovants aux stades de fibrose du foie F2 seulement sous certaines conditions drsquoeacutevolution F3 et F4 ainsi qursquoagrave tous les stades pour certaines populations personnes co-infecteacutees VIH et VHC personnes atteintes de cryoglobulineacutemie mixte systeacutemique et symptomatique personnes atteintes de lym-phome B associeacute au VHC 16 La HAS eacutecarte en revanche des populations cibleacutees par le rapport drsquoexperts Dhumeaux notamment les usager-e-s de drogues et les personnes deacutetenues qui relegraveveraient drsquoune approche non speacutecifique et donc du cadre geacuteneacuteral La France est assez isoleacutee en Europe sur des recommandations de traitement et de non traitement arrecircteacutees sur les stades de fibrose

11 DES TRAITEMENTS INNOVANTS Agrave PRIX TREgraveS EacuteLEVEacuteS

Les limites eacuteconomiques agrave la prescription notamment sur la base de recommandations deacutefinies par la Haute autoriteacute de santeacute (HAS) sont notamment mises en lumiegravere par les prix des nouveaux traitements contre le VHC Aujourdrsquohui diffeacuterents traitements inno-vants contre le VHC les antiviraux agrave action directe sont sur le marcheacute Ils repreacutesentent des avanceacutees theacuterapeutiques majeures offrant un taux de gueacuterison virologique tregraves eacuteleveacute avec des dureacutees de traitements courtes et des effets indeacutesirables limiteacutes Si les associations investies dans le champ de la lutte contre les heacutepatites virales ndash Collectif Heacutepatites Virales (CHV) SOS heacutepatites TRT-5 Comegravede Meacutedecins du Monde (MdM) Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) AIDES ndash saluent lrsquoespoir drsquoune fin proche de lrsquoeacutepideacutemie de VHC elles se sont rapidement alarmeacutees sur le prix de ces nouveaux traitements Sur le marcheacute franccedilais le prix facial du premier de ces traitements hautement actifs contre le VHC (Sovaldisofosbuvir) a eacuteteacute fixeacute agrave 41 000 euro pour trois mois de traitement Ce traitement ne srsquoutilise jamais seul mais en association avec drsquoautres Certaines combinaisons peuvent coucircter plus de 100 000 euro selon la dureacutee (des traitements de six mois sont parfois neacutecessaires)Alors que la France meacutetropolitaine compte plus de 200 000 personnes vivant avec le VHC de tels prix constituent clairement un deacutefi pour les finances publiques et la peacuterenniteacute drsquoun systegraveme de santeacute solidaire En conseacutequence et pour la premiegravere fois en France ce prix participe agrave ce que lrsquoon peut consideacuterer comme un rationnement avec des mises sous traitement sur la base drsquoavis et de dispositions restrictifs

Meacutedicaments quels prix Le prix du meacutedicament nrsquoest pas libre il est fixeacute par convention entre le laboratoire lrsquoexploitant et le Comiteacute eacuteconomique des produits de santeacute (CEPS) sur la base de cri-tegraveres deacutefinis agrave lrsquoarticle L162-16-4 du Code de santeacute publique laquo La fixation de ce prix tient compte principalement de lrsquoameacutelioration du service meacutedical rendu (SMR) appor-teacutee par le meacutedicament le cas eacutecheacuteant des reacutesultats de lrsquoeacutevaluation meacutedico-eacutecono-mique des prix des meacutedicaments agrave mecircme viseacutee theacuterapeutique des volumes de vente preacutevus ou constateacutes ainsi que des conditions preacutevisibles et reacuteelles drsquoutilisation du meacutedi-cament raquo Agrave cela srsquoajoute aussi la coheacuterence avec les conditions de commercialisation preacutevues dans les grands Eacutetats europeacuteens Seul le prix facial est public crsquoest-agrave-dire le prix rembourseacute par lrsquoassurance maladie Le CEPS et les laboratoires peuvent neacutegocier des dispositifs de remises drsquoougrave un prix reacuteel diffeacuterent (voire tregraves diffeacuterent) de ce prix facial Les dispositifs de remises et le prix reacuteel nrsquoeacutetant pas publics les prescripteurs et usager-e-s nrsquoont connaissance que du prix facial

Le droit agrave la protection de la santeacute interdit toute forme de discriminations dans lrsquoaccegraves aux soins Cependant si les discriminations sont interdites lrsquouniversaliteacute de lrsquoaccegraves agrave certains soins et traitements nrsquoest pas pour autant garantie Crsquoest le cas des nouveaux traitements contre le virus de lrsquoheacutepatite C (VHC) dont le prix exorbitant a forceacute agrave deacutefinir des critegraveres de seacutelection des patient-e-s et agrave renoncer agrave lrsquoaccegraves universel

Bien que fondamental le droit agrave la protec-tion de la santeacute sans discrimination (voir page 25) peut connaicirctre certaines limites agrave son effectiviteacute en particulier sur le plan financier Il deacutepend en effet des choix opeacutereacutes au regard des deacutepenses publiques de lrsquoEacutetat et de la seacutecuriteacute sociale et notamment par rapport aux prix des meacutedicaments et des produits de santeacute Lrsquoarticle 8 du Code de deacuteontologie meacutedi-cale (R4127-8 du Code de santeacute publique) preacutecise que laquo Dans les limites fixeacutees par la loi le meacutedecin est libre de ses pres-criptions qui seront celles qursquoil estime les plus approprieacutees en la circonstance Il doit sans neacutegliger son devoir drsquoassistance morale limiter ses prescriptions et ses actes agrave ce qui est neacutecessaire agrave la qualiteacute agrave la seacutecuriteacute et agrave lrsquoefficaciteacute des soins Il doit tenir compte des avantages des incon-veacutenients et des conseacutequences des diffeacute-rentes investigations et theacuterapeutiques possibles raquo Si la liberteacute de prescription est ici recon-nue elle connaicirct donc certaines limites leacutegales dont celle imposeacutee par lrsquoarticle L162-2-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo Les meacutedecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions drsquoobserver dans le cadre de la leacutegislation et de la reacuteglementation en vigueur la plus stricte eacuteconomie compatible avec la qualiteacute la seacutecuriteacute et lrsquoefficaciteacute des soins raquo ce notamment sur la base des laquo recomman-dations ou avis meacutedico-eacuteconomiques de la Haute autoriteacute de santeacute raquo

13 Stades de fibrose F0 pas de fibrose F1 fibrose leacutegegravere F2 fibrose modeacutereacutee F3 fibrose seacutevegravere F4 cirrhose14 Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C 2014 p 25015 httpwwwhas-santefrportailjcmsfc_1249599frla-has16 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf

36 37

DROIT APPLICABLE

1  LE cAS dES TrAITEmENTS INNoVANTS 

coNTrE LrsquoHEacutePATITE c mdash

dIFFIcULTEacuteS drsquoAccEgraveS  AUx TrAITEmENTS

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

38 39

Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

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DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

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reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

59

40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 4: AIDES Rapport Discrim

laquo Ce qursquoon est incapable de changer il faut au moins le deacutecrire raquo expliquait Rainer Werner Fassbinder On aurait tort drsquointerpreacuteter cette phrase du cineacuteaste allemand comme une forme de renoncement Au contraire il faut y voir la deacutemonstration qursquoil y a face agrave lrsquoinjustice toujours quelque chose agrave entreprendre et qursquoagrave deacutefaut de reacuteussir agrave balayer lrsquoinjustice on doit avoir le courage de la deacutenoncer Crsquoest dans cet esprit ndash le refus du renoncement allieacute agrave la volonteacute de changement ndash que ce premier rapport a eacuteteacute voulu et reacutealiseacute Notre place dans le champ social comme dans celui de la santeacute est particuliegravere Elle nous permet drsquoobserver de faire connaicirctre de deacutenoncer drsquoagir drsquoidentifier des problegravemes et drsquoy apporter seule ou avec drsquoautres des solutions Elle est aussi particuliegravere du fait des personnes communauteacutes et groupes qui font AIDES et de celles et ceux auxquels nous nous adressons Ce rapport est agrave notre image

Reacutealiseacute agrave partir de situations individuelles dont nous avons eacuteteacute saisi drsquoinitiatives que nous avons prises parfois avec des partenaires de dossiers de fond dont nous sommes partie prenante ce document nrsquoest pas un rapport drsquoactiviteacute Crsquoest un panorama souvent glaccedilant de dysfonctionnements qui perdurent de lacunes administratives de failles juridiques drsquoabus de pouvoir de discriminations institutionnaliseacutees dont le lit est bien cette faccedilon particuliegravere et deacutetestable de consideacuterer le VIHsida comme une maladie laquo agrave part raquo Un regard laquo agrave part raquo qui ne fait que renvoyer les personnes qui vivent avec le VIH agrave la marge Notre rapport est un eacutetat des lieux sans concession des visages multiples de la seacuterophobie aujourdrsquohui en France Glaccedilant il lrsquoest agrave deux titres la nature mecircme des faits que nous deacutenonccedilons et le fait que notre eacutetat des lieux ne soit heacutelas pas exhaustif

Afin de permettre agrave chacun-e de comprendre la diversiteacute des problegravemes et de mieux en saisir leurs enjeux nous avons retenu quatre thegravemes Lrsquoun porte sur des dispositions administratives contestables celles qui excluent des personnes vivant avec le VIH de certaines professions celles qui restreignent leurs carriegraveres ou leur accegraves agrave des formations Le deuxiegraveme est consacreacute au droit agrave la santeacute pour tous et toutes qui reste trop souvent bafoueacute comme nous lrsquoavons deacutemontreacute avec notre campagne contre les refus de soins dont sont victimes les personnes vivant avec le VIH Nous avons aussi traiteacute de la liberteacute drsquoaller et venir celle des personnes malades sur le territoire franccedilais en Guyane preacuteciseacutement Lagrave-bas des dispositions administratives empecircchent certaines drsquoentre elles de se rendre dans des lieux de soins Enfin est abordeacutee lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves aux meacutedicaments Elle est remise en cause par lrsquoincapaciteacute drsquoavoir une politique raisonneacutee des tarifs et de la juste reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation meacutedicale comme lrsquoa prouveacute la crise des prix des antiviraux agrave action directe contre le virus de lrsquoheacutepatite C Plutocirct que la reacutegulation tarifaire crsquoest la seacutelection des malades qui a eacuteteacute retenue Pour la premiegravere fois depuis longtemps ce sont des critegraveres financiers qui ont pris lrsquoascendant sur des critegraveres meacutedicaux Il nous a sembleacute important de revenir agrave la charge contre les freins en matiegravere de droit de proprieacuteteacute et drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dont sont victimes les personnes vivant avec une maladie chronique dont celles seacuteropositives au VIH

En 1990 (deacutejagrave ) des speacutecialistes du droit deacutefendaient lrsquoideacutee que le sida devait drsquoun point de vue juridique laquo ecirctre envisageacute dans sa banaliteacute raquo Ce que nous deacutemontrons ici crsquoest qursquoil nrsquoen est rien en 2015 De fait crsquoest lrsquoexceptionnaliteacute qui demeure Seacuteropositif-ve je ne peux pas ecirctre juge ni prendre les armes au service de mon pays Vivant avec le VIH mon lot sera de connaicirctre les pires obstacles pour emprunter acceacuteder agrave la proprieacuteteacute etc Tout est agrave lrsquoencan Et comme si cela ne suffisait pas agrave ces exceptions au droit commun srsquoajoutent les refus de soins les entraves agrave la liberteacute de circulation etc

Ces pheacutenomegravenes ne sont pas reacutecents et ont eacuteteacute deacutenonceacutes depuis longtemps notamment par le Conseil national du sida et des heacutepatites virales dans plusieurs avis degraves les anneacutees 90 Lrsquoeacutepideacutemie de VIH a agi degraves son apparition comme un reacuteveacutelateur des discriminations des ineacutegaliteacutes ou des difficulteacutes drsquoaccegraves aux droits et agrave la santeacute pour de nombreux groupes Des discriminations ineacutegaliteacutes encore alimenteacutees aujourdrsquohui par les peurs les repreacutesentations les exigences insultantes de protection vis-agrave-vis des personnes seacuteropositives Il est drsquoailleurs frappant de voir agrave quel point le droit pour ne parler que de lui est resteacute agrave la traicircne de la science Les avanceacutees scientifiques ont eacuteteacute majeures dans le VIH bouleversant la vie des personnes (les tritheacuterapies le traitement comme preacuteventionhellip) ameacuteliorant la qualiteacute de vie augmentant la dureacutee de vie On pouvait espeacuterer que cette nouvelle donne scientifique et meacutedicale se traduirait par une nouvelle chance pour les personnes vivant avec le VIH une chance drsquoen finir avec le regard laquo agrave part raquo une chance de voir les lois et regraveglements seacuterophobes abrogeacutes Ce nrsquoest toujours pas le cas

Nous nrsquoavons collectivement plus drsquoexcuse agrave ne rien faire Agrave AIDES nous lrsquoavons compris et y travaillons depuis des anneacutees Drsquoautres aussi notamment le Conseil national du sida et des heacutepatites virales Certains de ses avis celui de 1993 sur la confidentialiteacute en prison pour ne citer que celui-ci ont constitueacute des eacutetapes majeures dans la lutte contre les discriminations Notre engagement porte drsquoailleurs ses fruits comme le pointent dans ce rapport les avanceacutees que nous avons obtenues Mais il reste beaucoup agrave faire tant agrave deacutenoncer tant agrave transformer Crsquoest pour nous une grande fierteacute que ce rapport le premier du genre soit fait en collaboration avec le Deacutefenseur des droits Crsquoest une reconnaissance de la pertinence de notre approche et de la justesse de nos combats lrsquoassurance de pouvoir compter sur un allieacute de poids dans la lutte contre les discriminations Crsquoest aussi un signal envoyeacute agrave chacun-e drsquoentre nous il ne faut plus subir il faut deacutenoncer les discriminations seacuterophobes ainsi ensemble nous contribuerons agrave y mettre fin Lrsquoacircpreteacute des situations rapporteacutees dans ce rapport pourra surprendre Nous nrsquoavons ni noirci le tableau ni forceacute le trait Pas besoin tout ce qui est dit ici est vrai Ce que lrsquoon peine agrave changer seul il faut au moins le deacutecrire

Aureacutelien Beaucamp Preacutesident de AIDES

LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL 8

1 Travail seacuteropositiviteacute et discriminations une histoire aussi vieille que lrsquoeacutepideacutemie 1111 Les meacutetiers preacutetendument interdits aux PVVIH

le poids des repreacutesentations et des ideacutees reccedilues 1112 La persistance de formations et de meacutetiers

juridiquement interdits 11

droit applicable 12

2 Formations emplois en finir avec les derniers interdits 1421 Lrsquoeacutecole nationale du cirque une exclusion vite abrogeacutee 1422 Magistrature une interdiction depuishellip 1958 1423 Armeacutee un bastion sans VIH 16

231 Eacutevaluation de lrsquoaptitude agrave servir quelques repegraveres 16232 VIH et aptitude agrave servir des consignes drsquoun autre temps 17233 Un couperet qui concerne toutes les forces armeacutees

et les formations affeacuterentes 18234 Police nationale sapeurs-pompiers une exclusion

qui deacutepasse largement le champ de lrsquoarmeacutee 21

LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT 22

refus de soins 25

droit applicable 25

1 Un testing pour objectiver les refus de soins 2711 Meacutethodologie 27

111 Qursquoest-ce qursquoun testing 27112 Le protocole drsquoenquecircte 27113 Limites de lrsquoeacutetude 30

12 Des reacutesultats accablants 30121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou

de discriminations 32122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations

en fonction des speacutecialiteacutes 33123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations

en fonction de lrsquointerlocuteur-trice 34124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations

en fonction des villes 34125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave souligner 34126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutes 34

13 Perspectives la neacutecessiteacute de renforcer lrsquoarsenal juridique 35

difficulteacute drsquoaccegraves aux traitements 36

droit applicable 36

1 Le cas des traitements innovants contre lrsquoheacutepatite C 3611 Des traitements innovants agrave prix tregraves eacuteleveacutes 3612 VHC qui soigner 37

121 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexperts 37122 Les recommandations restrictives de la HAS 37123 Rationnement et exclusion les justifications discutables

avanceacutees par la HAS 38124 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicales 39

2 Plaidoyer pour un laquo juste prix raquo 3921 Les enjeux en cause 3922 Les objectifs 40

secret meacutedical au profit des mineurs 41

droit applicable 41

1 Sexualiteacute et santeacute sexuelle des mineur-e-s 4211 La laquo majoriteacute sexuelle raquo un concept sans valeur juridique 4212 Lrsquoacircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle une reacutealiteacute contrasteacutee 42

121 Donneacutees concernant la population geacuteneacuterale 42122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle 43

2 Deacutepistage soins eacutemancipation de lrsquoautoriteacute parentale du constat de terrain agrave la modification de la loi 4421 Permettre de deacutepister les mineur-e-s avec ou sans lrsquoaccord

des parents 4422 La neacutecessiteacute drsquoanonymiser la prise en charge 45

LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUX SERVICES PUBLICS 46

droit applicable 49

1 La Guyane les paradoxes drsquoun territoire prioritaire dans la lutte contre le VIH sida 4911 Des indicateurs de santeacute tregraves deacutefavorables 4912 La Guyane deacutepartement franccedilais le plus toucheacute par lrsquoinfection VIH 5013 Offre de santeacute reacutepartition geacuteographique en inadeacutequation

avec les besoins 502 Les controcircles routiers permanents 52

21 Des lois drsquoexception en Outre-mer au nom de la lutte contre lrsquoorpaillage et lrsquoimmigration illeacutegale 52

22 Des mesures qui affectent largement au-delagrave des cibles 5323 Les impacts deacutefavorables sur lrsquoaccegraves agrave la santeacute 53

231 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire 53

232 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicales 5424 Des contentieux pour obtenir la suppression de ces barrages 54

241 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircte 55242 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute

drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense 55

LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute 56

droit applicable 59

1 Un parcours du combattant pour les personnes toucheacutees par une maladie chronique 60

2 Vers le droit agrave lrsquooubli adapteacute pour le VIH et les maladies chroniques 6121 Le VIH aujourdrsquohui un risque tregraves limiteacute pour les compagnies

drsquoassurance 6122 Comment changer la donne 62

PARTIE 1

PARTIE 2

PARTIE 3

PARTIE 4

1LE droIT   Agrave LrsquoINSTrUcTIoN   

ET AU TrAVAIL

AIDES a plus de 30 ans aujourdrsquohui et son investissement en faveur du droit agrave lrsquoins-truction et agrave lrsquoemploi des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) est aussi ancien Ce combat a eacutevolueacute de bien des maniegraveres et pourtant les difficulteacutes semblent rester les mecircmes discriminations agrave lrsquoembauche deacutefaut de visibiliteacute de la seacuteropositiviteacute au travail discriminations de la part de collegravegues et parfois de la hieacuterarchie quels que soient la taille de lrsquoentreprise le secteur public ou priveacute etc Degraves 1992 les guides Droit et Sida de AIDES consacrent de tregraves grandes parties de leur contenu agrave lrsquoemploi En 2000 lrsquoassociation lance lrsquoenquecircte laquo Entre contraintes eacuteconomiques et volonteacutes sociales quelle place pour les personnes seacuteropositives le point de vue des acteurs de lrsquoentreprise raquo suivi des enquecirctes laquo AIDES et toi raquo et laquo VIH heacutepatites et vous raquo qui portent en particulier sur les ressources lrsquoaccegraves et le maintien dans lrsquoemploi des PVVIH

11 LES MEacuteTIERS PREacuteTENDUMENT INTERDITS AUX PVVIh LE POIDS DES REPREacuteSENTATIONS ET DES IDEacuteES REccedilUES

Le combat continu de AIDES en la matiegravere porte aussi sur les meacutetiers juridiquement interdits et ceux dont on suppose agrave tort qursquoils le sont agrave partir drsquoideacutees reccedilues et preacuteten-dus risques La brochure laquo VIH-sida et milieu du travail guide de sensibilisation raquo eacutediteacutee en 2001 par AIDES avec le soutien de lrsquoAssociation de gestion du fonds pour lrsquoinsertion professionnelle des personnes handicapeacutees (AGEFIPH) ainsi que du ministegravere de lrsquoEm-ploi et de la Solidariteacute eacutenumeacuterait comme exemples des meacutetiers faussement interdits

Cadre en fonction de responsabiliteacute en raison des absences possibles Les meacutetiers de la restauration et meacutetiers de bouche en raison de la fatigue du contact avec le public et du laquo risque de transmission par le biais des aliments raquo

Le secteur de lrsquoenfance et de lrsquoeacuteducation en raison du laquo risque de transmission aupregraves des enfants raquo

Le secteur meacutedical idem ci-dessus (enfants et adultes) Le secteur du bacirctiment et des travaux publics et plus largement les meacutetiers laquo physiques raquo agrave cause de la fatigue

Le secteur social les personnes seacuteropositives seraient laquo deacutepressives raquo il faut donc eacuteviter le contact avec le public

Les meacutetiers du nettoyage et les hocirctes de caisse agrave cause des horaires deacutecaleacutes et de la fatigue

Les meacutetiers avec du relationnel ou de la communication car les personnes seacuteropositives seraient laquo deacutepressives raquo

etcCes ideacutees reccedilues identifieacutees sur la base de formations agrave lrsquoinitiative de AIDES aupregraves drsquoopeacuterateurs drsquoinsertion teacutemoignent laquo du manque drsquoinformation principalement sur les effets des traitements et lrsquoeacutetat des repreacutesentations concernant les personnes toucheacutees raquo

12 LA PERSISTANCE DE fORMATIONS ET DE MEacuteTIERS jURIDIqUEMENT INTERDITS

Au-delagrave de ces repreacutesentations et ideacutees reccedilues lrsquoaccegraves agrave certaines formations et agrave certains emplois est encore juridiquement interdit en contradiction directe avec les principes du droit franccedilais Sans preacutetendre agrave une approche exhaustive AIDES srsquoest par-ticuliegraverement pencheacutee ces derniers mois sur trois cas les arts du cirque la magistrature et lrsquoarmeacutee franccedilaise Afin de conforter son analyse dans la perspective drsquoune eacutevolution du droit applicable elle a saisi en octobre 2015 le Deacutefenseur des droits agrave ce sujet

11

VIH des conditions deacutefavorables drsquoaccegraves et de maintien dans lrsquoemploi 1

Depuis une quinzaine drsquoanneacutees les pro-gregraves theacuterapeutiques ont permis agrave un nombre croissant de PVVIH de poursuivre durablement une activiteacute professionnelle comme le deacutemontrent les rapports drsquoex-perts successifs sur leur prise en charge meacutedicale Des associations ont aussi œuvreacute pour le deacuteveloppement de pro-grammes speacutecifiques drsquoaccegraves agrave lrsquoinsertion professionnelle et agrave lrsquoemploi comme par exemple Ikambere ou BasiliadeNeacuteanmoins le VIH demeure en soi un facteur de fragilisation des parcours pro-fessionnels et de paupeacuterisation y com-pris pour des personnes initialement bien inseacutereacutees dans lrsquoemploi Le taux de PVVIH ayant un emploi est infeacuterieur agrave celui de la population geacuteneacute-rale (57 versus 64 enquecircte ANRS-Vespa 2 2013) Entre 2003 et 2011 lrsquoaugmentation de leur taux de chocircmage est significative de maniegravere geacuteneacuterale (+4 ) et forte sur des publics speacutecifiques (femmes migrantes +10 ) Lrsquoenquecircte laquo VIH Heacutepatites et vous raquo (AIDES 2011) souligne un risque drsquoecirctre sans emploi 5 fois plus eacuteleveacute pour les PVVIH que pour la population geacuteneacuterale Si plus des deux tiers des PVVIH ayant perdu leur emploi depuis lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute souhaitent retravailler elles rencontrent des difficulteacutes drsquoac-cegraves quels que soient les secteurs public comme priveacute Plus le nombre drsquoanneacutees de vie avec le VIH augmente plus le taux drsquoemploi diminue La stigmatisation et la discrimination sont toujours preacutesentes dans le milieu professionnel 62 des PVVIH main-tiennent le secret sur leur eacutetat de santeacute au travail Les personnes peinent souvent agrave eacutevaluer le risque de parler ou pas de leur pathologie

1 Sources Enquecircte ANRS-Vespa 2 (BEH ndeg 2627 du 2 juillet 2013 premiers reacutesultats de lrsquoenquecircte ANRS-Vespa 2) IRDES Enquecircte laquo VIH Heacutepatites et vous raquo (EUSD du 18 au 23 octobre 2010) Focus emploi AIDES 2011 Rapport drsquoexperts et recommandations pour la prise en charge meacutedicale des PVVIH laquo Morlat raquo 2013 Chapitre laquo conditions de vie raquo p 440 et s

1TrAVAIL SEacuteroPoSITIVITEacute  ET dIScrImINATIoNS   

UNE HISToIrE AUSSI VIEILLE  qUE LrsquoEacutePIdEacutemIE 

mdashLes stigmatisations et les discriminations associeacutees au VIH ou aux heacutepatites existent dans le milieu professionnel aussi bien dans le secteur public que priveacute Elles peuvent srsquoinscrire dans les relations individuelles mais elles sont aussi parfois structurelles voire reacuteglementaires Ainsi lrsquoaccegraves agrave certaines formations et agrave certains emplois est refuseacute aux personnes vivant avec le VIH alors mecircme que les progregraves theacuterapeutiques ont deacutemontreacute leur efficaciteacute tant en matiegravere de reacuteduction des effets indeacutesirables que sur lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute

En matiegravere de droit du travail les textes de droit inter-national et de droit franccedilais sont tregraves nombreux et inter-disent les discriminations lieacutees agrave lrsquoeacutetat de santeacuteLes refus drsquoaccegraves agrave un emploi ou agrave une formation les licenciements fondeacutes sur lrsquoeacutetat de santeacute ou le handicap sont consideacutereacutes comme discriminatoires et peuvent faire lrsquoobjet de sanctions preacutevues dans diffeacuterents textes (Code peacutenal Code civil etc) Malgreacute lrsquoexistence de dis-positifs leacutegaux les discriminations lieacutees agrave lrsquoeacutetat de santeacute demeurent nombreuses dans le milieu professionnelEn 2014 13 des saisines du Deacutefenseur des droits en matiegravere de discriminations interviennent au titre du cri-tegravere de lrsquoeacutetat de santeacute notamment pour des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi (refus drsquoembauche agrave lrsquoannonce de la maladie) ou des difficulteacutes de maintien dans lrsquoemploi (refus des employeurs de mettre en place des ameacutena-gements raisonnables) Selon le 6e baromegravetre sur le res-senti des discriminations dans lrsquoemploi du Deacutefenseur des droits et de lrsquoOrganisation internationale du travail (OIT) lrsquoeacutetat de santeacute est source de pressions dans le monde professionnel Parmi les personnes deacuteclarant avoir eacuteteacute victimes de discrimination 12 estiment que celle-ci eacutetait lieacutee agrave leur eacutetat de santeacute La situation des personnes vivant avec le VIH reste difficile en particulier dans la sphegravere professionnelle en raison drsquoune grande meacutecon-naissance de la maladie de lrsquoimage neacutegative et tenace de la seacuteropositiviteacute Lutter contre les discriminations et les preacutejugeacutes concilier maladie chronique et emploi informer les personnes et les employeurs simplifier et ameacuteliorer les dispositifs de maintien dans lrsquoemploi des personnes malades sont autant de deacutefis agrave relever

Droit international Les engagements de la France aux niveaux europeacuteen et international sur le droit du travail sont nombreux Le Pacte international relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et culturels (PIDESC) adopteacute dans le cadre des Nations unies le 16 deacutecembre 1966 entreacute en vigueur en France le 4 feacutevrier 1981 pose notamment un principe de non-discrimination pour la jouissance des droits qursquoil eacutenonce (article 2-2deg) le droit au travail (article 6) le droit de toute personne agrave un niveau de vie suffisant (article 11-1deg) et le droit agrave lrsquoeacuteducation (article 13) Ce dernier article preacutecise que le droit agrave lrsquoeacuteducation inclut lrsquoensei-gnement primaire obligatoire et accessible gratuitement agrave tous lrsquoenseignement secondaire sous ses diffeacuterentes formes y compris lrsquoenseignement secondaire technique et professionnel geacuteneacuteraliseacute et accessible agrave tous lrsquoensei-gnement supeacuterieur accessible agrave tous en pleine eacutegaliteacute

Selon la convention 111 de lrsquoorganisation internationale du travail de 1958 contre les discriminations dans lrsquoem-ploi et les professions ratifieacutee par la France et entreacutee en vigueur en avril 1981 la Reacutepublique srsquoengage notam-ment agrave lrsquoarticle 3 agrave laquo a) srsquoefforcer drsquoobtenir la collaboration des organisa-

tions drsquoemployeurs et de travailleurs et drsquoautres organismes approprieacutes pour favoriser lrsquoacceptation et lrsquoapplication de cette politique

b) promulguer des lois et encourager des programmes drsquoeacuteducation propres agrave assurer cette acceptation et cette application

c) abroger toute disposition leacutegislative et modifier toute disposition ou pratique administratives qui sont incompatibles avec ladite politique

d) suivre ladite politique en ce qui concerne les emplois soumis au controcircle direct drsquoune autoriteacute nationale

e) assurer lrsquoapplication de ladite politique dans les acti-viteacutes des services drsquoorientation professionnelle de formation professionnelle et de placement soumis au controcircle drsquoune autoriteacute nationale raquo

Lrsquoarticle 1 de cette convention preacutecise que lrsquoaccegraves agrave lrsquoem-ploi inclut lrsquoaccegraves agrave la formation en vue drsquoacceacuteder agrave cet emploiLe droit europeacuteen interdit eacutegalement les discriminations agrave raison de lrsquoeacutetat de santeacute dans le champ de lrsquoemploiAgrave lrsquoorigine de nombreuses eacutevolutions jurisprudentielles dans de nombreux pays europeacuteens dont la France la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales (CEDH) du 4 novembre 1950 entreacutee en vigueur en France le 21 sep-tembre 1970 en son article 14 pose de mecircme un principe de non-discrimination laquo La jouissance des droits et liber-teacutes reconnus dans la preacutesente Convention doit ecirctre assu-reacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance ou toute autre situation raquo Bien que la CEDH ne proclame pas de droits en matiegravere eacutecono-mique et sociale il reacutesulte de la combinaison de lrsquoarticle 1er du protocole ndeg 1 (qui garantit le respect du droit de proprieacuteteacute et plus largement drsquoapregraves la Cour les droits patrimoniaux) de lrsquoarticle 2 du protocole ndeg 1 (qui garan-tit le droit agrave lrsquoinstruction) et de lrsquoarticle 14 de la CEDH un principe de non-discrimination en matiegravere de droits sociaux et de droit agrave lrsquoinstructionLa charte sociale europeacuteenne du 18 octobre 1961 entreacutee en vigueur en France le 8 avril 1973 garantit le droit au travail (article 1) le droit agrave la formation professionnelle (article 10) et le droit de toute personne agrave la protection contre la pauvreteacute et lrsquoexclusion sociale (article 30) La jouissance de tous ces droits est en outre compleacuteteacutee par une clause geacuteneacuterale de non-discriminationCes principes internationaux et europeacuteens ont enfin eacuteteacute rappeleacutes en 2000 par la Directive europeacuteenne CE ndeg 200078CE portant sur la creacuteation drsquoun cadre geacuteneacute-ral en faveur de lrsquoeacutegaliteacute de traitement en matiegravere drsquoem-ploi Cette directive srsquoimpose agrave lrsquoensemble des pays membres de lrsquoUnion Europeacuteenne

Droit franccedilaisSi les textes internationaux sont nombreux et preacutecis sur le droit agrave la formation et agrave lrsquoemploi sans discrimination le droit franccedilais nrsquoest pas en reste Le droit au travail reconnu par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 est un droit agrave valeur constitutionnelle Il est garanti sans discrimination dans le Code peacutenal ainsi que dans le Code civil agrave travers le droit au respect de la vie priveacutee et speacuteci-fiquement dans le Code du travail

Preacuteambule de la Constitution de 1946Chacun a le devoir de travailler et le droit drsquoobtenir un emploi Nul ne peut ecirctre leacuteseacute dans son travail ou son emploi en raison de ses origines de ses opinions ou de ses croyancesLa Nation garantit lrsquoeacutegal accegraves de lrsquoenfant et de lrsquoadulte agrave lrsquoinstruction agrave la formation professionnelle et agrave la culture Lrsquoorganisation de lrsquoenseignement public gratuit et laiumlque agrave tous les degreacutes est un devoir de lrsquoEacutetatFidegravele agrave sa mission traditionnelle la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge agrave la liberteacute de srsquoadministrer eux-mecircmes et de geacuterer deacutemocratique-ment leurs propres affaires eacutecartant tout systegraveme de colonisation fondeacute sur lrsquoarbitraire elle garantit agrave tous lrsquoeacutegal accegraves aux fonctions publiques et lrsquoexercice indi-viduel ou collectif des droits et liberteacutes proclameacutes ou confirmeacutes ci-dessus

Code peacutenal Interdiction des discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi

article 225-1Constitue une discrimination toute distinction opeacutereacutee entre les personnes physiques agrave raison de leur origine de leur sexe de leur situation de famille de leur grossesse de leur apparence physique de leur patronyme de leur lieu de reacutesidence de leur eacutetat de santeacute de leur handicap de leurs caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de leurs mœurs de leur orientation ou identiteacute sexuelle de leur acircge de leurs opinions politiques de leurs activiteacutes syndicales de leur appartenance ou de leur non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une race ou une religion deacutetermineacutee

article 225-2 La discrimination deacutefinie aux articles 225-1 et 225-1-1 commise agrave lrsquoeacutegard drsquoune personne physique ou morale est punie de trois ans drsquoemprisonnement et de 45 000 euros drsquoamende lorsqursquoelle consiste 3deg Agrave refuser drsquoembaucher agrave sanctionner ou agrave licencier une personne 5deg Agrave subordonner une offre drsquoemploi une demande de stage ou une peacuteriode de formation en entreprise agrave une condition fondeacutee sur lrsquoun des eacuteleacutements viseacutes agrave lrsquoarticle 225-1 ou preacutevue agrave lrsquoarticle 225-1-1

article 225-3 Les dispositions de lrsquoarticle preacuteceacutedent ne sont pas appli-cables 1deg Aux discriminations fondeacutees sur lrsquoeacutetat de santeacute lors-qursquoelles consistent en des opeacuterations ayant pour objet la preacutevention et la couverture du risque deacutecegraves des risques portant atteinte agrave lrsquointeacutegriteacute physique de la personne ou des risques drsquoincapaciteacute de travail ou drsquoinvaliditeacute 2deg Aux discriminations fondeacutees sur lrsquoeacutetat de santeacute ou le handicap lorsqursquoelles consistent en un refus drsquoembauche ou un licenciement fondeacute sur lrsquoinaptitude meacutedicalement constateacutee soit dans le cadre du titre IV du livre II du Code du travail soit dans le cadre des lois portant dispositions statutaires relatives agrave la fonction publique

Code civil Respect de la vie priveacutee

article 9 Chacun a droit au respect de sa vie priveacutee

Code du travail Interdiction des discriminations dans lrsquoemploi

article l1132-1Aucune personne ne peut ecirctre eacutecarteacutee drsquoune proceacutedure de recrutement ou de lrsquoaccegraves agrave un stage ou agrave une peacuteriode de formation en entreprise aucun salarieacute ne peut ecirctre sanctionneacute licencieacute ou faire lrsquoobjet drsquoune mesure discri-minatoire directe ou indirecte telle que deacutefinie agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations notam-ment en matiegravere de reacutemuneacuteration au sens de lrsquoarticle L3221-3 de mesures drsquointeacuteressement ou de distribution drsquoactions de formation de reclassement drsquoaffectation de qualification de classification de promotion profes-sionnelle de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine de son sexe de ses mœurs de son orientation ou identiteacute sexuelle de son acircge de sa situation de famille ou de sa grossesse de ses carac-teacuteristiques geacuteneacutetiques de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation ou une race de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales ou mutualistes de ses convictions religieuses de son apparence physique de son nom de famille de son lieu de reacutesidence ou en raison de son eacutetat de santeacute ou de son handicap

Obligation drsquoameacutenagement raisonnable permettant le maintien dans lrsquoemploi

article 6 sexies de la loi ndeg 83-634 du 13 juillet 1983 dite le pors Afin de garantir le respect du principe drsquoeacutegaliteacute de traitement agrave lrsquoeacutegard des travailleurs handicapeacutes les employeurs viseacutes agrave lrsquoarticle 2 prennent en fonction des besoins dans une situation concregravete les mesures appro-prieacutees pour permettre aux travailleurs mentionneacutes aux 1deg 2deg 3deg 4deg 9deg 10deg et 11deg de lrsquoarticle L323-3 du Code du travail drsquoacceacuteder agrave un emploi ou de conserver un emploi correspondant agrave leur qualification de lrsquoexercer et drsquoy progresser ou pour qursquoune formation adapteacutee agrave leurs besoins leur soit dispenseacutee sous reacuteserve que les charges conseacutecutives agrave la mise en œuvre de ces mesures ne soient pas disproportionneacutees notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les deacutepenses supporteacutees agrave ce titre par lrsquoemployeur

article l5213-6 du code du travailAfin de garantir le respect du principe drsquoeacutegaliteacute de traite-ment agrave lrsquoeacutegard des travailleurs handicapeacutes lrsquoemployeur prend en fonction des besoins dans une situation concregravete les mesures approprieacutees pour permettre aux travailleurs mentionneacutes aux 1deg agrave 4deg et 9deg agrave 11deg de lrsquoar-ticle L5212-13 drsquoacceacuteder agrave un emploi ou de conserver un emploi correspondant agrave leur qualification de lrsquoexercer ou drsquoy progresser ou pour qursquoune formation adapteacutee agrave leurs besoins leur soit dispenseacuteeCes mesures sont prises sous reacuteserve que les charges conseacutecutives agrave leur mise en œuvre ne soient pas dis-proportionneacutees compte tenu de lrsquoaide preacutevue agrave lrsquoarticle L5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les deacutepenses supporteacutees agrave ce titre par lrsquoemployeurLe refus de prendre des mesures au sens du premier ali-neacutea peut ecirctre constitutif drsquoune discrimination au sens de lrsquoarticle L1133-3

DROIT APPLICABLE

12 13PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Le VIH et ses conseacutequences sur la vie des personnes concerneacutees ne sauraient affec-ter a priori lrsquoaptitude agrave exercer la profession de magistrat Exclure les PVVIH de maniegravere geacuteneacuterale apparaicirct disproportionneacute et injustifieacute au regard de lrsquoactiviteacute en cause Lrsquoinfection est aujourdrsquohui laquo controcircleacutee raquo chez la plupart drsquoentre elles et en particulier chez celles contamineacutees apregraves 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies Cette condition anteacuterieure agrave lrsquoapparition du virus preacutevue par une ordonnance de 1958 pour drsquoautres pathologies fait subsister une exigence anachronique discriminante et stigmatisante Forte de ces constats AIDES interpelle donc le directeur de lrsquoENM la direction des ser-vices judiciaires le ministegravere de la Santeacute et la garde des Sceaux Dans un courrier en date de 11 feacutevrier 2014 cette derniegravere indique partager notre ana-lyse sur cette discrimination anachronique Elle propose de modifier en conseacutequence lrsquoarticle 16-5deg de lrsquoordonnance statutaire des magistrats afin que les conditions drsquoap-titude physique rejoignent celles applicables agrave lrsquoensemble de la fonction publique Les conditions seraient donc similaires agrave celles exigeacutees pour des concours comparables et en particulier celles de lrsquoEacutecole nationale drsquoadministration Elle entend proceacuteder agrave cette modification dans une prochaine loi organique relative au statut de la magistratureAu moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport cette modification nrsquoest toujours pas opeacutereacutee Elle est cependant bien preacutevue par lrsquoarticle 4 du projet de loi organique relatif agrave lrsquoindeacutepen-dance et lrsquoimpartialiteacute des magistrats et agrave lrsquoouverture de la magistrature sur la socieacuteteacute deacuteposeacute par Christiane Taubira le 31 juillet 2015 au Parlement laquo La condition drsquoaptitude physique est eacutegalement modifieacutee pour lrsquoaligner sur celle preacutevue pour les concours de la fonction publique raquo Lrsquoeacutetude drsquoimpact de lrsquoarticle constate lrsquoobsolescence de la condition drsquoaptitude physique en preacutecisant que laquo Cette reacutedaction date de la version initiale de lrsquoordonnance statutaire Agrave la diffeacuterence des dispositions similaires du statut geacuteneacuteral des fonctionnaires preacuteciteacute cet article nrsquoa pas eacuteteacute modifieacute depuis 1958 raquo De mecircme que AIDES puis la ministre dans sa reacuteponse lrsquoeacutetude drsquoimpact reconnaicirct lrsquoinconstitutionnaliteacute de cette conditionLe projet de loi preacutevoit que les mots laquo et ecirctre reconnus indemnes ou deacutefinitive-ment gueacuteris de toute affection donnant droit agrave un congeacute de longue dureacutee raquo soient remplaceacutes par les mots laquo compte tenu des possibiliteacutes de compensation du handi-cap raquo Le statut de magistrat srsquoalignerait en ce sens sur le statut applicable pour la fonction publiqueAgrave lrsquooccasion de lrsquoexamen de ce texte programmeacute agrave lrsquoautomne 2015 AIDES sera vigi-lante agrave ce que cette modification aboutisse

21 LrsquoEacuteCOLE NATIONALE DU CIRqUE UNE EXCLUSION VITE ABROGEacuteE

En mai 2014 une infirmiegravere scolaire constate sur le dossier de candidature agrave lrsquoEacutecole nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois (ENACR) une demande surprenante lrsquoeacutecole exige une seacuterologie VIH Une telle demande laisse preacutesumer que les PVVIH ne seraient pas admises agrave cette formation et agrave cette activiteacute Lrsquoinfirmiegravere prend contact avec AIDES afin de se renseigner sur le bien-fondeacute et la leacutegaliteacute de cette demande Lrsquoinfirmiegravere scolaire interpelle aussi le journal Causette qui rend compte de lrsquoaffaire dans un article publieacute en juin 2014 et rapporte des eacutechanges avec des responsables de lrsquoENACR pour le moins confus et marqueacutes par des repreacutesentations sur les modes de transmission et les pratiques des eacutetudiants Lrsquoeacutecole reconnaicirct cependant une mala-dresse laquo le test ne sera plus obligatoire mais fortement conseilleacute raquo 2 Causette comme AIDES sont drsquoaccord sur un point cela ne change rien ou si peuhellip Une telle eacutevolution induit une suspicion pour les candidats qui ne preacutesenteraient pas ce test seacuterologique et maintient le preacutesupposeacute qursquoecirctre porteur du VIH nrsquoest pas compatible avec les activiteacutes circassiennesAIDES interpelle alors le ministegravere de la Jeunesse et des Sports lrsquoOrdre des meacutedecins lrsquoinspection acadeacutemique de Seine-Saint-Denis et bien sucircr lrsquoENACR et son meacutedecin reacutefeacuterent Les courriers deacutenoncent laquo la suspicion induite agrave lrsquoeacutegard des candidats seacutero-positifs raquo qui laquo sous-entend qursquoil y aurait des risques reacuteels de contamination dans les activiteacutes circassiennes ce qui constitue une discrimination aveacutereacutee en raison de lrsquoeacutetat de santeacute raquo Se refusant agrave deacutenoncer sans proposer de solution cette lettre invite agrave une ren-contre des diffeacuterent-e-s acteurs-trices concerneacute-e-s afin de faire eacutevoluer les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoENACRCette rencontre nrsquoaura pas lieu Le 26 juin le matin mecircme de la reacuteception du courrier envoyeacute par AIDES le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem alors ministre de la Jeunesse et des Sports prend contact avec AIDES pour demander des renseignements compleacute-mentaires Le mecircme jour lrsquoeacutecole annonce la fin de cette condition pour candidater consideacuterant que la demande est disproportionneacutee et injustifieacutee Lrsquoeacutecole regrette de nrsquoavoir pu srsquoexpliquer de vive voix Constateacutee en mai 2014 avec un retrait de la condition discriminatoire en juin de la mecircme anneacutee agrave peine un mois plus tard cette situation a eacuteteacute geacutereacutee avec une tregraves grande reacuteactiviteacute que AIDES tient agrave saluer

22 MAGISTRATURE UNE INTERDICTION DEPUIShellip 1958

Dans le cadre de ses actions de preacutevention et de soutien aupregraves des PVVIH des mili-tant-e-s de AIDES ont eacuteteacute interrogeacute-e-s en 2013 par une personne craignant de ne pouvoir candidater agrave lrsquoEacutecole nationale de la magistrature (ENM) du fait de son statut seacuterologique Une demande similaire a eacuteteacute adresseacutee au siegravege de AIDES en feacutevrier 2015 Apregraves veacuterification il srsquoavegravere en effet que lrsquoarticle 16 de lrsquoordonnance ndeg 58-1270 du 22 deacutecembre 1958 sur le statut de magistrat exige de laquo remplir les conditions drsquoaptitu-des physiques neacutecessaires agrave lrsquoexercice des fonctions et ecirctre reconnu indemne ou deacutefi-nitivement gueacuteri de toute affection donnant droit agrave un congeacute de longue dureacutee (CLD) raquo Lrsquoaptitude physique requise pour assurer les fonctions de magistrat conditionne eacutegale-ment lrsquoentreacutee agrave lrsquoENM Or le laquo deacuteficit immunitaire grave et acquis raquo donne droit au CLD les PVVIH sont donc toutes exclues de la magistratureSelon AIDES cette situation constitue une discrimination agrave lrsquoemploi agrave lrsquoencontre des PVVIH prohibeacutee par le droit franccedilais et en contradiction directe avec lrsquoalineacutea 18 du Preacuteambule de la constitution de 1946 sur lrsquoaccegraves de tous et toutes les citoyen-ne-s agrave la fonction publique

Comment avez-vous eu connaissance de la dispo-sition leacutegale excluant la candidature des personnes vivant avec le VIH de lrsquoeacutecole nationale de la magistra-ture (ENM) Crsquoest en preacuteparant mon dossier drsquoaccegraves agrave lrsquoENM que jrsquoai pris connaissance de la reacutefeacuterence agrave cette disposition du statut [de magistrat] alors que mon projet eacutetait tregraves avanceacute et que la preacutesentation agrave ce concours eacutetait deacuteter-mineacutee comme eacutetant mon choix professionnel deacutefinitif

Comment avez-vous perccedilu cette condition par rapport agrave votre situation personnelle Jrsquoai eacuteteacute sideacutereacute par cette disposition et jrsquoai chercheacute agrave savoir agrave quelle date elle avait eacuteteacute prise Le fait que les termes employeacutes eacutemanent drsquoun temps ougrave la question du VIH nrsquoexistait pas mrsquoa laisseacute perplexe Je me suis senti humilieacute et jeteacute au ban de la socieacuteteacute

Quel impact cette information a pu avoir sur vos choix drsquoeacutetudes et drsquoorientations professionnelles Depuis un an eacutepoque agrave laquelle jrsquoai pris connais-sance de cette situation je suis totalement deacutesorienteacute et

jrsquoai suspendu toute deacutemarche En effet mecircme si la Chan-cellerie dit que cette discrimination nrsquoa plus cours nous nrsquoavons aucune assurance de cela Je nrsquoai pas voulu ris-quer drsquoecirctre en porte agrave faux avec drsquoun cocircteacute une reacuteussite agrave lrsquoentreacutee et de lrsquoautre un rejet pour inaptitude meacutedicale dans de telles conditions que je nrsquoaurais pu expliquer agrave mon entourage

Si la loi organique sur le statut de magistrat eacutetait effec-tivement voteacutee mettant fin agrave lrsquoexclusion des personnes vivant avec le VIH comptez-vous passer le concours de lrsquoENM Je nrsquoattends que cela Je ne pense qursquoagrave cela et le temps me paraicirct bien long Mes projets actuellement suspendus seraient immeacutediatement reacuteactiveacutes Le seul lien drsquoespoir qui me tient a eacuteteacute la lecture sur votre site de lrsquoexistence de votre deacutemarche aupregraves de Madame Taubira dans le cadre drsquoun cas similaire au mien ainsi que la formulation des promesses de la garde des Sceaux agrave votre association Jrsquoai peur qursquoelle quitte la Chancelle-rie avant de reacutealiser sa promesse

Teacutemoignage

2 Dr K-POTE laquo Aux Arts du cirque on jongle avec le sida et le droit raquo Causette 4 juin 2014

14 15PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2FormATIoNS ET EmPLoIS   

EN FINIr AVEc LES INTErdITS mdash

Selon lrsquoarticle 28 de lrsquoinstruction de 2003 relatif aux cotations des pathologies dans lrsquoarmeacutee vivre avec le VIH en bonne santeacute et sans traitement serait moins laquo grave raquo au regard de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute que vivre avec le VIH en bonne santeacute et avec traitement

23 LrsquoARMEacuteE UN BASTION SANS VIh

Lrsquointerdiction drsquointeacutegrer de nombreux corps de lrsquoarmeacutee par des PVVIH a eacuteteacute identifieacutee en juillet 2015 apregraves qursquoune personne ait contacteacute lrsquoassociation AIDES alors qursquoelle srsquoeacutetait vu refuser lrsquoaccegraves agrave la marine nationale Lrsquoarticle L 4132-1 du Code de la deacutefense dispose que laquo Nul ne peut ecirctre militaire (hellip) 3deg Srsquoil ne preacutesente les aptitudes exigeacutees pour lrsquoexercice de la fonction raquo Lrsquoaptitude est eacuteva-lueacutee selon lrsquoinstruction ndeg 2100DEFDCSSAASTAME du 1er octobre 2003 relative agrave la deacutetermination de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir Cette instruction fixe des regravegles unifieacutees visant agrave eacutevaluer le profil meacutedical du candidat

231 Eacutevaluation de lrsquoaptitude agrave servir quelques repegraveresLe systegraveme deacutefini par lrsquoinstruction de 2003 relative agrave la deacutetermination de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir se base sur sept profils deacutetailleacutes nommeacutes chacun par une lettre de lrsquoacronyme Sigycop Pour chacun de ses profils des coefficients sont attribueacutes et visent agrave noter lrsquoeacutetat de santeacute la graviteacute de potentielles infections et des seacutequelles (tableau 1)

Le coefficient 0 correspond agrave une eacutevaluation meacutedicale initiale par un meacutedecin geacuteneacutera-liste il nrsquoest que transitoire Les coefficients de 1 agrave 6 eacutetablissent une eacutechelle progres-sive 1 correspondant agrave lrsquoaptitude pour laquo tous les emplois des armeacutees mecircme les plus peacutenibles raquo 6 correspondant agrave lrsquoinaptitude totale

Lrsquoarticle 10 de lrsquoinstruction explique que le profil meacutedical est eacutetabli agrave lrsquoaide du tableau 2 sur lequel les coefficients doivent ecirctre associeacutes par le meacutedecin habiliteacute au sigle corres-pondant Ce profil est ensuite compareacute aux profils drsquoaptitudes minimales deacutefinis pour chaque corps de lrsquoarmeacutee par diffeacuterents textes regraveglementaires afin de deacuteterminer si le candidat est eacuteligibleAinsi pour la marine nationale dans le cadre de la situation pour laquelle AIDES a eacuteteacute saisie lrsquoarticle 4 de lrsquoarrecircteacute du 21 mai 2012 fixant les conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants et pour la sous-cription drsquoun contrat au titre de la marine nationale deacutefinit le profil meacutedical deacutetailleacute dans le tableau 2

232 VIh et aptitude agrave servir une eacutevaluation drsquoun autre tempsOutre ce cadre meacutethodologique sur lrsquoaptitude meacutedicale lrsquoinstruction de 2003 attribue pour un nombre important de pathologies des notes pour tout ou partie des lettres de lrsquoacronyme La cotation concernant le VIH est deacutefinie agrave lrsquoarticle 28 de lrsquoinstruc-tion (tableau 3)

Cet article appelle de nombreux commentaires Drsquoabord le VIH nrsquoest ici consideacutereacute qursquoau regard de lrsquolaquo eacutetat geacuteneacuteral raquo de la personne sans conseacutequence sur le reste du profil meacutedi-cal Cet eacutetat geacuteneacuteral est associeacute agrave des coefficients allant de 3 agrave 5 Lrsquoarticle 8 de lrsquoinstruc-tion preacutecise lrsquoimplication de ces coefficients par rapport agrave la lettre G Coefficient 3 I 3 et G 3 entraicircnent une restriction appreacuteciable de lrsquoentraicircnement notamment lrsquoentraicircnement physique au combat et limite lrsquoeacuteventail des emplois en particulier ceux de combattants au contact direct avec lrsquoennemi Coefficient 4 Attribueacute agrave lrsquoun des sigles S I ou G ce coefficient exempte de tout entraicirc-nement physique au combat Il limite lrsquoaffectation des sujets ainsi classeacutes agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Coefficient 5 Attribueacute agrave lrsquoun des sigles S I G ou O il reacuteduit lrsquoaptitude agrave des emplois seacutedentaires eacuteventuellement adapteacutes

Cet article est eacutegalement surprenant au regard des distinctions qursquoil fait des diffeacuterentes phases de lrsquoinfection agrave VIH et de la gradation appliqueacutee Ainsi vivre avec le VIH en bonne santeacute et sans traitement serait moins laquo grave raquo au regard de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute que vivre avec le VIH en bonne santeacute et avec traitement Cette distinction prend lrsquoexact contre-pied des donneacutees de la science et des recommandations meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles

En effet les traitements actuels permettent de reacuteduire consideacuterablement la charge virale dans le sang au point qursquoelle devient indeacutetectable Dans ces conditions les per-sonnes sont non contaminantes Ils permettent aussi de vivre en bonne santeacute sur du long terme et dans des conditions similaires aux personnes seacuteroneacutegatives Ainsi les PVVIH en France se voient proposer des traitements degraves qursquoelles sont deacutepisteacutees et une tregraves large majoriteacute les accepte Certes il est possible de vivre avec le VIH sans traite-ment et sans laquo symptocircmes raquo mais agrave de rares exceptions pregraves cette situation ne peut pas durer et en tout eacutetat de cause la charge virale reste deacutetectable et les personnes restent contaminantes

laquo Un traitement curatif ou prophylactique au long cours ne saurait constituer agrave lui seul un motif drsquoeacutelimination que dans la mesure ougrave il entraicircnerait un absenteacuteisme iteacuteratif etou prolongeacute raquo et alors que ce nrsquoest pas le cas pour les traitements actuels du VIH lrsquoexclusion de nombreux postes des personnes seacuteropositives sur la base de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir nrsquoest pas proportionneacutee Elle constitue en ce sens une discrimination condamnable au regard des textes internationaux ratifieacutes par la France du Preacuteambule de la constitution de 1946 et du droit interne

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010482 1010485 1010483 1010483 1010481

Tableau 2 ndash Profil meacutedical Sigycop applicable aux officiers navigants de la marine nationale

Le Sigycop correspond au profil meacutedical dun individu eacutetabli par un meacutedecin militaire lui permettant de deacuteterminer son aptitude agrave inteacutegrer larmeacutee franccedilaise

Tableau 3 ndash Article 28 de lrsquoinstruction de 2003 Infection par le VIH

16 17

Tableau 1 ndash Reacutefeacuterentiel Sigycop 2003

sigle coefficient profil meacutedical concerneacute

S 1 agrave 1010486 Ceinture scapulaire et membres supeacuterieurs

I 1 agrave 1010486 Ceinture pelvienne et membres infeacuterieurs

G 1 agrave 1010486 Eacutetat geacuteneacuteral

Y 1 agrave 1010486 Yeux et vision (sens chromatique exclu)

C 1 agrave 1010486 Sens chromatique

O 1 agrave 1010486 Oreilles et audition

P 1010480 agrave 1010485 Psychisme

a) Infection agrave VIH asymptomatique sans traitement avec une immuniteacute cellulaire satisfaisante selon avis speacutecialiseacute 1010483 G

b) Infection agrave VIH asymptomatique sans traitement avec une immuniteacute cellulaire perturbeacutee (infeacuterieur agrave 500 CD4mm3) 1010483 G

c) Infection agrave VIH asymptomatique traiteacutee 4 G

d) Infection agrave VIH symptomatique 1010485 G

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Ainsi le systegraveme de notation retenu par lrsquoarmeacutee surprend en ce qursquoil se fonde sur des repreacutesentations invalideacutees depuis plusieurs anneacutees et contraires aux recommanda-tions meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles Au regard de la distinction opeacutereacutee ici sur la prise ou non de traitements les coefficients donneacutes en conseacutequence nrsquoont pas de sens Plus globalement lrsquoensemble du reacutefeacuterentiel proposeacute est largement inadapteacute et principalement au regard des eacuteleacutements sur lesquels il se base Il serait plus pertinent drsquoappreacutecier lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de la personne au regard de lrsquoeacutevolution de sa charge virale dans le temps et son eacutetat de santeacute

233 Un couperet qui concerne toutes les forces armeacutees et les formations affeacuterentesLes conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants de la marine nationale et pour la souscription drsquoun contrat au titre de la marine nationale exigent donc a minima un eacutetat geacuteneacuteral de santeacute corres-pondant agrave G 2 La seacuteropositiviteacute au VIH impliquant un coefficient minimum de 3 exclut donc de fait lrsquoensemble des candidat-e-s seacuteropositifs-ves Cette exclusion va cependant beaucoup plus loin que ce seul corps drsquoarmeacutee sont eacutega-lement concerneacutees lrsquoarmeacutee de terre et lrsquoarmeacutee de lrsquoair Alors qursquoen France plus de 79 des PVVIH sont sous traitement crsquoest une tregraves large majoriteacute drsquoentre elles qui se voient attribuer le coefficient G 4 et donc lrsquoinaptitude deacuteclareacutee pour tout entraicircnement physique au combat lrsquoaffectation srsquoen trouvant limiteacutee agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Cette note exclue aussi les personnes drsquoun nombre consideacuterable de formations mili-taires dont lrsquoEacutecole polytechnique comme illustreacute par la circulaire ndeg 273424DEFRH-ATFFSSLM relative agrave lrsquoadmission en classes preacuteparatoires agrave lrsquoenseignement supeacuterieur et en classes preacuteparatoires aux grandes eacutecoles des lyceacutees de la Deacutefense rele-vant de lrsquoarmeacutee de terre pour lrsquoanneacutee scolaire 2015-2016 Le Sigycop des eacutecoles militaires correspond au Sigycop minimal pour inteacutegrer les diffeacute-rents corps (tableau 4)

eacutecoles S I G Y C O P textes de reacutefeacuterence

Eacutecole polytechnique 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483 2

Instruction ndeg 13074 DEF DPAG du 27 deacutecembre 1982 modifieacutee (BOC p 5317 BOEM 620-4141 81421)

Eacutecole speacuteciale militaire de Saint-Cyr (scientifique litteacuteraire sciences eacuteconomiques et sociales)

2 2 2 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 23 deacutecembre 2009 (JO ndeg 22 du 27 janvier 2010 texte ndeg 12 BOC 7 2010 BOEM 311-022 77011)Instruction ndeg 812DEFRH-ATPRHLEG du 15 septembre 2014 (BOC ndeg 50 du 10 octobre 2014 texte 18 BOEM 31221 620-4121)

Eacutecole navale 2 2 2 5 1010483 20

ou 1010481

Arrecircteacute du 21 mai 2012 (JO ndeg 136 du 13 juin 2012 texte ndeg 20 signaleacute au BOC 362012 BOEM 3212)

Instruction ndeg 102DEFEMMRHPRH du 5 deacutecembre 2011 modifieacute (BOC ndeg 5 du 27 janvier 2012 texte 10 BOEM 32615 620-4162)

Eacutecole de lrsquoair 2 2 2 5 2 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 27 juillet 2011 modifieacute (JO ndeg 184 du 10 aoucirct 2011 texte ndeg 1 signaleacute au BOC 442011 BOEM 76812)

Eacutecole nationale supeacuterieure de techniques avanceacutees 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483

0 ou 1010481

Arrecircteacute du 18 janvier 2011 modifieacute (JO ndeg122 du 26 mai 2011 texte ndeg 4 signaleacute au BOC 292011 BOEM 8106)

Eacutecole nationale supeacuterieure des ingeacutenieurs de lrsquoinfrastructure militaire

1010483 1010483 1010483 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 26 avril 2012 (JO ndeg 108 du 8 mai 2012 texte ndeg 30 signaleacute au BOC 332012 BOEM 50833)

Tableau 4 ndash Sigycop minimal requis pour les eacutecoles militaires 4

Le Code de lrsquoaviation civile est le seul code dont lrsquoassocia-tion ait connaissance qui exclut directement les PVVIH laquo La positiviteacute au VIH est cause drsquoinaptitude raquo Celle-ci vaut pour les pilotes ou les controcircleurs aeacuteriens Cepen-dant cette inaptitude ne se veut pas systeacutematique ce code preacutevoit une possible reconnaissance de lrsquoaptitude au cas par cas sous certaines conditions Lrsquoarrecircteacute du 16 mai 2008 relatif aux critegraveres et condi-tions de deacutelivrance des attestations drsquoaptitude meacutedicale neacutecessaires pour assurer les services du controcircle de la circulation aeacuterienne preacutecise ainsi qursquolaquo un candidat preacute-sentant une infection VIH comportant des symptocircmes drsquoaffection eacutevolutive telle que le sida une lymphadeacuteno-pathie chronique lieacutee au VIH ou une atteinte du systegraveme nerveux central doit ecirctre deacuteclareacute inapte Toutefois la deacuteclaration drsquoaptitude peut ecirctre envisageacutee au renouvel-lement et agrave la revalidation pour les individus preacutesentant une reacuteaction positive asymptomatique pour le VIH raquo De mecircme pour les pilotes lrsquoaptitude peut ecirctre accordeacutee sous certaines conditions et sous reacuteserve de controcircles freacutequents laquo la survenue drsquoun sida ou du complexe appa-renteacute au sida [devient alors] cause drsquoinaptitude raquo

Enfin concernant le personnel navigant lrsquoarrecircteacute de 2007 relatif aux conditions drsquoaptitude physique preacutecise que le laquo personnel navigant commercial doit ecirctre exempt de toute affection chronique eacutevolutive raquo avant de compleacute-ter laquo Une aptitude par deacuterogation peut ecirctre demandeacutee au conseil meacutedical de lrsquoaeacuteronautique civile qui juge en fonction des reacutesultats des examens cliniques et biolo-giques de lrsquointeacuteresseacute montrant un eacutetat de lrsquoaffection compatible avec le service aeacuterien et le cas eacutecheacuteant une bonne toleacuterance au traitement raquoLes textes de lrsquoaviation civile se distinguent en ce sens que srsquoil exclut a priori le critegravere drsquoaptitude ne reacuteside pas dans la seacuteropositiviteacute en tant que telle mais sur lrsquoeacutetat de santeacute geacuteneacuteral Ils reacutesultent il faut le souligner de mobi-lisations et contentieux 3 agrave lrsquoencontre des dispositions preacuteceacutedemment en vigueur en particulier lrsquoarrecircteacute minis-teacuteriel du 5 juillet 1984 qui preacutevoyait que laquo les affections eacutevolutives susceptibles de conduire agrave une inaptitude ulteacuterieure sont eacuteliminatoires raquo

3 Notamment la Deacutelibeacuteration de la Halde du 6 feacutevrier 2006 et lrsquoarrecirct du Conseil drsquoEacutetat du 28 juin 2006 4 httpwwwformationterredefensegouvfrPJDocumentsDecouverteODFLyceesDocuments20141203_DEF_RH-AT_F_FS_SLM_Circulaire_273424_admission_CPES_CPGEpdf

Lrsquoaviation civile lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute plutocirct que la seacuteropositiviteacute

18 19PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Les discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et international Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacute

Cette mecircme exclusion des PVVIH existe aussi dans la gendarmerie nationale Sachant que dans la gendarmerie nationale lrsquoinaptitude est prononceacutee pour les candidats seacutero-positifs en qualiteacute de musicien choriste ou agent technique et administratif le carac-tegravere discriminatoire et disproportionneacute des classifications pour inaptitude est illustreacute sans que drsquoautres commentaires soient utiles (tableau 5)Dans le cadre de la reacutedaction de ce rapport AIDES nrsquoa pas pu encore recenser de maniegravere exhaustive les corps desquels les PVVIH seraient exclues agrave raison de leur eacutetat de santeacute La question que AIDES pose en revanche est celle des postes et corps ouverts aux personnes seacuteropositives la liste est certainement plus limiteacuteehellip Lrsquoassociation sou-haite pour lrsquoheure mettre en lumiegravere une exclusion une discrimination structurelle touchant agrave toutes les forces armeacutees et lieacutee agrave un reacutefeacuterentiel inadapteacute anachronique eacutechappant aux donneacutees scientifiques et meacutedicales contemporaines

Remarque en 2015 les forces armeacutees comptent 207 689 postes (120 031 pour lrsquoarmeacutee de terre 38 874 pour la marine nationale 48 784 pour lrsquoarmeacutee de lrsquoair) 5 Lrsquoeffectif de la gendarmerie nationale srsquoeacutelegraveve agrave 98 115 personnes 6 la police nationale agrave 144 858 7 et les sapeurs-pompiers agrave 244 900 8 Une part importante de ces postes est fermeacutee aux PVVIH

234 Police nationale sapeurs-pompiers une exclusion qui deacutepasse largement le champ de lrsquoarmeacutee

Srsquoil a une vocation militaire le profil meacutedical Sigycop srsquoapplique et creacutee des exclusions systeacutematiques de PVVIH dans de nombreux autres emplois publics Ainsi lrsquoexclusion constateacutee pour lrsquoarmeacutee sur la base des coefficients G 3 et G 4 se retrouve dans drsquoautres secteurs notamment la police nationale En effet depuis une tregraves reacutecente modification de lrsquoarrecircteacute du 2 aoucirct 2010 relatif aux conditions drsquoaptitudes physiques particuliegraveres pour lrsquoaccegraves aux emplois de certains corps de fonctionnaires par un arrecircteacute du 10 juin 2015 le profil G 2 exclut lrsquoensemble des PVVIH de la police nationale (tableau 6)

De mecircme lrsquoarrecircteacute du 6 mai 2000 fixant les conditions drsquoaptitude meacutedicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions drsquoexercice de la meacutede-cine professionnelle et preacuteventive au sein des services deacutepartementaux drsquoincendie et de secours deacutefinit diffeacuterents profils Les PVVIH sous traitement ne sont eacuteligibles qursquoau profil E qui correspond agrave une activiteacute non opeacuterationnelle voire un reclassement dans un autre corps cadre drsquoemplois ou emploi Ces discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et interna-tional Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacutePour chaque cas ayant eacuteteacute rapporteacute agrave AIDES lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour mieux documenter les situations des personnes ainsi que les implications collectives Lrsquoas-sociation a systeacutematiquement alerteacute les autoriteacutes concerneacutees afin de travailler avec elles agrave une eacutevolution des textes AIDES a aussi saisi le Deacutefenseur des droits agrave lrsquoautomne 2015 dans le cadre de sa mission constitutionnelle de laquo veille au respect des droits et liberteacutes raquoAIDES ne preacutetend pas avoir identifieacute toutes les exclusions seacuterophobes existantes Si des personnes ont connaissance de situations similaires elles sont inviteacutees agrave contacter les associations qui les aideront agrave saisir le Deacutefenseur des droits

corps statut drsquoappartenance

ou formation concerneacuteeprofil meacutedical requis

Officier de gendarmerie (OG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale candidat au cycle de formation donnant accegraves au grade drsquoaspirant (AGIV)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Officier du corps technique et administratif de la gendarmerie nationale (OCTAGN)

S I G Y C O P

1010483 1010483 1010483 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie (SOG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave exercer les attributions drsquoagent de police judiciaire adjoint (GAV APJA)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Sous-officier du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (CSTAGN) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave occuper un emploi particulier (GAV EP)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie recruteacute pour servir en qualiteacute de musicien de lrsquoorchestre ou de choriste de la garde reacutepublicaine

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010483 1010485 1010484 10104820

ou 1010481

Tableau 5 ndash Sigycop minimal pour la gendarmerie nationale

5 Chiffres cleacutes de la Deacutefense eacutedition 2015 6 httpwwwgendarmerieinterieurgouvfrNotre-InstitutionNos-moyensEffectifs 7 httpwwwladocumentationfrancaisefrvarstoragerapports-publics134000185pdf 8 httpwwwpompiersfraccueilles-sapeurs--pompiersles-statistiques

20 21

Tableau 6 ndash Sigycop minimal requis pour les fonctionnaires actifs de la police nationale

S I G Y C O P

1010482 1010482 1010482 1010483 1010482 1010482 1010482

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2LE droIT Agrave LA SANTEacute   ET LE PrINcIPE   

drsquoEacutegALITEacute dE TrAITEmENT

Le droit agrave la protection de la santeacuteLa loi relative aux droits des personnes malades et agrave la qualiteacute du systegraveme de santeacute du 4 mars 2002 dite laquo loi Kouchner raquo reacuteaffirme degraves lrsquoexposeacute des motifs le droit agrave la pro-tection de la santeacute comme un droit agrave valeur constitutionnelle reconnu par lrsquoalineacutea 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 laquo La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les conditions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacute-rielle le repos et les loisirs raquo Ce droit a eacuteteacute consacreacute par plusieurs deacutecisions du Conseil constitutionnel (notamment CC 23 juillet 1999 ndeg 99-416) Le droit agrave la protection de la santeacute est eacutegalement garanti par des textes internationaux ratifieacutes par la France Il lrsquoest indirectement par lrsquoarticle 3 de la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales interdisant la tor-ture et les traitements inhumains ou deacutegradants et par lrsquoarticle 8 de ladite Convention proteacutegeant le droit agrave la vie priveacutee et familiale Ce droit est aussi proteacutegeacute directement par la Charte de lrsquoOrganisation mondiale de la Santeacute du 27 juillet 1946 laquo La possession du meilleur eacutetat de santeacute qursquoil est capable drsquoatteindre constitue lrsquoun des droits fondamen-taux de tout ecirctre humain quelles que soient sa race sa religion ses opinions politiques sa conduite eacuteconomique raquoSur ces bases lrsquoarticle 1 de la loi de 2002 introduit un droit agrave la protection de la santeacute en faveur de toute personne sans discrimination laquo La mise en œuvre de ce droit passe par le deacuteveloppement de la preacutevention lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins les plus approprieacutes agrave son eacutetat de santeacute la continuiteacute des soins la seacutecuriteacute sanitaire raquo

Extraits du Code de santeacute publique

article l1110-1 Le droit fondamental agrave la protection de la santeacute doit ecirctre mis en œuvre par tous moyens disponibles au beacuteneacutefice de toute personne Les professionnels les eacutetablissements et reacuteseaux de santeacute les organismes drsquoassurance maladie ou tous autres organismes par-ticipant agrave la preacutevention et aux soins et les autoriteacutes sanitaires contribuent avec les usagers agrave deacutevelopper la preacutevention garantir lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins neacutecessiteacutes par son eacutetat de santeacute et assurer la continuiteacute des soins et la meilleure seacutecu-riteacute sanitaire possible

article l1110-3 Aucune personne ne peut faire lrsquoobjet de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention ou aux soins

article l1110-5 Toute personne a compte tenu de son eacutetat de santeacute et de lrsquourgence des interventions que celui-ci requiert le droit de recevoir les soins les plus approprieacutes et de beacuteneacuteficier des theacuterapeutiques dont lrsquoefficaciteacute est reconnue et qui garantissent la meilleure seacutecuriteacute sanitaire au regard des connaissances meacutedicales aveacutereacutees Les actes de preacutevention drsquoin-vestigation ou de soins ne doivent pas en lrsquoeacutetat des connaissances meacutedicales lui faire courir de risques disproportionneacutes par rapport au beacuteneacutefice escompteacute

article l1411-1-1 Lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins des populations fragiliseacutees constitue un objectif prioritaire de la politique de santeacuteLes programmes de santeacute publique mis en œuvre par lrsquoEacutetat ainsi que par les collectiviteacutes territoriales et les organismes drsquoassurance maladie prennent en compte les difficulteacutes speacutecifiques des populations fragiliseacutees

25

DROIT APPLICABLE

rEFUS dE SoINS

Le droit agrave la santeacute et le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement bien que proteacutegeacutes par des textes agrave valeurs constitutionnelle et internationale peinent parfois agrave trouver une traduction effective Dans le champ du VIH sida et des heacutepatites virales les exemples sont leacutegions Sans preacutetendre agrave lrsquoexhaustiviteacute AIDES retient pour 2015 trois expressions drsquoatteintes agrave ces droits fondamentaux Drsquoabord des personnes seacuteropositives au VIH sont confronteacutees agrave des refus de soins en raison de leur statut seacuterologique Ensuite des personnes infecteacutees par le virus de lrsquoheacutepatite C sont eacutecarteacutees de lrsquoaccegraves aux nouveaux traitements innovants Enfin les personnes mineures ne peuvent acceacuteder agrave tous les moyens de preacutevention et de deacutepistage disponibles actuellement Ces sujets constituent les trois axes de ce chapitre

Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de comparer les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique

Bien que lrsquoaccegraves aux soins sans discrimination soit garanti par des dispositions leacutegales sans ambiguiumlteacute dans les faits des entraves existent Lrsquoexistence mecircme des refus de soins ne fait pas consensus la plupart des professionnel-le-s de santeacute tendant agrave nier ou au moins agrave minimiser le pheacutenomegravene que les personnes concerneacutees rapportent pourtant de maniegravere reacutecurrente Le deacuteficit drsquoeacutetudes officielles ne permet pas drsquoen objectiver la nature et lrsquoampleur En France seules quelques enquecirctes meneacutees par des associations et des institutions documentent ces pheacutenomegravenes mais essentiel-lement cibleacutees sur des motivations drsquoordre social Il srsquoagit drsquoeacutetudes concernant des beacuteneacuteficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) de la CMU compleacutementaire (CMU-C) de lrsquoaide meacutedicale drsquoEacutetat (AME) et de lrsquoaide agrave lrsquoacquisition drsquoune compleacute-mentaire santeacute (ACS) 11 Les discriminations dans le champ meacutedical agrave lrsquoencontre des PVVIH sont notamment documenteacutees par Sida Info Service qui a meneacute cinq enquecirctes agrave ce sujet et agrave travers les enquecirctes ANRS-VespaPourtant des cas reacutecurrents de refus de soins ou de discriminations sont rappor-teacutes par des PVVIH Ils concernent principalement lrsquoaccegraves agrave des soins dentaires ou gyneacutecologiques dans un contexte ougrave les mesures de preacutecaution standard drsquohygiegravene ont eacuteteacute maintes fois rappeleacutees par diverses instances publiques scientifiques et professionnellesAfin drsquoobjectiver ces refus trop souvent minimiseacutes AIDES a meneacute un testing en avril 2015 agrave lrsquooccasion de deacutebats autour du projet de loi de modernisation de notre sys-tegraveme de santeacute susceptible de renforcer les moyens de lutte contre les refus de soins Cette enquecircte vise agrave saisir lrsquoampleur et documenter les refus de soins laquo sur le vif raquo agrave lrsquoencontre des PVVIH

11 MEacuteThODOLOGIE

111 qursquoest-ce qursquoun testing Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de com-parer toutes choses eacutegales par ailleurs les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique Si lrsquoune des personnes est traiteacutee diffeacuteremment de lrsquoautre alors cette diffeacuterence est imputeacutee agrave lrsquounique caracteacuteristique qui les distingue

112 Le protocole drsquoenquecircteAfin de parvenir agrave eacutetablir lrsquoexistence de traitements discriminatoires dans lrsquoaccegraves aux soins dentaires ou gyneacutecologiques des PVVIH AIDES a recouru agrave une opeacuteration de tes-ting srsquoappuyant sur lrsquoobservation de prises de rendez-vous teacuteleacutephoniques

Les testeur-se-sLes appels teacuteleacutephoniques sont reacutealiseacutes par 44 testeur-se-s tous militant-e-s de AIDES Chaque testeur-se doit jouer un personnage en srsquoappuyant sur une identiteacute fictive qui se reacutepartit selon quatre profils

Hommefemme Seacuteropositif-ve au VIH ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH

Les diffeacuterentes lois sur la santeacute rarement remises en causes se sont depuis inscrites dans la continuiteacute Elles positionnent le droit agrave la santeacute pour tous et toutes comme une finaliteacute des politiques de santeacute jusqursquoau dernier projet de loi preacutesenteacute par Marisol Touraine ministre des Affaires sociales de la Santeacute et des Droits des femmes qui rap-pelle dans la version initiale de lrsquoarticle 1er laquo Elle [la politique de santeacute] tend agrave assurer la promotion de conditions de vie favorables agrave la santeacute lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute de la population la reacuteduction des ineacutegaliteacutes sociales et territoriales de santeacute et agrave garantir la meilleure seacutecuriteacute sanitaire possible et lrsquoaccegraves effectif de la population agrave la preacutevention et aux soins raquo 9

Les dispositions speacutecifiques aux refus de soinsLe droit agrave la santeacute est un eacuteleacutement fondamental des droits de lrsquohomme Si les textes qui rappellent ce principe sont nombreux il reste que ce droit nrsquoest pas acquis pour tous et toutes en particulier pour les personnes en situation de vulneacuterabiliteacute Au-delagrave des dif-ficulteacutes drsquoaccegraves aux soins les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) peuvent ecirctre expo-seacutees agrave des pratiques illeacutegales de refus de soins qui portent atteinte au droit agrave la santeacute Mecircme si les refus de soins ne sont pas geacuteneacuteraliseacutes les reacutesultats de nombreux testing montrent leur reacutecurrence Le droit actuel permet-il de lutter efficacement contre ces pratiques illeacutegales les reacuteponses juridiques sont-elles suffisantes Lrsquoencadrement juri-dique des refus de soins est eacuteclateacute entre Code peacutenal Code de la santeacute publique Code de la consommation et Code de deacuteontologie meacutedicale ce qui ne rend pas visible cet enjeuLe rapport du Deacutefenseur des droits remis au Premier Ministre en mars 2014 sur laquo Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME raquo a permis de montrer lrsquoinefficaciteacute de lrsquoencadrement juridique actuel La loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (HPST) a mis en place une proceacutedure particuliegravere de signalement des refus de soins complexe et peu effective instances compeacutetentes et modaliteacutes de saisines multiples difficulteacutes des usager-e-s agrave faire valoir leurs droits rareteacute des signalements et manque de mobilisation des ins-tances en charge du traitement des signalements Crsquoest pourquoi il est neacutecessaire de renforcer les droits des patient-e-s pour une meilleure connaissance des lois et voies de recours existants de mettre en œuvre un accompagnement des victimes dans le cadre des proceacutedures de conciliation ou les recours en justice et de mieux qualifier les refus de soins illeacutegaux pour en faciliter lrsquoidentification

Exemple de deacutecision du Deacutefenseur des droits Le Deacutefenseur a eacuteteacute saisi drsquoune reacuteclamation relative au refus de proceacuteder agrave lrsquoextraction de dents de sagesse en raison de la seacuteropositiviteacute de la patiente Celle-ci pensant que le chirurgien accegravederait agrave son dossier informatique de suivi au sein du mecircme hocircpital nrsquoa pas indiqueacute sa maladie lors de la consultation preacuteopeacuteratoire Apregraves avoir appris la seacuteropositiviteacute de la reacuteclamante le mis en cause a annuleacute lrsquoopeacuteration preacutevue en propo-sant une date trois mois plus tard inacceptable pour cette derniegravere Afin de justifier le refus des soins le mis en cause a invoqueacute lrsquoapplication drsquoun protocole speacutecifique pour la prise en charge drsquoun patient seacuteropositif Lrsquohocircpital dans lequel exerccedilait le mis en cause a deacutementi lrsquoexistence drsquoun tel protocole Dans le cadre de cette deacutecision le Deacutefenseur des droits a donc recommandeacute la mise en œuvre de sanctions disciplinaires agrave lrsquoeacutegard du meacutedecin et a informeacute de sa deacutecision le ministegravere de la Santeacute le conseil national de lrsquoordre des chirurgiens-dentistes ainsi que le conseil deacutepartemental de lrsquoordre des meacutedecinsDeacutecision MLD-2011-94 du 13 janvier 2012 10

1 UN TESTINg PoUr objEcTIVEr  

LES rEFUS dE SoINS mdash

9 Au moment de la reacutedaction de ce rapport la reacutedaction deacutefinitive de lrsquoarticle 1er nrsquoest pas connue 10 httpwwwdefenseurdesdroitsfrfractionsprotection-des-droits-libertesdecisiondecision-mld-2011-94-du-13-janvier-2012-

relative-un

11 MEacuteDECINS DU MONDE Testing sur les refus de soins des meacutedecins geacuteneacuteralistes pour les beacuteneacuteficiaires de la Couverture Maladie Universelle ou de lrsquoAide Meacutedicale Eacutetat dans 10 villes de France 2006 DEacuteFENSEUR DES DROITS Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME 2014 FONDS CMU-DIES Analyse des attitudes de meacutedecins et de dentistes agrave lrsquoeacutegard des patients beacuteneacuteficiant de la CMUC dans 6 villes du Val-de-Marne 2006 FONDS CMU-IRDES Les refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMUC agrave Paris 2009 FONDS CMU-IRDES Analyse territoriale des obstacles agrave lrsquoaccegraves aux soins des beacuteneacuteficiaires de la CMUC dans les deacutepartements de lrsquoOrne et de la Niegravevre 2012 CISS Droits des malades Refus de soins aux beacuteneacuteficiaires de la CMUC de lrsquoAME et de lrsquoACS 2015

26 27PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Rouen

Evreux

Pontoise

Chacircteauroux

ParisStrasbourg

Auxerre

Dijon

Lyon

Marseille

Gap

Clermont-ferrandPuy-en-Velay

Toulouse

Niort

Angoulegraveme

Cahors

Bourg-en-Bresse

Tours

Colmar

Lrsquoeacutechantillon repreacutesentatif de lrsquoeacutetude comprend 100766810076680 cabinets dentaires et 100766510076691007668 cabinets de gyneacutecologie

Le sceacutenarioUn mecircme cabinet dentaire ou de gyneacutecologie est appeleacute deux fois pour une prise de rendez-vous par deux testeur-se-s diffeacuterent-e-s qui ont des caracteacuteristiques sociodeacute-mographiques similaires Les prises de rendez-vous gyneacutecologiques sont effectueacutees uniquement par des femmes Dans le premier cas le-la testeur-se annonce sa seacutero-positiviteacute au VIH dans le second cas lrsquoautre testeur-se ne dit rien Seule la mention du statut seacuterologique diffeacuterencie ces deux personnes Un script eacutetabli en concertation avec des militant-e-s des PVVIH et des professionnel-le-s de santeacute (meacutedecins speacutecia-listes en chirurgie dentaire en gyneacutecologie et de santeacute publique) reacuteuni-e-s au sein drsquoun groupe de pilotage a permis drsquoeacutetablir

Une feuille de route pour chaque testeur-se proposant des reacuteponses concregravetes aux eacuteventuelles questions que pourrait susciter la demande de rendez-vous (iden-titeacute motifs de la demande orientations adresse teacuteleacutephone numeacutero de seacutecuriteacute sociale etc)

La conduite agrave tenir en cas de mise en attente ou drsquoheacutesitations agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute

Le choix du motif de la consultation deacutetartrage ou frottis Il est important de choisir un acte meacutedical susceptible de provoquer des saignements mais simple ne justifiant pas une orientation vers un-e meacutedecin speacutecialiste ou vers un service drsquourgences et ou un plateau technique particulier

Les eacutechanges teacuteleacutephoniques sont enregistreacutes leur contenu est retranscrit dans une base de donneacutees pour recueillir de faccedilon standardiseacutee les reacuteponses apporteacutees par les praticien-ne-s Des seacuteances de deacutebriefing ainsi qursquoun guide meacutethodologique sont mis agrave disposition des testeur-se-s

Remarque lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute au VIH drsquoembleacutee lors de la prise de ren-dez-vous est justifieacutee par les teacutemoignages de certaines PVVIH qui trop souvent expo-seacutees agrave la stigmatisation et la discrimination de la part de professionnel-le-s de santeacute preacutefegraverent eacuteviter un refus frontal de la ou du meacutedecin dans son cabinet Elle est eacutegale-ment approuveacutee par les professionnel-le-s de santeacute du groupe de pilotage au regard de leur expeacuterience

Constitution de lrsquoeacutechantillon geacuteographiqueLa meacutethodologie de lrsquoenquecircte srsquoappuie sur une technique drsquoeacutechantillonnage aleacuteatoire de maniegravere agrave garantir une seacutelection repreacutesentative des chirurgiens-dentistes et des gyneacutecologues en France Afin de deacutefinir les villes dans lesquelles est reacutealiseacutee lrsquoeacutetude plusieurs eacutetapes sont retenues

Un classement des reacutegions en fonction de leur incidence au VIH (faible moyenne eacuteleveacutee)

Une seacutelection de trois reacutegions par niveau drsquoincidence Une identification pour chaque reacutegion seacutelectionneacutee drsquoun deacutepartement agrave haute densiteacute meacutedicale et drsquoun deacutepartement agrave faible densiteacute meacutedicale pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Un choix des chefs-lieux de chacun de ces deacutepartements comme ville pour effectuer lrsquoenquecircte

Pour les trois plus grandes villes de France (Paris Lyon Marseille) un deacutecoupage par arrondissement selon le niveau de richesse (eacuteleveacute moyen faible) est reacutealiseacute Au total 20 villes sont seacutelectionneacutees La base de sondage est reacutealiseacutee agrave partir de plusieurs sources de donneacutees lrsquoInstitut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques (Insee) pour le nombre drsquohabi-tants lrsquoInstitut de veille sanitaire (InVS) pour lrsquoincidence du VIH lrsquoObservatoire natio-nal de la deacutemographie des professions de santeacute et lrsquoAtlas de la deacutemographie meacutedicale en France pour la densiteacute meacutedicale deacutepartementale respectivement pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Constitution de lrsquoeacutechantillon meacutedicalLe testing vise les seul-e-s speacutecialistes secteurs 1 et 2 chirurgiens-dentistes et gyneacuteco-logues Ainsi deux bases de sondage sont reacutealiseacutees

Lrsquoune agrave partir de lrsquoensemble des chirurgiens-dentistes conventionneacute-e-s pour les soins dentaires classiques preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Lrsquoautre agrave partir de lrsquoensemble des gyneacutecologues conventionneacute-e-s avec les speacuteciali-teacutes meacutedicale etou obsteacutetrique preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Pour lrsquoensemble des secteurs geacuteographiques 2 297 chirurgiens-dentistes et 290 gyneacute-cologues sont recenseacute-e-s Afin de creacuteer un eacutechantillon repreacutesentatif de ces professions 30 des chirurgiens-dentistes et 60 des gyneacutecologues sont tireacute-e-s au sort agrave lrsquoaide drsquoun programme de tri aleacuteatoire

Moins de 45 000 habitants

45 000 agrave 200 000 habitants

Plus de 200 000 habitants

les 20 villes selectionneacutees

pour le testing aupregraves des cabinets

dentaires et gyneacutecologiques

29PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 1

laquo Pour vous ce sera 21h raquo laquo Je ne prends pas de nouveaux patients raquo

laquo Eh bien on mettra deux paires de gants raquo

laquo Vous me remplirez un questionnaire meacutedical avant le rdv raquo

laquo Je le note dans le carnet de rdv raquo

laquo Les gens comme voushellip raquo

laquo Je nrsquoai pas le mateacuteriel adapteacute raquo

laquo Ok mais vous viendrez avec toutes vos analyses raquo

laquo Je ne pratique pas le deacutetartrage raquo

laquo Le deacutetartrage crsquoest 150 euros raquo

laquo Vous serez mieux soigneacute agrave lrsquohocircpital raquo

laquo Je nrsquoai pas eacuteteacute formeacute au vih raquo

laquo Heuhellip veuillez patienter raquo

Bonjour je souhaite un rendez-vous

pour un deacutetartrage et je suis seacuteropo

la face cacheacutee des refus

de soins chez les dentistes

envers les personnes vih+

Florilegravege des verbatims des cabinets dentaires agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute par ordre de citation

Le motif le plus souvent invoqueacute par les cabinets dentaires est celui des ameacutenagements ou des horaires speacutecifiques requis pour les personnes seacuteropositives Vient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute

Peacuteriode drsquoenquecircteLe testing est reacutealiseacute sur une peacuteriode courte du 7 au 10 avril 2015 pour garantir la confi-dentialiteacute de lrsquoopeacuteration et assurer un environnement comparable entre les diffeacuterents appels (actualiteacute meacutediatique et politique etc) Une fois la semaine de testing passeacutee les rendez-vous pris sont annuleacutes afin de ne pas peacutenaliser les laquo vrais raquo malades et les meacutedecins dans la gestion des rendez-vous meacutedicaux

Eacutechantillon finalParmi les 570 cabinets dentaires et les 154 cabinets de gyneacutecologie contacteacutes par teacuteleacute-phone durant la peacuteriode drsquoenquecircte pour une prise de rendez-vous un certain nombre sont exclus en raison de non-reacuteponses aux appels de non-conformiteacute de la speacutecialiteacute de fermeture ou de congeacutes Lrsquoeffectif final des praticien-ne-s retenu-e-s srsquoeacutelegraveve agrave 440 pour les chirurgiens-dentistes et 116 pour les gyneacutecologues Lors des appels il est pos-sible de relever la fonction des reacutepondant-e-s dans la majoriteacute des cas (praticien-ne-s ou secreacutetaires meacutedicaux-ales) Ainsi les interlocuteur-trice-s dans les cabinets dentaires sont des secreacutetaires meacutedicaux-les dans 764 des cas (n=336) et des chirurgiens-den-tistes dans 193 des cas (n=85) Pour les cabinets de gyneacutecologie la reacutepartition eacutetait de 802 de secreacutetaires meacutedicaux-les (n=93) et 78 de gyneacutecologues (n=9)

113 Limites de lrsquoeacutetudeCette opeacuteration de testing comporte des limites qui sont autant de pistes pour ameacutelio-rer encore ce type drsquoenquecirctes et leur donner un cadre leacutegalLa premiegravere limite tient agrave la classification a posteriori des motifs des refus de soins En effet la liste exhaustive des motifs de refus ainsi que la combinaison de plusieurs motifs eacutetaient difficiles agrave anticiper La deuxiegraveme limite concerne la perception des testeur-se-s quant aux reacuteponses four-nies par les dentistesgyneacutecologues Ainsi la notion de subjectiviteacute permise par la non-cateacutegorisation a priori des reacuteponses a probablement induit une sous-deacuteclaration de certains refus Les retours drsquoexpeacuteriences des PVVIH qui pointent des refus frontaux dans les cabinets des praticien-ne-s apregraves un rendez-vous fixeacute preacutealablement au teacuteleacute-phone laissent augurer eacutegalement drsquoune sous-eacutevaluation de ces pratiquesLa troisiegraveme limite est celle du champ de lrsquoenquecircte Seule la seacuteropositiviteacute au VIH a eacuteteacute testeacutee il est pourtant neacutecessaire drsquoeacutetendre aux personnes vivant avec une heacutepatite virale chronique ou co-infecteacutees par le VIH et les heacutepatites virales De plus les repreacutesen-tations sociales eacuteconomiques et morales associeacutees agrave la pathologie VIH (CMU ou AME preacutecariteacute pratiques sexuelles usages de drogues etc) peuvent geacuteneacuterer des cumuls de motifs de refusEt enfin la taille de lrsquoeacutechantillon des professionnel-le-s ne permet pas de reacutealiser des analyses statistiques pousseacutees notamment par ville et de conclure agrave drsquoeacuteventuelles dynamiques locales de discrimination

12 DES REacuteSULTATS ACCABLANTS

Parmi les reacuteponses des chirurgiens-dentistes et de leur secreacutetariat meacutedical agrave lrsquoan-nonce de la seacuteropositiviteacute le motif le plus souvent invoqueacute est celui des ameacutena-gements ou des horaires speacutecifiques qui seraient requis soit eacutenonceacutes comme tels soit mis en eacutevidence par comparaison des reacuteponses faites aux personnes supposeacutees seacuteroneacutegatives Il est important de rappeler que le Haut conseil de la santeacute publique a publieacute en 2007 un avis laquo ne recommandant pas lrsquoinstauration drsquoun ordre de pas-sage pour tout patient porteur des virus VHC VHB ou VIH lors drsquoactes invasifs meacutedico-chirurgicaux En revanche il considegravere comme une prioriteacute lrsquoapplication des preacutecautions standard et le respect des mesures de preacutevention (hellip) raquo LrsquoOrdre natio-nal des chirurgiens-dentistes a drsquoailleurs redit lors de la parution de ce testing que laquo les patients doivent tous beacuteneacuteficier drsquoune mecircme chaicircne de deacutecontamination et de steacuterilisation raquoVient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute surcharge de travail pas de nou-veaux-elles patient-e-s deacutelais de rendez-vous trop importants etc non eacutevoqueacutee pour les testeur-se-s nrsquoannonccedilant pas de seacuteropositiviteacute au VIHPour les gyneacutecologues ou leur secreacutetariat meacutedical les testeuses seacuteropositives sont accepteacutees sous reacuteserve de la preacutesentation de leur dossier meacutedical et du rappel de la pathologie au moment de la consultation Lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute est aussi avanceacute agrave plusieurs reprises Tous ces motifs sont ensuite cateacutegoriseacutes

Figure 2

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS30

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins

121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou de discriminationsUne cateacutegorisation est opeacutereacutee en fonction des dispositions juridiques existantes Les dispositions leacutegales eacutetant tregraves geacuteneacuterales et impreacutecises crsquoest la reacutefeacuterence agrave la circu-laire CNAMTS CIR-332008 relative aux refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMU-C qui a eacuteteacute retenue Ce texte donne une deacutefinition concregravete des refus de soins incluant laquo la fixation tardive inhabituelle et abusive drsquoun rendez-vous lrsquoorien-tation reacutepeacuteteacutee et abusive vers un autre confregravere lrsquoattitude et le comportement dis-criminatoire du professionnel de santeacute etc raquo Certains praticien-ne-s ont pu eacutevoquer plusieurs motifsAinsi des refus de soins directs ou deacuteguiseacutes et des traitements diffeacuterentiels non fon-deacutes sont constateacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH lors drsquoune demande de rendez-vous pour un deacutetartrage ou un frottisParmi les refus de soins on distingue deux cateacutegories Les refus directs Il srsquoagit de refus directement imputables au VIH annonceacutes comme tels ou sous couvert drsquoune autre raison non formuleacutee aupregraves de la personne supposeacutee seacuteroneacutegative Les refus deacuteguiseacutes Il srsquoagit de refus dont les preacutetextes avanceacutes sont douteux et contraires au Code de deacuteontologie meacutedicale Ils peuvent ecirctre cateacutegoriseacutes en deux types de refus

Les strateacutegies de deacutecouragement horaires contraignants deacutepassements drsquohono-raires assurance de la solvabiliteacute financiegravere etc

Les reacuteorientations vers des confregraveres ou des services hospitaliers sous preacutetexte drsquoun manque de connaissance de la pathologie et de sa prise en charge de mateacute-riel non adapteacute ou la dangerositeacute des soins qui suggegraverent une meilleure prise en charge laquo ailleurs raquo

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins (voir page 25) Ces dispariteacutes de traitement sont soit annonceacutees de maniegravere explicite lors de la prise de rendez-vous soit mises en eacutevidence par la confrontation des reacuteponses faites au-agrave la testeur-se seacuteropositif-ve au VIH et agrave son binocircme ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH On distingue trois cateacutegories

La meacuteconnaissance de la pathologie qui aboutit agrave de mauvaises pratiques dans la relation avec le ou la patiente

La divulgation du statut seacuterologique en dehors drsquoun dossier meacutedical ce qui est une atteinte au secret meacutedical

Lrsquoexistence de protocoles speacutecifiques drsquohygiegravene pour les PVVIH (steacuterilisation dureacutee des soins etc) agrave lrsquoencontre des mesures de preacutecautions standard recommandeacutees qui teacutemoignent drsquoun manque de connaissance ou drsquoapplication des regravegles fonda-mentales drsquohygiegravene et de steacuterilisation mais aussi une meacuteconnaissance des modes de contamination Ces mesures doivent ecirctre garanties systeacutematiquement et sans compromis quel que soit le statut seacuterologique des personnes et ce drsquoautant qursquoon estime entre 30 000 et 50 000 le nombre de personnes contamineacutees par le VIH en France qui lrsquoignorent (pour 150 000 PVVIH soit 20 agrave 30 )

32 33

30 refus de soins

deacuteguiseacutes

36 refus de soins

directs

168 pratiques

discriminatoires

cabinet dentaire

ViH SrsquoabStenir

17 refus de soins

directs

43 refus de soins

deacuteguiseacutes

172 pratiques

discriminatoires

cabinet de gyneacutecologie

ViH SrsquoabStenir

122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des speacutecialiteacutes

Figure 3 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 4 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

336 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

168 de pratiques discriminatoires

6 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

172 de pratiques discriminatoires

Cabinets de gyneacutecologie

Cabinets dentaires

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Dans le cadre du projet de loi Santeacute AIDES a construit plusieurs amendements afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutealiteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits

Les reacutesultats de ce testing prouvent qursquoil existe une veacuteritable meacuteconnaissance du VIH et de ses modes de transmission aboutissant agrave des attitudes neacutegatives et discrimi-natoires Ces comportements trahissent les repreacutesentations des professionnel-le-s vis-agrave-vis de cette maladieinfection et sur le respect des fondements deacuteontologiques des professions du soin

13 PERSPECTIVES LA NEacuteCESSITEacute DE RENfORCER LrsquoARSENAL jURIDIqUE

Les constats de AIDES confirment la neacutecessiteacute drsquoaller plus loin contre les refus de soins que la seule disposition initialement envisageacutee dans le projet de loi Santeacute Actuelle-ment ce sont aux ordres professionnels des soignant-e-s de mesurer lrsquoimportance et la nature des pratiques de ces refus En conseacutequence plusieurs amendements ont eacuteteacute construits avec Meacutedecins du Monde (MdM) afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutea-liteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits Les amendements formulent cinq propo-sitions visant agrave

Eacutelargir la deacutefinition leacutegale des refus de soins agrave toute pratique discriminante ou strateacutegie de dissuasion menant in fine au renoncement aux soins des patient-e-s

Donner une base leacutegale au testing autour drsquoun cahier des charges preacutecis et y inclure les associations de malades

Impliquer lrsquoensemble des acteurs-trices de santeacute dans le pilotage de lrsquoObserva-toire deacutedieacute aux refus de soins preacutevu par le projet de loi Santeacute agrave commencer par les associations de malades mais aussi les ordres professionnels et les organismes drsquoassurance maladie

Ameacutenager la charge de la preuve de sorte que comme dans lrsquoensemble du droit de la non-discrimination ce soit au-agrave la professionnel-le de santeacute de prouver qursquoil nrsquoy a pas eu de traitement discriminatoire lorsqursquoune personne exprime des eacuteleacutements de fait laissant supposer lrsquoexistence drsquoune discrimination

Permettre aux patient-e-s drsquoecirctre accompagneacute-e-s etou repreacutesenteacute-e-s par des associations durant les recours en justice ou les proceacutedures de conciliation lors-qursquoils-elles sont confronteacute-e-s agrave des refus de soins

Ces amendements srsquoappuient sur divers rapports institutionnels et parlementaires ils srsquoinspirent aussi de lrsquoarticle initial sur les refus de soins de la loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (Loi HPST) preacutesenteacutee par Roselyne Bachelot alors ministre de la Santeacute en 2008 Ces propositions ont cependant eacuteteacute escamoteacutees au fil des lectures agrave lrsquoAssembleacutee nationale et au SeacutenatAinsi gracircce agrave ce testing agrave ses retombeacutees meacutediatiques et agrave la mobilisation des mili-tant-e-s de AIDES les lignes ont commenceacute agrave bouger Drsquoune part lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes a vivement reacuteagi et drsquoautre part un amendement agrave lrsquoarticle 19 du projet de loi Santeacute a eacuteteacute voteacute au Seacutenat proposant que lrsquoeacutevaluation de lrsquoexistence des refus de soins soit confieacutee au Deacutefenseur des droits Au moment de la reacutedaction de ce rapport la formulation finale de lrsquoattribution de cette eacutevaluation au Deacutefenseur des droits ou aux diffeacuterents Ordres nrsquoest pas connue

Concernant lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes un rapprochement avec AIDES srsquoest opeacutereacute rapidement afin drsquoeacutetudier les moyens agrave mettre en œuvre pour lutter effica-cement contre les refus de soins Degraves lrsquoannonce des reacutesultats lrsquoOrdre a immeacutediatement reacuteagi et condamneacute ce type de comportement laquo Nul ne peut faire lrsquoobjet de discrimina-tions dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins raquo rappelant que laquo les chirurgiens-den-tistes qui ne respectent pas ce principe fondamental leacutegal et deacuteontologique srsquoexposent agrave des poursuites tant devant les juridictions disciplinaires que peacutenales raquo

123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction de lrsquointerlocuteur-trice

Les refus de soins ou les pratiques discriminatoires sont plus souvent pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les que par les praticien-ne-s voire inexistants srsquoagissant des gyneacutecologuesDans les cabinets dentaires une majoriteacute de secreacutetaires meacutedicaux-les opposent des refus de soins directs aux PVVIH ils-elles sont 78 agrave opposer des refus indirects versus 22 des chirurgiens-dentistes Srsquoagissant de traitements diffeacuterentieacutes entre les PVVIH et leur binocircme supposeacute seacuteroneacutegatif 824 sont eacutemis par des secreacutetaires meacutedicaux-les versus 186 par des dentistesLes refus de soins ou discriminations sont majoritairement pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les Ce constat reacutevegravele soit un manque de formation et de connaissance du VIH qui aboutit agrave des mauvaises pratiques avec le ou la patiente soit lrsquoexistence de directives donneacutees par des praticien-ne-s quant agrave la prise en charge de certain-e-s patient-e-s dont les PVVIH En teacutemoignent les mises en attente majoritairement du fait des secreacutetaires meacutedicaux-les Il est probablement plus facile de donner des ins-tructions agrave son secreacutetariat que drsquoassumer individuellement la responsabiliteacute drsquoun refus

124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des villesMalgreacute des effectifs parfois limiteacutes de chirurgiens-dentistes et de gyneacutecologues par ville les reacutesultats de ce testing preacutesentent une dispariteacute des pheacutenomegravenes de refus de soins et de discriminations sur le territoire national Il nrsquoy a a priori pas de lien entre le lieu drsquoinstallation et lrsquoineacutegaliteacute des pratiques Lrsquoattitude neacutegative des professionnel-le-s agrave lrsquoencontre des PVVIH paraicirct davantage reposer sur des logiques individuelles que sur la deacutemographie meacutedicale ou lrsquoincidence locale du VIH Les reacutesultats du testing ne suggegraverent pas drsquoinfluence de lrsquoenvironnement sur les pratiques des professionnel-le-s On relegraveve que Bourg-en-Bresse Chacircteauroux et le seiziegraveme arrondissement de Paris trois lieux qui preacutesentent une deacutemographie meacutedicale quantitativement contras-teacutee se deacutetachent en matiegravere de proportion de refus de soins ou de pratiques discri-minatoires avec plus de 70 des chirurgiens-dentistes contacteacute-e-s concerneacute-e-s Agrave lrsquoinverse les speacutecialistes du treiziegraveme arrondissement de Marseille et de la ville de Pontoise nrsquoopposent aucun comportement discriminatoirePour les gyneacutecologues dont le nombre est insuffisant en France avec de veacuteritables ineacute-galiteacutes drsquoaccegraves sur le territoire 12 lrsquoeffet des villes semblent jouer un rocircle a minima Pour certaines villes dont la densiteacute meacutedicale pour cette speacutecialiteacute est tregraves faible un nombre limiteacute de professionnel-le-s a eacuteteacute contacteacute empecircchant toute conclusion Cependant il est important de noter que des PVVIH ont pu ecirctre confronteacutees agrave 100 de refus de rendez-vous dans certaines villes

125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave soulignerDe nombreux-ses praticien-ne-s et leur secreacutetariat meacutedical attribuent des rendez-vous aux PVVIH sans eacutevoquer aucun des motifs jugeacutes discriminatoires Pour pregraves de la moitieacute des cabinets dentaires (496 ) et plus de 4 cabinets de gyneacutecologie sur 5 (768 ) les pratiques de soins lrsquoaccueil et la communication sont en tout point conformes agrave la deacuteontologie meacutedicale (figures 5 et 6) Certains ont aussi fait preuve de bienveillance avec une approche globale de la prise en charge meacutedicale de la personne

126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutesLes logiques de preacutecaution occupent une place eacutevidente dans les arguments opposeacutes aux PVVIH au meacutepris de la loi de la deacuteontologie meacutedicale et des recommandations drsquohygiegravene De nos jours les refus de soins ou discriminations agrave leur eacutegard sont drsquoautant plus inacceptables que les mesures de preacutecaution standard ont eacuteteacute maintes fois rappe-leacutees par diverses instances publiques et scientifiques Ces mesures sont conccedilues pour preacutevenir le risque de transmission du VIH du ou de la patiente au personnel meacutedical et inversement et drsquoun ou drsquoune patiente agrave lrsquoautre Ceci est drsquoautant plus important qursquoen-viron un quart des PVVIH ignorent qursquoelles en sont atteintes et peuvent en toute bonne foi ne pas informer le ou la professionnel-le de santeacute de leur seacuterologie Les mesures de preacutecaution standard doivent ecirctre garanties systeacutematiquement dans tous les cabinets meacutedicaux et pour chaque patient-e quel que soit son eacutetat de santeacute

12 Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins Atlas de la deacutemographie meacutedicale en France situation au 1er janvier 2014

768

34 35PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 5 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 6 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

496

41 000 euroLe prix facial sur le marcheacute franccedilais du premier des traitements hautement actifs contre le VHC pour trois mois Sa combinaison avec drsquoautres meacutedicaments peut coucircter plus de 100766500 000 euro selon la dureacutee du traitement

12 VhC qUI SOIGNER

Crsquoest dans ce contexte que le principe drsquoune mise sous traitement seacutelective est acteacute par le ministegravere de la Santeacute Des critegraveres sont eacutetablis pour deacutefinir qui doit acceacuteder prioritai-rement aux nouveaux traitements innovants contre le VHC Ce choix et ses traductions opeacuterationnelles sont supposeacutes concilier le droit agrave la protection de la santeacute la santeacute publique et des populations mais aussi lrsquoeacutequilibre des finances publiques et la peacuteren-niteacute du systegraveme de protection sociale franccedilais Des recommandations drsquoexpert-e-s pour la mise sous traitement ont eacuteteacute fixeacutees courant 2014 mais finalement restreintes par un avis de la HAS ensuite en 2015 Ceci alors que la socieacuteteacute franccedilaise drsquoheacutepatologie a elle-mecircme confirmeacute en juin de la mecircme anneacutee les recommandations drsquoaccegraves eacutelargies de 2014

101048110104821010481 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexpertsDes recommandations ont drsquoabord eacuteteacute proposeacutees en mai 2014 dans un Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C dit rapport Dhumeaux Ce rapport a eacuteteacute commandeacute par la ministre de la Santeacute en janvier 2013 agrave lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) et lrsquoAssociation franccedilaise pour lrsquoeacutetude du foie (AFEF) De nombreux-ses praticien-ne-s universitaires et des repreacutesentant-e-s drsquoassociations drsquousager-e-s du systegraveme de santeacute sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux ont participeacute agrave son eacutelaboration Ainsi pour les personnes vivant avec une heacutepatite C les recommandations de mise sous trai-tement reposent notamment sur lrsquoavancement de la maladie crsquoest-agrave-dire les stades de fibrose supeacuterieurs ou eacutegaux agrave 2 13 qui indiquent lrsquoeacutetat drsquoavancement de lrsquoimpact du virus sur le foie Les experts ont par ailleurs distingueacute certaines populations pour lesquelles la mise sous traitement est preacuteconiseacutee quel que soit le stade de fibrose

Les patient-e-s ayant des manifestations extra-heacutepatiques seacutevegraveres Les patient-e-s en attente de transplantation heacutepatique ou reacutenale (pour tenter drsquoeacuteradiquer le virus avant la transplantation)

Au cas par cas les femmes ayant un deacutesir de grossesse Les personnes co-infecteacutees VIH-VHC Les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse Les personnes deacutetenues (avec lrsquoobjectif dans ces deux derniegraveres populations drsquoune reacuteduction du risque de transmission) 14

Si le rapport Dhumeaux propose une seacutelection des patient-e-s notamment au regard du prix il inscrit ces recommandations dans une perspective de ralentissement de lrsquoeacutepi-deacutemie et se distingue en ce sens de la HAS

101048110104821010482 Les recommandations restrictives de la hASLa HAS contribue laquo agrave la reacutegulation du systegraveme de santeacute raquo et a donc comme mission drsquolaquo assurer agrave tous les patients et usagers un accegraves peacuterenne et eacutequitable agrave des soins aussi efficaces sucircrs et efficients que possible raquo 15 Les recommandations eacutetablies par la HAS srsquoimposent aux professionnel-le-s meacutedicaux-cales Contrairement agrave la perspective du rapport Dhumeaux la HAS ne considegravere pas que laquo les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC [soient] reacuteunies raquo Elle en tire les conseacutequences et ne recommande qursquolaquo une strateacutegie de traitement des patients dans lrsquoobjectif drsquoune gueacute-rison virologique individuelle raquo avec des recommandations de stade de fibrose plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux Ainsi la HAS limite lrsquoaccegraves aux traitements innovants aux stades de fibrose du foie F2 seulement sous certaines conditions drsquoeacutevolution F3 et F4 ainsi qursquoagrave tous les stades pour certaines populations personnes co-infecteacutees VIH et VHC personnes atteintes de cryoglobulineacutemie mixte systeacutemique et symptomatique personnes atteintes de lym-phome B associeacute au VHC 16 La HAS eacutecarte en revanche des populations cibleacutees par le rapport drsquoexperts Dhumeaux notamment les usager-e-s de drogues et les personnes deacutetenues qui relegraveveraient drsquoune approche non speacutecifique et donc du cadre geacuteneacuteral La France est assez isoleacutee en Europe sur des recommandations de traitement et de non traitement arrecircteacutees sur les stades de fibrose

11 DES TRAITEMENTS INNOVANTS Agrave PRIX TREgraveS EacuteLEVEacuteS

Les limites eacuteconomiques agrave la prescription notamment sur la base de recommandations deacutefinies par la Haute autoriteacute de santeacute (HAS) sont notamment mises en lumiegravere par les prix des nouveaux traitements contre le VHC Aujourdrsquohui diffeacuterents traitements inno-vants contre le VHC les antiviraux agrave action directe sont sur le marcheacute Ils repreacutesentent des avanceacutees theacuterapeutiques majeures offrant un taux de gueacuterison virologique tregraves eacuteleveacute avec des dureacutees de traitements courtes et des effets indeacutesirables limiteacutes Si les associations investies dans le champ de la lutte contre les heacutepatites virales ndash Collectif Heacutepatites Virales (CHV) SOS heacutepatites TRT-5 Comegravede Meacutedecins du Monde (MdM) Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) AIDES ndash saluent lrsquoespoir drsquoune fin proche de lrsquoeacutepideacutemie de VHC elles se sont rapidement alarmeacutees sur le prix de ces nouveaux traitements Sur le marcheacute franccedilais le prix facial du premier de ces traitements hautement actifs contre le VHC (Sovaldisofosbuvir) a eacuteteacute fixeacute agrave 41 000 euro pour trois mois de traitement Ce traitement ne srsquoutilise jamais seul mais en association avec drsquoautres Certaines combinaisons peuvent coucircter plus de 100 000 euro selon la dureacutee (des traitements de six mois sont parfois neacutecessaires)Alors que la France meacutetropolitaine compte plus de 200 000 personnes vivant avec le VHC de tels prix constituent clairement un deacutefi pour les finances publiques et la peacuterenniteacute drsquoun systegraveme de santeacute solidaire En conseacutequence et pour la premiegravere fois en France ce prix participe agrave ce que lrsquoon peut consideacuterer comme un rationnement avec des mises sous traitement sur la base drsquoavis et de dispositions restrictifs

Meacutedicaments quels prix Le prix du meacutedicament nrsquoest pas libre il est fixeacute par convention entre le laboratoire lrsquoexploitant et le Comiteacute eacuteconomique des produits de santeacute (CEPS) sur la base de cri-tegraveres deacutefinis agrave lrsquoarticle L162-16-4 du Code de santeacute publique laquo La fixation de ce prix tient compte principalement de lrsquoameacutelioration du service meacutedical rendu (SMR) appor-teacutee par le meacutedicament le cas eacutecheacuteant des reacutesultats de lrsquoeacutevaluation meacutedico-eacutecono-mique des prix des meacutedicaments agrave mecircme viseacutee theacuterapeutique des volumes de vente preacutevus ou constateacutes ainsi que des conditions preacutevisibles et reacuteelles drsquoutilisation du meacutedi-cament raquo Agrave cela srsquoajoute aussi la coheacuterence avec les conditions de commercialisation preacutevues dans les grands Eacutetats europeacuteens Seul le prix facial est public crsquoest-agrave-dire le prix rembourseacute par lrsquoassurance maladie Le CEPS et les laboratoires peuvent neacutegocier des dispositifs de remises drsquoougrave un prix reacuteel diffeacuterent (voire tregraves diffeacuterent) de ce prix facial Les dispositifs de remises et le prix reacuteel nrsquoeacutetant pas publics les prescripteurs et usager-e-s nrsquoont connaissance que du prix facial

Le droit agrave la protection de la santeacute interdit toute forme de discriminations dans lrsquoaccegraves aux soins Cependant si les discriminations sont interdites lrsquouniversaliteacute de lrsquoaccegraves agrave certains soins et traitements nrsquoest pas pour autant garantie Crsquoest le cas des nouveaux traitements contre le virus de lrsquoheacutepatite C (VHC) dont le prix exorbitant a forceacute agrave deacutefinir des critegraveres de seacutelection des patient-e-s et agrave renoncer agrave lrsquoaccegraves universel

Bien que fondamental le droit agrave la protec-tion de la santeacute sans discrimination (voir page 25) peut connaicirctre certaines limites agrave son effectiviteacute en particulier sur le plan financier Il deacutepend en effet des choix opeacutereacutes au regard des deacutepenses publiques de lrsquoEacutetat et de la seacutecuriteacute sociale et notamment par rapport aux prix des meacutedicaments et des produits de santeacute Lrsquoarticle 8 du Code de deacuteontologie meacutedi-cale (R4127-8 du Code de santeacute publique) preacutecise que laquo Dans les limites fixeacutees par la loi le meacutedecin est libre de ses pres-criptions qui seront celles qursquoil estime les plus approprieacutees en la circonstance Il doit sans neacutegliger son devoir drsquoassistance morale limiter ses prescriptions et ses actes agrave ce qui est neacutecessaire agrave la qualiteacute agrave la seacutecuriteacute et agrave lrsquoefficaciteacute des soins Il doit tenir compte des avantages des incon-veacutenients et des conseacutequences des diffeacute-rentes investigations et theacuterapeutiques possibles raquo Si la liberteacute de prescription est ici recon-nue elle connaicirct donc certaines limites leacutegales dont celle imposeacutee par lrsquoarticle L162-2-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo Les meacutedecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions drsquoobserver dans le cadre de la leacutegislation et de la reacuteglementation en vigueur la plus stricte eacuteconomie compatible avec la qualiteacute la seacutecuriteacute et lrsquoefficaciteacute des soins raquo ce notamment sur la base des laquo recomman-dations ou avis meacutedico-eacuteconomiques de la Haute autoriteacute de santeacute raquo

13 Stades de fibrose F0 pas de fibrose F1 fibrose leacutegegravere F2 fibrose modeacutereacutee F3 fibrose seacutevegravere F4 cirrhose14 Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C 2014 p 25015 httpwwwhas-santefrportailjcmsfc_1249599frla-has16 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf

36 37

DROIT APPLICABLE

1  LE cAS dES TrAITEmENTS INNoVANTS 

coNTrE LrsquoHEacutePATITE c mdash

dIFFIcULTEacuteS drsquoAccEgraveS  AUx TrAITEmENTS

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

38 39

Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

59

40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 5: AIDES Rapport Discrim

LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL 8

1 Travail seacuteropositiviteacute et discriminations une histoire aussi vieille que lrsquoeacutepideacutemie 1111 Les meacutetiers preacutetendument interdits aux PVVIH

le poids des repreacutesentations et des ideacutees reccedilues 1112 La persistance de formations et de meacutetiers

juridiquement interdits 11

droit applicable 12

2 Formations emplois en finir avec les derniers interdits 1421 Lrsquoeacutecole nationale du cirque une exclusion vite abrogeacutee 1422 Magistrature une interdiction depuishellip 1958 1423 Armeacutee un bastion sans VIH 16

231 Eacutevaluation de lrsquoaptitude agrave servir quelques repegraveres 16232 VIH et aptitude agrave servir des consignes drsquoun autre temps 17233 Un couperet qui concerne toutes les forces armeacutees

et les formations affeacuterentes 18234 Police nationale sapeurs-pompiers une exclusion

qui deacutepasse largement le champ de lrsquoarmeacutee 21

LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT 22

refus de soins 25

droit applicable 25

1 Un testing pour objectiver les refus de soins 2711 Meacutethodologie 27

111 Qursquoest-ce qursquoun testing 27112 Le protocole drsquoenquecircte 27113 Limites de lrsquoeacutetude 30

12 Des reacutesultats accablants 30121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou

de discriminations 32122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations

en fonction des speacutecialiteacutes 33123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations

en fonction de lrsquointerlocuteur-trice 34124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations

en fonction des villes 34125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave souligner 34126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutes 34

13 Perspectives la neacutecessiteacute de renforcer lrsquoarsenal juridique 35

difficulteacute drsquoaccegraves aux traitements 36

droit applicable 36

1 Le cas des traitements innovants contre lrsquoheacutepatite C 3611 Des traitements innovants agrave prix tregraves eacuteleveacutes 3612 VHC qui soigner 37

121 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexperts 37122 Les recommandations restrictives de la HAS 37123 Rationnement et exclusion les justifications discutables

avanceacutees par la HAS 38124 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicales 39

2 Plaidoyer pour un laquo juste prix raquo 3921 Les enjeux en cause 3922 Les objectifs 40

secret meacutedical au profit des mineurs 41

droit applicable 41

1 Sexualiteacute et santeacute sexuelle des mineur-e-s 4211 La laquo majoriteacute sexuelle raquo un concept sans valeur juridique 4212 Lrsquoacircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle une reacutealiteacute contrasteacutee 42

121 Donneacutees concernant la population geacuteneacuterale 42122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle 43

2 Deacutepistage soins eacutemancipation de lrsquoautoriteacute parentale du constat de terrain agrave la modification de la loi 4421 Permettre de deacutepister les mineur-e-s avec ou sans lrsquoaccord

des parents 4422 La neacutecessiteacute drsquoanonymiser la prise en charge 45

LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUX SERVICES PUBLICS 46

droit applicable 49

1 La Guyane les paradoxes drsquoun territoire prioritaire dans la lutte contre le VIH sida 4911 Des indicateurs de santeacute tregraves deacutefavorables 4912 La Guyane deacutepartement franccedilais le plus toucheacute par lrsquoinfection VIH 5013 Offre de santeacute reacutepartition geacuteographique en inadeacutequation

avec les besoins 502 Les controcircles routiers permanents 52

21 Des lois drsquoexception en Outre-mer au nom de la lutte contre lrsquoorpaillage et lrsquoimmigration illeacutegale 52

22 Des mesures qui affectent largement au-delagrave des cibles 5323 Les impacts deacutefavorables sur lrsquoaccegraves agrave la santeacute 53

231 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire 53

232 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicales 5424 Des contentieux pour obtenir la suppression de ces barrages 54

241 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircte 55242 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute

drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense 55

LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute 56

droit applicable 59

1 Un parcours du combattant pour les personnes toucheacutees par une maladie chronique 60

2 Vers le droit agrave lrsquooubli adapteacute pour le VIH et les maladies chroniques 6121 Le VIH aujourdrsquohui un risque tregraves limiteacute pour les compagnies

drsquoassurance 6122 Comment changer la donne 62

PARTIE 1

PARTIE 2

PARTIE 3

PARTIE 4

1LE droIT   Agrave LrsquoINSTrUcTIoN   

ET AU TrAVAIL

AIDES a plus de 30 ans aujourdrsquohui et son investissement en faveur du droit agrave lrsquoins-truction et agrave lrsquoemploi des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) est aussi ancien Ce combat a eacutevolueacute de bien des maniegraveres et pourtant les difficulteacutes semblent rester les mecircmes discriminations agrave lrsquoembauche deacutefaut de visibiliteacute de la seacuteropositiviteacute au travail discriminations de la part de collegravegues et parfois de la hieacuterarchie quels que soient la taille de lrsquoentreprise le secteur public ou priveacute etc Degraves 1992 les guides Droit et Sida de AIDES consacrent de tregraves grandes parties de leur contenu agrave lrsquoemploi En 2000 lrsquoassociation lance lrsquoenquecircte laquo Entre contraintes eacuteconomiques et volonteacutes sociales quelle place pour les personnes seacuteropositives le point de vue des acteurs de lrsquoentreprise raquo suivi des enquecirctes laquo AIDES et toi raquo et laquo VIH heacutepatites et vous raquo qui portent en particulier sur les ressources lrsquoaccegraves et le maintien dans lrsquoemploi des PVVIH

11 LES MEacuteTIERS PREacuteTENDUMENT INTERDITS AUX PVVIh LE POIDS DES REPREacuteSENTATIONS ET DES IDEacuteES REccedilUES

Le combat continu de AIDES en la matiegravere porte aussi sur les meacutetiers juridiquement interdits et ceux dont on suppose agrave tort qursquoils le sont agrave partir drsquoideacutees reccedilues et preacuteten-dus risques La brochure laquo VIH-sida et milieu du travail guide de sensibilisation raquo eacutediteacutee en 2001 par AIDES avec le soutien de lrsquoAssociation de gestion du fonds pour lrsquoinsertion professionnelle des personnes handicapeacutees (AGEFIPH) ainsi que du ministegravere de lrsquoEm-ploi et de la Solidariteacute eacutenumeacuterait comme exemples des meacutetiers faussement interdits

Cadre en fonction de responsabiliteacute en raison des absences possibles Les meacutetiers de la restauration et meacutetiers de bouche en raison de la fatigue du contact avec le public et du laquo risque de transmission par le biais des aliments raquo

Le secteur de lrsquoenfance et de lrsquoeacuteducation en raison du laquo risque de transmission aupregraves des enfants raquo

Le secteur meacutedical idem ci-dessus (enfants et adultes) Le secteur du bacirctiment et des travaux publics et plus largement les meacutetiers laquo physiques raquo agrave cause de la fatigue

Le secteur social les personnes seacuteropositives seraient laquo deacutepressives raquo il faut donc eacuteviter le contact avec le public

Les meacutetiers du nettoyage et les hocirctes de caisse agrave cause des horaires deacutecaleacutes et de la fatigue

Les meacutetiers avec du relationnel ou de la communication car les personnes seacuteropositives seraient laquo deacutepressives raquo

etcCes ideacutees reccedilues identifieacutees sur la base de formations agrave lrsquoinitiative de AIDES aupregraves drsquoopeacuterateurs drsquoinsertion teacutemoignent laquo du manque drsquoinformation principalement sur les effets des traitements et lrsquoeacutetat des repreacutesentations concernant les personnes toucheacutees raquo

12 LA PERSISTANCE DE fORMATIONS ET DE MEacuteTIERS jURIDIqUEMENT INTERDITS

Au-delagrave de ces repreacutesentations et ideacutees reccedilues lrsquoaccegraves agrave certaines formations et agrave certains emplois est encore juridiquement interdit en contradiction directe avec les principes du droit franccedilais Sans preacutetendre agrave une approche exhaustive AIDES srsquoest par-ticuliegraverement pencheacutee ces derniers mois sur trois cas les arts du cirque la magistrature et lrsquoarmeacutee franccedilaise Afin de conforter son analyse dans la perspective drsquoune eacutevolution du droit applicable elle a saisi en octobre 2015 le Deacutefenseur des droits agrave ce sujet

11

VIH des conditions deacutefavorables drsquoaccegraves et de maintien dans lrsquoemploi 1

Depuis une quinzaine drsquoanneacutees les pro-gregraves theacuterapeutiques ont permis agrave un nombre croissant de PVVIH de poursuivre durablement une activiteacute professionnelle comme le deacutemontrent les rapports drsquoex-perts successifs sur leur prise en charge meacutedicale Des associations ont aussi œuvreacute pour le deacuteveloppement de pro-grammes speacutecifiques drsquoaccegraves agrave lrsquoinsertion professionnelle et agrave lrsquoemploi comme par exemple Ikambere ou BasiliadeNeacuteanmoins le VIH demeure en soi un facteur de fragilisation des parcours pro-fessionnels et de paupeacuterisation y com-pris pour des personnes initialement bien inseacutereacutees dans lrsquoemploi Le taux de PVVIH ayant un emploi est infeacuterieur agrave celui de la population geacuteneacute-rale (57 versus 64 enquecircte ANRS-Vespa 2 2013) Entre 2003 et 2011 lrsquoaugmentation de leur taux de chocircmage est significative de maniegravere geacuteneacuterale (+4 ) et forte sur des publics speacutecifiques (femmes migrantes +10 ) Lrsquoenquecircte laquo VIH Heacutepatites et vous raquo (AIDES 2011) souligne un risque drsquoecirctre sans emploi 5 fois plus eacuteleveacute pour les PVVIH que pour la population geacuteneacuterale Si plus des deux tiers des PVVIH ayant perdu leur emploi depuis lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute souhaitent retravailler elles rencontrent des difficulteacutes drsquoac-cegraves quels que soient les secteurs public comme priveacute Plus le nombre drsquoanneacutees de vie avec le VIH augmente plus le taux drsquoemploi diminue La stigmatisation et la discrimination sont toujours preacutesentes dans le milieu professionnel 62 des PVVIH main-tiennent le secret sur leur eacutetat de santeacute au travail Les personnes peinent souvent agrave eacutevaluer le risque de parler ou pas de leur pathologie

1 Sources Enquecircte ANRS-Vespa 2 (BEH ndeg 2627 du 2 juillet 2013 premiers reacutesultats de lrsquoenquecircte ANRS-Vespa 2) IRDES Enquecircte laquo VIH Heacutepatites et vous raquo (EUSD du 18 au 23 octobre 2010) Focus emploi AIDES 2011 Rapport drsquoexperts et recommandations pour la prise en charge meacutedicale des PVVIH laquo Morlat raquo 2013 Chapitre laquo conditions de vie raquo p 440 et s

1TrAVAIL SEacuteroPoSITIVITEacute  ET dIScrImINATIoNS   

UNE HISToIrE AUSSI VIEILLE  qUE LrsquoEacutePIdEacutemIE 

mdashLes stigmatisations et les discriminations associeacutees au VIH ou aux heacutepatites existent dans le milieu professionnel aussi bien dans le secteur public que priveacute Elles peuvent srsquoinscrire dans les relations individuelles mais elles sont aussi parfois structurelles voire reacuteglementaires Ainsi lrsquoaccegraves agrave certaines formations et agrave certains emplois est refuseacute aux personnes vivant avec le VIH alors mecircme que les progregraves theacuterapeutiques ont deacutemontreacute leur efficaciteacute tant en matiegravere de reacuteduction des effets indeacutesirables que sur lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute

En matiegravere de droit du travail les textes de droit inter-national et de droit franccedilais sont tregraves nombreux et inter-disent les discriminations lieacutees agrave lrsquoeacutetat de santeacuteLes refus drsquoaccegraves agrave un emploi ou agrave une formation les licenciements fondeacutes sur lrsquoeacutetat de santeacute ou le handicap sont consideacutereacutes comme discriminatoires et peuvent faire lrsquoobjet de sanctions preacutevues dans diffeacuterents textes (Code peacutenal Code civil etc) Malgreacute lrsquoexistence de dis-positifs leacutegaux les discriminations lieacutees agrave lrsquoeacutetat de santeacute demeurent nombreuses dans le milieu professionnelEn 2014 13 des saisines du Deacutefenseur des droits en matiegravere de discriminations interviennent au titre du cri-tegravere de lrsquoeacutetat de santeacute notamment pour des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi (refus drsquoembauche agrave lrsquoannonce de la maladie) ou des difficulteacutes de maintien dans lrsquoemploi (refus des employeurs de mettre en place des ameacutena-gements raisonnables) Selon le 6e baromegravetre sur le res-senti des discriminations dans lrsquoemploi du Deacutefenseur des droits et de lrsquoOrganisation internationale du travail (OIT) lrsquoeacutetat de santeacute est source de pressions dans le monde professionnel Parmi les personnes deacuteclarant avoir eacuteteacute victimes de discrimination 12 estiment que celle-ci eacutetait lieacutee agrave leur eacutetat de santeacute La situation des personnes vivant avec le VIH reste difficile en particulier dans la sphegravere professionnelle en raison drsquoune grande meacutecon-naissance de la maladie de lrsquoimage neacutegative et tenace de la seacuteropositiviteacute Lutter contre les discriminations et les preacutejugeacutes concilier maladie chronique et emploi informer les personnes et les employeurs simplifier et ameacuteliorer les dispositifs de maintien dans lrsquoemploi des personnes malades sont autant de deacutefis agrave relever

Droit international Les engagements de la France aux niveaux europeacuteen et international sur le droit du travail sont nombreux Le Pacte international relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et culturels (PIDESC) adopteacute dans le cadre des Nations unies le 16 deacutecembre 1966 entreacute en vigueur en France le 4 feacutevrier 1981 pose notamment un principe de non-discrimination pour la jouissance des droits qursquoil eacutenonce (article 2-2deg) le droit au travail (article 6) le droit de toute personne agrave un niveau de vie suffisant (article 11-1deg) et le droit agrave lrsquoeacuteducation (article 13) Ce dernier article preacutecise que le droit agrave lrsquoeacuteducation inclut lrsquoensei-gnement primaire obligatoire et accessible gratuitement agrave tous lrsquoenseignement secondaire sous ses diffeacuterentes formes y compris lrsquoenseignement secondaire technique et professionnel geacuteneacuteraliseacute et accessible agrave tous lrsquoensei-gnement supeacuterieur accessible agrave tous en pleine eacutegaliteacute

Selon la convention 111 de lrsquoorganisation internationale du travail de 1958 contre les discriminations dans lrsquoem-ploi et les professions ratifieacutee par la France et entreacutee en vigueur en avril 1981 la Reacutepublique srsquoengage notam-ment agrave lrsquoarticle 3 agrave laquo a) srsquoefforcer drsquoobtenir la collaboration des organisa-

tions drsquoemployeurs et de travailleurs et drsquoautres organismes approprieacutes pour favoriser lrsquoacceptation et lrsquoapplication de cette politique

b) promulguer des lois et encourager des programmes drsquoeacuteducation propres agrave assurer cette acceptation et cette application

c) abroger toute disposition leacutegislative et modifier toute disposition ou pratique administratives qui sont incompatibles avec ladite politique

d) suivre ladite politique en ce qui concerne les emplois soumis au controcircle direct drsquoune autoriteacute nationale

e) assurer lrsquoapplication de ladite politique dans les acti-viteacutes des services drsquoorientation professionnelle de formation professionnelle et de placement soumis au controcircle drsquoune autoriteacute nationale raquo

Lrsquoarticle 1 de cette convention preacutecise que lrsquoaccegraves agrave lrsquoem-ploi inclut lrsquoaccegraves agrave la formation en vue drsquoacceacuteder agrave cet emploiLe droit europeacuteen interdit eacutegalement les discriminations agrave raison de lrsquoeacutetat de santeacute dans le champ de lrsquoemploiAgrave lrsquoorigine de nombreuses eacutevolutions jurisprudentielles dans de nombreux pays europeacuteens dont la France la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales (CEDH) du 4 novembre 1950 entreacutee en vigueur en France le 21 sep-tembre 1970 en son article 14 pose de mecircme un principe de non-discrimination laquo La jouissance des droits et liber-teacutes reconnus dans la preacutesente Convention doit ecirctre assu-reacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance ou toute autre situation raquo Bien que la CEDH ne proclame pas de droits en matiegravere eacutecono-mique et sociale il reacutesulte de la combinaison de lrsquoarticle 1er du protocole ndeg 1 (qui garantit le respect du droit de proprieacuteteacute et plus largement drsquoapregraves la Cour les droits patrimoniaux) de lrsquoarticle 2 du protocole ndeg 1 (qui garan-tit le droit agrave lrsquoinstruction) et de lrsquoarticle 14 de la CEDH un principe de non-discrimination en matiegravere de droits sociaux et de droit agrave lrsquoinstructionLa charte sociale europeacuteenne du 18 octobre 1961 entreacutee en vigueur en France le 8 avril 1973 garantit le droit au travail (article 1) le droit agrave la formation professionnelle (article 10) et le droit de toute personne agrave la protection contre la pauvreteacute et lrsquoexclusion sociale (article 30) La jouissance de tous ces droits est en outre compleacuteteacutee par une clause geacuteneacuterale de non-discriminationCes principes internationaux et europeacuteens ont enfin eacuteteacute rappeleacutes en 2000 par la Directive europeacuteenne CE ndeg 200078CE portant sur la creacuteation drsquoun cadre geacuteneacute-ral en faveur de lrsquoeacutegaliteacute de traitement en matiegravere drsquoem-ploi Cette directive srsquoimpose agrave lrsquoensemble des pays membres de lrsquoUnion Europeacuteenne

Droit franccedilaisSi les textes internationaux sont nombreux et preacutecis sur le droit agrave la formation et agrave lrsquoemploi sans discrimination le droit franccedilais nrsquoest pas en reste Le droit au travail reconnu par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 est un droit agrave valeur constitutionnelle Il est garanti sans discrimination dans le Code peacutenal ainsi que dans le Code civil agrave travers le droit au respect de la vie priveacutee et speacuteci-fiquement dans le Code du travail

Preacuteambule de la Constitution de 1946Chacun a le devoir de travailler et le droit drsquoobtenir un emploi Nul ne peut ecirctre leacuteseacute dans son travail ou son emploi en raison de ses origines de ses opinions ou de ses croyancesLa Nation garantit lrsquoeacutegal accegraves de lrsquoenfant et de lrsquoadulte agrave lrsquoinstruction agrave la formation professionnelle et agrave la culture Lrsquoorganisation de lrsquoenseignement public gratuit et laiumlque agrave tous les degreacutes est un devoir de lrsquoEacutetatFidegravele agrave sa mission traditionnelle la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge agrave la liberteacute de srsquoadministrer eux-mecircmes et de geacuterer deacutemocratique-ment leurs propres affaires eacutecartant tout systegraveme de colonisation fondeacute sur lrsquoarbitraire elle garantit agrave tous lrsquoeacutegal accegraves aux fonctions publiques et lrsquoexercice indi-viduel ou collectif des droits et liberteacutes proclameacutes ou confirmeacutes ci-dessus

Code peacutenal Interdiction des discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi

article 225-1Constitue une discrimination toute distinction opeacutereacutee entre les personnes physiques agrave raison de leur origine de leur sexe de leur situation de famille de leur grossesse de leur apparence physique de leur patronyme de leur lieu de reacutesidence de leur eacutetat de santeacute de leur handicap de leurs caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de leurs mœurs de leur orientation ou identiteacute sexuelle de leur acircge de leurs opinions politiques de leurs activiteacutes syndicales de leur appartenance ou de leur non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une race ou une religion deacutetermineacutee

article 225-2 La discrimination deacutefinie aux articles 225-1 et 225-1-1 commise agrave lrsquoeacutegard drsquoune personne physique ou morale est punie de trois ans drsquoemprisonnement et de 45 000 euros drsquoamende lorsqursquoelle consiste 3deg Agrave refuser drsquoembaucher agrave sanctionner ou agrave licencier une personne 5deg Agrave subordonner une offre drsquoemploi une demande de stage ou une peacuteriode de formation en entreprise agrave une condition fondeacutee sur lrsquoun des eacuteleacutements viseacutes agrave lrsquoarticle 225-1 ou preacutevue agrave lrsquoarticle 225-1-1

article 225-3 Les dispositions de lrsquoarticle preacuteceacutedent ne sont pas appli-cables 1deg Aux discriminations fondeacutees sur lrsquoeacutetat de santeacute lors-qursquoelles consistent en des opeacuterations ayant pour objet la preacutevention et la couverture du risque deacutecegraves des risques portant atteinte agrave lrsquointeacutegriteacute physique de la personne ou des risques drsquoincapaciteacute de travail ou drsquoinvaliditeacute 2deg Aux discriminations fondeacutees sur lrsquoeacutetat de santeacute ou le handicap lorsqursquoelles consistent en un refus drsquoembauche ou un licenciement fondeacute sur lrsquoinaptitude meacutedicalement constateacutee soit dans le cadre du titre IV du livre II du Code du travail soit dans le cadre des lois portant dispositions statutaires relatives agrave la fonction publique

Code civil Respect de la vie priveacutee

article 9 Chacun a droit au respect de sa vie priveacutee

Code du travail Interdiction des discriminations dans lrsquoemploi

article l1132-1Aucune personne ne peut ecirctre eacutecarteacutee drsquoune proceacutedure de recrutement ou de lrsquoaccegraves agrave un stage ou agrave une peacuteriode de formation en entreprise aucun salarieacute ne peut ecirctre sanctionneacute licencieacute ou faire lrsquoobjet drsquoune mesure discri-minatoire directe ou indirecte telle que deacutefinie agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations notam-ment en matiegravere de reacutemuneacuteration au sens de lrsquoarticle L3221-3 de mesures drsquointeacuteressement ou de distribution drsquoactions de formation de reclassement drsquoaffectation de qualification de classification de promotion profes-sionnelle de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine de son sexe de ses mœurs de son orientation ou identiteacute sexuelle de son acircge de sa situation de famille ou de sa grossesse de ses carac-teacuteristiques geacuteneacutetiques de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation ou une race de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales ou mutualistes de ses convictions religieuses de son apparence physique de son nom de famille de son lieu de reacutesidence ou en raison de son eacutetat de santeacute ou de son handicap

Obligation drsquoameacutenagement raisonnable permettant le maintien dans lrsquoemploi

article 6 sexies de la loi ndeg 83-634 du 13 juillet 1983 dite le pors Afin de garantir le respect du principe drsquoeacutegaliteacute de traitement agrave lrsquoeacutegard des travailleurs handicapeacutes les employeurs viseacutes agrave lrsquoarticle 2 prennent en fonction des besoins dans une situation concregravete les mesures appro-prieacutees pour permettre aux travailleurs mentionneacutes aux 1deg 2deg 3deg 4deg 9deg 10deg et 11deg de lrsquoarticle L323-3 du Code du travail drsquoacceacuteder agrave un emploi ou de conserver un emploi correspondant agrave leur qualification de lrsquoexercer et drsquoy progresser ou pour qursquoune formation adapteacutee agrave leurs besoins leur soit dispenseacutee sous reacuteserve que les charges conseacutecutives agrave la mise en œuvre de ces mesures ne soient pas disproportionneacutees notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les deacutepenses supporteacutees agrave ce titre par lrsquoemployeur

article l5213-6 du code du travailAfin de garantir le respect du principe drsquoeacutegaliteacute de traite-ment agrave lrsquoeacutegard des travailleurs handicapeacutes lrsquoemployeur prend en fonction des besoins dans une situation concregravete les mesures approprieacutees pour permettre aux travailleurs mentionneacutes aux 1deg agrave 4deg et 9deg agrave 11deg de lrsquoar-ticle L5212-13 drsquoacceacuteder agrave un emploi ou de conserver un emploi correspondant agrave leur qualification de lrsquoexercer ou drsquoy progresser ou pour qursquoune formation adapteacutee agrave leurs besoins leur soit dispenseacuteeCes mesures sont prises sous reacuteserve que les charges conseacutecutives agrave leur mise en œuvre ne soient pas dis-proportionneacutees compte tenu de lrsquoaide preacutevue agrave lrsquoarticle L5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les deacutepenses supporteacutees agrave ce titre par lrsquoemployeurLe refus de prendre des mesures au sens du premier ali-neacutea peut ecirctre constitutif drsquoune discrimination au sens de lrsquoarticle L1133-3

DROIT APPLICABLE

12 13PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Le VIH et ses conseacutequences sur la vie des personnes concerneacutees ne sauraient affec-ter a priori lrsquoaptitude agrave exercer la profession de magistrat Exclure les PVVIH de maniegravere geacuteneacuterale apparaicirct disproportionneacute et injustifieacute au regard de lrsquoactiviteacute en cause Lrsquoinfection est aujourdrsquohui laquo controcircleacutee raquo chez la plupart drsquoentre elles et en particulier chez celles contamineacutees apregraves 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies Cette condition anteacuterieure agrave lrsquoapparition du virus preacutevue par une ordonnance de 1958 pour drsquoautres pathologies fait subsister une exigence anachronique discriminante et stigmatisante Forte de ces constats AIDES interpelle donc le directeur de lrsquoENM la direction des ser-vices judiciaires le ministegravere de la Santeacute et la garde des Sceaux Dans un courrier en date de 11 feacutevrier 2014 cette derniegravere indique partager notre ana-lyse sur cette discrimination anachronique Elle propose de modifier en conseacutequence lrsquoarticle 16-5deg de lrsquoordonnance statutaire des magistrats afin que les conditions drsquoap-titude physique rejoignent celles applicables agrave lrsquoensemble de la fonction publique Les conditions seraient donc similaires agrave celles exigeacutees pour des concours comparables et en particulier celles de lrsquoEacutecole nationale drsquoadministration Elle entend proceacuteder agrave cette modification dans une prochaine loi organique relative au statut de la magistratureAu moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport cette modification nrsquoest toujours pas opeacutereacutee Elle est cependant bien preacutevue par lrsquoarticle 4 du projet de loi organique relatif agrave lrsquoindeacutepen-dance et lrsquoimpartialiteacute des magistrats et agrave lrsquoouverture de la magistrature sur la socieacuteteacute deacuteposeacute par Christiane Taubira le 31 juillet 2015 au Parlement laquo La condition drsquoaptitude physique est eacutegalement modifieacutee pour lrsquoaligner sur celle preacutevue pour les concours de la fonction publique raquo Lrsquoeacutetude drsquoimpact de lrsquoarticle constate lrsquoobsolescence de la condition drsquoaptitude physique en preacutecisant que laquo Cette reacutedaction date de la version initiale de lrsquoordonnance statutaire Agrave la diffeacuterence des dispositions similaires du statut geacuteneacuteral des fonctionnaires preacuteciteacute cet article nrsquoa pas eacuteteacute modifieacute depuis 1958 raquo De mecircme que AIDES puis la ministre dans sa reacuteponse lrsquoeacutetude drsquoimpact reconnaicirct lrsquoinconstitutionnaliteacute de cette conditionLe projet de loi preacutevoit que les mots laquo et ecirctre reconnus indemnes ou deacutefinitive-ment gueacuteris de toute affection donnant droit agrave un congeacute de longue dureacutee raquo soient remplaceacutes par les mots laquo compte tenu des possibiliteacutes de compensation du handi-cap raquo Le statut de magistrat srsquoalignerait en ce sens sur le statut applicable pour la fonction publiqueAgrave lrsquooccasion de lrsquoexamen de ce texte programmeacute agrave lrsquoautomne 2015 AIDES sera vigi-lante agrave ce que cette modification aboutisse

21 LrsquoEacuteCOLE NATIONALE DU CIRqUE UNE EXCLUSION VITE ABROGEacuteE

En mai 2014 une infirmiegravere scolaire constate sur le dossier de candidature agrave lrsquoEacutecole nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois (ENACR) une demande surprenante lrsquoeacutecole exige une seacuterologie VIH Une telle demande laisse preacutesumer que les PVVIH ne seraient pas admises agrave cette formation et agrave cette activiteacute Lrsquoinfirmiegravere prend contact avec AIDES afin de se renseigner sur le bien-fondeacute et la leacutegaliteacute de cette demande Lrsquoinfirmiegravere scolaire interpelle aussi le journal Causette qui rend compte de lrsquoaffaire dans un article publieacute en juin 2014 et rapporte des eacutechanges avec des responsables de lrsquoENACR pour le moins confus et marqueacutes par des repreacutesentations sur les modes de transmission et les pratiques des eacutetudiants Lrsquoeacutecole reconnaicirct cependant une mala-dresse laquo le test ne sera plus obligatoire mais fortement conseilleacute raquo 2 Causette comme AIDES sont drsquoaccord sur un point cela ne change rien ou si peuhellip Une telle eacutevolution induit une suspicion pour les candidats qui ne preacutesenteraient pas ce test seacuterologique et maintient le preacutesupposeacute qursquoecirctre porteur du VIH nrsquoest pas compatible avec les activiteacutes circassiennesAIDES interpelle alors le ministegravere de la Jeunesse et des Sports lrsquoOrdre des meacutedecins lrsquoinspection acadeacutemique de Seine-Saint-Denis et bien sucircr lrsquoENACR et son meacutedecin reacutefeacuterent Les courriers deacutenoncent laquo la suspicion induite agrave lrsquoeacutegard des candidats seacutero-positifs raquo qui laquo sous-entend qursquoil y aurait des risques reacuteels de contamination dans les activiteacutes circassiennes ce qui constitue une discrimination aveacutereacutee en raison de lrsquoeacutetat de santeacute raquo Se refusant agrave deacutenoncer sans proposer de solution cette lettre invite agrave une ren-contre des diffeacuterent-e-s acteurs-trices concerneacute-e-s afin de faire eacutevoluer les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoENACRCette rencontre nrsquoaura pas lieu Le 26 juin le matin mecircme de la reacuteception du courrier envoyeacute par AIDES le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem alors ministre de la Jeunesse et des Sports prend contact avec AIDES pour demander des renseignements compleacute-mentaires Le mecircme jour lrsquoeacutecole annonce la fin de cette condition pour candidater consideacuterant que la demande est disproportionneacutee et injustifieacutee Lrsquoeacutecole regrette de nrsquoavoir pu srsquoexpliquer de vive voix Constateacutee en mai 2014 avec un retrait de la condition discriminatoire en juin de la mecircme anneacutee agrave peine un mois plus tard cette situation a eacuteteacute geacutereacutee avec une tregraves grande reacuteactiviteacute que AIDES tient agrave saluer

22 MAGISTRATURE UNE INTERDICTION DEPUIShellip 1958

Dans le cadre de ses actions de preacutevention et de soutien aupregraves des PVVIH des mili-tant-e-s de AIDES ont eacuteteacute interrogeacute-e-s en 2013 par une personne craignant de ne pouvoir candidater agrave lrsquoEacutecole nationale de la magistrature (ENM) du fait de son statut seacuterologique Une demande similaire a eacuteteacute adresseacutee au siegravege de AIDES en feacutevrier 2015 Apregraves veacuterification il srsquoavegravere en effet que lrsquoarticle 16 de lrsquoordonnance ndeg 58-1270 du 22 deacutecembre 1958 sur le statut de magistrat exige de laquo remplir les conditions drsquoaptitu-des physiques neacutecessaires agrave lrsquoexercice des fonctions et ecirctre reconnu indemne ou deacutefi-nitivement gueacuteri de toute affection donnant droit agrave un congeacute de longue dureacutee (CLD) raquo Lrsquoaptitude physique requise pour assurer les fonctions de magistrat conditionne eacutegale-ment lrsquoentreacutee agrave lrsquoENM Or le laquo deacuteficit immunitaire grave et acquis raquo donne droit au CLD les PVVIH sont donc toutes exclues de la magistratureSelon AIDES cette situation constitue une discrimination agrave lrsquoemploi agrave lrsquoencontre des PVVIH prohibeacutee par le droit franccedilais et en contradiction directe avec lrsquoalineacutea 18 du Preacuteambule de la constitution de 1946 sur lrsquoaccegraves de tous et toutes les citoyen-ne-s agrave la fonction publique

Comment avez-vous eu connaissance de la dispo-sition leacutegale excluant la candidature des personnes vivant avec le VIH de lrsquoeacutecole nationale de la magistra-ture (ENM) Crsquoest en preacuteparant mon dossier drsquoaccegraves agrave lrsquoENM que jrsquoai pris connaissance de la reacutefeacuterence agrave cette disposition du statut [de magistrat] alors que mon projet eacutetait tregraves avanceacute et que la preacutesentation agrave ce concours eacutetait deacuteter-mineacutee comme eacutetant mon choix professionnel deacutefinitif

Comment avez-vous perccedilu cette condition par rapport agrave votre situation personnelle Jrsquoai eacuteteacute sideacutereacute par cette disposition et jrsquoai chercheacute agrave savoir agrave quelle date elle avait eacuteteacute prise Le fait que les termes employeacutes eacutemanent drsquoun temps ougrave la question du VIH nrsquoexistait pas mrsquoa laisseacute perplexe Je me suis senti humilieacute et jeteacute au ban de la socieacuteteacute

Quel impact cette information a pu avoir sur vos choix drsquoeacutetudes et drsquoorientations professionnelles Depuis un an eacutepoque agrave laquelle jrsquoai pris connais-sance de cette situation je suis totalement deacutesorienteacute et

jrsquoai suspendu toute deacutemarche En effet mecircme si la Chan-cellerie dit que cette discrimination nrsquoa plus cours nous nrsquoavons aucune assurance de cela Je nrsquoai pas voulu ris-quer drsquoecirctre en porte agrave faux avec drsquoun cocircteacute une reacuteussite agrave lrsquoentreacutee et de lrsquoautre un rejet pour inaptitude meacutedicale dans de telles conditions que je nrsquoaurais pu expliquer agrave mon entourage

Si la loi organique sur le statut de magistrat eacutetait effec-tivement voteacutee mettant fin agrave lrsquoexclusion des personnes vivant avec le VIH comptez-vous passer le concours de lrsquoENM Je nrsquoattends que cela Je ne pense qursquoagrave cela et le temps me paraicirct bien long Mes projets actuellement suspendus seraient immeacutediatement reacuteactiveacutes Le seul lien drsquoespoir qui me tient a eacuteteacute la lecture sur votre site de lrsquoexistence de votre deacutemarche aupregraves de Madame Taubira dans le cadre drsquoun cas similaire au mien ainsi que la formulation des promesses de la garde des Sceaux agrave votre association Jrsquoai peur qursquoelle quitte la Chancelle-rie avant de reacutealiser sa promesse

Teacutemoignage

2 Dr K-POTE laquo Aux Arts du cirque on jongle avec le sida et le droit raquo Causette 4 juin 2014

14 15PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2FormATIoNS ET EmPLoIS   

EN FINIr AVEc LES INTErdITS mdash

Selon lrsquoarticle 28 de lrsquoinstruction de 2003 relatif aux cotations des pathologies dans lrsquoarmeacutee vivre avec le VIH en bonne santeacute et sans traitement serait moins laquo grave raquo au regard de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute que vivre avec le VIH en bonne santeacute et avec traitement

23 LrsquoARMEacuteE UN BASTION SANS VIh

Lrsquointerdiction drsquointeacutegrer de nombreux corps de lrsquoarmeacutee par des PVVIH a eacuteteacute identifieacutee en juillet 2015 apregraves qursquoune personne ait contacteacute lrsquoassociation AIDES alors qursquoelle srsquoeacutetait vu refuser lrsquoaccegraves agrave la marine nationale Lrsquoarticle L 4132-1 du Code de la deacutefense dispose que laquo Nul ne peut ecirctre militaire (hellip) 3deg Srsquoil ne preacutesente les aptitudes exigeacutees pour lrsquoexercice de la fonction raquo Lrsquoaptitude est eacuteva-lueacutee selon lrsquoinstruction ndeg 2100DEFDCSSAASTAME du 1er octobre 2003 relative agrave la deacutetermination de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir Cette instruction fixe des regravegles unifieacutees visant agrave eacutevaluer le profil meacutedical du candidat

231 Eacutevaluation de lrsquoaptitude agrave servir quelques repegraveresLe systegraveme deacutefini par lrsquoinstruction de 2003 relative agrave la deacutetermination de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir se base sur sept profils deacutetailleacutes nommeacutes chacun par une lettre de lrsquoacronyme Sigycop Pour chacun de ses profils des coefficients sont attribueacutes et visent agrave noter lrsquoeacutetat de santeacute la graviteacute de potentielles infections et des seacutequelles (tableau 1)

Le coefficient 0 correspond agrave une eacutevaluation meacutedicale initiale par un meacutedecin geacuteneacutera-liste il nrsquoest que transitoire Les coefficients de 1 agrave 6 eacutetablissent une eacutechelle progres-sive 1 correspondant agrave lrsquoaptitude pour laquo tous les emplois des armeacutees mecircme les plus peacutenibles raquo 6 correspondant agrave lrsquoinaptitude totale

Lrsquoarticle 10 de lrsquoinstruction explique que le profil meacutedical est eacutetabli agrave lrsquoaide du tableau 2 sur lequel les coefficients doivent ecirctre associeacutes par le meacutedecin habiliteacute au sigle corres-pondant Ce profil est ensuite compareacute aux profils drsquoaptitudes minimales deacutefinis pour chaque corps de lrsquoarmeacutee par diffeacuterents textes regraveglementaires afin de deacuteterminer si le candidat est eacuteligibleAinsi pour la marine nationale dans le cadre de la situation pour laquelle AIDES a eacuteteacute saisie lrsquoarticle 4 de lrsquoarrecircteacute du 21 mai 2012 fixant les conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants et pour la sous-cription drsquoun contrat au titre de la marine nationale deacutefinit le profil meacutedical deacutetailleacute dans le tableau 2

232 VIh et aptitude agrave servir une eacutevaluation drsquoun autre tempsOutre ce cadre meacutethodologique sur lrsquoaptitude meacutedicale lrsquoinstruction de 2003 attribue pour un nombre important de pathologies des notes pour tout ou partie des lettres de lrsquoacronyme La cotation concernant le VIH est deacutefinie agrave lrsquoarticle 28 de lrsquoinstruc-tion (tableau 3)

Cet article appelle de nombreux commentaires Drsquoabord le VIH nrsquoest ici consideacutereacute qursquoau regard de lrsquolaquo eacutetat geacuteneacuteral raquo de la personne sans conseacutequence sur le reste du profil meacutedi-cal Cet eacutetat geacuteneacuteral est associeacute agrave des coefficients allant de 3 agrave 5 Lrsquoarticle 8 de lrsquoinstruc-tion preacutecise lrsquoimplication de ces coefficients par rapport agrave la lettre G Coefficient 3 I 3 et G 3 entraicircnent une restriction appreacuteciable de lrsquoentraicircnement notamment lrsquoentraicircnement physique au combat et limite lrsquoeacuteventail des emplois en particulier ceux de combattants au contact direct avec lrsquoennemi Coefficient 4 Attribueacute agrave lrsquoun des sigles S I ou G ce coefficient exempte de tout entraicirc-nement physique au combat Il limite lrsquoaffectation des sujets ainsi classeacutes agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Coefficient 5 Attribueacute agrave lrsquoun des sigles S I G ou O il reacuteduit lrsquoaptitude agrave des emplois seacutedentaires eacuteventuellement adapteacutes

Cet article est eacutegalement surprenant au regard des distinctions qursquoil fait des diffeacuterentes phases de lrsquoinfection agrave VIH et de la gradation appliqueacutee Ainsi vivre avec le VIH en bonne santeacute et sans traitement serait moins laquo grave raquo au regard de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute que vivre avec le VIH en bonne santeacute et avec traitement Cette distinction prend lrsquoexact contre-pied des donneacutees de la science et des recommandations meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles

En effet les traitements actuels permettent de reacuteduire consideacuterablement la charge virale dans le sang au point qursquoelle devient indeacutetectable Dans ces conditions les per-sonnes sont non contaminantes Ils permettent aussi de vivre en bonne santeacute sur du long terme et dans des conditions similaires aux personnes seacuteroneacutegatives Ainsi les PVVIH en France se voient proposer des traitements degraves qursquoelles sont deacutepisteacutees et une tregraves large majoriteacute les accepte Certes il est possible de vivre avec le VIH sans traite-ment et sans laquo symptocircmes raquo mais agrave de rares exceptions pregraves cette situation ne peut pas durer et en tout eacutetat de cause la charge virale reste deacutetectable et les personnes restent contaminantes

laquo Un traitement curatif ou prophylactique au long cours ne saurait constituer agrave lui seul un motif drsquoeacutelimination que dans la mesure ougrave il entraicircnerait un absenteacuteisme iteacuteratif etou prolongeacute raquo et alors que ce nrsquoest pas le cas pour les traitements actuels du VIH lrsquoexclusion de nombreux postes des personnes seacuteropositives sur la base de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir nrsquoest pas proportionneacutee Elle constitue en ce sens une discrimination condamnable au regard des textes internationaux ratifieacutes par la France du Preacuteambule de la constitution de 1946 et du droit interne

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010482 1010485 1010483 1010483 1010481

Tableau 2 ndash Profil meacutedical Sigycop applicable aux officiers navigants de la marine nationale

Le Sigycop correspond au profil meacutedical dun individu eacutetabli par un meacutedecin militaire lui permettant de deacuteterminer son aptitude agrave inteacutegrer larmeacutee franccedilaise

Tableau 3 ndash Article 28 de lrsquoinstruction de 2003 Infection par le VIH

16 17

Tableau 1 ndash Reacutefeacuterentiel Sigycop 2003

sigle coefficient profil meacutedical concerneacute

S 1 agrave 1010486 Ceinture scapulaire et membres supeacuterieurs

I 1 agrave 1010486 Ceinture pelvienne et membres infeacuterieurs

G 1 agrave 1010486 Eacutetat geacuteneacuteral

Y 1 agrave 1010486 Yeux et vision (sens chromatique exclu)

C 1 agrave 1010486 Sens chromatique

O 1 agrave 1010486 Oreilles et audition

P 1010480 agrave 1010485 Psychisme

a) Infection agrave VIH asymptomatique sans traitement avec une immuniteacute cellulaire satisfaisante selon avis speacutecialiseacute 1010483 G

b) Infection agrave VIH asymptomatique sans traitement avec une immuniteacute cellulaire perturbeacutee (infeacuterieur agrave 500 CD4mm3) 1010483 G

c) Infection agrave VIH asymptomatique traiteacutee 4 G

d) Infection agrave VIH symptomatique 1010485 G

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Ainsi le systegraveme de notation retenu par lrsquoarmeacutee surprend en ce qursquoil se fonde sur des repreacutesentations invalideacutees depuis plusieurs anneacutees et contraires aux recommanda-tions meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles Au regard de la distinction opeacutereacutee ici sur la prise ou non de traitements les coefficients donneacutes en conseacutequence nrsquoont pas de sens Plus globalement lrsquoensemble du reacutefeacuterentiel proposeacute est largement inadapteacute et principalement au regard des eacuteleacutements sur lesquels il se base Il serait plus pertinent drsquoappreacutecier lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de la personne au regard de lrsquoeacutevolution de sa charge virale dans le temps et son eacutetat de santeacute

233 Un couperet qui concerne toutes les forces armeacutees et les formations affeacuterentesLes conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants de la marine nationale et pour la souscription drsquoun contrat au titre de la marine nationale exigent donc a minima un eacutetat geacuteneacuteral de santeacute corres-pondant agrave G 2 La seacuteropositiviteacute au VIH impliquant un coefficient minimum de 3 exclut donc de fait lrsquoensemble des candidat-e-s seacuteropositifs-ves Cette exclusion va cependant beaucoup plus loin que ce seul corps drsquoarmeacutee sont eacutega-lement concerneacutees lrsquoarmeacutee de terre et lrsquoarmeacutee de lrsquoair Alors qursquoen France plus de 79 des PVVIH sont sous traitement crsquoest une tregraves large majoriteacute drsquoentre elles qui se voient attribuer le coefficient G 4 et donc lrsquoinaptitude deacuteclareacutee pour tout entraicircnement physique au combat lrsquoaffectation srsquoen trouvant limiteacutee agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Cette note exclue aussi les personnes drsquoun nombre consideacuterable de formations mili-taires dont lrsquoEacutecole polytechnique comme illustreacute par la circulaire ndeg 273424DEFRH-ATFFSSLM relative agrave lrsquoadmission en classes preacuteparatoires agrave lrsquoenseignement supeacuterieur et en classes preacuteparatoires aux grandes eacutecoles des lyceacutees de la Deacutefense rele-vant de lrsquoarmeacutee de terre pour lrsquoanneacutee scolaire 2015-2016 Le Sigycop des eacutecoles militaires correspond au Sigycop minimal pour inteacutegrer les diffeacute-rents corps (tableau 4)

eacutecoles S I G Y C O P textes de reacutefeacuterence

Eacutecole polytechnique 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483 2

Instruction ndeg 13074 DEF DPAG du 27 deacutecembre 1982 modifieacutee (BOC p 5317 BOEM 620-4141 81421)

Eacutecole speacuteciale militaire de Saint-Cyr (scientifique litteacuteraire sciences eacuteconomiques et sociales)

2 2 2 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 23 deacutecembre 2009 (JO ndeg 22 du 27 janvier 2010 texte ndeg 12 BOC 7 2010 BOEM 311-022 77011)Instruction ndeg 812DEFRH-ATPRHLEG du 15 septembre 2014 (BOC ndeg 50 du 10 octobre 2014 texte 18 BOEM 31221 620-4121)

Eacutecole navale 2 2 2 5 1010483 20

ou 1010481

Arrecircteacute du 21 mai 2012 (JO ndeg 136 du 13 juin 2012 texte ndeg 20 signaleacute au BOC 362012 BOEM 3212)

Instruction ndeg 102DEFEMMRHPRH du 5 deacutecembre 2011 modifieacute (BOC ndeg 5 du 27 janvier 2012 texte 10 BOEM 32615 620-4162)

Eacutecole de lrsquoair 2 2 2 5 2 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 27 juillet 2011 modifieacute (JO ndeg 184 du 10 aoucirct 2011 texte ndeg 1 signaleacute au BOC 442011 BOEM 76812)

Eacutecole nationale supeacuterieure de techniques avanceacutees 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483

0 ou 1010481

Arrecircteacute du 18 janvier 2011 modifieacute (JO ndeg122 du 26 mai 2011 texte ndeg 4 signaleacute au BOC 292011 BOEM 8106)

Eacutecole nationale supeacuterieure des ingeacutenieurs de lrsquoinfrastructure militaire

1010483 1010483 1010483 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 26 avril 2012 (JO ndeg 108 du 8 mai 2012 texte ndeg 30 signaleacute au BOC 332012 BOEM 50833)

Tableau 4 ndash Sigycop minimal requis pour les eacutecoles militaires 4

Le Code de lrsquoaviation civile est le seul code dont lrsquoassocia-tion ait connaissance qui exclut directement les PVVIH laquo La positiviteacute au VIH est cause drsquoinaptitude raquo Celle-ci vaut pour les pilotes ou les controcircleurs aeacuteriens Cepen-dant cette inaptitude ne se veut pas systeacutematique ce code preacutevoit une possible reconnaissance de lrsquoaptitude au cas par cas sous certaines conditions Lrsquoarrecircteacute du 16 mai 2008 relatif aux critegraveres et condi-tions de deacutelivrance des attestations drsquoaptitude meacutedicale neacutecessaires pour assurer les services du controcircle de la circulation aeacuterienne preacutecise ainsi qursquolaquo un candidat preacute-sentant une infection VIH comportant des symptocircmes drsquoaffection eacutevolutive telle que le sida une lymphadeacuteno-pathie chronique lieacutee au VIH ou une atteinte du systegraveme nerveux central doit ecirctre deacuteclareacute inapte Toutefois la deacuteclaration drsquoaptitude peut ecirctre envisageacutee au renouvel-lement et agrave la revalidation pour les individus preacutesentant une reacuteaction positive asymptomatique pour le VIH raquo De mecircme pour les pilotes lrsquoaptitude peut ecirctre accordeacutee sous certaines conditions et sous reacuteserve de controcircles freacutequents laquo la survenue drsquoun sida ou du complexe appa-renteacute au sida [devient alors] cause drsquoinaptitude raquo

Enfin concernant le personnel navigant lrsquoarrecircteacute de 2007 relatif aux conditions drsquoaptitude physique preacutecise que le laquo personnel navigant commercial doit ecirctre exempt de toute affection chronique eacutevolutive raquo avant de compleacute-ter laquo Une aptitude par deacuterogation peut ecirctre demandeacutee au conseil meacutedical de lrsquoaeacuteronautique civile qui juge en fonction des reacutesultats des examens cliniques et biolo-giques de lrsquointeacuteresseacute montrant un eacutetat de lrsquoaffection compatible avec le service aeacuterien et le cas eacutecheacuteant une bonne toleacuterance au traitement raquoLes textes de lrsquoaviation civile se distinguent en ce sens que srsquoil exclut a priori le critegravere drsquoaptitude ne reacuteside pas dans la seacuteropositiviteacute en tant que telle mais sur lrsquoeacutetat de santeacute geacuteneacuteral Ils reacutesultent il faut le souligner de mobi-lisations et contentieux 3 agrave lrsquoencontre des dispositions preacuteceacutedemment en vigueur en particulier lrsquoarrecircteacute minis-teacuteriel du 5 juillet 1984 qui preacutevoyait que laquo les affections eacutevolutives susceptibles de conduire agrave une inaptitude ulteacuterieure sont eacuteliminatoires raquo

3 Notamment la Deacutelibeacuteration de la Halde du 6 feacutevrier 2006 et lrsquoarrecirct du Conseil drsquoEacutetat du 28 juin 2006 4 httpwwwformationterredefensegouvfrPJDocumentsDecouverteODFLyceesDocuments20141203_DEF_RH-AT_F_FS_SLM_Circulaire_273424_admission_CPES_CPGEpdf

Lrsquoaviation civile lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute plutocirct que la seacuteropositiviteacute

18 19PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Les discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et international Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacute

Cette mecircme exclusion des PVVIH existe aussi dans la gendarmerie nationale Sachant que dans la gendarmerie nationale lrsquoinaptitude est prononceacutee pour les candidats seacutero-positifs en qualiteacute de musicien choriste ou agent technique et administratif le carac-tegravere discriminatoire et disproportionneacute des classifications pour inaptitude est illustreacute sans que drsquoautres commentaires soient utiles (tableau 5)Dans le cadre de la reacutedaction de ce rapport AIDES nrsquoa pas pu encore recenser de maniegravere exhaustive les corps desquels les PVVIH seraient exclues agrave raison de leur eacutetat de santeacute La question que AIDES pose en revanche est celle des postes et corps ouverts aux personnes seacuteropositives la liste est certainement plus limiteacuteehellip Lrsquoassociation sou-haite pour lrsquoheure mettre en lumiegravere une exclusion une discrimination structurelle touchant agrave toutes les forces armeacutees et lieacutee agrave un reacutefeacuterentiel inadapteacute anachronique eacutechappant aux donneacutees scientifiques et meacutedicales contemporaines

Remarque en 2015 les forces armeacutees comptent 207 689 postes (120 031 pour lrsquoarmeacutee de terre 38 874 pour la marine nationale 48 784 pour lrsquoarmeacutee de lrsquoair) 5 Lrsquoeffectif de la gendarmerie nationale srsquoeacutelegraveve agrave 98 115 personnes 6 la police nationale agrave 144 858 7 et les sapeurs-pompiers agrave 244 900 8 Une part importante de ces postes est fermeacutee aux PVVIH

234 Police nationale sapeurs-pompiers une exclusion qui deacutepasse largement le champ de lrsquoarmeacutee

Srsquoil a une vocation militaire le profil meacutedical Sigycop srsquoapplique et creacutee des exclusions systeacutematiques de PVVIH dans de nombreux autres emplois publics Ainsi lrsquoexclusion constateacutee pour lrsquoarmeacutee sur la base des coefficients G 3 et G 4 se retrouve dans drsquoautres secteurs notamment la police nationale En effet depuis une tregraves reacutecente modification de lrsquoarrecircteacute du 2 aoucirct 2010 relatif aux conditions drsquoaptitudes physiques particuliegraveres pour lrsquoaccegraves aux emplois de certains corps de fonctionnaires par un arrecircteacute du 10 juin 2015 le profil G 2 exclut lrsquoensemble des PVVIH de la police nationale (tableau 6)

De mecircme lrsquoarrecircteacute du 6 mai 2000 fixant les conditions drsquoaptitude meacutedicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions drsquoexercice de la meacutede-cine professionnelle et preacuteventive au sein des services deacutepartementaux drsquoincendie et de secours deacutefinit diffeacuterents profils Les PVVIH sous traitement ne sont eacuteligibles qursquoau profil E qui correspond agrave une activiteacute non opeacuterationnelle voire un reclassement dans un autre corps cadre drsquoemplois ou emploi Ces discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et interna-tional Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacutePour chaque cas ayant eacuteteacute rapporteacute agrave AIDES lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour mieux documenter les situations des personnes ainsi que les implications collectives Lrsquoas-sociation a systeacutematiquement alerteacute les autoriteacutes concerneacutees afin de travailler avec elles agrave une eacutevolution des textes AIDES a aussi saisi le Deacutefenseur des droits agrave lrsquoautomne 2015 dans le cadre de sa mission constitutionnelle de laquo veille au respect des droits et liberteacutes raquoAIDES ne preacutetend pas avoir identifieacute toutes les exclusions seacuterophobes existantes Si des personnes ont connaissance de situations similaires elles sont inviteacutees agrave contacter les associations qui les aideront agrave saisir le Deacutefenseur des droits

corps statut drsquoappartenance

ou formation concerneacuteeprofil meacutedical requis

Officier de gendarmerie (OG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale candidat au cycle de formation donnant accegraves au grade drsquoaspirant (AGIV)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Officier du corps technique et administratif de la gendarmerie nationale (OCTAGN)

S I G Y C O P

1010483 1010483 1010483 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie (SOG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave exercer les attributions drsquoagent de police judiciaire adjoint (GAV APJA)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Sous-officier du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (CSTAGN) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave occuper un emploi particulier (GAV EP)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie recruteacute pour servir en qualiteacute de musicien de lrsquoorchestre ou de choriste de la garde reacutepublicaine

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010483 1010485 1010484 10104820

ou 1010481

Tableau 5 ndash Sigycop minimal pour la gendarmerie nationale

5 Chiffres cleacutes de la Deacutefense eacutedition 2015 6 httpwwwgendarmerieinterieurgouvfrNotre-InstitutionNos-moyensEffectifs 7 httpwwwladocumentationfrancaisefrvarstoragerapports-publics134000185pdf 8 httpwwwpompiersfraccueilles-sapeurs--pompiersles-statistiques

20 21

Tableau 6 ndash Sigycop minimal requis pour les fonctionnaires actifs de la police nationale

S I G Y C O P

1010482 1010482 1010482 1010483 1010482 1010482 1010482

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2LE droIT Agrave LA SANTEacute   ET LE PrINcIPE   

drsquoEacutegALITEacute dE TrAITEmENT

Le droit agrave la protection de la santeacuteLa loi relative aux droits des personnes malades et agrave la qualiteacute du systegraveme de santeacute du 4 mars 2002 dite laquo loi Kouchner raquo reacuteaffirme degraves lrsquoexposeacute des motifs le droit agrave la pro-tection de la santeacute comme un droit agrave valeur constitutionnelle reconnu par lrsquoalineacutea 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 laquo La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les conditions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacute-rielle le repos et les loisirs raquo Ce droit a eacuteteacute consacreacute par plusieurs deacutecisions du Conseil constitutionnel (notamment CC 23 juillet 1999 ndeg 99-416) Le droit agrave la protection de la santeacute est eacutegalement garanti par des textes internationaux ratifieacutes par la France Il lrsquoest indirectement par lrsquoarticle 3 de la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales interdisant la tor-ture et les traitements inhumains ou deacutegradants et par lrsquoarticle 8 de ladite Convention proteacutegeant le droit agrave la vie priveacutee et familiale Ce droit est aussi proteacutegeacute directement par la Charte de lrsquoOrganisation mondiale de la Santeacute du 27 juillet 1946 laquo La possession du meilleur eacutetat de santeacute qursquoil est capable drsquoatteindre constitue lrsquoun des droits fondamen-taux de tout ecirctre humain quelles que soient sa race sa religion ses opinions politiques sa conduite eacuteconomique raquoSur ces bases lrsquoarticle 1 de la loi de 2002 introduit un droit agrave la protection de la santeacute en faveur de toute personne sans discrimination laquo La mise en œuvre de ce droit passe par le deacuteveloppement de la preacutevention lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins les plus approprieacutes agrave son eacutetat de santeacute la continuiteacute des soins la seacutecuriteacute sanitaire raquo

Extraits du Code de santeacute publique

article l1110-1 Le droit fondamental agrave la protection de la santeacute doit ecirctre mis en œuvre par tous moyens disponibles au beacuteneacutefice de toute personne Les professionnels les eacutetablissements et reacuteseaux de santeacute les organismes drsquoassurance maladie ou tous autres organismes par-ticipant agrave la preacutevention et aux soins et les autoriteacutes sanitaires contribuent avec les usagers agrave deacutevelopper la preacutevention garantir lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins neacutecessiteacutes par son eacutetat de santeacute et assurer la continuiteacute des soins et la meilleure seacutecu-riteacute sanitaire possible

article l1110-3 Aucune personne ne peut faire lrsquoobjet de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention ou aux soins

article l1110-5 Toute personne a compte tenu de son eacutetat de santeacute et de lrsquourgence des interventions que celui-ci requiert le droit de recevoir les soins les plus approprieacutes et de beacuteneacuteficier des theacuterapeutiques dont lrsquoefficaciteacute est reconnue et qui garantissent la meilleure seacutecuriteacute sanitaire au regard des connaissances meacutedicales aveacutereacutees Les actes de preacutevention drsquoin-vestigation ou de soins ne doivent pas en lrsquoeacutetat des connaissances meacutedicales lui faire courir de risques disproportionneacutes par rapport au beacuteneacutefice escompteacute

article l1411-1-1 Lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins des populations fragiliseacutees constitue un objectif prioritaire de la politique de santeacuteLes programmes de santeacute publique mis en œuvre par lrsquoEacutetat ainsi que par les collectiviteacutes territoriales et les organismes drsquoassurance maladie prennent en compte les difficulteacutes speacutecifiques des populations fragiliseacutees

25

DROIT APPLICABLE

rEFUS dE SoINS

Le droit agrave la santeacute et le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement bien que proteacutegeacutes par des textes agrave valeurs constitutionnelle et internationale peinent parfois agrave trouver une traduction effective Dans le champ du VIH sida et des heacutepatites virales les exemples sont leacutegions Sans preacutetendre agrave lrsquoexhaustiviteacute AIDES retient pour 2015 trois expressions drsquoatteintes agrave ces droits fondamentaux Drsquoabord des personnes seacuteropositives au VIH sont confronteacutees agrave des refus de soins en raison de leur statut seacuterologique Ensuite des personnes infecteacutees par le virus de lrsquoheacutepatite C sont eacutecarteacutees de lrsquoaccegraves aux nouveaux traitements innovants Enfin les personnes mineures ne peuvent acceacuteder agrave tous les moyens de preacutevention et de deacutepistage disponibles actuellement Ces sujets constituent les trois axes de ce chapitre

Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de comparer les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique

Bien que lrsquoaccegraves aux soins sans discrimination soit garanti par des dispositions leacutegales sans ambiguiumlteacute dans les faits des entraves existent Lrsquoexistence mecircme des refus de soins ne fait pas consensus la plupart des professionnel-le-s de santeacute tendant agrave nier ou au moins agrave minimiser le pheacutenomegravene que les personnes concerneacutees rapportent pourtant de maniegravere reacutecurrente Le deacuteficit drsquoeacutetudes officielles ne permet pas drsquoen objectiver la nature et lrsquoampleur En France seules quelques enquecirctes meneacutees par des associations et des institutions documentent ces pheacutenomegravenes mais essentiel-lement cibleacutees sur des motivations drsquoordre social Il srsquoagit drsquoeacutetudes concernant des beacuteneacuteficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) de la CMU compleacutementaire (CMU-C) de lrsquoaide meacutedicale drsquoEacutetat (AME) et de lrsquoaide agrave lrsquoacquisition drsquoune compleacute-mentaire santeacute (ACS) 11 Les discriminations dans le champ meacutedical agrave lrsquoencontre des PVVIH sont notamment documenteacutees par Sida Info Service qui a meneacute cinq enquecirctes agrave ce sujet et agrave travers les enquecirctes ANRS-VespaPourtant des cas reacutecurrents de refus de soins ou de discriminations sont rappor-teacutes par des PVVIH Ils concernent principalement lrsquoaccegraves agrave des soins dentaires ou gyneacutecologiques dans un contexte ougrave les mesures de preacutecaution standard drsquohygiegravene ont eacuteteacute maintes fois rappeleacutees par diverses instances publiques scientifiques et professionnellesAfin drsquoobjectiver ces refus trop souvent minimiseacutes AIDES a meneacute un testing en avril 2015 agrave lrsquooccasion de deacutebats autour du projet de loi de modernisation de notre sys-tegraveme de santeacute susceptible de renforcer les moyens de lutte contre les refus de soins Cette enquecircte vise agrave saisir lrsquoampleur et documenter les refus de soins laquo sur le vif raquo agrave lrsquoencontre des PVVIH

11 MEacuteThODOLOGIE

111 qursquoest-ce qursquoun testing Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de com-parer toutes choses eacutegales par ailleurs les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique Si lrsquoune des personnes est traiteacutee diffeacuteremment de lrsquoautre alors cette diffeacuterence est imputeacutee agrave lrsquounique caracteacuteristique qui les distingue

112 Le protocole drsquoenquecircteAfin de parvenir agrave eacutetablir lrsquoexistence de traitements discriminatoires dans lrsquoaccegraves aux soins dentaires ou gyneacutecologiques des PVVIH AIDES a recouru agrave une opeacuteration de tes-ting srsquoappuyant sur lrsquoobservation de prises de rendez-vous teacuteleacutephoniques

Les testeur-se-sLes appels teacuteleacutephoniques sont reacutealiseacutes par 44 testeur-se-s tous militant-e-s de AIDES Chaque testeur-se doit jouer un personnage en srsquoappuyant sur une identiteacute fictive qui se reacutepartit selon quatre profils

Hommefemme Seacuteropositif-ve au VIH ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH

Les diffeacuterentes lois sur la santeacute rarement remises en causes se sont depuis inscrites dans la continuiteacute Elles positionnent le droit agrave la santeacute pour tous et toutes comme une finaliteacute des politiques de santeacute jusqursquoau dernier projet de loi preacutesenteacute par Marisol Touraine ministre des Affaires sociales de la Santeacute et des Droits des femmes qui rap-pelle dans la version initiale de lrsquoarticle 1er laquo Elle [la politique de santeacute] tend agrave assurer la promotion de conditions de vie favorables agrave la santeacute lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute de la population la reacuteduction des ineacutegaliteacutes sociales et territoriales de santeacute et agrave garantir la meilleure seacutecuriteacute sanitaire possible et lrsquoaccegraves effectif de la population agrave la preacutevention et aux soins raquo 9

Les dispositions speacutecifiques aux refus de soinsLe droit agrave la santeacute est un eacuteleacutement fondamental des droits de lrsquohomme Si les textes qui rappellent ce principe sont nombreux il reste que ce droit nrsquoest pas acquis pour tous et toutes en particulier pour les personnes en situation de vulneacuterabiliteacute Au-delagrave des dif-ficulteacutes drsquoaccegraves aux soins les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) peuvent ecirctre expo-seacutees agrave des pratiques illeacutegales de refus de soins qui portent atteinte au droit agrave la santeacute Mecircme si les refus de soins ne sont pas geacuteneacuteraliseacutes les reacutesultats de nombreux testing montrent leur reacutecurrence Le droit actuel permet-il de lutter efficacement contre ces pratiques illeacutegales les reacuteponses juridiques sont-elles suffisantes Lrsquoencadrement juri-dique des refus de soins est eacuteclateacute entre Code peacutenal Code de la santeacute publique Code de la consommation et Code de deacuteontologie meacutedicale ce qui ne rend pas visible cet enjeuLe rapport du Deacutefenseur des droits remis au Premier Ministre en mars 2014 sur laquo Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME raquo a permis de montrer lrsquoinefficaciteacute de lrsquoencadrement juridique actuel La loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (HPST) a mis en place une proceacutedure particuliegravere de signalement des refus de soins complexe et peu effective instances compeacutetentes et modaliteacutes de saisines multiples difficulteacutes des usager-e-s agrave faire valoir leurs droits rareteacute des signalements et manque de mobilisation des ins-tances en charge du traitement des signalements Crsquoest pourquoi il est neacutecessaire de renforcer les droits des patient-e-s pour une meilleure connaissance des lois et voies de recours existants de mettre en œuvre un accompagnement des victimes dans le cadre des proceacutedures de conciliation ou les recours en justice et de mieux qualifier les refus de soins illeacutegaux pour en faciliter lrsquoidentification

Exemple de deacutecision du Deacutefenseur des droits Le Deacutefenseur a eacuteteacute saisi drsquoune reacuteclamation relative au refus de proceacuteder agrave lrsquoextraction de dents de sagesse en raison de la seacuteropositiviteacute de la patiente Celle-ci pensant que le chirurgien accegravederait agrave son dossier informatique de suivi au sein du mecircme hocircpital nrsquoa pas indiqueacute sa maladie lors de la consultation preacuteopeacuteratoire Apregraves avoir appris la seacuteropositiviteacute de la reacuteclamante le mis en cause a annuleacute lrsquoopeacuteration preacutevue en propo-sant une date trois mois plus tard inacceptable pour cette derniegravere Afin de justifier le refus des soins le mis en cause a invoqueacute lrsquoapplication drsquoun protocole speacutecifique pour la prise en charge drsquoun patient seacuteropositif Lrsquohocircpital dans lequel exerccedilait le mis en cause a deacutementi lrsquoexistence drsquoun tel protocole Dans le cadre de cette deacutecision le Deacutefenseur des droits a donc recommandeacute la mise en œuvre de sanctions disciplinaires agrave lrsquoeacutegard du meacutedecin et a informeacute de sa deacutecision le ministegravere de la Santeacute le conseil national de lrsquoordre des chirurgiens-dentistes ainsi que le conseil deacutepartemental de lrsquoordre des meacutedecinsDeacutecision MLD-2011-94 du 13 janvier 2012 10

1 UN TESTINg PoUr objEcTIVEr  

LES rEFUS dE SoINS mdash

9 Au moment de la reacutedaction de ce rapport la reacutedaction deacutefinitive de lrsquoarticle 1er nrsquoest pas connue 10 httpwwwdefenseurdesdroitsfrfractionsprotection-des-droits-libertesdecisiondecision-mld-2011-94-du-13-janvier-2012-

relative-un

11 MEacuteDECINS DU MONDE Testing sur les refus de soins des meacutedecins geacuteneacuteralistes pour les beacuteneacuteficiaires de la Couverture Maladie Universelle ou de lrsquoAide Meacutedicale Eacutetat dans 10 villes de France 2006 DEacuteFENSEUR DES DROITS Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME 2014 FONDS CMU-DIES Analyse des attitudes de meacutedecins et de dentistes agrave lrsquoeacutegard des patients beacuteneacuteficiant de la CMUC dans 6 villes du Val-de-Marne 2006 FONDS CMU-IRDES Les refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMUC agrave Paris 2009 FONDS CMU-IRDES Analyse territoriale des obstacles agrave lrsquoaccegraves aux soins des beacuteneacuteficiaires de la CMUC dans les deacutepartements de lrsquoOrne et de la Niegravevre 2012 CISS Droits des malades Refus de soins aux beacuteneacuteficiaires de la CMUC de lrsquoAME et de lrsquoACS 2015

26 27PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Rouen

Evreux

Pontoise

Chacircteauroux

ParisStrasbourg

Auxerre

Dijon

Lyon

Marseille

Gap

Clermont-ferrandPuy-en-Velay

Toulouse

Niort

Angoulegraveme

Cahors

Bourg-en-Bresse

Tours

Colmar

Lrsquoeacutechantillon repreacutesentatif de lrsquoeacutetude comprend 100766810076680 cabinets dentaires et 100766510076691007668 cabinets de gyneacutecologie

Le sceacutenarioUn mecircme cabinet dentaire ou de gyneacutecologie est appeleacute deux fois pour une prise de rendez-vous par deux testeur-se-s diffeacuterent-e-s qui ont des caracteacuteristiques sociodeacute-mographiques similaires Les prises de rendez-vous gyneacutecologiques sont effectueacutees uniquement par des femmes Dans le premier cas le-la testeur-se annonce sa seacutero-positiviteacute au VIH dans le second cas lrsquoautre testeur-se ne dit rien Seule la mention du statut seacuterologique diffeacuterencie ces deux personnes Un script eacutetabli en concertation avec des militant-e-s des PVVIH et des professionnel-le-s de santeacute (meacutedecins speacutecia-listes en chirurgie dentaire en gyneacutecologie et de santeacute publique) reacuteuni-e-s au sein drsquoun groupe de pilotage a permis drsquoeacutetablir

Une feuille de route pour chaque testeur-se proposant des reacuteponses concregravetes aux eacuteventuelles questions que pourrait susciter la demande de rendez-vous (iden-titeacute motifs de la demande orientations adresse teacuteleacutephone numeacutero de seacutecuriteacute sociale etc)

La conduite agrave tenir en cas de mise en attente ou drsquoheacutesitations agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute

Le choix du motif de la consultation deacutetartrage ou frottis Il est important de choisir un acte meacutedical susceptible de provoquer des saignements mais simple ne justifiant pas une orientation vers un-e meacutedecin speacutecialiste ou vers un service drsquourgences et ou un plateau technique particulier

Les eacutechanges teacuteleacutephoniques sont enregistreacutes leur contenu est retranscrit dans une base de donneacutees pour recueillir de faccedilon standardiseacutee les reacuteponses apporteacutees par les praticien-ne-s Des seacuteances de deacutebriefing ainsi qursquoun guide meacutethodologique sont mis agrave disposition des testeur-se-s

Remarque lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute au VIH drsquoembleacutee lors de la prise de ren-dez-vous est justifieacutee par les teacutemoignages de certaines PVVIH qui trop souvent expo-seacutees agrave la stigmatisation et la discrimination de la part de professionnel-le-s de santeacute preacutefegraverent eacuteviter un refus frontal de la ou du meacutedecin dans son cabinet Elle est eacutegale-ment approuveacutee par les professionnel-le-s de santeacute du groupe de pilotage au regard de leur expeacuterience

Constitution de lrsquoeacutechantillon geacuteographiqueLa meacutethodologie de lrsquoenquecircte srsquoappuie sur une technique drsquoeacutechantillonnage aleacuteatoire de maniegravere agrave garantir une seacutelection repreacutesentative des chirurgiens-dentistes et des gyneacutecologues en France Afin de deacutefinir les villes dans lesquelles est reacutealiseacutee lrsquoeacutetude plusieurs eacutetapes sont retenues

Un classement des reacutegions en fonction de leur incidence au VIH (faible moyenne eacuteleveacutee)

Une seacutelection de trois reacutegions par niveau drsquoincidence Une identification pour chaque reacutegion seacutelectionneacutee drsquoun deacutepartement agrave haute densiteacute meacutedicale et drsquoun deacutepartement agrave faible densiteacute meacutedicale pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Un choix des chefs-lieux de chacun de ces deacutepartements comme ville pour effectuer lrsquoenquecircte

Pour les trois plus grandes villes de France (Paris Lyon Marseille) un deacutecoupage par arrondissement selon le niveau de richesse (eacuteleveacute moyen faible) est reacutealiseacute Au total 20 villes sont seacutelectionneacutees La base de sondage est reacutealiseacutee agrave partir de plusieurs sources de donneacutees lrsquoInstitut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques (Insee) pour le nombre drsquohabi-tants lrsquoInstitut de veille sanitaire (InVS) pour lrsquoincidence du VIH lrsquoObservatoire natio-nal de la deacutemographie des professions de santeacute et lrsquoAtlas de la deacutemographie meacutedicale en France pour la densiteacute meacutedicale deacutepartementale respectivement pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Constitution de lrsquoeacutechantillon meacutedicalLe testing vise les seul-e-s speacutecialistes secteurs 1 et 2 chirurgiens-dentistes et gyneacuteco-logues Ainsi deux bases de sondage sont reacutealiseacutees

Lrsquoune agrave partir de lrsquoensemble des chirurgiens-dentistes conventionneacute-e-s pour les soins dentaires classiques preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Lrsquoautre agrave partir de lrsquoensemble des gyneacutecologues conventionneacute-e-s avec les speacuteciali-teacutes meacutedicale etou obsteacutetrique preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Pour lrsquoensemble des secteurs geacuteographiques 2 297 chirurgiens-dentistes et 290 gyneacute-cologues sont recenseacute-e-s Afin de creacuteer un eacutechantillon repreacutesentatif de ces professions 30 des chirurgiens-dentistes et 60 des gyneacutecologues sont tireacute-e-s au sort agrave lrsquoaide drsquoun programme de tri aleacuteatoire

Moins de 45 000 habitants

45 000 agrave 200 000 habitants

Plus de 200 000 habitants

les 20 villes selectionneacutees

pour le testing aupregraves des cabinets

dentaires et gyneacutecologiques

29PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 1

laquo Pour vous ce sera 21h raquo laquo Je ne prends pas de nouveaux patients raquo

laquo Eh bien on mettra deux paires de gants raquo

laquo Vous me remplirez un questionnaire meacutedical avant le rdv raquo

laquo Je le note dans le carnet de rdv raquo

laquo Les gens comme voushellip raquo

laquo Je nrsquoai pas le mateacuteriel adapteacute raquo

laquo Ok mais vous viendrez avec toutes vos analyses raquo

laquo Je ne pratique pas le deacutetartrage raquo

laquo Le deacutetartrage crsquoest 150 euros raquo

laquo Vous serez mieux soigneacute agrave lrsquohocircpital raquo

laquo Je nrsquoai pas eacuteteacute formeacute au vih raquo

laquo Heuhellip veuillez patienter raquo

Bonjour je souhaite un rendez-vous

pour un deacutetartrage et je suis seacuteropo

la face cacheacutee des refus

de soins chez les dentistes

envers les personnes vih+

Florilegravege des verbatims des cabinets dentaires agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute par ordre de citation

Le motif le plus souvent invoqueacute par les cabinets dentaires est celui des ameacutenagements ou des horaires speacutecifiques requis pour les personnes seacuteropositives Vient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute

Peacuteriode drsquoenquecircteLe testing est reacutealiseacute sur une peacuteriode courte du 7 au 10 avril 2015 pour garantir la confi-dentialiteacute de lrsquoopeacuteration et assurer un environnement comparable entre les diffeacuterents appels (actualiteacute meacutediatique et politique etc) Une fois la semaine de testing passeacutee les rendez-vous pris sont annuleacutes afin de ne pas peacutenaliser les laquo vrais raquo malades et les meacutedecins dans la gestion des rendez-vous meacutedicaux

Eacutechantillon finalParmi les 570 cabinets dentaires et les 154 cabinets de gyneacutecologie contacteacutes par teacuteleacute-phone durant la peacuteriode drsquoenquecircte pour une prise de rendez-vous un certain nombre sont exclus en raison de non-reacuteponses aux appels de non-conformiteacute de la speacutecialiteacute de fermeture ou de congeacutes Lrsquoeffectif final des praticien-ne-s retenu-e-s srsquoeacutelegraveve agrave 440 pour les chirurgiens-dentistes et 116 pour les gyneacutecologues Lors des appels il est pos-sible de relever la fonction des reacutepondant-e-s dans la majoriteacute des cas (praticien-ne-s ou secreacutetaires meacutedicaux-ales) Ainsi les interlocuteur-trice-s dans les cabinets dentaires sont des secreacutetaires meacutedicaux-les dans 764 des cas (n=336) et des chirurgiens-den-tistes dans 193 des cas (n=85) Pour les cabinets de gyneacutecologie la reacutepartition eacutetait de 802 de secreacutetaires meacutedicaux-les (n=93) et 78 de gyneacutecologues (n=9)

113 Limites de lrsquoeacutetudeCette opeacuteration de testing comporte des limites qui sont autant de pistes pour ameacutelio-rer encore ce type drsquoenquecirctes et leur donner un cadre leacutegalLa premiegravere limite tient agrave la classification a posteriori des motifs des refus de soins En effet la liste exhaustive des motifs de refus ainsi que la combinaison de plusieurs motifs eacutetaient difficiles agrave anticiper La deuxiegraveme limite concerne la perception des testeur-se-s quant aux reacuteponses four-nies par les dentistesgyneacutecologues Ainsi la notion de subjectiviteacute permise par la non-cateacutegorisation a priori des reacuteponses a probablement induit une sous-deacuteclaration de certains refus Les retours drsquoexpeacuteriences des PVVIH qui pointent des refus frontaux dans les cabinets des praticien-ne-s apregraves un rendez-vous fixeacute preacutealablement au teacuteleacute-phone laissent augurer eacutegalement drsquoune sous-eacutevaluation de ces pratiquesLa troisiegraveme limite est celle du champ de lrsquoenquecircte Seule la seacuteropositiviteacute au VIH a eacuteteacute testeacutee il est pourtant neacutecessaire drsquoeacutetendre aux personnes vivant avec une heacutepatite virale chronique ou co-infecteacutees par le VIH et les heacutepatites virales De plus les repreacutesen-tations sociales eacuteconomiques et morales associeacutees agrave la pathologie VIH (CMU ou AME preacutecariteacute pratiques sexuelles usages de drogues etc) peuvent geacuteneacuterer des cumuls de motifs de refusEt enfin la taille de lrsquoeacutechantillon des professionnel-le-s ne permet pas de reacutealiser des analyses statistiques pousseacutees notamment par ville et de conclure agrave drsquoeacuteventuelles dynamiques locales de discrimination

12 DES REacuteSULTATS ACCABLANTS

Parmi les reacuteponses des chirurgiens-dentistes et de leur secreacutetariat meacutedical agrave lrsquoan-nonce de la seacuteropositiviteacute le motif le plus souvent invoqueacute est celui des ameacutena-gements ou des horaires speacutecifiques qui seraient requis soit eacutenonceacutes comme tels soit mis en eacutevidence par comparaison des reacuteponses faites aux personnes supposeacutees seacuteroneacutegatives Il est important de rappeler que le Haut conseil de la santeacute publique a publieacute en 2007 un avis laquo ne recommandant pas lrsquoinstauration drsquoun ordre de pas-sage pour tout patient porteur des virus VHC VHB ou VIH lors drsquoactes invasifs meacutedico-chirurgicaux En revanche il considegravere comme une prioriteacute lrsquoapplication des preacutecautions standard et le respect des mesures de preacutevention (hellip) raquo LrsquoOrdre natio-nal des chirurgiens-dentistes a drsquoailleurs redit lors de la parution de ce testing que laquo les patients doivent tous beacuteneacuteficier drsquoune mecircme chaicircne de deacutecontamination et de steacuterilisation raquoVient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute surcharge de travail pas de nou-veaux-elles patient-e-s deacutelais de rendez-vous trop importants etc non eacutevoqueacutee pour les testeur-se-s nrsquoannonccedilant pas de seacuteropositiviteacute au VIHPour les gyneacutecologues ou leur secreacutetariat meacutedical les testeuses seacuteropositives sont accepteacutees sous reacuteserve de la preacutesentation de leur dossier meacutedical et du rappel de la pathologie au moment de la consultation Lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute est aussi avanceacute agrave plusieurs reprises Tous ces motifs sont ensuite cateacutegoriseacutes

Figure 2

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS30

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins

121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou de discriminationsUne cateacutegorisation est opeacutereacutee en fonction des dispositions juridiques existantes Les dispositions leacutegales eacutetant tregraves geacuteneacuterales et impreacutecises crsquoest la reacutefeacuterence agrave la circu-laire CNAMTS CIR-332008 relative aux refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMU-C qui a eacuteteacute retenue Ce texte donne une deacutefinition concregravete des refus de soins incluant laquo la fixation tardive inhabituelle et abusive drsquoun rendez-vous lrsquoorien-tation reacutepeacuteteacutee et abusive vers un autre confregravere lrsquoattitude et le comportement dis-criminatoire du professionnel de santeacute etc raquo Certains praticien-ne-s ont pu eacutevoquer plusieurs motifsAinsi des refus de soins directs ou deacuteguiseacutes et des traitements diffeacuterentiels non fon-deacutes sont constateacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH lors drsquoune demande de rendez-vous pour un deacutetartrage ou un frottisParmi les refus de soins on distingue deux cateacutegories Les refus directs Il srsquoagit de refus directement imputables au VIH annonceacutes comme tels ou sous couvert drsquoune autre raison non formuleacutee aupregraves de la personne supposeacutee seacuteroneacutegative Les refus deacuteguiseacutes Il srsquoagit de refus dont les preacutetextes avanceacutes sont douteux et contraires au Code de deacuteontologie meacutedicale Ils peuvent ecirctre cateacutegoriseacutes en deux types de refus

Les strateacutegies de deacutecouragement horaires contraignants deacutepassements drsquohono-raires assurance de la solvabiliteacute financiegravere etc

Les reacuteorientations vers des confregraveres ou des services hospitaliers sous preacutetexte drsquoun manque de connaissance de la pathologie et de sa prise en charge de mateacute-riel non adapteacute ou la dangerositeacute des soins qui suggegraverent une meilleure prise en charge laquo ailleurs raquo

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins (voir page 25) Ces dispariteacutes de traitement sont soit annonceacutees de maniegravere explicite lors de la prise de rendez-vous soit mises en eacutevidence par la confrontation des reacuteponses faites au-agrave la testeur-se seacuteropositif-ve au VIH et agrave son binocircme ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH On distingue trois cateacutegories

La meacuteconnaissance de la pathologie qui aboutit agrave de mauvaises pratiques dans la relation avec le ou la patiente

La divulgation du statut seacuterologique en dehors drsquoun dossier meacutedical ce qui est une atteinte au secret meacutedical

Lrsquoexistence de protocoles speacutecifiques drsquohygiegravene pour les PVVIH (steacuterilisation dureacutee des soins etc) agrave lrsquoencontre des mesures de preacutecautions standard recommandeacutees qui teacutemoignent drsquoun manque de connaissance ou drsquoapplication des regravegles fonda-mentales drsquohygiegravene et de steacuterilisation mais aussi une meacuteconnaissance des modes de contamination Ces mesures doivent ecirctre garanties systeacutematiquement et sans compromis quel que soit le statut seacuterologique des personnes et ce drsquoautant qursquoon estime entre 30 000 et 50 000 le nombre de personnes contamineacutees par le VIH en France qui lrsquoignorent (pour 150 000 PVVIH soit 20 agrave 30 )

32 33

30 refus de soins

deacuteguiseacutes

36 refus de soins

directs

168 pratiques

discriminatoires

cabinet dentaire

ViH SrsquoabStenir

17 refus de soins

directs

43 refus de soins

deacuteguiseacutes

172 pratiques

discriminatoires

cabinet de gyneacutecologie

ViH SrsquoabStenir

122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des speacutecialiteacutes

Figure 3 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 4 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

336 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

168 de pratiques discriminatoires

6 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

172 de pratiques discriminatoires

Cabinets de gyneacutecologie

Cabinets dentaires

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Dans le cadre du projet de loi Santeacute AIDES a construit plusieurs amendements afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutealiteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits

Les reacutesultats de ce testing prouvent qursquoil existe une veacuteritable meacuteconnaissance du VIH et de ses modes de transmission aboutissant agrave des attitudes neacutegatives et discrimi-natoires Ces comportements trahissent les repreacutesentations des professionnel-le-s vis-agrave-vis de cette maladieinfection et sur le respect des fondements deacuteontologiques des professions du soin

13 PERSPECTIVES LA NEacuteCESSITEacute DE RENfORCER LrsquoARSENAL jURIDIqUE

Les constats de AIDES confirment la neacutecessiteacute drsquoaller plus loin contre les refus de soins que la seule disposition initialement envisageacutee dans le projet de loi Santeacute Actuelle-ment ce sont aux ordres professionnels des soignant-e-s de mesurer lrsquoimportance et la nature des pratiques de ces refus En conseacutequence plusieurs amendements ont eacuteteacute construits avec Meacutedecins du Monde (MdM) afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutea-liteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits Les amendements formulent cinq propo-sitions visant agrave

Eacutelargir la deacutefinition leacutegale des refus de soins agrave toute pratique discriminante ou strateacutegie de dissuasion menant in fine au renoncement aux soins des patient-e-s

Donner une base leacutegale au testing autour drsquoun cahier des charges preacutecis et y inclure les associations de malades

Impliquer lrsquoensemble des acteurs-trices de santeacute dans le pilotage de lrsquoObserva-toire deacutedieacute aux refus de soins preacutevu par le projet de loi Santeacute agrave commencer par les associations de malades mais aussi les ordres professionnels et les organismes drsquoassurance maladie

Ameacutenager la charge de la preuve de sorte que comme dans lrsquoensemble du droit de la non-discrimination ce soit au-agrave la professionnel-le de santeacute de prouver qursquoil nrsquoy a pas eu de traitement discriminatoire lorsqursquoune personne exprime des eacuteleacutements de fait laissant supposer lrsquoexistence drsquoune discrimination

Permettre aux patient-e-s drsquoecirctre accompagneacute-e-s etou repreacutesenteacute-e-s par des associations durant les recours en justice ou les proceacutedures de conciliation lors-qursquoils-elles sont confronteacute-e-s agrave des refus de soins

Ces amendements srsquoappuient sur divers rapports institutionnels et parlementaires ils srsquoinspirent aussi de lrsquoarticle initial sur les refus de soins de la loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (Loi HPST) preacutesenteacutee par Roselyne Bachelot alors ministre de la Santeacute en 2008 Ces propositions ont cependant eacuteteacute escamoteacutees au fil des lectures agrave lrsquoAssembleacutee nationale et au SeacutenatAinsi gracircce agrave ce testing agrave ses retombeacutees meacutediatiques et agrave la mobilisation des mili-tant-e-s de AIDES les lignes ont commenceacute agrave bouger Drsquoune part lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes a vivement reacuteagi et drsquoautre part un amendement agrave lrsquoarticle 19 du projet de loi Santeacute a eacuteteacute voteacute au Seacutenat proposant que lrsquoeacutevaluation de lrsquoexistence des refus de soins soit confieacutee au Deacutefenseur des droits Au moment de la reacutedaction de ce rapport la formulation finale de lrsquoattribution de cette eacutevaluation au Deacutefenseur des droits ou aux diffeacuterents Ordres nrsquoest pas connue

Concernant lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes un rapprochement avec AIDES srsquoest opeacutereacute rapidement afin drsquoeacutetudier les moyens agrave mettre en œuvre pour lutter effica-cement contre les refus de soins Degraves lrsquoannonce des reacutesultats lrsquoOrdre a immeacutediatement reacuteagi et condamneacute ce type de comportement laquo Nul ne peut faire lrsquoobjet de discrimina-tions dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins raquo rappelant que laquo les chirurgiens-den-tistes qui ne respectent pas ce principe fondamental leacutegal et deacuteontologique srsquoexposent agrave des poursuites tant devant les juridictions disciplinaires que peacutenales raquo

123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction de lrsquointerlocuteur-trice

Les refus de soins ou les pratiques discriminatoires sont plus souvent pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les que par les praticien-ne-s voire inexistants srsquoagissant des gyneacutecologuesDans les cabinets dentaires une majoriteacute de secreacutetaires meacutedicaux-les opposent des refus de soins directs aux PVVIH ils-elles sont 78 agrave opposer des refus indirects versus 22 des chirurgiens-dentistes Srsquoagissant de traitements diffeacuterentieacutes entre les PVVIH et leur binocircme supposeacute seacuteroneacutegatif 824 sont eacutemis par des secreacutetaires meacutedicaux-les versus 186 par des dentistesLes refus de soins ou discriminations sont majoritairement pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les Ce constat reacutevegravele soit un manque de formation et de connaissance du VIH qui aboutit agrave des mauvaises pratiques avec le ou la patiente soit lrsquoexistence de directives donneacutees par des praticien-ne-s quant agrave la prise en charge de certain-e-s patient-e-s dont les PVVIH En teacutemoignent les mises en attente majoritairement du fait des secreacutetaires meacutedicaux-les Il est probablement plus facile de donner des ins-tructions agrave son secreacutetariat que drsquoassumer individuellement la responsabiliteacute drsquoun refus

124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des villesMalgreacute des effectifs parfois limiteacutes de chirurgiens-dentistes et de gyneacutecologues par ville les reacutesultats de ce testing preacutesentent une dispariteacute des pheacutenomegravenes de refus de soins et de discriminations sur le territoire national Il nrsquoy a a priori pas de lien entre le lieu drsquoinstallation et lrsquoineacutegaliteacute des pratiques Lrsquoattitude neacutegative des professionnel-le-s agrave lrsquoencontre des PVVIH paraicirct davantage reposer sur des logiques individuelles que sur la deacutemographie meacutedicale ou lrsquoincidence locale du VIH Les reacutesultats du testing ne suggegraverent pas drsquoinfluence de lrsquoenvironnement sur les pratiques des professionnel-le-s On relegraveve que Bourg-en-Bresse Chacircteauroux et le seiziegraveme arrondissement de Paris trois lieux qui preacutesentent une deacutemographie meacutedicale quantitativement contras-teacutee se deacutetachent en matiegravere de proportion de refus de soins ou de pratiques discri-minatoires avec plus de 70 des chirurgiens-dentistes contacteacute-e-s concerneacute-e-s Agrave lrsquoinverse les speacutecialistes du treiziegraveme arrondissement de Marseille et de la ville de Pontoise nrsquoopposent aucun comportement discriminatoirePour les gyneacutecologues dont le nombre est insuffisant en France avec de veacuteritables ineacute-galiteacutes drsquoaccegraves sur le territoire 12 lrsquoeffet des villes semblent jouer un rocircle a minima Pour certaines villes dont la densiteacute meacutedicale pour cette speacutecialiteacute est tregraves faible un nombre limiteacute de professionnel-le-s a eacuteteacute contacteacute empecircchant toute conclusion Cependant il est important de noter que des PVVIH ont pu ecirctre confronteacutees agrave 100 de refus de rendez-vous dans certaines villes

125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave soulignerDe nombreux-ses praticien-ne-s et leur secreacutetariat meacutedical attribuent des rendez-vous aux PVVIH sans eacutevoquer aucun des motifs jugeacutes discriminatoires Pour pregraves de la moitieacute des cabinets dentaires (496 ) et plus de 4 cabinets de gyneacutecologie sur 5 (768 ) les pratiques de soins lrsquoaccueil et la communication sont en tout point conformes agrave la deacuteontologie meacutedicale (figures 5 et 6) Certains ont aussi fait preuve de bienveillance avec une approche globale de la prise en charge meacutedicale de la personne

126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutesLes logiques de preacutecaution occupent une place eacutevidente dans les arguments opposeacutes aux PVVIH au meacutepris de la loi de la deacuteontologie meacutedicale et des recommandations drsquohygiegravene De nos jours les refus de soins ou discriminations agrave leur eacutegard sont drsquoautant plus inacceptables que les mesures de preacutecaution standard ont eacuteteacute maintes fois rappe-leacutees par diverses instances publiques et scientifiques Ces mesures sont conccedilues pour preacutevenir le risque de transmission du VIH du ou de la patiente au personnel meacutedical et inversement et drsquoun ou drsquoune patiente agrave lrsquoautre Ceci est drsquoautant plus important qursquoen-viron un quart des PVVIH ignorent qursquoelles en sont atteintes et peuvent en toute bonne foi ne pas informer le ou la professionnel-le de santeacute de leur seacuterologie Les mesures de preacutecaution standard doivent ecirctre garanties systeacutematiquement dans tous les cabinets meacutedicaux et pour chaque patient-e quel que soit son eacutetat de santeacute

12 Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins Atlas de la deacutemographie meacutedicale en France situation au 1er janvier 2014

768

34 35PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 5 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 6 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

496

41 000 euroLe prix facial sur le marcheacute franccedilais du premier des traitements hautement actifs contre le VHC pour trois mois Sa combinaison avec drsquoautres meacutedicaments peut coucircter plus de 100766500 000 euro selon la dureacutee du traitement

12 VhC qUI SOIGNER

Crsquoest dans ce contexte que le principe drsquoune mise sous traitement seacutelective est acteacute par le ministegravere de la Santeacute Des critegraveres sont eacutetablis pour deacutefinir qui doit acceacuteder prioritai-rement aux nouveaux traitements innovants contre le VHC Ce choix et ses traductions opeacuterationnelles sont supposeacutes concilier le droit agrave la protection de la santeacute la santeacute publique et des populations mais aussi lrsquoeacutequilibre des finances publiques et la peacuteren-niteacute du systegraveme de protection sociale franccedilais Des recommandations drsquoexpert-e-s pour la mise sous traitement ont eacuteteacute fixeacutees courant 2014 mais finalement restreintes par un avis de la HAS ensuite en 2015 Ceci alors que la socieacuteteacute franccedilaise drsquoheacutepatologie a elle-mecircme confirmeacute en juin de la mecircme anneacutee les recommandations drsquoaccegraves eacutelargies de 2014

101048110104821010481 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexpertsDes recommandations ont drsquoabord eacuteteacute proposeacutees en mai 2014 dans un Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C dit rapport Dhumeaux Ce rapport a eacuteteacute commandeacute par la ministre de la Santeacute en janvier 2013 agrave lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) et lrsquoAssociation franccedilaise pour lrsquoeacutetude du foie (AFEF) De nombreux-ses praticien-ne-s universitaires et des repreacutesentant-e-s drsquoassociations drsquousager-e-s du systegraveme de santeacute sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux ont participeacute agrave son eacutelaboration Ainsi pour les personnes vivant avec une heacutepatite C les recommandations de mise sous trai-tement reposent notamment sur lrsquoavancement de la maladie crsquoest-agrave-dire les stades de fibrose supeacuterieurs ou eacutegaux agrave 2 13 qui indiquent lrsquoeacutetat drsquoavancement de lrsquoimpact du virus sur le foie Les experts ont par ailleurs distingueacute certaines populations pour lesquelles la mise sous traitement est preacuteconiseacutee quel que soit le stade de fibrose

Les patient-e-s ayant des manifestations extra-heacutepatiques seacutevegraveres Les patient-e-s en attente de transplantation heacutepatique ou reacutenale (pour tenter drsquoeacuteradiquer le virus avant la transplantation)

Au cas par cas les femmes ayant un deacutesir de grossesse Les personnes co-infecteacutees VIH-VHC Les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse Les personnes deacutetenues (avec lrsquoobjectif dans ces deux derniegraveres populations drsquoune reacuteduction du risque de transmission) 14

Si le rapport Dhumeaux propose une seacutelection des patient-e-s notamment au regard du prix il inscrit ces recommandations dans une perspective de ralentissement de lrsquoeacutepi-deacutemie et se distingue en ce sens de la HAS

101048110104821010482 Les recommandations restrictives de la hASLa HAS contribue laquo agrave la reacutegulation du systegraveme de santeacute raquo et a donc comme mission drsquolaquo assurer agrave tous les patients et usagers un accegraves peacuterenne et eacutequitable agrave des soins aussi efficaces sucircrs et efficients que possible raquo 15 Les recommandations eacutetablies par la HAS srsquoimposent aux professionnel-le-s meacutedicaux-cales Contrairement agrave la perspective du rapport Dhumeaux la HAS ne considegravere pas que laquo les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC [soient] reacuteunies raquo Elle en tire les conseacutequences et ne recommande qursquolaquo une strateacutegie de traitement des patients dans lrsquoobjectif drsquoune gueacute-rison virologique individuelle raquo avec des recommandations de stade de fibrose plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux Ainsi la HAS limite lrsquoaccegraves aux traitements innovants aux stades de fibrose du foie F2 seulement sous certaines conditions drsquoeacutevolution F3 et F4 ainsi qursquoagrave tous les stades pour certaines populations personnes co-infecteacutees VIH et VHC personnes atteintes de cryoglobulineacutemie mixte systeacutemique et symptomatique personnes atteintes de lym-phome B associeacute au VHC 16 La HAS eacutecarte en revanche des populations cibleacutees par le rapport drsquoexperts Dhumeaux notamment les usager-e-s de drogues et les personnes deacutetenues qui relegraveveraient drsquoune approche non speacutecifique et donc du cadre geacuteneacuteral La France est assez isoleacutee en Europe sur des recommandations de traitement et de non traitement arrecircteacutees sur les stades de fibrose

11 DES TRAITEMENTS INNOVANTS Agrave PRIX TREgraveS EacuteLEVEacuteS

Les limites eacuteconomiques agrave la prescription notamment sur la base de recommandations deacutefinies par la Haute autoriteacute de santeacute (HAS) sont notamment mises en lumiegravere par les prix des nouveaux traitements contre le VHC Aujourdrsquohui diffeacuterents traitements inno-vants contre le VHC les antiviraux agrave action directe sont sur le marcheacute Ils repreacutesentent des avanceacutees theacuterapeutiques majeures offrant un taux de gueacuterison virologique tregraves eacuteleveacute avec des dureacutees de traitements courtes et des effets indeacutesirables limiteacutes Si les associations investies dans le champ de la lutte contre les heacutepatites virales ndash Collectif Heacutepatites Virales (CHV) SOS heacutepatites TRT-5 Comegravede Meacutedecins du Monde (MdM) Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) AIDES ndash saluent lrsquoespoir drsquoune fin proche de lrsquoeacutepideacutemie de VHC elles se sont rapidement alarmeacutees sur le prix de ces nouveaux traitements Sur le marcheacute franccedilais le prix facial du premier de ces traitements hautement actifs contre le VHC (Sovaldisofosbuvir) a eacuteteacute fixeacute agrave 41 000 euro pour trois mois de traitement Ce traitement ne srsquoutilise jamais seul mais en association avec drsquoautres Certaines combinaisons peuvent coucircter plus de 100 000 euro selon la dureacutee (des traitements de six mois sont parfois neacutecessaires)Alors que la France meacutetropolitaine compte plus de 200 000 personnes vivant avec le VHC de tels prix constituent clairement un deacutefi pour les finances publiques et la peacuterenniteacute drsquoun systegraveme de santeacute solidaire En conseacutequence et pour la premiegravere fois en France ce prix participe agrave ce que lrsquoon peut consideacuterer comme un rationnement avec des mises sous traitement sur la base drsquoavis et de dispositions restrictifs

Meacutedicaments quels prix Le prix du meacutedicament nrsquoest pas libre il est fixeacute par convention entre le laboratoire lrsquoexploitant et le Comiteacute eacuteconomique des produits de santeacute (CEPS) sur la base de cri-tegraveres deacutefinis agrave lrsquoarticle L162-16-4 du Code de santeacute publique laquo La fixation de ce prix tient compte principalement de lrsquoameacutelioration du service meacutedical rendu (SMR) appor-teacutee par le meacutedicament le cas eacutecheacuteant des reacutesultats de lrsquoeacutevaluation meacutedico-eacutecono-mique des prix des meacutedicaments agrave mecircme viseacutee theacuterapeutique des volumes de vente preacutevus ou constateacutes ainsi que des conditions preacutevisibles et reacuteelles drsquoutilisation du meacutedi-cament raquo Agrave cela srsquoajoute aussi la coheacuterence avec les conditions de commercialisation preacutevues dans les grands Eacutetats europeacuteens Seul le prix facial est public crsquoest-agrave-dire le prix rembourseacute par lrsquoassurance maladie Le CEPS et les laboratoires peuvent neacutegocier des dispositifs de remises drsquoougrave un prix reacuteel diffeacuterent (voire tregraves diffeacuterent) de ce prix facial Les dispositifs de remises et le prix reacuteel nrsquoeacutetant pas publics les prescripteurs et usager-e-s nrsquoont connaissance que du prix facial

Le droit agrave la protection de la santeacute interdit toute forme de discriminations dans lrsquoaccegraves aux soins Cependant si les discriminations sont interdites lrsquouniversaliteacute de lrsquoaccegraves agrave certains soins et traitements nrsquoest pas pour autant garantie Crsquoest le cas des nouveaux traitements contre le virus de lrsquoheacutepatite C (VHC) dont le prix exorbitant a forceacute agrave deacutefinir des critegraveres de seacutelection des patient-e-s et agrave renoncer agrave lrsquoaccegraves universel

Bien que fondamental le droit agrave la protec-tion de la santeacute sans discrimination (voir page 25) peut connaicirctre certaines limites agrave son effectiviteacute en particulier sur le plan financier Il deacutepend en effet des choix opeacutereacutes au regard des deacutepenses publiques de lrsquoEacutetat et de la seacutecuriteacute sociale et notamment par rapport aux prix des meacutedicaments et des produits de santeacute Lrsquoarticle 8 du Code de deacuteontologie meacutedi-cale (R4127-8 du Code de santeacute publique) preacutecise que laquo Dans les limites fixeacutees par la loi le meacutedecin est libre de ses pres-criptions qui seront celles qursquoil estime les plus approprieacutees en la circonstance Il doit sans neacutegliger son devoir drsquoassistance morale limiter ses prescriptions et ses actes agrave ce qui est neacutecessaire agrave la qualiteacute agrave la seacutecuriteacute et agrave lrsquoefficaciteacute des soins Il doit tenir compte des avantages des incon-veacutenients et des conseacutequences des diffeacute-rentes investigations et theacuterapeutiques possibles raquo Si la liberteacute de prescription est ici recon-nue elle connaicirct donc certaines limites leacutegales dont celle imposeacutee par lrsquoarticle L162-2-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo Les meacutedecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions drsquoobserver dans le cadre de la leacutegislation et de la reacuteglementation en vigueur la plus stricte eacuteconomie compatible avec la qualiteacute la seacutecuriteacute et lrsquoefficaciteacute des soins raquo ce notamment sur la base des laquo recomman-dations ou avis meacutedico-eacuteconomiques de la Haute autoriteacute de santeacute raquo

13 Stades de fibrose F0 pas de fibrose F1 fibrose leacutegegravere F2 fibrose modeacutereacutee F3 fibrose seacutevegravere F4 cirrhose14 Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C 2014 p 25015 httpwwwhas-santefrportailjcmsfc_1249599frla-has16 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf

36 37

DROIT APPLICABLE

1  LE cAS dES TrAITEmENTS INNoVANTS 

coNTrE LrsquoHEacutePATITE c mdash

dIFFIcULTEacuteS drsquoAccEgraveS  AUx TrAITEmENTS

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

38 39

Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

59

40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

Rejoignez AIDES sur les reacuteseaux sociaux facebookcomaides assoAIDES

Page 6: AIDES Rapport Discrim

1LE droIT   Agrave LrsquoINSTrUcTIoN   

ET AU TrAVAIL

AIDES a plus de 30 ans aujourdrsquohui et son investissement en faveur du droit agrave lrsquoins-truction et agrave lrsquoemploi des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) est aussi ancien Ce combat a eacutevolueacute de bien des maniegraveres et pourtant les difficulteacutes semblent rester les mecircmes discriminations agrave lrsquoembauche deacutefaut de visibiliteacute de la seacuteropositiviteacute au travail discriminations de la part de collegravegues et parfois de la hieacuterarchie quels que soient la taille de lrsquoentreprise le secteur public ou priveacute etc Degraves 1992 les guides Droit et Sida de AIDES consacrent de tregraves grandes parties de leur contenu agrave lrsquoemploi En 2000 lrsquoassociation lance lrsquoenquecircte laquo Entre contraintes eacuteconomiques et volonteacutes sociales quelle place pour les personnes seacuteropositives le point de vue des acteurs de lrsquoentreprise raquo suivi des enquecirctes laquo AIDES et toi raquo et laquo VIH heacutepatites et vous raquo qui portent en particulier sur les ressources lrsquoaccegraves et le maintien dans lrsquoemploi des PVVIH

11 LES MEacuteTIERS PREacuteTENDUMENT INTERDITS AUX PVVIh LE POIDS DES REPREacuteSENTATIONS ET DES IDEacuteES REccedilUES

Le combat continu de AIDES en la matiegravere porte aussi sur les meacutetiers juridiquement interdits et ceux dont on suppose agrave tort qursquoils le sont agrave partir drsquoideacutees reccedilues et preacuteten-dus risques La brochure laquo VIH-sida et milieu du travail guide de sensibilisation raquo eacutediteacutee en 2001 par AIDES avec le soutien de lrsquoAssociation de gestion du fonds pour lrsquoinsertion professionnelle des personnes handicapeacutees (AGEFIPH) ainsi que du ministegravere de lrsquoEm-ploi et de la Solidariteacute eacutenumeacuterait comme exemples des meacutetiers faussement interdits

Cadre en fonction de responsabiliteacute en raison des absences possibles Les meacutetiers de la restauration et meacutetiers de bouche en raison de la fatigue du contact avec le public et du laquo risque de transmission par le biais des aliments raquo

Le secteur de lrsquoenfance et de lrsquoeacuteducation en raison du laquo risque de transmission aupregraves des enfants raquo

Le secteur meacutedical idem ci-dessus (enfants et adultes) Le secteur du bacirctiment et des travaux publics et plus largement les meacutetiers laquo physiques raquo agrave cause de la fatigue

Le secteur social les personnes seacuteropositives seraient laquo deacutepressives raquo il faut donc eacuteviter le contact avec le public

Les meacutetiers du nettoyage et les hocirctes de caisse agrave cause des horaires deacutecaleacutes et de la fatigue

Les meacutetiers avec du relationnel ou de la communication car les personnes seacuteropositives seraient laquo deacutepressives raquo

etcCes ideacutees reccedilues identifieacutees sur la base de formations agrave lrsquoinitiative de AIDES aupregraves drsquoopeacuterateurs drsquoinsertion teacutemoignent laquo du manque drsquoinformation principalement sur les effets des traitements et lrsquoeacutetat des repreacutesentations concernant les personnes toucheacutees raquo

12 LA PERSISTANCE DE fORMATIONS ET DE MEacuteTIERS jURIDIqUEMENT INTERDITS

Au-delagrave de ces repreacutesentations et ideacutees reccedilues lrsquoaccegraves agrave certaines formations et agrave certains emplois est encore juridiquement interdit en contradiction directe avec les principes du droit franccedilais Sans preacutetendre agrave une approche exhaustive AIDES srsquoest par-ticuliegraverement pencheacutee ces derniers mois sur trois cas les arts du cirque la magistrature et lrsquoarmeacutee franccedilaise Afin de conforter son analyse dans la perspective drsquoune eacutevolution du droit applicable elle a saisi en octobre 2015 le Deacutefenseur des droits agrave ce sujet

11

VIH des conditions deacutefavorables drsquoaccegraves et de maintien dans lrsquoemploi 1

Depuis une quinzaine drsquoanneacutees les pro-gregraves theacuterapeutiques ont permis agrave un nombre croissant de PVVIH de poursuivre durablement une activiteacute professionnelle comme le deacutemontrent les rapports drsquoex-perts successifs sur leur prise en charge meacutedicale Des associations ont aussi œuvreacute pour le deacuteveloppement de pro-grammes speacutecifiques drsquoaccegraves agrave lrsquoinsertion professionnelle et agrave lrsquoemploi comme par exemple Ikambere ou BasiliadeNeacuteanmoins le VIH demeure en soi un facteur de fragilisation des parcours pro-fessionnels et de paupeacuterisation y com-pris pour des personnes initialement bien inseacutereacutees dans lrsquoemploi Le taux de PVVIH ayant un emploi est infeacuterieur agrave celui de la population geacuteneacute-rale (57 versus 64 enquecircte ANRS-Vespa 2 2013) Entre 2003 et 2011 lrsquoaugmentation de leur taux de chocircmage est significative de maniegravere geacuteneacuterale (+4 ) et forte sur des publics speacutecifiques (femmes migrantes +10 ) Lrsquoenquecircte laquo VIH Heacutepatites et vous raquo (AIDES 2011) souligne un risque drsquoecirctre sans emploi 5 fois plus eacuteleveacute pour les PVVIH que pour la population geacuteneacuterale Si plus des deux tiers des PVVIH ayant perdu leur emploi depuis lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute souhaitent retravailler elles rencontrent des difficulteacutes drsquoac-cegraves quels que soient les secteurs public comme priveacute Plus le nombre drsquoanneacutees de vie avec le VIH augmente plus le taux drsquoemploi diminue La stigmatisation et la discrimination sont toujours preacutesentes dans le milieu professionnel 62 des PVVIH main-tiennent le secret sur leur eacutetat de santeacute au travail Les personnes peinent souvent agrave eacutevaluer le risque de parler ou pas de leur pathologie

1 Sources Enquecircte ANRS-Vespa 2 (BEH ndeg 2627 du 2 juillet 2013 premiers reacutesultats de lrsquoenquecircte ANRS-Vespa 2) IRDES Enquecircte laquo VIH Heacutepatites et vous raquo (EUSD du 18 au 23 octobre 2010) Focus emploi AIDES 2011 Rapport drsquoexperts et recommandations pour la prise en charge meacutedicale des PVVIH laquo Morlat raquo 2013 Chapitre laquo conditions de vie raquo p 440 et s

1TrAVAIL SEacuteroPoSITIVITEacute  ET dIScrImINATIoNS   

UNE HISToIrE AUSSI VIEILLE  qUE LrsquoEacutePIdEacutemIE 

mdashLes stigmatisations et les discriminations associeacutees au VIH ou aux heacutepatites existent dans le milieu professionnel aussi bien dans le secteur public que priveacute Elles peuvent srsquoinscrire dans les relations individuelles mais elles sont aussi parfois structurelles voire reacuteglementaires Ainsi lrsquoaccegraves agrave certaines formations et agrave certains emplois est refuseacute aux personnes vivant avec le VIH alors mecircme que les progregraves theacuterapeutiques ont deacutemontreacute leur efficaciteacute tant en matiegravere de reacuteduction des effets indeacutesirables que sur lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute

En matiegravere de droit du travail les textes de droit inter-national et de droit franccedilais sont tregraves nombreux et inter-disent les discriminations lieacutees agrave lrsquoeacutetat de santeacuteLes refus drsquoaccegraves agrave un emploi ou agrave une formation les licenciements fondeacutes sur lrsquoeacutetat de santeacute ou le handicap sont consideacutereacutes comme discriminatoires et peuvent faire lrsquoobjet de sanctions preacutevues dans diffeacuterents textes (Code peacutenal Code civil etc) Malgreacute lrsquoexistence de dis-positifs leacutegaux les discriminations lieacutees agrave lrsquoeacutetat de santeacute demeurent nombreuses dans le milieu professionnelEn 2014 13 des saisines du Deacutefenseur des droits en matiegravere de discriminations interviennent au titre du cri-tegravere de lrsquoeacutetat de santeacute notamment pour des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi (refus drsquoembauche agrave lrsquoannonce de la maladie) ou des difficulteacutes de maintien dans lrsquoemploi (refus des employeurs de mettre en place des ameacutena-gements raisonnables) Selon le 6e baromegravetre sur le res-senti des discriminations dans lrsquoemploi du Deacutefenseur des droits et de lrsquoOrganisation internationale du travail (OIT) lrsquoeacutetat de santeacute est source de pressions dans le monde professionnel Parmi les personnes deacuteclarant avoir eacuteteacute victimes de discrimination 12 estiment que celle-ci eacutetait lieacutee agrave leur eacutetat de santeacute La situation des personnes vivant avec le VIH reste difficile en particulier dans la sphegravere professionnelle en raison drsquoune grande meacutecon-naissance de la maladie de lrsquoimage neacutegative et tenace de la seacuteropositiviteacute Lutter contre les discriminations et les preacutejugeacutes concilier maladie chronique et emploi informer les personnes et les employeurs simplifier et ameacuteliorer les dispositifs de maintien dans lrsquoemploi des personnes malades sont autant de deacutefis agrave relever

Droit international Les engagements de la France aux niveaux europeacuteen et international sur le droit du travail sont nombreux Le Pacte international relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et culturels (PIDESC) adopteacute dans le cadre des Nations unies le 16 deacutecembre 1966 entreacute en vigueur en France le 4 feacutevrier 1981 pose notamment un principe de non-discrimination pour la jouissance des droits qursquoil eacutenonce (article 2-2deg) le droit au travail (article 6) le droit de toute personne agrave un niveau de vie suffisant (article 11-1deg) et le droit agrave lrsquoeacuteducation (article 13) Ce dernier article preacutecise que le droit agrave lrsquoeacuteducation inclut lrsquoensei-gnement primaire obligatoire et accessible gratuitement agrave tous lrsquoenseignement secondaire sous ses diffeacuterentes formes y compris lrsquoenseignement secondaire technique et professionnel geacuteneacuteraliseacute et accessible agrave tous lrsquoensei-gnement supeacuterieur accessible agrave tous en pleine eacutegaliteacute

Selon la convention 111 de lrsquoorganisation internationale du travail de 1958 contre les discriminations dans lrsquoem-ploi et les professions ratifieacutee par la France et entreacutee en vigueur en avril 1981 la Reacutepublique srsquoengage notam-ment agrave lrsquoarticle 3 agrave laquo a) srsquoefforcer drsquoobtenir la collaboration des organisa-

tions drsquoemployeurs et de travailleurs et drsquoautres organismes approprieacutes pour favoriser lrsquoacceptation et lrsquoapplication de cette politique

b) promulguer des lois et encourager des programmes drsquoeacuteducation propres agrave assurer cette acceptation et cette application

c) abroger toute disposition leacutegislative et modifier toute disposition ou pratique administratives qui sont incompatibles avec ladite politique

d) suivre ladite politique en ce qui concerne les emplois soumis au controcircle direct drsquoune autoriteacute nationale

e) assurer lrsquoapplication de ladite politique dans les acti-viteacutes des services drsquoorientation professionnelle de formation professionnelle et de placement soumis au controcircle drsquoune autoriteacute nationale raquo

Lrsquoarticle 1 de cette convention preacutecise que lrsquoaccegraves agrave lrsquoem-ploi inclut lrsquoaccegraves agrave la formation en vue drsquoacceacuteder agrave cet emploiLe droit europeacuteen interdit eacutegalement les discriminations agrave raison de lrsquoeacutetat de santeacute dans le champ de lrsquoemploiAgrave lrsquoorigine de nombreuses eacutevolutions jurisprudentielles dans de nombreux pays europeacuteens dont la France la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales (CEDH) du 4 novembre 1950 entreacutee en vigueur en France le 21 sep-tembre 1970 en son article 14 pose de mecircme un principe de non-discrimination laquo La jouissance des droits et liber-teacutes reconnus dans la preacutesente Convention doit ecirctre assu-reacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance ou toute autre situation raquo Bien que la CEDH ne proclame pas de droits en matiegravere eacutecono-mique et sociale il reacutesulte de la combinaison de lrsquoarticle 1er du protocole ndeg 1 (qui garantit le respect du droit de proprieacuteteacute et plus largement drsquoapregraves la Cour les droits patrimoniaux) de lrsquoarticle 2 du protocole ndeg 1 (qui garan-tit le droit agrave lrsquoinstruction) et de lrsquoarticle 14 de la CEDH un principe de non-discrimination en matiegravere de droits sociaux et de droit agrave lrsquoinstructionLa charte sociale europeacuteenne du 18 octobre 1961 entreacutee en vigueur en France le 8 avril 1973 garantit le droit au travail (article 1) le droit agrave la formation professionnelle (article 10) et le droit de toute personne agrave la protection contre la pauvreteacute et lrsquoexclusion sociale (article 30) La jouissance de tous ces droits est en outre compleacuteteacutee par une clause geacuteneacuterale de non-discriminationCes principes internationaux et europeacuteens ont enfin eacuteteacute rappeleacutes en 2000 par la Directive europeacuteenne CE ndeg 200078CE portant sur la creacuteation drsquoun cadre geacuteneacute-ral en faveur de lrsquoeacutegaliteacute de traitement en matiegravere drsquoem-ploi Cette directive srsquoimpose agrave lrsquoensemble des pays membres de lrsquoUnion Europeacuteenne

Droit franccedilaisSi les textes internationaux sont nombreux et preacutecis sur le droit agrave la formation et agrave lrsquoemploi sans discrimination le droit franccedilais nrsquoest pas en reste Le droit au travail reconnu par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 est un droit agrave valeur constitutionnelle Il est garanti sans discrimination dans le Code peacutenal ainsi que dans le Code civil agrave travers le droit au respect de la vie priveacutee et speacuteci-fiquement dans le Code du travail

Preacuteambule de la Constitution de 1946Chacun a le devoir de travailler et le droit drsquoobtenir un emploi Nul ne peut ecirctre leacuteseacute dans son travail ou son emploi en raison de ses origines de ses opinions ou de ses croyancesLa Nation garantit lrsquoeacutegal accegraves de lrsquoenfant et de lrsquoadulte agrave lrsquoinstruction agrave la formation professionnelle et agrave la culture Lrsquoorganisation de lrsquoenseignement public gratuit et laiumlque agrave tous les degreacutes est un devoir de lrsquoEacutetatFidegravele agrave sa mission traditionnelle la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge agrave la liberteacute de srsquoadministrer eux-mecircmes et de geacuterer deacutemocratique-ment leurs propres affaires eacutecartant tout systegraveme de colonisation fondeacute sur lrsquoarbitraire elle garantit agrave tous lrsquoeacutegal accegraves aux fonctions publiques et lrsquoexercice indi-viduel ou collectif des droits et liberteacutes proclameacutes ou confirmeacutes ci-dessus

Code peacutenal Interdiction des discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi

article 225-1Constitue une discrimination toute distinction opeacutereacutee entre les personnes physiques agrave raison de leur origine de leur sexe de leur situation de famille de leur grossesse de leur apparence physique de leur patronyme de leur lieu de reacutesidence de leur eacutetat de santeacute de leur handicap de leurs caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de leurs mœurs de leur orientation ou identiteacute sexuelle de leur acircge de leurs opinions politiques de leurs activiteacutes syndicales de leur appartenance ou de leur non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une race ou une religion deacutetermineacutee

article 225-2 La discrimination deacutefinie aux articles 225-1 et 225-1-1 commise agrave lrsquoeacutegard drsquoune personne physique ou morale est punie de trois ans drsquoemprisonnement et de 45 000 euros drsquoamende lorsqursquoelle consiste 3deg Agrave refuser drsquoembaucher agrave sanctionner ou agrave licencier une personne 5deg Agrave subordonner une offre drsquoemploi une demande de stage ou une peacuteriode de formation en entreprise agrave une condition fondeacutee sur lrsquoun des eacuteleacutements viseacutes agrave lrsquoarticle 225-1 ou preacutevue agrave lrsquoarticle 225-1-1

article 225-3 Les dispositions de lrsquoarticle preacuteceacutedent ne sont pas appli-cables 1deg Aux discriminations fondeacutees sur lrsquoeacutetat de santeacute lors-qursquoelles consistent en des opeacuterations ayant pour objet la preacutevention et la couverture du risque deacutecegraves des risques portant atteinte agrave lrsquointeacutegriteacute physique de la personne ou des risques drsquoincapaciteacute de travail ou drsquoinvaliditeacute 2deg Aux discriminations fondeacutees sur lrsquoeacutetat de santeacute ou le handicap lorsqursquoelles consistent en un refus drsquoembauche ou un licenciement fondeacute sur lrsquoinaptitude meacutedicalement constateacutee soit dans le cadre du titre IV du livre II du Code du travail soit dans le cadre des lois portant dispositions statutaires relatives agrave la fonction publique

Code civil Respect de la vie priveacutee

article 9 Chacun a droit au respect de sa vie priveacutee

Code du travail Interdiction des discriminations dans lrsquoemploi

article l1132-1Aucune personne ne peut ecirctre eacutecarteacutee drsquoune proceacutedure de recrutement ou de lrsquoaccegraves agrave un stage ou agrave une peacuteriode de formation en entreprise aucun salarieacute ne peut ecirctre sanctionneacute licencieacute ou faire lrsquoobjet drsquoune mesure discri-minatoire directe ou indirecte telle que deacutefinie agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations notam-ment en matiegravere de reacutemuneacuteration au sens de lrsquoarticle L3221-3 de mesures drsquointeacuteressement ou de distribution drsquoactions de formation de reclassement drsquoaffectation de qualification de classification de promotion profes-sionnelle de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine de son sexe de ses mœurs de son orientation ou identiteacute sexuelle de son acircge de sa situation de famille ou de sa grossesse de ses carac-teacuteristiques geacuteneacutetiques de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation ou une race de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales ou mutualistes de ses convictions religieuses de son apparence physique de son nom de famille de son lieu de reacutesidence ou en raison de son eacutetat de santeacute ou de son handicap

Obligation drsquoameacutenagement raisonnable permettant le maintien dans lrsquoemploi

article 6 sexies de la loi ndeg 83-634 du 13 juillet 1983 dite le pors Afin de garantir le respect du principe drsquoeacutegaliteacute de traitement agrave lrsquoeacutegard des travailleurs handicapeacutes les employeurs viseacutes agrave lrsquoarticle 2 prennent en fonction des besoins dans une situation concregravete les mesures appro-prieacutees pour permettre aux travailleurs mentionneacutes aux 1deg 2deg 3deg 4deg 9deg 10deg et 11deg de lrsquoarticle L323-3 du Code du travail drsquoacceacuteder agrave un emploi ou de conserver un emploi correspondant agrave leur qualification de lrsquoexercer et drsquoy progresser ou pour qursquoune formation adapteacutee agrave leurs besoins leur soit dispenseacutee sous reacuteserve que les charges conseacutecutives agrave la mise en œuvre de ces mesures ne soient pas disproportionneacutees notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les deacutepenses supporteacutees agrave ce titre par lrsquoemployeur

article l5213-6 du code du travailAfin de garantir le respect du principe drsquoeacutegaliteacute de traite-ment agrave lrsquoeacutegard des travailleurs handicapeacutes lrsquoemployeur prend en fonction des besoins dans une situation concregravete les mesures approprieacutees pour permettre aux travailleurs mentionneacutes aux 1deg agrave 4deg et 9deg agrave 11deg de lrsquoar-ticle L5212-13 drsquoacceacuteder agrave un emploi ou de conserver un emploi correspondant agrave leur qualification de lrsquoexercer ou drsquoy progresser ou pour qursquoune formation adapteacutee agrave leurs besoins leur soit dispenseacuteeCes mesures sont prises sous reacuteserve que les charges conseacutecutives agrave leur mise en œuvre ne soient pas dis-proportionneacutees compte tenu de lrsquoaide preacutevue agrave lrsquoarticle L5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les deacutepenses supporteacutees agrave ce titre par lrsquoemployeurLe refus de prendre des mesures au sens du premier ali-neacutea peut ecirctre constitutif drsquoune discrimination au sens de lrsquoarticle L1133-3

DROIT APPLICABLE

12 13PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Le VIH et ses conseacutequences sur la vie des personnes concerneacutees ne sauraient affec-ter a priori lrsquoaptitude agrave exercer la profession de magistrat Exclure les PVVIH de maniegravere geacuteneacuterale apparaicirct disproportionneacute et injustifieacute au regard de lrsquoactiviteacute en cause Lrsquoinfection est aujourdrsquohui laquo controcircleacutee raquo chez la plupart drsquoentre elles et en particulier chez celles contamineacutees apregraves 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies Cette condition anteacuterieure agrave lrsquoapparition du virus preacutevue par une ordonnance de 1958 pour drsquoautres pathologies fait subsister une exigence anachronique discriminante et stigmatisante Forte de ces constats AIDES interpelle donc le directeur de lrsquoENM la direction des ser-vices judiciaires le ministegravere de la Santeacute et la garde des Sceaux Dans un courrier en date de 11 feacutevrier 2014 cette derniegravere indique partager notre ana-lyse sur cette discrimination anachronique Elle propose de modifier en conseacutequence lrsquoarticle 16-5deg de lrsquoordonnance statutaire des magistrats afin que les conditions drsquoap-titude physique rejoignent celles applicables agrave lrsquoensemble de la fonction publique Les conditions seraient donc similaires agrave celles exigeacutees pour des concours comparables et en particulier celles de lrsquoEacutecole nationale drsquoadministration Elle entend proceacuteder agrave cette modification dans une prochaine loi organique relative au statut de la magistratureAu moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport cette modification nrsquoest toujours pas opeacutereacutee Elle est cependant bien preacutevue par lrsquoarticle 4 du projet de loi organique relatif agrave lrsquoindeacutepen-dance et lrsquoimpartialiteacute des magistrats et agrave lrsquoouverture de la magistrature sur la socieacuteteacute deacuteposeacute par Christiane Taubira le 31 juillet 2015 au Parlement laquo La condition drsquoaptitude physique est eacutegalement modifieacutee pour lrsquoaligner sur celle preacutevue pour les concours de la fonction publique raquo Lrsquoeacutetude drsquoimpact de lrsquoarticle constate lrsquoobsolescence de la condition drsquoaptitude physique en preacutecisant que laquo Cette reacutedaction date de la version initiale de lrsquoordonnance statutaire Agrave la diffeacuterence des dispositions similaires du statut geacuteneacuteral des fonctionnaires preacuteciteacute cet article nrsquoa pas eacuteteacute modifieacute depuis 1958 raquo De mecircme que AIDES puis la ministre dans sa reacuteponse lrsquoeacutetude drsquoimpact reconnaicirct lrsquoinconstitutionnaliteacute de cette conditionLe projet de loi preacutevoit que les mots laquo et ecirctre reconnus indemnes ou deacutefinitive-ment gueacuteris de toute affection donnant droit agrave un congeacute de longue dureacutee raquo soient remplaceacutes par les mots laquo compte tenu des possibiliteacutes de compensation du handi-cap raquo Le statut de magistrat srsquoalignerait en ce sens sur le statut applicable pour la fonction publiqueAgrave lrsquooccasion de lrsquoexamen de ce texte programmeacute agrave lrsquoautomne 2015 AIDES sera vigi-lante agrave ce que cette modification aboutisse

21 LrsquoEacuteCOLE NATIONALE DU CIRqUE UNE EXCLUSION VITE ABROGEacuteE

En mai 2014 une infirmiegravere scolaire constate sur le dossier de candidature agrave lrsquoEacutecole nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois (ENACR) une demande surprenante lrsquoeacutecole exige une seacuterologie VIH Une telle demande laisse preacutesumer que les PVVIH ne seraient pas admises agrave cette formation et agrave cette activiteacute Lrsquoinfirmiegravere prend contact avec AIDES afin de se renseigner sur le bien-fondeacute et la leacutegaliteacute de cette demande Lrsquoinfirmiegravere scolaire interpelle aussi le journal Causette qui rend compte de lrsquoaffaire dans un article publieacute en juin 2014 et rapporte des eacutechanges avec des responsables de lrsquoENACR pour le moins confus et marqueacutes par des repreacutesentations sur les modes de transmission et les pratiques des eacutetudiants Lrsquoeacutecole reconnaicirct cependant une mala-dresse laquo le test ne sera plus obligatoire mais fortement conseilleacute raquo 2 Causette comme AIDES sont drsquoaccord sur un point cela ne change rien ou si peuhellip Une telle eacutevolution induit une suspicion pour les candidats qui ne preacutesenteraient pas ce test seacuterologique et maintient le preacutesupposeacute qursquoecirctre porteur du VIH nrsquoest pas compatible avec les activiteacutes circassiennesAIDES interpelle alors le ministegravere de la Jeunesse et des Sports lrsquoOrdre des meacutedecins lrsquoinspection acadeacutemique de Seine-Saint-Denis et bien sucircr lrsquoENACR et son meacutedecin reacutefeacuterent Les courriers deacutenoncent laquo la suspicion induite agrave lrsquoeacutegard des candidats seacutero-positifs raquo qui laquo sous-entend qursquoil y aurait des risques reacuteels de contamination dans les activiteacutes circassiennes ce qui constitue une discrimination aveacutereacutee en raison de lrsquoeacutetat de santeacute raquo Se refusant agrave deacutenoncer sans proposer de solution cette lettre invite agrave une ren-contre des diffeacuterent-e-s acteurs-trices concerneacute-e-s afin de faire eacutevoluer les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoENACRCette rencontre nrsquoaura pas lieu Le 26 juin le matin mecircme de la reacuteception du courrier envoyeacute par AIDES le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem alors ministre de la Jeunesse et des Sports prend contact avec AIDES pour demander des renseignements compleacute-mentaires Le mecircme jour lrsquoeacutecole annonce la fin de cette condition pour candidater consideacuterant que la demande est disproportionneacutee et injustifieacutee Lrsquoeacutecole regrette de nrsquoavoir pu srsquoexpliquer de vive voix Constateacutee en mai 2014 avec un retrait de la condition discriminatoire en juin de la mecircme anneacutee agrave peine un mois plus tard cette situation a eacuteteacute geacutereacutee avec une tregraves grande reacuteactiviteacute que AIDES tient agrave saluer

22 MAGISTRATURE UNE INTERDICTION DEPUIShellip 1958

Dans le cadre de ses actions de preacutevention et de soutien aupregraves des PVVIH des mili-tant-e-s de AIDES ont eacuteteacute interrogeacute-e-s en 2013 par une personne craignant de ne pouvoir candidater agrave lrsquoEacutecole nationale de la magistrature (ENM) du fait de son statut seacuterologique Une demande similaire a eacuteteacute adresseacutee au siegravege de AIDES en feacutevrier 2015 Apregraves veacuterification il srsquoavegravere en effet que lrsquoarticle 16 de lrsquoordonnance ndeg 58-1270 du 22 deacutecembre 1958 sur le statut de magistrat exige de laquo remplir les conditions drsquoaptitu-des physiques neacutecessaires agrave lrsquoexercice des fonctions et ecirctre reconnu indemne ou deacutefi-nitivement gueacuteri de toute affection donnant droit agrave un congeacute de longue dureacutee (CLD) raquo Lrsquoaptitude physique requise pour assurer les fonctions de magistrat conditionne eacutegale-ment lrsquoentreacutee agrave lrsquoENM Or le laquo deacuteficit immunitaire grave et acquis raquo donne droit au CLD les PVVIH sont donc toutes exclues de la magistratureSelon AIDES cette situation constitue une discrimination agrave lrsquoemploi agrave lrsquoencontre des PVVIH prohibeacutee par le droit franccedilais et en contradiction directe avec lrsquoalineacutea 18 du Preacuteambule de la constitution de 1946 sur lrsquoaccegraves de tous et toutes les citoyen-ne-s agrave la fonction publique

Comment avez-vous eu connaissance de la dispo-sition leacutegale excluant la candidature des personnes vivant avec le VIH de lrsquoeacutecole nationale de la magistra-ture (ENM) Crsquoest en preacuteparant mon dossier drsquoaccegraves agrave lrsquoENM que jrsquoai pris connaissance de la reacutefeacuterence agrave cette disposition du statut [de magistrat] alors que mon projet eacutetait tregraves avanceacute et que la preacutesentation agrave ce concours eacutetait deacuteter-mineacutee comme eacutetant mon choix professionnel deacutefinitif

Comment avez-vous perccedilu cette condition par rapport agrave votre situation personnelle Jrsquoai eacuteteacute sideacutereacute par cette disposition et jrsquoai chercheacute agrave savoir agrave quelle date elle avait eacuteteacute prise Le fait que les termes employeacutes eacutemanent drsquoun temps ougrave la question du VIH nrsquoexistait pas mrsquoa laisseacute perplexe Je me suis senti humilieacute et jeteacute au ban de la socieacuteteacute

Quel impact cette information a pu avoir sur vos choix drsquoeacutetudes et drsquoorientations professionnelles Depuis un an eacutepoque agrave laquelle jrsquoai pris connais-sance de cette situation je suis totalement deacutesorienteacute et

jrsquoai suspendu toute deacutemarche En effet mecircme si la Chan-cellerie dit que cette discrimination nrsquoa plus cours nous nrsquoavons aucune assurance de cela Je nrsquoai pas voulu ris-quer drsquoecirctre en porte agrave faux avec drsquoun cocircteacute une reacuteussite agrave lrsquoentreacutee et de lrsquoautre un rejet pour inaptitude meacutedicale dans de telles conditions que je nrsquoaurais pu expliquer agrave mon entourage

Si la loi organique sur le statut de magistrat eacutetait effec-tivement voteacutee mettant fin agrave lrsquoexclusion des personnes vivant avec le VIH comptez-vous passer le concours de lrsquoENM Je nrsquoattends que cela Je ne pense qursquoagrave cela et le temps me paraicirct bien long Mes projets actuellement suspendus seraient immeacutediatement reacuteactiveacutes Le seul lien drsquoespoir qui me tient a eacuteteacute la lecture sur votre site de lrsquoexistence de votre deacutemarche aupregraves de Madame Taubira dans le cadre drsquoun cas similaire au mien ainsi que la formulation des promesses de la garde des Sceaux agrave votre association Jrsquoai peur qursquoelle quitte la Chancelle-rie avant de reacutealiser sa promesse

Teacutemoignage

2 Dr K-POTE laquo Aux Arts du cirque on jongle avec le sida et le droit raquo Causette 4 juin 2014

14 15PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2FormATIoNS ET EmPLoIS   

EN FINIr AVEc LES INTErdITS mdash

Selon lrsquoarticle 28 de lrsquoinstruction de 2003 relatif aux cotations des pathologies dans lrsquoarmeacutee vivre avec le VIH en bonne santeacute et sans traitement serait moins laquo grave raquo au regard de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute que vivre avec le VIH en bonne santeacute et avec traitement

23 LrsquoARMEacuteE UN BASTION SANS VIh

Lrsquointerdiction drsquointeacutegrer de nombreux corps de lrsquoarmeacutee par des PVVIH a eacuteteacute identifieacutee en juillet 2015 apregraves qursquoune personne ait contacteacute lrsquoassociation AIDES alors qursquoelle srsquoeacutetait vu refuser lrsquoaccegraves agrave la marine nationale Lrsquoarticle L 4132-1 du Code de la deacutefense dispose que laquo Nul ne peut ecirctre militaire (hellip) 3deg Srsquoil ne preacutesente les aptitudes exigeacutees pour lrsquoexercice de la fonction raquo Lrsquoaptitude est eacuteva-lueacutee selon lrsquoinstruction ndeg 2100DEFDCSSAASTAME du 1er octobre 2003 relative agrave la deacutetermination de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir Cette instruction fixe des regravegles unifieacutees visant agrave eacutevaluer le profil meacutedical du candidat

231 Eacutevaluation de lrsquoaptitude agrave servir quelques repegraveresLe systegraveme deacutefini par lrsquoinstruction de 2003 relative agrave la deacutetermination de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir se base sur sept profils deacutetailleacutes nommeacutes chacun par une lettre de lrsquoacronyme Sigycop Pour chacun de ses profils des coefficients sont attribueacutes et visent agrave noter lrsquoeacutetat de santeacute la graviteacute de potentielles infections et des seacutequelles (tableau 1)

Le coefficient 0 correspond agrave une eacutevaluation meacutedicale initiale par un meacutedecin geacuteneacutera-liste il nrsquoest que transitoire Les coefficients de 1 agrave 6 eacutetablissent une eacutechelle progres-sive 1 correspondant agrave lrsquoaptitude pour laquo tous les emplois des armeacutees mecircme les plus peacutenibles raquo 6 correspondant agrave lrsquoinaptitude totale

Lrsquoarticle 10 de lrsquoinstruction explique que le profil meacutedical est eacutetabli agrave lrsquoaide du tableau 2 sur lequel les coefficients doivent ecirctre associeacutes par le meacutedecin habiliteacute au sigle corres-pondant Ce profil est ensuite compareacute aux profils drsquoaptitudes minimales deacutefinis pour chaque corps de lrsquoarmeacutee par diffeacuterents textes regraveglementaires afin de deacuteterminer si le candidat est eacuteligibleAinsi pour la marine nationale dans le cadre de la situation pour laquelle AIDES a eacuteteacute saisie lrsquoarticle 4 de lrsquoarrecircteacute du 21 mai 2012 fixant les conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants et pour la sous-cription drsquoun contrat au titre de la marine nationale deacutefinit le profil meacutedical deacutetailleacute dans le tableau 2

232 VIh et aptitude agrave servir une eacutevaluation drsquoun autre tempsOutre ce cadre meacutethodologique sur lrsquoaptitude meacutedicale lrsquoinstruction de 2003 attribue pour un nombre important de pathologies des notes pour tout ou partie des lettres de lrsquoacronyme La cotation concernant le VIH est deacutefinie agrave lrsquoarticle 28 de lrsquoinstruc-tion (tableau 3)

Cet article appelle de nombreux commentaires Drsquoabord le VIH nrsquoest ici consideacutereacute qursquoau regard de lrsquolaquo eacutetat geacuteneacuteral raquo de la personne sans conseacutequence sur le reste du profil meacutedi-cal Cet eacutetat geacuteneacuteral est associeacute agrave des coefficients allant de 3 agrave 5 Lrsquoarticle 8 de lrsquoinstruc-tion preacutecise lrsquoimplication de ces coefficients par rapport agrave la lettre G Coefficient 3 I 3 et G 3 entraicircnent une restriction appreacuteciable de lrsquoentraicircnement notamment lrsquoentraicircnement physique au combat et limite lrsquoeacuteventail des emplois en particulier ceux de combattants au contact direct avec lrsquoennemi Coefficient 4 Attribueacute agrave lrsquoun des sigles S I ou G ce coefficient exempte de tout entraicirc-nement physique au combat Il limite lrsquoaffectation des sujets ainsi classeacutes agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Coefficient 5 Attribueacute agrave lrsquoun des sigles S I G ou O il reacuteduit lrsquoaptitude agrave des emplois seacutedentaires eacuteventuellement adapteacutes

Cet article est eacutegalement surprenant au regard des distinctions qursquoil fait des diffeacuterentes phases de lrsquoinfection agrave VIH et de la gradation appliqueacutee Ainsi vivre avec le VIH en bonne santeacute et sans traitement serait moins laquo grave raquo au regard de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute que vivre avec le VIH en bonne santeacute et avec traitement Cette distinction prend lrsquoexact contre-pied des donneacutees de la science et des recommandations meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles

En effet les traitements actuels permettent de reacuteduire consideacuterablement la charge virale dans le sang au point qursquoelle devient indeacutetectable Dans ces conditions les per-sonnes sont non contaminantes Ils permettent aussi de vivre en bonne santeacute sur du long terme et dans des conditions similaires aux personnes seacuteroneacutegatives Ainsi les PVVIH en France se voient proposer des traitements degraves qursquoelles sont deacutepisteacutees et une tregraves large majoriteacute les accepte Certes il est possible de vivre avec le VIH sans traite-ment et sans laquo symptocircmes raquo mais agrave de rares exceptions pregraves cette situation ne peut pas durer et en tout eacutetat de cause la charge virale reste deacutetectable et les personnes restent contaminantes

laquo Un traitement curatif ou prophylactique au long cours ne saurait constituer agrave lui seul un motif drsquoeacutelimination que dans la mesure ougrave il entraicircnerait un absenteacuteisme iteacuteratif etou prolongeacute raquo et alors que ce nrsquoest pas le cas pour les traitements actuels du VIH lrsquoexclusion de nombreux postes des personnes seacuteropositives sur la base de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir nrsquoest pas proportionneacutee Elle constitue en ce sens une discrimination condamnable au regard des textes internationaux ratifieacutes par la France du Preacuteambule de la constitution de 1946 et du droit interne

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010482 1010485 1010483 1010483 1010481

Tableau 2 ndash Profil meacutedical Sigycop applicable aux officiers navigants de la marine nationale

Le Sigycop correspond au profil meacutedical dun individu eacutetabli par un meacutedecin militaire lui permettant de deacuteterminer son aptitude agrave inteacutegrer larmeacutee franccedilaise

Tableau 3 ndash Article 28 de lrsquoinstruction de 2003 Infection par le VIH

16 17

Tableau 1 ndash Reacutefeacuterentiel Sigycop 2003

sigle coefficient profil meacutedical concerneacute

S 1 agrave 1010486 Ceinture scapulaire et membres supeacuterieurs

I 1 agrave 1010486 Ceinture pelvienne et membres infeacuterieurs

G 1 agrave 1010486 Eacutetat geacuteneacuteral

Y 1 agrave 1010486 Yeux et vision (sens chromatique exclu)

C 1 agrave 1010486 Sens chromatique

O 1 agrave 1010486 Oreilles et audition

P 1010480 agrave 1010485 Psychisme

a) Infection agrave VIH asymptomatique sans traitement avec une immuniteacute cellulaire satisfaisante selon avis speacutecialiseacute 1010483 G

b) Infection agrave VIH asymptomatique sans traitement avec une immuniteacute cellulaire perturbeacutee (infeacuterieur agrave 500 CD4mm3) 1010483 G

c) Infection agrave VIH asymptomatique traiteacutee 4 G

d) Infection agrave VIH symptomatique 1010485 G

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Ainsi le systegraveme de notation retenu par lrsquoarmeacutee surprend en ce qursquoil se fonde sur des repreacutesentations invalideacutees depuis plusieurs anneacutees et contraires aux recommanda-tions meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles Au regard de la distinction opeacutereacutee ici sur la prise ou non de traitements les coefficients donneacutes en conseacutequence nrsquoont pas de sens Plus globalement lrsquoensemble du reacutefeacuterentiel proposeacute est largement inadapteacute et principalement au regard des eacuteleacutements sur lesquels il se base Il serait plus pertinent drsquoappreacutecier lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de la personne au regard de lrsquoeacutevolution de sa charge virale dans le temps et son eacutetat de santeacute

233 Un couperet qui concerne toutes les forces armeacutees et les formations affeacuterentesLes conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants de la marine nationale et pour la souscription drsquoun contrat au titre de la marine nationale exigent donc a minima un eacutetat geacuteneacuteral de santeacute corres-pondant agrave G 2 La seacuteropositiviteacute au VIH impliquant un coefficient minimum de 3 exclut donc de fait lrsquoensemble des candidat-e-s seacuteropositifs-ves Cette exclusion va cependant beaucoup plus loin que ce seul corps drsquoarmeacutee sont eacutega-lement concerneacutees lrsquoarmeacutee de terre et lrsquoarmeacutee de lrsquoair Alors qursquoen France plus de 79 des PVVIH sont sous traitement crsquoest une tregraves large majoriteacute drsquoentre elles qui se voient attribuer le coefficient G 4 et donc lrsquoinaptitude deacuteclareacutee pour tout entraicircnement physique au combat lrsquoaffectation srsquoen trouvant limiteacutee agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Cette note exclue aussi les personnes drsquoun nombre consideacuterable de formations mili-taires dont lrsquoEacutecole polytechnique comme illustreacute par la circulaire ndeg 273424DEFRH-ATFFSSLM relative agrave lrsquoadmission en classes preacuteparatoires agrave lrsquoenseignement supeacuterieur et en classes preacuteparatoires aux grandes eacutecoles des lyceacutees de la Deacutefense rele-vant de lrsquoarmeacutee de terre pour lrsquoanneacutee scolaire 2015-2016 Le Sigycop des eacutecoles militaires correspond au Sigycop minimal pour inteacutegrer les diffeacute-rents corps (tableau 4)

eacutecoles S I G Y C O P textes de reacutefeacuterence

Eacutecole polytechnique 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483 2

Instruction ndeg 13074 DEF DPAG du 27 deacutecembre 1982 modifieacutee (BOC p 5317 BOEM 620-4141 81421)

Eacutecole speacuteciale militaire de Saint-Cyr (scientifique litteacuteraire sciences eacuteconomiques et sociales)

2 2 2 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 23 deacutecembre 2009 (JO ndeg 22 du 27 janvier 2010 texte ndeg 12 BOC 7 2010 BOEM 311-022 77011)Instruction ndeg 812DEFRH-ATPRHLEG du 15 septembre 2014 (BOC ndeg 50 du 10 octobre 2014 texte 18 BOEM 31221 620-4121)

Eacutecole navale 2 2 2 5 1010483 20

ou 1010481

Arrecircteacute du 21 mai 2012 (JO ndeg 136 du 13 juin 2012 texte ndeg 20 signaleacute au BOC 362012 BOEM 3212)

Instruction ndeg 102DEFEMMRHPRH du 5 deacutecembre 2011 modifieacute (BOC ndeg 5 du 27 janvier 2012 texte 10 BOEM 32615 620-4162)

Eacutecole de lrsquoair 2 2 2 5 2 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 27 juillet 2011 modifieacute (JO ndeg 184 du 10 aoucirct 2011 texte ndeg 1 signaleacute au BOC 442011 BOEM 76812)

Eacutecole nationale supeacuterieure de techniques avanceacutees 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483

0 ou 1010481

Arrecircteacute du 18 janvier 2011 modifieacute (JO ndeg122 du 26 mai 2011 texte ndeg 4 signaleacute au BOC 292011 BOEM 8106)

Eacutecole nationale supeacuterieure des ingeacutenieurs de lrsquoinfrastructure militaire

1010483 1010483 1010483 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 26 avril 2012 (JO ndeg 108 du 8 mai 2012 texte ndeg 30 signaleacute au BOC 332012 BOEM 50833)

Tableau 4 ndash Sigycop minimal requis pour les eacutecoles militaires 4

Le Code de lrsquoaviation civile est le seul code dont lrsquoassocia-tion ait connaissance qui exclut directement les PVVIH laquo La positiviteacute au VIH est cause drsquoinaptitude raquo Celle-ci vaut pour les pilotes ou les controcircleurs aeacuteriens Cepen-dant cette inaptitude ne se veut pas systeacutematique ce code preacutevoit une possible reconnaissance de lrsquoaptitude au cas par cas sous certaines conditions Lrsquoarrecircteacute du 16 mai 2008 relatif aux critegraveres et condi-tions de deacutelivrance des attestations drsquoaptitude meacutedicale neacutecessaires pour assurer les services du controcircle de la circulation aeacuterienne preacutecise ainsi qursquolaquo un candidat preacute-sentant une infection VIH comportant des symptocircmes drsquoaffection eacutevolutive telle que le sida une lymphadeacuteno-pathie chronique lieacutee au VIH ou une atteinte du systegraveme nerveux central doit ecirctre deacuteclareacute inapte Toutefois la deacuteclaration drsquoaptitude peut ecirctre envisageacutee au renouvel-lement et agrave la revalidation pour les individus preacutesentant une reacuteaction positive asymptomatique pour le VIH raquo De mecircme pour les pilotes lrsquoaptitude peut ecirctre accordeacutee sous certaines conditions et sous reacuteserve de controcircles freacutequents laquo la survenue drsquoun sida ou du complexe appa-renteacute au sida [devient alors] cause drsquoinaptitude raquo

Enfin concernant le personnel navigant lrsquoarrecircteacute de 2007 relatif aux conditions drsquoaptitude physique preacutecise que le laquo personnel navigant commercial doit ecirctre exempt de toute affection chronique eacutevolutive raquo avant de compleacute-ter laquo Une aptitude par deacuterogation peut ecirctre demandeacutee au conseil meacutedical de lrsquoaeacuteronautique civile qui juge en fonction des reacutesultats des examens cliniques et biolo-giques de lrsquointeacuteresseacute montrant un eacutetat de lrsquoaffection compatible avec le service aeacuterien et le cas eacutecheacuteant une bonne toleacuterance au traitement raquoLes textes de lrsquoaviation civile se distinguent en ce sens que srsquoil exclut a priori le critegravere drsquoaptitude ne reacuteside pas dans la seacuteropositiviteacute en tant que telle mais sur lrsquoeacutetat de santeacute geacuteneacuteral Ils reacutesultent il faut le souligner de mobi-lisations et contentieux 3 agrave lrsquoencontre des dispositions preacuteceacutedemment en vigueur en particulier lrsquoarrecircteacute minis-teacuteriel du 5 juillet 1984 qui preacutevoyait que laquo les affections eacutevolutives susceptibles de conduire agrave une inaptitude ulteacuterieure sont eacuteliminatoires raquo

3 Notamment la Deacutelibeacuteration de la Halde du 6 feacutevrier 2006 et lrsquoarrecirct du Conseil drsquoEacutetat du 28 juin 2006 4 httpwwwformationterredefensegouvfrPJDocumentsDecouverteODFLyceesDocuments20141203_DEF_RH-AT_F_FS_SLM_Circulaire_273424_admission_CPES_CPGEpdf

Lrsquoaviation civile lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute plutocirct que la seacuteropositiviteacute

18 19PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Les discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et international Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacute

Cette mecircme exclusion des PVVIH existe aussi dans la gendarmerie nationale Sachant que dans la gendarmerie nationale lrsquoinaptitude est prononceacutee pour les candidats seacutero-positifs en qualiteacute de musicien choriste ou agent technique et administratif le carac-tegravere discriminatoire et disproportionneacute des classifications pour inaptitude est illustreacute sans que drsquoautres commentaires soient utiles (tableau 5)Dans le cadre de la reacutedaction de ce rapport AIDES nrsquoa pas pu encore recenser de maniegravere exhaustive les corps desquels les PVVIH seraient exclues agrave raison de leur eacutetat de santeacute La question que AIDES pose en revanche est celle des postes et corps ouverts aux personnes seacuteropositives la liste est certainement plus limiteacuteehellip Lrsquoassociation sou-haite pour lrsquoheure mettre en lumiegravere une exclusion une discrimination structurelle touchant agrave toutes les forces armeacutees et lieacutee agrave un reacutefeacuterentiel inadapteacute anachronique eacutechappant aux donneacutees scientifiques et meacutedicales contemporaines

Remarque en 2015 les forces armeacutees comptent 207 689 postes (120 031 pour lrsquoarmeacutee de terre 38 874 pour la marine nationale 48 784 pour lrsquoarmeacutee de lrsquoair) 5 Lrsquoeffectif de la gendarmerie nationale srsquoeacutelegraveve agrave 98 115 personnes 6 la police nationale agrave 144 858 7 et les sapeurs-pompiers agrave 244 900 8 Une part importante de ces postes est fermeacutee aux PVVIH

234 Police nationale sapeurs-pompiers une exclusion qui deacutepasse largement le champ de lrsquoarmeacutee

Srsquoil a une vocation militaire le profil meacutedical Sigycop srsquoapplique et creacutee des exclusions systeacutematiques de PVVIH dans de nombreux autres emplois publics Ainsi lrsquoexclusion constateacutee pour lrsquoarmeacutee sur la base des coefficients G 3 et G 4 se retrouve dans drsquoautres secteurs notamment la police nationale En effet depuis une tregraves reacutecente modification de lrsquoarrecircteacute du 2 aoucirct 2010 relatif aux conditions drsquoaptitudes physiques particuliegraveres pour lrsquoaccegraves aux emplois de certains corps de fonctionnaires par un arrecircteacute du 10 juin 2015 le profil G 2 exclut lrsquoensemble des PVVIH de la police nationale (tableau 6)

De mecircme lrsquoarrecircteacute du 6 mai 2000 fixant les conditions drsquoaptitude meacutedicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions drsquoexercice de la meacutede-cine professionnelle et preacuteventive au sein des services deacutepartementaux drsquoincendie et de secours deacutefinit diffeacuterents profils Les PVVIH sous traitement ne sont eacuteligibles qursquoau profil E qui correspond agrave une activiteacute non opeacuterationnelle voire un reclassement dans un autre corps cadre drsquoemplois ou emploi Ces discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et interna-tional Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacutePour chaque cas ayant eacuteteacute rapporteacute agrave AIDES lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour mieux documenter les situations des personnes ainsi que les implications collectives Lrsquoas-sociation a systeacutematiquement alerteacute les autoriteacutes concerneacutees afin de travailler avec elles agrave une eacutevolution des textes AIDES a aussi saisi le Deacutefenseur des droits agrave lrsquoautomne 2015 dans le cadre de sa mission constitutionnelle de laquo veille au respect des droits et liberteacutes raquoAIDES ne preacutetend pas avoir identifieacute toutes les exclusions seacuterophobes existantes Si des personnes ont connaissance de situations similaires elles sont inviteacutees agrave contacter les associations qui les aideront agrave saisir le Deacutefenseur des droits

corps statut drsquoappartenance

ou formation concerneacuteeprofil meacutedical requis

Officier de gendarmerie (OG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale candidat au cycle de formation donnant accegraves au grade drsquoaspirant (AGIV)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Officier du corps technique et administratif de la gendarmerie nationale (OCTAGN)

S I G Y C O P

1010483 1010483 1010483 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie (SOG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave exercer les attributions drsquoagent de police judiciaire adjoint (GAV APJA)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Sous-officier du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (CSTAGN) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave occuper un emploi particulier (GAV EP)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie recruteacute pour servir en qualiteacute de musicien de lrsquoorchestre ou de choriste de la garde reacutepublicaine

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010483 1010485 1010484 10104820

ou 1010481

Tableau 5 ndash Sigycop minimal pour la gendarmerie nationale

5 Chiffres cleacutes de la Deacutefense eacutedition 2015 6 httpwwwgendarmerieinterieurgouvfrNotre-InstitutionNos-moyensEffectifs 7 httpwwwladocumentationfrancaisefrvarstoragerapports-publics134000185pdf 8 httpwwwpompiersfraccueilles-sapeurs--pompiersles-statistiques

20 21

Tableau 6 ndash Sigycop minimal requis pour les fonctionnaires actifs de la police nationale

S I G Y C O P

1010482 1010482 1010482 1010483 1010482 1010482 1010482

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2LE droIT Agrave LA SANTEacute   ET LE PrINcIPE   

drsquoEacutegALITEacute dE TrAITEmENT

Le droit agrave la protection de la santeacuteLa loi relative aux droits des personnes malades et agrave la qualiteacute du systegraveme de santeacute du 4 mars 2002 dite laquo loi Kouchner raquo reacuteaffirme degraves lrsquoexposeacute des motifs le droit agrave la pro-tection de la santeacute comme un droit agrave valeur constitutionnelle reconnu par lrsquoalineacutea 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 laquo La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les conditions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacute-rielle le repos et les loisirs raquo Ce droit a eacuteteacute consacreacute par plusieurs deacutecisions du Conseil constitutionnel (notamment CC 23 juillet 1999 ndeg 99-416) Le droit agrave la protection de la santeacute est eacutegalement garanti par des textes internationaux ratifieacutes par la France Il lrsquoest indirectement par lrsquoarticle 3 de la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales interdisant la tor-ture et les traitements inhumains ou deacutegradants et par lrsquoarticle 8 de ladite Convention proteacutegeant le droit agrave la vie priveacutee et familiale Ce droit est aussi proteacutegeacute directement par la Charte de lrsquoOrganisation mondiale de la Santeacute du 27 juillet 1946 laquo La possession du meilleur eacutetat de santeacute qursquoil est capable drsquoatteindre constitue lrsquoun des droits fondamen-taux de tout ecirctre humain quelles que soient sa race sa religion ses opinions politiques sa conduite eacuteconomique raquoSur ces bases lrsquoarticle 1 de la loi de 2002 introduit un droit agrave la protection de la santeacute en faveur de toute personne sans discrimination laquo La mise en œuvre de ce droit passe par le deacuteveloppement de la preacutevention lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins les plus approprieacutes agrave son eacutetat de santeacute la continuiteacute des soins la seacutecuriteacute sanitaire raquo

Extraits du Code de santeacute publique

article l1110-1 Le droit fondamental agrave la protection de la santeacute doit ecirctre mis en œuvre par tous moyens disponibles au beacuteneacutefice de toute personne Les professionnels les eacutetablissements et reacuteseaux de santeacute les organismes drsquoassurance maladie ou tous autres organismes par-ticipant agrave la preacutevention et aux soins et les autoriteacutes sanitaires contribuent avec les usagers agrave deacutevelopper la preacutevention garantir lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins neacutecessiteacutes par son eacutetat de santeacute et assurer la continuiteacute des soins et la meilleure seacutecu-riteacute sanitaire possible

article l1110-3 Aucune personne ne peut faire lrsquoobjet de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention ou aux soins

article l1110-5 Toute personne a compte tenu de son eacutetat de santeacute et de lrsquourgence des interventions que celui-ci requiert le droit de recevoir les soins les plus approprieacutes et de beacuteneacuteficier des theacuterapeutiques dont lrsquoefficaciteacute est reconnue et qui garantissent la meilleure seacutecuriteacute sanitaire au regard des connaissances meacutedicales aveacutereacutees Les actes de preacutevention drsquoin-vestigation ou de soins ne doivent pas en lrsquoeacutetat des connaissances meacutedicales lui faire courir de risques disproportionneacutes par rapport au beacuteneacutefice escompteacute

article l1411-1-1 Lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins des populations fragiliseacutees constitue un objectif prioritaire de la politique de santeacuteLes programmes de santeacute publique mis en œuvre par lrsquoEacutetat ainsi que par les collectiviteacutes territoriales et les organismes drsquoassurance maladie prennent en compte les difficulteacutes speacutecifiques des populations fragiliseacutees

25

DROIT APPLICABLE

rEFUS dE SoINS

Le droit agrave la santeacute et le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement bien que proteacutegeacutes par des textes agrave valeurs constitutionnelle et internationale peinent parfois agrave trouver une traduction effective Dans le champ du VIH sida et des heacutepatites virales les exemples sont leacutegions Sans preacutetendre agrave lrsquoexhaustiviteacute AIDES retient pour 2015 trois expressions drsquoatteintes agrave ces droits fondamentaux Drsquoabord des personnes seacuteropositives au VIH sont confronteacutees agrave des refus de soins en raison de leur statut seacuterologique Ensuite des personnes infecteacutees par le virus de lrsquoheacutepatite C sont eacutecarteacutees de lrsquoaccegraves aux nouveaux traitements innovants Enfin les personnes mineures ne peuvent acceacuteder agrave tous les moyens de preacutevention et de deacutepistage disponibles actuellement Ces sujets constituent les trois axes de ce chapitre

Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de comparer les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique

Bien que lrsquoaccegraves aux soins sans discrimination soit garanti par des dispositions leacutegales sans ambiguiumlteacute dans les faits des entraves existent Lrsquoexistence mecircme des refus de soins ne fait pas consensus la plupart des professionnel-le-s de santeacute tendant agrave nier ou au moins agrave minimiser le pheacutenomegravene que les personnes concerneacutees rapportent pourtant de maniegravere reacutecurrente Le deacuteficit drsquoeacutetudes officielles ne permet pas drsquoen objectiver la nature et lrsquoampleur En France seules quelques enquecirctes meneacutees par des associations et des institutions documentent ces pheacutenomegravenes mais essentiel-lement cibleacutees sur des motivations drsquoordre social Il srsquoagit drsquoeacutetudes concernant des beacuteneacuteficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) de la CMU compleacutementaire (CMU-C) de lrsquoaide meacutedicale drsquoEacutetat (AME) et de lrsquoaide agrave lrsquoacquisition drsquoune compleacute-mentaire santeacute (ACS) 11 Les discriminations dans le champ meacutedical agrave lrsquoencontre des PVVIH sont notamment documenteacutees par Sida Info Service qui a meneacute cinq enquecirctes agrave ce sujet et agrave travers les enquecirctes ANRS-VespaPourtant des cas reacutecurrents de refus de soins ou de discriminations sont rappor-teacutes par des PVVIH Ils concernent principalement lrsquoaccegraves agrave des soins dentaires ou gyneacutecologiques dans un contexte ougrave les mesures de preacutecaution standard drsquohygiegravene ont eacuteteacute maintes fois rappeleacutees par diverses instances publiques scientifiques et professionnellesAfin drsquoobjectiver ces refus trop souvent minimiseacutes AIDES a meneacute un testing en avril 2015 agrave lrsquooccasion de deacutebats autour du projet de loi de modernisation de notre sys-tegraveme de santeacute susceptible de renforcer les moyens de lutte contre les refus de soins Cette enquecircte vise agrave saisir lrsquoampleur et documenter les refus de soins laquo sur le vif raquo agrave lrsquoencontre des PVVIH

11 MEacuteThODOLOGIE

111 qursquoest-ce qursquoun testing Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de com-parer toutes choses eacutegales par ailleurs les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique Si lrsquoune des personnes est traiteacutee diffeacuteremment de lrsquoautre alors cette diffeacuterence est imputeacutee agrave lrsquounique caracteacuteristique qui les distingue

112 Le protocole drsquoenquecircteAfin de parvenir agrave eacutetablir lrsquoexistence de traitements discriminatoires dans lrsquoaccegraves aux soins dentaires ou gyneacutecologiques des PVVIH AIDES a recouru agrave une opeacuteration de tes-ting srsquoappuyant sur lrsquoobservation de prises de rendez-vous teacuteleacutephoniques

Les testeur-se-sLes appels teacuteleacutephoniques sont reacutealiseacutes par 44 testeur-se-s tous militant-e-s de AIDES Chaque testeur-se doit jouer un personnage en srsquoappuyant sur une identiteacute fictive qui se reacutepartit selon quatre profils

Hommefemme Seacuteropositif-ve au VIH ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH

Les diffeacuterentes lois sur la santeacute rarement remises en causes se sont depuis inscrites dans la continuiteacute Elles positionnent le droit agrave la santeacute pour tous et toutes comme une finaliteacute des politiques de santeacute jusqursquoau dernier projet de loi preacutesenteacute par Marisol Touraine ministre des Affaires sociales de la Santeacute et des Droits des femmes qui rap-pelle dans la version initiale de lrsquoarticle 1er laquo Elle [la politique de santeacute] tend agrave assurer la promotion de conditions de vie favorables agrave la santeacute lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute de la population la reacuteduction des ineacutegaliteacutes sociales et territoriales de santeacute et agrave garantir la meilleure seacutecuriteacute sanitaire possible et lrsquoaccegraves effectif de la population agrave la preacutevention et aux soins raquo 9

Les dispositions speacutecifiques aux refus de soinsLe droit agrave la santeacute est un eacuteleacutement fondamental des droits de lrsquohomme Si les textes qui rappellent ce principe sont nombreux il reste que ce droit nrsquoest pas acquis pour tous et toutes en particulier pour les personnes en situation de vulneacuterabiliteacute Au-delagrave des dif-ficulteacutes drsquoaccegraves aux soins les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) peuvent ecirctre expo-seacutees agrave des pratiques illeacutegales de refus de soins qui portent atteinte au droit agrave la santeacute Mecircme si les refus de soins ne sont pas geacuteneacuteraliseacutes les reacutesultats de nombreux testing montrent leur reacutecurrence Le droit actuel permet-il de lutter efficacement contre ces pratiques illeacutegales les reacuteponses juridiques sont-elles suffisantes Lrsquoencadrement juri-dique des refus de soins est eacuteclateacute entre Code peacutenal Code de la santeacute publique Code de la consommation et Code de deacuteontologie meacutedicale ce qui ne rend pas visible cet enjeuLe rapport du Deacutefenseur des droits remis au Premier Ministre en mars 2014 sur laquo Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME raquo a permis de montrer lrsquoinefficaciteacute de lrsquoencadrement juridique actuel La loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (HPST) a mis en place une proceacutedure particuliegravere de signalement des refus de soins complexe et peu effective instances compeacutetentes et modaliteacutes de saisines multiples difficulteacutes des usager-e-s agrave faire valoir leurs droits rareteacute des signalements et manque de mobilisation des ins-tances en charge du traitement des signalements Crsquoest pourquoi il est neacutecessaire de renforcer les droits des patient-e-s pour une meilleure connaissance des lois et voies de recours existants de mettre en œuvre un accompagnement des victimes dans le cadre des proceacutedures de conciliation ou les recours en justice et de mieux qualifier les refus de soins illeacutegaux pour en faciliter lrsquoidentification

Exemple de deacutecision du Deacutefenseur des droits Le Deacutefenseur a eacuteteacute saisi drsquoune reacuteclamation relative au refus de proceacuteder agrave lrsquoextraction de dents de sagesse en raison de la seacuteropositiviteacute de la patiente Celle-ci pensant que le chirurgien accegravederait agrave son dossier informatique de suivi au sein du mecircme hocircpital nrsquoa pas indiqueacute sa maladie lors de la consultation preacuteopeacuteratoire Apregraves avoir appris la seacuteropositiviteacute de la reacuteclamante le mis en cause a annuleacute lrsquoopeacuteration preacutevue en propo-sant une date trois mois plus tard inacceptable pour cette derniegravere Afin de justifier le refus des soins le mis en cause a invoqueacute lrsquoapplication drsquoun protocole speacutecifique pour la prise en charge drsquoun patient seacuteropositif Lrsquohocircpital dans lequel exerccedilait le mis en cause a deacutementi lrsquoexistence drsquoun tel protocole Dans le cadre de cette deacutecision le Deacutefenseur des droits a donc recommandeacute la mise en œuvre de sanctions disciplinaires agrave lrsquoeacutegard du meacutedecin et a informeacute de sa deacutecision le ministegravere de la Santeacute le conseil national de lrsquoordre des chirurgiens-dentistes ainsi que le conseil deacutepartemental de lrsquoordre des meacutedecinsDeacutecision MLD-2011-94 du 13 janvier 2012 10

1 UN TESTINg PoUr objEcTIVEr  

LES rEFUS dE SoINS mdash

9 Au moment de la reacutedaction de ce rapport la reacutedaction deacutefinitive de lrsquoarticle 1er nrsquoest pas connue 10 httpwwwdefenseurdesdroitsfrfractionsprotection-des-droits-libertesdecisiondecision-mld-2011-94-du-13-janvier-2012-

relative-un

11 MEacuteDECINS DU MONDE Testing sur les refus de soins des meacutedecins geacuteneacuteralistes pour les beacuteneacuteficiaires de la Couverture Maladie Universelle ou de lrsquoAide Meacutedicale Eacutetat dans 10 villes de France 2006 DEacuteFENSEUR DES DROITS Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME 2014 FONDS CMU-DIES Analyse des attitudes de meacutedecins et de dentistes agrave lrsquoeacutegard des patients beacuteneacuteficiant de la CMUC dans 6 villes du Val-de-Marne 2006 FONDS CMU-IRDES Les refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMUC agrave Paris 2009 FONDS CMU-IRDES Analyse territoriale des obstacles agrave lrsquoaccegraves aux soins des beacuteneacuteficiaires de la CMUC dans les deacutepartements de lrsquoOrne et de la Niegravevre 2012 CISS Droits des malades Refus de soins aux beacuteneacuteficiaires de la CMUC de lrsquoAME et de lrsquoACS 2015

26 27PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Rouen

Evreux

Pontoise

Chacircteauroux

ParisStrasbourg

Auxerre

Dijon

Lyon

Marseille

Gap

Clermont-ferrandPuy-en-Velay

Toulouse

Niort

Angoulegraveme

Cahors

Bourg-en-Bresse

Tours

Colmar

Lrsquoeacutechantillon repreacutesentatif de lrsquoeacutetude comprend 100766810076680 cabinets dentaires et 100766510076691007668 cabinets de gyneacutecologie

Le sceacutenarioUn mecircme cabinet dentaire ou de gyneacutecologie est appeleacute deux fois pour une prise de rendez-vous par deux testeur-se-s diffeacuterent-e-s qui ont des caracteacuteristiques sociodeacute-mographiques similaires Les prises de rendez-vous gyneacutecologiques sont effectueacutees uniquement par des femmes Dans le premier cas le-la testeur-se annonce sa seacutero-positiviteacute au VIH dans le second cas lrsquoautre testeur-se ne dit rien Seule la mention du statut seacuterologique diffeacuterencie ces deux personnes Un script eacutetabli en concertation avec des militant-e-s des PVVIH et des professionnel-le-s de santeacute (meacutedecins speacutecia-listes en chirurgie dentaire en gyneacutecologie et de santeacute publique) reacuteuni-e-s au sein drsquoun groupe de pilotage a permis drsquoeacutetablir

Une feuille de route pour chaque testeur-se proposant des reacuteponses concregravetes aux eacuteventuelles questions que pourrait susciter la demande de rendez-vous (iden-titeacute motifs de la demande orientations adresse teacuteleacutephone numeacutero de seacutecuriteacute sociale etc)

La conduite agrave tenir en cas de mise en attente ou drsquoheacutesitations agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute

Le choix du motif de la consultation deacutetartrage ou frottis Il est important de choisir un acte meacutedical susceptible de provoquer des saignements mais simple ne justifiant pas une orientation vers un-e meacutedecin speacutecialiste ou vers un service drsquourgences et ou un plateau technique particulier

Les eacutechanges teacuteleacutephoniques sont enregistreacutes leur contenu est retranscrit dans une base de donneacutees pour recueillir de faccedilon standardiseacutee les reacuteponses apporteacutees par les praticien-ne-s Des seacuteances de deacutebriefing ainsi qursquoun guide meacutethodologique sont mis agrave disposition des testeur-se-s

Remarque lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute au VIH drsquoembleacutee lors de la prise de ren-dez-vous est justifieacutee par les teacutemoignages de certaines PVVIH qui trop souvent expo-seacutees agrave la stigmatisation et la discrimination de la part de professionnel-le-s de santeacute preacutefegraverent eacuteviter un refus frontal de la ou du meacutedecin dans son cabinet Elle est eacutegale-ment approuveacutee par les professionnel-le-s de santeacute du groupe de pilotage au regard de leur expeacuterience

Constitution de lrsquoeacutechantillon geacuteographiqueLa meacutethodologie de lrsquoenquecircte srsquoappuie sur une technique drsquoeacutechantillonnage aleacuteatoire de maniegravere agrave garantir une seacutelection repreacutesentative des chirurgiens-dentistes et des gyneacutecologues en France Afin de deacutefinir les villes dans lesquelles est reacutealiseacutee lrsquoeacutetude plusieurs eacutetapes sont retenues

Un classement des reacutegions en fonction de leur incidence au VIH (faible moyenne eacuteleveacutee)

Une seacutelection de trois reacutegions par niveau drsquoincidence Une identification pour chaque reacutegion seacutelectionneacutee drsquoun deacutepartement agrave haute densiteacute meacutedicale et drsquoun deacutepartement agrave faible densiteacute meacutedicale pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Un choix des chefs-lieux de chacun de ces deacutepartements comme ville pour effectuer lrsquoenquecircte

Pour les trois plus grandes villes de France (Paris Lyon Marseille) un deacutecoupage par arrondissement selon le niveau de richesse (eacuteleveacute moyen faible) est reacutealiseacute Au total 20 villes sont seacutelectionneacutees La base de sondage est reacutealiseacutee agrave partir de plusieurs sources de donneacutees lrsquoInstitut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques (Insee) pour le nombre drsquohabi-tants lrsquoInstitut de veille sanitaire (InVS) pour lrsquoincidence du VIH lrsquoObservatoire natio-nal de la deacutemographie des professions de santeacute et lrsquoAtlas de la deacutemographie meacutedicale en France pour la densiteacute meacutedicale deacutepartementale respectivement pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Constitution de lrsquoeacutechantillon meacutedicalLe testing vise les seul-e-s speacutecialistes secteurs 1 et 2 chirurgiens-dentistes et gyneacuteco-logues Ainsi deux bases de sondage sont reacutealiseacutees

Lrsquoune agrave partir de lrsquoensemble des chirurgiens-dentistes conventionneacute-e-s pour les soins dentaires classiques preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Lrsquoautre agrave partir de lrsquoensemble des gyneacutecologues conventionneacute-e-s avec les speacuteciali-teacutes meacutedicale etou obsteacutetrique preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Pour lrsquoensemble des secteurs geacuteographiques 2 297 chirurgiens-dentistes et 290 gyneacute-cologues sont recenseacute-e-s Afin de creacuteer un eacutechantillon repreacutesentatif de ces professions 30 des chirurgiens-dentistes et 60 des gyneacutecologues sont tireacute-e-s au sort agrave lrsquoaide drsquoun programme de tri aleacuteatoire

Moins de 45 000 habitants

45 000 agrave 200 000 habitants

Plus de 200 000 habitants

les 20 villes selectionneacutees

pour le testing aupregraves des cabinets

dentaires et gyneacutecologiques

29PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 1

laquo Pour vous ce sera 21h raquo laquo Je ne prends pas de nouveaux patients raquo

laquo Eh bien on mettra deux paires de gants raquo

laquo Vous me remplirez un questionnaire meacutedical avant le rdv raquo

laquo Je le note dans le carnet de rdv raquo

laquo Les gens comme voushellip raquo

laquo Je nrsquoai pas le mateacuteriel adapteacute raquo

laquo Ok mais vous viendrez avec toutes vos analyses raquo

laquo Je ne pratique pas le deacutetartrage raquo

laquo Le deacutetartrage crsquoest 150 euros raquo

laquo Vous serez mieux soigneacute agrave lrsquohocircpital raquo

laquo Je nrsquoai pas eacuteteacute formeacute au vih raquo

laquo Heuhellip veuillez patienter raquo

Bonjour je souhaite un rendez-vous

pour un deacutetartrage et je suis seacuteropo

la face cacheacutee des refus

de soins chez les dentistes

envers les personnes vih+

Florilegravege des verbatims des cabinets dentaires agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute par ordre de citation

Le motif le plus souvent invoqueacute par les cabinets dentaires est celui des ameacutenagements ou des horaires speacutecifiques requis pour les personnes seacuteropositives Vient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute

Peacuteriode drsquoenquecircteLe testing est reacutealiseacute sur une peacuteriode courte du 7 au 10 avril 2015 pour garantir la confi-dentialiteacute de lrsquoopeacuteration et assurer un environnement comparable entre les diffeacuterents appels (actualiteacute meacutediatique et politique etc) Une fois la semaine de testing passeacutee les rendez-vous pris sont annuleacutes afin de ne pas peacutenaliser les laquo vrais raquo malades et les meacutedecins dans la gestion des rendez-vous meacutedicaux

Eacutechantillon finalParmi les 570 cabinets dentaires et les 154 cabinets de gyneacutecologie contacteacutes par teacuteleacute-phone durant la peacuteriode drsquoenquecircte pour une prise de rendez-vous un certain nombre sont exclus en raison de non-reacuteponses aux appels de non-conformiteacute de la speacutecialiteacute de fermeture ou de congeacutes Lrsquoeffectif final des praticien-ne-s retenu-e-s srsquoeacutelegraveve agrave 440 pour les chirurgiens-dentistes et 116 pour les gyneacutecologues Lors des appels il est pos-sible de relever la fonction des reacutepondant-e-s dans la majoriteacute des cas (praticien-ne-s ou secreacutetaires meacutedicaux-ales) Ainsi les interlocuteur-trice-s dans les cabinets dentaires sont des secreacutetaires meacutedicaux-les dans 764 des cas (n=336) et des chirurgiens-den-tistes dans 193 des cas (n=85) Pour les cabinets de gyneacutecologie la reacutepartition eacutetait de 802 de secreacutetaires meacutedicaux-les (n=93) et 78 de gyneacutecologues (n=9)

113 Limites de lrsquoeacutetudeCette opeacuteration de testing comporte des limites qui sont autant de pistes pour ameacutelio-rer encore ce type drsquoenquecirctes et leur donner un cadre leacutegalLa premiegravere limite tient agrave la classification a posteriori des motifs des refus de soins En effet la liste exhaustive des motifs de refus ainsi que la combinaison de plusieurs motifs eacutetaient difficiles agrave anticiper La deuxiegraveme limite concerne la perception des testeur-se-s quant aux reacuteponses four-nies par les dentistesgyneacutecologues Ainsi la notion de subjectiviteacute permise par la non-cateacutegorisation a priori des reacuteponses a probablement induit une sous-deacuteclaration de certains refus Les retours drsquoexpeacuteriences des PVVIH qui pointent des refus frontaux dans les cabinets des praticien-ne-s apregraves un rendez-vous fixeacute preacutealablement au teacuteleacute-phone laissent augurer eacutegalement drsquoune sous-eacutevaluation de ces pratiquesLa troisiegraveme limite est celle du champ de lrsquoenquecircte Seule la seacuteropositiviteacute au VIH a eacuteteacute testeacutee il est pourtant neacutecessaire drsquoeacutetendre aux personnes vivant avec une heacutepatite virale chronique ou co-infecteacutees par le VIH et les heacutepatites virales De plus les repreacutesen-tations sociales eacuteconomiques et morales associeacutees agrave la pathologie VIH (CMU ou AME preacutecariteacute pratiques sexuelles usages de drogues etc) peuvent geacuteneacuterer des cumuls de motifs de refusEt enfin la taille de lrsquoeacutechantillon des professionnel-le-s ne permet pas de reacutealiser des analyses statistiques pousseacutees notamment par ville et de conclure agrave drsquoeacuteventuelles dynamiques locales de discrimination

12 DES REacuteSULTATS ACCABLANTS

Parmi les reacuteponses des chirurgiens-dentistes et de leur secreacutetariat meacutedical agrave lrsquoan-nonce de la seacuteropositiviteacute le motif le plus souvent invoqueacute est celui des ameacutena-gements ou des horaires speacutecifiques qui seraient requis soit eacutenonceacutes comme tels soit mis en eacutevidence par comparaison des reacuteponses faites aux personnes supposeacutees seacuteroneacutegatives Il est important de rappeler que le Haut conseil de la santeacute publique a publieacute en 2007 un avis laquo ne recommandant pas lrsquoinstauration drsquoun ordre de pas-sage pour tout patient porteur des virus VHC VHB ou VIH lors drsquoactes invasifs meacutedico-chirurgicaux En revanche il considegravere comme une prioriteacute lrsquoapplication des preacutecautions standard et le respect des mesures de preacutevention (hellip) raquo LrsquoOrdre natio-nal des chirurgiens-dentistes a drsquoailleurs redit lors de la parution de ce testing que laquo les patients doivent tous beacuteneacuteficier drsquoune mecircme chaicircne de deacutecontamination et de steacuterilisation raquoVient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute surcharge de travail pas de nou-veaux-elles patient-e-s deacutelais de rendez-vous trop importants etc non eacutevoqueacutee pour les testeur-se-s nrsquoannonccedilant pas de seacuteropositiviteacute au VIHPour les gyneacutecologues ou leur secreacutetariat meacutedical les testeuses seacuteropositives sont accepteacutees sous reacuteserve de la preacutesentation de leur dossier meacutedical et du rappel de la pathologie au moment de la consultation Lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute est aussi avanceacute agrave plusieurs reprises Tous ces motifs sont ensuite cateacutegoriseacutes

Figure 2

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS30

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins

121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou de discriminationsUne cateacutegorisation est opeacutereacutee en fonction des dispositions juridiques existantes Les dispositions leacutegales eacutetant tregraves geacuteneacuterales et impreacutecises crsquoest la reacutefeacuterence agrave la circu-laire CNAMTS CIR-332008 relative aux refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMU-C qui a eacuteteacute retenue Ce texte donne une deacutefinition concregravete des refus de soins incluant laquo la fixation tardive inhabituelle et abusive drsquoun rendez-vous lrsquoorien-tation reacutepeacuteteacutee et abusive vers un autre confregravere lrsquoattitude et le comportement dis-criminatoire du professionnel de santeacute etc raquo Certains praticien-ne-s ont pu eacutevoquer plusieurs motifsAinsi des refus de soins directs ou deacuteguiseacutes et des traitements diffeacuterentiels non fon-deacutes sont constateacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH lors drsquoune demande de rendez-vous pour un deacutetartrage ou un frottisParmi les refus de soins on distingue deux cateacutegories Les refus directs Il srsquoagit de refus directement imputables au VIH annonceacutes comme tels ou sous couvert drsquoune autre raison non formuleacutee aupregraves de la personne supposeacutee seacuteroneacutegative Les refus deacuteguiseacutes Il srsquoagit de refus dont les preacutetextes avanceacutes sont douteux et contraires au Code de deacuteontologie meacutedicale Ils peuvent ecirctre cateacutegoriseacutes en deux types de refus

Les strateacutegies de deacutecouragement horaires contraignants deacutepassements drsquohono-raires assurance de la solvabiliteacute financiegravere etc

Les reacuteorientations vers des confregraveres ou des services hospitaliers sous preacutetexte drsquoun manque de connaissance de la pathologie et de sa prise en charge de mateacute-riel non adapteacute ou la dangerositeacute des soins qui suggegraverent une meilleure prise en charge laquo ailleurs raquo

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins (voir page 25) Ces dispariteacutes de traitement sont soit annonceacutees de maniegravere explicite lors de la prise de rendez-vous soit mises en eacutevidence par la confrontation des reacuteponses faites au-agrave la testeur-se seacuteropositif-ve au VIH et agrave son binocircme ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH On distingue trois cateacutegories

La meacuteconnaissance de la pathologie qui aboutit agrave de mauvaises pratiques dans la relation avec le ou la patiente

La divulgation du statut seacuterologique en dehors drsquoun dossier meacutedical ce qui est une atteinte au secret meacutedical

Lrsquoexistence de protocoles speacutecifiques drsquohygiegravene pour les PVVIH (steacuterilisation dureacutee des soins etc) agrave lrsquoencontre des mesures de preacutecautions standard recommandeacutees qui teacutemoignent drsquoun manque de connaissance ou drsquoapplication des regravegles fonda-mentales drsquohygiegravene et de steacuterilisation mais aussi une meacuteconnaissance des modes de contamination Ces mesures doivent ecirctre garanties systeacutematiquement et sans compromis quel que soit le statut seacuterologique des personnes et ce drsquoautant qursquoon estime entre 30 000 et 50 000 le nombre de personnes contamineacutees par le VIH en France qui lrsquoignorent (pour 150 000 PVVIH soit 20 agrave 30 )

32 33

30 refus de soins

deacuteguiseacutes

36 refus de soins

directs

168 pratiques

discriminatoires

cabinet dentaire

ViH SrsquoabStenir

17 refus de soins

directs

43 refus de soins

deacuteguiseacutes

172 pratiques

discriminatoires

cabinet de gyneacutecologie

ViH SrsquoabStenir

122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des speacutecialiteacutes

Figure 3 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 4 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

336 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

168 de pratiques discriminatoires

6 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

172 de pratiques discriminatoires

Cabinets de gyneacutecologie

Cabinets dentaires

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Dans le cadre du projet de loi Santeacute AIDES a construit plusieurs amendements afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutealiteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits

Les reacutesultats de ce testing prouvent qursquoil existe une veacuteritable meacuteconnaissance du VIH et de ses modes de transmission aboutissant agrave des attitudes neacutegatives et discrimi-natoires Ces comportements trahissent les repreacutesentations des professionnel-le-s vis-agrave-vis de cette maladieinfection et sur le respect des fondements deacuteontologiques des professions du soin

13 PERSPECTIVES LA NEacuteCESSITEacute DE RENfORCER LrsquoARSENAL jURIDIqUE

Les constats de AIDES confirment la neacutecessiteacute drsquoaller plus loin contre les refus de soins que la seule disposition initialement envisageacutee dans le projet de loi Santeacute Actuelle-ment ce sont aux ordres professionnels des soignant-e-s de mesurer lrsquoimportance et la nature des pratiques de ces refus En conseacutequence plusieurs amendements ont eacuteteacute construits avec Meacutedecins du Monde (MdM) afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutea-liteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits Les amendements formulent cinq propo-sitions visant agrave

Eacutelargir la deacutefinition leacutegale des refus de soins agrave toute pratique discriminante ou strateacutegie de dissuasion menant in fine au renoncement aux soins des patient-e-s

Donner une base leacutegale au testing autour drsquoun cahier des charges preacutecis et y inclure les associations de malades

Impliquer lrsquoensemble des acteurs-trices de santeacute dans le pilotage de lrsquoObserva-toire deacutedieacute aux refus de soins preacutevu par le projet de loi Santeacute agrave commencer par les associations de malades mais aussi les ordres professionnels et les organismes drsquoassurance maladie

Ameacutenager la charge de la preuve de sorte que comme dans lrsquoensemble du droit de la non-discrimination ce soit au-agrave la professionnel-le de santeacute de prouver qursquoil nrsquoy a pas eu de traitement discriminatoire lorsqursquoune personne exprime des eacuteleacutements de fait laissant supposer lrsquoexistence drsquoune discrimination

Permettre aux patient-e-s drsquoecirctre accompagneacute-e-s etou repreacutesenteacute-e-s par des associations durant les recours en justice ou les proceacutedures de conciliation lors-qursquoils-elles sont confronteacute-e-s agrave des refus de soins

Ces amendements srsquoappuient sur divers rapports institutionnels et parlementaires ils srsquoinspirent aussi de lrsquoarticle initial sur les refus de soins de la loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (Loi HPST) preacutesenteacutee par Roselyne Bachelot alors ministre de la Santeacute en 2008 Ces propositions ont cependant eacuteteacute escamoteacutees au fil des lectures agrave lrsquoAssembleacutee nationale et au SeacutenatAinsi gracircce agrave ce testing agrave ses retombeacutees meacutediatiques et agrave la mobilisation des mili-tant-e-s de AIDES les lignes ont commenceacute agrave bouger Drsquoune part lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes a vivement reacuteagi et drsquoautre part un amendement agrave lrsquoarticle 19 du projet de loi Santeacute a eacuteteacute voteacute au Seacutenat proposant que lrsquoeacutevaluation de lrsquoexistence des refus de soins soit confieacutee au Deacutefenseur des droits Au moment de la reacutedaction de ce rapport la formulation finale de lrsquoattribution de cette eacutevaluation au Deacutefenseur des droits ou aux diffeacuterents Ordres nrsquoest pas connue

Concernant lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes un rapprochement avec AIDES srsquoest opeacutereacute rapidement afin drsquoeacutetudier les moyens agrave mettre en œuvre pour lutter effica-cement contre les refus de soins Degraves lrsquoannonce des reacutesultats lrsquoOrdre a immeacutediatement reacuteagi et condamneacute ce type de comportement laquo Nul ne peut faire lrsquoobjet de discrimina-tions dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins raquo rappelant que laquo les chirurgiens-den-tistes qui ne respectent pas ce principe fondamental leacutegal et deacuteontologique srsquoexposent agrave des poursuites tant devant les juridictions disciplinaires que peacutenales raquo

123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction de lrsquointerlocuteur-trice

Les refus de soins ou les pratiques discriminatoires sont plus souvent pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les que par les praticien-ne-s voire inexistants srsquoagissant des gyneacutecologuesDans les cabinets dentaires une majoriteacute de secreacutetaires meacutedicaux-les opposent des refus de soins directs aux PVVIH ils-elles sont 78 agrave opposer des refus indirects versus 22 des chirurgiens-dentistes Srsquoagissant de traitements diffeacuterentieacutes entre les PVVIH et leur binocircme supposeacute seacuteroneacutegatif 824 sont eacutemis par des secreacutetaires meacutedicaux-les versus 186 par des dentistesLes refus de soins ou discriminations sont majoritairement pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les Ce constat reacutevegravele soit un manque de formation et de connaissance du VIH qui aboutit agrave des mauvaises pratiques avec le ou la patiente soit lrsquoexistence de directives donneacutees par des praticien-ne-s quant agrave la prise en charge de certain-e-s patient-e-s dont les PVVIH En teacutemoignent les mises en attente majoritairement du fait des secreacutetaires meacutedicaux-les Il est probablement plus facile de donner des ins-tructions agrave son secreacutetariat que drsquoassumer individuellement la responsabiliteacute drsquoun refus

124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des villesMalgreacute des effectifs parfois limiteacutes de chirurgiens-dentistes et de gyneacutecologues par ville les reacutesultats de ce testing preacutesentent une dispariteacute des pheacutenomegravenes de refus de soins et de discriminations sur le territoire national Il nrsquoy a a priori pas de lien entre le lieu drsquoinstallation et lrsquoineacutegaliteacute des pratiques Lrsquoattitude neacutegative des professionnel-le-s agrave lrsquoencontre des PVVIH paraicirct davantage reposer sur des logiques individuelles que sur la deacutemographie meacutedicale ou lrsquoincidence locale du VIH Les reacutesultats du testing ne suggegraverent pas drsquoinfluence de lrsquoenvironnement sur les pratiques des professionnel-le-s On relegraveve que Bourg-en-Bresse Chacircteauroux et le seiziegraveme arrondissement de Paris trois lieux qui preacutesentent une deacutemographie meacutedicale quantitativement contras-teacutee se deacutetachent en matiegravere de proportion de refus de soins ou de pratiques discri-minatoires avec plus de 70 des chirurgiens-dentistes contacteacute-e-s concerneacute-e-s Agrave lrsquoinverse les speacutecialistes du treiziegraveme arrondissement de Marseille et de la ville de Pontoise nrsquoopposent aucun comportement discriminatoirePour les gyneacutecologues dont le nombre est insuffisant en France avec de veacuteritables ineacute-galiteacutes drsquoaccegraves sur le territoire 12 lrsquoeffet des villes semblent jouer un rocircle a minima Pour certaines villes dont la densiteacute meacutedicale pour cette speacutecialiteacute est tregraves faible un nombre limiteacute de professionnel-le-s a eacuteteacute contacteacute empecircchant toute conclusion Cependant il est important de noter que des PVVIH ont pu ecirctre confronteacutees agrave 100 de refus de rendez-vous dans certaines villes

125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave soulignerDe nombreux-ses praticien-ne-s et leur secreacutetariat meacutedical attribuent des rendez-vous aux PVVIH sans eacutevoquer aucun des motifs jugeacutes discriminatoires Pour pregraves de la moitieacute des cabinets dentaires (496 ) et plus de 4 cabinets de gyneacutecologie sur 5 (768 ) les pratiques de soins lrsquoaccueil et la communication sont en tout point conformes agrave la deacuteontologie meacutedicale (figures 5 et 6) Certains ont aussi fait preuve de bienveillance avec une approche globale de la prise en charge meacutedicale de la personne

126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutesLes logiques de preacutecaution occupent une place eacutevidente dans les arguments opposeacutes aux PVVIH au meacutepris de la loi de la deacuteontologie meacutedicale et des recommandations drsquohygiegravene De nos jours les refus de soins ou discriminations agrave leur eacutegard sont drsquoautant plus inacceptables que les mesures de preacutecaution standard ont eacuteteacute maintes fois rappe-leacutees par diverses instances publiques et scientifiques Ces mesures sont conccedilues pour preacutevenir le risque de transmission du VIH du ou de la patiente au personnel meacutedical et inversement et drsquoun ou drsquoune patiente agrave lrsquoautre Ceci est drsquoautant plus important qursquoen-viron un quart des PVVIH ignorent qursquoelles en sont atteintes et peuvent en toute bonne foi ne pas informer le ou la professionnel-le de santeacute de leur seacuterologie Les mesures de preacutecaution standard doivent ecirctre garanties systeacutematiquement dans tous les cabinets meacutedicaux et pour chaque patient-e quel que soit son eacutetat de santeacute

12 Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins Atlas de la deacutemographie meacutedicale en France situation au 1er janvier 2014

768

34 35PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 5 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 6 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

496

41 000 euroLe prix facial sur le marcheacute franccedilais du premier des traitements hautement actifs contre le VHC pour trois mois Sa combinaison avec drsquoautres meacutedicaments peut coucircter plus de 100766500 000 euro selon la dureacutee du traitement

12 VhC qUI SOIGNER

Crsquoest dans ce contexte que le principe drsquoune mise sous traitement seacutelective est acteacute par le ministegravere de la Santeacute Des critegraveres sont eacutetablis pour deacutefinir qui doit acceacuteder prioritai-rement aux nouveaux traitements innovants contre le VHC Ce choix et ses traductions opeacuterationnelles sont supposeacutes concilier le droit agrave la protection de la santeacute la santeacute publique et des populations mais aussi lrsquoeacutequilibre des finances publiques et la peacuteren-niteacute du systegraveme de protection sociale franccedilais Des recommandations drsquoexpert-e-s pour la mise sous traitement ont eacuteteacute fixeacutees courant 2014 mais finalement restreintes par un avis de la HAS ensuite en 2015 Ceci alors que la socieacuteteacute franccedilaise drsquoheacutepatologie a elle-mecircme confirmeacute en juin de la mecircme anneacutee les recommandations drsquoaccegraves eacutelargies de 2014

101048110104821010481 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexpertsDes recommandations ont drsquoabord eacuteteacute proposeacutees en mai 2014 dans un Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C dit rapport Dhumeaux Ce rapport a eacuteteacute commandeacute par la ministre de la Santeacute en janvier 2013 agrave lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) et lrsquoAssociation franccedilaise pour lrsquoeacutetude du foie (AFEF) De nombreux-ses praticien-ne-s universitaires et des repreacutesentant-e-s drsquoassociations drsquousager-e-s du systegraveme de santeacute sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux ont participeacute agrave son eacutelaboration Ainsi pour les personnes vivant avec une heacutepatite C les recommandations de mise sous trai-tement reposent notamment sur lrsquoavancement de la maladie crsquoest-agrave-dire les stades de fibrose supeacuterieurs ou eacutegaux agrave 2 13 qui indiquent lrsquoeacutetat drsquoavancement de lrsquoimpact du virus sur le foie Les experts ont par ailleurs distingueacute certaines populations pour lesquelles la mise sous traitement est preacuteconiseacutee quel que soit le stade de fibrose

Les patient-e-s ayant des manifestations extra-heacutepatiques seacutevegraveres Les patient-e-s en attente de transplantation heacutepatique ou reacutenale (pour tenter drsquoeacuteradiquer le virus avant la transplantation)

Au cas par cas les femmes ayant un deacutesir de grossesse Les personnes co-infecteacutees VIH-VHC Les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse Les personnes deacutetenues (avec lrsquoobjectif dans ces deux derniegraveres populations drsquoune reacuteduction du risque de transmission) 14

Si le rapport Dhumeaux propose une seacutelection des patient-e-s notamment au regard du prix il inscrit ces recommandations dans une perspective de ralentissement de lrsquoeacutepi-deacutemie et se distingue en ce sens de la HAS

101048110104821010482 Les recommandations restrictives de la hASLa HAS contribue laquo agrave la reacutegulation du systegraveme de santeacute raquo et a donc comme mission drsquolaquo assurer agrave tous les patients et usagers un accegraves peacuterenne et eacutequitable agrave des soins aussi efficaces sucircrs et efficients que possible raquo 15 Les recommandations eacutetablies par la HAS srsquoimposent aux professionnel-le-s meacutedicaux-cales Contrairement agrave la perspective du rapport Dhumeaux la HAS ne considegravere pas que laquo les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC [soient] reacuteunies raquo Elle en tire les conseacutequences et ne recommande qursquolaquo une strateacutegie de traitement des patients dans lrsquoobjectif drsquoune gueacute-rison virologique individuelle raquo avec des recommandations de stade de fibrose plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux Ainsi la HAS limite lrsquoaccegraves aux traitements innovants aux stades de fibrose du foie F2 seulement sous certaines conditions drsquoeacutevolution F3 et F4 ainsi qursquoagrave tous les stades pour certaines populations personnes co-infecteacutees VIH et VHC personnes atteintes de cryoglobulineacutemie mixte systeacutemique et symptomatique personnes atteintes de lym-phome B associeacute au VHC 16 La HAS eacutecarte en revanche des populations cibleacutees par le rapport drsquoexperts Dhumeaux notamment les usager-e-s de drogues et les personnes deacutetenues qui relegraveveraient drsquoune approche non speacutecifique et donc du cadre geacuteneacuteral La France est assez isoleacutee en Europe sur des recommandations de traitement et de non traitement arrecircteacutees sur les stades de fibrose

11 DES TRAITEMENTS INNOVANTS Agrave PRIX TREgraveS EacuteLEVEacuteS

Les limites eacuteconomiques agrave la prescription notamment sur la base de recommandations deacutefinies par la Haute autoriteacute de santeacute (HAS) sont notamment mises en lumiegravere par les prix des nouveaux traitements contre le VHC Aujourdrsquohui diffeacuterents traitements inno-vants contre le VHC les antiviraux agrave action directe sont sur le marcheacute Ils repreacutesentent des avanceacutees theacuterapeutiques majeures offrant un taux de gueacuterison virologique tregraves eacuteleveacute avec des dureacutees de traitements courtes et des effets indeacutesirables limiteacutes Si les associations investies dans le champ de la lutte contre les heacutepatites virales ndash Collectif Heacutepatites Virales (CHV) SOS heacutepatites TRT-5 Comegravede Meacutedecins du Monde (MdM) Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) AIDES ndash saluent lrsquoespoir drsquoune fin proche de lrsquoeacutepideacutemie de VHC elles se sont rapidement alarmeacutees sur le prix de ces nouveaux traitements Sur le marcheacute franccedilais le prix facial du premier de ces traitements hautement actifs contre le VHC (Sovaldisofosbuvir) a eacuteteacute fixeacute agrave 41 000 euro pour trois mois de traitement Ce traitement ne srsquoutilise jamais seul mais en association avec drsquoautres Certaines combinaisons peuvent coucircter plus de 100 000 euro selon la dureacutee (des traitements de six mois sont parfois neacutecessaires)Alors que la France meacutetropolitaine compte plus de 200 000 personnes vivant avec le VHC de tels prix constituent clairement un deacutefi pour les finances publiques et la peacuterenniteacute drsquoun systegraveme de santeacute solidaire En conseacutequence et pour la premiegravere fois en France ce prix participe agrave ce que lrsquoon peut consideacuterer comme un rationnement avec des mises sous traitement sur la base drsquoavis et de dispositions restrictifs

Meacutedicaments quels prix Le prix du meacutedicament nrsquoest pas libre il est fixeacute par convention entre le laboratoire lrsquoexploitant et le Comiteacute eacuteconomique des produits de santeacute (CEPS) sur la base de cri-tegraveres deacutefinis agrave lrsquoarticle L162-16-4 du Code de santeacute publique laquo La fixation de ce prix tient compte principalement de lrsquoameacutelioration du service meacutedical rendu (SMR) appor-teacutee par le meacutedicament le cas eacutecheacuteant des reacutesultats de lrsquoeacutevaluation meacutedico-eacutecono-mique des prix des meacutedicaments agrave mecircme viseacutee theacuterapeutique des volumes de vente preacutevus ou constateacutes ainsi que des conditions preacutevisibles et reacuteelles drsquoutilisation du meacutedi-cament raquo Agrave cela srsquoajoute aussi la coheacuterence avec les conditions de commercialisation preacutevues dans les grands Eacutetats europeacuteens Seul le prix facial est public crsquoest-agrave-dire le prix rembourseacute par lrsquoassurance maladie Le CEPS et les laboratoires peuvent neacutegocier des dispositifs de remises drsquoougrave un prix reacuteel diffeacuterent (voire tregraves diffeacuterent) de ce prix facial Les dispositifs de remises et le prix reacuteel nrsquoeacutetant pas publics les prescripteurs et usager-e-s nrsquoont connaissance que du prix facial

Le droit agrave la protection de la santeacute interdit toute forme de discriminations dans lrsquoaccegraves aux soins Cependant si les discriminations sont interdites lrsquouniversaliteacute de lrsquoaccegraves agrave certains soins et traitements nrsquoest pas pour autant garantie Crsquoest le cas des nouveaux traitements contre le virus de lrsquoheacutepatite C (VHC) dont le prix exorbitant a forceacute agrave deacutefinir des critegraveres de seacutelection des patient-e-s et agrave renoncer agrave lrsquoaccegraves universel

Bien que fondamental le droit agrave la protec-tion de la santeacute sans discrimination (voir page 25) peut connaicirctre certaines limites agrave son effectiviteacute en particulier sur le plan financier Il deacutepend en effet des choix opeacutereacutes au regard des deacutepenses publiques de lrsquoEacutetat et de la seacutecuriteacute sociale et notamment par rapport aux prix des meacutedicaments et des produits de santeacute Lrsquoarticle 8 du Code de deacuteontologie meacutedi-cale (R4127-8 du Code de santeacute publique) preacutecise que laquo Dans les limites fixeacutees par la loi le meacutedecin est libre de ses pres-criptions qui seront celles qursquoil estime les plus approprieacutees en la circonstance Il doit sans neacutegliger son devoir drsquoassistance morale limiter ses prescriptions et ses actes agrave ce qui est neacutecessaire agrave la qualiteacute agrave la seacutecuriteacute et agrave lrsquoefficaciteacute des soins Il doit tenir compte des avantages des incon-veacutenients et des conseacutequences des diffeacute-rentes investigations et theacuterapeutiques possibles raquo Si la liberteacute de prescription est ici recon-nue elle connaicirct donc certaines limites leacutegales dont celle imposeacutee par lrsquoarticle L162-2-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo Les meacutedecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions drsquoobserver dans le cadre de la leacutegislation et de la reacuteglementation en vigueur la plus stricte eacuteconomie compatible avec la qualiteacute la seacutecuriteacute et lrsquoefficaciteacute des soins raquo ce notamment sur la base des laquo recomman-dations ou avis meacutedico-eacuteconomiques de la Haute autoriteacute de santeacute raquo

13 Stades de fibrose F0 pas de fibrose F1 fibrose leacutegegravere F2 fibrose modeacutereacutee F3 fibrose seacutevegravere F4 cirrhose14 Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C 2014 p 25015 httpwwwhas-santefrportailjcmsfc_1249599frla-has16 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf

36 37

DROIT APPLICABLE

1  LE cAS dES TrAITEmENTS INNoVANTS 

coNTrE LrsquoHEacutePATITE c mdash

dIFFIcULTEacuteS drsquoAccEgraveS  AUx TrAITEmENTS

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

38 39

Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

59

40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

Rejoignez AIDES sur les reacuteseaux sociaux facebookcomaides assoAIDES

Page 7: AIDES Rapport Discrim

AIDES a plus de 30 ans aujourdrsquohui et son investissement en faveur du droit agrave lrsquoins-truction et agrave lrsquoemploi des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) est aussi ancien Ce combat a eacutevolueacute de bien des maniegraveres et pourtant les difficulteacutes semblent rester les mecircmes discriminations agrave lrsquoembauche deacutefaut de visibiliteacute de la seacuteropositiviteacute au travail discriminations de la part de collegravegues et parfois de la hieacuterarchie quels que soient la taille de lrsquoentreprise le secteur public ou priveacute etc Degraves 1992 les guides Droit et Sida de AIDES consacrent de tregraves grandes parties de leur contenu agrave lrsquoemploi En 2000 lrsquoassociation lance lrsquoenquecircte laquo Entre contraintes eacuteconomiques et volonteacutes sociales quelle place pour les personnes seacuteropositives le point de vue des acteurs de lrsquoentreprise raquo suivi des enquecirctes laquo AIDES et toi raquo et laquo VIH heacutepatites et vous raquo qui portent en particulier sur les ressources lrsquoaccegraves et le maintien dans lrsquoemploi des PVVIH

11 LES MEacuteTIERS PREacuteTENDUMENT INTERDITS AUX PVVIh LE POIDS DES REPREacuteSENTATIONS ET DES IDEacuteES REccedilUES

Le combat continu de AIDES en la matiegravere porte aussi sur les meacutetiers juridiquement interdits et ceux dont on suppose agrave tort qursquoils le sont agrave partir drsquoideacutees reccedilues et preacuteten-dus risques La brochure laquo VIH-sida et milieu du travail guide de sensibilisation raquo eacutediteacutee en 2001 par AIDES avec le soutien de lrsquoAssociation de gestion du fonds pour lrsquoinsertion professionnelle des personnes handicapeacutees (AGEFIPH) ainsi que du ministegravere de lrsquoEm-ploi et de la Solidariteacute eacutenumeacuterait comme exemples des meacutetiers faussement interdits

Cadre en fonction de responsabiliteacute en raison des absences possibles Les meacutetiers de la restauration et meacutetiers de bouche en raison de la fatigue du contact avec le public et du laquo risque de transmission par le biais des aliments raquo

Le secteur de lrsquoenfance et de lrsquoeacuteducation en raison du laquo risque de transmission aupregraves des enfants raquo

Le secteur meacutedical idem ci-dessus (enfants et adultes) Le secteur du bacirctiment et des travaux publics et plus largement les meacutetiers laquo physiques raquo agrave cause de la fatigue

Le secteur social les personnes seacuteropositives seraient laquo deacutepressives raquo il faut donc eacuteviter le contact avec le public

Les meacutetiers du nettoyage et les hocirctes de caisse agrave cause des horaires deacutecaleacutes et de la fatigue

Les meacutetiers avec du relationnel ou de la communication car les personnes seacuteropositives seraient laquo deacutepressives raquo

etcCes ideacutees reccedilues identifieacutees sur la base de formations agrave lrsquoinitiative de AIDES aupregraves drsquoopeacuterateurs drsquoinsertion teacutemoignent laquo du manque drsquoinformation principalement sur les effets des traitements et lrsquoeacutetat des repreacutesentations concernant les personnes toucheacutees raquo

12 LA PERSISTANCE DE fORMATIONS ET DE MEacuteTIERS jURIDIqUEMENT INTERDITS

Au-delagrave de ces repreacutesentations et ideacutees reccedilues lrsquoaccegraves agrave certaines formations et agrave certains emplois est encore juridiquement interdit en contradiction directe avec les principes du droit franccedilais Sans preacutetendre agrave une approche exhaustive AIDES srsquoest par-ticuliegraverement pencheacutee ces derniers mois sur trois cas les arts du cirque la magistrature et lrsquoarmeacutee franccedilaise Afin de conforter son analyse dans la perspective drsquoune eacutevolution du droit applicable elle a saisi en octobre 2015 le Deacutefenseur des droits agrave ce sujet

11

VIH des conditions deacutefavorables drsquoaccegraves et de maintien dans lrsquoemploi 1

Depuis une quinzaine drsquoanneacutees les pro-gregraves theacuterapeutiques ont permis agrave un nombre croissant de PVVIH de poursuivre durablement une activiteacute professionnelle comme le deacutemontrent les rapports drsquoex-perts successifs sur leur prise en charge meacutedicale Des associations ont aussi œuvreacute pour le deacuteveloppement de pro-grammes speacutecifiques drsquoaccegraves agrave lrsquoinsertion professionnelle et agrave lrsquoemploi comme par exemple Ikambere ou BasiliadeNeacuteanmoins le VIH demeure en soi un facteur de fragilisation des parcours pro-fessionnels et de paupeacuterisation y com-pris pour des personnes initialement bien inseacutereacutees dans lrsquoemploi Le taux de PVVIH ayant un emploi est infeacuterieur agrave celui de la population geacuteneacute-rale (57 versus 64 enquecircte ANRS-Vespa 2 2013) Entre 2003 et 2011 lrsquoaugmentation de leur taux de chocircmage est significative de maniegravere geacuteneacuterale (+4 ) et forte sur des publics speacutecifiques (femmes migrantes +10 ) Lrsquoenquecircte laquo VIH Heacutepatites et vous raquo (AIDES 2011) souligne un risque drsquoecirctre sans emploi 5 fois plus eacuteleveacute pour les PVVIH que pour la population geacuteneacuterale Si plus des deux tiers des PVVIH ayant perdu leur emploi depuis lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute souhaitent retravailler elles rencontrent des difficulteacutes drsquoac-cegraves quels que soient les secteurs public comme priveacute Plus le nombre drsquoanneacutees de vie avec le VIH augmente plus le taux drsquoemploi diminue La stigmatisation et la discrimination sont toujours preacutesentes dans le milieu professionnel 62 des PVVIH main-tiennent le secret sur leur eacutetat de santeacute au travail Les personnes peinent souvent agrave eacutevaluer le risque de parler ou pas de leur pathologie

1 Sources Enquecircte ANRS-Vespa 2 (BEH ndeg 2627 du 2 juillet 2013 premiers reacutesultats de lrsquoenquecircte ANRS-Vespa 2) IRDES Enquecircte laquo VIH Heacutepatites et vous raquo (EUSD du 18 au 23 octobre 2010) Focus emploi AIDES 2011 Rapport drsquoexperts et recommandations pour la prise en charge meacutedicale des PVVIH laquo Morlat raquo 2013 Chapitre laquo conditions de vie raquo p 440 et s

1TrAVAIL SEacuteroPoSITIVITEacute  ET dIScrImINATIoNS   

UNE HISToIrE AUSSI VIEILLE  qUE LrsquoEacutePIdEacutemIE 

mdashLes stigmatisations et les discriminations associeacutees au VIH ou aux heacutepatites existent dans le milieu professionnel aussi bien dans le secteur public que priveacute Elles peuvent srsquoinscrire dans les relations individuelles mais elles sont aussi parfois structurelles voire reacuteglementaires Ainsi lrsquoaccegraves agrave certaines formations et agrave certains emplois est refuseacute aux personnes vivant avec le VIH alors mecircme que les progregraves theacuterapeutiques ont deacutemontreacute leur efficaciteacute tant en matiegravere de reacuteduction des effets indeacutesirables que sur lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute

En matiegravere de droit du travail les textes de droit inter-national et de droit franccedilais sont tregraves nombreux et inter-disent les discriminations lieacutees agrave lrsquoeacutetat de santeacuteLes refus drsquoaccegraves agrave un emploi ou agrave une formation les licenciements fondeacutes sur lrsquoeacutetat de santeacute ou le handicap sont consideacutereacutes comme discriminatoires et peuvent faire lrsquoobjet de sanctions preacutevues dans diffeacuterents textes (Code peacutenal Code civil etc) Malgreacute lrsquoexistence de dis-positifs leacutegaux les discriminations lieacutees agrave lrsquoeacutetat de santeacute demeurent nombreuses dans le milieu professionnelEn 2014 13 des saisines du Deacutefenseur des droits en matiegravere de discriminations interviennent au titre du cri-tegravere de lrsquoeacutetat de santeacute notamment pour des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi (refus drsquoembauche agrave lrsquoannonce de la maladie) ou des difficulteacutes de maintien dans lrsquoemploi (refus des employeurs de mettre en place des ameacutena-gements raisonnables) Selon le 6e baromegravetre sur le res-senti des discriminations dans lrsquoemploi du Deacutefenseur des droits et de lrsquoOrganisation internationale du travail (OIT) lrsquoeacutetat de santeacute est source de pressions dans le monde professionnel Parmi les personnes deacuteclarant avoir eacuteteacute victimes de discrimination 12 estiment que celle-ci eacutetait lieacutee agrave leur eacutetat de santeacute La situation des personnes vivant avec le VIH reste difficile en particulier dans la sphegravere professionnelle en raison drsquoune grande meacutecon-naissance de la maladie de lrsquoimage neacutegative et tenace de la seacuteropositiviteacute Lutter contre les discriminations et les preacutejugeacutes concilier maladie chronique et emploi informer les personnes et les employeurs simplifier et ameacuteliorer les dispositifs de maintien dans lrsquoemploi des personnes malades sont autant de deacutefis agrave relever

Droit international Les engagements de la France aux niveaux europeacuteen et international sur le droit du travail sont nombreux Le Pacte international relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et culturels (PIDESC) adopteacute dans le cadre des Nations unies le 16 deacutecembre 1966 entreacute en vigueur en France le 4 feacutevrier 1981 pose notamment un principe de non-discrimination pour la jouissance des droits qursquoil eacutenonce (article 2-2deg) le droit au travail (article 6) le droit de toute personne agrave un niveau de vie suffisant (article 11-1deg) et le droit agrave lrsquoeacuteducation (article 13) Ce dernier article preacutecise que le droit agrave lrsquoeacuteducation inclut lrsquoensei-gnement primaire obligatoire et accessible gratuitement agrave tous lrsquoenseignement secondaire sous ses diffeacuterentes formes y compris lrsquoenseignement secondaire technique et professionnel geacuteneacuteraliseacute et accessible agrave tous lrsquoensei-gnement supeacuterieur accessible agrave tous en pleine eacutegaliteacute

Selon la convention 111 de lrsquoorganisation internationale du travail de 1958 contre les discriminations dans lrsquoem-ploi et les professions ratifieacutee par la France et entreacutee en vigueur en avril 1981 la Reacutepublique srsquoengage notam-ment agrave lrsquoarticle 3 agrave laquo a) srsquoefforcer drsquoobtenir la collaboration des organisa-

tions drsquoemployeurs et de travailleurs et drsquoautres organismes approprieacutes pour favoriser lrsquoacceptation et lrsquoapplication de cette politique

b) promulguer des lois et encourager des programmes drsquoeacuteducation propres agrave assurer cette acceptation et cette application

c) abroger toute disposition leacutegislative et modifier toute disposition ou pratique administratives qui sont incompatibles avec ladite politique

d) suivre ladite politique en ce qui concerne les emplois soumis au controcircle direct drsquoune autoriteacute nationale

e) assurer lrsquoapplication de ladite politique dans les acti-viteacutes des services drsquoorientation professionnelle de formation professionnelle et de placement soumis au controcircle drsquoune autoriteacute nationale raquo

Lrsquoarticle 1 de cette convention preacutecise que lrsquoaccegraves agrave lrsquoem-ploi inclut lrsquoaccegraves agrave la formation en vue drsquoacceacuteder agrave cet emploiLe droit europeacuteen interdit eacutegalement les discriminations agrave raison de lrsquoeacutetat de santeacute dans le champ de lrsquoemploiAgrave lrsquoorigine de nombreuses eacutevolutions jurisprudentielles dans de nombreux pays europeacuteens dont la France la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales (CEDH) du 4 novembre 1950 entreacutee en vigueur en France le 21 sep-tembre 1970 en son article 14 pose de mecircme un principe de non-discrimination laquo La jouissance des droits et liber-teacutes reconnus dans la preacutesente Convention doit ecirctre assu-reacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance ou toute autre situation raquo Bien que la CEDH ne proclame pas de droits en matiegravere eacutecono-mique et sociale il reacutesulte de la combinaison de lrsquoarticle 1er du protocole ndeg 1 (qui garantit le respect du droit de proprieacuteteacute et plus largement drsquoapregraves la Cour les droits patrimoniaux) de lrsquoarticle 2 du protocole ndeg 1 (qui garan-tit le droit agrave lrsquoinstruction) et de lrsquoarticle 14 de la CEDH un principe de non-discrimination en matiegravere de droits sociaux et de droit agrave lrsquoinstructionLa charte sociale europeacuteenne du 18 octobre 1961 entreacutee en vigueur en France le 8 avril 1973 garantit le droit au travail (article 1) le droit agrave la formation professionnelle (article 10) et le droit de toute personne agrave la protection contre la pauvreteacute et lrsquoexclusion sociale (article 30) La jouissance de tous ces droits est en outre compleacuteteacutee par une clause geacuteneacuterale de non-discriminationCes principes internationaux et europeacuteens ont enfin eacuteteacute rappeleacutes en 2000 par la Directive europeacuteenne CE ndeg 200078CE portant sur la creacuteation drsquoun cadre geacuteneacute-ral en faveur de lrsquoeacutegaliteacute de traitement en matiegravere drsquoem-ploi Cette directive srsquoimpose agrave lrsquoensemble des pays membres de lrsquoUnion Europeacuteenne

Droit franccedilaisSi les textes internationaux sont nombreux et preacutecis sur le droit agrave la formation et agrave lrsquoemploi sans discrimination le droit franccedilais nrsquoest pas en reste Le droit au travail reconnu par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 est un droit agrave valeur constitutionnelle Il est garanti sans discrimination dans le Code peacutenal ainsi que dans le Code civil agrave travers le droit au respect de la vie priveacutee et speacuteci-fiquement dans le Code du travail

Preacuteambule de la Constitution de 1946Chacun a le devoir de travailler et le droit drsquoobtenir un emploi Nul ne peut ecirctre leacuteseacute dans son travail ou son emploi en raison de ses origines de ses opinions ou de ses croyancesLa Nation garantit lrsquoeacutegal accegraves de lrsquoenfant et de lrsquoadulte agrave lrsquoinstruction agrave la formation professionnelle et agrave la culture Lrsquoorganisation de lrsquoenseignement public gratuit et laiumlque agrave tous les degreacutes est un devoir de lrsquoEacutetatFidegravele agrave sa mission traditionnelle la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge agrave la liberteacute de srsquoadministrer eux-mecircmes et de geacuterer deacutemocratique-ment leurs propres affaires eacutecartant tout systegraveme de colonisation fondeacute sur lrsquoarbitraire elle garantit agrave tous lrsquoeacutegal accegraves aux fonctions publiques et lrsquoexercice indi-viduel ou collectif des droits et liberteacutes proclameacutes ou confirmeacutes ci-dessus

Code peacutenal Interdiction des discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi

article 225-1Constitue une discrimination toute distinction opeacutereacutee entre les personnes physiques agrave raison de leur origine de leur sexe de leur situation de famille de leur grossesse de leur apparence physique de leur patronyme de leur lieu de reacutesidence de leur eacutetat de santeacute de leur handicap de leurs caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de leurs mœurs de leur orientation ou identiteacute sexuelle de leur acircge de leurs opinions politiques de leurs activiteacutes syndicales de leur appartenance ou de leur non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une race ou une religion deacutetermineacutee

article 225-2 La discrimination deacutefinie aux articles 225-1 et 225-1-1 commise agrave lrsquoeacutegard drsquoune personne physique ou morale est punie de trois ans drsquoemprisonnement et de 45 000 euros drsquoamende lorsqursquoelle consiste 3deg Agrave refuser drsquoembaucher agrave sanctionner ou agrave licencier une personne 5deg Agrave subordonner une offre drsquoemploi une demande de stage ou une peacuteriode de formation en entreprise agrave une condition fondeacutee sur lrsquoun des eacuteleacutements viseacutes agrave lrsquoarticle 225-1 ou preacutevue agrave lrsquoarticle 225-1-1

article 225-3 Les dispositions de lrsquoarticle preacuteceacutedent ne sont pas appli-cables 1deg Aux discriminations fondeacutees sur lrsquoeacutetat de santeacute lors-qursquoelles consistent en des opeacuterations ayant pour objet la preacutevention et la couverture du risque deacutecegraves des risques portant atteinte agrave lrsquointeacutegriteacute physique de la personne ou des risques drsquoincapaciteacute de travail ou drsquoinvaliditeacute 2deg Aux discriminations fondeacutees sur lrsquoeacutetat de santeacute ou le handicap lorsqursquoelles consistent en un refus drsquoembauche ou un licenciement fondeacute sur lrsquoinaptitude meacutedicalement constateacutee soit dans le cadre du titre IV du livre II du Code du travail soit dans le cadre des lois portant dispositions statutaires relatives agrave la fonction publique

Code civil Respect de la vie priveacutee

article 9 Chacun a droit au respect de sa vie priveacutee

Code du travail Interdiction des discriminations dans lrsquoemploi

article l1132-1Aucune personne ne peut ecirctre eacutecarteacutee drsquoune proceacutedure de recrutement ou de lrsquoaccegraves agrave un stage ou agrave une peacuteriode de formation en entreprise aucun salarieacute ne peut ecirctre sanctionneacute licencieacute ou faire lrsquoobjet drsquoune mesure discri-minatoire directe ou indirecte telle que deacutefinie agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations notam-ment en matiegravere de reacutemuneacuteration au sens de lrsquoarticle L3221-3 de mesures drsquointeacuteressement ou de distribution drsquoactions de formation de reclassement drsquoaffectation de qualification de classification de promotion profes-sionnelle de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine de son sexe de ses mœurs de son orientation ou identiteacute sexuelle de son acircge de sa situation de famille ou de sa grossesse de ses carac-teacuteristiques geacuteneacutetiques de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation ou une race de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales ou mutualistes de ses convictions religieuses de son apparence physique de son nom de famille de son lieu de reacutesidence ou en raison de son eacutetat de santeacute ou de son handicap

Obligation drsquoameacutenagement raisonnable permettant le maintien dans lrsquoemploi

article 6 sexies de la loi ndeg 83-634 du 13 juillet 1983 dite le pors Afin de garantir le respect du principe drsquoeacutegaliteacute de traitement agrave lrsquoeacutegard des travailleurs handicapeacutes les employeurs viseacutes agrave lrsquoarticle 2 prennent en fonction des besoins dans une situation concregravete les mesures appro-prieacutees pour permettre aux travailleurs mentionneacutes aux 1deg 2deg 3deg 4deg 9deg 10deg et 11deg de lrsquoarticle L323-3 du Code du travail drsquoacceacuteder agrave un emploi ou de conserver un emploi correspondant agrave leur qualification de lrsquoexercer et drsquoy progresser ou pour qursquoune formation adapteacutee agrave leurs besoins leur soit dispenseacutee sous reacuteserve que les charges conseacutecutives agrave la mise en œuvre de ces mesures ne soient pas disproportionneacutees notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les deacutepenses supporteacutees agrave ce titre par lrsquoemployeur

article l5213-6 du code du travailAfin de garantir le respect du principe drsquoeacutegaliteacute de traite-ment agrave lrsquoeacutegard des travailleurs handicapeacutes lrsquoemployeur prend en fonction des besoins dans une situation concregravete les mesures approprieacutees pour permettre aux travailleurs mentionneacutes aux 1deg agrave 4deg et 9deg agrave 11deg de lrsquoar-ticle L5212-13 drsquoacceacuteder agrave un emploi ou de conserver un emploi correspondant agrave leur qualification de lrsquoexercer ou drsquoy progresser ou pour qursquoune formation adapteacutee agrave leurs besoins leur soit dispenseacuteeCes mesures sont prises sous reacuteserve que les charges conseacutecutives agrave leur mise en œuvre ne soient pas dis-proportionneacutees compte tenu de lrsquoaide preacutevue agrave lrsquoarticle L5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les deacutepenses supporteacutees agrave ce titre par lrsquoemployeurLe refus de prendre des mesures au sens du premier ali-neacutea peut ecirctre constitutif drsquoune discrimination au sens de lrsquoarticle L1133-3

DROIT APPLICABLE

12 13PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Le VIH et ses conseacutequences sur la vie des personnes concerneacutees ne sauraient affec-ter a priori lrsquoaptitude agrave exercer la profession de magistrat Exclure les PVVIH de maniegravere geacuteneacuterale apparaicirct disproportionneacute et injustifieacute au regard de lrsquoactiviteacute en cause Lrsquoinfection est aujourdrsquohui laquo controcircleacutee raquo chez la plupart drsquoentre elles et en particulier chez celles contamineacutees apregraves 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies Cette condition anteacuterieure agrave lrsquoapparition du virus preacutevue par une ordonnance de 1958 pour drsquoautres pathologies fait subsister une exigence anachronique discriminante et stigmatisante Forte de ces constats AIDES interpelle donc le directeur de lrsquoENM la direction des ser-vices judiciaires le ministegravere de la Santeacute et la garde des Sceaux Dans un courrier en date de 11 feacutevrier 2014 cette derniegravere indique partager notre ana-lyse sur cette discrimination anachronique Elle propose de modifier en conseacutequence lrsquoarticle 16-5deg de lrsquoordonnance statutaire des magistrats afin que les conditions drsquoap-titude physique rejoignent celles applicables agrave lrsquoensemble de la fonction publique Les conditions seraient donc similaires agrave celles exigeacutees pour des concours comparables et en particulier celles de lrsquoEacutecole nationale drsquoadministration Elle entend proceacuteder agrave cette modification dans une prochaine loi organique relative au statut de la magistratureAu moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport cette modification nrsquoest toujours pas opeacutereacutee Elle est cependant bien preacutevue par lrsquoarticle 4 du projet de loi organique relatif agrave lrsquoindeacutepen-dance et lrsquoimpartialiteacute des magistrats et agrave lrsquoouverture de la magistrature sur la socieacuteteacute deacuteposeacute par Christiane Taubira le 31 juillet 2015 au Parlement laquo La condition drsquoaptitude physique est eacutegalement modifieacutee pour lrsquoaligner sur celle preacutevue pour les concours de la fonction publique raquo Lrsquoeacutetude drsquoimpact de lrsquoarticle constate lrsquoobsolescence de la condition drsquoaptitude physique en preacutecisant que laquo Cette reacutedaction date de la version initiale de lrsquoordonnance statutaire Agrave la diffeacuterence des dispositions similaires du statut geacuteneacuteral des fonctionnaires preacuteciteacute cet article nrsquoa pas eacuteteacute modifieacute depuis 1958 raquo De mecircme que AIDES puis la ministre dans sa reacuteponse lrsquoeacutetude drsquoimpact reconnaicirct lrsquoinconstitutionnaliteacute de cette conditionLe projet de loi preacutevoit que les mots laquo et ecirctre reconnus indemnes ou deacutefinitive-ment gueacuteris de toute affection donnant droit agrave un congeacute de longue dureacutee raquo soient remplaceacutes par les mots laquo compte tenu des possibiliteacutes de compensation du handi-cap raquo Le statut de magistrat srsquoalignerait en ce sens sur le statut applicable pour la fonction publiqueAgrave lrsquooccasion de lrsquoexamen de ce texte programmeacute agrave lrsquoautomne 2015 AIDES sera vigi-lante agrave ce que cette modification aboutisse

21 LrsquoEacuteCOLE NATIONALE DU CIRqUE UNE EXCLUSION VITE ABROGEacuteE

En mai 2014 une infirmiegravere scolaire constate sur le dossier de candidature agrave lrsquoEacutecole nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois (ENACR) une demande surprenante lrsquoeacutecole exige une seacuterologie VIH Une telle demande laisse preacutesumer que les PVVIH ne seraient pas admises agrave cette formation et agrave cette activiteacute Lrsquoinfirmiegravere prend contact avec AIDES afin de se renseigner sur le bien-fondeacute et la leacutegaliteacute de cette demande Lrsquoinfirmiegravere scolaire interpelle aussi le journal Causette qui rend compte de lrsquoaffaire dans un article publieacute en juin 2014 et rapporte des eacutechanges avec des responsables de lrsquoENACR pour le moins confus et marqueacutes par des repreacutesentations sur les modes de transmission et les pratiques des eacutetudiants Lrsquoeacutecole reconnaicirct cependant une mala-dresse laquo le test ne sera plus obligatoire mais fortement conseilleacute raquo 2 Causette comme AIDES sont drsquoaccord sur un point cela ne change rien ou si peuhellip Une telle eacutevolution induit une suspicion pour les candidats qui ne preacutesenteraient pas ce test seacuterologique et maintient le preacutesupposeacute qursquoecirctre porteur du VIH nrsquoest pas compatible avec les activiteacutes circassiennesAIDES interpelle alors le ministegravere de la Jeunesse et des Sports lrsquoOrdre des meacutedecins lrsquoinspection acadeacutemique de Seine-Saint-Denis et bien sucircr lrsquoENACR et son meacutedecin reacutefeacuterent Les courriers deacutenoncent laquo la suspicion induite agrave lrsquoeacutegard des candidats seacutero-positifs raquo qui laquo sous-entend qursquoil y aurait des risques reacuteels de contamination dans les activiteacutes circassiennes ce qui constitue une discrimination aveacutereacutee en raison de lrsquoeacutetat de santeacute raquo Se refusant agrave deacutenoncer sans proposer de solution cette lettre invite agrave une ren-contre des diffeacuterent-e-s acteurs-trices concerneacute-e-s afin de faire eacutevoluer les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoENACRCette rencontre nrsquoaura pas lieu Le 26 juin le matin mecircme de la reacuteception du courrier envoyeacute par AIDES le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem alors ministre de la Jeunesse et des Sports prend contact avec AIDES pour demander des renseignements compleacute-mentaires Le mecircme jour lrsquoeacutecole annonce la fin de cette condition pour candidater consideacuterant que la demande est disproportionneacutee et injustifieacutee Lrsquoeacutecole regrette de nrsquoavoir pu srsquoexpliquer de vive voix Constateacutee en mai 2014 avec un retrait de la condition discriminatoire en juin de la mecircme anneacutee agrave peine un mois plus tard cette situation a eacuteteacute geacutereacutee avec une tregraves grande reacuteactiviteacute que AIDES tient agrave saluer

22 MAGISTRATURE UNE INTERDICTION DEPUIShellip 1958

Dans le cadre de ses actions de preacutevention et de soutien aupregraves des PVVIH des mili-tant-e-s de AIDES ont eacuteteacute interrogeacute-e-s en 2013 par une personne craignant de ne pouvoir candidater agrave lrsquoEacutecole nationale de la magistrature (ENM) du fait de son statut seacuterologique Une demande similaire a eacuteteacute adresseacutee au siegravege de AIDES en feacutevrier 2015 Apregraves veacuterification il srsquoavegravere en effet que lrsquoarticle 16 de lrsquoordonnance ndeg 58-1270 du 22 deacutecembre 1958 sur le statut de magistrat exige de laquo remplir les conditions drsquoaptitu-des physiques neacutecessaires agrave lrsquoexercice des fonctions et ecirctre reconnu indemne ou deacutefi-nitivement gueacuteri de toute affection donnant droit agrave un congeacute de longue dureacutee (CLD) raquo Lrsquoaptitude physique requise pour assurer les fonctions de magistrat conditionne eacutegale-ment lrsquoentreacutee agrave lrsquoENM Or le laquo deacuteficit immunitaire grave et acquis raquo donne droit au CLD les PVVIH sont donc toutes exclues de la magistratureSelon AIDES cette situation constitue une discrimination agrave lrsquoemploi agrave lrsquoencontre des PVVIH prohibeacutee par le droit franccedilais et en contradiction directe avec lrsquoalineacutea 18 du Preacuteambule de la constitution de 1946 sur lrsquoaccegraves de tous et toutes les citoyen-ne-s agrave la fonction publique

Comment avez-vous eu connaissance de la dispo-sition leacutegale excluant la candidature des personnes vivant avec le VIH de lrsquoeacutecole nationale de la magistra-ture (ENM) Crsquoest en preacuteparant mon dossier drsquoaccegraves agrave lrsquoENM que jrsquoai pris connaissance de la reacutefeacuterence agrave cette disposition du statut [de magistrat] alors que mon projet eacutetait tregraves avanceacute et que la preacutesentation agrave ce concours eacutetait deacuteter-mineacutee comme eacutetant mon choix professionnel deacutefinitif

Comment avez-vous perccedilu cette condition par rapport agrave votre situation personnelle Jrsquoai eacuteteacute sideacutereacute par cette disposition et jrsquoai chercheacute agrave savoir agrave quelle date elle avait eacuteteacute prise Le fait que les termes employeacutes eacutemanent drsquoun temps ougrave la question du VIH nrsquoexistait pas mrsquoa laisseacute perplexe Je me suis senti humilieacute et jeteacute au ban de la socieacuteteacute

Quel impact cette information a pu avoir sur vos choix drsquoeacutetudes et drsquoorientations professionnelles Depuis un an eacutepoque agrave laquelle jrsquoai pris connais-sance de cette situation je suis totalement deacutesorienteacute et

jrsquoai suspendu toute deacutemarche En effet mecircme si la Chan-cellerie dit que cette discrimination nrsquoa plus cours nous nrsquoavons aucune assurance de cela Je nrsquoai pas voulu ris-quer drsquoecirctre en porte agrave faux avec drsquoun cocircteacute une reacuteussite agrave lrsquoentreacutee et de lrsquoautre un rejet pour inaptitude meacutedicale dans de telles conditions que je nrsquoaurais pu expliquer agrave mon entourage

Si la loi organique sur le statut de magistrat eacutetait effec-tivement voteacutee mettant fin agrave lrsquoexclusion des personnes vivant avec le VIH comptez-vous passer le concours de lrsquoENM Je nrsquoattends que cela Je ne pense qursquoagrave cela et le temps me paraicirct bien long Mes projets actuellement suspendus seraient immeacutediatement reacuteactiveacutes Le seul lien drsquoespoir qui me tient a eacuteteacute la lecture sur votre site de lrsquoexistence de votre deacutemarche aupregraves de Madame Taubira dans le cadre drsquoun cas similaire au mien ainsi que la formulation des promesses de la garde des Sceaux agrave votre association Jrsquoai peur qursquoelle quitte la Chancelle-rie avant de reacutealiser sa promesse

Teacutemoignage

2 Dr K-POTE laquo Aux Arts du cirque on jongle avec le sida et le droit raquo Causette 4 juin 2014

14 15PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2FormATIoNS ET EmPLoIS   

EN FINIr AVEc LES INTErdITS mdash

Selon lrsquoarticle 28 de lrsquoinstruction de 2003 relatif aux cotations des pathologies dans lrsquoarmeacutee vivre avec le VIH en bonne santeacute et sans traitement serait moins laquo grave raquo au regard de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute que vivre avec le VIH en bonne santeacute et avec traitement

23 LrsquoARMEacuteE UN BASTION SANS VIh

Lrsquointerdiction drsquointeacutegrer de nombreux corps de lrsquoarmeacutee par des PVVIH a eacuteteacute identifieacutee en juillet 2015 apregraves qursquoune personne ait contacteacute lrsquoassociation AIDES alors qursquoelle srsquoeacutetait vu refuser lrsquoaccegraves agrave la marine nationale Lrsquoarticle L 4132-1 du Code de la deacutefense dispose que laquo Nul ne peut ecirctre militaire (hellip) 3deg Srsquoil ne preacutesente les aptitudes exigeacutees pour lrsquoexercice de la fonction raquo Lrsquoaptitude est eacuteva-lueacutee selon lrsquoinstruction ndeg 2100DEFDCSSAASTAME du 1er octobre 2003 relative agrave la deacutetermination de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir Cette instruction fixe des regravegles unifieacutees visant agrave eacutevaluer le profil meacutedical du candidat

231 Eacutevaluation de lrsquoaptitude agrave servir quelques repegraveresLe systegraveme deacutefini par lrsquoinstruction de 2003 relative agrave la deacutetermination de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir se base sur sept profils deacutetailleacutes nommeacutes chacun par une lettre de lrsquoacronyme Sigycop Pour chacun de ses profils des coefficients sont attribueacutes et visent agrave noter lrsquoeacutetat de santeacute la graviteacute de potentielles infections et des seacutequelles (tableau 1)

Le coefficient 0 correspond agrave une eacutevaluation meacutedicale initiale par un meacutedecin geacuteneacutera-liste il nrsquoest que transitoire Les coefficients de 1 agrave 6 eacutetablissent une eacutechelle progres-sive 1 correspondant agrave lrsquoaptitude pour laquo tous les emplois des armeacutees mecircme les plus peacutenibles raquo 6 correspondant agrave lrsquoinaptitude totale

Lrsquoarticle 10 de lrsquoinstruction explique que le profil meacutedical est eacutetabli agrave lrsquoaide du tableau 2 sur lequel les coefficients doivent ecirctre associeacutes par le meacutedecin habiliteacute au sigle corres-pondant Ce profil est ensuite compareacute aux profils drsquoaptitudes minimales deacutefinis pour chaque corps de lrsquoarmeacutee par diffeacuterents textes regraveglementaires afin de deacuteterminer si le candidat est eacuteligibleAinsi pour la marine nationale dans le cadre de la situation pour laquelle AIDES a eacuteteacute saisie lrsquoarticle 4 de lrsquoarrecircteacute du 21 mai 2012 fixant les conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants et pour la sous-cription drsquoun contrat au titre de la marine nationale deacutefinit le profil meacutedical deacutetailleacute dans le tableau 2

232 VIh et aptitude agrave servir une eacutevaluation drsquoun autre tempsOutre ce cadre meacutethodologique sur lrsquoaptitude meacutedicale lrsquoinstruction de 2003 attribue pour un nombre important de pathologies des notes pour tout ou partie des lettres de lrsquoacronyme La cotation concernant le VIH est deacutefinie agrave lrsquoarticle 28 de lrsquoinstruc-tion (tableau 3)

Cet article appelle de nombreux commentaires Drsquoabord le VIH nrsquoest ici consideacutereacute qursquoau regard de lrsquolaquo eacutetat geacuteneacuteral raquo de la personne sans conseacutequence sur le reste du profil meacutedi-cal Cet eacutetat geacuteneacuteral est associeacute agrave des coefficients allant de 3 agrave 5 Lrsquoarticle 8 de lrsquoinstruc-tion preacutecise lrsquoimplication de ces coefficients par rapport agrave la lettre G Coefficient 3 I 3 et G 3 entraicircnent une restriction appreacuteciable de lrsquoentraicircnement notamment lrsquoentraicircnement physique au combat et limite lrsquoeacuteventail des emplois en particulier ceux de combattants au contact direct avec lrsquoennemi Coefficient 4 Attribueacute agrave lrsquoun des sigles S I ou G ce coefficient exempte de tout entraicirc-nement physique au combat Il limite lrsquoaffectation des sujets ainsi classeacutes agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Coefficient 5 Attribueacute agrave lrsquoun des sigles S I G ou O il reacuteduit lrsquoaptitude agrave des emplois seacutedentaires eacuteventuellement adapteacutes

Cet article est eacutegalement surprenant au regard des distinctions qursquoil fait des diffeacuterentes phases de lrsquoinfection agrave VIH et de la gradation appliqueacutee Ainsi vivre avec le VIH en bonne santeacute et sans traitement serait moins laquo grave raquo au regard de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute que vivre avec le VIH en bonne santeacute et avec traitement Cette distinction prend lrsquoexact contre-pied des donneacutees de la science et des recommandations meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles

En effet les traitements actuels permettent de reacuteduire consideacuterablement la charge virale dans le sang au point qursquoelle devient indeacutetectable Dans ces conditions les per-sonnes sont non contaminantes Ils permettent aussi de vivre en bonne santeacute sur du long terme et dans des conditions similaires aux personnes seacuteroneacutegatives Ainsi les PVVIH en France se voient proposer des traitements degraves qursquoelles sont deacutepisteacutees et une tregraves large majoriteacute les accepte Certes il est possible de vivre avec le VIH sans traite-ment et sans laquo symptocircmes raquo mais agrave de rares exceptions pregraves cette situation ne peut pas durer et en tout eacutetat de cause la charge virale reste deacutetectable et les personnes restent contaminantes

laquo Un traitement curatif ou prophylactique au long cours ne saurait constituer agrave lui seul un motif drsquoeacutelimination que dans la mesure ougrave il entraicircnerait un absenteacuteisme iteacuteratif etou prolongeacute raquo et alors que ce nrsquoest pas le cas pour les traitements actuels du VIH lrsquoexclusion de nombreux postes des personnes seacuteropositives sur la base de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir nrsquoest pas proportionneacutee Elle constitue en ce sens une discrimination condamnable au regard des textes internationaux ratifieacutes par la France du Preacuteambule de la constitution de 1946 et du droit interne

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010482 1010485 1010483 1010483 1010481

Tableau 2 ndash Profil meacutedical Sigycop applicable aux officiers navigants de la marine nationale

Le Sigycop correspond au profil meacutedical dun individu eacutetabli par un meacutedecin militaire lui permettant de deacuteterminer son aptitude agrave inteacutegrer larmeacutee franccedilaise

Tableau 3 ndash Article 28 de lrsquoinstruction de 2003 Infection par le VIH

16 17

Tableau 1 ndash Reacutefeacuterentiel Sigycop 2003

sigle coefficient profil meacutedical concerneacute

S 1 agrave 1010486 Ceinture scapulaire et membres supeacuterieurs

I 1 agrave 1010486 Ceinture pelvienne et membres infeacuterieurs

G 1 agrave 1010486 Eacutetat geacuteneacuteral

Y 1 agrave 1010486 Yeux et vision (sens chromatique exclu)

C 1 agrave 1010486 Sens chromatique

O 1 agrave 1010486 Oreilles et audition

P 1010480 agrave 1010485 Psychisme

a) Infection agrave VIH asymptomatique sans traitement avec une immuniteacute cellulaire satisfaisante selon avis speacutecialiseacute 1010483 G

b) Infection agrave VIH asymptomatique sans traitement avec une immuniteacute cellulaire perturbeacutee (infeacuterieur agrave 500 CD4mm3) 1010483 G

c) Infection agrave VIH asymptomatique traiteacutee 4 G

d) Infection agrave VIH symptomatique 1010485 G

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Ainsi le systegraveme de notation retenu par lrsquoarmeacutee surprend en ce qursquoil se fonde sur des repreacutesentations invalideacutees depuis plusieurs anneacutees et contraires aux recommanda-tions meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles Au regard de la distinction opeacutereacutee ici sur la prise ou non de traitements les coefficients donneacutes en conseacutequence nrsquoont pas de sens Plus globalement lrsquoensemble du reacutefeacuterentiel proposeacute est largement inadapteacute et principalement au regard des eacuteleacutements sur lesquels il se base Il serait plus pertinent drsquoappreacutecier lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de la personne au regard de lrsquoeacutevolution de sa charge virale dans le temps et son eacutetat de santeacute

233 Un couperet qui concerne toutes les forces armeacutees et les formations affeacuterentesLes conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants de la marine nationale et pour la souscription drsquoun contrat au titre de la marine nationale exigent donc a minima un eacutetat geacuteneacuteral de santeacute corres-pondant agrave G 2 La seacuteropositiviteacute au VIH impliquant un coefficient minimum de 3 exclut donc de fait lrsquoensemble des candidat-e-s seacuteropositifs-ves Cette exclusion va cependant beaucoup plus loin que ce seul corps drsquoarmeacutee sont eacutega-lement concerneacutees lrsquoarmeacutee de terre et lrsquoarmeacutee de lrsquoair Alors qursquoen France plus de 79 des PVVIH sont sous traitement crsquoest une tregraves large majoriteacute drsquoentre elles qui se voient attribuer le coefficient G 4 et donc lrsquoinaptitude deacuteclareacutee pour tout entraicircnement physique au combat lrsquoaffectation srsquoen trouvant limiteacutee agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Cette note exclue aussi les personnes drsquoun nombre consideacuterable de formations mili-taires dont lrsquoEacutecole polytechnique comme illustreacute par la circulaire ndeg 273424DEFRH-ATFFSSLM relative agrave lrsquoadmission en classes preacuteparatoires agrave lrsquoenseignement supeacuterieur et en classes preacuteparatoires aux grandes eacutecoles des lyceacutees de la Deacutefense rele-vant de lrsquoarmeacutee de terre pour lrsquoanneacutee scolaire 2015-2016 Le Sigycop des eacutecoles militaires correspond au Sigycop minimal pour inteacutegrer les diffeacute-rents corps (tableau 4)

eacutecoles S I G Y C O P textes de reacutefeacuterence

Eacutecole polytechnique 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483 2

Instruction ndeg 13074 DEF DPAG du 27 deacutecembre 1982 modifieacutee (BOC p 5317 BOEM 620-4141 81421)

Eacutecole speacuteciale militaire de Saint-Cyr (scientifique litteacuteraire sciences eacuteconomiques et sociales)

2 2 2 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 23 deacutecembre 2009 (JO ndeg 22 du 27 janvier 2010 texte ndeg 12 BOC 7 2010 BOEM 311-022 77011)Instruction ndeg 812DEFRH-ATPRHLEG du 15 septembre 2014 (BOC ndeg 50 du 10 octobre 2014 texte 18 BOEM 31221 620-4121)

Eacutecole navale 2 2 2 5 1010483 20

ou 1010481

Arrecircteacute du 21 mai 2012 (JO ndeg 136 du 13 juin 2012 texte ndeg 20 signaleacute au BOC 362012 BOEM 3212)

Instruction ndeg 102DEFEMMRHPRH du 5 deacutecembre 2011 modifieacute (BOC ndeg 5 du 27 janvier 2012 texte 10 BOEM 32615 620-4162)

Eacutecole de lrsquoair 2 2 2 5 2 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 27 juillet 2011 modifieacute (JO ndeg 184 du 10 aoucirct 2011 texte ndeg 1 signaleacute au BOC 442011 BOEM 76812)

Eacutecole nationale supeacuterieure de techniques avanceacutees 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483

0 ou 1010481

Arrecircteacute du 18 janvier 2011 modifieacute (JO ndeg122 du 26 mai 2011 texte ndeg 4 signaleacute au BOC 292011 BOEM 8106)

Eacutecole nationale supeacuterieure des ingeacutenieurs de lrsquoinfrastructure militaire

1010483 1010483 1010483 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 26 avril 2012 (JO ndeg 108 du 8 mai 2012 texte ndeg 30 signaleacute au BOC 332012 BOEM 50833)

Tableau 4 ndash Sigycop minimal requis pour les eacutecoles militaires 4

Le Code de lrsquoaviation civile est le seul code dont lrsquoassocia-tion ait connaissance qui exclut directement les PVVIH laquo La positiviteacute au VIH est cause drsquoinaptitude raquo Celle-ci vaut pour les pilotes ou les controcircleurs aeacuteriens Cepen-dant cette inaptitude ne se veut pas systeacutematique ce code preacutevoit une possible reconnaissance de lrsquoaptitude au cas par cas sous certaines conditions Lrsquoarrecircteacute du 16 mai 2008 relatif aux critegraveres et condi-tions de deacutelivrance des attestations drsquoaptitude meacutedicale neacutecessaires pour assurer les services du controcircle de la circulation aeacuterienne preacutecise ainsi qursquolaquo un candidat preacute-sentant une infection VIH comportant des symptocircmes drsquoaffection eacutevolutive telle que le sida une lymphadeacuteno-pathie chronique lieacutee au VIH ou une atteinte du systegraveme nerveux central doit ecirctre deacuteclareacute inapte Toutefois la deacuteclaration drsquoaptitude peut ecirctre envisageacutee au renouvel-lement et agrave la revalidation pour les individus preacutesentant une reacuteaction positive asymptomatique pour le VIH raquo De mecircme pour les pilotes lrsquoaptitude peut ecirctre accordeacutee sous certaines conditions et sous reacuteserve de controcircles freacutequents laquo la survenue drsquoun sida ou du complexe appa-renteacute au sida [devient alors] cause drsquoinaptitude raquo

Enfin concernant le personnel navigant lrsquoarrecircteacute de 2007 relatif aux conditions drsquoaptitude physique preacutecise que le laquo personnel navigant commercial doit ecirctre exempt de toute affection chronique eacutevolutive raquo avant de compleacute-ter laquo Une aptitude par deacuterogation peut ecirctre demandeacutee au conseil meacutedical de lrsquoaeacuteronautique civile qui juge en fonction des reacutesultats des examens cliniques et biolo-giques de lrsquointeacuteresseacute montrant un eacutetat de lrsquoaffection compatible avec le service aeacuterien et le cas eacutecheacuteant une bonne toleacuterance au traitement raquoLes textes de lrsquoaviation civile se distinguent en ce sens que srsquoil exclut a priori le critegravere drsquoaptitude ne reacuteside pas dans la seacuteropositiviteacute en tant que telle mais sur lrsquoeacutetat de santeacute geacuteneacuteral Ils reacutesultent il faut le souligner de mobi-lisations et contentieux 3 agrave lrsquoencontre des dispositions preacuteceacutedemment en vigueur en particulier lrsquoarrecircteacute minis-teacuteriel du 5 juillet 1984 qui preacutevoyait que laquo les affections eacutevolutives susceptibles de conduire agrave une inaptitude ulteacuterieure sont eacuteliminatoires raquo

3 Notamment la Deacutelibeacuteration de la Halde du 6 feacutevrier 2006 et lrsquoarrecirct du Conseil drsquoEacutetat du 28 juin 2006 4 httpwwwformationterredefensegouvfrPJDocumentsDecouverteODFLyceesDocuments20141203_DEF_RH-AT_F_FS_SLM_Circulaire_273424_admission_CPES_CPGEpdf

Lrsquoaviation civile lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute plutocirct que la seacuteropositiviteacute

18 19PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Les discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et international Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacute

Cette mecircme exclusion des PVVIH existe aussi dans la gendarmerie nationale Sachant que dans la gendarmerie nationale lrsquoinaptitude est prononceacutee pour les candidats seacutero-positifs en qualiteacute de musicien choriste ou agent technique et administratif le carac-tegravere discriminatoire et disproportionneacute des classifications pour inaptitude est illustreacute sans que drsquoautres commentaires soient utiles (tableau 5)Dans le cadre de la reacutedaction de ce rapport AIDES nrsquoa pas pu encore recenser de maniegravere exhaustive les corps desquels les PVVIH seraient exclues agrave raison de leur eacutetat de santeacute La question que AIDES pose en revanche est celle des postes et corps ouverts aux personnes seacuteropositives la liste est certainement plus limiteacuteehellip Lrsquoassociation sou-haite pour lrsquoheure mettre en lumiegravere une exclusion une discrimination structurelle touchant agrave toutes les forces armeacutees et lieacutee agrave un reacutefeacuterentiel inadapteacute anachronique eacutechappant aux donneacutees scientifiques et meacutedicales contemporaines

Remarque en 2015 les forces armeacutees comptent 207 689 postes (120 031 pour lrsquoarmeacutee de terre 38 874 pour la marine nationale 48 784 pour lrsquoarmeacutee de lrsquoair) 5 Lrsquoeffectif de la gendarmerie nationale srsquoeacutelegraveve agrave 98 115 personnes 6 la police nationale agrave 144 858 7 et les sapeurs-pompiers agrave 244 900 8 Une part importante de ces postes est fermeacutee aux PVVIH

234 Police nationale sapeurs-pompiers une exclusion qui deacutepasse largement le champ de lrsquoarmeacutee

Srsquoil a une vocation militaire le profil meacutedical Sigycop srsquoapplique et creacutee des exclusions systeacutematiques de PVVIH dans de nombreux autres emplois publics Ainsi lrsquoexclusion constateacutee pour lrsquoarmeacutee sur la base des coefficients G 3 et G 4 se retrouve dans drsquoautres secteurs notamment la police nationale En effet depuis une tregraves reacutecente modification de lrsquoarrecircteacute du 2 aoucirct 2010 relatif aux conditions drsquoaptitudes physiques particuliegraveres pour lrsquoaccegraves aux emplois de certains corps de fonctionnaires par un arrecircteacute du 10 juin 2015 le profil G 2 exclut lrsquoensemble des PVVIH de la police nationale (tableau 6)

De mecircme lrsquoarrecircteacute du 6 mai 2000 fixant les conditions drsquoaptitude meacutedicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions drsquoexercice de la meacutede-cine professionnelle et preacuteventive au sein des services deacutepartementaux drsquoincendie et de secours deacutefinit diffeacuterents profils Les PVVIH sous traitement ne sont eacuteligibles qursquoau profil E qui correspond agrave une activiteacute non opeacuterationnelle voire un reclassement dans un autre corps cadre drsquoemplois ou emploi Ces discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et interna-tional Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacutePour chaque cas ayant eacuteteacute rapporteacute agrave AIDES lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour mieux documenter les situations des personnes ainsi que les implications collectives Lrsquoas-sociation a systeacutematiquement alerteacute les autoriteacutes concerneacutees afin de travailler avec elles agrave une eacutevolution des textes AIDES a aussi saisi le Deacutefenseur des droits agrave lrsquoautomne 2015 dans le cadre de sa mission constitutionnelle de laquo veille au respect des droits et liberteacutes raquoAIDES ne preacutetend pas avoir identifieacute toutes les exclusions seacuterophobes existantes Si des personnes ont connaissance de situations similaires elles sont inviteacutees agrave contacter les associations qui les aideront agrave saisir le Deacutefenseur des droits

corps statut drsquoappartenance

ou formation concerneacuteeprofil meacutedical requis

Officier de gendarmerie (OG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale candidat au cycle de formation donnant accegraves au grade drsquoaspirant (AGIV)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Officier du corps technique et administratif de la gendarmerie nationale (OCTAGN)

S I G Y C O P

1010483 1010483 1010483 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie (SOG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave exercer les attributions drsquoagent de police judiciaire adjoint (GAV APJA)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Sous-officier du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (CSTAGN) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave occuper un emploi particulier (GAV EP)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie recruteacute pour servir en qualiteacute de musicien de lrsquoorchestre ou de choriste de la garde reacutepublicaine

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010483 1010485 1010484 10104820

ou 1010481

Tableau 5 ndash Sigycop minimal pour la gendarmerie nationale

5 Chiffres cleacutes de la Deacutefense eacutedition 2015 6 httpwwwgendarmerieinterieurgouvfrNotre-InstitutionNos-moyensEffectifs 7 httpwwwladocumentationfrancaisefrvarstoragerapports-publics134000185pdf 8 httpwwwpompiersfraccueilles-sapeurs--pompiersles-statistiques

20 21

Tableau 6 ndash Sigycop minimal requis pour les fonctionnaires actifs de la police nationale

S I G Y C O P

1010482 1010482 1010482 1010483 1010482 1010482 1010482

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2LE droIT Agrave LA SANTEacute   ET LE PrINcIPE   

drsquoEacutegALITEacute dE TrAITEmENT

Le droit agrave la protection de la santeacuteLa loi relative aux droits des personnes malades et agrave la qualiteacute du systegraveme de santeacute du 4 mars 2002 dite laquo loi Kouchner raquo reacuteaffirme degraves lrsquoexposeacute des motifs le droit agrave la pro-tection de la santeacute comme un droit agrave valeur constitutionnelle reconnu par lrsquoalineacutea 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 laquo La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les conditions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacute-rielle le repos et les loisirs raquo Ce droit a eacuteteacute consacreacute par plusieurs deacutecisions du Conseil constitutionnel (notamment CC 23 juillet 1999 ndeg 99-416) Le droit agrave la protection de la santeacute est eacutegalement garanti par des textes internationaux ratifieacutes par la France Il lrsquoest indirectement par lrsquoarticle 3 de la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales interdisant la tor-ture et les traitements inhumains ou deacutegradants et par lrsquoarticle 8 de ladite Convention proteacutegeant le droit agrave la vie priveacutee et familiale Ce droit est aussi proteacutegeacute directement par la Charte de lrsquoOrganisation mondiale de la Santeacute du 27 juillet 1946 laquo La possession du meilleur eacutetat de santeacute qursquoil est capable drsquoatteindre constitue lrsquoun des droits fondamen-taux de tout ecirctre humain quelles que soient sa race sa religion ses opinions politiques sa conduite eacuteconomique raquoSur ces bases lrsquoarticle 1 de la loi de 2002 introduit un droit agrave la protection de la santeacute en faveur de toute personne sans discrimination laquo La mise en œuvre de ce droit passe par le deacuteveloppement de la preacutevention lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins les plus approprieacutes agrave son eacutetat de santeacute la continuiteacute des soins la seacutecuriteacute sanitaire raquo

Extraits du Code de santeacute publique

article l1110-1 Le droit fondamental agrave la protection de la santeacute doit ecirctre mis en œuvre par tous moyens disponibles au beacuteneacutefice de toute personne Les professionnels les eacutetablissements et reacuteseaux de santeacute les organismes drsquoassurance maladie ou tous autres organismes par-ticipant agrave la preacutevention et aux soins et les autoriteacutes sanitaires contribuent avec les usagers agrave deacutevelopper la preacutevention garantir lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins neacutecessiteacutes par son eacutetat de santeacute et assurer la continuiteacute des soins et la meilleure seacutecu-riteacute sanitaire possible

article l1110-3 Aucune personne ne peut faire lrsquoobjet de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention ou aux soins

article l1110-5 Toute personne a compte tenu de son eacutetat de santeacute et de lrsquourgence des interventions que celui-ci requiert le droit de recevoir les soins les plus approprieacutes et de beacuteneacuteficier des theacuterapeutiques dont lrsquoefficaciteacute est reconnue et qui garantissent la meilleure seacutecuriteacute sanitaire au regard des connaissances meacutedicales aveacutereacutees Les actes de preacutevention drsquoin-vestigation ou de soins ne doivent pas en lrsquoeacutetat des connaissances meacutedicales lui faire courir de risques disproportionneacutes par rapport au beacuteneacutefice escompteacute

article l1411-1-1 Lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins des populations fragiliseacutees constitue un objectif prioritaire de la politique de santeacuteLes programmes de santeacute publique mis en œuvre par lrsquoEacutetat ainsi que par les collectiviteacutes territoriales et les organismes drsquoassurance maladie prennent en compte les difficulteacutes speacutecifiques des populations fragiliseacutees

25

DROIT APPLICABLE

rEFUS dE SoINS

Le droit agrave la santeacute et le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement bien que proteacutegeacutes par des textes agrave valeurs constitutionnelle et internationale peinent parfois agrave trouver une traduction effective Dans le champ du VIH sida et des heacutepatites virales les exemples sont leacutegions Sans preacutetendre agrave lrsquoexhaustiviteacute AIDES retient pour 2015 trois expressions drsquoatteintes agrave ces droits fondamentaux Drsquoabord des personnes seacuteropositives au VIH sont confronteacutees agrave des refus de soins en raison de leur statut seacuterologique Ensuite des personnes infecteacutees par le virus de lrsquoheacutepatite C sont eacutecarteacutees de lrsquoaccegraves aux nouveaux traitements innovants Enfin les personnes mineures ne peuvent acceacuteder agrave tous les moyens de preacutevention et de deacutepistage disponibles actuellement Ces sujets constituent les trois axes de ce chapitre

Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de comparer les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique

Bien que lrsquoaccegraves aux soins sans discrimination soit garanti par des dispositions leacutegales sans ambiguiumlteacute dans les faits des entraves existent Lrsquoexistence mecircme des refus de soins ne fait pas consensus la plupart des professionnel-le-s de santeacute tendant agrave nier ou au moins agrave minimiser le pheacutenomegravene que les personnes concerneacutees rapportent pourtant de maniegravere reacutecurrente Le deacuteficit drsquoeacutetudes officielles ne permet pas drsquoen objectiver la nature et lrsquoampleur En France seules quelques enquecirctes meneacutees par des associations et des institutions documentent ces pheacutenomegravenes mais essentiel-lement cibleacutees sur des motivations drsquoordre social Il srsquoagit drsquoeacutetudes concernant des beacuteneacuteficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) de la CMU compleacutementaire (CMU-C) de lrsquoaide meacutedicale drsquoEacutetat (AME) et de lrsquoaide agrave lrsquoacquisition drsquoune compleacute-mentaire santeacute (ACS) 11 Les discriminations dans le champ meacutedical agrave lrsquoencontre des PVVIH sont notamment documenteacutees par Sida Info Service qui a meneacute cinq enquecirctes agrave ce sujet et agrave travers les enquecirctes ANRS-VespaPourtant des cas reacutecurrents de refus de soins ou de discriminations sont rappor-teacutes par des PVVIH Ils concernent principalement lrsquoaccegraves agrave des soins dentaires ou gyneacutecologiques dans un contexte ougrave les mesures de preacutecaution standard drsquohygiegravene ont eacuteteacute maintes fois rappeleacutees par diverses instances publiques scientifiques et professionnellesAfin drsquoobjectiver ces refus trop souvent minimiseacutes AIDES a meneacute un testing en avril 2015 agrave lrsquooccasion de deacutebats autour du projet de loi de modernisation de notre sys-tegraveme de santeacute susceptible de renforcer les moyens de lutte contre les refus de soins Cette enquecircte vise agrave saisir lrsquoampleur et documenter les refus de soins laquo sur le vif raquo agrave lrsquoencontre des PVVIH

11 MEacuteThODOLOGIE

111 qursquoest-ce qursquoun testing Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de com-parer toutes choses eacutegales par ailleurs les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique Si lrsquoune des personnes est traiteacutee diffeacuteremment de lrsquoautre alors cette diffeacuterence est imputeacutee agrave lrsquounique caracteacuteristique qui les distingue

112 Le protocole drsquoenquecircteAfin de parvenir agrave eacutetablir lrsquoexistence de traitements discriminatoires dans lrsquoaccegraves aux soins dentaires ou gyneacutecologiques des PVVIH AIDES a recouru agrave une opeacuteration de tes-ting srsquoappuyant sur lrsquoobservation de prises de rendez-vous teacuteleacutephoniques

Les testeur-se-sLes appels teacuteleacutephoniques sont reacutealiseacutes par 44 testeur-se-s tous militant-e-s de AIDES Chaque testeur-se doit jouer un personnage en srsquoappuyant sur une identiteacute fictive qui se reacutepartit selon quatre profils

Hommefemme Seacuteropositif-ve au VIH ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH

Les diffeacuterentes lois sur la santeacute rarement remises en causes se sont depuis inscrites dans la continuiteacute Elles positionnent le droit agrave la santeacute pour tous et toutes comme une finaliteacute des politiques de santeacute jusqursquoau dernier projet de loi preacutesenteacute par Marisol Touraine ministre des Affaires sociales de la Santeacute et des Droits des femmes qui rap-pelle dans la version initiale de lrsquoarticle 1er laquo Elle [la politique de santeacute] tend agrave assurer la promotion de conditions de vie favorables agrave la santeacute lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute de la population la reacuteduction des ineacutegaliteacutes sociales et territoriales de santeacute et agrave garantir la meilleure seacutecuriteacute sanitaire possible et lrsquoaccegraves effectif de la population agrave la preacutevention et aux soins raquo 9

Les dispositions speacutecifiques aux refus de soinsLe droit agrave la santeacute est un eacuteleacutement fondamental des droits de lrsquohomme Si les textes qui rappellent ce principe sont nombreux il reste que ce droit nrsquoest pas acquis pour tous et toutes en particulier pour les personnes en situation de vulneacuterabiliteacute Au-delagrave des dif-ficulteacutes drsquoaccegraves aux soins les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) peuvent ecirctre expo-seacutees agrave des pratiques illeacutegales de refus de soins qui portent atteinte au droit agrave la santeacute Mecircme si les refus de soins ne sont pas geacuteneacuteraliseacutes les reacutesultats de nombreux testing montrent leur reacutecurrence Le droit actuel permet-il de lutter efficacement contre ces pratiques illeacutegales les reacuteponses juridiques sont-elles suffisantes Lrsquoencadrement juri-dique des refus de soins est eacuteclateacute entre Code peacutenal Code de la santeacute publique Code de la consommation et Code de deacuteontologie meacutedicale ce qui ne rend pas visible cet enjeuLe rapport du Deacutefenseur des droits remis au Premier Ministre en mars 2014 sur laquo Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME raquo a permis de montrer lrsquoinefficaciteacute de lrsquoencadrement juridique actuel La loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (HPST) a mis en place une proceacutedure particuliegravere de signalement des refus de soins complexe et peu effective instances compeacutetentes et modaliteacutes de saisines multiples difficulteacutes des usager-e-s agrave faire valoir leurs droits rareteacute des signalements et manque de mobilisation des ins-tances en charge du traitement des signalements Crsquoest pourquoi il est neacutecessaire de renforcer les droits des patient-e-s pour une meilleure connaissance des lois et voies de recours existants de mettre en œuvre un accompagnement des victimes dans le cadre des proceacutedures de conciliation ou les recours en justice et de mieux qualifier les refus de soins illeacutegaux pour en faciliter lrsquoidentification

Exemple de deacutecision du Deacutefenseur des droits Le Deacutefenseur a eacuteteacute saisi drsquoune reacuteclamation relative au refus de proceacuteder agrave lrsquoextraction de dents de sagesse en raison de la seacuteropositiviteacute de la patiente Celle-ci pensant que le chirurgien accegravederait agrave son dossier informatique de suivi au sein du mecircme hocircpital nrsquoa pas indiqueacute sa maladie lors de la consultation preacuteopeacuteratoire Apregraves avoir appris la seacuteropositiviteacute de la reacuteclamante le mis en cause a annuleacute lrsquoopeacuteration preacutevue en propo-sant une date trois mois plus tard inacceptable pour cette derniegravere Afin de justifier le refus des soins le mis en cause a invoqueacute lrsquoapplication drsquoun protocole speacutecifique pour la prise en charge drsquoun patient seacuteropositif Lrsquohocircpital dans lequel exerccedilait le mis en cause a deacutementi lrsquoexistence drsquoun tel protocole Dans le cadre de cette deacutecision le Deacutefenseur des droits a donc recommandeacute la mise en œuvre de sanctions disciplinaires agrave lrsquoeacutegard du meacutedecin et a informeacute de sa deacutecision le ministegravere de la Santeacute le conseil national de lrsquoordre des chirurgiens-dentistes ainsi que le conseil deacutepartemental de lrsquoordre des meacutedecinsDeacutecision MLD-2011-94 du 13 janvier 2012 10

1 UN TESTINg PoUr objEcTIVEr  

LES rEFUS dE SoINS mdash

9 Au moment de la reacutedaction de ce rapport la reacutedaction deacutefinitive de lrsquoarticle 1er nrsquoest pas connue 10 httpwwwdefenseurdesdroitsfrfractionsprotection-des-droits-libertesdecisiondecision-mld-2011-94-du-13-janvier-2012-

relative-un

11 MEacuteDECINS DU MONDE Testing sur les refus de soins des meacutedecins geacuteneacuteralistes pour les beacuteneacuteficiaires de la Couverture Maladie Universelle ou de lrsquoAide Meacutedicale Eacutetat dans 10 villes de France 2006 DEacuteFENSEUR DES DROITS Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME 2014 FONDS CMU-DIES Analyse des attitudes de meacutedecins et de dentistes agrave lrsquoeacutegard des patients beacuteneacuteficiant de la CMUC dans 6 villes du Val-de-Marne 2006 FONDS CMU-IRDES Les refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMUC agrave Paris 2009 FONDS CMU-IRDES Analyse territoriale des obstacles agrave lrsquoaccegraves aux soins des beacuteneacuteficiaires de la CMUC dans les deacutepartements de lrsquoOrne et de la Niegravevre 2012 CISS Droits des malades Refus de soins aux beacuteneacuteficiaires de la CMUC de lrsquoAME et de lrsquoACS 2015

26 27PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Rouen

Evreux

Pontoise

Chacircteauroux

ParisStrasbourg

Auxerre

Dijon

Lyon

Marseille

Gap

Clermont-ferrandPuy-en-Velay

Toulouse

Niort

Angoulegraveme

Cahors

Bourg-en-Bresse

Tours

Colmar

Lrsquoeacutechantillon repreacutesentatif de lrsquoeacutetude comprend 100766810076680 cabinets dentaires et 100766510076691007668 cabinets de gyneacutecologie

Le sceacutenarioUn mecircme cabinet dentaire ou de gyneacutecologie est appeleacute deux fois pour une prise de rendez-vous par deux testeur-se-s diffeacuterent-e-s qui ont des caracteacuteristiques sociodeacute-mographiques similaires Les prises de rendez-vous gyneacutecologiques sont effectueacutees uniquement par des femmes Dans le premier cas le-la testeur-se annonce sa seacutero-positiviteacute au VIH dans le second cas lrsquoautre testeur-se ne dit rien Seule la mention du statut seacuterologique diffeacuterencie ces deux personnes Un script eacutetabli en concertation avec des militant-e-s des PVVIH et des professionnel-le-s de santeacute (meacutedecins speacutecia-listes en chirurgie dentaire en gyneacutecologie et de santeacute publique) reacuteuni-e-s au sein drsquoun groupe de pilotage a permis drsquoeacutetablir

Une feuille de route pour chaque testeur-se proposant des reacuteponses concregravetes aux eacuteventuelles questions que pourrait susciter la demande de rendez-vous (iden-titeacute motifs de la demande orientations adresse teacuteleacutephone numeacutero de seacutecuriteacute sociale etc)

La conduite agrave tenir en cas de mise en attente ou drsquoheacutesitations agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute

Le choix du motif de la consultation deacutetartrage ou frottis Il est important de choisir un acte meacutedical susceptible de provoquer des saignements mais simple ne justifiant pas une orientation vers un-e meacutedecin speacutecialiste ou vers un service drsquourgences et ou un plateau technique particulier

Les eacutechanges teacuteleacutephoniques sont enregistreacutes leur contenu est retranscrit dans une base de donneacutees pour recueillir de faccedilon standardiseacutee les reacuteponses apporteacutees par les praticien-ne-s Des seacuteances de deacutebriefing ainsi qursquoun guide meacutethodologique sont mis agrave disposition des testeur-se-s

Remarque lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute au VIH drsquoembleacutee lors de la prise de ren-dez-vous est justifieacutee par les teacutemoignages de certaines PVVIH qui trop souvent expo-seacutees agrave la stigmatisation et la discrimination de la part de professionnel-le-s de santeacute preacutefegraverent eacuteviter un refus frontal de la ou du meacutedecin dans son cabinet Elle est eacutegale-ment approuveacutee par les professionnel-le-s de santeacute du groupe de pilotage au regard de leur expeacuterience

Constitution de lrsquoeacutechantillon geacuteographiqueLa meacutethodologie de lrsquoenquecircte srsquoappuie sur une technique drsquoeacutechantillonnage aleacuteatoire de maniegravere agrave garantir une seacutelection repreacutesentative des chirurgiens-dentistes et des gyneacutecologues en France Afin de deacutefinir les villes dans lesquelles est reacutealiseacutee lrsquoeacutetude plusieurs eacutetapes sont retenues

Un classement des reacutegions en fonction de leur incidence au VIH (faible moyenne eacuteleveacutee)

Une seacutelection de trois reacutegions par niveau drsquoincidence Une identification pour chaque reacutegion seacutelectionneacutee drsquoun deacutepartement agrave haute densiteacute meacutedicale et drsquoun deacutepartement agrave faible densiteacute meacutedicale pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Un choix des chefs-lieux de chacun de ces deacutepartements comme ville pour effectuer lrsquoenquecircte

Pour les trois plus grandes villes de France (Paris Lyon Marseille) un deacutecoupage par arrondissement selon le niveau de richesse (eacuteleveacute moyen faible) est reacutealiseacute Au total 20 villes sont seacutelectionneacutees La base de sondage est reacutealiseacutee agrave partir de plusieurs sources de donneacutees lrsquoInstitut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques (Insee) pour le nombre drsquohabi-tants lrsquoInstitut de veille sanitaire (InVS) pour lrsquoincidence du VIH lrsquoObservatoire natio-nal de la deacutemographie des professions de santeacute et lrsquoAtlas de la deacutemographie meacutedicale en France pour la densiteacute meacutedicale deacutepartementale respectivement pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Constitution de lrsquoeacutechantillon meacutedicalLe testing vise les seul-e-s speacutecialistes secteurs 1 et 2 chirurgiens-dentistes et gyneacuteco-logues Ainsi deux bases de sondage sont reacutealiseacutees

Lrsquoune agrave partir de lrsquoensemble des chirurgiens-dentistes conventionneacute-e-s pour les soins dentaires classiques preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Lrsquoautre agrave partir de lrsquoensemble des gyneacutecologues conventionneacute-e-s avec les speacuteciali-teacutes meacutedicale etou obsteacutetrique preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Pour lrsquoensemble des secteurs geacuteographiques 2 297 chirurgiens-dentistes et 290 gyneacute-cologues sont recenseacute-e-s Afin de creacuteer un eacutechantillon repreacutesentatif de ces professions 30 des chirurgiens-dentistes et 60 des gyneacutecologues sont tireacute-e-s au sort agrave lrsquoaide drsquoun programme de tri aleacuteatoire

Moins de 45 000 habitants

45 000 agrave 200 000 habitants

Plus de 200 000 habitants

les 20 villes selectionneacutees

pour le testing aupregraves des cabinets

dentaires et gyneacutecologiques

29PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 1

laquo Pour vous ce sera 21h raquo laquo Je ne prends pas de nouveaux patients raquo

laquo Eh bien on mettra deux paires de gants raquo

laquo Vous me remplirez un questionnaire meacutedical avant le rdv raquo

laquo Je le note dans le carnet de rdv raquo

laquo Les gens comme voushellip raquo

laquo Je nrsquoai pas le mateacuteriel adapteacute raquo

laquo Ok mais vous viendrez avec toutes vos analyses raquo

laquo Je ne pratique pas le deacutetartrage raquo

laquo Le deacutetartrage crsquoest 150 euros raquo

laquo Vous serez mieux soigneacute agrave lrsquohocircpital raquo

laquo Je nrsquoai pas eacuteteacute formeacute au vih raquo

laquo Heuhellip veuillez patienter raquo

Bonjour je souhaite un rendez-vous

pour un deacutetartrage et je suis seacuteropo

la face cacheacutee des refus

de soins chez les dentistes

envers les personnes vih+

Florilegravege des verbatims des cabinets dentaires agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute par ordre de citation

Le motif le plus souvent invoqueacute par les cabinets dentaires est celui des ameacutenagements ou des horaires speacutecifiques requis pour les personnes seacuteropositives Vient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute

Peacuteriode drsquoenquecircteLe testing est reacutealiseacute sur une peacuteriode courte du 7 au 10 avril 2015 pour garantir la confi-dentialiteacute de lrsquoopeacuteration et assurer un environnement comparable entre les diffeacuterents appels (actualiteacute meacutediatique et politique etc) Une fois la semaine de testing passeacutee les rendez-vous pris sont annuleacutes afin de ne pas peacutenaliser les laquo vrais raquo malades et les meacutedecins dans la gestion des rendez-vous meacutedicaux

Eacutechantillon finalParmi les 570 cabinets dentaires et les 154 cabinets de gyneacutecologie contacteacutes par teacuteleacute-phone durant la peacuteriode drsquoenquecircte pour une prise de rendez-vous un certain nombre sont exclus en raison de non-reacuteponses aux appels de non-conformiteacute de la speacutecialiteacute de fermeture ou de congeacutes Lrsquoeffectif final des praticien-ne-s retenu-e-s srsquoeacutelegraveve agrave 440 pour les chirurgiens-dentistes et 116 pour les gyneacutecologues Lors des appels il est pos-sible de relever la fonction des reacutepondant-e-s dans la majoriteacute des cas (praticien-ne-s ou secreacutetaires meacutedicaux-ales) Ainsi les interlocuteur-trice-s dans les cabinets dentaires sont des secreacutetaires meacutedicaux-les dans 764 des cas (n=336) et des chirurgiens-den-tistes dans 193 des cas (n=85) Pour les cabinets de gyneacutecologie la reacutepartition eacutetait de 802 de secreacutetaires meacutedicaux-les (n=93) et 78 de gyneacutecologues (n=9)

113 Limites de lrsquoeacutetudeCette opeacuteration de testing comporte des limites qui sont autant de pistes pour ameacutelio-rer encore ce type drsquoenquecirctes et leur donner un cadre leacutegalLa premiegravere limite tient agrave la classification a posteriori des motifs des refus de soins En effet la liste exhaustive des motifs de refus ainsi que la combinaison de plusieurs motifs eacutetaient difficiles agrave anticiper La deuxiegraveme limite concerne la perception des testeur-se-s quant aux reacuteponses four-nies par les dentistesgyneacutecologues Ainsi la notion de subjectiviteacute permise par la non-cateacutegorisation a priori des reacuteponses a probablement induit une sous-deacuteclaration de certains refus Les retours drsquoexpeacuteriences des PVVIH qui pointent des refus frontaux dans les cabinets des praticien-ne-s apregraves un rendez-vous fixeacute preacutealablement au teacuteleacute-phone laissent augurer eacutegalement drsquoune sous-eacutevaluation de ces pratiquesLa troisiegraveme limite est celle du champ de lrsquoenquecircte Seule la seacuteropositiviteacute au VIH a eacuteteacute testeacutee il est pourtant neacutecessaire drsquoeacutetendre aux personnes vivant avec une heacutepatite virale chronique ou co-infecteacutees par le VIH et les heacutepatites virales De plus les repreacutesen-tations sociales eacuteconomiques et morales associeacutees agrave la pathologie VIH (CMU ou AME preacutecariteacute pratiques sexuelles usages de drogues etc) peuvent geacuteneacuterer des cumuls de motifs de refusEt enfin la taille de lrsquoeacutechantillon des professionnel-le-s ne permet pas de reacutealiser des analyses statistiques pousseacutees notamment par ville et de conclure agrave drsquoeacuteventuelles dynamiques locales de discrimination

12 DES REacuteSULTATS ACCABLANTS

Parmi les reacuteponses des chirurgiens-dentistes et de leur secreacutetariat meacutedical agrave lrsquoan-nonce de la seacuteropositiviteacute le motif le plus souvent invoqueacute est celui des ameacutena-gements ou des horaires speacutecifiques qui seraient requis soit eacutenonceacutes comme tels soit mis en eacutevidence par comparaison des reacuteponses faites aux personnes supposeacutees seacuteroneacutegatives Il est important de rappeler que le Haut conseil de la santeacute publique a publieacute en 2007 un avis laquo ne recommandant pas lrsquoinstauration drsquoun ordre de pas-sage pour tout patient porteur des virus VHC VHB ou VIH lors drsquoactes invasifs meacutedico-chirurgicaux En revanche il considegravere comme une prioriteacute lrsquoapplication des preacutecautions standard et le respect des mesures de preacutevention (hellip) raquo LrsquoOrdre natio-nal des chirurgiens-dentistes a drsquoailleurs redit lors de la parution de ce testing que laquo les patients doivent tous beacuteneacuteficier drsquoune mecircme chaicircne de deacutecontamination et de steacuterilisation raquoVient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute surcharge de travail pas de nou-veaux-elles patient-e-s deacutelais de rendez-vous trop importants etc non eacutevoqueacutee pour les testeur-se-s nrsquoannonccedilant pas de seacuteropositiviteacute au VIHPour les gyneacutecologues ou leur secreacutetariat meacutedical les testeuses seacuteropositives sont accepteacutees sous reacuteserve de la preacutesentation de leur dossier meacutedical et du rappel de la pathologie au moment de la consultation Lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute est aussi avanceacute agrave plusieurs reprises Tous ces motifs sont ensuite cateacutegoriseacutes

Figure 2

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS30

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins

121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou de discriminationsUne cateacutegorisation est opeacutereacutee en fonction des dispositions juridiques existantes Les dispositions leacutegales eacutetant tregraves geacuteneacuterales et impreacutecises crsquoest la reacutefeacuterence agrave la circu-laire CNAMTS CIR-332008 relative aux refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMU-C qui a eacuteteacute retenue Ce texte donne une deacutefinition concregravete des refus de soins incluant laquo la fixation tardive inhabituelle et abusive drsquoun rendez-vous lrsquoorien-tation reacutepeacuteteacutee et abusive vers un autre confregravere lrsquoattitude et le comportement dis-criminatoire du professionnel de santeacute etc raquo Certains praticien-ne-s ont pu eacutevoquer plusieurs motifsAinsi des refus de soins directs ou deacuteguiseacutes et des traitements diffeacuterentiels non fon-deacutes sont constateacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH lors drsquoune demande de rendez-vous pour un deacutetartrage ou un frottisParmi les refus de soins on distingue deux cateacutegories Les refus directs Il srsquoagit de refus directement imputables au VIH annonceacutes comme tels ou sous couvert drsquoune autre raison non formuleacutee aupregraves de la personne supposeacutee seacuteroneacutegative Les refus deacuteguiseacutes Il srsquoagit de refus dont les preacutetextes avanceacutes sont douteux et contraires au Code de deacuteontologie meacutedicale Ils peuvent ecirctre cateacutegoriseacutes en deux types de refus

Les strateacutegies de deacutecouragement horaires contraignants deacutepassements drsquohono-raires assurance de la solvabiliteacute financiegravere etc

Les reacuteorientations vers des confregraveres ou des services hospitaliers sous preacutetexte drsquoun manque de connaissance de la pathologie et de sa prise en charge de mateacute-riel non adapteacute ou la dangerositeacute des soins qui suggegraverent une meilleure prise en charge laquo ailleurs raquo

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins (voir page 25) Ces dispariteacutes de traitement sont soit annonceacutees de maniegravere explicite lors de la prise de rendez-vous soit mises en eacutevidence par la confrontation des reacuteponses faites au-agrave la testeur-se seacuteropositif-ve au VIH et agrave son binocircme ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH On distingue trois cateacutegories

La meacuteconnaissance de la pathologie qui aboutit agrave de mauvaises pratiques dans la relation avec le ou la patiente

La divulgation du statut seacuterologique en dehors drsquoun dossier meacutedical ce qui est une atteinte au secret meacutedical

Lrsquoexistence de protocoles speacutecifiques drsquohygiegravene pour les PVVIH (steacuterilisation dureacutee des soins etc) agrave lrsquoencontre des mesures de preacutecautions standard recommandeacutees qui teacutemoignent drsquoun manque de connaissance ou drsquoapplication des regravegles fonda-mentales drsquohygiegravene et de steacuterilisation mais aussi une meacuteconnaissance des modes de contamination Ces mesures doivent ecirctre garanties systeacutematiquement et sans compromis quel que soit le statut seacuterologique des personnes et ce drsquoautant qursquoon estime entre 30 000 et 50 000 le nombre de personnes contamineacutees par le VIH en France qui lrsquoignorent (pour 150 000 PVVIH soit 20 agrave 30 )

32 33

30 refus de soins

deacuteguiseacutes

36 refus de soins

directs

168 pratiques

discriminatoires

cabinet dentaire

ViH SrsquoabStenir

17 refus de soins

directs

43 refus de soins

deacuteguiseacutes

172 pratiques

discriminatoires

cabinet de gyneacutecologie

ViH SrsquoabStenir

122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des speacutecialiteacutes

Figure 3 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 4 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

336 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

168 de pratiques discriminatoires

6 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

172 de pratiques discriminatoires

Cabinets de gyneacutecologie

Cabinets dentaires

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Dans le cadre du projet de loi Santeacute AIDES a construit plusieurs amendements afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutealiteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits

Les reacutesultats de ce testing prouvent qursquoil existe une veacuteritable meacuteconnaissance du VIH et de ses modes de transmission aboutissant agrave des attitudes neacutegatives et discrimi-natoires Ces comportements trahissent les repreacutesentations des professionnel-le-s vis-agrave-vis de cette maladieinfection et sur le respect des fondements deacuteontologiques des professions du soin

13 PERSPECTIVES LA NEacuteCESSITEacute DE RENfORCER LrsquoARSENAL jURIDIqUE

Les constats de AIDES confirment la neacutecessiteacute drsquoaller plus loin contre les refus de soins que la seule disposition initialement envisageacutee dans le projet de loi Santeacute Actuelle-ment ce sont aux ordres professionnels des soignant-e-s de mesurer lrsquoimportance et la nature des pratiques de ces refus En conseacutequence plusieurs amendements ont eacuteteacute construits avec Meacutedecins du Monde (MdM) afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutea-liteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits Les amendements formulent cinq propo-sitions visant agrave

Eacutelargir la deacutefinition leacutegale des refus de soins agrave toute pratique discriminante ou strateacutegie de dissuasion menant in fine au renoncement aux soins des patient-e-s

Donner une base leacutegale au testing autour drsquoun cahier des charges preacutecis et y inclure les associations de malades

Impliquer lrsquoensemble des acteurs-trices de santeacute dans le pilotage de lrsquoObserva-toire deacutedieacute aux refus de soins preacutevu par le projet de loi Santeacute agrave commencer par les associations de malades mais aussi les ordres professionnels et les organismes drsquoassurance maladie

Ameacutenager la charge de la preuve de sorte que comme dans lrsquoensemble du droit de la non-discrimination ce soit au-agrave la professionnel-le de santeacute de prouver qursquoil nrsquoy a pas eu de traitement discriminatoire lorsqursquoune personne exprime des eacuteleacutements de fait laissant supposer lrsquoexistence drsquoune discrimination

Permettre aux patient-e-s drsquoecirctre accompagneacute-e-s etou repreacutesenteacute-e-s par des associations durant les recours en justice ou les proceacutedures de conciliation lors-qursquoils-elles sont confronteacute-e-s agrave des refus de soins

Ces amendements srsquoappuient sur divers rapports institutionnels et parlementaires ils srsquoinspirent aussi de lrsquoarticle initial sur les refus de soins de la loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (Loi HPST) preacutesenteacutee par Roselyne Bachelot alors ministre de la Santeacute en 2008 Ces propositions ont cependant eacuteteacute escamoteacutees au fil des lectures agrave lrsquoAssembleacutee nationale et au SeacutenatAinsi gracircce agrave ce testing agrave ses retombeacutees meacutediatiques et agrave la mobilisation des mili-tant-e-s de AIDES les lignes ont commenceacute agrave bouger Drsquoune part lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes a vivement reacuteagi et drsquoautre part un amendement agrave lrsquoarticle 19 du projet de loi Santeacute a eacuteteacute voteacute au Seacutenat proposant que lrsquoeacutevaluation de lrsquoexistence des refus de soins soit confieacutee au Deacutefenseur des droits Au moment de la reacutedaction de ce rapport la formulation finale de lrsquoattribution de cette eacutevaluation au Deacutefenseur des droits ou aux diffeacuterents Ordres nrsquoest pas connue

Concernant lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes un rapprochement avec AIDES srsquoest opeacutereacute rapidement afin drsquoeacutetudier les moyens agrave mettre en œuvre pour lutter effica-cement contre les refus de soins Degraves lrsquoannonce des reacutesultats lrsquoOrdre a immeacutediatement reacuteagi et condamneacute ce type de comportement laquo Nul ne peut faire lrsquoobjet de discrimina-tions dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins raquo rappelant que laquo les chirurgiens-den-tistes qui ne respectent pas ce principe fondamental leacutegal et deacuteontologique srsquoexposent agrave des poursuites tant devant les juridictions disciplinaires que peacutenales raquo

123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction de lrsquointerlocuteur-trice

Les refus de soins ou les pratiques discriminatoires sont plus souvent pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les que par les praticien-ne-s voire inexistants srsquoagissant des gyneacutecologuesDans les cabinets dentaires une majoriteacute de secreacutetaires meacutedicaux-les opposent des refus de soins directs aux PVVIH ils-elles sont 78 agrave opposer des refus indirects versus 22 des chirurgiens-dentistes Srsquoagissant de traitements diffeacuterentieacutes entre les PVVIH et leur binocircme supposeacute seacuteroneacutegatif 824 sont eacutemis par des secreacutetaires meacutedicaux-les versus 186 par des dentistesLes refus de soins ou discriminations sont majoritairement pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les Ce constat reacutevegravele soit un manque de formation et de connaissance du VIH qui aboutit agrave des mauvaises pratiques avec le ou la patiente soit lrsquoexistence de directives donneacutees par des praticien-ne-s quant agrave la prise en charge de certain-e-s patient-e-s dont les PVVIH En teacutemoignent les mises en attente majoritairement du fait des secreacutetaires meacutedicaux-les Il est probablement plus facile de donner des ins-tructions agrave son secreacutetariat que drsquoassumer individuellement la responsabiliteacute drsquoun refus

124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des villesMalgreacute des effectifs parfois limiteacutes de chirurgiens-dentistes et de gyneacutecologues par ville les reacutesultats de ce testing preacutesentent une dispariteacute des pheacutenomegravenes de refus de soins et de discriminations sur le territoire national Il nrsquoy a a priori pas de lien entre le lieu drsquoinstallation et lrsquoineacutegaliteacute des pratiques Lrsquoattitude neacutegative des professionnel-le-s agrave lrsquoencontre des PVVIH paraicirct davantage reposer sur des logiques individuelles que sur la deacutemographie meacutedicale ou lrsquoincidence locale du VIH Les reacutesultats du testing ne suggegraverent pas drsquoinfluence de lrsquoenvironnement sur les pratiques des professionnel-le-s On relegraveve que Bourg-en-Bresse Chacircteauroux et le seiziegraveme arrondissement de Paris trois lieux qui preacutesentent une deacutemographie meacutedicale quantitativement contras-teacutee se deacutetachent en matiegravere de proportion de refus de soins ou de pratiques discri-minatoires avec plus de 70 des chirurgiens-dentistes contacteacute-e-s concerneacute-e-s Agrave lrsquoinverse les speacutecialistes du treiziegraveme arrondissement de Marseille et de la ville de Pontoise nrsquoopposent aucun comportement discriminatoirePour les gyneacutecologues dont le nombre est insuffisant en France avec de veacuteritables ineacute-galiteacutes drsquoaccegraves sur le territoire 12 lrsquoeffet des villes semblent jouer un rocircle a minima Pour certaines villes dont la densiteacute meacutedicale pour cette speacutecialiteacute est tregraves faible un nombre limiteacute de professionnel-le-s a eacuteteacute contacteacute empecircchant toute conclusion Cependant il est important de noter que des PVVIH ont pu ecirctre confronteacutees agrave 100 de refus de rendez-vous dans certaines villes

125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave soulignerDe nombreux-ses praticien-ne-s et leur secreacutetariat meacutedical attribuent des rendez-vous aux PVVIH sans eacutevoquer aucun des motifs jugeacutes discriminatoires Pour pregraves de la moitieacute des cabinets dentaires (496 ) et plus de 4 cabinets de gyneacutecologie sur 5 (768 ) les pratiques de soins lrsquoaccueil et la communication sont en tout point conformes agrave la deacuteontologie meacutedicale (figures 5 et 6) Certains ont aussi fait preuve de bienveillance avec une approche globale de la prise en charge meacutedicale de la personne

126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutesLes logiques de preacutecaution occupent une place eacutevidente dans les arguments opposeacutes aux PVVIH au meacutepris de la loi de la deacuteontologie meacutedicale et des recommandations drsquohygiegravene De nos jours les refus de soins ou discriminations agrave leur eacutegard sont drsquoautant plus inacceptables que les mesures de preacutecaution standard ont eacuteteacute maintes fois rappe-leacutees par diverses instances publiques et scientifiques Ces mesures sont conccedilues pour preacutevenir le risque de transmission du VIH du ou de la patiente au personnel meacutedical et inversement et drsquoun ou drsquoune patiente agrave lrsquoautre Ceci est drsquoautant plus important qursquoen-viron un quart des PVVIH ignorent qursquoelles en sont atteintes et peuvent en toute bonne foi ne pas informer le ou la professionnel-le de santeacute de leur seacuterologie Les mesures de preacutecaution standard doivent ecirctre garanties systeacutematiquement dans tous les cabinets meacutedicaux et pour chaque patient-e quel que soit son eacutetat de santeacute

12 Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins Atlas de la deacutemographie meacutedicale en France situation au 1er janvier 2014

768

34 35PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 5 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 6 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

496

41 000 euroLe prix facial sur le marcheacute franccedilais du premier des traitements hautement actifs contre le VHC pour trois mois Sa combinaison avec drsquoautres meacutedicaments peut coucircter plus de 100766500 000 euro selon la dureacutee du traitement

12 VhC qUI SOIGNER

Crsquoest dans ce contexte que le principe drsquoune mise sous traitement seacutelective est acteacute par le ministegravere de la Santeacute Des critegraveres sont eacutetablis pour deacutefinir qui doit acceacuteder prioritai-rement aux nouveaux traitements innovants contre le VHC Ce choix et ses traductions opeacuterationnelles sont supposeacutes concilier le droit agrave la protection de la santeacute la santeacute publique et des populations mais aussi lrsquoeacutequilibre des finances publiques et la peacuteren-niteacute du systegraveme de protection sociale franccedilais Des recommandations drsquoexpert-e-s pour la mise sous traitement ont eacuteteacute fixeacutees courant 2014 mais finalement restreintes par un avis de la HAS ensuite en 2015 Ceci alors que la socieacuteteacute franccedilaise drsquoheacutepatologie a elle-mecircme confirmeacute en juin de la mecircme anneacutee les recommandations drsquoaccegraves eacutelargies de 2014

101048110104821010481 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexpertsDes recommandations ont drsquoabord eacuteteacute proposeacutees en mai 2014 dans un Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C dit rapport Dhumeaux Ce rapport a eacuteteacute commandeacute par la ministre de la Santeacute en janvier 2013 agrave lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) et lrsquoAssociation franccedilaise pour lrsquoeacutetude du foie (AFEF) De nombreux-ses praticien-ne-s universitaires et des repreacutesentant-e-s drsquoassociations drsquousager-e-s du systegraveme de santeacute sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux ont participeacute agrave son eacutelaboration Ainsi pour les personnes vivant avec une heacutepatite C les recommandations de mise sous trai-tement reposent notamment sur lrsquoavancement de la maladie crsquoest-agrave-dire les stades de fibrose supeacuterieurs ou eacutegaux agrave 2 13 qui indiquent lrsquoeacutetat drsquoavancement de lrsquoimpact du virus sur le foie Les experts ont par ailleurs distingueacute certaines populations pour lesquelles la mise sous traitement est preacuteconiseacutee quel que soit le stade de fibrose

Les patient-e-s ayant des manifestations extra-heacutepatiques seacutevegraveres Les patient-e-s en attente de transplantation heacutepatique ou reacutenale (pour tenter drsquoeacuteradiquer le virus avant la transplantation)

Au cas par cas les femmes ayant un deacutesir de grossesse Les personnes co-infecteacutees VIH-VHC Les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse Les personnes deacutetenues (avec lrsquoobjectif dans ces deux derniegraveres populations drsquoune reacuteduction du risque de transmission) 14

Si le rapport Dhumeaux propose une seacutelection des patient-e-s notamment au regard du prix il inscrit ces recommandations dans une perspective de ralentissement de lrsquoeacutepi-deacutemie et se distingue en ce sens de la HAS

101048110104821010482 Les recommandations restrictives de la hASLa HAS contribue laquo agrave la reacutegulation du systegraveme de santeacute raquo et a donc comme mission drsquolaquo assurer agrave tous les patients et usagers un accegraves peacuterenne et eacutequitable agrave des soins aussi efficaces sucircrs et efficients que possible raquo 15 Les recommandations eacutetablies par la HAS srsquoimposent aux professionnel-le-s meacutedicaux-cales Contrairement agrave la perspective du rapport Dhumeaux la HAS ne considegravere pas que laquo les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC [soient] reacuteunies raquo Elle en tire les conseacutequences et ne recommande qursquolaquo une strateacutegie de traitement des patients dans lrsquoobjectif drsquoune gueacute-rison virologique individuelle raquo avec des recommandations de stade de fibrose plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux Ainsi la HAS limite lrsquoaccegraves aux traitements innovants aux stades de fibrose du foie F2 seulement sous certaines conditions drsquoeacutevolution F3 et F4 ainsi qursquoagrave tous les stades pour certaines populations personnes co-infecteacutees VIH et VHC personnes atteintes de cryoglobulineacutemie mixte systeacutemique et symptomatique personnes atteintes de lym-phome B associeacute au VHC 16 La HAS eacutecarte en revanche des populations cibleacutees par le rapport drsquoexperts Dhumeaux notamment les usager-e-s de drogues et les personnes deacutetenues qui relegraveveraient drsquoune approche non speacutecifique et donc du cadre geacuteneacuteral La France est assez isoleacutee en Europe sur des recommandations de traitement et de non traitement arrecircteacutees sur les stades de fibrose

11 DES TRAITEMENTS INNOVANTS Agrave PRIX TREgraveS EacuteLEVEacuteS

Les limites eacuteconomiques agrave la prescription notamment sur la base de recommandations deacutefinies par la Haute autoriteacute de santeacute (HAS) sont notamment mises en lumiegravere par les prix des nouveaux traitements contre le VHC Aujourdrsquohui diffeacuterents traitements inno-vants contre le VHC les antiviraux agrave action directe sont sur le marcheacute Ils repreacutesentent des avanceacutees theacuterapeutiques majeures offrant un taux de gueacuterison virologique tregraves eacuteleveacute avec des dureacutees de traitements courtes et des effets indeacutesirables limiteacutes Si les associations investies dans le champ de la lutte contre les heacutepatites virales ndash Collectif Heacutepatites Virales (CHV) SOS heacutepatites TRT-5 Comegravede Meacutedecins du Monde (MdM) Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) AIDES ndash saluent lrsquoespoir drsquoune fin proche de lrsquoeacutepideacutemie de VHC elles se sont rapidement alarmeacutees sur le prix de ces nouveaux traitements Sur le marcheacute franccedilais le prix facial du premier de ces traitements hautement actifs contre le VHC (Sovaldisofosbuvir) a eacuteteacute fixeacute agrave 41 000 euro pour trois mois de traitement Ce traitement ne srsquoutilise jamais seul mais en association avec drsquoautres Certaines combinaisons peuvent coucircter plus de 100 000 euro selon la dureacutee (des traitements de six mois sont parfois neacutecessaires)Alors que la France meacutetropolitaine compte plus de 200 000 personnes vivant avec le VHC de tels prix constituent clairement un deacutefi pour les finances publiques et la peacuterenniteacute drsquoun systegraveme de santeacute solidaire En conseacutequence et pour la premiegravere fois en France ce prix participe agrave ce que lrsquoon peut consideacuterer comme un rationnement avec des mises sous traitement sur la base drsquoavis et de dispositions restrictifs

Meacutedicaments quels prix Le prix du meacutedicament nrsquoest pas libre il est fixeacute par convention entre le laboratoire lrsquoexploitant et le Comiteacute eacuteconomique des produits de santeacute (CEPS) sur la base de cri-tegraveres deacutefinis agrave lrsquoarticle L162-16-4 du Code de santeacute publique laquo La fixation de ce prix tient compte principalement de lrsquoameacutelioration du service meacutedical rendu (SMR) appor-teacutee par le meacutedicament le cas eacutecheacuteant des reacutesultats de lrsquoeacutevaluation meacutedico-eacutecono-mique des prix des meacutedicaments agrave mecircme viseacutee theacuterapeutique des volumes de vente preacutevus ou constateacutes ainsi que des conditions preacutevisibles et reacuteelles drsquoutilisation du meacutedi-cament raquo Agrave cela srsquoajoute aussi la coheacuterence avec les conditions de commercialisation preacutevues dans les grands Eacutetats europeacuteens Seul le prix facial est public crsquoest-agrave-dire le prix rembourseacute par lrsquoassurance maladie Le CEPS et les laboratoires peuvent neacutegocier des dispositifs de remises drsquoougrave un prix reacuteel diffeacuterent (voire tregraves diffeacuterent) de ce prix facial Les dispositifs de remises et le prix reacuteel nrsquoeacutetant pas publics les prescripteurs et usager-e-s nrsquoont connaissance que du prix facial

Le droit agrave la protection de la santeacute interdit toute forme de discriminations dans lrsquoaccegraves aux soins Cependant si les discriminations sont interdites lrsquouniversaliteacute de lrsquoaccegraves agrave certains soins et traitements nrsquoest pas pour autant garantie Crsquoest le cas des nouveaux traitements contre le virus de lrsquoheacutepatite C (VHC) dont le prix exorbitant a forceacute agrave deacutefinir des critegraveres de seacutelection des patient-e-s et agrave renoncer agrave lrsquoaccegraves universel

Bien que fondamental le droit agrave la protec-tion de la santeacute sans discrimination (voir page 25) peut connaicirctre certaines limites agrave son effectiviteacute en particulier sur le plan financier Il deacutepend en effet des choix opeacutereacutes au regard des deacutepenses publiques de lrsquoEacutetat et de la seacutecuriteacute sociale et notamment par rapport aux prix des meacutedicaments et des produits de santeacute Lrsquoarticle 8 du Code de deacuteontologie meacutedi-cale (R4127-8 du Code de santeacute publique) preacutecise que laquo Dans les limites fixeacutees par la loi le meacutedecin est libre de ses pres-criptions qui seront celles qursquoil estime les plus approprieacutees en la circonstance Il doit sans neacutegliger son devoir drsquoassistance morale limiter ses prescriptions et ses actes agrave ce qui est neacutecessaire agrave la qualiteacute agrave la seacutecuriteacute et agrave lrsquoefficaciteacute des soins Il doit tenir compte des avantages des incon-veacutenients et des conseacutequences des diffeacute-rentes investigations et theacuterapeutiques possibles raquo Si la liberteacute de prescription est ici recon-nue elle connaicirct donc certaines limites leacutegales dont celle imposeacutee par lrsquoarticle L162-2-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo Les meacutedecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions drsquoobserver dans le cadre de la leacutegislation et de la reacuteglementation en vigueur la plus stricte eacuteconomie compatible avec la qualiteacute la seacutecuriteacute et lrsquoefficaciteacute des soins raquo ce notamment sur la base des laquo recomman-dations ou avis meacutedico-eacuteconomiques de la Haute autoriteacute de santeacute raquo

13 Stades de fibrose F0 pas de fibrose F1 fibrose leacutegegravere F2 fibrose modeacutereacutee F3 fibrose seacutevegravere F4 cirrhose14 Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C 2014 p 25015 httpwwwhas-santefrportailjcmsfc_1249599frla-has16 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf

36 37

DROIT APPLICABLE

1  LE cAS dES TrAITEmENTS INNoVANTS 

coNTrE LrsquoHEacutePATITE c mdash

dIFFIcULTEacuteS drsquoAccEgraveS  AUx TrAITEmENTS

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

38 39

Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

59

40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

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Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

Rejoignez AIDES sur les reacuteseaux sociaux facebookcomaides assoAIDES

Page 8: AIDES Rapport Discrim

En matiegravere de droit du travail les textes de droit inter-national et de droit franccedilais sont tregraves nombreux et inter-disent les discriminations lieacutees agrave lrsquoeacutetat de santeacuteLes refus drsquoaccegraves agrave un emploi ou agrave une formation les licenciements fondeacutes sur lrsquoeacutetat de santeacute ou le handicap sont consideacutereacutes comme discriminatoires et peuvent faire lrsquoobjet de sanctions preacutevues dans diffeacuterents textes (Code peacutenal Code civil etc) Malgreacute lrsquoexistence de dis-positifs leacutegaux les discriminations lieacutees agrave lrsquoeacutetat de santeacute demeurent nombreuses dans le milieu professionnelEn 2014 13 des saisines du Deacutefenseur des droits en matiegravere de discriminations interviennent au titre du cri-tegravere de lrsquoeacutetat de santeacute notamment pour des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi (refus drsquoembauche agrave lrsquoannonce de la maladie) ou des difficulteacutes de maintien dans lrsquoemploi (refus des employeurs de mettre en place des ameacutena-gements raisonnables) Selon le 6e baromegravetre sur le res-senti des discriminations dans lrsquoemploi du Deacutefenseur des droits et de lrsquoOrganisation internationale du travail (OIT) lrsquoeacutetat de santeacute est source de pressions dans le monde professionnel Parmi les personnes deacuteclarant avoir eacuteteacute victimes de discrimination 12 estiment que celle-ci eacutetait lieacutee agrave leur eacutetat de santeacute La situation des personnes vivant avec le VIH reste difficile en particulier dans la sphegravere professionnelle en raison drsquoune grande meacutecon-naissance de la maladie de lrsquoimage neacutegative et tenace de la seacuteropositiviteacute Lutter contre les discriminations et les preacutejugeacutes concilier maladie chronique et emploi informer les personnes et les employeurs simplifier et ameacuteliorer les dispositifs de maintien dans lrsquoemploi des personnes malades sont autant de deacutefis agrave relever

Droit international Les engagements de la France aux niveaux europeacuteen et international sur le droit du travail sont nombreux Le Pacte international relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et culturels (PIDESC) adopteacute dans le cadre des Nations unies le 16 deacutecembre 1966 entreacute en vigueur en France le 4 feacutevrier 1981 pose notamment un principe de non-discrimination pour la jouissance des droits qursquoil eacutenonce (article 2-2deg) le droit au travail (article 6) le droit de toute personne agrave un niveau de vie suffisant (article 11-1deg) et le droit agrave lrsquoeacuteducation (article 13) Ce dernier article preacutecise que le droit agrave lrsquoeacuteducation inclut lrsquoensei-gnement primaire obligatoire et accessible gratuitement agrave tous lrsquoenseignement secondaire sous ses diffeacuterentes formes y compris lrsquoenseignement secondaire technique et professionnel geacuteneacuteraliseacute et accessible agrave tous lrsquoensei-gnement supeacuterieur accessible agrave tous en pleine eacutegaliteacute

Selon la convention 111 de lrsquoorganisation internationale du travail de 1958 contre les discriminations dans lrsquoem-ploi et les professions ratifieacutee par la France et entreacutee en vigueur en avril 1981 la Reacutepublique srsquoengage notam-ment agrave lrsquoarticle 3 agrave laquo a) srsquoefforcer drsquoobtenir la collaboration des organisa-

tions drsquoemployeurs et de travailleurs et drsquoautres organismes approprieacutes pour favoriser lrsquoacceptation et lrsquoapplication de cette politique

b) promulguer des lois et encourager des programmes drsquoeacuteducation propres agrave assurer cette acceptation et cette application

c) abroger toute disposition leacutegislative et modifier toute disposition ou pratique administratives qui sont incompatibles avec ladite politique

d) suivre ladite politique en ce qui concerne les emplois soumis au controcircle direct drsquoune autoriteacute nationale

e) assurer lrsquoapplication de ladite politique dans les acti-viteacutes des services drsquoorientation professionnelle de formation professionnelle et de placement soumis au controcircle drsquoune autoriteacute nationale raquo

Lrsquoarticle 1 de cette convention preacutecise que lrsquoaccegraves agrave lrsquoem-ploi inclut lrsquoaccegraves agrave la formation en vue drsquoacceacuteder agrave cet emploiLe droit europeacuteen interdit eacutegalement les discriminations agrave raison de lrsquoeacutetat de santeacute dans le champ de lrsquoemploiAgrave lrsquoorigine de nombreuses eacutevolutions jurisprudentielles dans de nombreux pays europeacuteens dont la France la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales (CEDH) du 4 novembre 1950 entreacutee en vigueur en France le 21 sep-tembre 1970 en son article 14 pose de mecircme un principe de non-discrimination laquo La jouissance des droits et liber-teacutes reconnus dans la preacutesente Convention doit ecirctre assu-reacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance ou toute autre situation raquo Bien que la CEDH ne proclame pas de droits en matiegravere eacutecono-mique et sociale il reacutesulte de la combinaison de lrsquoarticle 1er du protocole ndeg 1 (qui garantit le respect du droit de proprieacuteteacute et plus largement drsquoapregraves la Cour les droits patrimoniaux) de lrsquoarticle 2 du protocole ndeg 1 (qui garan-tit le droit agrave lrsquoinstruction) et de lrsquoarticle 14 de la CEDH un principe de non-discrimination en matiegravere de droits sociaux et de droit agrave lrsquoinstructionLa charte sociale europeacuteenne du 18 octobre 1961 entreacutee en vigueur en France le 8 avril 1973 garantit le droit au travail (article 1) le droit agrave la formation professionnelle (article 10) et le droit de toute personne agrave la protection contre la pauvreteacute et lrsquoexclusion sociale (article 30) La jouissance de tous ces droits est en outre compleacuteteacutee par une clause geacuteneacuterale de non-discriminationCes principes internationaux et europeacuteens ont enfin eacuteteacute rappeleacutes en 2000 par la Directive europeacuteenne CE ndeg 200078CE portant sur la creacuteation drsquoun cadre geacuteneacute-ral en faveur de lrsquoeacutegaliteacute de traitement en matiegravere drsquoem-ploi Cette directive srsquoimpose agrave lrsquoensemble des pays membres de lrsquoUnion Europeacuteenne

Droit franccedilaisSi les textes internationaux sont nombreux et preacutecis sur le droit agrave la formation et agrave lrsquoemploi sans discrimination le droit franccedilais nrsquoest pas en reste Le droit au travail reconnu par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 est un droit agrave valeur constitutionnelle Il est garanti sans discrimination dans le Code peacutenal ainsi que dans le Code civil agrave travers le droit au respect de la vie priveacutee et speacuteci-fiquement dans le Code du travail

Preacuteambule de la Constitution de 1946Chacun a le devoir de travailler et le droit drsquoobtenir un emploi Nul ne peut ecirctre leacuteseacute dans son travail ou son emploi en raison de ses origines de ses opinions ou de ses croyancesLa Nation garantit lrsquoeacutegal accegraves de lrsquoenfant et de lrsquoadulte agrave lrsquoinstruction agrave la formation professionnelle et agrave la culture Lrsquoorganisation de lrsquoenseignement public gratuit et laiumlque agrave tous les degreacutes est un devoir de lrsquoEacutetatFidegravele agrave sa mission traditionnelle la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge agrave la liberteacute de srsquoadministrer eux-mecircmes et de geacuterer deacutemocratique-ment leurs propres affaires eacutecartant tout systegraveme de colonisation fondeacute sur lrsquoarbitraire elle garantit agrave tous lrsquoeacutegal accegraves aux fonctions publiques et lrsquoexercice indi-viduel ou collectif des droits et liberteacutes proclameacutes ou confirmeacutes ci-dessus

Code peacutenal Interdiction des discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi

article 225-1Constitue une discrimination toute distinction opeacutereacutee entre les personnes physiques agrave raison de leur origine de leur sexe de leur situation de famille de leur grossesse de leur apparence physique de leur patronyme de leur lieu de reacutesidence de leur eacutetat de santeacute de leur handicap de leurs caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de leurs mœurs de leur orientation ou identiteacute sexuelle de leur acircge de leurs opinions politiques de leurs activiteacutes syndicales de leur appartenance ou de leur non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une race ou une religion deacutetermineacutee

article 225-2 La discrimination deacutefinie aux articles 225-1 et 225-1-1 commise agrave lrsquoeacutegard drsquoune personne physique ou morale est punie de trois ans drsquoemprisonnement et de 45 000 euros drsquoamende lorsqursquoelle consiste 3deg Agrave refuser drsquoembaucher agrave sanctionner ou agrave licencier une personne 5deg Agrave subordonner une offre drsquoemploi une demande de stage ou une peacuteriode de formation en entreprise agrave une condition fondeacutee sur lrsquoun des eacuteleacutements viseacutes agrave lrsquoarticle 225-1 ou preacutevue agrave lrsquoarticle 225-1-1

article 225-3 Les dispositions de lrsquoarticle preacuteceacutedent ne sont pas appli-cables 1deg Aux discriminations fondeacutees sur lrsquoeacutetat de santeacute lors-qursquoelles consistent en des opeacuterations ayant pour objet la preacutevention et la couverture du risque deacutecegraves des risques portant atteinte agrave lrsquointeacutegriteacute physique de la personne ou des risques drsquoincapaciteacute de travail ou drsquoinvaliditeacute 2deg Aux discriminations fondeacutees sur lrsquoeacutetat de santeacute ou le handicap lorsqursquoelles consistent en un refus drsquoembauche ou un licenciement fondeacute sur lrsquoinaptitude meacutedicalement constateacutee soit dans le cadre du titre IV du livre II du Code du travail soit dans le cadre des lois portant dispositions statutaires relatives agrave la fonction publique

Code civil Respect de la vie priveacutee

article 9 Chacun a droit au respect de sa vie priveacutee

Code du travail Interdiction des discriminations dans lrsquoemploi

article l1132-1Aucune personne ne peut ecirctre eacutecarteacutee drsquoune proceacutedure de recrutement ou de lrsquoaccegraves agrave un stage ou agrave une peacuteriode de formation en entreprise aucun salarieacute ne peut ecirctre sanctionneacute licencieacute ou faire lrsquoobjet drsquoune mesure discri-minatoire directe ou indirecte telle que deacutefinie agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations notam-ment en matiegravere de reacutemuneacuteration au sens de lrsquoarticle L3221-3 de mesures drsquointeacuteressement ou de distribution drsquoactions de formation de reclassement drsquoaffectation de qualification de classification de promotion profes-sionnelle de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine de son sexe de ses mœurs de son orientation ou identiteacute sexuelle de son acircge de sa situation de famille ou de sa grossesse de ses carac-teacuteristiques geacuteneacutetiques de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation ou une race de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales ou mutualistes de ses convictions religieuses de son apparence physique de son nom de famille de son lieu de reacutesidence ou en raison de son eacutetat de santeacute ou de son handicap

Obligation drsquoameacutenagement raisonnable permettant le maintien dans lrsquoemploi

article 6 sexies de la loi ndeg 83-634 du 13 juillet 1983 dite le pors Afin de garantir le respect du principe drsquoeacutegaliteacute de traitement agrave lrsquoeacutegard des travailleurs handicapeacutes les employeurs viseacutes agrave lrsquoarticle 2 prennent en fonction des besoins dans une situation concregravete les mesures appro-prieacutees pour permettre aux travailleurs mentionneacutes aux 1deg 2deg 3deg 4deg 9deg 10deg et 11deg de lrsquoarticle L323-3 du Code du travail drsquoacceacuteder agrave un emploi ou de conserver un emploi correspondant agrave leur qualification de lrsquoexercer et drsquoy progresser ou pour qursquoune formation adapteacutee agrave leurs besoins leur soit dispenseacutee sous reacuteserve que les charges conseacutecutives agrave la mise en œuvre de ces mesures ne soient pas disproportionneacutees notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les deacutepenses supporteacutees agrave ce titre par lrsquoemployeur

article l5213-6 du code du travailAfin de garantir le respect du principe drsquoeacutegaliteacute de traite-ment agrave lrsquoeacutegard des travailleurs handicapeacutes lrsquoemployeur prend en fonction des besoins dans une situation concregravete les mesures approprieacutees pour permettre aux travailleurs mentionneacutes aux 1deg agrave 4deg et 9deg agrave 11deg de lrsquoar-ticle L5212-13 drsquoacceacuteder agrave un emploi ou de conserver un emploi correspondant agrave leur qualification de lrsquoexercer ou drsquoy progresser ou pour qursquoune formation adapteacutee agrave leurs besoins leur soit dispenseacuteeCes mesures sont prises sous reacuteserve que les charges conseacutecutives agrave leur mise en œuvre ne soient pas dis-proportionneacutees compte tenu de lrsquoaide preacutevue agrave lrsquoarticle L5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les deacutepenses supporteacutees agrave ce titre par lrsquoemployeurLe refus de prendre des mesures au sens du premier ali-neacutea peut ecirctre constitutif drsquoune discrimination au sens de lrsquoarticle L1133-3

DROIT APPLICABLE

12 13PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Le VIH et ses conseacutequences sur la vie des personnes concerneacutees ne sauraient affec-ter a priori lrsquoaptitude agrave exercer la profession de magistrat Exclure les PVVIH de maniegravere geacuteneacuterale apparaicirct disproportionneacute et injustifieacute au regard de lrsquoactiviteacute en cause Lrsquoinfection est aujourdrsquohui laquo controcircleacutee raquo chez la plupart drsquoentre elles et en particulier chez celles contamineacutees apregraves 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies Cette condition anteacuterieure agrave lrsquoapparition du virus preacutevue par une ordonnance de 1958 pour drsquoautres pathologies fait subsister une exigence anachronique discriminante et stigmatisante Forte de ces constats AIDES interpelle donc le directeur de lrsquoENM la direction des ser-vices judiciaires le ministegravere de la Santeacute et la garde des Sceaux Dans un courrier en date de 11 feacutevrier 2014 cette derniegravere indique partager notre ana-lyse sur cette discrimination anachronique Elle propose de modifier en conseacutequence lrsquoarticle 16-5deg de lrsquoordonnance statutaire des magistrats afin que les conditions drsquoap-titude physique rejoignent celles applicables agrave lrsquoensemble de la fonction publique Les conditions seraient donc similaires agrave celles exigeacutees pour des concours comparables et en particulier celles de lrsquoEacutecole nationale drsquoadministration Elle entend proceacuteder agrave cette modification dans une prochaine loi organique relative au statut de la magistratureAu moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport cette modification nrsquoest toujours pas opeacutereacutee Elle est cependant bien preacutevue par lrsquoarticle 4 du projet de loi organique relatif agrave lrsquoindeacutepen-dance et lrsquoimpartialiteacute des magistrats et agrave lrsquoouverture de la magistrature sur la socieacuteteacute deacuteposeacute par Christiane Taubira le 31 juillet 2015 au Parlement laquo La condition drsquoaptitude physique est eacutegalement modifieacutee pour lrsquoaligner sur celle preacutevue pour les concours de la fonction publique raquo Lrsquoeacutetude drsquoimpact de lrsquoarticle constate lrsquoobsolescence de la condition drsquoaptitude physique en preacutecisant que laquo Cette reacutedaction date de la version initiale de lrsquoordonnance statutaire Agrave la diffeacuterence des dispositions similaires du statut geacuteneacuteral des fonctionnaires preacuteciteacute cet article nrsquoa pas eacuteteacute modifieacute depuis 1958 raquo De mecircme que AIDES puis la ministre dans sa reacuteponse lrsquoeacutetude drsquoimpact reconnaicirct lrsquoinconstitutionnaliteacute de cette conditionLe projet de loi preacutevoit que les mots laquo et ecirctre reconnus indemnes ou deacutefinitive-ment gueacuteris de toute affection donnant droit agrave un congeacute de longue dureacutee raquo soient remplaceacutes par les mots laquo compte tenu des possibiliteacutes de compensation du handi-cap raquo Le statut de magistrat srsquoalignerait en ce sens sur le statut applicable pour la fonction publiqueAgrave lrsquooccasion de lrsquoexamen de ce texte programmeacute agrave lrsquoautomne 2015 AIDES sera vigi-lante agrave ce que cette modification aboutisse

21 LrsquoEacuteCOLE NATIONALE DU CIRqUE UNE EXCLUSION VITE ABROGEacuteE

En mai 2014 une infirmiegravere scolaire constate sur le dossier de candidature agrave lrsquoEacutecole nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois (ENACR) une demande surprenante lrsquoeacutecole exige une seacuterologie VIH Une telle demande laisse preacutesumer que les PVVIH ne seraient pas admises agrave cette formation et agrave cette activiteacute Lrsquoinfirmiegravere prend contact avec AIDES afin de se renseigner sur le bien-fondeacute et la leacutegaliteacute de cette demande Lrsquoinfirmiegravere scolaire interpelle aussi le journal Causette qui rend compte de lrsquoaffaire dans un article publieacute en juin 2014 et rapporte des eacutechanges avec des responsables de lrsquoENACR pour le moins confus et marqueacutes par des repreacutesentations sur les modes de transmission et les pratiques des eacutetudiants Lrsquoeacutecole reconnaicirct cependant une mala-dresse laquo le test ne sera plus obligatoire mais fortement conseilleacute raquo 2 Causette comme AIDES sont drsquoaccord sur un point cela ne change rien ou si peuhellip Une telle eacutevolution induit une suspicion pour les candidats qui ne preacutesenteraient pas ce test seacuterologique et maintient le preacutesupposeacute qursquoecirctre porteur du VIH nrsquoest pas compatible avec les activiteacutes circassiennesAIDES interpelle alors le ministegravere de la Jeunesse et des Sports lrsquoOrdre des meacutedecins lrsquoinspection acadeacutemique de Seine-Saint-Denis et bien sucircr lrsquoENACR et son meacutedecin reacutefeacuterent Les courriers deacutenoncent laquo la suspicion induite agrave lrsquoeacutegard des candidats seacutero-positifs raquo qui laquo sous-entend qursquoil y aurait des risques reacuteels de contamination dans les activiteacutes circassiennes ce qui constitue une discrimination aveacutereacutee en raison de lrsquoeacutetat de santeacute raquo Se refusant agrave deacutenoncer sans proposer de solution cette lettre invite agrave une ren-contre des diffeacuterent-e-s acteurs-trices concerneacute-e-s afin de faire eacutevoluer les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoENACRCette rencontre nrsquoaura pas lieu Le 26 juin le matin mecircme de la reacuteception du courrier envoyeacute par AIDES le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem alors ministre de la Jeunesse et des Sports prend contact avec AIDES pour demander des renseignements compleacute-mentaires Le mecircme jour lrsquoeacutecole annonce la fin de cette condition pour candidater consideacuterant que la demande est disproportionneacutee et injustifieacutee Lrsquoeacutecole regrette de nrsquoavoir pu srsquoexpliquer de vive voix Constateacutee en mai 2014 avec un retrait de la condition discriminatoire en juin de la mecircme anneacutee agrave peine un mois plus tard cette situation a eacuteteacute geacutereacutee avec une tregraves grande reacuteactiviteacute que AIDES tient agrave saluer

22 MAGISTRATURE UNE INTERDICTION DEPUIShellip 1958

Dans le cadre de ses actions de preacutevention et de soutien aupregraves des PVVIH des mili-tant-e-s de AIDES ont eacuteteacute interrogeacute-e-s en 2013 par une personne craignant de ne pouvoir candidater agrave lrsquoEacutecole nationale de la magistrature (ENM) du fait de son statut seacuterologique Une demande similaire a eacuteteacute adresseacutee au siegravege de AIDES en feacutevrier 2015 Apregraves veacuterification il srsquoavegravere en effet que lrsquoarticle 16 de lrsquoordonnance ndeg 58-1270 du 22 deacutecembre 1958 sur le statut de magistrat exige de laquo remplir les conditions drsquoaptitu-des physiques neacutecessaires agrave lrsquoexercice des fonctions et ecirctre reconnu indemne ou deacutefi-nitivement gueacuteri de toute affection donnant droit agrave un congeacute de longue dureacutee (CLD) raquo Lrsquoaptitude physique requise pour assurer les fonctions de magistrat conditionne eacutegale-ment lrsquoentreacutee agrave lrsquoENM Or le laquo deacuteficit immunitaire grave et acquis raquo donne droit au CLD les PVVIH sont donc toutes exclues de la magistratureSelon AIDES cette situation constitue une discrimination agrave lrsquoemploi agrave lrsquoencontre des PVVIH prohibeacutee par le droit franccedilais et en contradiction directe avec lrsquoalineacutea 18 du Preacuteambule de la constitution de 1946 sur lrsquoaccegraves de tous et toutes les citoyen-ne-s agrave la fonction publique

Comment avez-vous eu connaissance de la dispo-sition leacutegale excluant la candidature des personnes vivant avec le VIH de lrsquoeacutecole nationale de la magistra-ture (ENM) Crsquoest en preacuteparant mon dossier drsquoaccegraves agrave lrsquoENM que jrsquoai pris connaissance de la reacutefeacuterence agrave cette disposition du statut [de magistrat] alors que mon projet eacutetait tregraves avanceacute et que la preacutesentation agrave ce concours eacutetait deacuteter-mineacutee comme eacutetant mon choix professionnel deacutefinitif

Comment avez-vous perccedilu cette condition par rapport agrave votre situation personnelle Jrsquoai eacuteteacute sideacutereacute par cette disposition et jrsquoai chercheacute agrave savoir agrave quelle date elle avait eacuteteacute prise Le fait que les termes employeacutes eacutemanent drsquoun temps ougrave la question du VIH nrsquoexistait pas mrsquoa laisseacute perplexe Je me suis senti humilieacute et jeteacute au ban de la socieacuteteacute

Quel impact cette information a pu avoir sur vos choix drsquoeacutetudes et drsquoorientations professionnelles Depuis un an eacutepoque agrave laquelle jrsquoai pris connais-sance de cette situation je suis totalement deacutesorienteacute et

jrsquoai suspendu toute deacutemarche En effet mecircme si la Chan-cellerie dit que cette discrimination nrsquoa plus cours nous nrsquoavons aucune assurance de cela Je nrsquoai pas voulu ris-quer drsquoecirctre en porte agrave faux avec drsquoun cocircteacute une reacuteussite agrave lrsquoentreacutee et de lrsquoautre un rejet pour inaptitude meacutedicale dans de telles conditions que je nrsquoaurais pu expliquer agrave mon entourage

Si la loi organique sur le statut de magistrat eacutetait effec-tivement voteacutee mettant fin agrave lrsquoexclusion des personnes vivant avec le VIH comptez-vous passer le concours de lrsquoENM Je nrsquoattends que cela Je ne pense qursquoagrave cela et le temps me paraicirct bien long Mes projets actuellement suspendus seraient immeacutediatement reacuteactiveacutes Le seul lien drsquoespoir qui me tient a eacuteteacute la lecture sur votre site de lrsquoexistence de votre deacutemarche aupregraves de Madame Taubira dans le cadre drsquoun cas similaire au mien ainsi que la formulation des promesses de la garde des Sceaux agrave votre association Jrsquoai peur qursquoelle quitte la Chancelle-rie avant de reacutealiser sa promesse

Teacutemoignage

2 Dr K-POTE laquo Aux Arts du cirque on jongle avec le sida et le droit raquo Causette 4 juin 2014

14 15PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2FormATIoNS ET EmPLoIS   

EN FINIr AVEc LES INTErdITS mdash

Selon lrsquoarticle 28 de lrsquoinstruction de 2003 relatif aux cotations des pathologies dans lrsquoarmeacutee vivre avec le VIH en bonne santeacute et sans traitement serait moins laquo grave raquo au regard de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute que vivre avec le VIH en bonne santeacute et avec traitement

23 LrsquoARMEacuteE UN BASTION SANS VIh

Lrsquointerdiction drsquointeacutegrer de nombreux corps de lrsquoarmeacutee par des PVVIH a eacuteteacute identifieacutee en juillet 2015 apregraves qursquoune personne ait contacteacute lrsquoassociation AIDES alors qursquoelle srsquoeacutetait vu refuser lrsquoaccegraves agrave la marine nationale Lrsquoarticle L 4132-1 du Code de la deacutefense dispose que laquo Nul ne peut ecirctre militaire (hellip) 3deg Srsquoil ne preacutesente les aptitudes exigeacutees pour lrsquoexercice de la fonction raquo Lrsquoaptitude est eacuteva-lueacutee selon lrsquoinstruction ndeg 2100DEFDCSSAASTAME du 1er octobre 2003 relative agrave la deacutetermination de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir Cette instruction fixe des regravegles unifieacutees visant agrave eacutevaluer le profil meacutedical du candidat

231 Eacutevaluation de lrsquoaptitude agrave servir quelques repegraveresLe systegraveme deacutefini par lrsquoinstruction de 2003 relative agrave la deacutetermination de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir se base sur sept profils deacutetailleacutes nommeacutes chacun par une lettre de lrsquoacronyme Sigycop Pour chacun de ses profils des coefficients sont attribueacutes et visent agrave noter lrsquoeacutetat de santeacute la graviteacute de potentielles infections et des seacutequelles (tableau 1)

Le coefficient 0 correspond agrave une eacutevaluation meacutedicale initiale par un meacutedecin geacuteneacutera-liste il nrsquoest que transitoire Les coefficients de 1 agrave 6 eacutetablissent une eacutechelle progres-sive 1 correspondant agrave lrsquoaptitude pour laquo tous les emplois des armeacutees mecircme les plus peacutenibles raquo 6 correspondant agrave lrsquoinaptitude totale

Lrsquoarticle 10 de lrsquoinstruction explique que le profil meacutedical est eacutetabli agrave lrsquoaide du tableau 2 sur lequel les coefficients doivent ecirctre associeacutes par le meacutedecin habiliteacute au sigle corres-pondant Ce profil est ensuite compareacute aux profils drsquoaptitudes minimales deacutefinis pour chaque corps de lrsquoarmeacutee par diffeacuterents textes regraveglementaires afin de deacuteterminer si le candidat est eacuteligibleAinsi pour la marine nationale dans le cadre de la situation pour laquelle AIDES a eacuteteacute saisie lrsquoarticle 4 de lrsquoarrecircteacute du 21 mai 2012 fixant les conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants et pour la sous-cription drsquoun contrat au titre de la marine nationale deacutefinit le profil meacutedical deacutetailleacute dans le tableau 2

232 VIh et aptitude agrave servir une eacutevaluation drsquoun autre tempsOutre ce cadre meacutethodologique sur lrsquoaptitude meacutedicale lrsquoinstruction de 2003 attribue pour un nombre important de pathologies des notes pour tout ou partie des lettres de lrsquoacronyme La cotation concernant le VIH est deacutefinie agrave lrsquoarticle 28 de lrsquoinstruc-tion (tableau 3)

Cet article appelle de nombreux commentaires Drsquoabord le VIH nrsquoest ici consideacutereacute qursquoau regard de lrsquolaquo eacutetat geacuteneacuteral raquo de la personne sans conseacutequence sur le reste du profil meacutedi-cal Cet eacutetat geacuteneacuteral est associeacute agrave des coefficients allant de 3 agrave 5 Lrsquoarticle 8 de lrsquoinstruc-tion preacutecise lrsquoimplication de ces coefficients par rapport agrave la lettre G Coefficient 3 I 3 et G 3 entraicircnent une restriction appreacuteciable de lrsquoentraicircnement notamment lrsquoentraicircnement physique au combat et limite lrsquoeacuteventail des emplois en particulier ceux de combattants au contact direct avec lrsquoennemi Coefficient 4 Attribueacute agrave lrsquoun des sigles S I ou G ce coefficient exempte de tout entraicirc-nement physique au combat Il limite lrsquoaffectation des sujets ainsi classeacutes agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Coefficient 5 Attribueacute agrave lrsquoun des sigles S I G ou O il reacuteduit lrsquoaptitude agrave des emplois seacutedentaires eacuteventuellement adapteacutes

Cet article est eacutegalement surprenant au regard des distinctions qursquoil fait des diffeacuterentes phases de lrsquoinfection agrave VIH et de la gradation appliqueacutee Ainsi vivre avec le VIH en bonne santeacute et sans traitement serait moins laquo grave raquo au regard de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute que vivre avec le VIH en bonne santeacute et avec traitement Cette distinction prend lrsquoexact contre-pied des donneacutees de la science et des recommandations meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles

En effet les traitements actuels permettent de reacuteduire consideacuterablement la charge virale dans le sang au point qursquoelle devient indeacutetectable Dans ces conditions les per-sonnes sont non contaminantes Ils permettent aussi de vivre en bonne santeacute sur du long terme et dans des conditions similaires aux personnes seacuteroneacutegatives Ainsi les PVVIH en France se voient proposer des traitements degraves qursquoelles sont deacutepisteacutees et une tregraves large majoriteacute les accepte Certes il est possible de vivre avec le VIH sans traite-ment et sans laquo symptocircmes raquo mais agrave de rares exceptions pregraves cette situation ne peut pas durer et en tout eacutetat de cause la charge virale reste deacutetectable et les personnes restent contaminantes

laquo Un traitement curatif ou prophylactique au long cours ne saurait constituer agrave lui seul un motif drsquoeacutelimination que dans la mesure ougrave il entraicircnerait un absenteacuteisme iteacuteratif etou prolongeacute raquo et alors que ce nrsquoest pas le cas pour les traitements actuels du VIH lrsquoexclusion de nombreux postes des personnes seacuteropositives sur la base de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir nrsquoest pas proportionneacutee Elle constitue en ce sens une discrimination condamnable au regard des textes internationaux ratifieacutes par la France du Preacuteambule de la constitution de 1946 et du droit interne

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010482 1010485 1010483 1010483 1010481

Tableau 2 ndash Profil meacutedical Sigycop applicable aux officiers navigants de la marine nationale

Le Sigycop correspond au profil meacutedical dun individu eacutetabli par un meacutedecin militaire lui permettant de deacuteterminer son aptitude agrave inteacutegrer larmeacutee franccedilaise

Tableau 3 ndash Article 28 de lrsquoinstruction de 2003 Infection par le VIH

16 17

Tableau 1 ndash Reacutefeacuterentiel Sigycop 2003

sigle coefficient profil meacutedical concerneacute

S 1 agrave 1010486 Ceinture scapulaire et membres supeacuterieurs

I 1 agrave 1010486 Ceinture pelvienne et membres infeacuterieurs

G 1 agrave 1010486 Eacutetat geacuteneacuteral

Y 1 agrave 1010486 Yeux et vision (sens chromatique exclu)

C 1 agrave 1010486 Sens chromatique

O 1 agrave 1010486 Oreilles et audition

P 1010480 agrave 1010485 Psychisme

a) Infection agrave VIH asymptomatique sans traitement avec une immuniteacute cellulaire satisfaisante selon avis speacutecialiseacute 1010483 G

b) Infection agrave VIH asymptomatique sans traitement avec une immuniteacute cellulaire perturbeacutee (infeacuterieur agrave 500 CD4mm3) 1010483 G

c) Infection agrave VIH asymptomatique traiteacutee 4 G

d) Infection agrave VIH symptomatique 1010485 G

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Ainsi le systegraveme de notation retenu par lrsquoarmeacutee surprend en ce qursquoil se fonde sur des repreacutesentations invalideacutees depuis plusieurs anneacutees et contraires aux recommanda-tions meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles Au regard de la distinction opeacutereacutee ici sur la prise ou non de traitements les coefficients donneacutes en conseacutequence nrsquoont pas de sens Plus globalement lrsquoensemble du reacutefeacuterentiel proposeacute est largement inadapteacute et principalement au regard des eacuteleacutements sur lesquels il se base Il serait plus pertinent drsquoappreacutecier lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de la personne au regard de lrsquoeacutevolution de sa charge virale dans le temps et son eacutetat de santeacute

233 Un couperet qui concerne toutes les forces armeacutees et les formations affeacuterentesLes conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants de la marine nationale et pour la souscription drsquoun contrat au titre de la marine nationale exigent donc a minima un eacutetat geacuteneacuteral de santeacute corres-pondant agrave G 2 La seacuteropositiviteacute au VIH impliquant un coefficient minimum de 3 exclut donc de fait lrsquoensemble des candidat-e-s seacuteropositifs-ves Cette exclusion va cependant beaucoup plus loin que ce seul corps drsquoarmeacutee sont eacutega-lement concerneacutees lrsquoarmeacutee de terre et lrsquoarmeacutee de lrsquoair Alors qursquoen France plus de 79 des PVVIH sont sous traitement crsquoest une tregraves large majoriteacute drsquoentre elles qui se voient attribuer le coefficient G 4 et donc lrsquoinaptitude deacuteclareacutee pour tout entraicircnement physique au combat lrsquoaffectation srsquoen trouvant limiteacutee agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Cette note exclue aussi les personnes drsquoun nombre consideacuterable de formations mili-taires dont lrsquoEacutecole polytechnique comme illustreacute par la circulaire ndeg 273424DEFRH-ATFFSSLM relative agrave lrsquoadmission en classes preacuteparatoires agrave lrsquoenseignement supeacuterieur et en classes preacuteparatoires aux grandes eacutecoles des lyceacutees de la Deacutefense rele-vant de lrsquoarmeacutee de terre pour lrsquoanneacutee scolaire 2015-2016 Le Sigycop des eacutecoles militaires correspond au Sigycop minimal pour inteacutegrer les diffeacute-rents corps (tableau 4)

eacutecoles S I G Y C O P textes de reacutefeacuterence

Eacutecole polytechnique 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483 2

Instruction ndeg 13074 DEF DPAG du 27 deacutecembre 1982 modifieacutee (BOC p 5317 BOEM 620-4141 81421)

Eacutecole speacuteciale militaire de Saint-Cyr (scientifique litteacuteraire sciences eacuteconomiques et sociales)

2 2 2 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 23 deacutecembre 2009 (JO ndeg 22 du 27 janvier 2010 texte ndeg 12 BOC 7 2010 BOEM 311-022 77011)Instruction ndeg 812DEFRH-ATPRHLEG du 15 septembre 2014 (BOC ndeg 50 du 10 octobre 2014 texte 18 BOEM 31221 620-4121)

Eacutecole navale 2 2 2 5 1010483 20

ou 1010481

Arrecircteacute du 21 mai 2012 (JO ndeg 136 du 13 juin 2012 texte ndeg 20 signaleacute au BOC 362012 BOEM 3212)

Instruction ndeg 102DEFEMMRHPRH du 5 deacutecembre 2011 modifieacute (BOC ndeg 5 du 27 janvier 2012 texte 10 BOEM 32615 620-4162)

Eacutecole de lrsquoair 2 2 2 5 2 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 27 juillet 2011 modifieacute (JO ndeg 184 du 10 aoucirct 2011 texte ndeg 1 signaleacute au BOC 442011 BOEM 76812)

Eacutecole nationale supeacuterieure de techniques avanceacutees 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483

0 ou 1010481

Arrecircteacute du 18 janvier 2011 modifieacute (JO ndeg122 du 26 mai 2011 texte ndeg 4 signaleacute au BOC 292011 BOEM 8106)

Eacutecole nationale supeacuterieure des ingeacutenieurs de lrsquoinfrastructure militaire

1010483 1010483 1010483 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 26 avril 2012 (JO ndeg 108 du 8 mai 2012 texte ndeg 30 signaleacute au BOC 332012 BOEM 50833)

Tableau 4 ndash Sigycop minimal requis pour les eacutecoles militaires 4

Le Code de lrsquoaviation civile est le seul code dont lrsquoassocia-tion ait connaissance qui exclut directement les PVVIH laquo La positiviteacute au VIH est cause drsquoinaptitude raquo Celle-ci vaut pour les pilotes ou les controcircleurs aeacuteriens Cepen-dant cette inaptitude ne se veut pas systeacutematique ce code preacutevoit une possible reconnaissance de lrsquoaptitude au cas par cas sous certaines conditions Lrsquoarrecircteacute du 16 mai 2008 relatif aux critegraveres et condi-tions de deacutelivrance des attestations drsquoaptitude meacutedicale neacutecessaires pour assurer les services du controcircle de la circulation aeacuterienne preacutecise ainsi qursquolaquo un candidat preacute-sentant une infection VIH comportant des symptocircmes drsquoaffection eacutevolutive telle que le sida une lymphadeacuteno-pathie chronique lieacutee au VIH ou une atteinte du systegraveme nerveux central doit ecirctre deacuteclareacute inapte Toutefois la deacuteclaration drsquoaptitude peut ecirctre envisageacutee au renouvel-lement et agrave la revalidation pour les individus preacutesentant une reacuteaction positive asymptomatique pour le VIH raquo De mecircme pour les pilotes lrsquoaptitude peut ecirctre accordeacutee sous certaines conditions et sous reacuteserve de controcircles freacutequents laquo la survenue drsquoun sida ou du complexe appa-renteacute au sida [devient alors] cause drsquoinaptitude raquo

Enfin concernant le personnel navigant lrsquoarrecircteacute de 2007 relatif aux conditions drsquoaptitude physique preacutecise que le laquo personnel navigant commercial doit ecirctre exempt de toute affection chronique eacutevolutive raquo avant de compleacute-ter laquo Une aptitude par deacuterogation peut ecirctre demandeacutee au conseil meacutedical de lrsquoaeacuteronautique civile qui juge en fonction des reacutesultats des examens cliniques et biolo-giques de lrsquointeacuteresseacute montrant un eacutetat de lrsquoaffection compatible avec le service aeacuterien et le cas eacutecheacuteant une bonne toleacuterance au traitement raquoLes textes de lrsquoaviation civile se distinguent en ce sens que srsquoil exclut a priori le critegravere drsquoaptitude ne reacuteside pas dans la seacuteropositiviteacute en tant que telle mais sur lrsquoeacutetat de santeacute geacuteneacuteral Ils reacutesultent il faut le souligner de mobi-lisations et contentieux 3 agrave lrsquoencontre des dispositions preacuteceacutedemment en vigueur en particulier lrsquoarrecircteacute minis-teacuteriel du 5 juillet 1984 qui preacutevoyait que laquo les affections eacutevolutives susceptibles de conduire agrave une inaptitude ulteacuterieure sont eacuteliminatoires raquo

3 Notamment la Deacutelibeacuteration de la Halde du 6 feacutevrier 2006 et lrsquoarrecirct du Conseil drsquoEacutetat du 28 juin 2006 4 httpwwwformationterredefensegouvfrPJDocumentsDecouverteODFLyceesDocuments20141203_DEF_RH-AT_F_FS_SLM_Circulaire_273424_admission_CPES_CPGEpdf

Lrsquoaviation civile lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute plutocirct que la seacuteropositiviteacute

18 19PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Les discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et international Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacute

Cette mecircme exclusion des PVVIH existe aussi dans la gendarmerie nationale Sachant que dans la gendarmerie nationale lrsquoinaptitude est prononceacutee pour les candidats seacutero-positifs en qualiteacute de musicien choriste ou agent technique et administratif le carac-tegravere discriminatoire et disproportionneacute des classifications pour inaptitude est illustreacute sans que drsquoautres commentaires soient utiles (tableau 5)Dans le cadre de la reacutedaction de ce rapport AIDES nrsquoa pas pu encore recenser de maniegravere exhaustive les corps desquels les PVVIH seraient exclues agrave raison de leur eacutetat de santeacute La question que AIDES pose en revanche est celle des postes et corps ouverts aux personnes seacuteropositives la liste est certainement plus limiteacuteehellip Lrsquoassociation sou-haite pour lrsquoheure mettre en lumiegravere une exclusion une discrimination structurelle touchant agrave toutes les forces armeacutees et lieacutee agrave un reacutefeacuterentiel inadapteacute anachronique eacutechappant aux donneacutees scientifiques et meacutedicales contemporaines

Remarque en 2015 les forces armeacutees comptent 207 689 postes (120 031 pour lrsquoarmeacutee de terre 38 874 pour la marine nationale 48 784 pour lrsquoarmeacutee de lrsquoair) 5 Lrsquoeffectif de la gendarmerie nationale srsquoeacutelegraveve agrave 98 115 personnes 6 la police nationale agrave 144 858 7 et les sapeurs-pompiers agrave 244 900 8 Une part importante de ces postes est fermeacutee aux PVVIH

234 Police nationale sapeurs-pompiers une exclusion qui deacutepasse largement le champ de lrsquoarmeacutee

Srsquoil a une vocation militaire le profil meacutedical Sigycop srsquoapplique et creacutee des exclusions systeacutematiques de PVVIH dans de nombreux autres emplois publics Ainsi lrsquoexclusion constateacutee pour lrsquoarmeacutee sur la base des coefficients G 3 et G 4 se retrouve dans drsquoautres secteurs notamment la police nationale En effet depuis une tregraves reacutecente modification de lrsquoarrecircteacute du 2 aoucirct 2010 relatif aux conditions drsquoaptitudes physiques particuliegraveres pour lrsquoaccegraves aux emplois de certains corps de fonctionnaires par un arrecircteacute du 10 juin 2015 le profil G 2 exclut lrsquoensemble des PVVIH de la police nationale (tableau 6)

De mecircme lrsquoarrecircteacute du 6 mai 2000 fixant les conditions drsquoaptitude meacutedicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions drsquoexercice de la meacutede-cine professionnelle et preacuteventive au sein des services deacutepartementaux drsquoincendie et de secours deacutefinit diffeacuterents profils Les PVVIH sous traitement ne sont eacuteligibles qursquoau profil E qui correspond agrave une activiteacute non opeacuterationnelle voire un reclassement dans un autre corps cadre drsquoemplois ou emploi Ces discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et interna-tional Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacutePour chaque cas ayant eacuteteacute rapporteacute agrave AIDES lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour mieux documenter les situations des personnes ainsi que les implications collectives Lrsquoas-sociation a systeacutematiquement alerteacute les autoriteacutes concerneacutees afin de travailler avec elles agrave une eacutevolution des textes AIDES a aussi saisi le Deacutefenseur des droits agrave lrsquoautomne 2015 dans le cadre de sa mission constitutionnelle de laquo veille au respect des droits et liberteacutes raquoAIDES ne preacutetend pas avoir identifieacute toutes les exclusions seacuterophobes existantes Si des personnes ont connaissance de situations similaires elles sont inviteacutees agrave contacter les associations qui les aideront agrave saisir le Deacutefenseur des droits

corps statut drsquoappartenance

ou formation concerneacuteeprofil meacutedical requis

Officier de gendarmerie (OG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale candidat au cycle de formation donnant accegraves au grade drsquoaspirant (AGIV)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Officier du corps technique et administratif de la gendarmerie nationale (OCTAGN)

S I G Y C O P

1010483 1010483 1010483 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie (SOG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave exercer les attributions drsquoagent de police judiciaire adjoint (GAV APJA)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Sous-officier du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (CSTAGN) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave occuper un emploi particulier (GAV EP)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie recruteacute pour servir en qualiteacute de musicien de lrsquoorchestre ou de choriste de la garde reacutepublicaine

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010483 1010485 1010484 10104820

ou 1010481

Tableau 5 ndash Sigycop minimal pour la gendarmerie nationale

5 Chiffres cleacutes de la Deacutefense eacutedition 2015 6 httpwwwgendarmerieinterieurgouvfrNotre-InstitutionNos-moyensEffectifs 7 httpwwwladocumentationfrancaisefrvarstoragerapports-publics134000185pdf 8 httpwwwpompiersfraccueilles-sapeurs--pompiersles-statistiques

20 21

Tableau 6 ndash Sigycop minimal requis pour les fonctionnaires actifs de la police nationale

S I G Y C O P

1010482 1010482 1010482 1010483 1010482 1010482 1010482

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2LE droIT Agrave LA SANTEacute   ET LE PrINcIPE   

drsquoEacutegALITEacute dE TrAITEmENT

Le droit agrave la protection de la santeacuteLa loi relative aux droits des personnes malades et agrave la qualiteacute du systegraveme de santeacute du 4 mars 2002 dite laquo loi Kouchner raquo reacuteaffirme degraves lrsquoexposeacute des motifs le droit agrave la pro-tection de la santeacute comme un droit agrave valeur constitutionnelle reconnu par lrsquoalineacutea 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 laquo La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les conditions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacute-rielle le repos et les loisirs raquo Ce droit a eacuteteacute consacreacute par plusieurs deacutecisions du Conseil constitutionnel (notamment CC 23 juillet 1999 ndeg 99-416) Le droit agrave la protection de la santeacute est eacutegalement garanti par des textes internationaux ratifieacutes par la France Il lrsquoest indirectement par lrsquoarticle 3 de la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales interdisant la tor-ture et les traitements inhumains ou deacutegradants et par lrsquoarticle 8 de ladite Convention proteacutegeant le droit agrave la vie priveacutee et familiale Ce droit est aussi proteacutegeacute directement par la Charte de lrsquoOrganisation mondiale de la Santeacute du 27 juillet 1946 laquo La possession du meilleur eacutetat de santeacute qursquoil est capable drsquoatteindre constitue lrsquoun des droits fondamen-taux de tout ecirctre humain quelles que soient sa race sa religion ses opinions politiques sa conduite eacuteconomique raquoSur ces bases lrsquoarticle 1 de la loi de 2002 introduit un droit agrave la protection de la santeacute en faveur de toute personne sans discrimination laquo La mise en œuvre de ce droit passe par le deacuteveloppement de la preacutevention lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins les plus approprieacutes agrave son eacutetat de santeacute la continuiteacute des soins la seacutecuriteacute sanitaire raquo

Extraits du Code de santeacute publique

article l1110-1 Le droit fondamental agrave la protection de la santeacute doit ecirctre mis en œuvre par tous moyens disponibles au beacuteneacutefice de toute personne Les professionnels les eacutetablissements et reacuteseaux de santeacute les organismes drsquoassurance maladie ou tous autres organismes par-ticipant agrave la preacutevention et aux soins et les autoriteacutes sanitaires contribuent avec les usagers agrave deacutevelopper la preacutevention garantir lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins neacutecessiteacutes par son eacutetat de santeacute et assurer la continuiteacute des soins et la meilleure seacutecu-riteacute sanitaire possible

article l1110-3 Aucune personne ne peut faire lrsquoobjet de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention ou aux soins

article l1110-5 Toute personne a compte tenu de son eacutetat de santeacute et de lrsquourgence des interventions que celui-ci requiert le droit de recevoir les soins les plus approprieacutes et de beacuteneacuteficier des theacuterapeutiques dont lrsquoefficaciteacute est reconnue et qui garantissent la meilleure seacutecuriteacute sanitaire au regard des connaissances meacutedicales aveacutereacutees Les actes de preacutevention drsquoin-vestigation ou de soins ne doivent pas en lrsquoeacutetat des connaissances meacutedicales lui faire courir de risques disproportionneacutes par rapport au beacuteneacutefice escompteacute

article l1411-1-1 Lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins des populations fragiliseacutees constitue un objectif prioritaire de la politique de santeacuteLes programmes de santeacute publique mis en œuvre par lrsquoEacutetat ainsi que par les collectiviteacutes territoriales et les organismes drsquoassurance maladie prennent en compte les difficulteacutes speacutecifiques des populations fragiliseacutees

25

DROIT APPLICABLE

rEFUS dE SoINS

Le droit agrave la santeacute et le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement bien que proteacutegeacutes par des textes agrave valeurs constitutionnelle et internationale peinent parfois agrave trouver une traduction effective Dans le champ du VIH sida et des heacutepatites virales les exemples sont leacutegions Sans preacutetendre agrave lrsquoexhaustiviteacute AIDES retient pour 2015 trois expressions drsquoatteintes agrave ces droits fondamentaux Drsquoabord des personnes seacuteropositives au VIH sont confronteacutees agrave des refus de soins en raison de leur statut seacuterologique Ensuite des personnes infecteacutees par le virus de lrsquoheacutepatite C sont eacutecarteacutees de lrsquoaccegraves aux nouveaux traitements innovants Enfin les personnes mineures ne peuvent acceacuteder agrave tous les moyens de preacutevention et de deacutepistage disponibles actuellement Ces sujets constituent les trois axes de ce chapitre

Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de comparer les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique

Bien que lrsquoaccegraves aux soins sans discrimination soit garanti par des dispositions leacutegales sans ambiguiumlteacute dans les faits des entraves existent Lrsquoexistence mecircme des refus de soins ne fait pas consensus la plupart des professionnel-le-s de santeacute tendant agrave nier ou au moins agrave minimiser le pheacutenomegravene que les personnes concerneacutees rapportent pourtant de maniegravere reacutecurrente Le deacuteficit drsquoeacutetudes officielles ne permet pas drsquoen objectiver la nature et lrsquoampleur En France seules quelques enquecirctes meneacutees par des associations et des institutions documentent ces pheacutenomegravenes mais essentiel-lement cibleacutees sur des motivations drsquoordre social Il srsquoagit drsquoeacutetudes concernant des beacuteneacuteficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) de la CMU compleacutementaire (CMU-C) de lrsquoaide meacutedicale drsquoEacutetat (AME) et de lrsquoaide agrave lrsquoacquisition drsquoune compleacute-mentaire santeacute (ACS) 11 Les discriminations dans le champ meacutedical agrave lrsquoencontre des PVVIH sont notamment documenteacutees par Sida Info Service qui a meneacute cinq enquecirctes agrave ce sujet et agrave travers les enquecirctes ANRS-VespaPourtant des cas reacutecurrents de refus de soins ou de discriminations sont rappor-teacutes par des PVVIH Ils concernent principalement lrsquoaccegraves agrave des soins dentaires ou gyneacutecologiques dans un contexte ougrave les mesures de preacutecaution standard drsquohygiegravene ont eacuteteacute maintes fois rappeleacutees par diverses instances publiques scientifiques et professionnellesAfin drsquoobjectiver ces refus trop souvent minimiseacutes AIDES a meneacute un testing en avril 2015 agrave lrsquooccasion de deacutebats autour du projet de loi de modernisation de notre sys-tegraveme de santeacute susceptible de renforcer les moyens de lutte contre les refus de soins Cette enquecircte vise agrave saisir lrsquoampleur et documenter les refus de soins laquo sur le vif raquo agrave lrsquoencontre des PVVIH

11 MEacuteThODOLOGIE

111 qursquoest-ce qursquoun testing Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de com-parer toutes choses eacutegales par ailleurs les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique Si lrsquoune des personnes est traiteacutee diffeacuteremment de lrsquoautre alors cette diffeacuterence est imputeacutee agrave lrsquounique caracteacuteristique qui les distingue

112 Le protocole drsquoenquecircteAfin de parvenir agrave eacutetablir lrsquoexistence de traitements discriminatoires dans lrsquoaccegraves aux soins dentaires ou gyneacutecologiques des PVVIH AIDES a recouru agrave une opeacuteration de tes-ting srsquoappuyant sur lrsquoobservation de prises de rendez-vous teacuteleacutephoniques

Les testeur-se-sLes appels teacuteleacutephoniques sont reacutealiseacutes par 44 testeur-se-s tous militant-e-s de AIDES Chaque testeur-se doit jouer un personnage en srsquoappuyant sur une identiteacute fictive qui se reacutepartit selon quatre profils

Hommefemme Seacuteropositif-ve au VIH ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH

Les diffeacuterentes lois sur la santeacute rarement remises en causes se sont depuis inscrites dans la continuiteacute Elles positionnent le droit agrave la santeacute pour tous et toutes comme une finaliteacute des politiques de santeacute jusqursquoau dernier projet de loi preacutesenteacute par Marisol Touraine ministre des Affaires sociales de la Santeacute et des Droits des femmes qui rap-pelle dans la version initiale de lrsquoarticle 1er laquo Elle [la politique de santeacute] tend agrave assurer la promotion de conditions de vie favorables agrave la santeacute lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute de la population la reacuteduction des ineacutegaliteacutes sociales et territoriales de santeacute et agrave garantir la meilleure seacutecuriteacute sanitaire possible et lrsquoaccegraves effectif de la population agrave la preacutevention et aux soins raquo 9

Les dispositions speacutecifiques aux refus de soinsLe droit agrave la santeacute est un eacuteleacutement fondamental des droits de lrsquohomme Si les textes qui rappellent ce principe sont nombreux il reste que ce droit nrsquoest pas acquis pour tous et toutes en particulier pour les personnes en situation de vulneacuterabiliteacute Au-delagrave des dif-ficulteacutes drsquoaccegraves aux soins les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) peuvent ecirctre expo-seacutees agrave des pratiques illeacutegales de refus de soins qui portent atteinte au droit agrave la santeacute Mecircme si les refus de soins ne sont pas geacuteneacuteraliseacutes les reacutesultats de nombreux testing montrent leur reacutecurrence Le droit actuel permet-il de lutter efficacement contre ces pratiques illeacutegales les reacuteponses juridiques sont-elles suffisantes Lrsquoencadrement juri-dique des refus de soins est eacuteclateacute entre Code peacutenal Code de la santeacute publique Code de la consommation et Code de deacuteontologie meacutedicale ce qui ne rend pas visible cet enjeuLe rapport du Deacutefenseur des droits remis au Premier Ministre en mars 2014 sur laquo Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME raquo a permis de montrer lrsquoinefficaciteacute de lrsquoencadrement juridique actuel La loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (HPST) a mis en place une proceacutedure particuliegravere de signalement des refus de soins complexe et peu effective instances compeacutetentes et modaliteacutes de saisines multiples difficulteacutes des usager-e-s agrave faire valoir leurs droits rareteacute des signalements et manque de mobilisation des ins-tances en charge du traitement des signalements Crsquoest pourquoi il est neacutecessaire de renforcer les droits des patient-e-s pour une meilleure connaissance des lois et voies de recours existants de mettre en œuvre un accompagnement des victimes dans le cadre des proceacutedures de conciliation ou les recours en justice et de mieux qualifier les refus de soins illeacutegaux pour en faciliter lrsquoidentification

Exemple de deacutecision du Deacutefenseur des droits Le Deacutefenseur a eacuteteacute saisi drsquoune reacuteclamation relative au refus de proceacuteder agrave lrsquoextraction de dents de sagesse en raison de la seacuteropositiviteacute de la patiente Celle-ci pensant que le chirurgien accegravederait agrave son dossier informatique de suivi au sein du mecircme hocircpital nrsquoa pas indiqueacute sa maladie lors de la consultation preacuteopeacuteratoire Apregraves avoir appris la seacuteropositiviteacute de la reacuteclamante le mis en cause a annuleacute lrsquoopeacuteration preacutevue en propo-sant une date trois mois plus tard inacceptable pour cette derniegravere Afin de justifier le refus des soins le mis en cause a invoqueacute lrsquoapplication drsquoun protocole speacutecifique pour la prise en charge drsquoun patient seacuteropositif Lrsquohocircpital dans lequel exerccedilait le mis en cause a deacutementi lrsquoexistence drsquoun tel protocole Dans le cadre de cette deacutecision le Deacutefenseur des droits a donc recommandeacute la mise en œuvre de sanctions disciplinaires agrave lrsquoeacutegard du meacutedecin et a informeacute de sa deacutecision le ministegravere de la Santeacute le conseil national de lrsquoordre des chirurgiens-dentistes ainsi que le conseil deacutepartemental de lrsquoordre des meacutedecinsDeacutecision MLD-2011-94 du 13 janvier 2012 10

1 UN TESTINg PoUr objEcTIVEr  

LES rEFUS dE SoINS mdash

9 Au moment de la reacutedaction de ce rapport la reacutedaction deacutefinitive de lrsquoarticle 1er nrsquoest pas connue 10 httpwwwdefenseurdesdroitsfrfractionsprotection-des-droits-libertesdecisiondecision-mld-2011-94-du-13-janvier-2012-

relative-un

11 MEacuteDECINS DU MONDE Testing sur les refus de soins des meacutedecins geacuteneacuteralistes pour les beacuteneacuteficiaires de la Couverture Maladie Universelle ou de lrsquoAide Meacutedicale Eacutetat dans 10 villes de France 2006 DEacuteFENSEUR DES DROITS Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME 2014 FONDS CMU-DIES Analyse des attitudes de meacutedecins et de dentistes agrave lrsquoeacutegard des patients beacuteneacuteficiant de la CMUC dans 6 villes du Val-de-Marne 2006 FONDS CMU-IRDES Les refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMUC agrave Paris 2009 FONDS CMU-IRDES Analyse territoriale des obstacles agrave lrsquoaccegraves aux soins des beacuteneacuteficiaires de la CMUC dans les deacutepartements de lrsquoOrne et de la Niegravevre 2012 CISS Droits des malades Refus de soins aux beacuteneacuteficiaires de la CMUC de lrsquoAME et de lrsquoACS 2015

26 27PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Rouen

Evreux

Pontoise

Chacircteauroux

ParisStrasbourg

Auxerre

Dijon

Lyon

Marseille

Gap

Clermont-ferrandPuy-en-Velay

Toulouse

Niort

Angoulegraveme

Cahors

Bourg-en-Bresse

Tours

Colmar

Lrsquoeacutechantillon repreacutesentatif de lrsquoeacutetude comprend 100766810076680 cabinets dentaires et 100766510076691007668 cabinets de gyneacutecologie

Le sceacutenarioUn mecircme cabinet dentaire ou de gyneacutecologie est appeleacute deux fois pour une prise de rendez-vous par deux testeur-se-s diffeacuterent-e-s qui ont des caracteacuteristiques sociodeacute-mographiques similaires Les prises de rendez-vous gyneacutecologiques sont effectueacutees uniquement par des femmes Dans le premier cas le-la testeur-se annonce sa seacutero-positiviteacute au VIH dans le second cas lrsquoautre testeur-se ne dit rien Seule la mention du statut seacuterologique diffeacuterencie ces deux personnes Un script eacutetabli en concertation avec des militant-e-s des PVVIH et des professionnel-le-s de santeacute (meacutedecins speacutecia-listes en chirurgie dentaire en gyneacutecologie et de santeacute publique) reacuteuni-e-s au sein drsquoun groupe de pilotage a permis drsquoeacutetablir

Une feuille de route pour chaque testeur-se proposant des reacuteponses concregravetes aux eacuteventuelles questions que pourrait susciter la demande de rendez-vous (iden-titeacute motifs de la demande orientations adresse teacuteleacutephone numeacutero de seacutecuriteacute sociale etc)

La conduite agrave tenir en cas de mise en attente ou drsquoheacutesitations agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute

Le choix du motif de la consultation deacutetartrage ou frottis Il est important de choisir un acte meacutedical susceptible de provoquer des saignements mais simple ne justifiant pas une orientation vers un-e meacutedecin speacutecialiste ou vers un service drsquourgences et ou un plateau technique particulier

Les eacutechanges teacuteleacutephoniques sont enregistreacutes leur contenu est retranscrit dans une base de donneacutees pour recueillir de faccedilon standardiseacutee les reacuteponses apporteacutees par les praticien-ne-s Des seacuteances de deacutebriefing ainsi qursquoun guide meacutethodologique sont mis agrave disposition des testeur-se-s

Remarque lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute au VIH drsquoembleacutee lors de la prise de ren-dez-vous est justifieacutee par les teacutemoignages de certaines PVVIH qui trop souvent expo-seacutees agrave la stigmatisation et la discrimination de la part de professionnel-le-s de santeacute preacutefegraverent eacuteviter un refus frontal de la ou du meacutedecin dans son cabinet Elle est eacutegale-ment approuveacutee par les professionnel-le-s de santeacute du groupe de pilotage au regard de leur expeacuterience

Constitution de lrsquoeacutechantillon geacuteographiqueLa meacutethodologie de lrsquoenquecircte srsquoappuie sur une technique drsquoeacutechantillonnage aleacuteatoire de maniegravere agrave garantir une seacutelection repreacutesentative des chirurgiens-dentistes et des gyneacutecologues en France Afin de deacutefinir les villes dans lesquelles est reacutealiseacutee lrsquoeacutetude plusieurs eacutetapes sont retenues

Un classement des reacutegions en fonction de leur incidence au VIH (faible moyenne eacuteleveacutee)

Une seacutelection de trois reacutegions par niveau drsquoincidence Une identification pour chaque reacutegion seacutelectionneacutee drsquoun deacutepartement agrave haute densiteacute meacutedicale et drsquoun deacutepartement agrave faible densiteacute meacutedicale pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Un choix des chefs-lieux de chacun de ces deacutepartements comme ville pour effectuer lrsquoenquecircte

Pour les trois plus grandes villes de France (Paris Lyon Marseille) un deacutecoupage par arrondissement selon le niveau de richesse (eacuteleveacute moyen faible) est reacutealiseacute Au total 20 villes sont seacutelectionneacutees La base de sondage est reacutealiseacutee agrave partir de plusieurs sources de donneacutees lrsquoInstitut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques (Insee) pour le nombre drsquohabi-tants lrsquoInstitut de veille sanitaire (InVS) pour lrsquoincidence du VIH lrsquoObservatoire natio-nal de la deacutemographie des professions de santeacute et lrsquoAtlas de la deacutemographie meacutedicale en France pour la densiteacute meacutedicale deacutepartementale respectivement pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Constitution de lrsquoeacutechantillon meacutedicalLe testing vise les seul-e-s speacutecialistes secteurs 1 et 2 chirurgiens-dentistes et gyneacuteco-logues Ainsi deux bases de sondage sont reacutealiseacutees

Lrsquoune agrave partir de lrsquoensemble des chirurgiens-dentistes conventionneacute-e-s pour les soins dentaires classiques preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Lrsquoautre agrave partir de lrsquoensemble des gyneacutecologues conventionneacute-e-s avec les speacuteciali-teacutes meacutedicale etou obsteacutetrique preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Pour lrsquoensemble des secteurs geacuteographiques 2 297 chirurgiens-dentistes et 290 gyneacute-cologues sont recenseacute-e-s Afin de creacuteer un eacutechantillon repreacutesentatif de ces professions 30 des chirurgiens-dentistes et 60 des gyneacutecologues sont tireacute-e-s au sort agrave lrsquoaide drsquoun programme de tri aleacuteatoire

Moins de 45 000 habitants

45 000 agrave 200 000 habitants

Plus de 200 000 habitants

les 20 villes selectionneacutees

pour le testing aupregraves des cabinets

dentaires et gyneacutecologiques

29PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 1

laquo Pour vous ce sera 21h raquo laquo Je ne prends pas de nouveaux patients raquo

laquo Eh bien on mettra deux paires de gants raquo

laquo Vous me remplirez un questionnaire meacutedical avant le rdv raquo

laquo Je le note dans le carnet de rdv raquo

laquo Les gens comme voushellip raquo

laquo Je nrsquoai pas le mateacuteriel adapteacute raquo

laquo Ok mais vous viendrez avec toutes vos analyses raquo

laquo Je ne pratique pas le deacutetartrage raquo

laquo Le deacutetartrage crsquoest 150 euros raquo

laquo Vous serez mieux soigneacute agrave lrsquohocircpital raquo

laquo Je nrsquoai pas eacuteteacute formeacute au vih raquo

laquo Heuhellip veuillez patienter raquo

Bonjour je souhaite un rendez-vous

pour un deacutetartrage et je suis seacuteropo

la face cacheacutee des refus

de soins chez les dentistes

envers les personnes vih+

Florilegravege des verbatims des cabinets dentaires agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute par ordre de citation

Le motif le plus souvent invoqueacute par les cabinets dentaires est celui des ameacutenagements ou des horaires speacutecifiques requis pour les personnes seacuteropositives Vient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute

Peacuteriode drsquoenquecircteLe testing est reacutealiseacute sur une peacuteriode courte du 7 au 10 avril 2015 pour garantir la confi-dentialiteacute de lrsquoopeacuteration et assurer un environnement comparable entre les diffeacuterents appels (actualiteacute meacutediatique et politique etc) Une fois la semaine de testing passeacutee les rendez-vous pris sont annuleacutes afin de ne pas peacutenaliser les laquo vrais raquo malades et les meacutedecins dans la gestion des rendez-vous meacutedicaux

Eacutechantillon finalParmi les 570 cabinets dentaires et les 154 cabinets de gyneacutecologie contacteacutes par teacuteleacute-phone durant la peacuteriode drsquoenquecircte pour une prise de rendez-vous un certain nombre sont exclus en raison de non-reacuteponses aux appels de non-conformiteacute de la speacutecialiteacute de fermeture ou de congeacutes Lrsquoeffectif final des praticien-ne-s retenu-e-s srsquoeacutelegraveve agrave 440 pour les chirurgiens-dentistes et 116 pour les gyneacutecologues Lors des appels il est pos-sible de relever la fonction des reacutepondant-e-s dans la majoriteacute des cas (praticien-ne-s ou secreacutetaires meacutedicaux-ales) Ainsi les interlocuteur-trice-s dans les cabinets dentaires sont des secreacutetaires meacutedicaux-les dans 764 des cas (n=336) et des chirurgiens-den-tistes dans 193 des cas (n=85) Pour les cabinets de gyneacutecologie la reacutepartition eacutetait de 802 de secreacutetaires meacutedicaux-les (n=93) et 78 de gyneacutecologues (n=9)

113 Limites de lrsquoeacutetudeCette opeacuteration de testing comporte des limites qui sont autant de pistes pour ameacutelio-rer encore ce type drsquoenquecirctes et leur donner un cadre leacutegalLa premiegravere limite tient agrave la classification a posteriori des motifs des refus de soins En effet la liste exhaustive des motifs de refus ainsi que la combinaison de plusieurs motifs eacutetaient difficiles agrave anticiper La deuxiegraveme limite concerne la perception des testeur-se-s quant aux reacuteponses four-nies par les dentistesgyneacutecologues Ainsi la notion de subjectiviteacute permise par la non-cateacutegorisation a priori des reacuteponses a probablement induit une sous-deacuteclaration de certains refus Les retours drsquoexpeacuteriences des PVVIH qui pointent des refus frontaux dans les cabinets des praticien-ne-s apregraves un rendez-vous fixeacute preacutealablement au teacuteleacute-phone laissent augurer eacutegalement drsquoune sous-eacutevaluation de ces pratiquesLa troisiegraveme limite est celle du champ de lrsquoenquecircte Seule la seacuteropositiviteacute au VIH a eacuteteacute testeacutee il est pourtant neacutecessaire drsquoeacutetendre aux personnes vivant avec une heacutepatite virale chronique ou co-infecteacutees par le VIH et les heacutepatites virales De plus les repreacutesen-tations sociales eacuteconomiques et morales associeacutees agrave la pathologie VIH (CMU ou AME preacutecariteacute pratiques sexuelles usages de drogues etc) peuvent geacuteneacuterer des cumuls de motifs de refusEt enfin la taille de lrsquoeacutechantillon des professionnel-le-s ne permet pas de reacutealiser des analyses statistiques pousseacutees notamment par ville et de conclure agrave drsquoeacuteventuelles dynamiques locales de discrimination

12 DES REacuteSULTATS ACCABLANTS

Parmi les reacuteponses des chirurgiens-dentistes et de leur secreacutetariat meacutedical agrave lrsquoan-nonce de la seacuteropositiviteacute le motif le plus souvent invoqueacute est celui des ameacutena-gements ou des horaires speacutecifiques qui seraient requis soit eacutenonceacutes comme tels soit mis en eacutevidence par comparaison des reacuteponses faites aux personnes supposeacutees seacuteroneacutegatives Il est important de rappeler que le Haut conseil de la santeacute publique a publieacute en 2007 un avis laquo ne recommandant pas lrsquoinstauration drsquoun ordre de pas-sage pour tout patient porteur des virus VHC VHB ou VIH lors drsquoactes invasifs meacutedico-chirurgicaux En revanche il considegravere comme une prioriteacute lrsquoapplication des preacutecautions standard et le respect des mesures de preacutevention (hellip) raquo LrsquoOrdre natio-nal des chirurgiens-dentistes a drsquoailleurs redit lors de la parution de ce testing que laquo les patients doivent tous beacuteneacuteficier drsquoune mecircme chaicircne de deacutecontamination et de steacuterilisation raquoVient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute surcharge de travail pas de nou-veaux-elles patient-e-s deacutelais de rendez-vous trop importants etc non eacutevoqueacutee pour les testeur-se-s nrsquoannonccedilant pas de seacuteropositiviteacute au VIHPour les gyneacutecologues ou leur secreacutetariat meacutedical les testeuses seacuteropositives sont accepteacutees sous reacuteserve de la preacutesentation de leur dossier meacutedical et du rappel de la pathologie au moment de la consultation Lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute est aussi avanceacute agrave plusieurs reprises Tous ces motifs sont ensuite cateacutegoriseacutes

Figure 2

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS30

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins

121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou de discriminationsUne cateacutegorisation est opeacutereacutee en fonction des dispositions juridiques existantes Les dispositions leacutegales eacutetant tregraves geacuteneacuterales et impreacutecises crsquoest la reacutefeacuterence agrave la circu-laire CNAMTS CIR-332008 relative aux refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMU-C qui a eacuteteacute retenue Ce texte donne une deacutefinition concregravete des refus de soins incluant laquo la fixation tardive inhabituelle et abusive drsquoun rendez-vous lrsquoorien-tation reacutepeacuteteacutee et abusive vers un autre confregravere lrsquoattitude et le comportement dis-criminatoire du professionnel de santeacute etc raquo Certains praticien-ne-s ont pu eacutevoquer plusieurs motifsAinsi des refus de soins directs ou deacuteguiseacutes et des traitements diffeacuterentiels non fon-deacutes sont constateacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH lors drsquoune demande de rendez-vous pour un deacutetartrage ou un frottisParmi les refus de soins on distingue deux cateacutegories Les refus directs Il srsquoagit de refus directement imputables au VIH annonceacutes comme tels ou sous couvert drsquoune autre raison non formuleacutee aupregraves de la personne supposeacutee seacuteroneacutegative Les refus deacuteguiseacutes Il srsquoagit de refus dont les preacutetextes avanceacutes sont douteux et contraires au Code de deacuteontologie meacutedicale Ils peuvent ecirctre cateacutegoriseacutes en deux types de refus

Les strateacutegies de deacutecouragement horaires contraignants deacutepassements drsquohono-raires assurance de la solvabiliteacute financiegravere etc

Les reacuteorientations vers des confregraveres ou des services hospitaliers sous preacutetexte drsquoun manque de connaissance de la pathologie et de sa prise en charge de mateacute-riel non adapteacute ou la dangerositeacute des soins qui suggegraverent une meilleure prise en charge laquo ailleurs raquo

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins (voir page 25) Ces dispariteacutes de traitement sont soit annonceacutees de maniegravere explicite lors de la prise de rendez-vous soit mises en eacutevidence par la confrontation des reacuteponses faites au-agrave la testeur-se seacuteropositif-ve au VIH et agrave son binocircme ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH On distingue trois cateacutegories

La meacuteconnaissance de la pathologie qui aboutit agrave de mauvaises pratiques dans la relation avec le ou la patiente

La divulgation du statut seacuterologique en dehors drsquoun dossier meacutedical ce qui est une atteinte au secret meacutedical

Lrsquoexistence de protocoles speacutecifiques drsquohygiegravene pour les PVVIH (steacuterilisation dureacutee des soins etc) agrave lrsquoencontre des mesures de preacutecautions standard recommandeacutees qui teacutemoignent drsquoun manque de connaissance ou drsquoapplication des regravegles fonda-mentales drsquohygiegravene et de steacuterilisation mais aussi une meacuteconnaissance des modes de contamination Ces mesures doivent ecirctre garanties systeacutematiquement et sans compromis quel que soit le statut seacuterologique des personnes et ce drsquoautant qursquoon estime entre 30 000 et 50 000 le nombre de personnes contamineacutees par le VIH en France qui lrsquoignorent (pour 150 000 PVVIH soit 20 agrave 30 )

32 33

30 refus de soins

deacuteguiseacutes

36 refus de soins

directs

168 pratiques

discriminatoires

cabinet dentaire

ViH SrsquoabStenir

17 refus de soins

directs

43 refus de soins

deacuteguiseacutes

172 pratiques

discriminatoires

cabinet de gyneacutecologie

ViH SrsquoabStenir

122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des speacutecialiteacutes

Figure 3 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 4 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

336 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

168 de pratiques discriminatoires

6 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

172 de pratiques discriminatoires

Cabinets de gyneacutecologie

Cabinets dentaires

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Dans le cadre du projet de loi Santeacute AIDES a construit plusieurs amendements afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutealiteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits

Les reacutesultats de ce testing prouvent qursquoil existe une veacuteritable meacuteconnaissance du VIH et de ses modes de transmission aboutissant agrave des attitudes neacutegatives et discrimi-natoires Ces comportements trahissent les repreacutesentations des professionnel-le-s vis-agrave-vis de cette maladieinfection et sur le respect des fondements deacuteontologiques des professions du soin

13 PERSPECTIVES LA NEacuteCESSITEacute DE RENfORCER LrsquoARSENAL jURIDIqUE

Les constats de AIDES confirment la neacutecessiteacute drsquoaller plus loin contre les refus de soins que la seule disposition initialement envisageacutee dans le projet de loi Santeacute Actuelle-ment ce sont aux ordres professionnels des soignant-e-s de mesurer lrsquoimportance et la nature des pratiques de ces refus En conseacutequence plusieurs amendements ont eacuteteacute construits avec Meacutedecins du Monde (MdM) afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutea-liteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits Les amendements formulent cinq propo-sitions visant agrave

Eacutelargir la deacutefinition leacutegale des refus de soins agrave toute pratique discriminante ou strateacutegie de dissuasion menant in fine au renoncement aux soins des patient-e-s

Donner une base leacutegale au testing autour drsquoun cahier des charges preacutecis et y inclure les associations de malades

Impliquer lrsquoensemble des acteurs-trices de santeacute dans le pilotage de lrsquoObserva-toire deacutedieacute aux refus de soins preacutevu par le projet de loi Santeacute agrave commencer par les associations de malades mais aussi les ordres professionnels et les organismes drsquoassurance maladie

Ameacutenager la charge de la preuve de sorte que comme dans lrsquoensemble du droit de la non-discrimination ce soit au-agrave la professionnel-le de santeacute de prouver qursquoil nrsquoy a pas eu de traitement discriminatoire lorsqursquoune personne exprime des eacuteleacutements de fait laissant supposer lrsquoexistence drsquoune discrimination

Permettre aux patient-e-s drsquoecirctre accompagneacute-e-s etou repreacutesenteacute-e-s par des associations durant les recours en justice ou les proceacutedures de conciliation lors-qursquoils-elles sont confronteacute-e-s agrave des refus de soins

Ces amendements srsquoappuient sur divers rapports institutionnels et parlementaires ils srsquoinspirent aussi de lrsquoarticle initial sur les refus de soins de la loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (Loi HPST) preacutesenteacutee par Roselyne Bachelot alors ministre de la Santeacute en 2008 Ces propositions ont cependant eacuteteacute escamoteacutees au fil des lectures agrave lrsquoAssembleacutee nationale et au SeacutenatAinsi gracircce agrave ce testing agrave ses retombeacutees meacutediatiques et agrave la mobilisation des mili-tant-e-s de AIDES les lignes ont commenceacute agrave bouger Drsquoune part lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes a vivement reacuteagi et drsquoautre part un amendement agrave lrsquoarticle 19 du projet de loi Santeacute a eacuteteacute voteacute au Seacutenat proposant que lrsquoeacutevaluation de lrsquoexistence des refus de soins soit confieacutee au Deacutefenseur des droits Au moment de la reacutedaction de ce rapport la formulation finale de lrsquoattribution de cette eacutevaluation au Deacutefenseur des droits ou aux diffeacuterents Ordres nrsquoest pas connue

Concernant lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes un rapprochement avec AIDES srsquoest opeacutereacute rapidement afin drsquoeacutetudier les moyens agrave mettre en œuvre pour lutter effica-cement contre les refus de soins Degraves lrsquoannonce des reacutesultats lrsquoOrdre a immeacutediatement reacuteagi et condamneacute ce type de comportement laquo Nul ne peut faire lrsquoobjet de discrimina-tions dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins raquo rappelant que laquo les chirurgiens-den-tistes qui ne respectent pas ce principe fondamental leacutegal et deacuteontologique srsquoexposent agrave des poursuites tant devant les juridictions disciplinaires que peacutenales raquo

123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction de lrsquointerlocuteur-trice

Les refus de soins ou les pratiques discriminatoires sont plus souvent pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les que par les praticien-ne-s voire inexistants srsquoagissant des gyneacutecologuesDans les cabinets dentaires une majoriteacute de secreacutetaires meacutedicaux-les opposent des refus de soins directs aux PVVIH ils-elles sont 78 agrave opposer des refus indirects versus 22 des chirurgiens-dentistes Srsquoagissant de traitements diffeacuterentieacutes entre les PVVIH et leur binocircme supposeacute seacuteroneacutegatif 824 sont eacutemis par des secreacutetaires meacutedicaux-les versus 186 par des dentistesLes refus de soins ou discriminations sont majoritairement pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les Ce constat reacutevegravele soit un manque de formation et de connaissance du VIH qui aboutit agrave des mauvaises pratiques avec le ou la patiente soit lrsquoexistence de directives donneacutees par des praticien-ne-s quant agrave la prise en charge de certain-e-s patient-e-s dont les PVVIH En teacutemoignent les mises en attente majoritairement du fait des secreacutetaires meacutedicaux-les Il est probablement plus facile de donner des ins-tructions agrave son secreacutetariat que drsquoassumer individuellement la responsabiliteacute drsquoun refus

124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des villesMalgreacute des effectifs parfois limiteacutes de chirurgiens-dentistes et de gyneacutecologues par ville les reacutesultats de ce testing preacutesentent une dispariteacute des pheacutenomegravenes de refus de soins et de discriminations sur le territoire national Il nrsquoy a a priori pas de lien entre le lieu drsquoinstallation et lrsquoineacutegaliteacute des pratiques Lrsquoattitude neacutegative des professionnel-le-s agrave lrsquoencontre des PVVIH paraicirct davantage reposer sur des logiques individuelles que sur la deacutemographie meacutedicale ou lrsquoincidence locale du VIH Les reacutesultats du testing ne suggegraverent pas drsquoinfluence de lrsquoenvironnement sur les pratiques des professionnel-le-s On relegraveve que Bourg-en-Bresse Chacircteauroux et le seiziegraveme arrondissement de Paris trois lieux qui preacutesentent une deacutemographie meacutedicale quantitativement contras-teacutee se deacutetachent en matiegravere de proportion de refus de soins ou de pratiques discri-minatoires avec plus de 70 des chirurgiens-dentistes contacteacute-e-s concerneacute-e-s Agrave lrsquoinverse les speacutecialistes du treiziegraveme arrondissement de Marseille et de la ville de Pontoise nrsquoopposent aucun comportement discriminatoirePour les gyneacutecologues dont le nombre est insuffisant en France avec de veacuteritables ineacute-galiteacutes drsquoaccegraves sur le territoire 12 lrsquoeffet des villes semblent jouer un rocircle a minima Pour certaines villes dont la densiteacute meacutedicale pour cette speacutecialiteacute est tregraves faible un nombre limiteacute de professionnel-le-s a eacuteteacute contacteacute empecircchant toute conclusion Cependant il est important de noter que des PVVIH ont pu ecirctre confronteacutees agrave 100 de refus de rendez-vous dans certaines villes

125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave soulignerDe nombreux-ses praticien-ne-s et leur secreacutetariat meacutedical attribuent des rendez-vous aux PVVIH sans eacutevoquer aucun des motifs jugeacutes discriminatoires Pour pregraves de la moitieacute des cabinets dentaires (496 ) et plus de 4 cabinets de gyneacutecologie sur 5 (768 ) les pratiques de soins lrsquoaccueil et la communication sont en tout point conformes agrave la deacuteontologie meacutedicale (figures 5 et 6) Certains ont aussi fait preuve de bienveillance avec une approche globale de la prise en charge meacutedicale de la personne

126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutesLes logiques de preacutecaution occupent une place eacutevidente dans les arguments opposeacutes aux PVVIH au meacutepris de la loi de la deacuteontologie meacutedicale et des recommandations drsquohygiegravene De nos jours les refus de soins ou discriminations agrave leur eacutegard sont drsquoautant plus inacceptables que les mesures de preacutecaution standard ont eacuteteacute maintes fois rappe-leacutees par diverses instances publiques et scientifiques Ces mesures sont conccedilues pour preacutevenir le risque de transmission du VIH du ou de la patiente au personnel meacutedical et inversement et drsquoun ou drsquoune patiente agrave lrsquoautre Ceci est drsquoautant plus important qursquoen-viron un quart des PVVIH ignorent qursquoelles en sont atteintes et peuvent en toute bonne foi ne pas informer le ou la professionnel-le de santeacute de leur seacuterologie Les mesures de preacutecaution standard doivent ecirctre garanties systeacutematiquement dans tous les cabinets meacutedicaux et pour chaque patient-e quel que soit son eacutetat de santeacute

12 Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins Atlas de la deacutemographie meacutedicale en France situation au 1er janvier 2014

768

34 35PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 5 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 6 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

496

41 000 euroLe prix facial sur le marcheacute franccedilais du premier des traitements hautement actifs contre le VHC pour trois mois Sa combinaison avec drsquoautres meacutedicaments peut coucircter plus de 100766500 000 euro selon la dureacutee du traitement

12 VhC qUI SOIGNER

Crsquoest dans ce contexte que le principe drsquoune mise sous traitement seacutelective est acteacute par le ministegravere de la Santeacute Des critegraveres sont eacutetablis pour deacutefinir qui doit acceacuteder prioritai-rement aux nouveaux traitements innovants contre le VHC Ce choix et ses traductions opeacuterationnelles sont supposeacutes concilier le droit agrave la protection de la santeacute la santeacute publique et des populations mais aussi lrsquoeacutequilibre des finances publiques et la peacuteren-niteacute du systegraveme de protection sociale franccedilais Des recommandations drsquoexpert-e-s pour la mise sous traitement ont eacuteteacute fixeacutees courant 2014 mais finalement restreintes par un avis de la HAS ensuite en 2015 Ceci alors que la socieacuteteacute franccedilaise drsquoheacutepatologie a elle-mecircme confirmeacute en juin de la mecircme anneacutee les recommandations drsquoaccegraves eacutelargies de 2014

101048110104821010481 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexpertsDes recommandations ont drsquoabord eacuteteacute proposeacutees en mai 2014 dans un Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C dit rapport Dhumeaux Ce rapport a eacuteteacute commandeacute par la ministre de la Santeacute en janvier 2013 agrave lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) et lrsquoAssociation franccedilaise pour lrsquoeacutetude du foie (AFEF) De nombreux-ses praticien-ne-s universitaires et des repreacutesentant-e-s drsquoassociations drsquousager-e-s du systegraveme de santeacute sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux ont participeacute agrave son eacutelaboration Ainsi pour les personnes vivant avec une heacutepatite C les recommandations de mise sous trai-tement reposent notamment sur lrsquoavancement de la maladie crsquoest-agrave-dire les stades de fibrose supeacuterieurs ou eacutegaux agrave 2 13 qui indiquent lrsquoeacutetat drsquoavancement de lrsquoimpact du virus sur le foie Les experts ont par ailleurs distingueacute certaines populations pour lesquelles la mise sous traitement est preacuteconiseacutee quel que soit le stade de fibrose

Les patient-e-s ayant des manifestations extra-heacutepatiques seacutevegraveres Les patient-e-s en attente de transplantation heacutepatique ou reacutenale (pour tenter drsquoeacuteradiquer le virus avant la transplantation)

Au cas par cas les femmes ayant un deacutesir de grossesse Les personnes co-infecteacutees VIH-VHC Les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse Les personnes deacutetenues (avec lrsquoobjectif dans ces deux derniegraveres populations drsquoune reacuteduction du risque de transmission) 14

Si le rapport Dhumeaux propose une seacutelection des patient-e-s notamment au regard du prix il inscrit ces recommandations dans une perspective de ralentissement de lrsquoeacutepi-deacutemie et se distingue en ce sens de la HAS

101048110104821010482 Les recommandations restrictives de la hASLa HAS contribue laquo agrave la reacutegulation du systegraveme de santeacute raquo et a donc comme mission drsquolaquo assurer agrave tous les patients et usagers un accegraves peacuterenne et eacutequitable agrave des soins aussi efficaces sucircrs et efficients que possible raquo 15 Les recommandations eacutetablies par la HAS srsquoimposent aux professionnel-le-s meacutedicaux-cales Contrairement agrave la perspective du rapport Dhumeaux la HAS ne considegravere pas que laquo les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC [soient] reacuteunies raquo Elle en tire les conseacutequences et ne recommande qursquolaquo une strateacutegie de traitement des patients dans lrsquoobjectif drsquoune gueacute-rison virologique individuelle raquo avec des recommandations de stade de fibrose plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux Ainsi la HAS limite lrsquoaccegraves aux traitements innovants aux stades de fibrose du foie F2 seulement sous certaines conditions drsquoeacutevolution F3 et F4 ainsi qursquoagrave tous les stades pour certaines populations personnes co-infecteacutees VIH et VHC personnes atteintes de cryoglobulineacutemie mixte systeacutemique et symptomatique personnes atteintes de lym-phome B associeacute au VHC 16 La HAS eacutecarte en revanche des populations cibleacutees par le rapport drsquoexperts Dhumeaux notamment les usager-e-s de drogues et les personnes deacutetenues qui relegraveveraient drsquoune approche non speacutecifique et donc du cadre geacuteneacuteral La France est assez isoleacutee en Europe sur des recommandations de traitement et de non traitement arrecircteacutees sur les stades de fibrose

11 DES TRAITEMENTS INNOVANTS Agrave PRIX TREgraveS EacuteLEVEacuteS

Les limites eacuteconomiques agrave la prescription notamment sur la base de recommandations deacutefinies par la Haute autoriteacute de santeacute (HAS) sont notamment mises en lumiegravere par les prix des nouveaux traitements contre le VHC Aujourdrsquohui diffeacuterents traitements inno-vants contre le VHC les antiviraux agrave action directe sont sur le marcheacute Ils repreacutesentent des avanceacutees theacuterapeutiques majeures offrant un taux de gueacuterison virologique tregraves eacuteleveacute avec des dureacutees de traitements courtes et des effets indeacutesirables limiteacutes Si les associations investies dans le champ de la lutte contre les heacutepatites virales ndash Collectif Heacutepatites Virales (CHV) SOS heacutepatites TRT-5 Comegravede Meacutedecins du Monde (MdM) Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) AIDES ndash saluent lrsquoespoir drsquoune fin proche de lrsquoeacutepideacutemie de VHC elles se sont rapidement alarmeacutees sur le prix de ces nouveaux traitements Sur le marcheacute franccedilais le prix facial du premier de ces traitements hautement actifs contre le VHC (Sovaldisofosbuvir) a eacuteteacute fixeacute agrave 41 000 euro pour trois mois de traitement Ce traitement ne srsquoutilise jamais seul mais en association avec drsquoautres Certaines combinaisons peuvent coucircter plus de 100 000 euro selon la dureacutee (des traitements de six mois sont parfois neacutecessaires)Alors que la France meacutetropolitaine compte plus de 200 000 personnes vivant avec le VHC de tels prix constituent clairement un deacutefi pour les finances publiques et la peacuterenniteacute drsquoun systegraveme de santeacute solidaire En conseacutequence et pour la premiegravere fois en France ce prix participe agrave ce que lrsquoon peut consideacuterer comme un rationnement avec des mises sous traitement sur la base drsquoavis et de dispositions restrictifs

Meacutedicaments quels prix Le prix du meacutedicament nrsquoest pas libre il est fixeacute par convention entre le laboratoire lrsquoexploitant et le Comiteacute eacuteconomique des produits de santeacute (CEPS) sur la base de cri-tegraveres deacutefinis agrave lrsquoarticle L162-16-4 du Code de santeacute publique laquo La fixation de ce prix tient compte principalement de lrsquoameacutelioration du service meacutedical rendu (SMR) appor-teacutee par le meacutedicament le cas eacutecheacuteant des reacutesultats de lrsquoeacutevaluation meacutedico-eacutecono-mique des prix des meacutedicaments agrave mecircme viseacutee theacuterapeutique des volumes de vente preacutevus ou constateacutes ainsi que des conditions preacutevisibles et reacuteelles drsquoutilisation du meacutedi-cament raquo Agrave cela srsquoajoute aussi la coheacuterence avec les conditions de commercialisation preacutevues dans les grands Eacutetats europeacuteens Seul le prix facial est public crsquoest-agrave-dire le prix rembourseacute par lrsquoassurance maladie Le CEPS et les laboratoires peuvent neacutegocier des dispositifs de remises drsquoougrave un prix reacuteel diffeacuterent (voire tregraves diffeacuterent) de ce prix facial Les dispositifs de remises et le prix reacuteel nrsquoeacutetant pas publics les prescripteurs et usager-e-s nrsquoont connaissance que du prix facial

Le droit agrave la protection de la santeacute interdit toute forme de discriminations dans lrsquoaccegraves aux soins Cependant si les discriminations sont interdites lrsquouniversaliteacute de lrsquoaccegraves agrave certains soins et traitements nrsquoest pas pour autant garantie Crsquoest le cas des nouveaux traitements contre le virus de lrsquoheacutepatite C (VHC) dont le prix exorbitant a forceacute agrave deacutefinir des critegraveres de seacutelection des patient-e-s et agrave renoncer agrave lrsquoaccegraves universel

Bien que fondamental le droit agrave la protec-tion de la santeacute sans discrimination (voir page 25) peut connaicirctre certaines limites agrave son effectiviteacute en particulier sur le plan financier Il deacutepend en effet des choix opeacutereacutes au regard des deacutepenses publiques de lrsquoEacutetat et de la seacutecuriteacute sociale et notamment par rapport aux prix des meacutedicaments et des produits de santeacute Lrsquoarticle 8 du Code de deacuteontologie meacutedi-cale (R4127-8 du Code de santeacute publique) preacutecise que laquo Dans les limites fixeacutees par la loi le meacutedecin est libre de ses pres-criptions qui seront celles qursquoil estime les plus approprieacutees en la circonstance Il doit sans neacutegliger son devoir drsquoassistance morale limiter ses prescriptions et ses actes agrave ce qui est neacutecessaire agrave la qualiteacute agrave la seacutecuriteacute et agrave lrsquoefficaciteacute des soins Il doit tenir compte des avantages des incon-veacutenients et des conseacutequences des diffeacute-rentes investigations et theacuterapeutiques possibles raquo Si la liberteacute de prescription est ici recon-nue elle connaicirct donc certaines limites leacutegales dont celle imposeacutee par lrsquoarticle L162-2-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo Les meacutedecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions drsquoobserver dans le cadre de la leacutegislation et de la reacuteglementation en vigueur la plus stricte eacuteconomie compatible avec la qualiteacute la seacutecuriteacute et lrsquoefficaciteacute des soins raquo ce notamment sur la base des laquo recomman-dations ou avis meacutedico-eacuteconomiques de la Haute autoriteacute de santeacute raquo

13 Stades de fibrose F0 pas de fibrose F1 fibrose leacutegegravere F2 fibrose modeacutereacutee F3 fibrose seacutevegravere F4 cirrhose14 Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C 2014 p 25015 httpwwwhas-santefrportailjcmsfc_1249599frla-has16 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf

36 37

DROIT APPLICABLE

1  LE cAS dES TrAITEmENTS INNoVANTS 

coNTrE LrsquoHEacutePATITE c mdash

dIFFIcULTEacuteS drsquoAccEgraveS  AUx TrAITEmENTS

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

38 39

Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

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laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

59

40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 9: AIDES Rapport Discrim

Le VIH et ses conseacutequences sur la vie des personnes concerneacutees ne sauraient affec-ter a priori lrsquoaptitude agrave exercer la profession de magistrat Exclure les PVVIH de maniegravere geacuteneacuterale apparaicirct disproportionneacute et injustifieacute au regard de lrsquoactiviteacute en cause Lrsquoinfection est aujourdrsquohui laquo controcircleacutee raquo chez la plupart drsquoentre elles et en particulier chez celles contamineacutees apregraves 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies Cette condition anteacuterieure agrave lrsquoapparition du virus preacutevue par une ordonnance de 1958 pour drsquoautres pathologies fait subsister une exigence anachronique discriminante et stigmatisante Forte de ces constats AIDES interpelle donc le directeur de lrsquoENM la direction des ser-vices judiciaires le ministegravere de la Santeacute et la garde des Sceaux Dans un courrier en date de 11 feacutevrier 2014 cette derniegravere indique partager notre ana-lyse sur cette discrimination anachronique Elle propose de modifier en conseacutequence lrsquoarticle 16-5deg de lrsquoordonnance statutaire des magistrats afin que les conditions drsquoap-titude physique rejoignent celles applicables agrave lrsquoensemble de la fonction publique Les conditions seraient donc similaires agrave celles exigeacutees pour des concours comparables et en particulier celles de lrsquoEacutecole nationale drsquoadministration Elle entend proceacuteder agrave cette modification dans une prochaine loi organique relative au statut de la magistratureAu moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport cette modification nrsquoest toujours pas opeacutereacutee Elle est cependant bien preacutevue par lrsquoarticle 4 du projet de loi organique relatif agrave lrsquoindeacutepen-dance et lrsquoimpartialiteacute des magistrats et agrave lrsquoouverture de la magistrature sur la socieacuteteacute deacuteposeacute par Christiane Taubira le 31 juillet 2015 au Parlement laquo La condition drsquoaptitude physique est eacutegalement modifieacutee pour lrsquoaligner sur celle preacutevue pour les concours de la fonction publique raquo Lrsquoeacutetude drsquoimpact de lrsquoarticle constate lrsquoobsolescence de la condition drsquoaptitude physique en preacutecisant que laquo Cette reacutedaction date de la version initiale de lrsquoordonnance statutaire Agrave la diffeacuterence des dispositions similaires du statut geacuteneacuteral des fonctionnaires preacuteciteacute cet article nrsquoa pas eacuteteacute modifieacute depuis 1958 raquo De mecircme que AIDES puis la ministre dans sa reacuteponse lrsquoeacutetude drsquoimpact reconnaicirct lrsquoinconstitutionnaliteacute de cette conditionLe projet de loi preacutevoit que les mots laquo et ecirctre reconnus indemnes ou deacutefinitive-ment gueacuteris de toute affection donnant droit agrave un congeacute de longue dureacutee raquo soient remplaceacutes par les mots laquo compte tenu des possibiliteacutes de compensation du handi-cap raquo Le statut de magistrat srsquoalignerait en ce sens sur le statut applicable pour la fonction publiqueAgrave lrsquooccasion de lrsquoexamen de ce texte programmeacute agrave lrsquoautomne 2015 AIDES sera vigi-lante agrave ce que cette modification aboutisse

21 LrsquoEacuteCOLE NATIONALE DU CIRqUE UNE EXCLUSION VITE ABROGEacuteE

En mai 2014 une infirmiegravere scolaire constate sur le dossier de candidature agrave lrsquoEacutecole nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois (ENACR) une demande surprenante lrsquoeacutecole exige une seacuterologie VIH Une telle demande laisse preacutesumer que les PVVIH ne seraient pas admises agrave cette formation et agrave cette activiteacute Lrsquoinfirmiegravere prend contact avec AIDES afin de se renseigner sur le bien-fondeacute et la leacutegaliteacute de cette demande Lrsquoinfirmiegravere scolaire interpelle aussi le journal Causette qui rend compte de lrsquoaffaire dans un article publieacute en juin 2014 et rapporte des eacutechanges avec des responsables de lrsquoENACR pour le moins confus et marqueacutes par des repreacutesentations sur les modes de transmission et les pratiques des eacutetudiants Lrsquoeacutecole reconnaicirct cependant une mala-dresse laquo le test ne sera plus obligatoire mais fortement conseilleacute raquo 2 Causette comme AIDES sont drsquoaccord sur un point cela ne change rien ou si peuhellip Une telle eacutevolution induit une suspicion pour les candidats qui ne preacutesenteraient pas ce test seacuterologique et maintient le preacutesupposeacute qursquoecirctre porteur du VIH nrsquoest pas compatible avec les activiteacutes circassiennesAIDES interpelle alors le ministegravere de la Jeunesse et des Sports lrsquoOrdre des meacutedecins lrsquoinspection acadeacutemique de Seine-Saint-Denis et bien sucircr lrsquoENACR et son meacutedecin reacutefeacuterent Les courriers deacutenoncent laquo la suspicion induite agrave lrsquoeacutegard des candidats seacutero-positifs raquo qui laquo sous-entend qursquoil y aurait des risques reacuteels de contamination dans les activiteacutes circassiennes ce qui constitue une discrimination aveacutereacutee en raison de lrsquoeacutetat de santeacute raquo Se refusant agrave deacutenoncer sans proposer de solution cette lettre invite agrave une ren-contre des diffeacuterent-e-s acteurs-trices concerneacute-e-s afin de faire eacutevoluer les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoENACRCette rencontre nrsquoaura pas lieu Le 26 juin le matin mecircme de la reacuteception du courrier envoyeacute par AIDES le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem alors ministre de la Jeunesse et des Sports prend contact avec AIDES pour demander des renseignements compleacute-mentaires Le mecircme jour lrsquoeacutecole annonce la fin de cette condition pour candidater consideacuterant que la demande est disproportionneacutee et injustifieacutee Lrsquoeacutecole regrette de nrsquoavoir pu srsquoexpliquer de vive voix Constateacutee en mai 2014 avec un retrait de la condition discriminatoire en juin de la mecircme anneacutee agrave peine un mois plus tard cette situation a eacuteteacute geacutereacutee avec une tregraves grande reacuteactiviteacute que AIDES tient agrave saluer

22 MAGISTRATURE UNE INTERDICTION DEPUIShellip 1958

Dans le cadre de ses actions de preacutevention et de soutien aupregraves des PVVIH des mili-tant-e-s de AIDES ont eacuteteacute interrogeacute-e-s en 2013 par une personne craignant de ne pouvoir candidater agrave lrsquoEacutecole nationale de la magistrature (ENM) du fait de son statut seacuterologique Une demande similaire a eacuteteacute adresseacutee au siegravege de AIDES en feacutevrier 2015 Apregraves veacuterification il srsquoavegravere en effet que lrsquoarticle 16 de lrsquoordonnance ndeg 58-1270 du 22 deacutecembre 1958 sur le statut de magistrat exige de laquo remplir les conditions drsquoaptitu-des physiques neacutecessaires agrave lrsquoexercice des fonctions et ecirctre reconnu indemne ou deacutefi-nitivement gueacuteri de toute affection donnant droit agrave un congeacute de longue dureacutee (CLD) raquo Lrsquoaptitude physique requise pour assurer les fonctions de magistrat conditionne eacutegale-ment lrsquoentreacutee agrave lrsquoENM Or le laquo deacuteficit immunitaire grave et acquis raquo donne droit au CLD les PVVIH sont donc toutes exclues de la magistratureSelon AIDES cette situation constitue une discrimination agrave lrsquoemploi agrave lrsquoencontre des PVVIH prohibeacutee par le droit franccedilais et en contradiction directe avec lrsquoalineacutea 18 du Preacuteambule de la constitution de 1946 sur lrsquoaccegraves de tous et toutes les citoyen-ne-s agrave la fonction publique

Comment avez-vous eu connaissance de la dispo-sition leacutegale excluant la candidature des personnes vivant avec le VIH de lrsquoeacutecole nationale de la magistra-ture (ENM) Crsquoest en preacuteparant mon dossier drsquoaccegraves agrave lrsquoENM que jrsquoai pris connaissance de la reacutefeacuterence agrave cette disposition du statut [de magistrat] alors que mon projet eacutetait tregraves avanceacute et que la preacutesentation agrave ce concours eacutetait deacuteter-mineacutee comme eacutetant mon choix professionnel deacutefinitif

Comment avez-vous perccedilu cette condition par rapport agrave votre situation personnelle Jrsquoai eacuteteacute sideacutereacute par cette disposition et jrsquoai chercheacute agrave savoir agrave quelle date elle avait eacuteteacute prise Le fait que les termes employeacutes eacutemanent drsquoun temps ougrave la question du VIH nrsquoexistait pas mrsquoa laisseacute perplexe Je me suis senti humilieacute et jeteacute au ban de la socieacuteteacute

Quel impact cette information a pu avoir sur vos choix drsquoeacutetudes et drsquoorientations professionnelles Depuis un an eacutepoque agrave laquelle jrsquoai pris connais-sance de cette situation je suis totalement deacutesorienteacute et

jrsquoai suspendu toute deacutemarche En effet mecircme si la Chan-cellerie dit que cette discrimination nrsquoa plus cours nous nrsquoavons aucune assurance de cela Je nrsquoai pas voulu ris-quer drsquoecirctre en porte agrave faux avec drsquoun cocircteacute une reacuteussite agrave lrsquoentreacutee et de lrsquoautre un rejet pour inaptitude meacutedicale dans de telles conditions que je nrsquoaurais pu expliquer agrave mon entourage

Si la loi organique sur le statut de magistrat eacutetait effec-tivement voteacutee mettant fin agrave lrsquoexclusion des personnes vivant avec le VIH comptez-vous passer le concours de lrsquoENM Je nrsquoattends que cela Je ne pense qursquoagrave cela et le temps me paraicirct bien long Mes projets actuellement suspendus seraient immeacutediatement reacuteactiveacutes Le seul lien drsquoespoir qui me tient a eacuteteacute la lecture sur votre site de lrsquoexistence de votre deacutemarche aupregraves de Madame Taubira dans le cadre drsquoun cas similaire au mien ainsi que la formulation des promesses de la garde des Sceaux agrave votre association Jrsquoai peur qursquoelle quitte la Chancelle-rie avant de reacutealiser sa promesse

Teacutemoignage

2 Dr K-POTE laquo Aux Arts du cirque on jongle avec le sida et le droit raquo Causette 4 juin 2014

14 15PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2FormATIoNS ET EmPLoIS   

EN FINIr AVEc LES INTErdITS mdash

Selon lrsquoarticle 28 de lrsquoinstruction de 2003 relatif aux cotations des pathologies dans lrsquoarmeacutee vivre avec le VIH en bonne santeacute et sans traitement serait moins laquo grave raquo au regard de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute que vivre avec le VIH en bonne santeacute et avec traitement

23 LrsquoARMEacuteE UN BASTION SANS VIh

Lrsquointerdiction drsquointeacutegrer de nombreux corps de lrsquoarmeacutee par des PVVIH a eacuteteacute identifieacutee en juillet 2015 apregraves qursquoune personne ait contacteacute lrsquoassociation AIDES alors qursquoelle srsquoeacutetait vu refuser lrsquoaccegraves agrave la marine nationale Lrsquoarticle L 4132-1 du Code de la deacutefense dispose que laquo Nul ne peut ecirctre militaire (hellip) 3deg Srsquoil ne preacutesente les aptitudes exigeacutees pour lrsquoexercice de la fonction raquo Lrsquoaptitude est eacuteva-lueacutee selon lrsquoinstruction ndeg 2100DEFDCSSAASTAME du 1er octobre 2003 relative agrave la deacutetermination de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir Cette instruction fixe des regravegles unifieacutees visant agrave eacutevaluer le profil meacutedical du candidat

231 Eacutevaluation de lrsquoaptitude agrave servir quelques repegraveresLe systegraveme deacutefini par lrsquoinstruction de 2003 relative agrave la deacutetermination de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir se base sur sept profils deacutetailleacutes nommeacutes chacun par une lettre de lrsquoacronyme Sigycop Pour chacun de ses profils des coefficients sont attribueacutes et visent agrave noter lrsquoeacutetat de santeacute la graviteacute de potentielles infections et des seacutequelles (tableau 1)

Le coefficient 0 correspond agrave une eacutevaluation meacutedicale initiale par un meacutedecin geacuteneacutera-liste il nrsquoest que transitoire Les coefficients de 1 agrave 6 eacutetablissent une eacutechelle progres-sive 1 correspondant agrave lrsquoaptitude pour laquo tous les emplois des armeacutees mecircme les plus peacutenibles raquo 6 correspondant agrave lrsquoinaptitude totale

Lrsquoarticle 10 de lrsquoinstruction explique que le profil meacutedical est eacutetabli agrave lrsquoaide du tableau 2 sur lequel les coefficients doivent ecirctre associeacutes par le meacutedecin habiliteacute au sigle corres-pondant Ce profil est ensuite compareacute aux profils drsquoaptitudes minimales deacutefinis pour chaque corps de lrsquoarmeacutee par diffeacuterents textes regraveglementaires afin de deacuteterminer si le candidat est eacuteligibleAinsi pour la marine nationale dans le cadre de la situation pour laquelle AIDES a eacuteteacute saisie lrsquoarticle 4 de lrsquoarrecircteacute du 21 mai 2012 fixant les conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants et pour la sous-cription drsquoun contrat au titre de la marine nationale deacutefinit le profil meacutedical deacutetailleacute dans le tableau 2

232 VIh et aptitude agrave servir une eacutevaluation drsquoun autre tempsOutre ce cadre meacutethodologique sur lrsquoaptitude meacutedicale lrsquoinstruction de 2003 attribue pour un nombre important de pathologies des notes pour tout ou partie des lettres de lrsquoacronyme La cotation concernant le VIH est deacutefinie agrave lrsquoarticle 28 de lrsquoinstruc-tion (tableau 3)

Cet article appelle de nombreux commentaires Drsquoabord le VIH nrsquoest ici consideacutereacute qursquoau regard de lrsquolaquo eacutetat geacuteneacuteral raquo de la personne sans conseacutequence sur le reste du profil meacutedi-cal Cet eacutetat geacuteneacuteral est associeacute agrave des coefficients allant de 3 agrave 5 Lrsquoarticle 8 de lrsquoinstruc-tion preacutecise lrsquoimplication de ces coefficients par rapport agrave la lettre G Coefficient 3 I 3 et G 3 entraicircnent une restriction appreacuteciable de lrsquoentraicircnement notamment lrsquoentraicircnement physique au combat et limite lrsquoeacuteventail des emplois en particulier ceux de combattants au contact direct avec lrsquoennemi Coefficient 4 Attribueacute agrave lrsquoun des sigles S I ou G ce coefficient exempte de tout entraicirc-nement physique au combat Il limite lrsquoaffectation des sujets ainsi classeacutes agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Coefficient 5 Attribueacute agrave lrsquoun des sigles S I G ou O il reacuteduit lrsquoaptitude agrave des emplois seacutedentaires eacuteventuellement adapteacutes

Cet article est eacutegalement surprenant au regard des distinctions qursquoil fait des diffeacuterentes phases de lrsquoinfection agrave VIH et de la gradation appliqueacutee Ainsi vivre avec le VIH en bonne santeacute et sans traitement serait moins laquo grave raquo au regard de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute que vivre avec le VIH en bonne santeacute et avec traitement Cette distinction prend lrsquoexact contre-pied des donneacutees de la science et des recommandations meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles

En effet les traitements actuels permettent de reacuteduire consideacuterablement la charge virale dans le sang au point qursquoelle devient indeacutetectable Dans ces conditions les per-sonnes sont non contaminantes Ils permettent aussi de vivre en bonne santeacute sur du long terme et dans des conditions similaires aux personnes seacuteroneacutegatives Ainsi les PVVIH en France se voient proposer des traitements degraves qursquoelles sont deacutepisteacutees et une tregraves large majoriteacute les accepte Certes il est possible de vivre avec le VIH sans traite-ment et sans laquo symptocircmes raquo mais agrave de rares exceptions pregraves cette situation ne peut pas durer et en tout eacutetat de cause la charge virale reste deacutetectable et les personnes restent contaminantes

laquo Un traitement curatif ou prophylactique au long cours ne saurait constituer agrave lui seul un motif drsquoeacutelimination que dans la mesure ougrave il entraicircnerait un absenteacuteisme iteacuteratif etou prolongeacute raquo et alors que ce nrsquoest pas le cas pour les traitements actuels du VIH lrsquoexclusion de nombreux postes des personnes seacuteropositives sur la base de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir nrsquoest pas proportionneacutee Elle constitue en ce sens une discrimination condamnable au regard des textes internationaux ratifieacutes par la France du Preacuteambule de la constitution de 1946 et du droit interne

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010482 1010485 1010483 1010483 1010481

Tableau 2 ndash Profil meacutedical Sigycop applicable aux officiers navigants de la marine nationale

Le Sigycop correspond au profil meacutedical dun individu eacutetabli par un meacutedecin militaire lui permettant de deacuteterminer son aptitude agrave inteacutegrer larmeacutee franccedilaise

Tableau 3 ndash Article 28 de lrsquoinstruction de 2003 Infection par le VIH

16 17

Tableau 1 ndash Reacutefeacuterentiel Sigycop 2003

sigle coefficient profil meacutedical concerneacute

S 1 agrave 1010486 Ceinture scapulaire et membres supeacuterieurs

I 1 agrave 1010486 Ceinture pelvienne et membres infeacuterieurs

G 1 agrave 1010486 Eacutetat geacuteneacuteral

Y 1 agrave 1010486 Yeux et vision (sens chromatique exclu)

C 1 agrave 1010486 Sens chromatique

O 1 agrave 1010486 Oreilles et audition

P 1010480 agrave 1010485 Psychisme

a) Infection agrave VIH asymptomatique sans traitement avec une immuniteacute cellulaire satisfaisante selon avis speacutecialiseacute 1010483 G

b) Infection agrave VIH asymptomatique sans traitement avec une immuniteacute cellulaire perturbeacutee (infeacuterieur agrave 500 CD4mm3) 1010483 G

c) Infection agrave VIH asymptomatique traiteacutee 4 G

d) Infection agrave VIH symptomatique 1010485 G

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Ainsi le systegraveme de notation retenu par lrsquoarmeacutee surprend en ce qursquoil se fonde sur des repreacutesentations invalideacutees depuis plusieurs anneacutees et contraires aux recommanda-tions meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles Au regard de la distinction opeacutereacutee ici sur la prise ou non de traitements les coefficients donneacutes en conseacutequence nrsquoont pas de sens Plus globalement lrsquoensemble du reacutefeacuterentiel proposeacute est largement inadapteacute et principalement au regard des eacuteleacutements sur lesquels il se base Il serait plus pertinent drsquoappreacutecier lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de la personne au regard de lrsquoeacutevolution de sa charge virale dans le temps et son eacutetat de santeacute

233 Un couperet qui concerne toutes les forces armeacutees et les formations affeacuterentesLes conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants de la marine nationale et pour la souscription drsquoun contrat au titre de la marine nationale exigent donc a minima un eacutetat geacuteneacuteral de santeacute corres-pondant agrave G 2 La seacuteropositiviteacute au VIH impliquant un coefficient minimum de 3 exclut donc de fait lrsquoensemble des candidat-e-s seacuteropositifs-ves Cette exclusion va cependant beaucoup plus loin que ce seul corps drsquoarmeacutee sont eacutega-lement concerneacutees lrsquoarmeacutee de terre et lrsquoarmeacutee de lrsquoair Alors qursquoen France plus de 79 des PVVIH sont sous traitement crsquoest une tregraves large majoriteacute drsquoentre elles qui se voient attribuer le coefficient G 4 et donc lrsquoinaptitude deacuteclareacutee pour tout entraicircnement physique au combat lrsquoaffectation srsquoen trouvant limiteacutee agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Cette note exclue aussi les personnes drsquoun nombre consideacuterable de formations mili-taires dont lrsquoEacutecole polytechnique comme illustreacute par la circulaire ndeg 273424DEFRH-ATFFSSLM relative agrave lrsquoadmission en classes preacuteparatoires agrave lrsquoenseignement supeacuterieur et en classes preacuteparatoires aux grandes eacutecoles des lyceacutees de la Deacutefense rele-vant de lrsquoarmeacutee de terre pour lrsquoanneacutee scolaire 2015-2016 Le Sigycop des eacutecoles militaires correspond au Sigycop minimal pour inteacutegrer les diffeacute-rents corps (tableau 4)

eacutecoles S I G Y C O P textes de reacutefeacuterence

Eacutecole polytechnique 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483 2

Instruction ndeg 13074 DEF DPAG du 27 deacutecembre 1982 modifieacutee (BOC p 5317 BOEM 620-4141 81421)

Eacutecole speacuteciale militaire de Saint-Cyr (scientifique litteacuteraire sciences eacuteconomiques et sociales)

2 2 2 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 23 deacutecembre 2009 (JO ndeg 22 du 27 janvier 2010 texte ndeg 12 BOC 7 2010 BOEM 311-022 77011)Instruction ndeg 812DEFRH-ATPRHLEG du 15 septembre 2014 (BOC ndeg 50 du 10 octobre 2014 texte 18 BOEM 31221 620-4121)

Eacutecole navale 2 2 2 5 1010483 20

ou 1010481

Arrecircteacute du 21 mai 2012 (JO ndeg 136 du 13 juin 2012 texte ndeg 20 signaleacute au BOC 362012 BOEM 3212)

Instruction ndeg 102DEFEMMRHPRH du 5 deacutecembre 2011 modifieacute (BOC ndeg 5 du 27 janvier 2012 texte 10 BOEM 32615 620-4162)

Eacutecole de lrsquoair 2 2 2 5 2 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 27 juillet 2011 modifieacute (JO ndeg 184 du 10 aoucirct 2011 texte ndeg 1 signaleacute au BOC 442011 BOEM 76812)

Eacutecole nationale supeacuterieure de techniques avanceacutees 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483

0 ou 1010481

Arrecircteacute du 18 janvier 2011 modifieacute (JO ndeg122 du 26 mai 2011 texte ndeg 4 signaleacute au BOC 292011 BOEM 8106)

Eacutecole nationale supeacuterieure des ingeacutenieurs de lrsquoinfrastructure militaire

1010483 1010483 1010483 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 26 avril 2012 (JO ndeg 108 du 8 mai 2012 texte ndeg 30 signaleacute au BOC 332012 BOEM 50833)

Tableau 4 ndash Sigycop minimal requis pour les eacutecoles militaires 4

Le Code de lrsquoaviation civile est le seul code dont lrsquoassocia-tion ait connaissance qui exclut directement les PVVIH laquo La positiviteacute au VIH est cause drsquoinaptitude raquo Celle-ci vaut pour les pilotes ou les controcircleurs aeacuteriens Cepen-dant cette inaptitude ne se veut pas systeacutematique ce code preacutevoit une possible reconnaissance de lrsquoaptitude au cas par cas sous certaines conditions Lrsquoarrecircteacute du 16 mai 2008 relatif aux critegraveres et condi-tions de deacutelivrance des attestations drsquoaptitude meacutedicale neacutecessaires pour assurer les services du controcircle de la circulation aeacuterienne preacutecise ainsi qursquolaquo un candidat preacute-sentant une infection VIH comportant des symptocircmes drsquoaffection eacutevolutive telle que le sida une lymphadeacuteno-pathie chronique lieacutee au VIH ou une atteinte du systegraveme nerveux central doit ecirctre deacuteclareacute inapte Toutefois la deacuteclaration drsquoaptitude peut ecirctre envisageacutee au renouvel-lement et agrave la revalidation pour les individus preacutesentant une reacuteaction positive asymptomatique pour le VIH raquo De mecircme pour les pilotes lrsquoaptitude peut ecirctre accordeacutee sous certaines conditions et sous reacuteserve de controcircles freacutequents laquo la survenue drsquoun sida ou du complexe appa-renteacute au sida [devient alors] cause drsquoinaptitude raquo

Enfin concernant le personnel navigant lrsquoarrecircteacute de 2007 relatif aux conditions drsquoaptitude physique preacutecise que le laquo personnel navigant commercial doit ecirctre exempt de toute affection chronique eacutevolutive raquo avant de compleacute-ter laquo Une aptitude par deacuterogation peut ecirctre demandeacutee au conseil meacutedical de lrsquoaeacuteronautique civile qui juge en fonction des reacutesultats des examens cliniques et biolo-giques de lrsquointeacuteresseacute montrant un eacutetat de lrsquoaffection compatible avec le service aeacuterien et le cas eacutecheacuteant une bonne toleacuterance au traitement raquoLes textes de lrsquoaviation civile se distinguent en ce sens que srsquoil exclut a priori le critegravere drsquoaptitude ne reacuteside pas dans la seacuteropositiviteacute en tant que telle mais sur lrsquoeacutetat de santeacute geacuteneacuteral Ils reacutesultent il faut le souligner de mobi-lisations et contentieux 3 agrave lrsquoencontre des dispositions preacuteceacutedemment en vigueur en particulier lrsquoarrecircteacute minis-teacuteriel du 5 juillet 1984 qui preacutevoyait que laquo les affections eacutevolutives susceptibles de conduire agrave une inaptitude ulteacuterieure sont eacuteliminatoires raquo

3 Notamment la Deacutelibeacuteration de la Halde du 6 feacutevrier 2006 et lrsquoarrecirct du Conseil drsquoEacutetat du 28 juin 2006 4 httpwwwformationterredefensegouvfrPJDocumentsDecouverteODFLyceesDocuments20141203_DEF_RH-AT_F_FS_SLM_Circulaire_273424_admission_CPES_CPGEpdf

Lrsquoaviation civile lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute plutocirct que la seacuteropositiviteacute

18 19PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Les discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et international Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacute

Cette mecircme exclusion des PVVIH existe aussi dans la gendarmerie nationale Sachant que dans la gendarmerie nationale lrsquoinaptitude est prononceacutee pour les candidats seacutero-positifs en qualiteacute de musicien choriste ou agent technique et administratif le carac-tegravere discriminatoire et disproportionneacute des classifications pour inaptitude est illustreacute sans que drsquoautres commentaires soient utiles (tableau 5)Dans le cadre de la reacutedaction de ce rapport AIDES nrsquoa pas pu encore recenser de maniegravere exhaustive les corps desquels les PVVIH seraient exclues agrave raison de leur eacutetat de santeacute La question que AIDES pose en revanche est celle des postes et corps ouverts aux personnes seacuteropositives la liste est certainement plus limiteacuteehellip Lrsquoassociation sou-haite pour lrsquoheure mettre en lumiegravere une exclusion une discrimination structurelle touchant agrave toutes les forces armeacutees et lieacutee agrave un reacutefeacuterentiel inadapteacute anachronique eacutechappant aux donneacutees scientifiques et meacutedicales contemporaines

Remarque en 2015 les forces armeacutees comptent 207 689 postes (120 031 pour lrsquoarmeacutee de terre 38 874 pour la marine nationale 48 784 pour lrsquoarmeacutee de lrsquoair) 5 Lrsquoeffectif de la gendarmerie nationale srsquoeacutelegraveve agrave 98 115 personnes 6 la police nationale agrave 144 858 7 et les sapeurs-pompiers agrave 244 900 8 Une part importante de ces postes est fermeacutee aux PVVIH

234 Police nationale sapeurs-pompiers une exclusion qui deacutepasse largement le champ de lrsquoarmeacutee

Srsquoil a une vocation militaire le profil meacutedical Sigycop srsquoapplique et creacutee des exclusions systeacutematiques de PVVIH dans de nombreux autres emplois publics Ainsi lrsquoexclusion constateacutee pour lrsquoarmeacutee sur la base des coefficients G 3 et G 4 se retrouve dans drsquoautres secteurs notamment la police nationale En effet depuis une tregraves reacutecente modification de lrsquoarrecircteacute du 2 aoucirct 2010 relatif aux conditions drsquoaptitudes physiques particuliegraveres pour lrsquoaccegraves aux emplois de certains corps de fonctionnaires par un arrecircteacute du 10 juin 2015 le profil G 2 exclut lrsquoensemble des PVVIH de la police nationale (tableau 6)

De mecircme lrsquoarrecircteacute du 6 mai 2000 fixant les conditions drsquoaptitude meacutedicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions drsquoexercice de la meacutede-cine professionnelle et preacuteventive au sein des services deacutepartementaux drsquoincendie et de secours deacutefinit diffeacuterents profils Les PVVIH sous traitement ne sont eacuteligibles qursquoau profil E qui correspond agrave une activiteacute non opeacuterationnelle voire un reclassement dans un autre corps cadre drsquoemplois ou emploi Ces discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et interna-tional Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacutePour chaque cas ayant eacuteteacute rapporteacute agrave AIDES lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour mieux documenter les situations des personnes ainsi que les implications collectives Lrsquoas-sociation a systeacutematiquement alerteacute les autoriteacutes concerneacutees afin de travailler avec elles agrave une eacutevolution des textes AIDES a aussi saisi le Deacutefenseur des droits agrave lrsquoautomne 2015 dans le cadre de sa mission constitutionnelle de laquo veille au respect des droits et liberteacutes raquoAIDES ne preacutetend pas avoir identifieacute toutes les exclusions seacuterophobes existantes Si des personnes ont connaissance de situations similaires elles sont inviteacutees agrave contacter les associations qui les aideront agrave saisir le Deacutefenseur des droits

corps statut drsquoappartenance

ou formation concerneacuteeprofil meacutedical requis

Officier de gendarmerie (OG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale candidat au cycle de formation donnant accegraves au grade drsquoaspirant (AGIV)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Officier du corps technique et administratif de la gendarmerie nationale (OCTAGN)

S I G Y C O P

1010483 1010483 1010483 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie (SOG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave exercer les attributions drsquoagent de police judiciaire adjoint (GAV APJA)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Sous-officier du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (CSTAGN) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave occuper un emploi particulier (GAV EP)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie recruteacute pour servir en qualiteacute de musicien de lrsquoorchestre ou de choriste de la garde reacutepublicaine

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010483 1010485 1010484 10104820

ou 1010481

Tableau 5 ndash Sigycop minimal pour la gendarmerie nationale

5 Chiffres cleacutes de la Deacutefense eacutedition 2015 6 httpwwwgendarmerieinterieurgouvfrNotre-InstitutionNos-moyensEffectifs 7 httpwwwladocumentationfrancaisefrvarstoragerapports-publics134000185pdf 8 httpwwwpompiersfraccueilles-sapeurs--pompiersles-statistiques

20 21

Tableau 6 ndash Sigycop minimal requis pour les fonctionnaires actifs de la police nationale

S I G Y C O P

1010482 1010482 1010482 1010483 1010482 1010482 1010482

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2LE droIT Agrave LA SANTEacute   ET LE PrINcIPE   

drsquoEacutegALITEacute dE TrAITEmENT

Le droit agrave la protection de la santeacuteLa loi relative aux droits des personnes malades et agrave la qualiteacute du systegraveme de santeacute du 4 mars 2002 dite laquo loi Kouchner raquo reacuteaffirme degraves lrsquoexposeacute des motifs le droit agrave la pro-tection de la santeacute comme un droit agrave valeur constitutionnelle reconnu par lrsquoalineacutea 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 laquo La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les conditions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacute-rielle le repos et les loisirs raquo Ce droit a eacuteteacute consacreacute par plusieurs deacutecisions du Conseil constitutionnel (notamment CC 23 juillet 1999 ndeg 99-416) Le droit agrave la protection de la santeacute est eacutegalement garanti par des textes internationaux ratifieacutes par la France Il lrsquoest indirectement par lrsquoarticle 3 de la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales interdisant la tor-ture et les traitements inhumains ou deacutegradants et par lrsquoarticle 8 de ladite Convention proteacutegeant le droit agrave la vie priveacutee et familiale Ce droit est aussi proteacutegeacute directement par la Charte de lrsquoOrganisation mondiale de la Santeacute du 27 juillet 1946 laquo La possession du meilleur eacutetat de santeacute qursquoil est capable drsquoatteindre constitue lrsquoun des droits fondamen-taux de tout ecirctre humain quelles que soient sa race sa religion ses opinions politiques sa conduite eacuteconomique raquoSur ces bases lrsquoarticle 1 de la loi de 2002 introduit un droit agrave la protection de la santeacute en faveur de toute personne sans discrimination laquo La mise en œuvre de ce droit passe par le deacuteveloppement de la preacutevention lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins les plus approprieacutes agrave son eacutetat de santeacute la continuiteacute des soins la seacutecuriteacute sanitaire raquo

Extraits du Code de santeacute publique

article l1110-1 Le droit fondamental agrave la protection de la santeacute doit ecirctre mis en œuvre par tous moyens disponibles au beacuteneacutefice de toute personne Les professionnels les eacutetablissements et reacuteseaux de santeacute les organismes drsquoassurance maladie ou tous autres organismes par-ticipant agrave la preacutevention et aux soins et les autoriteacutes sanitaires contribuent avec les usagers agrave deacutevelopper la preacutevention garantir lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins neacutecessiteacutes par son eacutetat de santeacute et assurer la continuiteacute des soins et la meilleure seacutecu-riteacute sanitaire possible

article l1110-3 Aucune personne ne peut faire lrsquoobjet de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention ou aux soins

article l1110-5 Toute personne a compte tenu de son eacutetat de santeacute et de lrsquourgence des interventions que celui-ci requiert le droit de recevoir les soins les plus approprieacutes et de beacuteneacuteficier des theacuterapeutiques dont lrsquoefficaciteacute est reconnue et qui garantissent la meilleure seacutecuriteacute sanitaire au regard des connaissances meacutedicales aveacutereacutees Les actes de preacutevention drsquoin-vestigation ou de soins ne doivent pas en lrsquoeacutetat des connaissances meacutedicales lui faire courir de risques disproportionneacutes par rapport au beacuteneacutefice escompteacute

article l1411-1-1 Lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins des populations fragiliseacutees constitue un objectif prioritaire de la politique de santeacuteLes programmes de santeacute publique mis en œuvre par lrsquoEacutetat ainsi que par les collectiviteacutes territoriales et les organismes drsquoassurance maladie prennent en compte les difficulteacutes speacutecifiques des populations fragiliseacutees

25

DROIT APPLICABLE

rEFUS dE SoINS

Le droit agrave la santeacute et le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement bien que proteacutegeacutes par des textes agrave valeurs constitutionnelle et internationale peinent parfois agrave trouver une traduction effective Dans le champ du VIH sida et des heacutepatites virales les exemples sont leacutegions Sans preacutetendre agrave lrsquoexhaustiviteacute AIDES retient pour 2015 trois expressions drsquoatteintes agrave ces droits fondamentaux Drsquoabord des personnes seacuteropositives au VIH sont confronteacutees agrave des refus de soins en raison de leur statut seacuterologique Ensuite des personnes infecteacutees par le virus de lrsquoheacutepatite C sont eacutecarteacutees de lrsquoaccegraves aux nouveaux traitements innovants Enfin les personnes mineures ne peuvent acceacuteder agrave tous les moyens de preacutevention et de deacutepistage disponibles actuellement Ces sujets constituent les trois axes de ce chapitre

Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de comparer les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique

Bien que lrsquoaccegraves aux soins sans discrimination soit garanti par des dispositions leacutegales sans ambiguiumlteacute dans les faits des entraves existent Lrsquoexistence mecircme des refus de soins ne fait pas consensus la plupart des professionnel-le-s de santeacute tendant agrave nier ou au moins agrave minimiser le pheacutenomegravene que les personnes concerneacutees rapportent pourtant de maniegravere reacutecurrente Le deacuteficit drsquoeacutetudes officielles ne permet pas drsquoen objectiver la nature et lrsquoampleur En France seules quelques enquecirctes meneacutees par des associations et des institutions documentent ces pheacutenomegravenes mais essentiel-lement cibleacutees sur des motivations drsquoordre social Il srsquoagit drsquoeacutetudes concernant des beacuteneacuteficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) de la CMU compleacutementaire (CMU-C) de lrsquoaide meacutedicale drsquoEacutetat (AME) et de lrsquoaide agrave lrsquoacquisition drsquoune compleacute-mentaire santeacute (ACS) 11 Les discriminations dans le champ meacutedical agrave lrsquoencontre des PVVIH sont notamment documenteacutees par Sida Info Service qui a meneacute cinq enquecirctes agrave ce sujet et agrave travers les enquecirctes ANRS-VespaPourtant des cas reacutecurrents de refus de soins ou de discriminations sont rappor-teacutes par des PVVIH Ils concernent principalement lrsquoaccegraves agrave des soins dentaires ou gyneacutecologiques dans un contexte ougrave les mesures de preacutecaution standard drsquohygiegravene ont eacuteteacute maintes fois rappeleacutees par diverses instances publiques scientifiques et professionnellesAfin drsquoobjectiver ces refus trop souvent minimiseacutes AIDES a meneacute un testing en avril 2015 agrave lrsquooccasion de deacutebats autour du projet de loi de modernisation de notre sys-tegraveme de santeacute susceptible de renforcer les moyens de lutte contre les refus de soins Cette enquecircte vise agrave saisir lrsquoampleur et documenter les refus de soins laquo sur le vif raquo agrave lrsquoencontre des PVVIH

11 MEacuteThODOLOGIE

111 qursquoest-ce qursquoun testing Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de com-parer toutes choses eacutegales par ailleurs les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique Si lrsquoune des personnes est traiteacutee diffeacuteremment de lrsquoautre alors cette diffeacuterence est imputeacutee agrave lrsquounique caracteacuteristique qui les distingue

112 Le protocole drsquoenquecircteAfin de parvenir agrave eacutetablir lrsquoexistence de traitements discriminatoires dans lrsquoaccegraves aux soins dentaires ou gyneacutecologiques des PVVIH AIDES a recouru agrave une opeacuteration de tes-ting srsquoappuyant sur lrsquoobservation de prises de rendez-vous teacuteleacutephoniques

Les testeur-se-sLes appels teacuteleacutephoniques sont reacutealiseacutes par 44 testeur-se-s tous militant-e-s de AIDES Chaque testeur-se doit jouer un personnage en srsquoappuyant sur une identiteacute fictive qui se reacutepartit selon quatre profils

Hommefemme Seacuteropositif-ve au VIH ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH

Les diffeacuterentes lois sur la santeacute rarement remises en causes se sont depuis inscrites dans la continuiteacute Elles positionnent le droit agrave la santeacute pour tous et toutes comme une finaliteacute des politiques de santeacute jusqursquoau dernier projet de loi preacutesenteacute par Marisol Touraine ministre des Affaires sociales de la Santeacute et des Droits des femmes qui rap-pelle dans la version initiale de lrsquoarticle 1er laquo Elle [la politique de santeacute] tend agrave assurer la promotion de conditions de vie favorables agrave la santeacute lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute de la population la reacuteduction des ineacutegaliteacutes sociales et territoriales de santeacute et agrave garantir la meilleure seacutecuriteacute sanitaire possible et lrsquoaccegraves effectif de la population agrave la preacutevention et aux soins raquo 9

Les dispositions speacutecifiques aux refus de soinsLe droit agrave la santeacute est un eacuteleacutement fondamental des droits de lrsquohomme Si les textes qui rappellent ce principe sont nombreux il reste que ce droit nrsquoest pas acquis pour tous et toutes en particulier pour les personnes en situation de vulneacuterabiliteacute Au-delagrave des dif-ficulteacutes drsquoaccegraves aux soins les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) peuvent ecirctre expo-seacutees agrave des pratiques illeacutegales de refus de soins qui portent atteinte au droit agrave la santeacute Mecircme si les refus de soins ne sont pas geacuteneacuteraliseacutes les reacutesultats de nombreux testing montrent leur reacutecurrence Le droit actuel permet-il de lutter efficacement contre ces pratiques illeacutegales les reacuteponses juridiques sont-elles suffisantes Lrsquoencadrement juri-dique des refus de soins est eacuteclateacute entre Code peacutenal Code de la santeacute publique Code de la consommation et Code de deacuteontologie meacutedicale ce qui ne rend pas visible cet enjeuLe rapport du Deacutefenseur des droits remis au Premier Ministre en mars 2014 sur laquo Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME raquo a permis de montrer lrsquoinefficaciteacute de lrsquoencadrement juridique actuel La loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (HPST) a mis en place une proceacutedure particuliegravere de signalement des refus de soins complexe et peu effective instances compeacutetentes et modaliteacutes de saisines multiples difficulteacutes des usager-e-s agrave faire valoir leurs droits rareteacute des signalements et manque de mobilisation des ins-tances en charge du traitement des signalements Crsquoest pourquoi il est neacutecessaire de renforcer les droits des patient-e-s pour une meilleure connaissance des lois et voies de recours existants de mettre en œuvre un accompagnement des victimes dans le cadre des proceacutedures de conciliation ou les recours en justice et de mieux qualifier les refus de soins illeacutegaux pour en faciliter lrsquoidentification

Exemple de deacutecision du Deacutefenseur des droits Le Deacutefenseur a eacuteteacute saisi drsquoune reacuteclamation relative au refus de proceacuteder agrave lrsquoextraction de dents de sagesse en raison de la seacuteropositiviteacute de la patiente Celle-ci pensant que le chirurgien accegravederait agrave son dossier informatique de suivi au sein du mecircme hocircpital nrsquoa pas indiqueacute sa maladie lors de la consultation preacuteopeacuteratoire Apregraves avoir appris la seacuteropositiviteacute de la reacuteclamante le mis en cause a annuleacute lrsquoopeacuteration preacutevue en propo-sant une date trois mois plus tard inacceptable pour cette derniegravere Afin de justifier le refus des soins le mis en cause a invoqueacute lrsquoapplication drsquoun protocole speacutecifique pour la prise en charge drsquoun patient seacuteropositif Lrsquohocircpital dans lequel exerccedilait le mis en cause a deacutementi lrsquoexistence drsquoun tel protocole Dans le cadre de cette deacutecision le Deacutefenseur des droits a donc recommandeacute la mise en œuvre de sanctions disciplinaires agrave lrsquoeacutegard du meacutedecin et a informeacute de sa deacutecision le ministegravere de la Santeacute le conseil national de lrsquoordre des chirurgiens-dentistes ainsi que le conseil deacutepartemental de lrsquoordre des meacutedecinsDeacutecision MLD-2011-94 du 13 janvier 2012 10

1 UN TESTINg PoUr objEcTIVEr  

LES rEFUS dE SoINS mdash

9 Au moment de la reacutedaction de ce rapport la reacutedaction deacutefinitive de lrsquoarticle 1er nrsquoest pas connue 10 httpwwwdefenseurdesdroitsfrfractionsprotection-des-droits-libertesdecisiondecision-mld-2011-94-du-13-janvier-2012-

relative-un

11 MEacuteDECINS DU MONDE Testing sur les refus de soins des meacutedecins geacuteneacuteralistes pour les beacuteneacuteficiaires de la Couverture Maladie Universelle ou de lrsquoAide Meacutedicale Eacutetat dans 10 villes de France 2006 DEacuteFENSEUR DES DROITS Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME 2014 FONDS CMU-DIES Analyse des attitudes de meacutedecins et de dentistes agrave lrsquoeacutegard des patients beacuteneacuteficiant de la CMUC dans 6 villes du Val-de-Marne 2006 FONDS CMU-IRDES Les refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMUC agrave Paris 2009 FONDS CMU-IRDES Analyse territoriale des obstacles agrave lrsquoaccegraves aux soins des beacuteneacuteficiaires de la CMUC dans les deacutepartements de lrsquoOrne et de la Niegravevre 2012 CISS Droits des malades Refus de soins aux beacuteneacuteficiaires de la CMUC de lrsquoAME et de lrsquoACS 2015

26 27PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Rouen

Evreux

Pontoise

Chacircteauroux

ParisStrasbourg

Auxerre

Dijon

Lyon

Marseille

Gap

Clermont-ferrandPuy-en-Velay

Toulouse

Niort

Angoulegraveme

Cahors

Bourg-en-Bresse

Tours

Colmar

Lrsquoeacutechantillon repreacutesentatif de lrsquoeacutetude comprend 100766810076680 cabinets dentaires et 100766510076691007668 cabinets de gyneacutecologie

Le sceacutenarioUn mecircme cabinet dentaire ou de gyneacutecologie est appeleacute deux fois pour une prise de rendez-vous par deux testeur-se-s diffeacuterent-e-s qui ont des caracteacuteristiques sociodeacute-mographiques similaires Les prises de rendez-vous gyneacutecologiques sont effectueacutees uniquement par des femmes Dans le premier cas le-la testeur-se annonce sa seacutero-positiviteacute au VIH dans le second cas lrsquoautre testeur-se ne dit rien Seule la mention du statut seacuterologique diffeacuterencie ces deux personnes Un script eacutetabli en concertation avec des militant-e-s des PVVIH et des professionnel-le-s de santeacute (meacutedecins speacutecia-listes en chirurgie dentaire en gyneacutecologie et de santeacute publique) reacuteuni-e-s au sein drsquoun groupe de pilotage a permis drsquoeacutetablir

Une feuille de route pour chaque testeur-se proposant des reacuteponses concregravetes aux eacuteventuelles questions que pourrait susciter la demande de rendez-vous (iden-titeacute motifs de la demande orientations adresse teacuteleacutephone numeacutero de seacutecuriteacute sociale etc)

La conduite agrave tenir en cas de mise en attente ou drsquoheacutesitations agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute

Le choix du motif de la consultation deacutetartrage ou frottis Il est important de choisir un acte meacutedical susceptible de provoquer des saignements mais simple ne justifiant pas une orientation vers un-e meacutedecin speacutecialiste ou vers un service drsquourgences et ou un plateau technique particulier

Les eacutechanges teacuteleacutephoniques sont enregistreacutes leur contenu est retranscrit dans une base de donneacutees pour recueillir de faccedilon standardiseacutee les reacuteponses apporteacutees par les praticien-ne-s Des seacuteances de deacutebriefing ainsi qursquoun guide meacutethodologique sont mis agrave disposition des testeur-se-s

Remarque lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute au VIH drsquoembleacutee lors de la prise de ren-dez-vous est justifieacutee par les teacutemoignages de certaines PVVIH qui trop souvent expo-seacutees agrave la stigmatisation et la discrimination de la part de professionnel-le-s de santeacute preacutefegraverent eacuteviter un refus frontal de la ou du meacutedecin dans son cabinet Elle est eacutegale-ment approuveacutee par les professionnel-le-s de santeacute du groupe de pilotage au regard de leur expeacuterience

Constitution de lrsquoeacutechantillon geacuteographiqueLa meacutethodologie de lrsquoenquecircte srsquoappuie sur une technique drsquoeacutechantillonnage aleacuteatoire de maniegravere agrave garantir une seacutelection repreacutesentative des chirurgiens-dentistes et des gyneacutecologues en France Afin de deacutefinir les villes dans lesquelles est reacutealiseacutee lrsquoeacutetude plusieurs eacutetapes sont retenues

Un classement des reacutegions en fonction de leur incidence au VIH (faible moyenne eacuteleveacutee)

Une seacutelection de trois reacutegions par niveau drsquoincidence Une identification pour chaque reacutegion seacutelectionneacutee drsquoun deacutepartement agrave haute densiteacute meacutedicale et drsquoun deacutepartement agrave faible densiteacute meacutedicale pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Un choix des chefs-lieux de chacun de ces deacutepartements comme ville pour effectuer lrsquoenquecircte

Pour les trois plus grandes villes de France (Paris Lyon Marseille) un deacutecoupage par arrondissement selon le niveau de richesse (eacuteleveacute moyen faible) est reacutealiseacute Au total 20 villes sont seacutelectionneacutees La base de sondage est reacutealiseacutee agrave partir de plusieurs sources de donneacutees lrsquoInstitut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques (Insee) pour le nombre drsquohabi-tants lrsquoInstitut de veille sanitaire (InVS) pour lrsquoincidence du VIH lrsquoObservatoire natio-nal de la deacutemographie des professions de santeacute et lrsquoAtlas de la deacutemographie meacutedicale en France pour la densiteacute meacutedicale deacutepartementale respectivement pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Constitution de lrsquoeacutechantillon meacutedicalLe testing vise les seul-e-s speacutecialistes secteurs 1 et 2 chirurgiens-dentistes et gyneacuteco-logues Ainsi deux bases de sondage sont reacutealiseacutees

Lrsquoune agrave partir de lrsquoensemble des chirurgiens-dentistes conventionneacute-e-s pour les soins dentaires classiques preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Lrsquoautre agrave partir de lrsquoensemble des gyneacutecologues conventionneacute-e-s avec les speacuteciali-teacutes meacutedicale etou obsteacutetrique preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Pour lrsquoensemble des secteurs geacuteographiques 2 297 chirurgiens-dentistes et 290 gyneacute-cologues sont recenseacute-e-s Afin de creacuteer un eacutechantillon repreacutesentatif de ces professions 30 des chirurgiens-dentistes et 60 des gyneacutecologues sont tireacute-e-s au sort agrave lrsquoaide drsquoun programme de tri aleacuteatoire

Moins de 45 000 habitants

45 000 agrave 200 000 habitants

Plus de 200 000 habitants

les 20 villes selectionneacutees

pour le testing aupregraves des cabinets

dentaires et gyneacutecologiques

29PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 1

laquo Pour vous ce sera 21h raquo laquo Je ne prends pas de nouveaux patients raquo

laquo Eh bien on mettra deux paires de gants raquo

laquo Vous me remplirez un questionnaire meacutedical avant le rdv raquo

laquo Je le note dans le carnet de rdv raquo

laquo Les gens comme voushellip raquo

laquo Je nrsquoai pas le mateacuteriel adapteacute raquo

laquo Ok mais vous viendrez avec toutes vos analyses raquo

laquo Je ne pratique pas le deacutetartrage raquo

laquo Le deacutetartrage crsquoest 150 euros raquo

laquo Vous serez mieux soigneacute agrave lrsquohocircpital raquo

laquo Je nrsquoai pas eacuteteacute formeacute au vih raquo

laquo Heuhellip veuillez patienter raquo

Bonjour je souhaite un rendez-vous

pour un deacutetartrage et je suis seacuteropo

la face cacheacutee des refus

de soins chez les dentistes

envers les personnes vih+

Florilegravege des verbatims des cabinets dentaires agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute par ordre de citation

Le motif le plus souvent invoqueacute par les cabinets dentaires est celui des ameacutenagements ou des horaires speacutecifiques requis pour les personnes seacuteropositives Vient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute

Peacuteriode drsquoenquecircteLe testing est reacutealiseacute sur une peacuteriode courte du 7 au 10 avril 2015 pour garantir la confi-dentialiteacute de lrsquoopeacuteration et assurer un environnement comparable entre les diffeacuterents appels (actualiteacute meacutediatique et politique etc) Une fois la semaine de testing passeacutee les rendez-vous pris sont annuleacutes afin de ne pas peacutenaliser les laquo vrais raquo malades et les meacutedecins dans la gestion des rendez-vous meacutedicaux

Eacutechantillon finalParmi les 570 cabinets dentaires et les 154 cabinets de gyneacutecologie contacteacutes par teacuteleacute-phone durant la peacuteriode drsquoenquecircte pour une prise de rendez-vous un certain nombre sont exclus en raison de non-reacuteponses aux appels de non-conformiteacute de la speacutecialiteacute de fermeture ou de congeacutes Lrsquoeffectif final des praticien-ne-s retenu-e-s srsquoeacutelegraveve agrave 440 pour les chirurgiens-dentistes et 116 pour les gyneacutecologues Lors des appels il est pos-sible de relever la fonction des reacutepondant-e-s dans la majoriteacute des cas (praticien-ne-s ou secreacutetaires meacutedicaux-ales) Ainsi les interlocuteur-trice-s dans les cabinets dentaires sont des secreacutetaires meacutedicaux-les dans 764 des cas (n=336) et des chirurgiens-den-tistes dans 193 des cas (n=85) Pour les cabinets de gyneacutecologie la reacutepartition eacutetait de 802 de secreacutetaires meacutedicaux-les (n=93) et 78 de gyneacutecologues (n=9)

113 Limites de lrsquoeacutetudeCette opeacuteration de testing comporte des limites qui sont autant de pistes pour ameacutelio-rer encore ce type drsquoenquecirctes et leur donner un cadre leacutegalLa premiegravere limite tient agrave la classification a posteriori des motifs des refus de soins En effet la liste exhaustive des motifs de refus ainsi que la combinaison de plusieurs motifs eacutetaient difficiles agrave anticiper La deuxiegraveme limite concerne la perception des testeur-se-s quant aux reacuteponses four-nies par les dentistesgyneacutecologues Ainsi la notion de subjectiviteacute permise par la non-cateacutegorisation a priori des reacuteponses a probablement induit une sous-deacuteclaration de certains refus Les retours drsquoexpeacuteriences des PVVIH qui pointent des refus frontaux dans les cabinets des praticien-ne-s apregraves un rendez-vous fixeacute preacutealablement au teacuteleacute-phone laissent augurer eacutegalement drsquoune sous-eacutevaluation de ces pratiquesLa troisiegraveme limite est celle du champ de lrsquoenquecircte Seule la seacuteropositiviteacute au VIH a eacuteteacute testeacutee il est pourtant neacutecessaire drsquoeacutetendre aux personnes vivant avec une heacutepatite virale chronique ou co-infecteacutees par le VIH et les heacutepatites virales De plus les repreacutesen-tations sociales eacuteconomiques et morales associeacutees agrave la pathologie VIH (CMU ou AME preacutecariteacute pratiques sexuelles usages de drogues etc) peuvent geacuteneacuterer des cumuls de motifs de refusEt enfin la taille de lrsquoeacutechantillon des professionnel-le-s ne permet pas de reacutealiser des analyses statistiques pousseacutees notamment par ville et de conclure agrave drsquoeacuteventuelles dynamiques locales de discrimination

12 DES REacuteSULTATS ACCABLANTS

Parmi les reacuteponses des chirurgiens-dentistes et de leur secreacutetariat meacutedical agrave lrsquoan-nonce de la seacuteropositiviteacute le motif le plus souvent invoqueacute est celui des ameacutena-gements ou des horaires speacutecifiques qui seraient requis soit eacutenonceacutes comme tels soit mis en eacutevidence par comparaison des reacuteponses faites aux personnes supposeacutees seacuteroneacutegatives Il est important de rappeler que le Haut conseil de la santeacute publique a publieacute en 2007 un avis laquo ne recommandant pas lrsquoinstauration drsquoun ordre de pas-sage pour tout patient porteur des virus VHC VHB ou VIH lors drsquoactes invasifs meacutedico-chirurgicaux En revanche il considegravere comme une prioriteacute lrsquoapplication des preacutecautions standard et le respect des mesures de preacutevention (hellip) raquo LrsquoOrdre natio-nal des chirurgiens-dentistes a drsquoailleurs redit lors de la parution de ce testing que laquo les patients doivent tous beacuteneacuteficier drsquoune mecircme chaicircne de deacutecontamination et de steacuterilisation raquoVient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute surcharge de travail pas de nou-veaux-elles patient-e-s deacutelais de rendez-vous trop importants etc non eacutevoqueacutee pour les testeur-se-s nrsquoannonccedilant pas de seacuteropositiviteacute au VIHPour les gyneacutecologues ou leur secreacutetariat meacutedical les testeuses seacuteropositives sont accepteacutees sous reacuteserve de la preacutesentation de leur dossier meacutedical et du rappel de la pathologie au moment de la consultation Lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute est aussi avanceacute agrave plusieurs reprises Tous ces motifs sont ensuite cateacutegoriseacutes

Figure 2

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS30

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins

121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou de discriminationsUne cateacutegorisation est opeacutereacutee en fonction des dispositions juridiques existantes Les dispositions leacutegales eacutetant tregraves geacuteneacuterales et impreacutecises crsquoest la reacutefeacuterence agrave la circu-laire CNAMTS CIR-332008 relative aux refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMU-C qui a eacuteteacute retenue Ce texte donne une deacutefinition concregravete des refus de soins incluant laquo la fixation tardive inhabituelle et abusive drsquoun rendez-vous lrsquoorien-tation reacutepeacuteteacutee et abusive vers un autre confregravere lrsquoattitude et le comportement dis-criminatoire du professionnel de santeacute etc raquo Certains praticien-ne-s ont pu eacutevoquer plusieurs motifsAinsi des refus de soins directs ou deacuteguiseacutes et des traitements diffeacuterentiels non fon-deacutes sont constateacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH lors drsquoune demande de rendez-vous pour un deacutetartrage ou un frottisParmi les refus de soins on distingue deux cateacutegories Les refus directs Il srsquoagit de refus directement imputables au VIH annonceacutes comme tels ou sous couvert drsquoune autre raison non formuleacutee aupregraves de la personne supposeacutee seacuteroneacutegative Les refus deacuteguiseacutes Il srsquoagit de refus dont les preacutetextes avanceacutes sont douteux et contraires au Code de deacuteontologie meacutedicale Ils peuvent ecirctre cateacutegoriseacutes en deux types de refus

Les strateacutegies de deacutecouragement horaires contraignants deacutepassements drsquohono-raires assurance de la solvabiliteacute financiegravere etc

Les reacuteorientations vers des confregraveres ou des services hospitaliers sous preacutetexte drsquoun manque de connaissance de la pathologie et de sa prise en charge de mateacute-riel non adapteacute ou la dangerositeacute des soins qui suggegraverent une meilleure prise en charge laquo ailleurs raquo

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins (voir page 25) Ces dispariteacutes de traitement sont soit annonceacutees de maniegravere explicite lors de la prise de rendez-vous soit mises en eacutevidence par la confrontation des reacuteponses faites au-agrave la testeur-se seacuteropositif-ve au VIH et agrave son binocircme ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH On distingue trois cateacutegories

La meacuteconnaissance de la pathologie qui aboutit agrave de mauvaises pratiques dans la relation avec le ou la patiente

La divulgation du statut seacuterologique en dehors drsquoun dossier meacutedical ce qui est une atteinte au secret meacutedical

Lrsquoexistence de protocoles speacutecifiques drsquohygiegravene pour les PVVIH (steacuterilisation dureacutee des soins etc) agrave lrsquoencontre des mesures de preacutecautions standard recommandeacutees qui teacutemoignent drsquoun manque de connaissance ou drsquoapplication des regravegles fonda-mentales drsquohygiegravene et de steacuterilisation mais aussi une meacuteconnaissance des modes de contamination Ces mesures doivent ecirctre garanties systeacutematiquement et sans compromis quel que soit le statut seacuterologique des personnes et ce drsquoautant qursquoon estime entre 30 000 et 50 000 le nombre de personnes contamineacutees par le VIH en France qui lrsquoignorent (pour 150 000 PVVIH soit 20 agrave 30 )

32 33

30 refus de soins

deacuteguiseacutes

36 refus de soins

directs

168 pratiques

discriminatoires

cabinet dentaire

ViH SrsquoabStenir

17 refus de soins

directs

43 refus de soins

deacuteguiseacutes

172 pratiques

discriminatoires

cabinet de gyneacutecologie

ViH SrsquoabStenir

122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des speacutecialiteacutes

Figure 3 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 4 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

336 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

168 de pratiques discriminatoires

6 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

172 de pratiques discriminatoires

Cabinets de gyneacutecologie

Cabinets dentaires

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Dans le cadre du projet de loi Santeacute AIDES a construit plusieurs amendements afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutealiteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits

Les reacutesultats de ce testing prouvent qursquoil existe une veacuteritable meacuteconnaissance du VIH et de ses modes de transmission aboutissant agrave des attitudes neacutegatives et discrimi-natoires Ces comportements trahissent les repreacutesentations des professionnel-le-s vis-agrave-vis de cette maladieinfection et sur le respect des fondements deacuteontologiques des professions du soin

13 PERSPECTIVES LA NEacuteCESSITEacute DE RENfORCER LrsquoARSENAL jURIDIqUE

Les constats de AIDES confirment la neacutecessiteacute drsquoaller plus loin contre les refus de soins que la seule disposition initialement envisageacutee dans le projet de loi Santeacute Actuelle-ment ce sont aux ordres professionnels des soignant-e-s de mesurer lrsquoimportance et la nature des pratiques de ces refus En conseacutequence plusieurs amendements ont eacuteteacute construits avec Meacutedecins du Monde (MdM) afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutea-liteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits Les amendements formulent cinq propo-sitions visant agrave

Eacutelargir la deacutefinition leacutegale des refus de soins agrave toute pratique discriminante ou strateacutegie de dissuasion menant in fine au renoncement aux soins des patient-e-s

Donner une base leacutegale au testing autour drsquoun cahier des charges preacutecis et y inclure les associations de malades

Impliquer lrsquoensemble des acteurs-trices de santeacute dans le pilotage de lrsquoObserva-toire deacutedieacute aux refus de soins preacutevu par le projet de loi Santeacute agrave commencer par les associations de malades mais aussi les ordres professionnels et les organismes drsquoassurance maladie

Ameacutenager la charge de la preuve de sorte que comme dans lrsquoensemble du droit de la non-discrimination ce soit au-agrave la professionnel-le de santeacute de prouver qursquoil nrsquoy a pas eu de traitement discriminatoire lorsqursquoune personne exprime des eacuteleacutements de fait laissant supposer lrsquoexistence drsquoune discrimination

Permettre aux patient-e-s drsquoecirctre accompagneacute-e-s etou repreacutesenteacute-e-s par des associations durant les recours en justice ou les proceacutedures de conciliation lors-qursquoils-elles sont confronteacute-e-s agrave des refus de soins

Ces amendements srsquoappuient sur divers rapports institutionnels et parlementaires ils srsquoinspirent aussi de lrsquoarticle initial sur les refus de soins de la loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (Loi HPST) preacutesenteacutee par Roselyne Bachelot alors ministre de la Santeacute en 2008 Ces propositions ont cependant eacuteteacute escamoteacutees au fil des lectures agrave lrsquoAssembleacutee nationale et au SeacutenatAinsi gracircce agrave ce testing agrave ses retombeacutees meacutediatiques et agrave la mobilisation des mili-tant-e-s de AIDES les lignes ont commenceacute agrave bouger Drsquoune part lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes a vivement reacuteagi et drsquoautre part un amendement agrave lrsquoarticle 19 du projet de loi Santeacute a eacuteteacute voteacute au Seacutenat proposant que lrsquoeacutevaluation de lrsquoexistence des refus de soins soit confieacutee au Deacutefenseur des droits Au moment de la reacutedaction de ce rapport la formulation finale de lrsquoattribution de cette eacutevaluation au Deacutefenseur des droits ou aux diffeacuterents Ordres nrsquoest pas connue

Concernant lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes un rapprochement avec AIDES srsquoest opeacutereacute rapidement afin drsquoeacutetudier les moyens agrave mettre en œuvre pour lutter effica-cement contre les refus de soins Degraves lrsquoannonce des reacutesultats lrsquoOrdre a immeacutediatement reacuteagi et condamneacute ce type de comportement laquo Nul ne peut faire lrsquoobjet de discrimina-tions dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins raquo rappelant que laquo les chirurgiens-den-tistes qui ne respectent pas ce principe fondamental leacutegal et deacuteontologique srsquoexposent agrave des poursuites tant devant les juridictions disciplinaires que peacutenales raquo

123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction de lrsquointerlocuteur-trice

Les refus de soins ou les pratiques discriminatoires sont plus souvent pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les que par les praticien-ne-s voire inexistants srsquoagissant des gyneacutecologuesDans les cabinets dentaires une majoriteacute de secreacutetaires meacutedicaux-les opposent des refus de soins directs aux PVVIH ils-elles sont 78 agrave opposer des refus indirects versus 22 des chirurgiens-dentistes Srsquoagissant de traitements diffeacuterentieacutes entre les PVVIH et leur binocircme supposeacute seacuteroneacutegatif 824 sont eacutemis par des secreacutetaires meacutedicaux-les versus 186 par des dentistesLes refus de soins ou discriminations sont majoritairement pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les Ce constat reacutevegravele soit un manque de formation et de connaissance du VIH qui aboutit agrave des mauvaises pratiques avec le ou la patiente soit lrsquoexistence de directives donneacutees par des praticien-ne-s quant agrave la prise en charge de certain-e-s patient-e-s dont les PVVIH En teacutemoignent les mises en attente majoritairement du fait des secreacutetaires meacutedicaux-les Il est probablement plus facile de donner des ins-tructions agrave son secreacutetariat que drsquoassumer individuellement la responsabiliteacute drsquoun refus

124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des villesMalgreacute des effectifs parfois limiteacutes de chirurgiens-dentistes et de gyneacutecologues par ville les reacutesultats de ce testing preacutesentent une dispariteacute des pheacutenomegravenes de refus de soins et de discriminations sur le territoire national Il nrsquoy a a priori pas de lien entre le lieu drsquoinstallation et lrsquoineacutegaliteacute des pratiques Lrsquoattitude neacutegative des professionnel-le-s agrave lrsquoencontre des PVVIH paraicirct davantage reposer sur des logiques individuelles que sur la deacutemographie meacutedicale ou lrsquoincidence locale du VIH Les reacutesultats du testing ne suggegraverent pas drsquoinfluence de lrsquoenvironnement sur les pratiques des professionnel-le-s On relegraveve que Bourg-en-Bresse Chacircteauroux et le seiziegraveme arrondissement de Paris trois lieux qui preacutesentent une deacutemographie meacutedicale quantitativement contras-teacutee se deacutetachent en matiegravere de proportion de refus de soins ou de pratiques discri-minatoires avec plus de 70 des chirurgiens-dentistes contacteacute-e-s concerneacute-e-s Agrave lrsquoinverse les speacutecialistes du treiziegraveme arrondissement de Marseille et de la ville de Pontoise nrsquoopposent aucun comportement discriminatoirePour les gyneacutecologues dont le nombre est insuffisant en France avec de veacuteritables ineacute-galiteacutes drsquoaccegraves sur le territoire 12 lrsquoeffet des villes semblent jouer un rocircle a minima Pour certaines villes dont la densiteacute meacutedicale pour cette speacutecialiteacute est tregraves faible un nombre limiteacute de professionnel-le-s a eacuteteacute contacteacute empecircchant toute conclusion Cependant il est important de noter que des PVVIH ont pu ecirctre confronteacutees agrave 100 de refus de rendez-vous dans certaines villes

125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave soulignerDe nombreux-ses praticien-ne-s et leur secreacutetariat meacutedical attribuent des rendez-vous aux PVVIH sans eacutevoquer aucun des motifs jugeacutes discriminatoires Pour pregraves de la moitieacute des cabinets dentaires (496 ) et plus de 4 cabinets de gyneacutecologie sur 5 (768 ) les pratiques de soins lrsquoaccueil et la communication sont en tout point conformes agrave la deacuteontologie meacutedicale (figures 5 et 6) Certains ont aussi fait preuve de bienveillance avec une approche globale de la prise en charge meacutedicale de la personne

126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutesLes logiques de preacutecaution occupent une place eacutevidente dans les arguments opposeacutes aux PVVIH au meacutepris de la loi de la deacuteontologie meacutedicale et des recommandations drsquohygiegravene De nos jours les refus de soins ou discriminations agrave leur eacutegard sont drsquoautant plus inacceptables que les mesures de preacutecaution standard ont eacuteteacute maintes fois rappe-leacutees par diverses instances publiques et scientifiques Ces mesures sont conccedilues pour preacutevenir le risque de transmission du VIH du ou de la patiente au personnel meacutedical et inversement et drsquoun ou drsquoune patiente agrave lrsquoautre Ceci est drsquoautant plus important qursquoen-viron un quart des PVVIH ignorent qursquoelles en sont atteintes et peuvent en toute bonne foi ne pas informer le ou la professionnel-le de santeacute de leur seacuterologie Les mesures de preacutecaution standard doivent ecirctre garanties systeacutematiquement dans tous les cabinets meacutedicaux et pour chaque patient-e quel que soit son eacutetat de santeacute

12 Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins Atlas de la deacutemographie meacutedicale en France situation au 1er janvier 2014

768

34 35PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 5 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 6 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

496

41 000 euroLe prix facial sur le marcheacute franccedilais du premier des traitements hautement actifs contre le VHC pour trois mois Sa combinaison avec drsquoautres meacutedicaments peut coucircter plus de 100766500 000 euro selon la dureacutee du traitement

12 VhC qUI SOIGNER

Crsquoest dans ce contexte que le principe drsquoune mise sous traitement seacutelective est acteacute par le ministegravere de la Santeacute Des critegraveres sont eacutetablis pour deacutefinir qui doit acceacuteder prioritai-rement aux nouveaux traitements innovants contre le VHC Ce choix et ses traductions opeacuterationnelles sont supposeacutes concilier le droit agrave la protection de la santeacute la santeacute publique et des populations mais aussi lrsquoeacutequilibre des finances publiques et la peacuteren-niteacute du systegraveme de protection sociale franccedilais Des recommandations drsquoexpert-e-s pour la mise sous traitement ont eacuteteacute fixeacutees courant 2014 mais finalement restreintes par un avis de la HAS ensuite en 2015 Ceci alors que la socieacuteteacute franccedilaise drsquoheacutepatologie a elle-mecircme confirmeacute en juin de la mecircme anneacutee les recommandations drsquoaccegraves eacutelargies de 2014

101048110104821010481 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexpertsDes recommandations ont drsquoabord eacuteteacute proposeacutees en mai 2014 dans un Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C dit rapport Dhumeaux Ce rapport a eacuteteacute commandeacute par la ministre de la Santeacute en janvier 2013 agrave lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) et lrsquoAssociation franccedilaise pour lrsquoeacutetude du foie (AFEF) De nombreux-ses praticien-ne-s universitaires et des repreacutesentant-e-s drsquoassociations drsquousager-e-s du systegraveme de santeacute sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux ont participeacute agrave son eacutelaboration Ainsi pour les personnes vivant avec une heacutepatite C les recommandations de mise sous trai-tement reposent notamment sur lrsquoavancement de la maladie crsquoest-agrave-dire les stades de fibrose supeacuterieurs ou eacutegaux agrave 2 13 qui indiquent lrsquoeacutetat drsquoavancement de lrsquoimpact du virus sur le foie Les experts ont par ailleurs distingueacute certaines populations pour lesquelles la mise sous traitement est preacuteconiseacutee quel que soit le stade de fibrose

Les patient-e-s ayant des manifestations extra-heacutepatiques seacutevegraveres Les patient-e-s en attente de transplantation heacutepatique ou reacutenale (pour tenter drsquoeacuteradiquer le virus avant la transplantation)

Au cas par cas les femmes ayant un deacutesir de grossesse Les personnes co-infecteacutees VIH-VHC Les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse Les personnes deacutetenues (avec lrsquoobjectif dans ces deux derniegraveres populations drsquoune reacuteduction du risque de transmission) 14

Si le rapport Dhumeaux propose une seacutelection des patient-e-s notamment au regard du prix il inscrit ces recommandations dans une perspective de ralentissement de lrsquoeacutepi-deacutemie et se distingue en ce sens de la HAS

101048110104821010482 Les recommandations restrictives de la hASLa HAS contribue laquo agrave la reacutegulation du systegraveme de santeacute raquo et a donc comme mission drsquolaquo assurer agrave tous les patients et usagers un accegraves peacuterenne et eacutequitable agrave des soins aussi efficaces sucircrs et efficients que possible raquo 15 Les recommandations eacutetablies par la HAS srsquoimposent aux professionnel-le-s meacutedicaux-cales Contrairement agrave la perspective du rapport Dhumeaux la HAS ne considegravere pas que laquo les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC [soient] reacuteunies raquo Elle en tire les conseacutequences et ne recommande qursquolaquo une strateacutegie de traitement des patients dans lrsquoobjectif drsquoune gueacute-rison virologique individuelle raquo avec des recommandations de stade de fibrose plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux Ainsi la HAS limite lrsquoaccegraves aux traitements innovants aux stades de fibrose du foie F2 seulement sous certaines conditions drsquoeacutevolution F3 et F4 ainsi qursquoagrave tous les stades pour certaines populations personnes co-infecteacutees VIH et VHC personnes atteintes de cryoglobulineacutemie mixte systeacutemique et symptomatique personnes atteintes de lym-phome B associeacute au VHC 16 La HAS eacutecarte en revanche des populations cibleacutees par le rapport drsquoexperts Dhumeaux notamment les usager-e-s de drogues et les personnes deacutetenues qui relegraveveraient drsquoune approche non speacutecifique et donc du cadre geacuteneacuteral La France est assez isoleacutee en Europe sur des recommandations de traitement et de non traitement arrecircteacutees sur les stades de fibrose

11 DES TRAITEMENTS INNOVANTS Agrave PRIX TREgraveS EacuteLEVEacuteS

Les limites eacuteconomiques agrave la prescription notamment sur la base de recommandations deacutefinies par la Haute autoriteacute de santeacute (HAS) sont notamment mises en lumiegravere par les prix des nouveaux traitements contre le VHC Aujourdrsquohui diffeacuterents traitements inno-vants contre le VHC les antiviraux agrave action directe sont sur le marcheacute Ils repreacutesentent des avanceacutees theacuterapeutiques majeures offrant un taux de gueacuterison virologique tregraves eacuteleveacute avec des dureacutees de traitements courtes et des effets indeacutesirables limiteacutes Si les associations investies dans le champ de la lutte contre les heacutepatites virales ndash Collectif Heacutepatites Virales (CHV) SOS heacutepatites TRT-5 Comegravede Meacutedecins du Monde (MdM) Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) AIDES ndash saluent lrsquoespoir drsquoune fin proche de lrsquoeacutepideacutemie de VHC elles se sont rapidement alarmeacutees sur le prix de ces nouveaux traitements Sur le marcheacute franccedilais le prix facial du premier de ces traitements hautement actifs contre le VHC (Sovaldisofosbuvir) a eacuteteacute fixeacute agrave 41 000 euro pour trois mois de traitement Ce traitement ne srsquoutilise jamais seul mais en association avec drsquoautres Certaines combinaisons peuvent coucircter plus de 100 000 euro selon la dureacutee (des traitements de six mois sont parfois neacutecessaires)Alors que la France meacutetropolitaine compte plus de 200 000 personnes vivant avec le VHC de tels prix constituent clairement un deacutefi pour les finances publiques et la peacuterenniteacute drsquoun systegraveme de santeacute solidaire En conseacutequence et pour la premiegravere fois en France ce prix participe agrave ce que lrsquoon peut consideacuterer comme un rationnement avec des mises sous traitement sur la base drsquoavis et de dispositions restrictifs

Meacutedicaments quels prix Le prix du meacutedicament nrsquoest pas libre il est fixeacute par convention entre le laboratoire lrsquoexploitant et le Comiteacute eacuteconomique des produits de santeacute (CEPS) sur la base de cri-tegraveres deacutefinis agrave lrsquoarticle L162-16-4 du Code de santeacute publique laquo La fixation de ce prix tient compte principalement de lrsquoameacutelioration du service meacutedical rendu (SMR) appor-teacutee par le meacutedicament le cas eacutecheacuteant des reacutesultats de lrsquoeacutevaluation meacutedico-eacutecono-mique des prix des meacutedicaments agrave mecircme viseacutee theacuterapeutique des volumes de vente preacutevus ou constateacutes ainsi que des conditions preacutevisibles et reacuteelles drsquoutilisation du meacutedi-cament raquo Agrave cela srsquoajoute aussi la coheacuterence avec les conditions de commercialisation preacutevues dans les grands Eacutetats europeacuteens Seul le prix facial est public crsquoest-agrave-dire le prix rembourseacute par lrsquoassurance maladie Le CEPS et les laboratoires peuvent neacutegocier des dispositifs de remises drsquoougrave un prix reacuteel diffeacuterent (voire tregraves diffeacuterent) de ce prix facial Les dispositifs de remises et le prix reacuteel nrsquoeacutetant pas publics les prescripteurs et usager-e-s nrsquoont connaissance que du prix facial

Le droit agrave la protection de la santeacute interdit toute forme de discriminations dans lrsquoaccegraves aux soins Cependant si les discriminations sont interdites lrsquouniversaliteacute de lrsquoaccegraves agrave certains soins et traitements nrsquoest pas pour autant garantie Crsquoest le cas des nouveaux traitements contre le virus de lrsquoheacutepatite C (VHC) dont le prix exorbitant a forceacute agrave deacutefinir des critegraveres de seacutelection des patient-e-s et agrave renoncer agrave lrsquoaccegraves universel

Bien que fondamental le droit agrave la protec-tion de la santeacute sans discrimination (voir page 25) peut connaicirctre certaines limites agrave son effectiviteacute en particulier sur le plan financier Il deacutepend en effet des choix opeacutereacutes au regard des deacutepenses publiques de lrsquoEacutetat et de la seacutecuriteacute sociale et notamment par rapport aux prix des meacutedicaments et des produits de santeacute Lrsquoarticle 8 du Code de deacuteontologie meacutedi-cale (R4127-8 du Code de santeacute publique) preacutecise que laquo Dans les limites fixeacutees par la loi le meacutedecin est libre de ses pres-criptions qui seront celles qursquoil estime les plus approprieacutees en la circonstance Il doit sans neacutegliger son devoir drsquoassistance morale limiter ses prescriptions et ses actes agrave ce qui est neacutecessaire agrave la qualiteacute agrave la seacutecuriteacute et agrave lrsquoefficaciteacute des soins Il doit tenir compte des avantages des incon-veacutenients et des conseacutequences des diffeacute-rentes investigations et theacuterapeutiques possibles raquo Si la liberteacute de prescription est ici recon-nue elle connaicirct donc certaines limites leacutegales dont celle imposeacutee par lrsquoarticle L162-2-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo Les meacutedecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions drsquoobserver dans le cadre de la leacutegislation et de la reacuteglementation en vigueur la plus stricte eacuteconomie compatible avec la qualiteacute la seacutecuriteacute et lrsquoefficaciteacute des soins raquo ce notamment sur la base des laquo recomman-dations ou avis meacutedico-eacuteconomiques de la Haute autoriteacute de santeacute raquo

13 Stades de fibrose F0 pas de fibrose F1 fibrose leacutegegravere F2 fibrose modeacutereacutee F3 fibrose seacutevegravere F4 cirrhose14 Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C 2014 p 25015 httpwwwhas-santefrportailjcmsfc_1249599frla-has16 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf

36 37

DROIT APPLICABLE

1  LE cAS dES TrAITEmENTS INNoVANTS 

coNTrE LrsquoHEacutePATITE c mdash

dIFFIcULTEacuteS drsquoAccEgraveS  AUx TrAITEmENTS

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

38 39

Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

59

40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 10: AIDES Rapport Discrim

Selon lrsquoarticle 28 de lrsquoinstruction de 2003 relatif aux cotations des pathologies dans lrsquoarmeacutee vivre avec le VIH en bonne santeacute et sans traitement serait moins laquo grave raquo au regard de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute que vivre avec le VIH en bonne santeacute et avec traitement

23 LrsquoARMEacuteE UN BASTION SANS VIh

Lrsquointerdiction drsquointeacutegrer de nombreux corps de lrsquoarmeacutee par des PVVIH a eacuteteacute identifieacutee en juillet 2015 apregraves qursquoune personne ait contacteacute lrsquoassociation AIDES alors qursquoelle srsquoeacutetait vu refuser lrsquoaccegraves agrave la marine nationale Lrsquoarticle L 4132-1 du Code de la deacutefense dispose que laquo Nul ne peut ecirctre militaire (hellip) 3deg Srsquoil ne preacutesente les aptitudes exigeacutees pour lrsquoexercice de la fonction raquo Lrsquoaptitude est eacuteva-lueacutee selon lrsquoinstruction ndeg 2100DEFDCSSAASTAME du 1er octobre 2003 relative agrave la deacutetermination de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir Cette instruction fixe des regravegles unifieacutees visant agrave eacutevaluer le profil meacutedical du candidat

231 Eacutevaluation de lrsquoaptitude agrave servir quelques repegraveresLe systegraveme deacutefini par lrsquoinstruction de 2003 relative agrave la deacutetermination de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir se base sur sept profils deacutetailleacutes nommeacutes chacun par une lettre de lrsquoacronyme Sigycop Pour chacun de ses profils des coefficients sont attribueacutes et visent agrave noter lrsquoeacutetat de santeacute la graviteacute de potentielles infections et des seacutequelles (tableau 1)

Le coefficient 0 correspond agrave une eacutevaluation meacutedicale initiale par un meacutedecin geacuteneacutera-liste il nrsquoest que transitoire Les coefficients de 1 agrave 6 eacutetablissent une eacutechelle progres-sive 1 correspondant agrave lrsquoaptitude pour laquo tous les emplois des armeacutees mecircme les plus peacutenibles raquo 6 correspondant agrave lrsquoinaptitude totale

Lrsquoarticle 10 de lrsquoinstruction explique que le profil meacutedical est eacutetabli agrave lrsquoaide du tableau 2 sur lequel les coefficients doivent ecirctre associeacutes par le meacutedecin habiliteacute au sigle corres-pondant Ce profil est ensuite compareacute aux profils drsquoaptitudes minimales deacutefinis pour chaque corps de lrsquoarmeacutee par diffeacuterents textes regraveglementaires afin de deacuteterminer si le candidat est eacuteligibleAinsi pour la marine nationale dans le cadre de la situation pour laquelle AIDES a eacuteteacute saisie lrsquoarticle 4 de lrsquoarrecircteacute du 21 mai 2012 fixant les conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants et pour la sous-cription drsquoun contrat au titre de la marine nationale deacutefinit le profil meacutedical deacutetailleacute dans le tableau 2

232 VIh et aptitude agrave servir une eacutevaluation drsquoun autre tempsOutre ce cadre meacutethodologique sur lrsquoaptitude meacutedicale lrsquoinstruction de 2003 attribue pour un nombre important de pathologies des notes pour tout ou partie des lettres de lrsquoacronyme La cotation concernant le VIH est deacutefinie agrave lrsquoarticle 28 de lrsquoinstruc-tion (tableau 3)

Cet article appelle de nombreux commentaires Drsquoabord le VIH nrsquoest ici consideacutereacute qursquoau regard de lrsquolaquo eacutetat geacuteneacuteral raquo de la personne sans conseacutequence sur le reste du profil meacutedi-cal Cet eacutetat geacuteneacuteral est associeacute agrave des coefficients allant de 3 agrave 5 Lrsquoarticle 8 de lrsquoinstruc-tion preacutecise lrsquoimplication de ces coefficients par rapport agrave la lettre G Coefficient 3 I 3 et G 3 entraicircnent une restriction appreacuteciable de lrsquoentraicircnement notamment lrsquoentraicircnement physique au combat et limite lrsquoeacuteventail des emplois en particulier ceux de combattants au contact direct avec lrsquoennemi Coefficient 4 Attribueacute agrave lrsquoun des sigles S I ou G ce coefficient exempte de tout entraicirc-nement physique au combat Il limite lrsquoaffectation des sujets ainsi classeacutes agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Coefficient 5 Attribueacute agrave lrsquoun des sigles S I G ou O il reacuteduit lrsquoaptitude agrave des emplois seacutedentaires eacuteventuellement adapteacutes

Cet article est eacutegalement surprenant au regard des distinctions qursquoil fait des diffeacuterentes phases de lrsquoinfection agrave VIH et de la gradation appliqueacutee Ainsi vivre avec le VIH en bonne santeacute et sans traitement serait moins laquo grave raquo au regard de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute que vivre avec le VIH en bonne santeacute et avec traitement Cette distinction prend lrsquoexact contre-pied des donneacutees de la science et des recommandations meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles

En effet les traitements actuels permettent de reacuteduire consideacuterablement la charge virale dans le sang au point qursquoelle devient indeacutetectable Dans ces conditions les per-sonnes sont non contaminantes Ils permettent aussi de vivre en bonne santeacute sur du long terme et dans des conditions similaires aux personnes seacuteroneacutegatives Ainsi les PVVIH en France se voient proposer des traitements degraves qursquoelles sont deacutepisteacutees et une tregraves large majoriteacute les accepte Certes il est possible de vivre avec le VIH sans traite-ment et sans laquo symptocircmes raquo mais agrave de rares exceptions pregraves cette situation ne peut pas durer et en tout eacutetat de cause la charge virale reste deacutetectable et les personnes restent contaminantes

laquo Un traitement curatif ou prophylactique au long cours ne saurait constituer agrave lui seul un motif drsquoeacutelimination que dans la mesure ougrave il entraicircnerait un absenteacuteisme iteacuteratif etou prolongeacute raquo et alors que ce nrsquoest pas le cas pour les traitements actuels du VIH lrsquoexclusion de nombreux postes des personnes seacuteropositives sur la base de lrsquoaptitude meacutedicale agrave servir nrsquoest pas proportionneacutee Elle constitue en ce sens une discrimination condamnable au regard des textes internationaux ratifieacutes par la France du Preacuteambule de la constitution de 1946 et du droit interne

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010482 1010485 1010483 1010483 1010481

Tableau 2 ndash Profil meacutedical Sigycop applicable aux officiers navigants de la marine nationale

Le Sigycop correspond au profil meacutedical dun individu eacutetabli par un meacutedecin militaire lui permettant de deacuteterminer son aptitude agrave inteacutegrer larmeacutee franccedilaise

Tableau 3 ndash Article 28 de lrsquoinstruction de 2003 Infection par le VIH

16 17

Tableau 1 ndash Reacutefeacuterentiel Sigycop 2003

sigle coefficient profil meacutedical concerneacute

S 1 agrave 1010486 Ceinture scapulaire et membres supeacuterieurs

I 1 agrave 1010486 Ceinture pelvienne et membres infeacuterieurs

G 1 agrave 1010486 Eacutetat geacuteneacuteral

Y 1 agrave 1010486 Yeux et vision (sens chromatique exclu)

C 1 agrave 1010486 Sens chromatique

O 1 agrave 1010486 Oreilles et audition

P 1010480 agrave 1010485 Psychisme

a) Infection agrave VIH asymptomatique sans traitement avec une immuniteacute cellulaire satisfaisante selon avis speacutecialiseacute 1010483 G

b) Infection agrave VIH asymptomatique sans traitement avec une immuniteacute cellulaire perturbeacutee (infeacuterieur agrave 500 CD4mm3) 1010483 G

c) Infection agrave VIH asymptomatique traiteacutee 4 G

d) Infection agrave VIH symptomatique 1010485 G

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Ainsi le systegraveme de notation retenu par lrsquoarmeacutee surprend en ce qursquoil se fonde sur des repreacutesentations invalideacutees depuis plusieurs anneacutees et contraires aux recommanda-tions meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles Au regard de la distinction opeacutereacutee ici sur la prise ou non de traitements les coefficients donneacutes en conseacutequence nrsquoont pas de sens Plus globalement lrsquoensemble du reacutefeacuterentiel proposeacute est largement inadapteacute et principalement au regard des eacuteleacutements sur lesquels il se base Il serait plus pertinent drsquoappreacutecier lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de la personne au regard de lrsquoeacutevolution de sa charge virale dans le temps et son eacutetat de santeacute

233 Un couperet qui concerne toutes les forces armeacutees et les formations affeacuterentesLes conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants de la marine nationale et pour la souscription drsquoun contrat au titre de la marine nationale exigent donc a minima un eacutetat geacuteneacuteral de santeacute corres-pondant agrave G 2 La seacuteropositiviteacute au VIH impliquant un coefficient minimum de 3 exclut donc de fait lrsquoensemble des candidat-e-s seacuteropositifs-ves Cette exclusion va cependant beaucoup plus loin que ce seul corps drsquoarmeacutee sont eacutega-lement concerneacutees lrsquoarmeacutee de terre et lrsquoarmeacutee de lrsquoair Alors qursquoen France plus de 79 des PVVIH sont sous traitement crsquoest une tregraves large majoriteacute drsquoentre elles qui se voient attribuer le coefficient G 4 et donc lrsquoinaptitude deacuteclareacutee pour tout entraicircnement physique au combat lrsquoaffectation srsquoen trouvant limiteacutee agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Cette note exclue aussi les personnes drsquoun nombre consideacuterable de formations mili-taires dont lrsquoEacutecole polytechnique comme illustreacute par la circulaire ndeg 273424DEFRH-ATFFSSLM relative agrave lrsquoadmission en classes preacuteparatoires agrave lrsquoenseignement supeacuterieur et en classes preacuteparatoires aux grandes eacutecoles des lyceacutees de la Deacutefense rele-vant de lrsquoarmeacutee de terre pour lrsquoanneacutee scolaire 2015-2016 Le Sigycop des eacutecoles militaires correspond au Sigycop minimal pour inteacutegrer les diffeacute-rents corps (tableau 4)

eacutecoles S I G Y C O P textes de reacutefeacuterence

Eacutecole polytechnique 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483 2

Instruction ndeg 13074 DEF DPAG du 27 deacutecembre 1982 modifieacutee (BOC p 5317 BOEM 620-4141 81421)

Eacutecole speacuteciale militaire de Saint-Cyr (scientifique litteacuteraire sciences eacuteconomiques et sociales)

2 2 2 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 23 deacutecembre 2009 (JO ndeg 22 du 27 janvier 2010 texte ndeg 12 BOC 7 2010 BOEM 311-022 77011)Instruction ndeg 812DEFRH-ATPRHLEG du 15 septembre 2014 (BOC ndeg 50 du 10 octobre 2014 texte 18 BOEM 31221 620-4121)

Eacutecole navale 2 2 2 5 1010483 20

ou 1010481

Arrecircteacute du 21 mai 2012 (JO ndeg 136 du 13 juin 2012 texte ndeg 20 signaleacute au BOC 362012 BOEM 3212)

Instruction ndeg 102DEFEMMRHPRH du 5 deacutecembre 2011 modifieacute (BOC ndeg 5 du 27 janvier 2012 texte 10 BOEM 32615 620-4162)

Eacutecole de lrsquoair 2 2 2 5 2 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 27 juillet 2011 modifieacute (JO ndeg 184 du 10 aoucirct 2011 texte ndeg 1 signaleacute au BOC 442011 BOEM 76812)

Eacutecole nationale supeacuterieure de techniques avanceacutees 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483

0 ou 1010481

Arrecircteacute du 18 janvier 2011 modifieacute (JO ndeg122 du 26 mai 2011 texte ndeg 4 signaleacute au BOC 292011 BOEM 8106)

Eacutecole nationale supeacuterieure des ingeacutenieurs de lrsquoinfrastructure militaire

1010483 1010483 1010483 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 26 avril 2012 (JO ndeg 108 du 8 mai 2012 texte ndeg 30 signaleacute au BOC 332012 BOEM 50833)

Tableau 4 ndash Sigycop minimal requis pour les eacutecoles militaires 4

Le Code de lrsquoaviation civile est le seul code dont lrsquoassocia-tion ait connaissance qui exclut directement les PVVIH laquo La positiviteacute au VIH est cause drsquoinaptitude raquo Celle-ci vaut pour les pilotes ou les controcircleurs aeacuteriens Cepen-dant cette inaptitude ne se veut pas systeacutematique ce code preacutevoit une possible reconnaissance de lrsquoaptitude au cas par cas sous certaines conditions Lrsquoarrecircteacute du 16 mai 2008 relatif aux critegraveres et condi-tions de deacutelivrance des attestations drsquoaptitude meacutedicale neacutecessaires pour assurer les services du controcircle de la circulation aeacuterienne preacutecise ainsi qursquolaquo un candidat preacute-sentant une infection VIH comportant des symptocircmes drsquoaffection eacutevolutive telle que le sida une lymphadeacuteno-pathie chronique lieacutee au VIH ou une atteinte du systegraveme nerveux central doit ecirctre deacuteclareacute inapte Toutefois la deacuteclaration drsquoaptitude peut ecirctre envisageacutee au renouvel-lement et agrave la revalidation pour les individus preacutesentant une reacuteaction positive asymptomatique pour le VIH raquo De mecircme pour les pilotes lrsquoaptitude peut ecirctre accordeacutee sous certaines conditions et sous reacuteserve de controcircles freacutequents laquo la survenue drsquoun sida ou du complexe appa-renteacute au sida [devient alors] cause drsquoinaptitude raquo

Enfin concernant le personnel navigant lrsquoarrecircteacute de 2007 relatif aux conditions drsquoaptitude physique preacutecise que le laquo personnel navigant commercial doit ecirctre exempt de toute affection chronique eacutevolutive raquo avant de compleacute-ter laquo Une aptitude par deacuterogation peut ecirctre demandeacutee au conseil meacutedical de lrsquoaeacuteronautique civile qui juge en fonction des reacutesultats des examens cliniques et biolo-giques de lrsquointeacuteresseacute montrant un eacutetat de lrsquoaffection compatible avec le service aeacuterien et le cas eacutecheacuteant une bonne toleacuterance au traitement raquoLes textes de lrsquoaviation civile se distinguent en ce sens que srsquoil exclut a priori le critegravere drsquoaptitude ne reacuteside pas dans la seacuteropositiviteacute en tant que telle mais sur lrsquoeacutetat de santeacute geacuteneacuteral Ils reacutesultent il faut le souligner de mobi-lisations et contentieux 3 agrave lrsquoencontre des dispositions preacuteceacutedemment en vigueur en particulier lrsquoarrecircteacute minis-teacuteriel du 5 juillet 1984 qui preacutevoyait que laquo les affections eacutevolutives susceptibles de conduire agrave une inaptitude ulteacuterieure sont eacuteliminatoires raquo

3 Notamment la Deacutelibeacuteration de la Halde du 6 feacutevrier 2006 et lrsquoarrecirct du Conseil drsquoEacutetat du 28 juin 2006 4 httpwwwformationterredefensegouvfrPJDocumentsDecouverteODFLyceesDocuments20141203_DEF_RH-AT_F_FS_SLM_Circulaire_273424_admission_CPES_CPGEpdf

Lrsquoaviation civile lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute plutocirct que la seacuteropositiviteacute

18 19PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Les discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et international Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacute

Cette mecircme exclusion des PVVIH existe aussi dans la gendarmerie nationale Sachant que dans la gendarmerie nationale lrsquoinaptitude est prononceacutee pour les candidats seacutero-positifs en qualiteacute de musicien choriste ou agent technique et administratif le carac-tegravere discriminatoire et disproportionneacute des classifications pour inaptitude est illustreacute sans que drsquoautres commentaires soient utiles (tableau 5)Dans le cadre de la reacutedaction de ce rapport AIDES nrsquoa pas pu encore recenser de maniegravere exhaustive les corps desquels les PVVIH seraient exclues agrave raison de leur eacutetat de santeacute La question que AIDES pose en revanche est celle des postes et corps ouverts aux personnes seacuteropositives la liste est certainement plus limiteacuteehellip Lrsquoassociation sou-haite pour lrsquoheure mettre en lumiegravere une exclusion une discrimination structurelle touchant agrave toutes les forces armeacutees et lieacutee agrave un reacutefeacuterentiel inadapteacute anachronique eacutechappant aux donneacutees scientifiques et meacutedicales contemporaines

Remarque en 2015 les forces armeacutees comptent 207 689 postes (120 031 pour lrsquoarmeacutee de terre 38 874 pour la marine nationale 48 784 pour lrsquoarmeacutee de lrsquoair) 5 Lrsquoeffectif de la gendarmerie nationale srsquoeacutelegraveve agrave 98 115 personnes 6 la police nationale agrave 144 858 7 et les sapeurs-pompiers agrave 244 900 8 Une part importante de ces postes est fermeacutee aux PVVIH

234 Police nationale sapeurs-pompiers une exclusion qui deacutepasse largement le champ de lrsquoarmeacutee

Srsquoil a une vocation militaire le profil meacutedical Sigycop srsquoapplique et creacutee des exclusions systeacutematiques de PVVIH dans de nombreux autres emplois publics Ainsi lrsquoexclusion constateacutee pour lrsquoarmeacutee sur la base des coefficients G 3 et G 4 se retrouve dans drsquoautres secteurs notamment la police nationale En effet depuis une tregraves reacutecente modification de lrsquoarrecircteacute du 2 aoucirct 2010 relatif aux conditions drsquoaptitudes physiques particuliegraveres pour lrsquoaccegraves aux emplois de certains corps de fonctionnaires par un arrecircteacute du 10 juin 2015 le profil G 2 exclut lrsquoensemble des PVVIH de la police nationale (tableau 6)

De mecircme lrsquoarrecircteacute du 6 mai 2000 fixant les conditions drsquoaptitude meacutedicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions drsquoexercice de la meacutede-cine professionnelle et preacuteventive au sein des services deacutepartementaux drsquoincendie et de secours deacutefinit diffeacuterents profils Les PVVIH sous traitement ne sont eacuteligibles qursquoau profil E qui correspond agrave une activiteacute non opeacuterationnelle voire un reclassement dans un autre corps cadre drsquoemplois ou emploi Ces discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et interna-tional Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacutePour chaque cas ayant eacuteteacute rapporteacute agrave AIDES lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour mieux documenter les situations des personnes ainsi que les implications collectives Lrsquoas-sociation a systeacutematiquement alerteacute les autoriteacutes concerneacutees afin de travailler avec elles agrave une eacutevolution des textes AIDES a aussi saisi le Deacutefenseur des droits agrave lrsquoautomne 2015 dans le cadre de sa mission constitutionnelle de laquo veille au respect des droits et liberteacutes raquoAIDES ne preacutetend pas avoir identifieacute toutes les exclusions seacuterophobes existantes Si des personnes ont connaissance de situations similaires elles sont inviteacutees agrave contacter les associations qui les aideront agrave saisir le Deacutefenseur des droits

corps statut drsquoappartenance

ou formation concerneacuteeprofil meacutedical requis

Officier de gendarmerie (OG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale candidat au cycle de formation donnant accegraves au grade drsquoaspirant (AGIV)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Officier du corps technique et administratif de la gendarmerie nationale (OCTAGN)

S I G Y C O P

1010483 1010483 1010483 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie (SOG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave exercer les attributions drsquoagent de police judiciaire adjoint (GAV APJA)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Sous-officier du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (CSTAGN) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave occuper un emploi particulier (GAV EP)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie recruteacute pour servir en qualiteacute de musicien de lrsquoorchestre ou de choriste de la garde reacutepublicaine

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010483 1010485 1010484 10104820

ou 1010481

Tableau 5 ndash Sigycop minimal pour la gendarmerie nationale

5 Chiffres cleacutes de la Deacutefense eacutedition 2015 6 httpwwwgendarmerieinterieurgouvfrNotre-InstitutionNos-moyensEffectifs 7 httpwwwladocumentationfrancaisefrvarstoragerapports-publics134000185pdf 8 httpwwwpompiersfraccueilles-sapeurs--pompiersles-statistiques

20 21

Tableau 6 ndash Sigycop minimal requis pour les fonctionnaires actifs de la police nationale

S I G Y C O P

1010482 1010482 1010482 1010483 1010482 1010482 1010482

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2LE droIT Agrave LA SANTEacute   ET LE PrINcIPE   

drsquoEacutegALITEacute dE TrAITEmENT

Le droit agrave la protection de la santeacuteLa loi relative aux droits des personnes malades et agrave la qualiteacute du systegraveme de santeacute du 4 mars 2002 dite laquo loi Kouchner raquo reacuteaffirme degraves lrsquoexposeacute des motifs le droit agrave la pro-tection de la santeacute comme un droit agrave valeur constitutionnelle reconnu par lrsquoalineacutea 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 laquo La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les conditions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacute-rielle le repos et les loisirs raquo Ce droit a eacuteteacute consacreacute par plusieurs deacutecisions du Conseil constitutionnel (notamment CC 23 juillet 1999 ndeg 99-416) Le droit agrave la protection de la santeacute est eacutegalement garanti par des textes internationaux ratifieacutes par la France Il lrsquoest indirectement par lrsquoarticle 3 de la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales interdisant la tor-ture et les traitements inhumains ou deacutegradants et par lrsquoarticle 8 de ladite Convention proteacutegeant le droit agrave la vie priveacutee et familiale Ce droit est aussi proteacutegeacute directement par la Charte de lrsquoOrganisation mondiale de la Santeacute du 27 juillet 1946 laquo La possession du meilleur eacutetat de santeacute qursquoil est capable drsquoatteindre constitue lrsquoun des droits fondamen-taux de tout ecirctre humain quelles que soient sa race sa religion ses opinions politiques sa conduite eacuteconomique raquoSur ces bases lrsquoarticle 1 de la loi de 2002 introduit un droit agrave la protection de la santeacute en faveur de toute personne sans discrimination laquo La mise en œuvre de ce droit passe par le deacuteveloppement de la preacutevention lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins les plus approprieacutes agrave son eacutetat de santeacute la continuiteacute des soins la seacutecuriteacute sanitaire raquo

Extraits du Code de santeacute publique

article l1110-1 Le droit fondamental agrave la protection de la santeacute doit ecirctre mis en œuvre par tous moyens disponibles au beacuteneacutefice de toute personne Les professionnels les eacutetablissements et reacuteseaux de santeacute les organismes drsquoassurance maladie ou tous autres organismes par-ticipant agrave la preacutevention et aux soins et les autoriteacutes sanitaires contribuent avec les usagers agrave deacutevelopper la preacutevention garantir lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins neacutecessiteacutes par son eacutetat de santeacute et assurer la continuiteacute des soins et la meilleure seacutecu-riteacute sanitaire possible

article l1110-3 Aucune personne ne peut faire lrsquoobjet de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention ou aux soins

article l1110-5 Toute personne a compte tenu de son eacutetat de santeacute et de lrsquourgence des interventions que celui-ci requiert le droit de recevoir les soins les plus approprieacutes et de beacuteneacuteficier des theacuterapeutiques dont lrsquoefficaciteacute est reconnue et qui garantissent la meilleure seacutecuriteacute sanitaire au regard des connaissances meacutedicales aveacutereacutees Les actes de preacutevention drsquoin-vestigation ou de soins ne doivent pas en lrsquoeacutetat des connaissances meacutedicales lui faire courir de risques disproportionneacutes par rapport au beacuteneacutefice escompteacute

article l1411-1-1 Lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins des populations fragiliseacutees constitue un objectif prioritaire de la politique de santeacuteLes programmes de santeacute publique mis en œuvre par lrsquoEacutetat ainsi que par les collectiviteacutes territoriales et les organismes drsquoassurance maladie prennent en compte les difficulteacutes speacutecifiques des populations fragiliseacutees

25

DROIT APPLICABLE

rEFUS dE SoINS

Le droit agrave la santeacute et le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement bien que proteacutegeacutes par des textes agrave valeurs constitutionnelle et internationale peinent parfois agrave trouver une traduction effective Dans le champ du VIH sida et des heacutepatites virales les exemples sont leacutegions Sans preacutetendre agrave lrsquoexhaustiviteacute AIDES retient pour 2015 trois expressions drsquoatteintes agrave ces droits fondamentaux Drsquoabord des personnes seacuteropositives au VIH sont confronteacutees agrave des refus de soins en raison de leur statut seacuterologique Ensuite des personnes infecteacutees par le virus de lrsquoheacutepatite C sont eacutecarteacutees de lrsquoaccegraves aux nouveaux traitements innovants Enfin les personnes mineures ne peuvent acceacuteder agrave tous les moyens de preacutevention et de deacutepistage disponibles actuellement Ces sujets constituent les trois axes de ce chapitre

Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de comparer les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique

Bien que lrsquoaccegraves aux soins sans discrimination soit garanti par des dispositions leacutegales sans ambiguiumlteacute dans les faits des entraves existent Lrsquoexistence mecircme des refus de soins ne fait pas consensus la plupart des professionnel-le-s de santeacute tendant agrave nier ou au moins agrave minimiser le pheacutenomegravene que les personnes concerneacutees rapportent pourtant de maniegravere reacutecurrente Le deacuteficit drsquoeacutetudes officielles ne permet pas drsquoen objectiver la nature et lrsquoampleur En France seules quelques enquecirctes meneacutees par des associations et des institutions documentent ces pheacutenomegravenes mais essentiel-lement cibleacutees sur des motivations drsquoordre social Il srsquoagit drsquoeacutetudes concernant des beacuteneacuteficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) de la CMU compleacutementaire (CMU-C) de lrsquoaide meacutedicale drsquoEacutetat (AME) et de lrsquoaide agrave lrsquoacquisition drsquoune compleacute-mentaire santeacute (ACS) 11 Les discriminations dans le champ meacutedical agrave lrsquoencontre des PVVIH sont notamment documenteacutees par Sida Info Service qui a meneacute cinq enquecirctes agrave ce sujet et agrave travers les enquecirctes ANRS-VespaPourtant des cas reacutecurrents de refus de soins ou de discriminations sont rappor-teacutes par des PVVIH Ils concernent principalement lrsquoaccegraves agrave des soins dentaires ou gyneacutecologiques dans un contexte ougrave les mesures de preacutecaution standard drsquohygiegravene ont eacuteteacute maintes fois rappeleacutees par diverses instances publiques scientifiques et professionnellesAfin drsquoobjectiver ces refus trop souvent minimiseacutes AIDES a meneacute un testing en avril 2015 agrave lrsquooccasion de deacutebats autour du projet de loi de modernisation de notre sys-tegraveme de santeacute susceptible de renforcer les moyens de lutte contre les refus de soins Cette enquecircte vise agrave saisir lrsquoampleur et documenter les refus de soins laquo sur le vif raquo agrave lrsquoencontre des PVVIH

11 MEacuteThODOLOGIE

111 qursquoest-ce qursquoun testing Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de com-parer toutes choses eacutegales par ailleurs les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique Si lrsquoune des personnes est traiteacutee diffeacuteremment de lrsquoautre alors cette diffeacuterence est imputeacutee agrave lrsquounique caracteacuteristique qui les distingue

112 Le protocole drsquoenquecircteAfin de parvenir agrave eacutetablir lrsquoexistence de traitements discriminatoires dans lrsquoaccegraves aux soins dentaires ou gyneacutecologiques des PVVIH AIDES a recouru agrave une opeacuteration de tes-ting srsquoappuyant sur lrsquoobservation de prises de rendez-vous teacuteleacutephoniques

Les testeur-se-sLes appels teacuteleacutephoniques sont reacutealiseacutes par 44 testeur-se-s tous militant-e-s de AIDES Chaque testeur-se doit jouer un personnage en srsquoappuyant sur une identiteacute fictive qui se reacutepartit selon quatre profils

Hommefemme Seacuteropositif-ve au VIH ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH

Les diffeacuterentes lois sur la santeacute rarement remises en causes se sont depuis inscrites dans la continuiteacute Elles positionnent le droit agrave la santeacute pour tous et toutes comme une finaliteacute des politiques de santeacute jusqursquoau dernier projet de loi preacutesenteacute par Marisol Touraine ministre des Affaires sociales de la Santeacute et des Droits des femmes qui rap-pelle dans la version initiale de lrsquoarticle 1er laquo Elle [la politique de santeacute] tend agrave assurer la promotion de conditions de vie favorables agrave la santeacute lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute de la population la reacuteduction des ineacutegaliteacutes sociales et territoriales de santeacute et agrave garantir la meilleure seacutecuriteacute sanitaire possible et lrsquoaccegraves effectif de la population agrave la preacutevention et aux soins raquo 9

Les dispositions speacutecifiques aux refus de soinsLe droit agrave la santeacute est un eacuteleacutement fondamental des droits de lrsquohomme Si les textes qui rappellent ce principe sont nombreux il reste que ce droit nrsquoest pas acquis pour tous et toutes en particulier pour les personnes en situation de vulneacuterabiliteacute Au-delagrave des dif-ficulteacutes drsquoaccegraves aux soins les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) peuvent ecirctre expo-seacutees agrave des pratiques illeacutegales de refus de soins qui portent atteinte au droit agrave la santeacute Mecircme si les refus de soins ne sont pas geacuteneacuteraliseacutes les reacutesultats de nombreux testing montrent leur reacutecurrence Le droit actuel permet-il de lutter efficacement contre ces pratiques illeacutegales les reacuteponses juridiques sont-elles suffisantes Lrsquoencadrement juri-dique des refus de soins est eacuteclateacute entre Code peacutenal Code de la santeacute publique Code de la consommation et Code de deacuteontologie meacutedicale ce qui ne rend pas visible cet enjeuLe rapport du Deacutefenseur des droits remis au Premier Ministre en mars 2014 sur laquo Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME raquo a permis de montrer lrsquoinefficaciteacute de lrsquoencadrement juridique actuel La loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (HPST) a mis en place une proceacutedure particuliegravere de signalement des refus de soins complexe et peu effective instances compeacutetentes et modaliteacutes de saisines multiples difficulteacutes des usager-e-s agrave faire valoir leurs droits rareteacute des signalements et manque de mobilisation des ins-tances en charge du traitement des signalements Crsquoest pourquoi il est neacutecessaire de renforcer les droits des patient-e-s pour une meilleure connaissance des lois et voies de recours existants de mettre en œuvre un accompagnement des victimes dans le cadre des proceacutedures de conciliation ou les recours en justice et de mieux qualifier les refus de soins illeacutegaux pour en faciliter lrsquoidentification

Exemple de deacutecision du Deacutefenseur des droits Le Deacutefenseur a eacuteteacute saisi drsquoune reacuteclamation relative au refus de proceacuteder agrave lrsquoextraction de dents de sagesse en raison de la seacuteropositiviteacute de la patiente Celle-ci pensant que le chirurgien accegravederait agrave son dossier informatique de suivi au sein du mecircme hocircpital nrsquoa pas indiqueacute sa maladie lors de la consultation preacuteopeacuteratoire Apregraves avoir appris la seacuteropositiviteacute de la reacuteclamante le mis en cause a annuleacute lrsquoopeacuteration preacutevue en propo-sant une date trois mois plus tard inacceptable pour cette derniegravere Afin de justifier le refus des soins le mis en cause a invoqueacute lrsquoapplication drsquoun protocole speacutecifique pour la prise en charge drsquoun patient seacuteropositif Lrsquohocircpital dans lequel exerccedilait le mis en cause a deacutementi lrsquoexistence drsquoun tel protocole Dans le cadre de cette deacutecision le Deacutefenseur des droits a donc recommandeacute la mise en œuvre de sanctions disciplinaires agrave lrsquoeacutegard du meacutedecin et a informeacute de sa deacutecision le ministegravere de la Santeacute le conseil national de lrsquoordre des chirurgiens-dentistes ainsi que le conseil deacutepartemental de lrsquoordre des meacutedecinsDeacutecision MLD-2011-94 du 13 janvier 2012 10

1 UN TESTINg PoUr objEcTIVEr  

LES rEFUS dE SoINS mdash

9 Au moment de la reacutedaction de ce rapport la reacutedaction deacutefinitive de lrsquoarticle 1er nrsquoest pas connue 10 httpwwwdefenseurdesdroitsfrfractionsprotection-des-droits-libertesdecisiondecision-mld-2011-94-du-13-janvier-2012-

relative-un

11 MEacuteDECINS DU MONDE Testing sur les refus de soins des meacutedecins geacuteneacuteralistes pour les beacuteneacuteficiaires de la Couverture Maladie Universelle ou de lrsquoAide Meacutedicale Eacutetat dans 10 villes de France 2006 DEacuteFENSEUR DES DROITS Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME 2014 FONDS CMU-DIES Analyse des attitudes de meacutedecins et de dentistes agrave lrsquoeacutegard des patients beacuteneacuteficiant de la CMUC dans 6 villes du Val-de-Marne 2006 FONDS CMU-IRDES Les refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMUC agrave Paris 2009 FONDS CMU-IRDES Analyse territoriale des obstacles agrave lrsquoaccegraves aux soins des beacuteneacuteficiaires de la CMUC dans les deacutepartements de lrsquoOrne et de la Niegravevre 2012 CISS Droits des malades Refus de soins aux beacuteneacuteficiaires de la CMUC de lrsquoAME et de lrsquoACS 2015

26 27PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Rouen

Evreux

Pontoise

Chacircteauroux

ParisStrasbourg

Auxerre

Dijon

Lyon

Marseille

Gap

Clermont-ferrandPuy-en-Velay

Toulouse

Niort

Angoulegraveme

Cahors

Bourg-en-Bresse

Tours

Colmar

Lrsquoeacutechantillon repreacutesentatif de lrsquoeacutetude comprend 100766810076680 cabinets dentaires et 100766510076691007668 cabinets de gyneacutecologie

Le sceacutenarioUn mecircme cabinet dentaire ou de gyneacutecologie est appeleacute deux fois pour une prise de rendez-vous par deux testeur-se-s diffeacuterent-e-s qui ont des caracteacuteristiques sociodeacute-mographiques similaires Les prises de rendez-vous gyneacutecologiques sont effectueacutees uniquement par des femmes Dans le premier cas le-la testeur-se annonce sa seacutero-positiviteacute au VIH dans le second cas lrsquoautre testeur-se ne dit rien Seule la mention du statut seacuterologique diffeacuterencie ces deux personnes Un script eacutetabli en concertation avec des militant-e-s des PVVIH et des professionnel-le-s de santeacute (meacutedecins speacutecia-listes en chirurgie dentaire en gyneacutecologie et de santeacute publique) reacuteuni-e-s au sein drsquoun groupe de pilotage a permis drsquoeacutetablir

Une feuille de route pour chaque testeur-se proposant des reacuteponses concregravetes aux eacuteventuelles questions que pourrait susciter la demande de rendez-vous (iden-titeacute motifs de la demande orientations adresse teacuteleacutephone numeacutero de seacutecuriteacute sociale etc)

La conduite agrave tenir en cas de mise en attente ou drsquoheacutesitations agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute

Le choix du motif de la consultation deacutetartrage ou frottis Il est important de choisir un acte meacutedical susceptible de provoquer des saignements mais simple ne justifiant pas une orientation vers un-e meacutedecin speacutecialiste ou vers un service drsquourgences et ou un plateau technique particulier

Les eacutechanges teacuteleacutephoniques sont enregistreacutes leur contenu est retranscrit dans une base de donneacutees pour recueillir de faccedilon standardiseacutee les reacuteponses apporteacutees par les praticien-ne-s Des seacuteances de deacutebriefing ainsi qursquoun guide meacutethodologique sont mis agrave disposition des testeur-se-s

Remarque lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute au VIH drsquoembleacutee lors de la prise de ren-dez-vous est justifieacutee par les teacutemoignages de certaines PVVIH qui trop souvent expo-seacutees agrave la stigmatisation et la discrimination de la part de professionnel-le-s de santeacute preacutefegraverent eacuteviter un refus frontal de la ou du meacutedecin dans son cabinet Elle est eacutegale-ment approuveacutee par les professionnel-le-s de santeacute du groupe de pilotage au regard de leur expeacuterience

Constitution de lrsquoeacutechantillon geacuteographiqueLa meacutethodologie de lrsquoenquecircte srsquoappuie sur une technique drsquoeacutechantillonnage aleacuteatoire de maniegravere agrave garantir une seacutelection repreacutesentative des chirurgiens-dentistes et des gyneacutecologues en France Afin de deacutefinir les villes dans lesquelles est reacutealiseacutee lrsquoeacutetude plusieurs eacutetapes sont retenues

Un classement des reacutegions en fonction de leur incidence au VIH (faible moyenne eacuteleveacutee)

Une seacutelection de trois reacutegions par niveau drsquoincidence Une identification pour chaque reacutegion seacutelectionneacutee drsquoun deacutepartement agrave haute densiteacute meacutedicale et drsquoun deacutepartement agrave faible densiteacute meacutedicale pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Un choix des chefs-lieux de chacun de ces deacutepartements comme ville pour effectuer lrsquoenquecircte

Pour les trois plus grandes villes de France (Paris Lyon Marseille) un deacutecoupage par arrondissement selon le niveau de richesse (eacuteleveacute moyen faible) est reacutealiseacute Au total 20 villes sont seacutelectionneacutees La base de sondage est reacutealiseacutee agrave partir de plusieurs sources de donneacutees lrsquoInstitut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques (Insee) pour le nombre drsquohabi-tants lrsquoInstitut de veille sanitaire (InVS) pour lrsquoincidence du VIH lrsquoObservatoire natio-nal de la deacutemographie des professions de santeacute et lrsquoAtlas de la deacutemographie meacutedicale en France pour la densiteacute meacutedicale deacutepartementale respectivement pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Constitution de lrsquoeacutechantillon meacutedicalLe testing vise les seul-e-s speacutecialistes secteurs 1 et 2 chirurgiens-dentistes et gyneacuteco-logues Ainsi deux bases de sondage sont reacutealiseacutees

Lrsquoune agrave partir de lrsquoensemble des chirurgiens-dentistes conventionneacute-e-s pour les soins dentaires classiques preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Lrsquoautre agrave partir de lrsquoensemble des gyneacutecologues conventionneacute-e-s avec les speacuteciali-teacutes meacutedicale etou obsteacutetrique preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Pour lrsquoensemble des secteurs geacuteographiques 2 297 chirurgiens-dentistes et 290 gyneacute-cologues sont recenseacute-e-s Afin de creacuteer un eacutechantillon repreacutesentatif de ces professions 30 des chirurgiens-dentistes et 60 des gyneacutecologues sont tireacute-e-s au sort agrave lrsquoaide drsquoun programme de tri aleacuteatoire

Moins de 45 000 habitants

45 000 agrave 200 000 habitants

Plus de 200 000 habitants

les 20 villes selectionneacutees

pour le testing aupregraves des cabinets

dentaires et gyneacutecologiques

29PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 1

laquo Pour vous ce sera 21h raquo laquo Je ne prends pas de nouveaux patients raquo

laquo Eh bien on mettra deux paires de gants raquo

laquo Vous me remplirez un questionnaire meacutedical avant le rdv raquo

laquo Je le note dans le carnet de rdv raquo

laquo Les gens comme voushellip raquo

laquo Je nrsquoai pas le mateacuteriel adapteacute raquo

laquo Ok mais vous viendrez avec toutes vos analyses raquo

laquo Je ne pratique pas le deacutetartrage raquo

laquo Le deacutetartrage crsquoest 150 euros raquo

laquo Vous serez mieux soigneacute agrave lrsquohocircpital raquo

laquo Je nrsquoai pas eacuteteacute formeacute au vih raquo

laquo Heuhellip veuillez patienter raquo

Bonjour je souhaite un rendez-vous

pour un deacutetartrage et je suis seacuteropo

la face cacheacutee des refus

de soins chez les dentistes

envers les personnes vih+

Florilegravege des verbatims des cabinets dentaires agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute par ordre de citation

Le motif le plus souvent invoqueacute par les cabinets dentaires est celui des ameacutenagements ou des horaires speacutecifiques requis pour les personnes seacuteropositives Vient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute

Peacuteriode drsquoenquecircteLe testing est reacutealiseacute sur une peacuteriode courte du 7 au 10 avril 2015 pour garantir la confi-dentialiteacute de lrsquoopeacuteration et assurer un environnement comparable entre les diffeacuterents appels (actualiteacute meacutediatique et politique etc) Une fois la semaine de testing passeacutee les rendez-vous pris sont annuleacutes afin de ne pas peacutenaliser les laquo vrais raquo malades et les meacutedecins dans la gestion des rendez-vous meacutedicaux

Eacutechantillon finalParmi les 570 cabinets dentaires et les 154 cabinets de gyneacutecologie contacteacutes par teacuteleacute-phone durant la peacuteriode drsquoenquecircte pour une prise de rendez-vous un certain nombre sont exclus en raison de non-reacuteponses aux appels de non-conformiteacute de la speacutecialiteacute de fermeture ou de congeacutes Lrsquoeffectif final des praticien-ne-s retenu-e-s srsquoeacutelegraveve agrave 440 pour les chirurgiens-dentistes et 116 pour les gyneacutecologues Lors des appels il est pos-sible de relever la fonction des reacutepondant-e-s dans la majoriteacute des cas (praticien-ne-s ou secreacutetaires meacutedicaux-ales) Ainsi les interlocuteur-trice-s dans les cabinets dentaires sont des secreacutetaires meacutedicaux-les dans 764 des cas (n=336) et des chirurgiens-den-tistes dans 193 des cas (n=85) Pour les cabinets de gyneacutecologie la reacutepartition eacutetait de 802 de secreacutetaires meacutedicaux-les (n=93) et 78 de gyneacutecologues (n=9)

113 Limites de lrsquoeacutetudeCette opeacuteration de testing comporte des limites qui sont autant de pistes pour ameacutelio-rer encore ce type drsquoenquecirctes et leur donner un cadre leacutegalLa premiegravere limite tient agrave la classification a posteriori des motifs des refus de soins En effet la liste exhaustive des motifs de refus ainsi que la combinaison de plusieurs motifs eacutetaient difficiles agrave anticiper La deuxiegraveme limite concerne la perception des testeur-se-s quant aux reacuteponses four-nies par les dentistesgyneacutecologues Ainsi la notion de subjectiviteacute permise par la non-cateacutegorisation a priori des reacuteponses a probablement induit une sous-deacuteclaration de certains refus Les retours drsquoexpeacuteriences des PVVIH qui pointent des refus frontaux dans les cabinets des praticien-ne-s apregraves un rendez-vous fixeacute preacutealablement au teacuteleacute-phone laissent augurer eacutegalement drsquoune sous-eacutevaluation de ces pratiquesLa troisiegraveme limite est celle du champ de lrsquoenquecircte Seule la seacuteropositiviteacute au VIH a eacuteteacute testeacutee il est pourtant neacutecessaire drsquoeacutetendre aux personnes vivant avec une heacutepatite virale chronique ou co-infecteacutees par le VIH et les heacutepatites virales De plus les repreacutesen-tations sociales eacuteconomiques et morales associeacutees agrave la pathologie VIH (CMU ou AME preacutecariteacute pratiques sexuelles usages de drogues etc) peuvent geacuteneacuterer des cumuls de motifs de refusEt enfin la taille de lrsquoeacutechantillon des professionnel-le-s ne permet pas de reacutealiser des analyses statistiques pousseacutees notamment par ville et de conclure agrave drsquoeacuteventuelles dynamiques locales de discrimination

12 DES REacuteSULTATS ACCABLANTS

Parmi les reacuteponses des chirurgiens-dentistes et de leur secreacutetariat meacutedical agrave lrsquoan-nonce de la seacuteropositiviteacute le motif le plus souvent invoqueacute est celui des ameacutena-gements ou des horaires speacutecifiques qui seraient requis soit eacutenonceacutes comme tels soit mis en eacutevidence par comparaison des reacuteponses faites aux personnes supposeacutees seacuteroneacutegatives Il est important de rappeler que le Haut conseil de la santeacute publique a publieacute en 2007 un avis laquo ne recommandant pas lrsquoinstauration drsquoun ordre de pas-sage pour tout patient porteur des virus VHC VHB ou VIH lors drsquoactes invasifs meacutedico-chirurgicaux En revanche il considegravere comme une prioriteacute lrsquoapplication des preacutecautions standard et le respect des mesures de preacutevention (hellip) raquo LrsquoOrdre natio-nal des chirurgiens-dentistes a drsquoailleurs redit lors de la parution de ce testing que laquo les patients doivent tous beacuteneacuteficier drsquoune mecircme chaicircne de deacutecontamination et de steacuterilisation raquoVient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute surcharge de travail pas de nou-veaux-elles patient-e-s deacutelais de rendez-vous trop importants etc non eacutevoqueacutee pour les testeur-se-s nrsquoannonccedilant pas de seacuteropositiviteacute au VIHPour les gyneacutecologues ou leur secreacutetariat meacutedical les testeuses seacuteropositives sont accepteacutees sous reacuteserve de la preacutesentation de leur dossier meacutedical et du rappel de la pathologie au moment de la consultation Lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute est aussi avanceacute agrave plusieurs reprises Tous ces motifs sont ensuite cateacutegoriseacutes

Figure 2

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS30

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins

121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou de discriminationsUne cateacutegorisation est opeacutereacutee en fonction des dispositions juridiques existantes Les dispositions leacutegales eacutetant tregraves geacuteneacuterales et impreacutecises crsquoest la reacutefeacuterence agrave la circu-laire CNAMTS CIR-332008 relative aux refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMU-C qui a eacuteteacute retenue Ce texte donne une deacutefinition concregravete des refus de soins incluant laquo la fixation tardive inhabituelle et abusive drsquoun rendez-vous lrsquoorien-tation reacutepeacuteteacutee et abusive vers un autre confregravere lrsquoattitude et le comportement dis-criminatoire du professionnel de santeacute etc raquo Certains praticien-ne-s ont pu eacutevoquer plusieurs motifsAinsi des refus de soins directs ou deacuteguiseacutes et des traitements diffeacuterentiels non fon-deacutes sont constateacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH lors drsquoune demande de rendez-vous pour un deacutetartrage ou un frottisParmi les refus de soins on distingue deux cateacutegories Les refus directs Il srsquoagit de refus directement imputables au VIH annonceacutes comme tels ou sous couvert drsquoune autre raison non formuleacutee aupregraves de la personne supposeacutee seacuteroneacutegative Les refus deacuteguiseacutes Il srsquoagit de refus dont les preacutetextes avanceacutes sont douteux et contraires au Code de deacuteontologie meacutedicale Ils peuvent ecirctre cateacutegoriseacutes en deux types de refus

Les strateacutegies de deacutecouragement horaires contraignants deacutepassements drsquohono-raires assurance de la solvabiliteacute financiegravere etc

Les reacuteorientations vers des confregraveres ou des services hospitaliers sous preacutetexte drsquoun manque de connaissance de la pathologie et de sa prise en charge de mateacute-riel non adapteacute ou la dangerositeacute des soins qui suggegraverent une meilleure prise en charge laquo ailleurs raquo

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins (voir page 25) Ces dispariteacutes de traitement sont soit annonceacutees de maniegravere explicite lors de la prise de rendez-vous soit mises en eacutevidence par la confrontation des reacuteponses faites au-agrave la testeur-se seacuteropositif-ve au VIH et agrave son binocircme ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH On distingue trois cateacutegories

La meacuteconnaissance de la pathologie qui aboutit agrave de mauvaises pratiques dans la relation avec le ou la patiente

La divulgation du statut seacuterologique en dehors drsquoun dossier meacutedical ce qui est une atteinte au secret meacutedical

Lrsquoexistence de protocoles speacutecifiques drsquohygiegravene pour les PVVIH (steacuterilisation dureacutee des soins etc) agrave lrsquoencontre des mesures de preacutecautions standard recommandeacutees qui teacutemoignent drsquoun manque de connaissance ou drsquoapplication des regravegles fonda-mentales drsquohygiegravene et de steacuterilisation mais aussi une meacuteconnaissance des modes de contamination Ces mesures doivent ecirctre garanties systeacutematiquement et sans compromis quel que soit le statut seacuterologique des personnes et ce drsquoautant qursquoon estime entre 30 000 et 50 000 le nombre de personnes contamineacutees par le VIH en France qui lrsquoignorent (pour 150 000 PVVIH soit 20 agrave 30 )

32 33

30 refus de soins

deacuteguiseacutes

36 refus de soins

directs

168 pratiques

discriminatoires

cabinet dentaire

ViH SrsquoabStenir

17 refus de soins

directs

43 refus de soins

deacuteguiseacutes

172 pratiques

discriminatoires

cabinet de gyneacutecologie

ViH SrsquoabStenir

122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des speacutecialiteacutes

Figure 3 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 4 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

336 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

168 de pratiques discriminatoires

6 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

172 de pratiques discriminatoires

Cabinets de gyneacutecologie

Cabinets dentaires

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Dans le cadre du projet de loi Santeacute AIDES a construit plusieurs amendements afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutealiteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits

Les reacutesultats de ce testing prouvent qursquoil existe une veacuteritable meacuteconnaissance du VIH et de ses modes de transmission aboutissant agrave des attitudes neacutegatives et discrimi-natoires Ces comportements trahissent les repreacutesentations des professionnel-le-s vis-agrave-vis de cette maladieinfection et sur le respect des fondements deacuteontologiques des professions du soin

13 PERSPECTIVES LA NEacuteCESSITEacute DE RENfORCER LrsquoARSENAL jURIDIqUE

Les constats de AIDES confirment la neacutecessiteacute drsquoaller plus loin contre les refus de soins que la seule disposition initialement envisageacutee dans le projet de loi Santeacute Actuelle-ment ce sont aux ordres professionnels des soignant-e-s de mesurer lrsquoimportance et la nature des pratiques de ces refus En conseacutequence plusieurs amendements ont eacuteteacute construits avec Meacutedecins du Monde (MdM) afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutea-liteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits Les amendements formulent cinq propo-sitions visant agrave

Eacutelargir la deacutefinition leacutegale des refus de soins agrave toute pratique discriminante ou strateacutegie de dissuasion menant in fine au renoncement aux soins des patient-e-s

Donner une base leacutegale au testing autour drsquoun cahier des charges preacutecis et y inclure les associations de malades

Impliquer lrsquoensemble des acteurs-trices de santeacute dans le pilotage de lrsquoObserva-toire deacutedieacute aux refus de soins preacutevu par le projet de loi Santeacute agrave commencer par les associations de malades mais aussi les ordres professionnels et les organismes drsquoassurance maladie

Ameacutenager la charge de la preuve de sorte que comme dans lrsquoensemble du droit de la non-discrimination ce soit au-agrave la professionnel-le de santeacute de prouver qursquoil nrsquoy a pas eu de traitement discriminatoire lorsqursquoune personne exprime des eacuteleacutements de fait laissant supposer lrsquoexistence drsquoune discrimination

Permettre aux patient-e-s drsquoecirctre accompagneacute-e-s etou repreacutesenteacute-e-s par des associations durant les recours en justice ou les proceacutedures de conciliation lors-qursquoils-elles sont confronteacute-e-s agrave des refus de soins

Ces amendements srsquoappuient sur divers rapports institutionnels et parlementaires ils srsquoinspirent aussi de lrsquoarticle initial sur les refus de soins de la loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (Loi HPST) preacutesenteacutee par Roselyne Bachelot alors ministre de la Santeacute en 2008 Ces propositions ont cependant eacuteteacute escamoteacutees au fil des lectures agrave lrsquoAssembleacutee nationale et au SeacutenatAinsi gracircce agrave ce testing agrave ses retombeacutees meacutediatiques et agrave la mobilisation des mili-tant-e-s de AIDES les lignes ont commenceacute agrave bouger Drsquoune part lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes a vivement reacuteagi et drsquoautre part un amendement agrave lrsquoarticle 19 du projet de loi Santeacute a eacuteteacute voteacute au Seacutenat proposant que lrsquoeacutevaluation de lrsquoexistence des refus de soins soit confieacutee au Deacutefenseur des droits Au moment de la reacutedaction de ce rapport la formulation finale de lrsquoattribution de cette eacutevaluation au Deacutefenseur des droits ou aux diffeacuterents Ordres nrsquoest pas connue

Concernant lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes un rapprochement avec AIDES srsquoest opeacutereacute rapidement afin drsquoeacutetudier les moyens agrave mettre en œuvre pour lutter effica-cement contre les refus de soins Degraves lrsquoannonce des reacutesultats lrsquoOrdre a immeacutediatement reacuteagi et condamneacute ce type de comportement laquo Nul ne peut faire lrsquoobjet de discrimina-tions dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins raquo rappelant que laquo les chirurgiens-den-tistes qui ne respectent pas ce principe fondamental leacutegal et deacuteontologique srsquoexposent agrave des poursuites tant devant les juridictions disciplinaires que peacutenales raquo

123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction de lrsquointerlocuteur-trice

Les refus de soins ou les pratiques discriminatoires sont plus souvent pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les que par les praticien-ne-s voire inexistants srsquoagissant des gyneacutecologuesDans les cabinets dentaires une majoriteacute de secreacutetaires meacutedicaux-les opposent des refus de soins directs aux PVVIH ils-elles sont 78 agrave opposer des refus indirects versus 22 des chirurgiens-dentistes Srsquoagissant de traitements diffeacuterentieacutes entre les PVVIH et leur binocircme supposeacute seacuteroneacutegatif 824 sont eacutemis par des secreacutetaires meacutedicaux-les versus 186 par des dentistesLes refus de soins ou discriminations sont majoritairement pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les Ce constat reacutevegravele soit un manque de formation et de connaissance du VIH qui aboutit agrave des mauvaises pratiques avec le ou la patiente soit lrsquoexistence de directives donneacutees par des praticien-ne-s quant agrave la prise en charge de certain-e-s patient-e-s dont les PVVIH En teacutemoignent les mises en attente majoritairement du fait des secreacutetaires meacutedicaux-les Il est probablement plus facile de donner des ins-tructions agrave son secreacutetariat que drsquoassumer individuellement la responsabiliteacute drsquoun refus

124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des villesMalgreacute des effectifs parfois limiteacutes de chirurgiens-dentistes et de gyneacutecologues par ville les reacutesultats de ce testing preacutesentent une dispariteacute des pheacutenomegravenes de refus de soins et de discriminations sur le territoire national Il nrsquoy a a priori pas de lien entre le lieu drsquoinstallation et lrsquoineacutegaliteacute des pratiques Lrsquoattitude neacutegative des professionnel-le-s agrave lrsquoencontre des PVVIH paraicirct davantage reposer sur des logiques individuelles que sur la deacutemographie meacutedicale ou lrsquoincidence locale du VIH Les reacutesultats du testing ne suggegraverent pas drsquoinfluence de lrsquoenvironnement sur les pratiques des professionnel-le-s On relegraveve que Bourg-en-Bresse Chacircteauroux et le seiziegraveme arrondissement de Paris trois lieux qui preacutesentent une deacutemographie meacutedicale quantitativement contras-teacutee se deacutetachent en matiegravere de proportion de refus de soins ou de pratiques discri-minatoires avec plus de 70 des chirurgiens-dentistes contacteacute-e-s concerneacute-e-s Agrave lrsquoinverse les speacutecialistes du treiziegraveme arrondissement de Marseille et de la ville de Pontoise nrsquoopposent aucun comportement discriminatoirePour les gyneacutecologues dont le nombre est insuffisant en France avec de veacuteritables ineacute-galiteacutes drsquoaccegraves sur le territoire 12 lrsquoeffet des villes semblent jouer un rocircle a minima Pour certaines villes dont la densiteacute meacutedicale pour cette speacutecialiteacute est tregraves faible un nombre limiteacute de professionnel-le-s a eacuteteacute contacteacute empecircchant toute conclusion Cependant il est important de noter que des PVVIH ont pu ecirctre confronteacutees agrave 100 de refus de rendez-vous dans certaines villes

125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave soulignerDe nombreux-ses praticien-ne-s et leur secreacutetariat meacutedical attribuent des rendez-vous aux PVVIH sans eacutevoquer aucun des motifs jugeacutes discriminatoires Pour pregraves de la moitieacute des cabinets dentaires (496 ) et plus de 4 cabinets de gyneacutecologie sur 5 (768 ) les pratiques de soins lrsquoaccueil et la communication sont en tout point conformes agrave la deacuteontologie meacutedicale (figures 5 et 6) Certains ont aussi fait preuve de bienveillance avec une approche globale de la prise en charge meacutedicale de la personne

126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutesLes logiques de preacutecaution occupent une place eacutevidente dans les arguments opposeacutes aux PVVIH au meacutepris de la loi de la deacuteontologie meacutedicale et des recommandations drsquohygiegravene De nos jours les refus de soins ou discriminations agrave leur eacutegard sont drsquoautant plus inacceptables que les mesures de preacutecaution standard ont eacuteteacute maintes fois rappe-leacutees par diverses instances publiques et scientifiques Ces mesures sont conccedilues pour preacutevenir le risque de transmission du VIH du ou de la patiente au personnel meacutedical et inversement et drsquoun ou drsquoune patiente agrave lrsquoautre Ceci est drsquoautant plus important qursquoen-viron un quart des PVVIH ignorent qursquoelles en sont atteintes et peuvent en toute bonne foi ne pas informer le ou la professionnel-le de santeacute de leur seacuterologie Les mesures de preacutecaution standard doivent ecirctre garanties systeacutematiquement dans tous les cabinets meacutedicaux et pour chaque patient-e quel que soit son eacutetat de santeacute

12 Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins Atlas de la deacutemographie meacutedicale en France situation au 1er janvier 2014

768

34 35PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 5 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 6 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

496

41 000 euroLe prix facial sur le marcheacute franccedilais du premier des traitements hautement actifs contre le VHC pour trois mois Sa combinaison avec drsquoautres meacutedicaments peut coucircter plus de 100766500 000 euro selon la dureacutee du traitement

12 VhC qUI SOIGNER

Crsquoest dans ce contexte que le principe drsquoune mise sous traitement seacutelective est acteacute par le ministegravere de la Santeacute Des critegraveres sont eacutetablis pour deacutefinir qui doit acceacuteder prioritai-rement aux nouveaux traitements innovants contre le VHC Ce choix et ses traductions opeacuterationnelles sont supposeacutes concilier le droit agrave la protection de la santeacute la santeacute publique et des populations mais aussi lrsquoeacutequilibre des finances publiques et la peacuteren-niteacute du systegraveme de protection sociale franccedilais Des recommandations drsquoexpert-e-s pour la mise sous traitement ont eacuteteacute fixeacutees courant 2014 mais finalement restreintes par un avis de la HAS ensuite en 2015 Ceci alors que la socieacuteteacute franccedilaise drsquoheacutepatologie a elle-mecircme confirmeacute en juin de la mecircme anneacutee les recommandations drsquoaccegraves eacutelargies de 2014

101048110104821010481 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexpertsDes recommandations ont drsquoabord eacuteteacute proposeacutees en mai 2014 dans un Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C dit rapport Dhumeaux Ce rapport a eacuteteacute commandeacute par la ministre de la Santeacute en janvier 2013 agrave lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) et lrsquoAssociation franccedilaise pour lrsquoeacutetude du foie (AFEF) De nombreux-ses praticien-ne-s universitaires et des repreacutesentant-e-s drsquoassociations drsquousager-e-s du systegraveme de santeacute sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux ont participeacute agrave son eacutelaboration Ainsi pour les personnes vivant avec une heacutepatite C les recommandations de mise sous trai-tement reposent notamment sur lrsquoavancement de la maladie crsquoest-agrave-dire les stades de fibrose supeacuterieurs ou eacutegaux agrave 2 13 qui indiquent lrsquoeacutetat drsquoavancement de lrsquoimpact du virus sur le foie Les experts ont par ailleurs distingueacute certaines populations pour lesquelles la mise sous traitement est preacuteconiseacutee quel que soit le stade de fibrose

Les patient-e-s ayant des manifestations extra-heacutepatiques seacutevegraveres Les patient-e-s en attente de transplantation heacutepatique ou reacutenale (pour tenter drsquoeacuteradiquer le virus avant la transplantation)

Au cas par cas les femmes ayant un deacutesir de grossesse Les personnes co-infecteacutees VIH-VHC Les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse Les personnes deacutetenues (avec lrsquoobjectif dans ces deux derniegraveres populations drsquoune reacuteduction du risque de transmission) 14

Si le rapport Dhumeaux propose une seacutelection des patient-e-s notamment au regard du prix il inscrit ces recommandations dans une perspective de ralentissement de lrsquoeacutepi-deacutemie et se distingue en ce sens de la HAS

101048110104821010482 Les recommandations restrictives de la hASLa HAS contribue laquo agrave la reacutegulation du systegraveme de santeacute raquo et a donc comme mission drsquolaquo assurer agrave tous les patients et usagers un accegraves peacuterenne et eacutequitable agrave des soins aussi efficaces sucircrs et efficients que possible raquo 15 Les recommandations eacutetablies par la HAS srsquoimposent aux professionnel-le-s meacutedicaux-cales Contrairement agrave la perspective du rapport Dhumeaux la HAS ne considegravere pas que laquo les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC [soient] reacuteunies raquo Elle en tire les conseacutequences et ne recommande qursquolaquo une strateacutegie de traitement des patients dans lrsquoobjectif drsquoune gueacute-rison virologique individuelle raquo avec des recommandations de stade de fibrose plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux Ainsi la HAS limite lrsquoaccegraves aux traitements innovants aux stades de fibrose du foie F2 seulement sous certaines conditions drsquoeacutevolution F3 et F4 ainsi qursquoagrave tous les stades pour certaines populations personnes co-infecteacutees VIH et VHC personnes atteintes de cryoglobulineacutemie mixte systeacutemique et symptomatique personnes atteintes de lym-phome B associeacute au VHC 16 La HAS eacutecarte en revanche des populations cibleacutees par le rapport drsquoexperts Dhumeaux notamment les usager-e-s de drogues et les personnes deacutetenues qui relegraveveraient drsquoune approche non speacutecifique et donc du cadre geacuteneacuteral La France est assez isoleacutee en Europe sur des recommandations de traitement et de non traitement arrecircteacutees sur les stades de fibrose

11 DES TRAITEMENTS INNOVANTS Agrave PRIX TREgraveS EacuteLEVEacuteS

Les limites eacuteconomiques agrave la prescription notamment sur la base de recommandations deacutefinies par la Haute autoriteacute de santeacute (HAS) sont notamment mises en lumiegravere par les prix des nouveaux traitements contre le VHC Aujourdrsquohui diffeacuterents traitements inno-vants contre le VHC les antiviraux agrave action directe sont sur le marcheacute Ils repreacutesentent des avanceacutees theacuterapeutiques majeures offrant un taux de gueacuterison virologique tregraves eacuteleveacute avec des dureacutees de traitements courtes et des effets indeacutesirables limiteacutes Si les associations investies dans le champ de la lutte contre les heacutepatites virales ndash Collectif Heacutepatites Virales (CHV) SOS heacutepatites TRT-5 Comegravede Meacutedecins du Monde (MdM) Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) AIDES ndash saluent lrsquoespoir drsquoune fin proche de lrsquoeacutepideacutemie de VHC elles se sont rapidement alarmeacutees sur le prix de ces nouveaux traitements Sur le marcheacute franccedilais le prix facial du premier de ces traitements hautement actifs contre le VHC (Sovaldisofosbuvir) a eacuteteacute fixeacute agrave 41 000 euro pour trois mois de traitement Ce traitement ne srsquoutilise jamais seul mais en association avec drsquoautres Certaines combinaisons peuvent coucircter plus de 100 000 euro selon la dureacutee (des traitements de six mois sont parfois neacutecessaires)Alors que la France meacutetropolitaine compte plus de 200 000 personnes vivant avec le VHC de tels prix constituent clairement un deacutefi pour les finances publiques et la peacuterenniteacute drsquoun systegraveme de santeacute solidaire En conseacutequence et pour la premiegravere fois en France ce prix participe agrave ce que lrsquoon peut consideacuterer comme un rationnement avec des mises sous traitement sur la base drsquoavis et de dispositions restrictifs

Meacutedicaments quels prix Le prix du meacutedicament nrsquoest pas libre il est fixeacute par convention entre le laboratoire lrsquoexploitant et le Comiteacute eacuteconomique des produits de santeacute (CEPS) sur la base de cri-tegraveres deacutefinis agrave lrsquoarticle L162-16-4 du Code de santeacute publique laquo La fixation de ce prix tient compte principalement de lrsquoameacutelioration du service meacutedical rendu (SMR) appor-teacutee par le meacutedicament le cas eacutecheacuteant des reacutesultats de lrsquoeacutevaluation meacutedico-eacutecono-mique des prix des meacutedicaments agrave mecircme viseacutee theacuterapeutique des volumes de vente preacutevus ou constateacutes ainsi que des conditions preacutevisibles et reacuteelles drsquoutilisation du meacutedi-cament raquo Agrave cela srsquoajoute aussi la coheacuterence avec les conditions de commercialisation preacutevues dans les grands Eacutetats europeacuteens Seul le prix facial est public crsquoest-agrave-dire le prix rembourseacute par lrsquoassurance maladie Le CEPS et les laboratoires peuvent neacutegocier des dispositifs de remises drsquoougrave un prix reacuteel diffeacuterent (voire tregraves diffeacuterent) de ce prix facial Les dispositifs de remises et le prix reacuteel nrsquoeacutetant pas publics les prescripteurs et usager-e-s nrsquoont connaissance que du prix facial

Le droit agrave la protection de la santeacute interdit toute forme de discriminations dans lrsquoaccegraves aux soins Cependant si les discriminations sont interdites lrsquouniversaliteacute de lrsquoaccegraves agrave certains soins et traitements nrsquoest pas pour autant garantie Crsquoest le cas des nouveaux traitements contre le virus de lrsquoheacutepatite C (VHC) dont le prix exorbitant a forceacute agrave deacutefinir des critegraveres de seacutelection des patient-e-s et agrave renoncer agrave lrsquoaccegraves universel

Bien que fondamental le droit agrave la protec-tion de la santeacute sans discrimination (voir page 25) peut connaicirctre certaines limites agrave son effectiviteacute en particulier sur le plan financier Il deacutepend en effet des choix opeacutereacutes au regard des deacutepenses publiques de lrsquoEacutetat et de la seacutecuriteacute sociale et notamment par rapport aux prix des meacutedicaments et des produits de santeacute Lrsquoarticle 8 du Code de deacuteontologie meacutedi-cale (R4127-8 du Code de santeacute publique) preacutecise que laquo Dans les limites fixeacutees par la loi le meacutedecin est libre de ses pres-criptions qui seront celles qursquoil estime les plus approprieacutees en la circonstance Il doit sans neacutegliger son devoir drsquoassistance morale limiter ses prescriptions et ses actes agrave ce qui est neacutecessaire agrave la qualiteacute agrave la seacutecuriteacute et agrave lrsquoefficaciteacute des soins Il doit tenir compte des avantages des incon-veacutenients et des conseacutequences des diffeacute-rentes investigations et theacuterapeutiques possibles raquo Si la liberteacute de prescription est ici recon-nue elle connaicirct donc certaines limites leacutegales dont celle imposeacutee par lrsquoarticle L162-2-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo Les meacutedecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions drsquoobserver dans le cadre de la leacutegislation et de la reacuteglementation en vigueur la plus stricte eacuteconomie compatible avec la qualiteacute la seacutecuriteacute et lrsquoefficaciteacute des soins raquo ce notamment sur la base des laquo recomman-dations ou avis meacutedico-eacuteconomiques de la Haute autoriteacute de santeacute raquo

13 Stades de fibrose F0 pas de fibrose F1 fibrose leacutegegravere F2 fibrose modeacutereacutee F3 fibrose seacutevegravere F4 cirrhose14 Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C 2014 p 25015 httpwwwhas-santefrportailjcmsfc_1249599frla-has16 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf

36 37

DROIT APPLICABLE

1  LE cAS dES TrAITEmENTS INNoVANTS 

coNTrE LrsquoHEacutePATITE c mdash

dIFFIcULTEacuteS drsquoAccEgraveS  AUx TrAITEmENTS

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

38 39

Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

59

40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 11: AIDES Rapport Discrim

Ainsi le systegraveme de notation retenu par lrsquoarmeacutee surprend en ce qursquoil se fonde sur des repreacutesentations invalideacutees depuis plusieurs anneacutees et contraires aux recommanda-tions meacutedicales et theacuterapeutiques actuelles Au regard de la distinction opeacutereacutee ici sur la prise ou non de traitements les coefficients donneacutes en conseacutequence nrsquoont pas de sens Plus globalement lrsquoensemble du reacutefeacuterentiel proposeacute est largement inadapteacute et principalement au regard des eacuteleacutements sur lesquels il se base Il serait plus pertinent drsquoappreacutecier lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de la personne au regard de lrsquoeacutevolution de sa charge virale dans le temps et son eacutetat de santeacute

233 Un couperet qui concerne toutes les forces armeacutees et les formations affeacuterentesLes conditions meacutedicales et physiques drsquoaptitude exigeacutees pour lrsquoadmission dans les corps drsquoofficiers navigants de la marine nationale et pour la souscription drsquoun contrat au titre de la marine nationale exigent donc a minima un eacutetat geacuteneacuteral de santeacute corres-pondant agrave G 2 La seacuteropositiviteacute au VIH impliquant un coefficient minimum de 3 exclut donc de fait lrsquoensemble des candidat-e-s seacuteropositifs-ves Cette exclusion va cependant beaucoup plus loin que ce seul corps drsquoarmeacutee sont eacutega-lement concerneacutees lrsquoarmeacutee de terre et lrsquoarmeacutee de lrsquoair Alors qursquoen France plus de 79 des PVVIH sont sous traitement crsquoest une tregraves large majoriteacute drsquoentre elles qui se voient attribuer le coefficient G 4 et donc lrsquoinaptitude deacuteclareacutee pour tout entraicircnement physique au combat lrsquoaffectation srsquoen trouvant limiteacutee agrave des activiteacutes essentiellement seacutedentaires Cette note exclue aussi les personnes drsquoun nombre consideacuterable de formations mili-taires dont lrsquoEacutecole polytechnique comme illustreacute par la circulaire ndeg 273424DEFRH-ATFFSSLM relative agrave lrsquoadmission en classes preacuteparatoires agrave lrsquoenseignement supeacuterieur et en classes preacuteparatoires aux grandes eacutecoles des lyceacutees de la Deacutefense rele-vant de lrsquoarmeacutee de terre pour lrsquoanneacutee scolaire 2015-2016 Le Sigycop des eacutecoles militaires correspond au Sigycop minimal pour inteacutegrer les diffeacute-rents corps (tableau 4)

eacutecoles S I G Y C O P textes de reacutefeacuterence

Eacutecole polytechnique 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483 2

Instruction ndeg 13074 DEF DPAG du 27 deacutecembre 1982 modifieacutee (BOC p 5317 BOEM 620-4141 81421)

Eacutecole speacuteciale militaire de Saint-Cyr (scientifique litteacuteraire sciences eacuteconomiques et sociales)

2 2 2 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 23 deacutecembre 2009 (JO ndeg 22 du 27 janvier 2010 texte ndeg 12 BOC 7 2010 BOEM 311-022 77011)Instruction ndeg 812DEFRH-ATPRHLEG du 15 septembre 2014 (BOC ndeg 50 du 10 octobre 2014 texte 18 BOEM 31221 620-4121)

Eacutecole navale 2 2 2 5 1010483 20

ou 1010481

Arrecircteacute du 21 mai 2012 (JO ndeg 136 du 13 juin 2012 texte ndeg 20 signaleacute au BOC 362012 BOEM 3212)

Instruction ndeg 102DEFEMMRHPRH du 5 deacutecembre 2011 modifieacute (BOC ndeg 5 du 27 janvier 2012 texte 10 BOEM 32615 620-4162)

Eacutecole de lrsquoair 2 2 2 5 2 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 27 juillet 2011 modifieacute (JO ndeg 184 du 10 aoucirct 2011 texte ndeg 1 signaleacute au BOC 442011 BOEM 76812)

Eacutecole nationale supeacuterieure de techniques avanceacutees 1010483 1010483 1010483 5 4 1010483

0 ou 1010481

Arrecircteacute du 18 janvier 2011 modifieacute (JO ndeg122 du 26 mai 2011 texte ndeg 4 signaleacute au BOC 292011 BOEM 8106)

Eacutecole nationale supeacuterieure des ingeacutenieurs de lrsquoinfrastructure militaire

1010483 1010483 1010483 5 4 10104830

ou 1010481

Arrecircteacute du 26 avril 2012 (JO ndeg 108 du 8 mai 2012 texte ndeg 30 signaleacute au BOC 332012 BOEM 50833)

Tableau 4 ndash Sigycop minimal requis pour les eacutecoles militaires 4

Le Code de lrsquoaviation civile est le seul code dont lrsquoassocia-tion ait connaissance qui exclut directement les PVVIH laquo La positiviteacute au VIH est cause drsquoinaptitude raquo Celle-ci vaut pour les pilotes ou les controcircleurs aeacuteriens Cepen-dant cette inaptitude ne se veut pas systeacutematique ce code preacutevoit une possible reconnaissance de lrsquoaptitude au cas par cas sous certaines conditions Lrsquoarrecircteacute du 16 mai 2008 relatif aux critegraveres et condi-tions de deacutelivrance des attestations drsquoaptitude meacutedicale neacutecessaires pour assurer les services du controcircle de la circulation aeacuterienne preacutecise ainsi qursquolaquo un candidat preacute-sentant une infection VIH comportant des symptocircmes drsquoaffection eacutevolutive telle que le sida une lymphadeacuteno-pathie chronique lieacutee au VIH ou une atteinte du systegraveme nerveux central doit ecirctre deacuteclareacute inapte Toutefois la deacuteclaration drsquoaptitude peut ecirctre envisageacutee au renouvel-lement et agrave la revalidation pour les individus preacutesentant une reacuteaction positive asymptomatique pour le VIH raquo De mecircme pour les pilotes lrsquoaptitude peut ecirctre accordeacutee sous certaines conditions et sous reacuteserve de controcircles freacutequents laquo la survenue drsquoun sida ou du complexe appa-renteacute au sida [devient alors] cause drsquoinaptitude raquo

Enfin concernant le personnel navigant lrsquoarrecircteacute de 2007 relatif aux conditions drsquoaptitude physique preacutecise que le laquo personnel navigant commercial doit ecirctre exempt de toute affection chronique eacutevolutive raquo avant de compleacute-ter laquo Une aptitude par deacuterogation peut ecirctre demandeacutee au conseil meacutedical de lrsquoaeacuteronautique civile qui juge en fonction des reacutesultats des examens cliniques et biolo-giques de lrsquointeacuteresseacute montrant un eacutetat de lrsquoaffection compatible avec le service aeacuterien et le cas eacutecheacuteant une bonne toleacuterance au traitement raquoLes textes de lrsquoaviation civile se distinguent en ce sens que srsquoil exclut a priori le critegravere drsquoaptitude ne reacuteside pas dans la seacuteropositiviteacute en tant que telle mais sur lrsquoeacutetat de santeacute geacuteneacuteral Ils reacutesultent il faut le souligner de mobi-lisations et contentieux 3 agrave lrsquoencontre des dispositions preacuteceacutedemment en vigueur en particulier lrsquoarrecircteacute minis-teacuteriel du 5 juillet 1984 qui preacutevoyait que laquo les affections eacutevolutives susceptibles de conduire agrave une inaptitude ulteacuterieure sont eacuteliminatoires raquo

3 Notamment la Deacutelibeacuteration de la Halde du 6 feacutevrier 2006 et lrsquoarrecirct du Conseil drsquoEacutetat du 28 juin 2006 4 httpwwwformationterredefensegouvfrPJDocumentsDecouverteODFLyceesDocuments20141203_DEF_RH-AT_F_FS_SLM_Circulaire_273424_admission_CPES_CPGEpdf

Lrsquoaviation civile lrsquoeacutetat geacuteneacuteral de santeacute plutocirct que la seacuteropositiviteacute

18 19PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

Les discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et international Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacute

Cette mecircme exclusion des PVVIH existe aussi dans la gendarmerie nationale Sachant que dans la gendarmerie nationale lrsquoinaptitude est prononceacutee pour les candidats seacutero-positifs en qualiteacute de musicien choriste ou agent technique et administratif le carac-tegravere discriminatoire et disproportionneacute des classifications pour inaptitude est illustreacute sans que drsquoautres commentaires soient utiles (tableau 5)Dans le cadre de la reacutedaction de ce rapport AIDES nrsquoa pas pu encore recenser de maniegravere exhaustive les corps desquels les PVVIH seraient exclues agrave raison de leur eacutetat de santeacute La question que AIDES pose en revanche est celle des postes et corps ouverts aux personnes seacuteropositives la liste est certainement plus limiteacuteehellip Lrsquoassociation sou-haite pour lrsquoheure mettre en lumiegravere une exclusion une discrimination structurelle touchant agrave toutes les forces armeacutees et lieacutee agrave un reacutefeacuterentiel inadapteacute anachronique eacutechappant aux donneacutees scientifiques et meacutedicales contemporaines

Remarque en 2015 les forces armeacutees comptent 207 689 postes (120 031 pour lrsquoarmeacutee de terre 38 874 pour la marine nationale 48 784 pour lrsquoarmeacutee de lrsquoair) 5 Lrsquoeffectif de la gendarmerie nationale srsquoeacutelegraveve agrave 98 115 personnes 6 la police nationale agrave 144 858 7 et les sapeurs-pompiers agrave 244 900 8 Une part importante de ces postes est fermeacutee aux PVVIH

234 Police nationale sapeurs-pompiers une exclusion qui deacutepasse largement le champ de lrsquoarmeacutee

Srsquoil a une vocation militaire le profil meacutedical Sigycop srsquoapplique et creacutee des exclusions systeacutematiques de PVVIH dans de nombreux autres emplois publics Ainsi lrsquoexclusion constateacutee pour lrsquoarmeacutee sur la base des coefficients G 3 et G 4 se retrouve dans drsquoautres secteurs notamment la police nationale En effet depuis une tregraves reacutecente modification de lrsquoarrecircteacute du 2 aoucirct 2010 relatif aux conditions drsquoaptitudes physiques particuliegraveres pour lrsquoaccegraves aux emplois de certains corps de fonctionnaires par un arrecircteacute du 10 juin 2015 le profil G 2 exclut lrsquoensemble des PVVIH de la police nationale (tableau 6)

De mecircme lrsquoarrecircteacute du 6 mai 2000 fixant les conditions drsquoaptitude meacutedicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions drsquoexercice de la meacutede-cine professionnelle et preacuteventive au sein des services deacutepartementaux drsquoincendie et de secours deacutefinit diffeacuterents profils Les PVVIH sous traitement ne sont eacuteligibles qursquoau profil E qui correspond agrave une activiteacute non opeacuterationnelle voire un reclassement dans un autre corps cadre drsquoemplois ou emploi Ces discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et interna-tional Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacutePour chaque cas ayant eacuteteacute rapporteacute agrave AIDES lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour mieux documenter les situations des personnes ainsi que les implications collectives Lrsquoas-sociation a systeacutematiquement alerteacute les autoriteacutes concerneacutees afin de travailler avec elles agrave une eacutevolution des textes AIDES a aussi saisi le Deacutefenseur des droits agrave lrsquoautomne 2015 dans le cadre de sa mission constitutionnelle de laquo veille au respect des droits et liberteacutes raquoAIDES ne preacutetend pas avoir identifieacute toutes les exclusions seacuterophobes existantes Si des personnes ont connaissance de situations similaires elles sont inviteacutees agrave contacter les associations qui les aideront agrave saisir le Deacutefenseur des droits

corps statut drsquoappartenance

ou formation concerneacuteeprofil meacutedical requis

Officier de gendarmerie (OG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale candidat au cycle de formation donnant accegraves au grade drsquoaspirant (AGIV)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Officier du corps technique et administratif de la gendarmerie nationale (OCTAGN)

S I G Y C O P

1010483 1010483 1010483 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie (SOG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave exercer les attributions drsquoagent de police judiciaire adjoint (GAV APJA)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Sous-officier du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (CSTAGN) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave occuper un emploi particulier (GAV EP)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie recruteacute pour servir en qualiteacute de musicien de lrsquoorchestre ou de choriste de la garde reacutepublicaine

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010483 1010485 1010484 10104820

ou 1010481

Tableau 5 ndash Sigycop minimal pour la gendarmerie nationale

5 Chiffres cleacutes de la Deacutefense eacutedition 2015 6 httpwwwgendarmerieinterieurgouvfrNotre-InstitutionNos-moyensEffectifs 7 httpwwwladocumentationfrancaisefrvarstoragerapports-publics134000185pdf 8 httpwwwpompiersfraccueilles-sapeurs--pompiersles-statistiques

20 21

Tableau 6 ndash Sigycop minimal requis pour les fonctionnaires actifs de la police nationale

S I G Y C O P

1010482 1010482 1010482 1010483 1010482 1010482 1010482

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2LE droIT Agrave LA SANTEacute   ET LE PrINcIPE   

drsquoEacutegALITEacute dE TrAITEmENT

Le droit agrave la protection de la santeacuteLa loi relative aux droits des personnes malades et agrave la qualiteacute du systegraveme de santeacute du 4 mars 2002 dite laquo loi Kouchner raquo reacuteaffirme degraves lrsquoexposeacute des motifs le droit agrave la pro-tection de la santeacute comme un droit agrave valeur constitutionnelle reconnu par lrsquoalineacutea 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 laquo La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les conditions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacute-rielle le repos et les loisirs raquo Ce droit a eacuteteacute consacreacute par plusieurs deacutecisions du Conseil constitutionnel (notamment CC 23 juillet 1999 ndeg 99-416) Le droit agrave la protection de la santeacute est eacutegalement garanti par des textes internationaux ratifieacutes par la France Il lrsquoest indirectement par lrsquoarticle 3 de la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales interdisant la tor-ture et les traitements inhumains ou deacutegradants et par lrsquoarticle 8 de ladite Convention proteacutegeant le droit agrave la vie priveacutee et familiale Ce droit est aussi proteacutegeacute directement par la Charte de lrsquoOrganisation mondiale de la Santeacute du 27 juillet 1946 laquo La possession du meilleur eacutetat de santeacute qursquoil est capable drsquoatteindre constitue lrsquoun des droits fondamen-taux de tout ecirctre humain quelles que soient sa race sa religion ses opinions politiques sa conduite eacuteconomique raquoSur ces bases lrsquoarticle 1 de la loi de 2002 introduit un droit agrave la protection de la santeacute en faveur de toute personne sans discrimination laquo La mise en œuvre de ce droit passe par le deacuteveloppement de la preacutevention lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins les plus approprieacutes agrave son eacutetat de santeacute la continuiteacute des soins la seacutecuriteacute sanitaire raquo

Extraits du Code de santeacute publique

article l1110-1 Le droit fondamental agrave la protection de la santeacute doit ecirctre mis en œuvre par tous moyens disponibles au beacuteneacutefice de toute personne Les professionnels les eacutetablissements et reacuteseaux de santeacute les organismes drsquoassurance maladie ou tous autres organismes par-ticipant agrave la preacutevention et aux soins et les autoriteacutes sanitaires contribuent avec les usagers agrave deacutevelopper la preacutevention garantir lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins neacutecessiteacutes par son eacutetat de santeacute et assurer la continuiteacute des soins et la meilleure seacutecu-riteacute sanitaire possible

article l1110-3 Aucune personne ne peut faire lrsquoobjet de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention ou aux soins

article l1110-5 Toute personne a compte tenu de son eacutetat de santeacute et de lrsquourgence des interventions que celui-ci requiert le droit de recevoir les soins les plus approprieacutes et de beacuteneacuteficier des theacuterapeutiques dont lrsquoefficaciteacute est reconnue et qui garantissent la meilleure seacutecuriteacute sanitaire au regard des connaissances meacutedicales aveacutereacutees Les actes de preacutevention drsquoin-vestigation ou de soins ne doivent pas en lrsquoeacutetat des connaissances meacutedicales lui faire courir de risques disproportionneacutes par rapport au beacuteneacutefice escompteacute

article l1411-1-1 Lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins des populations fragiliseacutees constitue un objectif prioritaire de la politique de santeacuteLes programmes de santeacute publique mis en œuvre par lrsquoEacutetat ainsi que par les collectiviteacutes territoriales et les organismes drsquoassurance maladie prennent en compte les difficulteacutes speacutecifiques des populations fragiliseacutees

25

DROIT APPLICABLE

rEFUS dE SoINS

Le droit agrave la santeacute et le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement bien que proteacutegeacutes par des textes agrave valeurs constitutionnelle et internationale peinent parfois agrave trouver une traduction effective Dans le champ du VIH sida et des heacutepatites virales les exemples sont leacutegions Sans preacutetendre agrave lrsquoexhaustiviteacute AIDES retient pour 2015 trois expressions drsquoatteintes agrave ces droits fondamentaux Drsquoabord des personnes seacuteropositives au VIH sont confronteacutees agrave des refus de soins en raison de leur statut seacuterologique Ensuite des personnes infecteacutees par le virus de lrsquoheacutepatite C sont eacutecarteacutees de lrsquoaccegraves aux nouveaux traitements innovants Enfin les personnes mineures ne peuvent acceacuteder agrave tous les moyens de preacutevention et de deacutepistage disponibles actuellement Ces sujets constituent les trois axes de ce chapitre

Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de comparer les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique

Bien que lrsquoaccegraves aux soins sans discrimination soit garanti par des dispositions leacutegales sans ambiguiumlteacute dans les faits des entraves existent Lrsquoexistence mecircme des refus de soins ne fait pas consensus la plupart des professionnel-le-s de santeacute tendant agrave nier ou au moins agrave minimiser le pheacutenomegravene que les personnes concerneacutees rapportent pourtant de maniegravere reacutecurrente Le deacuteficit drsquoeacutetudes officielles ne permet pas drsquoen objectiver la nature et lrsquoampleur En France seules quelques enquecirctes meneacutees par des associations et des institutions documentent ces pheacutenomegravenes mais essentiel-lement cibleacutees sur des motivations drsquoordre social Il srsquoagit drsquoeacutetudes concernant des beacuteneacuteficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) de la CMU compleacutementaire (CMU-C) de lrsquoaide meacutedicale drsquoEacutetat (AME) et de lrsquoaide agrave lrsquoacquisition drsquoune compleacute-mentaire santeacute (ACS) 11 Les discriminations dans le champ meacutedical agrave lrsquoencontre des PVVIH sont notamment documenteacutees par Sida Info Service qui a meneacute cinq enquecirctes agrave ce sujet et agrave travers les enquecirctes ANRS-VespaPourtant des cas reacutecurrents de refus de soins ou de discriminations sont rappor-teacutes par des PVVIH Ils concernent principalement lrsquoaccegraves agrave des soins dentaires ou gyneacutecologiques dans un contexte ougrave les mesures de preacutecaution standard drsquohygiegravene ont eacuteteacute maintes fois rappeleacutees par diverses instances publiques scientifiques et professionnellesAfin drsquoobjectiver ces refus trop souvent minimiseacutes AIDES a meneacute un testing en avril 2015 agrave lrsquooccasion de deacutebats autour du projet de loi de modernisation de notre sys-tegraveme de santeacute susceptible de renforcer les moyens de lutte contre les refus de soins Cette enquecircte vise agrave saisir lrsquoampleur et documenter les refus de soins laquo sur le vif raquo agrave lrsquoencontre des PVVIH

11 MEacuteThODOLOGIE

111 qursquoest-ce qursquoun testing Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de com-parer toutes choses eacutegales par ailleurs les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique Si lrsquoune des personnes est traiteacutee diffeacuteremment de lrsquoautre alors cette diffeacuterence est imputeacutee agrave lrsquounique caracteacuteristique qui les distingue

112 Le protocole drsquoenquecircteAfin de parvenir agrave eacutetablir lrsquoexistence de traitements discriminatoires dans lrsquoaccegraves aux soins dentaires ou gyneacutecologiques des PVVIH AIDES a recouru agrave une opeacuteration de tes-ting srsquoappuyant sur lrsquoobservation de prises de rendez-vous teacuteleacutephoniques

Les testeur-se-sLes appels teacuteleacutephoniques sont reacutealiseacutes par 44 testeur-se-s tous militant-e-s de AIDES Chaque testeur-se doit jouer un personnage en srsquoappuyant sur une identiteacute fictive qui se reacutepartit selon quatre profils

Hommefemme Seacuteropositif-ve au VIH ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH

Les diffeacuterentes lois sur la santeacute rarement remises en causes se sont depuis inscrites dans la continuiteacute Elles positionnent le droit agrave la santeacute pour tous et toutes comme une finaliteacute des politiques de santeacute jusqursquoau dernier projet de loi preacutesenteacute par Marisol Touraine ministre des Affaires sociales de la Santeacute et des Droits des femmes qui rap-pelle dans la version initiale de lrsquoarticle 1er laquo Elle [la politique de santeacute] tend agrave assurer la promotion de conditions de vie favorables agrave la santeacute lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute de la population la reacuteduction des ineacutegaliteacutes sociales et territoriales de santeacute et agrave garantir la meilleure seacutecuriteacute sanitaire possible et lrsquoaccegraves effectif de la population agrave la preacutevention et aux soins raquo 9

Les dispositions speacutecifiques aux refus de soinsLe droit agrave la santeacute est un eacuteleacutement fondamental des droits de lrsquohomme Si les textes qui rappellent ce principe sont nombreux il reste que ce droit nrsquoest pas acquis pour tous et toutes en particulier pour les personnes en situation de vulneacuterabiliteacute Au-delagrave des dif-ficulteacutes drsquoaccegraves aux soins les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) peuvent ecirctre expo-seacutees agrave des pratiques illeacutegales de refus de soins qui portent atteinte au droit agrave la santeacute Mecircme si les refus de soins ne sont pas geacuteneacuteraliseacutes les reacutesultats de nombreux testing montrent leur reacutecurrence Le droit actuel permet-il de lutter efficacement contre ces pratiques illeacutegales les reacuteponses juridiques sont-elles suffisantes Lrsquoencadrement juri-dique des refus de soins est eacuteclateacute entre Code peacutenal Code de la santeacute publique Code de la consommation et Code de deacuteontologie meacutedicale ce qui ne rend pas visible cet enjeuLe rapport du Deacutefenseur des droits remis au Premier Ministre en mars 2014 sur laquo Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME raquo a permis de montrer lrsquoinefficaciteacute de lrsquoencadrement juridique actuel La loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (HPST) a mis en place une proceacutedure particuliegravere de signalement des refus de soins complexe et peu effective instances compeacutetentes et modaliteacutes de saisines multiples difficulteacutes des usager-e-s agrave faire valoir leurs droits rareteacute des signalements et manque de mobilisation des ins-tances en charge du traitement des signalements Crsquoest pourquoi il est neacutecessaire de renforcer les droits des patient-e-s pour une meilleure connaissance des lois et voies de recours existants de mettre en œuvre un accompagnement des victimes dans le cadre des proceacutedures de conciliation ou les recours en justice et de mieux qualifier les refus de soins illeacutegaux pour en faciliter lrsquoidentification

Exemple de deacutecision du Deacutefenseur des droits Le Deacutefenseur a eacuteteacute saisi drsquoune reacuteclamation relative au refus de proceacuteder agrave lrsquoextraction de dents de sagesse en raison de la seacuteropositiviteacute de la patiente Celle-ci pensant que le chirurgien accegravederait agrave son dossier informatique de suivi au sein du mecircme hocircpital nrsquoa pas indiqueacute sa maladie lors de la consultation preacuteopeacuteratoire Apregraves avoir appris la seacuteropositiviteacute de la reacuteclamante le mis en cause a annuleacute lrsquoopeacuteration preacutevue en propo-sant une date trois mois plus tard inacceptable pour cette derniegravere Afin de justifier le refus des soins le mis en cause a invoqueacute lrsquoapplication drsquoun protocole speacutecifique pour la prise en charge drsquoun patient seacuteropositif Lrsquohocircpital dans lequel exerccedilait le mis en cause a deacutementi lrsquoexistence drsquoun tel protocole Dans le cadre de cette deacutecision le Deacutefenseur des droits a donc recommandeacute la mise en œuvre de sanctions disciplinaires agrave lrsquoeacutegard du meacutedecin et a informeacute de sa deacutecision le ministegravere de la Santeacute le conseil national de lrsquoordre des chirurgiens-dentistes ainsi que le conseil deacutepartemental de lrsquoordre des meacutedecinsDeacutecision MLD-2011-94 du 13 janvier 2012 10

1 UN TESTINg PoUr objEcTIVEr  

LES rEFUS dE SoINS mdash

9 Au moment de la reacutedaction de ce rapport la reacutedaction deacutefinitive de lrsquoarticle 1er nrsquoest pas connue 10 httpwwwdefenseurdesdroitsfrfractionsprotection-des-droits-libertesdecisiondecision-mld-2011-94-du-13-janvier-2012-

relative-un

11 MEacuteDECINS DU MONDE Testing sur les refus de soins des meacutedecins geacuteneacuteralistes pour les beacuteneacuteficiaires de la Couverture Maladie Universelle ou de lrsquoAide Meacutedicale Eacutetat dans 10 villes de France 2006 DEacuteFENSEUR DES DROITS Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME 2014 FONDS CMU-DIES Analyse des attitudes de meacutedecins et de dentistes agrave lrsquoeacutegard des patients beacuteneacuteficiant de la CMUC dans 6 villes du Val-de-Marne 2006 FONDS CMU-IRDES Les refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMUC agrave Paris 2009 FONDS CMU-IRDES Analyse territoriale des obstacles agrave lrsquoaccegraves aux soins des beacuteneacuteficiaires de la CMUC dans les deacutepartements de lrsquoOrne et de la Niegravevre 2012 CISS Droits des malades Refus de soins aux beacuteneacuteficiaires de la CMUC de lrsquoAME et de lrsquoACS 2015

26 27PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Rouen

Evreux

Pontoise

Chacircteauroux

ParisStrasbourg

Auxerre

Dijon

Lyon

Marseille

Gap

Clermont-ferrandPuy-en-Velay

Toulouse

Niort

Angoulegraveme

Cahors

Bourg-en-Bresse

Tours

Colmar

Lrsquoeacutechantillon repreacutesentatif de lrsquoeacutetude comprend 100766810076680 cabinets dentaires et 100766510076691007668 cabinets de gyneacutecologie

Le sceacutenarioUn mecircme cabinet dentaire ou de gyneacutecologie est appeleacute deux fois pour une prise de rendez-vous par deux testeur-se-s diffeacuterent-e-s qui ont des caracteacuteristiques sociodeacute-mographiques similaires Les prises de rendez-vous gyneacutecologiques sont effectueacutees uniquement par des femmes Dans le premier cas le-la testeur-se annonce sa seacutero-positiviteacute au VIH dans le second cas lrsquoautre testeur-se ne dit rien Seule la mention du statut seacuterologique diffeacuterencie ces deux personnes Un script eacutetabli en concertation avec des militant-e-s des PVVIH et des professionnel-le-s de santeacute (meacutedecins speacutecia-listes en chirurgie dentaire en gyneacutecologie et de santeacute publique) reacuteuni-e-s au sein drsquoun groupe de pilotage a permis drsquoeacutetablir

Une feuille de route pour chaque testeur-se proposant des reacuteponses concregravetes aux eacuteventuelles questions que pourrait susciter la demande de rendez-vous (iden-titeacute motifs de la demande orientations adresse teacuteleacutephone numeacutero de seacutecuriteacute sociale etc)

La conduite agrave tenir en cas de mise en attente ou drsquoheacutesitations agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute

Le choix du motif de la consultation deacutetartrage ou frottis Il est important de choisir un acte meacutedical susceptible de provoquer des saignements mais simple ne justifiant pas une orientation vers un-e meacutedecin speacutecialiste ou vers un service drsquourgences et ou un plateau technique particulier

Les eacutechanges teacuteleacutephoniques sont enregistreacutes leur contenu est retranscrit dans une base de donneacutees pour recueillir de faccedilon standardiseacutee les reacuteponses apporteacutees par les praticien-ne-s Des seacuteances de deacutebriefing ainsi qursquoun guide meacutethodologique sont mis agrave disposition des testeur-se-s

Remarque lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute au VIH drsquoembleacutee lors de la prise de ren-dez-vous est justifieacutee par les teacutemoignages de certaines PVVIH qui trop souvent expo-seacutees agrave la stigmatisation et la discrimination de la part de professionnel-le-s de santeacute preacutefegraverent eacuteviter un refus frontal de la ou du meacutedecin dans son cabinet Elle est eacutegale-ment approuveacutee par les professionnel-le-s de santeacute du groupe de pilotage au regard de leur expeacuterience

Constitution de lrsquoeacutechantillon geacuteographiqueLa meacutethodologie de lrsquoenquecircte srsquoappuie sur une technique drsquoeacutechantillonnage aleacuteatoire de maniegravere agrave garantir une seacutelection repreacutesentative des chirurgiens-dentistes et des gyneacutecologues en France Afin de deacutefinir les villes dans lesquelles est reacutealiseacutee lrsquoeacutetude plusieurs eacutetapes sont retenues

Un classement des reacutegions en fonction de leur incidence au VIH (faible moyenne eacuteleveacutee)

Une seacutelection de trois reacutegions par niveau drsquoincidence Une identification pour chaque reacutegion seacutelectionneacutee drsquoun deacutepartement agrave haute densiteacute meacutedicale et drsquoun deacutepartement agrave faible densiteacute meacutedicale pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Un choix des chefs-lieux de chacun de ces deacutepartements comme ville pour effectuer lrsquoenquecircte

Pour les trois plus grandes villes de France (Paris Lyon Marseille) un deacutecoupage par arrondissement selon le niveau de richesse (eacuteleveacute moyen faible) est reacutealiseacute Au total 20 villes sont seacutelectionneacutees La base de sondage est reacutealiseacutee agrave partir de plusieurs sources de donneacutees lrsquoInstitut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques (Insee) pour le nombre drsquohabi-tants lrsquoInstitut de veille sanitaire (InVS) pour lrsquoincidence du VIH lrsquoObservatoire natio-nal de la deacutemographie des professions de santeacute et lrsquoAtlas de la deacutemographie meacutedicale en France pour la densiteacute meacutedicale deacutepartementale respectivement pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Constitution de lrsquoeacutechantillon meacutedicalLe testing vise les seul-e-s speacutecialistes secteurs 1 et 2 chirurgiens-dentistes et gyneacuteco-logues Ainsi deux bases de sondage sont reacutealiseacutees

Lrsquoune agrave partir de lrsquoensemble des chirurgiens-dentistes conventionneacute-e-s pour les soins dentaires classiques preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Lrsquoautre agrave partir de lrsquoensemble des gyneacutecologues conventionneacute-e-s avec les speacuteciali-teacutes meacutedicale etou obsteacutetrique preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Pour lrsquoensemble des secteurs geacuteographiques 2 297 chirurgiens-dentistes et 290 gyneacute-cologues sont recenseacute-e-s Afin de creacuteer un eacutechantillon repreacutesentatif de ces professions 30 des chirurgiens-dentistes et 60 des gyneacutecologues sont tireacute-e-s au sort agrave lrsquoaide drsquoun programme de tri aleacuteatoire

Moins de 45 000 habitants

45 000 agrave 200 000 habitants

Plus de 200 000 habitants

les 20 villes selectionneacutees

pour le testing aupregraves des cabinets

dentaires et gyneacutecologiques

29PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 1

laquo Pour vous ce sera 21h raquo laquo Je ne prends pas de nouveaux patients raquo

laquo Eh bien on mettra deux paires de gants raquo

laquo Vous me remplirez un questionnaire meacutedical avant le rdv raquo

laquo Je le note dans le carnet de rdv raquo

laquo Les gens comme voushellip raquo

laquo Je nrsquoai pas le mateacuteriel adapteacute raquo

laquo Ok mais vous viendrez avec toutes vos analyses raquo

laquo Je ne pratique pas le deacutetartrage raquo

laquo Le deacutetartrage crsquoest 150 euros raquo

laquo Vous serez mieux soigneacute agrave lrsquohocircpital raquo

laquo Je nrsquoai pas eacuteteacute formeacute au vih raquo

laquo Heuhellip veuillez patienter raquo

Bonjour je souhaite un rendez-vous

pour un deacutetartrage et je suis seacuteropo

la face cacheacutee des refus

de soins chez les dentistes

envers les personnes vih+

Florilegravege des verbatims des cabinets dentaires agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute par ordre de citation

Le motif le plus souvent invoqueacute par les cabinets dentaires est celui des ameacutenagements ou des horaires speacutecifiques requis pour les personnes seacuteropositives Vient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute

Peacuteriode drsquoenquecircteLe testing est reacutealiseacute sur une peacuteriode courte du 7 au 10 avril 2015 pour garantir la confi-dentialiteacute de lrsquoopeacuteration et assurer un environnement comparable entre les diffeacuterents appels (actualiteacute meacutediatique et politique etc) Une fois la semaine de testing passeacutee les rendez-vous pris sont annuleacutes afin de ne pas peacutenaliser les laquo vrais raquo malades et les meacutedecins dans la gestion des rendez-vous meacutedicaux

Eacutechantillon finalParmi les 570 cabinets dentaires et les 154 cabinets de gyneacutecologie contacteacutes par teacuteleacute-phone durant la peacuteriode drsquoenquecircte pour une prise de rendez-vous un certain nombre sont exclus en raison de non-reacuteponses aux appels de non-conformiteacute de la speacutecialiteacute de fermeture ou de congeacutes Lrsquoeffectif final des praticien-ne-s retenu-e-s srsquoeacutelegraveve agrave 440 pour les chirurgiens-dentistes et 116 pour les gyneacutecologues Lors des appels il est pos-sible de relever la fonction des reacutepondant-e-s dans la majoriteacute des cas (praticien-ne-s ou secreacutetaires meacutedicaux-ales) Ainsi les interlocuteur-trice-s dans les cabinets dentaires sont des secreacutetaires meacutedicaux-les dans 764 des cas (n=336) et des chirurgiens-den-tistes dans 193 des cas (n=85) Pour les cabinets de gyneacutecologie la reacutepartition eacutetait de 802 de secreacutetaires meacutedicaux-les (n=93) et 78 de gyneacutecologues (n=9)

113 Limites de lrsquoeacutetudeCette opeacuteration de testing comporte des limites qui sont autant de pistes pour ameacutelio-rer encore ce type drsquoenquecirctes et leur donner un cadre leacutegalLa premiegravere limite tient agrave la classification a posteriori des motifs des refus de soins En effet la liste exhaustive des motifs de refus ainsi que la combinaison de plusieurs motifs eacutetaient difficiles agrave anticiper La deuxiegraveme limite concerne la perception des testeur-se-s quant aux reacuteponses four-nies par les dentistesgyneacutecologues Ainsi la notion de subjectiviteacute permise par la non-cateacutegorisation a priori des reacuteponses a probablement induit une sous-deacuteclaration de certains refus Les retours drsquoexpeacuteriences des PVVIH qui pointent des refus frontaux dans les cabinets des praticien-ne-s apregraves un rendez-vous fixeacute preacutealablement au teacuteleacute-phone laissent augurer eacutegalement drsquoune sous-eacutevaluation de ces pratiquesLa troisiegraveme limite est celle du champ de lrsquoenquecircte Seule la seacuteropositiviteacute au VIH a eacuteteacute testeacutee il est pourtant neacutecessaire drsquoeacutetendre aux personnes vivant avec une heacutepatite virale chronique ou co-infecteacutees par le VIH et les heacutepatites virales De plus les repreacutesen-tations sociales eacuteconomiques et morales associeacutees agrave la pathologie VIH (CMU ou AME preacutecariteacute pratiques sexuelles usages de drogues etc) peuvent geacuteneacuterer des cumuls de motifs de refusEt enfin la taille de lrsquoeacutechantillon des professionnel-le-s ne permet pas de reacutealiser des analyses statistiques pousseacutees notamment par ville et de conclure agrave drsquoeacuteventuelles dynamiques locales de discrimination

12 DES REacuteSULTATS ACCABLANTS

Parmi les reacuteponses des chirurgiens-dentistes et de leur secreacutetariat meacutedical agrave lrsquoan-nonce de la seacuteropositiviteacute le motif le plus souvent invoqueacute est celui des ameacutena-gements ou des horaires speacutecifiques qui seraient requis soit eacutenonceacutes comme tels soit mis en eacutevidence par comparaison des reacuteponses faites aux personnes supposeacutees seacuteroneacutegatives Il est important de rappeler que le Haut conseil de la santeacute publique a publieacute en 2007 un avis laquo ne recommandant pas lrsquoinstauration drsquoun ordre de pas-sage pour tout patient porteur des virus VHC VHB ou VIH lors drsquoactes invasifs meacutedico-chirurgicaux En revanche il considegravere comme une prioriteacute lrsquoapplication des preacutecautions standard et le respect des mesures de preacutevention (hellip) raquo LrsquoOrdre natio-nal des chirurgiens-dentistes a drsquoailleurs redit lors de la parution de ce testing que laquo les patients doivent tous beacuteneacuteficier drsquoune mecircme chaicircne de deacutecontamination et de steacuterilisation raquoVient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute surcharge de travail pas de nou-veaux-elles patient-e-s deacutelais de rendez-vous trop importants etc non eacutevoqueacutee pour les testeur-se-s nrsquoannonccedilant pas de seacuteropositiviteacute au VIHPour les gyneacutecologues ou leur secreacutetariat meacutedical les testeuses seacuteropositives sont accepteacutees sous reacuteserve de la preacutesentation de leur dossier meacutedical et du rappel de la pathologie au moment de la consultation Lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute est aussi avanceacute agrave plusieurs reprises Tous ces motifs sont ensuite cateacutegoriseacutes

Figure 2

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS30

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins

121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou de discriminationsUne cateacutegorisation est opeacutereacutee en fonction des dispositions juridiques existantes Les dispositions leacutegales eacutetant tregraves geacuteneacuterales et impreacutecises crsquoest la reacutefeacuterence agrave la circu-laire CNAMTS CIR-332008 relative aux refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMU-C qui a eacuteteacute retenue Ce texte donne une deacutefinition concregravete des refus de soins incluant laquo la fixation tardive inhabituelle et abusive drsquoun rendez-vous lrsquoorien-tation reacutepeacuteteacutee et abusive vers un autre confregravere lrsquoattitude et le comportement dis-criminatoire du professionnel de santeacute etc raquo Certains praticien-ne-s ont pu eacutevoquer plusieurs motifsAinsi des refus de soins directs ou deacuteguiseacutes et des traitements diffeacuterentiels non fon-deacutes sont constateacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH lors drsquoune demande de rendez-vous pour un deacutetartrage ou un frottisParmi les refus de soins on distingue deux cateacutegories Les refus directs Il srsquoagit de refus directement imputables au VIH annonceacutes comme tels ou sous couvert drsquoune autre raison non formuleacutee aupregraves de la personne supposeacutee seacuteroneacutegative Les refus deacuteguiseacutes Il srsquoagit de refus dont les preacutetextes avanceacutes sont douteux et contraires au Code de deacuteontologie meacutedicale Ils peuvent ecirctre cateacutegoriseacutes en deux types de refus

Les strateacutegies de deacutecouragement horaires contraignants deacutepassements drsquohono-raires assurance de la solvabiliteacute financiegravere etc

Les reacuteorientations vers des confregraveres ou des services hospitaliers sous preacutetexte drsquoun manque de connaissance de la pathologie et de sa prise en charge de mateacute-riel non adapteacute ou la dangerositeacute des soins qui suggegraverent une meilleure prise en charge laquo ailleurs raquo

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins (voir page 25) Ces dispariteacutes de traitement sont soit annonceacutees de maniegravere explicite lors de la prise de rendez-vous soit mises en eacutevidence par la confrontation des reacuteponses faites au-agrave la testeur-se seacuteropositif-ve au VIH et agrave son binocircme ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH On distingue trois cateacutegories

La meacuteconnaissance de la pathologie qui aboutit agrave de mauvaises pratiques dans la relation avec le ou la patiente

La divulgation du statut seacuterologique en dehors drsquoun dossier meacutedical ce qui est une atteinte au secret meacutedical

Lrsquoexistence de protocoles speacutecifiques drsquohygiegravene pour les PVVIH (steacuterilisation dureacutee des soins etc) agrave lrsquoencontre des mesures de preacutecautions standard recommandeacutees qui teacutemoignent drsquoun manque de connaissance ou drsquoapplication des regravegles fonda-mentales drsquohygiegravene et de steacuterilisation mais aussi une meacuteconnaissance des modes de contamination Ces mesures doivent ecirctre garanties systeacutematiquement et sans compromis quel que soit le statut seacuterologique des personnes et ce drsquoautant qursquoon estime entre 30 000 et 50 000 le nombre de personnes contamineacutees par le VIH en France qui lrsquoignorent (pour 150 000 PVVIH soit 20 agrave 30 )

32 33

30 refus de soins

deacuteguiseacutes

36 refus de soins

directs

168 pratiques

discriminatoires

cabinet dentaire

ViH SrsquoabStenir

17 refus de soins

directs

43 refus de soins

deacuteguiseacutes

172 pratiques

discriminatoires

cabinet de gyneacutecologie

ViH SrsquoabStenir

122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des speacutecialiteacutes

Figure 3 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 4 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

336 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

168 de pratiques discriminatoires

6 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

172 de pratiques discriminatoires

Cabinets de gyneacutecologie

Cabinets dentaires

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Dans le cadre du projet de loi Santeacute AIDES a construit plusieurs amendements afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutealiteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits

Les reacutesultats de ce testing prouvent qursquoil existe une veacuteritable meacuteconnaissance du VIH et de ses modes de transmission aboutissant agrave des attitudes neacutegatives et discrimi-natoires Ces comportements trahissent les repreacutesentations des professionnel-le-s vis-agrave-vis de cette maladieinfection et sur le respect des fondements deacuteontologiques des professions du soin

13 PERSPECTIVES LA NEacuteCESSITEacute DE RENfORCER LrsquoARSENAL jURIDIqUE

Les constats de AIDES confirment la neacutecessiteacute drsquoaller plus loin contre les refus de soins que la seule disposition initialement envisageacutee dans le projet de loi Santeacute Actuelle-ment ce sont aux ordres professionnels des soignant-e-s de mesurer lrsquoimportance et la nature des pratiques de ces refus En conseacutequence plusieurs amendements ont eacuteteacute construits avec Meacutedecins du Monde (MdM) afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutea-liteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits Les amendements formulent cinq propo-sitions visant agrave

Eacutelargir la deacutefinition leacutegale des refus de soins agrave toute pratique discriminante ou strateacutegie de dissuasion menant in fine au renoncement aux soins des patient-e-s

Donner une base leacutegale au testing autour drsquoun cahier des charges preacutecis et y inclure les associations de malades

Impliquer lrsquoensemble des acteurs-trices de santeacute dans le pilotage de lrsquoObserva-toire deacutedieacute aux refus de soins preacutevu par le projet de loi Santeacute agrave commencer par les associations de malades mais aussi les ordres professionnels et les organismes drsquoassurance maladie

Ameacutenager la charge de la preuve de sorte que comme dans lrsquoensemble du droit de la non-discrimination ce soit au-agrave la professionnel-le de santeacute de prouver qursquoil nrsquoy a pas eu de traitement discriminatoire lorsqursquoune personne exprime des eacuteleacutements de fait laissant supposer lrsquoexistence drsquoune discrimination

Permettre aux patient-e-s drsquoecirctre accompagneacute-e-s etou repreacutesenteacute-e-s par des associations durant les recours en justice ou les proceacutedures de conciliation lors-qursquoils-elles sont confronteacute-e-s agrave des refus de soins

Ces amendements srsquoappuient sur divers rapports institutionnels et parlementaires ils srsquoinspirent aussi de lrsquoarticle initial sur les refus de soins de la loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (Loi HPST) preacutesenteacutee par Roselyne Bachelot alors ministre de la Santeacute en 2008 Ces propositions ont cependant eacuteteacute escamoteacutees au fil des lectures agrave lrsquoAssembleacutee nationale et au SeacutenatAinsi gracircce agrave ce testing agrave ses retombeacutees meacutediatiques et agrave la mobilisation des mili-tant-e-s de AIDES les lignes ont commenceacute agrave bouger Drsquoune part lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes a vivement reacuteagi et drsquoautre part un amendement agrave lrsquoarticle 19 du projet de loi Santeacute a eacuteteacute voteacute au Seacutenat proposant que lrsquoeacutevaluation de lrsquoexistence des refus de soins soit confieacutee au Deacutefenseur des droits Au moment de la reacutedaction de ce rapport la formulation finale de lrsquoattribution de cette eacutevaluation au Deacutefenseur des droits ou aux diffeacuterents Ordres nrsquoest pas connue

Concernant lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes un rapprochement avec AIDES srsquoest opeacutereacute rapidement afin drsquoeacutetudier les moyens agrave mettre en œuvre pour lutter effica-cement contre les refus de soins Degraves lrsquoannonce des reacutesultats lrsquoOrdre a immeacutediatement reacuteagi et condamneacute ce type de comportement laquo Nul ne peut faire lrsquoobjet de discrimina-tions dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins raquo rappelant que laquo les chirurgiens-den-tistes qui ne respectent pas ce principe fondamental leacutegal et deacuteontologique srsquoexposent agrave des poursuites tant devant les juridictions disciplinaires que peacutenales raquo

123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction de lrsquointerlocuteur-trice

Les refus de soins ou les pratiques discriminatoires sont plus souvent pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les que par les praticien-ne-s voire inexistants srsquoagissant des gyneacutecologuesDans les cabinets dentaires une majoriteacute de secreacutetaires meacutedicaux-les opposent des refus de soins directs aux PVVIH ils-elles sont 78 agrave opposer des refus indirects versus 22 des chirurgiens-dentistes Srsquoagissant de traitements diffeacuterentieacutes entre les PVVIH et leur binocircme supposeacute seacuteroneacutegatif 824 sont eacutemis par des secreacutetaires meacutedicaux-les versus 186 par des dentistesLes refus de soins ou discriminations sont majoritairement pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les Ce constat reacutevegravele soit un manque de formation et de connaissance du VIH qui aboutit agrave des mauvaises pratiques avec le ou la patiente soit lrsquoexistence de directives donneacutees par des praticien-ne-s quant agrave la prise en charge de certain-e-s patient-e-s dont les PVVIH En teacutemoignent les mises en attente majoritairement du fait des secreacutetaires meacutedicaux-les Il est probablement plus facile de donner des ins-tructions agrave son secreacutetariat que drsquoassumer individuellement la responsabiliteacute drsquoun refus

124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des villesMalgreacute des effectifs parfois limiteacutes de chirurgiens-dentistes et de gyneacutecologues par ville les reacutesultats de ce testing preacutesentent une dispariteacute des pheacutenomegravenes de refus de soins et de discriminations sur le territoire national Il nrsquoy a a priori pas de lien entre le lieu drsquoinstallation et lrsquoineacutegaliteacute des pratiques Lrsquoattitude neacutegative des professionnel-le-s agrave lrsquoencontre des PVVIH paraicirct davantage reposer sur des logiques individuelles que sur la deacutemographie meacutedicale ou lrsquoincidence locale du VIH Les reacutesultats du testing ne suggegraverent pas drsquoinfluence de lrsquoenvironnement sur les pratiques des professionnel-le-s On relegraveve que Bourg-en-Bresse Chacircteauroux et le seiziegraveme arrondissement de Paris trois lieux qui preacutesentent une deacutemographie meacutedicale quantitativement contras-teacutee se deacutetachent en matiegravere de proportion de refus de soins ou de pratiques discri-minatoires avec plus de 70 des chirurgiens-dentistes contacteacute-e-s concerneacute-e-s Agrave lrsquoinverse les speacutecialistes du treiziegraveme arrondissement de Marseille et de la ville de Pontoise nrsquoopposent aucun comportement discriminatoirePour les gyneacutecologues dont le nombre est insuffisant en France avec de veacuteritables ineacute-galiteacutes drsquoaccegraves sur le territoire 12 lrsquoeffet des villes semblent jouer un rocircle a minima Pour certaines villes dont la densiteacute meacutedicale pour cette speacutecialiteacute est tregraves faible un nombre limiteacute de professionnel-le-s a eacuteteacute contacteacute empecircchant toute conclusion Cependant il est important de noter que des PVVIH ont pu ecirctre confronteacutees agrave 100 de refus de rendez-vous dans certaines villes

125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave soulignerDe nombreux-ses praticien-ne-s et leur secreacutetariat meacutedical attribuent des rendez-vous aux PVVIH sans eacutevoquer aucun des motifs jugeacutes discriminatoires Pour pregraves de la moitieacute des cabinets dentaires (496 ) et plus de 4 cabinets de gyneacutecologie sur 5 (768 ) les pratiques de soins lrsquoaccueil et la communication sont en tout point conformes agrave la deacuteontologie meacutedicale (figures 5 et 6) Certains ont aussi fait preuve de bienveillance avec une approche globale de la prise en charge meacutedicale de la personne

126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutesLes logiques de preacutecaution occupent une place eacutevidente dans les arguments opposeacutes aux PVVIH au meacutepris de la loi de la deacuteontologie meacutedicale et des recommandations drsquohygiegravene De nos jours les refus de soins ou discriminations agrave leur eacutegard sont drsquoautant plus inacceptables que les mesures de preacutecaution standard ont eacuteteacute maintes fois rappe-leacutees par diverses instances publiques et scientifiques Ces mesures sont conccedilues pour preacutevenir le risque de transmission du VIH du ou de la patiente au personnel meacutedical et inversement et drsquoun ou drsquoune patiente agrave lrsquoautre Ceci est drsquoautant plus important qursquoen-viron un quart des PVVIH ignorent qursquoelles en sont atteintes et peuvent en toute bonne foi ne pas informer le ou la professionnel-le de santeacute de leur seacuterologie Les mesures de preacutecaution standard doivent ecirctre garanties systeacutematiquement dans tous les cabinets meacutedicaux et pour chaque patient-e quel que soit son eacutetat de santeacute

12 Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins Atlas de la deacutemographie meacutedicale en France situation au 1er janvier 2014

768

34 35PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 5 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 6 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

496

41 000 euroLe prix facial sur le marcheacute franccedilais du premier des traitements hautement actifs contre le VHC pour trois mois Sa combinaison avec drsquoautres meacutedicaments peut coucircter plus de 100766500 000 euro selon la dureacutee du traitement

12 VhC qUI SOIGNER

Crsquoest dans ce contexte que le principe drsquoune mise sous traitement seacutelective est acteacute par le ministegravere de la Santeacute Des critegraveres sont eacutetablis pour deacutefinir qui doit acceacuteder prioritai-rement aux nouveaux traitements innovants contre le VHC Ce choix et ses traductions opeacuterationnelles sont supposeacutes concilier le droit agrave la protection de la santeacute la santeacute publique et des populations mais aussi lrsquoeacutequilibre des finances publiques et la peacuteren-niteacute du systegraveme de protection sociale franccedilais Des recommandations drsquoexpert-e-s pour la mise sous traitement ont eacuteteacute fixeacutees courant 2014 mais finalement restreintes par un avis de la HAS ensuite en 2015 Ceci alors que la socieacuteteacute franccedilaise drsquoheacutepatologie a elle-mecircme confirmeacute en juin de la mecircme anneacutee les recommandations drsquoaccegraves eacutelargies de 2014

101048110104821010481 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexpertsDes recommandations ont drsquoabord eacuteteacute proposeacutees en mai 2014 dans un Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C dit rapport Dhumeaux Ce rapport a eacuteteacute commandeacute par la ministre de la Santeacute en janvier 2013 agrave lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) et lrsquoAssociation franccedilaise pour lrsquoeacutetude du foie (AFEF) De nombreux-ses praticien-ne-s universitaires et des repreacutesentant-e-s drsquoassociations drsquousager-e-s du systegraveme de santeacute sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux ont participeacute agrave son eacutelaboration Ainsi pour les personnes vivant avec une heacutepatite C les recommandations de mise sous trai-tement reposent notamment sur lrsquoavancement de la maladie crsquoest-agrave-dire les stades de fibrose supeacuterieurs ou eacutegaux agrave 2 13 qui indiquent lrsquoeacutetat drsquoavancement de lrsquoimpact du virus sur le foie Les experts ont par ailleurs distingueacute certaines populations pour lesquelles la mise sous traitement est preacuteconiseacutee quel que soit le stade de fibrose

Les patient-e-s ayant des manifestations extra-heacutepatiques seacutevegraveres Les patient-e-s en attente de transplantation heacutepatique ou reacutenale (pour tenter drsquoeacuteradiquer le virus avant la transplantation)

Au cas par cas les femmes ayant un deacutesir de grossesse Les personnes co-infecteacutees VIH-VHC Les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse Les personnes deacutetenues (avec lrsquoobjectif dans ces deux derniegraveres populations drsquoune reacuteduction du risque de transmission) 14

Si le rapport Dhumeaux propose une seacutelection des patient-e-s notamment au regard du prix il inscrit ces recommandations dans une perspective de ralentissement de lrsquoeacutepi-deacutemie et se distingue en ce sens de la HAS

101048110104821010482 Les recommandations restrictives de la hASLa HAS contribue laquo agrave la reacutegulation du systegraveme de santeacute raquo et a donc comme mission drsquolaquo assurer agrave tous les patients et usagers un accegraves peacuterenne et eacutequitable agrave des soins aussi efficaces sucircrs et efficients que possible raquo 15 Les recommandations eacutetablies par la HAS srsquoimposent aux professionnel-le-s meacutedicaux-cales Contrairement agrave la perspective du rapport Dhumeaux la HAS ne considegravere pas que laquo les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC [soient] reacuteunies raquo Elle en tire les conseacutequences et ne recommande qursquolaquo une strateacutegie de traitement des patients dans lrsquoobjectif drsquoune gueacute-rison virologique individuelle raquo avec des recommandations de stade de fibrose plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux Ainsi la HAS limite lrsquoaccegraves aux traitements innovants aux stades de fibrose du foie F2 seulement sous certaines conditions drsquoeacutevolution F3 et F4 ainsi qursquoagrave tous les stades pour certaines populations personnes co-infecteacutees VIH et VHC personnes atteintes de cryoglobulineacutemie mixte systeacutemique et symptomatique personnes atteintes de lym-phome B associeacute au VHC 16 La HAS eacutecarte en revanche des populations cibleacutees par le rapport drsquoexperts Dhumeaux notamment les usager-e-s de drogues et les personnes deacutetenues qui relegraveveraient drsquoune approche non speacutecifique et donc du cadre geacuteneacuteral La France est assez isoleacutee en Europe sur des recommandations de traitement et de non traitement arrecircteacutees sur les stades de fibrose

11 DES TRAITEMENTS INNOVANTS Agrave PRIX TREgraveS EacuteLEVEacuteS

Les limites eacuteconomiques agrave la prescription notamment sur la base de recommandations deacutefinies par la Haute autoriteacute de santeacute (HAS) sont notamment mises en lumiegravere par les prix des nouveaux traitements contre le VHC Aujourdrsquohui diffeacuterents traitements inno-vants contre le VHC les antiviraux agrave action directe sont sur le marcheacute Ils repreacutesentent des avanceacutees theacuterapeutiques majeures offrant un taux de gueacuterison virologique tregraves eacuteleveacute avec des dureacutees de traitements courtes et des effets indeacutesirables limiteacutes Si les associations investies dans le champ de la lutte contre les heacutepatites virales ndash Collectif Heacutepatites Virales (CHV) SOS heacutepatites TRT-5 Comegravede Meacutedecins du Monde (MdM) Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) AIDES ndash saluent lrsquoespoir drsquoune fin proche de lrsquoeacutepideacutemie de VHC elles se sont rapidement alarmeacutees sur le prix de ces nouveaux traitements Sur le marcheacute franccedilais le prix facial du premier de ces traitements hautement actifs contre le VHC (Sovaldisofosbuvir) a eacuteteacute fixeacute agrave 41 000 euro pour trois mois de traitement Ce traitement ne srsquoutilise jamais seul mais en association avec drsquoautres Certaines combinaisons peuvent coucircter plus de 100 000 euro selon la dureacutee (des traitements de six mois sont parfois neacutecessaires)Alors que la France meacutetropolitaine compte plus de 200 000 personnes vivant avec le VHC de tels prix constituent clairement un deacutefi pour les finances publiques et la peacuterenniteacute drsquoun systegraveme de santeacute solidaire En conseacutequence et pour la premiegravere fois en France ce prix participe agrave ce que lrsquoon peut consideacuterer comme un rationnement avec des mises sous traitement sur la base drsquoavis et de dispositions restrictifs

Meacutedicaments quels prix Le prix du meacutedicament nrsquoest pas libre il est fixeacute par convention entre le laboratoire lrsquoexploitant et le Comiteacute eacuteconomique des produits de santeacute (CEPS) sur la base de cri-tegraveres deacutefinis agrave lrsquoarticle L162-16-4 du Code de santeacute publique laquo La fixation de ce prix tient compte principalement de lrsquoameacutelioration du service meacutedical rendu (SMR) appor-teacutee par le meacutedicament le cas eacutecheacuteant des reacutesultats de lrsquoeacutevaluation meacutedico-eacutecono-mique des prix des meacutedicaments agrave mecircme viseacutee theacuterapeutique des volumes de vente preacutevus ou constateacutes ainsi que des conditions preacutevisibles et reacuteelles drsquoutilisation du meacutedi-cament raquo Agrave cela srsquoajoute aussi la coheacuterence avec les conditions de commercialisation preacutevues dans les grands Eacutetats europeacuteens Seul le prix facial est public crsquoest-agrave-dire le prix rembourseacute par lrsquoassurance maladie Le CEPS et les laboratoires peuvent neacutegocier des dispositifs de remises drsquoougrave un prix reacuteel diffeacuterent (voire tregraves diffeacuterent) de ce prix facial Les dispositifs de remises et le prix reacuteel nrsquoeacutetant pas publics les prescripteurs et usager-e-s nrsquoont connaissance que du prix facial

Le droit agrave la protection de la santeacute interdit toute forme de discriminations dans lrsquoaccegraves aux soins Cependant si les discriminations sont interdites lrsquouniversaliteacute de lrsquoaccegraves agrave certains soins et traitements nrsquoest pas pour autant garantie Crsquoest le cas des nouveaux traitements contre le virus de lrsquoheacutepatite C (VHC) dont le prix exorbitant a forceacute agrave deacutefinir des critegraveres de seacutelection des patient-e-s et agrave renoncer agrave lrsquoaccegraves universel

Bien que fondamental le droit agrave la protec-tion de la santeacute sans discrimination (voir page 25) peut connaicirctre certaines limites agrave son effectiviteacute en particulier sur le plan financier Il deacutepend en effet des choix opeacutereacutes au regard des deacutepenses publiques de lrsquoEacutetat et de la seacutecuriteacute sociale et notamment par rapport aux prix des meacutedicaments et des produits de santeacute Lrsquoarticle 8 du Code de deacuteontologie meacutedi-cale (R4127-8 du Code de santeacute publique) preacutecise que laquo Dans les limites fixeacutees par la loi le meacutedecin est libre de ses pres-criptions qui seront celles qursquoil estime les plus approprieacutees en la circonstance Il doit sans neacutegliger son devoir drsquoassistance morale limiter ses prescriptions et ses actes agrave ce qui est neacutecessaire agrave la qualiteacute agrave la seacutecuriteacute et agrave lrsquoefficaciteacute des soins Il doit tenir compte des avantages des incon-veacutenients et des conseacutequences des diffeacute-rentes investigations et theacuterapeutiques possibles raquo Si la liberteacute de prescription est ici recon-nue elle connaicirct donc certaines limites leacutegales dont celle imposeacutee par lrsquoarticle L162-2-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo Les meacutedecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions drsquoobserver dans le cadre de la leacutegislation et de la reacuteglementation en vigueur la plus stricte eacuteconomie compatible avec la qualiteacute la seacutecuriteacute et lrsquoefficaciteacute des soins raquo ce notamment sur la base des laquo recomman-dations ou avis meacutedico-eacuteconomiques de la Haute autoriteacute de santeacute raquo

13 Stades de fibrose F0 pas de fibrose F1 fibrose leacutegegravere F2 fibrose modeacutereacutee F3 fibrose seacutevegravere F4 cirrhose14 Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C 2014 p 25015 httpwwwhas-santefrportailjcmsfc_1249599frla-has16 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf

36 37

DROIT APPLICABLE

1  LE cAS dES TrAITEmENTS INNoVANTS 

coNTrE LrsquoHEacutePATITE c mdash

dIFFIcULTEacuteS drsquoAccEgraveS  AUx TrAITEmENTS

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

38 39

Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

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laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

59

40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 12: AIDES Rapport Discrim

Les discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et international Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacute

Cette mecircme exclusion des PVVIH existe aussi dans la gendarmerie nationale Sachant que dans la gendarmerie nationale lrsquoinaptitude est prononceacutee pour les candidats seacutero-positifs en qualiteacute de musicien choriste ou agent technique et administratif le carac-tegravere discriminatoire et disproportionneacute des classifications pour inaptitude est illustreacute sans que drsquoautres commentaires soient utiles (tableau 5)Dans le cadre de la reacutedaction de ce rapport AIDES nrsquoa pas pu encore recenser de maniegravere exhaustive les corps desquels les PVVIH seraient exclues agrave raison de leur eacutetat de santeacute La question que AIDES pose en revanche est celle des postes et corps ouverts aux personnes seacuteropositives la liste est certainement plus limiteacuteehellip Lrsquoassociation sou-haite pour lrsquoheure mettre en lumiegravere une exclusion une discrimination structurelle touchant agrave toutes les forces armeacutees et lieacutee agrave un reacutefeacuterentiel inadapteacute anachronique eacutechappant aux donneacutees scientifiques et meacutedicales contemporaines

Remarque en 2015 les forces armeacutees comptent 207 689 postes (120 031 pour lrsquoarmeacutee de terre 38 874 pour la marine nationale 48 784 pour lrsquoarmeacutee de lrsquoair) 5 Lrsquoeffectif de la gendarmerie nationale srsquoeacutelegraveve agrave 98 115 personnes 6 la police nationale agrave 144 858 7 et les sapeurs-pompiers agrave 244 900 8 Une part importante de ces postes est fermeacutee aux PVVIH

234 Police nationale sapeurs-pompiers une exclusion qui deacutepasse largement le champ de lrsquoarmeacutee

Srsquoil a une vocation militaire le profil meacutedical Sigycop srsquoapplique et creacutee des exclusions systeacutematiques de PVVIH dans de nombreux autres emplois publics Ainsi lrsquoexclusion constateacutee pour lrsquoarmeacutee sur la base des coefficients G 3 et G 4 se retrouve dans drsquoautres secteurs notamment la police nationale En effet depuis une tregraves reacutecente modification de lrsquoarrecircteacute du 2 aoucirct 2010 relatif aux conditions drsquoaptitudes physiques particuliegraveres pour lrsquoaccegraves aux emplois de certains corps de fonctionnaires par un arrecircteacute du 10 juin 2015 le profil G 2 exclut lrsquoensemble des PVVIH de la police nationale (tableau 6)

De mecircme lrsquoarrecircteacute du 6 mai 2000 fixant les conditions drsquoaptitude meacutedicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions drsquoexercice de la meacutede-cine professionnelle et preacuteventive au sein des services deacutepartementaux drsquoincendie et de secours deacutefinit diffeacuterents profils Les PVVIH sous traitement ne sont eacuteligibles qursquoau profil E qui correspond agrave une activiteacute non opeacuterationnelle voire un reclassement dans un autre corps cadre drsquoemplois ou emploi Ces discriminations agrave lrsquoaccegraves agrave la formation et agrave lrsquoemploi directes ou conseacutecutives agrave des textes regraveglementaires sont en contradiction avec le droit franccedilais europeacuteen et interna-tional Elles entretiennent un certain nombre de repreacutesentations et ideacutees agrave lrsquoencontre des PVVIH et par lagrave des stigmatisations seacuterophobes encore reacutesistantes dans la socieacuteteacutePour chaque cas ayant eacuteteacute rapporteacute agrave AIDES lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour mieux documenter les situations des personnes ainsi que les implications collectives Lrsquoas-sociation a systeacutematiquement alerteacute les autoriteacutes concerneacutees afin de travailler avec elles agrave une eacutevolution des textes AIDES a aussi saisi le Deacutefenseur des droits agrave lrsquoautomne 2015 dans le cadre de sa mission constitutionnelle de laquo veille au respect des droits et liberteacutes raquoAIDES ne preacutetend pas avoir identifieacute toutes les exclusions seacuterophobes existantes Si des personnes ont connaissance de situations similaires elles sont inviteacutees agrave contacter les associations qui les aideront agrave saisir le Deacutefenseur des droits

corps statut drsquoappartenance

ou formation concerneacuteeprofil meacutedical requis

Officier de gendarmerie (OG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale candidat au cycle de formation donnant accegraves au grade drsquoaspirant (AGIV)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Officier du corps technique et administratif de la gendarmerie nationale (OCTAGN)

S I G Y C O P

1010483 1010483 1010483 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie (SOG) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave exercer les attributions drsquoagent de police judiciaire adjoint (GAV APJA)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010483 10104820

ou 1010481

Sous-officier du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (CSTAGN) S I G Y C O P

Volontaire dans les armeacutees en service au sein de la gendarmerie nationale destineacute agrave occuper un emploi particulier (GAV EP)

1010482 1010482 1010482 1010484 1010484 10104830

ou 1010481

Sous-officier de gendarmerie recruteacute pour servir en qualiteacute de musicien de lrsquoorchestre ou de choriste de la garde reacutepublicaine

S I G Y C O P

1010483 1010482 1010483 1010485 1010484 10104820

ou 1010481

Tableau 5 ndash Sigycop minimal pour la gendarmerie nationale

5 Chiffres cleacutes de la Deacutefense eacutedition 2015 6 httpwwwgendarmerieinterieurgouvfrNotre-InstitutionNos-moyensEffectifs 7 httpwwwladocumentationfrancaisefrvarstoragerapports-publics134000185pdf 8 httpwwwpompiersfraccueilles-sapeurs--pompiersles-statistiques

20 21

Tableau 6 ndash Sigycop minimal requis pour les fonctionnaires actifs de la police nationale

S I G Y C O P

1010482 1010482 1010482 1010483 1010482 1010482 1010482

PARTIE I LE DROIT Agrave LrsquoINSTRUCTION ET AU TRAVAIL

2LE droIT Agrave LA SANTEacute   ET LE PrINcIPE   

drsquoEacutegALITEacute dE TrAITEmENT

Le droit agrave la protection de la santeacuteLa loi relative aux droits des personnes malades et agrave la qualiteacute du systegraveme de santeacute du 4 mars 2002 dite laquo loi Kouchner raquo reacuteaffirme degraves lrsquoexposeacute des motifs le droit agrave la pro-tection de la santeacute comme un droit agrave valeur constitutionnelle reconnu par lrsquoalineacutea 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 laquo La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les conditions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacute-rielle le repos et les loisirs raquo Ce droit a eacuteteacute consacreacute par plusieurs deacutecisions du Conseil constitutionnel (notamment CC 23 juillet 1999 ndeg 99-416) Le droit agrave la protection de la santeacute est eacutegalement garanti par des textes internationaux ratifieacutes par la France Il lrsquoest indirectement par lrsquoarticle 3 de la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales interdisant la tor-ture et les traitements inhumains ou deacutegradants et par lrsquoarticle 8 de ladite Convention proteacutegeant le droit agrave la vie priveacutee et familiale Ce droit est aussi proteacutegeacute directement par la Charte de lrsquoOrganisation mondiale de la Santeacute du 27 juillet 1946 laquo La possession du meilleur eacutetat de santeacute qursquoil est capable drsquoatteindre constitue lrsquoun des droits fondamen-taux de tout ecirctre humain quelles que soient sa race sa religion ses opinions politiques sa conduite eacuteconomique raquoSur ces bases lrsquoarticle 1 de la loi de 2002 introduit un droit agrave la protection de la santeacute en faveur de toute personne sans discrimination laquo La mise en œuvre de ce droit passe par le deacuteveloppement de la preacutevention lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins les plus approprieacutes agrave son eacutetat de santeacute la continuiteacute des soins la seacutecuriteacute sanitaire raquo

Extraits du Code de santeacute publique

article l1110-1 Le droit fondamental agrave la protection de la santeacute doit ecirctre mis en œuvre par tous moyens disponibles au beacuteneacutefice de toute personne Les professionnels les eacutetablissements et reacuteseaux de santeacute les organismes drsquoassurance maladie ou tous autres organismes par-ticipant agrave la preacutevention et aux soins et les autoriteacutes sanitaires contribuent avec les usagers agrave deacutevelopper la preacutevention garantir lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins neacutecessiteacutes par son eacutetat de santeacute et assurer la continuiteacute des soins et la meilleure seacutecu-riteacute sanitaire possible

article l1110-3 Aucune personne ne peut faire lrsquoobjet de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention ou aux soins

article l1110-5 Toute personne a compte tenu de son eacutetat de santeacute et de lrsquourgence des interventions que celui-ci requiert le droit de recevoir les soins les plus approprieacutes et de beacuteneacuteficier des theacuterapeutiques dont lrsquoefficaciteacute est reconnue et qui garantissent la meilleure seacutecuriteacute sanitaire au regard des connaissances meacutedicales aveacutereacutees Les actes de preacutevention drsquoin-vestigation ou de soins ne doivent pas en lrsquoeacutetat des connaissances meacutedicales lui faire courir de risques disproportionneacutes par rapport au beacuteneacutefice escompteacute

article l1411-1-1 Lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins des populations fragiliseacutees constitue un objectif prioritaire de la politique de santeacuteLes programmes de santeacute publique mis en œuvre par lrsquoEacutetat ainsi que par les collectiviteacutes territoriales et les organismes drsquoassurance maladie prennent en compte les difficulteacutes speacutecifiques des populations fragiliseacutees

25

DROIT APPLICABLE

rEFUS dE SoINS

Le droit agrave la santeacute et le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement bien que proteacutegeacutes par des textes agrave valeurs constitutionnelle et internationale peinent parfois agrave trouver une traduction effective Dans le champ du VIH sida et des heacutepatites virales les exemples sont leacutegions Sans preacutetendre agrave lrsquoexhaustiviteacute AIDES retient pour 2015 trois expressions drsquoatteintes agrave ces droits fondamentaux Drsquoabord des personnes seacuteropositives au VIH sont confronteacutees agrave des refus de soins en raison de leur statut seacuterologique Ensuite des personnes infecteacutees par le virus de lrsquoheacutepatite C sont eacutecarteacutees de lrsquoaccegraves aux nouveaux traitements innovants Enfin les personnes mineures ne peuvent acceacuteder agrave tous les moyens de preacutevention et de deacutepistage disponibles actuellement Ces sujets constituent les trois axes de ce chapitre

Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de comparer les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique

Bien que lrsquoaccegraves aux soins sans discrimination soit garanti par des dispositions leacutegales sans ambiguiumlteacute dans les faits des entraves existent Lrsquoexistence mecircme des refus de soins ne fait pas consensus la plupart des professionnel-le-s de santeacute tendant agrave nier ou au moins agrave minimiser le pheacutenomegravene que les personnes concerneacutees rapportent pourtant de maniegravere reacutecurrente Le deacuteficit drsquoeacutetudes officielles ne permet pas drsquoen objectiver la nature et lrsquoampleur En France seules quelques enquecirctes meneacutees par des associations et des institutions documentent ces pheacutenomegravenes mais essentiel-lement cibleacutees sur des motivations drsquoordre social Il srsquoagit drsquoeacutetudes concernant des beacuteneacuteficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) de la CMU compleacutementaire (CMU-C) de lrsquoaide meacutedicale drsquoEacutetat (AME) et de lrsquoaide agrave lrsquoacquisition drsquoune compleacute-mentaire santeacute (ACS) 11 Les discriminations dans le champ meacutedical agrave lrsquoencontre des PVVIH sont notamment documenteacutees par Sida Info Service qui a meneacute cinq enquecirctes agrave ce sujet et agrave travers les enquecirctes ANRS-VespaPourtant des cas reacutecurrents de refus de soins ou de discriminations sont rappor-teacutes par des PVVIH Ils concernent principalement lrsquoaccegraves agrave des soins dentaires ou gyneacutecologiques dans un contexte ougrave les mesures de preacutecaution standard drsquohygiegravene ont eacuteteacute maintes fois rappeleacutees par diverses instances publiques scientifiques et professionnellesAfin drsquoobjectiver ces refus trop souvent minimiseacutes AIDES a meneacute un testing en avril 2015 agrave lrsquooccasion de deacutebats autour du projet de loi de modernisation de notre sys-tegraveme de santeacute susceptible de renforcer les moyens de lutte contre les refus de soins Cette enquecircte vise agrave saisir lrsquoampleur et documenter les refus de soins laquo sur le vif raquo agrave lrsquoencontre des PVVIH

11 MEacuteThODOLOGIE

111 qursquoest-ce qursquoun testing Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de com-parer toutes choses eacutegales par ailleurs les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique Si lrsquoune des personnes est traiteacutee diffeacuteremment de lrsquoautre alors cette diffeacuterence est imputeacutee agrave lrsquounique caracteacuteristique qui les distingue

112 Le protocole drsquoenquecircteAfin de parvenir agrave eacutetablir lrsquoexistence de traitements discriminatoires dans lrsquoaccegraves aux soins dentaires ou gyneacutecologiques des PVVIH AIDES a recouru agrave une opeacuteration de tes-ting srsquoappuyant sur lrsquoobservation de prises de rendez-vous teacuteleacutephoniques

Les testeur-se-sLes appels teacuteleacutephoniques sont reacutealiseacutes par 44 testeur-se-s tous militant-e-s de AIDES Chaque testeur-se doit jouer un personnage en srsquoappuyant sur une identiteacute fictive qui se reacutepartit selon quatre profils

Hommefemme Seacuteropositif-ve au VIH ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH

Les diffeacuterentes lois sur la santeacute rarement remises en causes se sont depuis inscrites dans la continuiteacute Elles positionnent le droit agrave la santeacute pour tous et toutes comme une finaliteacute des politiques de santeacute jusqursquoau dernier projet de loi preacutesenteacute par Marisol Touraine ministre des Affaires sociales de la Santeacute et des Droits des femmes qui rap-pelle dans la version initiale de lrsquoarticle 1er laquo Elle [la politique de santeacute] tend agrave assurer la promotion de conditions de vie favorables agrave la santeacute lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute de la population la reacuteduction des ineacutegaliteacutes sociales et territoriales de santeacute et agrave garantir la meilleure seacutecuriteacute sanitaire possible et lrsquoaccegraves effectif de la population agrave la preacutevention et aux soins raquo 9

Les dispositions speacutecifiques aux refus de soinsLe droit agrave la santeacute est un eacuteleacutement fondamental des droits de lrsquohomme Si les textes qui rappellent ce principe sont nombreux il reste que ce droit nrsquoest pas acquis pour tous et toutes en particulier pour les personnes en situation de vulneacuterabiliteacute Au-delagrave des dif-ficulteacutes drsquoaccegraves aux soins les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) peuvent ecirctre expo-seacutees agrave des pratiques illeacutegales de refus de soins qui portent atteinte au droit agrave la santeacute Mecircme si les refus de soins ne sont pas geacuteneacuteraliseacutes les reacutesultats de nombreux testing montrent leur reacutecurrence Le droit actuel permet-il de lutter efficacement contre ces pratiques illeacutegales les reacuteponses juridiques sont-elles suffisantes Lrsquoencadrement juri-dique des refus de soins est eacuteclateacute entre Code peacutenal Code de la santeacute publique Code de la consommation et Code de deacuteontologie meacutedicale ce qui ne rend pas visible cet enjeuLe rapport du Deacutefenseur des droits remis au Premier Ministre en mars 2014 sur laquo Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME raquo a permis de montrer lrsquoinefficaciteacute de lrsquoencadrement juridique actuel La loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (HPST) a mis en place une proceacutedure particuliegravere de signalement des refus de soins complexe et peu effective instances compeacutetentes et modaliteacutes de saisines multiples difficulteacutes des usager-e-s agrave faire valoir leurs droits rareteacute des signalements et manque de mobilisation des ins-tances en charge du traitement des signalements Crsquoest pourquoi il est neacutecessaire de renforcer les droits des patient-e-s pour une meilleure connaissance des lois et voies de recours existants de mettre en œuvre un accompagnement des victimes dans le cadre des proceacutedures de conciliation ou les recours en justice et de mieux qualifier les refus de soins illeacutegaux pour en faciliter lrsquoidentification

Exemple de deacutecision du Deacutefenseur des droits Le Deacutefenseur a eacuteteacute saisi drsquoune reacuteclamation relative au refus de proceacuteder agrave lrsquoextraction de dents de sagesse en raison de la seacuteropositiviteacute de la patiente Celle-ci pensant que le chirurgien accegravederait agrave son dossier informatique de suivi au sein du mecircme hocircpital nrsquoa pas indiqueacute sa maladie lors de la consultation preacuteopeacuteratoire Apregraves avoir appris la seacuteropositiviteacute de la reacuteclamante le mis en cause a annuleacute lrsquoopeacuteration preacutevue en propo-sant une date trois mois plus tard inacceptable pour cette derniegravere Afin de justifier le refus des soins le mis en cause a invoqueacute lrsquoapplication drsquoun protocole speacutecifique pour la prise en charge drsquoun patient seacuteropositif Lrsquohocircpital dans lequel exerccedilait le mis en cause a deacutementi lrsquoexistence drsquoun tel protocole Dans le cadre de cette deacutecision le Deacutefenseur des droits a donc recommandeacute la mise en œuvre de sanctions disciplinaires agrave lrsquoeacutegard du meacutedecin et a informeacute de sa deacutecision le ministegravere de la Santeacute le conseil national de lrsquoordre des chirurgiens-dentistes ainsi que le conseil deacutepartemental de lrsquoordre des meacutedecinsDeacutecision MLD-2011-94 du 13 janvier 2012 10

1 UN TESTINg PoUr objEcTIVEr  

LES rEFUS dE SoINS mdash

9 Au moment de la reacutedaction de ce rapport la reacutedaction deacutefinitive de lrsquoarticle 1er nrsquoest pas connue 10 httpwwwdefenseurdesdroitsfrfractionsprotection-des-droits-libertesdecisiondecision-mld-2011-94-du-13-janvier-2012-

relative-un

11 MEacuteDECINS DU MONDE Testing sur les refus de soins des meacutedecins geacuteneacuteralistes pour les beacuteneacuteficiaires de la Couverture Maladie Universelle ou de lrsquoAide Meacutedicale Eacutetat dans 10 villes de France 2006 DEacuteFENSEUR DES DROITS Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME 2014 FONDS CMU-DIES Analyse des attitudes de meacutedecins et de dentistes agrave lrsquoeacutegard des patients beacuteneacuteficiant de la CMUC dans 6 villes du Val-de-Marne 2006 FONDS CMU-IRDES Les refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMUC agrave Paris 2009 FONDS CMU-IRDES Analyse territoriale des obstacles agrave lrsquoaccegraves aux soins des beacuteneacuteficiaires de la CMUC dans les deacutepartements de lrsquoOrne et de la Niegravevre 2012 CISS Droits des malades Refus de soins aux beacuteneacuteficiaires de la CMUC de lrsquoAME et de lrsquoACS 2015

26 27PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Rouen

Evreux

Pontoise

Chacircteauroux

ParisStrasbourg

Auxerre

Dijon

Lyon

Marseille

Gap

Clermont-ferrandPuy-en-Velay

Toulouse

Niort

Angoulegraveme

Cahors

Bourg-en-Bresse

Tours

Colmar

Lrsquoeacutechantillon repreacutesentatif de lrsquoeacutetude comprend 100766810076680 cabinets dentaires et 100766510076691007668 cabinets de gyneacutecologie

Le sceacutenarioUn mecircme cabinet dentaire ou de gyneacutecologie est appeleacute deux fois pour une prise de rendez-vous par deux testeur-se-s diffeacuterent-e-s qui ont des caracteacuteristiques sociodeacute-mographiques similaires Les prises de rendez-vous gyneacutecologiques sont effectueacutees uniquement par des femmes Dans le premier cas le-la testeur-se annonce sa seacutero-positiviteacute au VIH dans le second cas lrsquoautre testeur-se ne dit rien Seule la mention du statut seacuterologique diffeacuterencie ces deux personnes Un script eacutetabli en concertation avec des militant-e-s des PVVIH et des professionnel-le-s de santeacute (meacutedecins speacutecia-listes en chirurgie dentaire en gyneacutecologie et de santeacute publique) reacuteuni-e-s au sein drsquoun groupe de pilotage a permis drsquoeacutetablir

Une feuille de route pour chaque testeur-se proposant des reacuteponses concregravetes aux eacuteventuelles questions que pourrait susciter la demande de rendez-vous (iden-titeacute motifs de la demande orientations adresse teacuteleacutephone numeacutero de seacutecuriteacute sociale etc)

La conduite agrave tenir en cas de mise en attente ou drsquoheacutesitations agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute

Le choix du motif de la consultation deacutetartrage ou frottis Il est important de choisir un acte meacutedical susceptible de provoquer des saignements mais simple ne justifiant pas une orientation vers un-e meacutedecin speacutecialiste ou vers un service drsquourgences et ou un plateau technique particulier

Les eacutechanges teacuteleacutephoniques sont enregistreacutes leur contenu est retranscrit dans une base de donneacutees pour recueillir de faccedilon standardiseacutee les reacuteponses apporteacutees par les praticien-ne-s Des seacuteances de deacutebriefing ainsi qursquoun guide meacutethodologique sont mis agrave disposition des testeur-se-s

Remarque lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute au VIH drsquoembleacutee lors de la prise de ren-dez-vous est justifieacutee par les teacutemoignages de certaines PVVIH qui trop souvent expo-seacutees agrave la stigmatisation et la discrimination de la part de professionnel-le-s de santeacute preacutefegraverent eacuteviter un refus frontal de la ou du meacutedecin dans son cabinet Elle est eacutegale-ment approuveacutee par les professionnel-le-s de santeacute du groupe de pilotage au regard de leur expeacuterience

Constitution de lrsquoeacutechantillon geacuteographiqueLa meacutethodologie de lrsquoenquecircte srsquoappuie sur une technique drsquoeacutechantillonnage aleacuteatoire de maniegravere agrave garantir une seacutelection repreacutesentative des chirurgiens-dentistes et des gyneacutecologues en France Afin de deacutefinir les villes dans lesquelles est reacutealiseacutee lrsquoeacutetude plusieurs eacutetapes sont retenues

Un classement des reacutegions en fonction de leur incidence au VIH (faible moyenne eacuteleveacutee)

Une seacutelection de trois reacutegions par niveau drsquoincidence Une identification pour chaque reacutegion seacutelectionneacutee drsquoun deacutepartement agrave haute densiteacute meacutedicale et drsquoun deacutepartement agrave faible densiteacute meacutedicale pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Un choix des chefs-lieux de chacun de ces deacutepartements comme ville pour effectuer lrsquoenquecircte

Pour les trois plus grandes villes de France (Paris Lyon Marseille) un deacutecoupage par arrondissement selon le niveau de richesse (eacuteleveacute moyen faible) est reacutealiseacute Au total 20 villes sont seacutelectionneacutees La base de sondage est reacutealiseacutee agrave partir de plusieurs sources de donneacutees lrsquoInstitut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques (Insee) pour le nombre drsquohabi-tants lrsquoInstitut de veille sanitaire (InVS) pour lrsquoincidence du VIH lrsquoObservatoire natio-nal de la deacutemographie des professions de santeacute et lrsquoAtlas de la deacutemographie meacutedicale en France pour la densiteacute meacutedicale deacutepartementale respectivement pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Constitution de lrsquoeacutechantillon meacutedicalLe testing vise les seul-e-s speacutecialistes secteurs 1 et 2 chirurgiens-dentistes et gyneacuteco-logues Ainsi deux bases de sondage sont reacutealiseacutees

Lrsquoune agrave partir de lrsquoensemble des chirurgiens-dentistes conventionneacute-e-s pour les soins dentaires classiques preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Lrsquoautre agrave partir de lrsquoensemble des gyneacutecologues conventionneacute-e-s avec les speacuteciali-teacutes meacutedicale etou obsteacutetrique preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Pour lrsquoensemble des secteurs geacuteographiques 2 297 chirurgiens-dentistes et 290 gyneacute-cologues sont recenseacute-e-s Afin de creacuteer un eacutechantillon repreacutesentatif de ces professions 30 des chirurgiens-dentistes et 60 des gyneacutecologues sont tireacute-e-s au sort agrave lrsquoaide drsquoun programme de tri aleacuteatoire

Moins de 45 000 habitants

45 000 agrave 200 000 habitants

Plus de 200 000 habitants

les 20 villes selectionneacutees

pour le testing aupregraves des cabinets

dentaires et gyneacutecologiques

29PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 1

laquo Pour vous ce sera 21h raquo laquo Je ne prends pas de nouveaux patients raquo

laquo Eh bien on mettra deux paires de gants raquo

laquo Vous me remplirez un questionnaire meacutedical avant le rdv raquo

laquo Je le note dans le carnet de rdv raquo

laquo Les gens comme voushellip raquo

laquo Je nrsquoai pas le mateacuteriel adapteacute raquo

laquo Ok mais vous viendrez avec toutes vos analyses raquo

laquo Je ne pratique pas le deacutetartrage raquo

laquo Le deacutetartrage crsquoest 150 euros raquo

laquo Vous serez mieux soigneacute agrave lrsquohocircpital raquo

laquo Je nrsquoai pas eacuteteacute formeacute au vih raquo

laquo Heuhellip veuillez patienter raquo

Bonjour je souhaite un rendez-vous

pour un deacutetartrage et je suis seacuteropo

la face cacheacutee des refus

de soins chez les dentistes

envers les personnes vih+

Florilegravege des verbatims des cabinets dentaires agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute par ordre de citation

Le motif le plus souvent invoqueacute par les cabinets dentaires est celui des ameacutenagements ou des horaires speacutecifiques requis pour les personnes seacuteropositives Vient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute

Peacuteriode drsquoenquecircteLe testing est reacutealiseacute sur une peacuteriode courte du 7 au 10 avril 2015 pour garantir la confi-dentialiteacute de lrsquoopeacuteration et assurer un environnement comparable entre les diffeacuterents appels (actualiteacute meacutediatique et politique etc) Une fois la semaine de testing passeacutee les rendez-vous pris sont annuleacutes afin de ne pas peacutenaliser les laquo vrais raquo malades et les meacutedecins dans la gestion des rendez-vous meacutedicaux

Eacutechantillon finalParmi les 570 cabinets dentaires et les 154 cabinets de gyneacutecologie contacteacutes par teacuteleacute-phone durant la peacuteriode drsquoenquecircte pour une prise de rendez-vous un certain nombre sont exclus en raison de non-reacuteponses aux appels de non-conformiteacute de la speacutecialiteacute de fermeture ou de congeacutes Lrsquoeffectif final des praticien-ne-s retenu-e-s srsquoeacutelegraveve agrave 440 pour les chirurgiens-dentistes et 116 pour les gyneacutecologues Lors des appels il est pos-sible de relever la fonction des reacutepondant-e-s dans la majoriteacute des cas (praticien-ne-s ou secreacutetaires meacutedicaux-ales) Ainsi les interlocuteur-trice-s dans les cabinets dentaires sont des secreacutetaires meacutedicaux-les dans 764 des cas (n=336) et des chirurgiens-den-tistes dans 193 des cas (n=85) Pour les cabinets de gyneacutecologie la reacutepartition eacutetait de 802 de secreacutetaires meacutedicaux-les (n=93) et 78 de gyneacutecologues (n=9)

113 Limites de lrsquoeacutetudeCette opeacuteration de testing comporte des limites qui sont autant de pistes pour ameacutelio-rer encore ce type drsquoenquecirctes et leur donner un cadre leacutegalLa premiegravere limite tient agrave la classification a posteriori des motifs des refus de soins En effet la liste exhaustive des motifs de refus ainsi que la combinaison de plusieurs motifs eacutetaient difficiles agrave anticiper La deuxiegraveme limite concerne la perception des testeur-se-s quant aux reacuteponses four-nies par les dentistesgyneacutecologues Ainsi la notion de subjectiviteacute permise par la non-cateacutegorisation a priori des reacuteponses a probablement induit une sous-deacuteclaration de certains refus Les retours drsquoexpeacuteriences des PVVIH qui pointent des refus frontaux dans les cabinets des praticien-ne-s apregraves un rendez-vous fixeacute preacutealablement au teacuteleacute-phone laissent augurer eacutegalement drsquoune sous-eacutevaluation de ces pratiquesLa troisiegraveme limite est celle du champ de lrsquoenquecircte Seule la seacuteropositiviteacute au VIH a eacuteteacute testeacutee il est pourtant neacutecessaire drsquoeacutetendre aux personnes vivant avec une heacutepatite virale chronique ou co-infecteacutees par le VIH et les heacutepatites virales De plus les repreacutesen-tations sociales eacuteconomiques et morales associeacutees agrave la pathologie VIH (CMU ou AME preacutecariteacute pratiques sexuelles usages de drogues etc) peuvent geacuteneacuterer des cumuls de motifs de refusEt enfin la taille de lrsquoeacutechantillon des professionnel-le-s ne permet pas de reacutealiser des analyses statistiques pousseacutees notamment par ville et de conclure agrave drsquoeacuteventuelles dynamiques locales de discrimination

12 DES REacuteSULTATS ACCABLANTS

Parmi les reacuteponses des chirurgiens-dentistes et de leur secreacutetariat meacutedical agrave lrsquoan-nonce de la seacuteropositiviteacute le motif le plus souvent invoqueacute est celui des ameacutena-gements ou des horaires speacutecifiques qui seraient requis soit eacutenonceacutes comme tels soit mis en eacutevidence par comparaison des reacuteponses faites aux personnes supposeacutees seacuteroneacutegatives Il est important de rappeler que le Haut conseil de la santeacute publique a publieacute en 2007 un avis laquo ne recommandant pas lrsquoinstauration drsquoun ordre de pas-sage pour tout patient porteur des virus VHC VHB ou VIH lors drsquoactes invasifs meacutedico-chirurgicaux En revanche il considegravere comme une prioriteacute lrsquoapplication des preacutecautions standard et le respect des mesures de preacutevention (hellip) raquo LrsquoOrdre natio-nal des chirurgiens-dentistes a drsquoailleurs redit lors de la parution de ce testing que laquo les patients doivent tous beacuteneacuteficier drsquoune mecircme chaicircne de deacutecontamination et de steacuterilisation raquoVient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute surcharge de travail pas de nou-veaux-elles patient-e-s deacutelais de rendez-vous trop importants etc non eacutevoqueacutee pour les testeur-se-s nrsquoannonccedilant pas de seacuteropositiviteacute au VIHPour les gyneacutecologues ou leur secreacutetariat meacutedical les testeuses seacuteropositives sont accepteacutees sous reacuteserve de la preacutesentation de leur dossier meacutedical et du rappel de la pathologie au moment de la consultation Lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute est aussi avanceacute agrave plusieurs reprises Tous ces motifs sont ensuite cateacutegoriseacutes

Figure 2

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS30

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins

121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou de discriminationsUne cateacutegorisation est opeacutereacutee en fonction des dispositions juridiques existantes Les dispositions leacutegales eacutetant tregraves geacuteneacuterales et impreacutecises crsquoest la reacutefeacuterence agrave la circu-laire CNAMTS CIR-332008 relative aux refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMU-C qui a eacuteteacute retenue Ce texte donne une deacutefinition concregravete des refus de soins incluant laquo la fixation tardive inhabituelle et abusive drsquoun rendez-vous lrsquoorien-tation reacutepeacuteteacutee et abusive vers un autre confregravere lrsquoattitude et le comportement dis-criminatoire du professionnel de santeacute etc raquo Certains praticien-ne-s ont pu eacutevoquer plusieurs motifsAinsi des refus de soins directs ou deacuteguiseacutes et des traitements diffeacuterentiels non fon-deacutes sont constateacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH lors drsquoune demande de rendez-vous pour un deacutetartrage ou un frottisParmi les refus de soins on distingue deux cateacutegories Les refus directs Il srsquoagit de refus directement imputables au VIH annonceacutes comme tels ou sous couvert drsquoune autre raison non formuleacutee aupregraves de la personne supposeacutee seacuteroneacutegative Les refus deacuteguiseacutes Il srsquoagit de refus dont les preacutetextes avanceacutes sont douteux et contraires au Code de deacuteontologie meacutedicale Ils peuvent ecirctre cateacutegoriseacutes en deux types de refus

Les strateacutegies de deacutecouragement horaires contraignants deacutepassements drsquohono-raires assurance de la solvabiliteacute financiegravere etc

Les reacuteorientations vers des confregraveres ou des services hospitaliers sous preacutetexte drsquoun manque de connaissance de la pathologie et de sa prise en charge de mateacute-riel non adapteacute ou la dangerositeacute des soins qui suggegraverent une meilleure prise en charge laquo ailleurs raquo

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins (voir page 25) Ces dispariteacutes de traitement sont soit annonceacutees de maniegravere explicite lors de la prise de rendez-vous soit mises en eacutevidence par la confrontation des reacuteponses faites au-agrave la testeur-se seacuteropositif-ve au VIH et agrave son binocircme ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH On distingue trois cateacutegories

La meacuteconnaissance de la pathologie qui aboutit agrave de mauvaises pratiques dans la relation avec le ou la patiente

La divulgation du statut seacuterologique en dehors drsquoun dossier meacutedical ce qui est une atteinte au secret meacutedical

Lrsquoexistence de protocoles speacutecifiques drsquohygiegravene pour les PVVIH (steacuterilisation dureacutee des soins etc) agrave lrsquoencontre des mesures de preacutecautions standard recommandeacutees qui teacutemoignent drsquoun manque de connaissance ou drsquoapplication des regravegles fonda-mentales drsquohygiegravene et de steacuterilisation mais aussi une meacuteconnaissance des modes de contamination Ces mesures doivent ecirctre garanties systeacutematiquement et sans compromis quel que soit le statut seacuterologique des personnes et ce drsquoautant qursquoon estime entre 30 000 et 50 000 le nombre de personnes contamineacutees par le VIH en France qui lrsquoignorent (pour 150 000 PVVIH soit 20 agrave 30 )

32 33

30 refus de soins

deacuteguiseacutes

36 refus de soins

directs

168 pratiques

discriminatoires

cabinet dentaire

ViH SrsquoabStenir

17 refus de soins

directs

43 refus de soins

deacuteguiseacutes

172 pratiques

discriminatoires

cabinet de gyneacutecologie

ViH SrsquoabStenir

122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des speacutecialiteacutes

Figure 3 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 4 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

336 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

168 de pratiques discriminatoires

6 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

172 de pratiques discriminatoires

Cabinets de gyneacutecologie

Cabinets dentaires

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Dans le cadre du projet de loi Santeacute AIDES a construit plusieurs amendements afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutealiteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits

Les reacutesultats de ce testing prouvent qursquoil existe une veacuteritable meacuteconnaissance du VIH et de ses modes de transmission aboutissant agrave des attitudes neacutegatives et discrimi-natoires Ces comportements trahissent les repreacutesentations des professionnel-le-s vis-agrave-vis de cette maladieinfection et sur le respect des fondements deacuteontologiques des professions du soin

13 PERSPECTIVES LA NEacuteCESSITEacute DE RENfORCER LrsquoARSENAL jURIDIqUE

Les constats de AIDES confirment la neacutecessiteacute drsquoaller plus loin contre les refus de soins que la seule disposition initialement envisageacutee dans le projet de loi Santeacute Actuelle-ment ce sont aux ordres professionnels des soignant-e-s de mesurer lrsquoimportance et la nature des pratiques de ces refus En conseacutequence plusieurs amendements ont eacuteteacute construits avec Meacutedecins du Monde (MdM) afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutea-liteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits Les amendements formulent cinq propo-sitions visant agrave

Eacutelargir la deacutefinition leacutegale des refus de soins agrave toute pratique discriminante ou strateacutegie de dissuasion menant in fine au renoncement aux soins des patient-e-s

Donner une base leacutegale au testing autour drsquoun cahier des charges preacutecis et y inclure les associations de malades

Impliquer lrsquoensemble des acteurs-trices de santeacute dans le pilotage de lrsquoObserva-toire deacutedieacute aux refus de soins preacutevu par le projet de loi Santeacute agrave commencer par les associations de malades mais aussi les ordres professionnels et les organismes drsquoassurance maladie

Ameacutenager la charge de la preuve de sorte que comme dans lrsquoensemble du droit de la non-discrimination ce soit au-agrave la professionnel-le de santeacute de prouver qursquoil nrsquoy a pas eu de traitement discriminatoire lorsqursquoune personne exprime des eacuteleacutements de fait laissant supposer lrsquoexistence drsquoune discrimination

Permettre aux patient-e-s drsquoecirctre accompagneacute-e-s etou repreacutesenteacute-e-s par des associations durant les recours en justice ou les proceacutedures de conciliation lors-qursquoils-elles sont confronteacute-e-s agrave des refus de soins

Ces amendements srsquoappuient sur divers rapports institutionnels et parlementaires ils srsquoinspirent aussi de lrsquoarticle initial sur les refus de soins de la loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (Loi HPST) preacutesenteacutee par Roselyne Bachelot alors ministre de la Santeacute en 2008 Ces propositions ont cependant eacuteteacute escamoteacutees au fil des lectures agrave lrsquoAssembleacutee nationale et au SeacutenatAinsi gracircce agrave ce testing agrave ses retombeacutees meacutediatiques et agrave la mobilisation des mili-tant-e-s de AIDES les lignes ont commenceacute agrave bouger Drsquoune part lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes a vivement reacuteagi et drsquoautre part un amendement agrave lrsquoarticle 19 du projet de loi Santeacute a eacuteteacute voteacute au Seacutenat proposant que lrsquoeacutevaluation de lrsquoexistence des refus de soins soit confieacutee au Deacutefenseur des droits Au moment de la reacutedaction de ce rapport la formulation finale de lrsquoattribution de cette eacutevaluation au Deacutefenseur des droits ou aux diffeacuterents Ordres nrsquoest pas connue

Concernant lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes un rapprochement avec AIDES srsquoest opeacutereacute rapidement afin drsquoeacutetudier les moyens agrave mettre en œuvre pour lutter effica-cement contre les refus de soins Degraves lrsquoannonce des reacutesultats lrsquoOrdre a immeacutediatement reacuteagi et condamneacute ce type de comportement laquo Nul ne peut faire lrsquoobjet de discrimina-tions dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins raquo rappelant que laquo les chirurgiens-den-tistes qui ne respectent pas ce principe fondamental leacutegal et deacuteontologique srsquoexposent agrave des poursuites tant devant les juridictions disciplinaires que peacutenales raquo

123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction de lrsquointerlocuteur-trice

Les refus de soins ou les pratiques discriminatoires sont plus souvent pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les que par les praticien-ne-s voire inexistants srsquoagissant des gyneacutecologuesDans les cabinets dentaires une majoriteacute de secreacutetaires meacutedicaux-les opposent des refus de soins directs aux PVVIH ils-elles sont 78 agrave opposer des refus indirects versus 22 des chirurgiens-dentistes Srsquoagissant de traitements diffeacuterentieacutes entre les PVVIH et leur binocircme supposeacute seacuteroneacutegatif 824 sont eacutemis par des secreacutetaires meacutedicaux-les versus 186 par des dentistesLes refus de soins ou discriminations sont majoritairement pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les Ce constat reacutevegravele soit un manque de formation et de connaissance du VIH qui aboutit agrave des mauvaises pratiques avec le ou la patiente soit lrsquoexistence de directives donneacutees par des praticien-ne-s quant agrave la prise en charge de certain-e-s patient-e-s dont les PVVIH En teacutemoignent les mises en attente majoritairement du fait des secreacutetaires meacutedicaux-les Il est probablement plus facile de donner des ins-tructions agrave son secreacutetariat que drsquoassumer individuellement la responsabiliteacute drsquoun refus

124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des villesMalgreacute des effectifs parfois limiteacutes de chirurgiens-dentistes et de gyneacutecologues par ville les reacutesultats de ce testing preacutesentent une dispariteacute des pheacutenomegravenes de refus de soins et de discriminations sur le territoire national Il nrsquoy a a priori pas de lien entre le lieu drsquoinstallation et lrsquoineacutegaliteacute des pratiques Lrsquoattitude neacutegative des professionnel-le-s agrave lrsquoencontre des PVVIH paraicirct davantage reposer sur des logiques individuelles que sur la deacutemographie meacutedicale ou lrsquoincidence locale du VIH Les reacutesultats du testing ne suggegraverent pas drsquoinfluence de lrsquoenvironnement sur les pratiques des professionnel-le-s On relegraveve que Bourg-en-Bresse Chacircteauroux et le seiziegraveme arrondissement de Paris trois lieux qui preacutesentent une deacutemographie meacutedicale quantitativement contras-teacutee se deacutetachent en matiegravere de proportion de refus de soins ou de pratiques discri-minatoires avec plus de 70 des chirurgiens-dentistes contacteacute-e-s concerneacute-e-s Agrave lrsquoinverse les speacutecialistes du treiziegraveme arrondissement de Marseille et de la ville de Pontoise nrsquoopposent aucun comportement discriminatoirePour les gyneacutecologues dont le nombre est insuffisant en France avec de veacuteritables ineacute-galiteacutes drsquoaccegraves sur le territoire 12 lrsquoeffet des villes semblent jouer un rocircle a minima Pour certaines villes dont la densiteacute meacutedicale pour cette speacutecialiteacute est tregraves faible un nombre limiteacute de professionnel-le-s a eacuteteacute contacteacute empecircchant toute conclusion Cependant il est important de noter que des PVVIH ont pu ecirctre confronteacutees agrave 100 de refus de rendez-vous dans certaines villes

125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave soulignerDe nombreux-ses praticien-ne-s et leur secreacutetariat meacutedical attribuent des rendez-vous aux PVVIH sans eacutevoquer aucun des motifs jugeacutes discriminatoires Pour pregraves de la moitieacute des cabinets dentaires (496 ) et plus de 4 cabinets de gyneacutecologie sur 5 (768 ) les pratiques de soins lrsquoaccueil et la communication sont en tout point conformes agrave la deacuteontologie meacutedicale (figures 5 et 6) Certains ont aussi fait preuve de bienveillance avec une approche globale de la prise en charge meacutedicale de la personne

126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutesLes logiques de preacutecaution occupent une place eacutevidente dans les arguments opposeacutes aux PVVIH au meacutepris de la loi de la deacuteontologie meacutedicale et des recommandations drsquohygiegravene De nos jours les refus de soins ou discriminations agrave leur eacutegard sont drsquoautant plus inacceptables que les mesures de preacutecaution standard ont eacuteteacute maintes fois rappe-leacutees par diverses instances publiques et scientifiques Ces mesures sont conccedilues pour preacutevenir le risque de transmission du VIH du ou de la patiente au personnel meacutedical et inversement et drsquoun ou drsquoune patiente agrave lrsquoautre Ceci est drsquoautant plus important qursquoen-viron un quart des PVVIH ignorent qursquoelles en sont atteintes et peuvent en toute bonne foi ne pas informer le ou la professionnel-le de santeacute de leur seacuterologie Les mesures de preacutecaution standard doivent ecirctre garanties systeacutematiquement dans tous les cabinets meacutedicaux et pour chaque patient-e quel que soit son eacutetat de santeacute

12 Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins Atlas de la deacutemographie meacutedicale en France situation au 1er janvier 2014

768

34 35PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 5 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 6 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

496

41 000 euroLe prix facial sur le marcheacute franccedilais du premier des traitements hautement actifs contre le VHC pour trois mois Sa combinaison avec drsquoautres meacutedicaments peut coucircter plus de 100766500 000 euro selon la dureacutee du traitement

12 VhC qUI SOIGNER

Crsquoest dans ce contexte que le principe drsquoune mise sous traitement seacutelective est acteacute par le ministegravere de la Santeacute Des critegraveres sont eacutetablis pour deacutefinir qui doit acceacuteder prioritai-rement aux nouveaux traitements innovants contre le VHC Ce choix et ses traductions opeacuterationnelles sont supposeacutes concilier le droit agrave la protection de la santeacute la santeacute publique et des populations mais aussi lrsquoeacutequilibre des finances publiques et la peacuteren-niteacute du systegraveme de protection sociale franccedilais Des recommandations drsquoexpert-e-s pour la mise sous traitement ont eacuteteacute fixeacutees courant 2014 mais finalement restreintes par un avis de la HAS ensuite en 2015 Ceci alors que la socieacuteteacute franccedilaise drsquoheacutepatologie a elle-mecircme confirmeacute en juin de la mecircme anneacutee les recommandations drsquoaccegraves eacutelargies de 2014

101048110104821010481 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexpertsDes recommandations ont drsquoabord eacuteteacute proposeacutees en mai 2014 dans un Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C dit rapport Dhumeaux Ce rapport a eacuteteacute commandeacute par la ministre de la Santeacute en janvier 2013 agrave lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) et lrsquoAssociation franccedilaise pour lrsquoeacutetude du foie (AFEF) De nombreux-ses praticien-ne-s universitaires et des repreacutesentant-e-s drsquoassociations drsquousager-e-s du systegraveme de santeacute sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux ont participeacute agrave son eacutelaboration Ainsi pour les personnes vivant avec une heacutepatite C les recommandations de mise sous trai-tement reposent notamment sur lrsquoavancement de la maladie crsquoest-agrave-dire les stades de fibrose supeacuterieurs ou eacutegaux agrave 2 13 qui indiquent lrsquoeacutetat drsquoavancement de lrsquoimpact du virus sur le foie Les experts ont par ailleurs distingueacute certaines populations pour lesquelles la mise sous traitement est preacuteconiseacutee quel que soit le stade de fibrose

Les patient-e-s ayant des manifestations extra-heacutepatiques seacutevegraveres Les patient-e-s en attente de transplantation heacutepatique ou reacutenale (pour tenter drsquoeacuteradiquer le virus avant la transplantation)

Au cas par cas les femmes ayant un deacutesir de grossesse Les personnes co-infecteacutees VIH-VHC Les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse Les personnes deacutetenues (avec lrsquoobjectif dans ces deux derniegraveres populations drsquoune reacuteduction du risque de transmission) 14

Si le rapport Dhumeaux propose une seacutelection des patient-e-s notamment au regard du prix il inscrit ces recommandations dans une perspective de ralentissement de lrsquoeacutepi-deacutemie et se distingue en ce sens de la HAS

101048110104821010482 Les recommandations restrictives de la hASLa HAS contribue laquo agrave la reacutegulation du systegraveme de santeacute raquo et a donc comme mission drsquolaquo assurer agrave tous les patients et usagers un accegraves peacuterenne et eacutequitable agrave des soins aussi efficaces sucircrs et efficients que possible raquo 15 Les recommandations eacutetablies par la HAS srsquoimposent aux professionnel-le-s meacutedicaux-cales Contrairement agrave la perspective du rapport Dhumeaux la HAS ne considegravere pas que laquo les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC [soient] reacuteunies raquo Elle en tire les conseacutequences et ne recommande qursquolaquo une strateacutegie de traitement des patients dans lrsquoobjectif drsquoune gueacute-rison virologique individuelle raquo avec des recommandations de stade de fibrose plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux Ainsi la HAS limite lrsquoaccegraves aux traitements innovants aux stades de fibrose du foie F2 seulement sous certaines conditions drsquoeacutevolution F3 et F4 ainsi qursquoagrave tous les stades pour certaines populations personnes co-infecteacutees VIH et VHC personnes atteintes de cryoglobulineacutemie mixte systeacutemique et symptomatique personnes atteintes de lym-phome B associeacute au VHC 16 La HAS eacutecarte en revanche des populations cibleacutees par le rapport drsquoexperts Dhumeaux notamment les usager-e-s de drogues et les personnes deacutetenues qui relegraveveraient drsquoune approche non speacutecifique et donc du cadre geacuteneacuteral La France est assez isoleacutee en Europe sur des recommandations de traitement et de non traitement arrecircteacutees sur les stades de fibrose

11 DES TRAITEMENTS INNOVANTS Agrave PRIX TREgraveS EacuteLEVEacuteS

Les limites eacuteconomiques agrave la prescription notamment sur la base de recommandations deacutefinies par la Haute autoriteacute de santeacute (HAS) sont notamment mises en lumiegravere par les prix des nouveaux traitements contre le VHC Aujourdrsquohui diffeacuterents traitements inno-vants contre le VHC les antiviraux agrave action directe sont sur le marcheacute Ils repreacutesentent des avanceacutees theacuterapeutiques majeures offrant un taux de gueacuterison virologique tregraves eacuteleveacute avec des dureacutees de traitements courtes et des effets indeacutesirables limiteacutes Si les associations investies dans le champ de la lutte contre les heacutepatites virales ndash Collectif Heacutepatites Virales (CHV) SOS heacutepatites TRT-5 Comegravede Meacutedecins du Monde (MdM) Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) AIDES ndash saluent lrsquoespoir drsquoune fin proche de lrsquoeacutepideacutemie de VHC elles se sont rapidement alarmeacutees sur le prix de ces nouveaux traitements Sur le marcheacute franccedilais le prix facial du premier de ces traitements hautement actifs contre le VHC (Sovaldisofosbuvir) a eacuteteacute fixeacute agrave 41 000 euro pour trois mois de traitement Ce traitement ne srsquoutilise jamais seul mais en association avec drsquoautres Certaines combinaisons peuvent coucircter plus de 100 000 euro selon la dureacutee (des traitements de six mois sont parfois neacutecessaires)Alors que la France meacutetropolitaine compte plus de 200 000 personnes vivant avec le VHC de tels prix constituent clairement un deacutefi pour les finances publiques et la peacuterenniteacute drsquoun systegraveme de santeacute solidaire En conseacutequence et pour la premiegravere fois en France ce prix participe agrave ce que lrsquoon peut consideacuterer comme un rationnement avec des mises sous traitement sur la base drsquoavis et de dispositions restrictifs

Meacutedicaments quels prix Le prix du meacutedicament nrsquoest pas libre il est fixeacute par convention entre le laboratoire lrsquoexploitant et le Comiteacute eacuteconomique des produits de santeacute (CEPS) sur la base de cri-tegraveres deacutefinis agrave lrsquoarticle L162-16-4 du Code de santeacute publique laquo La fixation de ce prix tient compte principalement de lrsquoameacutelioration du service meacutedical rendu (SMR) appor-teacutee par le meacutedicament le cas eacutecheacuteant des reacutesultats de lrsquoeacutevaluation meacutedico-eacutecono-mique des prix des meacutedicaments agrave mecircme viseacutee theacuterapeutique des volumes de vente preacutevus ou constateacutes ainsi que des conditions preacutevisibles et reacuteelles drsquoutilisation du meacutedi-cament raquo Agrave cela srsquoajoute aussi la coheacuterence avec les conditions de commercialisation preacutevues dans les grands Eacutetats europeacuteens Seul le prix facial est public crsquoest-agrave-dire le prix rembourseacute par lrsquoassurance maladie Le CEPS et les laboratoires peuvent neacutegocier des dispositifs de remises drsquoougrave un prix reacuteel diffeacuterent (voire tregraves diffeacuterent) de ce prix facial Les dispositifs de remises et le prix reacuteel nrsquoeacutetant pas publics les prescripteurs et usager-e-s nrsquoont connaissance que du prix facial

Le droit agrave la protection de la santeacute interdit toute forme de discriminations dans lrsquoaccegraves aux soins Cependant si les discriminations sont interdites lrsquouniversaliteacute de lrsquoaccegraves agrave certains soins et traitements nrsquoest pas pour autant garantie Crsquoest le cas des nouveaux traitements contre le virus de lrsquoheacutepatite C (VHC) dont le prix exorbitant a forceacute agrave deacutefinir des critegraveres de seacutelection des patient-e-s et agrave renoncer agrave lrsquoaccegraves universel

Bien que fondamental le droit agrave la protec-tion de la santeacute sans discrimination (voir page 25) peut connaicirctre certaines limites agrave son effectiviteacute en particulier sur le plan financier Il deacutepend en effet des choix opeacutereacutes au regard des deacutepenses publiques de lrsquoEacutetat et de la seacutecuriteacute sociale et notamment par rapport aux prix des meacutedicaments et des produits de santeacute Lrsquoarticle 8 du Code de deacuteontologie meacutedi-cale (R4127-8 du Code de santeacute publique) preacutecise que laquo Dans les limites fixeacutees par la loi le meacutedecin est libre de ses pres-criptions qui seront celles qursquoil estime les plus approprieacutees en la circonstance Il doit sans neacutegliger son devoir drsquoassistance morale limiter ses prescriptions et ses actes agrave ce qui est neacutecessaire agrave la qualiteacute agrave la seacutecuriteacute et agrave lrsquoefficaciteacute des soins Il doit tenir compte des avantages des incon-veacutenients et des conseacutequences des diffeacute-rentes investigations et theacuterapeutiques possibles raquo Si la liberteacute de prescription est ici recon-nue elle connaicirct donc certaines limites leacutegales dont celle imposeacutee par lrsquoarticle L162-2-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo Les meacutedecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions drsquoobserver dans le cadre de la leacutegislation et de la reacuteglementation en vigueur la plus stricte eacuteconomie compatible avec la qualiteacute la seacutecuriteacute et lrsquoefficaciteacute des soins raquo ce notamment sur la base des laquo recomman-dations ou avis meacutedico-eacuteconomiques de la Haute autoriteacute de santeacute raquo

13 Stades de fibrose F0 pas de fibrose F1 fibrose leacutegegravere F2 fibrose modeacutereacutee F3 fibrose seacutevegravere F4 cirrhose14 Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C 2014 p 25015 httpwwwhas-santefrportailjcmsfc_1249599frla-has16 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf

36 37

DROIT APPLICABLE

1  LE cAS dES TrAITEmENTS INNoVANTS 

coNTrE LrsquoHEacutePATITE c mdash

dIFFIcULTEacuteS drsquoAccEgraveS  AUx TrAITEmENTS

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

38 39

Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

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40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 13: AIDES Rapport Discrim

2LE droIT Agrave LA SANTEacute   ET LE PrINcIPE   

drsquoEacutegALITEacute dE TrAITEmENT

Le droit agrave la protection de la santeacuteLa loi relative aux droits des personnes malades et agrave la qualiteacute du systegraveme de santeacute du 4 mars 2002 dite laquo loi Kouchner raquo reacuteaffirme degraves lrsquoexposeacute des motifs le droit agrave la pro-tection de la santeacute comme un droit agrave valeur constitutionnelle reconnu par lrsquoalineacutea 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 laquo La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les conditions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacute-rielle le repos et les loisirs raquo Ce droit a eacuteteacute consacreacute par plusieurs deacutecisions du Conseil constitutionnel (notamment CC 23 juillet 1999 ndeg 99-416) Le droit agrave la protection de la santeacute est eacutegalement garanti par des textes internationaux ratifieacutes par la France Il lrsquoest indirectement par lrsquoarticle 3 de la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales interdisant la tor-ture et les traitements inhumains ou deacutegradants et par lrsquoarticle 8 de ladite Convention proteacutegeant le droit agrave la vie priveacutee et familiale Ce droit est aussi proteacutegeacute directement par la Charte de lrsquoOrganisation mondiale de la Santeacute du 27 juillet 1946 laquo La possession du meilleur eacutetat de santeacute qursquoil est capable drsquoatteindre constitue lrsquoun des droits fondamen-taux de tout ecirctre humain quelles que soient sa race sa religion ses opinions politiques sa conduite eacuteconomique raquoSur ces bases lrsquoarticle 1 de la loi de 2002 introduit un droit agrave la protection de la santeacute en faveur de toute personne sans discrimination laquo La mise en œuvre de ce droit passe par le deacuteveloppement de la preacutevention lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins les plus approprieacutes agrave son eacutetat de santeacute la continuiteacute des soins la seacutecuriteacute sanitaire raquo

Extraits du Code de santeacute publique

article l1110-1 Le droit fondamental agrave la protection de la santeacute doit ecirctre mis en œuvre par tous moyens disponibles au beacuteneacutefice de toute personne Les professionnels les eacutetablissements et reacuteseaux de santeacute les organismes drsquoassurance maladie ou tous autres organismes par-ticipant agrave la preacutevention et aux soins et les autoriteacutes sanitaires contribuent avec les usagers agrave deacutevelopper la preacutevention garantir lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins neacutecessiteacutes par son eacutetat de santeacute et assurer la continuiteacute des soins et la meilleure seacutecu-riteacute sanitaire possible

article l1110-3 Aucune personne ne peut faire lrsquoobjet de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention ou aux soins

article l1110-5 Toute personne a compte tenu de son eacutetat de santeacute et de lrsquourgence des interventions que celui-ci requiert le droit de recevoir les soins les plus approprieacutes et de beacuteneacuteficier des theacuterapeutiques dont lrsquoefficaciteacute est reconnue et qui garantissent la meilleure seacutecuriteacute sanitaire au regard des connaissances meacutedicales aveacutereacutees Les actes de preacutevention drsquoin-vestigation ou de soins ne doivent pas en lrsquoeacutetat des connaissances meacutedicales lui faire courir de risques disproportionneacutes par rapport au beacuteneacutefice escompteacute

article l1411-1-1 Lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins des populations fragiliseacutees constitue un objectif prioritaire de la politique de santeacuteLes programmes de santeacute publique mis en œuvre par lrsquoEacutetat ainsi que par les collectiviteacutes territoriales et les organismes drsquoassurance maladie prennent en compte les difficulteacutes speacutecifiques des populations fragiliseacutees

25

DROIT APPLICABLE

rEFUS dE SoINS

Le droit agrave la santeacute et le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement bien que proteacutegeacutes par des textes agrave valeurs constitutionnelle et internationale peinent parfois agrave trouver une traduction effective Dans le champ du VIH sida et des heacutepatites virales les exemples sont leacutegions Sans preacutetendre agrave lrsquoexhaustiviteacute AIDES retient pour 2015 trois expressions drsquoatteintes agrave ces droits fondamentaux Drsquoabord des personnes seacuteropositives au VIH sont confronteacutees agrave des refus de soins en raison de leur statut seacuterologique Ensuite des personnes infecteacutees par le virus de lrsquoheacutepatite C sont eacutecarteacutees de lrsquoaccegraves aux nouveaux traitements innovants Enfin les personnes mineures ne peuvent acceacuteder agrave tous les moyens de preacutevention et de deacutepistage disponibles actuellement Ces sujets constituent les trois axes de ce chapitre

Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de comparer les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique

Bien que lrsquoaccegraves aux soins sans discrimination soit garanti par des dispositions leacutegales sans ambiguiumlteacute dans les faits des entraves existent Lrsquoexistence mecircme des refus de soins ne fait pas consensus la plupart des professionnel-le-s de santeacute tendant agrave nier ou au moins agrave minimiser le pheacutenomegravene que les personnes concerneacutees rapportent pourtant de maniegravere reacutecurrente Le deacuteficit drsquoeacutetudes officielles ne permet pas drsquoen objectiver la nature et lrsquoampleur En France seules quelques enquecirctes meneacutees par des associations et des institutions documentent ces pheacutenomegravenes mais essentiel-lement cibleacutees sur des motivations drsquoordre social Il srsquoagit drsquoeacutetudes concernant des beacuteneacuteficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) de la CMU compleacutementaire (CMU-C) de lrsquoaide meacutedicale drsquoEacutetat (AME) et de lrsquoaide agrave lrsquoacquisition drsquoune compleacute-mentaire santeacute (ACS) 11 Les discriminations dans le champ meacutedical agrave lrsquoencontre des PVVIH sont notamment documenteacutees par Sida Info Service qui a meneacute cinq enquecirctes agrave ce sujet et agrave travers les enquecirctes ANRS-VespaPourtant des cas reacutecurrents de refus de soins ou de discriminations sont rappor-teacutes par des PVVIH Ils concernent principalement lrsquoaccegraves agrave des soins dentaires ou gyneacutecologiques dans un contexte ougrave les mesures de preacutecaution standard drsquohygiegravene ont eacuteteacute maintes fois rappeleacutees par diverses instances publiques scientifiques et professionnellesAfin drsquoobjectiver ces refus trop souvent minimiseacutes AIDES a meneacute un testing en avril 2015 agrave lrsquooccasion de deacutebats autour du projet de loi de modernisation de notre sys-tegraveme de santeacute susceptible de renforcer les moyens de lutte contre les refus de soins Cette enquecircte vise agrave saisir lrsquoampleur et documenter les refus de soins laquo sur le vif raquo agrave lrsquoencontre des PVVIH

11 MEacuteThODOLOGIE

111 qursquoest-ce qursquoun testing Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de com-parer toutes choses eacutegales par ailleurs les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique Si lrsquoune des personnes est traiteacutee diffeacuteremment de lrsquoautre alors cette diffeacuterence est imputeacutee agrave lrsquounique caracteacuteristique qui les distingue

112 Le protocole drsquoenquecircteAfin de parvenir agrave eacutetablir lrsquoexistence de traitements discriminatoires dans lrsquoaccegraves aux soins dentaires ou gyneacutecologiques des PVVIH AIDES a recouru agrave une opeacuteration de tes-ting srsquoappuyant sur lrsquoobservation de prises de rendez-vous teacuteleacutephoniques

Les testeur-se-sLes appels teacuteleacutephoniques sont reacutealiseacutes par 44 testeur-se-s tous militant-e-s de AIDES Chaque testeur-se doit jouer un personnage en srsquoappuyant sur une identiteacute fictive qui se reacutepartit selon quatre profils

Hommefemme Seacuteropositif-ve au VIH ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH

Les diffeacuterentes lois sur la santeacute rarement remises en causes se sont depuis inscrites dans la continuiteacute Elles positionnent le droit agrave la santeacute pour tous et toutes comme une finaliteacute des politiques de santeacute jusqursquoau dernier projet de loi preacutesenteacute par Marisol Touraine ministre des Affaires sociales de la Santeacute et des Droits des femmes qui rap-pelle dans la version initiale de lrsquoarticle 1er laquo Elle [la politique de santeacute] tend agrave assurer la promotion de conditions de vie favorables agrave la santeacute lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute de la population la reacuteduction des ineacutegaliteacutes sociales et territoriales de santeacute et agrave garantir la meilleure seacutecuriteacute sanitaire possible et lrsquoaccegraves effectif de la population agrave la preacutevention et aux soins raquo 9

Les dispositions speacutecifiques aux refus de soinsLe droit agrave la santeacute est un eacuteleacutement fondamental des droits de lrsquohomme Si les textes qui rappellent ce principe sont nombreux il reste que ce droit nrsquoest pas acquis pour tous et toutes en particulier pour les personnes en situation de vulneacuterabiliteacute Au-delagrave des dif-ficulteacutes drsquoaccegraves aux soins les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) peuvent ecirctre expo-seacutees agrave des pratiques illeacutegales de refus de soins qui portent atteinte au droit agrave la santeacute Mecircme si les refus de soins ne sont pas geacuteneacuteraliseacutes les reacutesultats de nombreux testing montrent leur reacutecurrence Le droit actuel permet-il de lutter efficacement contre ces pratiques illeacutegales les reacuteponses juridiques sont-elles suffisantes Lrsquoencadrement juri-dique des refus de soins est eacuteclateacute entre Code peacutenal Code de la santeacute publique Code de la consommation et Code de deacuteontologie meacutedicale ce qui ne rend pas visible cet enjeuLe rapport du Deacutefenseur des droits remis au Premier Ministre en mars 2014 sur laquo Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME raquo a permis de montrer lrsquoinefficaciteacute de lrsquoencadrement juridique actuel La loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (HPST) a mis en place une proceacutedure particuliegravere de signalement des refus de soins complexe et peu effective instances compeacutetentes et modaliteacutes de saisines multiples difficulteacutes des usager-e-s agrave faire valoir leurs droits rareteacute des signalements et manque de mobilisation des ins-tances en charge du traitement des signalements Crsquoest pourquoi il est neacutecessaire de renforcer les droits des patient-e-s pour une meilleure connaissance des lois et voies de recours existants de mettre en œuvre un accompagnement des victimes dans le cadre des proceacutedures de conciliation ou les recours en justice et de mieux qualifier les refus de soins illeacutegaux pour en faciliter lrsquoidentification

Exemple de deacutecision du Deacutefenseur des droits Le Deacutefenseur a eacuteteacute saisi drsquoune reacuteclamation relative au refus de proceacuteder agrave lrsquoextraction de dents de sagesse en raison de la seacuteropositiviteacute de la patiente Celle-ci pensant que le chirurgien accegravederait agrave son dossier informatique de suivi au sein du mecircme hocircpital nrsquoa pas indiqueacute sa maladie lors de la consultation preacuteopeacuteratoire Apregraves avoir appris la seacuteropositiviteacute de la reacuteclamante le mis en cause a annuleacute lrsquoopeacuteration preacutevue en propo-sant une date trois mois plus tard inacceptable pour cette derniegravere Afin de justifier le refus des soins le mis en cause a invoqueacute lrsquoapplication drsquoun protocole speacutecifique pour la prise en charge drsquoun patient seacuteropositif Lrsquohocircpital dans lequel exerccedilait le mis en cause a deacutementi lrsquoexistence drsquoun tel protocole Dans le cadre de cette deacutecision le Deacutefenseur des droits a donc recommandeacute la mise en œuvre de sanctions disciplinaires agrave lrsquoeacutegard du meacutedecin et a informeacute de sa deacutecision le ministegravere de la Santeacute le conseil national de lrsquoordre des chirurgiens-dentistes ainsi que le conseil deacutepartemental de lrsquoordre des meacutedecinsDeacutecision MLD-2011-94 du 13 janvier 2012 10

1 UN TESTINg PoUr objEcTIVEr  

LES rEFUS dE SoINS mdash

9 Au moment de la reacutedaction de ce rapport la reacutedaction deacutefinitive de lrsquoarticle 1er nrsquoest pas connue 10 httpwwwdefenseurdesdroitsfrfractionsprotection-des-droits-libertesdecisiondecision-mld-2011-94-du-13-janvier-2012-

relative-un

11 MEacuteDECINS DU MONDE Testing sur les refus de soins des meacutedecins geacuteneacuteralistes pour les beacuteneacuteficiaires de la Couverture Maladie Universelle ou de lrsquoAide Meacutedicale Eacutetat dans 10 villes de France 2006 DEacuteFENSEUR DES DROITS Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME 2014 FONDS CMU-DIES Analyse des attitudes de meacutedecins et de dentistes agrave lrsquoeacutegard des patients beacuteneacuteficiant de la CMUC dans 6 villes du Val-de-Marne 2006 FONDS CMU-IRDES Les refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMUC agrave Paris 2009 FONDS CMU-IRDES Analyse territoriale des obstacles agrave lrsquoaccegraves aux soins des beacuteneacuteficiaires de la CMUC dans les deacutepartements de lrsquoOrne et de la Niegravevre 2012 CISS Droits des malades Refus de soins aux beacuteneacuteficiaires de la CMUC de lrsquoAME et de lrsquoACS 2015

26 27PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Rouen

Evreux

Pontoise

Chacircteauroux

ParisStrasbourg

Auxerre

Dijon

Lyon

Marseille

Gap

Clermont-ferrandPuy-en-Velay

Toulouse

Niort

Angoulegraveme

Cahors

Bourg-en-Bresse

Tours

Colmar

Lrsquoeacutechantillon repreacutesentatif de lrsquoeacutetude comprend 100766810076680 cabinets dentaires et 100766510076691007668 cabinets de gyneacutecologie

Le sceacutenarioUn mecircme cabinet dentaire ou de gyneacutecologie est appeleacute deux fois pour une prise de rendez-vous par deux testeur-se-s diffeacuterent-e-s qui ont des caracteacuteristiques sociodeacute-mographiques similaires Les prises de rendez-vous gyneacutecologiques sont effectueacutees uniquement par des femmes Dans le premier cas le-la testeur-se annonce sa seacutero-positiviteacute au VIH dans le second cas lrsquoautre testeur-se ne dit rien Seule la mention du statut seacuterologique diffeacuterencie ces deux personnes Un script eacutetabli en concertation avec des militant-e-s des PVVIH et des professionnel-le-s de santeacute (meacutedecins speacutecia-listes en chirurgie dentaire en gyneacutecologie et de santeacute publique) reacuteuni-e-s au sein drsquoun groupe de pilotage a permis drsquoeacutetablir

Une feuille de route pour chaque testeur-se proposant des reacuteponses concregravetes aux eacuteventuelles questions que pourrait susciter la demande de rendez-vous (iden-titeacute motifs de la demande orientations adresse teacuteleacutephone numeacutero de seacutecuriteacute sociale etc)

La conduite agrave tenir en cas de mise en attente ou drsquoheacutesitations agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute

Le choix du motif de la consultation deacutetartrage ou frottis Il est important de choisir un acte meacutedical susceptible de provoquer des saignements mais simple ne justifiant pas une orientation vers un-e meacutedecin speacutecialiste ou vers un service drsquourgences et ou un plateau technique particulier

Les eacutechanges teacuteleacutephoniques sont enregistreacutes leur contenu est retranscrit dans une base de donneacutees pour recueillir de faccedilon standardiseacutee les reacuteponses apporteacutees par les praticien-ne-s Des seacuteances de deacutebriefing ainsi qursquoun guide meacutethodologique sont mis agrave disposition des testeur-se-s

Remarque lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute au VIH drsquoembleacutee lors de la prise de ren-dez-vous est justifieacutee par les teacutemoignages de certaines PVVIH qui trop souvent expo-seacutees agrave la stigmatisation et la discrimination de la part de professionnel-le-s de santeacute preacutefegraverent eacuteviter un refus frontal de la ou du meacutedecin dans son cabinet Elle est eacutegale-ment approuveacutee par les professionnel-le-s de santeacute du groupe de pilotage au regard de leur expeacuterience

Constitution de lrsquoeacutechantillon geacuteographiqueLa meacutethodologie de lrsquoenquecircte srsquoappuie sur une technique drsquoeacutechantillonnage aleacuteatoire de maniegravere agrave garantir une seacutelection repreacutesentative des chirurgiens-dentistes et des gyneacutecologues en France Afin de deacutefinir les villes dans lesquelles est reacutealiseacutee lrsquoeacutetude plusieurs eacutetapes sont retenues

Un classement des reacutegions en fonction de leur incidence au VIH (faible moyenne eacuteleveacutee)

Une seacutelection de trois reacutegions par niveau drsquoincidence Une identification pour chaque reacutegion seacutelectionneacutee drsquoun deacutepartement agrave haute densiteacute meacutedicale et drsquoun deacutepartement agrave faible densiteacute meacutedicale pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Un choix des chefs-lieux de chacun de ces deacutepartements comme ville pour effectuer lrsquoenquecircte

Pour les trois plus grandes villes de France (Paris Lyon Marseille) un deacutecoupage par arrondissement selon le niveau de richesse (eacuteleveacute moyen faible) est reacutealiseacute Au total 20 villes sont seacutelectionneacutees La base de sondage est reacutealiseacutee agrave partir de plusieurs sources de donneacutees lrsquoInstitut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques (Insee) pour le nombre drsquohabi-tants lrsquoInstitut de veille sanitaire (InVS) pour lrsquoincidence du VIH lrsquoObservatoire natio-nal de la deacutemographie des professions de santeacute et lrsquoAtlas de la deacutemographie meacutedicale en France pour la densiteacute meacutedicale deacutepartementale respectivement pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Constitution de lrsquoeacutechantillon meacutedicalLe testing vise les seul-e-s speacutecialistes secteurs 1 et 2 chirurgiens-dentistes et gyneacuteco-logues Ainsi deux bases de sondage sont reacutealiseacutees

Lrsquoune agrave partir de lrsquoensemble des chirurgiens-dentistes conventionneacute-e-s pour les soins dentaires classiques preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Lrsquoautre agrave partir de lrsquoensemble des gyneacutecologues conventionneacute-e-s avec les speacuteciali-teacutes meacutedicale etou obsteacutetrique preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Pour lrsquoensemble des secteurs geacuteographiques 2 297 chirurgiens-dentistes et 290 gyneacute-cologues sont recenseacute-e-s Afin de creacuteer un eacutechantillon repreacutesentatif de ces professions 30 des chirurgiens-dentistes et 60 des gyneacutecologues sont tireacute-e-s au sort agrave lrsquoaide drsquoun programme de tri aleacuteatoire

Moins de 45 000 habitants

45 000 agrave 200 000 habitants

Plus de 200 000 habitants

les 20 villes selectionneacutees

pour le testing aupregraves des cabinets

dentaires et gyneacutecologiques

29PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 1

laquo Pour vous ce sera 21h raquo laquo Je ne prends pas de nouveaux patients raquo

laquo Eh bien on mettra deux paires de gants raquo

laquo Vous me remplirez un questionnaire meacutedical avant le rdv raquo

laquo Je le note dans le carnet de rdv raquo

laquo Les gens comme voushellip raquo

laquo Je nrsquoai pas le mateacuteriel adapteacute raquo

laquo Ok mais vous viendrez avec toutes vos analyses raquo

laquo Je ne pratique pas le deacutetartrage raquo

laquo Le deacutetartrage crsquoest 150 euros raquo

laquo Vous serez mieux soigneacute agrave lrsquohocircpital raquo

laquo Je nrsquoai pas eacuteteacute formeacute au vih raquo

laquo Heuhellip veuillez patienter raquo

Bonjour je souhaite un rendez-vous

pour un deacutetartrage et je suis seacuteropo

la face cacheacutee des refus

de soins chez les dentistes

envers les personnes vih+

Florilegravege des verbatims des cabinets dentaires agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute par ordre de citation

Le motif le plus souvent invoqueacute par les cabinets dentaires est celui des ameacutenagements ou des horaires speacutecifiques requis pour les personnes seacuteropositives Vient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute

Peacuteriode drsquoenquecircteLe testing est reacutealiseacute sur une peacuteriode courte du 7 au 10 avril 2015 pour garantir la confi-dentialiteacute de lrsquoopeacuteration et assurer un environnement comparable entre les diffeacuterents appels (actualiteacute meacutediatique et politique etc) Une fois la semaine de testing passeacutee les rendez-vous pris sont annuleacutes afin de ne pas peacutenaliser les laquo vrais raquo malades et les meacutedecins dans la gestion des rendez-vous meacutedicaux

Eacutechantillon finalParmi les 570 cabinets dentaires et les 154 cabinets de gyneacutecologie contacteacutes par teacuteleacute-phone durant la peacuteriode drsquoenquecircte pour une prise de rendez-vous un certain nombre sont exclus en raison de non-reacuteponses aux appels de non-conformiteacute de la speacutecialiteacute de fermeture ou de congeacutes Lrsquoeffectif final des praticien-ne-s retenu-e-s srsquoeacutelegraveve agrave 440 pour les chirurgiens-dentistes et 116 pour les gyneacutecologues Lors des appels il est pos-sible de relever la fonction des reacutepondant-e-s dans la majoriteacute des cas (praticien-ne-s ou secreacutetaires meacutedicaux-ales) Ainsi les interlocuteur-trice-s dans les cabinets dentaires sont des secreacutetaires meacutedicaux-les dans 764 des cas (n=336) et des chirurgiens-den-tistes dans 193 des cas (n=85) Pour les cabinets de gyneacutecologie la reacutepartition eacutetait de 802 de secreacutetaires meacutedicaux-les (n=93) et 78 de gyneacutecologues (n=9)

113 Limites de lrsquoeacutetudeCette opeacuteration de testing comporte des limites qui sont autant de pistes pour ameacutelio-rer encore ce type drsquoenquecirctes et leur donner un cadre leacutegalLa premiegravere limite tient agrave la classification a posteriori des motifs des refus de soins En effet la liste exhaustive des motifs de refus ainsi que la combinaison de plusieurs motifs eacutetaient difficiles agrave anticiper La deuxiegraveme limite concerne la perception des testeur-se-s quant aux reacuteponses four-nies par les dentistesgyneacutecologues Ainsi la notion de subjectiviteacute permise par la non-cateacutegorisation a priori des reacuteponses a probablement induit une sous-deacuteclaration de certains refus Les retours drsquoexpeacuteriences des PVVIH qui pointent des refus frontaux dans les cabinets des praticien-ne-s apregraves un rendez-vous fixeacute preacutealablement au teacuteleacute-phone laissent augurer eacutegalement drsquoune sous-eacutevaluation de ces pratiquesLa troisiegraveme limite est celle du champ de lrsquoenquecircte Seule la seacuteropositiviteacute au VIH a eacuteteacute testeacutee il est pourtant neacutecessaire drsquoeacutetendre aux personnes vivant avec une heacutepatite virale chronique ou co-infecteacutees par le VIH et les heacutepatites virales De plus les repreacutesen-tations sociales eacuteconomiques et morales associeacutees agrave la pathologie VIH (CMU ou AME preacutecariteacute pratiques sexuelles usages de drogues etc) peuvent geacuteneacuterer des cumuls de motifs de refusEt enfin la taille de lrsquoeacutechantillon des professionnel-le-s ne permet pas de reacutealiser des analyses statistiques pousseacutees notamment par ville et de conclure agrave drsquoeacuteventuelles dynamiques locales de discrimination

12 DES REacuteSULTATS ACCABLANTS

Parmi les reacuteponses des chirurgiens-dentistes et de leur secreacutetariat meacutedical agrave lrsquoan-nonce de la seacuteropositiviteacute le motif le plus souvent invoqueacute est celui des ameacutena-gements ou des horaires speacutecifiques qui seraient requis soit eacutenonceacutes comme tels soit mis en eacutevidence par comparaison des reacuteponses faites aux personnes supposeacutees seacuteroneacutegatives Il est important de rappeler que le Haut conseil de la santeacute publique a publieacute en 2007 un avis laquo ne recommandant pas lrsquoinstauration drsquoun ordre de pas-sage pour tout patient porteur des virus VHC VHB ou VIH lors drsquoactes invasifs meacutedico-chirurgicaux En revanche il considegravere comme une prioriteacute lrsquoapplication des preacutecautions standard et le respect des mesures de preacutevention (hellip) raquo LrsquoOrdre natio-nal des chirurgiens-dentistes a drsquoailleurs redit lors de la parution de ce testing que laquo les patients doivent tous beacuteneacuteficier drsquoune mecircme chaicircne de deacutecontamination et de steacuterilisation raquoVient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute surcharge de travail pas de nou-veaux-elles patient-e-s deacutelais de rendez-vous trop importants etc non eacutevoqueacutee pour les testeur-se-s nrsquoannonccedilant pas de seacuteropositiviteacute au VIHPour les gyneacutecologues ou leur secreacutetariat meacutedical les testeuses seacuteropositives sont accepteacutees sous reacuteserve de la preacutesentation de leur dossier meacutedical et du rappel de la pathologie au moment de la consultation Lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute est aussi avanceacute agrave plusieurs reprises Tous ces motifs sont ensuite cateacutegoriseacutes

Figure 2

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS30

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins

121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou de discriminationsUne cateacutegorisation est opeacutereacutee en fonction des dispositions juridiques existantes Les dispositions leacutegales eacutetant tregraves geacuteneacuterales et impreacutecises crsquoest la reacutefeacuterence agrave la circu-laire CNAMTS CIR-332008 relative aux refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMU-C qui a eacuteteacute retenue Ce texte donne une deacutefinition concregravete des refus de soins incluant laquo la fixation tardive inhabituelle et abusive drsquoun rendez-vous lrsquoorien-tation reacutepeacuteteacutee et abusive vers un autre confregravere lrsquoattitude et le comportement dis-criminatoire du professionnel de santeacute etc raquo Certains praticien-ne-s ont pu eacutevoquer plusieurs motifsAinsi des refus de soins directs ou deacuteguiseacutes et des traitements diffeacuterentiels non fon-deacutes sont constateacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH lors drsquoune demande de rendez-vous pour un deacutetartrage ou un frottisParmi les refus de soins on distingue deux cateacutegories Les refus directs Il srsquoagit de refus directement imputables au VIH annonceacutes comme tels ou sous couvert drsquoune autre raison non formuleacutee aupregraves de la personne supposeacutee seacuteroneacutegative Les refus deacuteguiseacutes Il srsquoagit de refus dont les preacutetextes avanceacutes sont douteux et contraires au Code de deacuteontologie meacutedicale Ils peuvent ecirctre cateacutegoriseacutes en deux types de refus

Les strateacutegies de deacutecouragement horaires contraignants deacutepassements drsquohono-raires assurance de la solvabiliteacute financiegravere etc

Les reacuteorientations vers des confregraveres ou des services hospitaliers sous preacutetexte drsquoun manque de connaissance de la pathologie et de sa prise en charge de mateacute-riel non adapteacute ou la dangerositeacute des soins qui suggegraverent une meilleure prise en charge laquo ailleurs raquo

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins (voir page 25) Ces dispariteacutes de traitement sont soit annonceacutees de maniegravere explicite lors de la prise de rendez-vous soit mises en eacutevidence par la confrontation des reacuteponses faites au-agrave la testeur-se seacuteropositif-ve au VIH et agrave son binocircme ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH On distingue trois cateacutegories

La meacuteconnaissance de la pathologie qui aboutit agrave de mauvaises pratiques dans la relation avec le ou la patiente

La divulgation du statut seacuterologique en dehors drsquoun dossier meacutedical ce qui est une atteinte au secret meacutedical

Lrsquoexistence de protocoles speacutecifiques drsquohygiegravene pour les PVVIH (steacuterilisation dureacutee des soins etc) agrave lrsquoencontre des mesures de preacutecautions standard recommandeacutees qui teacutemoignent drsquoun manque de connaissance ou drsquoapplication des regravegles fonda-mentales drsquohygiegravene et de steacuterilisation mais aussi une meacuteconnaissance des modes de contamination Ces mesures doivent ecirctre garanties systeacutematiquement et sans compromis quel que soit le statut seacuterologique des personnes et ce drsquoautant qursquoon estime entre 30 000 et 50 000 le nombre de personnes contamineacutees par le VIH en France qui lrsquoignorent (pour 150 000 PVVIH soit 20 agrave 30 )

32 33

30 refus de soins

deacuteguiseacutes

36 refus de soins

directs

168 pratiques

discriminatoires

cabinet dentaire

ViH SrsquoabStenir

17 refus de soins

directs

43 refus de soins

deacuteguiseacutes

172 pratiques

discriminatoires

cabinet de gyneacutecologie

ViH SrsquoabStenir

122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des speacutecialiteacutes

Figure 3 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 4 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

336 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

168 de pratiques discriminatoires

6 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

172 de pratiques discriminatoires

Cabinets de gyneacutecologie

Cabinets dentaires

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Dans le cadre du projet de loi Santeacute AIDES a construit plusieurs amendements afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutealiteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits

Les reacutesultats de ce testing prouvent qursquoil existe une veacuteritable meacuteconnaissance du VIH et de ses modes de transmission aboutissant agrave des attitudes neacutegatives et discrimi-natoires Ces comportements trahissent les repreacutesentations des professionnel-le-s vis-agrave-vis de cette maladieinfection et sur le respect des fondements deacuteontologiques des professions du soin

13 PERSPECTIVES LA NEacuteCESSITEacute DE RENfORCER LrsquoARSENAL jURIDIqUE

Les constats de AIDES confirment la neacutecessiteacute drsquoaller plus loin contre les refus de soins que la seule disposition initialement envisageacutee dans le projet de loi Santeacute Actuelle-ment ce sont aux ordres professionnels des soignant-e-s de mesurer lrsquoimportance et la nature des pratiques de ces refus En conseacutequence plusieurs amendements ont eacuteteacute construits avec Meacutedecins du Monde (MdM) afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutea-liteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits Les amendements formulent cinq propo-sitions visant agrave

Eacutelargir la deacutefinition leacutegale des refus de soins agrave toute pratique discriminante ou strateacutegie de dissuasion menant in fine au renoncement aux soins des patient-e-s

Donner une base leacutegale au testing autour drsquoun cahier des charges preacutecis et y inclure les associations de malades

Impliquer lrsquoensemble des acteurs-trices de santeacute dans le pilotage de lrsquoObserva-toire deacutedieacute aux refus de soins preacutevu par le projet de loi Santeacute agrave commencer par les associations de malades mais aussi les ordres professionnels et les organismes drsquoassurance maladie

Ameacutenager la charge de la preuve de sorte que comme dans lrsquoensemble du droit de la non-discrimination ce soit au-agrave la professionnel-le de santeacute de prouver qursquoil nrsquoy a pas eu de traitement discriminatoire lorsqursquoune personne exprime des eacuteleacutements de fait laissant supposer lrsquoexistence drsquoune discrimination

Permettre aux patient-e-s drsquoecirctre accompagneacute-e-s etou repreacutesenteacute-e-s par des associations durant les recours en justice ou les proceacutedures de conciliation lors-qursquoils-elles sont confronteacute-e-s agrave des refus de soins

Ces amendements srsquoappuient sur divers rapports institutionnels et parlementaires ils srsquoinspirent aussi de lrsquoarticle initial sur les refus de soins de la loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (Loi HPST) preacutesenteacutee par Roselyne Bachelot alors ministre de la Santeacute en 2008 Ces propositions ont cependant eacuteteacute escamoteacutees au fil des lectures agrave lrsquoAssembleacutee nationale et au SeacutenatAinsi gracircce agrave ce testing agrave ses retombeacutees meacutediatiques et agrave la mobilisation des mili-tant-e-s de AIDES les lignes ont commenceacute agrave bouger Drsquoune part lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes a vivement reacuteagi et drsquoautre part un amendement agrave lrsquoarticle 19 du projet de loi Santeacute a eacuteteacute voteacute au Seacutenat proposant que lrsquoeacutevaluation de lrsquoexistence des refus de soins soit confieacutee au Deacutefenseur des droits Au moment de la reacutedaction de ce rapport la formulation finale de lrsquoattribution de cette eacutevaluation au Deacutefenseur des droits ou aux diffeacuterents Ordres nrsquoest pas connue

Concernant lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes un rapprochement avec AIDES srsquoest opeacutereacute rapidement afin drsquoeacutetudier les moyens agrave mettre en œuvre pour lutter effica-cement contre les refus de soins Degraves lrsquoannonce des reacutesultats lrsquoOrdre a immeacutediatement reacuteagi et condamneacute ce type de comportement laquo Nul ne peut faire lrsquoobjet de discrimina-tions dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins raquo rappelant que laquo les chirurgiens-den-tistes qui ne respectent pas ce principe fondamental leacutegal et deacuteontologique srsquoexposent agrave des poursuites tant devant les juridictions disciplinaires que peacutenales raquo

123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction de lrsquointerlocuteur-trice

Les refus de soins ou les pratiques discriminatoires sont plus souvent pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les que par les praticien-ne-s voire inexistants srsquoagissant des gyneacutecologuesDans les cabinets dentaires une majoriteacute de secreacutetaires meacutedicaux-les opposent des refus de soins directs aux PVVIH ils-elles sont 78 agrave opposer des refus indirects versus 22 des chirurgiens-dentistes Srsquoagissant de traitements diffeacuterentieacutes entre les PVVIH et leur binocircme supposeacute seacuteroneacutegatif 824 sont eacutemis par des secreacutetaires meacutedicaux-les versus 186 par des dentistesLes refus de soins ou discriminations sont majoritairement pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les Ce constat reacutevegravele soit un manque de formation et de connaissance du VIH qui aboutit agrave des mauvaises pratiques avec le ou la patiente soit lrsquoexistence de directives donneacutees par des praticien-ne-s quant agrave la prise en charge de certain-e-s patient-e-s dont les PVVIH En teacutemoignent les mises en attente majoritairement du fait des secreacutetaires meacutedicaux-les Il est probablement plus facile de donner des ins-tructions agrave son secreacutetariat que drsquoassumer individuellement la responsabiliteacute drsquoun refus

124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des villesMalgreacute des effectifs parfois limiteacutes de chirurgiens-dentistes et de gyneacutecologues par ville les reacutesultats de ce testing preacutesentent une dispariteacute des pheacutenomegravenes de refus de soins et de discriminations sur le territoire national Il nrsquoy a a priori pas de lien entre le lieu drsquoinstallation et lrsquoineacutegaliteacute des pratiques Lrsquoattitude neacutegative des professionnel-le-s agrave lrsquoencontre des PVVIH paraicirct davantage reposer sur des logiques individuelles que sur la deacutemographie meacutedicale ou lrsquoincidence locale du VIH Les reacutesultats du testing ne suggegraverent pas drsquoinfluence de lrsquoenvironnement sur les pratiques des professionnel-le-s On relegraveve que Bourg-en-Bresse Chacircteauroux et le seiziegraveme arrondissement de Paris trois lieux qui preacutesentent une deacutemographie meacutedicale quantitativement contras-teacutee se deacutetachent en matiegravere de proportion de refus de soins ou de pratiques discri-minatoires avec plus de 70 des chirurgiens-dentistes contacteacute-e-s concerneacute-e-s Agrave lrsquoinverse les speacutecialistes du treiziegraveme arrondissement de Marseille et de la ville de Pontoise nrsquoopposent aucun comportement discriminatoirePour les gyneacutecologues dont le nombre est insuffisant en France avec de veacuteritables ineacute-galiteacutes drsquoaccegraves sur le territoire 12 lrsquoeffet des villes semblent jouer un rocircle a minima Pour certaines villes dont la densiteacute meacutedicale pour cette speacutecialiteacute est tregraves faible un nombre limiteacute de professionnel-le-s a eacuteteacute contacteacute empecircchant toute conclusion Cependant il est important de noter que des PVVIH ont pu ecirctre confronteacutees agrave 100 de refus de rendez-vous dans certaines villes

125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave soulignerDe nombreux-ses praticien-ne-s et leur secreacutetariat meacutedical attribuent des rendez-vous aux PVVIH sans eacutevoquer aucun des motifs jugeacutes discriminatoires Pour pregraves de la moitieacute des cabinets dentaires (496 ) et plus de 4 cabinets de gyneacutecologie sur 5 (768 ) les pratiques de soins lrsquoaccueil et la communication sont en tout point conformes agrave la deacuteontologie meacutedicale (figures 5 et 6) Certains ont aussi fait preuve de bienveillance avec une approche globale de la prise en charge meacutedicale de la personne

126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutesLes logiques de preacutecaution occupent une place eacutevidente dans les arguments opposeacutes aux PVVIH au meacutepris de la loi de la deacuteontologie meacutedicale et des recommandations drsquohygiegravene De nos jours les refus de soins ou discriminations agrave leur eacutegard sont drsquoautant plus inacceptables que les mesures de preacutecaution standard ont eacuteteacute maintes fois rappe-leacutees par diverses instances publiques et scientifiques Ces mesures sont conccedilues pour preacutevenir le risque de transmission du VIH du ou de la patiente au personnel meacutedical et inversement et drsquoun ou drsquoune patiente agrave lrsquoautre Ceci est drsquoautant plus important qursquoen-viron un quart des PVVIH ignorent qursquoelles en sont atteintes et peuvent en toute bonne foi ne pas informer le ou la professionnel-le de santeacute de leur seacuterologie Les mesures de preacutecaution standard doivent ecirctre garanties systeacutematiquement dans tous les cabinets meacutedicaux et pour chaque patient-e quel que soit son eacutetat de santeacute

12 Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins Atlas de la deacutemographie meacutedicale en France situation au 1er janvier 2014

768

34 35PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 5 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 6 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

496

41 000 euroLe prix facial sur le marcheacute franccedilais du premier des traitements hautement actifs contre le VHC pour trois mois Sa combinaison avec drsquoautres meacutedicaments peut coucircter plus de 100766500 000 euro selon la dureacutee du traitement

12 VhC qUI SOIGNER

Crsquoest dans ce contexte que le principe drsquoune mise sous traitement seacutelective est acteacute par le ministegravere de la Santeacute Des critegraveres sont eacutetablis pour deacutefinir qui doit acceacuteder prioritai-rement aux nouveaux traitements innovants contre le VHC Ce choix et ses traductions opeacuterationnelles sont supposeacutes concilier le droit agrave la protection de la santeacute la santeacute publique et des populations mais aussi lrsquoeacutequilibre des finances publiques et la peacuteren-niteacute du systegraveme de protection sociale franccedilais Des recommandations drsquoexpert-e-s pour la mise sous traitement ont eacuteteacute fixeacutees courant 2014 mais finalement restreintes par un avis de la HAS ensuite en 2015 Ceci alors que la socieacuteteacute franccedilaise drsquoheacutepatologie a elle-mecircme confirmeacute en juin de la mecircme anneacutee les recommandations drsquoaccegraves eacutelargies de 2014

101048110104821010481 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexpertsDes recommandations ont drsquoabord eacuteteacute proposeacutees en mai 2014 dans un Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C dit rapport Dhumeaux Ce rapport a eacuteteacute commandeacute par la ministre de la Santeacute en janvier 2013 agrave lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) et lrsquoAssociation franccedilaise pour lrsquoeacutetude du foie (AFEF) De nombreux-ses praticien-ne-s universitaires et des repreacutesentant-e-s drsquoassociations drsquousager-e-s du systegraveme de santeacute sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux ont participeacute agrave son eacutelaboration Ainsi pour les personnes vivant avec une heacutepatite C les recommandations de mise sous trai-tement reposent notamment sur lrsquoavancement de la maladie crsquoest-agrave-dire les stades de fibrose supeacuterieurs ou eacutegaux agrave 2 13 qui indiquent lrsquoeacutetat drsquoavancement de lrsquoimpact du virus sur le foie Les experts ont par ailleurs distingueacute certaines populations pour lesquelles la mise sous traitement est preacuteconiseacutee quel que soit le stade de fibrose

Les patient-e-s ayant des manifestations extra-heacutepatiques seacutevegraveres Les patient-e-s en attente de transplantation heacutepatique ou reacutenale (pour tenter drsquoeacuteradiquer le virus avant la transplantation)

Au cas par cas les femmes ayant un deacutesir de grossesse Les personnes co-infecteacutees VIH-VHC Les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse Les personnes deacutetenues (avec lrsquoobjectif dans ces deux derniegraveres populations drsquoune reacuteduction du risque de transmission) 14

Si le rapport Dhumeaux propose une seacutelection des patient-e-s notamment au regard du prix il inscrit ces recommandations dans une perspective de ralentissement de lrsquoeacutepi-deacutemie et se distingue en ce sens de la HAS

101048110104821010482 Les recommandations restrictives de la hASLa HAS contribue laquo agrave la reacutegulation du systegraveme de santeacute raquo et a donc comme mission drsquolaquo assurer agrave tous les patients et usagers un accegraves peacuterenne et eacutequitable agrave des soins aussi efficaces sucircrs et efficients que possible raquo 15 Les recommandations eacutetablies par la HAS srsquoimposent aux professionnel-le-s meacutedicaux-cales Contrairement agrave la perspective du rapport Dhumeaux la HAS ne considegravere pas que laquo les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC [soient] reacuteunies raquo Elle en tire les conseacutequences et ne recommande qursquolaquo une strateacutegie de traitement des patients dans lrsquoobjectif drsquoune gueacute-rison virologique individuelle raquo avec des recommandations de stade de fibrose plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux Ainsi la HAS limite lrsquoaccegraves aux traitements innovants aux stades de fibrose du foie F2 seulement sous certaines conditions drsquoeacutevolution F3 et F4 ainsi qursquoagrave tous les stades pour certaines populations personnes co-infecteacutees VIH et VHC personnes atteintes de cryoglobulineacutemie mixte systeacutemique et symptomatique personnes atteintes de lym-phome B associeacute au VHC 16 La HAS eacutecarte en revanche des populations cibleacutees par le rapport drsquoexperts Dhumeaux notamment les usager-e-s de drogues et les personnes deacutetenues qui relegraveveraient drsquoune approche non speacutecifique et donc du cadre geacuteneacuteral La France est assez isoleacutee en Europe sur des recommandations de traitement et de non traitement arrecircteacutees sur les stades de fibrose

11 DES TRAITEMENTS INNOVANTS Agrave PRIX TREgraveS EacuteLEVEacuteS

Les limites eacuteconomiques agrave la prescription notamment sur la base de recommandations deacutefinies par la Haute autoriteacute de santeacute (HAS) sont notamment mises en lumiegravere par les prix des nouveaux traitements contre le VHC Aujourdrsquohui diffeacuterents traitements inno-vants contre le VHC les antiviraux agrave action directe sont sur le marcheacute Ils repreacutesentent des avanceacutees theacuterapeutiques majeures offrant un taux de gueacuterison virologique tregraves eacuteleveacute avec des dureacutees de traitements courtes et des effets indeacutesirables limiteacutes Si les associations investies dans le champ de la lutte contre les heacutepatites virales ndash Collectif Heacutepatites Virales (CHV) SOS heacutepatites TRT-5 Comegravede Meacutedecins du Monde (MdM) Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) AIDES ndash saluent lrsquoespoir drsquoune fin proche de lrsquoeacutepideacutemie de VHC elles se sont rapidement alarmeacutees sur le prix de ces nouveaux traitements Sur le marcheacute franccedilais le prix facial du premier de ces traitements hautement actifs contre le VHC (Sovaldisofosbuvir) a eacuteteacute fixeacute agrave 41 000 euro pour trois mois de traitement Ce traitement ne srsquoutilise jamais seul mais en association avec drsquoautres Certaines combinaisons peuvent coucircter plus de 100 000 euro selon la dureacutee (des traitements de six mois sont parfois neacutecessaires)Alors que la France meacutetropolitaine compte plus de 200 000 personnes vivant avec le VHC de tels prix constituent clairement un deacutefi pour les finances publiques et la peacuterenniteacute drsquoun systegraveme de santeacute solidaire En conseacutequence et pour la premiegravere fois en France ce prix participe agrave ce que lrsquoon peut consideacuterer comme un rationnement avec des mises sous traitement sur la base drsquoavis et de dispositions restrictifs

Meacutedicaments quels prix Le prix du meacutedicament nrsquoest pas libre il est fixeacute par convention entre le laboratoire lrsquoexploitant et le Comiteacute eacuteconomique des produits de santeacute (CEPS) sur la base de cri-tegraveres deacutefinis agrave lrsquoarticle L162-16-4 du Code de santeacute publique laquo La fixation de ce prix tient compte principalement de lrsquoameacutelioration du service meacutedical rendu (SMR) appor-teacutee par le meacutedicament le cas eacutecheacuteant des reacutesultats de lrsquoeacutevaluation meacutedico-eacutecono-mique des prix des meacutedicaments agrave mecircme viseacutee theacuterapeutique des volumes de vente preacutevus ou constateacutes ainsi que des conditions preacutevisibles et reacuteelles drsquoutilisation du meacutedi-cament raquo Agrave cela srsquoajoute aussi la coheacuterence avec les conditions de commercialisation preacutevues dans les grands Eacutetats europeacuteens Seul le prix facial est public crsquoest-agrave-dire le prix rembourseacute par lrsquoassurance maladie Le CEPS et les laboratoires peuvent neacutegocier des dispositifs de remises drsquoougrave un prix reacuteel diffeacuterent (voire tregraves diffeacuterent) de ce prix facial Les dispositifs de remises et le prix reacuteel nrsquoeacutetant pas publics les prescripteurs et usager-e-s nrsquoont connaissance que du prix facial

Le droit agrave la protection de la santeacute interdit toute forme de discriminations dans lrsquoaccegraves aux soins Cependant si les discriminations sont interdites lrsquouniversaliteacute de lrsquoaccegraves agrave certains soins et traitements nrsquoest pas pour autant garantie Crsquoest le cas des nouveaux traitements contre le virus de lrsquoheacutepatite C (VHC) dont le prix exorbitant a forceacute agrave deacutefinir des critegraveres de seacutelection des patient-e-s et agrave renoncer agrave lrsquoaccegraves universel

Bien que fondamental le droit agrave la protec-tion de la santeacute sans discrimination (voir page 25) peut connaicirctre certaines limites agrave son effectiviteacute en particulier sur le plan financier Il deacutepend en effet des choix opeacutereacutes au regard des deacutepenses publiques de lrsquoEacutetat et de la seacutecuriteacute sociale et notamment par rapport aux prix des meacutedicaments et des produits de santeacute Lrsquoarticle 8 du Code de deacuteontologie meacutedi-cale (R4127-8 du Code de santeacute publique) preacutecise que laquo Dans les limites fixeacutees par la loi le meacutedecin est libre de ses pres-criptions qui seront celles qursquoil estime les plus approprieacutees en la circonstance Il doit sans neacutegliger son devoir drsquoassistance morale limiter ses prescriptions et ses actes agrave ce qui est neacutecessaire agrave la qualiteacute agrave la seacutecuriteacute et agrave lrsquoefficaciteacute des soins Il doit tenir compte des avantages des incon-veacutenients et des conseacutequences des diffeacute-rentes investigations et theacuterapeutiques possibles raquo Si la liberteacute de prescription est ici recon-nue elle connaicirct donc certaines limites leacutegales dont celle imposeacutee par lrsquoarticle L162-2-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo Les meacutedecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions drsquoobserver dans le cadre de la leacutegislation et de la reacuteglementation en vigueur la plus stricte eacuteconomie compatible avec la qualiteacute la seacutecuriteacute et lrsquoefficaciteacute des soins raquo ce notamment sur la base des laquo recomman-dations ou avis meacutedico-eacuteconomiques de la Haute autoriteacute de santeacute raquo

13 Stades de fibrose F0 pas de fibrose F1 fibrose leacutegegravere F2 fibrose modeacutereacutee F3 fibrose seacutevegravere F4 cirrhose14 Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C 2014 p 25015 httpwwwhas-santefrportailjcmsfc_1249599frla-has16 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf

36 37

DROIT APPLICABLE

1  LE cAS dES TrAITEmENTS INNoVANTS 

coNTrE LrsquoHEacutePATITE c mdash

dIFFIcULTEacuteS drsquoAccEgraveS  AUx TrAITEmENTS

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

38 39

Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

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40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 14: AIDES Rapport Discrim

Le droit agrave la protection de la santeacuteLa loi relative aux droits des personnes malades et agrave la qualiteacute du systegraveme de santeacute du 4 mars 2002 dite laquo loi Kouchner raquo reacuteaffirme degraves lrsquoexposeacute des motifs le droit agrave la pro-tection de la santeacute comme un droit agrave valeur constitutionnelle reconnu par lrsquoalineacutea 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 laquo La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les conditions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacute-rielle le repos et les loisirs raquo Ce droit a eacuteteacute consacreacute par plusieurs deacutecisions du Conseil constitutionnel (notamment CC 23 juillet 1999 ndeg 99-416) Le droit agrave la protection de la santeacute est eacutegalement garanti par des textes internationaux ratifieacutes par la France Il lrsquoest indirectement par lrsquoarticle 3 de la Convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales interdisant la tor-ture et les traitements inhumains ou deacutegradants et par lrsquoarticle 8 de ladite Convention proteacutegeant le droit agrave la vie priveacutee et familiale Ce droit est aussi proteacutegeacute directement par la Charte de lrsquoOrganisation mondiale de la Santeacute du 27 juillet 1946 laquo La possession du meilleur eacutetat de santeacute qursquoil est capable drsquoatteindre constitue lrsquoun des droits fondamen-taux de tout ecirctre humain quelles que soient sa race sa religion ses opinions politiques sa conduite eacuteconomique raquoSur ces bases lrsquoarticle 1 de la loi de 2002 introduit un droit agrave la protection de la santeacute en faveur de toute personne sans discrimination laquo La mise en œuvre de ce droit passe par le deacuteveloppement de la preacutevention lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins les plus approprieacutes agrave son eacutetat de santeacute la continuiteacute des soins la seacutecuriteacute sanitaire raquo

Extraits du Code de santeacute publique

article l1110-1 Le droit fondamental agrave la protection de la santeacute doit ecirctre mis en œuvre par tous moyens disponibles au beacuteneacutefice de toute personne Les professionnels les eacutetablissements et reacuteseaux de santeacute les organismes drsquoassurance maladie ou tous autres organismes par-ticipant agrave la preacutevention et aux soins et les autoriteacutes sanitaires contribuent avec les usagers agrave deacutevelopper la preacutevention garantir lrsquoeacutegal accegraves de chaque personne aux soins neacutecessiteacutes par son eacutetat de santeacute et assurer la continuiteacute des soins et la meilleure seacutecu-riteacute sanitaire possible

article l1110-3 Aucune personne ne peut faire lrsquoobjet de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention ou aux soins

article l1110-5 Toute personne a compte tenu de son eacutetat de santeacute et de lrsquourgence des interventions que celui-ci requiert le droit de recevoir les soins les plus approprieacutes et de beacuteneacuteficier des theacuterapeutiques dont lrsquoefficaciteacute est reconnue et qui garantissent la meilleure seacutecuriteacute sanitaire au regard des connaissances meacutedicales aveacutereacutees Les actes de preacutevention drsquoin-vestigation ou de soins ne doivent pas en lrsquoeacutetat des connaissances meacutedicales lui faire courir de risques disproportionneacutes par rapport au beacuteneacutefice escompteacute

article l1411-1-1 Lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins des populations fragiliseacutees constitue un objectif prioritaire de la politique de santeacuteLes programmes de santeacute publique mis en œuvre par lrsquoEacutetat ainsi que par les collectiviteacutes territoriales et les organismes drsquoassurance maladie prennent en compte les difficulteacutes speacutecifiques des populations fragiliseacutees

25

DROIT APPLICABLE

rEFUS dE SoINS

Le droit agrave la santeacute et le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement bien que proteacutegeacutes par des textes agrave valeurs constitutionnelle et internationale peinent parfois agrave trouver une traduction effective Dans le champ du VIH sida et des heacutepatites virales les exemples sont leacutegions Sans preacutetendre agrave lrsquoexhaustiviteacute AIDES retient pour 2015 trois expressions drsquoatteintes agrave ces droits fondamentaux Drsquoabord des personnes seacuteropositives au VIH sont confronteacutees agrave des refus de soins en raison de leur statut seacuterologique Ensuite des personnes infecteacutees par le virus de lrsquoheacutepatite C sont eacutecarteacutees de lrsquoaccegraves aux nouveaux traitements innovants Enfin les personnes mineures ne peuvent acceacuteder agrave tous les moyens de preacutevention et de deacutepistage disponibles actuellement Ces sujets constituent les trois axes de ce chapitre

Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de comparer les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique

Bien que lrsquoaccegraves aux soins sans discrimination soit garanti par des dispositions leacutegales sans ambiguiumlteacute dans les faits des entraves existent Lrsquoexistence mecircme des refus de soins ne fait pas consensus la plupart des professionnel-le-s de santeacute tendant agrave nier ou au moins agrave minimiser le pheacutenomegravene que les personnes concerneacutees rapportent pourtant de maniegravere reacutecurrente Le deacuteficit drsquoeacutetudes officielles ne permet pas drsquoen objectiver la nature et lrsquoampleur En France seules quelques enquecirctes meneacutees par des associations et des institutions documentent ces pheacutenomegravenes mais essentiel-lement cibleacutees sur des motivations drsquoordre social Il srsquoagit drsquoeacutetudes concernant des beacuteneacuteficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) de la CMU compleacutementaire (CMU-C) de lrsquoaide meacutedicale drsquoEacutetat (AME) et de lrsquoaide agrave lrsquoacquisition drsquoune compleacute-mentaire santeacute (ACS) 11 Les discriminations dans le champ meacutedical agrave lrsquoencontre des PVVIH sont notamment documenteacutees par Sida Info Service qui a meneacute cinq enquecirctes agrave ce sujet et agrave travers les enquecirctes ANRS-VespaPourtant des cas reacutecurrents de refus de soins ou de discriminations sont rappor-teacutes par des PVVIH Ils concernent principalement lrsquoaccegraves agrave des soins dentaires ou gyneacutecologiques dans un contexte ougrave les mesures de preacutecaution standard drsquohygiegravene ont eacuteteacute maintes fois rappeleacutees par diverses instances publiques scientifiques et professionnellesAfin drsquoobjectiver ces refus trop souvent minimiseacutes AIDES a meneacute un testing en avril 2015 agrave lrsquooccasion de deacutebats autour du projet de loi de modernisation de notre sys-tegraveme de santeacute susceptible de renforcer les moyens de lutte contre les refus de soins Cette enquecircte vise agrave saisir lrsquoampleur et documenter les refus de soins laquo sur le vif raquo agrave lrsquoencontre des PVVIH

11 MEacuteThODOLOGIE

111 qursquoest-ce qursquoun testing Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de com-parer toutes choses eacutegales par ailleurs les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique Si lrsquoune des personnes est traiteacutee diffeacuteremment de lrsquoautre alors cette diffeacuterence est imputeacutee agrave lrsquounique caracteacuteristique qui les distingue

112 Le protocole drsquoenquecircteAfin de parvenir agrave eacutetablir lrsquoexistence de traitements discriminatoires dans lrsquoaccegraves aux soins dentaires ou gyneacutecologiques des PVVIH AIDES a recouru agrave une opeacuteration de tes-ting srsquoappuyant sur lrsquoobservation de prises de rendez-vous teacuteleacutephoniques

Les testeur-se-sLes appels teacuteleacutephoniques sont reacutealiseacutes par 44 testeur-se-s tous militant-e-s de AIDES Chaque testeur-se doit jouer un personnage en srsquoappuyant sur une identiteacute fictive qui se reacutepartit selon quatre profils

Hommefemme Seacuteropositif-ve au VIH ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH

Les diffeacuterentes lois sur la santeacute rarement remises en causes se sont depuis inscrites dans la continuiteacute Elles positionnent le droit agrave la santeacute pour tous et toutes comme une finaliteacute des politiques de santeacute jusqursquoau dernier projet de loi preacutesenteacute par Marisol Touraine ministre des Affaires sociales de la Santeacute et des Droits des femmes qui rap-pelle dans la version initiale de lrsquoarticle 1er laquo Elle [la politique de santeacute] tend agrave assurer la promotion de conditions de vie favorables agrave la santeacute lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute de la population la reacuteduction des ineacutegaliteacutes sociales et territoriales de santeacute et agrave garantir la meilleure seacutecuriteacute sanitaire possible et lrsquoaccegraves effectif de la population agrave la preacutevention et aux soins raquo 9

Les dispositions speacutecifiques aux refus de soinsLe droit agrave la santeacute est un eacuteleacutement fondamental des droits de lrsquohomme Si les textes qui rappellent ce principe sont nombreux il reste que ce droit nrsquoest pas acquis pour tous et toutes en particulier pour les personnes en situation de vulneacuterabiliteacute Au-delagrave des dif-ficulteacutes drsquoaccegraves aux soins les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) peuvent ecirctre expo-seacutees agrave des pratiques illeacutegales de refus de soins qui portent atteinte au droit agrave la santeacute Mecircme si les refus de soins ne sont pas geacuteneacuteraliseacutes les reacutesultats de nombreux testing montrent leur reacutecurrence Le droit actuel permet-il de lutter efficacement contre ces pratiques illeacutegales les reacuteponses juridiques sont-elles suffisantes Lrsquoencadrement juri-dique des refus de soins est eacuteclateacute entre Code peacutenal Code de la santeacute publique Code de la consommation et Code de deacuteontologie meacutedicale ce qui ne rend pas visible cet enjeuLe rapport du Deacutefenseur des droits remis au Premier Ministre en mars 2014 sur laquo Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME raquo a permis de montrer lrsquoinefficaciteacute de lrsquoencadrement juridique actuel La loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (HPST) a mis en place une proceacutedure particuliegravere de signalement des refus de soins complexe et peu effective instances compeacutetentes et modaliteacutes de saisines multiples difficulteacutes des usager-e-s agrave faire valoir leurs droits rareteacute des signalements et manque de mobilisation des ins-tances en charge du traitement des signalements Crsquoest pourquoi il est neacutecessaire de renforcer les droits des patient-e-s pour une meilleure connaissance des lois et voies de recours existants de mettre en œuvre un accompagnement des victimes dans le cadre des proceacutedures de conciliation ou les recours en justice et de mieux qualifier les refus de soins illeacutegaux pour en faciliter lrsquoidentification

Exemple de deacutecision du Deacutefenseur des droits Le Deacutefenseur a eacuteteacute saisi drsquoune reacuteclamation relative au refus de proceacuteder agrave lrsquoextraction de dents de sagesse en raison de la seacuteropositiviteacute de la patiente Celle-ci pensant que le chirurgien accegravederait agrave son dossier informatique de suivi au sein du mecircme hocircpital nrsquoa pas indiqueacute sa maladie lors de la consultation preacuteopeacuteratoire Apregraves avoir appris la seacuteropositiviteacute de la reacuteclamante le mis en cause a annuleacute lrsquoopeacuteration preacutevue en propo-sant une date trois mois plus tard inacceptable pour cette derniegravere Afin de justifier le refus des soins le mis en cause a invoqueacute lrsquoapplication drsquoun protocole speacutecifique pour la prise en charge drsquoun patient seacuteropositif Lrsquohocircpital dans lequel exerccedilait le mis en cause a deacutementi lrsquoexistence drsquoun tel protocole Dans le cadre de cette deacutecision le Deacutefenseur des droits a donc recommandeacute la mise en œuvre de sanctions disciplinaires agrave lrsquoeacutegard du meacutedecin et a informeacute de sa deacutecision le ministegravere de la Santeacute le conseil national de lrsquoordre des chirurgiens-dentistes ainsi que le conseil deacutepartemental de lrsquoordre des meacutedecinsDeacutecision MLD-2011-94 du 13 janvier 2012 10

1 UN TESTINg PoUr objEcTIVEr  

LES rEFUS dE SoINS mdash

9 Au moment de la reacutedaction de ce rapport la reacutedaction deacutefinitive de lrsquoarticle 1er nrsquoest pas connue 10 httpwwwdefenseurdesdroitsfrfractionsprotection-des-droits-libertesdecisiondecision-mld-2011-94-du-13-janvier-2012-

relative-un

11 MEacuteDECINS DU MONDE Testing sur les refus de soins des meacutedecins geacuteneacuteralistes pour les beacuteneacuteficiaires de la Couverture Maladie Universelle ou de lrsquoAide Meacutedicale Eacutetat dans 10 villes de France 2006 DEacuteFENSEUR DES DROITS Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME 2014 FONDS CMU-DIES Analyse des attitudes de meacutedecins et de dentistes agrave lrsquoeacutegard des patients beacuteneacuteficiant de la CMUC dans 6 villes du Val-de-Marne 2006 FONDS CMU-IRDES Les refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMUC agrave Paris 2009 FONDS CMU-IRDES Analyse territoriale des obstacles agrave lrsquoaccegraves aux soins des beacuteneacuteficiaires de la CMUC dans les deacutepartements de lrsquoOrne et de la Niegravevre 2012 CISS Droits des malades Refus de soins aux beacuteneacuteficiaires de la CMUC de lrsquoAME et de lrsquoACS 2015

26 27PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Rouen

Evreux

Pontoise

Chacircteauroux

ParisStrasbourg

Auxerre

Dijon

Lyon

Marseille

Gap

Clermont-ferrandPuy-en-Velay

Toulouse

Niort

Angoulegraveme

Cahors

Bourg-en-Bresse

Tours

Colmar

Lrsquoeacutechantillon repreacutesentatif de lrsquoeacutetude comprend 100766810076680 cabinets dentaires et 100766510076691007668 cabinets de gyneacutecologie

Le sceacutenarioUn mecircme cabinet dentaire ou de gyneacutecologie est appeleacute deux fois pour une prise de rendez-vous par deux testeur-se-s diffeacuterent-e-s qui ont des caracteacuteristiques sociodeacute-mographiques similaires Les prises de rendez-vous gyneacutecologiques sont effectueacutees uniquement par des femmes Dans le premier cas le-la testeur-se annonce sa seacutero-positiviteacute au VIH dans le second cas lrsquoautre testeur-se ne dit rien Seule la mention du statut seacuterologique diffeacuterencie ces deux personnes Un script eacutetabli en concertation avec des militant-e-s des PVVIH et des professionnel-le-s de santeacute (meacutedecins speacutecia-listes en chirurgie dentaire en gyneacutecologie et de santeacute publique) reacuteuni-e-s au sein drsquoun groupe de pilotage a permis drsquoeacutetablir

Une feuille de route pour chaque testeur-se proposant des reacuteponses concregravetes aux eacuteventuelles questions que pourrait susciter la demande de rendez-vous (iden-titeacute motifs de la demande orientations adresse teacuteleacutephone numeacutero de seacutecuriteacute sociale etc)

La conduite agrave tenir en cas de mise en attente ou drsquoheacutesitations agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute

Le choix du motif de la consultation deacutetartrage ou frottis Il est important de choisir un acte meacutedical susceptible de provoquer des saignements mais simple ne justifiant pas une orientation vers un-e meacutedecin speacutecialiste ou vers un service drsquourgences et ou un plateau technique particulier

Les eacutechanges teacuteleacutephoniques sont enregistreacutes leur contenu est retranscrit dans une base de donneacutees pour recueillir de faccedilon standardiseacutee les reacuteponses apporteacutees par les praticien-ne-s Des seacuteances de deacutebriefing ainsi qursquoun guide meacutethodologique sont mis agrave disposition des testeur-se-s

Remarque lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute au VIH drsquoembleacutee lors de la prise de ren-dez-vous est justifieacutee par les teacutemoignages de certaines PVVIH qui trop souvent expo-seacutees agrave la stigmatisation et la discrimination de la part de professionnel-le-s de santeacute preacutefegraverent eacuteviter un refus frontal de la ou du meacutedecin dans son cabinet Elle est eacutegale-ment approuveacutee par les professionnel-le-s de santeacute du groupe de pilotage au regard de leur expeacuterience

Constitution de lrsquoeacutechantillon geacuteographiqueLa meacutethodologie de lrsquoenquecircte srsquoappuie sur une technique drsquoeacutechantillonnage aleacuteatoire de maniegravere agrave garantir une seacutelection repreacutesentative des chirurgiens-dentistes et des gyneacutecologues en France Afin de deacutefinir les villes dans lesquelles est reacutealiseacutee lrsquoeacutetude plusieurs eacutetapes sont retenues

Un classement des reacutegions en fonction de leur incidence au VIH (faible moyenne eacuteleveacutee)

Une seacutelection de trois reacutegions par niveau drsquoincidence Une identification pour chaque reacutegion seacutelectionneacutee drsquoun deacutepartement agrave haute densiteacute meacutedicale et drsquoun deacutepartement agrave faible densiteacute meacutedicale pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Un choix des chefs-lieux de chacun de ces deacutepartements comme ville pour effectuer lrsquoenquecircte

Pour les trois plus grandes villes de France (Paris Lyon Marseille) un deacutecoupage par arrondissement selon le niveau de richesse (eacuteleveacute moyen faible) est reacutealiseacute Au total 20 villes sont seacutelectionneacutees La base de sondage est reacutealiseacutee agrave partir de plusieurs sources de donneacutees lrsquoInstitut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques (Insee) pour le nombre drsquohabi-tants lrsquoInstitut de veille sanitaire (InVS) pour lrsquoincidence du VIH lrsquoObservatoire natio-nal de la deacutemographie des professions de santeacute et lrsquoAtlas de la deacutemographie meacutedicale en France pour la densiteacute meacutedicale deacutepartementale respectivement pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Constitution de lrsquoeacutechantillon meacutedicalLe testing vise les seul-e-s speacutecialistes secteurs 1 et 2 chirurgiens-dentistes et gyneacuteco-logues Ainsi deux bases de sondage sont reacutealiseacutees

Lrsquoune agrave partir de lrsquoensemble des chirurgiens-dentistes conventionneacute-e-s pour les soins dentaires classiques preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Lrsquoautre agrave partir de lrsquoensemble des gyneacutecologues conventionneacute-e-s avec les speacuteciali-teacutes meacutedicale etou obsteacutetrique preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Pour lrsquoensemble des secteurs geacuteographiques 2 297 chirurgiens-dentistes et 290 gyneacute-cologues sont recenseacute-e-s Afin de creacuteer un eacutechantillon repreacutesentatif de ces professions 30 des chirurgiens-dentistes et 60 des gyneacutecologues sont tireacute-e-s au sort agrave lrsquoaide drsquoun programme de tri aleacuteatoire

Moins de 45 000 habitants

45 000 agrave 200 000 habitants

Plus de 200 000 habitants

les 20 villes selectionneacutees

pour le testing aupregraves des cabinets

dentaires et gyneacutecologiques

29PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 1

laquo Pour vous ce sera 21h raquo laquo Je ne prends pas de nouveaux patients raquo

laquo Eh bien on mettra deux paires de gants raquo

laquo Vous me remplirez un questionnaire meacutedical avant le rdv raquo

laquo Je le note dans le carnet de rdv raquo

laquo Les gens comme voushellip raquo

laquo Je nrsquoai pas le mateacuteriel adapteacute raquo

laquo Ok mais vous viendrez avec toutes vos analyses raquo

laquo Je ne pratique pas le deacutetartrage raquo

laquo Le deacutetartrage crsquoest 150 euros raquo

laquo Vous serez mieux soigneacute agrave lrsquohocircpital raquo

laquo Je nrsquoai pas eacuteteacute formeacute au vih raquo

laquo Heuhellip veuillez patienter raquo

Bonjour je souhaite un rendez-vous

pour un deacutetartrage et je suis seacuteropo

la face cacheacutee des refus

de soins chez les dentistes

envers les personnes vih+

Florilegravege des verbatims des cabinets dentaires agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute par ordre de citation

Le motif le plus souvent invoqueacute par les cabinets dentaires est celui des ameacutenagements ou des horaires speacutecifiques requis pour les personnes seacuteropositives Vient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute

Peacuteriode drsquoenquecircteLe testing est reacutealiseacute sur une peacuteriode courte du 7 au 10 avril 2015 pour garantir la confi-dentialiteacute de lrsquoopeacuteration et assurer un environnement comparable entre les diffeacuterents appels (actualiteacute meacutediatique et politique etc) Une fois la semaine de testing passeacutee les rendez-vous pris sont annuleacutes afin de ne pas peacutenaliser les laquo vrais raquo malades et les meacutedecins dans la gestion des rendez-vous meacutedicaux

Eacutechantillon finalParmi les 570 cabinets dentaires et les 154 cabinets de gyneacutecologie contacteacutes par teacuteleacute-phone durant la peacuteriode drsquoenquecircte pour une prise de rendez-vous un certain nombre sont exclus en raison de non-reacuteponses aux appels de non-conformiteacute de la speacutecialiteacute de fermeture ou de congeacutes Lrsquoeffectif final des praticien-ne-s retenu-e-s srsquoeacutelegraveve agrave 440 pour les chirurgiens-dentistes et 116 pour les gyneacutecologues Lors des appels il est pos-sible de relever la fonction des reacutepondant-e-s dans la majoriteacute des cas (praticien-ne-s ou secreacutetaires meacutedicaux-ales) Ainsi les interlocuteur-trice-s dans les cabinets dentaires sont des secreacutetaires meacutedicaux-les dans 764 des cas (n=336) et des chirurgiens-den-tistes dans 193 des cas (n=85) Pour les cabinets de gyneacutecologie la reacutepartition eacutetait de 802 de secreacutetaires meacutedicaux-les (n=93) et 78 de gyneacutecologues (n=9)

113 Limites de lrsquoeacutetudeCette opeacuteration de testing comporte des limites qui sont autant de pistes pour ameacutelio-rer encore ce type drsquoenquecirctes et leur donner un cadre leacutegalLa premiegravere limite tient agrave la classification a posteriori des motifs des refus de soins En effet la liste exhaustive des motifs de refus ainsi que la combinaison de plusieurs motifs eacutetaient difficiles agrave anticiper La deuxiegraveme limite concerne la perception des testeur-se-s quant aux reacuteponses four-nies par les dentistesgyneacutecologues Ainsi la notion de subjectiviteacute permise par la non-cateacutegorisation a priori des reacuteponses a probablement induit une sous-deacuteclaration de certains refus Les retours drsquoexpeacuteriences des PVVIH qui pointent des refus frontaux dans les cabinets des praticien-ne-s apregraves un rendez-vous fixeacute preacutealablement au teacuteleacute-phone laissent augurer eacutegalement drsquoune sous-eacutevaluation de ces pratiquesLa troisiegraveme limite est celle du champ de lrsquoenquecircte Seule la seacuteropositiviteacute au VIH a eacuteteacute testeacutee il est pourtant neacutecessaire drsquoeacutetendre aux personnes vivant avec une heacutepatite virale chronique ou co-infecteacutees par le VIH et les heacutepatites virales De plus les repreacutesen-tations sociales eacuteconomiques et morales associeacutees agrave la pathologie VIH (CMU ou AME preacutecariteacute pratiques sexuelles usages de drogues etc) peuvent geacuteneacuterer des cumuls de motifs de refusEt enfin la taille de lrsquoeacutechantillon des professionnel-le-s ne permet pas de reacutealiser des analyses statistiques pousseacutees notamment par ville et de conclure agrave drsquoeacuteventuelles dynamiques locales de discrimination

12 DES REacuteSULTATS ACCABLANTS

Parmi les reacuteponses des chirurgiens-dentistes et de leur secreacutetariat meacutedical agrave lrsquoan-nonce de la seacuteropositiviteacute le motif le plus souvent invoqueacute est celui des ameacutena-gements ou des horaires speacutecifiques qui seraient requis soit eacutenonceacutes comme tels soit mis en eacutevidence par comparaison des reacuteponses faites aux personnes supposeacutees seacuteroneacutegatives Il est important de rappeler que le Haut conseil de la santeacute publique a publieacute en 2007 un avis laquo ne recommandant pas lrsquoinstauration drsquoun ordre de pas-sage pour tout patient porteur des virus VHC VHB ou VIH lors drsquoactes invasifs meacutedico-chirurgicaux En revanche il considegravere comme une prioriteacute lrsquoapplication des preacutecautions standard et le respect des mesures de preacutevention (hellip) raquo LrsquoOrdre natio-nal des chirurgiens-dentistes a drsquoailleurs redit lors de la parution de ce testing que laquo les patients doivent tous beacuteneacuteficier drsquoune mecircme chaicircne de deacutecontamination et de steacuterilisation raquoVient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute surcharge de travail pas de nou-veaux-elles patient-e-s deacutelais de rendez-vous trop importants etc non eacutevoqueacutee pour les testeur-se-s nrsquoannonccedilant pas de seacuteropositiviteacute au VIHPour les gyneacutecologues ou leur secreacutetariat meacutedical les testeuses seacuteropositives sont accepteacutees sous reacuteserve de la preacutesentation de leur dossier meacutedical et du rappel de la pathologie au moment de la consultation Lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute est aussi avanceacute agrave plusieurs reprises Tous ces motifs sont ensuite cateacutegoriseacutes

Figure 2

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS30

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins

121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou de discriminationsUne cateacutegorisation est opeacutereacutee en fonction des dispositions juridiques existantes Les dispositions leacutegales eacutetant tregraves geacuteneacuterales et impreacutecises crsquoest la reacutefeacuterence agrave la circu-laire CNAMTS CIR-332008 relative aux refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMU-C qui a eacuteteacute retenue Ce texte donne une deacutefinition concregravete des refus de soins incluant laquo la fixation tardive inhabituelle et abusive drsquoun rendez-vous lrsquoorien-tation reacutepeacuteteacutee et abusive vers un autre confregravere lrsquoattitude et le comportement dis-criminatoire du professionnel de santeacute etc raquo Certains praticien-ne-s ont pu eacutevoquer plusieurs motifsAinsi des refus de soins directs ou deacuteguiseacutes et des traitements diffeacuterentiels non fon-deacutes sont constateacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH lors drsquoune demande de rendez-vous pour un deacutetartrage ou un frottisParmi les refus de soins on distingue deux cateacutegories Les refus directs Il srsquoagit de refus directement imputables au VIH annonceacutes comme tels ou sous couvert drsquoune autre raison non formuleacutee aupregraves de la personne supposeacutee seacuteroneacutegative Les refus deacuteguiseacutes Il srsquoagit de refus dont les preacutetextes avanceacutes sont douteux et contraires au Code de deacuteontologie meacutedicale Ils peuvent ecirctre cateacutegoriseacutes en deux types de refus

Les strateacutegies de deacutecouragement horaires contraignants deacutepassements drsquohono-raires assurance de la solvabiliteacute financiegravere etc

Les reacuteorientations vers des confregraveres ou des services hospitaliers sous preacutetexte drsquoun manque de connaissance de la pathologie et de sa prise en charge de mateacute-riel non adapteacute ou la dangerositeacute des soins qui suggegraverent une meilleure prise en charge laquo ailleurs raquo

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins (voir page 25) Ces dispariteacutes de traitement sont soit annonceacutees de maniegravere explicite lors de la prise de rendez-vous soit mises en eacutevidence par la confrontation des reacuteponses faites au-agrave la testeur-se seacuteropositif-ve au VIH et agrave son binocircme ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH On distingue trois cateacutegories

La meacuteconnaissance de la pathologie qui aboutit agrave de mauvaises pratiques dans la relation avec le ou la patiente

La divulgation du statut seacuterologique en dehors drsquoun dossier meacutedical ce qui est une atteinte au secret meacutedical

Lrsquoexistence de protocoles speacutecifiques drsquohygiegravene pour les PVVIH (steacuterilisation dureacutee des soins etc) agrave lrsquoencontre des mesures de preacutecautions standard recommandeacutees qui teacutemoignent drsquoun manque de connaissance ou drsquoapplication des regravegles fonda-mentales drsquohygiegravene et de steacuterilisation mais aussi une meacuteconnaissance des modes de contamination Ces mesures doivent ecirctre garanties systeacutematiquement et sans compromis quel que soit le statut seacuterologique des personnes et ce drsquoautant qursquoon estime entre 30 000 et 50 000 le nombre de personnes contamineacutees par le VIH en France qui lrsquoignorent (pour 150 000 PVVIH soit 20 agrave 30 )

32 33

30 refus de soins

deacuteguiseacutes

36 refus de soins

directs

168 pratiques

discriminatoires

cabinet dentaire

ViH SrsquoabStenir

17 refus de soins

directs

43 refus de soins

deacuteguiseacutes

172 pratiques

discriminatoires

cabinet de gyneacutecologie

ViH SrsquoabStenir

122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des speacutecialiteacutes

Figure 3 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 4 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

336 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

168 de pratiques discriminatoires

6 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

172 de pratiques discriminatoires

Cabinets de gyneacutecologie

Cabinets dentaires

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Dans le cadre du projet de loi Santeacute AIDES a construit plusieurs amendements afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutealiteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits

Les reacutesultats de ce testing prouvent qursquoil existe une veacuteritable meacuteconnaissance du VIH et de ses modes de transmission aboutissant agrave des attitudes neacutegatives et discrimi-natoires Ces comportements trahissent les repreacutesentations des professionnel-le-s vis-agrave-vis de cette maladieinfection et sur le respect des fondements deacuteontologiques des professions du soin

13 PERSPECTIVES LA NEacuteCESSITEacute DE RENfORCER LrsquoARSENAL jURIDIqUE

Les constats de AIDES confirment la neacutecessiteacute drsquoaller plus loin contre les refus de soins que la seule disposition initialement envisageacutee dans le projet de loi Santeacute Actuelle-ment ce sont aux ordres professionnels des soignant-e-s de mesurer lrsquoimportance et la nature des pratiques de ces refus En conseacutequence plusieurs amendements ont eacuteteacute construits avec Meacutedecins du Monde (MdM) afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutea-liteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits Les amendements formulent cinq propo-sitions visant agrave

Eacutelargir la deacutefinition leacutegale des refus de soins agrave toute pratique discriminante ou strateacutegie de dissuasion menant in fine au renoncement aux soins des patient-e-s

Donner une base leacutegale au testing autour drsquoun cahier des charges preacutecis et y inclure les associations de malades

Impliquer lrsquoensemble des acteurs-trices de santeacute dans le pilotage de lrsquoObserva-toire deacutedieacute aux refus de soins preacutevu par le projet de loi Santeacute agrave commencer par les associations de malades mais aussi les ordres professionnels et les organismes drsquoassurance maladie

Ameacutenager la charge de la preuve de sorte que comme dans lrsquoensemble du droit de la non-discrimination ce soit au-agrave la professionnel-le de santeacute de prouver qursquoil nrsquoy a pas eu de traitement discriminatoire lorsqursquoune personne exprime des eacuteleacutements de fait laissant supposer lrsquoexistence drsquoune discrimination

Permettre aux patient-e-s drsquoecirctre accompagneacute-e-s etou repreacutesenteacute-e-s par des associations durant les recours en justice ou les proceacutedures de conciliation lors-qursquoils-elles sont confronteacute-e-s agrave des refus de soins

Ces amendements srsquoappuient sur divers rapports institutionnels et parlementaires ils srsquoinspirent aussi de lrsquoarticle initial sur les refus de soins de la loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (Loi HPST) preacutesenteacutee par Roselyne Bachelot alors ministre de la Santeacute en 2008 Ces propositions ont cependant eacuteteacute escamoteacutees au fil des lectures agrave lrsquoAssembleacutee nationale et au SeacutenatAinsi gracircce agrave ce testing agrave ses retombeacutees meacutediatiques et agrave la mobilisation des mili-tant-e-s de AIDES les lignes ont commenceacute agrave bouger Drsquoune part lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes a vivement reacuteagi et drsquoautre part un amendement agrave lrsquoarticle 19 du projet de loi Santeacute a eacuteteacute voteacute au Seacutenat proposant que lrsquoeacutevaluation de lrsquoexistence des refus de soins soit confieacutee au Deacutefenseur des droits Au moment de la reacutedaction de ce rapport la formulation finale de lrsquoattribution de cette eacutevaluation au Deacutefenseur des droits ou aux diffeacuterents Ordres nrsquoest pas connue

Concernant lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes un rapprochement avec AIDES srsquoest opeacutereacute rapidement afin drsquoeacutetudier les moyens agrave mettre en œuvre pour lutter effica-cement contre les refus de soins Degraves lrsquoannonce des reacutesultats lrsquoOrdre a immeacutediatement reacuteagi et condamneacute ce type de comportement laquo Nul ne peut faire lrsquoobjet de discrimina-tions dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins raquo rappelant que laquo les chirurgiens-den-tistes qui ne respectent pas ce principe fondamental leacutegal et deacuteontologique srsquoexposent agrave des poursuites tant devant les juridictions disciplinaires que peacutenales raquo

123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction de lrsquointerlocuteur-trice

Les refus de soins ou les pratiques discriminatoires sont plus souvent pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les que par les praticien-ne-s voire inexistants srsquoagissant des gyneacutecologuesDans les cabinets dentaires une majoriteacute de secreacutetaires meacutedicaux-les opposent des refus de soins directs aux PVVIH ils-elles sont 78 agrave opposer des refus indirects versus 22 des chirurgiens-dentistes Srsquoagissant de traitements diffeacuterentieacutes entre les PVVIH et leur binocircme supposeacute seacuteroneacutegatif 824 sont eacutemis par des secreacutetaires meacutedicaux-les versus 186 par des dentistesLes refus de soins ou discriminations sont majoritairement pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les Ce constat reacutevegravele soit un manque de formation et de connaissance du VIH qui aboutit agrave des mauvaises pratiques avec le ou la patiente soit lrsquoexistence de directives donneacutees par des praticien-ne-s quant agrave la prise en charge de certain-e-s patient-e-s dont les PVVIH En teacutemoignent les mises en attente majoritairement du fait des secreacutetaires meacutedicaux-les Il est probablement plus facile de donner des ins-tructions agrave son secreacutetariat que drsquoassumer individuellement la responsabiliteacute drsquoun refus

124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des villesMalgreacute des effectifs parfois limiteacutes de chirurgiens-dentistes et de gyneacutecologues par ville les reacutesultats de ce testing preacutesentent une dispariteacute des pheacutenomegravenes de refus de soins et de discriminations sur le territoire national Il nrsquoy a a priori pas de lien entre le lieu drsquoinstallation et lrsquoineacutegaliteacute des pratiques Lrsquoattitude neacutegative des professionnel-le-s agrave lrsquoencontre des PVVIH paraicirct davantage reposer sur des logiques individuelles que sur la deacutemographie meacutedicale ou lrsquoincidence locale du VIH Les reacutesultats du testing ne suggegraverent pas drsquoinfluence de lrsquoenvironnement sur les pratiques des professionnel-le-s On relegraveve que Bourg-en-Bresse Chacircteauroux et le seiziegraveme arrondissement de Paris trois lieux qui preacutesentent une deacutemographie meacutedicale quantitativement contras-teacutee se deacutetachent en matiegravere de proportion de refus de soins ou de pratiques discri-minatoires avec plus de 70 des chirurgiens-dentistes contacteacute-e-s concerneacute-e-s Agrave lrsquoinverse les speacutecialistes du treiziegraveme arrondissement de Marseille et de la ville de Pontoise nrsquoopposent aucun comportement discriminatoirePour les gyneacutecologues dont le nombre est insuffisant en France avec de veacuteritables ineacute-galiteacutes drsquoaccegraves sur le territoire 12 lrsquoeffet des villes semblent jouer un rocircle a minima Pour certaines villes dont la densiteacute meacutedicale pour cette speacutecialiteacute est tregraves faible un nombre limiteacute de professionnel-le-s a eacuteteacute contacteacute empecircchant toute conclusion Cependant il est important de noter que des PVVIH ont pu ecirctre confronteacutees agrave 100 de refus de rendez-vous dans certaines villes

125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave soulignerDe nombreux-ses praticien-ne-s et leur secreacutetariat meacutedical attribuent des rendez-vous aux PVVIH sans eacutevoquer aucun des motifs jugeacutes discriminatoires Pour pregraves de la moitieacute des cabinets dentaires (496 ) et plus de 4 cabinets de gyneacutecologie sur 5 (768 ) les pratiques de soins lrsquoaccueil et la communication sont en tout point conformes agrave la deacuteontologie meacutedicale (figures 5 et 6) Certains ont aussi fait preuve de bienveillance avec une approche globale de la prise en charge meacutedicale de la personne

126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutesLes logiques de preacutecaution occupent une place eacutevidente dans les arguments opposeacutes aux PVVIH au meacutepris de la loi de la deacuteontologie meacutedicale et des recommandations drsquohygiegravene De nos jours les refus de soins ou discriminations agrave leur eacutegard sont drsquoautant plus inacceptables que les mesures de preacutecaution standard ont eacuteteacute maintes fois rappe-leacutees par diverses instances publiques et scientifiques Ces mesures sont conccedilues pour preacutevenir le risque de transmission du VIH du ou de la patiente au personnel meacutedical et inversement et drsquoun ou drsquoune patiente agrave lrsquoautre Ceci est drsquoautant plus important qursquoen-viron un quart des PVVIH ignorent qursquoelles en sont atteintes et peuvent en toute bonne foi ne pas informer le ou la professionnel-le de santeacute de leur seacuterologie Les mesures de preacutecaution standard doivent ecirctre garanties systeacutematiquement dans tous les cabinets meacutedicaux et pour chaque patient-e quel que soit son eacutetat de santeacute

12 Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins Atlas de la deacutemographie meacutedicale en France situation au 1er janvier 2014

768

34 35PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 5 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 6 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

496

41 000 euroLe prix facial sur le marcheacute franccedilais du premier des traitements hautement actifs contre le VHC pour trois mois Sa combinaison avec drsquoautres meacutedicaments peut coucircter plus de 100766500 000 euro selon la dureacutee du traitement

12 VhC qUI SOIGNER

Crsquoest dans ce contexte que le principe drsquoune mise sous traitement seacutelective est acteacute par le ministegravere de la Santeacute Des critegraveres sont eacutetablis pour deacutefinir qui doit acceacuteder prioritai-rement aux nouveaux traitements innovants contre le VHC Ce choix et ses traductions opeacuterationnelles sont supposeacutes concilier le droit agrave la protection de la santeacute la santeacute publique et des populations mais aussi lrsquoeacutequilibre des finances publiques et la peacuteren-niteacute du systegraveme de protection sociale franccedilais Des recommandations drsquoexpert-e-s pour la mise sous traitement ont eacuteteacute fixeacutees courant 2014 mais finalement restreintes par un avis de la HAS ensuite en 2015 Ceci alors que la socieacuteteacute franccedilaise drsquoheacutepatologie a elle-mecircme confirmeacute en juin de la mecircme anneacutee les recommandations drsquoaccegraves eacutelargies de 2014

101048110104821010481 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexpertsDes recommandations ont drsquoabord eacuteteacute proposeacutees en mai 2014 dans un Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C dit rapport Dhumeaux Ce rapport a eacuteteacute commandeacute par la ministre de la Santeacute en janvier 2013 agrave lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) et lrsquoAssociation franccedilaise pour lrsquoeacutetude du foie (AFEF) De nombreux-ses praticien-ne-s universitaires et des repreacutesentant-e-s drsquoassociations drsquousager-e-s du systegraveme de santeacute sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux ont participeacute agrave son eacutelaboration Ainsi pour les personnes vivant avec une heacutepatite C les recommandations de mise sous trai-tement reposent notamment sur lrsquoavancement de la maladie crsquoest-agrave-dire les stades de fibrose supeacuterieurs ou eacutegaux agrave 2 13 qui indiquent lrsquoeacutetat drsquoavancement de lrsquoimpact du virus sur le foie Les experts ont par ailleurs distingueacute certaines populations pour lesquelles la mise sous traitement est preacuteconiseacutee quel que soit le stade de fibrose

Les patient-e-s ayant des manifestations extra-heacutepatiques seacutevegraveres Les patient-e-s en attente de transplantation heacutepatique ou reacutenale (pour tenter drsquoeacuteradiquer le virus avant la transplantation)

Au cas par cas les femmes ayant un deacutesir de grossesse Les personnes co-infecteacutees VIH-VHC Les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse Les personnes deacutetenues (avec lrsquoobjectif dans ces deux derniegraveres populations drsquoune reacuteduction du risque de transmission) 14

Si le rapport Dhumeaux propose une seacutelection des patient-e-s notamment au regard du prix il inscrit ces recommandations dans une perspective de ralentissement de lrsquoeacutepi-deacutemie et se distingue en ce sens de la HAS

101048110104821010482 Les recommandations restrictives de la hASLa HAS contribue laquo agrave la reacutegulation du systegraveme de santeacute raquo et a donc comme mission drsquolaquo assurer agrave tous les patients et usagers un accegraves peacuterenne et eacutequitable agrave des soins aussi efficaces sucircrs et efficients que possible raquo 15 Les recommandations eacutetablies par la HAS srsquoimposent aux professionnel-le-s meacutedicaux-cales Contrairement agrave la perspective du rapport Dhumeaux la HAS ne considegravere pas que laquo les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC [soient] reacuteunies raquo Elle en tire les conseacutequences et ne recommande qursquolaquo une strateacutegie de traitement des patients dans lrsquoobjectif drsquoune gueacute-rison virologique individuelle raquo avec des recommandations de stade de fibrose plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux Ainsi la HAS limite lrsquoaccegraves aux traitements innovants aux stades de fibrose du foie F2 seulement sous certaines conditions drsquoeacutevolution F3 et F4 ainsi qursquoagrave tous les stades pour certaines populations personnes co-infecteacutees VIH et VHC personnes atteintes de cryoglobulineacutemie mixte systeacutemique et symptomatique personnes atteintes de lym-phome B associeacute au VHC 16 La HAS eacutecarte en revanche des populations cibleacutees par le rapport drsquoexperts Dhumeaux notamment les usager-e-s de drogues et les personnes deacutetenues qui relegraveveraient drsquoune approche non speacutecifique et donc du cadre geacuteneacuteral La France est assez isoleacutee en Europe sur des recommandations de traitement et de non traitement arrecircteacutees sur les stades de fibrose

11 DES TRAITEMENTS INNOVANTS Agrave PRIX TREgraveS EacuteLEVEacuteS

Les limites eacuteconomiques agrave la prescription notamment sur la base de recommandations deacutefinies par la Haute autoriteacute de santeacute (HAS) sont notamment mises en lumiegravere par les prix des nouveaux traitements contre le VHC Aujourdrsquohui diffeacuterents traitements inno-vants contre le VHC les antiviraux agrave action directe sont sur le marcheacute Ils repreacutesentent des avanceacutees theacuterapeutiques majeures offrant un taux de gueacuterison virologique tregraves eacuteleveacute avec des dureacutees de traitements courtes et des effets indeacutesirables limiteacutes Si les associations investies dans le champ de la lutte contre les heacutepatites virales ndash Collectif Heacutepatites Virales (CHV) SOS heacutepatites TRT-5 Comegravede Meacutedecins du Monde (MdM) Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) AIDES ndash saluent lrsquoespoir drsquoune fin proche de lrsquoeacutepideacutemie de VHC elles se sont rapidement alarmeacutees sur le prix de ces nouveaux traitements Sur le marcheacute franccedilais le prix facial du premier de ces traitements hautement actifs contre le VHC (Sovaldisofosbuvir) a eacuteteacute fixeacute agrave 41 000 euro pour trois mois de traitement Ce traitement ne srsquoutilise jamais seul mais en association avec drsquoautres Certaines combinaisons peuvent coucircter plus de 100 000 euro selon la dureacutee (des traitements de six mois sont parfois neacutecessaires)Alors que la France meacutetropolitaine compte plus de 200 000 personnes vivant avec le VHC de tels prix constituent clairement un deacutefi pour les finances publiques et la peacuterenniteacute drsquoun systegraveme de santeacute solidaire En conseacutequence et pour la premiegravere fois en France ce prix participe agrave ce que lrsquoon peut consideacuterer comme un rationnement avec des mises sous traitement sur la base drsquoavis et de dispositions restrictifs

Meacutedicaments quels prix Le prix du meacutedicament nrsquoest pas libre il est fixeacute par convention entre le laboratoire lrsquoexploitant et le Comiteacute eacuteconomique des produits de santeacute (CEPS) sur la base de cri-tegraveres deacutefinis agrave lrsquoarticle L162-16-4 du Code de santeacute publique laquo La fixation de ce prix tient compte principalement de lrsquoameacutelioration du service meacutedical rendu (SMR) appor-teacutee par le meacutedicament le cas eacutecheacuteant des reacutesultats de lrsquoeacutevaluation meacutedico-eacutecono-mique des prix des meacutedicaments agrave mecircme viseacutee theacuterapeutique des volumes de vente preacutevus ou constateacutes ainsi que des conditions preacutevisibles et reacuteelles drsquoutilisation du meacutedi-cament raquo Agrave cela srsquoajoute aussi la coheacuterence avec les conditions de commercialisation preacutevues dans les grands Eacutetats europeacuteens Seul le prix facial est public crsquoest-agrave-dire le prix rembourseacute par lrsquoassurance maladie Le CEPS et les laboratoires peuvent neacutegocier des dispositifs de remises drsquoougrave un prix reacuteel diffeacuterent (voire tregraves diffeacuterent) de ce prix facial Les dispositifs de remises et le prix reacuteel nrsquoeacutetant pas publics les prescripteurs et usager-e-s nrsquoont connaissance que du prix facial

Le droit agrave la protection de la santeacute interdit toute forme de discriminations dans lrsquoaccegraves aux soins Cependant si les discriminations sont interdites lrsquouniversaliteacute de lrsquoaccegraves agrave certains soins et traitements nrsquoest pas pour autant garantie Crsquoest le cas des nouveaux traitements contre le virus de lrsquoheacutepatite C (VHC) dont le prix exorbitant a forceacute agrave deacutefinir des critegraveres de seacutelection des patient-e-s et agrave renoncer agrave lrsquoaccegraves universel

Bien que fondamental le droit agrave la protec-tion de la santeacute sans discrimination (voir page 25) peut connaicirctre certaines limites agrave son effectiviteacute en particulier sur le plan financier Il deacutepend en effet des choix opeacutereacutes au regard des deacutepenses publiques de lrsquoEacutetat et de la seacutecuriteacute sociale et notamment par rapport aux prix des meacutedicaments et des produits de santeacute Lrsquoarticle 8 du Code de deacuteontologie meacutedi-cale (R4127-8 du Code de santeacute publique) preacutecise que laquo Dans les limites fixeacutees par la loi le meacutedecin est libre de ses pres-criptions qui seront celles qursquoil estime les plus approprieacutees en la circonstance Il doit sans neacutegliger son devoir drsquoassistance morale limiter ses prescriptions et ses actes agrave ce qui est neacutecessaire agrave la qualiteacute agrave la seacutecuriteacute et agrave lrsquoefficaciteacute des soins Il doit tenir compte des avantages des incon-veacutenients et des conseacutequences des diffeacute-rentes investigations et theacuterapeutiques possibles raquo Si la liberteacute de prescription est ici recon-nue elle connaicirct donc certaines limites leacutegales dont celle imposeacutee par lrsquoarticle L162-2-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo Les meacutedecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions drsquoobserver dans le cadre de la leacutegislation et de la reacuteglementation en vigueur la plus stricte eacuteconomie compatible avec la qualiteacute la seacutecuriteacute et lrsquoefficaciteacute des soins raquo ce notamment sur la base des laquo recomman-dations ou avis meacutedico-eacuteconomiques de la Haute autoriteacute de santeacute raquo

13 Stades de fibrose F0 pas de fibrose F1 fibrose leacutegegravere F2 fibrose modeacutereacutee F3 fibrose seacutevegravere F4 cirrhose14 Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C 2014 p 25015 httpwwwhas-santefrportailjcmsfc_1249599frla-has16 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf

36 37

DROIT APPLICABLE

1  LE cAS dES TrAITEmENTS INNoVANTS 

coNTrE LrsquoHEacutePATITE c mdash

dIFFIcULTEacuteS drsquoAccEgraveS  AUx TrAITEmENTS

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

38 39

Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

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40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

Rejoignez AIDES sur les reacuteseaux sociaux facebookcomaides assoAIDES

Page 15: AIDES Rapport Discrim

Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de comparer les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique

Bien que lrsquoaccegraves aux soins sans discrimination soit garanti par des dispositions leacutegales sans ambiguiumlteacute dans les faits des entraves existent Lrsquoexistence mecircme des refus de soins ne fait pas consensus la plupart des professionnel-le-s de santeacute tendant agrave nier ou au moins agrave minimiser le pheacutenomegravene que les personnes concerneacutees rapportent pourtant de maniegravere reacutecurrente Le deacuteficit drsquoeacutetudes officielles ne permet pas drsquoen objectiver la nature et lrsquoampleur En France seules quelques enquecirctes meneacutees par des associations et des institutions documentent ces pheacutenomegravenes mais essentiel-lement cibleacutees sur des motivations drsquoordre social Il srsquoagit drsquoeacutetudes concernant des beacuteneacuteficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) de la CMU compleacutementaire (CMU-C) de lrsquoaide meacutedicale drsquoEacutetat (AME) et de lrsquoaide agrave lrsquoacquisition drsquoune compleacute-mentaire santeacute (ACS) 11 Les discriminations dans le champ meacutedical agrave lrsquoencontre des PVVIH sont notamment documenteacutees par Sida Info Service qui a meneacute cinq enquecirctes agrave ce sujet et agrave travers les enquecirctes ANRS-VespaPourtant des cas reacutecurrents de refus de soins ou de discriminations sont rappor-teacutes par des PVVIH Ils concernent principalement lrsquoaccegraves agrave des soins dentaires ou gyneacutecologiques dans un contexte ougrave les mesures de preacutecaution standard drsquohygiegravene ont eacuteteacute maintes fois rappeleacutees par diverses instances publiques scientifiques et professionnellesAfin drsquoobjectiver ces refus trop souvent minimiseacutes AIDES a meneacute un testing en avril 2015 agrave lrsquooccasion de deacutebats autour du projet de loi de modernisation de notre sys-tegraveme de santeacute susceptible de renforcer les moyens de lutte contre les refus de soins Cette enquecircte vise agrave saisir lrsquoampleur et documenter les refus de soins laquo sur le vif raquo agrave lrsquoencontre des PVVIH

11 MEacuteThODOLOGIE

111 qursquoest-ce qursquoun testing Le testing est un moyen drsquoinvestigation en situation reacuteelle destineacute agrave prouver de maniegravere efficace et objective des situations de discrimination Il srsquoagit drsquoobserver et de com-parer toutes choses eacutegales par ailleurs les traitements dispenseacutes agrave lrsquoeacutegard de deux personnes placeacutees dans des situations similaires et qui ne diffegraverent que par une seule caracteacuteristique Si lrsquoune des personnes est traiteacutee diffeacuteremment de lrsquoautre alors cette diffeacuterence est imputeacutee agrave lrsquounique caracteacuteristique qui les distingue

112 Le protocole drsquoenquecircteAfin de parvenir agrave eacutetablir lrsquoexistence de traitements discriminatoires dans lrsquoaccegraves aux soins dentaires ou gyneacutecologiques des PVVIH AIDES a recouru agrave une opeacuteration de tes-ting srsquoappuyant sur lrsquoobservation de prises de rendez-vous teacuteleacutephoniques

Les testeur-se-sLes appels teacuteleacutephoniques sont reacutealiseacutes par 44 testeur-se-s tous militant-e-s de AIDES Chaque testeur-se doit jouer un personnage en srsquoappuyant sur une identiteacute fictive qui se reacutepartit selon quatre profils

Hommefemme Seacuteropositif-ve au VIH ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH

Les diffeacuterentes lois sur la santeacute rarement remises en causes se sont depuis inscrites dans la continuiteacute Elles positionnent le droit agrave la santeacute pour tous et toutes comme une finaliteacute des politiques de santeacute jusqursquoau dernier projet de loi preacutesenteacute par Marisol Touraine ministre des Affaires sociales de la Santeacute et des Droits des femmes qui rap-pelle dans la version initiale de lrsquoarticle 1er laquo Elle [la politique de santeacute] tend agrave assurer la promotion de conditions de vie favorables agrave la santeacute lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute de la population la reacuteduction des ineacutegaliteacutes sociales et territoriales de santeacute et agrave garantir la meilleure seacutecuriteacute sanitaire possible et lrsquoaccegraves effectif de la population agrave la preacutevention et aux soins raquo 9

Les dispositions speacutecifiques aux refus de soinsLe droit agrave la santeacute est un eacuteleacutement fondamental des droits de lrsquohomme Si les textes qui rappellent ce principe sont nombreux il reste que ce droit nrsquoest pas acquis pour tous et toutes en particulier pour les personnes en situation de vulneacuterabiliteacute Au-delagrave des dif-ficulteacutes drsquoaccegraves aux soins les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) peuvent ecirctre expo-seacutees agrave des pratiques illeacutegales de refus de soins qui portent atteinte au droit agrave la santeacute Mecircme si les refus de soins ne sont pas geacuteneacuteraliseacutes les reacutesultats de nombreux testing montrent leur reacutecurrence Le droit actuel permet-il de lutter efficacement contre ces pratiques illeacutegales les reacuteponses juridiques sont-elles suffisantes Lrsquoencadrement juri-dique des refus de soins est eacuteclateacute entre Code peacutenal Code de la santeacute publique Code de la consommation et Code de deacuteontologie meacutedicale ce qui ne rend pas visible cet enjeuLe rapport du Deacutefenseur des droits remis au Premier Ministre en mars 2014 sur laquo Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME raquo a permis de montrer lrsquoinefficaciteacute de lrsquoencadrement juridique actuel La loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (HPST) a mis en place une proceacutedure particuliegravere de signalement des refus de soins complexe et peu effective instances compeacutetentes et modaliteacutes de saisines multiples difficulteacutes des usager-e-s agrave faire valoir leurs droits rareteacute des signalements et manque de mobilisation des ins-tances en charge du traitement des signalements Crsquoest pourquoi il est neacutecessaire de renforcer les droits des patient-e-s pour une meilleure connaissance des lois et voies de recours existants de mettre en œuvre un accompagnement des victimes dans le cadre des proceacutedures de conciliation ou les recours en justice et de mieux qualifier les refus de soins illeacutegaux pour en faciliter lrsquoidentification

Exemple de deacutecision du Deacutefenseur des droits Le Deacutefenseur a eacuteteacute saisi drsquoune reacuteclamation relative au refus de proceacuteder agrave lrsquoextraction de dents de sagesse en raison de la seacuteropositiviteacute de la patiente Celle-ci pensant que le chirurgien accegravederait agrave son dossier informatique de suivi au sein du mecircme hocircpital nrsquoa pas indiqueacute sa maladie lors de la consultation preacuteopeacuteratoire Apregraves avoir appris la seacuteropositiviteacute de la reacuteclamante le mis en cause a annuleacute lrsquoopeacuteration preacutevue en propo-sant une date trois mois plus tard inacceptable pour cette derniegravere Afin de justifier le refus des soins le mis en cause a invoqueacute lrsquoapplication drsquoun protocole speacutecifique pour la prise en charge drsquoun patient seacuteropositif Lrsquohocircpital dans lequel exerccedilait le mis en cause a deacutementi lrsquoexistence drsquoun tel protocole Dans le cadre de cette deacutecision le Deacutefenseur des droits a donc recommandeacute la mise en œuvre de sanctions disciplinaires agrave lrsquoeacutegard du meacutedecin et a informeacute de sa deacutecision le ministegravere de la Santeacute le conseil national de lrsquoordre des chirurgiens-dentistes ainsi que le conseil deacutepartemental de lrsquoordre des meacutedecinsDeacutecision MLD-2011-94 du 13 janvier 2012 10

1 UN TESTINg PoUr objEcTIVEr  

LES rEFUS dE SoINS mdash

9 Au moment de la reacutedaction de ce rapport la reacutedaction deacutefinitive de lrsquoarticle 1er nrsquoest pas connue 10 httpwwwdefenseurdesdroitsfrfractionsprotection-des-droits-libertesdecisiondecision-mld-2011-94-du-13-janvier-2012-

relative-un

11 MEacuteDECINS DU MONDE Testing sur les refus de soins des meacutedecins geacuteneacuteralistes pour les beacuteneacuteficiaires de la Couverture Maladie Universelle ou de lrsquoAide Meacutedicale Eacutetat dans 10 villes de France 2006 DEacuteFENSEUR DES DROITS Les refus de soins opposeacutes aux beacuteneacuteficiaires de la CMU-C de lrsquoACS et de lrsquoAME 2014 FONDS CMU-DIES Analyse des attitudes de meacutedecins et de dentistes agrave lrsquoeacutegard des patients beacuteneacuteficiant de la CMUC dans 6 villes du Val-de-Marne 2006 FONDS CMU-IRDES Les refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMUC agrave Paris 2009 FONDS CMU-IRDES Analyse territoriale des obstacles agrave lrsquoaccegraves aux soins des beacuteneacuteficiaires de la CMUC dans les deacutepartements de lrsquoOrne et de la Niegravevre 2012 CISS Droits des malades Refus de soins aux beacuteneacuteficiaires de la CMUC de lrsquoAME et de lrsquoACS 2015

26 27PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Rouen

Evreux

Pontoise

Chacircteauroux

ParisStrasbourg

Auxerre

Dijon

Lyon

Marseille

Gap

Clermont-ferrandPuy-en-Velay

Toulouse

Niort

Angoulegraveme

Cahors

Bourg-en-Bresse

Tours

Colmar

Lrsquoeacutechantillon repreacutesentatif de lrsquoeacutetude comprend 100766810076680 cabinets dentaires et 100766510076691007668 cabinets de gyneacutecologie

Le sceacutenarioUn mecircme cabinet dentaire ou de gyneacutecologie est appeleacute deux fois pour une prise de rendez-vous par deux testeur-se-s diffeacuterent-e-s qui ont des caracteacuteristiques sociodeacute-mographiques similaires Les prises de rendez-vous gyneacutecologiques sont effectueacutees uniquement par des femmes Dans le premier cas le-la testeur-se annonce sa seacutero-positiviteacute au VIH dans le second cas lrsquoautre testeur-se ne dit rien Seule la mention du statut seacuterologique diffeacuterencie ces deux personnes Un script eacutetabli en concertation avec des militant-e-s des PVVIH et des professionnel-le-s de santeacute (meacutedecins speacutecia-listes en chirurgie dentaire en gyneacutecologie et de santeacute publique) reacuteuni-e-s au sein drsquoun groupe de pilotage a permis drsquoeacutetablir

Une feuille de route pour chaque testeur-se proposant des reacuteponses concregravetes aux eacuteventuelles questions que pourrait susciter la demande de rendez-vous (iden-titeacute motifs de la demande orientations adresse teacuteleacutephone numeacutero de seacutecuriteacute sociale etc)

La conduite agrave tenir en cas de mise en attente ou drsquoheacutesitations agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute

Le choix du motif de la consultation deacutetartrage ou frottis Il est important de choisir un acte meacutedical susceptible de provoquer des saignements mais simple ne justifiant pas une orientation vers un-e meacutedecin speacutecialiste ou vers un service drsquourgences et ou un plateau technique particulier

Les eacutechanges teacuteleacutephoniques sont enregistreacutes leur contenu est retranscrit dans une base de donneacutees pour recueillir de faccedilon standardiseacutee les reacuteponses apporteacutees par les praticien-ne-s Des seacuteances de deacutebriefing ainsi qursquoun guide meacutethodologique sont mis agrave disposition des testeur-se-s

Remarque lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute au VIH drsquoembleacutee lors de la prise de ren-dez-vous est justifieacutee par les teacutemoignages de certaines PVVIH qui trop souvent expo-seacutees agrave la stigmatisation et la discrimination de la part de professionnel-le-s de santeacute preacutefegraverent eacuteviter un refus frontal de la ou du meacutedecin dans son cabinet Elle est eacutegale-ment approuveacutee par les professionnel-le-s de santeacute du groupe de pilotage au regard de leur expeacuterience

Constitution de lrsquoeacutechantillon geacuteographiqueLa meacutethodologie de lrsquoenquecircte srsquoappuie sur une technique drsquoeacutechantillonnage aleacuteatoire de maniegravere agrave garantir une seacutelection repreacutesentative des chirurgiens-dentistes et des gyneacutecologues en France Afin de deacutefinir les villes dans lesquelles est reacutealiseacutee lrsquoeacutetude plusieurs eacutetapes sont retenues

Un classement des reacutegions en fonction de leur incidence au VIH (faible moyenne eacuteleveacutee)

Une seacutelection de trois reacutegions par niveau drsquoincidence Une identification pour chaque reacutegion seacutelectionneacutee drsquoun deacutepartement agrave haute densiteacute meacutedicale et drsquoun deacutepartement agrave faible densiteacute meacutedicale pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Un choix des chefs-lieux de chacun de ces deacutepartements comme ville pour effectuer lrsquoenquecircte

Pour les trois plus grandes villes de France (Paris Lyon Marseille) un deacutecoupage par arrondissement selon le niveau de richesse (eacuteleveacute moyen faible) est reacutealiseacute Au total 20 villes sont seacutelectionneacutees La base de sondage est reacutealiseacutee agrave partir de plusieurs sources de donneacutees lrsquoInstitut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques (Insee) pour le nombre drsquohabi-tants lrsquoInstitut de veille sanitaire (InVS) pour lrsquoincidence du VIH lrsquoObservatoire natio-nal de la deacutemographie des professions de santeacute et lrsquoAtlas de la deacutemographie meacutedicale en France pour la densiteacute meacutedicale deacutepartementale respectivement pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Constitution de lrsquoeacutechantillon meacutedicalLe testing vise les seul-e-s speacutecialistes secteurs 1 et 2 chirurgiens-dentistes et gyneacuteco-logues Ainsi deux bases de sondage sont reacutealiseacutees

Lrsquoune agrave partir de lrsquoensemble des chirurgiens-dentistes conventionneacute-e-s pour les soins dentaires classiques preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Lrsquoautre agrave partir de lrsquoensemble des gyneacutecologues conventionneacute-e-s avec les speacuteciali-teacutes meacutedicale etou obsteacutetrique preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Pour lrsquoensemble des secteurs geacuteographiques 2 297 chirurgiens-dentistes et 290 gyneacute-cologues sont recenseacute-e-s Afin de creacuteer un eacutechantillon repreacutesentatif de ces professions 30 des chirurgiens-dentistes et 60 des gyneacutecologues sont tireacute-e-s au sort agrave lrsquoaide drsquoun programme de tri aleacuteatoire

Moins de 45 000 habitants

45 000 agrave 200 000 habitants

Plus de 200 000 habitants

les 20 villes selectionneacutees

pour le testing aupregraves des cabinets

dentaires et gyneacutecologiques

29PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 1

laquo Pour vous ce sera 21h raquo laquo Je ne prends pas de nouveaux patients raquo

laquo Eh bien on mettra deux paires de gants raquo

laquo Vous me remplirez un questionnaire meacutedical avant le rdv raquo

laquo Je le note dans le carnet de rdv raquo

laquo Les gens comme voushellip raquo

laquo Je nrsquoai pas le mateacuteriel adapteacute raquo

laquo Ok mais vous viendrez avec toutes vos analyses raquo

laquo Je ne pratique pas le deacutetartrage raquo

laquo Le deacutetartrage crsquoest 150 euros raquo

laquo Vous serez mieux soigneacute agrave lrsquohocircpital raquo

laquo Je nrsquoai pas eacuteteacute formeacute au vih raquo

laquo Heuhellip veuillez patienter raquo

Bonjour je souhaite un rendez-vous

pour un deacutetartrage et je suis seacuteropo

la face cacheacutee des refus

de soins chez les dentistes

envers les personnes vih+

Florilegravege des verbatims des cabinets dentaires agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute par ordre de citation

Le motif le plus souvent invoqueacute par les cabinets dentaires est celui des ameacutenagements ou des horaires speacutecifiques requis pour les personnes seacuteropositives Vient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute

Peacuteriode drsquoenquecircteLe testing est reacutealiseacute sur une peacuteriode courte du 7 au 10 avril 2015 pour garantir la confi-dentialiteacute de lrsquoopeacuteration et assurer un environnement comparable entre les diffeacuterents appels (actualiteacute meacutediatique et politique etc) Une fois la semaine de testing passeacutee les rendez-vous pris sont annuleacutes afin de ne pas peacutenaliser les laquo vrais raquo malades et les meacutedecins dans la gestion des rendez-vous meacutedicaux

Eacutechantillon finalParmi les 570 cabinets dentaires et les 154 cabinets de gyneacutecologie contacteacutes par teacuteleacute-phone durant la peacuteriode drsquoenquecircte pour une prise de rendez-vous un certain nombre sont exclus en raison de non-reacuteponses aux appels de non-conformiteacute de la speacutecialiteacute de fermeture ou de congeacutes Lrsquoeffectif final des praticien-ne-s retenu-e-s srsquoeacutelegraveve agrave 440 pour les chirurgiens-dentistes et 116 pour les gyneacutecologues Lors des appels il est pos-sible de relever la fonction des reacutepondant-e-s dans la majoriteacute des cas (praticien-ne-s ou secreacutetaires meacutedicaux-ales) Ainsi les interlocuteur-trice-s dans les cabinets dentaires sont des secreacutetaires meacutedicaux-les dans 764 des cas (n=336) et des chirurgiens-den-tistes dans 193 des cas (n=85) Pour les cabinets de gyneacutecologie la reacutepartition eacutetait de 802 de secreacutetaires meacutedicaux-les (n=93) et 78 de gyneacutecologues (n=9)

113 Limites de lrsquoeacutetudeCette opeacuteration de testing comporte des limites qui sont autant de pistes pour ameacutelio-rer encore ce type drsquoenquecirctes et leur donner un cadre leacutegalLa premiegravere limite tient agrave la classification a posteriori des motifs des refus de soins En effet la liste exhaustive des motifs de refus ainsi que la combinaison de plusieurs motifs eacutetaient difficiles agrave anticiper La deuxiegraveme limite concerne la perception des testeur-se-s quant aux reacuteponses four-nies par les dentistesgyneacutecologues Ainsi la notion de subjectiviteacute permise par la non-cateacutegorisation a priori des reacuteponses a probablement induit une sous-deacuteclaration de certains refus Les retours drsquoexpeacuteriences des PVVIH qui pointent des refus frontaux dans les cabinets des praticien-ne-s apregraves un rendez-vous fixeacute preacutealablement au teacuteleacute-phone laissent augurer eacutegalement drsquoune sous-eacutevaluation de ces pratiquesLa troisiegraveme limite est celle du champ de lrsquoenquecircte Seule la seacuteropositiviteacute au VIH a eacuteteacute testeacutee il est pourtant neacutecessaire drsquoeacutetendre aux personnes vivant avec une heacutepatite virale chronique ou co-infecteacutees par le VIH et les heacutepatites virales De plus les repreacutesen-tations sociales eacuteconomiques et morales associeacutees agrave la pathologie VIH (CMU ou AME preacutecariteacute pratiques sexuelles usages de drogues etc) peuvent geacuteneacuterer des cumuls de motifs de refusEt enfin la taille de lrsquoeacutechantillon des professionnel-le-s ne permet pas de reacutealiser des analyses statistiques pousseacutees notamment par ville et de conclure agrave drsquoeacuteventuelles dynamiques locales de discrimination

12 DES REacuteSULTATS ACCABLANTS

Parmi les reacuteponses des chirurgiens-dentistes et de leur secreacutetariat meacutedical agrave lrsquoan-nonce de la seacuteropositiviteacute le motif le plus souvent invoqueacute est celui des ameacutena-gements ou des horaires speacutecifiques qui seraient requis soit eacutenonceacutes comme tels soit mis en eacutevidence par comparaison des reacuteponses faites aux personnes supposeacutees seacuteroneacutegatives Il est important de rappeler que le Haut conseil de la santeacute publique a publieacute en 2007 un avis laquo ne recommandant pas lrsquoinstauration drsquoun ordre de pas-sage pour tout patient porteur des virus VHC VHB ou VIH lors drsquoactes invasifs meacutedico-chirurgicaux En revanche il considegravere comme une prioriteacute lrsquoapplication des preacutecautions standard et le respect des mesures de preacutevention (hellip) raquo LrsquoOrdre natio-nal des chirurgiens-dentistes a drsquoailleurs redit lors de la parution de ce testing que laquo les patients doivent tous beacuteneacuteficier drsquoune mecircme chaicircne de deacutecontamination et de steacuterilisation raquoVient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute surcharge de travail pas de nou-veaux-elles patient-e-s deacutelais de rendez-vous trop importants etc non eacutevoqueacutee pour les testeur-se-s nrsquoannonccedilant pas de seacuteropositiviteacute au VIHPour les gyneacutecologues ou leur secreacutetariat meacutedical les testeuses seacuteropositives sont accepteacutees sous reacuteserve de la preacutesentation de leur dossier meacutedical et du rappel de la pathologie au moment de la consultation Lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute est aussi avanceacute agrave plusieurs reprises Tous ces motifs sont ensuite cateacutegoriseacutes

Figure 2

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS30

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins

121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou de discriminationsUne cateacutegorisation est opeacutereacutee en fonction des dispositions juridiques existantes Les dispositions leacutegales eacutetant tregraves geacuteneacuterales et impreacutecises crsquoest la reacutefeacuterence agrave la circu-laire CNAMTS CIR-332008 relative aux refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMU-C qui a eacuteteacute retenue Ce texte donne une deacutefinition concregravete des refus de soins incluant laquo la fixation tardive inhabituelle et abusive drsquoun rendez-vous lrsquoorien-tation reacutepeacuteteacutee et abusive vers un autre confregravere lrsquoattitude et le comportement dis-criminatoire du professionnel de santeacute etc raquo Certains praticien-ne-s ont pu eacutevoquer plusieurs motifsAinsi des refus de soins directs ou deacuteguiseacutes et des traitements diffeacuterentiels non fon-deacutes sont constateacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH lors drsquoune demande de rendez-vous pour un deacutetartrage ou un frottisParmi les refus de soins on distingue deux cateacutegories Les refus directs Il srsquoagit de refus directement imputables au VIH annonceacutes comme tels ou sous couvert drsquoune autre raison non formuleacutee aupregraves de la personne supposeacutee seacuteroneacutegative Les refus deacuteguiseacutes Il srsquoagit de refus dont les preacutetextes avanceacutes sont douteux et contraires au Code de deacuteontologie meacutedicale Ils peuvent ecirctre cateacutegoriseacutes en deux types de refus

Les strateacutegies de deacutecouragement horaires contraignants deacutepassements drsquohono-raires assurance de la solvabiliteacute financiegravere etc

Les reacuteorientations vers des confregraveres ou des services hospitaliers sous preacutetexte drsquoun manque de connaissance de la pathologie et de sa prise en charge de mateacute-riel non adapteacute ou la dangerositeacute des soins qui suggegraverent une meilleure prise en charge laquo ailleurs raquo

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins (voir page 25) Ces dispariteacutes de traitement sont soit annonceacutees de maniegravere explicite lors de la prise de rendez-vous soit mises en eacutevidence par la confrontation des reacuteponses faites au-agrave la testeur-se seacuteropositif-ve au VIH et agrave son binocircme ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH On distingue trois cateacutegories

La meacuteconnaissance de la pathologie qui aboutit agrave de mauvaises pratiques dans la relation avec le ou la patiente

La divulgation du statut seacuterologique en dehors drsquoun dossier meacutedical ce qui est une atteinte au secret meacutedical

Lrsquoexistence de protocoles speacutecifiques drsquohygiegravene pour les PVVIH (steacuterilisation dureacutee des soins etc) agrave lrsquoencontre des mesures de preacutecautions standard recommandeacutees qui teacutemoignent drsquoun manque de connaissance ou drsquoapplication des regravegles fonda-mentales drsquohygiegravene et de steacuterilisation mais aussi une meacuteconnaissance des modes de contamination Ces mesures doivent ecirctre garanties systeacutematiquement et sans compromis quel que soit le statut seacuterologique des personnes et ce drsquoautant qursquoon estime entre 30 000 et 50 000 le nombre de personnes contamineacutees par le VIH en France qui lrsquoignorent (pour 150 000 PVVIH soit 20 agrave 30 )

32 33

30 refus de soins

deacuteguiseacutes

36 refus de soins

directs

168 pratiques

discriminatoires

cabinet dentaire

ViH SrsquoabStenir

17 refus de soins

directs

43 refus de soins

deacuteguiseacutes

172 pratiques

discriminatoires

cabinet de gyneacutecologie

ViH SrsquoabStenir

122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des speacutecialiteacutes

Figure 3 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 4 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

336 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

168 de pratiques discriminatoires

6 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

172 de pratiques discriminatoires

Cabinets de gyneacutecologie

Cabinets dentaires

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Dans le cadre du projet de loi Santeacute AIDES a construit plusieurs amendements afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutealiteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits

Les reacutesultats de ce testing prouvent qursquoil existe une veacuteritable meacuteconnaissance du VIH et de ses modes de transmission aboutissant agrave des attitudes neacutegatives et discrimi-natoires Ces comportements trahissent les repreacutesentations des professionnel-le-s vis-agrave-vis de cette maladieinfection et sur le respect des fondements deacuteontologiques des professions du soin

13 PERSPECTIVES LA NEacuteCESSITEacute DE RENfORCER LrsquoARSENAL jURIDIqUE

Les constats de AIDES confirment la neacutecessiteacute drsquoaller plus loin contre les refus de soins que la seule disposition initialement envisageacutee dans le projet de loi Santeacute Actuelle-ment ce sont aux ordres professionnels des soignant-e-s de mesurer lrsquoimportance et la nature des pratiques de ces refus En conseacutequence plusieurs amendements ont eacuteteacute construits avec Meacutedecins du Monde (MdM) afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutea-liteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits Les amendements formulent cinq propo-sitions visant agrave

Eacutelargir la deacutefinition leacutegale des refus de soins agrave toute pratique discriminante ou strateacutegie de dissuasion menant in fine au renoncement aux soins des patient-e-s

Donner une base leacutegale au testing autour drsquoun cahier des charges preacutecis et y inclure les associations de malades

Impliquer lrsquoensemble des acteurs-trices de santeacute dans le pilotage de lrsquoObserva-toire deacutedieacute aux refus de soins preacutevu par le projet de loi Santeacute agrave commencer par les associations de malades mais aussi les ordres professionnels et les organismes drsquoassurance maladie

Ameacutenager la charge de la preuve de sorte que comme dans lrsquoensemble du droit de la non-discrimination ce soit au-agrave la professionnel-le de santeacute de prouver qursquoil nrsquoy a pas eu de traitement discriminatoire lorsqursquoune personne exprime des eacuteleacutements de fait laissant supposer lrsquoexistence drsquoune discrimination

Permettre aux patient-e-s drsquoecirctre accompagneacute-e-s etou repreacutesenteacute-e-s par des associations durant les recours en justice ou les proceacutedures de conciliation lors-qursquoils-elles sont confronteacute-e-s agrave des refus de soins

Ces amendements srsquoappuient sur divers rapports institutionnels et parlementaires ils srsquoinspirent aussi de lrsquoarticle initial sur les refus de soins de la loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (Loi HPST) preacutesenteacutee par Roselyne Bachelot alors ministre de la Santeacute en 2008 Ces propositions ont cependant eacuteteacute escamoteacutees au fil des lectures agrave lrsquoAssembleacutee nationale et au SeacutenatAinsi gracircce agrave ce testing agrave ses retombeacutees meacutediatiques et agrave la mobilisation des mili-tant-e-s de AIDES les lignes ont commenceacute agrave bouger Drsquoune part lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes a vivement reacuteagi et drsquoautre part un amendement agrave lrsquoarticle 19 du projet de loi Santeacute a eacuteteacute voteacute au Seacutenat proposant que lrsquoeacutevaluation de lrsquoexistence des refus de soins soit confieacutee au Deacutefenseur des droits Au moment de la reacutedaction de ce rapport la formulation finale de lrsquoattribution de cette eacutevaluation au Deacutefenseur des droits ou aux diffeacuterents Ordres nrsquoest pas connue

Concernant lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes un rapprochement avec AIDES srsquoest opeacutereacute rapidement afin drsquoeacutetudier les moyens agrave mettre en œuvre pour lutter effica-cement contre les refus de soins Degraves lrsquoannonce des reacutesultats lrsquoOrdre a immeacutediatement reacuteagi et condamneacute ce type de comportement laquo Nul ne peut faire lrsquoobjet de discrimina-tions dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins raquo rappelant que laquo les chirurgiens-den-tistes qui ne respectent pas ce principe fondamental leacutegal et deacuteontologique srsquoexposent agrave des poursuites tant devant les juridictions disciplinaires que peacutenales raquo

123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction de lrsquointerlocuteur-trice

Les refus de soins ou les pratiques discriminatoires sont plus souvent pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les que par les praticien-ne-s voire inexistants srsquoagissant des gyneacutecologuesDans les cabinets dentaires une majoriteacute de secreacutetaires meacutedicaux-les opposent des refus de soins directs aux PVVIH ils-elles sont 78 agrave opposer des refus indirects versus 22 des chirurgiens-dentistes Srsquoagissant de traitements diffeacuterentieacutes entre les PVVIH et leur binocircme supposeacute seacuteroneacutegatif 824 sont eacutemis par des secreacutetaires meacutedicaux-les versus 186 par des dentistesLes refus de soins ou discriminations sont majoritairement pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les Ce constat reacutevegravele soit un manque de formation et de connaissance du VIH qui aboutit agrave des mauvaises pratiques avec le ou la patiente soit lrsquoexistence de directives donneacutees par des praticien-ne-s quant agrave la prise en charge de certain-e-s patient-e-s dont les PVVIH En teacutemoignent les mises en attente majoritairement du fait des secreacutetaires meacutedicaux-les Il est probablement plus facile de donner des ins-tructions agrave son secreacutetariat que drsquoassumer individuellement la responsabiliteacute drsquoun refus

124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des villesMalgreacute des effectifs parfois limiteacutes de chirurgiens-dentistes et de gyneacutecologues par ville les reacutesultats de ce testing preacutesentent une dispariteacute des pheacutenomegravenes de refus de soins et de discriminations sur le territoire national Il nrsquoy a a priori pas de lien entre le lieu drsquoinstallation et lrsquoineacutegaliteacute des pratiques Lrsquoattitude neacutegative des professionnel-le-s agrave lrsquoencontre des PVVIH paraicirct davantage reposer sur des logiques individuelles que sur la deacutemographie meacutedicale ou lrsquoincidence locale du VIH Les reacutesultats du testing ne suggegraverent pas drsquoinfluence de lrsquoenvironnement sur les pratiques des professionnel-le-s On relegraveve que Bourg-en-Bresse Chacircteauroux et le seiziegraveme arrondissement de Paris trois lieux qui preacutesentent une deacutemographie meacutedicale quantitativement contras-teacutee se deacutetachent en matiegravere de proportion de refus de soins ou de pratiques discri-minatoires avec plus de 70 des chirurgiens-dentistes contacteacute-e-s concerneacute-e-s Agrave lrsquoinverse les speacutecialistes du treiziegraveme arrondissement de Marseille et de la ville de Pontoise nrsquoopposent aucun comportement discriminatoirePour les gyneacutecologues dont le nombre est insuffisant en France avec de veacuteritables ineacute-galiteacutes drsquoaccegraves sur le territoire 12 lrsquoeffet des villes semblent jouer un rocircle a minima Pour certaines villes dont la densiteacute meacutedicale pour cette speacutecialiteacute est tregraves faible un nombre limiteacute de professionnel-le-s a eacuteteacute contacteacute empecircchant toute conclusion Cependant il est important de noter que des PVVIH ont pu ecirctre confronteacutees agrave 100 de refus de rendez-vous dans certaines villes

125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave soulignerDe nombreux-ses praticien-ne-s et leur secreacutetariat meacutedical attribuent des rendez-vous aux PVVIH sans eacutevoquer aucun des motifs jugeacutes discriminatoires Pour pregraves de la moitieacute des cabinets dentaires (496 ) et plus de 4 cabinets de gyneacutecologie sur 5 (768 ) les pratiques de soins lrsquoaccueil et la communication sont en tout point conformes agrave la deacuteontologie meacutedicale (figures 5 et 6) Certains ont aussi fait preuve de bienveillance avec une approche globale de la prise en charge meacutedicale de la personne

126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutesLes logiques de preacutecaution occupent une place eacutevidente dans les arguments opposeacutes aux PVVIH au meacutepris de la loi de la deacuteontologie meacutedicale et des recommandations drsquohygiegravene De nos jours les refus de soins ou discriminations agrave leur eacutegard sont drsquoautant plus inacceptables que les mesures de preacutecaution standard ont eacuteteacute maintes fois rappe-leacutees par diverses instances publiques et scientifiques Ces mesures sont conccedilues pour preacutevenir le risque de transmission du VIH du ou de la patiente au personnel meacutedical et inversement et drsquoun ou drsquoune patiente agrave lrsquoautre Ceci est drsquoautant plus important qursquoen-viron un quart des PVVIH ignorent qursquoelles en sont atteintes et peuvent en toute bonne foi ne pas informer le ou la professionnel-le de santeacute de leur seacuterologie Les mesures de preacutecaution standard doivent ecirctre garanties systeacutematiquement dans tous les cabinets meacutedicaux et pour chaque patient-e quel que soit son eacutetat de santeacute

12 Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins Atlas de la deacutemographie meacutedicale en France situation au 1er janvier 2014

768

34 35PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 5 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 6 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

496

41 000 euroLe prix facial sur le marcheacute franccedilais du premier des traitements hautement actifs contre le VHC pour trois mois Sa combinaison avec drsquoautres meacutedicaments peut coucircter plus de 100766500 000 euro selon la dureacutee du traitement

12 VhC qUI SOIGNER

Crsquoest dans ce contexte que le principe drsquoune mise sous traitement seacutelective est acteacute par le ministegravere de la Santeacute Des critegraveres sont eacutetablis pour deacutefinir qui doit acceacuteder prioritai-rement aux nouveaux traitements innovants contre le VHC Ce choix et ses traductions opeacuterationnelles sont supposeacutes concilier le droit agrave la protection de la santeacute la santeacute publique et des populations mais aussi lrsquoeacutequilibre des finances publiques et la peacuteren-niteacute du systegraveme de protection sociale franccedilais Des recommandations drsquoexpert-e-s pour la mise sous traitement ont eacuteteacute fixeacutees courant 2014 mais finalement restreintes par un avis de la HAS ensuite en 2015 Ceci alors que la socieacuteteacute franccedilaise drsquoheacutepatologie a elle-mecircme confirmeacute en juin de la mecircme anneacutee les recommandations drsquoaccegraves eacutelargies de 2014

101048110104821010481 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexpertsDes recommandations ont drsquoabord eacuteteacute proposeacutees en mai 2014 dans un Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C dit rapport Dhumeaux Ce rapport a eacuteteacute commandeacute par la ministre de la Santeacute en janvier 2013 agrave lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) et lrsquoAssociation franccedilaise pour lrsquoeacutetude du foie (AFEF) De nombreux-ses praticien-ne-s universitaires et des repreacutesentant-e-s drsquoassociations drsquousager-e-s du systegraveme de santeacute sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux ont participeacute agrave son eacutelaboration Ainsi pour les personnes vivant avec une heacutepatite C les recommandations de mise sous trai-tement reposent notamment sur lrsquoavancement de la maladie crsquoest-agrave-dire les stades de fibrose supeacuterieurs ou eacutegaux agrave 2 13 qui indiquent lrsquoeacutetat drsquoavancement de lrsquoimpact du virus sur le foie Les experts ont par ailleurs distingueacute certaines populations pour lesquelles la mise sous traitement est preacuteconiseacutee quel que soit le stade de fibrose

Les patient-e-s ayant des manifestations extra-heacutepatiques seacutevegraveres Les patient-e-s en attente de transplantation heacutepatique ou reacutenale (pour tenter drsquoeacuteradiquer le virus avant la transplantation)

Au cas par cas les femmes ayant un deacutesir de grossesse Les personnes co-infecteacutees VIH-VHC Les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse Les personnes deacutetenues (avec lrsquoobjectif dans ces deux derniegraveres populations drsquoune reacuteduction du risque de transmission) 14

Si le rapport Dhumeaux propose une seacutelection des patient-e-s notamment au regard du prix il inscrit ces recommandations dans une perspective de ralentissement de lrsquoeacutepi-deacutemie et se distingue en ce sens de la HAS

101048110104821010482 Les recommandations restrictives de la hASLa HAS contribue laquo agrave la reacutegulation du systegraveme de santeacute raquo et a donc comme mission drsquolaquo assurer agrave tous les patients et usagers un accegraves peacuterenne et eacutequitable agrave des soins aussi efficaces sucircrs et efficients que possible raquo 15 Les recommandations eacutetablies par la HAS srsquoimposent aux professionnel-le-s meacutedicaux-cales Contrairement agrave la perspective du rapport Dhumeaux la HAS ne considegravere pas que laquo les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC [soient] reacuteunies raquo Elle en tire les conseacutequences et ne recommande qursquolaquo une strateacutegie de traitement des patients dans lrsquoobjectif drsquoune gueacute-rison virologique individuelle raquo avec des recommandations de stade de fibrose plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux Ainsi la HAS limite lrsquoaccegraves aux traitements innovants aux stades de fibrose du foie F2 seulement sous certaines conditions drsquoeacutevolution F3 et F4 ainsi qursquoagrave tous les stades pour certaines populations personnes co-infecteacutees VIH et VHC personnes atteintes de cryoglobulineacutemie mixte systeacutemique et symptomatique personnes atteintes de lym-phome B associeacute au VHC 16 La HAS eacutecarte en revanche des populations cibleacutees par le rapport drsquoexperts Dhumeaux notamment les usager-e-s de drogues et les personnes deacutetenues qui relegraveveraient drsquoune approche non speacutecifique et donc du cadre geacuteneacuteral La France est assez isoleacutee en Europe sur des recommandations de traitement et de non traitement arrecircteacutees sur les stades de fibrose

11 DES TRAITEMENTS INNOVANTS Agrave PRIX TREgraveS EacuteLEVEacuteS

Les limites eacuteconomiques agrave la prescription notamment sur la base de recommandations deacutefinies par la Haute autoriteacute de santeacute (HAS) sont notamment mises en lumiegravere par les prix des nouveaux traitements contre le VHC Aujourdrsquohui diffeacuterents traitements inno-vants contre le VHC les antiviraux agrave action directe sont sur le marcheacute Ils repreacutesentent des avanceacutees theacuterapeutiques majeures offrant un taux de gueacuterison virologique tregraves eacuteleveacute avec des dureacutees de traitements courtes et des effets indeacutesirables limiteacutes Si les associations investies dans le champ de la lutte contre les heacutepatites virales ndash Collectif Heacutepatites Virales (CHV) SOS heacutepatites TRT-5 Comegravede Meacutedecins du Monde (MdM) Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) AIDES ndash saluent lrsquoespoir drsquoune fin proche de lrsquoeacutepideacutemie de VHC elles se sont rapidement alarmeacutees sur le prix de ces nouveaux traitements Sur le marcheacute franccedilais le prix facial du premier de ces traitements hautement actifs contre le VHC (Sovaldisofosbuvir) a eacuteteacute fixeacute agrave 41 000 euro pour trois mois de traitement Ce traitement ne srsquoutilise jamais seul mais en association avec drsquoautres Certaines combinaisons peuvent coucircter plus de 100 000 euro selon la dureacutee (des traitements de six mois sont parfois neacutecessaires)Alors que la France meacutetropolitaine compte plus de 200 000 personnes vivant avec le VHC de tels prix constituent clairement un deacutefi pour les finances publiques et la peacuterenniteacute drsquoun systegraveme de santeacute solidaire En conseacutequence et pour la premiegravere fois en France ce prix participe agrave ce que lrsquoon peut consideacuterer comme un rationnement avec des mises sous traitement sur la base drsquoavis et de dispositions restrictifs

Meacutedicaments quels prix Le prix du meacutedicament nrsquoest pas libre il est fixeacute par convention entre le laboratoire lrsquoexploitant et le Comiteacute eacuteconomique des produits de santeacute (CEPS) sur la base de cri-tegraveres deacutefinis agrave lrsquoarticle L162-16-4 du Code de santeacute publique laquo La fixation de ce prix tient compte principalement de lrsquoameacutelioration du service meacutedical rendu (SMR) appor-teacutee par le meacutedicament le cas eacutecheacuteant des reacutesultats de lrsquoeacutevaluation meacutedico-eacutecono-mique des prix des meacutedicaments agrave mecircme viseacutee theacuterapeutique des volumes de vente preacutevus ou constateacutes ainsi que des conditions preacutevisibles et reacuteelles drsquoutilisation du meacutedi-cament raquo Agrave cela srsquoajoute aussi la coheacuterence avec les conditions de commercialisation preacutevues dans les grands Eacutetats europeacuteens Seul le prix facial est public crsquoest-agrave-dire le prix rembourseacute par lrsquoassurance maladie Le CEPS et les laboratoires peuvent neacutegocier des dispositifs de remises drsquoougrave un prix reacuteel diffeacuterent (voire tregraves diffeacuterent) de ce prix facial Les dispositifs de remises et le prix reacuteel nrsquoeacutetant pas publics les prescripteurs et usager-e-s nrsquoont connaissance que du prix facial

Le droit agrave la protection de la santeacute interdit toute forme de discriminations dans lrsquoaccegraves aux soins Cependant si les discriminations sont interdites lrsquouniversaliteacute de lrsquoaccegraves agrave certains soins et traitements nrsquoest pas pour autant garantie Crsquoest le cas des nouveaux traitements contre le virus de lrsquoheacutepatite C (VHC) dont le prix exorbitant a forceacute agrave deacutefinir des critegraveres de seacutelection des patient-e-s et agrave renoncer agrave lrsquoaccegraves universel

Bien que fondamental le droit agrave la protec-tion de la santeacute sans discrimination (voir page 25) peut connaicirctre certaines limites agrave son effectiviteacute en particulier sur le plan financier Il deacutepend en effet des choix opeacutereacutes au regard des deacutepenses publiques de lrsquoEacutetat et de la seacutecuriteacute sociale et notamment par rapport aux prix des meacutedicaments et des produits de santeacute Lrsquoarticle 8 du Code de deacuteontologie meacutedi-cale (R4127-8 du Code de santeacute publique) preacutecise que laquo Dans les limites fixeacutees par la loi le meacutedecin est libre de ses pres-criptions qui seront celles qursquoil estime les plus approprieacutees en la circonstance Il doit sans neacutegliger son devoir drsquoassistance morale limiter ses prescriptions et ses actes agrave ce qui est neacutecessaire agrave la qualiteacute agrave la seacutecuriteacute et agrave lrsquoefficaciteacute des soins Il doit tenir compte des avantages des incon-veacutenients et des conseacutequences des diffeacute-rentes investigations et theacuterapeutiques possibles raquo Si la liberteacute de prescription est ici recon-nue elle connaicirct donc certaines limites leacutegales dont celle imposeacutee par lrsquoarticle L162-2-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo Les meacutedecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions drsquoobserver dans le cadre de la leacutegislation et de la reacuteglementation en vigueur la plus stricte eacuteconomie compatible avec la qualiteacute la seacutecuriteacute et lrsquoefficaciteacute des soins raquo ce notamment sur la base des laquo recomman-dations ou avis meacutedico-eacuteconomiques de la Haute autoriteacute de santeacute raquo

13 Stades de fibrose F0 pas de fibrose F1 fibrose leacutegegravere F2 fibrose modeacutereacutee F3 fibrose seacutevegravere F4 cirrhose14 Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C 2014 p 25015 httpwwwhas-santefrportailjcmsfc_1249599frla-has16 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf

36 37

DROIT APPLICABLE

1  LE cAS dES TrAITEmENTS INNoVANTS 

coNTrE LrsquoHEacutePATITE c mdash

dIFFIcULTEacuteS drsquoAccEgraveS  AUx TrAITEmENTS

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

38 39

Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

59

40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

Rejoignez AIDES sur les reacuteseaux sociaux facebookcomaides assoAIDES

Page 16: AIDES Rapport Discrim

Rouen

Evreux

Pontoise

Chacircteauroux

ParisStrasbourg

Auxerre

Dijon

Lyon

Marseille

Gap

Clermont-ferrandPuy-en-Velay

Toulouse

Niort

Angoulegraveme

Cahors

Bourg-en-Bresse

Tours

Colmar

Lrsquoeacutechantillon repreacutesentatif de lrsquoeacutetude comprend 100766810076680 cabinets dentaires et 100766510076691007668 cabinets de gyneacutecologie

Le sceacutenarioUn mecircme cabinet dentaire ou de gyneacutecologie est appeleacute deux fois pour une prise de rendez-vous par deux testeur-se-s diffeacuterent-e-s qui ont des caracteacuteristiques sociodeacute-mographiques similaires Les prises de rendez-vous gyneacutecologiques sont effectueacutees uniquement par des femmes Dans le premier cas le-la testeur-se annonce sa seacutero-positiviteacute au VIH dans le second cas lrsquoautre testeur-se ne dit rien Seule la mention du statut seacuterologique diffeacuterencie ces deux personnes Un script eacutetabli en concertation avec des militant-e-s des PVVIH et des professionnel-le-s de santeacute (meacutedecins speacutecia-listes en chirurgie dentaire en gyneacutecologie et de santeacute publique) reacuteuni-e-s au sein drsquoun groupe de pilotage a permis drsquoeacutetablir

Une feuille de route pour chaque testeur-se proposant des reacuteponses concregravetes aux eacuteventuelles questions que pourrait susciter la demande de rendez-vous (iden-titeacute motifs de la demande orientations adresse teacuteleacutephone numeacutero de seacutecuriteacute sociale etc)

La conduite agrave tenir en cas de mise en attente ou drsquoheacutesitations agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute

Le choix du motif de la consultation deacutetartrage ou frottis Il est important de choisir un acte meacutedical susceptible de provoquer des saignements mais simple ne justifiant pas une orientation vers un-e meacutedecin speacutecialiste ou vers un service drsquourgences et ou un plateau technique particulier

Les eacutechanges teacuteleacutephoniques sont enregistreacutes leur contenu est retranscrit dans une base de donneacutees pour recueillir de faccedilon standardiseacutee les reacuteponses apporteacutees par les praticien-ne-s Des seacuteances de deacutebriefing ainsi qursquoun guide meacutethodologique sont mis agrave disposition des testeur-se-s

Remarque lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute au VIH drsquoembleacutee lors de la prise de ren-dez-vous est justifieacutee par les teacutemoignages de certaines PVVIH qui trop souvent expo-seacutees agrave la stigmatisation et la discrimination de la part de professionnel-le-s de santeacute preacutefegraverent eacuteviter un refus frontal de la ou du meacutedecin dans son cabinet Elle est eacutegale-ment approuveacutee par les professionnel-le-s de santeacute du groupe de pilotage au regard de leur expeacuterience

Constitution de lrsquoeacutechantillon geacuteographiqueLa meacutethodologie de lrsquoenquecircte srsquoappuie sur une technique drsquoeacutechantillonnage aleacuteatoire de maniegravere agrave garantir une seacutelection repreacutesentative des chirurgiens-dentistes et des gyneacutecologues en France Afin de deacutefinir les villes dans lesquelles est reacutealiseacutee lrsquoeacutetude plusieurs eacutetapes sont retenues

Un classement des reacutegions en fonction de leur incidence au VIH (faible moyenne eacuteleveacutee)

Une seacutelection de trois reacutegions par niveau drsquoincidence Une identification pour chaque reacutegion seacutelectionneacutee drsquoun deacutepartement agrave haute densiteacute meacutedicale et drsquoun deacutepartement agrave faible densiteacute meacutedicale pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Un choix des chefs-lieux de chacun de ces deacutepartements comme ville pour effectuer lrsquoenquecircte

Pour les trois plus grandes villes de France (Paris Lyon Marseille) un deacutecoupage par arrondissement selon le niveau de richesse (eacuteleveacute moyen faible) est reacutealiseacute Au total 20 villes sont seacutelectionneacutees La base de sondage est reacutealiseacutee agrave partir de plusieurs sources de donneacutees lrsquoInstitut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques (Insee) pour le nombre drsquohabi-tants lrsquoInstitut de veille sanitaire (InVS) pour lrsquoincidence du VIH lrsquoObservatoire natio-nal de la deacutemographie des professions de santeacute et lrsquoAtlas de la deacutemographie meacutedicale en France pour la densiteacute meacutedicale deacutepartementale respectivement pour la chirurgie dentaire et la gyneacutecologie meacutedicale et obsteacutetrique

Constitution de lrsquoeacutechantillon meacutedicalLe testing vise les seul-e-s speacutecialistes secteurs 1 et 2 chirurgiens-dentistes et gyneacuteco-logues Ainsi deux bases de sondage sont reacutealiseacutees

Lrsquoune agrave partir de lrsquoensemble des chirurgiens-dentistes conventionneacute-e-s pour les soins dentaires classiques preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Lrsquoautre agrave partir de lrsquoensemble des gyneacutecologues conventionneacute-e-s avec les speacuteciali-teacutes meacutedicale etou obsteacutetrique preacutesents dans les villes seacutelectionneacutees

Pour lrsquoensemble des secteurs geacuteographiques 2 297 chirurgiens-dentistes et 290 gyneacute-cologues sont recenseacute-e-s Afin de creacuteer un eacutechantillon repreacutesentatif de ces professions 30 des chirurgiens-dentistes et 60 des gyneacutecologues sont tireacute-e-s au sort agrave lrsquoaide drsquoun programme de tri aleacuteatoire

Moins de 45 000 habitants

45 000 agrave 200 000 habitants

Plus de 200 000 habitants

les 20 villes selectionneacutees

pour le testing aupregraves des cabinets

dentaires et gyneacutecologiques

29PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 1

laquo Pour vous ce sera 21h raquo laquo Je ne prends pas de nouveaux patients raquo

laquo Eh bien on mettra deux paires de gants raquo

laquo Vous me remplirez un questionnaire meacutedical avant le rdv raquo

laquo Je le note dans le carnet de rdv raquo

laquo Les gens comme voushellip raquo

laquo Je nrsquoai pas le mateacuteriel adapteacute raquo

laquo Ok mais vous viendrez avec toutes vos analyses raquo

laquo Je ne pratique pas le deacutetartrage raquo

laquo Le deacutetartrage crsquoest 150 euros raquo

laquo Vous serez mieux soigneacute agrave lrsquohocircpital raquo

laquo Je nrsquoai pas eacuteteacute formeacute au vih raquo

laquo Heuhellip veuillez patienter raquo

Bonjour je souhaite un rendez-vous

pour un deacutetartrage et je suis seacuteropo

la face cacheacutee des refus

de soins chez les dentistes

envers les personnes vih+

Florilegravege des verbatims des cabinets dentaires agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute par ordre de citation

Le motif le plus souvent invoqueacute par les cabinets dentaires est celui des ameacutenagements ou des horaires speacutecifiques requis pour les personnes seacuteropositives Vient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute

Peacuteriode drsquoenquecircteLe testing est reacutealiseacute sur une peacuteriode courte du 7 au 10 avril 2015 pour garantir la confi-dentialiteacute de lrsquoopeacuteration et assurer un environnement comparable entre les diffeacuterents appels (actualiteacute meacutediatique et politique etc) Une fois la semaine de testing passeacutee les rendez-vous pris sont annuleacutes afin de ne pas peacutenaliser les laquo vrais raquo malades et les meacutedecins dans la gestion des rendez-vous meacutedicaux

Eacutechantillon finalParmi les 570 cabinets dentaires et les 154 cabinets de gyneacutecologie contacteacutes par teacuteleacute-phone durant la peacuteriode drsquoenquecircte pour une prise de rendez-vous un certain nombre sont exclus en raison de non-reacuteponses aux appels de non-conformiteacute de la speacutecialiteacute de fermeture ou de congeacutes Lrsquoeffectif final des praticien-ne-s retenu-e-s srsquoeacutelegraveve agrave 440 pour les chirurgiens-dentistes et 116 pour les gyneacutecologues Lors des appels il est pos-sible de relever la fonction des reacutepondant-e-s dans la majoriteacute des cas (praticien-ne-s ou secreacutetaires meacutedicaux-ales) Ainsi les interlocuteur-trice-s dans les cabinets dentaires sont des secreacutetaires meacutedicaux-les dans 764 des cas (n=336) et des chirurgiens-den-tistes dans 193 des cas (n=85) Pour les cabinets de gyneacutecologie la reacutepartition eacutetait de 802 de secreacutetaires meacutedicaux-les (n=93) et 78 de gyneacutecologues (n=9)

113 Limites de lrsquoeacutetudeCette opeacuteration de testing comporte des limites qui sont autant de pistes pour ameacutelio-rer encore ce type drsquoenquecirctes et leur donner un cadre leacutegalLa premiegravere limite tient agrave la classification a posteriori des motifs des refus de soins En effet la liste exhaustive des motifs de refus ainsi que la combinaison de plusieurs motifs eacutetaient difficiles agrave anticiper La deuxiegraveme limite concerne la perception des testeur-se-s quant aux reacuteponses four-nies par les dentistesgyneacutecologues Ainsi la notion de subjectiviteacute permise par la non-cateacutegorisation a priori des reacuteponses a probablement induit une sous-deacuteclaration de certains refus Les retours drsquoexpeacuteriences des PVVIH qui pointent des refus frontaux dans les cabinets des praticien-ne-s apregraves un rendez-vous fixeacute preacutealablement au teacuteleacute-phone laissent augurer eacutegalement drsquoune sous-eacutevaluation de ces pratiquesLa troisiegraveme limite est celle du champ de lrsquoenquecircte Seule la seacuteropositiviteacute au VIH a eacuteteacute testeacutee il est pourtant neacutecessaire drsquoeacutetendre aux personnes vivant avec une heacutepatite virale chronique ou co-infecteacutees par le VIH et les heacutepatites virales De plus les repreacutesen-tations sociales eacuteconomiques et morales associeacutees agrave la pathologie VIH (CMU ou AME preacutecariteacute pratiques sexuelles usages de drogues etc) peuvent geacuteneacuterer des cumuls de motifs de refusEt enfin la taille de lrsquoeacutechantillon des professionnel-le-s ne permet pas de reacutealiser des analyses statistiques pousseacutees notamment par ville et de conclure agrave drsquoeacuteventuelles dynamiques locales de discrimination

12 DES REacuteSULTATS ACCABLANTS

Parmi les reacuteponses des chirurgiens-dentistes et de leur secreacutetariat meacutedical agrave lrsquoan-nonce de la seacuteropositiviteacute le motif le plus souvent invoqueacute est celui des ameacutena-gements ou des horaires speacutecifiques qui seraient requis soit eacutenonceacutes comme tels soit mis en eacutevidence par comparaison des reacuteponses faites aux personnes supposeacutees seacuteroneacutegatives Il est important de rappeler que le Haut conseil de la santeacute publique a publieacute en 2007 un avis laquo ne recommandant pas lrsquoinstauration drsquoun ordre de pas-sage pour tout patient porteur des virus VHC VHB ou VIH lors drsquoactes invasifs meacutedico-chirurgicaux En revanche il considegravere comme une prioriteacute lrsquoapplication des preacutecautions standard et le respect des mesures de preacutevention (hellip) raquo LrsquoOrdre natio-nal des chirurgiens-dentistes a drsquoailleurs redit lors de la parution de ce testing que laquo les patients doivent tous beacuteneacuteficier drsquoune mecircme chaicircne de deacutecontamination et de steacuterilisation raquoVient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute surcharge de travail pas de nou-veaux-elles patient-e-s deacutelais de rendez-vous trop importants etc non eacutevoqueacutee pour les testeur-se-s nrsquoannonccedilant pas de seacuteropositiviteacute au VIHPour les gyneacutecologues ou leur secreacutetariat meacutedical les testeuses seacuteropositives sont accepteacutees sous reacuteserve de la preacutesentation de leur dossier meacutedical et du rappel de la pathologie au moment de la consultation Lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute est aussi avanceacute agrave plusieurs reprises Tous ces motifs sont ensuite cateacutegoriseacutes

Figure 2

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS30

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins

121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou de discriminationsUne cateacutegorisation est opeacutereacutee en fonction des dispositions juridiques existantes Les dispositions leacutegales eacutetant tregraves geacuteneacuterales et impreacutecises crsquoest la reacutefeacuterence agrave la circu-laire CNAMTS CIR-332008 relative aux refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMU-C qui a eacuteteacute retenue Ce texte donne une deacutefinition concregravete des refus de soins incluant laquo la fixation tardive inhabituelle et abusive drsquoun rendez-vous lrsquoorien-tation reacutepeacuteteacutee et abusive vers un autre confregravere lrsquoattitude et le comportement dis-criminatoire du professionnel de santeacute etc raquo Certains praticien-ne-s ont pu eacutevoquer plusieurs motifsAinsi des refus de soins directs ou deacuteguiseacutes et des traitements diffeacuterentiels non fon-deacutes sont constateacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH lors drsquoune demande de rendez-vous pour un deacutetartrage ou un frottisParmi les refus de soins on distingue deux cateacutegories Les refus directs Il srsquoagit de refus directement imputables au VIH annonceacutes comme tels ou sous couvert drsquoune autre raison non formuleacutee aupregraves de la personne supposeacutee seacuteroneacutegative Les refus deacuteguiseacutes Il srsquoagit de refus dont les preacutetextes avanceacutes sont douteux et contraires au Code de deacuteontologie meacutedicale Ils peuvent ecirctre cateacutegoriseacutes en deux types de refus

Les strateacutegies de deacutecouragement horaires contraignants deacutepassements drsquohono-raires assurance de la solvabiliteacute financiegravere etc

Les reacuteorientations vers des confregraveres ou des services hospitaliers sous preacutetexte drsquoun manque de connaissance de la pathologie et de sa prise en charge de mateacute-riel non adapteacute ou la dangerositeacute des soins qui suggegraverent une meilleure prise en charge laquo ailleurs raquo

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins (voir page 25) Ces dispariteacutes de traitement sont soit annonceacutees de maniegravere explicite lors de la prise de rendez-vous soit mises en eacutevidence par la confrontation des reacuteponses faites au-agrave la testeur-se seacuteropositif-ve au VIH et agrave son binocircme ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH On distingue trois cateacutegories

La meacuteconnaissance de la pathologie qui aboutit agrave de mauvaises pratiques dans la relation avec le ou la patiente

La divulgation du statut seacuterologique en dehors drsquoun dossier meacutedical ce qui est une atteinte au secret meacutedical

Lrsquoexistence de protocoles speacutecifiques drsquohygiegravene pour les PVVIH (steacuterilisation dureacutee des soins etc) agrave lrsquoencontre des mesures de preacutecautions standard recommandeacutees qui teacutemoignent drsquoun manque de connaissance ou drsquoapplication des regravegles fonda-mentales drsquohygiegravene et de steacuterilisation mais aussi une meacuteconnaissance des modes de contamination Ces mesures doivent ecirctre garanties systeacutematiquement et sans compromis quel que soit le statut seacuterologique des personnes et ce drsquoautant qursquoon estime entre 30 000 et 50 000 le nombre de personnes contamineacutees par le VIH en France qui lrsquoignorent (pour 150 000 PVVIH soit 20 agrave 30 )

32 33

30 refus de soins

deacuteguiseacutes

36 refus de soins

directs

168 pratiques

discriminatoires

cabinet dentaire

ViH SrsquoabStenir

17 refus de soins

directs

43 refus de soins

deacuteguiseacutes

172 pratiques

discriminatoires

cabinet de gyneacutecologie

ViH SrsquoabStenir

122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des speacutecialiteacutes

Figure 3 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 4 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

336 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

168 de pratiques discriminatoires

6 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

172 de pratiques discriminatoires

Cabinets de gyneacutecologie

Cabinets dentaires

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Dans le cadre du projet de loi Santeacute AIDES a construit plusieurs amendements afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutealiteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits

Les reacutesultats de ce testing prouvent qursquoil existe une veacuteritable meacuteconnaissance du VIH et de ses modes de transmission aboutissant agrave des attitudes neacutegatives et discrimi-natoires Ces comportements trahissent les repreacutesentations des professionnel-le-s vis-agrave-vis de cette maladieinfection et sur le respect des fondements deacuteontologiques des professions du soin

13 PERSPECTIVES LA NEacuteCESSITEacute DE RENfORCER LrsquoARSENAL jURIDIqUE

Les constats de AIDES confirment la neacutecessiteacute drsquoaller plus loin contre les refus de soins que la seule disposition initialement envisageacutee dans le projet de loi Santeacute Actuelle-ment ce sont aux ordres professionnels des soignant-e-s de mesurer lrsquoimportance et la nature des pratiques de ces refus En conseacutequence plusieurs amendements ont eacuteteacute construits avec Meacutedecins du Monde (MdM) afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutea-liteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits Les amendements formulent cinq propo-sitions visant agrave

Eacutelargir la deacutefinition leacutegale des refus de soins agrave toute pratique discriminante ou strateacutegie de dissuasion menant in fine au renoncement aux soins des patient-e-s

Donner une base leacutegale au testing autour drsquoun cahier des charges preacutecis et y inclure les associations de malades

Impliquer lrsquoensemble des acteurs-trices de santeacute dans le pilotage de lrsquoObserva-toire deacutedieacute aux refus de soins preacutevu par le projet de loi Santeacute agrave commencer par les associations de malades mais aussi les ordres professionnels et les organismes drsquoassurance maladie

Ameacutenager la charge de la preuve de sorte que comme dans lrsquoensemble du droit de la non-discrimination ce soit au-agrave la professionnel-le de santeacute de prouver qursquoil nrsquoy a pas eu de traitement discriminatoire lorsqursquoune personne exprime des eacuteleacutements de fait laissant supposer lrsquoexistence drsquoune discrimination

Permettre aux patient-e-s drsquoecirctre accompagneacute-e-s etou repreacutesenteacute-e-s par des associations durant les recours en justice ou les proceacutedures de conciliation lors-qursquoils-elles sont confronteacute-e-s agrave des refus de soins

Ces amendements srsquoappuient sur divers rapports institutionnels et parlementaires ils srsquoinspirent aussi de lrsquoarticle initial sur les refus de soins de la loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (Loi HPST) preacutesenteacutee par Roselyne Bachelot alors ministre de la Santeacute en 2008 Ces propositions ont cependant eacuteteacute escamoteacutees au fil des lectures agrave lrsquoAssembleacutee nationale et au SeacutenatAinsi gracircce agrave ce testing agrave ses retombeacutees meacutediatiques et agrave la mobilisation des mili-tant-e-s de AIDES les lignes ont commenceacute agrave bouger Drsquoune part lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes a vivement reacuteagi et drsquoautre part un amendement agrave lrsquoarticle 19 du projet de loi Santeacute a eacuteteacute voteacute au Seacutenat proposant que lrsquoeacutevaluation de lrsquoexistence des refus de soins soit confieacutee au Deacutefenseur des droits Au moment de la reacutedaction de ce rapport la formulation finale de lrsquoattribution de cette eacutevaluation au Deacutefenseur des droits ou aux diffeacuterents Ordres nrsquoest pas connue

Concernant lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes un rapprochement avec AIDES srsquoest opeacutereacute rapidement afin drsquoeacutetudier les moyens agrave mettre en œuvre pour lutter effica-cement contre les refus de soins Degraves lrsquoannonce des reacutesultats lrsquoOrdre a immeacutediatement reacuteagi et condamneacute ce type de comportement laquo Nul ne peut faire lrsquoobjet de discrimina-tions dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins raquo rappelant que laquo les chirurgiens-den-tistes qui ne respectent pas ce principe fondamental leacutegal et deacuteontologique srsquoexposent agrave des poursuites tant devant les juridictions disciplinaires que peacutenales raquo

123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction de lrsquointerlocuteur-trice

Les refus de soins ou les pratiques discriminatoires sont plus souvent pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les que par les praticien-ne-s voire inexistants srsquoagissant des gyneacutecologuesDans les cabinets dentaires une majoriteacute de secreacutetaires meacutedicaux-les opposent des refus de soins directs aux PVVIH ils-elles sont 78 agrave opposer des refus indirects versus 22 des chirurgiens-dentistes Srsquoagissant de traitements diffeacuterentieacutes entre les PVVIH et leur binocircme supposeacute seacuteroneacutegatif 824 sont eacutemis par des secreacutetaires meacutedicaux-les versus 186 par des dentistesLes refus de soins ou discriminations sont majoritairement pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les Ce constat reacutevegravele soit un manque de formation et de connaissance du VIH qui aboutit agrave des mauvaises pratiques avec le ou la patiente soit lrsquoexistence de directives donneacutees par des praticien-ne-s quant agrave la prise en charge de certain-e-s patient-e-s dont les PVVIH En teacutemoignent les mises en attente majoritairement du fait des secreacutetaires meacutedicaux-les Il est probablement plus facile de donner des ins-tructions agrave son secreacutetariat que drsquoassumer individuellement la responsabiliteacute drsquoun refus

124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des villesMalgreacute des effectifs parfois limiteacutes de chirurgiens-dentistes et de gyneacutecologues par ville les reacutesultats de ce testing preacutesentent une dispariteacute des pheacutenomegravenes de refus de soins et de discriminations sur le territoire national Il nrsquoy a a priori pas de lien entre le lieu drsquoinstallation et lrsquoineacutegaliteacute des pratiques Lrsquoattitude neacutegative des professionnel-le-s agrave lrsquoencontre des PVVIH paraicirct davantage reposer sur des logiques individuelles que sur la deacutemographie meacutedicale ou lrsquoincidence locale du VIH Les reacutesultats du testing ne suggegraverent pas drsquoinfluence de lrsquoenvironnement sur les pratiques des professionnel-le-s On relegraveve que Bourg-en-Bresse Chacircteauroux et le seiziegraveme arrondissement de Paris trois lieux qui preacutesentent une deacutemographie meacutedicale quantitativement contras-teacutee se deacutetachent en matiegravere de proportion de refus de soins ou de pratiques discri-minatoires avec plus de 70 des chirurgiens-dentistes contacteacute-e-s concerneacute-e-s Agrave lrsquoinverse les speacutecialistes du treiziegraveme arrondissement de Marseille et de la ville de Pontoise nrsquoopposent aucun comportement discriminatoirePour les gyneacutecologues dont le nombre est insuffisant en France avec de veacuteritables ineacute-galiteacutes drsquoaccegraves sur le territoire 12 lrsquoeffet des villes semblent jouer un rocircle a minima Pour certaines villes dont la densiteacute meacutedicale pour cette speacutecialiteacute est tregraves faible un nombre limiteacute de professionnel-le-s a eacuteteacute contacteacute empecircchant toute conclusion Cependant il est important de noter que des PVVIH ont pu ecirctre confronteacutees agrave 100 de refus de rendez-vous dans certaines villes

125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave soulignerDe nombreux-ses praticien-ne-s et leur secreacutetariat meacutedical attribuent des rendez-vous aux PVVIH sans eacutevoquer aucun des motifs jugeacutes discriminatoires Pour pregraves de la moitieacute des cabinets dentaires (496 ) et plus de 4 cabinets de gyneacutecologie sur 5 (768 ) les pratiques de soins lrsquoaccueil et la communication sont en tout point conformes agrave la deacuteontologie meacutedicale (figures 5 et 6) Certains ont aussi fait preuve de bienveillance avec une approche globale de la prise en charge meacutedicale de la personne

126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutesLes logiques de preacutecaution occupent une place eacutevidente dans les arguments opposeacutes aux PVVIH au meacutepris de la loi de la deacuteontologie meacutedicale et des recommandations drsquohygiegravene De nos jours les refus de soins ou discriminations agrave leur eacutegard sont drsquoautant plus inacceptables que les mesures de preacutecaution standard ont eacuteteacute maintes fois rappe-leacutees par diverses instances publiques et scientifiques Ces mesures sont conccedilues pour preacutevenir le risque de transmission du VIH du ou de la patiente au personnel meacutedical et inversement et drsquoun ou drsquoune patiente agrave lrsquoautre Ceci est drsquoautant plus important qursquoen-viron un quart des PVVIH ignorent qursquoelles en sont atteintes et peuvent en toute bonne foi ne pas informer le ou la professionnel-le de santeacute de leur seacuterologie Les mesures de preacutecaution standard doivent ecirctre garanties systeacutematiquement dans tous les cabinets meacutedicaux et pour chaque patient-e quel que soit son eacutetat de santeacute

12 Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins Atlas de la deacutemographie meacutedicale en France situation au 1er janvier 2014

768

34 35PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 5 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 6 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

496

41 000 euroLe prix facial sur le marcheacute franccedilais du premier des traitements hautement actifs contre le VHC pour trois mois Sa combinaison avec drsquoautres meacutedicaments peut coucircter plus de 100766500 000 euro selon la dureacutee du traitement

12 VhC qUI SOIGNER

Crsquoest dans ce contexte que le principe drsquoune mise sous traitement seacutelective est acteacute par le ministegravere de la Santeacute Des critegraveres sont eacutetablis pour deacutefinir qui doit acceacuteder prioritai-rement aux nouveaux traitements innovants contre le VHC Ce choix et ses traductions opeacuterationnelles sont supposeacutes concilier le droit agrave la protection de la santeacute la santeacute publique et des populations mais aussi lrsquoeacutequilibre des finances publiques et la peacuteren-niteacute du systegraveme de protection sociale franccedilais Des recommandations drsquoexpert-e-s pour la mise sous traitement ont eacuteteacute fixeacutees courant 2014 mais finalement restreintes par un avis de la HAS ensuite en 2015 Ceci alors que la socieacuteteacute franccedilaise drsquoheacutepatologie a elle-mecircme confirmeacute en juin de la mecircme anneacutee les recommandations drsquoaccegraves eacutelargies de 2014

101048110104821010481 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexpertsDes recommandations ont drsquoabord eacuteteacute proposeacutees en mai 2014 dans un Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C dit rapport Dhumeaux Ce rapport a eacuteteacute commandeacute par la ministre de la Santeacute en janvier 2013 agrave lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) et lrsquoAssociation franccedilaise pour lrsquoeacutetude du foie (AFEF) De nombreux-ses praticien-ne-s universitaires et des repreacutesentant-e-s drsquoassociations drsquousager-e-s du systegraveme de santeacute sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux ont participeacute agrave son eacutelaboration Ainsi pour les personnes vivant avec une heacutepatite C les recommandations de mise sous trai-tement reposent notamment sur lrsquoavancement de la maladie crsquoest-agrave-dire les stades de fibrose supeacuterieurs ou eacutegaux agrave 2 13 qui indiquent lrsquoeacutetat drsquoavancement de lrsquoimpact du virus sur le foie Les experts ont par ailleurs distingueacute certaines populations pour lesquelles la mise sous traitement est preacuteconiseacutee quel que soit le stade de fibrose

Les patient-e-s ayant des manifestations extra-heacutepatiques seacutevegraveres Les patient-e-s en attente de transplantation heacutepatique ou reacutenale (pour tenter drsquoeacuteradiquer le virus avant la transplantation)

Au cas par cas les femmes ayant un deacutesir de grossesse Les personnes co-infecteacutees VIH-VHC Les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse Les personnes deacutetenues (avec lrsquoobjectif dans ces deux derniegraveres populations drsquoune reacuteduction du risque de transmission) 14

Si le rapport Dhumeaux propose une seacutelection des patient-e-s notamment au regard du prix il inscrit ces recommandations dans une perspective de ralentissement de lrsquoeacutepi-deacutemie et se distingue en ce sens de la HAS

101048110104821010482 Les recommandations restrictives de la hASLa HAS contribue laquo agrave la reacutegulation du systegraveme de santeacute raquo et a donc comme mission drsquolaquo assurer agrave tous les patients et usagers un accegraves peacuterenne et eacutequitable agrave des soins aussi efficaces sucircrs et efficients que possible raquo 15 Les recommandations eacutetablies par la HAS srsquoimposent aux professionnel-le-s meacutedicaux-cales Contrairement agrave la perspective du rapport Dhumeaux la HAS ne considegravere pas que laquo les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC [soient] reacuteunies raquo Elle en tire les conseacutequences et ne recommande qursquolaquo une strateacutegie de traitement des patients dans lrsquoobjectif drsquoune gueacute-rison virologique individuelle raquo avec des recommandations de stade de fibrose plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux Ainsi la HAS limite lrsquoaccegraves aux traitements innovants aux stades de fibrose du foie F2 seulement sous certaines conditions drsquoeacutevolution F3 et F4 ainsi qursquoagrave tous les stades pour certaines populations personnes co-infecteacutees VIH et VHC personnes atteintes de cryoglobulineacutemie mixte systeacutemique et symptomatique personnes atteintes de lym-phome B associeacute au VHC 16 La HAS eacutecarte en revanche des populations cibleacutees par le rapport drsquoexperts Dhumeaux notamment les usager-e-s de drogues et les personnes deacutetenues qui relegraveveraient drsquoune approche non speacutecifique et donc du cadre geacuteneacuteral La France est assez isoleacutee en Europe sur des recommandations de traitement et de non traitement arrecircteacutees sur les stades de fibrose

11 DES TRAITEMENTS INNOVANTS Agrave PRIX TREgraveS EacuteLEVEacuteS

Les limites eacuteconomiques agrave la prescription notamment sur la base de recommandations deacutefinies par la Haute autoriteacute de santeacute (HAS) sont notamment mises en lumiegravere par les prix des nouveaux traitements contre le VHC Aujourdrsquohui diffeacuterents traitements inno-vants contre le VHC les antiviraux agrave action directe sont sur le marcheacute Ils repreacutesentent des avanceacutees theacuterapeutiques majeures offrant un taux de gueacuterison virologique tregraves eacuteleveacute avec des dureacutees de traitements courtes et des effets indeacutesirables limiteacutes Si les associations investies dans le champ de la lutte contre les heacutepatites virales ndash Collectif Heacutepatites Virales (CHV) SOS heacutepatites TRT-5 Comegravede Meacutedecins du Monde (MdM) Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) AIDES ndash saluent lrsquoespoir drsquoune fin proche de lrsquoeacutepideacutemie de VHC elles se sont rapidement alarmeacutees sur le prix de ces nouveaux traitements Sur le marcheacute franccedilais le prix facial du premier de ces traitements hautement actifs contre le VHC (Sovaldisofosbuvir) a eacuteteacute fixeacute agrave 41 000 euro pour trois mois de traitement Ce traitement ne srsquoutilise jamais seul mais en association avec drsquoautres Certaines combinaisons peuvent coucircter plus de 100 000 euro selon la dureacutee (des traitements de six mois sont parfois neacutecessaires)Alors que la France meacutetropolitaine compte plus de 200 000 personnes vivant avec le VHC de tels prix constituent clairement un deacutefi pour les finances publiques et la peacuterenniteacute drsquoun systegraveme de santeacute solidaire En conseacutequence et pour la premiegravere fois en France ce prix participe agrave ce que lrsquoon peut consideacuterer comme un rationnement avec des mises sous traitement sur la base drsquoavis et de dispositions restrictifs

Meacutedicaments quels prix Le prix du meacutedicament nrsquoest pas libre il est fixeacute par convention entre le laboratoire lrsquoexploitant et le Comiteacute eacuteconomique des produits de santeacute (CEPS) sur la base de cri-tegraveres deacutefinis agrave lrsquoarticle L162-16-4 du Code de santeacute publique laquo La fixation de ce prix tient compte principalement de lrsquoameacutelioration du service meacutedical rendu (SMR) appor-teacutee par le meacutedicament le cas eacutecheacuteant des reacutesultats de lrsquoeacutevaluation meacutedico-eacutecono-mique des prix des meacutedicaments agrave mecircme viseacutee theacuterapeutique des volumes de vente preacutevus ou constateacutes ainsi que des conditions preacutevisibles et reacuteelles drsquoutilisation du meacutedi-cament raquo Agrave cela srsquoajoute aussi la coheacuterence avec les conditions de commercialisation preacutevues dans les grands Eacutetats europeacuteens Seul le prix facial est public crsquoest-agrave-dire le prix rembourseacute par lrsquoassurance maladie Le CEPS et les laboratoires peuvent neacutegocier des dispositifs de remises drsquoougrave un prix reacuteel diffeacuterent (voire tregraves diffeacuterent) de ce prix facial Les dispositifs de remises et le prix reacuteel nrsquoeacutetant pas publics les prescripteurs et usager-e-s nrsquoont connaissance que du prix facial

Le droit agrave la protection de la santeacute interdit toute forme de discriminations dans lrsquoaccegraves aux soins Cependant si les discriminations sont interdites lrsquouniversaliteacute de lrsquoaccegraves agrave certains soins et traitements nrsquoest pas pour autant garantie Crsquoest le cas des nouveaux traitements contre le virus de lrsquoheacutepatite C (VHC) dont le prix exorbitant a forceacute agrave deacutefinir des critegraveres de seacutelection des patient-e-s et agrave renoncer agrave lrsquoaccegraves universel

Bien que fondamental le droit agrave la protec-tion de la santeacute sans discrimination (voir page 25) peut connaicirctre certaines limites agrave son effectiviteacute en particulier sur le plan financier Il deacutepend en effet des choix opeacutereacutes au regard des deacutepenses publiques de lrsquoEacutetat et de la seacutecuriteacute sociale et notamment par rapport aux prix des meacutedicaments et des produits de santeacute Lrsquoarticle 8 du Code de deacuteontologie meacutedi-cale (R4127-8 du Code de santeacute publique) preacutecise que laquo Dans les limites fixeacutees par la loi le meacutedecin est libre de ses pres-criptions qui seront celles qursquoil estime les plus approprieacutees en la circonstance Il doit sans neacutegliger son devoir drsquoassistance morale limiter ses prescriptions et ses actes agrave ce qui est neacutecessaire agrave la qualiteacute agrave la seacutecuriteacute et agrave lrsquoefficaciteacute des soins Il doit tenir compte des avantages des incon-veacutenients et des conseacutequences des diffeacute-rentes investigations et theacuterapeutiques possibles raquo Si la liberteacute de prescription est ici recon-nue elle connaicirct donc certaines limites leacutegales dont celle imposeacutee par lrsquoarticle L162-2-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo Les meacutedecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions drsquoobserver dans le cadre de la leacutegislation et de la reacuteglementation en vigueur la plus stricte eacuteconomie compatible avec la qualiteacute la seacutecuriteacute et lrsquoefficaciteacute des soins raquo ce notamment sur la base des laquo recomman-dations ou avis meacutedico-eacuteconomiques de la Haute autoriteacute de santeacute raquo

13 Stades de fibrose F0 pas de fibrose F1 fibrose leacutegegravere F2 fibrose modeacutereacutee F3 fibrose seacutevegravere F4 cirrhose14 Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C 2014 p 25015 httpwwwhas-santefrportailjcmsfc_1249599frla-has16 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf

36 37

DROIT APPLICABLE

1  LE cAS dES TrAITEmENTS INNoVANTS 

coNTrE LrsquoHEacutePATITE c mdash

dIFFIcULTEacuteS drsquoAccEgraveS  AUx TrAITEmENTS

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

38 39

Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

59

40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 17: AIDES Rapport Discrim

laquo Pour vous ce sera 21h raquo laquo Je ne prends pas de nouveaux patients raquo

laquo Eh bien on mettra deux paires de gants raquo

laquo Vous me remplirez un questionnaire meacutedical avant le rdv raquo

laquo Je le note dans le carnet de rdv raquo

laquo Les gens comme voushellip raquo

laquo Je nrsquoai pas le mateacuteriel adapteacute raquo

laquo Ok mais vous viendrez avec toutes vos analyses raquo

laquo Je ne pratique pas le deacutetartrage raquo

laquo Le deacutetartrage crsquoest 150 euros raquo

laquo Vous serez mieux soigneacute agrave lrsquohocircpital raquo

laquo Je nrsquoai pas eacuteteacute formeacute au vih raquo

laquo Heuhellip veuillez patienter raquo

Bonjour je souhaite un rendez-vous

pour un deacutetartrage et je suis seacuteropo

la face cacheacutee des refus

de soins chez les dentistes

envers les personnes vih+

Florilegravege des verbatims des cabinets dentaires agrave lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute par ordre de citation

Le motif le plus souvent invoqueacute par les cabinets dentaires est celui des ameacutenagements ou des horaires speacutecifiques requis pour les personnes seacuteropositives Vient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute

Peacuteriode drsquoenquecircteLe testing est reacutealiseacute sur une peacuteriode courte du 7 au 10 avril 2015 pour garantir la confi-dentialiteacute de lrsquoopeacuteration et assurer un environnement comparable entre les diffeacuterents appels (actualiteacute meacutediatique et politique etc) Une fois la semaine de testing passeacutee les rendez-vous pris sont annuleacutes afin de ne pas peacutenaliser les laquo vrais raquo malades et les meacutedecins dans la gestion des rendez-vous meacutedicaux

Eacutechantillon finalParmi les 570 cabinets dentaires et les 154 cabinets de gyneacutecologie contacteacutes par teacuteleacute-phone durant la peacuteriode drsquoenquecircte pour une prise de rendez-vous un certain nombre sont exclus en raison de non-reacuteponses aux appels de non-conformiteacute de la speacutecialiteacute de fermeture ou de congeacutes Lrsquoeffectif final des praticien-ne-s retenu-e-s srsquoeacutelegraveve agrave 440 pour les chirurgiens-dentistes et 116 pour les gyneacutecologues Lors des appels il est pos-sible de relever la fonction des reacutepondant-e-s dans la majoriteacute des cas (praticien-ne-s ou secreacutetaires meacutedicaux-ales) Ainsi les interlocuteur-trice-s dans les cabinets dentaires sont des secreacutetaires meacutedicaux-les dans 764 des cas (n=336) et des chirurgiens-den-tistes dans 193 des cas (n=85) Pour les cabinets de gyneacutecologie la reacutepartition eacutetait de 802 de secreacutetaires meacutedicaux-les (n=93) et 78 de gyneacutecologues (n=9)

113 Limites de lrsquoeacutetudeCette opeacuteration de testing comporte des limites qui sont autant de pistes pour ameacutelio-rer encore ce type drsquoenquecirctes et leur donner un cadre leacutegalLa premiegravere limite tient agrave la classification a posteriori des motifs des refus de soins En effet la liste exhaustive des motifs de refus ainsi que la combinaison de plusieurs motifs eacutetaient difficiles agrave anticiper La deuxiegraveme limite concerne la perception des testeur-se-s quant aux reacuteponses four-nies par les dentistesgyneacutecologues Ainsi la notion de subjectiviteacute permise par la non-cateacutegorisation a priori des reacuteponses a probablement induit une sous-deacuteclaration de certains refus Les retours drsquoexpeacuteriences des PVVIH qui pointent des refus frontaux dans les cabinets des praticien-ne-s apregraves un rendez-vous fixeacute preacutealablement au teacuteleacute-phone laissent augurer eacutegalement drsquoune sous-eacutevaluation de ces pratiquesLa troisiegraveme limite est celle du champ de lrsquoenquecircte Seule la seacuteropositiviteacute au VIH a eacuteteacute testeacutee il est pourtant neacutecessaire drsquoeacutetendre aux personnes vivant avec une heacutepatite virale chronique ou co-infecteacutees par le VIH et les heacutepatites virales De plus les repreacutesen-tations sociales eacuteconomiques et morales associeacutees agrave la pathologie VIH (CMU ou AME preacutecariteacute pratiques sexuelles usages de drogues etc) peuvent geacuteneacuterer des cumuls de motifs de refusEt enfin la taille de lrsquoeacutechantillon des professionnel-le-s ne permet pas de reacutealiser des analyses statistiques pousseacutees notamment par ville et de conclure agrave drsquoeacuteventuelles dynamiques locales de discrimination

12 DES REacuteSULTATS ACCABLANTS

Parmi les reacuteponses des chirurgiens-dentistes et de leur secreacutetariat meacutedical agrave lrsquoan-nonce de la seacuteropositiviteacute le motif le plus souvent invoqueacute est celui des ameacutena-gements ou des horaires speacutecifiques qui seraient requis soit eacutenonceacutes comme tels soit mis en eacutevidence par comparaison des reacuteponses faites aux personnes supposeacutees seacuteroneacutegatives Il est important de rappeler que le Haut conseil de la santeacute publique a publieacute en 2007 un avis laquo ne recommandant pas lrsquoinstauration drsquoun ordre de pas-sage pour tout patient porteur des virus VHC VHB ou VIH lors drsquoactes invasifs meacutedico-chirurgicaux En revanche il considegravere comme une prioriteacute lrsquoapplication des preacutecautions standard et le respect des mesures de preacutevention (hellip) raquo LrsquoOrdre natio-nal des chirurgiens-dentistes a drsquoailleurs redit lors de la parution de ce testing que laquo les patients doivent tous beacuteneacuteficier drsquoune mecircme chaicircne de deacutecontamination et de steacuterilisation raquoVient ensuite lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute surcharge de travail pas de nou-veaux-elles patient-e-s deacutelais de rendez-vous trop importants etc non eacutevoqueacutee pour les testeur-se-s nrsquoannonccedilant pas de seacuteropositiviteacute au VIHPour les gyneacutecologues ou leur secreacutetariat meacutedical les testeuses seacuteropositives sont accepteacutees sous reacuteserve de la preacutesentation de leur dossier meacutedical et du rappel de la pathologie au moment de la consultation Lrsquoargument de lrsquoindisponibiliteacute est aussi avanceacute agrave plusieurs reprises Tous ces motifs sont ensuite cateacutegoriseacutes

Figure 2

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS30

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins

121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou de discriminationsUne cateacutegorisation est opeacutereacutee en fonction des dispositions juridiques existantes Les dispositions leacutegales eacutetant tregraves geacuteneacuterales et impreacutecises crsquoest la reacutefeacuterence agrave la circu-laire CNAMTS CIR-332008 relative aux refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMU-C qui a eacuteteacute retenue Ce texte donne une deacutefinition concregravete des refus de soins incluant laquo la fixation tardive inhabituelle et abusive drsquoun rendez-vous lrsquoorien-tation reacutepeacuteteacutee et abusive vers un autre confregravere lrsquoattitude et le comportement dis-criminatoire du professionnel de santeacute etc raquo Certains praticien-ne-s ont pu eacutevoquer plusieurs motifsAinsi des refus de soins directs ou deacuteguiseacutes et des traitements diffeacuterentiels non fon-deacutes sont constateacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH lors drsquoune demande de rendez-vous pour un deacutetartrage ou un frottisParmi les refus de soins on distingue deux cateacutegories Les refus directs Il srsquoagit de refus directement imputables au VIH annonceacutes comme tels ou sous couvert drsquoune autre raison non formuleacutee aupregraves de la personne supposeacutee seacuteroneacutegative Les refus deacuteguiseacutes Il srsquoagit de refus dont les preacutetextes avanceacutes sont douteux et contraires au Code de deacuteontologie meacutedicale Ils peuvent ecirctre cateacutegoriseacutes en deux types de refus

Les strateacutegies de deacutecouragement horaires contraignants deacutepassements drsquohono-raires assurance de la solvabiliteacute financiegravere etc

Les reacuteorientations vers des confregraveres ou des services hospitaliers sous preacutetexte drsquoun manque de connaissance de la pathologie et de sa prise en charge de mateacute-riel non adapteacute ou la dangerositeacute des soins qui suggegraverent une meilleure prise en charge laquo ailleurs raquo

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins (voir page 25) Ces dispariteacutes de traitement sont soit annonceacutees de maniegravere explicite lors de la prise de rendez-vous soit mises en eacutevidence par la confrontation des reacuteponses faites au-agrave la testeur-se seacuteropositif-ve au VIH et agrave son binocircme ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH On distingue trois cateacutegories

La meacuteconnaissance de la pathologie qui aboutit agrave de mauvaises pratiques dans la relation avec le ou la patiente

La divulgation du statut seacuterologique en dehors drsquoun dossier meacutedical ce qui est une atteinte au secret meacutedical

Lrsquoexistence de protocoles speacutecifiques drsquohygiegravene pour les PVVIH (steacuterilisation dureacutee des soins etc) agrave lrsquoencontre des mesures de preacutecautions standard recommandeacutees qui teacutemoignent drsquoun manque de connaissance ou drsquoapplication des regravegles fonda-mentales drsquohygiegravene et de steacuterilisation mais aussi une meacuteconnaissance des modes de contamination Ces mesures doivent ecirctre garanties systeacutematiquement et sans compromis quel que soit le statut seacuterologique des personnes et ce drsquoautant qursquoon estime entre 30 000 et 50 000 le nombre de personnes contamineacutees par le VIH en France qui lrsquoignorent (pour 150 000 PVVIH soit 20 agrave 30 )

32 33

30 refus de soins

deacuteguiseacutes

36 refus de soins

directs

168 pratiques

discriminatoires

cabinet dentaire

ViH SrsquoabStenir

17 refus de soins

directs

43 refus de soins

deacuteguiseacutes

172 pratiques

discriminatoires

cabinet de gyneacutecologie

ViH SrsquoabStenir

122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des speacutecialiteacutes

Figure 3 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 4 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

336 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

168 de pratiques discriminatoires

6 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

172 de pratiques discriminatoires

Cabinets de gyneacutecologie

Cabinets dentaires

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Dans le cadre du projet de loi Santeacute AIDES a construit plusieurs amendements afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutealiteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits

Les reacutesultats de ce testing prouvent qursquoil existe une veacuteritable meacuteconnaissance du VIH et de ses modes de transmission aboutissant agrave des attitudes neacutegatives et discrimi-natoires Ces comportements trahissent les repreacutesentations des professionnel-le-s vis-agrave-vis de cette maladieinfection et sur le respect des fondements deacuteontologiques des professions du soin

13 PERSPECTIVES LA NEacuteCESSITEacute DE RENfORCER LrsquoARSENAL jURIDIqUE

Les constats de AIDES confirment la neacutecessiteacute drsquoaller plus loin contre les refus de soins que la seule disposition initialement envisageacutee dans le projet de loi Santeacute Actuelle-ment ce sont aux ordres professionnels des soignant-e-s de mesurer lrsquoimportance et la nature des pratiques de ces refus En conseacutequence plusieurs amendements ont eacuteteacute construits avec Meacutedecins du Monde (MdM) afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutea-liteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits Les amendements formulent cinq propo-sitions visant agrave

Eacutelargir la deacutefinition leacutegale des refus de soins agrave toute pratique discriminante ou strateacutegie de dissuasion menant in fine au renoncement aux soins des patient-e-s

Donner une base leacutegale au testing autour drsquoun cahier des charges preacutecis et y inclure les associations de malades

Impliquer lrsquoensemble des acteurs-trices de santeacute dans le pilotage de lrsquoObserva-toire deacutedieacute aux refus de soins preacutevu par le projet de loi Santeacute agrave commencer par les associations de malades mais aussi les ordres professionnels et les organismes drsquoassurance maladie

Ameacutenager la charge de la preuve de sorte que comme dans lrsquoensemble du droit de la non-discrimination ce soit au-agrave la professionnel-le de santeacute de prouver qursquoil nrsquoy a pas eu de traitement discriminatoire lorsqursquoune personne exprime des eacuteleacutements de fait laissant supposer lrsquoexistence drsquoune discrimination

Permettre aux patient-e-s drsquoecirctre accompagneacute-e-s etou repreacutesenteacute-e-s par des associations durant les recours en justice ou les proceacutedures de conciliation lors-qursquoils-elles sont confronteacute-e-s agrave des refus de soins

Ces amendements srsquoappuient sur divers rapports institutionnels et parlementaires ils srsquoinspirent aussi de lrsquoarticle initial sur les refus de soins de la loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (Loi HPST) preacutesenteacutee par Roselyne Bachelot alors ministre de la Santeacute en 2008 Ces propositions ont cependant eacuteteacute escamoteacutees au fil des lectures agrave lrsquoAssembleacutee nationale et au SeacutenatAinsi gracircce agrave ce testing agrave ses retombeacutees meacutediatiques et agrave la mobilisation des mili-tant-e-s de AIDES les lignes ont commenceacute agrave bouger Drsquoune part lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes a vivement reacuteagi et drsquoautre part un amendement agrave lrsquoarticle 19 du projet de loi Santeacute a eacuteteacute voteacute au Seacutenat proposant que lrsquoeacutevaluation de lrsquoexistence des refus de soins soit confieacutee au Deacutefenseur des droits Au moment de la reacutedaction de ce rapport la formulation finale de lrsquoattribution de cette eacutevaluation au Deacutefenseur des droits ou aux diffeacuterents Ordres nrsquoest pas connue

Concernant lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes un rapprochement avec AIDES srsquoest opeacutereacute rapidement afin drsquoeacutetudier les moyens agrave mettre en œuvre pour lutter effica-cement contre les refus de soins Degraves lrsquoannonce des reacutesultats lrsquoOrdre a immeacutediatement reacuteagi et condamneacute ce type de comportement laquo Nul ne peut faire lrsquoobjet de discrimina-tions dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins raquo rappelant que laquo les chirurgiens-den-tistes qui ne respectent pas ce principe fondamental leacutegal et deacuteontologique srsquoexposent agrave des poursuites tant devant les juridictions disciplinaires que peacutenales raquo

123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction de lrsquointerlocuteur-trice

Les refus de soins ou les pratiques discriminatoires sont plus souvent pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les que par les praticien-ne-s voire inexistants srsquoagissant des gyneacutecologuesDans les cabinets dentaires une majoriteacute de secreacutetaires meacutedicaux-les opposent des refus de soins directs aux PVVIH ils-elles sont 78 agrave opposer des refus indirects versus 22 des chirurgiens-dentistes Srsquoagissant de traitements diffeacuterentieacutes entre les PVVIH et leur binocircme supposeacute seacuteroneacutegatif 824 sont eacutemis par des secreacutetaires meacutedicaux-les versus 186 par des dentistesLes refus de soins ou discriminations sont majoritairement pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les Ce constat reacutevegravele soit un manque de formation et de connaissance du VIH qui aboutit agrave des mauvaises pratiques avec le ou la patiente soit lrsquoexistence de directives donneacutees par des praticien-ne-s quant agrave la prise en charge de certain-e-s patient-e-s dont les PVVIH En teacutemoignent les mises en attente majoritairement du fait des secreacutetaires meacutedicaux-les Il est probablement plus facile de donner des ins-tructions agrave son secreacutetariat que drsquoassumer individuellement la responsabiliteacute drsquoun refus

124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des villesMalgreacute des effectifs parfois limiteacutes de chirurgiens-dentistes et de gyneacutecologues par ville les reacutesultats de ce testing preacutesentent une dispariteacute des pheacutenomegravenes de refus de soins et de discriminations sur le territoire national Il nrsquoy a a priori pas de lien entre le lieu drsquoinstallation et lrsquoineacutegaliteacute des pratiques Lrsquoattitude neacutegative des professionnel-le-s agrave lrsquoencontre des PVVIH paraicirct davantage reposer sur des logiques individuelles que sur la deacutemographie meacutedicale ou lrsquoincidence locale du VIH Les reacutesultats du testing ne suggegraverent pas drsquoinfluence de lrsquoenvironnement sur les pratiques des professionnel-le-s On relegraveve que Bourg-en-Bresse Chacircteauroux et le seiziegraveme arrondissement de Paris trois lieux qui preacutesentent une deacutemographie meacutedicale quantitativement contras-teacutee se deacutetachent en matiegravere de proportion de refus de soins ou de pratiques discri-minatoires avec plus de 70 des chirurgiens-dentistes contacteacute-e-s concerneacute-e-s Agrave lrsquoinverse les speacutecialistes du treiziegraveme arrondissement de Marseille et de la ville de Pontoise nrsquoopposent aucun comportement discriminatoirePour les gyneacutecologues dont le nombre est insuffisant en France avec de veacuteritables ineacute-galiteacutes drsquoaccegraves sur le territoire 12 lrsquoeffet des villes semblent jouer un rocircle a minima Pour certaines villes dont la densiteacute meacutedicale pour cette speacutecialiteacute est tregraves faible un nombre limiteacute de professionnel-le-s a eacuteteacute contacteacute empecircchant toute conclusion Cependant il est important de noter que des PVVIH ont pu ecirctre confronteacutees agrave 100 de refus de rendez-vous dans certaines villes

125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave soulignerDe nombreux-ses praticien-ne-s et leur secreacutetariat meacutedical attribuent des rendez-vous aux PVVIH sans eacutevoquer aucun des motifs jugeacutes discriminatoires Pour pregraves de la moitieacute des cabinets dentaires (496 ) et plus de 4 cabinets de gyneacutecologie sur 5 (768 ) les pratiques de soins lrsquoaccueil et la communication sont en tout point conformes agrave la deacuteontologie meacutedicale (figures 5 et 6) Certains ont aussi fait preuve de bienveillance avec une approche globale de la prise en charge meacutedicale de la personne

126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutesLes logiques de preacutecaution occupent une place eacutevidente dans les arguments opposeacutes aux PVVIH au meacutepris de la loi de la deacuteontologie meacutedicale et des recommandations drsquohygiegravene De nos jours les refus de soins ou discriminations agrave leur eacutegard sont drsquoautant plus inacceptables que les mesures de preacutecaution standard ont eacuteteacute maintes fois rappe-leacutees par diverses instances publiques et scientifiques Ces mesures sont conccedilues pour preacutevenir le risque de transmission du VIH du ou de la patiente au personnel meacutedical et inversement et drsquoun ou drsquoune patiente agrave lrsquoautre Ceci est drsquoautant plus important qursquoen-viron un quart des PVVIH ignorent qursquoelles en sont atteintes et peuvent en toute bonne foi ne pas informer le ou la professionnel-le de santeacute de leur seacuterologie Les mesures de preacutecaution standard doivent ecirctre garanties systeacutematiquement dans tous les cabinets meacutedicaux et pour chaque patient-e quel que soit son eacutetat de santeacute

12 Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins Atlas de la deacutemographie meacutedicale en France situation au 1er janvier 2014

768

34 35PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 5 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 6 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

496

41 000 euroLe prix facial sur le marcheacute franccedilais du premier des traitements hautement actifs contre le VHC pour trois mois Sa combinaison avec drsquoautres meacutedicaments peut coucircter plus de 100766500 000 euro selon la dureacutee du traitement

12 VhC qUI SOIGNER

Crsquoest dans ce contexte que le principe drsquoune mise sous traitement seacutelective est acteacute par le ministegravere de la Santeacute Des critegraveres sont eacutetablis pour deacutefinir qui doit acceacuteder prioritai-rement aux nouveaux traitements innovants contre le VHC Ce choix et ses traductions opeacuterationnelles sont supposeacutes concilier le droit agrave la protection de la santeacute la santeacute publique et des populations mais aussi lrsquoeacutequilibre des finances publiques et la peacuteren-niteacute du systegraveme de protection sociale franccedilais Des recommandations drsquoexpert-e-s pour la mise sous traitement ont eacuteteacute fixeacutees courant 2014 mais finalement restreintes par un avis de la HAS ensuite en 2015 Ceci alors que la socieacuteteacute franccedilaise drsquoheacutepatologie a elle-mecircme confirmeacute en juin de la mecircme anneacutee les recommandations drsquoaccegraves eacutelargies de 2014

101048110104821010481 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexpertsDes recommandations ont drsquoabord eacuteteacute proposeacutees en mai 2014 dans un Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C dit rapport Dhumeaux Ce rapport a eacuteteacute commandeacute par la ministre de la Santeacute en janvier 2013 agrave lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) et lrsquoAssociation franccedilaise pour lrsquoeacutetude du foie (AFEF) De nombreux-ses praticien-ne-s universitaires et des repreacutesentant-e-s drsquoassociations drsquousager-e-s du systegraveme de santeacute sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux ont participeacute agrave son eacutelaboration Ainsi pour les personnes vivant avec une heacutepatite C les recommandations de mise sous trai-tement reposent notamment sur lrsquoavancement de la maladie crsquoest-agrave-dire les stades de fibrose supeacuterieurs ou eacutegaux agrave 2 13 qui indiquent lrsquoeacutetat drsquoavancement de lrsquoimpact du virus sur le foie Les experts ont par ailleurs distingueacute certaines populations pour lesquelles la mise sous traitement est preacuteconiseacutee quel que soit le stade de fibrose

Les patient-e-s ayant des manifestations extra-heacutepatiques seacutevegraveres Les patient-e-s en attente de transplantation heacutepatique ou reacutenale (pour tenter drsquoeacuteradiquer le virus avant la transplantation)

Au cas par cas les femmes ayant un deacutesir de grossesse Les personnes co-infecteacutees VIH-VHC Les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse Les personnes deacutetenues (avec lrsquoobjectif dans ces deux derniegraveres populations drsquoune reacuteduction du risque de transmission) 14

Si le rapport Dhumeaux propose une seacutelection des patient-e-s notamment au regard du prix il inscrit ces recommandations dans une perspective de ralentissement de lrsquoeacutepi-deacutemie et se distingue en ce sens de la HAS

101048110104821010482 Les recommandations restrictives de la hASLa HAS contribue laquo agrave la reacutegulation du systegraveme de santeacute raquo et a donc comme mission drsquolaquo assurer agrave tous les patients et usagers un accegraves peacuterenne et eacutequitable agrave des soins aussi efficaces sucircrs et efficients que possible raquo 15 Les recommandations eacutetablies par la HAS srsquoimposent aux professionnel-le-s meacutedicaux-cales Contrairement agrave la perspective du rapport Dhumeaux la HAS ne considegravere pas que laquo les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC [soient] reacuteunies raquo Elle en tire les conseacutequences et ne recommande qursquolaquo une strateacutegie de traitement des patients dans lrsquoobjectif drsquoune gueacute-rison virologique individuelle raquo avec des recommandations de stade de fibrose plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux Ainsi la HAS limite lrsquoaccegraves aux traitements innovants aux stades de fibrose du foie F2 seulement sous certaines conditions drsquoeacutevolution F3 et F4 ainsi qursquoagrave tous les stades pour certaines populations personnes co-infecteacutees VIH et VHC personnes atteintes de cryoglobulineacutemie mixte systeacutemique et symptomatique personnes atteintes de lym-phome B associeacute au VHC 16 La HAS eacutecarte en revanche des populations cibleacutees par le rapport drsquoexperts Dhumeaux notamment les usager-e-s de drogues et les personnes deacutetenues qui relegraveveraient drsquoune approche non speacutecifique et donc du cadre geacuteneacuteral La France est assez isoleacutee en Europe sur des recommandations de traitement et de non traitement arrecircteacutees sur les stades de fibrose

11 DES TRAITEMENTS INNOVANTS Agrave PRIX TREgraveS EacuteLEVEacuteS

Les limites eacuteconomiques agrave la prescription notamment sur la base de recommandations deacutefinies par la Haute autoriteacute de santeacute (HAS) sont notamment mises en lumiegravere par les prix des nouveaux traitements contre le VHC Aujourdrsquohui diffeacuterents traitements inno-vants contre le VHC les antiviraux agrave action directe sont sur le marcheacute Ils repreacutesentent des avanceacutees theacuterapeutiques majeures offrant un taux de gueacuterison virologique tregraves eacuteleveacute avec des dureacutees de traitements courtes et des effets indeacutesirables limiteacutes Si les associations investies dans le champ de la lutte contre les heacutepatites virales ndash Collectif Heacutepatites Virales (CHV) SOS heacutepatites TRT-5 Comegravede Meacutedecins du Monde (MdM) Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) AIDES ndash saluent lrsquoespoir drsquoune fin proche de lrsquoeacutepideacutemie de VHC elles se sont rapidement alarmeacutees sur le prix de ces nouveaux traitements Sur le marcheacute franccedilais le prix facial du premier de ces traitements hautement actifs contre le VHC (Sovaldisofosbuvir) a eacuteteacute fixeacute agrave 41 000 euro pour trois mois de traitement Ce traitement ne srsquoutilise jamais seul mais en association avec drsquoautres Certaines combinaisons peuvent coucircter plus de 100 000 euro selon la dureacutee (des traitements de six mois sont parfois neacutecessaires)Alors que la France meacutetropolitaine compte plus de 200 000 personnes vivant avec le VHC de tels prix constituent clairement un deacutefi pour les finances publiques et la peacuterenniteacute drsquoun systegraveme de santeacute solidaire En conseacutequence et pour la premiegravere fois en France ce prix participe agrave ce que lrsquoon peut consideacuterer comme un rationnement avec des mises sous traitement sur la base drsquoavis et de dispositions restrictifs

Meacutedicaments quels prix Le prix du meacutedicament nrsquoest pas libre il est fixeacute par convention entre le laboratoire lrsquoexploitant et le Comiteacute eacuteconomique des produits de santeacute (CEPS) sur la base de cri-tegraveres deacutefinis agrave lrsquoarticle L162-16-4 du Code de santeacute publique laquo La fixation de ce prix tient compte principalement de lrsquoameacutelioration du service meacutedical rendu (SMR) appor-teacutee par le meacutedicament le cas eacutecheacuteant des reacutesultats de lrsquoeacutevaluation meacutedico-eacutecono-mique des prix des meacutedicaments agrave mecircme viseacutee theacuterapeutique des volumes de vente preacutevus ou constateacutes ainsi que des conditions preacutevisibles et reacuteelles drsquoutilisation du meacutedi-cament raquo Agrave cela srsquoajoute aussi la coheacuterence avec les conditions de commercialisation preacutevues dans les grands Eacutetats europeacuteens Seul le prix facial est public crsquoest-agrave-dire le prix rembourseacute par lrsquoassurance maladie Le CEPS et les laboratoires peuvent neacutegocier des dispositifs de remises drsquoougrave un prix reacuteel diffeacuterent (voire tregraves diffeacuterent) de ce prix facial Les dispositifs de remises et le prix reacuteel nrsquoeacutetant pas publics les prescripteurs et usager-e-s nrsquoont connaissance que du prix facial

Le droit agrave la protection de la santeacute interdit toute forme de discriminations dans lrsquoaccegraves aux soins Cependant si les discriminations sont interdites lrsquouniversaliteacute de lrsquoaccegraves agrave certains soins et traitements nrsquoest pas pour autant garantie Crsquoest le cas des nouveaux traitements contre le virus de lrsquoheacutepatite C (VHC) dont le prix exorbitant a forceacute agrave deacutefinir des critegraveres de seacutelection des patient-e-s et agrave renoncer agrave lrsquoaccegraves universel

Bien que fondamental le droit agrave la protec-tion de la santeacute sans discrimination (voir page 25) peut connaicirctre certaines limites agrave son effectiviteacute en particulier sur le plan financier Il deacutepend en effet des choix opeacutereacutes au regard des deacutepenses publiques de lrsquoEacutetat et de la seacutecuriteacute sociale et notamment par rapport aux prix des meacutedicaments et des produits de santeacute Lrsquoarticle 8 du Code de deacuteontologie meacutedi-cale (R4127-8 du Code de santeacute publique) preacutecise que laquo Dans les limites fixeacutees par la loi le meacutedecin est libre de ses pres-criptions qui seront celles qursquoil estime les plus approprieacutees en la circonstance Il doit sans neacutegliger son devoir drsquoassistance morale limiter ses prescriptions et ses actes agrave ce qui est neacutecessaire agrave la qualiteacute agrave la seacutecuriteacute et agrave lrsquoefficaciteacute des soins Il doit tenir compte des avantages des incon-veacutenients et des conseacutequences des diffeacute-rentes investigations et theacuterapeutiques possibles raquo Si la liberteacute de prescription est ici recon-nue elle connaicirct donc certaines limites leacutegales dont celle imposeacutee par lrsquoarticle L162-2-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo Les meacutedecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions drsquoobserver dans le cadre de la leacutegislation et de la reacuteglementation en vigueur la plus stricte eacuteconomie compatible avec la qualiteacute la seacutecuriteacute et lrsquoefficaciteacute des soins raquo ce notamment sur la base des laquo recomman-dations ou avis meacutedico-eacuteconomiques de la Haute autoriteacute de santeacute raquo

13 Stades de fibrose F0 pas de fibrose F1 fibrose leacutegegravere F2 fibrose modeacutereacutee F3 fibrose seacutevegravere F4 cirrhose14 Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C 2014 p 25015 httpwwwhas-santefrportailjcmsfc_1249599frla-has16 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf

36 37

DROIT APPLICABLE

1  LE cAS dES TrAITEmENTS INNoVANTS 

coNTrE LrsquoHEacutePATITE c mdash

dIFFIcULTEacuteS drsquoAccEgraveS  AUx TrAITEmENTS

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

38 39

Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

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40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 18: AIDES Rapport Discrim

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins

121 Cateacutegorisation des motifs de refus de soins ou de discriminationsUne cateacutegorisation est opeacutereacutee en fonction des dispositions juridiques existantes Les dispositions leacutegales eacutetant tregraves geacuteneacuterales et impreacutecises crsquoest la reacutefeacuterence agrave la circu-laire CNAMTS CIR-332008 relative aux refus de soins agrave lrsquoeacutegard des beacuteneacuteficiaires de la CMU-C qui a eacuteteacute retenue Ce texte donne une deacutefinition concregravete des refus de soins incluant laquo la fixation tardive inhabituelle et abusive drsquoun rendez-vous lrsquoorien-tation reacutepeacuteteacutee et abusive vers un autre confregravere lrsquoattitude et le comportement dis-criminatoire du professionnel de santeacute etc raquo Certains praticien-ne-s ont pu eacutevoquer plusieurs motifsAinsi des refus de soins directs ou deacuteguiseacutes et des traitements diffeacuterentiels non fon-deacutes sont constateacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH lors drsquoune demande de rendez-vous pour un deacutetartrage ou un frottisParmi les refus de soins on distingue deux cateacutegories Les refus directs Il srsquoagit de refus directement imputables au VIH annonceacutes comme tels ou sous couvert drsquoune autre raison non formuleacutee aupregraves de la personne supposeacutee seacuteroneacutegative Les refus deacuteguiseacutes Il srsquoagit de refus dont les preacutetextes avanceacutes sont douteux et contraires au Code de deacuteontologie meacutedicale Ils peuvent ecirctre cateacutegoriseacutes en deux types de refus

Les strateacutegies de deacutecouragement horaires contraignants deacutepassements drsquohono-raires assurance de la solvabiliteacute financiegravere etc

Les reacuteorientations vers des confregraveres ou des services hospitaliers sous preacutetexte drsquoun manque de connaissance de la pathologie et de sa prise en charge de mateacute-riel non adapteacute ou la dangerositeacute des soins qui suggegraverent une meilleure prise en charge laquo ailleurs raquo

Les pratiques discriminatoires ou traitements diffeacuterentiels non fondeacutes agrave lrsquoeacutegard des PVVIH sont moralement eacutethiquement et peacutenalement tout aussi condamnables que les refus de soins (voir page 25) Ces dispariteacutes de traitement sont soit annonceacutees de maniegravere explicite lors de la prise de rendez-vous soit mises en eacutevidence par la confrontation des reacuteponses faites au-agrave la testeur-se seacuteropositif-ve au VIH et agrave son binocircme ne deacuteclarant pas de seacuterologie au VIH On distingue trois cateacutegories

La meacuteconnaissance de la pathologie qui aboutit agrave de mauvaises pratiques dans la relation avec le ou la patiente

La divulgation du statut seacuterologique en dehors drsquoun dossier meacutedical ce qui est une atteinte au secret meacutedical

Lrsquoexistence de protocoles speacutecifiques drsquohygiegravene pour les PVVIH (steacuterilisation dureacutee des soins etc) agrave lrsquoencontre des mesures de preacutecautions standard recommandeacutees qui teacutemoignent drsquoun manque de connaissance ou drsquoapplication des regravegles fonda-mentales drsquohygiegravene et de steacuterilisation mais aussi une meacuteconnaissance des modes de contamination Ces mesures doivent ecirctre garanties systeacutematiquement et sans compromis quel que soit le statut seacuterologique des personnes et ce drsquoautant qursquoon estime entre 30 000 et 50 000 le nombre de personnes contamineacutees par le VIH en France qui lrsquoignorent (pour 150 000 PVVIH soit 20 agrave 30 )

32 33

30 refus de soins

deacuteguiseacutes

36 refus de soins

directs

168 pratiques

discriminatoires

cabinet dentaire

ViH SrsquoabStenir

17 refus de soins

directs

43 refus de soins

deacuteguiseacutes

172 pratiques

discriminatoires

cabinet de gyneacutecologie

ViH SrsquoabStenir

122 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des speacutecialiteacutes

Figure 3 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 4 ndash Reacutepartition des refus de soins (directs ou deacuteguiseacutes) et des discriminations de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

336 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

168 de pratiques discriminatoires

6 de refus de soins directs ou deacuteguiseacutes

172 de pratiques discriminatoires

Cabinets de gyneacutecologie

Cabinets dentaires

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Dans le cadre du projet de loi Santeacute AIDES a construit plusieurs amendements afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutealiteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits

Les reacutesultats de ce testing prouvent qursquoil existe une veacuteritable meacuteconnaissance du VIH et de ses modes de transmission aboutissant agrave des attitudes neacutegatives et discrimi-natoires Ces comportements trahissent les repreacutesentations des professionnel-le-s vis-agrave-vis de cette maladieinfection et sur le respect des fondements deacuteontologiques des professions du soin

13 PERSPECTIVES LA NEacuteCESSITEacute DE RENfORCER LrsquoARSENAL jURIDIqUE

Les constats de AIDES confirment la neacutecessiteacute drsquoaller plus loin contre les refus de soins que la seule disposition initialement envisageacutee dans le projet de loi Santeacute Actuelle-ment ce sont aux ordres professionnels des soignant-e-s de mesurer lrsquoimportance et la nature des pratiques de ces refus En conseacutequence plusieurs amendements ont eacuteteacute construits avec Meacutedecins du Monde (MdM) afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutea-liteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits Les amendements formulent cinq propo-sitions visant agrave

Eacutelargir la deacutefinition leacutegale des refus de soins agrave toute pratique discriminante ou strateacutegie de dissuasion menant in fine au renoncement aux soins des patient-e-s

Donner une base leacutegale au testing autour drsquoun cahier des charges preacutecis et y inclure les associations de malades

Impliquer lrsquoensemble des acteurs-trices de santeacute dans le pilotage de lrsquoObserva-toire deacutedieacute aux refus de soins preacutevu par le projet de loi Santeacute agrave commencer par les associations de malades mais aussi les ordres professionnels et les organismes drsquoassurance maladie

Ameacutenager la charge de la preuve de sorte que comme dans lrsquoensemble du droit de la non-discrimination ce soit au-agrave la professionnel-le de santeacute de prouver qursquoil nrsquoy a pas eu de traitement discriminatoire lorsqursquoune personne exprime des eacuteleacutements de fait laissant supposer lrsquoexistence drsquoune discrimination

Permettre aux patient-e-s drsquoecirctre accompagneacute-e-s etou repreacutesenteacute-e-s par des associations durant les recours en justice ou les proceacutedures de conciliation lors-qursquoils-elles sont confronteacute-e-s agrave des refus de soins

Ces amendements srsquoappuient sur divers rapports institutionnels et parlementaires ils srsquoinspirent aussi de lrsquoarticle initial sur les refus de soins de la loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (Loi HPST) preacutesenteacutee par Roselyne Bachelot alors ministre de la Santeacute en 2008 Ces propositions ont cependant eacuteteacute escamoteacutees au fil des lectures agrave lrsquoAssembleacutee nationale et au SeacutenatAinsi gracircce agrave ce testing agrave ses retombeacutees meacutediatiques et agrave la mobilisation des mili-tant-e-s de AIDES les lignes ont commenceacute agrave bouger Drsquoune part lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes a vivement reacuteagi et drsquoautre part un amendement agrave lrsquoarticle 19 du projet de loi Santeacute a eacuteteacute voteacute au Seacutenat proposant que lrsquoeacutevaluation de lrsquoexistence des refus de soins soit confieacutee au Deacutefenseur des droits Au moment de la reacutedaction de ce rapport la formulation finale de lrsquoattribution de cette eacutevaluation au Deacutefenseur des droits ou aux diffeacuterents Ordres nrsquoest pas connue

Concernant lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes un rapprochement avec AIDES srsquoest opeacutereacute rapidement afin drsquoeacutetudier les moyens agrave mettre en œuvre pour lutter effica-cement contre les refus de soins Degraves lrsquoannonce des reacutesultats lrsquoOrdre a immeacutediatement reacuteagi et condamneacute ce type de comportement laquo Nul ne peut faire lrsquoobjet de discrimina-tions dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins raquo rappelant que laquo les chirurgiens-den-tistes qui ne respectent pas ce principe fondamental leacutegal et deacuteontologique srsquoexposent agrave des poursuites tant devant les juridictions disciplinaires que peacutenales raquo

123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction de lrsquointerlocuteur-trice

Les refus de soins ou les pratiques discriminatoires sont plus souvent pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les que par les praticien-ne-s voire inexistants srsquoagissant des gyneacutecologuesDans les cabinets dentaires une majoriteacute de secreacutetaires meacutedicaux-les opposent des refus de soins directs aux PVVIH ils-elles sont 78 agrave opposer des refus indirects versus 22 des chirurgiens-dentistes Srsquoagissant de traitements diffeacuterentieacutes entre les PVVIH et leur binocircme supposeacute seacuteroneacutegatif 824 sont eacutemis par des secreacutetaires meacutedicaux-les versus 186 par des dentistesLes refus de soins ou discriminations sont majoritairement pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les Ce constat reacutevegravele soit un manque de formation et de connaissance du VIH qui aboutit agrave des mauvaises pratiques avec le ou la patiente soit lrsquoexistence de directives donneacutees par des praticien-ne-s quant agrave la prise en charge de certain-e-s patient-e-s dont les PVVIH En teacutemoignent les mises en attente majoritairement du fait des secreacutetaires meacutedicaux-les Il est probablement plus facile de donner des ins-tructions agrave son secreacutetariat que drsquoassumer individuellement la responsabiliteacute drsquoun refus

124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des villesMalgreacute des effectifs parfois limiteacutes de chirurgiens-dentistes et de gyneacutecologues par ville les reacutesultats de ce testing preacutesentent une dispariteacute des pheacutenomegravenes de refus de soins et de discriminations sur le territoire national Il nrsquoy a a priori pas de lien entre le lieu drsquoinstallation et lrsquoineacutegaliteacute des pratiques Lrsquoattitude neacutegative des professionnel-le-s agrave lrsquoencontre des PVVIH paraicirct davantage reposer sur des logiques individuelles que sur la deacutemographie meacutedicale ou lrsquoincidence locale du VIH Les reacutesultats du testing ne suggegraverent pas drsquoinfluence de lrsquoenvironnement sur les pratiques des professionnel-le-s On relegraveve que Bourg-en-Bresse Chacircteauroux et le seiziegraveme arrondissement de Paris trois lieux qui preacutesentent une deacutemographie meacutedicale quantitativement contras-teacutee se deacutetachent en matiegravere de proportion de refus de soins ou de pratiques discri-minatoires avec plus de 70 des chirurgiens-dentistes contacteacute-e-s concerneacute-e-s Agrave lrsquoinverse les speacutecialistes du treiziegraveme arrondissement de Marseille et de la ville de Pontoise nrsquoopposent aucun comportement discriminatoirePour les gyneacutecologues dont le nombre est insuffisant en France avec de veacuteritables ineacute-galiteacutes drsquoaccegraves sur le territoire 12 lrsquoeffet des villes semblent jouer un rocircle a minima Pour certaines villes dont la densiteacute meacutedicale pour cette speacutecialiteacute est tregraves faible un nombre limiteacute de professionnel-le-s a eacuteteacute contacteacute empecircchant toute conclusion Cependant il est important de noter que des PVVIH ont pu ecirctre confronteacutees agrave 100 de refus de rendez-vous dans certaines villes

125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave soulignerDe nombreux-ses praticien-ne-s et leur secreacutetariat meacutedical attribuent des rendez-vous aux PVVIH sans eacutevoquer aucun des motifs jugeacutes discriminatoires Pour pregraves de la moitieacute des cabinets dentaires (496 ) et plus de 4 cabinets de gyneacutecologie sur 5 (768 ) les pratiques de soins lrsquoaccueil et la communication sont en tout point conformes agrave la deacuteontologie meacutedicale (figures 5 et 6) Certains ont aussi fait preuve de bienveillance avec une approche globale de la prise en charge meacutedicale de la personne

126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutesLes logiques de preacutecaution occupent une place eacutevidente dans les arguments opposeacutes aux PVVIH au meacutepris de la loi de la deacuteontologie meacutedicale et des recommandations drsquohygiegravene De nos jours les refus de soins ou discriminations agrave leur eacutegard sont drsquoautant plus inacceptables que les mesures de preacutecaution standard ont eacuteteacute maintes fois rappe-leacutees par diverses instances publiques et scientifiques Ces mesures sont conccedilues pour preacutevenir le risque de transmission du VIH du ou de la patiente au personnel meacutedical et inversement et drsquoun ou drsquoune patiente agrave lrsquoautre Ceci est drsquoautant plus important qursquoen-viron un quart des PVVIH ignorent qursquoelles en sont atteintes et peuvent en toute bonne foi ne pas informer le ou la professionnel-le de santeacute de leur seacuterologie Les mesures de preacutecaution standard doivent ecirctre garanties systeacutematiquement dans tous les cabinets meacutedicaux et pour chaque patient-e quel que soit son eacutetat de santeacute

12 Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins Atlas de la deacutemographie meacutedicale en France situation au 1er janvier 2014

768

34 35PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 5 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 6 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

496

41 000 euroLe prix facial sur le marcheacute franccedilais du premier des traitements hautement actifs contre le VHC pour trois mois Sa combinaison avec drsquoautres meacutedicaments peut coucircter plus de 100766500 000 euro selon la dureacutee du traitement

12 VhC qUI SOIGNER

Crsquoest dans ce contexte que le principe drsquoune mise sous traitement seacutelective est acteacute par le ministegravere de la Santeacute Des critegraveres sont eacutetablis pour deacutefinir qui doit acceacuteder prioritai-rement aux nouveaux traitements innovants contre le VHC Ce choix et ses traductions opeacuterationnelles sont supposeacutes concilier le droit agrave la protection de la santeacute la santeacute publique et des populations mais aussi lrsquoeacutequilibre des finances publiques et la peacuteren-niteacute du systegraveme de protection sociale franccedilais Des recommandations drsquoexpert-e-s pour la mise sous traitement ont eacuteteacute fixeacutees courant 2014 mais finalement restreintes par un avis de la HAS ensuite en 2015 Ceci alors que la socieacuteteacute franccedilaise drsquoheacutepatologie a elle-mecircme confirmeacute en juin de la mecircme anneacutee les recommandations drsquoaccegraves eacutelargies de 2014

101048110104821010481 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexpertsDes recommandations ont drsquoabord eacuteteacute proposeacutees en mai 2014 dans un Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C dit rapport Dhumeaux Ce rapport a eacuteteacute commandeacute par la ministre de la Santeacute en janvier 2013 agrave lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) et lrsquoAssociation franccedilaise pour lrsquoeacutetude du foie (AFEF) De nombreux-ses praticien-ne-s universitaires et des repreacutesentant-e-s drsquoassociations drsquousager-e-s du systegraveme de santeacute sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux ont participeacute agrave son eacutelaboration Ainsi pour les personnes vivant avec une heacutepatite C les recommandations de mise sous trai-tement reposent notamment sur lrsquoavancement de la maladie crsquoest-agrave-dire les stades de fibrose supeacuterieurs ou eacutegaux agrave 2 13 qui indiquent lrsquoeacutetat drsquoavancement de lrsquoimpact du virus sur le foie Les experts ont par ailleurs distingueacute certaines populations pour lesquelles la mise sous traitement est preacuteconiseacutee quel que soit le stade de fibrose

Les patient-e-s ayant des manifestations extra-heacutepatiques seacutevegraveres Les patient-e-s en attente de transplantation heacutepatique ou reacutenale (pour tenter drsquoeacuteradiquer le virus avant la transplantation)

Au cas par cas les femmes ayant un deacutesir de grossesse Les personnes co-infecteacutees VIH-VHC Les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse Les personnes deacutetenues (avec lrsquoobjectif dans ces deux derniegraveres populations drsquoune reacuteduction du risque de transmission) 14

Si le rapport Dhumeaux propose une seacutelection des patient-e-s notamment au regard du prix il inscrit ces recommandations dans une perspective de ralentissement de lrsquoeacutepi-deacutemie et se distingue en ce sens de la HAS

101048110104821010482 Les recommandations restrictives de la hASLa HAS contribue laquo agrave la reacutegulation du systegraveme de santeacute raquo et a donc comme mission drsquolaquo assurer agrave tous les patients et usagers un accegraves peacuterenne et eacutequitable agrave des soins aussi efficaces sucircrs et efficients que possible raquo 15 Les recommandations eacutetablies par la HAS srsquoimposent aux professionnel-le-s meacutedicaux-cales Contrairement agrave la perspective du rapport Dhumeaux la HAS ne considegravere pas que laquo les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC [soient] reacuteunies raquo Elle en tire les conseacutequences et ne recommande qursquolaquo une strateacutegie de traitement des patients dans lrsquoobjectif drsquoune gueacute-rison virologique individuelle raquo avec des recommandations de stade de fibrose plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux Ainsi la HAS limite lrsquoaccegraves aux traitements innovants aux stades de fibrose du foie F2 seulement sous certaines conditions drsquoeacutevolution F3 et F4 ainsi qursquoagrave tous les stades pour certaines populations personnes co-infecteacutees VIH et VHC personnes atteintes de cryoglobulineacutemie mixte systeacutemique et symptomatique personnes atteintes de lym-phome B associeacute au VHC 16 La HAS eacutecarte en revanche des populations cibleacutees par le rapport drsquoexperts Dhumeaux notamment les usager-e-s de drogues et les personnes deacutetenues qui relegraveveraient drsquoune approche non speacutecifique et donc du cadre geacuteneacuteral La France est assez isoleacutee en Europe sur des recommandations de traitement et de non traitement arrecircteacutees sur les stades de fibrose

11 DES TRAITEMENTS INNOVANTS Agrave PRIX TREgraveS EacuteLEVEacuteS

Les limites eacuteconomiques agrave la prescription notamment sur la base de recommandations deacutefinies par la Haute autoriteacute de santeacute (HAS) sont notamment mises en lumiegravere par les prix des nouveaux traitements contre le VHC Aujourdrsquohui diffeacuterents traitements inno-vants contre le VHC les antiviraux agrave action directe sont sur le marcheacute Ils repreacutesentent des avanceacutees theacuterapeutiques majeures offrant un taux de gueacuterison virologique tregraves eacuteleveacute avec des dureacutees de traitements courtes et des effets indeacutesirables limiteacutes Si les associations investies dans le champ de la lutte contre les heacutepatites virales ndash Collectif Heacutepatites Virales (CHV) SOS heacutepatites TRT-5 Comegravede Meacutedecins du Monde (MdM) Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) AIDES ndash saluent lrsquoespoir drsquoune fin proche de lrsquoeacutepideacutemie de VHC elles se sont rapidement alarmeacutees sur le prix de ces nouveaux traitements Sur le marcheacute franccedilais le prix facial du premier de ces traitements hautement actifs contre le VHC (Sovaldisofosbuvir) a eacuteteacute fixeacute agrave 41 000 euro pour trois mois de traitement Ce traitement ne srsquoutilise jamais seul mais en association avec drsquoautres Certaines combinaisons peuvent coucircter plus de 100 000 euro selon la dureacutee (des traitements de six mois sont parfois neacutecessaires)Alors que la France meacutetropolitaine compte plus de 200 000 personnes vivant avec le VHC de tels prix constituent clairement un deacutefi pour les finances publiques et la peacuterenniteacute drsquoun systegraveme de santeacute solidaire En conseacutequence et pour la premiegravere fois en France ce prix participe agrave ce que lrsquoon peut consideacuterer comme un rationnement avec des mises sous traitement sur la base drsquoavis et de dispositions restrictifs

Meacutedicaments quels prix Le prix du meacutedicament nrsquoest pas libre il est fixeacute par convention entre le laboratoire lrsquoexploitant et le Comiteacute eacuteconomique des produits de santeacute (CEPS) sur la base de cri-tegraveres deacutefinis agrave lrsquoarticle L162-16-4 du Code de santeacute publique laquo La fixation de ce prix tient compte principalement de lrsquoameacutelioration du service meacutedical rendu (SMR) appor-teacutee par le meacutedicament le cas eacutecheacuteant des reacutesultats de lrsquoeacutevaluation meacutedico-eacutecono-mique des prix des meacutedicaments agrave mecircme viseacutee theacuterapeutique des volumes de vente preacutevus ou constateacutes ainsi que des conditions preacutevisibles et reacuteelles drsquoutilisation du meacutedi-cament raquo Agrave cela srsquoajoute aussi la coheacuterence avec les conditions de commercialisation preacutevues dans les grands Eacutetats europeacuteens Seul le prix facial est public crsquoest-agrave-dire le prix rembourseacute par lrsquoassurance maladie Le CEPS et les laboratoires peuvent neacutegocier des dispositifs de remises drsquoougrave un prix reacuteel diffeacuterent (voire tregraves diffeacuterent) de ce prix facial Les dispositifs de remises et le prix reacuteel nrsquoeacutetant pas publics les prescripteurs et usager-e-s nrsquoont connaissance que du prix facial

Le droit agrave la protection de la santeacute interdit toute forme de discriminations dans lrsquoaccegraves aux soins Cependant si les discriminations sont interdites lrsquouniversaliteacute de lrsquoaccegraves agrave certains soins et traitements nrsquoest pas pour autant garantie Crsquoest le cas des nouveaux traitements contre le virus de lrsquoheacutepatite C (VHC) dont le prix exorbitant a forceacute agrave deacutefinir des critegraveres de seacutelection des patient-e-s et agrave renoncer agrave lrsquoaccegraves universel

Bien que fondamental le droit agrave la protec-tion de la santeacute sans discrimination (voir page 25) peut connaicirctre certaines limites agrave son effectiviteacute en particulier sur le plan financier Il deacutepend en effet des choix opeacutereacutes au regard des deacutepenses publiques de lrsquoEacutetat et de la seacutecuriteacute sociale et notamment par rapport aux prix des meacutedicaments et des produits de santeacute Lrsquoarticle 8 du Code de deacuteontologie meacutedi-cale (R4127-8 du Code de santeacute publique) preacutecise que laquo Dans les limites fixeacutees par la loi le meacutedecin est libre de ses pres-criptions qui seront celles qursquoil estime les plus approprieacutees en la circonstance Il doit sans neacutegliger son devoir drsquoassistance morale limiter ses prescriptions et ses actes agrave ce qui est neacutecessaire agrave la qualiteacute agrave la seacutecuriteacute et agrave lrsquoefficaciteacute des soins Il doit tenir compte des avantages des incon-veacutenients et des conseacutequences des diffeacute-rentes investigations et theacuterapeutiques possibles raquo Si la liberteacute de prescription est ici recon-nue elle connaicirct donc certaines limites leacutegales dont celle imposeacutee par lrsquoarticle L162-2-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo Les meacutedecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions drsquoobserver dans le cadre de la leacutegislation et de la reacuteglementation en vigueur la plus stricte eacuteconomie compatible avec la qualiteacute la seacutecuriteacute et lrsquoefficaciteacute des soins raquo ce notamment sur la base des laquo recomman-dations ou avis meacutedico-eacuteconomiques de la Haute autoriteacute de santeacute raquo

13 Stades de fibrose F0 pas de fibrose F1 fibrose leacutegegravere F2 fibrose modeacutereacutee F3 fibrose seacutevegravere F4 cirrhose14 Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C 2014 p 25015 httpwwwhas-santefrportailjcmsfc_1249599frla-has16 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf

36 37

DROIT APPLICABLE

1  LE cAS dES TrAITEmENTS INNoVANTS 

coNTrE LrsquoHEacutePATITE c mdash

dIFFIcULTEacuteS drsquoAccEgraveS  AUx TrAITEmENTS

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

38 39

Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

59

40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

Rejoignez AIDES sur les reacuteseaux sociaux facebookcomaides assoAIDES

Page 19: AIDES Rapport Discrim

Dans le cadre du projet de loi Santeacute AIDES a construit plusieurs amendements afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutealiteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits

Les reacutesultats de ce testing prouvent qursquoil existe une veacuteritable meacuteconnaissance du VIH et de ses modes de transmission aboutissant agrave des attitudes neacutegatives et discrimi-natoires Ces comportements trahissent les repreacutesentations des professionnel-le-s vis-agrave-vis de cette maladieinfection et sur le respect des fondements deacuteontologiques des professions du soin

13 PERSPECTIVES LA NEacuteCESSITEacute DE RENfORCER LrsquoARSENAL jURIDIqUE

Les constats de AIDES confirment la neacutecessiteacute drsquoaller plus loin contre les refus de soins que la seule disposition initialement envisageacutee dans le projet de loi Santeacute Actuelle-ment ce sont aux ordres professionnels des soignant-e-s de mesurer lrsquoimportance et la nature des pratiques de ces refus En conseacutequence plusieurs amendements ont eacuteteacute construits avec Meacutedecins du Monde (MdM) afin de faire entrer dans la loi un ensemble de mesures qui permettrait de mieux qualifier les refus de soins drsquoen observer la reacutea-liteacute et lrsquoampleur de faire en sorte que les personnes qui en sont victimes puissent mieux se deacutefendre et faire valoir leurs droits Les amendements formulent cinq propo-sitions visant agrave

Eacutelargir la deacutefinition leacutegale des refus de soins agrave toute pratique discriminante ou strateacutegie de dissuasion menant in fine au renoncement aux soins des patient-e-s

Donner une base leacutegale au testing autour drsquoun cahier des charges preacutecis et y inclure les associations de malades

Impliquer lrsquoensemble des acteurs-trices de santeacute dans le pilotage de lrsquoObserva-toire deacutedieacute aux refus de soins preacutevu par le projet de loi Santeacute agrave commencer par les associations de malades mais aussi les ordres professionnels et les organismes drsquoassurance maladie

Ameacutenager la charge de la preuve de sorte que comme dans lrsquoensemble du droit de la non-discrimination ce soit au-agrave la professionnel-le de santeacute de prouver qursquoil nrsquoy a pas eu de traitement discriminatoire lorsqursquoune personne exprime des eacuteleacutements de fait laissant supposer lrsquoexistence drsquoune discrimination

Permettre aux patient-e-s drsquoecirctre accompagneacute-e-s etou repreacutesenteacute-e-s par des associations durant les recours en justice ou les proceacutedures de conciliation lors-qursquoils-elles sont confronteacute-e-s agrave des refus de soins

Ces amendements srsquoappuient sur divers rapports institutionnels et parlementaires ils srsquoinspirent aussi de lrsquoarticle initial sur les refus de soins de la loi portant reacuteforme de lrsquohocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires (Loi HPST) preacutesenteacutee par Roselyne Bachelot alors ministre de la Santeacute en 2008 Ces propositions ont cependant eacuteteacute escamoteacutees au fil des lectures agrave lrsquoAssembleacutee nationale et au SeacutenatAinsi gracircce agrave ce testing agrave ses retombeacutees meacutediatiques et agrave la mobilisation des mili-tant-e-s de AIDES les lignes ont commenceacute agrave bouger Drsquoune part lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes a vivement reacuteagi et drsquoautre part un amendement agrave lrsquoarticle 19 du projet de loi Santeacute a eacuteteacute voteacute au Seacutenat proposant que lrsquoeacutevaluation de lrsquoexistence des refus de soins soit confieacutee au Deacutefenseur des droits Au moment de la reacutedaction de ce rapport la formulation finale de lrsquoattribution de cette eacutevaluation au Deacutefenseur des droits ou aux diffeacuterents Ordres nrsquoest pas connue

Concernant lrsquoOrdre national des chirurgiens-dentistes un rapprochement avec AIDES srsquoest opeacutereacute rapidement afin drsquoeacutetudier les moyens agrave mettre en œuvre pour lutter effica-cement contre les refus de soins Degraves lrsquoannonce des reacutesultats lrsquoOrdre a immeacutediatement reacuteagi et condamneacute ce type de comportement laquo Nul ne peut faire lrsquoobjet de discrimina-tions dans lrsquoaccegraves agrave la preacutevention et aux soins raquo rappelant que laquo les chirurgiens-den-tistes qui ne respectent pas ce principe fondamental leacutegal et deacuteontologique srsquoexposent agrave des poursuites tant devant les juridictions disciplinaires que peacutenales raquo

123 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction de lrsquointerlocuteur-trice

Les refus de soins ou les pratiques discriminatoires sont plus souvent pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les que par les praticien-ne-s voire inexistants srsquoagissant des gyneacutecologuesDans les cabinets dentaires une majoriteacute de secreacutetaires meacutedicaux-les opposent des refus de soins directs aux PVVIH ils-elles sont 78 agrave opposer des refus indirects versus 22 des chirurgiens-dentistes Srsquoagissant de traitements diffeacuterentieacutes entre les PVVIH et leur binocircme supposeacute seacuteroneacutegatif 824 sont eacutemis par des secreacutetaires meacutedicaux-les versus 186 par des dentistesLes refus de soins ou discriminations sont majoritairement pratiqueacutes par les secreacutetaires meacutedicaux-les Ce constat reacutevegravele soit un manque de formation et de connaissance du VIH qui aboutit agrave des mauvaises pratiques avec le ou la patiente soit lrsquoexistence de directives donneacutees par des praticien-ne-s quant agrave la prise en charge de certain-e-s patient-e-s dont les PVVIH En teacutemoignent les mises en attente majoritairement du fait des secreacutetaires meacutedicaux-les Il est probablement plus facile de donner des ins-tructions agrave son secreacutetariat que drsquoassumer individuellement la responsabiliteacute drsquoun refus

124 Reacutepartition des refus de soins et des discriminations en fonction des villesMalgreacute des effectifs parfois limiteacutes de chirurgiens-dentistes et de gyneacutecologues par ville les reacutesultats de ce testing preacutesentent une dispariteacute des pheacutenomegravenes de refus de soins et de discriminations sur le territoire national Il nrsquoy a a priori pas de lien entre le lieu drsquoinstallation et lrsquoineacutegaliteacute des pratiques Lrsquoattitude neacutegative des professionnel-le-s agrave lrsquoencontre des PVVIH paraicirct davantage reposer sur des logiques individuelles que sur la deacutemographie meacutedicale ou lrsquoincidence locale du VIH Les reacutesultats du testing ne suggegraverent pas drsquoinfluence de lrsquoenvironnement sur les pratiques des professionnel-le-s On relegraveve que Bourg-en-Bresse Chacircteauroux et le seiziegraveme arrondissement de Paris trois lieux qui preacutesentent une deacutemographie meacutedicale quantitativement contras-teacutee se deacutetachent en matiegravere de proportion de refus de soins ou de pratiques discri-minatoires avec plus de 70 des chirurgiens-dentistes contacteacute-e-s concerneacute-e-s Agrave lrsquoinverse les speacutecialistes du treiziegraveme arrondissement de Marseille et de la ville de Pontoise nrsquoopposent aucun comportement discriminatoirePour les gyneacutecologues dont le nombre est insuffisant en France avec de veacuteritables ineacute-galiteacutes drsquoaccegraves sur le territoire 12 lrsquoeffet des villes semblent jouer un rocircle a minima Pour certaines villes dont la densiteacute meacutedicale pour cette speacutecialiteacute est tregraves faible un nombre limiteacute de professionnel-le-s a eacuteteacute contacteacute empecircchant toute conclusion Cependant il est important de noter que des PVVIH ont pu ecirctre confronteacutees agrave 100 de refus de rendez-vous dans certaines villes

125 Des laquo bonnes pratiques raquo agrave soulignerDe nombreux-ses praticien-ne-s et leur secreacutetariat meacutedical attribuent des rendez-vous aux PVVIH sans eacutevoquer aucun des motifs jugeacutes discriminatoires Pour pregraves de la moitieacute des cabinets dentaires (496 ) et plus de 4 cabinets de gyneacutecologie sur 5 (768 ) les pratiques de soins lrsquoaccueil et la communication sont en tout point conformes agrave la deacuteontologie meacutedicale (figures 5 et 6) Certains ont aussi fait preuve de bienveillance avec une approche globale de la prise en charge meacutedicale de la personne

126 Des regravegles drsquohygiegravene pour tous et toutesLes logiques de preacutecaution occupent une place eacutevidente dans les arguments opposeacutes aux PVVIH au meacutepris de la loi de la deacuteontologie meacutedicale et des recommandations drsquohygiegravene De nos jours les refus de soins ou discriminations agrave leur eacutegard sont drsquoautant plus inacceptables que les mesures de preacutecaution standard ont eacuteteacute maintes fois rappe-leacutees par diverses instances publiques et scientifiques Ces mesures sont conccedilues pour preacutevenir le risque de transmission du VIH du ou de la patiente au personnel meacutedical et inversement et drsquoun ou drsquoune patiente agrave lrsquoautre Ceci est drsquoautant plus important qursquoen-viron un quart des PVVIH ignorent qursquoelles en sont atteintes et peuvent en toute bonne foi ne pas informer le ou la professionnel-le de santeacute de leur seacuterologie Les mesures de preacutecaution standard doivent ecirctre garanties systeacutematiquement dans tous les cabinets meacutedicaux et pour chaque patient-e quel que soit son eacutetat de santeacute

12 Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins Atlas de la deacutemographie meacutedicale en France situation au 1er janvier 2014

768

34 35PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT REfUS DE SOINS

Figure 5 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets dentaires (N=440)

Figure 6 ndash Pourcentage des bonnes pratiques de la part des cabinets de gyneacutecologie (N=116)

496

41 000 euroLe prix facial sur le marcheacute franccedilais du premier des traitements hautement actifs contre le VHC pour trois mois Sa combinaison avec drsquoautres meacutedicaments peut coucircter plus de 100766500 000 euro selon la dureacutee du traitement

12 VhC qUI SOIGNER

Crsquoest dans ce contexte que le principe drsquoune mise sous traitement seacutelective est acteacute par le ministegravere de la Santeacute Des critegraveres sont eacutetablis pour deacutefinir qui doit acceacuteder prioritai-rement aux nouveaux traitements innovants contre le VHC Ce choix et ses traductions opeacuterationnelles sont supposeacutes concilier le droit agrave la protection de la santeacute la santeacute publique et des populations mais aussi lrsquoeacutequilibre des finances publiques et la peacuteren-niteacute du systegraveme de protection sociale franccedilais Des recommandations drsquoexpert-e-s pour la mise sous traitement ont eacuteteacute fixeacutees courant 2014 mais finalement restreintes par un avis de la HAS ensuite en 2015 Ceci alors que la socieacuteteacute franccedilaise drsquoheacutepatologie a elle-mecircme confirmeacute en juin de la mecircme anneacutee les recommandations drsquoaccegraves eacutelargies de 2014

101048110104821010481 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexpertsDes recommandations ont drsquoabord eacuteteacute proposeacutees en mai 2014 dans un Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C dit rapport Dhumeaux Ce rapport a eacuteteacute commandeacute par la ministre de la Santeacute en janvier 2013 agrave lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) et lrsquoAssociation franccedilaise pour lrsquoeacutetude du foie (AFEF) De nombreux-ses praticien-ne-s universitaires et des repreacutesentant-e-s drsquoassociations drsquousager-e-s du systegraveme de santeacute sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux ont participeacute agrave son eacutelaboration Ainsi pour les personnes vivant avec une heacutepatite C les recommandations de mise sous trai-tement reposent notamment sur lrsquoavancement de la maladie crsquoest-agrave-dire les stades de fibrose supeacuterieurs ou eacutegaux agrave 2 13 qui indiquent lrsquoeacutetat drsquoavancement de lrsquoimpact du virus sur le foie Les experts ont par ailleurs distingueacute certaines populations pour lesquelles la mise sous traitement est preacuteconiseacutee quel que soit le stade de fibrose

Les patient-e-s ayant des manifestations extra-heacutepatiques seacutevegraveres Les patient-e-s en attente de transplantation heacutepatique ou reacutenale (pour tenter drsquoeacuteradiquer le virus avant la transplantation)

Au cas par cas les femmes ayant un deacutesir de grossesse Les personnes co-infecteacutees VIH-VHC Les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse Les personnes deacutetenues (avec lrsquoobjectif dans ces deux derniegraveres populations drsquoune reacuteduction du risque de transmission) 14

Si le rapport Dhumeaux propose une seacutelection des patient-e-s notamment au regard du prix il inscrit ces recommandations dans une perspective de ralentissement de lrsquoeacutepi-deacutemie et se distingue en ce sens de la HAS

101048110104821010482 Les recommandations restrictives de la hASLa HAS contribue laquo agrave la reacutegulation du systegraveme de santeacute raquo et a donc comme mission drsquolaquo assurer agrave tous les patients et usagers un accegraves peacuterenne et eacutequitable agrave des soins aussi efficaces sucircrs et efficients que possible raquo 15 Les recommandations eacutetablies par la HAS srsquoimposent aux professionnel-le-s meacutedicaux-cales Contrairement agrave la perspective du rapport Dhumeaux la HAS ne considegravere pas que laquo les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC [soient] reacuteunies raquo Elle en tire les conseacutequences et ne recommande qursquolaquo une strateacutegie de traitement des patients dans lrsquoobjectif drsquoune gueacute-rison virologique individuelle raquo avec des recommandations de stade de fibrose plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux Ainsi la HAS limite lrsquoaccegraves aux traitements innovants aux stades de fibrose du foie F2 seulement sous certaines conditions drsquoeacutevolution F3 et F4 ainsi qursquoagrave tous les stades pour certaines populations personnes co-infecteacutees VIH et VHC personnes atteintes de cryoglobulineacutemie mixte systeacutemique et symptomatique personnes atteintes de lym-phome B associeacute au VHC 16 La HAS eacutecarte en revanche des populations cibleacutees par le rapport drsquoexperts Dhumeaux notamment les usager-e-s de drogues et les personnes deacutetenues qui relegraveveraient drsquoune approche non speacutecifique et donc du cadre geacuteneacuteral La France est assez isoleacutee en Europe sur des recommandations de traitement et de non traitement arrecircteacutees sur les stades de fibrose

11 DES TRAITEMENTS INNOVANTS Agrave PRIX TREgraveS EacuteLEVEacuteS

Les limites eacuteconomiques agrave la prescription notamment sur la base de recommandations deacutefinies par la Haute autoriteacute de santeacute (HAS) sont notamment mises en lumiegravere par les prix des nouveaux traitements contre le VHC Aujourdrsquohui diffeacuterents traitements inno-vants contre le VHC les antiviraux agrave action directe sont sur le marcheacute Ils repreacutesentent des avanceacutees theacuterapeutiques majeures offrant un taux de gueacuterison virologique tregraves eacuteleveacute avec des dureacutees de traitements courtes et des effets indeacutesirables limiteacutes Si les associations investies dans le champ de la lutte contre les heacutepatites virales ndash Collectif Heacutepatites Virales (CHV) SOS heacutepatites TRT-5 Comegravede Meacutedecins du Monde (MdM) Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) AIDES ndash saluent lrsquoespoir drsquoune fin proche de lrsquoeacutepideacutemie de VHC elles se sont rapidement alarmeacutees sur le prix de ces nouveaux traitements Sur le marcheacute franccedilais le prix facial du premier de ces traitements hautement actifs contre le VHC (Sovaldisofosbuvir) a eacuteteacute fixeacute agrave 41 000 euro pour trois mois de traitement Ce traitement ne srsquoutilise jamais seul mais en association avec drsquoautres Certaines combinaisons peuvent coucircter plus de 100 000 euro selon la dureacutee (des traitements de six mois sont parfois neacutecessaires)Alors que la France meacutetropolitaine compte plus de 200 000 personnes vivant avec le VHC de tels prix constituent clairement un deacutefi pour les finances publiques et la peacuterenniteacute drsquoun systegraveme de santeacute solidaire En conseacutequence et pour la premiegravere fois en France ce prix participe agrave ce que lrsquoon peut consideacuterer comme un rationnement avec des mises sous traitement sur la base drsquoavis et de dispositions restrictifs

Meacutedicaments quels prix Le prix du meacutedicament nrsquoest pas libre il est fixeacute par convention entre le laboratoire lrsquoexploitant et le Comiteacute eacuteconomique des produits de santeacute (CEPS) sur la base de cri-tegraveres deacutefinis agrave lrsquoarticle L162-16-4 du Code de santeacute publique laquo La fixation de ce prix tient compte principalement de lrsquoameacutelioration du service meacutedical rendu (SMR) appor-teacutee par le meacutedicament le cas eacutecheacuteant des reacutesultats de lrsquoeacutevaluation meacutedico-eacutecono-mique des prix des meacutedicaments agrave mecircme viseacutee theacuterapeutique des volumes de vente preacutevus ou constateacutes ainsi que des conditions preacutevisibles et reacuteelles drsquoutilisation du meacutedi-cament raquo Agrave cela srsquoajoute aussi la coheacuterence avec les conditions de commercialisation preacutevues dans les grands Eacutetats europeacuteens Seul le prix facial est public crsquoest-agrave-dire le prix rembourseacute par lrsquoassurance maladie Le CEPS et les laboratoires peuvent neacutegocier des dispositifs de remises drsquoougrave un prix reacuteel diffeacuterent (voire tregraves diffeacuterent) de ce prix facial Les dispositifs de remises et le prix reacuteel nrsquoeacutetant pas publics les prescripteurs et usager-e-s nrsquoont connaissance que du prix facial

Le droit agrave la protection de la santeacute interdit toute forme de discriminations dans lrsquoaccegraves aux soins Cependant si les discriminations sont interdites lrsquouniversaliteacute de lrsquoaccegraves agrave certains soins et traitements nrsquoest pas pour autant garantie Crsquoest le cas des nouveaux traitements contre le virus de lrsquoheacutepatite C (VHC) dont le prix exorbitant a forceacute agrave deacutefinir des critegraveres de seacutelection des patient-e-s et agrave renoncer agrave lrsquoaccegraves universel

Bien que fondamental le droit agrave la protec-tion de la santeacute sans discrimination (voir page 25) peut connaicirctre certaines limites agrave son effectiviteacute en particulier sur le plan financier Il deacutepend en effet des choix opeacutereacutes au regard des deacutepenses publiques de lrsquoEacutetat et de la seacutecuriteacute sociale et notamment par rapport aux prix des meacutedicaments et des produits de santeacute Lrsquoarticle 8 du Code de deacuteontologie meacutedi-cale (R4127-8 du Code de santeacute publique) preacutecise que laquo Dans les limites fixeacutees par la loi le meacutedecin est libre de ses pres-criptions qui seront celles qursquoil estime les plus approprieacutees en la circonstance Il doit sans neacutegliger son devoir drsquoassistance morale limiter ses prescriptions et ses actes agrave ce qui est neacutecessaire agrave la qualiteacute agrave la seacutecuriteacute et agrave lrsquoefficaciteacute des soins Il doit tenir compte des avantages des incon-veacutenients et des conseacutequences des diffeacute-rentes investigations et theacuterapeutiques possibles raquo Si la liberteacute de prescription est ici recon-nue elle connaicirct donc certaines limites leacutegales dont celle imposeacutee par lrsquoarticle L162-2-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo Les meacutedecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions drsquoobserver dans le cadre de la leacutegislation et de la reacuteglementation en vigueur la plus stricte eacuteconomie compatible avec la qualiteacute la seacutecuriteacute et lrsquoefficaciteacute des soins raquo ce notamment sur la base des laquo recomman-dations ou avis meacutedico-eacuteconomiques de la Haute autoriteacute de santeacute raquo

13 Stades de fibrose F0 pas de fibrose F1 fibrose leacutegegravere F2 fibrose modeacutereacutee F3 fibrose seacutevegravere F4 cirrhose14 Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C 2014 p 25015 httpwwwhas-santefrportailjcmsfc_1249599frla-has16 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf

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DROIT APPLICABLE

1  LE cAS dES TrAITEmENTS INNoVANTS 

coNTrE LrsquoHEacutePATITE c mdash

dIFFIcULTEacuteS drsquoAccEgraveS  AUx TrAITEmENTS

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

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Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

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40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

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Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 20: AIDES Rapport Discrim

41 000 euroLe prix facial sur le marcheacute franccedilais du premier des traitements hautement actifs contre le VHC pour trois mois Sa combinaison avec drsquoautres meacutedicaments peut coucircter plus de 100766500 000 euro selon la dureacutee du traitement

12 VhC qUI SOIGNER

Crsquoest dans ce contexte que le principe drsquoune mise sous traitement seacutelective est acteacute par le ministegravere de la Santeacute Des critegraveres sont eacutetablis pour deacutefinir qui doit acceacuteder prioritai-rement aux nouveaux traitements innovants contre le VHC Ce choix et ses traductions opeacuterationnelles sont supposeacutes concilier le droit agrave la protection de la santeacute la santeacute publique et des populations mais aussi lrsquoeacutequilibre des finances publiques et la peacuteren-niteacute du systegraveme de protection sociale franccedilais Des recommandations drsquoexpert-e-s pour la mise sous traitement ont eacuteteacute fixeacutees courant 2014 mais finalement restreintes par un avis de la HAS ensuite en 2015 Ceci alors que la socieacuteteacute franccedilaise drsquoheacutepatologie a elle-mecircme confirmeacute en juin de la mecircme anneacutee les recommandations drsquoaccegraves eacutelargies de 2014

101048110104821010481 Les recommandations issues drsquoun consensus drsquoexpertsDes recommandations ont drsquoabord eacuteteacute proposeacutees en mai 2014 dans un Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C dit rapport Dhumeaux Ce rapport a eacuteteacute commandeacute par la ministre de la Santeacute en janvier 2013 agrave lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) et lrsquoAssociation franccedilaise pour lrsquoeacutetude du foie (AFEF) De nombreux-ses praticien-ne-s universitaires et des repreacutesentant-e-s drsquoassociations drsquousager-e-s du systegraveme de santeacute sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux ont participeacute agrave son eacutelaboration Ainsi pour les personnes vivant avec une heacutepatite C les recommandations de mise sous trai-tement reposent notamment sur lrsquoavancement de la maladie crsquoest-agrave-dire les stades de fibrose supeacuterieurs ou eacutegaux agrave 2 13 qui indiquent lrsquoeacutetat drsquoavancement de lrsquoimpact du virus sur le foie Les experts ont par ailleurs distingueacute certaines populations pour lesquelles la mise sous traitement est preacuteconiseacutee quel que soit le stade de fibrose

Les patient-e-s ayant des manifestations extra-heacutepatiques seacutevegraveres Les patient-e-s en attente de transplantation heacutepatique ou reacutenale (pour tenter drsquoeacuteradiquer le virus avant la transplantation)

Au cas par cas les femmes ayant un deacutesir de grossesse Les personnes co-infecteacutees VIH-VHC Les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse Les personnes deacutetenues (avec lrsquoobjectif dans ces deux derniegraveres populations drsquoune reacuteduction du risque de transmission) 14

Si le rapport Dhumeaux propose une seacutelection des patient-e-s notamment au regard du prix il inscrit ces recommandations dans une perspective de ralentissement de lrsquoeacutepi-deacutemie et se distingue en ce sens de la HAS

101048110104821010482 Les recommandations restrictives de la hASLa HAS contribue laquo agrave la reacutegulation du systegraveme de santeacute raquo et a donc comme mission drsquolaquo assurer agrave tous les patients et usagers un accegraves peacuterenne et eacutequitable agrave des soins aussi efficaces sucircrs et efficients que possible raquo 15 Les recommandations eacutetablies par la HAS srsquoimposent aux professionnel-le-s meacutedicaux-cales Contrairement agrave la perspective du rapport Dhumeaux la HAS ne considegravere pas que laquo les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC [soient] reacuteunies raquo Elle en tire les conseacutequences et ne recommande qursquolaquo une strateacutegie de traitement des patients dans lrsquoobjectif drsquoune gueacute-rison virologique individuelle raquo avec des recommandations de stade de fibrose plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux Ainsi la HAS limite lrsquoaccegraves aux traitements innovants aux stades de fibrose du foie F2 seulement sous certaines conditions drsquoeacutevolution F3 et F4 ainsi qursquoagrave tous les stades pour certaines populations personnes co-infecteacutees VIH et VHC personnes atteintes de cryoglobulineacutemie mixte systeacutemique et symptomatique personnes atteintes de lym-phome B associeacute au VHC 16 La HAS eacutecarte en revanche des populations cibleacutees par le rapport drsquoexperts Dhumeaux notamment les usager-e-s de drogues et les personnes deacutetenues qui relegraveveraient drsquoune approche non speacutecifique et donc du cadre geacuteneacuteral La France est assez isoleacutee en Europe sur des recommandations de traitement et de non traitement arrecircteacutees sur les stades de fibrose

11 DES TRAITEMENTS INNOVANTS Agrave PRIX TREgraveS EacuteLEVEacuteS

Les limites eacuteconomiques agrave la prescription notamment sur la base de recommandations deacutefinies par la Haute autoriteacute de santeacute (HAS) sont notamment mises en lumiegravere par les prix des nouveaux traitements contre le VHC Aujourdrsquohui diffeacuterents traitements inno-vants contre le VHC les antiviraux agrave action directe sont sur le marcheacute Ils repreacutesentent des avanceacutees theacuterapeutiques majeures offrant un taux de gueacuterison virologique tregraves eacuteleveacute avec des dureacutees de traitements courtes et des effets indeacutesirables limiteacutes Si les associations investies dans le champ de la lutte contre les heacutepatites virales ndash Collectif Heacutepatites Virales (CHV) SOS heacutepatites TRT-5 Comegravede Meacutedecins du Monde (MdM) Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) AIDES ndash saluent lrsquoespoir drsquoune fin proche de lrsquoeacutepideacutemie de VHC elles se sont rapidement alarmeacutees sur le prix de ces nouveaux traitements Sur le marcheacute franccedilais le prix facial du premier de ces traitements hautement actifs contre le VHC (Sovaldisofosbuvir) a eacuteteacute fixeacute agrave 41 000 euro pour trois mois de traitement Ce traitement ne srsquoutilise jamais seul mais en association avec drsquoautres Certaines combinaisons peuvent coucircter plus de 100 000 euro selon la dureacutee (des traitements de six mois sont parfois neacutecessaires)Alors que la France meacutetropolitaine compte plus de 200 000 personnes vivant avec le VHC de tels prix constituent clairement un deacutefi pour les finances publiques et la peacuterenniteacute drsquoun systegraveme de santeacute solidaire En conseacutequence et pour la premiegravere fois en France ce prix participe agrave ce que lrsquoon peut consideacuterer comme un rationnement avec des mises sous traitement sur la base drsquoavis et de dispositions restrictifs

Meacutedicaments quels prix Le prix du meacutedicament nrsquoest pas libre il est fixeacute par convention entre le laboratoire lrsquoexploitant et le Comiteacute eacuteconomique des produits de santeacute (CEPS) sur la base de cri-tegraveres deacutefinis agrave lrsquoarticle L162-16-4 du Code de santeacute publique laquo La fixation de ce prix tient compte principalement de lrsquoameacutelioration du service meacutedical rendu (SMR) appor-teacutee par le meacutedicament le cas eacutecheacuteant des reacutesultats de lrsquoeacutevaluation meacutedico-eacutecono-mique des prix des meacutedicaments agrave mecircme viseacutee theacuterapeutique des volumes de vente preacutevus ou constateacutes ainsi que des conditions preacutevisibles et reacuteelles drsquoutilisation du meacutedi-cament raquo Agrave cela srsquoajoute aussi la coheacuterence avec les conditions de commercialisation preacutevues dans les grands Eacutetats europeacuteens Seul le prix facial est public crsquoest-agrave-dire le prix rembourseacute par lrsquoassurance maladie Le CEPS et les laboratoires peuvent neacutegocier des dispositifs de remises drsquoougrave un prix reacuteel diffeacuterent (voire tregraves diffeacuterent) de ce prix facial Les dispositifs de remises et le prix reacuteel nrsquoeacutetant pas publics les prescripteurs et usager-e-s nrsquoont connaissance que du prix facial

Le droit agrave la protection de la santeacute interdit toute forme de discriminations dans lrsquoaccegraves aux soins Cependant si les discriminations sont interdites lrsquouniversaliteacute de lrsquoaccegraves agrave certains soins et traitements nrsquoest pas pour autant garantie Crsquoest le cas des nouveaux traitements contre le virus de lrsquoheacutepatite C (VHC) dont le prix exorbitant a forceacute agrave deacutefinir des critegraveres de seacutelection des patient-e-s et agrave renoncer agrave lrsquoaccegraves universel

Bien que fondamental le droit agrave la protec-tion de la santeacute sans discrimination (voir page 25) peut connaicirctre certaines limites agrave son effectiviteacute en particulier sur le plan financier Il deacutepend en effet des choix opeacutereacutes au regard des deacutepenses publiques de lrsquoEacutetat et de la seacutecuriteacute sociale et notamment par rapport aux prix des meacutedicaments et des produits de santeacute Lrsquoarticle 8 du Code de deacuteontologie meacutedi-cale (R4127-8 du Code de santeacute publique) preacutecise que laquo Dans les limites fixeacutees par la loi le meacutedecin est libre de ses pres-criptions qui seront celles qursquoil estime les plus approprieacutees en la circonstance Il doit sans neacutegliger son devoir drsquoassistance morale limiter ses prescriptions et ses actes agrave ce qui est neacutecessaire agrave la qualiteacute agrave la seacutecuriteacute et agrave lrsquoefficaciteacute des soins Il doit tenir compte des avantages des incon-veacutenients et des conseacutequences des diffeacute-rentes investigations et theacuterapeutiques possibles raquo Si la liberteacute de prescription est ici recon-nue elle connaicirct donc certaines limites leacutegales dont celle imposeacutee par lrsquoarticle L162-2-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo Les meacutedecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions drsquoobserver dans le cadre de la leacutegislation et de la reacuteglementation en vigueur la plus stricte eacuteconomie compatible avec la qualiteacute la seacutecuriteacute et lrsquoefficaciteacute des soins raquo ce notamment sur la base des laquo recomman-dations ou avis meacutedico-eacuteconomiques de la Haute autoriteacute de santeacute raquo

13 Stades de fibrose F0 pas de fibrose F1 fibrose leacutegegravere F2 fibrose modeacutereacutee F3 fibrose seacutevegravere F4 cirrhose14 Rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infecteacutees par les virus de lrsquoheacutepatite B ou de lrsquoheacutepatite C 2014 p 25015 httpwwwhas-santefrportailjcmsfc_1249599frla-has16 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf

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DROIT APPLICABLE

1  LE cAS dES TrAITEmENTS INNoVANTS 

coNTrE LrsquoHEacutePATITE c mdash

dIFFIcULTEacuteS drsquoAccEgraveS  AUx TrAITEmENTS

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

38 39

Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

59

40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 21: AIDES Rapport Discrim

laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes (hellip) Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo Extrait de lrsquoavis de la HAS

Ainsi srsquoil nrsquoy a pas de modeacutelisation indiquant que lrsquoaccegraves aux traitements antireacutetrovi-raux agrave action directe permettrait drsquoaller vers la fin de lrsquoeacutepideacutemie de VHC des recomman-dations incluant ces deux populations pourraient tregraves concregravetement permettre drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie et de reacutepondre au moins partiellement agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute

101048110104821010484 Le prix comme barriegravere symbolique dans les pratiques meacutedicalesLe prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles Il creacutee aussi des barriegraveres symboliques pour les prescripteur-trice-s susceptibles de renoncer ou de reporter la mise sous traitement de personnes qui y seraient eacuteligibles en contradiction directe avec leur droit agrave la santeacute Diffeacuterentes associations investies dans le champ de lrsquoaccegraves agrave la santeacute notamment aupregraves des personnes confronteacutees agrave des ineacutegaliteacutes de santeacute (migrant-e-s usager-e-s de drogues trans hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes etc) recensent ponctuellement des situations ougrave la prescription des traitements ne srsquoest pas faite alors que les inteacuteresseacute-e-s remplissent les critegraveres meacutedicaux drsquoeacuteligibiliteacute Cela concerne notamment des personnes migrantes en situation preacutecaire avec des stades de fibrose avanceacutes Au moment de lrsquoeacutecriture de ce rapport un Observatoire inter-associatif se met en place afin drsquoidentifier clairement les situations et de disposer de donneacutees objectives sur les personnes exclues leur profil les motivations avanceacutees

21 LES ENjEUX EN CAUSE

Le prix du meacutedicament et lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes constituent des enjeux qui existent depuis plusieurs anneacutees dans la lutte contre le VIHsida et notamment au Sud Crsquoest la premiegravere fois que cette probleacutematique se pose veacuteritablement dans les pays du Nord et avec une telle ampleur Si des prix aussi eacuteleveacutes voire plus encore ont deacutejagrave eacuteteacute fixeacutes pour des traitements par le passeacute il srsquoagissait essentiellement de meacutedicaments de niche concernant des maladies rares affectant un nombre tregraves restreint de personnes et repreacutesentant donc des investissements eacuteconomiques faibles Aux Eacutetats-Unis le coucirct du traitement contre le VHC atteint 94 500 $ pour les patient-e-s les plus typiques traiteacute-e-s pendant 12 semaines Jamais auparavant des meacutedicaments ont afficheacute des prix si eacuteleveacutes pour traiter une population aussi importante (tableau 1)

Avec les nouveaux traitements contre le VHC crsquoest un nombre tregraves important de per-sonnes qui se trouvent concerneacutees et crsquoest un tout nouveau deacutefi pour la peacuterenniteacute de notre systegraveme de santeacute solidaire De tels prix pour plusieurs meacutedicaments avec plu-sieurs combinaisons ne peuvent induire que des laquo renoncements raquo des politiques de rationnement qui se retourneront notamment (et crsquoest deacutejagrave le cas sur le VHC) contre les personnes sujettes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute Pour mettre fin aux eacutepideacutemies de VIHsida et drsquoheacutepatites virales de faccedilon geacuteneacuterale AIDES est attacheacutee agrave un systegraveme de santeacute solidaire Lrsquoaccegraves agrave la santeacute pour tous et toutes est une condition neacutecessaire mais pas suffisante pour en finir avec ces eacutepideacute-mies Crsquoest pourquoi lrsquoassociation srsquoest mobiliseacutee pour proposer des reacuteponses adapteacutees aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments Cette mobilisation srsquoarticule avec drsquoautres approches certaines visant la proprieacuteteacute intellectuelle agrave lrsquoimage du recours juridique que MdM a deacuteposeacute en opposition au brevet sur le Sofosbuvir en Europe 20

La HAS conclut cependant son avis par une alerte quant aux prix par rapport agrave la sou-tenabiliteacute financiegravere par la solidariteacute nationale et agrave la peacuterenniteacute du systegraveme de santeacute laquo Le Collegravege de la HAS est fortement preacuteoccupeacute par lrsquoimpact que pourraient avoir de tels prix a fortiori pour des produits dont on a actuellement la certitude qursquoils srsquoassocieront dans des combinaisons theacuterapeutiques se partageant ainsi le meacuterite de lrsquoefficaciteacute alors que les populations cibles sont importantes La deacutetermination de lrsquoefficience des produits par la preacutesentation drsquoun ratio diffeacuterentiel coucirct-reacutesultat jugeacute raisonnable doit ecirctre une condition neacutecessaire agrave leur inscription sur la liste des meacutedicaments pris en charge par la solidariteacute nationale Cette eacutevaluation nrsquoest cependant pas la condition suffisante agrave lrsquoacceptation drsquoun prix sans avoir consideacutereacute la recevabiliteacute des autres deacuteter-minants Ces deacuteterminants sont les arguments justifiant le prix revendiqueacute et lrsquoimpact de la mise en œuvre du traitement sur lrsquoeacutequilibre de lrsquoensemble de la prise en charge des produits de santeacute y compris les neacutecessaires renoncements que ce prix pourrait induire dans drsquoautres champs Lrsquoobjectif de preacuteservation drsquoun systegraveme de santeacute solidaire et eacutequitable impose une extrecircme vigilance et une approche reacutesolument critique vis-agrave-vis des argumentaires de revendication de prix raquo 17

101048110104821010483 Rationnement et exclusion les justifications discutables avanceacutees par la hASLa HAS laquo considegravere que les conditions drsquoune strateacutegie drsquoeacuteradication collective du VHC ne sont pas reacuteunies raquo laquo Cet objectif devrait ecirctre envisageacute raquo selon la HAS laquo seulement dans une strateacutegie globale de santeacute publique qui neacutecessiterait drsquoassurer le deacutepistage de tous les patients un accegraves faciliteacute au traitement pour tous les malades et lrsquoabsence de reacuteinfection entre malades et drsquoenvisager une modification des infrastructures de prise en charge des patients raquo Elle ne ferme pas deacutefinitivement le sujet pour autant en proposant drsquoeacutevaluer agrave terme lrsquointeacuterecirct et la faisabiliteacute drsquoune telle strateacutegie

Une carence de donneacutees Au regard du droit agrave la protection de la santeacute et face aux risques de pertes de chances reacutesultant de la non mise sous traitement il aurait pourtant eacuteteacute justifieacute de porter une attention particuliegravere aux usager-e-s de drogues par voie intraveineuse et aux per-sonnes deacutetenues et de recommander leur mise sous traitement sur la base de critegraveres sociaux Dans ces deux groupes une forte preacutevalence au VHC est constateacutee Lrsquoenquecircte Prevacar de lrsquoInVS a permis drsquoidentifier que les personnes deacutetenues dans les prisons franccedilaises sont 6 fois plus porteuses du VHC avec une preacutevalence agrave 48 contre 08 en population geacuteneacuterale 18 Chez les usager-e-s de drogues par voie intraveineuse la preacutevalence au VHC atteint 44 19 Ces deux groupes ont par ailleurs en commun drsquoecirctre confronteacutes agrave des ineacutegaliteacutes sociales de santeacute dans leurs parcours de vie et agrave des formes drsquoeacuteloignement de lrsquoaccegraves et du maintien dans le parcours de santeacute De ce point de vue leur mise sous traitement degraves qursquoils et elles sont en contact avec le systegraveme de santeacute est justifieacutee

Neacutecessiteacute drsquoagir sur la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie dans certaines populationsLrsquoaccegraves aux traitements innovants contre le VHC et la perspective de gueacuterison virolo-gique permettent drsquoeacuteviter de nouvelles contaminations dans des contextes ougrave lrsquoeacutepi-deacutemie est particuliegraverement active Il srsquoagit drsquoun enjeu de protection de la santeacute sur le plan individuel pour limiter lrsquoattrition en renforccedilant le linkage to care et le continuum de soins mais aussi sur un plan collectif pour freiner la dynamique de lrsquoeacutepideacutemie En outre les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquooffre de santeacute contribuent agrave lrsquoeacutevolution du VHC et des comorbiditeacutes associeacutees Du fait de lrsquoeacuteloignement du systegraveme de santeacute une mise sous traitement conformeacutement aux recommandations srsquoavegravere tregraves aleacuteatoire Elle peut srsquoen trouver retardeacutee aboutissant agrave une deacutegradation continue et grave de lrsquoeacutetat de santeacute qui aurait pu ecirctre preacutevenue avant qursquoelle nrsquoadvienne Les usager-e-s de drogues en milieu libre beacuteneacuteficient drsquoun accegraves aux actions de reacuteduc-tion des risques (RdR) et agrave du mateacuteriel drsquoinjection steacuterile proposeacute par les associations Ce nrsquoest en revanche pas le cas en prison ougrave les conditions drsquohygiegravene insuffisantes lors de lrsquoinjection exposent au risque de nouvelles contaminations La loi de moder-nisation de notre systegraveme de santeacute se propose certes drsquoy reacutepondre en renforccedilant lrsquoaccegraves agrave la RdR en prison Mais il convient drsquoagir aussi sur la gueacuterison par les traite-ments afin de reacuteduire le nombre de personnes vivant avec le VHC dans les lieux de deacutetention et donc drsquoeacuteviter certaines transmissions Aussi sans preacutesager de la prise en charge meacutedicale qursquoelles auront en milieu libre la peacuteriode drsquoincarceacuteration doit ecirctre mise agrave profit pour des mises sous traitement dans des conditions favorables au suivi et agrave une meilleure observance Cela permettrait drsquoeacuteviter une eacutevolution de la maladie et une deacutegradation de lrsquoeacutetat de santeacute non controcircleacutee

2  PLAIdoyEr  

PoUr UN laquo jUSTE PrIx raquo mdash

17 httpwwwhas-santefrportailuploaddocsapplicationpdf2014-07hepatite_c_prise_en_charge_anti_viraux_aadpdf18 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html 19 httpwwwinvssantefrbeh201339-402013_39-40_2html20 httpwwwmedecinsdumondeorgPour-la-premiere-fois-en-Europe-une-organisation-medicale-conteste-la-

validite-d-un-brevet-pour-ameliorer-l-acces-des-patients-au-traitement

38 39

Le prix des nouveaux traitements contre le VHC force agrave la mise en place de critegraveres de rationnement et agrave lrsquoexclusion de certains groupes pourtant cibles

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

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Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

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39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

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40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 22: AIDES Rapport Discrim

DROIT APPLICABLELe principeLrsquoarticle 16-3 du Code civil preacutevoit que tout acte meacutedical exige hors cas drsquour-gence le consentement de la personne Les personnes mineures non eacutemancipeacutees sont reacuteputeacutees incapables de donner vala-blement leur consentement agrave un acte meacutedical lequel doit ecirctre recueilli aupregraves de leurs repreacutesentants leacutegaux selon le principe de lrsquoautoriteacute parentale preacutevu aux articles 371-1 et 371-2 du Code civil Tou-tefois selon lrsquoarticle L1111-2 du Code de santeacute publique (CSP) elles laquo ont le droit de recevoir [elles]-mecircmes une informa-tion et de participer agrave la prise de deacutecision les concernant drsquoune maniegravere adap-teacutee soit agrave leur degreacute de maturiteacute srsquoagis-sant des mineurs soit agrave leurs faculteacutes de discernement srsquoagissant des majeurs sous tutelle raquo Cette regravegle concerne a priori tous les actes meacutedicaux (consultation examen mise sous traitement vaccina-tion deacutepistage etc) Bien que le deacutepistage par test rapide drsquoorientation diagnostique (Trod) ne soit pas un examen de biologie meacutedicale et donc pas un acte meacutedical (tel que deacutefini par lrsquoarticle L6211-3 du CSP) il est soumis aux laquo recommandations de bonnes pratiques raquo les principes en matiegravere drsquoinformation et de consente-ment des personnes malades et des usa-ger-e-s du systegraveme de santeacute lui sont aussi applicables 22

Les exceptions preacutevues par la loiPar deacuterogation pour certains actes meacutedicaux la loi a supprimeacute lrsquoexigence de consentement des titulaires de lrsquoau-toriteacute parentale et introduit un droit au secret ou agrave lrsquoanonymat au beacuteneacutefice des personnes mineures sans reacutefeacuterence agrave un acircge civil 23

Reacutealisation drsquoune interruption volontaire de grossesse (IVG)Selon la loi ndeg 2001-588 du 4 juillet 2001 si la femme mineure non eacutemancipeacutee ne veut ou ne peut pas recueillir le consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale pour recourir agrave une IVG elle est dispenseacutee de lrsquoobtention du consentement de ses parents tout en ayant la garantie que le secret meacutedical est respecteacute Il en est de mecircme pour les actes meacutedicaux et les soins

qui lui sont lieacutes Pour lrsquoIVG elle doit tou-tefois ecirctre accompagneacutee drsquoune personne majeure de son choix pour les consul-tations et les actes meacutedicaux Lrsquoidentiteacute et la qualiteacute de cet-te accompagnant-e majeur-e sont enregistreacutees dans le dos-sier meacutedical La gratuiteacute et lrsquoanonymat de cette prise en charge sont dans ce cas preacutevus 24

Prescription deacutelivrance et administration de contraceptifsDepuis 1974 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale sont autoriseacutes agrave deacutelivrer agrave titre gratuit des meacutedica-ments produits ou objets contraceptifs sur prescription meacutedicale aux mineur-e-s deacutesirant garder le secret 25 Selon la loi du 4 juillet 2001 preacuteciteacutee le consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale nrsquoest pas requis pour la prescription la deacuteli-vrance ou lrsquoadministration de contracep-tifs aux personnes mineures La circulaire CNAMTS CIR-162002 relative agrave la prise en charge de la contraception drsquourgence aux mineures garantit lrsquoanonymisation de la prise en charge pour la partie financiegravere

Deacutepistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Depuis 1990 les centres de planification ou drsquoeacuteducation familiale agreacuteeacutes peuvent dans le cadre de leurs activiteacutes de pres-cription contraceptive et sous la respon-sabiliteacute drsquoun meacutedecin assurer de faccedilon anonyme le deacutepistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle 26 agrave lrsquoexception notamment du VIH Les acti-viteacutes de preacutevention de deacutepistage de dia-gnostic et de traitement ambulatoire des IST sont gratuites et anonymes degraves lors qursquoelles sont exerceacutees par des eacutetablisse-ments ou organismes habiliteacutes ou par un organisme relevant drsquoune collectiviteacute ter-ritoriale ayant conclu une convention 27

Prise en charge des usager-e-s de produits stupeacutefiants en eacutetablissementEn vertu de la loi du 31 deacutecembre 1970 28 les personnes usagegraveres de drogues y com-pris mineures qui se preacutesentent spon-taneacutement dans un dispensaire ou dans un eacutetablissement de santeacute afin drsquoy ecirctre traiteacutees peuvent si elles le demandent

expresseacutement beacuteneacuteficier de lrsquoanonymat au moment de lrsquoadmission Cet anony-mat ne peut ecirctre leveacute que pour des causes autres que la reacutepression de lrsquousage illicite de stupeacutefiants

Le droit drsquooppositionDrsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale en cas drsquourgence quand la laquo sauvegarde de la santeacute raquo de la personne mineure est en jeu celle-ci peut srsquoopposer agrave la consultation par les professionnel-le-s de santeacute des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale sur les prises de deacutecisions meacutedicales afin de gar-der le secret sur son eacutetat de santeacute 29 Le ou la meacutedecin doit toutefois srsquoefforcer preacutea-lablement drsquoinciter la personne mineure agrave consulter les titulaires de lrsquoautoriteacute paren-tale Agrave deacutefaut il-elle se fait accompagner par une personne majeure de son choix Dans ces conditions le ou la meacutedecin est alors dispenseacute-e drsquoobtenir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et peut mettre en œuvre le traitement ou lrsquointer-vention Il-elle doit faire mention eacutecrite de lrsquoopposition de la personne mineure selon lrsquoarticle R1111-6 du CSP La deacuterogation au principe de lrsquoautoriteacute parentale concerne uniquement le ou la meacutedecin Il convient de souligner que dans ce cas de figure contrairement agrave lrsquoIVG ou la contraception la personne mineure ne beacuteneacuteficie pas de la garantie du droit au secret puisque les articles L322-3 et D322-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale stipulent que la prise en charge finan-ciegravere des soins engageacutes peut ecirctre reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Au moment de la reacutedaction de ce rapport le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit une exception en la matiegravere pour le VIH

Sanction du deacutefaut de consentement parentalAgrave deacutefaut de consentement des parents et hors les deacuterogations leacutegales la pratique drsquoun acte meacutedical constitue une violation de lrsquoarticle 372-2 du Code civil relatif agrave lrsquoautoriteacute parentale Cette meacuteconnais-sance des preacuterogatives drsquoautoriteacute paren-tale peut constituer un preacutejudice moral donnant lieu agrave dommages et inteacuterecircts

22 LES OBjECTIfS

En lien avec de nombreux partenaires associatifs (MdM SOS heacutepatites le Comede le TRT-5 et le CHV) AIDES travaille agrave enrichir ce deacutebat dans lrsquoespace public et politique autour drsquoimpeacuteratifs clairs

Accegraves aux traitements pour tous et toutes Eacutevaluation des produits de santeacute et en particulier de ce qui constitue ou pas un traitement innovant

Renforcement de la transparence de lrsquoensemble du systegraveme meacutedico-pharmaceu-tique et des relations entre lrsquoindustrie et les institutions publiques

Renforcement du controcircle deacutemocratique et citoyen du processus de la fixation des prix

Repreacutesentation et participation des usager-e-s du systegraveme de santeacute et des orga-nisations œuvrant contre les ineacutegaliteacutes de santeacute dans le processus de fixation des prix

Neacutecessaires deacutebats sur la recherche la proprieacuteteacute intellectuelle les monopoles et les modaliteacutes de reacutemuneacuteration de lrsquoinnovation theacuterapeutique

Soutenabiliteacute du prix des traitements par le systegraveme de santeacute franccedilais 21Ces associations profitent notamment des deacutebats sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute pour proposer une seacuterie drsquoamendements reacutepondant aux objectifs identifieacutes Bien que le prix du meacutedicament nrsquoait initialement pas fait lrsquoobjet drsquoarticles dans ce texte les deacutebats et eacutechanges avec le ministegravere de la Santeacute et les parlementaires permettent notamment drsquoobtenir une repreacutesentation accrue des asso-ciations des usager-e-s du systegraveme de santeacute dans le processus de fixation des prix ainsi qursquoune transparence renforceacutee Cependant ces avanceacutees ne sont pas suffisantes et ne reacutepondent pas aux deacutefis que repreacutesentent les prix des meacutedicaments aujourdrsquohui et notamment le laquo juste prix raquo de lrsquoinnovation meacutedicale Elles posent neacuteanmoins les premiegraveres bases drsquoun deacutebat public indispensable susceptible drsquoaboutir agrave des eacutevolutions prochaines

Tableau 1 ndash Comparaison du prix de certains meacutedicaments des maladies rares et de Harvoni (combinaison de Sofosbuvir Ledipasvir) aux Eacutetats-Unis

21 Contribution inter-associative pour le groupe de travail sur lrsquoeacutevaluation des produits de santeacute 20 mai 2015

40

22 Arrecircteacute du 9 novembre 2010 art3 et annexe III 23 Voir eacutegalement Avis suivi de recommandations sur la garantie du droit au secret des personnes mineures dans le cadre de leur prise en charge meacutedicale 24 Loi ndeg 2002-1487 du 20 deacutecembre 2002 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2003 art L132-1 et D131-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale 25 Loi ndeg 74-1026 du 4 deacutecembre 1974 portant diverses dispositions relatives agrave la reacutegulation des naissances art L5134-1 du CSP 26 Loi ndeg 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives agrave la seacutecuriteacute sociale et agrave la santeacute 27 Loi ndeg 2004-809 du 13 aoucirct 2004 relative aux liberteacutes et responsabiliteacutes locales 28 Loi ndeg 70-1320 du 31 deacutecembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et agrave la reacutepression du trafic et de lrsquousage illicite des substances veacuteneacuteneuses 29 Loi ndeg2002-203 du 4 mars 2002 sur les droits des malades art L1111-5 du CSP

OBLIGATION DE CONSENTEMENT ET DrsquoINFORMATION DES PARENTS

Prices Climb The cost of drugs is rising especially for rare disordersA selection of some of the most expensive drugs annual cost in the US

Drug (compagny)

Soliris (Alexion)

Naglazyme (BioMarin)

Elaprase (ShireSanofi)

Cinaryza (Shireacute)

Gattex (NPS)

Harvoni (Gilead)

Treats

Type of blood disease and also a kidney disorder

Rare enzyme disorder

Rare enzyme disorder

Hereditary Angioedema

Short Bowel Syndrome

Hepatitits C

Target patient population

10000-12000 world-wide

1100 in developped countries

2000 world-wide

6000 in US

3000-5000 in US

32 million in US

Typical Annual Cost

1007652 440000

1007652 400000

1007652 375000

1007652 350000

1007652 295000

1007652 94500

Source Sector amp Sovereign Research (price changes) Needham amp Co (drugs patient population) Centers for Disease Control and Prevention (patient population)

41

SEcrET mEacutedIcAL AU ProFIT  dES PErSoNNES mINEUrES

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT DIffICULTEacuteS DrsquoACCEgraveS AUX TRAITEMENTS

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

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40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 23: AIDES Rapport Discrim

11 LA laquo MAjORITEacute SEXUELLE raquo UN CONCEPT SANS VALEUR jURIDIqUE

Il est communeacutement admis que la laquo majoriteacute sexuelle raquo est fixeacutee agrave lrsquoacircge de 15 ans cela ne repose pourtant sur aucune reacutealiteacute juridique Cette confusion srsquoexplique par la pro-tection des mineur-e-s de relations non consenties la loi a exclusivement deacutetermineacute un acircge agrave partir duquel le-la jeune est consideacutereacute-e comme capable drsquoavoir un laquo consen-tement eacuteclaireacute raquo Ainsi il est peacutenalement interdit agrave un adulte drsquoavoir des relations sexuelles avec un-e mineur-e de moins de 15 ans 30 Apregraves 15 ans srsquoil-elle est drsquoaccord un-e adolescent-e peut avoir des relations sexuelles avec un-e majeur-e sauf si ce-tte dernier-e a auto-riteacute sur lui-elle Enfin entre personnes mineures les relations sexuelles ne sont pas interdites

12 LrsquoacircGE Agrave LrsquoENTREacuteE DANS LA VIE SEXUELLE UNE REacuteALITEacute CONTRASTEacuteE

101048110104821010481 Donneacutees concernant la population geacuteneacuteraleSelon le baromegravetre Santeacute de lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) laquo En 2010 lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel crsquoest-agrave-dire lrsquoacircge auquel la moitieacute des adolescent-e-s ont deacutejagrave eu une relation sexuelle est de 174 ans pour les garccedilons et de 176 ans pour les filles chez les 18-24 ans raquo 31 Moins de trois mois seacuteparent les femmes et les hommes aujourdrsquohui lrsquoeacutecart eacutetait de quatre ans dans les anneacutees 1940 raquo Lrsquoavancement de lrsquoacircge du premier rapport sexuel reflegravete lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute comme le deacutemontre le graphique ci-dessous qui met en parallegravele les eacutevegravene-ments socio-politiques avec lrsquoacircge du premier rapport (figure 1)

30 Selon lrsquoarticle 227-25 du Code peacutenal et crsquoest drsquoailleurs constitutif de circonstance aggravante selon les articles 222-29 et 222-24 du mecircme code

31 Voir eacutegalement Enquecircte Contexte de la sexualiteacute en France (CSF) meneacutee en 2006 par lrsquoIned et de lrsquoInserm aupregraves drsquoun eacutechantillon aleacuteatoire de 12 364 personnes acircgeacutees de 18 agrave 69 ans interrogeacutees par teacuteleacutephone Enquecircte Fecond 2010 reacutealiseacutee par lrsquoIned et lrsquoInserm notamment aupregraves drsquoeacutechantillons aleacuteatoires de 5 275 femmes acircgeacutees de 15 agrave 49 ans et 3 373 hommes du mecircme acircge

122 Le cas de la Guyane preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelleSelon lrsquoenquecircte CAP VIH meneacutee en Guyane aupregraves des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni lrsquoacircge des premiegraveres relations sexuelles est plus preacutecoce qursquoen meacutetropole il est de 146 ans pour les garccedilons et de 153 ans pour les filles De plus le taux de grossesses preacutecoces crsquoest-agrave-dire touchant des femmes mineures est particuliegraverement important 32 De nombreux-ses mineur-e-s de 1617 ans sont deacutejagrave parents et de fait eacutemancipeacute-e-s dans leur vie quotidienne (autonomie financiegravere loge-ment etc) Les filles deacuteclarent plus de premiegravere expeacuterience forceacutee que les garccedilons 66 versus 05 (tableau 1)

Selon la mecircme eacutetude tant chez les hommes que les femmes la sexualiteacute est de plus en plus preacutecoce En ce qui concerne les plus preacutecoces les adultes de moins de 40 ans au moment de lrsquoenquecircte deacuteclarent avoir eu leur premiegravere relation sexuelle degraves lrsquoacircge de 7-8 ans alors que pour ceux de plus de 40 ans lrsquoacircge du premier rapport se situe aux alentours de 10-11 ans Plus de 70 des hommes et pregraves de 80 des femmes acircgeacute-e-s de moins de 40 ans ont eu leur premier rapport vers 15 ans (versus 60 des hommes et des femmes de plus de 40 ans)

Tableau 1 ndash Entreacutee dans la vie sexuelle des personnes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2014

Figure 2 ndash Acircge agrave lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle des hommes et femmes reacutesidant dans les communes isoleacutees du fleuve Maroni Guyane Enquecircte CAP VIH 2013

32 Insee ndash Antiane Les grossesses preacutecoces pregraves de 7 des femmes enceintes de Guyane sont mineures Politique de la ville

42 43

Figure 1 ndash Eacutevolution de lrsquoacircge meacutedian au premier rapport sexuel en France enquecircte CSF 2006

23

19391943

19441948

19491953

19541958

19591963

19641968

19691973

19741978

19791983

19841988

19891993

19941998

19992003

20042010

22

21

20

19

18

17

16

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Hommes)

Acircge de lrsquoentreacutee de la vie sexuelle (Femmes)

100 100

90 90

80 80

70 70

60 60

50 50

40 40

30 30

20 20

10 10

0 0

Hommes acircgeacutes de moins de 40 ans Femmes acircgeacutees de moins de 40 ans

Hommes acircgeacutes de plus de 40 ans Femmes acircgeacutees de plus de 40 ans

7 8 89 910 1011 1112 1213 1314 1415 1516 1617 1718 1819 1920 2021 2122 22 23 24

1945 fin de la Seconde Guerre

mondiale

1967 leacutegalisation de la contraception

1974 remboursement de la contraception

par la Seacutecuriteacute sociale

1975 leacutegalisation de lrsquoavortement

1982 remboursement de lrsquoavortement

1987 premiegravere campagne anti-VIH

Sources CSF 2006 Baromegravetre santeacute 2010Anneacutee des 18 ans

FEMMES

HOMMES

1  SExUALITEacute ET SANTEacute SExUELLE  

dES mINEUr-E-S mdash

hommes femmes

Acircge au premier rapport sexuelAvant 10104815 ans 49 10104831010486

Apregraves 10104815 ans 51010481 10104864

Acircge moyen au premier rapport sexuel 101048141010486 ans 101048153 ans

Situation lors du premier rapport

Souhaiteacute 101048921010489 10104881010480 1010481

Accepteacute mais non souhaiteacute 10104862 101048121010488

Forceacute 1010480 5 10104861010486

Non reacuteponse 1010480 5 1010480 5

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

Pourcentages cumuleacutes

AcircgeAcircge

Pourcentages cumuleacutes

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

59

40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

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Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 24: AIDES Rapport Discrim

du Conseil national du sida (CNS) qui a fait valoir dans son avis du 15 janvier 2015 les arguments suivants laquo Une garantie du secret devrait permettre (hellip) drsquoameacuteliorer la preacutevention et le deacutepistage du VIH qui reposent sur des dispositifs en permanente eacutevo-lution et dont lrsquoaccessibiliteacute doit ecirctre rechercheacutee au beacuteneacutefice des personnes mineures Plus speacutecifiquement les tests rapides drsquoorientation diagnostique (Trod) communau-taires ne sont pas accessibles aux personnes mineures car ils sont reacutealiseacutes par des non professionels meacutedicaux qui ne peuvent se dispenser du recueil du consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale cette offre de deacutepistage qui srsquoadresse aux populations les plus exposeacutees au risque de transmission du VIH est appeleacutee agrave se peacuterenniser celle-ci propose un accompagnement adapteacute et constitue un outil pertinent de lutte contre le VIH raquoLa commission des Affaires sociales du Seacutenat en juillet 2015 a suivi ces recommanda-tions et eacutecarteacute toute condition drsquoacircge ou de territoire soulevant au surplus lrsquoinconstitu-tionnaliteacute de la restriction geacuteographique par rapport agrave la rupture drsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi Cette eacutevolution a eacuteteacute confirmeacutee en seacuteance au Seacutenat La formulation de lrsquoarticle 7 au moment de la reacutedaction de ce rapport rejoint donc les propositions de AIDES et du CNS

22 LA NEacuteCESSITEacute DrsquoANONYMISER LA PRISE EN ChARGE

Lrsquoaccegraves au deacutepistage des mineur-e-s sans accord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale implique aussi de garantir lrsquoanonymat pour celles et ceux qui seraient deacutepisteacute-e-s posi-tif-ve-s Certain-e-s mineur-e-s peuvent en effet ecirctre confronteacute-e-s agrave des difficulteacutes de confidentialiteacute agrave lrsquoeacutegard de leur-s parent-s quant agrave leur prise en charge meacutedicale et agrave leur parcours de santeacute Une telle situation a eacuteteacute signaleacutee par le Comiteacute de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) du Languedoc-Roussillon qui a saisi le CNS ainsi que le Deacutefenseur des droits en mai 2014 Des cas similaires ont eacuteteacute eacutegalement identifieacutes en ce qui concerne lrsquoaccegraves aux traitements post-expositionLe CNS dans son avis du 15 janvier 2015 note ainsi que laquo Lrsquoabsence de garantie effec-tive du droit au secret constitue donc un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale de personnes mineures diagnostiqueacutees seacuteropositives au VIH Ces derniegraveres peuvent expri-mer le choix de ne pas beacuteneacuteficier drsquoactes et de prestations notamment la deacutelivrance de traitements antireacutetroviraux (ARV) plutocirct que de risquer de voir leur prise en charge reacuteveacuteleacutee aux titulaires de lrsquoautoriteacute parentale raquo Cette consideacuteration est partageacutee par le Deacutefenseur des droits qui dans un avis sur le projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute en date du 26 mai 2015 preacutecise que lrsquoinstitution laquo avait identifieacute agrave lrsquoinstar du CNS des difficulteacutes lieacutees aux modaliteacutes pratiques de mise en œuvre du secret meacutedical du cocircteacute de lrsquoAssurance maladie qui nrsquoeacutetait pas en mesure de garantir lrsquoanony-mat sur une affection de type ALD (affection longue dureacutee) pour un ayant droit rattacheacute sous la couverture sociale de ses parents raquo Ainsi le CNS recommande dans son avis la garantie du secret meacutedical pour les per-sonnes le souhaitant laquo Lrsquoabsence de garantie du droit au secret est susceptible de constituer un frein majeur agrave la prise en charge meacutedicale du VIH et drsquoentraicircner des conseacutequences dommageables pour les inteacuteresseacutes pour les professionnels de lrsquoaccom-pagnement et du soin ainsi qursquoen termes de santeacute publique raquo Cette recommandation a eacuteteacute reprise par Olivier Veran deacuteputeacute et rapporteur du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute sur le titre I portant sur la preacuteven-tion et la promotion de la santeacute Celui-ci a proposeacute un amendement agrave lrsquoarticle 7 sur le deacutepistage visant laquo agrave instituer une mesure de secret (hellip) pour les mineurs qui srsquoop-posent agrave la connaissance de leur eacutetat de santeacute par les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale ainsi que pour les autres ayant droit drsquoun assureacute social raquo Une telle formulation permet que lrsquoarticle ne concerne pas que le VIH mais puisse inclure drsquoautres affections et actes meacutedicauxAu moment de la reacutedaction de ce rapport cette eacutevolution est maintenue dans les dif-feacuterentes versions du texte AIDES soutient cette reformulation et sera vigilante agrave ce qursquoelle figure dans la version deacutefinitive du projet de loi

44 45

21 PERMETTRE DE DEacutePISTER LES MINEUR-E-S AVEC OU SANS LrsquoACCORD DES PARENTS

La preacutecociteacute de lrsquoentreacutee dans la vie sexuelle en Guyane a reacuteveacuteleacute au travers des actions de deacutepistage de AIDES les difficulteacutes lieacutees agrave lrsquoimpossibiliteacute de proposer des Trod agrave des mineur-e-s sans consentement des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee (crsquoest-agrave-dire qursquoelle touche plus de 1 de la population) au sein drsquoune population jeune (en 2007 443 de la population avait moins de 20 ans) Le deacutepar-tement fait lrsquoobjet drsquoune attention particuliegravere en matiegravere de lutte contre le VIH et des ameacuteliorations sont confirmeacutees sur lrsquousage du preacuteservatif degraves le premier rapport sexuel ou le recours au deacutepistage (pour plus drsquoinformations sur la santeacute en Guyane voir page 49) AIDES y participe et organise reacuteguliegraverement des actions sur le fleuve Maroni pour rejoindre des populations isoleacutees et eacuteloigneacutees de lrsquooffre de preacutevention et de soins Lors de ces actions plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale (en raison de lrsquoautonomie de fait plus preacutecoce en Guyane qursquoen meacutetropole de la structuration familiale distincte etc) Cette impossibiliteacute est regrettable Drsquoabord sur un plan collectif parce que le deacutepistage constitue une eacutetape deacuteterminante dans lrsquoeacuteradication du VIH Ensuite agrave titre individuel parce que le deacutepistage peut contribuer agrave lrsquoinscription dans un parcours de santeacute adapteacute Agrave deacutefaut crsquoest toute une frange de la population exposeacutee au VIH qui en est exclue

Au regard de ces enjeux AIDES a fait part de ces constats sur le terrain au ministegravere de la Santeacute et agrave la Direction geacuteneacuterale de la Santeacute Lrsquoassociation a formuleacute des amen-dements agrave lrsquoarticle 7 du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute agrave un double titre Drsquoune part cette disposition donne une base leacutegale au deacutepistage rapide AIDES entend qursquoil soit permis aux mineur-e-s drsquoacceacuteder au deacutepistage sans consente-ment des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale Drsquoautre part cet article preacutevoit une base leacutegale aux autotests du VIH lrsquoassociation souhaitant eacuteviter une situation paradoxale ougrave il serait possible pour des personnes mineures drsquoutiliser elles-mecircmes des autotests alors qursquoelles ne peuvent pas acceacuteder agrave un deacutepistage rapide (pourtant pratiqueacute selon un cahier des charges plus protecteur que les autotests incluant un entretien sur les pratiques et les risques)LrsquoAssembleacutee nationale a adopteacute ces amendements sur lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide des mineur-e-s sans accord parental mais avec une double restriction seulement agrave partir de lrsquoacircge de 15 ans et sur un nombre limiteacute de territoires apregraves avis du Haut conseil pour la santeacute publique lagrave ougrave lrsquoeacutepideacutemie le justifierait AIDES a plaideacute agrave lrsquooccasion de la lecture au Seacutenat pour supprimer ces deux restrictions afin de ne pas complexifier de maniegravere excessive les conditions drsquoaccegraves au deacutepistage mais aussi pour ne pas creacuteer de nouvelles exclusions pour des personnes mineures pour lesquelles lrsquoaccegraves au deacutepistage rapide reste justifieacute Cette position converge avec celle

La Guyane est le deacutepartement franccedilais ougrave lrsquoeacutepideacutemie de VIH est la plus active et dite geacuteneacuteraliseacutee au sein drsquoune population jeune

Lors des actions de AIDES sur le fleuve Maroni plusieurs personnes mineures sexuellement actives ont demandeacute agrave ecirctre deacutepisteacutees sans que les militant-e-s puissent y reacutepondre favorablement faute drsquoavoir lrsquoaccord des titulaires de lrsquoautoriteacute parentale

2  dEacutePISTAgE SoINS EacutemANcIPATIoN  

dE LrsquoAUTorITEacute PArENTALE   dU coNSTAT dE TErrAIN  

Agrave LA modIFIcATIoN dE LA LoImdash

PARTIE II LE DROIT Agrave LA SANTEacute ET LE PRINCIPE DrsquoEacuteGALITEacute DE TRAITEMENT SECRET MEacuteDICAL AU PROfIT DES PERSONNES MINEURES

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

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DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

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40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 25: AIDES Rapport Discrim

LA LIbErTEacute   drsquoALLEr ET VENIr   

ET LrsquoEacutegALITEacute   drsquoAccEgraveS AUx SErVIcES 

PUbLIcS3

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

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Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

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39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

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40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 26: AIDES Rapport Discrim

La Guyane est un deacutepartement et une reacutegion drsquooutre-mer (Drom) franccedilais drsquoAmeacuterique du sud Avec une superficie de 83 846 km (eacutequivalent du territoire du Portugal) la Guyane est le plus grand deacutepartement franccedilais (environ 19 du territoire national) et la plus grande reacutegion de France Crsquoest le deacutepartement le plus boiseacute avec 98 de son ter-ritoire couvert de forecirct eacutequatoriale Au 1er janvier 2014 la Guyane est lrsquoune des reacutegions les moins peupleacutees de France les 250 377 habitant-e-s sont essentiellement concen-treacute-e-s sur la frange cocirctiegravere de moins de 20 km de large et dans une moindre mesure en bordure des fleuves frontaliers

11 DES INDICATEURS DE SANTEacute TREgraveS DEacutefAVORABLES

La Guyane preacutesente des indicateurs de santeacute la releacuteguant en derniegravere place des reacutegions franccedilaises 33

Un taux de mortaliteacute infantile 34 3 fois plus eacuteleveacute qursquoen meacutetropole (121 deacutecegraves pour 1 000 naissances vivantes versus 37 pour 1 000 en meacutetropole en 2007)

Une incidence de la tuberculose parmi les plus eacuteleveacutees de France (apregraves la reacutegion Icircle-de-France avec 163 cas pour 100 000 habitants) en 2010 159 cas pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81 cas pour 100 000 habitants

Des enjeux plus geacuteneacuteraux de santeacute environnementale 14 des logements nrsquoont pas drsquoeau courante en 2006 35

Crsquoest sur la base de plusieurs textes inter-nationaux que la France srsquoest engageacutee agrave ne pas entraver la circulation des per-sonnes sur son territoire ndash La liberteacute drsquoaller et venir (articles 2 et 4

de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle (CC 12 juillet 1979 DC ndeg 79-107 Ponts agrave peacuteage)

ndash La liberteacute drsquoaller et venir (article 2 du Protocole ndeg 4 de la Convention euro-peacuteenne de sauvegarde des droits de lrsquohomme)

ndash laquo Quiconque se trouve leacutegalement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

ndash laquo Quiconque se trouve reacuteguliegraverement sur le territoire drsquoun Eacutetat a le droit drsquoy circuler librement et drsquoy choisir libre-ment sa reacutesidence raquo (article 2 du Proto-cole ndeg 4 de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme)

La liberteacute drsquoaller et venir ainsi preacutevue ne peut faire lrsquoobjet drsquoaucune restriction agrave moins qursquoelle ne soit neacutecessaire agrave la seacutecu-riteacute nationale agrave la sucircreteacute publique agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui ou encore au maintien de lrsquoordre public

1  LA gUyANE  LES PArAdoxES  

drsquoUN TErrIToIrE PrIorITAIrE  dANS LA LUTTE coNTrE  

LE VIH  SIdA mdash

33 Rapport de lrsquoInserm sur la migration et la santeacute en Guyane publieacute par lrsquoAFD en mars 2011 JOLIVET A et al Migration et soins en Guyane Paris AFD coll Documents de travail 2011 ndeg105

34 Il srsquoagit du rapport entre le nombre drsquoenfants deacuteceacutedeacute-e-s agrave moins drsquoun an et lrsquoensemble des enfants neacute-e-s vivant-e-s35 Extrait du Kotidien journal gratuit traitant de lrsquoactualiteacute en Guyane laquo Bien que lrsquoon constate une tendance importante agrave la

reacuteduction des eacutecarts de deacuteveloppement avec lrsquoHexagone une eacutetude de lrsquoAgence franccedilaise de deacuteveloppement fait ressortir qursquoen 2010 lrsquoIDH guyanais (Indicateur de deacuteveloppement humain espeacuterance de vie scolarisation niveau de vie) est lrsquoeacutequivalent de lrsquoIDH de la France meacutetropolitaine de 1983 0739 Celui-ci croicirct en moyenne de 07 par an Cette ameacutelioration est principalement tireacutee par la composante sociale de lrsquoIDH et plus particuliegraverement par lrsquoindice de santeacute et de lrsquoeacuteducation La Guadeloupe et la Martinique nrsquoont ldquoquerdquo 125 ans de retard quand la Polyneacutesie en a 28 En revanche les DCOM affichent un IDH bien supeacuterieur agrave celui preacutevalant dans leur environnement reacutegional (Breacutesil 0720 Suriname 0680) raquo

49

DROIT APPLICABLE

En Guyane alors que les indicateurs de santeacute sont plutocirct tregraves deacutefavorables notamment en matiegravere de VIH des barrages routiers permanents empecircchent des personnes malades en situation administrative preacutecaire ou deacutepourvues drsquoeacutetat civil de se rendre dans des lieux de soins crsquoest la liberteacute drsquoaller et venir et le droit drsquoaccegraves aux services publics qui sont dans la balance

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

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reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

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Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

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39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

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40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

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Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 27: AIDES Rapport Discrim

Pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

12 LA GUYANE DEacutePARTEMENT fRANccedilAIS LE PLUS TOUChEacute PAR LrsquoINfECTION VIh

Lrsquoeacutepideacutemie de VIH est tregraves active en Guyane au point drsquoen faire le deacutepartement fran-ccedilais le plus toucheacute Plus qursquoen meacutetropole la Guyane fait face agrave drsquoimportants retards un faible taux de deacutepistage des diagnostics eacutetablis au stade sida de nombreux-ses patient-e-s laquo perdu-e-s de vue raquo des recours tardifs aux soins et aux traitements Les taux de contamination sont tregraves au-dessus de la moyenne nationale (147 contami-nations annuelles pour 100 000 habitants 36 en Guyane versus 17 pour 100 000 au niveau national) Lrsquoeacutevolutiviteacute de lrsquoeacutepideacutemie est particuliegraverement preacuteoccupante puisque fin 2009 elle eacutetait proche de 1 500 personnes suivies et atteignait 2 000 un an apregraves Agrave ce rythme en 2020 ce serait ainsi 4 000 personnes seacuteropositives au VIH qui seraient suivies en GuyaneBien que souvent deacutecrite comme geacuteneacuteraliseacutee lrsquoeacutepideacutemie semble en fait frapper essen-tiellement les populations vulneacuterables avec une extension limiteacutee agrave la population geacuteneacute-rale comme crsquoest le cas dans une grande partie de la reacutegion Caraiumlbes Ainsi malgreacute le manque de donneacutees fiables sur les groupes vulneacuterables 37 on estime le taux de preacute-valence aux environs de 6 chez les travailleuses du sexe de 13 chez les femmes enceintes en population geacuteneacuterale Aujourdrsquohui il est possible drsquoendiguer lrsquoeacutepideacutemie de VIH gracircce aux traitements anti-reacutetroviraux Certes ces derniers ne permettent pas de laquo gueacuterir raquo du VIH mais pris de maniegravere continue ils diminuent significativement la circulation de virus dans le sang au point de reacuteduire consideacuterablement la charge virale Ainsi ces avanceacutees consideacute-rables lieacutees aux antireacutetroviraux supposent une mise sous traitement preacutecoce et un suivi de qualiteacute Or 26 des patient-e-s de Saint-Laurent-du-Maroni sont perdu-e-s de vue une moitieacute transitoirement pendant plus drsquoun an et lrsquoautre moitieacute deacutefinitivement La plupart des patient-e-s sont perdu-e-s de vue peu de temps apregraves le diagnostic

13 OffRE DE SANTEacute UNE REacutePARTITION GEacuteOGRAPhIqUE EN INADEacuteqUATION AVEC LES BESOINS

Au regard de ces indicateurs de santeacute des plus deacutefavorables depuis 2001 les deacutepar-tements franccedilais drsquoAmeacuterique (DFA) constituent des territoires prioritaires dans la lutte contre le VIHsida Des programmes de preacutevention cibleacutes sont alors mis en place porteacutes agrave la fois par les institutions nationales le ministegravere de la Santeacute et lrsquoInstitut national de preacutevention et drsquoeacuteducation pour la santeacute (Inpes) et les acteurs locaux comme les Agences reacutegionales de santeacute les associations les Comiteacutes de coordination reacutegionale de la lutte contre le VIH (Corevih) les professionnel-le-s de santeacute etc Malgreacute tout lrsquooffre de santeacute reste insuffisante et ineacutegalement reacutepartie sur le territoire La Guyane est une zone enclaveacutee en raison de lrsquoinaccessibiliteacute drsquoune partie importante de son territoire Elle connaicirct de surcroicirct des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la preacutevention et agrave la santeacute Les infrastructures sont particuliegraverement insuffisantes quantitativement et qualitativement dans les zones reculeacutees (populations des fleuves et de lrsquointeacuterieur) com-parativement aux zones urbaines Le renouvellement incessant des professionnel-le-s de santeacute (ducirc en partie agrave leur isolement et aux conditions de vie) nrsquoarrange rien agrave ces dispariteacutes geacuteographiquesLes professionnel-le-s de santeacute intervenant soit dans lrsquoouest guyanais le long du fleuve Maroni etou agrave Saint-Laurent-du-Maroni soit dans lrsquoest guyanais agrave proximiteacute de Saint-Georges sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne (figure 1) les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite le recours agrave un plateau technique hospitalier complet ou agrave des speacute-cialiteacutes indisponibles localementOr pour les Franccedilais-e-s autochtones deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et les eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire se deacuteplacer agrave lrsquointeacuterieur du territoire guyanais nrsquoest pas permis en raison de lieux de controcircle fixe permanents rendant lrsquoaccegraves agrave des infrastructures meacutedicales impossible

Figure 1

36 InVS Estimations drsquoincidence de lrsquoinfection par le VIH pour les deacutepartements franccedilais drsquoAmeacuterique 2012 37 Plan strateacutegique VIH Guyane 2011-2015

50

reacutepartition geacuteographique

de lrsquooffre de santeacute en guyane

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

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Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

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39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

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40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

Rejoignez AIDES sur les reacuteseaux sociaux facebookcomaides assoAIDES

Page 28: AIDES Rapport Discrim

Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier les professionnel-le-s de santeacute srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute

Depuis 2007 la preacutefecture de Cayenne eacutedicte une succession drsquoarrecircteacutes drsquoune dureacutee de six mois eacutetablissant des postes fixes de gendarmerie aux fins de controcircles de police administrative Ainsi un premier barrage routier est installeacute sur la route natio-nale ndeg 1 au niveau du pont drsquoIracoubo et un second sur la route nationale ndeg 12 entre Cayenne et Saint-Georges agrave proximiteacute du pont Reacutegina sur lrsquoApprouague

21 DES LOIS DrsquoEXCEPTION EN OUTRE-MER AU NOM DE LA LUTTE CONTRE LrsquoORPAILLAGE ET LrsquoIMMIGRATION ILLEacuteGALE

Au motif drsquoadapter une disposition de droit commun aux reacutealiteacutes particuliegraveres de ces territoires lrsquoEacutetat franccedilais preacutevoit la possibiliteacute drsquointroduire des laquo marges raquo dans lrsquoeacutela-boration de regravegles geacuteneacuterales et le droit pour certaines parties du territoire national de ne pas srsquoy soustraire Ainsi pour ce qui concerne le Code relatif agrave lrsquoentreacutee et au seacutejour des eacutetranger-e-s des proceacutedures exceptionnelles deacuterogatoires au droit commun sont en place

Intenter un recours contre une mesure drsquoeacuteloignement ne suspend pas lrsquoexeacutecution de cette mesure (autrement dit une personne peut ecirctre expulseacutee sans attendre lrsquoissue du recours qursquoelle a deacuteposeacutee) en Guyane en Guadeloupe agrave Saint-Martin et agrave Saint-Bartheacutelemy (articles L514-1 Ceseda)

Dans la quasi-totaliteacute des territoires de Guyane Guadeloupe et Mayotte et agrave Saint-Martin et Saint-Bartheacutelemy la police peut proceacuteder librement agrave des controcircles drsquoidentiteacute ou agrave des interpellations sans le controcircle preacutealable par un-e procureur-e comme preacutevu en meacutetropole (articles 78-2 et 78-3 du Code de proceacutedure peacutenale)

Dans les mecircmes terres la police peut proceacuteder agrave des controcircles et des neutralisa-tions voire des destructions de veacutehicules (articles L611-8 agrave 11 du Ceseda)

Sur lrsquounique axe routier traversant la Guyane deux postes de gendarmerie bloquent le passage (article L611-10 du Ceseda)

La mise en place drsquoun barrage permanent reacutesulte de la prorogation systeacutematique de lrsquoarrecircteacute preacuteceacutedent Ainsi la preacutefecture institue des controcircles drsquoidentiteacute geacuteneacuteraliseacutessys-teacutematiques et permanents sur la route nationale axe principal du territoire qui longe la cocircte ougrave reacuteside plus de 90 de la population

22 DES MESURES qUI AffECTENT LARGEMENT AU-DELAgrave DES CIBLES

Les barrages routiers permanents constituent pour les personnes qui ne seraient pas en mesure de preacutesenter les documents requis des entraves pour lrsquoaccegraves agrave diffeacuterents services publics eacutecoles ambassades tribunaux services de santeacute etcEt qui sont les personnes qui ne seraient pas en mesure de franchir le barrage agrave deacutefaut de pouvoir preacutesenter les documents requis Bien au-delagrave des orpailleurs-euses et des eacutetranger-e-s en situation irreacuteguliegravere ce sont

Les eacutetranger-e-s en situation preacutecaire autrement dit les personnes en cours de reacutegularisation ou de renouvellement de titre de seacutejour sachant que les deacutelais drsquoinstruction sont particuliegraverement longs aupregraves des administrations guyanaises En effet la non-remise de reacuteceacutepisseacutes lors de la demande de ce titre et lrsquoexigence abusive de documents administratifs ne font que retarder lrsquoouverture des droits des personnes et entraver leur accegraves agrave une situation de reacutegulariteacute (ces faits sont deacutetailleacutes dans les rapports de lrsquoObservatoire eacutetrangers malades de AIDES (EMA) de 2013 et 2015)

Certain-e-s ressortissant-e-s franccedilais-e-s pour la plupart originaires de sites iso-leacutes en Guyane notamment issu-e-s des populations autochtones tregraves freacutequem-ment deacutepourvu-e-s drsquoeacutetat civil et a fortiori de documents drsquoidentiteacute Agrave cet eacutegard le rapport drsquoinformation ndeg 1410 (2010-2011) des seacutenateurs Christian Cointat et Bernard Frimat eacutetabli au nom de la Commission des lois du Seacutenat fait eacutetat laquo drsquoun pheacutenomegravene de porteacutee limiteacutee mais preacuteoccupant qui nrsquoest pas lieacute agrave lrsquoimmigration clandestine mais agrave la geacuteographie de la Guyane Des personnes pourtant neacutees en Guyane et drsquoorigine franccedilaise ne disposent pas drsquoun eacutetat civil faute de deacuteclaration de naissance dans le deacutelai leacutegal raquo

En tant qursquoassociation de lutte contre le VIH et les heacutepatites virales AIDES est parti-culiegraverement reacutevolteacutee par leur impact sur lrsquoaccegraves effectif aux soins alors que les besoins sont substantiels dans ce deacutepartement

23 LES IMPACTS DEacutefAVORABLES SUR LrsquoACCEgraveS Agrave LA SANTEacute

101048210104831010481 Les prestations de santeacute indisponibles agrave lrsquoest et agrave lrsquoouest du territoire Ne disposant pas drsquooffre technique de soins sur place les professionnel-le-s de santeacute de lrsquoouest guyanais sont contraint-e-s drsquoorienter vers Cayenne les patient-e-s dont lrsquoeacutetat de santeacute neacutecessite lrsquoaccegraves agrave un plateau technique permettant par exemple lrsquoendoscopie ou imagerie par reacutesonnance magneacutetique (IRM)Le plateau technique au centre hospitalier de lrsquoouest guyanais (CHOG) et les speacutecialistes de Saint-Laurent-du-Maroni ne sont en effet pas en mesure drsquoassurer les speacutecialiteacutes suivantes ophtalmologie oto-rhino-laryngologie neacutephrologie chirurgie cardiaque (seule la 1egravere coronarographie agrave Cayenne puis suite de la prise en charge en Martinique) dentisterie et chirurgie dentaire Le CHOG nrsquoest actuellement pas non plus agreacuteeacute pour des soins en oncologie les chimiotheacuterapies ne peuvent se faire qursquoagrave CayenneDes speacutecialiteacutes agrave part entiegravere telles que la neurologie la dermatologie la chirurgie speacute-cialiseacutee et les explorations cardiologiques ne sont en outre accessibles qursquoau centre hospitalier de Cayenne voire hors du deacutepartement Les personnes sont donc souvent contraintes de se deacuteplacer afin drsquoavoir accegraves agrave des soins disponibles 38

Agrave lrsquoissue du mouvement de deacutecolonisation plusieurs territoires sont resteacutes dans la Reacutepublique franccedilaise Il srsquoagit drsquoicircles en tout ou partie en plus de la Guyane Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur lrsquoor-ganisation deacutecentraliseacutee de la Reacutepublique les territoires constituant la France drsquoOutre-mer se reacutepartissent en trois cateacutegories Des deacutepartements et reacutegions drsquoOutre-mer ou laquo Drom raquo (Martinique Guadeloupe Guyane et La Reacuteunion) les lois et regraveglements y sont applicables automatique-ment mais laquo ils peuvent faire lrsquoobjet drsquoadaptations tenant aux caracteacuteristiques et contraintes particuliegraveres de ces collectiviteacutes crsquoest le principe de laquo lrsquoassimilation leacutegislative raquo (article 73 de la Constitution)

Les collectiviteacutes drsquoOutre-mer ou laquo Com raquo (ancienne-ment deacutesigneacutes laquo Territoires drsquoOutre-mer raquo Polyneacutesie franccedilaise Wallis-et-Futuna Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) les lois et regraveglements nrsquoy sont applicables que si cette application est preacutevue par une mention expresse Agrave lrsquoexception des matiegraveres laquo de souveraineteacute raquo (droits civiques liberteacutes publiques justice seacutecuriteacute et ordre publics monnaie etc) lrsquoorganisation de chacune des Com est deacutetermineacutee par une loi organique adopteacutee apregraves avis de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante Crsquoest le principe de laquo speacutecialiteacute leacutegislative raquo (article 74 de la Constitution)

La Nouvelle-Caleacutedonie et les Terres australes et antarc-tiques franccedilaises (auxquelles a eacuteteacute juridiquement ratta-cheacutee lrsquoIcircle de Clipperton) relegravevent drsquoun reacutegime leacutegislatif et drsquoune organisation speacutecifique respective (Titre XIII et article 72-3 de la Constitution)

38 Des bons de laquo preacutecariteacute transport raquo ont eacuteteacute mis en place par le centre hospitalier de lrsquoouest guyanais pour faciliter lrsquoaccessibiliteacute eacuteconomique aux soins Les meacutedecins de ville ne peuvent en faire beacuteneacuteficier leurs patient-e-s

52 53

Les diffeacuterents statuts des zones franccedilaises drsquoOutre-mer

2 LES coNTrOcircLES roUTIErS 

PErmANENTS mdash

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

59

40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 29: AIDES Rapport Discrim

laquo Si les citoyens des Outre-mer sont des citoyens au mecircme titre que ceux qui reacutesident dans lrsquoHexagone ils doivent beacuteneacuteficier des mecircmes dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires (hellip) Si ces territoires relegravevent de lrsquoEacutetat de droit il ne peut y avoir de deacuterogations qui sous couvert drsquoadaptation agrave la situation locale sont en reacutealiteacute des dispositions restrictives de liberteacute Il nrsquoest pas concevable de transiger sur les principes deacutemocratiques de la citoyenneteacute pleine et entiegravere qursquoil srsquoagisse du respect des niveaux de juridictions des possibiliteacutes de recourshellip raquoC Taubira Entretien avec La Cimade juin 2010076652 39

Les juges guyanais considegraverent qursquoaucune des associations requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutes

101048210104831010482 Les modifications induites dans les pratiques meacutedicalesLes professionnel-le-s eacuteprouvent des difficulteacutes agrave exercer leurs missions conformeacute-ment au Code de deacuteontologie meacutedicale notamment quant agrave la qualiteacute et la continuiteacute des soins les secret et indeacutependance professionnels la non-discrimination en vertu des articles 4 5 7 32 47 Certain-e-s professionnel-le-s teacutemoignent du fait qursquoils-elles ont inteacutegreacute dans leurs pra-tiques les restrictions et contraintes lieacutees aux barrages Preacutesumant que les patient-e-s ne pourront probablement pas franchir le barrage routier ils-elles srsquoautolimitent voire renoncent agrave demander des examens compleacutementaires pour les seul-e-s patient-e-s eacutetranger-e-s en situation administrative preacutecaire et les peuples autochtones deacutepourvus de documents prouvant leur identiteacute Plus encore des retards au diagnostic des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge des urgences traiteacutees de maniegravere inadeacutequate ou mal traiteacutees des ruptures de la continuiteacute des soins sont agrave deacuteplorer pour ces seul-e-s patient-e-s Parallegravelement les personnes directement concerneacutees integravegrent ces pratiques qui les conduisent elles-mecircmes agrave renoncer aux soins Lrsquoensemble de ces situations impacte leur eacutetat de santeacute mentale et physique en empecircchant notamment une orientation opti-male dans la filiegravere de soins Cela entraicircne des risques pour la santeacute voire des compli-cations sanitaires qui auraient pu ecirctre eacuteviteacutees et en tout eacutetat de cause une espeacuterance de vie sans incapaciteacute diminueacutee pour les personnes concerneacutees

24 DES CONTENTIEUX POUR OBTENIR LA SUPPRESSION DE CES BARRAGES

Consideacuterant que cette situation est incompatible avec un Eacutetat de droit et que lrsquoobses-sion des controcircles migratoires nuit aux impeacuteratifs de santeacute publique et agrave lrsquoaccegraves aux soins des populations transfrontaliegraveres AIDES a entrepris des deacutemarches successives pour tenter de supprimer ces barrages Des eacutechanges en 2012 avec le ministegravere de lrsquoInteacuterieur pour lrsquoalerter sur lrsquoexceptionnaliteacute guyanaise et les conseacutequences sur la santeacute se reacutevegravelent au final peu fructueux Agrave cette peacuteriode la preacutefecture de Cayenne met en place une proceacutedure de franchissement des barrages pour raison meacutedicale Toutefois les conditions requises sont tellement exi-geantes (juridiquement comparables agrave celles preacutevues pour obtenir un droit au seacutejour pour raisons meacutedicales) qursquoelles ne reacutesolvent pas les difficulteacutes en particulier dans un contexte drsquourgence Agrave deacutefaut de suites constructives AIDES srsquoassocie agrave Meacutedecins du Monde et au Comede pour construire un argumentaire assorti de nombreuses illustrations factuelles Les associations le transmettent au ministegravere de lrsquoInteacuterieur fin 2012 en vainForte drsquoune jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH) condam-nant toute leacutegislation speacutecifique Outre-mer (Arrecirct Souza de Ribeiro de deacutecembre 2012 ) AIDES propose agrave de nombreuses associations autour du collectif laquo Migrants Outre-mer raquo (Mom) drsquoentamer des recours en annulation au tribunal administratif de Cayenne contre les arrecircteacutes mettant en place drsquoune part le barrage de Reacutegina drsquoautre part celui drsquoIracoubo Ce sont au total huit associations de promotion de la santeacute et de deacutefense des droits humains (AIDES La Cimade le Collectif Haiumlti de France le Comede la Fasti le Gisti la Ligue des droits de lrsquoHomme et Meacutedecins du Monde) qui megravenent ces contentieux depuis feacutevrier 2013 deux recours contre des arrecircteacutes preacutefectoraux eacutetablissant pour six mois le barrage de Reacutegina (aoucirct 2013 feacutevrier 2014) et deux contre des arrecircteacutes preacutefecto-raux eacutetablissant pour six mois le barrage drsquoIracoubo (2013 2014)

101048210104841010481 Les arguments invoqueacutes agrave lrsquoappui de la requecircteLes associations requeacuterantes contestent la leacutegaliteacute de laquo ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo dont laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun raquo (mentionneacute par lrsquoarrecircteacute preacutefectoral lui-mecircme) ne fait aucun doute Outre le droit agrave la santeacute et agrave lrsquoeacuteducation elles invoquent la violation de plusieurs droits fondamentaux proteacutegeacutes par des conventions internationales la liberteacute drsquoaller et venir et lrsquoeacutegaliteacute de traitement

Certes la liberteacute drsquoaller et venir nrsquoest pas absolue et peut ecirctre restreinte pour des consideacuterations drsquoordre public Crsquoest drsquoailleurs en ce sens que les arrecircteacutes preacutevoyant les barrages guyanais mettent en avant laquo le caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire au strict droit commun de ces controcircles permanents agrave lrsquointeacuterieur du territoire raquo et indiquent que ce dispositif laquo doit ecirctre principalement cibleacute sur la reacutepression de lrsquoorpaillage clandestin et de lrsquoimmigration clandestine raquo (article 4 des arrecircteacutes successifs) Mais les fins de maintien de lrsquoordre public ainsi invoqueacutees apparaissent insuffisantes agrave justifier lrsquoatteinte agrave la liberteacute drsquoaller et venir drsquoabord parce que ces barrages sont en place de maniegravere peacuterenne par la prorogation ininterrompue depuis 2007 des arrecircteacutes preacutefectoraux les mettant en place initialement preacutevus pour une dureacutee de six mois ensuite parce qursquoils organisent des controcircles drsquoiden-titeacute et des titres administratifs geacuteneacuteraliseacutes et systeacutematiques de lrsquoensemble de la population guyanaise 24 heures sur 24

En ce qui concerne de maniegravere plus geacuteneacuterale les deacuterogations leacutegales speacutecifiquement apporteacutees dans les territoires ultramarins la CEDH a apporteacute fin 2012 une impor-tante preacutecision Elle a consideacutereacute que ni le contexte geacuteographique ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvaient suffire agrave justifier des infractions agrave la Conven-tion europeacuteenne des droits de lrsquohomme (CEDH grande chambre 13 deacutecembre 2012 de Souza Ribeiro c France req ndeg 12268907)

101048210104841010482 Lrsquoissue inquieacutetante des recours la menace de la liberteacute drsquoaller et venir et du droit agrave la deacutefense

Apregraves avoir eacuteteacute rejeteacutees par le tribunal administratif de Cayenne les requecirctes lrsquoont eacuteteacute en juin 2015 par la cour administrative drsquoappel de Bordeaux Que ce soit le tribunal administratif de Cayenne agrave deux reprises ou la cour administra-tive drsquoappel de Bordeaux agrave chaque fois les juges considegraverent qursquoaucune des associa-tions requeacuterantes nrsquoa un inteacuterecirct agrave agir Aucun des juges ne srsquoest veacuteritablement prononceacute sur le fond des requecirctes et les textes internationaux invoqueacutesEn ce qui concerne AIDES les juges font valoir que le siegravege social est en meacutetropole et qursquoils ne voient aucun rapport entre la liberteacute de circuler et lrsquoaccegraves aux soins auquel drsquoailleurs selon eux les eacutetranger-e-s ne peuvent preacutetendre que srsquoils-si elles ont un titre de seacutejour Lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation sur place a pourtant eacuteteacute bien mise en eacutevidence notamment agrave travers les subventions publiques et la participation agrave des instances de deacutemocratie sanitaire localesLe fait que la cour drsquoappel de Bordeaux confirme la position du tribunal de Cayenne donne un autre sens agrave cette position En rejetant les inteacuterecircts agrave agir de toutes les associa-tions soit agrave deacutefaut drsquoactiviteacute locale soit agrave deacutefaut de lien direct avec lrsquoobjet de lrsquoassocia-tion les juges semblent vouloir empecirccher les recours contre des textes reacuteglementairesAinsi les laquo contentieux barrages raquo mettent en cause et reacutevegravelent lrsquoimportance de pro-teacuteger la capaciteacute de la socieacuteteacute civile agrave deacutefendre les populations quand leurs droits sont menaceacutes Drsquoune certaine maniegravere crsquoest le droit agrave la deacutefense le droit drsquoester en justice des associations qui sont ici mis en causeAu regard de tels enjeux les associations impliqueacutees perseacutevegraverent un pourvoi a eacuteteacute porteacute devant le Conseil drsquoEacutetat le 18 aoucirct 2015

54 55

39 httpwwwlacimadeorgnouvelles3912-Outre-mer--des-d-rogations-injustifiables

PARTIE III LA LIBERTEacute DrsquoALLER ET VENIR ET LrsquoEacuteGALITEacute DrsquoACCEgraveS AUx SERVICES PUBLICS

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

59

40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 30: AIDES Rapport Discrim

4LE droITdE ProPrIEacuteTEacute

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

59

40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

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Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 31: AIDES Rapport Discrim

Droit de proprieacuteteacuteLrsquoarticle 544 du Code civil deacutefinit le droit de proprieacuteteacute comme laquo le droit de jouir et disposer des choses de la maniegravere la plus absolue pourvu qursquoon nrsquoen fasse pas un usage prohibeacute par la loi ou les regraveglements raquoLe droit de proprieacuteteacute beacuteneacuteficie drsquoune protection particu-liegravere en droit franccedilais puisqursquoil figure parmi les quatre laquo droits naturels et imprescriptibles de lrsquohomme raquo de la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle laquo La proprieacuteteacute eacutetant un droit inviolable et sacreacute nul ne peut en ecirctre priveacute si ce nrsquoest lorsque la neacutecessiteacute publique leacutegalement consta-teacutee lrsquoexige eacutevidemment et sous la condition drsquoune juste et preacutealable indemniteacute raquoIl fait eacutegalement lrsquoobjet drsquoune protection particuliegravere aux termes de lrsquoarticle 1er du premier protocole additionnel agrave la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Droit au logementLe droit au logement srsquoil nrsquoapparaicirct pas de maniegravere explicite dans les textes agrave valeur constitutionnelle deacutecoule cependant de la combinaison des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ndash La Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la famille les condi-

tions neacutecessaires agrave leur deacuteveloppement ndash Elle garantit agrave tous notamment agrave lrsquoenfant agrave la megravere

et aux vieux travailleurs la protection de la santeacute la seacutecuriteacute mateacuterielle le repos et les loisirs Tout ecirctre humain qui en raison de son acircge de son eacutetat physique ou mental de la situation eacuteconomique se trouve dans lrsquoincapaciteacute de travailler a le droit drsquoobtenir de la col-lectiviteacute des moyens convenables drsquoexistence

Ce droit est affirmeacute et confirmeacute par plusieurs lois en France Il devient opposable en 2007 par la loi instituant le droit au logement opposable dite loi Dalo Lrsquoarticle L3001 du Code de la construction et de lrsquohabitation preacutecise que laquo Le droit agrave un logement deacutecent et indeacute-pendant () est garanti par lrsquoEacutetat agrave toute personne qui reacutesidant sur le territoire franccedilais de faccedilon reacuteguliegravere et dans des conditions de permanence deacutefinies par deacutecret en Conseil drsquoEacutetat nrsquoest pas en mesure drsquoy acceacuteder par ses propres moyens ou de srsquoy maintenir Ce droit srsquoexerce par un recours amiable puis le cas eacutecheacuteant par un recours contentieuxhellip raquo Agrave ce titre les dispositions rela-tives au droit au logement deacutecent et indeacutependant fixent une laquo obligation de reacutesultats dont peuvent se preacutevaloir les demandeurs ayant exerceacute les recours amiable ou contentieux raquo 40Des conditions deacutecentes de logement sont essentielles pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de mecircme que celles toucheacutees par une maladie chronique notam-ment pour permettre les conditions neacutecessaires agrave une bonne prise des traitements et agrave une certaine hygiegravene et qualiteacute de vie favorable agrave la santeacute Diffeacuterentes plate-formes et dispositifs drsquoaides permettent drsquoacceacuteder et de faire valoir ce droit au logement Enfin lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt dans des conditions acceptables et sans surprimes excessives peut ecirctre une solution pour permettre aux personnes de devenir proprieacutetaires drsquoun logement dont elles pourront jouir durablement

Les normes conventionnelles et leacutegales relatives agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoassurance des personnes toucheacutees par une maladie ou un handicapCertaines personnes malades peinent agrave acceacuteder agrave la proprieacuteteacute En effet certaines compagnies drsquoassurance considegraverent que leur eacutetat de santeacute repreacutesente toujours un risque accru en terme drsquoassurabiliteacute ainsi ne beacuteneacute-ficiant pas drsquoassurance emprunteur elles sont exclues de lrsquoemprunt ou y accegravedent dans des conditions tregraves deacutefavorablesEn lrsquoabsence drsquoune leacutegislation contraignante pour les assureurs une deacutemarche conventionnelle a eacuteteacute retenue en France entre les pouvoirs publics et les profession-nel-le-s de lrsquoassurance Plusieurs conventions se sont ainsi succeacutedeacutees depuis 1991 pour reacuteduire les obstacles agrave lrsquoassurance emprunteur pour les personnes malades ndash Une convention de septembre 1991 a apporteacute quelques

ameacutenagements notamment en matiegravere de traitement des donneacutees meacutedicales agrave lrsquoassurance deacutecegraves des precircts immobiliers pour les PVVIH

ndash La convention dite convention Belorgey est signeacutee le 18 septembre 2001 entre les pouvoirs publics les professionnel-le-s les associations de consomma-teurs-trices et les associations repreacutesentant les per-sonnes malades ou handicapeacutees Elle tente de faire progresser lrsquoassurabiliteacute des personnes preacutesentant un risque de santeacute aggraveacute ainsi que la prise de conscience des difficulteacutes auxquelles elles sont confronteacutees Elle preacutevoit la mise en place drsquoune commission de suivi et de propositions drsquoune section scientifique et drsquoune section de meacutediation

ndash Consideacuterant que des progregraves sont encore possibles les parties neacutegocient et concluent une nouvelle conven-tion deacutenommeacutee Aeras laquo Srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo le 6 juillet 2006 entreacutee en vigueur le 7 janvier 2007

ndash La loi apporte une conseacutecration leacutegislative au dispo-sitif conventionnel avec la loi 2007-131 du 31 janvier 2007 relative agrave lrsquoaccegraves au creacutedit des personnes preacutesen-tant un risque aggraveacute de santeacute

ndash Pour rendre le dispositif plus ambitieux en particulier sur la garantie invaliditeacute et ameacuteliorer son effectiviteacute la convention Aeras est reneacutegocieacutee en 2010 et signeacutee le 1er feacutevrier 2011

ndash Lrsquoarticle 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 reprend un principe de la convention Aeras et donne au ou agrave la futur-e emprunteur-se le choix de son assurance Lrsquoeacutetablissement de creacutedit precircteur ne peut pas refuser le contrat drsquoassurance apporteacute (laquo deacuteleacutegation drsquoassu-rance raquo) par le ou la future emprunteur-se degraves lors que ce contrat preacutesente le mecircme niveau de protection que le contrat drsquoassurance de groupe qursquoil propose Lrsquoeacutetablissement de creacutedit ne peut pas modifier les conditions de taux en contrepartie de son acceptation drsquoun contrat par deacuteleacutegation Lrsquoeacutetablissement de creacutedit doit motiver sa deacutecision de refus drsquoune deacuteleacutegation drsquoassurance

59

40 Cour administrative drsquoappel de Paris 20 sept 2012

DROIT APPLICABLE

En France toute personne souhaitant emprunter de lrsquoargent pour raison personnelle ou professionnelle doit souscrire une assurance Or parce qursquoelles ont eu ou ont un problegraveme de santeacute des millions drsquoentre elles ne peuvent srsquoassurer et ainsi acceacuteder agrave la proprieacuteteacute La convention Aeras pour laquo srsquoassurer et emprunter avec un risque aggraveacute de santeacute raquo tente de lutter contre cette exclusion en encadrant les conditions drsquoaccegraves agrave lrsquoassurance Dans les faits les personnes vivant avec le VIH eacuteprouvent de nombreuses difficulteacutes agrave mener leur projet drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute

84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

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84 000Le nombre de personnes seacuteropositives au VIH sous traitement et en charge virale indeacutetectable qui pourraient ecirctre confronteacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes et agrave des surprimes injustifieacutees

21 LE VIh AUjOURDrsquohUI UN RISqUE TREgraveS LIMITEacute POUR LES COMPAGNIES DrsquoASSURANCE

Les progregraves theacuterapeutiques sur le traitement du VIH depuis lrsquoarriveacutee des meacutedicaments antireacutetroviraux en 1996 ont eacuteteacute remarquables sur lrsquoamoindrissement des effets indeacutesi-rables et lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutetat de santeacute des personnes Les personnes en charge virale indeacutetectable ont aujourdrsquohui dans certaines conditions une espeacuterance de vie en bonne santeacute similaire voire supeacuterieure (du fait drsquoun parcours en santeacute renforceacute) agrave la popu-lation geacuteneacuterale Cette espeacuterance de vie similaire ne relegraveve pas que du discours reven-dicatif des associations crsquoest une reacutealiteacute confirmeacutee scientifiquement par les enquecirctes laquo Mortaliteacute raquo de lrsquoAgence nationale de recherche sur le sida et les heacutepatites (ANRS) conduites en 2005 et 2010 ou encore par la recherche laquo ART Cohort Collaboration raquo qui croise les donneacutees de diffeacuterentes cohortes europeacuteennes de PVVIHCes consideacuterations creacuteent des bouleversements majeurs dans la maniegravere de consideacuterer le VIH aujourdrsquohui La seacuteropositiviteacute nrsquoest plus une condamnation agrave mort et les PVVIH doivent se projeter dans lrsquoavenir au mecircme titre que toute autre personne seacuteroneacutegative Et comme ces derniegraveres elles souhaitent investir et emprunter pour acqueacuterir un bien immobilier agrave titre priveacute ou autour drsquoun projet professionnel Parmi les personnes se sachant seacuteropositives au VIH pregraves de 70 sont sous traitement et en charge virale indeacutetectable soit plus de 84 000 personnes Elles restent confron-teacutees agrave des dispositifs drsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt speacutecifiques complexes agrave des surprimes qui ne sont pas justifieacutees Comme le souligne le rapport sur la laquo Prise en charge meacutedicale des personnes vivant avec le VIH raquo dit rapport Morlat remis au ministegravere de la Santeacute et des Affaires sociales en 2013 laquo les engagements des parties inteacuteresseacutees agrave ameacuteliorer leurs pratiques et agrave prendre en compte davantage les avanceacutees meacutedicales sont insuffisants raquo

Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt et agrave lrsquoassurance est la troisiegraveme theacutematique de sollicitations indivi-duelles de la plateforme Santeacute Info Droits 41 eacutemanant de personnes toucheacutees par diffeacute-rentes maladies chroniques Il constitue un sujet en forte augmentation entre 2012 et 2013 (+ 18 ) et donne lieu agrave 125 des sollicitations Les questionnements concernent de maniegravere eacutecrasante les assurances couvrant les precircts immobiliers (732 ) 42La majoriteacute des sollicitations en la matiegravere (71 ) srsquoexpriment en amont des projets les personnes ayant conscience que des difficulteacutes de santeacute passeacutees ou preacutesentes sont susceptibles de perturber leur projet drsquoemprunt notamment au niveau de leur assu-rance Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) souligne drsquoailleurs que laquo dans un contexte ougrave lrsquoapplication de la convention Aeras ne garantit pas aux candidats une reacuteponse assurantielle favorable il faut preacuteciser que lrsquoabsence drsquoassurance une couver-ture partielle lrsquoapplication de surprimes importantes sont des situations susceptibles de mettre en peacuteril lrsquoaccegraves au precirct lui-mecircme raquoLa convention Aeras doit remeacutedier agrave ces difficulteacutes en preacutevoyant des solutions alterna-tives agrave lrsquoassurance laquo Les eacutetablissements de creacutedit directement ou par deacuteleacutegation srsquoen-gagent agrave accepter notamment en cas de refus drsquoassurance en garantie des precircts quel que soit leur montant les alternatives agrave lrsquoassurance de groupe qui peuvent apporter des garanties dont la valeur et la mise en jeu offrent la mecircme seacutecuriteacute pour le precircteur et lrsquoemprunteur raquo (biens immobiliers portefeuille de valeurs mobiliegraveres contrats drsquoassu-rance vie ou de preacutevoyance individuelle ou de cautions)Dans les faits le CISS constate que rares sont les alternatives agrave lrsquoassurance qui se sont concreacutetiseacutees Drsquoabord parce que les candidat-e-s agrave lrsquoemprunt ne sont pas informeacute-e-s de cette possibiliteacute Ensuite parce que si des options existent elles soulegravevent des questions drsquoopportuniteacute Enfin les professionnel-le-s manifestent un manque drsquoentrain eacutevident agrave mettre en place ce type de garantieQue ce soit pour des raisons individuelles (deacutefaut drsquoinformation conclusion drsquoun emprunt dans la preacutecipitation eacutevolution des ressources etc) ou pour des raisons col-lectives (baisse des taux drsquointeacuterecirct eacutevolution de la convention Aeras etc) les personnes toucheacutees par un risque aggraveacute de santeacute srsquointerrogent sur lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacuteexamen en cours de contrat et la possibiliteacute de substituer une nouvelle assurance agrave celle sous-crite lors de la conclusion agrave leur emprunt initial

Teacutemoignage surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Jrsquoai deacutejagrave obtenu deux fois des couver-tures deacutecegraves sur des demandes de precirct immobilier avec vraie deacuteclaration de santeacute et apregraves eacutetude drsquoun dossier meacutedi-cal preacutecis Lrsquoassurance deacutecegraves mrsquoa eacuteteacute les deux fois accordeacutee avec une surprime de 50 et sans assurance invaliditeacute Sur une dureacutee de 13 ans la prime est de 668 euro par mois (au lieu de 445 euro sans surprime) pour 10 000 euro emprunteacute raquo (Cette demande date drsquoavant 2011 avant la reacutevision de la convention Aeras sur lrsquoin-validiteacute) (Source Seronet)

Teacutemoignage sur le renoncement au projetlaquo Mon meacutedecin mrsquoavait dit ldquoVous ecirctes courageux car nombreux sont ceux qui ont abandonneacuterdquo Je comprends deacutesormais le sens de ces motshellip Apregraves un eacutechec assurance dans le cadre de ma demande de precirct immobilier aupregraves de ma banque jrsquoai pris les services drsquoun courtier Le constat drsquoeacutechec est tout aussi cuisant aucune assurance ne souhaite assurer au motif de mon eacutetat de santeacute et des STATISTIQUES Alors que je suis en pleine formehellip mecircme pas la grippe ni un mal de gorge depuis des anneacutees Alors jrsquoai renonceacute agrave lrsquoachat agrave creacutedit mais je vais deacutenoncer les pratiques discriminatoires et infondeacutees des assurances aupregraves drsquoasso-ciations raquo (Source Seronet)

Avant 1996 et lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies la deacutecouverte de la seacuteropositiviteacute a eu des conseacutequences sur la maniegravere dont les personnes se sont projeteacutees dans lrsquoavenir Pour les personnes deacutepisteacutees lrsquoannonce de la seacuteropositiviteacute eacutequivalait souvent agrave une sentence de mort Elles faisaient parfois laquo leur deuil raquo et vivaient avec des projets agrave court voire tregraves court terme et un deacutefaut de projection dans lrsquoavenir laquo Je me pose beaucoup de questions jamais je nrsquoaurais penseacute arriver agrave cet acircge-lagrave Dans les anneacutees 80 on nous donnait deux ans Jrsquoai deacutejagrave mis du temps agrave faire le deuil de ccedila Depuis je nrsquoai jamais eacuteteacute capable de me projeter de faire des projets au long terme je fais tout au coup par coup raquo Beaucoup de personnes ont renonceacute agrave lrsquoeacutepargne Beau-coup aussi ont renonceacute agrave investir notamment dans un logement ou nrsquoont pas pu le faire faute de pouvoir acceacuteder agrave des precircts Lrsquoarriveacutee des tritheacuterapies a boule-verseacute cette situation des personnes qui se croyaient condamneacutees agrave une mort prochaine ont eacuteteacute confronteacutees

agrave quelque chose qursquoelles nrsquoavaient pas preacutevu ni mecircme parfois imagineacute lrsquoavanceacutee dans lrsquoacircge Lrsquoabsence drsquoantici-pation du vieillissement nrsquoest pas sans conseacutequence sur le deacuteroulement de celui-ci Du fait de leur parcours de vie avec le virus mais aussi agrave cause des effets indeacutesirables des traitements les personnes ont pu avoir un parcours professionnel fractionneacute marqueacute de peacuteriodes drsquoarrecircts maladie drsquoinvaliditeacute ou de chocircmage drsquoougrave des pensions de retraite moins eacuteleveacutees un certain nombre de per-sonnes touchant lrsquoallocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA dite laquo minimum vieillesse raquo) Cette preacute-cariteacute financiegravere est aggraveacutee par lrsquoabsence drsquoeacutepargne lrsquoabsence de logements desquels les personnes auraient pu ecirctre proprieacutetaires et augmente de ce fait la preacutecariteacute dans lrsquoacircge laquo Je risque drsquoecirctre eacutevacueacute de chez moi de mon appart pour payer mes dettes donc lrsquoangoisse lagrave crsquoest pas le VIH crsquoest la preacutecariteacute Ccedila me bouffe Crsquoest pas le VIH qui me bouffe ce sont les conseacutequences sociales on est drsquoaccord Ccedila me bouffe raquo

Vieillir avec le VIH le deacutefaut de projection dans lrsquoavenir

41 Le Collectif inter-associatif sur la santeacute (CISS) propose depuis 2006 un service Santeacute Info Droits (01-53-62-40-30) pour informer et orienter les usager-e-s confronteacute-e-s agrave des questionnements drsquoordre juridique ou social lieacutees agrave la santeacute En 2013 cette plateforme a traiteacute pregraves de 8 500 appels et courriels Voir Observatoire du CISS sur les droits des malades octobre 2014

42 Ces chiffres se basent sur les donneacutees de 2012 et 2013 Les donneacutees pour 2014 nrsquoont pas eacuteteacute deacutevoileacutees au moment de la reacutedaction de ce rapport

60 61

1  UN PArcoUrS dU combATTANT  

PoUr LES PErSoNNES ToUcHEacuteES  PAr UNE mALAdIE cHroNIqUE

mdash

2  VErS LE droIT Agrave LrsquooUbLI  

AdAPTEacute PoUr LE VIH  ET LES mALAdIES cHroNIqUES

mdash

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

43 httpwwwseronetinfoassurances-et-prets-bancaires-62309

62

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

PARTIE IV LE DROIT DE PROPRIEacuteTEacute

REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

CONTRIBUTIONS- pour AIDES Fabien Barthas Sarah Benayoun

Claire Piedrafita Y Costa Samantha Tessier- pour le Deacutefenseur des droits Vanessa Pideri- pour le CISS Marc Morel Steacutephane Gobel

Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

Imprimeacute sur un papier 100 recycleacute

CONTACTSAssociation AIDESTour Essor ndash 14 rue Scandicci 93508 Pantin CedexTeacutel 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe)wwwaidesorg assoAIDES wwwfacebookcomaides aidesaidesorg

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

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Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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22 COMMENT ChANGER LA DONNE

Lrsquoentrave dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt constitue une ineacutegaliteacute majeure dont sont victimes les PVVIH et plus largement un tregraves grand nombre de personnes vivant avec une mala-die chronique Crsquoest un sujet sur lequel AIDES srsquoest tregraves tocirct mobiliseacutee et qui est encore au cœur des preacuteoccupations de lrsquoassociation La mobilisation est double Elle passe drsquoabord par lrsquoaccompagnement individuel des PVVIH dans leurs deacutemarches via des guides comme Vie positive ou Seronet 43 site drsquoinformation et espace drsquoeacutechange de soutien et de rencontre destineacute aux personnes seacuteropositives etou porteuses drsquoune heacutepatite virale et leurs proches AIDES participe aussi au suivi de la convention Aeras pour y porter la voie des malades et contribuer au plaidoyer leacutegislatif quand la solution conventionnelle nrsquoest plus suffisanteAIDES a ainsi accueilli favorablement les amendements sur le droit agrave lrsquooubli dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute Le droit agrave lrsquooubli venant du Plan cancer deacutefinit des deacutelais au-delagrave desquels les personnes gueacuteries nrsquoont plus agrave deacuteclarer qursquoelles ont eu un cancer Pour ces personnes les surprimes ne peuvent plus ecirctre retenues Si initialement le droit agrave lrsquooubli implique la gueacuterison AIDES a parti-cipeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques Il srsquoagit de faire en sorte que ce droit soit ouvert aux mala-dies chroniques laquo degraves lors que les progregraves theacuterapeutiques et les donneacutees de la science attestent de la capaciteacute des traitements concerneacutes agrave circonscrire significativement et durablement leurs effets raquo Cette eacutevolution permettrait ainsi de deacutefinir pour chaque maladie chronique pouvant rentrer dans ce cadre des critegraveres et deacutelais faisant que les personnes si elles restent contraintes agrave renseigner leur eacutetat de santeacute sont assurables sans surprimes le cas eacutecheacuteantSi pour le cancer les deacutelais restent aujourdrsquohui tregraves longs et le nombre de personnes eacuteligibles au droit agrave lrsquooubli trop limiteacute et si pour les maladies chroniques les critegraveres restent encore agrave neacutegocier crsquoest un progregraves pour les droits des malades qursquoil conviendra de deacutefendre avec force dans les prochaines anneacutees

Teacutemoignage sur surprime et garantie limiteacutee au deacutecegraves laquo Quand on raisonne agrave long terme crsquoest toujours plus inteacuteressant drsquoacheter que de louer et rien nrsquoempecircche plus les seacutero-positifs de faire des projets agrave moyen et long terme Jrsquoai emprunteacute sur 17 ans et avec assurance deacutecegraves sans mentir alors que jrsquoavais agrave lrsquoeacutepoque 57 ans dont 22 de VIH Lrsquoassurance repreacutesente dans mon cas 7 euro par mois et pour 10 000 euro assureacutes raquo (Source Seronet)

Teacutemoignage sur lrsquoopportuniteacute de reneacutegocier son emprunt laquo Jrsquoai acheteacute en 2012 sur 25 ans agrave 4 Puis jrsquoai contracteacute le VIH en 2013 Les taux drsquoemprunt ont chuteacute tout le monde me dit de reneacutegocier Mais faut-il aussi revoir lrsquoassurance lors drsquoune reneacutegocia-tion de precirct Si oui ccedila ne vaut peut-ecirctre pas le coup raquoReacuteponse laquo La reneacutegociation drsquoun precirct consiste agrave signer un nouveau contrat de precirct avec une dureacutee et un taux diffeacuterent et donc un engagement de lrsquoassurance diffeacuterent sur le montant total assureacute Lrsquoas-surance doit donc ecirctre eacutegalement reneacute-gocieacutee et je pense que ce serait sur les donneacutees actualiseacuteeshellip Par ailleurs il y a souvent une clause de deacutedommagement de lrsquoorganisme de precirct en cas de rupture anticipeacutee Si tu ajoutes le montant de cette indemniteacute et la probable plus value sur lrsquoassurance il nrsquoest pas sucircr que tu sois gagnant (hellip) raquo (Source Seronet)

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Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute AIDES a participeacute agrave la reacutedaction drsquoamendements et soutenu lrsquoideacutee drsquoune adaptation du droit agrave lrsquooubli aux maladies chroniques

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REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

CREacuteDITSDirecteur de la publication Aureacutelien BeaucampCoordination Audrey Musto et Caroline Douay Reacutedaction Theacuteau Brigand Caroline Douay Jean-Franccedilois Laforgerie Adeline Toullier

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Rapport reacutealiseacute avec le soutien du Fonds de Dotation laquo Barreau de Paris Solidariteacute raquoRelectures Christian Andreo Franck Barbier Marc Dixneuf Nathalie Gautier Antoine Henry Fabrice PilorgeacuteGraphisme Samuel AvequinPhotographies les personnes en photo sont des modegraveles elles ne sont pas agrave notre connaissance concerneacutees par le VIH ou une heacutepatiteImpression Grapho 12 ndash 3 500 exemplaires

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Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

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REMERCIEMENTS agrave tous les militants et militantes de AIDES volontaires salarieacute-e-s personnes accueillies et proches qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain et leurs teacutemoignages ont permis de recenser et drsquoobjectiver les discriminations veacutecues par les personnes seacuteropositives au VIH Ainsi qursquoagrave Ceacuteline Rancoule Amandine Jung Laurent Pallot et Guillemette Quatremegravere pour leur soutien

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Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

Ce rapport est consultable sur wwwaidesorgrapport-discriminations-

wwwaidesorgwwwseronetinfo

Association AIDES Tour Essor10104811010484 rue Scandicci 1010489101048310104851010480 1010488 Pantin cedex

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Page 35: AIDES Rapport Discrim

Malgreacute des avanceacutees scientifiques et theacuterapeutiques majeures malgreacute la diffusion drsquoin-formations sur les modes de transmission le VIH sida continue de provoquer des peurs des rejets et des comportements drsquoexclusion La socieacuteteacute et le droit nrsquoeacutevoluent pas au mecircme rythme et des discriminations persistent La protection des droits des personnes seacuteropo-sitives doit ecirctre consideacutereacutee comme un enjeu majeur de santeacute publique et de justice sociale pour en finir avec ces pratiques illeacutegales

Agrave travers des enquecirctes des teacutemoignages et des constats partageacutes avec des associations et institutions partenaires AIDES recense et objective les discriminations subies par les personnes vivant avec le VIH ou une heacutepatite

Ce rapport eacutetabli en collaboration avec le Deacutefenseur des droits entame un inventaire des droits dont lrsquoaccegraves est compromis en raison du VIH ou drsquoune heacutepatite Il ne preacutetend pas agrave lrsquoexhaustiviteacute il donne un premier aperccedilu accablant de la situation en quatre points 1 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi il existe encore des professions et des formations qui excluent ex-plicitement les personnes qui vivent avec le VIH dont une part importante des meacutetiers de lrsquoarmeacutee et de la magistrature 2 Les refus de soins lieacutes au statut seacuterologique de la part des cabinets dentaires et dans une moindre mesure des cabinets gyneacutecologiques Une enquecircte a permis drsquoen donner la me-sure un tiers des cabinets dentaires testeacutes refusent de recevoir des patient-e-s en raison de leur seacuteropositiviteacute Il reacutevegravele aussi lrsquoampleur de la meacuteconnaissance par les professionnel-le-s de santeacute des modes de contamination et des regravegles drsquohygiegravene requises3 La liberteacute de circulation les personnes seacuteropositives au VIH et ou agrave une heacutepatite ne peuvent toujours pas se deacuteplacer librement et se rendre dans des lieux de soins dans cer-taines zones de la Reacutepublique franccedilaise la Guyane en lrsquooccurrence 4 Lrsquoaccegraves agrave lrsquoemprunt quand acceacuteder agrave la proprieacuteteacute agrave lrsquoassurance ou au precirct bancaire se transforme en parcours du combattant

La qualiteacute drsquoun Eacutetat de droit se mesure agrave la faccedilon dont sont traiteacutes les plus vulneacuterables Ignorer les ineacutegaliteacutes crsquoest abdiquer Les reacuteveacuteler crsquoest agir pour ameacuteliorer les droits pour tous et toutes Ce rapport ne vise pas seulement agrave deacutenoncer lrsquoampleur et la nature des discriminations subies Fort de donneacutees qualitatives et quantitatives AIDES met en place des strateacutegies pour faire eacutevoluer les pratiques et le droit pour que lrsquoeacutegaliteacute de traitement lrsquoemporte sur lrsquoexclusion Elle megravene ces combats le plus souvent avec des allieacutes associatifs par voie politique ou contentieuse et en plaidant aupregraves des deacutecideurs politiques En deacutefen-dant la cause des personnes toucheacutees par le VIH ou une heacutepatite AIDES entend ameacuteliorer le sort plus large des personnes toucheacutees par une maladie chronique et des personnes en situation de preacutecariteacute

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