Ahmed Dammaki

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Le recours à l’intuition lors de la prise de décision et l’influence de l’environnement socio-culturel Ahmed DAMMAK Doctorant CREPA / Université Paris Dauphine

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comptabilite financiere

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Dans le cas gnral, Eisenhardt et Zbaracki (1992), entre autres, suggrent que les processus de prise de dcision pourraient

Le recours lintuition lors de la prise de dcision et linfluence de lenvironnement socio-culturel

Ahmed DAMMAK

Doctorant

CREPA/ Universit Paris Dauphine

Colloque CIDEGEF - CEMADIMO

Le management face lenvironnement socio-culturel

Universit St Joseph; Beyrouth

28 29 octobre 2004

La prise de dcision est la partie cruciale du travail dun dirigeant. Elle justifie ltendue de son autorit et son accs linformation Dailleurs le manager est substantiellement impliqu dans toutes les dcisions importantes prises par son organisation.

Il a le pouvoir dengager lorganisation dans des actions nouvelles, il garantit que les dcisions tiennent compte de faon adquate des informations les plus rcentes et des valeurs de lorganisation et il intgre les dcisions stratgiques entre elles.La question qui se pose est: comment et sur quels critres les dirigeants prennent-ils leurs dcisions?

Nous essaierons de rpondre cette interrogation en montrant le rle que peut jouer lintuition dans cette prise de dcision.Nous essaierons aussi de mettre jour les facteurs qui pourraient amplifier ou limiter ce recours lintuition et principalement linfluence que pourrait avoir lenvironnement socio-culturel.Diffrentes manire de prendre une dcision

Le dirigeant lors de la prise de dcision doit faire un choix plus ou moins rapide, avec comme armes lensemble des informations quil aura rcolt ou emmagasin prcdemment.

Schmatiquement il pourra prendre la dcision de 3 manires diffrentes.

Soit par la squence analytique classique de prise de dcision: recherche ( analyse( choix. Il doit, alors, effectuer, une recherche minutieuse des alternatives de choix, une analyse approfondie de leurs consquences respectives, et le choix de lalternative satisfaisant le mieux des critres prtablis. Il pourra saider de techniques quantitatives et analytiques ou de systmes de simulation.

Soit aprs avoir saisi le problme dans sa globalit suivre la premire intuition qui lui vient lesprit et qui simpose lui comme la meilleure sans recours la moindre analyse

Soit enfin en combinant les deux mthodes prcdentes en essayant de confronter ses intuitions des analyses plus approfondies.Recours lintuition quasi-obligatoireCette utilisation de lintuition soit en tant que complment ou substitut lanalyse formelle simpose de plus en plus au vu des volutions des contextes de dcision.

Dune part, depuis maintenant quelques annes, lenvironnement des entreprises nest plus stable, est devenu changeant et incertain, lanalyse formelle seule ne fait plus laffaire. En effet les hommes narrivent pas produire des outils sophistiqus de manire aussi rapide que lvolution de lenvironnement, les diffrents instruments et mthodes prtablies de prise de dcision se trouvant de plus en plus vite dpasss et obsoltes.

Cest pour cela que les managers se penchent de plus en plus vers une adjonction de lintuition aux analyses rigoureuses pour essayer danticiper les volutions ventuelles, de compenser les donnes quils ne peuvent apprhender et amliorer, ainsi, le confort de la dcision.

Dautre part, les spcificits des dcisions incombant aux managers militent elles mme pour un recours lintuition. Ces dcisions sont caractrises par une grande incertitude, un manque de donnes fiables, des consquences importantes et un engagement de lentreprise pour le long terme. Ces dcisions sont, donc, non programmes, au sens de Mintzberg et al. (1976), cest dire complexes, dont on ne comprend que peu de choses et pour lesquelles il nexiste pas de mthode prdtermine permettant de parvenir une solution.

Cest pour cela que les alternatives de dcision et leurs consquences sont rarement connues avec clart et les choix sont faits de faon satisfaire les contraintes et non pas de faon maximiser les objectifs. Le manager et mme lquipe managriale ne peut apprhender en totalit chaque aspect du problme de dcision.

Etant donn cette complexit des dcisions les cadres ont de tous temps travaill et continuent le faire en se basant sur de linformation verbale et en suivant des processus intuitifs, non explicites.

Tentatives de dfinition de lintuition

Lintuition devrait donc avoir un rle dans la prise de dcision, mais quest ce donc ce concept dintuition?Nous allons commencer par exposer les diffrentes dfinitions acadmiques disponibles ce sujet:

Intuition vient du latin intueri qui, peu prs, signifieregarder attentivement lintrieur de soi

Pour lencyclopdie Universalis lintuition dsigne La manire dtre dune connaissance qui comprend directement son objet, par un contact sans mdiats avec lui et sans le secours de signes et de procds exprimentaux.

Dans les diffrents dictionnaires, nous lui trouvons de nombreuses dfinitions et elle serait:

Une perception rapide et spontane dune information sans lattention consciente ou le raisonnement.

Une forme de connaissance immdiate, claire et directe, ou une capacitde connatre qui ne recourt ni la dduction ni au raisonnement.

Une connaissance inne ou instinctive, le flair, le savoir ou le sixime sens qui permet de sentir et de deviner les choses.

Le fait datteindre une solution ou obtenir un rsultat en utilisant moins dinformations quil nest habituellement ncessaire.

Certaines sciences se sont intresses de manire plus approfondie lintuition comme la psychologie ou la philosophie.

En psychologie, lintuition est un jugement syncrtique qui nest prcd daucune laboration logique et on dit dun homme quil a de lintuition quand il porte frquemment des jugements justes sans justification logique et sans possibilit danalyse.

La pense intuitivetant une pense qui investit directement son objet, qui est la fois contact et comprhension, connaissance immdiate sans interposition de signes ni de procds exprimentaux ou dductifs.

Tandis quen philosophie, dune manire gnrale, le terme dintuition dsigne une forme de savoir dans lequel lobjet connu est immdiatement et totalement prsent lesprit. Le terme garde toujours un rapport proche ou lointain avec lacte de voir, le regard, que dsigne au sens propre lintuitus latin.

En recoupant lensemble de ces dfinitions, nous pouvons dduire que lintuition est en quelque sorte une connaissance directe de quelque chose sans utilisation consciente du raisonnement.

Lintuition est, aussi, compare des instincts, des pressentiments, une synthse de recherche et dexprience, une reconnaissance dinformations oublies.

Lintuition apparat un niveau inconscient, elle implique une interprtation holistique de linformation et une reconnaissance implicite de la structure des problmes et des relations entre les variables avec une certitude implicite que le pressentiment est correct.

En rsum lintuition est une manire inconsciente, holistique de procder dans laquelle le jugement est fait sans une conscience des rgles ou des savoirs utiliss.

Vers une intuition managriale?Ceci est pour la dfinition de lintuition dans le sens commun du terme mais vu son utilisation par les managers nous trouvons des dfinitions et des tmoignages de son utilisation dans la littrature de recherche managriale.

En effet, lintuition une fois matrise, permettra au dirigeant davoir un jugement inconscient sans intgrer de structure logique ou exprimentale ce qui laide lors de la prparation et de la prise de ses dcisions. Lintuition est, par ailleurs, souvent utilise pour anticiper une situation difficile extrapoler ou probabiliser.

Carl JUNG (1920) pense que les managers intuitifs ont une capacit dcisionnelle que le reste des personnes nont pas et cela consiste en une sorte de vision de ce qui va se passer et comment faire ragir leurs organisations cette vision. Ils sont particulirement efficaces sil faut gnrer de nouvelles ides et des solutions ingnieuses et dans des situations de crises ou de changements rapides. Donaldson et Lorsh (1993) montrent que les dcisions importantes sont rarement simplement prises sur la base dtudes dtailles et danalyses mais plutt sur des jugements fonds sur les expriences passes et pressentiments partags quant aux vnements futurs. Les managers sont prudents propos de lanalyse car ils savent que les vnements futurs sont largement imprvisibles et incertains.

Cela rejoint finalement le point de vue prcurseur de Chester Barnard qui, ds 1938, soulignait que les dirigeants au contraire des scientifiques, nont pas toujours le loisir de prendre les dcisions sur la base danalyses rationnelles mais doivent souvent se fier leurs intuitions.

Khatri et Ng (2000) estiment, quant eux, que les dcisions stratgiques tant caractrises par des connaissances incompltes, surtout dans un contexte denvironnement dynamique et changeant, il est difficile didentifier des variables prcises et dtablir des quations quantitatives pour aider la dcision, cest pour quoi la synthse intuitive serait mieux approprie.

Simon (1987) insiste, pour sa part, sur le fait quune thorie de la prise de dcision stratgique doit prendre en compte la fois les processus rationnels et intuitifs. En effet, pour lui, lanalyse et lintuition sont complmentaires et les bons managers les utilisent simultanment.

Mintzberg (1984) quant lui pense que lintuition na jamais disparue dans la pratique quotidienne des cadres, elle sest juste dissimule dans un obscur hmisphre du cerveau humain.

Enfin Marlow (1994) relate que les managers admettent que le point de dpart de la prise de dcision, est un sentiment intuitif. Ce pressentiment ayant t par la suite examin logiquement, a abouti une dcision qui a permis dexploiter des opportunits. Dans cette intuition est comprise la capacit anticiper les changements technologiques mais aussi anticiper les opportunits et les changements sociaux, politiques et conomiques

Les facteurs influenant le recours lintuition lors de la prise de dcisionPour Schneider et De Meyer (1991), le contexte de prise de dcision est influenc par les caractristiques individuelles des managers, le contexte organisationnel interne et les facteurs environnementaux. Dailleurs, Pettigrew pose la question de savoir si le processus de prise de dcision est plus influenc par la nature du problme dcisionnel que par le contexte organisationnel.

Au vu de ces deux analyse et tant donn que lutilisation de lintuition fait partie intgrante du processus de dcision nous pouvons considrer que le recours lintuition et son intensit sont influencs par trois types de facteurs:

Des facteurs inhrents au dcideur

Des facteurs relatifs la dcision elle-mme

Des facteurs ayant trait au contexte de la dcision, quil sagisse du contexte organisationnel ou de lenvironnement plus large de lorganisation et du dcideur.

Les facteurs inhrents au dcideur:

Parmi ces facteurs nous pouvons citer les caractristiques dmographiques (ge, sexe...) du dirigeant, sa formation, son exprience, sa position hirarchique dans lorganisation, son aversion au risque, ses rseaux de relations...

Cependant la plupart des recherches prcdentes ont not que le facteur le plus significatif tait lexprience du dirigeant.

Lexprience:

Pour Agor (1984), lintuition est proportionnelle lexprience, au nombre dannes de travail et de formation acadmique et inversement proportionnelle au manque de confiance et la peur dtre remplac. Lexprience des situations permet de percevoir un grand nombre de variables et dalternatives en mme temps.

Simon (1987), quant lui, pense que lintuition est comprise dans lorganisation du savoir et dans lidentification rapide des situations et non dans une sorte dinspiration irrationnelle. De plus Shimizu (cit par Simon) atteste que laperspicacit du dirigeant et donc sa sensibilit intuitive est la capacit de comprendre instantanment toute la structure dune nouvelle information provenant de lassemblage de fragments de mmoire regroupant diverses informations.

Pour, Prietula and Simon (1989), la synthse intuitive est une forme dexprience distille fonde sur une connaissance profonde du problme tudi.

Prietula et Simon citent, aussi, le psychologue Carl Jung pour qui lintuition ne dnote pas de quelque chose de contraire la raison, ce nest pas un sixime sens magique et elle nest pas loppose de la rationalit. Cest une forme sophistique de raisonnement bass sur des annes dexprience.

Lintuition, pour Khatri et Ng (2000) nest pas irrationnelle, elle est fonde sur une comprhension profonde de la situation. Cest un phnomne complexe qui puise dans le rservoir de connaissances subconscientes. Elle permet donc aux managers expriments de saisir la situation en intgrant et synthtisant de nombreuses donnes tout en ayant des informations incompltes.

Pour Chester Barnard (1938), La source de ce processus (intuitif) consiste dans la masse de faits, concepts, techniques, abstractions et donc tout ce quon appelle connaissance et croyances imprims dans nos cerveaux plus ou moins par effort conscient. Cette source grandit avec lexprience, les recherches et lducation.

Simon (1987), rsume cela en affirmant que le manager expriment garde en mmoire un grand nombre de connaissances accumules par entranement et exprience et organiss en associations dinformations. Cest pour cela quil arrive comprendre une situation et donner la rponse adquate beaucoup plus vite quun dbutant.

De plus ltude de Burke et Miller (1999) a confirm ces affirmations, puisque 66% des interrogs attestent que lintuition est base sur lexprience. Cette exprience est compose de lensemble des checs et succs connus que ce soit dans la vie prive ou professionnelle. Aucun na estim que lintuition tait un phnomne paranormal ou un trait inn de personnalit et la plupart estiment quon peut dvelopper lintuition par exprience et en lutilisant frquemment.

En rsum, Lintuition nest pas apprhende dans la littrature comme un sixime sens magique ou un trait inn de personnalit mais comme une accumulation dexprience.

Autres facteurs relatifs au dirigeant:

Agor (1986), a dcel que lutilisation de lintuition augmente ds que lon slve dans la hirarchie et que les femmes semblent plus intuitives que les hommes.

Pour Van Cawenbergh (1996) et al. les managers ayant, dans lorganisation, des postes financiers semblent moins intuitifs que le reste des dirigeants.

Quant aux mangers interrogs par Burke et Miller (1999), 40%, dentre eux, estiment que lintuition est influence par les sentiments et motions de lindividu quand il est en face dinformations pour la prise de dcision. Ces mmes managers relatent que leurs collgues intuitifs sont, les plus gs et ceux ayant des positions hirarchiques leves. Ils les qualifient dtres, confiants, ouverts desprit, flexibles, expriments, capables de prendre des risques, justes, rflchis et cratifs.

Enfin, mme si dautres recherches estiment que les femmes sont plus intuitives, 80% des interrogs nont pas mentionn le critre du sexe.

Facteurs relatifs la dcision elle-mme:

Nous pouvons citer lurgence de la dcision, sa nature (dcision dinvestissement, dinnovation...), son impact et importance, le degr de structuration du problme rsoudre.

Urgence:

Un manager press par le temps sera tent dliminer toutes les phases de traitement dinformation et dvaluation dalternatives, or Eisenhardt (1990) a montr que pour prendre rapidement une dcision les managers utilisent beaucoup dinformations mais en temps rel (real time information) cest dire uniquement les informations actuelles et pertinentes en liminant toutes les informations ntant pas directement lies au problme. De mme, les dirigeants examinent beaucoup dalternatives mais simultanment et non de manire squentielle ce qui acclre le processus. Elle note aussi que lintuition des dirigeants les aiderait en leur permettant de ragir rapidement. Lurgence serait donc un facteur qui favoriserait la combinaison de lintuition et dun processus analytique simplifi.

Nature de la dcision:

Simon (1987), estime que cest la nature du problme rsoudre qui est dterminante dans la pondration accorder lintuition et lanalyse.

Glaser (1995) note que lintuition est vitale dans les dcisions de recherche et dveloppement. De mme, Agor (1984), prconise le recours intuition pour des dcisions concernant lmergence de nouvelles tendances ou de crises. Enfin, Papadkis et al. (1998) ont suggr que les dcisions de lancer un nouveau produit ou de se lancer dans une nouvelle activit ou encore les dcisions de marketing requirent moins de rationalit que les des dcisions dinvestissement financier ou de rorganisation interne.

Degr de structuration du problme:

Shapiro et Spence (1997) insistent sur le fait que limportance de lintuition est inversement proportionnelle au degr de structuration du problme. Dailleurs pour Van Cawenbergh et al.(1996) lintuition est essentiellement utilise si la dcision est caractrise par un haut degr de risque et peu de donnes analytiques ou peu de prcdents sur lesquels se fonder.

Facteurs relatifs au contexte de la dcision:Nous nous intresserons ici la fois au contexte organisationnel de la dcision ainsi qu lenvironnement de lorganisation en tout.

Pour Khatri et Ng (2000), cest lenvironnement qui importe le plus. En effet, dans un environnement stable les donnes sont fiables, il ny a pas de pressions pour une collecte rapide de donnes et cette collecte nest, gnralement, pas coteuse, les dcisions peuvent, ds lors, tre bties sur des faits et analyse.

En revanche, si un environnement nest pas stable il pose trois problmes: contrainte de temps pour la collecte de donnes et dinformations, besoin dun grand nombre de donnes pour contourner cette instabilit et manque de fiabilit des donnes et informations. Dans ces situations les dcideurs pourraient se tourner vers la synthse intuitive qui permet de comprendre la situation en sinspirant des expriences passes et dinformations prcdentes.

Lenvironnement socio-culturel fait partie de ces facteurs relatifs au contexte de la dcision et nous allons nous y intresser individuellement de manire plus approfondieIl semble, aussi, lgitime de penser que le recours lintuition ne serait pas le mme selon le type de lorganisation et selon sa structure et que le style de dcision ne soit pas le mme dans une grande firme multinationale que dans une start-up ou dans une entreprise familiale. Dailleurs, Van Cawenbergh et al. (1996) ont montr trouv que les dirigeants de petites entreprises prives sont plus intuitifs que les dirigeants de filiales de multinationales o les normes et standards sont prtablis et rigides. Ce rsultat est confirm par Papadkis et al. (1998) qui montrent que les filiales de multinationales plus rationnelles que les entreprises prives plus petites.

Pour ce qui est de la taille de lorganisation, si pour Fredrickson et Iaquinto (1989) une grande taille est assimile une rationalit et une exhaustivit accrue, Dean et Sharfman (1993) trouvent que la taille nest pas influente.

Pour ce qui est de la structure de lorganisation, les recherches ne sont pas nombreuses mis part Agor (1984), qui prconise quune structure ouverte et flexible serait plus approprie lintuition quune structure pyramidale classique.

En rsum les facteurs qui influencent le recours lintuition sont divers et peut tre loin dtre exhaustifs. Il faut, cependant affiner la recherche et laxer sur certains facteurs plus que sur dautres. Le problme est de savoir sil est possible dtablir un classement entre les divers facteurs.

Linfluence de lenvironnement socio-culturel sur le recours lintuition lors de la prise de dcisionEisenhardt et Zbaracki (1992), entre autres, suggrent que les processus de prise de dcision pourraient tre assez diffrents dans des environnements socio-culturels diffrents en raison essentiellement de la variation de notions telles que la hirarchie ou la dynamique de groupe.

De mme, Schneider et De Meyer (1991) trouvent que des dirigeants plongs dans des environnements socio-culturels diffrents, aboutissent des rponses diffrentes un mme problme.

Ds lors que cet environnement socio-culturel est prouv influent sur le processus de dcision, nous pouvons supposer quil devrait influencer les diffrentes caractristiques de ce processus et notamment, lutilisation de lintuition dans le processus.

Peu de recherches stant intress au rle de lintuition dans les processus dcisionnel ont essay dexplorer cette influence socio-culturelle. En effet, la plupart des recherches se sont concentres dans un pays ou un environnement prcis.

Agor (1989) a dune certaine manire apprhend ce facteur. En effet mme si la recherche dAgor sur lutilisation de lintuition dans le contexte dcisionnel se limitait aux Etats-Unis, il a essay dexaminer linfluence de lorigine ethnique et donc de la culture familiale des dirigeants sur leur approche de la dcision.

La recherche dAgor est btie autour dun questionnaire qui mesure le style dcisionnel du dirigeant sur une chelle (de 1 12) pour le considrer plutt analytique ou intuitif (pus le score est grand plus lindividu est intuitif).

Les principaux rsultats dgags par Agor relatent une diffrence assez notable entre dirigeant ayant des origines socio-culturelles diffrentes.

En effet, si les dirigeants dorigine europenne ont un score (6,2) trs proche de la moyenne (utilisation quivalente du raisonnement et de lintuition), les managers dorigine asiatique semblent lgrement plus intuitif (6,5).

Les dirigeants dorigine hispanique (score 4,6) et africaine (score 5,2) semblent moins enclins que la moyenne recourir lintuition.Ces rsultats dAgor laisse donc penser que lenvironnement socio-culturel peut avoir une influence assez notable sur la propension des managers recourir lintuition lors de la prise de dcision.

Nous allons essayer dexplorer un peu plus cette relation.

Tentative dexploration empirique de la relation intuition environnement socio-culturelLors dune autre tude du rle de lintuition lors de la prise de dcision, nous avons mesur le style dcisionnel du dirigeant (plutt analytique ou plutt intuitif) en utilisant un outil de mesure labor par Allinson et Hayes, le Cognitive Style Index (CSI).

Nous avons appliqu ce CSI uniquement sur des dirigeants franais ce qui ne pouvait pas nous permettre dexaminer linfluence du background socio-culturel sur ce style dcisionnel.

Cependant nous avons lopportunit de possder les rsultats dautres tudes ayant utilis ce CSI dans dautres environnements.

Nous allons donc essayer par la comparaison de ces diffrents rsultats de voir sil y a des diffrences significatives en terme dapproche lintuition dcisionnelle.Pour cela nous commencerons par prsenter le CSI avant dexplorer ces diffrents rsultats.

Prsentation de loutil de mesure

Allinson et Hayes (1996) ont tabli cet outil de mesure du style cognitif, en terme de dualit analyse - intuition. Ils dfinissent le style cognitif comme reprsentant les diffrences individuelles consistantes en terme de moyens prfrs dorganisation et de traitement des informations et des expriences. Ceci est confirm par Sadler Smith (1999) pour qui le style cognitif concerne plus la forme du traitement de linformation que son contenu et reprsentera la dominance dun mode de pense sur lautre (pense intuitive et pense analytique). Il met, en outre, en exergue que ce style est stable travers le temps et quil peut tre valu par des techniques psychomtriques. Pour sa part, il utilise le CSI pour lvaluer.

Allinson et Hayes ont donc dvelopp cet outil permettant de dmontrer empiriquement la dimension intuition analyse du style cognitif et en mme temps de dfinir la position dun individu sur cette dimension (plutt analytique ou plutt intuitif).

Lavantage du CSI est quil ne soit compos que de 38 items lui permettant ainsi de pouvoir tre appliqu des tudes organisationnelles une grande chelle car il suffit de 5 ou 10 minutes pour y rpondre.

Nous nous permettons de penser que cet outil est un outil fiable et digne de confiance. En effet il a t labor sur un chantillon de 1000 personnes et sa validit a t atteste par des tudes qui y ont t consacr: Par exemple Sadler Smith, Spicer, Tsang (2000) ont appliqu le CSI sur plus de 1000 managers diffrents degrs hirarchiques et dans des types dentreprises diffrentes. Ils obtiennent des rsultats similaires ceux dAllinson et Hayes (1996), ils trouvent, en mme temps, que la fiabilit interne du CSI est satisfaisante.

Dautre part Sadler Smith (1999) note que le CSI a prcdemment dmontr la validit de son construits travers les analyses factorielles confirmatoires et les tudes corrlationnelles dAllinson et Hayes (96). Son degr duniformit tait lev (entre 0,84 et 0,92) et sa fiabilit test re-test est de 0,90. De mme le CSI a prouv une fiabilit temporelle importante.

Quelques exemples de questions du CSI

Les plans formels sont plus un obstacle quune aide dans mon travail

Ma philosophie est quil vaut mieux tre sr que de risquer dtre dsol

Je suis enclin scanner les rapports que de les lire en dtail

Je prfre laction chaotique linaction ordonne

Je fais toujours attention aux dtails avant datteindre une conclusion

Je suis plus performant quand mon travail inclut une squence claire des taches accomplir

Le CSI tant un outil de mesure, toute lanalyse de ses rponses rside dans la manire dattribuer des scores chaque rponse. Pour cela nous avons eu la chance dtre en contact par courrier lectronique avec le professeur Allinson co-auteur du CSI et qui nous a fournit des indications trs prcieuses sur cette notation.

Le CSI comporte 38 questions trois rponses possibles: vrai (V), incertain (?), faux (?).

Pour 21 questions, la rponse vrai indique une tendance analytique et doit tre note 2 points (1 pour incertain et 0 pour faux)

Pour les 17 autres, la rponse "vrai" indique au contraire une tendance intuitive, et la notation est inverse (0 pour vrai, 1 pour incertain et 2 pour faux)

Il est noter pour viter les biais, les questions ont t places dans le questionnaire dans un ordre alatoire sans sparation stricte des deux catgories.

La notation du questionnaire peut, donc, aboutir un score (thorique) maximum de 76 et un minimum (thorique) de 0. Plus le score est lev et plus le mode de pense de lindividu serait tendance analytique et moins il le sera plus il sera intuitif. Le score moyen de 38 peut indiquer une utilisation quivalente de lintuition et de lanalyse.

Cependant cette notation nous laissait un peu sur notre faim. En effet nous ne pouvions dcemment pas analyser de la mme manire un questionnaire ayant par exemple obtenu le score de 45 et un autre de 70 en concluant que tous les deux tant au dessus de la moyenne 38 seraient considrs comme analytique.

Nous avons pens que comme le CSI permet de placer le style cognitif de lindividu sur un axe intuitif rationnel, il est lgitime dchelonner cet axe.

Cest pour cela et pour pouvoir regrouper et comparer nos interviews de manire plus efficace, nous avons pens laborer cette chelle 7 catgories:

Intuitif (utilisation quasi exclusive de lintuition): score 0 ( 10

Plutt intuitif (lutilisation de lintuition est privilgie): 11 ( 21

Lgrement intuitif (lger penchant lutilisation de lintuition): 22 ( 32

Neutre (utilisation quivalente de lintuition et lanalyse): 33 ( 43 (avec dans cet intervalle la valeur moyenne 38 indiquant une quivalence parfaite dans lutilisation de lintuition et de lanalyse)

Lgrement analytique (lger penchant lutilisation de lanalyse) 44 ( 54

Plutt analytique (lutilisation de lanalyse est privilgie): 55 ( 65

Analytique (utilisation quasi exclusive de lanalyse): 66 ( 76

Rsultats

Nous avons appliqu le CSI sur 50 dirigeants de tour oprateurs franais. Nous leur avons administr ce questionnaire en face face

Tous nos interlocuteurs taient de trs hauts dirigeants de leurs entreprises respectives (PDG, DG, fondateur) et les entreprises taient toutes des PME.

En mesurant leur style dcisionnel par le biais du CSI nous obtenons un score moyen de 45,79. Ce score est ranger dans la catgorie lgrement analytique, cette catgorie tant dailleurs la plus reprsente dans notre chantillon en regroupant 45% de nos interlocuteurs. Ce score moyen de 45,79 laisse penser quen moyenne les managers utilisent conjointement lintuition et lanalyse lors de la prise de dcision mais avec une lgre prfrence pour une approche analytique.

Quen est-il des autres rsultats du CSI? En effet le CSI a t utilis dans diffrents autres pays et diffrents contextes. Nous allons exposer dans le tableau suivant le pays dorigine des interlocuteurs et le score moyen obtenu et la catgorie dans laquelle nous pourrions le classer

Pays dorigineScore MoyenCatgorie

France45,79Lgrement analytique

Npal48,07Lgrement analytique

Jordanie48,05Lgrement analytique

Russie44,06Lgrement analytique

Inde43,83Neutre

Singapour41,61Neutre

Grande Bretagne*33,26Neutre

Canada42,50Neutre

Hong Kong41,52Neutre

Australie38,59Neutre

Allemagne35.64 Neutre

* Il est signaler quen Grande Bretagne et dans les pays suivants, ltude a t ralis auprs dtudiants en management et donc futur dirigeants et non auprs de dirigeants confirms comme cela t le cas dans les pays prcdents.

Quelles conclusions pouvons nous tirer de ce tableau?Dj nous voyons que nous obtenons des scores assez disparates allant de 33 48, mais nous remarquons surtout que lensemble de nos interlocuteurs se regroupe en uniquement deux catgories. 3 lgrement analytique et 5 neutre.

Nous voyons donc que dun pays un autre le CSI ne rvle pas de grandes diffrences, nous ne faisons par exemple pas un grand cart entre un pays dominance analytique et un autre dominance intuitive.

Si lenvironnement semble avoir une rpercussion sur les prfrences en terme de style dcisionnel, elle semble assez limite. Nous retrouvons quelque soit le pays une tendance une utilisation simultane de lintuition et de lanalyse.

Nous pouvons conclure que linfluence directe du background est limite.

Cependant ceci ne doit pas remettre en cause toute influence de lenvironnement socio-culturel sur le mode de prise de dcision. Dune part nous avons relev une certaines disparits par pays mais dautre part cet environnement aura un rpercussion indirecte beaucoup plus importante.

En effet nous avons mentionn prcdemment le rle trs important de lexprience dans le choix dune dcision intuitive, de mme lors dentretiens avec les dirigeants nous avons not que plus de la moiti estimaient que lintuition et son utilisation dans la prise de dcision est issue de lexprience.Cette exprience est elle-mme issue du vcu des dirigeant mais elle est essentiellement faonne pour plus de 35% dentre eux par la connaissance de lenvironnement de lentreprise.

Donc lenvironnement socio-culturel faonnera lexprience du dirigeant et influencera donc de manire indirecte le rle que peut avoir lintuition dans la prise de dcision

Nous naurons plus un lien

Mais un lien indirectConclusionLintuition du manager joue un rle cruciale lors de la prise de dcision.

Le dirigeant y a recours pour apprhender des problmes complexes et pour compenser un manque de donnes ncessaires une approche analytique rigoureuse.

Cette intuition sert gnralement dlment dclencheur faisant germer une ide que le dirigeant confrontera ensuite aux faits et informations disponibles pour prendre a dcision.Ce recours lintuition lors de la prise de dcision est influenc par divers facteurs dont lenvironnement socio-culturel.

Cependant le rle de ce background socio-culturel reste secondaire et devanc par limportance de linfluence de la nature de la dcision et de lexprience du dirigeant.

Enfin cet environnement socio-culturel se rvle influent de manire indirecte en faonnant cette exprience du dirigeant qui amplifie le rle de lintuition et reprsente une des composantes de cette intuition.

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Environnement socio-culturel

Intuition lors de la prise de dcision

Intuition lors de la prise de dcision

Environnement socio-culturel

Exprience du dirigeant

Nous remercions les professeur Allinson et Hayes nous ayant non seulement permis dutiliser leur outil de mesure mais nous ayant en plus fournis les rsultats de diffrents tudes ayant utilis le CSI.

Pour avoir lintgralit du questionnaire ou demander lautorisation de lutiliser, les intresss peuvent sadresser directement au professeur Allinson par courrier lectronique: [email protected]

Cette chelle a t accepte et valide par le professeur Allinson lors dun change de courriers lectroniques.

Nous avions rencontr ces dirigeants pour des entretiens plus approfondis dans le cadre dune autre tude.

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