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    DE LA PREMIRE LA SECONDE GLOBALISATIONMichel Aglietta et Jacques Le CacheuxOFCE | Revue de l'OFCE

    2007/3 - n102

    pages 155 204

    ISSN 1265-9576

    Article disponible en ligne l'adresse:

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-de-l-ofce-2007-3-page-155.htm

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    Pour citer cet article :

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Aglietta Michel et Le Cacheux Jacques, De la premire la seconde globalisation,

    Revue de l'OFCE, 2007/3 n102, p. 155-204. DOI : 10.3917/reof.102.0155

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    DE LA PREMIRE LA SECONDE

    GLOBALISATIONMichel AgliettaUniversit de Paris X-NanterreCEPII

    Jacques Le CacheuxUniversit de Pau et Pays de lAdourDpartement des tudes de lOFCE

    t 2007

    Revue de lOFCE 102

    [email protected]@ofce.sciences-po.fr

    partir du milieu du XIXe sicle et jusqu la veille de la Premire Guerre mondiale,le monde a vcu une premire globalisation dont les caractristiques sont profon-dment diffrentes de celle entame la fin du sicle dernier. Comme les tats-Unisaujourdhui, le Royaume-Uni tait alors la puissance conomique, montaire etfinancire dominante, mais le cur de lconomie mondiale quelle constituait avecquelques autres pays europens dgageait une pargne nationale importante etexportait massivement capitaux et main-duvre vers le reste du monde. Le rgimede croissance qui sest mis en place lchelle mondiale cette poque, mmesil ntait pas exempt de crises, tait sous-tendu par des flux internationaux etdes mcanismes montaires stabilisants. Au contraire, parce que les tats-Unispargnent peu, la seconde globalisation en cours facilite laccumulation des dsqui-libres, notamment financiers, engendrant des crises rcurrentes.

    Conu pour analyser les interactions entre volutions dmographiques et flux co-nomiques et financiers dans le monde du XXIe sicle, caractris entre autres parun vieillissement dmographique qui gagne successivement les diffrentes rgionsdu monde, et par des progrs techniques naissant dans les conomies les plusavances et se diffusant dans le reste du monde, engendrant ainsi des phnomnesde rattrapage conomique, le modle INGENUE est un outil destin lexploration

    de scnarios cohrents dvolution de lconomie mondiale au cours des dcennies venir. Il permet de dterminer les flux internationaux de biens et de capitaux,les rythmes de croissance des grandes rgions du monde, les taux de rendementdu capital, etc., qui sont compatibles avec les changements dmographiques etavec des hypothses plausibles de diffusion technologique. Il permet galementdtudier les modifications induites par des changements dans le rythme derattrapage des grandes rgions notamment la Chine et lInde ou par desrformes de certaines institutions cls influant sur les comportements dpargnedes mnages, telles que les rgimes publics de retraite par rpartition.

    Mots cls : Globalisation. Flux internationaux de capitaux. Modles dquilibre gnralcalculable gnrations imbriques. Rgimes de croissance mondiale.

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    J anus bifrons, la mondialisation apparat, en cet t 2007, comme lamatrice du meilleur et du pire : dune part, la croissance mondialena jamais t aussi soutenue depuis le dbut du sicle, et cedynamisme semble mme gagner enfin la vieille Europe ; maisdautre part les signes de tensions se multiplient dans une rgime cono-mique, montaire et financier mondial qui semble dpourvu dergulations et dont les crises et soubresauts semblent tre le seul modedajustement face des dsquilibres croissants, tant dans les balancesdes paiements des grands pays dficit courant abyssal amricain,excdents formidables de la Chine et des conomies asiatiques engnral que sur les marchs, dsormais rellement mondialiss, desmatires premires le ptrole, bien sr, mais aussi les minerais etles matires premires agricoles alimentant les craintes dunenouvelle vague dinflation. Lconomie mondiale est-elle condamne linstabilit? Lt 2007 a une nouvelle fois, fait souffler un vent depanique sur les marchs financiers internationaux et il sen est fallu depeu que les forts ajustements oprs sur les cours boursiers un peupartout dans le monde ne dgnrent en crise financire majeure, tant

    les dsquilibres accumuls dans certaines conomies, et singulirementlconomie amricaine, sont importants et tant linterdpendance desplaces financires est grande. Les raisons de cette instabilit endmiquesont nombreuses, et notre propos nest pas, ici, den offrir une analyseexhaustive 1. Il sagit pour nous de mener une investigation sur la naturedu processus de mondialisation que nous vivons actuellement et durgime de croissance mondiale quil a engendr.

    Parce quil nest pas sans prcdent, il nous a sembl intressant defaire dabord un parallle entre le phnomne et celui qui a caractrisla seconde moiti du XIXe sicle et la premire dcennie du XXe et

    que lon qualifie habituellement de premire mondialisation . Cettemise en perspective historique permet de faire merger les traits singu-liers de la seconde globalisation et didentifier ce que pourraienttre les contours dun rgime de croissance viable pour le XXIe

    sicle. La seconde globalisation est, en effet, remarquable par lesvolutions dmographiques et technologiques qui la sous-tendent : alorsque lexplosion dmographique de la seconde moiti du XXe siclelaisse peu peu la place une transition vers une stabilisation quelon veut croire assez rapide de la population mondiale, les diffrentesrgions du monde traversent cette transition les unes aprs les autres;

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    1. Pour des analyses plus compltes et plus pousses de la globalisation financire et desdsquilibres dont elle a favoris laccumulation, notamment depuis la crise asiatique de 1997, voiren particulier, Aglietta et Berrebi (2006).

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    et tandis que les innovations technologiques semblent toujours prendrenaissance principalement dans les conomies les plus dveloppes et singulirement aux tats-Unis , leur diffusion vers les conomies

    en retard de dveloppement est, lvidence, un moteur dterminantde la croissance conomique de ces rgions.

    Dans une troisime partie, nous prsentons donc les grandes lignesdun cadre analytique le modle INGENUE labor prcismentpour tudier les interactions, lchelle mondiale, entre les volutionsdmographiques dans les diffrentes rgions du monde et les processusde diffusion technologiques luvre entre ces rgions. Cet outilpermet de caractriser le rgime de croissance du XXIe sicle, etdtablir des scnarios dans lesquels la cohrence entre les volutions

    conomiques rgionales et mondiales taux de croissance, tauxdintrt, investissement et formation du capital productif, pargne etaccumulation patrimoniale, soldes des balances des paiements rgio-nales et flux internationaux de capitaux entre les grandes rgions est assure. Par comparaison avec un scnario de base, le modlepermet, en outre, dtudier les consquences, rgionales et globales,des diffrentes hypothses, notamment dventuels changements dansles processus qui engendrent les interdpendances, par exemple uneacclration du rattrapage technologique dont bnficient les grandesconomies asiatiques (Chine et Inde). Une brve conclusion tire

    quelques leons de cet exercice et esquisse les contours dextensionsenvisageables du modle.

    1. Croissance, investissement et mouvementsde capitaux dans la premire globalisation

    La premire globalisation est caractrise par deux phnomnesmajeurs : de puissants transferts de capitaux long terme des pays lesplus avancs vers les pays en dveloppement de lpoque dune part,la stabilit des changes dautre part. Ces deux traits marquants ont faitlargement dfaut la seconde globalisation. La dure des deux volu-tions, un tiers de sicle pour la premire (1880-1913) et plus dun quartde sicle pour la seconde depuis le dbut des annes 1980, rendpossible une comparaison des processus dintgration financire dansles deux phases historiques. Pour y procder, il faut dabord exposerles interdpendances qui font la structure dynamique de la premireglobalisation.

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    1.1. Le Royaume-Uni au cur : importance de la migrationdu capital et de la main-duvre

    Le rassemblement dinformations sur les actifs dtenus ltrangerpour estimer des stocks mondiaux est fragmentaire avant la PremireGuerre mondiale. Cela na gure de sens de les rapporter au PIB mondialpour comparer leur importance celle quils ont acquise aprs 1960 olinformation est bien plus complte. Cest pourquoi, dans leur tentativede recension, Obstfeld et Taylor (2002) les rapportent au PIB agrgdes pays pour lesquels il y a une information. Selon cette mesure, leratio du stock de capital dtenu par les non-rsidents au PIB agrg despays concerns serait pass de 0,47 en 1870 un pic de 0,55 en 1900et 0,51 en 1914. Puis il sest effondr pendant les deux guerres mondialeset la Grande Dpression. Il tombe 0,28 en 1930 et un minimum de0,12 en 1945. Sa remonte est ensuite trs lente, le ratio ntant quede 0,18 en 1960 et de 0,36 en 1980. L commence la seconde globa-lisation puisque le ratio atteint 0,60 en 1990 et 0,71 en 1995.

    La seconde globalisation aurait donc connu une accumulation plusrapide que la premire. Car en 1870 linternationalisation du capital estdj bien avance. Il ny a pas de donnes globales, mais on sait queles annes 1860 ont t une dcennie dexpansion internationale rapidedes capitaux anglais et franais.

    La rpartition gographique des stocks de capitaux dtenus par lesrsidents des deux grandes puissances europennes de lpoque aprs1870 montre quil ny avait pas du tout de concurrence entre elles maisun partage du monde (tableau 1). Cette structure est compltementdiffrente de la seconde mondialisation du capital o les exportateursde capitaux se prcipitent pour investir dans les mmes zones.

    partir du milieu des annes 1860 et surtout partir de 1870,lpargne anglaise canalise par les banques daffaires a dlaiss lEuropepour les terres dempire et pour les territoires vierges ou peu peuplsdAmrique et dOcanie. Au contraire, 70 % du capital accumul parla France en 1914 se trouvait en Europe et au Moyen-Orient. Pourtudier les interdpendances intercontinentales, on peut donc seconcentrer sur le Royaume-Uni.

    Lobservation des flux nets dpargne donne un aperu diffrent. Lecontraste entre la premire et la seconde globalisation est saisissant.Pour les annes 1880-1913 le flux net de capital export en moyennepar treize pays europens vers le reste du monde atteignit 3,5 % deleur PIB agrg. titre de comparaison, la mme mesure de la mobilit

    nette du capital fut de 2 % dans lentre-deux-guerres et seulement de1,5 % du PIB dans les trente annes de haute croissance aprs laSeconde Guerre mondiale. La mobilit sest accrue de nouveau dans laseconde globalisation qui a dbut avec les chocs ptroliers pour

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    atteindre 2,7 % du PIB au dbut des annes 1990 jusqu la criseasiatique. Puis le flux net de capitaux des pays dvelopps est devenungatif, comme on le verra dans la seconde section, sous leffet dudficit abyssal des tats-Unis. Les importations de capitaux vers lestats-Unis lont trs largement emport sur les exportations sous formedinvestissement direct et de portefeuille des autres pays dvelopps.Cest pourquoi on trouve cette caractristique indite des paysmergents finanant massivement la premire puissance conomiquemondiale. Le contraste des deux poques historiques de globalisationest encore plus accus si lon compare les tats-Unis actuels auRoyaume-Uni, pays dominant de la premire globalisation. De fait,lexportation nette de capitaux par le Royaume-Uni tait bien au-dessusde celle de la moyenne europenne. Son taux dpargne nette fut de4 % en moyenne entre 1880 et 1900. Il sleva 7 % dans la priode1905 1913, pour atteindre le niveau record de 9 % en 1913.

    Cette caractristique oppose donc la premire et la seconde globa-lisation. Mais la diffrence la plus frappante est la complmentarit entre

    lexportation du capital et lmigration de la main-duvre europennedans la premire globalisation. Rien quau Royaume-Uni, le paysdominant de lpoque, 3 % de la population migra dans les annes1880, 5,2 % dans les annes dpressives 1890 et encore 2 % dans la

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    1. Rpartition des encours de capitaux long terme dtenuspar le Royaume-Uni et par la France

    Source : A.G Kenwood et A.L Lougheed, 1971.

    Royaume-Uni

    Par zone de destination (en %) 1854 1870 1914

    Europe 55 25 6Amrique latine 15 11 24Empire 5 34 29tats-Unis 25 27 29Reste du monde _ 3 12Sur un total (en millions de ) 260 770 4 107

    FrancePar zone de destination (en %) 1851 1881 1914

    Europe 96 71 58Moyen-Orient _ 20 11Colonies _ 4 9Amriques 4 5 16Reste du monde _ _ 6Sur un total (en millions de ) 98 688 2 073

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    premire dcennie de croissance du XXe sicle. Dans les pays dimmi-gration, lapport de population fut tout simplement inou : 9 % de lapopulation provint de limmigration en sus de laccroissement naturel

    aux tats-Unis, 17 % en Australie et 25 % en Argentine.La complmentarit ralise par ces transferts de capitaux et de

    main-duvre alimentait un rgime de croissance mondiale. Une main-duvre europenne jeune et productive tait attire par les salaireslevs ou par les revenus dentrepreneur comme colons. Grce cettepopulation migre, les progrs technologiques rapides dans lestransports par fer et par mer taient convertis en inputs bas cotspour les industries europennes, soit directement, soit grce lapression la baisse ainsi exerce sur le cot des biens de subsistance.

    Les flux dinvestissement long terme provenant des pays capita-listes avancs forte pargne taient les vecteurs dun rgime decroissance mondiale qui liait troitement les zones exportatrices demain-duvre et de capital et les zones qui les importaient.

    1.2. Larticulation de laccumulation du capitalet de linvestissement ltranger

    Cette articulation a jou un rle crucial dans le rgime de crois-sance. La source de la progression du revenu britannique na pas tprincipalement due laccumulation intensive du capital domicile.Celle-ci fut modeste. Le facteur essentiel fut la baisse du prix rel desimportations en consquence des investissements ltranger2. Surquarante ans, de 1875 1914, la croissance du capital au Royaume-Unifut seulement de 80 %. Le ratio en valeur du capital au revenu auRoyaume-Uni resta constant long terme aux environs de 5,5. La crois-sance de linvestissement cumul ltranger fut de 250 %. Surlensemble de la priode, le revenu par tte a augment de 1 % paran et le cot de la vie a lgrement baiss de 0,4 % par an. La partdu capital dans le revenu national est reste stable 0,33; ce qui avecun coefficient de capital par unit doutput (K/Y) de 5,5 donne unerentabilit du capital de 6 % par an. De plus le maintien de la part desrevenus du capital a t d aux revenus tirs des investissements ltranger, le rendement du capital investi domicile ayant subi la loide la baisse tendancielle du taux de profit. Car cette poque lindustrieanglaise souffrait de lpuisement du progrs technique dans lesbranches textile et chemin de fer qui avaient fait son succs, alors quelle

    tait domine dans les nouvelles industries mcaniques et lectriquespar lAllemagne et les tats-Unis.

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    2. La rfrence principale en la matire est Cairncross (1953).

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    Cependant lensemble de la priode 1873-1913 se dcompose endeux sous-priodes : de 1873 1896, cest la longue dflation o lesprix et le taux de profit ont tendanciellement baiss; de 1897 1913,

    cest une priode dinflation avec augmentation du taux de profit. Lesalaire rel a volu en sens contraire.

    Le mouvement des prix de gros exhibe des phases alternes trsmarques dans la seconde moiti du grand XIXe sicle (tendu jusquen1913) (tableau 2).

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    2. Variation des prix de gros du milieu du XIXe sicle 1913

    En % sur les priodes

    Sources : tats-Unis : Department of Commerce. Statistical Abstracts from colonial time to 1970.Pays europens : B.R. Mitchell (1978).

    1849-1873 1873-1896 1896-1913tats-Unis + 67 53 + 56Royaume-Uni + 51 45 + 39Allemagne + 70 40 + 45France + 30 45 + 45

    La rgulation de laccumulation du capital dans lconomie britan-nique au cours de la premire globalisation reposait sur desmouvements de ciseaux portant sur les prix, sur la proportion entrelinvestissement domicile et linvestissement ltranger et sur lesmouvements de population. Le flux dinvestissement ltranger dter-minait le rythme de lmigration de la population active dans unmouvement de bascule avec linvestissement domicile.

    Lorsque les opportunits dinvestissement flchissaient au Royaume-Uni, lpargne anglaise se plaait dans les zones de peuplement. Ces

    flux de capitaux y dveloppaient loffre dans la production de matirespremires minires et surtout agricoles. En mme temps, le marasmeau Royaume-Uni rduisait la demande. Les prix des produits alimen-taires imports se mettaient baisser. Ils diminuaient le niveau de viedans lagriculture britannique et faisaient donc affluer la populationdans les villes. La concomitance du bas cot des subsistances et delexcs de main-duvre relevait la rentabilit du capital. Un boom delinvestissement se dclenchait au Royaume-Uni. Il durait jusqu ce quelaugmentation de lemploi et la hausse du cot des subsistances fassentmonter les salaires au point de retourner la profitabilit la baisse.

    Cette situation avait dautant plus de chances de se produire que lesimportations agricoles augmentaient vite, alors que les investissements ltranger staient taris puisque la rentabilit avait t forte auRoyaume-Uni. On se retrouvait donc dans une situation o la rentabilit

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    du capital flchissait au Royaume-Uni et augmentait dans les zones depeuplement, amorant un autre cycle dexportation de capital quientranait lmigration de main-duvre au moment o le chmage

    augmentait domicile.Le schma ci-dessous dcrit les interdpendances long terme qui

    constituaient la structure du rgime de croissance mondiale.

    Michel Aglietta et Jacques Le Cacheux

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    Schma des interdpendances long terme

    ANGLETERRE PAYS DE PEUPLEMENT

    Taux decroissance

    Tauxdinvestissement

    Flux de capitaux long terme

    Tauxdinvestissement

    Taux decroissance

    Tauxdintrt

    relLT

    Tauxdintrt

    relLT

    Tauxde change

    rel

    Lgende :

    Relation conomique

    Parit des taux rels

    ajusts du risque

    Un modle simple de ces interdpendances dans laccumulation ducapital montre que les rythmes de croissance long terme entre leRoyaume-Uni et les zones de peuplement variaient en sens contrairesdans le cycle long (encadr 1).

    ROYAUME-UNI

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    1. Interdpendances de laccumulation du capital entrele Royaume-Uni et les pays de peuplement

    Lindice 1 dsigne le Royaume-Uni et lindice 2 un pays de peuplement(tats-Unis, Canada, Australie, Argentine,). Les quations sous-jacentes auschma des interdpendances sont les suivantes :

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    I

    Yuq ti vY

    F

    Yf

    I

    Yg Y hq

    i

    = +

    =

    + ( )

    & &

    & &

    1 1

    21

    1 == +

    =

    +

    =

    +

    1 1

    2 2 2

    2 2

    2

    F

    Y i

    iF

    Yi

    Y mF

    Yli n

    i i

    &

    11 = +&q x

    Les six quations relient sept variables, le taux de croissance du Royaume-Uni tant pris comme variable indpendante Y1. La premire quation dcritlaccumulation du capital au Royaume-Uni. Dans une conomie mondiale fondesur une division verticale du travail, le taux de change rel est troitementcorrl aux termes de lchange. Le taux dinvestissement dans le pays leader(I/Y)1 est fonction croissante du taux de croissance Y1, du taux de change relq et fonction dcroissante du taux dintrt rel i1.

    La deuxime quation dtermine le taux dexportation du capital par leRoyaume-Uni (F/Y)1. Cette variable est fonction dcroissante du taux dinves-tissement et du taux de change rel, parce quune baisse des termes delchange du Royaume-Uni signifie une augmentation de la rentabilit des inves-

    tissements dans les branches qui exportent vers ce pays. Lintensit delexportation de capital est aussi fonction dcale de la croissance dans les zonesde peuplement Y

    2. Le dcalage provient de linertie dans la formation des

    capacits de production oprationnelles dans les secteurs primaires.

    Les troisime et quatrime quations dsignent la formation des tauxdintrt rels dans les deux zones. Les dterminants sont les mmes, ce quiexprime linfluence prpondrante du Royaume-Uni sur les conditions de finan-cement en dehors de lEurope. Les effets opposs de lexportation de capitalexpriment linfluence des substitutions de loffre dpargne anglaise sur les deuxmarchs des titres domestiques et des titres trangers mis Londres.

    La cinquime quation explique que la croissance dans les pays de

    peuplement Y2 est dtermine par les importations de capitaux et par le tauxdintrt rel. Enfin la sixime quation reflte lintgration financire interna-tionale. Elle dcrit la parit relle des taux dintrt corrige dune prime derisque long terme x suppose exogne.

    1

    1 1

    1

    1

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    .

    .

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    La droite (I) rsulte de lquilibre du march des capitaux. Elle dterminelvolution du taux de change rel compatible avec un taux de croissance donndans les pays de peuplement. La seconde droite (II) dcrit lquilibre dynamiquedu march des biens dans les pays de peuplement. Elle dtermine la croissancequi est compatible avec une volution donne du taux de change rel.

    Si le march des titres Londres est efficient, llasticit des mouvementsinternationaux de capitaux au taux dintrt est forte. Donc 1 et 2 sont petits.Dans cette configuration, on trouve : I Pente II I > I Pente I I ; ce qui garantit lastabilit de lquilibre dynamique.

    Une lvation du rythme de croissance au Royaume-Uni dplace I vers lehaut et II vers le bas en I et II. Lquilibre se dplace de A en A. Il sensuitune hausse du taux de change rel du Royaume-Uni et une baisse du taux decroissance des pays de peuplement. Cest le mcanisme qui tait la base descycles alterns de laccumulation en longue priode.

    1.3. Intgration financire internationale et stabilit des taux longsLa grande stabilit des taux dintrt nominaux long terme est la

    caractristique la plus spectaculaire de lpoque de ltalon or. Les tauxnominaux sont plus stables que les taux rels. Les taux longs sont insen-sibles aux fluctuations des taux courts. La comparaison entre les

    priodes 1880-1913 et 1960-1997 est clairante (tableau 3).Les deux poques compares ont connu chacune une longue phase

    dinflation et une longue phase de dsinflation (dflation pour la priode1880-1896). Pourtant la variabilit moyenne des taux longs a t environ

    On rsout le modle pour des volutions de long terme. On sintresse linteraction entre la croissance au Royaume-Uni, la croissance dans les pays depeuplement et le mouvement du taux de change rel. On aboutit deuxquations rduites entre la variation du taux de change rel et la croissance

    dans les pays de peuplement, ces relations tant paramtres par la croissanceanglaise (graphique).

    Michel Aglietta et Jacques Le Cacheux

    164Revue de lOFCE 102

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    (I')

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    dix fois plus faible sous ltalon or. La variabilit des taux courts taitaussi plus faible, mais lcart est nettement moins important aveclpoque 1960-1997. Il y a donc eu deux caractristiques structurelles

    diffrentes. A contrario, les prix et les revenus taient fortementcycliques, donc beaucoup plus variables que dans les conomies dusecond XXe sicle (tableau 4). Cela veut dire que les finalits de lapolitique conomique taient profondment diffrentes.

    DE LA PREMIRE LA SECONDE GLOBALISATION

    165Revue de lOFCE 102

    3. Variabilit des taux dintrt

    carts-types des variations mensuelles

    Source : Contamin (2000).

    1880-1913 1960-1997LT CT LT CT

    Royaume-Uni 0,21 1,16 2,84 3,07France 0,30 0,67 2,85 3,11tats-Unis 0,33 2,56 2,60 3,35

    Lune des diffrences tait institutionnelle. Elle tenait au rgimemontaire. Le principe de la convertibilit or tait bien plus quunrgime de change fixe. Ctait une constitution montaire non crite,non pas une rgle de fonctionnement des changes. Les parits ortaient tenues pour intangibles par les gouvernements comme par lesinvestisseurs. Ce principe simposait aux objectifs de la politique cono-mique, mme dans les poques dflationnistes o une suspension dela convertibilit aurait permis de dvaluer, donc dallger lessouffrances de la population rsultant de la dpression. La confiancedans la monnaie tait donc dordre thique. Les faiseurs dopinionexaltaient sans relche lordre montaire libre et la monnaie saine . Cette attitude exprimait la croyance que la monnaie nepouvait pas tre manipule, que le pair du change tait naturel . Lamonnaie tait le symbole dune socit bourgeoise qui glorifiaitlindividu, la proprit et le contrat.

    La convertibilit apparaissait donc comme la garantie de la scuritfinancire fonde sur la continuit des engagements privs. Elle signi-fiait que la prservation de la valeur des contrats privs tait dun ordresuprieur aux prfrences collectives que les tats pouvaient mettre enuvre en rassemblant les moyens de la politique conomique. Cestpourquoi la stabilit des changes tait un impratif catgorique, non pasle rsultat dun calcul des cots et avantages de diffrents rgimes de

    change possibles. La consquence tait lallongement des horizonsdinvestissement. Puisque les taux longs taient beaucoup plus stablesque les taux courts et puisque aucune inflation long terme ntaitanticipe, les obligations coupon fixe et dure infinie (les consols)

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    taient aussi les titres les plus liquides. Les banquiers daffaires propo-saient ces titres mis dans des pays lointains toute lEurope. Ilstalaient les calendriers des missions primaires de manire ne pas

    provoquer de perturbations temporaires dans les marchs des grandescapitales occidentales.

    Michel Aglietta et Jacques Le Cacheux

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    4. Comparaison des indicateurs conomiques de stabilitau Royaume-Uni et aux tats-Unis

    Source : Cooper (1982).

    1879-1913 1946-1979Pays RU EU RU EU

    Coefficient variationdes prix 14,9 17,0 1,2 1,3Coefficient variationdu revenu 2,5 3,5 1,4 1,6Coefficient variationde la masse montaire 1,6 0,8 1,0 0,5

    La deuxime diffrence tait structurelle. La division internationale dutravail entre lEurope et le reste du monde tait verticale et provoquait

    des phases alternes dinvestissements. Par consquent, le montantglobal de linvestissement mondial tait trs stable. Or les flux dpargnedes catgories de mnages rentiers taient rguliers et canaliss parles banques daffaires vers les placements longs. Comme les marchsdes titres obligataires taient mondiaux, ils squilibraient des prix quitaient peu perturbs. Une hirarchie stable des taux dintrt obliga-taires au-dessus du taux anglais captait des primes de risque peu affectespar le mouvement gnral du cycle de laccumulation.

    1.4. Stabilisation long terme des balances des paiementsUne diffrence macroconomique tranche entre les deux globalisa-

    tions est que la premire na jamais connu de drives des soldescourants, caractristiques de dsquilibres structurels croissants. En effetles exportations de capitaux longs taient corrles positivement auxexportations de marchandises britanniques et ngativement aux inves-tissements intrieurs et lactivit domestique, donc aux importations.La balance des capitaux longs et la balance commerciale taient donccorrles ngativement et la balance de base anglaise stabilise.

    Puisquelle fluctuait peu, le Royaume-Uni naccumulait pas dendettementstructurel long terme. Lopposition avec les tats-Unis, que ce soit sousBretton Woods ou aujourdhui, est totale : toujours excdentaire longterme, le Royaume-Uni avait alors des cranciers obligs court terme

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    de ses banques. Ils faisaient contrepartie des exportations de capitauxlongs. Le produit des investissements fournissait les moyens depaiements des marchandises exportes par le Royaume-Uni ou par les

    pays europens qui acceptaient les lettres de change en sterling, moyende paiement universel du commerce international.

    De plus, les mouvements des prix et des volumes allaient en senscontraires et donc amortissaient la variation de la balance commercialeen valeur. Lorsque les investissements intrieurs saccroissaient, lestermes de lchange anglais augmentaient aussi, comme on la montrplus haut. Mais les volumes dimportation progressaient plus vite queles volumes dexportation. Lorsque la hausse des salaires et des impor-tations acclrait celle des prix agricoles, les termes de lchangesinversaient. Mais la profitabilit des investissements se dgradait auRoyaume-Uni et lactivit conomique y baissait. Les volumes dimpor-tation diminuaient donc. Mais le flux dinvestissement ltrangerprenait le relais et fournissait les moyens dacheter les marchandisesanglaises. Les volumes dexportation augmentaient et la balancecommerciale en volume devenait plus excdentaire. Le tableau 5rassemble ces mcanismes de stabilisation.

    Le rsultat de lensemble de ces mcanismes endognes de rqui-librage est que le systme montaire international fonctionnait avec desbesoins trs faibles en or. Le Royaume-Uni, qui tait le pivot du systme

    de ltalon or, tait le pays qui avait le moins de rserves dor. Lorsque lastabilisation du change court terme tait ncessaire, elle tait ralisepar le maniement du taux dintrt court terme anglais, qui faisaitlevier en sens contraire sur lmission des lettres de change en sterlinget sur les dpts liquides des banques trangres auprs des banquesanglaises. Parce que la confiance dans la convertibilit excluait les

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    5. Les stabilisateurs long terme de la balance des paiementsdu Royaume-Uni

    Source : Auteurs.

    Variables Phase montante Phase descendantede linvestissement de linvestissementau Royaume-Uni au Royaume-Uni

    Rythme de croissance de la FBFau Royaume-Uni

    Rythme de croissance desexportations de capitaux longs

    Termes de lchangedu Royaume-Uni

    Variations du volumede la balance commerciale

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    mouvements spculatifs, les variations des capitaux courts taienttoujours stabilisantes. Elles finanaient souplement les dsquilibrestemporaires dans la balance de base (Aglietta, 2006).

    Le phnomne essentiel est que le march montaire de Londresconcentrait les tensions internationales qui sexeraient sur les marchsdu crdit dans le monde. En respectant la constitution montaire noncrite, cest--dire en menant la politique du taux descompte pourmaintenir la convertibilit de la livre sterling avec un minimum demouvements dor, la Banque dAngleterre rgulait le march interna-tional des lettres de change. Par l, son incidence sur les taux dintrtcourts des autres pays tait grande (Eichengreen, 1987). Les variationsdes taux dintrt taient troitement corrles, ce qui constituait uneconjoncture internationale (tableau 6) : les balances de paiementsntaient pas divergentes court terme parce que le cycle industrieldes affaires tait synchrone dans les principaux pays europens.

    On a donc pu mettre jour les mdiations dune stabilit systmiquequi, partant dune confiance thique dans une constitution montaireimplicite, a conduit une structure montaire hirarchise. Celle-ci taitdote de proprits de stabilit dynamique dapparence automatique,mais en ralit pilote par un contrle central parce que la place deLondres concentrait les tensions montaires du monde entier.

    Michel Aglietta et Jacques Le Cacheux

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    6. Corrlation des variations des taux dintrt montaires

    Source : Vidal, 1989, p. 168.

    Royaume-Uni Allemagne France Autriche

    Royaume-Uni 1 0,83 0,90 0,76Allemagne 1 0,89 0,93France 1 0,83Autriche 1

    2. Les dysfonctionnements financiersde la seconde globalisation

    La situation financire internationale au dbut du XXIe sicle est

    comptablement dsquilibre. Elle lest aussi conomiquement car ellemet les pays qui en sont les protagonistes dans des positions o leursintrts sont incompatibles ou vont le devenir. Cette situation sopposedu tout au tout au systme que lon vient dtudier. Le pays metteur

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    de la devise cl est de plus en plus dficitaire en compte courant. Lesflux nets dpargne vont des pays fort potentiel de croissance versles tats-Unis, le pays le plus avanc et le plus riche. Le systme

    montaire international na plus aucune rgle commune pour grer lestaux de change. Les mouvements de capitaux spculatifs peuventgravement perturber les pays que lon appelle maintenant mergents nimporte quel moment. LEurope, qui tait au curde la premire globalisation, joue un rle marginal dans la seconde quidveloppe une polarisation entre les tats-Unis et lAsie.

    On va prendre lampleur de la mesure des dsquilibres avant denexpliquer les raisons. Puis on se proccupera de dfinir lajustement quipourrait conduire un rgime de croissance viable pour ce demi-sicle.

    Ce rgime sera tudi dans la partie suivante laide du modleINGENUE.

    2.1. Polarisation des positions financires lavantagedes tats-Unis

    Lextrme polarisation de lvolution des soldes courants est stup-fiante depuis la crise asiatique (tableau 7). Entre 1997 et 2005, seuls

    lEurope et les tats-Unis ont dtrior leurs soldes. Mais les chiffressont sans commune mesure : la zone euro a vu son excdent courantdiminuer de moiti, mais elle reste excdentaire de 50 milliards dedollars en 2005. Les PECO ont t constamment dficitaires, mais leurdficit en 2005 est de 56 milliards de dollars. La dtrioration de leursolde depuis 1997 a t de 35 milliards. Les tats-Unis qui taient djdficitaires de 136 milliards de dollars en 1997, arrivent au dficit extra-vagant de 725 milliards en 2005 (et 850 milliards en 2006, soit unedtrioration de 714 milliards depuis 1997).

    En contrepartie, toutes les autres grandes rgions conomiquessont passes dun dficit un excdent ou ont normment augmentleurs excdents courants. De 1997 2005, laugmentation delexcdent courant asiatique a atteint 175 milliards de dollars hors Japonet 235 milliards avec le Japon, pour un excdent agrg de 347 milliardsen 2005, soit un peu moins de la moiti du dficit amricain. Maiscette accumulation nette dactifs est rpartie entre tous les pays dAsie.Cest lAsie en totalit qui devient un ple financier majeur dans lafinance internationale. Les trois autres grandes rgions qui ontnormment amlior leur balance courante sont les producteurs de

    matires premires et dnergie primaire : Amrique latine, Russie,Moyen-Orient.

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    Le tableau 8 illustre le changement radical amen dans la croissance

    mondiale par la crise asiatique et les crises financires qui en ont tles rpercussions. Les deux zones les plus touches par les crises(hormis la Russie), cest--dire lAsie mergente hors Chine etlAmrique latine, ont seulement subi une rcession temporaire. Ellesont repris leur croissance et leurs taux dinvestissement se sontredresss aprs 2001. Mais leur pargne a progress bien plus que leurinvestissement. Cest pourquoi ces zones, qui taient emprunteusesnettes pour la majeure part des annes 1990, sont devenues de plusen plus prteuses nettes.

    Parce que le rgime de croissance a t irrversiblement transformaprs la crise asiatique, cest un des facteurs structurels du changementradical qui sest produit dans lquilibre pargne investissement mondialdont rend compte le tableau 8. Ce nest pas seulement un contrecoupde la crise. Cest aussi une rorientation dlibre de la politiqueconomique dans des pays qui veulent contrler leur endettement endollars et accumuler des rserves de change pour sextirper des griffesdu FMI. Le moyen de cette politique a t une augmentation delpargne publique.

    De son ct, la Chine, qui a toujours eu une capacit de finan-

    cement, dgage une pargne de plus en plus forte avec la politique decontention du surinvestissement mene par le gouvernement partirde 2004. Le Japon a aussi t un pays capacit de financement struc-turelle. Mais lapprofondissement de la dflation aprs la crise asiatique

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    7. Balances courantes dans les grandes rgions conomiques du monde

    En mds $ EU

    Source : FMI, World Economic Outlook, Spring 2006, statistical appendix, current account summary.

    Pays ou rgions 1997 2001 2005 Variation2005-1997

    tats-Unis 136 388 725 589Zone euro 100 13 50 50

    Japon 97 88 157 + 60

    Autres pays avancs 21 83 136 + 115(pays industriels dAsie) (6) (51) (92) (+ 86)

    Chine 34 17 77 + 43Autres mergents dAsie 27 23 21 + 48

    Amrique latine 67 54 4 + 71PECO 21 17 56 35Russie 3 34 86 + 89Moyen-Orient 10 39 161 + 151

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    et leffort des banques pour rsorber les crances douteuses ontasphyxi la consommation et profondment dmoralis les mnages.Aussi la reprise de la croissance, lorsque lassainissement financier des

    banques a t bien engag, sest-elle faite sans le moindre dynamismede la consommation. Celle-ci a eu du mal repartir plus dun an aprsle retour de la croissance.

    Lautre facteur structurel du changement de lquilibre pargne-investissement mondial est la hausse tendancielle des prix de lnergiequi exprime une raret durable et qui entrane un accroissement massifde la capacit de financement du Moyen-Orient et de la Russie.

    On voit donc que le Japon et la totalit des pays mergents, hormisles PECO qui nont pas subi les rpercussions des crises financires,

    sont devenus des pourvoyeurs de moyens de financement au lieu dtredes ples dentranement de la croissance mondiale grce leurdemande intrieure; ils le sont, bien sr, dans une certaine mesure,mais pourraient ltre bien davantage.

    DE LA PREMIRE LA SECONDE GLOBALISATION

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    8. Sources et usages de lpargne mondiale : soldes financiers

    En % du PIB des pays et groupes de pays concerns

    Source : FMI, World Economic Outlook, Spring 2006, statistical appendix, sources and uses of funds.

    Pays ou rgions Moyenne Moyenne1991-1998 2000-2002 2005

    conomies avances 0,5 0,4 1,3

    tats-Unis 2,4 3,2 6,0Zone euro + 0,3 + 0,4 + 0,7

    Japon + 2,4 + 2,5 + 3,7Pays industrialiss dAsie + 2,0 + 4,2 + 6,1

    conomies mergentes 2,2 + 1,1 + 2,4

    Chine + 1,8 + 2,0 + 3,9

    Autre Asie mergente 1,6 + 1,8 + 2,5Amrique latine 2,8 2,0 + 0,5PECO 2,7 4,3 4,3Moyen-Orient 2,6 + 3,0 + 10,1Russie n.d + 6,6 + 8,5

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    2.2. La dficience de lpargne amricaine, principale causedes dsquilibres financiers mondiaux

    Il est incontestable que lpargne nationale a baiss plus aux tats-Unis que dans les autres zones dveloppes. Le premier facteur est lapolitique budgtaire. Le tournant de la politique budgtaire partir de2001 a t radical puisque le budget fdral est pass dun excdentde 2,5 % du PIB a un dficit de 3,5 % du PIB. La concidence entre ladtrioration du solde public et celle du solde courant est un bonargument au moins pour identifier un effet dclencheur de la politiquebudgtaire sur la dtrioration des finances extrieures des tats-Unis 3.Cependant, plus long terme, lpargne prive nest pas passive. Il nya aucune raison quil y ait un co-mouvement entre lpargne publiqueet lpargne nationale.

    Le dficit courant est une variable endogne qui dpend du compor-tement des agents privs et de lensemble de la politique conomique.La politique montaire a au moins autant dinfluence que la politiquebudgtaire. La politique montaire amricaine peut sappuyer sur lestatut international du dollar. Cest une tradition amricaine depuis laSeconde Guerre mondiale que la valeur internationale du dollar et lecompte courant ne sont ni des objectifs, ni mme des contraintes dela politique conomique. Cest pourquoi la fragilit des bilans des entre-

    prises aprs le retournement boursier en 2001 a t le souci uniquede la banque centrale. Permettre le dsendettement des entreprisesdans les meilleures conditions en garantissant la liquidit du systmefinancier cote que cote a t lobjectif premier de la Fed.

    Cependant, avec le retour de la croissance en 2004 et bien que lapolitique montaire ait commenc corriger son biais expansif, lamachine conomique amricaine a commenc draper et les dsqui-libres des mnages se creuser. En effet, alors que le retour descrations demplois pouvait laisser esprer une remonte du taux

    dpargne des mnages, ncessaire pour le ramener un niveau compa-tible avec leur richesse financire, il sest pass exactement le contraire :en lespace dun an et demi, le taux dpargne des mnages amricainsa chut de prs de 3 points pour se retrouver 0,7 % au deuximetrimestre 2006. Le taux de capacits nettes financires ou de cash flownet ((revenus dpenses de consommation et dinvestissement)/revenus) a dgringol 6,0 %, alors que depuis la fin des annes 1940il avait toujours t positif. Une seule fois auparavant dans toute lhis-toire des tats-Unis, un tel phnomne avait eu lieu, ctait durant laGrande Dpression des annes 1930. Mais si cette poque, le cash

    flownet ngatif provenait de la baisse brutale des revenus des mnages,aujourdhui il rsulte de la volont des mnages de maintenir un niveau

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    3. Cet argument est prsent avec force par N. Roubini et B. Setser (2004).

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    trop lev de leurs dpenses face la progression limite de leurpouvoir dachat.

    Le manque croissant dpargne des mnages a entran le tauxdpargne de la nation des niveaux excessivement bas : mme si cedernier remonte trs lgrement depuis la fin 2005 grce la rductiondu dficit budgtaire, il est aujourdhui de 13,8 %, et a diminu de 4,5points de PIB depuis son niveau de 2000.

    Dans le mme temps, le taux dinvestissement na quasiment pasbaiss puisquil se retrouve 20,2 % en 2006 contre 21,2 % au plusfort en 2000, mais avec une complte redistribution entre les entre-prises et les mnages. Les premires ont rduit leur tauxdinvestissement de prs de 3 points de PIB 10,8 %, un niveau infrieur

    la moyenne de longue priode. Les seconds lont augment rguli-rement pour atteindre 6,2 %, soit 1,7 point de plus que sa moyennede longue priode et que son niveau de 2000.

    Il ressort que la cause primordiale de la dficience de lpargne doittre recherche au sein de lconomie amricaine, en particulier chezles mnages. La libert que donne le statut du dollar la politiqueconomique est une condition permissive importante de la dure desdrives financires.

    2.3. Le semi-talon dollar paralyse lajustementet des changements structurels simposeront

    Une hypothse la mode est que le Systme montaire interna-tional (SMI) actuel est le nouveau Bretton Woods 4 : les relationsde change ajusteraient au mieux un avantage mutuel entre la Chine etles tats-Unis. Les tats-Unis ayant un systme financier plus performantfont de lintermdiation financire internationale : ils importent lpargnechinoise sous forme de capitaux qui sinvestissent dans des titres liquideset en transforment une partie en exportations dinvestissements directs,ce qui laisse un dficit courant; les crances de la Chine aux tats-Unissont un collatral de linvestissement direct des entreprises amricainesqui font le transfert de technologie.

    Lallusion au systme de Bretton Woods nest que trs partiellementcorrecte. Il est vrai que dans les annes 1960 les pays europensaccumulaient des rserves de change en dollars, parce quils respec-taient les parits fixes contre le dollar qui tait survalu. Mais la balancecourante des tats-Unis ntait pas dficitaire. Les crances sur les tats-

    Unis compensaient les investissements directs massifs des entreprises

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    173Revue de lOFCE 102

    4. Lhypothse du nouveau Bretton Woods a t popularise par M. Dooley, D. Folkerts-Landau et P. Garber (2003).

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    amricaines en Europe. En quelque sorte, lconomie amricaine faisaitde lintermdiation financire internationale. Elle faisait des investisse-ments longs ltranger quelle finanait en sendettant en dollars

    court terme. De manire plus gnrale, il ny a aucune raison que lepays metteur de la devise cl ait un dficit chronique. Avant laPremire Guerre mondiale, le Royaume-Uni avait des excdentscourants trs levs, tout en mettant la monnaie internationale dansun systme de changes fixes, comme on la montr plus haut.

    Si donc la position dominante du dollar est une condition permissivede la structure distordue de lquilibre pargne-investissement mondial,elle nen est certainement pas la cause. Il faut chercher celle-ci, commeon vient de le voir, dans le fait que les mnages amricains vivent dlib-

    rment au-dessus de leurs moyens avec laide dun systme financier,qui est une machine sendetter, et dun systme fiscal qui en est unpuissant incitant.

    Nanmoins, la condition permissive est essentielle. Dans le semi-talon dollar, il nexiste aucun mcanisme contraignant, quil vienne dumarch ou des autres gouvernements, pour ajuster la liquidit interna-tionale aux besoins des changes internationaux. Lunilatralismeamricain est global et a donc une dimension montaire. Cest la liquiditinternationale qui est asservie aux choix de la politique amricaine.

    On peut dcrire le cercle vicieux qui provoque la dangereuse drivefinancire. Les prfrences politiques et sociales des tats-Unisconduisent une demande intrieure systmatiquement suprieure auxcapacits de production du pays, lesquelles sont amputes par laconcurrence industrielle de lAsie. Il en rsulte un dficit courantcroissant qui est financ par dette vis--vis dun grand nombre de paystrangers. Dans la mesure o le flux dendettement nouveau dpassela demande spontane des non-rsidents du secteur priv pour les actifsamricains au taux dintrt fix par la politique montaire amricaine,les banques centrales des pays mergents absorbent le surplus sousforme dune augmentation des rserves de change, ce qui accrot laliquidit internationale et relance tout le processus. Plus le secteur privdoute de la stabilit du systme, cest--dire plus il craint les pertes quepourrait provoquer une baisse future du dollar, plus ce manque deconfiance doit tre compens par des interventions accrues desbanques centrales et plus la liquidit mondiale augmente. Ce processusna donc pas de force de rappel endogne. Il ne peut cesser que par unchangement de la politique amricaine ou par une transformation durgime de change linitiative des gouvernements des pays qui refuse-raient de continuer financer le dficit amricain.

    Quels que soient les facteurs qui dclencheront lajustement, laquestion se pose de la structure de lquilibre pargne-investissementmondial vers lequel cet ajustement va tendre. Sur cette question, les

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    discours des experts semblent assez arbitraires. Les argumentssopposent sur le rythme de lajustement vers une structure de finan-cement plus normale . Mais rien nest dit de rigoureux sur les

    caractristiques de cette structure. Les macroconomistes parlent dundficit soutenable de 3 % du PIB. Mais pourquoi les tats-Unis devraient-ils indfiniment tre en dficit?

    Rpondre la question de la structure financire associe unrgime de croissance viable pour la seconde globalisation est lambitiondu projet INGENUE. Selon toute vidence, cette approche ne peutprendre le point de vue dun seul pays, mme les tats-Unis : seule laperspective dun rgime de croissance mondiale est valable. Ce rgimedoit englober les traits les plus saillants dans les tendances de lco-

    nomie mondiale pour les cinquante prochaines annes. Ces tendancessont la transition dmographique et le rattrapage des pays mergentsde grande taille.

    Ce rgime de croissance aurait en commun avec la premire globa-lisation de rorienter les flux de capitaux des pays riches capitalismemr vers les zones dont le potentiel de dveloppement est lev. Mais,bien entendu, les conditions dmographiques sont compltement diff-rentes. Les exportations de capital des rgions riches et vieillissantesvers les pays abondantes ressources de main-duvre qualifierenverseront les flux actuels dpargne des rgions en dveloppementvers les tats-Unis. Ces flux de capital seront les vecteurs dun transfertintergnrationnel dpargne entre les mnages riches et vieillissants despays dvelopps et les populations qui aspirent au mode de viemoderne dans des conomies dj capitalistes.

    La conjecture dun rgime de croissance fond sur des forcesdmographiques et technologiques manant des pays qui disposent desplus vastes populations dans le monde modifiera sensiblement les inter-dpendances internationales. Contrairement la croissance extravertiequi caractrise la Chine dans la phase actuelle de son dveloppement,la taille et le dynamisme des populations dans les grandes puissancescontinentales mergentes seront les facteurs prpondrants dunecroissance autocentre dans lavenir, si les gouvernements de ces payssont convaincus dinvestir en infrastructures, sant et ducation. Cespays auront donc des besoins de capitaux normes, assortis duneforte rentabilit.

    Pas plus que ne ltait la premire globalisation sous ltalon or, unrgime de croissance mondiale ainsi rquilibr ne peut rsulter desseuls mcanismes de march. Comme on la montr, le systme du

    semi-talon dollar prennise une structure de financement exactementoppose celle qui conviendrait la meilleure utilisation des ressourcesproductives et la meilleure satisfaction des besoins dans le monde.Au lieu dorienter les transferts dpargne des pays population

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    vieillissante vers les pays mergents pour y financer la croissance de laconsommation, il polarise lpargne du reste du monde vers le finan-cement crdit de la consommation du pays le plus riche du monde.

    Une transition vers un rgime de croissance viable impliquerait doncdes changements structurels considrables dans les plus importantesrgions de lconomie mondiale.

    Parmi ces changements structurels, il y aura des transformations dansle systme montaire international. Ce que nous a appris lvocationdu systme de ltalon or, cest dabord quil ntait pas ncessaire quele pays metteur de la devise cl soit dficitaire pour fournir la liquiditinternationale. Cest aussi que le systme ne fonctionne bien que sil ya un partage accept des responsabilits dcoulant dune rgle

    commune. Ctait la convertibilit or dans le systme de ltalon or.Cest une condition indispensable pour que le pays qui est lmetteurde la devise cl nexploite pas sa position dominante son avantage.Quelle peut tre cette rgle commune notre poque qui a dj depuislongtemps coup toutes les amarres avec lor?

    Une premire approche consiste dire que cette institutionnalisationexiste dj sous la forme de lindpendance des banques centrales.Parce que le principe dindpendance stend dans le monde entier etparce que les banques centrales ont des objectifs compatibles destabilit des prix, il suffit que tous les pays adoptent des changesflexibles. Cela permet logiquement de respecter lautonomie politiquedes gouvernements sous la contrainte montaire de lindpendance desbanques centrales.

    Lexprience a montr cependant que, dans un univers financierglobalis, les taux de change taient soumis bien dautres forces queles diffrences de taux dinflation. Lindpendance des banques centralesnempche nullement les politiques conomiques discordantes dtresous le feu des jugements financiers sur les marchs de change. Commeles taux de change flexibles sont des prix dactifs financiers, ils sontsoumis tous les excs des anticipations, surtout si ceux-ci sontaliments par des politiques juges incompatibles au plan de la crois-sance, des finances publiques ou des rythmes dendettement. Un telrgime ne peut que conduire des fluctuations de change ponctuesde crises. En finance globalise, il en rsulte une instabilit financirequi peut tour tour miner la confiance en certaines monnaies etprovoquer des apprciations excessives dautres monnaies.

    Cest pourquoi les pays mergents ont une peur du flottement tout fait justifie. Tant que les risques de la flexibilit du change ne sont

    pas partags, cest--dire tant que les pays mergents sendettent exclu-sivement en dollars, les crises de change ont des effets relscatastrophiques sur leurs conomies. Cest pourquoi les preuves desannes 1990 les ont conduits au rgime de semi-talon dollar et la

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    recherche dexcdents extrieurs. Il est exclu de sortir de ce systmepar des politiques indpendantes assorties de changes flexibles queprconisent les aptres du libralisme financier.

    Une voie de sortie est lorganisation de zones montaires rgionalesdiverses, pas des unions montaires aussi contraignantes que la zoneeuro ni mme que lancien SME. Ces organisations rgionales doiventpermettre aux pays en croissance rapide de sendetter dans leur propremonnaie ou dans une devise internationale de la zone, tout en tantprotgs des changements intempestifs dhumeur des marchs par desarrangements montaires rgionaux (swaps rciproques ou mise encommun de devises dans un fonds rgional de stabilisation des changes).Cette capacit dendettement rsultera du dveloppement des marchsfinanciers nationaux, au premier chef en Asie.

    Si les forces de rquilibrage de la croissance mondiale conduisent organiser des espaces montaires rgionaux au-del de ce qua faitlEurope, il faudra bien garantir les fonctions collectives de la monnaieinternationale pour conserver une conomie mondiale ouverte et doncviter la confrontation de blocs montaires. Il faudra le faire sans lhg-monie du dollar. Le SMI entrera dans lre de la coresponsabilit.

    3. Un cadre analytique pour explorer le rgimede croissance mondialeParmi les diffrences essentielles entre les deux pisodes de globa-

    lisation, la dmographie apparat particulirement dterminante : ladiffrence de la premire mondialisation, les flux migratoires sont, aucours de la seconde, relativement faibles et naccompagnent pas lesexportations de capitaux; alors quau XIXe sicle, les puissanceseuropennes, et singulirement la Royaume-Uni, rgnaient sur des

    empires coloniaux somme toute peu peupls, la seconde moiti du XXesicle a vu la population mondiale augmenter massivement, et cetteaugmentation a t concentre dans le reste du monde, principalementen Asie et en Afrique, cest--dire dans les rgions les moins avancesconomiquement, tandis que les pays les plus dvelopps connaissaientun faible dynamisme dmographique et un vieillissement trs marqu,conjonction dune baisse sensible de la fcondit et dun allongementpersistant de lesprance de vie. Au dbut du XXIe sicle, prs de lamoiti de la population mondiale rside dans les rgions mergentes du monde, rgions la fois jeunes et en retard de dveloppement,

    tandis que les rgions riches les prcdent dans un processus de vieillis-sement, qui apparat comme ltape ultime de la transitiondmographique, entame en Europe ds le XVIIIe sicle et qui touche,successivement, toutes les rgions du monde, ds lors quelles

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    commencent bnficier des bienfaits de la croissance conomique.Mais comment les interactions entre ces grandes rgions du mondesont-elles susceptibles de sarticuler pour faire merger un nouveau

    rgime de croissance mondiale, en mesure de dpasser les dsqui-libres actuels, dont avons soulign le caractre insoutenable?

    Le modle INGENUE, dvelopp depuis plusieurs annes par unequipe de chercheurs de trois organismes franais de recherche enconomie 5, a prcisment pour ambition de fournir un cadre analy-tique global dans lequel il soit possible dexplorer les diffrents scnariosenvisageables trs long terme pour lconomie mondiale globalisedu XXIe sicle. Modle non montaire, il suppose rsolus les dsqui-libres conjoncturels et les problmes de rgulation montaire voqusdans la partie prcdente et prend en compte les principaux dtermi-nants structurels de la croissance conomique mondiale en sappuyantsur les enseignements de la thorie conomique en matire dchangesinternationaux, daccumulation patrimoniale, dinvestissement etdemploi. Parce quil vise explorer les volutions de long terme, ilsappuie sur une reprsentation dquilibre de lconomie mondiale,ignorant dlibrment les dsquilibres qui ne peuvent tre que tempo-raires pour concentrer lattention sur les tensions qui pourraient semanifester dans la poursuite de certaines tendances lourdes.

    3.1. Diachronie des transitions dmographiquesLintuition qui fonde cette analyse est profondment ricardienne :

    elle suppose les populations des grandes rgions du monde relativementpeu mobiles et explore lhypothse des transactions financires mutuel-lement avantageuses entre le Nord et le Sud : les pays du Nord , dont les populations sont riches et vieillissantes, ont unecapacit dpargne et daccumulation patrimoniale leve, mais despossibilits dinvestissement productif rentable chez eux relativementlimites, en raison du faible dynamisme de leur population active; lespays du Sud sont moins dvelopps mais leurs populations, plus

    jeunes et plus dynamiques (bien quayant, pour la plupart, dj entamleur transition dmographique) ont des capacits dpargne bienmoindres, mais font face des potentialits dinvestissement rentableplus importantes, du fait la fois de la loi des rendements dcroissants

    qui implique que le rendement marginal du capital sera plus levdans les pays o il est relativement plus rare et de la croissanceencore soutenue de leur population dge actif. Dans un monde carac-

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    5. La composition de lquipe INGENUE, qui regroupe, depuis 1999, des conomistes duCEPII, du CEPREMAP et de lOFCE, a vari dans le temps. Les membres actuels de lquipeINGENUE sont Michel Aglietta (CEPII), Michel Juillard (CEPREMAP), Gilles Le Garrec, Jacques LeCacheux et Vincent Touz (OFCE). Ont galement fait partie de lquipe, diverses tapes dellaboration de ces modles, Vladimir Borgy, Rgis Breton, Jean Chteau, Jacky Fayolle, CyrilleLacu et Bronka Repkowsky.

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    tris par lexistence de marchs financiers globaliss, donc dune fortemobilit internationale du capital, les flux financiers entre rgions duNord et du Sud permettent, trs classiquement, dexploiter ces possi-

    bilits de transactions intertemporelles mutuellement avantageusessans mobilit des personnes : pourvu que les conditions de stabilitconomique, montaire et financire sy prtent, les flux dinvestisse-ments trangers sont, dans ce monde, des substituts aux fluxmigratoires de main-duvre.

    Pour les besoins de cette analyse, le monde a t dcoup en dixgrandes rgions, constitues de pays dont la taille, dmographique etconomique, est trs disparate, mais dont les caractristiques dmo-conomiques sont relativement homognes : trois grandes zones

    dveloppes lAmrique du Nord, le Japon et lEurope de lOuest et sept autres grandes rgions, dont les conomies sont, plus oumoins, en retard de dveloppement conomique et dont les structuresdmographiques prsentent des similitudes qui nous ont paru suffisantespour justifier lagrgation lEurope de lEst, le monde russe , le monde chinois , le monde indien , le monde mditerranen ,lAmrique latine et lAfrique sub-saharienne 6.

    Bien que toutes affectes par des processus similaires de transitiondmographique et, pour la plupart dentre elles, de vieillissement despopulations, ces grandes rgions se distinguent nettement par des volu-tions diachroniques des structures de leurs populations : transition etvieillissement les touchent les unes aprs les autres, engendrant desvagues successives dans les proportions des diffrentes classes dge.Suivant les intuitions de lanalyse conomique, deux de ces classes dgenous intressent particulirement : dune part la population dge actifqui, moyennant une hypothse sur le taux demploi, engendre laquantit de main-duvre employe dans chaque rgion; dautre partla population en ge dpargner qui, une fois connue lvolution de sesrevenus, dcide de laccumulation du capital destin financer linves-tissement productif. Pour un tat donn des techniques de production,loffre de travail et la quantit de capital ncessaire lquipement deceux qui travaillent dterminent conjointement la production, donc lesrevenus des agents privs de la rgion; et dautre part, selon lhypo-thse de cycle de vie (Modigliani, 1987), ce sont les mnages dont lgeest compris entre 45 et 69 ans qui, disposant de revenus relativementlevs, nayant plus gure denfants charge et voyant approcher lgede la retraite, pargnent le plus.

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    6. La prcdente version du modle INGENUE partageait le monde en seulement six grandesrgions, dont la composition, notamment dun point de vue gographique, est apparue peu satis-faisante. La liste des pays constituant chacune des dix grandes rgions dINGENUE 2 est donnedans lannexe I. Le dcoupage nest, videmment, pas dpourvu dune part darbitraire et certainsregroupements pourront sans doute susciter des interrogations; mais les critres dmographiqueset conomiques retenus sont suffisamment explicites pour permettre de les justifier aux fins denotre analyse.

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    Or transition et vieillissement dmographiques ont pour effet demodifier progressivement la part de chacune de ces deux classes dgedans la population totale des diffrentes rgions. Alors quils augmen-

    taient partout des rythmes relativement soutenus dans la secondemoiti du sicle prcdent, les effectifs des populations dge actifconnatront, au cours de la premire moiti du XXIe sicle, des volu-tions trs contrastes. Parce quelles sont dj trs avances dans leprocessus de vieillissement, les rgions riches et plus encore le monde russe ont des populations dge actif faiblement crois-santes, voire dj dclinantes dans un certain nombre de pays, et cephnomne ira saggravant dans les dcennies venir, tandis que lestranches dge actif dans les rgions mergentes sont encore enaugmentation, mais devraient bientt dcliner ( partir de 2025 en

    Chine) et que celles des rgions les moins dveloppes connaissentencore, et connatront dans les prochaines dcennies, des taux de crois-sance positifs qui, dans le cas de lAfrique sub-saharienne, flchissent peine lhorizon dun demi-sicle (graphique 1).

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    1. Taux de croissance annuel de la population dge actifdans les grandes rgions, 1960-2050

    En %

    -2,0

    -1,0

    0,0

    1,0

    2,0

    3,0

    4,0

    1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050

    N. America W. Europe Japan S. America Mediterranean

    Africa Russia China India E. Europe

    Source : Calculs de lquipe INGENUE partir des donnes et projections dmographiques de lONU.

    Quant aux effectifs des tranches dge correspondant au potentieldpargne le plus lev, ils voluent au rythme des dformations des

    structures dmographiques engendres par le vieillissement, lui-mmediachronique : dans les rgions riches, mais aussi en Europe de lEst,dans le monde russe et, dans une moindre mesure, en Chine,rgions ayant dj entam, parfois de longue date, leur processus de

    Amr. Nord

    Afrique Russie Chine Inde Europe Est

    Europe Ouest Japon Amr. Sud Mditerrane

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    vieillissement, o gnralement ont t observes des squences detype baby-boom/baby-bust, la proportion de ces tranches dge dans lapopulation totale passe par un maximum avant de dcrotre, tandis que

    dans les autres rgions du monde, cette proportion, bien plus faible audpart, connat une croissance plus rgulire et qui se poursuit au-delde 2050 (graphique 2). On doit donc sattendre ce que, toutes chosesgales par ailleurs, les taux dpargne nationaux prsentent des profilssemblables ceux de ces proportions, avec des pics, dj passs,comme au Japon, ou sur le point dtre atteints, comme en Amriquedu Nord ou en Europe de lOuest; au contraire, dans les rgions enretard de dveloppement et populations encore jeunes, les tauxdpargne devraient tre bien plus bas et avoir, au moins jusquau milieudu XXIe sicle, une tendance croissante.

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    2. Part des cohortes fort potentiel dpargne dans la populationdes grandes rgions, 1960-2050

    5

    10

    15

    20

    25

    30

    35

    40

    1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050

    N. America W. Europe Japan S. America Mediterranean

    Africa Russia China India E. Europe

    Source : Calculs de lquipe INGENUE partir des donnes et projections dmographiques de lONU.

    La conjecture qui sous-tend la modlisation retenue dans le projetINGENUE apparat clairement lorsque lon rapproche ces deuxgraphiques et que se manifestent pleinement les dcalages temporelsentre besoins dinvestissement et potentiels dpargne des diffrentesrgions du monde : alors que le dynamisme dmographique fait queles besoins dinvestissement sont largement plus importants dans les

    rgions du Sud, les potentiels dpargne devraient, du moins pendantles premires dcennies du XXIe sicle, tre principalement concentrsdans les rgions riches et vieillissantes du Nord. Do les opportunitsde transferts financiers cest--dire dchanges intertemporels

    Amr. Nord

    Afrique Russie Chine Inde Europe Est

    Europe Ouest Japon Amr. Sud Mditerrane

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    mutuellement avantageux : les populations dge actif du Sud,nombreuses, bnficient ainsi dun meilleur quipement, donc deproductivits et de salaires plus levs quen autarcie o elles devraient

    se contenter dun stock de capital productif plus faible, avec un taux derendement plus lev; les populations plus ges du Nord profitent duntaux de rendement sur leur patrimoine plus lev que celui dont ellesdevraient se contenter en autarcie, car leur patrimoine devrait quiperdes populations dge actif peu nombreuses et serait donc moinsrentable. Si les conditions deviennent favorables la poursuite de telschanges, un rgime de croissance mondiale quilibre est susceptibledmerger, dans lequel des soldes de balances courantes polarisspeuvent durablement soutenir des flux f inanciers transfrant des capitauxdu Nord, riche et vieillissant, vers le Sud, moins dvelopp et plus jeune.

    Ces transferts financiers, qui ont la nature dinvestissements directstrangers, apparaissent alors clairement comme des substituts aux migra-tions internationales qui, en leur absence, seraient ncessaires ltablissement dun quilibre mondial.

    3.2. La structure du modle INGENUE 2Lanalyse conomique propose, pour tudier ces interactions entre

    volutions dmographiques et activit conomique, un cadre analy-

    tique simple que nous avons choisi pour structurer notrereprsentation de lconomie mondiale : le modle dquilibre gnralcalculable gnrations imbriques (MEGC-GI). Ce cadre, suffi-samment flexible pour permettre dy inclure une grande varitdhypothses sur les processus de production et les technologies,sappuie sur lhypothse de cycle de vie, qui, formule par Modigliani 7,fait dpendre laccumulation patrimoniale des agents privs des volu-tions futures anticipes de leurs revenus et des besoins de financementanticips dcoulant de leurs souhaits de consommation future etde leur ventuel dsir de lguer un patrimoine leurs descendants.

    Trs largement utiliss dans le contexte de la macroconomie fermepour analyser les dterminants dmo-conomiques de lpargne et delactivit dans le cadre dun seul pays la suite de lanalyse pionnirede Auerbach et Kotlikoff (1987) , les MEGC-GI nont t adoptsdans la macroconomie internationale que relativement rcemment,notamment linitiative de Obstfeld et Rogoff (1998). Sinspirant deces travaux, notre reprsentation de lconomie mondiale est, notreconnaissance, la premire 8 pouvoir simuler, sur la base de projec-

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    7. Pour une prsentation synthtique de lhypothse de cycle de vie et de ses divers dve-loppements et implications par celui qui en a t le principal inventeur, voir la confrence Nobelde Modigliani (1987).

    8. Dans une tude explorant les interactions entre volutions dmographiques et activitconomique, le FMI (2004) sappuie largement sur les conclusions de la premire version dumodle INGENUE. Dautres travaux ont cherch analyser ces interactions, mais toujours dans

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    tions dmographiques des populations des diffrentes rgions dumonde, les sentiers de croissance de ces grandes rgions, ainsi que lesvolutions de leurs soldes de balances courantes, des taux de change

    rels et des taux dintrt, sur des priodes de plusieurs dcennies.Dans chacune de ces rgions, une population, suppose internatio-

    nalement immobile et voluant dans le temps selon un processusexogne cal sur les projections dmographiques de lONU, estengage dans des activits productives, laide dun stock de capitalinvesti localement, consomme et pargne, investissant le patrimoineainsi accumul en partie dans la rgion de rsidence et en partie dansles autres rgions du monde. Le modle dtermine ainsi de manireendogne linvestissement de chaque rgion, les productions et les tauxde change rels rgionaux, et les flux dchanges de biens et de capitauxentre rgions.

    3.2.1. Les mnages : offre de travail, consommation et pargneDans chacune des rgions, la population locale est compose dune

    succession de cohortes dindividus qui naissent, sont dabord des enfantsdpendant de leurs parents, atteignent lge actif et entrent sur le marchdu travail, peroivent alors un salaire, consomment et pargnent, ont leur tour des enfants qui consomment avec eux, puis se retirent de lavie active pour leur retraite, percevant alors une pension du systmepublic de retraite par rpartition et dcumulant une partie de leur patri-moine pour financer leur consommation, enfin dcdent en lguant leurs descendants un patrimoine. Il sagit du module dmographiquedINGENUE, qui engendre une population mondiale en tous pointssemblable celle que dcrivent les statistiques dmographiques delONU et ses projections, qui sont ensuite prolonges par projection

    jusqu la fin du XXIe sicle de manire stabiliser la population mondialepar la suite. chaque priode dune dure de cinq ans , treizegnrations adultes sont prsentes dans chaque rgion : les plus jeunes

    enfantent, le nombre et les dates de naissance de leur progniture tantconformes aux comportements de fcondit dcrits dans les donnesdmographiques de lONU et ses projections; tandis que les enfantsgrandissent, ils sont la charge de leurs parents jusqu leur ge adulte,aprs quoi les parents peuvent consommer et pargner davantage,nayant, jusqu leur dpart la retraite, pas dautres charges queux-mmes. Lge du dcs des membres de chaque cohorte est, enprobabilit, lesprance de vie correspondante dans les donnesdmographiques, de sorte que, sil nexiste dans ce modle aucune incer-titude macroconomique, chacun est bien confront une incertitude

    individuelle sur la date de sa propre mort.

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    183Revue de lOFCE 102

    un cadre qui nous semble inadquat, soit parce quil se limite aux pays de lOCDE, soit parceque la reprsentation de la dmographie ne permet pas de tenir bien compte du vieillissement.Pour une argumentation plus dtaille, voir quipe INGENUE (2002 et 2006a).

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    La population dge actif offre son travail en quantit exogne, letaux demploi de chaque cohorte tant, lui aussi, calibr sur lesdonnes disponibles pour les priodes passes, et voluant selon des

    hypothses galement exognes pour les priodes futures, ce quipermet de construire des scnarios dactivit dans les diffrentesrgions du monde. Bnficiant dun revenu dactivit pendant leur vieactive, revenu dtermin sur le march du travail de chaque rgionpar la confrontation de cette offre de travail, exogne, avec la demandelocale de travail manant des entreprises installes dans la rgion(cf. infra), les adultes doivent dcider de laffectation de ce revenu entreconsommation ventuellement augmente du cot de celle desenfants, suppose proportionnelle celle de leurs parents etpargne. Ils accumulent ainsi un patrimoine, plac en actions des entre-

    prises locales ou des entreprises installes dans les autres rgions. compter de leur dpart la retraite dont lge est fix de manireexogne, diffre selon les rgions et peut tre modifi dans desscnarios de rforme des rgimes de retraite , les individus dspar-gnent progressivement pour financer leur consommation, mmelorsquils bnficient dune pension du systme public de retraite parrpartition, et dcumulent ainsi leur patrimoine un rythme tel quilsen laisseront, leur mort, une fraction leurs hritiers, fraction qui,en esprance mathmatique, est gale ce quils souhaitaient lguer.pargne nationale, patrimoine national et consommation nationale

    sont, ds lors, les sommes respectivement des pargnes (etdspargnes) individuelles des agents rsidents, des patrimoines indivi-duels et des consommations individuelles.

    3.2.2. Le secteur public : une caisse de retraite par rpartition

    Avant de dcrire le secteur productif du modle, dans lequel semanifestent les hypothses centrales qui dfinissent le rgime de crois-sance mondiale, il convient de prciser la nature trs sommaire dela reprsentation des secteurs publics rgionaux dans ce modle.Puisque lobjectif premier de cet exercice est lanalyse des interactionsentre dmographie et conomie et des sentiers de croissance,rgionaux et mondial, qui en rsultent selon diffrents scnarios, lesecteur public est, dans chaque rgion, rduit sa plus sommaireexpression : cest une caisse, dont les comptes sont quilibrs priodepar priode, qui prlve des cotisations sur les salaires des actifs de largion et verse des pensions de retraite, mais qui peuvent galementtre interprtes comme incluant des dpenses publiques de sant. Lacondition dquilibre budgtaire implique que lun des taux qui carac-

    trise lactivit redistributive de la caisse de retraite par rpartition, letaux de cotisation ou le taux de remplacement des pensions, soitendogne, lautre tant dtermin par choix politique.

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    3.2.3. Les entreprises : technologie, demande de travail,investissement et production

    Dans chacune des rgions, les entreprises locales, oprant sur desmarchs parfaitement concurrentiels, combinent de la main-duvrelocale, pleinement employe, avec du capital, pour produire, selon unetechnologie spcifique la rgion et reprsente par une fonction deproduction Cobb-Douglas facteurs substituables, un bien interm-diaire, changeable, qui, combin sans cot au bien mondial import,selon une technologie CES 9, fournit le bien final utilis localement pourla consommation des mnages et pour linvestissement des entreprises.La technologie de production du bien mondial est, elle aussi, unefonction de production de type CES.

    3.2.4. Diffusion technologique et rattrapages rgionaux

    La technologie utilise par les entreprises implantes dans chaquergion est spcifique et dtermine le niveau de productivit globale desfacteurs de production utiliss, capital et main-duvre. Conformment lhypothse de croissance exogne de type noclassique , cetteproductivit globale des facteurs volue dans le temps selon unprocessus dterministe : dans la rgion leader, que nous supposons

    tre lAmrique du Nord, ce progrs technique augmente la produc-tivit globale des facteurs au rythme, exogne et suppos invariant, de1,1 % lan. Le progrs technique se diffuse au reste du monde selondes lois de diffusion spcifiques chaque rgion, qui dterminent lerythme de son rattrapage de lconomie-leader; les paramtres de cetteloi de diffusion (cf. infra) peuvent tre choisis de manire telle que lerattrapage de la rgion considre soit plus ou moins rapide, ce quipermet dexplorer diffrents scnarios dans lesquels des rythmes decroissance diffrents des rgions mergentes Chine et Inde,notamment engendrent, par leurs consquences systmiques sur

    lensemble des quilibres conomiques mondiaux, des sentiers de crois-sance diffrents dans les autres rgions du monde. Dans le scnario derfrence du modle INGENUE 2, lEurope de lOuest, le Japon, laChine, lInde et lAmrique latine sont supposes rattraper, plus oumoins rapidement, lAmrique du Nord, tandis que les autres rgions(Europe de lEst, Monde russe, Monde mditerranen, Afrique subsa-harienne) sont censes avoir pour leader lEurope de lOuest.

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    9. Cette structure de production nexistait pas dans INGENUE 1, qui navait quun seul bien,identique partout et parfaitement changeable, donc pas de prix relatifs des biens et pas de tauxde change rels. La structure choisie dans INGENUE 2 peut paratre complexe et quelque peuartificielle, mais elle permet dintroduire des prix relatifs de biens, cest--dire des taux de changerels, sans avoir supposer que certains biens sont non changeables, ce qui est empiriquementdlicat et, de surcrot, particulirement arbitraire sagissant dune analyse de trs long terme.Lhypothse faite ici est emprunte Backus, Kehoe et Kydland (1995).

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    La spcification de ce processus de diffusion technologique est lasuivante : A1,t est le niveau de la productivit globale des facteurs dansla rgion la plus avance (Amrique du Nord), niveau qui crot au

    rythme, exogne, g de 1,1 % lan, si bien que A1,t = (1 + g) A1,t-1 ; ladiffusion du progrs technique vers les entreprises de la zone i estdonne par lquation :

    Le rythme de croissance de la productivit globale des facteurs dela rgion i est dautant plus lev que lcart de niveau la rgion leaderest grand, mais deux paramtres permettent de moduler ce rattrapage :

    , qui est un acclrateur de diffusion, et qui, au contraire, fonctionnecomme un frein de lincorporation du progrs technique dans le secteurproductif de la rgion considre. Faire varier lun ou lautre de cesdeux paramtres permet donc de construire des scnarios alternatifsde rattrapage des diffrentes rgions du monde.

    3.2.5. quilibres des marchs, mondiaux et rgionaux, et quilibre gnralINGENUE tant un modle sans monnaie, lun des biens en

    loccurrence, le bien intermdiaire produit en Amrique du Nord

    est choisi comme numraire, de sorte que tous les prix et salaires sontexprims en termes de ce bien, les prix relatifs pouvant ds lors treinterprts comme des taux de change rels, ou des termes delchange. Tous ces prix et salaires sont dtermins de faon endognepar les conditions de lquilibre gnral sur lensemble des marchs, laloi de Walras nous permettant domettre la condition dquilibre surle march mondial des biens imports.

    Dans chaque rgion, loffre de travail locale est gale la demandede travail manant des entreprises installes dans la rgion, la conditiondquilibre dterminant de manire endogne le taux de salaire relrgional. De mme, loffre de bien final rgional est gale la demandede ce bien, ce qui en dtermine le prix relatif (en termes de numraire),galement taux de change rel de la rgion considre par rapport lAmrique du Nord.

    En ce qui concerne le march du capital, lquilibre dtermine letaux dintrt rel mondial, ou plus exactement de taux de rendementrel net (de la dprciation) de lunique actif financier du modle, quiest de type action, titre de proprit sur le capital productif des entre-prises, chang sur un march o se confrontent les fruits de

    laccumulation patrimoniale des mnages des diffrentes rgions et lesdemandes de financement manant des entreprises. Afin de concilierlhypothse, cruciale pour notre propos, de globalisation financire avecle constat dune mobilit imparfaite des capitaux entre rgions, la repr-

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    sentation du fonctionnement de ce march dans le modle INGENUEest la suivante : il existe un march mondial du capital, sur lequel loffreest gale la somme de toutes les pargnes accumules de lensemble

    des mnages de la plante; mais, ct demande, les entreprises dechaque rgion, bien quelles puissent puiser librement dans cette offremondiale, sont confrontes un cot du capital spcifique la rgion,som